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La Wikipédisation de l’Architecture La place de l’Architecte dans la Nouvelle Révolution Industrielle

Mémoire de fin de licence, LAGARDE Valentin professeur référent, DALBERA Didier



La Wikipédisation de l’Architecture La place de l’Architecte dans la Nouvelle Révolution Industrielle

Mémoire de fin de licence de LAGARDE Valentin, Juin 2017

ENSA MARSEILLE

sous la direction de DALBERA Didier



Remerciements

Je tiens à remercier mon professeur référent Didier DALBERAT pour ses conseils, ses rendez-vous hebdomadaires et les longues dicussions très instructives et constructives. Je remercie également les autres élèves du groupe pour l’émulation qui s’est créée et qui m’a aidéhu à progresser dans la production. Et plus largement je remercie tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ce mémoire.

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SOMMAIRE


Préambule ....................................................................................................p.9 Introduction .................................................................................................p.11 I. Historique du savoir constructif ................................................................p.15 Le vernaculaire ....................................................................................................p.17 Les Révolutions industrielles ............................................................................ p.19 L’époque moderne ...............................................................................................p.22 II. La wikipédisation ....................................................................................p.27 L’ère numérique ...................................................................................................p.29 L’autoconstruction...............................................................................................p.32 L’autoconception..................................................................................................p.39 III. La place de l’architecte ............................................................................p.49 Les autoconstructeurs.........................................................................................p.51 Le rôle de l’architecte aujourd’hui..................................................................... p.54 Le rôle de l’architecte dans l’ère numérique......................................................p.57 Conclusion ..................................................................................................p.65 Table des illustrations...................................................................................p.71

Bibliographie ...............................................................................................p.72



Préambule

La place de l’architecte dans l’autoconstruction

J’ai choisi ce sujet en premier lieu parce que je m’interroge sur le métier d’architecte. A l’école, mais aussi dans les revues d’architecture on entend constamment que ce métier est en mutation. Avec ce sujet je souhaite définir la fonction de l’architecte et approcher un domaine d’exercice un peu alternatif. L’autoconstruction m’interesse parce que cela me semble être un sujet d’actualité qui est parfois sous estimé. Ca n’est pas tant les nouvelles technologies comme l’imprimante 3D qui pour moi influencent l’autoconstruction, mais la «wikipédisation» du monde. Tout est disponible sur internet, et par conséquent les savoirs liés à l’autoconstruction sont accessibles à tout le monde et chacun peut donc apprendre comment bâtir sa maison. Définir et trouver ce que l’architecte peut apporter alors que les savoirs sont accessibles à tous est mon objectif et peut m’aider à appréhender ce qu’est le métier d’architecte. La notion d’économie est aussi très présente quand on s’intéresse à l’auto-construction, et je pense 9


que cette question est plus que jamais d’actualité. La soutenabilité,qui elle aussi est destinée à s’imposer de plus en plus dans le futur, m’interesse également parce que c’est une préoccupation contemporaine Les enjeux et les contraintes qui s’appliquent à l’autoconstruction participent à l’élaboration du projet. Certaines questions comme le réemploi de matériaux, la soutenabilité, l’économie ou la manutention des matériaux deviennent prépondérantes et ce sont autant de défis à relever pendant la phase de conception et d’exécution. Le rôle de l’architecte si situe peut être dans la compréhension, la prise en compte et l’organisation de ces enjeux.

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Introduction

Ce mémoire traite du numérique et de l’autoconstruction, et plus précisément du rôle que l’architecte peut jouer dans l’essor de ce type de constructions. L’acte de bâtir nécessite des connaissances qui pendant une période de l’histoire ont été confisquées aux individus. La société de consommation entraînée par la construction à la chaîne et la normalisation a produit distance entre l’usager, le concepteur et le fabricant. Dans le bâtiment, les professionnels de la construction ont pris le pouvoir au détriment de l’usager qui doit se conformer à ce qu’on lui impose. Aujourd’hui, la nouvelle ère numérique permet aux usagers et aux individus d’accéder aux savoirs qui ne sont plus la propriété exclusive des professionnels. De nouveaux outils apparaissent pour remplacer certains savoir faire manuels. Tout le monde a accès au savoir. Sur internet les connaissances circulent de manière transversale entre les individus et sont la propriété de tous, les gens partagent leurs expériences et s entraident. En cela, on peut voir un retour aux valeurs préindustrielles, ou le partage, la démocratisation et la communication ont une place centrale. En terme d’architecture, ces valeurs peuvent être associées à celles qui guident et guidaient l’architecture vernaculaire des communautés. 11


Un nouvel état d’esprit accompagne cette nouvelle révolution industrielle. Les makers sont de plus en plus nombreux. En anglais, To make signifie faire. Ce sont les personnes qui décident de faire les choses par eux mêmes, de bricoler, inventer, expérimenter et ne plus être passifs face au consumérisme. Ces communautés rassemblent des «autoconstructeurs» au sens large du terme: des gens qui fabriquent par eux mêmes. Le triptyque concepteur, usager et fabricant retrouve ainsi une situation où les relations sont rapprochées. Les interactions sont importantes au niveau des idées, mais aussi des réalisations. Les nouveaux outils permettent aujourd’hui de partager les objets et les design entre les personnes. On assiste donc à une wikipediation de l’architecture, ou les savoirs et savoirs faires sont accessibles à tous. A la manière du titre éponyme, chaque individu a accès à une réserve presque sans limite de toute la connaissance et le génie humain. Dans le domaine de la maison individuelle, les architectes étaient jusqu alors les dépositaires de la synthèse des connaissances de la construction. La question est donc de savoir quelle est la place de l’architecte une fois «dépouillé» de l’exclusivité de ses savoirs. Le métier d architecte peutil s’adapter à cette ère nouvelle, ou va t il disparaître ? L’architecte possède-t’il une valeur ajoutée à apporter aux individus au delà de ses savoirs techniques? Pourquoi y a t’il une faible représentation de la profession pour ce type de constructions et comment peut évoluer son rôle pour s’adapter à cette nouvelle ère ? L’architecte était le détenteur des savoirs, mais aujourd’hui ils sont accessibles à tous, a t’il donc un vrai rôle à jouer, une valeur ajoutée à apporter ? Le point central de ces interrogations est la connaissance, et dans un premier temps il est important de comprendre l’évolution de la transmission des savoirs constructifs au cours des différentes périodes de l’histoire. La période actuelle marque une rupture mais aussi un retour à ce qui se faisait avant.

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Définir et comprendre cette nouvelle ère au delà du simple champ de l’architecture est nécessaire pour ensuite pouvoir comprendre si la profession peut évoluer pour continuer dans le domaine de la maison individuelle. Il faut mettre en lumière la valeur ajoutée de l’architecte pour expliquer la place qu’il pourra tenir dans la période actuelle et future. Sans doute un rôle plus effacé et social. Le travail de documentation qui traite de l’autoconstruction existe déjà, mais ces ouvrages sont très techniques et peu théoriques. Dans la littérature non architecturale, l’explication de cette nouvelle période et des changements qu’elle entraîne commence à se développer. L’originalité de ce travail réside dans l’explication du rôle de l’architecte confronté à ce nouveau monde, à ces nouveaux acteurs, ainsi que les nouveaux moyens dont ils disposent.

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I. Historique du savoir constructif



Le vernaculaire

Pendant la plus grande partie de l’histoire, l’architecture des habitats est une architecture spontanée. Ils sont construits par les habitants eux-mêmes, sans être confiés à des experts ou des professionnels. Cette architecture est appelée architecture vernaculaire. Bernard Rudofsky1, dans l’architecture sans architecte l’oppose à l’architecture des experts. Vernaculaire signifie que la construction est faite à partir de matériaux locaux et qu’elle est réalisée avec les mains des usagers. Les habitats synthétisent la plupart des éléments spécifiques d’un territoire avec les réponses climatiques, topographiques, socioéconomiques, culturelles et techniques qui sont apportées. Aussi appelée architecture mineure, elle est une manifestation concrète des cultures en interaction avec leur environnement. L’adaptation des habitants à leur milieu est le résultat de la longue expérience des communautés sur leur milieu, ils apprennent à tirer le meilleur parti des matériaux à disposition, et mettent en place des stratagèmes ingénieux pour améliorer leurs conditions de vie. L’architecture vernaculaire naît de l’usage et du vécu contrairement à l’architecture des architectes, on peut dire qu’elle est construite avec plus de vérité. (1) 1977, introduction 17


Le génie constructif est propre à chaque communauté, car au fil de l’Histoire, si au sein d’un même groupe le savoir circule et est accessible à tous, ces communautés n’échangeaient pas beaucoup, et ce savoir est resté propre à chacune. L’habitat est ainsi un véritable marqueur culturel et historique. Ce savoir constructif est hérité par chaque peuple du vécu des générations passées. Il est partagé par l’ensemble de la population de façon transversale, il est accessible à tous. Le constructeur, l’usager et le concepteur sont souvent une seule et même personne. Dans les situations où ça n’est pas le cas, les détenteurs de ces trois rôles possèdent de fortes interactions et l’adaptabilité de l’habitat est favorisée. Selon John May2, c’est l’architecture des gens, conçue par les communautés et les familles ainsi que les autoconstructeurs. En faisant une analogie avec la linguistique, on peut comparer le langage architectural avec le langage formel d’une élite éduquée, et l’architecture vernaculaire avec le langage courant, instinctif et partagé par le plus grand nombre.

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(2) Handmade Houses & other Buildings, The world of vernacular architecture, 2010 p.42


Les Révolutions Industrielles

Les révolutions industrielles sont un moment de bascule pour la pensée constructive. La première révolution industrielle survient au milieu du XIXeme siècle. Elle est caractérisée par l’invention de l’énergie produite par la vapeur qui entraîne l’apparition de la mécanique. Cette période est également marquée par les théories hygiénistes. Les villes sont insalubres et il faut les étendre hors les murs. La population explose et de nombreuses constructions et actions d’assainissement vont avoir lieu. A Paris, le préfet Rambuteau initie les travaux de transformation de la ville que Haussmann va dessiner. La ville sera profondément renouvelée. Cette opération va favoriser la spéculation foncière, et pour construire les bâtiments d’habitations emblématiques de l’époque on assiste à l’apparition des promoteurs immobiliers. Jusque là, la grande majorité des habitations étaient construites par les habitants qui maîtrisent les techniques de construction. Ces phénomènes de spéculation et de planification font que le vernaculaire qui était la norme est mis à la marge.

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On passe alors d’une connaissance partagée à une connaissance fragmentée. Le concepteur et le constructeur de l’habitat n’ont pas de relations avec l’usager. Les usagers arrivent après l’édification du bâtiment, ils n’ont aucune interaction avec les différents acteurs qui ont mis en place leur cadre de vie. La classe ouvrière est arrivée avec cette révolution industrielle. Certaines expérimentations de logements ont lieu à cette époque pour loger ces ouvriers à proximité des lieux de production, mais aussi pour leur donner des conditions de vie décentes. Il y a par exemple la mise en place des familistères. C’est à eux de s’adapter aux conditions qui leur sont fournies. (A noter que dans ce cas précis elles sont bien meilleures que ce qu’ils auraient connu sinon). Les habitants ne connaissent pas les techniques de fabrication de leur logement. La seconde révolution industrielle à la fin du XIXeme siècle et au début du XXème marque le début de la construction en série. Des usines sortent des objets tous identiques par millions, les machines font toujours les mêmes mouvements pour reproduire invariablement ces clones. Les classes moyennes quittent les campagnes pour s’installer en ville. Des lotissements sont mis en place dans les périphéries des villes et on assiste à une standardisation des logements où peu de place est laissée à l’individualisation pour différencier ces maisons presque produites à la chaîne. Les usagers n’ont que peu d’influence sur leur logement final et le savoir constructif ne leur est plus nécessaire. La rationalisation et le fonctionnalisme qui sont les maîtres mots de l’industrialisation se retrouvent et influencent la production des habitats.

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La modernité

L’évolution de la professionalisation de la construction des logements continue avec le monde moderne. Les techniques de construction sont totalement adaptées à ce nouvel idéal de rationalité. L’usage du vernaculaire se délite, au point que dans certaines parties du monde on l’oublie. Il y a la perte du savoir faire des personnes qui ne se transmet plus de génération en génération. Seuls les professionnels ont accès à ce savoir, et les techniques ancestrales ont évoluées au profit des méthodes de construction plus standardisées et plus rationnelles dues à cette époque de grande consommation. Une attitude symptomatique est le fait que, au delà de ne plus savoir faire, les gens oublient même de se demander dans un premier temps s’ils sont capables de faire. La première chose qui leur vient à l’esprit c’est de se demander combien ça va leur coûter. Nous avons oublié que notre travail est fait pour réaliser nos désirs et besoins. Dans cette société de la consommation, on se définit tous selon ce que l’on achète ou ce que l’on gagne. Cela nous rend passifs: on attend

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des autres qu’ils fassent les choses pour nous pour ensuite leur acheter. D’autres fabriquent les choses pour nous, ce qui nous laisse insatisfaits ou frustrés. A force, on se soumet à ce qui nous est imposé et l’on oublie ce que l’on veut individuellement. C’est un peu ce qui arrive avec les habitations proposées par les promoteurs. Les relations entre le concepteur, le fabricant et l’utilisateur sont à cette époque les plus distendues possibles. Une chose illustre bien cela dans le monde des objets: le concepteur envoie la conception du produit s’effectuer à l’autre bout du monde, pour ensuite traverser une seconde fois la planète pour être distribuée pour les consommateurs des pays développés. Cette pensée constructive n’est pas du tout locale, et entraîne évidemment un phénomène de pollution. Pour Jean Marc Huygen3, l’invention de la poubelle est représentative de cette époque. On consomme et on jette. On ne se préoccupe pas des matériaux qui nous entourent, on achète ce qui vient de loin et on s’en débarrasse. Le mode de pensée s’individualise, l’entraide disparaît des villes et peu à peu des villages, ce qui est un autre facteur de la non transmission des savoirs. Les seuls actes constructifs des personnes deviennent le bricolage. Le fait de construire et d’édifier bloque la plupart des gens (75% en 20004) et les actes qu’ils n’hésitent pas à faire eux même pour améliorer leur cadre de vie sont des actes de second oeuvre, des travaux manuels peu compliqués.

relations dans le vernaculaire

relations dans le monde moderne

(4) Sondage Ifop-Castorama 1999, F.Béranger, Habitat(s),2000 p.207 23





II. La WikipĂŠdisation



L’ère numérique

Cette nouvelle époque démarre avec ce que certains comme Chris Anderson5 appellent la révolution numérique, ou la nouvelle révolution industrielle. On ne parle pas de «troisième révolution industrielle» , qui a été théorisée par l’économiste J.Rifkin6 et celle-ci ne parle pas uniquement du monde numérique en tant que tel, mais des nouvelles énergies. On parle également de la période du sacre de l’amateur. Cette nouvelle ère donc, est caractérisée par les nouvelles possibilités apportées par les innovations technologiques issues du numérique. Cette révolution n’entraîne pas plus de monde à travailler dans des industries, mais plutôt ce sont les gens qui ont un accès facilité aux équipements des usines. Cette révolution est une révolution des outils, mais surtout des modes de communication qui entraînent un nouvel état d’esprit. Les consommateurs se muent en «prosumers» qui est un terme anglais, souvent traduit en français par «prosommateurs». C’est la contraction de producteurs et consommateurs. Cela signifie que l on passe de consommateurs passifs à des «makers actifs» ou, au minimum à un consommateur intelligent. (5) D.Dougherty, Free to Make, 2016, introduction (6) Interview dans le film de D.Grimblat, Global Partage, 2013

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Le nouvel individu de cette époque n’hésite pas à expérimenter grâce à la démocratisation des outils, depuis celle de l’ordinateur personnel qui a vraiment lancé le mouvement. Ils se fabriquent leur propre expérience qu’ils partagent ensuite aux autres pour leur donner les moyens de faire à leur tour. C’est le temps de la confluence entre la démocratisation du savoir et la démocratisation de la technologie. A.Savage7 le montre bien : «ce qui nous distingue en tant qu’être humains est notre capacité à faire des outils et à raconter des histoires». En ce sens, on peut voir un retour à l’esprit vernaculaire, à l’origine même de l’homo sapiens en quelque sorte. C’est l’individu qui crée lui même à force d’expérimentations avec ses outils, et il partage ses réussites et échecs avec les autres individus pour les aider. Cela enrichit le savoir de leur communauté. Tout le monde a accès aux connaissances et aux outils, il n’est plus dépendant de ceux qui savent et savent faire. Il ne subit plus. Quand la société de consommation est devenue le modèle de société en vigueur, fabriquer et “bidouiller” avec ses mains est devenu «underground» et existait surtout dans les cultures alternatives. Pour ce qui concerne les habitations, il y a eu (et il existe toujours) le phénomène des villages libertaires par exemple. Le début du monde numérique a ensuite émergé et ce qui a fait la bascule est l’arrivée de l’ordinateur personnel. A partir de là, les amateurs ont accès et peuvent faire ce qu’ auparavant seulement des professionnels entraînés et équipés pouvaient faire. Internet a accentué ce phénomène et est le moteur de la nouvelle révolution industrielle. C’est un véritable self service où le hacking est devenu une vraie plus-value intellectuelle. Le terme hacker signifie originellement quelqu’un de débrouillard, futé. Le Web est à l’origine de la renaissance de la culture du DIY (Do It Yourself) et du bricolage, du fait de réaliser des choses soimême, et on pourrait dire également à l’origine du retour d’une certaine pensée vernaculaire. Le groupe autrichien Haus-Rucker-Co dans les années 1970 avec son projet Pneumocosm font un acte qui peut être considéré comme du hacking architectural. Ils ajoutent des “verrues” en PVC qui viennent s’implanter sur les façades classiques et jaillissent des fenêtres. De véritables unités d’habitations “prêtres à brancher” viennent faire une extension sauvage en dehors des règles établies et des usages. (7) D.Dougherty, Free to Make, 2016 qui relate un discours du coauteur de la série télévisée Mythbusters au Maker Faire de Bay Area p.2 30


On retrouve une bulle suspendue à dix mètres du sol qui est un oasis au dessus de la rue. Dans un de leurs projets ils placent deux palmiers à l’intérieur d’une bulle de huit mètres de diamètres avec un hamac pendu entre les deux. Les principaux acteurs de cette révolution sont les makers. Le terme provient de la revue qui leur est destinée créée par Chris Anderson et Dale Dougherty. Ce terme regroupe les créateurs, inventeurs, bricoleurs, ingénieurs, constructeurs, artistes et toutes les personnes qui «font» des choses. Ce sont des personnes qui «regardent la technologie comme une invitation à concevoir autour de la technologie, sous sa définition la plus inclusive, c’est à dire toute chose ou technique qu’on apprend et explore»8. Ces personnes sont des amateurs. La racine latine du mot amateur est amare qui signifie aimer. Cela met en perspective l’état d’esprit de ces amateurs qui sont surtout des passionnés. Dans un culture où on surévaluait la compétence des professionnels et dénigrait celle des amateurs, où pour être pris au sérieux il fallait devenir un professionnel voire un diplômé apparaît une nouvelle catégorie : les professionnels-amateurs. Leadbeater9 classe cette catégorie au centre de la pyramide de la participation. Cette catégorie est alimentée par les deux côtés de la pyramide : les amateurs trouvent plus facilement des moyens de gagner de l’argent avec une chose qu’ils aiment faire et les professionnels trouvent eux plus facilement des moyens de faire ce qu’ils aiment pendant une partie de leur boulot. Ce n’est plus les diplômes qui sont importants mais les capacités.

(8) D.Dougherty, Free to Make, 2016 Introduction (9) C.Leadbeater, The Pro-Am Revolution, 2004 31


L’autoconstruction

La nouvelle révolution industrielle est caractérisée par la démocratisation des outils. Les machines auparavant disponibles dans les usines sont désormais accessibles à tous. L’accès à de nouveaux outils permet une nouvelle manière de penser qui offre de nouvelles perspectives de connaissances. C’est donc l’innovation qui est démocratisée. Les individus peuvent fabriquer à la pièce sans capacité industrielle. C’est la personnalisation de la manufacture. On peut créer avec les qualités de pièces usinées en fabricant à l’unité et à moindre coût. On peut donc utiliser la technologie digitale pour arranger et modifier le monde dans lequel on vit. On peut le programmer, comme on programme sur ordinateur pour adapter les logiciels à notre convenance. Il y a un intérêt croissant pour la personnalisation et l’expérimentation qui est couplé avec l’arrivée de ces nouveaux outils. Les amateurs ont la créativité, l’enthousiasme, le désir d’expérimenter mais ne possèdent pas le savoir faire manuel pour travailler les matériaux. Les nouveaux outils qui leur sont accessibles remplacent le savoir faire qu’ils n’ont pas entre les mains pour leur permettre de créer. 32


Ces gens ont le savoir informatique et ces machines numériques leurs permettent de combler leur inexperience du travail manuel. C’est en cela que réside la démocratisation. Il n’est pas nécessaire de savoir-faire pour faire. Et au contraire on peut noter que les artisans qui connaissent le travail manuel, eux, souvent ne possèdent pas de connaissances informatiques pour appréhender les nouvelles machines.

Les outils Des nouveaux outils numériques, la découpeuse laser est la plus facile à utiliser. Comme son nom l’indique elle fonctionne avec un laser qui grave ou entaille le matériau. Le laser étant relativement dangereux, elles sont le plus souvent équipées de vitres. C’est également la machine la plus productive en terme de vitesse d exécution. Elle fonctionne à partir d’un dessin numérique en deux dimensions. Des logiciels comme sketchup possèdent des extensions spécialisées pour ces pratiques. Le matériau utilisé pour la découpe est le plus souvent le contreplaqué, mais on utilise également le carton, le papier, le cuir, le textile, plexi... L’épaisseur maximale de découpe se situe aux alentours de 3 cm, ce qui en fait un outil destiné en architecture, au prototypage et aux maquettes. La fraiseuse numérique ou CNC fonctionne elle aussi par soustraction de matière. C’est à dire que les éléments sont découpés dans des plaques du matériau et qu’il en résulte des chutes. Cette méthode n’est pas la plus économe puisqu’elle produit des déchets. La différence avec la découpeuse laser est que la fraiseuse dirigée par ordinateur agit dans les trois dimensions. Cela lui permet de couper des matériaux plus épais. Dans le domaine de l’architecture, les «wikihouses»* sont faites avec des plaques osb découpées à la fraiseuse numérique. 33


L’imprimante 3D est la machine la plus attractive parmis ces nouveaux outils. Son procédé de fabrication par addition de matière fascine le grand public et fait apparaître un objet «comme par magie». En réalité l’objet numérique est assemblé couche par couche par l’imprimante à partir de matière qu’ elle possède en réserve. Il y a trois techniques majeures. La stéréolithographie ou SLA Le liage par poudre ou SLS Le dépôt de matière fondue ou FDM, qui est la techniques qui a permis de démocratiser les imprimantes 3d et de les faire entrer dans les maisons. Au niveau de l’architecture, l’utilisation est faite bien sûr pour les maquettes, mais aussi pour les habitations elles-mêmes. Autour du monde il y a une course à l’innovation autour des maisons imprimées en 3d. Les industriels de Apris Cor , une usine russe ont entièrement imprimé directement sur place une maison en utilisant le béton avec la technique FDM. C’est la première construite sur site, mais il existe également des méthodes d’impression de sections de murs à monter ensuite ou encore l’impression des moules pour couler le béton en 3d pour obtenir des formes qui sortent de l’ordinaire. Ces initiatives sont issues des industriels, mais également des écoles et des centres de recherches qui particiepent grandement à l’innovation.

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Les architectes également veulent se saisir de cette nouvelle méthode de construction. Les architectes hollandais du studio Dus Architect10 comptent parmi les pionniers des expérimentations avec les imprimantes 3d. Ils sont à l’origine de plusieurs initiatives dont la Canal House à Amsterdam. Ils veulent travailler directement sur site avec une imprimante qu’ils ont monté à partir d’un makerbot , une imprimante open source. Les techniques d’impression 3d sont accessibles pour l’autoconstruction à petite échelle, mais pour faire sa maison individuelle un personne ne va pas investir dans une telle imprimante. En effet, son coût élevé combiné au temps nécessaire pour en maîtriser la manipulation ne seraient pas rentables. Il faut souligner que la démocratisation de ces outils numériques est surtout permise par l’arrivée et le développement de logiciels simples et abordables. Ils sont faciles à se procurer pour les amateurs et souvent gratuits. A l’image de Sketchup, ils sont très rapides à maîtriser et nécessitent un temps d’apprentissage réduit.

(10) R.Hamard, Mémoire :Impression 3D Moteur d’une nouvelle Architecture Vernaculaire, 2014

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Les lieux de construction Bien que rendus accessibles au plus grand nombre, il reste onéreux et spatiovore de s’équiper de tous ces outils. De plus, acquérir le savoir et la maîtrise qu’ils nécessitent est plus facile lorsque l’on est guidé par des utilisateurs réguliers. Il existe tout un tas d’endroits dédiés à cela que l’on appelle hackerspaces, techshops, makerspaces ou autre. Le nom commun en français pour les désigner est Fablab. Le premier Fablab, pour «fabrication laboratory» a été mis en place par Neil Gershenfeld du MIT11. Ce professeur prestigieux a mis en place un cours intitulé «comment faire à peu près tout» quand il a compris que la seule expérience des étudiants était l’expérience des «bits» numériques et que l’expérience physique leur était méconnue. Le but de ce cours était de leur apprendre par l’expérimentation. Il accueillait notamment des élèves en art, design et surtout architecture. L’appellation Fablab est originellement réservée aux ateliers des écoles affiliées au MIT, mais en Europe c’est devenu le nom usuel de ces espaces de création. Ces véritables petites usines de manufacture existent sous tous types de formes. Certaines ont commencé en étant un petit atelier monté par des passionnés, d’autres sont organisées dans les écoles, certaines sont de très gros ateliers accessibles à tous, ou privés. Il existe une multitude de types de structures, mais ils reposent tous sur le même principe directeur pour fonctionner parfaitement. En effet, le plus important de ces espaces est la communauté d utilisateurs. Ces gens qui viennent créer au même endroit s’entraident et se hissent tous vers le haut. L’émulation est créée par le partage et la communication. Cela devient une forme collaborative de résolution de problèmes. En France, une des premières initiatives ouvertes à tous a été le “Faclab” de Cergy-Pontoise. Les conditions d’accès sont libres avec pour seule condition de documenter et partager ses travaux. Cette condition existe dans de nombreux endroits et a pour but de créer un catalogue de tout un tas de créations. Pour les utilisateurs suivants, cela leur permet de se servir du travail des autres pour leurs propres travaux. L’aspect social est très important et chacun contribue ainsi à l’intelligence collective du lieu.

(11) D.Dougerthy, Free to Make, 2016 p.70 36


Au niveau des initiatives privées il y a par exemple le Techshop Atelier Leroy Merlin à Ivry-sur-Seine qui est de très grande taille. L’enseigne en ouvre également à Lille et Grenoble et en veut encore 5 dans tout le pays. Le but de la marque n’est évidemment pas philanthropique, mais elle a le mérite de permettre aux gens d’avoir accès aux différents outils numériques pour s’initier. Certaines écoles d’architecture s’équipent de fablab pour compléter les traditionnels ateliers maquettes et dispenser des cours d’initiation aux outils numériques. Il est également intéressant de remarquer que dans de nombreuses initiatives hors des écoles on retrouve de nombreux architectes et étudiants en architecture.

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«Ne réinventez pas la roue à chaque fois, prenez ce qui fonctionne et adaptez-le à vos besoins.» Alastair Parvin, conférence TED 2013


L’autoconception

Open source La définition d’un “hardware open source” d’après l’Open Source Hardware association (oshw), est que le dessin de l’objet est publiquement accessible, et que n’importe qui peut donc l’étudier, le modifier, le distribuer, le fabriquer et même vendre le design ou des dessins basés sur cet objet originel. Ce modèle est inspiré du système open source des licences dans le domaine du software. Ce système a été mis en place par les pionniers des codeurs informatiques dans leur idéal de partage et avec leur état esprit de débrouille qui permet de se servir du travail des autres pour développer le sien, sans avoir à commencer le travail de zéro. Tout le monde peut copier et modifier le code source. “Open source hardware” décrit donc un design qui peut être réutilisé, répliqué. L’open source c’est une compréhension mutuelle, une poignée de main informelle entre les gens de la communauté. Lorsque l’objet possède une licence libre c’est une permission légale, mais la plupart du temps 39


cela relève plus de l’accord tacite qui permet d’utiliser l’objet de l’autre en partageant en retour le sien. C’est un peu le même système que dans le Fablab vu précédemment, mais à une plus grande échelle. Les travaux réalisés par les individus sont mis en commun pour permettre aux suivants de travailler à partir de ceux-ci. L’initiative la plus parlante de mise en open source de plans est peut être l’entreprise LocalMotors. Cette entreprise, (qui travaille en lien avec un Fablab nommé first build) co-créée des véhicules en ligne avec une communauté de volontaires du monde entier qui sont designers, des ingénieurs, des fabricants ou juste des amateurs éclairés. Ils ont mis tous leurs documents en open source et les personnes investies dans ce projet viennent librement travailler à partir de ceux-ci pour les améliorer et participer aux projets. Il existe tout types d’objets divers et variés dont les dessins sont disponibles en open source et reproductibles librement, comme des montres, des tracteurs, des meubles avec la plateforme célèbre opendesk par exemple. Dans le domaine de l’architecture il existe de plus en plus d’initiatives open sources. L’agence Elemental qui est reconnue pour son travail sur les logements sociaux et dont l’architecte Alejandro Aravena a reçu le prix Pritzker 2016, a décidé de faire un pas de plus dans sa démarche en léguant les dessins de ses logements au domaine public. Wikihouse est une plateforme open source pour les bâtiments. Des plans et les dessins de ces bâtiments sont disponibles pour tous. Ces habitations sont à découper à la fraiseuse laser et à assembler soi même. Le but de ce projet est de rendre accessible à tous ces habitations avec simplement une fraiseuse numérique. Leurs plans sont également appropriables et modifiables. Rodrigo Rubio12, un architecte barcelonais fonctionne un peu sur le même modèle. Il est à l’origine de la “fablab house” dont le nom est hérité du lieu de fabrication, ainsi que de la maison solaire dont les plans sont disponibles en open source.

(12) D.Grimblat, Global Partage, 2013 40


Dans le film documentaire Global partage il dit:

«Dans le futur, tous les objets et toutes les connaissances seront produits en réseau et non de manière hiérarchique comme aujourd’hui.» Il existe d’autres initiatives de plans laissés à disposition des individus comme l’initiative de Cameron Sinclair Red abierta13. Les plans d’architectures destinées à de l’humanitaire ont été laissé ponctuellement en ligne. Paper houses est un autre site internet ou certains architectes ont accepté de libérer leurs plans de logements destinés, eux, à la classe moyenne.

(13) R.Stott, 5 iniciativas que muestran el crecimiento de la arquitectura Open Source,2016 41


D’autres actions plus orientées sur ce qui touche à l’informatique ont aussi vu le jour et sont destinées plus aux architectes amateurs d’informatique. Par exemple, il y a «Bricksource» par Sstudiomm qui ont mis en ligne des détails du processus du dessin d’une façade en brique paramétrique. Leur but est que les gens tentent d autres variations de façade. D’autres architectes Gramazio et Kohler* qui se sont orientés dans l’automatisation de la construction mettent également des documents en libre accès à propos de leurs robots. De plus en plus de collectivités publient les données qu’elles récoltent les concernant pour en laisser libre accès à qui veut s’en servir. Cette démarche est appelée open data. Le principe est le même que pour l’open source, l’accès est totalement libre pour les professionnels ou juste les citoyens qui se servent de ces données. Cela leur évite de refaire des études alors que la data a déjà été récoltée. La hausse des objets et des initiatives open sources est en relation avec la hausse de l’utilisation du numérique pour générer des objets physiques reproductibles. L’open source hardware et software combinés permettent d’avoir la liberté de comprendre comment les choses sont faites, les répliquer si on veut ou juste les modifier. Ce modèle nous sort de la pensée individualiste et le partage entre les bidouilleurs fait partie de ce nouvel état d esprit de débrouillardise et d’optimisation. 42


Savoir faire Wikipedia est un site Internet qui regroupe de façon encyclopédique le savoir partagé par des volontaires. Ce savoir détenu par certains se complète et devient accessible à tous. Comme partout sur internet on y trouve de tout , il faut faire le tri, mais c’est la première source consultée pour la majorité des exposés scolaires par exemple. C’est un accès rapide au savoir quand on ne veut pas faire de recherches poussées. Le principe est que ce qu’une personne sait, tous les autres peuvent le savoir aussi. Internet dans le monde moderne peut être représenté comme un retour au village dans l’état d esprit. En effet, dans le «village internet» comme dans un village d’autrefois, le savoir est collectif, il se transmet par la mise en commun des individualités et l’entraide est un principe de base. Il est communément admis que tous les savoirs sont sur internet. Il en va de même pour les savoirs constructifs. Des sites comme Instructable ou Thingiverse sont entièrement dédiés aux bricoleurs qui expliquent et détaillent leurs travaux. On peut sous forme de recette, étape par étape apprendre à faire par exemple une tiny house. Comme leur nom l’indique ce sont des très petites maisons aménagées qui tiennent entièrement sur une remorque. Elles contiennent des trésors d’inventivité pour ce qui est de l’ergonomie des espaces et de l’optimisation de la place. Chaque personne partage ses procédés de construction et partage ses astuces aux suivant qui voudraient s’y essayer. Une grosse entreprise comme Autodesk a racheté le site Instructable, ce qui démontre l’intérêt et l’utilité de ces entreprises. Tout peut s’apprendre, et chaque étape pour la construction de son logement se trouve facilement. On trouve les modes fabrications de maisons individuelles ordinaires, mais également comment autoconstruire sa maison avec des procédés adaptés aux amateurs. Des tutoriels sont disponibles sur tout un tas de plateformes dont la plus célèbre est You Tube où l’on peut trouver des vidéos sur chaque étape de la construction. Il existe un grand nombre de sites spécialisés et une diversité de moyens pour communiquer le savoir faire, sous forme d’article avec des photos, de recette à suivre, de mode d’emploi ou de vidéo.

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Les plateformes qui permettent l’interaction comme les forums sont également très importants pour le partage du savoir. Les critiques et les conseils ou “feedback” entre les individus créent une émulation. Cela permet aux gens de créer de meilleurs projets et de progresser dans leurs travaux. Il y a également un phénomène de création de communautés sur internet. Celles ci sont groupées autour de mêmes centres d’intérêts et s’entraident et se créent une culture commune et un savoir partagé. Le fonctionnement est le même pour une communauté ou une tribu réelle. Sur Reddit14, un jeu est devenu expérimentation sociale qui montre bien ce phénomène de communautés. Il s’agit d’une page blanche géante ou chaque utilisateur pouvait colorer un pixel toutes les 5 minutes. Un timelapse a été enregistré pour montrer l’évolution de l expérience. Après quelques tâtonnements, on voit rapidement des dessins apparaître , ce qui signifie que des groupes se sont formés et se sont concertés pour réaliser des motifs précis. Des dessins en recouvrent d autres avant de se faire submerger à leur tour. Des groupes s’allient ou s’affrontent pour faire émerger les motifs qui leurs tiennent à coeur. On peut admirer également la débrouillardise de certains qui ont contourné la règle des 5 minutes en créant des programmes automatisés.

(14) http://www.ufunk.net/insolite/reddit-place-experiment/ 44



Avec un principe un peu similaire, Loren Carpenter15 a mené une expérience pour le Siggraph de 1991. Le résultat montre que les personnes s’organisent spontanément de manière transversale sans avoir besoin de leader. Dans un amphithéâtre, chaque personne possède une palette qui réfléchit vers différents capteurs une couleur rouge, ou une couleur verte selon le sens qu’ils présentent. La salle est divisée en deux et chaque partie correspond à une équipe du jeu “Pong” qui est projeté dans l’amphithéâtre. Le ratio rouge/vert de chaque équipe permet de déplacer vers le haut ou le bas la barre dans le jeu. Après quelques instants de tâtonnement, et sans consignes, on assiste à des échanges de balle entre les deux équipes. Sans leader ni chef d’orchestre, chacun trouve son rôle dans chaque équipe de manière tacite pour diriger les barres et frapper la balle. Cet exemple illustre l’état d’esprit des rapports transversaux qui existent sur internet, dans un système où il n’y a pas de chef, une anrchie mais qui n’est pas désordonnée pour autant. Tout le monde s’assigne un rôle selon des règles tacites.

une majorité de rouges: la barre monte

EQUIPE 1

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une majorité de verts: la barre monte

EQUIPE 2

(15) Chercheur en informatique et développeur, cofondeur de Pixar Animation Studios, Loren Carpenter Experiment at SIGGRAPH ‘91, 1991 https://vimeo.com/78043173


Apprendre la réflexion architecturale est également possible sur internet, avec des plateformes comme Edx ou Coursera. Dans celles-ci, on retrouve des cours de plusieurs grandes écoles accessibles librement et dans tous les domaines. Il y a donc des cours d’architecture qui sont dispensés à des personnes où qu’elles soient dans le monde et surtout sans restriction de niveau d’études pour accéder à ces écoles. On retrouve parmi les élèves des passionnés ayant une autre carrière professionnelle qui cherchent à s’éveiller à un nouveau savoir ou des personnes avec un niveau d’études qui ne correspond pas au niveau exigé pour un recrutement en école d architecture. Un phénomène intéressant est qu’une grande majorité des personnes qui valident ces MOOCS proviennent des pays émergents et sont très jeunes. Pour eux internet est un véritable accès à l’éducation. On peut cependant remarquer que, si sur internet on peut apprendre la réflexion architecturale, les architectes considèrent que l’on ne peut être légitime que si l’on passe physiquement par une école d’architecture. Pour les architectes également le savoir faire circule plus aisément avec ces nouvelles techniques de communication. Archsmarter par exemple est un site destiné à partager des techniques de productivité et des «hacks» relèvent essentiellement des logiciels de dessin ou de conception assistés par ordinateur. Pour la conception justement, il est facile de trouver des banques de recherche pour trouver de nombreux projets architecturaux ainsi que des articles de revues spécialisés qui aident l’architecte à s’enrichir l’esprit et l’inspiration.

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III. La place de l’architecte



Les autoconstructeurs

L’exemple des Castors Dans l’immédiat d’après guerre, des nombreuses personnes sont à reloger en France. Pour certaines parties de la population au niveau social peu élevé, les solutions de l’Etat peinent à venir. Ils continuent à souffrir des effets de la guerre et souhaitent enfin accéder à un niveau de vie décent. L’autorité publique fait évacuer les squats aux familles qui se retrouvent désœuvrées. Ils décident de prendre eux même les choses en mains, et des initiatives collectives voient le jour pour palier à l’absence des politiques publiques. Dans les années 50 et jusqu’en 1977 le mouvement des castors va encadrer et gérer le phénomène d autoconstruction en france. En effet, pour accéder à un logement décent, les castors vont construire des habitats collectifs de taille moyenne par quartiers entiers. Au sein du collectif les gens vont apporter leur contribution pour devenir propriétaire. Les banques les aident à emprunter de façon

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avantageuse, et l’état leur trouve les terrains les plus abordables possibles en périphérie des villes. Chaque habitant du quartier doit des heures de travail hebdomadaires à la communauté car se sont les habitants eux mêmes qui édifient les bâtiments. Ces habitant fournissent donc un effort très important pour parvenir à obtenir un cadre de vie stable. Il est financier, mais également solidaire parce qu’ils s’investissent sur leurs temps de repos pour faire le travail hebdomadaire qu’ils «doivent» à la communauté, même une fois leur logement personnel terminé. Pour le quartier des Castors-Oddo dans le quinzième arrondissement de Marseille cela durera trois ans, avec vingt heures par semaine. Les initiateurs de ces projets sont très motivés ( à Marseille ils sont appelés les pères blancs) et leur esprit d’initiative et le sentiment communautaire fait que la motivation des habitants est entretenue. Les membres de ces quartiers sont issus de la classe ouvrière. Ils sont volontaires, dynamiques, et prêts à consentir d’importants efforts. Le plus souvent et possédaient des compétences au travail manuel. Seules certaines tâches ont été délaissées à des professionnels comme les voiries et les fondations. Pour l’économie de leurs constructions ils allaient jusqu’à fabriquer leurs propres parpaings.


Aujourd’hui, il y a un fort sentiment d’appartenance dans ces quartiers. D’après différents recensements, il y a une forte sédentarisation. Les habitants d’aujourd’hui sont en partie les mêmes habitants qu’à la création des logements, et il y a un grand phénomène également de transmission de ces appartements à leurs enfants qui reviennent y habiter. Les habitats au départ étaient réduits au strict minimum (pas de chauffage ni d’isolation des murs, des salles d’eau minimalistes), mais ils ont progressivement amélioré leur logement. La hausse du pouvoir d’achat dans les années 60 leur a permis d’avoir un peu plus de libertés financières. L’investissement a ainsi été étalé, et l’appropriation du logement par les habitants s’en est trouvée renforcée. L’attachement est également caractérisé par le soin apporté à l’entretien des parties communes. L’autoconstruction et l’autoréhabilitation permettent ainsi à des populations en situation de précarité d’améliorer leurs conditions de vie. Leur intérêt principal est d’ordre financier et le prendre en compte en modulant les conditions de financement améliore la qualité d’habitation des précaires. Cependant, aujourd’hui, un propriétaire d’immeuble ne fait jamais confiance à ses locataires pour des travaux de gros oeuvre. Il pense que si le travail est fait par des amateurs, aussi éclairés qu’ils soient, sera mal fait. On ne pense qu’à travers le prisme des professionnels, quel qu’en soit le prix.

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Les architectes aujourd’hui

On estime à un milliard le nombre de logements dans le monde. Quatre vingt pourcent d’entre eux appartiennent à l’architecture vernaculaire 16. A échelle mondiale il y a donc une majorité d’habitations qui sont construites en dehors du champs de l’architecture des architectes. La plupart des ces habitations se trouvent dans les pays en voie de développement. A côté du vernaculaire issu des traditions et des cultures des peuples, on trouve un nouveau phénomène issu du monde moderne et qui s’étend également dans les pays développés: le vernaculaire des poubelles, qui définit les bidonvilles. Dans les pays occidentaux, ce sont aujourd’hui les promoteurs immobiliers qui sont à l’origine des habitations stéréotypées qui fleurissent dans les nombreux lotissements. En France, au dessus de 170m2, une construction nécessite l’intervention d’un architecte. Cependant, la grande majorité des maisons individuelles sont inférieures à cette dimension.

(16) J.May, Handmade Houses & other Buildings, The world of vernacular architecture, 2010 54


Dans le pays, la part d’intervention des architectes pour les maisons individuelles peine à atteindre les 7 à 8% de parts de marché. C’est une position qui est paradoxale pour la profession qui est destinée à produire de l’architecture, et donc essentiellement des maisons pour l’imaginaire collectif. Dans les faits, l’architecte doit organiser une réflexion sur l’espace et la matière autour des individus en construisant des logements, mais aussi des objets, des monuments...

Le reste du marché est dominé par les promoteurs immobiliers. Pour les maisons individuelles, ceux ci proposent généralement un catalogue d’habitations dont les plans sont déjà réalisés. Une fois que l’on a choisi ces plans il n’y a que quelques petites modifications possibles pour s’adapter aux règlements spécifiques du site par exemple. Ces maisons sont dessinées en amont sans connaître les spécificités de ce site ce qui va à l’encontre des premiers principes architecturaux. Il en résulte des habitats préconçus qui ne laissent d’autre choix à leurs habitants que de devoir s’adapter au mode de vie qui leur est imposé. La mainmise sur le marché par les promoteurs tranche avec la discrétion des architectes. Beaucoup de candidats à la construction de maisons individuelles croient qu’ils ne peuvent pas s’adresser à un architecte. Il y a donc une incompréhension de ce qu’est un architecte par la population. Le principal problème est la question du budget qui effraie les gens et qui les empêche même de penser qu’ils pourraient avoir accès aux services d’un architecte. En parallèle il y a un certain mépris de la question du logement individuel par les architectes. «Le logis, c’est la saloperie qu’ on fait pour gagner sa croûte», comme le disait Le Corbusier. La plupart des architectes ont déserté la maison individuelle et, mis à part une poignée de passionnés, peu d’entre eux travaillent avec entrain sur des projets de maisons qui leurs sont proposés. De cette situation de malentendu mutuel, il ne sort qu’un grand gagnant : il s’agit des promoteurs immobiliers. En revanche, l’innovation et la création au niveau de l’habitat n’en ressort pas grandie. La responsabilité incombe en partie aux architectes qui ont déserté la question. Quand aux quelques irréductibles qui s’intéressent dans leur travail à ce type de projets, ils sont victimes de la demande. En effet, le seul domaine dans lequel les usagers et les clients leur demande d innover, c’est dans la réduction des coûts.

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S’adapter à l’èjre numérique

«L’architecture actuelle s’occupe de la maison, de la maison ordinaire et courante pour les hommes ordinaires et courants. Elle laisse tomber les palais. Voici un signe du temps» écrivait Le Corbusier en 192417. Presque un siècle après, on peut constater que la réalité ne correspond pas tout à fait à cela. La nouvelle révolution industrielle marque la naissance d’une époque différente de la précédente, et porteuse de nouvelles pratiques. Un des facteurs de l’incompréhension des architectes par le grand public est le fait que la profession apparaît comme distante des autres acteurs. Les architectes tirent leur légitimité du diplôme spécifique qui leur est remis, et ont un fonctionnement autocentré. Il est compliqué pour les non architectes de pénétrer ce milieu qui reste très imperméable pour eux. La voix d’un architecte porte infiniment plus que celle d’un «amateur éclairé» aux yeux de la profession. Cependant, les architectes ne sont pas les seuls dépositaires du savoir relatif à l’espace et aux gens.

(17) Le Corbusier, Vers une architecture, Introduction à la seconde édition, propos rapporté par O.Darmon, Archi pas chère, 2011 p.11

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Certains musées, ont mis en place des workshops appelés les museomix. Le principe de ces workshops est de porter les gens à réfléchir à ce que représente un musée, l’expérience et la scénographie. Il n’y a aucun critère d’accès pour les personnes, aucune qualification demandée ni domaine d’expertise précis, et le workshop se déroule sur le lieu même du musée. Le raisonnement de ces établissements est de sortir de leur pré pour que les choses avancent. Ils veulent en finir avec l’entre-soi pour progresser. Sur le même modèle, il existe des «Edumix» qui ont vocation à porter une réflexion sur l éducation. Remixer avec du sang neuf et un regard extérieur ferait du bien à la réflexion architecturale, car jusqu’ici l’architecte était le seul dépositaire du savoir ce qui lui permettait de se placer au dessus des autres et de ne pas accepter d’avis extérieur. Le savoir est aujourd’hui plus diffus et les réflexions à propos de l’architecture ne doivent pas rester la propriété exclusive des architectes de métier. Après la seconde révolution industrielle, les sociétés philanthropiques formées par des érudits et des gens instruits de toute provenance professionnelle prenaient part au débat sur la programmatique qui était très présent alors. En France, la gestion de l’accès aux écoles d’architecture est laissée aux établissements. Le fonctionnement actuel de la grande majorité des écoles est de présélectionner les élèves à la suite de leur classement par la plateforme admissions post bac, puis avec les meilleurs élèves retenus, de les soumettre à quelques épreuves écrites et/ou orales. L’ENSA Marseille (ainsi que Grenoble) a pendant quelques années mis en place pour seule sélection après le bac un concours pour sélectionner les élèves indifféremment de leur niveau scolaire en terminale. Cette épreuve voulait dans l’esprit choisir les élèves non sur leurs notes, mais sur les signes de la présence d’aptitudes nécessaires pour l’architecte. Ce type de sélection correspond au mode de pensée établis par la révolution numérique: on juge les gens sur leurs capacités et non sur un niveau scolaire. La méthode actuelle ne montre pas les capacités de l’élève pour en faire un architecte, seulement s’il était ou non un bon lycéen.


Un rôle d’expert Il y a une méconnaissance par la population du processus de construction et toute l’attention est portée sur le coût de l architecte.

«Les architectes, avec les réparateurs de chars il n’y a pas plus escrocs et incompétant» Malococcis dans le Film Astérix et Obélix mission Cléopâtre18.

Cette réplique de film populaire montre bien les préjugés qui sont attachés à l’image de la profession. L’architecte est par exemple souvent perçu comme ne respectant ni les coûts, ni les délais et comme un esthète dont le travail repose plus sur l’inspiration que sur un savoir faire réel. La population ne croit pas à cette connaissance, et la compétence de l’architecte est jugée comme contestable. On se demande quelle est sa valeur ajoutée. Il y a beaucoup à faire pour réhabiliter la profession et en modifier la perception. La compétence de l’architecte dans le cadre du logement est à démontrer. De plus en plus de personnes sont amenées à être débrouillardes et capables de construire leur maison individuelle. Les compétences techniques nécessaires se trouvent sur internet, et les étapes du dépôt de permis jusqu’à la mise en place de la toiture sont expliquées de nombreuses fois. La loi oblige le recours à un architecte au dessus de 170m2 de construction. Cependant, l’utilité de celui-ci doit exister comme une évidence, la profession ne peut pas vivre d’être juste imposée administrativement. La légitimité d’un maître pâtissier qui conseille un amateur aussi éclairé soit il ne fait pas de doute. Il faut qu’il en soit ainsi pour le métier d’architecte. Celui ci connaît la subtilité de l’espace, et la signification des formes. Ce que l’architecte a de plus que l’amateur c’est qu’il donne un sens au bâtiment. La réflexion est plus profonde que les simples dispositions d’usages. L’architecte est un penseur de l’espace. La révolution numérique fait en sorte que la démocratisation des nouveaux outils et du savoir permet à plus d amateurs d’expérimenter.

(18) propos de J.Benguigui dans le rôle de Malococcis A.Chabat, Astérix et Obélis Mission Cléopâtre,2002

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La résultante de ce phénomène est que ceux qui autrefois tiraient leur épingle du jeu étaient le petit nombre à avoir accès au savoir, et aujourd’hui c’est simplement les meilleurs. Internet a créé une méritocratie de la créativité. Les architectes quant à eux sont protégés par leur diplôme, mais ceux qui apportent le moins de valeur ajoutée auront des difficultés. En effet, si le savoir n’est plus l’exclusivité des architectes et que le métier se réduit à ce qu’ils peuvent apporter en plus, ceux qui n’ont rien à proposer apparaîtront comme inutiles. Le budget est actuellement la principale préoccupation des personnes cherchant à se loger. La maison, encore plus lorsqu’elle n’est pas économe, prend une part importante du budget des familles. Une partie non négligeable de la population connaît depuis plusieurs années des conditions financières compliquées. Néanmoins accéder à une maison individuelle reste un objectif d’un grand nombre de personnes. Dans notre société cela reste idéalisé et une lourde charge symbolique est représenté par l’achat d’une maison. Il existe donc la solution de l’autoconstruction qui est en plein essor pour parer au manque de budget. L’architecte peut donc avoir un rôle d’accompagnant, jouer un rôle de conseil auprès de ces gens. Les conditions économiques doivent pousser les architectes à des considérations plus sociales.


S’effacer et avoir un rôle plus social Le meilleur exemple d’une agence d’architecture qui fonctionne en phase avec ce monde nouveau est l’agence Elemental de l’architecte récompense du Pritzker 2016 Alejandro Aravena. Celui-ci a été récompensé pour son travail sur le logement social. Il a développé dans plusieurs projets la dualité organisé/approprié. Il travaille dans les pays d’Amérique latine. Il a développé la réflexion suivante: au prix du mètre carré du logement social il ne peut construire qu’une surface réduite, cependant les habitants qui sont à l’aise avec le travail manuel, ont besoin de plus d’espace pour vivre confortablement. Sa solution est donc de construire des demi-maisons avec le nécessaire en infrastructure, et de laisser la seconde moitié appropriable et aménageable par les occupants. Il met ainsi en place les conditions nécessaires pour encourager l’autoconstruction spontanée des habitants qui vient compléter l’organisation qu’il a mis en place. Il guide et favorise ainsi l’autoconstruction des morceaux d’habitat dans le but d’améliorer les conditions des habitants. Pour aller plus loin dans l’état d’esprit des makers, l’agence Elemental met en open sources les plans de ses interventions sociales pour permettre aux populations du monde entier qui le souhaitent de répliquer les modèles qu’ils ont mis en place.


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Paul Quitrand19, ancien professeur à l’ENSA Marseille avait mis en place dans les années 1970 un jeu de trame basé sur 3,55 m de côté. Avec ce système il cherche à éduquer son client pour réduire le travail de l’architecte au minimum, qu’il ne reste que les étapes qui nécessitent l’apport de son savoir. Cela permet de réduire les coûts et donc de faciliter l’accès à un architecte. Avec un système de fiches perforées le client choisit les critères qui lui correspondent et définit lui même les plans en travaillant avec des autocollants repositionnables. Il aide donc l’architecte pour ce qui prend le plus de temps dans son travail et une certaine collaboration se met en place. Dans l’esprit, cette idée est issue du mode de pensée numérique, mais à l’époque le système n’est pas automatisé. Quitrand est un précurseur, mais il ne bénéficiait pas de la technologie qui aurait standardisé son approche. Il a ainsi prédessiné près de 800 plans différents. Cette technique sous-entend également qu’une partie du travail de l’architecte peut être effectuée par un non professionnel après une rapide instruction, mais que l’architecte participe à ce processus avec un rôle d’expert et qu’il possède une valeur ajoutée et un savoir à valoriser auprès du client.

(19) professeur à l’ENSA Marseille entre 1967 et 1994, également chercheur et fondateur du GAMSAU. C’est un laboratoire de recherche sur l’utilisation des outils de conception assistée par ordinateur en 63 architecture.



Conclusion



Conclusion

Nous avons vu que les architectes ne sont plus les seuls dépositaires du savoir constructif pour ce qui est des maisons individuelles. La nouvelle ère numérique démocratise l’accès à ces connaissances. La société de consommation rend les individus passifs, et aujourd’hui on voit au contraire l’arrivée des prosumeurs. Le changement le plus visible apporté par la technologie numérique est l’accessibilité facilitée à des outils performants et relativement faciles d’ accès. Cependant, le changement majeur est apporté par la communication. Avec le «globish» on peut échanger avec les gens du monde entier et s’entraider en partageant et en améliorant nos savoirs. C’est ce que nous avons appelé le phénomène de wikipédisation dans ce mémoire. La profession d’architecte est actuellement plutôt en difficulté et pour le moins sous- représentée dans le secteur de la maison individuelle. Avec les exemples et les phénomènes que nous avons étudié, nous montrons comment le métier et la pratique de l’architecture peut évoluer pour s’adapter à cette nouvelle époque et ne pas disparaître. 67


L’état d’esprit qui est en train de germer tout autour de la planète pousse les architectes qui étaient relativement autocentrés à s’ouvrir et à comprendre les gens. La tendance actuelle est aux difficultés financières et les individus cherchent à faire des économies. C’est une des raisons qui pousse les gens vers l’autoconstruction. Alastair Parvin dans sa conférence Ted 2013, nous dit que les architectes du monde entier travaillent pour les 1% de personnes les plus riches. L’architecture doit donc être plus sociale et prendre en compte les 99% restants. Des projets comme ceux de Alejandro Aravena qui prennent en compte les problèmes des populations sont de bons exemples à suivre. Un cadre de vie qui sorte des carcans de fabrication à la chaine, et qui favorise l’appropriation par les habitants doit être un objectif à atteindre pour l’architecte. Le métier d’architecte ne va pas disparaître parce que même si les non initiés ne le voient pour l’instant pas, l’architecte possède une réelle valeur ajoutée. Les individus sont plus à même qu’il y a quelques années de fabriquer leur logement, mais l’architecte peut cohabiter. De même que la démocratisation de l’appareil photo n’a pas fait disparaître le métier des photographes qui avaient quelque chose à apporter, l’architecte va continuer d’exister, avec un réel savoir à offrir. Les individus sont à mêmes de faire des choix pragmatiques pour leurs logements, mais l’architecte sait donner du sens aux choses. Au vu des recherches effectuées, nous pensons que son rôle sera celui d’un accompagnateur et d’un pédagogue auprès des habitants dans l’autoconstruction. Il possède un savoir-faire et l’expérience d’un professionnel dont les conseils seront utiles pour les amateurs. De plus, avec des savoirs spécifiques comme la thermique seront fort appréciés avec la prolifération des écoconstructions. Il est un catalyseur pour les chantiers et sait faire la synthèse de toutes les questions qui y sont liées et faire l’apport de données supplémentaires comme une pensée de la production «glocale» (contraction de globale et locale). Le métier d’architecte avec cette nouvelle ère peut également gagner en modestie pour faire bénéficier le plus grand nombre d’une meilleure qualité de vie. Se mettre en retrait pour simplement accompagner les gens, favoriser l’autoconstruction pour améliorer l’habitat en laissant les individus d’approprier et modifier le dessin initial par exemple. Il est aussi question de mettre ses plans en open source et accepter de ne pas afficher son nom, sur sa construction mais la léguer aux amateurs du monde entier qui en ont besoin.

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Le fait de choisir Alejandro Aravena comme Pritzker 2016 doit permettre de montrer la voie à l’ensembles des architectes. Celui-ci semble totalement en phase avec cette nouvelle ère avec ses projets qui mèlent autonconstruction, open source et donc réflexions sociales. A titre personnel, en commençant ce mémoire initialement sur l’autoconstruction j’avais peur que le sujet soit trop terre à terre et parle uniquement de techniques de constructions. Je suis content qu’en choisissant cet axe sur le rôle de l’architecte j’ai pu mener personnellement une réflexion plus théorique. Ce sujet m’a éveillé l’esprit et donnée envie de continuer à mener une réflexion sur les changements du monde qui doivent entrainer une réflexion sur les positions de l’archiecte. Pendant la suite de mes études j’aimerais travailler sur des projets autour de l’open source d’architecture. Par la suite j’aimerais être un architecte qui a accompagne, conseille et favorise les individus autour de l’autoconstruction et de l’appropriation.

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Iconographie Fig.1 : p.13 Illustration personnelle Fig.2 : p.18 E.Laforgue, Ebore woman building a new house , Ethiopia Fig.3 : p.21 Fox Photos, Tea Break Workmen break for lunch on girders at Unilever House, Blackfriars, London. Fig.4 : p.23 Illustration personnelle Fig.5 : p.24 A.Warhol, 100 cans, 1962 Fig.6 : p.25 M.Wolf, Claustrophobic nature of Hong Kong high-rises Fig.7 : p.31 G.Zugmann, A baloon for two, Haus-Rucker-Co, 1967 Fig.8 : p.31 G.Zugmann, Oasis n°7, Haus-Rucker-Co, 1972 Fig.9 : p.31 D.Dougherty, Pyramid of participation p.23 Fig.10 : p.33 Machine de découpe laser Laspid Fig.11 : p.33 Planche avec les pièces à découper en négatif source : wiki house.cc Fig.12 : p.33 Idem Fig.13 : p.34 Imprimante 3D au travail pour la Canal House, Dus Arkitect Fig.14-15 : p.35 Façade imprimée en 3D de la Canal House, Dus Arkitect Fig.16 : p.37 T.Kunz, Assemblage d’une voiture dans un fablab Fig. 17 : p.41 Assemblage d’une Wikihouse

source : wiki house.cc

Fig.18 : p.42 wiki house.cc Fig.19 : p.45 http://www.ufunk.net/insolite/reddit-place-experiment/ 71


Fig.20 : p.46 Illustration personnelle Fig.21 : p.52 Mme Selvon, Chantier d’un logement dans un quartier des Castors Fig.22 : p.53 La fabrication des parpaings pour bâtir les maisons de la cité Castors de Saint-Pol-de-Léon, par le journal Ouest France Fig.23 : p.56 C.Palma , Photographie de Alejandro Aravena Fig.24 : p.60 C.Palma, Projet de l’agence Elemental (à Quinta Monroy, Iquique, Chile), avant l’arrivée des habitants Fig.25 : p.61 C.Palma, Projet de l’agence Elemental (à Quinta Monroy, Iquique, Chile), après l’appropriation par les habitants Fig.24 : p.62 C.Palma, Projet de l’agence Elemental Villa Verde, avant l’arrivée des habitants Fig.25 : p.62 C.Palma, Projet de l’agence Elemental Villa Verde, après l’appropriation des habitants

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Bibliographie J.May, Handmade Houses & other Buildings, The world of vernacular architecture, 2010 Urbanis, Le logement abordable, Evaluations de pratiques antérieures, 1994 S.Guidani et U.Doepper, Architecture vernaculaire, 1990 B.Rudovsky, Architecture sans architectes, 1977 P.Oliver, Dwelings : the House across the world, 1987 M.Matana, Les plans de votre maison, 2002 F.Béranger, Habitat(s), 2000 M.Matana, L’invention de l’habitat moderne, Paris 1880-1914, 1995 J-M.Huygen, La poubelle et l’architecte, 2008 O.Darmon, Archi pas chère, 2011 D.Dougherty, Free to make, 2016

FILMOGRAPHIE D.Grimblat, Global Partage, 2013 C.Dion & M.Laurent, Demain, 2015

CONFERENCES A.Aravena, My architectural philosophy? Bring the community into the process, conférence TED, 2014 A.Parvin, Architecture for the people by the people, conférence TED, 2013 73


SITOGRAPHIE http://www.openbricks.io/ laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.com https://wikihouse.cc/ www.plataformaarquitectura.cl/

MEMOIRE T.Petit, L’autoconstruction : une autre mode d’habiter

ARTICLES R.Stott, 5 iniciativas que muestran el crecimiento de la arquitectura Open Source,2016 Loren Carpenter Experiment at SIGGRAPH ‘91, 1991 https://vimeo.com/78043173

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