L’économie circulaire dans la ruralité Les campagnes comme terrain d’expérimentation de l’économie circulaire
LAGARDE Valentin- S9- 2019- ENSA Marseille
Introduction De nombreux enjeux se présentent à nous en ce début de XXIème siècle. C'est en quelque sorte un moment charnière où nos sociétés doivent essayer d'évoluer pour sauvegarder notre planète. Les effets du changement climatiques sont de plus en plus perceptibles, et les conséquences toujours plus graves et irréversibles. Rares sont ceux qui ignorent toujours ce phénomène, et tous les autres s'accordent à dire qu'il faut changer. Cependant, nos objectifs ne sont pas toujours les mêmes et il nous reste encore un chemin à choisir : voulons nous changer les comportements et gommer les mauvaises habitudes prises depuis l'Industrialisation? Ou devons nous aller plus loin et changer de société? Ce sont là deux échelles différentes portées par les uns et les autres selon leurs convictions et la nature des solutions proposées. Il est agréable de voir que de nombreuses personnes se saisissent de la question dans de nombreuses villes autour du monde, et tentent d'apporter leur aide sur le chemin de la soutenabilité. Mais voilà, c'est en général sur la ville que se portent la majorité des réflexions, et d'autant plus celles des architectes. L'écrasante majorité des parutions architecturales se porte sur des projets urbains, des réflexions sur la ville.... Comme si dans l'imaginaire collectif l'avenir du monde était de continuer cet exode rural massif, et que l'urbain recouvrait la majorité du globe, en une grande métropolis. Dans les pays industrialisés la dynamique est néanmoins peut-être différente pour cet exode rural, et la campagne est sans doute un terrain de jeu plus intéressant qu'il n'y paraît. Pendant que tous nos regards étaient braqués vers la ville, le monde rural a changé en profondeur, et ne mérite plus cet image de monde arriéré. Certains collectifs et agences architecturales commencent à s'y intéresser, comme AMO (l'alter-ego de OMA de Rem Koolhaas), lassée de ne penser l'évolution du monde qu'à travers le prisme de la ville. Le monde rural pourrait donc être le support des expérimentations et le point de départ des transitions soutenables. Un phénomène intéressant dans les campagnes est l'existence de certaines pratiques jugées soutenables bien avant que ce soit une préoccupation sociétale. Dans les fermes on a toujours réemployé les objets et les matières, par soucis économique mais aussi pratique parce que l'accès aux "objets transformés" nécessitait de se déplacer en ville. L'économie circulaire paraît être une porte d'entrée pour étudier la soutenabilité à la campagne. C'est un sujet qui a largement été étudié pour la ville, mais la ruralité semble avoir été ignorée (encore). Nous allons donc chercher si ce système est intéressant pour ce milieu.
De plus, la campagne qui est le lieu d'extraction des ressources naturelles, semble se retrouver dépendante des villes quand il s'agit de se fournir en matériaux et matières lorsqu'elles ont été transformées. L’économie circulaire est elle adaptée au mode de vie rural? Mais surtout, dans la construction et les usages peut-elle être un facteur de dynamisation pour le monde rural? Pour ce qui est du déroulé de ce mémoire, nous commencerons par définir les notions sur lesquelles il s'appuie et poser le cadre d'étude, nous étudierons ensuite la mise en place de l'économie circulaire à la campagne, avant de se pencher plus précisément sur la question de l'architecture rurale circulaire.
I. Le cadre d’étude I.I
L’économie circulaire
I.I.a Définition L'économie circulaire est une notion de développement durable qui veut lutter contre le gaspillage des ressources. Elle s'oppose au schéma de l'économie linéaire qui consiste à extraire- fabriquerconsommer- jeter. Ce modèle, qui est le plus répandu aujourd'hui, n'est pas durable. Les ressources sont consommées puis jetées continuellement, sans prendre en compte le fait qu'elles soient limitées. Outre le problème d'épuisement des réserves de matériaux, ce modèle a comme défaut de produire des déchets. Le déchet est un produit ou un matériau qui a été délaissé ou jeté parce qu'il n'avait plus d'utilisation précise, que l'on ne pouvait plus en faire usage. Hors, dans la nature il n'y a pas de déchets. Tous les éléments naturels font parti d'un cycle dont les composants agissent les uns sur les autres sans être considérés comme des déchets. L'économie circulaire vise à gérer et exploiter durablement les ressources en essayant de se rapprocher du modèle naturel qui est le système parfait de symbiose. Le déchet est une invention humaine qui est apparue depuis la sédentarisation et l'établissement des villes, et dont la production s'est accélérée avec la surconsommation moderne. Pour Braungart McDonough et Walter Stahel1, le déchet ne devrait pas exister, il n'y a que de la ressource. Les préceptes qu'ils proposent pour établir l'économie circulaire sont d'augmenter la durée de vie des produits, de généraliser les biens de longue durée, de prévenir les déchets et d'augmenter les activités de remise en état. Il faut savoir que l'économie circulaire n'est pas uniquement un processus de récupération des déchets, mais que c'est un état d'esprit qui doit être présent à chaque phase depuis l'extraction, jusqu'à la consommation.
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Fondation Ellen Mcarthur https://www.ellenmacarthurfoundation.org/
I.I.b. Héritages de la pensée Pour comprendre les principes et la pensée de l'économie circulaire, il faut comprendre sur quels cheminements elle s'appuie. C'est dans les années 70 qu'elle trouve sa source, auprès de plusieurs chercheurs qui vont proposer des concepts qui mis bout à bout nous éclaireront sur l'économie circulaire. L'économie régénérative de John T.Lyle propose une réflexion autour de la restauration des matières nécessaires à la production. Le respect de la Nature et la gestion des ressources suivant les cycles régénératifs est un concept qui dans l'esprit préfigure la gestion durable des ressources. L'économie de la performance de Walter Stahel et Geneviève Reday posent les bases d'une économie fonctionnant en système de boucle fermée. Ils veulent limiter l'action de jeter les produits rapidement après consommation en travaillant sur le reconditionnement et la prévention des déchets. Ils veulent également prolonger la durée de vie des déchets. Le cradle to cradle (du berceau au berceau) de Michael Braungart et Bill McDonough qui suivent les travaux W.Stahel. Ils proposent de séparer la fabrication des produits en deux catégorie : éléments techniques ou élément biologiques. Ces derniers peuvent être récupérés et réutilisés perpétuellement sans danger pour l'environnement. L'écologie industrielle propose une approche systémique des systèmes industriels. A la manière d'un écosystème, elle propose de réfléchir de manière à ce que les déchets des uns soient les intrants des autres. Le biomimétisme de Janine Benyus propose comme son nom l'indique d'étudier la Nature pour s'en inspirer. De plus, un des principes qu'elle développe est de prendre la Nature comme mesure: c'est à dire d'évaluer nos innovations par la norme écologique. D'après ce concept, une innovation n'est alors bonne que si elle respecte l'environnement, sinon ça n'est pas une voie envisageable. L'économie bleue initiée par Gunter Pauli qui s'intéresse à la question de la régénération au delà de la préservation et de la conservation. L'idée importante est le fonctionnement par système, pour que la régénération des ressources soit constante.
I.I.c. Piliers/Concepts / Définitions L'économie circulaire ne se préoccupe pas seulement de la gestion des déchets une fois qu'ils sont jetés. C'est un système qui englobe et qui pense toute l'existence de la matière. En plus d'être ancré dans le développement durable tel qu'on l'entend au sens écologique du terme, il y a également une réflexion sur le mode de vie des individus. Ce modèle qui veut faire société vise à mettre en place un système économique qui soit en adéquation avec le bien-être des personnes. L'économie circulaire se développe à partir de 7 piliers , classés de manière différente selon les interprétations des acteurs, mais l'état d'esprit reste le même.
L'ademe défini trois domaines d'actions au niveau de la production, la consommation, puis la gestion des déchets. -Production et offre de biens et services Une approche de gestion durable des ressources est préconisée. Elles sont limitées, donc il faut en avoir conscience et les gérer intelligemment. Penser les biens et services dès leur conception est appelé l'éco conception. Prendre en compte les enjeux en amont est une des méthodes les plus bénéfiques pour réduire notre impact. Faire progresser l'écologie industrielle et territoriale, afin de créer des "écosystèmes" où les déchets des uns sont les ressources des autres. Développer l'économie de fonctionnalité, c'est à dire favoriser le partage entre les individus plus que la possession. -Consommation, demande et comportement L'économie circulaire ne s'arrête pas une fois le produit fait, pour ne reprendre que lorsqu'il est jeté, mais elle étudie aussi l'usage fait par le consommateur. Agir sur les habitudes d'achats pour que les individus soient plus conscients et responsables. Avoir recours au réemploi et à la réparation doit devenir une habitude pour prolonger la vie des objets. -La gestion des déchets Toutes les mesures précédentes visent à réduire les déchets, mais la boucle de l'économie circulaire n'est jamais parfaite, il y a toujours des pertes qu'il ne faut pas négliger. Le recyclage est une solution pour traiter les déchets, ainsi que la valorisation énergétique. La fondation Ellen MacArthur, autre acteur majeur de l'économie circulaire que nous présenterons plus bas, organise l'économie circulaire selon trois principes. Le premier consiste à préserver et développer le capital naturel. Il veut favoriser le contrôle des stocks de ressources et garder à l'équilibre le flux des ressources renouvelables. L'optimisation des ressources est un principe qui met en valeur le réemploi, le partage et le recyclage. L'objectif est que les ressources soient utilisées au mieux en privilégiant les boules courtes pour conserver le travail investi dans les produits et que les composants servent au maximum. L'élimination des externalités négatives liées aux besoins humains et aux ressources primaires pour la création des conditions propices à l'élaboration d'un système vertueux est le troisième principe énoncé par la fondation. Outre ces concepts qui sont les maillons du système de l'économie circulaire, il y a des termes dont il faut maîtriser le sens d’après JM Huygen2. Réemploi: matériaux ou produits qui ne sont pas des déchets qui vont être utilisés à nouveau pour même emploi. Réutilisation: les matériaux ou produits sont devenus des déchets et sont utilisés à nouveau.
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JM Huygen, La poubelle et l’architecte, Actes Sud, 2008
Recyclage: des déchets qui sont traités en substance pour aboutir à leur usage initial ou non. Le processus qui traite les déchets pour les transformer en énergie n'est pas compté comme du recyclage.
I.I.d Acteurs et actions A- En France C'est avec la conférence environnementale de septembre 2013 que la notion d'économie circulaire apparaît dans la politique française. Et en 2015 elle est inscrite dans la loi pour la croissance verte et devient un objectif national. Aujourd'hui une feuille de route pour l'économie circulaire à été présenté depuis plusieurs mois. Les objectifs principaux sont : La réduction de la consommation de ressources liées à la consommation française, La réduction des déchets non-dangereux mis en décharge, Atteindre l'objectif de 100% de plastique recyclé, La réduction de l'émission des gaz à effet de serre. L'acteur principal en France de l'économie circulaire est l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) , qui en a fait un de ses axes majeurs. Elle met à disposition son expertise, conseille et dispose de moyens financiers pour aider certains projets. Elle intervient également à la rédaction du texte du programme national de prévention des déchets. L'institut économie circulaire aide l'ademe pour la promotion du système. Il n'a été pas été fondé par l'état lui-même, mais par des organismes indépendants comme la fondation Nicolas Hulot, la fédération des entreprises de recyclage, la poste et Grdf dans le but de de fédérer, de réfléchir et d'expérimenter sur le sujet. Deux autres organisations participent aux réflexions au delà de nos frontières et tiennent une place importante dans le paysage français : l'agence européenne pour le climat et la fondation Ellen Macarthur. B- Les autres pays Pour comprendre à quel stade se situe la France en terme d'économie circulaire, nous allons étudier la situation dans quelques autres pays. Il y a l'exemple des pays asiatiques, car ils sont un peu précurseurs en la matière, ainsi que du pays européen le plus avancé : les Pays-Bas. -Chine Dès 2006, des lois qui font la promotion de l'économie circulaire apparaissent en Chine. Ces lois mises en application en 2009 reposent sur le principe des 3R (réduire, réutiliser, recycler). La Chine est le premier pays à mettre en place des indicateurs d'économie circulaire. La plan national vise à modérer l'utilisation des ressources non renouvelables, et à exploiter plutôt des énergies renouvelables. L'écoconception ainsi que la production puis
consommation propre sont également mises en avant. Les déchets sont maintenant considérés comme une ressource qu'il faut valoriser sans nuisance. -Japon Les ressources de l'archipel sont limitées du fait de sa situation géographique particulière. C'est donc par nécessité que le pays s'est rapidement doté d'un plan fondamental dès le début des années 2000. Un système de récompenses valorise les efforts fournis en terme de hausse de productivité des ressources, du taux d'usages de ressources issues de l'économie circulaire, et de la baisse du taux de déchets mis en décharge. -Les Pays-Bas C'est LE pays européen champion de l'économie circulaire. Il est impliqué dans toutes les démarches et initiatives européennes dans le domaine. D'abord en avance sur les plans de gestion des déchets, il est le terrain des expérimentations de symbiose industrielle. C'est dans ce pays qui utilise le modèle craddle to craddle qu'est organisé la circle economy en 2012.
I.I.e La dynamiques des déchets dans la ruralité et la construction française A. La ruralité Dans tous les domaines, les chiffres pour quantifier les écarts entre la ville et la campagne se réduisent. On en est à un stade où la vie rurale et la vie urbaine se ressemblent beaucoup. Si l'on suit le cliché qui veut que les urbains "bobos" sont plus sensibles à l'écologie que les ruraux, on pourrait croire que les déchets produits seraient moindres en ville. Il n'en est rien évidemment, les foyers vivant à la campagne produisent légèrement moins de déchets que les citadins, cependant la différence n'est pas immense. L'écart est davantage important quand on s'intéresse aux déchets d'activités. Le milieu rural en produit 17%, alors qu'ils sont de l'ordre de 24,6% en milieu urbain3. Il est également à noter que la campagne est le support de bon nombre de programmes locaux de prévention de déchets, ainsi que de programmes de tarification incitative. La campagne en matière de traitement des déchets est loin de cette image de territoire quelque peu en retard, et se trouve plutôt être une bonne élève. B. Le secteur de la construction En matière de déchets et de consommation de matériaux, le secteur du BTP est le mauvais élève. Il faut néanmoins noter que tous les chiffres sont en baisse ces dernières années.
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Chiffres-clés Déchets Édition 2016, Ademe
Ces résultats restent néanmoins loin du compte. La moitié des matériaux consommés chaque année en France sont des matériaux de construction, soit 391Mt. Les déchets produits par le secteur du BTP produisent dans le pays le double de déchets que ceux produits dans les pays voisins. Sans ce handicap, les français ne seraient pas si hauts dans les classements des plus gros producteurs de déchets. La proportion des déchets issus du bâtiment est impressionnant : elle représente 78% chaque année. Et donc les quatre cinquième des déchets produits, pèsent pour 247Mt de déchets. Ce nombre colossal posé problème pour le transport et le stockage d'une masse si importante. Il est réutilisé comme remblai pour le réaménagement de carrières, ou comme granulats pour les routes une fois broyé. En 2012 par exemple, 49% ont été recyclés, 17% utilisé comme remblai, et 34% ont été stocké. Ça reste une part importante qui n'est pas resté dans la boucle, 82Mt cette année là en sont sorti. Certains matériaux issus de la construction sont eux mieux adaptés à l'économie circulaire, puisque 58% du vitrage utilisé provient du verre recyclé.
I.II. LE RURAL I.II.a Définition Si à première vue tout le monde sait ce qu'est la campagne, il n'en est pas moins difficile de définir la ruralité. Où elle commence? Où elle fini? Quelles sont ses caractéristiques? Est-elle unique ou multiple? Il y a plusieurs approches pour définir le rural. La plus généraliste, et qui n'est pas la plus quantifiable, parle de son rapport à la Nature. La campagne est un espace où la couverture végétale est prépondérante dans le paysage, où la densité de population est faible, et où les activités agricoles sont importantes. L'Insee propose une seconde approche basée sur le rapport à la ville. Le rural est tout ce que n'est la ville, partout où elle n'est pas. Ainsi, une agglomération se défini comme suit: au moins 2000 habitants, et moins de 200m entre les bâtiments. Et la campagne en est le résultat en négatif. Aujourd'hui on recense deux types d'espaces : ceux à dominante urbaine (pôles urbains), et ceux à dominante rurale (Il y en a 17 typologies). Les couronnes périurbaines et les communes multipolarisées, bien qu'ayant un fonctionnement dépendant des pôles urbains, comptent parmi les espaces à dominante rurale. Les habitants eux-mêmes considèrent qu'ils vivent à la campagne. Toutes ces définitions comportent quand même leur lot d'inconvénients, et aucune n'est parfaite. La campagne est complexe à définir par elle-même parce qu'elle est multiple, et en faire une généralité et essayer de lui donner une définition unique est réducteur.
Il n’y a pas que la France qui a du mal à saisir la ruralité, parce que ce que l'ONU recense plus d'une centaine de définitions suivant des critères différents. La majeure parti du temps une limite de taille est fixée, mais il peut aussi s'agir de classer par la nature des activités, par une densité maximum de population, où même par rôle administratif sans regarder la taille.
I.II.b Les dynamiques du monde rural R.Chapuis4 nous enseigne que la dichotomie ville-campagne s'efface depuis les vingt dernières années. L'écart entre les populations rurales même isolées et celles des pôles urbains se réduit constamment. Les ruraux sont plus dépendants des villes et plus ouverts sur le monde. Grâce aux nouvelles technologies et aux moyens de transports, les ruraux sont en contact avec le monde entier et voyagent presque autant que les urbains. La réciproque est également vraie: le monde est plus proche d'eux, et donc ils se retrouvent en concurrence avec la planète entière. Le monde agricole également se retrouve plus ouvert et est influencé par l'étranger. Avec notamment l'Europe qui a un fort pouvoir directif sur le monde paysan pour veiller à l'application d'une agriculture soutenable. Sans parler de l'international, les ruraux ont une relation plus forte avec une partie plus étendue de leur territoire, leur zone d'appropriation s'est élargie grâce à la voiture. L'esprit de clocher n'existe presque plus et au contraire on voit fleurir partout des associations pluricommunales dans le sillage des intercommunalités. Il n'y a plus de comportement spécifique aux ruraux considérés autrefois comme "arriérés" . Au contraire, il y a eu une inversion des valeurs et la perception des campagnes redevient positive. C'est une identité fière à défendre qui correspond à un changement dans la structure sociale et démographique. Si l'on regarde les chiffres généraux, les campagnes ne se dépeuplent plus. L'exode rural du siècle dernier s'essouffle. En réalité, certaines zones les plus reculées continuent de se vider, mais la désertification est minoritaire comparé à la très forte augmentation dans les campagnes périurbaines. Ce renouveau est dû à l'arrivée d'une nouvelle catégorie d'habitants: les "rurbains". La campagne devient un lieu d'habitation plus que de vie. C'est d'ailleurs un point commun qu'elle partage avec certaines parties des villes. Elles sont toutes deux habitées de façon provisoire alors que les étendues occupées sont toujours plus importantes. La campagne a baissé en intensité par rapport à autrefois. Ce phénomène, combiné à celui d'une aire couverte plus importante a pour effet de provoquer un amaigrissement. Si l'on divise le monde rural en trois catégories on observe des dynamiques différentes.
Thibaud Delplancke, Thomas Eglin, Audrey Trévisiol, Jean-Marc Callois, Frédéric Walle, Economie circulaire et développement rural /Freins et leviers au déploiement de projets territoriaux innovants, Rapport du Sénat 4
Espace périurbain : ils sont très dépendants des villes , la démographie augmente toujours et la population observée est plutôt jeune. Espaces ruraux profonds : baisse de la population, isolement et dépendance aux pôles urbains lointains, et un vieillissement de la population ajouté au fait que les quelques rares nouveaux arrivants sont également des retraités. Espaces ruraux vivants : ils restent à l'équilibre grâce au tourisme ou à des activités industrielles locales qui se sont adaptées.
I.II.c. Espaces ruraux et leurs habitants A. Les campagnes Les campagnes ont bien changé depuis le début du siècle dernier. Leur dépeuplement a fait qu'elles ont évolué en quelque chose d'autre, avec des pratiques spécifiques. Pour exemple, on observe dans le paysage une homogénéisation des espèces. Les pratiques agricoles ont évolué avec l'arrivée de l'agriculture flexible, par exemple. Ou au contraire, en prenant le parti de la spécialisation. De nouveaux outils gèrent le territoire egalement, et dans bon nombre d'endroits l'agriculture est casi numérique. Chaque mètre carré de terre agricole est connu et est optimisé. La campagne se retrouve alors organisée de manière plus cartésienne que la ville. Dans l'antiquité, la campagne désignait la terre avec une certaine distance, une presque inconnue, en opposition avec la ville connue. Aujourd'hui c'est totalement renversé, le monde rural ne signifie plus espace naturel et a perdu sa part d'inconnu. La ruralité est en fait un grand espace artificiel, où l'artificialité de rendements gérés numériquement côtoient des espaces artificiellement préservés. On cherche à faire du terroir un patrimoine culturel immatériel en le maintenant de manière factice dans la tradition. La question du tourisme champêtre pose aujourd'hui la question de la "victimisation",comme la nomme Rem Koolhaas5, de la campagne. C'est à dire le maintien mélancolique dans une idée que l'on se fait de la campagne, mais qui ne correspond en fait qu'à une image et à une représentation que l'on veut renvoyer aux touristes. Les campagnes se remplissent de grands objets expulsés des villes. Celles-ci relèguent tout ce qui n'est pas "amusement" loin d'elles et ces boîtes se déploient sur le territoire en suivant leur logique hyper cartésienne. Ces bâtiments ont leur logique propre et viennent perturber un paysage rural organisé selon ses propres grilles. La croissance urbaine irrésistible n'épargne pas les campagnes dont les bourgs se vident au profit des périphéries de villages. L'étalement urbain dû aux maisons individuelles ne cesse de progresser.
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R.Koolhaas/AMO, Côté campagne
B. Les habitants des campagnes Il y a aujourd'hui près de deux milliards de personnes qui vivent à la campagne dans le monde sans être agriculteurs. Et en Europe, les agriculteurs ne représentent que 8% des ruraux. L'éventail des professions et des activités des ruraux est en effet très large et très contemporain, et ne se cantonne pas aux seul domaine agricole. Les manières de travailler à la campagne sont des proches de celles des villes, et beaucoup d'activités (y compris l'agriculture) sont numériques. A la campagne les agriculteurs sont donc en minorité. La population se constitue d'une part importante de retraités, qui tiennent un rôle important (de par leur implication associative), de cadres ce qui est relativement nouveau, et de personnes travaillant dans les services, l'industrie, les administrations... La campagne est de moins en moins agricole dans ses activités pour plusieurs raisons: parce que les agriculteurs se diversifient, et à cause de l'afflux d'urbains. En effet, les agriculteurs ne dédient plus tous leur vie entière à la terre mais peuvent avoir des activités annexes (comme musicien par exemple en référence au groupe The inspector cluzo). Les rurbains ou neoruraux en recherche d'authenticité viennent également avec leurs besoins de services urbains, et cela aboutit à un paysage de l'intermédiaire. Il en est de même avec les habitats. Il y a une recherche de rusticité de leur part pour vivre dans de l'habitat traditionnel et vernaculaire. Cependant, une fois dedans l'aménagement qu'ils en font est hors contexte avec des meubles suédois, de la décoration scandinave. L'intérieur des habitations pourrait être l'intérieur de n'importe quel logement. On se retrouve encore une fois dans un niveau intermédiaire. Un paysan aujourd'hui couvre seul beaucoup plus de surface qu'un paysan au milieu du siècle précédent. Ainsi l'intensité même dans l'agriculture est diminuée. La journée, une partie des habitants actifs quittent la campagne pour aller travailler en ville qu'importe la distance, pour ne revenir que le soir.
Conclusion Pour pouvoir se questionner sur l'économie circulaire comme un facteur de dynamisation du monde rural, il faut bien comprendre les logiques de l'économie circulaire et de la ruralité. Mettre ces deux termes dans leur contexte, les définir et faire état de leur évolution me semble important. L'économie circulaire est une notion définie assez précisément par des organismes comme l'Ademe ou la fondation Ellen MC Arthur, comme visant à la préservation des ressources. L'objectif est de conserver les ressources à l'intérieur d'une boucle pour ne pas gaspiller, ni avoir à en extraire de nouvelles. Dans la Nature, le déchet n'existe pas, ils sont toujours la ressource de quelqu'un et nous devons penser des systèmes qui s'appuient sur cette prouesse. Si certains préceptes sont énoncés assez précisément, il faut surtout penser que c'est l'état d'esprit circulaire qui est important. Il faut penser à économiser les ressources à chaque
étape du cycle de vie de l'objet. Tout ceci doit être pensé en amont, lors de la conception des objets et est appelé éco-conception. En France, l'économie circulaire est une cause reconnue, qui est promue par des organismes publics mais aussi des ong. Si certains pays sont en avance comme la Chine, la Hollande et le Japon, elle fait tout de même partie des bons élèves. Il y a cependant beaucoup de choses à améliorer, comme le secteur du bâtiment par exemple qui est de loin de plus gros producteur de déchets. Le monde rural quant à lui connaît de nombreux bouleversements qui pourraient en faire un terrain d'expérimentation privilégié pour l'économie circulaire. La campagne ne correspond plus à l'image que l'on en avait autrefois. De nombreuses activités contemporaines y sont exercées et l'agriculture devient minoritaire. Les campagnes sont en grande majorité essentiellement des lieux de résidence où il y a très peu d'activités économiques. Avec la migration pendulaire de ses habitants, l'intensité y est bien plus réduite par rapport au siècle précédent. La ruralité s'est modernisée au contact des villes dont sont issus de nombreux habitants. Cependant, ce rapprochement des relations villes-campagnes créé une forte dépendance vis à vis des pôles urbains. Il y a une forte centralisation des activités économiques, des emplois, mais également des ressources. Les campagnes importent quasiment tout de la ville et y dépensent leur richesse. La campagne autrefois vivait en quasi autarcie, et peut-être que l'économie circulaire peut aider à conserver les ressources dans la boucle locale. On peut se demander alors si l'économie circulaire est adaptée au mode de vie rural contemporain, et si elle peut en tirer avantage.
II. L'économie circulaire dans les modes de vie ruraux II.I Actuellement Le monde rural est un bon terreau pour l'économie circulaire. La campagne possède en elle des réflexes et un état d'esprit ancré qui sont compatibles avec les pratiques de l’économie circulaire. De plus, les acteurs qui l'habitent aujourd'hui peuvent participer à son développement.
II.I.a Un état d'esprit ancien Avant que notre société se mondialise et que le consumérisme ne gagne la campagne, la notion de déchet était quasi inconnue pour les ruraux. Cette notion comme nous l'avons vu
précédemment est héritée de l'hygiénisme urbain, et s'est ensuite qu'il s'est exporté dans le monde rural. Nous sommes tous déjà dans notre vie passé devant une ferme ancienne où devant trônait un bric à brac d'objets en tout genre : une baignoire qui fait office de mangeoire, un baril sert de récupérateur d'eau, un épouvantail à partir de CD roms etc. Plusieurs facteurs font qu'à la campagne les habitants ont historiquement toujours fait plus attention aux ressources qu'en ville. Pour cause d'isolement en partie. Parce que les ressources se trouvant à la ville, il n'était pas aussi facile qu'aujourd'hui d'y avoir accès. La société faisait le que besoin de consommer était moins impérieux et donc, aller chercher des ressources se faisait avec plus de parcimonie. Et une fois rentré à la campagne, pas question de consommer puis jeter ces quelques ressources exceptionnellement ramenées. Ensuite, la modestie des moyens des ruraux faisait qu'ils vivaient presque en autarcie à la campagne. Ainsi, le moindre intrant ajouté à leur système avait une valeur inestimable, et il était prolongé, réutilisé, réemployé, recyclé à l'infini. Le fonctionnement autonome des fermes de l'époque est une forme d'économie circulaire, où chaque ressource est utilisée en boucle. On peut noter qu'un des avantages de la ruralité est la présence d'animaux, surtout autrefois, où ils avaient toute leur place dans ce système pour l'élimination des déchets (qui n'en sont donc pas) grâce aux cochons et poules entre autres. C'est également le monde agricole qui a inventé la gestion raisonnée des terres. Ce système permet de ne pas consommer une parcelle jusqu'à son épuisement , et donc de ne pas épuiser la ressource, en la laissant un certain temps en jachère pour qu'elle se revitalise. C'est exactement l'application de principes de l'économie circulaire. Aujourd'hui comme nous l'avons vu l'immense majorité des ruraux ne sont pas des paysans et sont aussi consuméristes que les citadins, mais on peut avoir espoir qu'ils gardent en partie en héritage cet état d'esprit. II.I.b. Les nouveaux ruraux Outre les ruraux "de naissance", il y a aujourd'hui dans les campagnes des néo-ruraux qui quittent les villes pour une meilleure qualité de vie. Parmi eux il y a des "rurbains" qui peinent à abandonner leur mode de vie citadin, mais pas seulement. Certaines personnes vont s'installer loin de la ville par conviction. Ils fuient le consumérisme inhérent à la ville et à leur ancien mode de vie pour mener une vie "plus saine". Le plus souvent ces personnes s'installent dans les espaces ruraux profonds. Ces acteurs sont extrêmement intéressants pour ces territoires car ils sont souvent engagés. Sans vouloir faire de généralités, ce sont des personnes qui ont une réflexion derrière leur démarche en faveur de l'environnement, et qui n'hésitent pas à expérimenter pour établir de nouveaux modèles de développement durable.
Contrairement à la ville où pour caricaturer il y a un peu à boire et à manger en terme de volontés écologiques, à la campagne on retrouve des personnes qui sont là par choix et par engagement, et plus facilement volontaires quand il s'agit de transition écologique. La campagne est ainsi le lieu-support de multitudes d'initiatives portées par des gens engagés qui peuvent être un soutien pour le développement de l'économie circulaire.
II.II Les pratiques en place II.II.a En Amont A- La gestion des ressources En France, la majorité des ressources sont gérées durablement. Cependant, nos campagnes sont dotées de ressources qui sont encore inexploitées. Il existe par exemple des forêts plutôt récentes dont on ne tire pas encore profit. Ces arbres poussent dans des régions qui ne sont pas traditionnellement des exploitants du bois, et ainsi ces ressources sont laissées telles quelles. Ils poussent en général dans des régions qui autrefois étaient agricoles, et qui aujourd'hui cultivent beaucoup moins. Et donc les arbres prolifèrent. Ce qui est une aberration écologique est que les populations locales ne profitent donc pas de ce bois mais continuent d'importer des matériaux non locaux. Le problème est double : Il n'y a pas de savoir faire local pour exploiter le bois mais surtout pour pouvoir évaluer la forêt et dresser un plan de gestion raisonné, et les habitants ne sont pas habitués au bois culturellement. C'est une réaction étrange que j' ai pu observer lors d'un voyage d'étude dans les préAlpes d'azur : les habitants ont vu pousser au fil des ans des hectares de forêt autour d'eux, à quelques dizaines de mètres du village, cependant jamais ils ne voudraient construire en bois. D'ailleurs tous les permis de construire présentant des maisons en bois sont refusés. Les habitants sont trop attachés à leur style provençal. Au delà de la simple gestion donc, il faut recenser impérativement toutes ces ressources. Certains pays comme l'Allemagne sont par exemple plus avancés que nous en la matière.
B- L'écologie industrielle/agricole L'écologie industrielle permet de rendre la transformation de la ressource durable. Elle fonctionne comme un écosystème qui est un tout dont les différents composants se nourrissent des déchets des autres et les utilise comme intrants. Ce système fonctionne en circuit fermé dans la Nature, et dans le cadre de l'écologie agricole il en est de même : les acteurs sont dépendants des ressources produits par les autres et rien ne se perd.
Le système de la symbiose industrielle est plutôt un modèle qui a déjà commencé à faire école depuis l'exemple de la ville de Kalundborg6. Cette ville est célèbre pour avoir généralisé le système d'écologie industrielle. C'était à l'origine, au début des années 70, une centrale électrique et une raffinerie de pétrole qui échangeaient eau contre énergie. Aujourd'hui toute une myriade d'organisme se sont joint à eux et récupèrent ce qui autrefois étaient leurs déchets. Une usine pharmaceutique à d'abord rejoint le duo initiateur pour récupérer également les surplus en eau et en vapeur, et elle même s'est associée à d'autres industries locales pour se débarrasser intelligemment de ses déchets. Ainsi une platrerie locale récupère certaines matières la centrale, tandis que les agriculteurs du coin nourrissent leurs élevages avec d'autres issus de l'usine. Les habitants également sont parti prenante dans ce système, leurs systèmes de chauffages fonctionnant avec les surplus de la centrale à charbon. L'exemple précédent n'est pas vraiment situé à la campagne. Cependant il y a aujourd'hui en France dans les zones rurales de plus en plus d'initiatives d'écologie industrielle. Il est toutefois plus difficile de trouver trace d'initiatives agricoles qui proposent un modèle de fonctionnant en symbiose sur un territoire. De plus en plus d'agriculteurs expérimentent un fonctionnement circulaire de leurs cultures, mais cela reste à l'échelle d'une même ferme. Ça n'est jamais le résultat d'une collaboration sur un territoire. La ferme du Vieux Poirier dans le bas Rhin est l'une d'elles, qui cultive grâce à la combinaison de l'élevage et du maraîchage en un véritable écosystème. Dans un étang sont élevés des poissons et des écrevisses, tout autour il y a des pommiers et poiriers dont les troncs permettent la pousse de shiitake et de pleurotes. Quand les fruits des arbres tombent ils nourrissent les cochons et la volaille, dont les déjections serviront d'engrais pour faire pousser les légumes. Un système valorisant pour le monde rural serait un système qui allie l'écologie industrielle et agricole afin d'optimiser les ressources du territoire. Un exemple abouti est celui de la bio raffinerie Sud Languedoc7. Le produit originel est le marc de raisin issu de l'agriculture donc, et qui est un coproduit de l'industrie viticole en distillerie. C'est à dire que c'est un produit issu de la culture d'une ressource principale qui est le raisin. Le système qui a été proposé en 2016 veut créer un écosystème entre la distillerie, un centre de méthanisation, une chaufferie à vapeur biomasse et une centrale de compostage (également centrale solaire photovoltaïque). Le Marc de raisin ainsi que les vinasses obtenues après distillation alimentent le méthaniseur qui produit du gaz nécessaire au fonctionnement du séchoir qui permet de déchet les pépins qui iront dans la chaudière biomasse. Ce procédé produit également un excédent d'électricité. La centrale à compost est alimentée par le produit de la chaudière biomasse, ainsi que par le digestif issu de la méthanisation. De l'électricité est également créée par la couverture photovoltaïque. De plus, les moquettes issues du Marc de raisin une fois distillées produisent différentes ressources qui peuvent servir à l'industrie alimentaire.
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ARPEPACA, L a symbiose industrielle de Kalundborg, economiecirculaire.org http://economie-circulaire.coopdefrance.coop
Ce modèle est intéressant parce qu'il allie deux composant importants du paysage rural : l'industrie et l'agriculture, et il fait intervenir plusieurs acteurs qui se nourrissent du produit des autres pour obtenir des ressources propres.
II.II.b Gestion des déchets A- Les déchetteries. Les ruraux ont un rapport particulier à la déchetterie8. C'est à la fois un lieu important, et un lieu semi-caché. Avant l'arrivée des déchetteries, toutes les campagnes étaient dotées de leur décharge. Cet endroit souvent reculé et caché recevait les déchets que venaient y jeter les habitants. Puis ces endroits ont été organisés par l'Etat en déchetteries. Aujourd'hui ça n'est plus du tout honteux de déposer ses ordures, et elle occupe une place importante dans la vie des campagnes. Les habitants s'y rendent régulièrement et participent à un pré tri quand ils y déposent leurs déchets. Contrairement aux citadins qui ont un rapport très distant avec ce lieu, n'ayant pas beaucoup de déchets vert par exemple, où déposant directement les encombrants sur le trottoir. La particularité des déchetteries est leur statut semi-public et donc d'autorité sur les déchets récoltés. La majorité sont destinés au recyclage, et il est interdit par exemple de venir y glaner des produits à réutiliser. On se retrouve donc avec une autorité qui favorise le recyclage à la place du réemploi ou de la réutilisation qui sont tout de même des procédés plus vertueux en terme d'écologie circulaire. Aujourd'hui les choses s'améliorer peu à peu et l'entrée est ouverte pour les associations comme Emmaüs qui peuvent laisser leur benne de récupération. Les usagers peuvent ainsi y déposer de vieux vêtements, où des meubles pouvant être réparés.
B- Le compost collectif En France, 30% des ordures proviennent des ménages. Le compost est un procédé qui permet de transformer les déchets d'origine organique en nutriments pour la terre grâce à la décomposition. C'est un procédé intéressant pour le milieu rural, puisque le compost nourrit les cultures. Ce procédé nécessite également de la place et produit parfois des odeurs. L'avantage des compost collectifs est également de créer du lien entre les habitants, puisque ce sont les apports de tous qui produisent le résultat final. Et cela a l'avantage également de fixer un point de rencontre entre les habitants dans l'espace public.
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Pacreau Fanny, Déchetterie, espace de concurrence entre recyclage et récupération, 2013
Plusieurs communes en France en sont équipées9, comme ces deux petites communes rurales du Gard Rhodanien : Saint André de Roquepertuis (523 habitants), et Saint Gervais (673 habitants). L'objectif était autant de créer du lien social que de réduire les déchets. Grâce aux trois bacs de 1000L, après la première production de compost près de deux tonnes de déchets ont été détournés. Le compost réalisé est ensuite redistribué aux habitants qui adhèrent à ce service et qui peuvent ainsi nourrir leurs espaces verts. Même si tous les habitants ne sont pas des usagers, le compost collectif permet de faire prendre conscience qu'un autre état d'esprit est possible. Une chose intéressante à noter est que si les déchetteries sont souvent cachées en dehors des routes principales, dans ce communes les bacs à compost ont une place centrale bien en vue des axes passants. C- La méthanisation La méthanisation est un processus de dégradation de la matière organique par des microorganismes. Contrairement au compost, le processus est anaérobie. Cette méthode est utilisée dans quatre secteurs qui lui sont propice : pour l'agriculture, l'industrie, les déchets ménagers, ainsi que le traitement des boues urbaines. Le grand avantage de ce procédé est qu'il permet une double valorisation de la matière : il y a une production d'énergie, ainsi qu'une conservation de la matière organique. Le digestat pourra retourner nourrir le sol et passant si nécessaire par une étape de compost. L'énergie produite est le biogaz et il peut être utilisé de différentes manières. Il peut servir de combustif pour produire de l'électricité et de la chaleur, il peut servir à produire du carburant, ou être injecté dans le réseau de gaz naturel. Dans le cadre de la mise en place de l'agriculture durable dans le Ternois, l'ademe a établi que la zone d'étude était composée à 75% de terres agricoles, et que l'agriculture représentait 42% des gaz à effet de serre du territoire. Outre la réduction des gaz à effet de serre, ce programme avait pour objectif de structurer l'espace rural et les espace agricoles dans une optique durable. Les actions et les réflexions ont été menées en lien direct avec les agriculteurs. Les résultats du programme portent sur deux échelles : une première au niveau des exploitations, et une plus large sur l'application de l'économie circulaire au niveau de ce territoire étudié. Parmi les préconisations faites pour aider ce territoire à se développer on retrouve un volet sur les déchets organiques. En effet, la méthanisation (Ainsi que le compost) sont des leviers intéressants pour le développement de cette zone rurale du Pas-de-Calais. Réutiliser les déchets organiques pour nourrir les sols évite de faire entrer des matières extérieures à la boucle. Ainsi les déchets organiques aident au développement de nouvelles matières organiques et ainsi de suite, tout en produisant de l'énergie pour l'exploitation ou le territoire.
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Promotion du compostage collectif en milieu rural, Ademe.fr
II.III L'exemple de la Chine Contrairement à ce que l'image de mauvais élève pour les préoccupations écologiques que porte la Chine pourrait nous laisser penser, c'est un pays qui prône l'économie circulaire. Et c'est également un pays encore majoritairement rural, ce qui est intéressant pour cette étude. Nous avons déjà présenté brièvement les avancées en termes de décisions officielles, mais nous allons commencer par détailler un peu plus le contexte. La Chine a produit de nombreux efforts depuis les premières lois qui reconnaissent l'économie circulaire comme une cause nationale au milieu des années 200010. Depuis, elle est présente dans chaque plan quinquennal fixé par le pays, avec toujours des objectifs plus élevés. Le contexte politique de la Chine fait que les objectifs décidés par l'état sont suivi avec rigueur, au vu de l'emprise qu'il a sur la société entière. L'exemple est intéressant pour la méthode mise en place , mais on peut reconnaître des disparités entre la ruralité de France et le ruralité chinoise. En effet, même si une classe moyenne a émergé ces dernières années et se met à consommer, la majorité des campagnes chinoise a encore des habitudes de consommation traditionnelle. Les ménages ruraux ne produisent que très peu d'ordures par exemple. Si ce pays souvent pointé du doigt sur les dérives écologiques est à la pointe en terme d'économie circulaire, c'est d'abord plus par nécessité que par conviction. La nécessité sanitaire en premier lieu, puisse la situation se trouve dégradée à un point que la pollution recouvre littéralement les villes assez régulièrement. Il y a ensuite une nécessité économique, puisque pour devenir le pays industriel qu'il est et qu'il entend rester, la Chine a dû apprendre à gérer efficacement ces ressources , et à les optimiser. C'est déjà un savoir faire local puisque en partant de très peu de moyens il a su rapidement devenir un géant industriel. Si la Chine opte pour l'économie circulaire plus que pour une politique de protection de l'environnement, c est que celle-ci n'est pas en conflit avec le développement économique. Le système mis en place par la Chine est aussi bien national que local. Il y a des directives nationales (et pas seulement sur l'économie circulaire), mais les pouvoirs locaux sont également très impliqués et peuvent de donner les moyens de prendre des vraies directions. La première spécificité est que des méthodes d'évaluation et de quantification ont été établies11. Ainsi, les projets sont évalués selon leurs performances et seront répliqués ou non. La stratégie de la Chine est de mettre en place des projets de démonstration locaux et de les faire appliquer d'abord à 10 villes, puis une fois qu'il fonctionne à 100 villes , puis à 1000. C'est par l'expérience et l'évaluation des performances que les projets sont affinés jusqu'à pouvoir devenir un modèle. C'est ainsi que la politique des parcs d'écologie industrielle c'est développée, et que l'économie circulaire à été diffusée dans les villages. Marc-Antoine Authier, L’économie circulaire dans le monde : en Chine, une réponse pragmatique, institut Montaigne.org 11 Economie circulaire : cent villes chinoises pilotes pour l’économie circulaire , Diplomatie.gouv.fr 10
La politique d'économie circulaire a d'abord été très orienté sur les ressources, pays producteur industriel oblige. C’est donc dans les campagnes qu'ont émergé les premiers programmes de gestion des flux de ressources et que l'économie circulaire à fait ces premiers pas. Aujourd'hui les déchets sont également régulés et les volontés se tournent vers une consommation soutenable, des usages raisonnés et une société orientée sur le prolongement de l'existence des produits. La volonté que la production soit plus propre avec la mise en avant de la symbiose industrielle date de quelques années avant les lois sur l'économie circulaire. Elle est assez développée sur le territoire chinois, et le partage, les échanges et les services en commun sont une préoccupation importante. Toutes les échelles sont fortement encouragées à être optimisées: que ce soit juste une entreprise, un parc ou tout un territoire. Les campagnes chinoises ont un réel savoir faire dans ce domaine, parce que ce système d'utilisation intelligente des ressources fait écho à une pratique historique datant de plus de 2500 ans. Il s'agit du système d'étangs piscicoles composé de culture de mûriers (ou Mulberry fish pond). Ce système complexe mis en place par les paysans chinois permet la création d'une biodiversité fonctionnant en circuit fermé. L'agriculture fonctionne en symbiose à plusieurs niveau ici. Il y a d'abord une culture de mûrier que fournit des feuilles pour l'élevage des vers à soie, les excréments de ces vers nourrissent les poissons élevés en pisciculture à proximité des champs de mûriers qu'ils fournissent en matière organique et fertilisent. L'eau de ces étangs les abreuvent. Un niveau de complexité est ajouté dans ces étangs composés de plusieurs espèces de poissons qui habitent l'étang différemment et agissent chacun sur des bioagresseurs spécifiques. Ils défendent donc la pérennité de la boucle.
Conclusion La ruralité et ses modes de vie sont un bon terreau pour l'économie circulaire si l'état d'esprit des habitants est ouvert à ces pratiques, mais aussi si les usages sont compatibles. Pour ce qui est de l'état d'esprit, nous avons vu que si la théorisation de l'économie circulaire est relativement récente, elle est en fait utilisée depuis bien longtemps dans les campagnes. Les habitants ont encore aujourd'hui des réflexes de réemploi et de réutilisation. L'attention aux ressources est plus présente dans les campagnes que dans les villes gagnées par le consumérisme. De même, les déchetteries font partie intégrante de la vie rurale tout comme un bon nombre d'initiatives visant à recycler les déchets. Outre les habitants aux réflexes ancrés depuis longtemps, la campagne accueille bon nombre de nouveaux arrivants. Une majorité vient s'y installer pour la qualité de vie. Parmis ceux-ci, un certain nombre de personnes viennent dans le monde rural par conviction et après une réflexion sur leur mode de vie. Cette démarche est intéressante parce qu'elle signifie qu'ils sont prêts à s'investir pour changer les modes de consommation et sortir de l'économie linéaire. Beaucoup de ces nouveaux habitants sont vecteurs d'initiatives intéressantes promouvant, déjà, l'économie circulaire. Elle est déjà présente à la campagne à travers un certain nombre de projets, et plusieurs domaines continuent de se recentrer autour de pratiques favorables à l'économie circulaire.
Il y a d'ores et déjà un certain nombre d'exemples significatifs qui appuient le fait que le processus de "circularisation" est en cours. La liste ne se veut pas exhaustive mais plutôt représentative de ce qu'il se fait déjà et de ce qu'il reste à faire pour bon nombre de secteurs à la campagne. Des domaines comme la gestion des ressources, la symbiose industrielle et agricole, et la transformation des déchets en ressources sont compatibles avec l'économie circulaire. Ces secteurs sont déjà investis par quelques projets, mais ils méritent d'être traités plus largement. On en est encore aux balbutiements et heureusement que des acteurs comme l'Ademe sont là pour pousser ces projets. Il y a également des initiatives individuelles déployées ci et là dans des fermes engagées. Cependant, l'échelle reste désespérément petite pour tous ces projets, elle ne se déploie jamais sur tout un territoire. Cela fait pourtant bien longtemps que en Chine par exemple, de larges régions sont baignées dans cette culture circulaire. Les productions agricoles et piscicoles de certaines régions sont complètement circulaires depuis des millénaires. Montrer ces exemples concrets nous aide à faire le constat qu'en France l'économie circulaire est déjà présente et possible dans les campagnes, mais qu'elle en est qu'à ses prémices. Peut-elle aider le secteur de la construction - qui est le plus gros pôle de pollution du pays - à limiter ses déperditions? Mais, plus important, on peut se questionner sur la capacité de l'économie circulaire à régler certaines problématiques rurales qui vont au delà de la question écologique.
III. L’économie circulaire dans la construction rurale III.I Ressources et savoirs- faires
III.I.a Matériaux issus des territoires ruraux
A- Les matériaux biosourcés .L e bois : on a vu précédemment que la ressource bois était mal exploitée en France, où en tout cas sous exploitée. La faute est celle du manque de diagnostics et donc de la méconnaissance de ces ressources. Cependant, certains acteurs peuvent agir pour valoriser son exploitation. Le problème écologique est différent de l'exploitation forestière qui frappe certains pays. Le fait de ne pas exploiter cette ressource suffisamment est un problème puisque au lieu d'utiliser une ressource locale que l'on sait gérer de manière durable, on importe un matériau venu de plus loin. La problématique est celle de la consommation locale et de la réduction de l'énergie dépenses dans des transports peu utiles. Certains acteurs de la filière bois jouent le jeu de l'économie locale et circulaire comme les charpentiers de l'Atlantique. Ils s'évertuent à ne construire qu'avec des bois locaux, ce qui
implique des contraintes dues aux spécificités des bois , mais qui est une démarche durable. Ces charpentiers récupèrent toutes les chutes produites pour les transformer en matière pour les cheminées. Ainsi ils limitent les déchets. Leurs investissements se portent sur des actions qui tendent à économiser les ressource avec par exemple l'avait d'une machine servant à traiter le bois. Traiter le bois une fois qu'il a été travaillé consomme moins de matière que traiter les bois dans leur entièreté avant qu'ils ne soient recoupés. . Chanvre, paille : Le chanvre et la paille sont des matériaux présents dans les campagnes qui font leur place dans la liste des matériaux de construction. De plus en plus de ces ressources sont utilisés pour la construction, et elles sont faciles à gérer durablement. Certains acteurs des territoires peuvent aider à l'expertise et à la sensibilisation de l'utilisation de matériaux biosourcés. Il y a notamment au rôle que peuvent jouer les parcs régionaux et autres organisme visant la valorisation des territoires ruraux par exemple. La gestion durable des territoires est un des piliers de l'économie circulaire et la question des ressources locales est une problématique à encourager. Dans le Gatinois en île de France, les élus, artisans et maîtres d'oeuvres se sont entendus pour promouvoir tous ensembles le chanvre. Ce matériau aux multiples usages est issu de la filière locale. C'est intéressant comme phénomène, parce que ce sont directement les acteurs qui se sont emparés de la question. B- Les matériaux naturels non biosourcés . La terre : construire en terre est une chose qui est plutôt compliqué en France. Construire en terre demande une vraie connaissance du savoir faire et du terrain. Malgré le fait que ce matériau est souvent abordé lorsque l'on parle de développement durable, il n'arrive pas à émerger. Pour aborder la question du point de vue de l'économie circulaire, c'est pourtant un matériau très intéressant. La ressource est présenté en quantité, le matériau peut aisément retourner à l'état naturel, et ces composants sont tous des matériaux sains. Martin Rauch, le maître constructeur dans le domaine de la terre à utilisé un modèle totalement circulaire pour la construction de sa maison, puisque le liant de la terre est fait à partir de bouse de vache. Ainsi, ce qui pourrait été a considéré comme un déchet (bien que naturel), est recyclé si l'on peut dire. . La pierre : C'est un matériau qui historiquement est un précurseur en ce qui concerne l'économie circulaire. En effet, les murs de pierre autrefois étaient composés entre deux épaisseurs de pierre de tous les déchets avec lesquels on pouvait remplir cet espace. Le mur de pierre était ainsi composé de "déchets" et gravats en tout genre. Du fait de la valeur de ce matériau sans doute, par le travail qu'il nécessite pour être abouti, il a souvent été réemployée dans plusieurs constructions successives. Au cours du temps il y a toujours eu des pillages et des démantèlements de ruines locales pour utiliser ce matériau à nouveau. La pierre est un matériau qui ne se perd pas et peut sans cesse être récupéré pour construire autre chose.
B-Les matériaux de construction revalorisés Un modèle encore insuffisant : Un bâtiment destiné à être démantelé ou détruit est un vivier de matériaux dont la plupart du temps beaucoup sont récupérables et réexploitables. Pour l'économie circulaire le réemploi ou la réutilisation de ces matériaux est fortement encouragé. C'est une pratique qui n'existait pas vraiment avant mais qui se développe de plus en plus. Elle demande cependant plus de travail que pour une simple démolition. Il y a un travail préalable de repérage, puis ensuite un travail de démontage et dépistage qui demande plus de minutie que pour une démolition. Cependant, le recyclage et le réemploi des matériaux issus de constructions locales n'est pas très adapté au modèle rural. La récupération de matériaux engage des problématiques de stockages important mais aussi de maillage. Celui du rural est par définition détendu et donc les ressourceries et tout le secteur de la récupération de matériaux ne sont pas viables à la campagne. De plus, le modèle de récupération des déchets pour les réemployer n'est globalement pas encore au point. Il est souvent ignoré quand vient le moment de construire. Les éléments de second oeuvre s'en sortent mieux que les matériaux de gros oeuvre car il y a la question de la confiance qui entre en jeu. Les outils actuels ne sont pas suffisants ou pas jugés suffisants pour ce qui est des questions de traçabilité, ou de garanties sur leur qualité. Les assurances et les bureaux d'étude fondent davantage leur confiance dans les matériaux de première main. A ceci s'ajoute, et c’est plutôt surprenant, que le marché des matériaux à réutiliser n'est pas si avantageux que cela quand au prix. La compétitivité ne compensant pas le manque de confiance, le modèle peine à s'imposer pour le moment. Ses valeurs vertueuses de valorisation des ressources se retrouve pour le moment freiné par un manque de considération. A Banon dans les basses Alpes, la conversion d'un hangar de librairie en usine à chocolats à demandé beaucoup d'énergie et de combats à son architecte qui voulait suivre le bon sens et utiliser l'économie circulaire. En effet, la librairie comportait des kilomètres de rayonnages qui servaient en même temps à contreventer l'édifice. Pour la transformation en usine, il fallait libérer l'espace (et donc décider la structure), ainsi que cloisonnée quelques pièces. R.Paillat enseignant à l'Ensa Marseille à proposé de réutiliser ces kilomètres d'étagères pour en faire la nouvelle structure du bâtiment, ainsi que les nouvelles cloisons. Cette initiative plutôt louable de ne pas vouloir jeter ces étagères en parfait état en les utilisant sous une nouvelle forme a au contraire suscité la circonspection du bureau d'études et à nécessité plusieurs négociations pour aboutir. Certains matériaux sont au point : Si la filière de recyclage des matériaux de construction peut revendiquer une première victoire c'est avec la filière plâtre12. 12
Le bâtiment à l'heure de l'économie circulaire, Bâtimétiers n°43
Le plâtre est obtenue de la cuisson du gypse et a la capacité de pouvoir de recycler indéfiniment et surtout en totalité pour te faire du gypse. Ce matériau est idéal dans un schéma d'économie circulaire. Les fabricants utilisent cette méthode depuis longtemps pour recycler leurs rebuts internes. Mais depuis quelques années ils récupèrent en quantité les déchets de plâtre générés sur les chantiers de réhabilitation et de démolition. Le taux de recyclage est de 70%, et chaque fabricant incorpore une part de gypse issu du traitement des déchets à une part de gypse issu des carrières dans sa préparation. La filière de recyclage du plâtre est mature aussi bien d'un point de vue technique que de la récupération des déchets et de l'intérêt économique. Cependant le maillage de récupération des plâtres est faible en terme d'installations de tri et de collecte rend compliqué la relation avec les zones rurales reculées. D'autres filières qui touchent au bâtiment font partie des secteurs bien structurés : la récupération des moquettes par le biais des acteurs de la filière textile, ainsi que deux filières dites REP (responsabilité élargie du producteur) pour les équipements électriques et électroniques. Au niveau de l'ameublement enfin, les acteurs issus souvent de l'associatif sont parti prenante du processus d'économie circulaire. On observe par ailleurs une hausse des structures liées à la réparation ou au réemploi et à la réutilisation. Le nombre de structures d'économie sociale et solidaire est également en hausse ces dernières années en France. III.I.b Autres ressources A- Les logements vacants Les zones rurales et notamment les zones rurales reculées disposent d'une ressource en excédent: les logements vacants. L'économie circulaire nous dicte qu'une ressource qui nous est inutile peut être employée par un autre acteur. Ces bâtiments sont souvent situés dans les centres des bourgs de village laissés là lorsque les habitants ont quitté peu à peu les villages. Ces bâtiments inoccupés sont plus une nuisance quand ils sont vides que quand ils sont occupés. Souvent ils sont un héritage de la famille de gens partis il y a bien longtemps et qui conservent se bien sans trop se soucier de le faire occuper. Ils sont le symbole de la revitalisation des centres des villages ruraux. Ils sont une ressource locale qu'il faut faire entrer dans la boucle de l'économie circulaire. Pendant que des habitations qui tiennent debout sont inoccupés , on dépense une facture énergétique élevée à faire construire des habitations neuves en périphérie des villages, en important les matériaux. La ressource est pourtant là, et les matériaux sont déjà là: on ne peut pas faire plus local et économe en énergie que de réhabiliter ce qui est déjà là. B- Les savoirs faires La campagne est un vecteur de traditions plus que la ville. Dans les campagnes conservent traditions qui se transmettent de génération en génération et ont tendance à perdurer. Et pour les savoir-faire il en est de même.
Au delà d'être le territoire où se trouvent les ressources, la campagne est aussi le terrain de la conservation de certains savoirs-faires. Par exemple, les formations pour la construction en pierre sèche ou la construction de restanques se trouvent toujours à la campagne. Certains de ces savoirs faires ne peuvent s'exprimer qu'à la campagne, et ils vont de pair avec les façons de construire propres aux matériaux locaux. C'est dans les zones rurales qu'ils sont conservés et transmis. C- Les intempéries Cette catégorie ne fait pas vraiment parti des ressources, cependant elle est un produit de la Nature qu'il nous est parfois possible d'exploiter ou plutôt de valoriser. Cette partie est surtout le prétexte pour présenter l'initiative prise par les architectes d'architecte studio pour la réalisation d'un collège dans les Vosges en 200013. La forêt des Vosges quelques mois avant la formulation de l'appel d'offres, avait été ravagée comme une bonne partie de la France, par la "tempête de 99". La proposition des architectes était alors de réaliser le bâtiment à 90% en bois et d'utiliser comme ressource les arbres tombés dans la forêt vosgienne. Les intempéries ont des conséquences, notamment sur les zones rurales, et arriver à composer avec dans une optique de valorisation de la ressource produite inopinément est intéressant. Malheureusement cette démarche d'économie circulaire et de valorisation de ressources locale n'a pu aboutir. L'entreprise ne voulait pas construire en utilisant un matériau qu'elle n'avait pas elle même acheté er choisi. Le constructeur ne semble donc pas faire confiance à un matériau local obtenu de manière inhabituelle, de la même manière que les matériaux de récupération n'inspirent pas non plus la confiance.
III.II Les pratiques III.II.a. Déconstruction A- Mauvaise pratique Ces dernières années, de nombreux supermarchés dans les campagnes ont été "agrandis". Il semble que la première génération commençait a tomber en désuétude, parce que quelque soit l'enseigne, tous subissent cette transformation en même temps. Si l'opération est nommée "agrandissement" de magasin, il s'agit en réalité d'une démolition coordonnée avec une construction d'un autre magasin. La pratique courante est de construire un nouveau bâtiment à l'arrière du premier qui peut ainsi continuer à fonctionner le temps de la construction. Une fois celui-ci achevé, et le plus rapidement possible l'ancien bâtiment est démoli pour laisser libre accès au supermarché flambant neuf. Outre les questionnements légitimes que l'on pourrait avoir sur la réflexion environnementale de ces opérations qui doublent quasiment la taille de la zone de stationnement, on peut regretter que ces pratiques ne prennent pas en compte l'économie circulaire Architecture Studio, Conférence idées et témoignages pour réinventer Paris par l’économie circulaire 13
On peut d'abord se questionner sur le fait de détruire un bâtiment qui fonctionne et qui est toujours en état d'un point de vue structurel et dans ses composantes. De plus, ces bâtiments sont surtout de grands hangars et ainsi ils sont plutôt flexibles et facilement aménageables. A l'étape initiale du processus il y a un bâtiment qui fonctionne, et l'ensemble du processus aboutit à obtenir un bâtiment qui fonctionne également mais plus grand. Ces opérations sont appelées agrandissement des magasins, et on peut se demander pourquoi comme leur nom l'indique on ne fait pas une simple extension des bâtiments. Combinée à une restauration également si le style extérieur du bâtiment fait trop daté. La priorité dans ces opérations est clairement donnée à l'économie : le magasin doit fonctionner au maximum sans discontinuer. L'économie circulaire tend à être une économie du bon sens, où tout le monde est gagnant, et donc qui ne rentre pas en conflit avec l'économie de marché. Et donc, on peut entendre les motivations économiques de la grande distribution, mais on ne peut s'empêcher de regretter l'opportunité de mettre en place des systèmes circulaires sur ces opérations dans les campagnes. Le côté négatif de ces opérations est que la démolition est effectuée une fois le second bâtiment fini. Il n'y a donc aucun élément issu de la de construction qui ne peut être employé sur le site même. Et pourtant ce sont des éléments de construction en parfait état qui n'avaient aucun problème structurel. La déconstruction de ces bâtiments pourrait être plus raisonnée, au vu de l'importance de toute la matière récupérée à l'échelle des petites communes de campagne. La pression économique fait également que l'opération de de construction doit être la plus rapide possible, et on assiste parfois à des opérations de démolition plus que de déconstruction d'éléments qui pourtant étaient en parfait état. Il n'y a pas de programme mis en place de récupération des matériaux par les artisans et les entreprises locales. De plus, comme nous l'avons vu précédemment, le maillage des site de stockage des éléments issus de la déconstruction est très distendu au niveau rural, ils ont plutôt tendance à être centralisés autour des pôles urbains. Toutes les zones rurales ne peuvent posséder leur activité de stock de matériaux à réemployer car il faut plutôt les concentrer beaucoup à un même endroit, ce qui ne correspond pas avec les dynamiques rurales ou peu d'opération ont lieu. La campagne est victime dans ce processus de sa faible densité de ressources en ce qui concerne les édifices construits (et donc peu de potentielles démolitions également). Ce qui est dommage c'est d'observer cette formidable quantité de matière quitter un territoire, et que celui-ci doive en importer en retour alors que la matière était déjà disponible sur place. B- Une opération exemplaire Il y a des initiatives qui prennent beaucoup mieux en compte dans leur démarche l'économie circulaire. En 2018, pour accélérer le processus l'état a d'ailleurs présenté une feuille de route qui vise à amener la filière BTP vers le 100% circulaire14. Près de Lille, une démarche ambitieuse menée par Bouygues s'est engagée à être le premier chantier 0 déchet de cette envergure. Il s'agit du démontage d'un ancien site logistique de l'entreprise les 3 suisses pour laisser place à la construction d'un nouveau quartier. 14
Economie circulaire dans le BTP : une démarche zéro déchets testée par Bouygues, Batiactu.fr
La démarche, pour optimiser la conservation de matière dans la boucle, explore tout le spectre des moyens de valorisation de l'économie circulaire. L'action la plus économe en ressources et en énergie est de prolonger la vie des bâtiments existants. Conserver et transformer un bâtiment permet d'éviter la création de déchets importants. En opposition avec l'exemple précédent, mieux vaut conserver les édifices existants qui fonctionnent s'ils semblent pourvoir avec quelques modifications correspondre aux enjeux du futur projet. Dans cette opération il a donc été décidé par les concepteurs de conserver tout un des bâtiments, qui sera par la suite un peu transformé. Un travail de reportage préalable important et d'étude est réalisé en amont d'une opération de déconstruction pour étudier les matériaux que l'on veut conserver. La même attention doit être portée lors des opérations de dépose, ce qui est rendu complexe par le fait que de tels bâtiments n'ont jamais été pensés pour être un jour démontés. Ce qui est intéressant ici c'est que le réemploi a été réalisé selon un large spectre de ce qu'il est envisageable de faire. Les parquets en bois ont été transmis à une société qui va les retravailler pour les incorporer dans la composition d'une autre sorte de parquet. La matière est modifiée mais conserve son usage. Les IPN, les luminaires industriels ainsi que les racks métalliques ont été transmis à une association solidaire locale (d'anciens étudiants de l'Ensa Lille), qui va les commercialiser de manière avantageuse pour qu'ils soient réemployés. Certains matériaux récupérés quand à eux vont être transformer et changer complètement d'usage pour devenir des meubles ainsi que des étagères. Et enfin, même si c'est l'opération qui peut être considéré comme la moins vertueuse de la règle des 3R, certaines ressources vont être recyclées. Réduire étant l'opération la plus bénéfique, et réemployer à privilégier face au recyclage. Cependant, le mérite est de conserver la boucle de l'économie circulaire fermée, sans produire de déchets. Les bâtiments sont en majorité réalisés en béton, et cette matière sera broyée et concassée pour servir : à nouveau à l'élaboration de béton, à la réalisation des routes en majeure partie, mais également à la co section de carrelages.
III.II.b L'écoconception Comme le révèle l'étymologie du mot, l'écoconception s'adresse à la phase de conception. Que ce soient des objets, produits, des systèmes ou des édifices, l'économie circulaire doit faire partie i tendance du projet initial. Dans le monde du bâtiment, le concepteur est l'architecte et cette notion s'adresse directement à lui. Bien sur il n'est pas le seul preneur de décisions, les acteurs qui interviennent lors de l'élaboration du projet doivent également être en phase avec cette notion. C'est le rôle que joue l'architecte dans l'économie circulaire : celui de mettre en place les conditions en amont pour faciliter chaque étape du prolongement de la vie, et de l'absence
de déchets au bout de la chaîne. C'est avec ses premières décisions que la boucle est permise. Évidemment les bâtiments qui n'ont pas été conçus avec une prise en compte de l'économie circulaire peut faire l'objet d'actions de récupération des matériaux par exemple, mais l'éco conception permet d'optimiser les ressources et de réduire la dépense énergétique nécessaire tout au long du processus. Définition d'après l'oree (qui est un guide de l'éco conception) : elle permet aux entreprises d'intégrer les critères environnementaux dès la phase de conception d'un produit (bien ou service) afin d'en diminuer les impacts tout au long de son cycle de vie (De l'extraction des matières premières jusqu'à la fin de vie. Allonger la durée de vie du bâtiment est la première solution à envisager. Une fois que la construction est réalisée, il faut que les efforts fournis pour arriver à élever un édifice soient rentabilisés. Les usages peuvent évoluer au fil du temps, et il faut éviter qu'il soit nécessaire de remplacer le bâtiment par un autre adapté au nouvel usage. L'objectif est ainsi d'économiser une phase de démolition, et une seconde de construction. La solution est de penser la flexibilité du bâtiment, pour que les efforts pour sa transformation soient peu importants. La structure doit être multifonctionnelle et donc adaptable à plusieurs usages, tandis que les parties intérieures secondaires sont facilement démontables. Eco Concevoir son bâtiment signifie aussi réfléchir à l'après, à quand il faudra le désassembler. C'est une nouvelle matière de réflexion un peu paradoxale pour l'architecte qui est plutôt habitué à imaginer son bâtiment pour qu'il dure, et pour qui c'est un déchirement de voir le fruit de son travail être démoli. Il y a deux manières de construire : construire en construction sèche ou non. La facilité récupération des matériaux et de ce qu'ils pourront devenir varié selon l'une ou l'autre méthode. Construire en sec est plus vertueux pour l'économie circulaire car il implique une possibilité de réversibilité. La construction faites d'assemblages est facilement démontable. Si la construction est au contraire faites avec des procédés comme les briques ou le béton, le démontage et ensuite le réemploi sont beaucoup moins aisés, et on se dirige plus vers du recyclage. L'écoconception est une approche de l'architecture qui commence à se développer. L'université de Valencia par exemple à un département qui a mis en place un cours d'éco conception. Ça n'est pas seulement un cours théorique, mais un cours de projet qui apprend à envisager la durabilité des bâtiments proposés. Il y est enseigné comment intégrer de développement durable dans l'architecture, la frugalité et donc l'économie des moyens. Ce développement durable qui si souvent est réduit à simplement l'utilisation de matériaux renouvelables. L'écoconception est plus que cela, c'est une réelle manière de faciliter et projeter le cycle de vie du bâtiment. Ce cours met en avant les procédés de construction sèche, ainsi que la réversibilité des bâtiments, deux principes majeurs de l'économie circulaire.
III.III Les démarches intéressantes III.III.a. L'écotourisme Cette pratique est en plein développement dans les milieux ruraux. Elle est une des pistes envisagées pour redynamiser les territoires, tout en faisant la promotion des activités locales.
Les territoires ruraux sont touchés par une baisse des activités. Les habitants pour la plupart ne sont pas présents sur place la journée. La polarité exercée par les villes est importante, et elles concentrent la majeure partie des activités. Le dynamisme des espaces ruraux s'en ressent. Le secteur d'activité majoritaire chez les gens habitant à la campagne est le même que a l'échelle nationale : c'est le secteur des services. Le tourisme est donc souvent envisagé comme levier d'activité pour les territoires. Il y a plusieurs formes de tourisme, et il faudrait un tourisme qui remette en valeur les activités locales ainsi que le territoire. Le tourisme de masse est donc à proscrire, il n'est pas du tout l'exemple à suivre d autant plus qu'il faut avoir certains attraits pour attirer les vacanciers. La forme de tourisme envisager est donc l'écotourisme qui porte en lui la volonté du développement local raisonné. Le territoire est comme une ressource qu'il faut savoir gérer pour ne pas arriver à son épuisement. L'écotourisme peut prendre de nombreuses formes. Il peut promouvoir les activités naturelles qui mettent en valeur le cadre paysager, ou promouvoir des activités locales. En Espagne, une initiative l'utilise afin de lutter contre les villages vides. Deux jeunes architectes originaires de petits villages reculés ont décidé de s'emparer de la question. Ils ont fondé un "village" de yourtes sur une commune de la région de Valence. Ce petit village en zone rurale reculée menaçait de mourir. Les habitants au fil des années l'ont abandonné pour partir en ville, et les dernières activités étaient sur le point de s'éteindre. Leur village de vacance fait la promotion de passer la nuit au grand air et de pouvoir observer les étoiles. Mais, ça n'est qu'un prétexte pour installer des touristes en contact avec le pueblo. La démarche vise à maintenir toute l'année un flot de personnes qui viennent "compenser " les départs qu'il y a eu au village. Ainsi, les touristes permettent de maintenir en vie les dernières activités qui étaient sur le déclin. Ils ont opté pour des yourtes pour ne pas trop impacter le terrain et ne pas engager de trop fortes dépenses ni constructions. Seul un bloc sanitaire est construit de manière pérenne. L'activité regagne le village et le revitalise. Cette initiative est intéressante parce qu'elle n'a demandé la consommation de peu de ressources : monter des yourtes sur place (et faire venir les touristes), et que les retombées locales sont bénéfiques pour la commune.
III.III.b. Limiter l'étalement urbain Une dynamique constante ces dernières années dans les villages est le nombre de logements vacants en constante augmentation. Et elle est d'autant plus importante dans les campagnes reculées.
Les logements vacants entraînent une dévitalisation des bourgs. Les logements dans les centres les moins attractifs sont des logements denses qui sont mitoyen et qui datent du début du siècle précédent pour les plus récentes. Dans de nombreux villages bon nombre de ces logements appartiennent à la municipalité et ne trouvent pas preneurs, même moyennant compensations. Les personnes qui sont encore propriétaires de ces logements laissés libres les conservent par lien affectif (héritage...), on également parce que la demande est insuffisante. En périphérie de ces villages la dynamique est toute autre. Les communes continuent de s'entendre en construisant des lotissements de maisons individuelles. Même les villages reculés et en mal de population dans le bourg voient fleurir ces programmes. La problématique qui se pose est la dévitalisation des centres villes qui perdent en activité, ainsi que l'étalement urbain qui n'est pas une solution durable. Il entraîne une consommation ressources et une hausse de l'utilisation des moyens de transports qui sont mauvais pour l'environnement. Utiliser la ressource locale disponible de bâtiments, serait une meilleure solution si on pense en terme de gestion des ressources. Pas besoin d'apporter des ressources extérieures pour construire du neuf, mais seulement pour restaurer. De plus, dans une approche territoriale économiser des terrains au profit de revaloriser le logement dans les bourgs est plus judicieux. Il y a des organismes et des initiatives portées qui visent à limiter l'étalement urbain par la valorisation des bâtiments en centre bourg. Le président du CAUE de Nice, Pierre Jean Abriani promeut une logique de réhabilitation des habitations pour les adapter au mode de vie contemporain. En effet d'après lui, si les logements vacants peinent à trouver des habitants, c'est qu'ils ne correspondent pas aux attentes des gens qui préfèrent faire construire un logement qui leur correspond. Les modes d'habiter et les besoins des français ont évolué depuis le XX siècle, voire le XIX. Des éléments simples qui apparaissent dans la typologie des maisons individuelles le reflètent bien: la rapport à l'extérieur et au paysage, avec des ouvertures bien plus grandes que sur les bâtiments anciens, ou le besoin d'espace libre intérieur plus que de séparation par pièces. Une volonté qui pousse également à l'étalement urbain est le besoin de posséder un jardin, un espace vert à soi.
Conclusion Faire le point de manière générale sur les avancées de l'économie circulaire dans la ruralité, permet de se faire une idée sur l'état d'esprit des campagnes vis à vis de cette méthode. S'axer plus spécifiquement sur le secteur de la construction permet de se questionner sur les solutions à apporter pour à la fois dynamiser les campagnes et réduire l'impact lié au secteur du bâtiment. Il se pose à la campagne la question des ressources et des savoirs faires liés dans un premier temps. Ensuite il y a une réflexion à apporter aux problématiques rurales et aux solutions que peuvent apporter l'économie circulaire.
Au niveau des ressources présentes à la campagne ou qui sont récupérables sur de l'existant l'apport de l'économie circulaire est positif mais pas optimum. D'une manière générale on peut se dire que ça serait déjà un bon premier pas pour la planète, mais pas forcément bénéfique pour les campagnes. En effet, toutes les initiatives qui nécessitent de regrouper les ressources en un point spécifique pour en avoir suffisamment défavorisent les campagnes. L'exploitation de ces ressources locales a pour but de limiter les trajets des matériaux, mais aussi de permettre aux campagnes d'exploiter leurs propres richesses (de manière durable). Cependant, dès lors qu'un regroupement des matériaux est nécessaire (une ressourcerie de matériaux déconstruits par exemple), on se retrouve à nouveau dans un schéma de dépendance aux polarités. L'écoconception et la question du local sont primordiales pour permettre de penser à la durabilité des ressources. C'est le point central de la construction soutenable, qui vise à penser la soutenabilité du bâtiment depuis sa construction jusqu'à sa déconstruction. Ce point est à développer à l'avenir parce que si l'économie circulaire vise la réutilisation à 100 % des ressources, la construction (et donc l'architecture) doit tendre vers une conception à 100% soutenable. Cependant, si ce modèle de manière générale est bénéfique pour l'environnement, tout ce qui nécessite une centralisation à l'image de la déconstruction, n'est pas une solution parfaite pour la campagne. Si dans ce cas-là l'économie circulaire n'est pas compatible avec la ruralité, on peut se demander quelles problématiques elle peut alors régler. Les démarches qui permettent de créer un dynamisme dans les villages ruraux étrangement ne se rapportent pas à la construction au sens propre. En effet, il s'agit de problématiques qui vont plus loin que l'écologie et qui se situent plus vers la soutenabilité. De manière générale, les exemples présentés enseignent que la vraie écologie est une question plus profonde que simplement utiliser des matériaux locaux verts. Il s'agit plutôt d'avoir un état d'esprit soutenable et la mise en place de systèmes circulaires où les solutions sont bénéfiques pour tout le monde. L'écotourisme par exemple permet de remplir à nouveau des villages qui sont sur une dynamique négative. L'économie locale est ainsi réactivée et permet le maintien de commerces de proximité pour des habitants qui ne sont plus délaissés et dépendant de lointains équipements. De plus, le respect de l'environnement est un des piliers de ces initiatives qui vont à contre courant du tourisme de masse et permet au contraire de mettre en valeur les spécificités locales. L'étalement urbain est également une problématique rurale importante et les démarches qui visent au contraire à réhabiliter les centres urbains pour le stopper sont intéressantes. Cette solution permet de limiter bon nombre de problèmes environnementaux comme le grignotage du territoire, l'importation de matériaux, des bâtiments anciens avec beaucoup de déperditions... Mais elle est surtout intéressante pour les questions qu'elle soulève avec par exemple la question d'habiter dans une maison de coeur de village au XXIème siècle etc. Ces solutions touchent à la construction et impactent les réflexions sur le bâtiment mais sont plus profondes que de simples questions techniques.
Conclusion La campagne est souvent délaissée dans les études et les réflexions. C'est pourtant un territoire en mouvement et qui peut être le support de solutions pour l'avenir. Il a grandement évolué ces dernières années et ne ressemble plus à ce qu'il était il y a encore 50 ans. Le point le plus remarquable aujourd'hui qu'ont en commun les différents territoires ruraux est leur dépendance aux villes. L'économie circulaire permet de réexploiter dans une boucle quasi infini les ressources locales. C'est cette remarque qui a d'abord poussé ce mémoire; en me demandant si l'économie circulaire pourrait permettre aux ruraux de ne plus importer les matériaux depuis la ville mais au contraire de réutiliser perpétuellement les ressources déjà sur place. Ce retour à la consommation locale pouvant aider les campagnes à prendre leur indépendance vis à vis des villes. Outre définir les termes importants de ce thème, il fallait rechercher d'abord si les campagnes, les habitants et leurs modes de vie étaient compatibles avec ces nouvelles pratiques de réutilisation, réemploi et recyclage. Regarder les pratiques déjà en place, et à quelles problématiques elles répondent. Le secteur le plus problématique vis à vis des déchets étant celui de la construction il est intéressant de se pencher dessus pour savoir si dans un contexte rural des solutions peuvent être apportées. Et pour cela s'ouvrent deux pistes de réflexion : celle des ressources qui peuvent servir pour le bâtiment, et celle des problématiques rurales pouvant être résolues. L'économie circulaire est parfaitement compatible avec la ruralité et ses pratiques du fait de son ancrage historique, mais aussi de l'état d'esprit de ses habitants. Il existe d'ailleurs de nombreuses initiatives prises un peu partout sur le territoire. Elles sont cependant encore limitées par rapport à d'autres menées dans des pays en avance sur la France dans le domaine. Il manque encore de passer à l'échelle supérieure et de réfléchir à des systèmes qui englobent un territoire complet. Cela dit, certains domaines doivent encore être expérimentés pour économiser bon nombre de ressources. Dans la bâtiment, l'économie circulaire est une solution , mais elle n'est pas la solution miracle. En effet, certains systèmes circulaires ne sont pas adaptés à la ruralité parce qu'il nécessitent de capter et rassemblés les richesses. Cela signifie donc qu'il faut centraliser; ce qui implique une proximité avec les pôles urbains. On pense par exemple aux matériaux de déconstruction. Pour ce qui est des autres matériaux, ils sont issus de la campagne est les gérer durablement en plus de les utiliser localement est bénéfique pour l'environnement. C'est également une question de bon sens. L'architecture ne traite pas que du bâtiment en tant que tel, mais elle fait appel également à des réflexions plus profondes sur les problématiques contemporaines. Un point intéressant de l'économie circulaire est qu'elle permet d'envisager des solutions à des problématiques qui ne touchent pas directement au bâtiment, même si elles y sont liées. Il n'y a pas que la question très terre-à-terre des matériaux, ça va plus loin. A titre personnel, la question que soulève l'économie circulaire qui m'a le plus intéressé est celle de l'écoconception. En tant que projeteurs nous devons penser l'ensemble de la vie de "l'objet" que nous réalisons, en ayant en tête à chaque étape de son extraction à sa réutilisation, un état d'esprit soutenable. Étudiant en Erasmus l'année passée, j'ai pu suivre
un cours d'éco conception architecturale. C'est très intéressant de pouvoir anticiper chaque étape du cycle de vie d'une construction et de se questionner pour améliorer sa durabilité. Si cette pratique doit être encouragée qu'importe le projet envisagé, je pense que couplée à la ruralité elle peut être très intéressante. En effet, longtemps délaissée mais aujourd'hui bien en phase avec le monde moderne, les campagnes pourraient devenir le fer de lance des questions soutenables et un formidable terrain d'expérimentation.
Bibliographie Sites internet Fondation Ellen Mcarthur https://www.ellenmacarthurfoundation.org/ Ademe https://www.ademe.fr/ Livre JM Huygen, La poubelle et l’architecte, Actes Sud, 2008 Rapports Chiffres-clés Déchets Édition 2016, Ademe Thibaud Delplancke, Thomas Eglin, Audrey Trévisiol, Jean-Marc Callois, Frédéric Walle, Economie circulaire et développement rural /Freins et leviers au déploiement de projets territoriaux innovants, Rapport du Sénat Economie circulaire : cent villes chinoises pilotes pour l’économie circulaire , Diplomatie.gouv.fr Textes R.Koolhaas/AMO, Côté campagne R.Koolhaas/AMO, Le meilleur des mondes Articles web http://economie-circulaire.coopdefrance.coop ARPEPACA, La symbiose industrielle de Kalundborg, economiecirculaire.org Promotion du compostage collectif en milieu rural, Ademe.fr Marc-Antoine Authier, L’économie circulaire dans le monde : en Chine, une réponse pragmatique, institut Montaigne.org Economie circulaire dans le BTP : une démarche zéro déchets testée par Bouygues, Batiactu.fr Junming Zhu Chengming Fan Haijia Shi Lei Shi, Efforts for a Circular Economy in China: A Comprehensive Review of Policies Marie Simon, Déchets: quels sont les départements champions du recyclage ?, l efigaro.fr Thèses/Mémoires Pacreau Fanny, Déchetterie, espace de concurrence entre recyclage et récupération, 2013 Jules Raymond Ngambi, Déchets solides ménagers de la ville de Yaoundé (Cameroun): de la gestion linéaire vers une économie circulaire. Géographie. Université du Maine, 2015 Revues Le bâtiment à l'heure de l'économie circulaire, Bâtimétiers n°43 Vidéos Architecture Studio, Conférence idées et témoignages pour réinventer Paris par l’économie circulaire ADEME, Ministre de la Transition écologique et solidaire – Assises de l’Economie Circulaire 17 ENSAPVS, Ce que l'économie circulaire fait à l'architecture