TOuT Le mOnde se servaiT d’une même Langue eT des mêmes mOTs. COmme Les hOmmes se déPLaçaienT à L’OrienT, iLs TrOuvèrenT une vaLLée au Pays de shinéar eT iLs s’y éTabLirenT. iLs se direnT L’un à L’auTre: « aLLOns! faisOns des briques eT CuisOns-Les au feu! » La brique Leur serviT de Pierre eT Le biTume Leur serviT de mOrTier. iLs direnT: « aLLOns! bâTissOns-nOus une viLLe eT une TOur dOnT Le sOmmeT PénèTre Les Cieux! faisOns-nOus un nOm eT ne sOyOns Pas disPersés sur TOuTe La Terre. ». Or yahvé desCendiT POur vOir La viLLe eT La TOur que Les hOmmes avaienT bâTies. eT yahvé diT: « vOiCi que TOus fOnT un seuL PeuPLe eT ParLenT une seuLe Langue, eT TeL esT Le débuT de Leurs enTrePrises! mainTenanT, auCun dessein ne sera irréaLisabLe POur eux. aLLOns! desCendOns! eT Là, COnfOndOns Leur Langage POur qu’iLs ne s’enTendenT PLus Les uns Les auTres. » yahvé Les disPersa de Là sur TOuTe La faCe de La Terre eT iLs CessèrenT de COnsTruire La viLLe. aussi la nomma-t-on BaBel, car c’est là que YaHVé confondit le langage de tous les HaBitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre. auTres. » yahvé Les disPersa de Là sur TOuTe La faCe de La Terre eT iLs CessèrenT de COnsTruire La viLLe. aussi La nOmma-T-On babeL,, Car C’esT Là que yahvé COnfOndiT Le Langage de TOus Les habiTanTs de La Terre eT C’esT Là qu’iL Les disPersa sur TOuTe La faCe de La Terre // bibLe de JérusaLem, Le Cerf, Paris, 1956 //
grands BouleVards
Histoires de lieux
Valérie Dumont
eT TOuTe La Terre éTaiT Lèvre unique eT ParOLes uniques. eT iL arriva, dans Leur déPLaCemenT à ParTir de L’OrienT, qu’iLs TrOuvèrenT une PLaine en La Terre de shinéar, eT iLs s’assirenT Là. eT iLs direnT, ChaCun vers sOn COmPagnOn: « aLLOns! briqueTOns des briques eT fLambOns-Les à La fLambée! » eT La brique fiT POur eux Pierre eT Le biTume fiT POur eux mOrTier. eT iLs direnT: « aLLOns! bâTissOns une CiTé eT une TOur : sa TêTe dans Les Cieux! eT faisOns POur nOus un nOm POur ne Pas êTre disPersés sur La faCe de TOuTe La Terre. » eT Le seigneur desCendiT POur vOir La CiTé eT La TOur qu’avaienT bâTies Les fiLs d’adam. eT Le seigneur diT: « vOiCi, iLs sOnT PeuPLe unique eT Lèvre unique POur eux TOus. eT vOiLà Le COmmenCemenT de Ce qu’iLs fOnT. mainTenanT, rien ne Les reTiendra de Ce qu’iLs déCiderOnT de faire. aLLOns! desCendOns eT embrOuiLLOns iCi Leurs Lèvres que, ChaCun vers sOn COmPagnOn, iLs n’enTendenT Pas Leur Lèvre ».eT Le seigneur Les dissémina à ParTir de Là sur La faCe de TOuTe La Terre. eT iLs CessèrenT de bâTir La CiTé. c’est pourquoi on appela son nom « porte de dieu » (BaBel) car c’est à cet endroit que le seigneur emBrouilla la lèVre de toute la terre et à partir de cet endroit, le seigneur les dissémina sur la face de toute la terre. // TraduCTiOn française d’edmOnd fLeg ChanT nOuveau, Paris, 1946 // La Terre enTière se servaiT de La même Langue eT des mêmes mOTs. Or en se déPLaçanT vers L’OrienT, Les hOmmes déCOuvrirenT une PLaine dans Le Pays de shinéar eT y habiTèrenT. iLs se direnT L’un à L’auTre: « aLLOns! mOuLOns des briques eT CuisOnsLes au fOur. » Les briques Leur servirenT de Pierre eT Le biTume Leur servi de mOrTier. « aLLOns! direnT-iLs, bâTissOns-nOus une viLLe eT une TOur dOnT Le sOmmeT TOuChe Le CieL. faisOns-nOus un nOm afin de ne Pas êTre disPersés sur TOuTe La surfaCe de La Terre. » Le seigneur desCendiT POur vOir La viLLe eT La TOur que bâTissaienT Les fiLs d’adam. « eh, diT Le seigneur, iLs ne sOnT TOus qu’un PeuPLe eT qu’une Langue eT C’esT Là Leur Première Oeuvre! mainTenanT, rien de Ce qu’iLs PrOJeTTerOnT de faire ne Leur sera inaCCessibLe! aLLOns, desCendOns eT brOuiLLOns iCi Leur Langue, qu’iLs ne s’enTendenT PLus Les uns Les auTres! » de Là, Le seigneur Les disPersa sur TOuTe La
BaBel 2012
surfaCe de La Terre eT iLs CessèrenT de bâTir La viLLe. aussi la nomma-t-on BaBel car séminaire paris/métropoles c’est là que le seigneur Brouilla la langue de toute la terre, et c’est là que le 2 seigneur dispersa les Hommes sur toute la surface de la terre. // TraduCTiOn OeCuménique
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école d’arcHitecture de la Ville et des territoires à marne-la-Vallée
Les Grands Boulevards passent à double-sens, décembre 2012 Photographie : Valérie Dumont
« AUSSI LA NOMMA-T-ON BABEL, CAR C’EST LÀ QUE YAHVÉ CONFONDIT LE LANGAGE DE TOUS LES HABITANTS DE LA TERRE ET C’EST LÀ QU’IL LES DISPERSA SUR TOUTE LA SURFACE DE LA TERRE. »
extrait de l’Ancien testament Gn 11,1-9 Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956 (1ère édition)
grands BouleVards
Histoires de lieux
Valérie Dumont
1
LA FABRICATION D’UN MYTHE
22
CONSTITUTION D’UN LIEU LIEUX FONDATEURS ET AVANT-GARDES LIEU-MONUMENT, LIEU-ÉVÉNEMENT
2
ASSEMBLAGES
54
DES PUBLICS, PLUSIEURS ÉCHELLES DE TOURISME LES ASSOCIATIONS FONCTIONNELLES LES OFFRES ET STRATÉGIES COMMERCIALES
3
USAGES ET MUTATIONS
LES USAGES ET L’ESPACE PUBLIC LES MUTATIONS ET LE PAYSAGE URBAIN
80
BABEL BABYLONE « Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre. » extrait de l’Ancien testament Gn 11,1-9 Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956 (1ère édition)
Le mythe de Babel trouve une résonance particulière dans les problématiques de la ville contemporaine. La ville marque la spatialisation de l’établissement d’une civilisation. À l’image du projet de la tour de Babel, la ville relève de l’inachèvement. La ville, et plus encore aujourd’hui la métropole, est en constante mutation, perpétuellement sujette au renouvellement. La ville est un projet qui se transmet et qui se construit sur plusieurs générations. Elle résulte ainsi de la succession de sédimentations multiples. Comme la tour de Babel, la ville est un ouvrage construit en commun par les hommes, qui s’unissent autour d’un même dessein. Le mythe de Babel évoque la dimension constructive, le projet d’ériger une tour, mais aussi la dimension symbolique, la volonté de se faire un nom. L’histoire de la tour de Babel mentionne l’origine des langues, liée à la dispersion des peuples et à la confusion du langage originel. Ces questions trouvent particulièrement écho dans certains quartiers des grandes métropoles d’aujourd’hui, au regard de la mondialisation. Ces quartiers, chargés d’histoire(s), sont empreints d’une diversité culturelle. Cet aspect du mythe évoque l’unicité dans la diversité, mais également l’universalité au delà des situations géographiques. 6
J’ai choisi de mener ce travail d’étude sur les Grands Boulevards, à Paris. Ce quartier illustre bien les problématiques actuelles inhérentes à la grande ville, et présente par ailleurs les caractéristiques d’un ensemble urbain singulier. En effet, les Grands Boulevards vivent aujourd’hui à l’épreuve du tourisme, à l’échelle planétaire, et donnent une représentation du cosmopolitisme au sens large. Ces thématiques se retrouvent également dans la question du vivre ensemble, à travers la cohabitation des personnes et des usages. Les Grands Boulevards parisiens se sont, dès leur origine, révélés comme un formidable support de l’urbanité. Au fil des siècles, les Grands Boulevards nourris par leur histoire singulière témoignent de la question de la donation du nom, support de la construction du mythe. L’histoire des Grands Boulevards est celle d’un quartier qui a su se faire un nom, devenir un lieu mythique et entretenir un rayonnement touristique et culturel. Aujourd’hui, ce rayonnement fait écho dans le monde entier, et explique l’attrait pour les Grands Boulevards qui ne faiblit pas, malgré les périodes de creux économique. Les Grands Boulevards sont ainsi devenus une appellation, dont l’universalité est évocatrice.
Babel, «confondre» (bâlal en hébreu) ou «Porte de Dieu» (Bab-ili en akkadien) Schémas : Valérie Dumont
7
Enfin, une notion fondamentale du mythe de Babel est celle de la limite, la porte de Babel. L’histoire des Grands Boulevards parisiens est celle du rempart devenu promenade. Le lieu qui fut durant des siècles le seuil de la ville est aujourd’hui devenu la ville. Persiste la notion de limite entre deux rives, entre des quartiers qui se rencontrent en une même voie. Les Grands Boulevards sont l’aboutissement d’un tracé fondateur autour duquel se sont fédérés ces morceaux de ville, co-existence entre ville historique et faubourgs.
Les Grands Boulevards, vie nocturne Photographie : ValĂŠrie Dumont
INTRODUCTION « Toute capitale a son poème où elle s’exprime, où elle se résume, où elle est plus particulièrement elle-même. Nul autre n’est comparable aux Grands Boulevards. » Honoré de Balzac
SITUATION - LES GRANDS BOULEVARDS ET LA MÉTROPOLE PARISIENNE
Au delà du tracé chargé d’histoire et de la voie de communication, les Grands Boulevards parisiens sont aujourd’hui un quartier, une ville dans la ville. Ils représentent un ensemble architectural et urbain très singulier. Tour à tour ouvrage militaire, axe de prestige, promenade urbaine, voie de desserte… les Grands Boulevards témoignent d’une mutation urbaine intervenue au rythme des époques et des usages. « Les Grands Boulevards sont les boulevards parisiens par excellence. Ils se situent sur la rive droite en lieu et place des anciennes fortifications de Charles V et Louis XIII. »1 L’appellation Grands Boulevards est relativement récente, mais recouvre une réalité physique bien ancrée dans l’histoire de la métropole parisienne : celle de la limite périphérique devenue aujourd’hui un centre urbain. La limite et son franchissement constituent une étape récurrente dans l’histoire de l’urbanisation de la capitale. La succession dans le temps et l’espace d’enceintes concentriques a fabriqué des territoires dans la ville. La limite recouvre ainsi deux réalités : l’implantation et le franchissement.
1
Source : Wikipédia
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Les Grands Boulevards dans Paris Document : Valérie Dumont
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Bd du Temple
Bd des Filles du Calvaire Bd Beaumarchais
Les Grands Boulevards - site d’étude Document : Valérie Dumont
11
La délimitation crée une entité qu’est la ville et facilite sa représentation mentale et sémantique, car la limite symbolique persiste dès lors que la limite physique disparaît. Un peu à l’image du boulevard périphérique aujourd’hui, ces limites séparent deux mondes qu’une évidence englobe : la ville. Les limites façonnent ainsi des quartiers asymétriques. L’origine particulièrement singulière du tracé des Grands Boulevards, leur configuration spatiale inédite, ont fait la richesse et la diversité de leur évolution. Ils sont à l’image des bouleversements subis par la métropole lors des cinq derniers siècles et présentent ainsi un grand intérêt patrimonial et urbanistique. La problématique de ce travail d’étude vise dans un premier temps à comprendre pourquoi et comment les Grands Boulevards sont devenus la promenade du loisir, face aux autres boulevards de la capitale et comment ce positionnement évolue aujourd’hui. Comment se sont-ils imposés comme un haut lieu du spectacle dans la capitale, avec le mythique Boulevard du Crime et ses théâtres. Aujourd’hui, les Grands Boulevards participent à la centralité métropolitaine et au rayonnement culturel de la capitale. Le secteur se distingue par ses caractéristiques urbaines, mais aussi par la valeur évocatrice de l’appellation « Grands Boulevards ». Dans un second temps, il s’agit de comprendre la situation actuelle des Grands Boulevards, au regard de ce qu’implique la grande ville mondialisée. Si la tradition des Grands Boulevards en tant qu’attraction pour le tourisme européen apparaît dès le XVIIIème siècle, le XXème signe l’avènement du tourisme dans une dimension internationale. Désormais les Grands Boulevards peuvent prétendre attirer des tourismes au pluriel et ainsi voir se côtoyer des populations de provenances très diverses. Les Grands Boulevards peuvent ainsi se lire comme un ensemble, dont l’économie fonctionne de façon globale, par les interactions entre les différentes activités et les différents publics. Avec la volonté de conserver une identité qui leur est propre, quelle est aujourd’hui l’image des Grands Boulevards ? Dans un troisième temps, il semble intéressant de regarder quelles modifications des usages et du paysage urbain sont la conséquence des bouleversements subis par les Grands Boulevards ces quinze dernières années. 12
Le secteur des Grands Boulevards assiste désormais à la cohabitation d’une population de résidents de plus en plus aisés, d’une population d’actifs majoritairement attachée au secteur tertiaire, et enfin d’une population touristique de moyenne gamme très affluente. Ces différents publics et les usages qu’ils génèrent se superposent dans l’espace et le temps, créant des micro-situations identifiables sur l’espace public. Tout comme, à l’échelle du quartier, les pratiques touristiques et la gentrification contribuent à faire évoluer l’offre commerciale et hôtelière. Enfin, les Grands Boulevards sont aujourd’hui encore confrontés à la problématique de leur renouvellement, avec par exemple le projet de leur mise à double sens, intervenu pour la dernière phase au mois décembre 2012. COMMENT LES GRANDS BOULEVARDS SE SONT INSTITUÉS
Les Grands Boulevards sont l’une des plus anciennes promenades de Paris, une promenade architecturale et urbaine de plus de quatre kilomètres de long au cœur de la ville. La densification, l’élévation des rives comme un décor, concentrent ce qui se passe sur les boulevards et renforcent leur animation. Leur rayonnement est effectif depuis plus de deux siècles en Europe. Ils fédèrent la rive droite et font le lien entre le l’Ancien et le Nouveau Paris. De la limite est née l’asymétrie entre les deux rives des boulevards. Profondément ancrés dans le Paris de la Modernité, ils en deviennent un lieu fondateur de la capitale. Porteurs d’une sémantique forte, ils sont un lieu d’innovation, théâtre d’une capitale en mutation. Lieu unique au cœur de la capitale du dix-neuvième siècle, les boulevards sont décrits par les textes de Benjamin ou de Balzac à travers la célébration du décor urbain et de la flânerie. À l’instar d’une capitale dans la capitale, les boulevards incarnent la modernité et la vie parisienne. On vient sur les boulevards pour voir et être vu, ils sont un miroir social, un lieu de représentation permanente. Flâner sur le boulevard, c’est être à la fois acteur et révélateur de ce qui fait la vie urbaine.
Du rempart au boulevard, façonnage d’un quartier asymétrique Schémas : Valérie Dumont
13
Dès le XIXème siècle, les Grandes Expositions jouent un rôle dans la promotion du boulevard comme innovation urbaine majeure. Aujourd’hui, la vision nostalgique renforce le mythe des Grands Boulevards. Les Grands Boulevards, positionnés
comme lieu d’expérimentation, se sont finalement façonnés au delà du cadre institutionnel par un jeu d’enfreints, de transgressions et de contournements, associant une grande diversité de population. Les Grands Boulevards peuvent être comparés avec d’autres axes de prestige, comme les Champs-Élysées. Au début du XXème siècle, les Champs-Élysées deviennent la nouvelle vitrine de l’innovation avec l’apogée de l’industrie automobile. La population de la rive droite migre vers les nouveaux quartiers de l’ouest parisien. Sur la rive gauche, les artistes délaissent Montmartre devenu trop onéreux et trop touristique pour Montparnasse. Malgré cela, les Grands Boulevards conservent leur centralité. Ils bénéficient de la proximité de la Bourse, de l’Opéra, des Grands Magasins... Aujourd’hui les Champs-Élysées se sont spécialisés dans le prêt-à-porter et le luxe et visent une clientèle adepte du shopping plutôt haut de gamme. Les Champs-Élysées ont fait partie des grands chantiers de la Mairie de Paris quelques années avant les Grands Boulevards.
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Étymologie2 et définitions3 Le mot boulevard trouve son origine dans le vocabulaire militaire, il est employé quand il s’agit de parler des places fortifiées. Sa racine est germanique: bole la grosse pièce de bois, voerk l’ouvrage. On retrouve cette racine étymologique dans différentes langues : danois et suédois bolvek, allemand bulwark (le rempart), hollandais bolwerk (le bastion). BOULEVARD : nom. com. masc. 1. (Militaire) Terre-plein d’un rempart, tout le terrain d’un bastion ou d’une courtine. Nous avancions tristes et mornes, mais tout à coup se présente la magnifique ville de Troyes avec sa porte guerrière, son menaçant béfroi, ses hauts boulevards, ses hautes tours, ses longues murailles crénelées […]. — (Amans-Alexis Monteil, Histoire des Français des divers états aux cinq derniers siècles, 1830). 2. (Par extension) Promenade plantée d’arbres qui fait le tour d’une ville et qui occupe ordinairement l’espace où étaient d’anciens remparts. Les boulevards de Paris. Se promener sur les boulevards. Les boulevards intérieurs, extérieurs. 3. (Par extension) Toute voie de communication plus large qu’une rue ou qu’une avenue qui traverse une ville, présentant souvent des caractéristiques d’aménagement (surtout aux Amériques, où les villes anciennement fortifiées sont rarissimes). Sur les boulevards, à la terrasse d’un bar-tabac, Bob, qu’un placide individu salua sans insister […] — (Francis Carco, Images cachées, 1929). Des escouades de camelots ont parcouru les boulevards en hurlant le titre d’une nouvelle feuille : « Demandez Le Glaive ! » — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, 1930, p. 207). 4. (Figuré) (Vieilli) Place forte qui met un grand pays à couvert de l’invasion des ennemis. Il faut donc admettre que les travaux de siège et les brèches dont on signale la trace, notamment sur le côté nord, sont dus aux Maures d’Espagne, lorsqu’ils conquirent ce dernier boulevard des rois visigoths. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888). Nos grandes places de guerre, Strasbourg et Metz, les véritables boulevards de notre défense, n’avaient été ni armées, ni approvisionnées. — (Général Ambert, Récits militaires : L’invasion (1870), p.124, Bloud & Barral, 1883). 5. (Marine) Passage au niveau du pont d’un bateau, de part et d’autre du château. 6. (Littérature) Genre théâtral apparenté au vaudeville, dit théâtre de boulevard. BOULEVARDIER : adj. masc. 1. Qualifie un état d’esprit de légèreté dans le divertissement théâtral par opposition à l’académisme des théâtres officiels. Dialoguiste, écrivain prolixe et populaire, Jacques Chabannes a été le premier adaptateur du répertoire boulevardier à la télévision. — (Wikipédia). 2. (En mauvaise part) Vaudevillesque. Cette grossière comédie présente des personnages caricaturaux et des situations boulevardières noyées dans un sentimentalisme escroc. — (Wikipédia). nom com. masc. 1. Auteur qui donne dans le genre boulevard. M’entendre traiter de pornographe, de boulevardier, de vaudevilliste ; accuser d’imiter Maeterlinck ! Ou Donnay dont je n’ai jamais rien lu ! Vraiment, les coups portent à faux. — (Gide, Journal, 1908)
2 3
Source: Béatrice Andia, DAVP, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 Source: Wiktionnaire
16
XIIIème - XVème
GRANDS BOULEVARDS
1370 construction de la Bastille
HISTOIRE DE PARIS 1190 début de la construction du rempart rive droite
1367-1383 construction de l’enceinte Charles V
HISTOIRE DE FRANCE 1200
1300
Frise historique Document Valérie Dumont, sources Atlas Historique de Paris, Wikipédia, Marie-Isabelle Baptistan
17
1400
1500
XVIème - XVIIIème
1672 et 1674 construction des portes Saint-Denis et Saint-Martin
1791 les théâtres ne sont plus soumis à une autorisation d’ouverture
1680-1685 nivellement des fossés de l’enceinte Louis XIII
1770-1790 Urbanisation de la Chaussée d’Antin
1800 Passage des Panoram
GRANDS BOULEVARDS 1670 début des travaux du Nouveau Cours sur ordonnance royale
1547 début de la reconstruction du Louvre
1707 découronnement de la Butte aux Gravois et applanissement partiel des boulevards
1780-1790 grandes opérations de lotissements aux alentours des boulevards
1737 aménagement du grand égout de Paris
1589-1591 sièges de Paris
1783 réglementation sur les alignements, la largeur des voies et la hauteur des bâtiments
HISTOIRE DE PARIS 1566 construction de l’enceinte des fossés jaunes
1724 et 1770 prolongation des Champs-Élysées
1676 destruction de l’enceinte Charles V
1795 construction du mur des Fermiers Généraux - 12 arrondissements
I X
II III V VI IV VII IX VIII XI XII
HISTOIRE DE FRANCE 1600
1500 Guerres de religions
1700
1800 Révolution française Première République
18
XIXème
1807 limite du nombre de théâtres sur le boulevard du Crime (Napoléon Ier)
1821 Opéra Le Pelletier
1828 1er Omnibus Madeleine-Bastille
1823 Passage de l’Opéra
1800 Passage des Panoramas
1837 1843 les Galeries ‘Histoire et physiologie du Commerce des boulevards’ et de l’Industrie de Balzac 1845 Passage Jouffroy
1828 Passage Vendôme
GRANDS BOULEVARDS 1811 inauguration de la fontaine du Château d’Eau
1824 levée de l’interdiction de bâtir au delà de l’occtroi
1832 absorption de la rue Basse Porte Saint-Denis
1846 absorption de la rue Neuve d’Orléans
1830 abattage des arbres pour former des barricades / rélaisation des trottoirs
1844 Exposition Nationale 1823 éclairage au gaz au Palais Royal
1830 réglementation de la prostitution (Louis Philippe)
1841 loi sur l’expropriation d’utilité publique
HISTOIRE DE PARIS 1841-1845 construction de l’enceinte de Thiers
1826 déplacement de la Bourse au Palais Brongniart 1825 achèvement du Canal de l’Ourq
HISTOIRE DE FRANCE 1800
1810
1820 Cent-Jours
Premier Empire
19
1830
1840
Révolution de Juillet Restauration
Monarchie de Juillet
1850 Journées de Juin Seconde République
XIXème
1895 1ère projection publique du cinématographe des Frères Lumières, boulevard des Capucines
1859 uniformisation des ‘petites barraques’ sur les boulevards 1860 1862 Passage Grand des Princes Hôtel
1888 l’Olympia, 2000 places
1875 inauguration de l’Opéra Garnier
GRANDS BOULEVARDS 1850 1856-1857 abaissement percement des bd de la chaussée Magenta et Voltaire, du boulevard et de la place de la Saint-Martin République
1858-1902 absorption de la Rue Basse des Remparts par les boulevards de la Madeleine et des Capucines
1855 1ère Exposition Universelle de Paris
1867 2nde Exposition Universelle de Paris
1852-1857 aménagement du bois de Boulogne
1855-1866 aménagement du bois de Vincennes
1878 3e Exposition Universelle de Paris
1889 Exposition Universelle
1900 Exposition Universelle 1900 1ère ligne du métropolitain
1871 Commune de Paris
HISTOIRE DE PARIS 1859 1860 annexion des destruction faubourgs - 20 du mur des arrondissements fermiers XVIII
XVII
XIX
VIII XVI
1853-1870 Grands Travaux du préfet Haussmann
VII
IX
X II I
III
V XIV
XX
IV
VI
XV
XI
XII XIII
HISTOIRE DE FRANCE 1850
Seconde République
1860
Second Empire
1870
1880
1890
1900
Troisième République
20
1900 Expositio Universe
1900 xposition niverselle
XXème
1945 film ‘Les Enfants du Paradis’ de Marcel Carné
1910 la Samaritaine de Luxe
1909 ouverture de la 1ère salle Gaumont
Années 1950 une cinquantaine de cinémas sur les boulevards
1951 les boulevards à sens unique
1932 Inauguration du Grand Rex
GRANDS BOULEVARDS 1913 ouverture de la ligne 8 du métropolitain
1922 ouverture de la ligne 9 du métropolitain
1950 le pavage bois est remplacé par un pavage mosaïque
1927 percement du boulevard Haussmann
1925 Exposition Internationale
1900 Exposition Universelle
1937 Exposition Internationale
1959 1ère Biennale de Paris 1944 Libération de Paris
1900 1ère ligne du métropolitain
HISTOIRE DE PARIS 1919-1929 destruction de l’enceinte de Thiers
HISTOIRE DE FRANCE 1900
1910
1920
1930
1ère Guerre Mondiale Troisième République
21
1940
1950
2nde Guerre Mondiale Troisième République
1960 Trente Glorieuses
Quatrième République
XXème - XXIème
1981 Le Rex inscrit aux Monuments Historiques
1996 Opération de revalorisation des Grands Boulevards
2012 Mise à double-sens des Grands Boulevards
GRANDS BOULEVARDS 1970 la chaussée est recouverte de macadam
1989 Paris Capitale Européenne de la Culture 1968 révoltes étudiantes de mai 68
2002 Paris Plage Les Nuits Blanches 2007 consultation internationale du Grand Paris
1991 les Quais de Seine classés à l’UNESCO
HISTOIRE DE PARIS 1960-1973 construction du périphérique
1977-1995 Jacques Chirac maire de Paris
1975 rétablissement du maire de Paris
1995-2001 Jean Tibéri maire de Paris
2001Bertrand Delanoë 1er maire socialiste
HISTOIRE DE FRANCE 1960 Trente Glorieuses
1970
1980
1990
2000
2010
2020
Guerre d’Algérie Cinquième République
22
1
LA FABRICATION DU MYTHE
1.1 CONSTITUTION D’UN LIEU « Les Grands Boulevards ne sont ni œuvre figée, ni la création exclusive d’un seul homme, aussi exceptionnel soit-il. Leur fabrication est moins affaire de formation que de transformation. » Bernard Landau 4
TRACÉS, TISSUS - STRATIFICATION D’UN QUARTIER
L’histoire des Grands Boulevards est celle d’une limite, étroitement liée à l’histoire de Paris et de l’urbanisation de la rive droite. La limite définissait de fait ce qui était situé à l’intérieur de l’enceinte et ce qui se trouvait au delà. Elle témoigne d’une situation d’affrontement entre la ville bâtie et ses abords. Le rempart porte la symbolique forte et persistante de la limite physique et les caractéristiques de la limite militaire et politique. La composante politique dans la décision des limites a ainsi eu de lourdes répercussions matérielles sur la constitution des boulevards actuels. L’urbanisation et la densification autour des Grands Boulevards est directement tributaire des réglementations et de la façon dont elles ont été transgressées. Prise dans la croissance urbaine, la limite franche va peu à peu se fondre dans la ville. Les traces de ce qui faisait cette limite se retrouvent aujourd’hui à l’échelle de la parcelle, de l’immeuble.
4
DAVP, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000
24
Plan de Truchet et Hoyau, milieu du XVIème siècle La porte Saint-Denis est visible, ainsi que les deux buttes et le quartier de la Ville Neuve sur Gravois
25
L’histoire des Grands Boulevards est aussi celle d’une stratification. Du rempart au boulevard, la mutation s’est faite en deux temps : d’abord la constitution du tracé, puis la construction du front bâti. Les Grands Boulevards tels que nous les connaissons aujourd’hui résultent ainsi de cette évolution en deux phases : l’impression du tracé puis l’urbanisation progressive du site.5 De l’enceinte militaire à la promenade du loisir, et enfin l’espace urbain dense, le lieu planté à distance de la ville historique, le « Nouveau Cours » planté au XVIIème siècle, deviendra les Grands Boulevards parisiens. Cet espace ouvert contraste avec les rues étroites et sombres du Paris historique. Cette innovation urbanistique majeure en Europe ne va cesser d’évoluer. L’état actuel des Grands Boulevards est le résultat d’une urbanisation progressive, d’une succession d’événements. Contrairement aux percées Haussmanniennes où le vide est créé dans un tissu existant, les Grands Boulevards se densifient progressivement et se renforcent peu à peu par l’alignement. Le statut de voie urbaine des Grands Boulevards ne sera reconnu officiellement qu’au XIXème siècle, allant de pair avec une volonté grandissante d’aménager et de préserver cet ensemble urbain d’exception. La présence de l’ancien lit de la Seine explique en partie l’emplacement des Boulevards. Les anciennes zones marécageuses de la rive droite entouraient la ville romaine de manière concentrique. Elles étaient faites de terrains instables et de cultures maraîchères, certains segments étant déjà englobés dans la ville. Le lieu était fortement marqué par la topographie. À la jonction entre les deux remparts se trouvait la Butte aux Gravois : une décharge en plein air datant du Xème siècle. Cette butte vient créer une inflexion dans le tracé (au niveau de la rue Saint-Denis) et forme une ainsi une topographie artificielle. Une autre butte fut créée en alternance avec la muraille, la Butte Bonne-Nouvelle, qui surplombait le rempart. Elle est à l’origine du dénivelé au niveau de l’actuel boulevard Bonne Nouvelle et de la rue René Boulanger. Cette topographie contrastée renforce la dissymétrie entre les deux rives de part et d’autre des boulevards, la rive sud étant plus élevée que la rive nord. 5
DAUC / SDER, Le patrimoine bâti des Grands Boulevards, 1998
Paris rive droite : Structure urbaine et topographie
1km
Carte : Valérie Dumont, d’après l’APUR, Paris 21e siècle
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Un système de fortifications s’avérait nécessaire pour protéger la rive droite. Les enceintes de Charles V au XIVème siècle et Charles IX au XVIème siècle, dite des fossés jaunes, utilisaient les marais comme douves naturelles. Les zones marécageuses faisaient alors obstacle à l’extension urbaine de Paris. L’ouvrage de fortification est donc également une digue. La seconde enceinte se greffe sur la première au niveau de la rue SaintDenis et englobe des terres agricoles et de petits quartiers en formation. Son rôle était d’intégrer les faubourgs à la zone protégée par les fortifications. Les habitants des faubourgs avaient l’interdiction de bâtir à l’extérieur de l’enceinte dans un périmètre défini pour permettre la visibilité et ne pas faciliter l’assaut des remparts, ce qui ne fit qu’intensifier la césure entre ville constituée et campagne environnante, entre intérieur et extérieur des remparts. En résulte la constitution d’un lieu asymétrique, ce qui va perdurer par la suite avec la persistance symbolique de la limite entre deux rives distinctes. À l’interdiction de bâtir dans un but purement militaire va rapidement se substituer la volonté politique de contrôle de la croissance urbaine. Il s’agissait de contenir la ville dans un certain périmètre en limitant les constructions dans les faubourgs avec un système de bornage. Ce système définissait les dernières maisons de la ville et interdisait de construire au delà6. Le bornage fut peu respecté, et redéfini de nombreuse fois jusqu’au XIXème siècle.
Enceintes médiévales Rempar des Fossés Jaunes Limite d’interdiction de bâtir
Limites : superposition des enceintes sur le canevas actuel Carte : Valérie Dumont
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Sous Louis XIV, le rempart, construit deux ans plus tôt, fut démoli et transformé en promenade. Ce projet n’établissait alors pas de rapport avec une possible extension de la ville. Le Nouveau Cours ne relevait donc pas de l’abandon du rôle de limite, ni de l’acceptation de l’extension hors les murs, mais présageait la vision de la ville militairement ouverte. La ville ouverte est ainsi la réponse à une nouvelle problématique. En effet, le danger ne vient plus exclusivement de l’extérieur, mais bien du cœur même de la ville, avec la récurrence des insurrections. La cour du roi ayant été délocalisée à Versailles, il s’agit d’éviter un renversement du pouvoir royal par la capitale, d’où la volonté d’ouverture. Les remparts apparaissent de plus en plus obsolètes. Les questions urbanistiques doivent désormais répondre à des questions liées à la sécurité, à la visibilité, mais aussi à l’hygiène 6
DAUC / SDER, Le patrimoine bâti des Grands Boulevards, 1998
XIVe
XVIe
XVIIIe
XIXe
XXe
et à l’acheminement des denrées. Il apparaît alors important de contrôler la taille de l’agglomération, dans une dimension « humainement concevable et représentable ».7 C’est donc en 1670, sur ordonnance royale, que débutent les travaux de mise en œuvre du Nouveau Cours. Les murailles des enceintes sont détruites et les fossés comblés. Les boulevards constitueront à terme un système continu depuis la porte Saint-Antoine jusqu’à l’actuelle place de la Concorde. Seuls les boulevards actuels de Filles du Calvaire et Beaumarchais sont situés à l’emplacement même de l’ancien rempart. Jusqu’à la Butte aux Gravois, les boulevards sont érigés sur les fossés remblayés, puis ils sont construits au delà du rempart sur des terres agricoles. L’ampleur des travaux nécessite de redéfinir un plan de la ville. Les boulevards sont alors considérés comme un lieu de transition entre la ville constituée et l’extérieur et non comme un espace urbain en tant que tel. Les deux portes, SaintDenis et Saint-Martin, marquent désormais symboliquement et non plus défensivement le seuil de la ville. La singularité des Grands Boulevards réside tout d’abord dans leurs dimensions : 36 mètres, ce qui est beaucoup plus large qu’une voie publique de l’époque. L’innovation urbaine tient également dans la distinction entre l’espace de la chaussée et de la contre-allée, lieu de la promenade. Les boulevards sont bordés par des terrains vagues que les riverains achètent au roi par l’intermédiaire du prévôt des marchands. Les propriétaires ont l’interdiction d’élever des constructions importantes sur la ligne en bordure des remparts et de faire des percements sur la façade du boulevard. Le but est de créer un espace ouvert en lisière de la ville, lieu de transition entre monde urbain et monde rural. Cela s’illustre par la volonté de constituer une épaisseur du côté urbanisé, avec des jardins clos et des murs aveugles, pour marquer la fin de la ville. Afin de donner de la valeur à leurs immeubles, les propriétaires n’ont pas respecté cette règle, si bien qu’en 1780, 110 maisons et une vingtaine d’hôtels s’élevaient en bordure des boulevards.8 Un phénomène de spéculation sur les terrains s’opère alors, ce qui va finalement permettre la constitution de la façade du boulevard. On voit s’inscrire dans le paysage des formes architecturales connotant
Évolution des limites
7
DAUC / SDER, Le patrimoine bâti des Grands Boulevards, 1998
Schémas Valérie Dumont
8
Felix et Louis Lazare, Dictionnaire des rues de Paris, 1855
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déjà un certain prestige : maisons des champs, folies, villas de style palladien... ainsi que l’apparition des premiers hôtels9. L’urbanisation de la Chaussée d’Antin accélère ce processus de spéculation. Peu à peu sont ouvertes de nouvelles voies transversales aux boulevards. Les boulevards se trouvent alors dans le contexte de la promenade péri-urbaine. Désormais se côtoient riverains et promeneurs. L’innovation urbanistique va devenir un modèle européen, répondant à la fois à la problématique de la régénération d’un réseau ancien, et à l’insertion de la nature dans un cadre urbanisé. Les boulevards proposent une double synthèse, à travers le développement formel de la promenade urbaine et la transfiguration de l’ouvrage militaire par les usages civils. Suite à la destruction des anciennes murailles, les boulevards ne furent pas mis à niveau sur l’ensemble de leur parcours, et constituaient une succession de montées et de descentes. Le boulevard surplombait parfois les faubourgs, d’où la formation de rues en contrebas, les « rues basses ». En 1760 est accordée l’autorisation de la formation de nouveaux quartiers dans les faubourgs. La fin de l’Ancien Régime puis la Révolution signent une modeste période d’expansion urbaine, marquée par la construction en façade des boulevards et par des opérations de lotissement dans les faubourgs environnants. Les limites de la ville sont devenues floues et l’urbanisation est grandissante en dehors du bornage. Cette situation ambigüe durera jusqu’en 1785, date de la construction de la nouvelle enceinte fiscale, le mur des fermiers généraux. En théorie, la ville construite devrait être contenue dans ses limites physiques ; de la confusion de cette notion de limite est finalement apparue la vision de la ville ouverte comme lieu d’échanges. L’interdiction de bâtir au delà de l’octroi est levée en 1824. Cette mesure met fin à l’idée de limite telle qu’elle était définie par le bornage. Les Grands Boulevards perdent alors ce rôle de limite, ils ne sont plus la fin de la ville. La charge symbolique de la « limite sans cesse dépassée mais toujours maintenue »10 est abolie. Les Grands Boulevards ont désormais le statut de voie publique parisienne. Il faut donc construire les rives et la façade du boulevard.
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9
DAVP, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000
10
DAUC / SDER, Le patrimoine bâti des Grands Boulevards, 1998
Parcelle traversante
Parcelle non traversante
Constitution du front bâti des Grands Boulevards, XVIIIème et XIXème siècle Schémas : Valérie Dumont, d’après Le Patrimoine bâti des Grands Boulevards
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Évolution des profils en coupe : la section type du boulevard À l’origine, des hôtels particuliers se trouvent côté ville, ouverts sur les rues de la ville et dont les jardins donnent sur le boulevard. Côté Faubourg, des jardins maraîchers clos par un mur bordent le boulevard. De nos jours, seule la rangée d’arbres intérieure subsiste, les bâtiments ont été construits à l’alignement du mur de clôture. Schémas : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Formation des voies, 1996
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Évolution des profils en coupe : le boulevard Bonne-Nouvelle À l’origine, le boulevard Bonne-Nouvelle bordait côté ville le lotissement de la Butte au Gravois. Côté faubourg, il dominait la rue Basse de la Porte Saint-Denis, protégée par une butte ou un mur de soutènement. L’élargissement actuel du boulevard est dû à l’absorption de la rue basse (1832). Trois rangées d’arbres subsistent à cet emplacement. Schémas : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Formation des voies, 1996
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Il s’agit de procéder au « remplissage » des dents creuses et de construire à l’alignement pour structurer le boulevard par une façade urbaine, à l’emplacement de l’ancien mur aveugle. C’est l’avènement de cette nouvelle forme urbaine qu’est le boulevard, définie par ses constructions à l’alignement, ses rangées d’arbres et son animation constante. « Le boulevard se révèle bientôt le modèle de l’espace urbain central »11. L’image sera reprise et transfigurée par Rambuteau et Haussmann. L’architecture du boulevard devient modèle, institue ses règles de gabarit, de hauteur, d’alignement sur rue... Le modèle sera perfectionné et étendu à l’ensemble du réseau parisien. En 1830, les contres-allées sont dallées et des arrêtés définitifs sur l’alignement fixent l’état des boulevards tel que nous le connaissons aujourd’hui. Les rues basses des remparts sont progressivement supprimées. Dans les années 1840, le principe de la « maison de rapport » assure la stabilité du système financier bourgeois, par la possession d’un patrimoine locatif. La mutation architecturale du boulevard correspond à la mutation de la promenade : alignement sur rue, passage de la maison individuelle à l’immeuble de rapport. Peu à peu les boutiques se sédentarisent le long des boulevards.
11
François Loyer, Paris XIXème siècle de l’immeuble à la rue, 1987
Tracés antérieurs à 1600 : tissus constitué et routes anciennes
1600-1680 : urbanisation concentrique
1680-1705 : aménagement du Nouveau Cours de la porte Saint-Honoré à la porte Saint-Denis
1705-1765 : système continu de l’actuelle place de la Concorde à la porte Saint-Antoine
Les Grands Boulevards : stratification d’un quartier Cartes : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan et paris.fr
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Devenus intérieurs et alors intégrés à la ville, les boulevards entrent dans leur période la plus faste. La question des limites est déportée vers les communes de la banlieue. Ils offrent désormais un cadre urbain, un décor de prestige, dans lequel va pouvoir se dérouler la vie parisienne. Les boulevards sont synonymes de divertissement, lieu des théâtres et de nombreux commerces. Ils bénéficient d’une vie publique très active, ainsi que d’une forte activité nocturne. Depuis la Monarchie de Juillet, les Grands Boulevards sont qualifiés «la grande artère des théâtres parisiens». À l’arrivée du Baron Haussmann, les Grands Boulevards constituent déjà un lieu de centralité métropolitaine. Un droit de concession est octroyé au riverain; il s’agit d’une emprise sur la voie publique pour exercer une activité de commerce. C’est la naissance des terrasses de café. Sous le Second Empire, de grands travaux sont entrepris aux extrémités. À l’Ouest, l’Opéra Garnier, est construit, ainsi que la place et l’avenue de l’Opéra. À l’Est sont percés le Boulevard Voltaire et la Place de la République, qui engendre la disparition du boulevard du Crime. Suite à cela, les lieux voués au spectacle se réorganisent, notamment le long du Boulevard du Temple et du Boulevard Saint Martin. Le Boulevard des Capucines et le secteur Madeleine deviennent le quartier privilégié des banques (BNP et Crédit Lyonnais) et compagnies d’assurance. C’est le début de la sectorisation fonctionnelle.
1765-1810 : urbanisation par quartiers
1810-1848 : urbanisation au delà du boulevard, aménagement du canal Saint-Martin
1848-1870 : les percées d’Haussmann, axes de prestige
Après 1870 : ouverture du boulevard Haussmann
Les Grands Boulevards : stratification d’un quartier Cartes : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan et paris.fr
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LINÉAIRE ET TRANSVERSALES : LA SÉDIMENTATION DES FONCTIONS
« Faire les boulevards » se conçoit au premier abord de façon longitudinale. Mais les Grands Boulevards en tant que système urbain fonctionnent aussi par un rapport à la profondeur, en lien direct avec les activités et les populations des quartiers limitrophes. En effet, sur l’histoire des Grands Boulevards sont projetées en filigrane celles de la Bourse, de l’Opéra, des Passages… La profusion d’activités et l’urbanité génèrent cet effet d’épaisseur, qui connecte les boulevards aux arrondissements adjacents. La cohérence de l’ensemble n’avait pas été véritablement prédéfinie. Les alignements en dépit des règlements ont contribué à la densification progressive du linéaire, tous les propriétaires voulant avoir pignon sur rue. Les Grands Boulevards constituent ainsi un espace urbain unitaire sur plusieurs kilomètres de long, support de toute une diversité d’activités et de populations. Aujourd’hui encore, les failles et inflexions dans le linéaire (notamment les portes Saint-Denis et Saint-Martin) témoignent de cette constitution sédimentaire. La situation présente des Grands Boulevards doit donc être mise en regard d’une sédimentation des fonctions successives qui les ont caractérisés et dont les fragments se fondent aujourd’hui dans le paysage urbain. La juxtaposition actuelle des secteurs d’activité témoigne de l’héritage de cette stratification fonctionnelle. L’histoire des Grands Boulevards est liée aux étapes successives du développement de la ville et aux différentes catégories de population qui s’y sont implantées. Les Grands Boulevards côtoient les quartiers de la Bourse, du Sentier ou encore des Grands Magasins ; ils ont par ailleurs été le quartier des théâtres et de la presse… Ils sont par excellence un lieu festif, avec la présence de nombreux bars et clubs. Vient s’ajouter toute une série d’activités culturelles et de commerces, liés à la présence d’une clientèle touristique affluente. L’accumulation de ces fonctions diverses a modelé les Grands Boulevards et contribue à la richesse et à la singularité d’un quartier toujours plus cosmopolite.
Linéaires et transversales Cartes : Valérie Dumont
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LE CINÉMA
LA FINANCE
LA PRESSE
LES THÉÂTRES
La stratification des fonctions : comment les différentes fonctions dessinent les Grands Boulevards d’aujourd’hui Document : Valérie Dumont
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LES THÉÂTRES
Honoré Daumier, Mélodrame, 1860
En 1791, les théâtres parisiens ne sont plus soumis à autorisation d’ouverture, ce qui va largement favoriser leur développement. Les boulevards sont un peu éloignés du centre de la vie parisienne en ce début du XIXème siècle, mais ils se démarquent déjà comme un haut lieu de distraction. Les théâtres renforcent l’attractivité des boulevards qui catalysent la vie populaire ; des cafés ouvrent autour de ces lieux de spectacle. Dans les années 1830, le paysage théâtral parisien est à son apogée. Le boulevard du Temple est surnommé le « boulevard du Crime » à l’image des drames qui y sont joués chaque soir. Sur 200 mètres, une quinzaine de théâtres y sont présents, des grandes salles de plus de 3000 places (l’Ambigu, la Porte Saint-Martin, le Cirque Olympique) aux plus petites de moins de 500 places (les Funambules, les Délassements Comiques)12. Cette époque est admirablement retracée dans le film de Marcel Carné « les Enfants du paradis » (1945), où le boulevard du Crime est entièrement reconstitué en décors. En 1848, les révoltes populaires agitent Paris. Napoléon III voit comme une menace ces lieux de divertissements populaires, qui pourraient se convertir en foyers révolutionnaires. Il s’agit alors de mettre fin à l’agitation permanente qui secoue la section Est des boulevards. En 1854, avec les travaux du préfet Haussmann, la caserne militaire du Prince Eugène est construite, suivie de la place de la République. La quasi totalité des salles du boulevard du Crime disparaît. Certains théâtres se reforment place du Châtelet (théâtre Historique et cirque olympique deviennent théâtre du Châtelet et théâtre de la Ville)13. D’autres survivent aux abords de la Porte Saint-Martin. En 1875, on y joue des fééries, telles que le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, avec de fabuleux décors. Aujourd’hui, la tradition des théâtres subsiste autour des boulevards, avec une vingtaine de salles entre Madeleine et République. 12 13
Le Théâtre des Funambules dans les Enfants du Paradis, décors d’Alexandre Trauner, 1944
37
Lorànt Deutsch, Métronome, 2009 ibid
Théâtres
1km
500m
Les théâtres en 1864 : concentration autour des grands boulevards
Les théâtres en 1864 : les grands boulevards dont le célèbre boulevard du crime
Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
Théâtres
Théâtres Nombre de places 2000 1000 200
1km
1km
Les théâtres en 1936 : concentration dans le centre-ouest de Paris
Les théâtres en 2008 : conservation du coeur historique et conquête de la périphérie
Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
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LA BOURSE
La Bourse au Palais Brongniart Carte postale, source Web : Paris en 1900, les archives bleues
En 1826, la Bourse de Paris quitte le Palais Royal pour le Palais Brongniart, situé sur l’actuelle place de la Bourse. Le secteur devient alors le poumon de l’activité financière parisienne, qui ne va cesser de s’intensifier. Les banques érigent des édifices prestigieux, pour témoigner du sérieux et de la pérennité des institutions bancaires (le Crédit Lyonnais en 1878, la B.N.P. en 1906 puis 1932). L’ampleur de l’emprise bâtie est monumentale, elle occupe parfois la totalité de l’îlot. Les édifices se démarquent par la qualité des rives bâties, mais l’implantation de l’activité bancaire se fait souvent au détriment de l’activité des rez-dechaussée, qui caractérise habituellement les boulevards.14 Ainsi le boulevard Haussmann est beaucoup moins animé que le boulevard Montmartre qu’il jouxte, le changement d’ambiance créant une rupture avec le reste des boulevards.
14
Patrick Pognant, L’architecture des Grands Boulevards, 1996
Sièges Succursales
Sièges des compagnies d’assurance
1km
Les Banques en 1895 : concentration des sièges autour de la Bourse Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
39
1km
Les compagnies d’assurance en 1911 : localisation exclusive dans le quartier de la Bourse Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas des Parisiens
L’activité financière à Paris au XXIe siècle : concentration dans le quartier historique Carte : Valérie Dumont, d’après l’APUR, Paris 21e siècle
500m Activités bancaires Banques mutualistes et assurances
L’activité financière aujourd’hui : concentration dans le quartier des Banques, à l’ouest des boulevards Carte : Valérie Dumont, d’après l’APUR, Paris 21e siècle
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LA PRESSE Les Grands Boulevards ont constitué le cœur du monde des journaux à Paris, durant une période qui s’étend de la Restauration à l’Entre-deux-Guerres. Après la Révolution, les corporations sont supprimées. Les activités liées à la presse, notamment l’imprimerie, migrent alors du Quartier Latin rive gauche vers la rive droite. Les journaux recherchent alors la proximité de la Poste Centrale du Louvre, pour assurer le rayonnement des quotidiens nationaux qui ont un grand nombre d’abonnés en province, et de la Bourse, pour être au plus près de l’activité financière.15Les activités liées à la presse se regroupent peu à peu autour des boulevards et le long de l’axe Montmartre. Les cafés situés sur les boulevards jouent un rôle important, formant des lieux de rencontres pour les journalistes. Certains patrons de cafés s’abonnent aux journaux pour offrir la lecture à leurs clients. Ainsi les cafés des boulevards succèdent peu à peu aux cafés littéraires de la rive gauche. La presse participe directement à l’animation de la vie des boulevards par le biais des kiosques à journaux et des colporteurs, et plus largement à la vie parisienne. Au delà du relais des dernières nouvelles, il s’agit de faire participer les lecteurs. Les sièges des grands quotidiens affichent les dépêches et les photos ou gravures d’actualité dans les halls pour attirer les passants du boulevard. Cette publicité prend son ampleur sur l’espace public, avec les campagnes d’affiches, les hommes-sandwich, les véhicules avec banderoles...16 Après la seconde guerre mondiale, la presse quitte peu à peu le quartier des Grands Boulevards, le dernier départ en date étant celui des Nouvelles Messageries en 1996.
La vente de journaux sur la voie publique Estampe Musée Carnavalet Crédit photographique : Jean-Christophe Doërr
15 16
1848
Pierre Albert, dans Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 ibid
1859
L’imprimerie au XIXème siècle : répartition progressive vers la rive droite Carte : Valérie Dumont, d’après David Harvey, Paris Capitale de la Modernité
41
1872
1
2 16 11 3
14 1015
13 4
5 12
9
6 8
7 17
19
18
500m
Principaux journaux du XIXème siècle et début XXème
1 2 3 4 5
Le Petit Journal (1869) Le Figaro (1874) Le Siècle (1868) L’Écho de Paris (1902) Le Temps (1911)
6 7 8 9 10
Le Journal (1892) Agence Havas La France (1874) Le Moniteur (1789) Le Matin (1893)
Principaux journaux de l’après-guerre
11 12 13 14 15
16 17 18 19
Le Petit Parisien (1878) Le Monde (1944) L’équipe (1946) Le Franc-Tireur (1941)
Le Parisien (1944) L’Aurore (1944) N.M.P.P. (1947) France Soir (1944)
L’Humanité (1904)
Évolution de la localisation des principaux quotidiens autour des Grands Boulevards Carte : Valérie Dumont, sources : Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse économique, 1996 et la DAVP, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000
1894
1931
1994
L’information à Paris : concentration autour de l’axe Montmartre, puis dispersion progressive vers l’ouest et la périphérie Carte : Valérie Dumont, d’après Partick Galas, Apur
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LE CINÉMA En 1895, la première représentation cinématographique des frères Lumière a lieu au Grand Café situé boulevard des Capucines. La diffusion de cette innovation se fait rapidement dans des lieux divers : théâtres, music-halls, cafés, musées, grands magasins... et même dans la rue. L’Olympia, music-hall en vue, propose un cinématographe dès 1896. Au début du XXème siècle se développent des salles de cinéma, dans les locaux d’anciens théâtres ou de cafés-concerts. En 1922, une quinzaine de salles sont ouvertes sur les boulevards entre la Madeleine et la place de la République, contre une seule sur les ChampsÉlysées.17 Peu à peu, les cinémas vont naturellement s’implanter le long des voies les plus fréquentées par les parisiens, mais aussi par les touristes. Le cinéma est un divertissement populaire, activité qui trouve naturellement sa place au sein des lieux de promenade et distraction. Durant l’entre-deux-guerres, c’est le boom du cinéma dans la capitale. Une cinquantaine de cinémas s’implantent autour des Grands Boulevards. Mais concurrencé par la démocratisation de la télévision, le cinéma connaît une période de déclin dans les années 1970 ; les salles de cinéma des boulevards perdent alors les deux tiers de leurs spectateurs18. Certaines salles ferment et se transforment en lieu de restauration. Le cinéma évolue, les petites salles sont remplacées par des complexes cinématographiques multisalles, proposant simultanément plusieurs films pour assurer la rentabilité et diversifier les publics. Dans les années 1990, les complexes cinématographiques implantés autour des Grands Boulevards recevaient en moyenne 1 million de visiteurs par an.
17 18
43
Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse socio-économique, 1996 ibid
Cinémas
1km
Les cinémas en 1922 : répartition autour des axes les plus fréquentés de la capitale Carte : Valérie Dumont, source l’Atlas de Paris
500m
Les cinémas dans les années 1950 : concentration autour des Grands Boulevards Carte : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse économique, 1996
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Parallèlement, des secteurs très ciblés ont contribué à façonner le quartier des Grands Boulevards. C’est le cas du négoce de tissus et de draps dans le Sentier, un quartier qui jouxte les boulevards au Sud, connu pour être un quartier traditionnel de confection textile depuis le XVIIIème siècle. Dans les années 1960, les débuts du prêt-à-porter modifient les habitudes vestimentaires et les modes de consommation. Le Sentier va exploiter cette filière, jusqu’au déplacement progressif de l’activité vers le Sentier chinois dans les années 1990. Avec la bulle internet (1997-2000), une cinquantaine de start-up s’installent dans les locaux vides. C’est le début du Silicon Sentier. Depuis le milieu du XIXème siècle, la présence de l’Hôtel des ventes de Drouot est à l’origine d’un secteur d’activité et crée une centralité pour le marché de l’art. L’Hôtel des ventes a été reconstruit en 1980 et comporte aujourd’hui 16 salles de ventes aux enchères. Cette activité a généré l’implantation de commerces philatéliques et numismatiques rue Drouot et rue de la Grange Batelière. Enfin, les Grands Boulevards sont réputés pour leur vie nocturne, avec la présence de nombreux bars, pubs et clubs, dont des établissements mythiques qui ont marqué l’histoire de la fête à Paris. Le Golf-Drouot fut la première discothèque rock parisienne. À son apogée, dans les années 1960-1980, s’y produisaient de jeunes artistes comme Johnny Hallyday, Sheila, Jacques Dutronc, Eddy Mitchell... Le Rex Club, inauguré en 1973, fut également à l’avant-garde de la scène rock. Aujourd’hui spécialisé dans les musiques électroniques, le Rex Club reste un lieu mythique. En 2011, le Silencio, une discothèque éclectique, est fondée par le réalisateur David Lynch.
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Les ateliers de confection textile du Sentier dans années 1960 Source : cairn.info
L’hôtel des ventes de Drouot en 1852 Source : parisavant.com
Le Golf-Drouot dans les années 1960 Source : web
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1.2 LIEUX FONDATEURS ET AVANT-GARDES LE BOULEVARD DU CRIME ET LE FLÂNEUR DE BALZAC
« Les Grands Boulevards sont à Paris ce que le Grand Canal est à Venise. » Honoré de Balzac
Le boulevard est une innovation urbaine par son ampleur, issue de l’hybridation entre la majesté de la route royale et le caractère bucolique de la promenade plantée. Le modèle du boulevard est finalement calqué sur celui du cours, lui même hérité du mail anglais, avec une allée carrossable et des contresallées pédestres.19 À leur création, les boulevards se distinguent par l’absence de contrainte de fréquentation, contrairement au parc royal des Tuileries, payant et réservé aux promeneurs en habits de fête.20 La forme ouverte des boulevards desserre le Paris médiéval congestionné, et parallèlement entraîne le relâchement des mœurs. La réputation sulfureuse et l’insolence des boulevardiers, la frivolité de l’animation des boulevards traduit ce goût de liberté éveillé par le Siècle des Lumières. La promenade du loisir est le lieu de la fête ininterrompue, à l’encontre des bonnes mœurs et des interdits de l’Église. Sous la Restauration, les Grands Boulevards sont le centre de gravité du spectacle à Paris, avec l’Opéra le Peletier et le Théâtre des Italiens. La disparition au début du XIXème siècle des grandes foires de Saint-Germain et Saint-Laurent, où le théâtre était apparu dès le XVIIème siècle, favorise le développement des théâtres sur les boulevards. Dans les années 1830, les théâtres secondaires, qui ne sont ni protégés ni subventionnés par le roi, concentrent leur salles de spectacle sur le boulevard du Temple. La violence des intrigues qui s’y jouent, assassinats, empoisonnements... lui vaut son célèbre surnom : le boulevard du Crime. L’activité des théâtres génère une animation sans précédent, avec la présence des amuseurs, des bonimenteurs, des camelots... Le caractère universel des intrigues génère également une mixité des fréquentations.
19 20
47
Yoann Brault, Radiographie historique d’un modèle, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 Béatrice de Andia, Perpétuelles métamorphoses, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000
Le boulevard du Temple Honoré de Balzac, Adrien Provost, Edouard Renard, Panorama des Grands Boulevards, 1844
1
2 3 4 5
tracé actuel
6
7
1 Théâtre Lyrique 2 Cirque
5 Funambules 6 Délassements comiques
3 Folies Dramatiques 4 Gaîté
7 Petit Lazari
Le boulevard du Crime dans les années 1830 Schémas : Valérie Dumont, d’après Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - La Formation des voies, 1996, source : Nicole Wild, Dictionnaire des Théâtres parisiens au 19ème siècle
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Dans les théâtres de boulevard, on joue le mélodrame et la pantomime, supplantés par la suite par le vaudeville.21 Le boulevard du Crime a engendré une fascination ; sa destruction par les travaux du préfet Haussmann l’a élevé au rang d’un mythe, que le cinéma a immortalisé dans le film de Marcel Carné Les Enfants du Paradis (1945). Après la révolution de Juillet (1830), les boulevards Ouest en plein essor deviennent la vitrine du Paris du XIXème. La Belle Époque est ainsi l’apogée historique des Grands Boulevards parisiens. Ils constituent alors le décor de la vie politique et sociale. Ils sont le miroir de la société moderne ; on y vient pour voir et être vu. Le succès des Grands Boulevards s’explique ainsi : un symbole de prestige et de majesté. Ils sont également vitrine de l’innovation, avec la création des passages, des premiers ateliers de photographie, des premières galeries impressionnistes, du cinématographe des frères Lumière... Ils matérialisent le lien Est/ Ouest à travers la capitale. Les Grands Boulevards continuent d’être un lieu vivant et attractif, dynamique par ses théâtres, opéras, cabarets, bazars et magasins, salons de lecture... Un fourmillement d’activités de loisirs, auxquelles s’ajoutent les secteurs de la Presse et de la Finance. Les Grands Boulevards mêlent ainsi le divertissement et l’intérêt, l’oisiveté et le labeur, ce qui renforce leur vocation de centre urbain. Les touristes internationaux s’y rendent, ils sont alors désignés comme les boulevards du monde entier. La rivalité des Champs Élysées ne tarde pas à altérer la vocation d’artère dominante des Grands Boulevards, mais ceux-ci parviennent à maintenir leur apparence de splendeur, et continuent de régner sur la vie nocturne parisienne. Dès la seconde moitié du XIXème siècle, la littérature sur les boulevards est abondante, au sujet de l’ensemble urbain et de l’animation qui y règne. Pour Stendhal, les boulevards sont « le rendez-vous de tout ce qu’il y a d’agissant et de brillant à Paris ». Pour Balzac, ils sont « la ceinture de sa Vénus, de sa ville chérie »22. La production littéraire engendre de nombreux « tableaux » des boulevards, ces récits urbains qui font la célébration du lieu. Paradoxalement, le XIXème siècle prend conscience d’une ville en mouvement, d’un état de non-retour post-révolution Giuseppe Canella, « Le Théâtre de l’AmbiguComique et le et le boulevard Saint-Martin », 1830 Musée Carnavalet
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21 22
Jean-Claude Yon, Le théâtre aux Boulevards, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 Luc Passion, Le mot et la chose, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000
industrielle. Apparaissent de nouveaux modes de lectures de l’espace et du temps, de nouveaux rapports à l’histoire et aux traditions. Ce mouvement de déprise du passé et d’accumulation patrimoniale donne son sens à la modernité.23 À travers la figure du flâneur, Balzac donne un discours sur l’état social de la ville. La croissance rapide et chaotique de la grande ville du début du XIXème siècle est difficile à décrypter. Fasciné par ce climat fiévreux, Balzac écrit en 1844 une Histoire et Physiologie des boulevards de Paris, où il décrit le paysage urbain et la vie des boulevards, aspirés dans le spectacle éternellement changeant de la capitale en mouvement... « La modernité doit être comprise en termes de succession et de simultanéité, de fracture et d’amalgame, de mélange et de complexité. Elle se manifeste par une liaison originale des différentes sphères de l’activité humaine, une intensification de la vie, une intellectualisation des rapports, une inquiétude permanente. Entraînant la dissolution des contenus stables, elle prend forme dans le mouvement, un flux continuel, une constante mobilité. La rhétorique qui est sienne unit les contraires, - comme elle induit le conservatisme par le changement -, dans une culture du quotidien et de l’éphémère. L’individualisme et le cosmopolitisme sont ses principaux signes distinctifs. Le Boulevard en est, à bien des égards, la projection spatiale et la figure historique. » Bernard Vallade 24
Le Paris du XIXème siècle amène ses monuments mais aussi son identité : la ville ludique et animée. Illustrée par les textes de Walter Benjamin, la forme spatiale des passages constitue un motif récurrent du Paris de la modernité, . Inspirés des marchés couverts, les passages concentrent plusieurs fonctions : abris pour les intempéries, bazars couverts, raccourcis... Insérés dans le tissu constitué, les passages renvoient au cœur de la ville. Les passages cultivent une certaine forme d’intimité, ils offrent l’apaisement face à un environnement urbain saturé et bruyant, et un certain confort pour le piéton qui n’a pas sa place sur la chaussée. Ils constituent un véritable décor urbain voué à la flânerie. À la fois lieu de flux et de stagnation, les passages permettent le brassage des passants qui viennent se rencontrer, faire leurs achats, ou tout simplement se montrer. 23 24
Bernard Valade, La voie de la modernité, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 ibid
50
boulev ards
République
?
Années 1990 Champs-Élysées
Aujourd’hui La Cité, les Halles
Demain ?
Évolution de la centralité : le déplacement vers l’Est. Malgré leur proximité géographique, les boulevards restent excentrés Quel rôle pourra jouer le maillon République, avec la nouvelle place? Schémas : Valérie Dumont, réalisés à la suite de l’entretien avec Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex et d’une discussion avec David Mangin Photographies aériennes : bing maps
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1.3 LIEU-MONUMENT, LIEU-ÉVÉNEMENT DU MYTHE AU LABEL ?
L’appellation « Grands Boulevards » date de la fin de l’Ancien Régime et désigne alors les boulevards par excellence qui offrent aux oisifs tous les agréments de la promenade. Le nom puise dans un ancrage historique et a une acquis notoriété internationale. Le rayonnement des Grands Boulevards est dû au départ à leurs qualités physiques et urbanistiques, mais avec le temps le nom possède désormais une forte valeur évocatrice. Aujourd’hui, le mythe Grand Boulevard est quasiment devenu un label, garant de l’animation à l’échelle métropolitaine. La mondialisation engendre une forme de mise en réseau à l’échelle planétaire des lieux mythiques.25 Les Grands Boulevards ont une situation géographique relativement centrale dans la capitale, en lisière du Paris médiéval. Mais une définition plus subjective de la centralité, celle de la centralité ressentie, les a longtemps relégués à une position excentrée. « Il y a une quinzaine d’années, les Grands Boulevards étaient perçus comme une zone assez extérieure au centre de Paris, donc situés dans l’esprit des parisiens comme loin du centre. »26 Comme c’est le cas dans de nombreuses métropoles, la centralité opère un déplacement vers l’est. Ainsi, il y a une quinzaine d’années, les Champs-Élysées constituaient la centralité parisienne. Aujourd’hui, ce sont les Halles, et si l’on suit cette logique, la centralité de demain devrait se retrouver du côté de Bercy. Si les Grands Boulevards restent en marge de ce phénomène, ils sont néanmoins à l’origine d’une centralité à l’échelle de la rive droite. LE MYTHE ET L’ÉVÉNEMENT Dès la fin du XVIIIème siècle, les Grands Boulevards sont le lieu d’une concentration architecturale exceptionnelle, servant des activités de loisirs et de commerces. Le déroulement panoramique des façades des boulevards est un linéaire ponctué de monuments. 25 26
Bernard Landau et Claire Monod, L’esprit des lieux, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de modernité, 2000 Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex
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La ville-monuments Cartes : Valérie Dumont
« Cette fusion de l’urbain et de l’événement alimente la construction du concept de « ville événement » qui alimente la réflexion globale de la ville entre image et projet. Ainsi, à côté de « Paris-monuments » il y a de plus en plus un « Paris-événements. » Édith Fagnoni, Paris capitale événementielle?, Séminaire « Paris est-il toujours Paris? », 2009
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L’influence de l’évolution de l’activité sur le patrimoine bâti est visible, par exemple dans le quartier des banques. Le potentiel attractif du secteur a encouragé la création de nouveaux lieux pour entretenir le prestige. Plus globalement, le rayonnement culturel des Grands Boulevards est entretenu par une série de lieux et d’événements mythiques qui ont jalonné leur histoire. Des activités peuvent ainsi être associées à des lieux ou des événements qui génèrent localement de l’attraction. La distinction se fait entre les lieux-monuments et les lieuxévénements. Les lieux-monuments sont associés à de grandes étapes touristiques parisiennes, ils véhiculent l’image mythique parisienne par excellence, et sont évocateurs des Grands Boulevards. Le Rex, les Folies Bergères, le musée Grévin... Dans le cas des lieux-monuments, l’attractivité vient du lieu en luimême. Ce phénomène fait écho au rayonnement des lieux de spectacle dans l’ensemble de la capitale. « À Paris on va dans un lieu voir un spectacle, cela est dû au poids de l’histoire. À l’étranger on nous parle encore des Folies Bergères et du Casino de Paris, ces deux établissements n’étant «plus que» des théâtres depuis vingt ans... importance de la marque plus que du spectacle. Contrairement à Londres ou New York ou l’on va voir un spectacle. »27 Les lieux-événements sont plus récents et opèrent un rayonnement plus local. Ces lieux attirent pour les événements qui s’y déroulent. Les théâtres, les cinémas, les cafés... sont ainsi garants de l’animation des Grands Boulevards. « Certes, les manifestations festives ont toujours existé, mais aujourd’hui c’est leur conception qui a évolué, entraînant un changement d’échelle : de la fête locale, on est passé à l’événement comme enjeu culturel et enjeu de développement, laissant des traces dans l’espace. »28 Lieux-monuments, lieux événements Comment se définissent des lieuxmonuments, dont le rayonnement et l’histoire suffisent à garantir un fort potentiel attractif; et comment se définissent des lieux-événements, dont l’attractivité tient dans les événements qui s’y déroulent ? Un lieu-événement peut-il à terme devenir un lieu-monument? Schéma : Valérie Dumont
Un lieu-événement peut-il devenir un lieu-monument ? Certains théâtres peuvent être considérés comme tels.
27 28
Edith Fagnoni, Paris est-il toujours Paris? Séminaire EIREST Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Office de Tourisme de Paris, 2009. ibid
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2
ASSEMBLAGES
2.1 DES PUBLICS, ÉCHELLES DE TOURISME UN QUARTIER HABITÉ PAR LES TOURISMES
Paris constitue l’une des premières destinations touristiques mondiales. En 2011, la fréquentation touristique de la capitale a atteint un record avec 36,9 millions de nuitées hôtelières29. Mais Paris se distingue aujourd’hui des autres métropoles par l’ancienneté de sa tradition touristique, qui remonte au XVIIIème siècle. Les Grands Boulevards se situent à la limite de ce qui est considéré comme l’espace touristique parisien, ce qui renforce l’asymétrie entre les deux rives. Ils se retrouvent en lisière du Paris des monuments que l’on peu parcourir à pied.30 Les Grands Boulevards se présentent dès leur édification comme un formidable lieu de brassage, où la diversité des publics et des ambiances est à l’image de celle des différents quartiers qu’ils relient. Ils favorisent la rencontre de deux mondes qui ne se connaissent pas : la bourgeoisie et l’aristocratie. Les Grands Boulevards sont dès lors un secteur très cosmopolite, des personnes de provenances diverses venant peu à peu s’y installer. L’unanimité des boulevards s’établit dans le loisir et le divertissement, toutes classes sociales confondues. À la fin du XIXème siècle, l’intégration des faubourgs au réseau parisien opère le renouveau de cette diversité. Par la suite, les Grands Boulevards subissent une gentrification progressive qui s’est fortement accélérée depuis une vingtaine d’années. 29 30
source : parisinfo.com Philippe Duhamel et Rémy Knafou, Le tourisme dans la centralité parisienne, 2006
56
FRANCE
PARIS
PARIS
AMÉRIQUE DU NORD
EXTRÊME ORIENT
EUROPE
MOYEN ORIENT
EUROPE HORS U.E.
AFRIQUE AMÉRIQUE LATINE
UNION EUROPÉENNE
PARIS
2 000 km
> 20 000 000 passagers en 2011
5 000 000 - 10 000 000 passagers en 2011
10 000 000 - 20 000 000 passagers en 2011
< 5 000 000 passagers en 2011
Évolution du nombre de passagers de 2010 à 2011
DOM TOM
Origine des passagers en provenance ou à destination de Paris (2011) Source : parisinfo.com, données issues du baromètre mensuel des performances hôtelières Office du Tourisme note et des Congrès de Paris
77,6 135,8
Montmartre 82,0 Pigalle - Trinité 89,9
Taux d’occupation (%) Prix moyen en €
19 e 18 e
La Villette - Belleville 83,0 Canal Saint-Martin 85,2
17 e 9e
8e
Champs-Élysées 80,0 Louvre 320,6
10 e
Opéra - Grands 81,7 boulevards 245,5 2e
16 e
1er Tour Eiffel 77,6 Trocadéro 135,8
4e
7e
Passy - Bois 80,7 de Boulogne 183,1
11 e
3e
20 e
Les Halles 88,6 Marais 175,7
6e
République 84,6 Bastille 101,2
5e Notre Dame 84,5 Quartier latin 127,1
15 e
12 e
Saint-Germain-des- 80,1 Prés - Montparnasse 142,8
13 e
14 e
Bercy - Tolbiac Bois de Vincenne
86,9 115,3
Arrondissement
1er
2e
3e
4e
5e
6e
7e
8e
9e
10 e
11 e
12 e
13 e
14 e
15 e
16 e
17 e
18 e
19 e
20 e
Nombre d’hôtels
74
37
29
33
83
104
65
138
182
119
67
74
43
94
103
70
122
68
23
21
Taux d’occupation et prix moyen par zone touristique à Paris (2011) Source : parisinfo.com, données issues du baromètre mensuel des performances hôtelières Office du Tourisme note et des Congrès de Paris
57
Le Paris pré-révolution industrielle Le Paris du XIXème siècle
1km
Le Paris de la fin du XXème siècle - début XXIème
L’espace touristique parisien Carte : Valérie Dumont, d’après Philippe Duhamel et Rémy Knafou, Le tourisme dans la centralité parisienne, 2006
ST LAZARE 15min
CHAMPSÉLYSÉES 25min
GARE DU NORD 15min GARE DE L’EST 15min CANAL ST MARTIN 20min
OPÉRA MADELEINE 10min 15min
LOUVRE TUILERIES 15min
LES HALLES 15min
500m
Distance et temps de parcours pour atteindre les Grands Boulevards depuis les grandes étapes touristiques parisiennes et des principaux pôles multi-modaux Carte : Valérie Dumont
58
Un quartier habité par les tourismes Photographies : Valérie Dumont, avril-décembre 2012
59
Les Grands Boulevards deviennent une destination touristique très prisée dès le XIXème siècle et constituent un lieu de villégiature reconnu à travers toute l’Europe. À cette époque, ils représentent l’élégance à la parisienne, on vient s’y promener le dimanche. Puis les boulevards glissent peu à peu vers une dimension plus populaire, avec les théâtres et les cafés. Aujourd’hui, les Grands Boulevards sont un quartier habité par les tourismes. En effet, plusieurs échelles de tourisme y sont identifiables, en fonction de la provenance géographiques des touristes. Les Grands Boulevards attirent une clientèle mondiale et européenne, le plus souvent par le biais de voyages organisés et donc assimilée à un tourisme de masse. Ensuite, on peut identifier une clientèle provinciale, généralement représentée par des familles. Étant francophone, cette catégorie voyage un peu plus librement. Par ailleurs, on remarque une clientèle en provenance de la région parisienne. Cette catégorie est plus difficile à identifier car le déplacement sur Paris est journalier. Globalement, les Grands Boulevards attirent une clientèle de touristes de moyenne gamme, 2 ou 3 étoiles. Ce panel est complété par une catégories de touristes résidant dans Paris intra-muros, principalement attirés par les théâtres, ce qui contribue au renforcement de la centralité. À travers les centres d’intérêt de chaque catégorie, il est intéressant de regarder comment se répartissent spatialement les différents tourismes. La culture et la découverte de la ville représentent les premiers centres d’intérêt des visiteurs internationaux.31 Les touristes des catégories mondiales et européenne viennent visiter les lieux iconiques et représentatifs (musée Grévin, Bouillon Chartier, les passages …). La clientèle provinciale visite également des lieux iconiques, mais prend le temps de flâner et visiter des lieux de divertissement. Les clientèles régionale et parisienne sont plutôt attirées par des lieux événementiels et festifs (le Rex, les cinémas, les théâtres, les bars …). Ces catégories sont plus représentées les soirs de week end.
31
parisinfo.com
60
Palais Drouot
Passages
MONDIALE
Cité Bergère Vers les Grands Magasins
Musée Grévin Rex Passages
EUROPÉENNE
De jour, en semaine
Folies Bergères
PROVINCIALE
Chartier
Cité Bergère Gymnase
Rex Club Passages
RÉGIONALE
De nuit, le week end PARISIENNE
Des Publics, échelles de tourisme
Les Grands Boulevards : spatialisation des tourismes à l’échelle d’un quartier
Document : Valérie Dumont
Document : Valérie Dumont
61
Place de la République
Rex
100m
Comedia Gymnase
Rex Club
Théâtre de la Renaissance Place de la République
100m
62
Cité Bergère
L’offre hôtelière dans le quartier des Grands Boulevards Carte : Valérie Dumont, relevés pagesjaunes.fr, google maps
63
« Ce que je remarque, c’est que le jour où l’on fait le plus de détaxe (touristes hors union européenne), c’est le lundi. En fait, la plupart des touristes repartent le lundi soir. C’est souvent le cas des voyages organisés par les tours-operators. Ils ont fait Disney, la tour Eiffel et compagnie, et le dimanche ils viennent se promener sur les Grands Boulevards. Les commerces sont fermés, donc il repèrent la boutique et les horaires d’ouverture, et ils reviennent le lundi. » Jacques Bongard, commerçant
Le tourisme est un vecteur économique pour les Grands Boulevards mais également un facteur de dynamisme. La forte concentration d’hôtels dans le secteur, notamment autour de la Cité Bergère, est à l’origine de flux touristiques importants et constitue un atout. Le tourisme constitue une part non négligeable de l’économie du quartier. Une part conséquente des emplois dans le quartier des Grands Boulevards est ainsi liée au tourisme (hôtellerie, restauration, musées...). Mais l’affluence de touristes bénéficie de façon globale au secteur. Le tourisme influence par exemple les horaires (de nombreux commerces restent ouverts le dimanche) et le type de commerces (commerces de souvenirs, maroquinerie, change … ). Le quartier évolue avec le facteur tourisme, les mutations engendrées sont surtout visibles sur les boulevards et dans certaines transversales (rue du faubourg Montmartre). Les équipements publics sont relégués dans les coulisses des boulevards, à quelques centaines de mètres et plutôt tournés vers le fonctionnement local et quotidien du quartier.
64
Les Grand Boulevards, séquences et intensités urbaines Schéma : Valérie Dumont
Les Grand Boulevards, séquences et secteurs Schéma : Valérie Dumont
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2.2 LES ASSOCIATIONS FONCTIONNELLES Les Grands Boulevards se trouvent à la jonction de plusieurs quartiers, caractérisés par des secteurs d’activités très divers : le quartier des banques, le quartier de la Bourse, le quartier de l’Opéra et des Grands Magasins, les quartiers plutôt résidentiels des 9ème et 10ème arrondissements, le quartier du Sentier avec ses activités textiles et désormais ses services informatiques, les quartiers plus populaires (Strasbourg-SaintDenis) où se côtoient de petits commerces … Des activités spécifiques se superposent ponctuellement à ce découpage fonctionnel : le marché de l’art autour du Palais Drouot, avec ses antiquaires et ses philatélistes, les nombreux hôtels... Le bâti du XIXème présente une relative souplesse et peut être support de multiples activités, ainsi que de mixité verticale. Dans un même immeuble on peut retrouver un rez-de-chaussée commercial qui évolue selon les effets de mode et des sociétés de service et des logements dans les étages. Ce kaléidoscope d’activités économiques et commerciales fonctionne à plusieurs niveaux. Les Grands Boulevards peuvent être compris comme un ensemble économique au fonctionnement global, où les différents secteurs d’activités interagissent. Plus localement, des assemblages fonctionnels peuvent être identifiés, à l’échelle d’une rue, d’un carrefour ou d’un îlot.
LES TYPES D’ASSEMBLAGES
Les assemblages : comment l’association de différentes activités vouées au divertissement fonctionne réellement en système, comment à partir d’un événement culturel, de loisirs, viennent se greffer des fonctions purement commerciales (restauration, vente de souvenirs et maroquinerie... ). Il s’agit de comprendre comment se greffent les activités dites satellites, qui profitent plus ou moins directement de l’attractivité de fonctions moteurs. Le fonctionnement économique du secteur Grands Boulevards peut être appréhendé à plusieurs échelles. Les différentes activités présentes interagissent de façon globale. La zone d’influence de certaines fonctions est élargie à l’ensemble des boulevards. 66
Par exemple, l’activité nocturne des bars et pubs profite aux commerces vestimentaires. Les clients qui sortent le soir repèrent un article dans une vitrine et reviennent l’acheter le lendemain.32
rayonnement : le Rex, Folies Bergères
À une échelle plus locale, on peut remarquer plusieurs formes d’assemblages, plus ou moins évidentes à identifier. Le « rayonnement » est caractérisé par une fonction motrice qui polarise l’attraction. Des fonctions satellites se greffent tout autour. Le Rex et les Folies Bergères sont deux exemples où l’activité culturelle motrice est entourée de petits commerces et restaurants qui profitent de ce rayonnement.
concentration ou l’effet de souk : la Cité Bergère, le Passage des Panoramas
Fonctions associées : le Max Linder/ Théâtre des Nouveautés, le Gymnase/Comedy Club
Superposition : la rue du Faubourg Montmartre, Strasbourg-Saint-Denis
Dispersion : Saint-Martin
La « concentration » ou « effet de souk » se définit par regroupement géographique d’une même activité. Ainsi, l’attractivité est due à cette concentration. C’est le cas de la cité Bergère avec ses hôtels ou du passage des Panoramas avec ses restaurants. Ces lieux créent leur rayonnement par la multiplicité. Les « fonctions associées » concernent des ensembles où l’activité attractive est répartie dans plusieurs lieux proches, complétés par la venue de fonctions satellites. Cette situation est repérable autour du cinéma Max Linder qui jouxte le Théâtre des Nouveautés ou au niveau du Comedy Club proche du Théâtre du Gymnase. L’attraction générée par ces lieux, dans lesquels se déroule généralement une activité culturelle, profite aux commerces, cafés et restaurants adjacents. La « superposition » concerne des micro-secteurs où des activités très diverses co-habitent. C’est le cas de la rue du faubourg Montmartre ou du carrefour de Strasbourg-SaintDenis. Des activités diverses qui visent des publics différents se superposent, ce qui génère au niveau de ces ensembles des points d’intensité urbaine. La « dispersion » est un cas particulier relevé sur le boulevard Saint-Martin. Essoufflement de l’animation qui caractérise les boulevards. Les principales fonctions attractives – théâtres, cafés - sont isolées, et ne fonctionnent pas réellement en cohérence.
Les types d’assemblages Schémas : Valérie Dumont
67
32
Aurèle Sarfati, commerçant
Assemblages Comment à partir d’une activité dite locomotive viennent s’associer des activités dites satellites ? Schémas : Valérie Dumont
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BERGÈRE
FAUBOURG MONTMARTRE MAX LINDER VARIÉTÉS
GRÉVIN
GYMNASE COMEDY CLUB
CITÉ BERGÈRE
PASSAGE DES PANORAMAS LE REX
Assemblages - cartographie des ensembles Document Valérie Dumont
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MNASE MEDY CLUB
STRASBOURG SAINT-DENIS SAINT MARTIN
70
Commerce de gros Voyages, tourisme Bureaux de change Vente de monnaies, médailles Antiquités Galeries d’art Philatélie 500m
Les commerces spécialisés : forte présence du commerce de gros (Sentier, rue du Faubourg St-Martin, rue du Château d’Eau), présence d’activité liée au tourisme, présence de commerces très spécifiques liées au marché de l’art autour du palais Drouot
Prêt-à-porter Chaussures Alimentation générale (<120m2) Bazars Télécommunication Matériel informatique 500m
Les commerces quotidiens et occasionnels : forte présence de commerces de prêt-à-porter et de chaussures en particulier sur les voies très fréquentées, présence répartie de commerces d’alimentation générale et de bazars, présence ponctuelle de commerces liés aux télécommunications et aux nouvelles technologies Cartographie des spécificités économiques du quartier des Grands Boulevards : les commerces les plus représentés Carte : Valérie Dumont, d’après l’APUR, Paris 21e siècle
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2.3 LES OFFRES ET STRATÉGIES COMMERCIALES SEGMENTATION ET SPÉCIALISATION
L’attrait du paysage urbain et des commerces des Grands Boulevards est notamment due à la diversité de l’offre commerciale. Celle-ci s’est segmentée de plus en plus dans les dix, vingt dernières années. Certaines activités qui ont façonné l’identité des Grands Boulevards perdurent : les théâtres, les cinémas, les cafés, les restaurants, les petits commerces dans les passages... L’avènement de la zone touristique a engendré l’implantation de commerces dits occasionnels, notamment les boutiques de souvenirs et de maroquinerie, les bureaux de change... De grandes enseignes franchisées se sont implantées, spécialisées dans le prêt-à-porter, les jouets, le multimédia... Une spécification très poussée s’est opérée dans certains secteurs, avec par exemple les boutiques de produits cosmétiques en gros autour de Strasbourg Saint-Denis. La spécialisation dans certains types de commerces est remarquable et découpe les Grands Boulevards en séquences selon le type d’activité. Ce découpage influence l’animation et l’ambiance que l’on retrouve sur les boulevards. Sur le boulevard Haussmann, l’activité commerciale a laissé place à l’activité financière ; on retrouve le secteur des banques et assurances. La quasi absence d’activité en rez-de-chaussée, à l’exception de quelques restaurants ou sandwicheries, est à l’origine du manque d’animation. Sur les boulevards des Capucines et des Italiens, la tradition des restaurants qui s’implantaient historiquement autour des cinémas est toujours visible. En majorité, ces restaurants et brasseries appartiennent à de gros groupes alimentaires ; il s’agit de restaurants de chaîne. L’offre est complétée par quelques boutiques de prêt-àporter, chaussures, téléphonie... Sur les boulevards Montmartre et Poissonnière, l’activité commerciale est importante et génère de l’animation. Des cafés, bars et brasseries sont implantés aux carrefours. On retrouve des commerces de prêt-à-porter, chaussures, produits de beauté, etc... Des commerces sont destinés à la clientèle touristique. Cependant, il y a plus d’affaires indépendantes. Ce segment est ainsi plus identitaire. Des éléments culturels moteurs (le Grévin, le Rex, les théâtres... ) participent à cette dynamique. 72
Bd des Capucines
Bd Haussmann Bd des Italiens
Bd Montmarte Bd Poissonnière
Découpage séquencé par les dominantes économiques Carte : Valérie Dumont, logos : thenounproject.com
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Bd BonneNouvelle
Bd SaintDenis
Bd St Martin
République
Sur le boulevard Bonne Nouvelle, le changement d’ambiance est notable. La qualité des enseignes baisse. Les commerces sont plutôt liés à une clientèle résidentielle ; il s’agit essentiellement de petites boutiques. Les rues transversales où se sont développés les commerces de gros du Sentier rompent avec les activités présentes sur le boulevard. Un pic d’intensité urbaine est remarquable sur le boulevard Saint-Denis. Plusieurs fast foods occupent les angles aux carrefours, ainsi que des bars-brasseries. Quelques commerces ethniques sont présents, s’ajoutant aux divers commerces de téléphonie, assurances, bazars... Le boulevard Saint-Martin est beaucoup plus calme. On y trouve de petits commerces, deux théâtres et quelques cafés. L’animation reprend aux abords de la place de la République.
1. La rue du faubourg Montmartre « superposition »
2. Le boulevard Poissonnière « rayonnement » et « fonctions associées »
1 2
La Direction de l’Aménagement Urbain (DAU) a établi un classement des commerces lié à la fréquence des achats33. Quatre catégories sont dégagées : les commerces quotidiens, les commerces occasionnels, les commerces exceptionnels et les équipements. Ce classement permet une approche en fonction des publics et usages. En effet, les commerces quotidiens, avec une fréquence d’achat très élevée, sont plutôt destinés à une clientèle résidentielle, à l’exception de la restauration qui vise tous types de publics. Les commerces occasionnels visent une clientèle résidentielle, mais également une clientèle plus régionale pour qui les achats sont la motivation d’un déplacement. Certains commerces occasionnels attirent également une clientèle touristique nationale, voire internationale. Les commerces exceptionnels visent la clientèle résidentielle, avec une fréquence d’achat plutôt basse, caractérisée par des achats très spécifiques. Les équipements quant à eux sont destinés à des clientèles touristiques, du local à l’international. Dans le cadre de ce mémoire, deux séquences ont été repérées et étudiées en fonctions de cette classification par la fréquence des commerces. Ces séquences répondent par ailleurs à des typologies d’assemblages différentes. Il s’agit de la rue du faubourg Montmatre (la « superposition ») et du boulevard Poissonnière (le « rayonnement » avec le Rex, les « fonctions associées » avec le Gymnase et le Comedy Club).
Identification des séquences étudiées 33
Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse économique, 1996
74
QUOTIDIENS
OCCASIONNELS
EXCEPTIONNELS & ÉQUIPEMENTS
QUOTIDIENS
OCCASIONNELS
EXCEPTIONNELS & ÉQUIPEMENTS
ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
LE R OYA L JU LYAN N
ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
LE FAUBOURG 34
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ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
La rue du Faubourg Montmartre : Grande diversité de commerces. Les bars et restaurants se concentrent vers le boulevard, tandis que les petits commerces se développent vers le nord. Schémas : Valérie Dumont
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ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
PIZZERIA VALPONI EXPRESS BONNE NOUVELLE
STARBUCKS COFFEE MISS COQUINE
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QUOTIDIENS
ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
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EXCEPTIONNELS & ÉQUIPEMENTS
ALIMENTATION BARS, TABACS, BRASSERIES RESTAURANTS SANDWICHERIES, FAST-FOODS PRÊT-À-PORTER BEAUTÉ, SANTÉ BANQUES, CHANGE TÉLÉPHONIE, MULTIMÉDIA JEUX, SPORTS AUTRES HÔTELS SERVICES, ARTISANS IMMOBILIER, VOYAGES THÉÂTRES, CINÉMAS MUSÉES
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Schémas : Valérie Dumont
PROMO
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ZOUM SPORT Le boulevard Poissonnière : Beaucoup de cafés, bars, brasseries installés autour des théâtres. Des commerces divers implantés sur la rive Sentier (sud).
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L’IMAGE DU BOULEVARD D’AUJOURD’HUI
Aujourd’hui, les Grands Boulevards sont, à l’image des autres boulevards de la capitale et de ceux de toutes les métropoles, envahis par les enseignes franchisées. Des commerces et restaurants de grandes chaînes se sont implantés en masse. Malgré cela, l’image boulevardière continue à exister fortement sur le segment des boulevards des Capucines et des Italiens, mais également sur le boulevard Montmartre34. On retrouve un peu partout sur ces boulevards des éléments qui utilisent cette image : nom d’un commerce ou d’un café, noms d’un menu dans un restaurant, éléments de décor... On retrouve également la persistance sur l’espace public de ce qui caractérise toujours les boulevards : les terrasses de café, les files d’attente des théâtres et cinémas, les étalages...
Certains commerces utilisent l’image boulevardière. Ici, le menu d’une brasserie sur le boulevard des Capucines Photographie : Valérie Dumont
La profusion d’enseignes lumineuses perturbe la lisibilité du paysage urbain et d’une certaine façon brouille l’identité des Grands Boulevards. On retrouve ainsi un grand nombre d’enseignes franchisées dans la restauration rapide et les fast-foods (Mac Donald’s, Quick, Subway, KFC, Pomme de pain...), dans les commerces de proximité (Carrefour City, Daily Monop’, Franprix) ; quelques unes dans le prêt-à-porter et les chaussures (Levi’s Store, Minelli, la Halle aux Chaussures) et dans des secteurs divers (Virgin, The Phone House, la Grande Récré, Auber, Marionnaud... ). Mais on retrouve également un certain nombre de commerces indépendants, surtout dans les secteurs du prêt-à-porter, des chaussures et de la bagagerie et maroquinerie. Quelques bars et cafés appartiennent à des chaînes (Indiana, Hard Rock Café, Starbucks...), mais la majorité restent des affaires indépendantes, dont certaines sont l’héritage des cafés du XIXème siècle (le Café du Matin, la Comète, le Delaville). Ainsi, au milieu de toutes ces enseignes qui auraient tendance à banaliser le paysage urbain et commercial des Grands Boulevards, certaines enseignes se démarquent par leur caractère emblématique et identitaire. Semblant résister au temps et à l’uniformisation, elles restent évocatrices du « mythe Grands Boulevards ».
34
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Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse économique, 1996
En 1996, la Mairie de Paris lançait la mission de revalorisation des Grands Boulevards. Cette mission devait s’attacher autant à la qualité architecturale qu’aux dimensions culturelle et économique et chercher à améliorer qualité de l’espace public et à favoriser dynamisme économique.35 En 1999, la « Charte de Qualité des devantures et des enseignes » était mise en place pour inciter les commerçants à améliorer l’image de marque de leurs commerces et favoriser une meilleure intégration des locaux commerciaux à l’architecture des immeubles.36 En parallèle a été fondée l’Association pour la Défense des Intérêts des Commerçants et Artisans des Grands Boulevards. L’association fédère aujourd’hui 187 commerces sur les Grands Boulevards, ce qui représente l’équivalent de 3000 emplois*. Grâce au travail des membres, des actions ont été mises en place : de nouveaux luminaires pour éclairer les trottoirs, les décorations lumineuses pour les fêtes de fin d’années... En concertation avec les élus, l’association porte un regard optimiste sur l’évolution des Grands Boulevards, au vu du chemin déjà parcouru depuis une quinzaine d’années. Après une sombre période de déclin, les Grands Boulevards ont déjà en partie retrouvé leur vitalité d’autrefois. « Le point de départ de l’action sur les Grands Boulevards, c’était la une de France Soir, qui avait titré les boulevards de la mort. Les Grands Boulevards, on va dire quinze ans en arrière, était perçus comme une zone assez extérieure au centre de Paris. Quand vous avez une zone comme celle là qui est excentrée, et qui plus est coupe-gorge ou dangereuse la nuit, alors là vous perdez sur toute la ligne. (...) Aujourd’hui, il n’y a pas besoin de se lever trop tard pour constater que, non seulement, ce n’est plus un désert, mais au contraire, c’est une zone qui est devenue plutôt attirante,également pour les activités nocturnes. » Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex et président de l’association
35 36
Mairie de Paris - DAUC, Revalorisation des Grands Boulevards, 1997 ibid
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Le paysage urbain des Grands Boulevards : entre enseignes franchisĂŠes et enseignes emblĂŠmatiques Document : ValĂŠrie Dumont
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Le paysage urbain des Grands Boulevards : entre enseignes franchisĂŠes et enseignes emblĂŠmatiques Document : ValĂŠrie Dumont
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USAGES ET MUTATIONS
3.1 LES USAGES ET L’ESPACE PUBLIC APPROPRIATION, CO-PRÉSENCE, CONFLITS
Les Grands Boulevards représentent une expérience singulière dans l’histoire de l’espace public parisien. Ayant vocation à la promenade, l’espace public a été support d’appropriation dès l’origine des boulevards. Les Grands Boulevards ont toujours constitué un lieu animé, d’où leur vocation à maximiser l’espace public offert au piéton, malgré le statut sans cesse contesté des contres-allées piétonnes, dans un combat acharné contre l’automobile. Le système des concessions sur la voie publique s’est développé dès le milieu du XIXème, les trottoirs étant soumis au demandes des théâtres, cafetiers... et support d’activités ambulantes (vente de journaux à la criée). De façon générale, l’espace public englobe le vide entre le bâti, mais aussi et surtout ce qui habite ce vide : le mobilier urbain, les concessions sur l’espace public, les enseignes … Un lien étroit unit les espaces privés, bâtis ou non, et l’espace public. L’espace public ressent l’influence des objets qui le jalonnent, mais aussi des entrées/sorties de bâtiments, des passages, de la présence de bâtiments singuliers ou de monuments... Les Grands Boulevards dégagent ainsi une sensation de grande hétérogénéité et de superposition. Les activités des rez-de-chaussée commerciaux ont souvent une emprise sur l’espace public et génèrent des formes d’appropriation. 82
Occupation de l’espace public : les concessions Forains, kiosques, terrasses ouvertes ou fermées, étalages, bouches de métro... Photographies : Valérie Dumont
Occupation de l’espace public : non maîtrisé Files d’attente, groupes, sans-abris, stationnement illicite... Photographies : Valérie Dumont
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Nées sur les boulevards, les terrasses de cafés et de restaurants ont toujours été présentes et font partie intégrante de ce qui fait « l’âme du boulevard ». Les terrasses fermées sont apparues dans les années 1960. Cette mode de s’étendre sur l’espace public a généré une nouvelle typologie de façade du cafébar-brasserie, propre aux boulevards parisiens37. Aujourd’hui, l’autorisation d’occupation du sol représente 1/3 du trottoir pour une terrasse fermée, des dérogations étant possibles pour les terrasses ouvertes. D’autres concessions participent à la vie de l’espace public : les étalages de marchandise (bazar, libraire) qui entraînent parfois la stagnation des flux piétons, les forains qui participent activement à l’animation et les kiosques à journaux. Nés sur les boulevards, les kiosques ont vu le jour à la fin du XIXème siècle pour compléter l’offre de vente à la criée. Ces éléments occupent la même concession que les terrasses. Les situations de co-présence sont nombreuses, entre les habitants : riverains et actifs travaillant dans le quartier, et les touristes de provenances diverses. Ces situations influent sur l’usage, l’occupation et l’appropriation des espaces publics. La diversité des publics est ainsi à l’origine d’une diversité d’usages. La fréquentation des Grands Boulevard par des promeneurs et des touristes qui s’adonnent à la promenade et au shopping est importante, tandis que les résidants, les commerçants et les travailleurs exercent des activités plus quotidiennes. L’évolution des usages, visible sur l’espace public, va de pair avec l’évolution de la sociologie du quartier38. Le phénomène de gentrification a modifié les profils des habitants et des travailleurs. Les classes moyennes ont laissé place à une population plus aisée et la population ouvrière s’est raréfiée au profit d’une population de CSP+.
Mobilier temporaire - décembre 2012 Événement à l’occasion de la mise à doublesens des Grands Boulevards Photographies : Valérie Dumont
Une situation de co-habitation problématique concerne le rapport de force entre automobiles et piétons/cyclistes. Pendant des décennies, les Grands Boulevards ont été offerts à la voiture, rendant délicate la traversée des piétons et les déplacements des cyclistes. La circulation engendre également des encombrements liés aux autocars de tourisme ou aux camions de livraison, comme le stationnement illicite des deuxroues sur les trottoirs. La situation tend à évoluer avec la mise à double sens, effective depuis le mois de décembre 2012. 37 38
Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards - Analyse économique, 1996 Bruno Blanckaert, Directeur du Grand Rex
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Janvier 2013, malgré le froid, les promeneurs sont nombreux
Micros-situations : la co-présence des publics, les modalités d’appropriations, les conflits. La diversité des publics et des usages qui se développent génèrent ces micro-situations, identifiées comme des scènes de la vie urbaine sur les Grands Boulevards. Croquis : Valérie Dumont
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Novembre 2012, une famille cherche un restaurant pour déjeûner
Juillet 2012, la foule est massée sur le trottoir devant le cinéma et le café, ce qui oblige les piétons à descendre sur la chaussée
Septembre 2012, les forains
Juin 2012, des touristes japonais prennent des photos dans le passage Jouffroy
Avril 2012, des touristes s’appuient sur un kiosque pour consulter un plan
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Aux meilleures crèpes de Paris, samedi 23h30 : les clients sont nombreux malgré l’heure tardive Croquis : Valérie Dumont, d’après David Trottin et Jean-Christophe Masson, Usages
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USAGES, LIMITES ET TEMPORALITÉ
Les Grands Boulevards sont comme un théâtre de la vie parisienne, l’espace public en serait la scène et le déroulement des façades en serait le décor. Ils constituent aujourd’hui encore un espace de représentation. La question des usages quotidiens prend tout son sens dans le fonctionnement de l’espace public, l’espace public du trottoir devenant ce lieu d’expression de la vie sociale et marchande. Les touristes alpaguent le passant pour demander leur chemin, les fumeurs envahissent les terrasses des cafés... En parallèle des activités commerciales traditionnelles se développent des activités plus ou moins formelles qui s’adaptent aux populations et activités, comme les vendeurs de marrons chauds et de parapluie la journée qui deviennent vendeurs de roses la nuit. L’usage principal qui caractérise les Grands Boulevards encore aujourd’hui reste celui de la déambulation. C’est ce qui fait la force du système urbain, qui de fait n’est pas simplement un espace de flux. Depuis leur origines, les Grands Boulevards offrent le loisir gratuit qu’est la promenade. Ils ne sont donc pas un lieu de transition mais bel et bien une destination. La fluidité de l’espace public et la cohérence morphologique permettent la visibilité des boulevards comme une entité. En effet, les Grands Boulevards se définissent à première vue comme un espace linéaire. Mais des ouvertures régulières (les percées transversales, les passages...) viennent rythmer ce développement linéaire. Le rapport à la profondeur vient renforcer ce qui passe en façade des boulevards. L’animation qui ne faiblit pas est aussi liée à l’activité des rez-de-chaussée. L’activité de certains lieux se projette directement sur l’espace public. C’est par exemple le cas des files d’attente des théâtres ou des cinémas qui peuvent parfois s’étendre sur plusieurs dizaines de mètres, ou des fumeurs en terrasses des cafés. Sur les Grands Boulevards, tout est visible mais pas forcément accessible : les passages ferment à une certaine heure mais on peut toujours distinguer les boutiques à travers les grilles, les bars sont accessibles si on consomme, mais on peut rester dehors et participer à l’ambiance, aux discussions...
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Parcourir les Grands Boulevards, de Richelieu-Drouot à République : percées et ouvertures rythment le linéaire Photographies : Valérie Dumont
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Parcourir les Grands Boulevards, de Richelieu-Drouot à République : percées et ouvertures rythment le linéaire Photographies : Valérie Dumont
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100m
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Usages et temporalitĂŠ : superposition Document : ValĂŠrie Dumont
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Une autre caractéristique des Grands Boulevards est celle d’un quartier qui vit 24/24h. L’existence de cette vie nocturne intense entraîne le développement d’usages spécifiques. Les activités diverses superposées dans le temps génèrent de l’animation en continu. Le déroulement sans interruption d’une succession d’activités sur 24h (restauration, shopping, cinéma, théâtre, sorties nocturnes …) crée des superpositions et des interactions et engendre des micro-situations, selon l’heure, le jour de la semaine... Aujourd’hui vie nocturne avec théâtres, cinéma, mais surtout bars, pubs, cafés. Selon Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex, il y a une évolution des pratiques mais pas forcément altération de la vie nocturne sur les Grands Boulevards.
VENDREDI 18:00
SAMEDI 0:00
6:00
12:00
DIMANCHE 18:00
0:00
6:00
se promener en famille déjeuner dans un fast food aller au cinéma boire un café aller dans un pub faire du shopping manger au restaurant sortir en club faire son footing aller au théâtre visiter une exposition prendre un brunch faire ses courses
Usages et temporalité : superposition Document : Valérie Dumont
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ENSEMBLE
MAX LINDER + THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS + SUNSET CAFÉ
MARDI - 11H00
USAGES déplacement promenade shopping café théâtre cinéma taxi
ENSEMBLE
MAX LINDER + THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS + SUNSET CAFÉ
MERCREDI - 22H00
USAGES déplacement promenade shopping café théâtre cinéma taxi
Usages et temporalité : Le cinéma Max Linder / le Théâtre des Nouveautés / le Sunset Café Document : Valérie Dumont
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ENSEMBLE
MAX LINDER + THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS + SUNSET CAFÉ
JEUDI - 20H30
USAGES déplacement promenade shopping café théâtre cinéma taxi
ENSEMBLE
MAX LINDER + THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS + SUNSET CAFÉ
DIMANCHE - 01H00
USAGES déplacement promenade shopping café théâtre cinéma taxi
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3.2 LES MUTATIONS ET LE PAYSAGE URBAIN DE LA PROMENADE À L’ARTÈRE DE COMMUNICATION
« Avant d’être un axe de circulation linéaire, contenue entre deux façades d’un gabarit unitaire, et une aire d’activités sans cesse plus diversifiées, les Grands Boulevards, à l’origine furent un promenoir, c’est-à-dire un dispositif de voirie destiné à l’une des principales activités de loisir des citadins sous l’Ancien Régime : la déambulation, à pied ou en voiture, pour le plaisir, l’hygiène et la convivialité. » Daniel Rabreau 39
Bien qu’il soit sans cesse remodelé par de nouveaux usages, le paysage urbain des Grands Boulevards est marqué par le XIXème siècle. L’intervention du préfet Haussmann, entre autres sur la place du Château d’Eau, a contribué à modifier l’identité des boulevards. L’artisanat et l’industrie ont peu à peu laissé place aux commerces, ce qui renforce la vocation de promenade des Grands Boulevards. Dans les années 1990, la flambée des prix de l’immobilier a également eu son influence sur les secteurs d’activités et les usages, ainsi que sur la sociologie du quartier. Dès la fin du XIXème siècle, la démocratisation de l’automobile engendre les embarras et les dangers de la circulation en masse. Le carrefour de la rue du faubourg Montmartre et du boulevard Montmartre est tristement surnommé « le carrefour des écrasés ». En 1951, les Grands Boulevards sont réduits à un sens unique de circulation (d’Est en Ouest) à cause des accidents. Impulsée par le projet de la nouvelle place de la République, la mise à double sens des Grands Boulevards entre République et Richelieu-Drouot est effective depuis le mois de décembre 2012. Cet aménagement était attendu de longue date par les commerçants et les riverains. Le carrefour des écrasés Carte postale
39
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Le spectacle des monuments, Les Grands Boulevards, un parcours d’innovation et de Modernité, 2000
« Comment a-t-on pu accepter durant tant d’années d’avoir une autoroute en plein centre de Paris? A l’image des Capucines, les Grands Boulevards vont retrouver leur convivialité, la possibilité d’accès aux équipements culturels. » Bruno Blanckaert40
« Actuellement, les Grands Boulevards sont une autoroute urbaine qui permet de relier République à l’Ouest de Paris. Mais les gens ne s’y arrêtent pas. La mise à double-sens n’aurait sans doute pas été possible sans le projet de la Place de la République, cela a eu un effet de catalyseur considérable. Actuellement on ne peut que faire le trajet d’Est en Ouest, et ceux qui tentent de le faire dans l’autre sens se perdent, on les retrouve sur les quais, mais pas chez nous. » Aurèle Sarfati, commerçant
Par ailleurs, la tendance est à la réduction de la vitesse et du rythme de la circulation, comme dans l’ensemble de la capitale, ce qui peut être compensé par la desserte en transports en commun (lignes de bus, lignes de métro, proximité du RER). La politique de la ville tend actuellement à diminuer la vocation d’axe majeur de circulation des Grands Boulevards, pour leur conférer davantage le statut de voie de desserte locale, pour les arrondissements concernés. Les traversées par les piétons des rues adjacentes devraient être facilitées et raccourcies, la volonté étant de renforcer le caractère linéaire de la promenade. Le promeneur est désormais considéré comme un acteur à part entière. Note : Cette étude se termine au début du mois de janvier 2013. Les quelques observations sur les effets de la mise à double-sens que j’ai pu mener au cours du mois de décembre et les premiers retours de tous les acteurs sont très positifs quant à ce sujet. Pour autant, ce laps de temps trop court ne me permet pas de porter un regard objectif sur les résultats.
40
Le parisien, Grands Boulevards à double sens : le débat est lancé. Article du 31 mars 2011
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Les travaux de la mise Ă double-sens - novembre 2012 Photographies : ValĂŠrie Dumont
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Les Grands Boulevards à double-sens - décembre 2012 Photographies : Valérie Dumont
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CONCLUSION De la promenade champêtre à la promenade urbaine, devenue par la suite un grand axe de circulation, les Grands Boulevards sont passés d’une fonction militaire à une fonction civile. La transition s’est aussi faite du boulevard monumental au boulevard commercial. Les Grands Boulevards se caractérisent par un enchaînement de séquences variées, mais qui se fondent finalement dans une unicité. Aujourd’hui encore, la notion de dissymétrie persiste entre les deux rives, à travers le tissu et les activités. Malgré cela, les Grands Boulevards restent une entité, dont l’unité tient de la puissance du tracé, vestige persistant d’une histoire prestigieuse. Les trois-quarts des réalisations architecturales qui bordent les Grands Boulevards actuels datent du XIXème siècle. L’alignement strict et la relative homogénéité des façades confèrent aux boulevards une certaine neutralité, qui relègue le poids de l’histoire et les réalités sociales en arrière plan et leur confère ce caractère si actuel.
Les Grands Boulevards : une configuration remarquable, trois lectures
La configuration remarquable des Grands Boulevards permet trois niveaux de lecture. Leur situation dans la métropole parisienne permet tout d’abord une compréhension dans les grands itinéraires. Les Grands Boulevards ont ainsi ce rôle de lien Est/Ouest, qui ne peut qu’être renforcé par le maillon République avec le projet de la nouvelle place. Ensuite, les Grands Boulevards en tant que limite dessinent l’asymétrie entre les deux rives. Ils délimitent et articulent une diversité de quartiers toujours empreints de leurs spécificités respectives. Les rues transversales, quand elles viennent croiser les boulevards, font écho de ce qui se passe en arrière. Enfin, les Grands Boulevards se distinguent par un linéaire de plusieurs kilomètres (près de 5 kilomètres entre la Madeleine et la Bastille, 2 kilomètres entre l’Opéra et la place de la République).
Schémas : Valérie Dumont
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Malgré l’homogénéité de traitement qui caractérise les segments qui composent ce linéaire, ces derniers continuent d’afficher leur histoire originale par fragments. Ainsi les activités et usages qui s’y déroulent et les publics qui y co-habitent, découpent les Grands Boulevards en une succession de séquences particulières. L’objectif de cette étude était de comprendre la constitution d’un lieu singulier, dont le fonctionnement est rendu complexe par l’addition et la multiplicité d’événements. Les fonctions qui ont habité le quartier sont comme une série de calques dont la superposition permet une lecture de ce que sont les Grands Boulevards aujourd’hui. Au regard des mutations successives qu’ont subi les Grands Boulevards, il s’agissait de définir une série d’usages et de fonctions qui co-habitent désormais dans l’espace et le temps. Il s’agissait également de comprendre comment les Grands Boulevards accueillent aujourd’hui les fonctions de la ville et sont toujours support d’urbanité. Les Grands Boulevards ont su montrer leur capacité à évoluer et à se renouveler au fil des époques. Ils parviennent à appréhender de nouveaux modes de vie, de nouveaux usages et de nouveaux publics. Mais malgré toutes les mutations subies, les Grands Boulevards conservent leur ancrage dans l’histoire et restent un témoignage du Paris de la modernité, tout en intégrant les caractéristiques de la métropole du XXIème siècle. Si les Grands Boulevards ont été à l’origine une limite physique matérialisée par le rempart, ils sont aujourd’hui la définition d’une limite administrative, matérialisée par le découpage des arrondissements parisiens. L’histoire des Grands Boulevards peut être transposées à des territoires avec la même problématique d’intégration urbaine de la limite, comme la Petite Ceinture puis le périphérique parisien, dans l’hypothèse d’une évolution logique des limites concentriques. Ainsi, la question de la limite sans cesse déportée peut être évoquée aujourd’hui dans le cadre du Grand Paris.
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Grands Boulevards Honoré de Balzac, Histoire et physiologie des boulevards de Paris : de la Madeleine à la Bastille, Paris, 1844 -22p. Adrien Provost, Edouard Renard, Paris Romantique, Panorama des Grands Boulevards, Paris, Éd. Hervas, 1989, panorama. Pierre Gascar, Le Boulevard du Crime, Paris, Atelier Hachette-Massin, 1980. -157p. Louis Chevalier, Histoires de la nuit parisienne (1940-1960), Paris, Éd. Fayard, 1982. -322p. Marie-Isabelle Baptistan, Les Grands Boulevards, Formation des voies, cahier n°1 / Analyse socioéconomique, cahier n°2 / L’espace public cahier n°3, Paris, étude, 1996. -69p., 75p., 53p. Jean-Claude Delorme, Anne-Marie Dubois, Passages couverts parisiens, Paris, Éd. Parigramme, 1996. - 191p. Patrick Pognant, L’architecture des Grands Boulevards - Historique, Paris, Rapport pour la Mairie de Paris, Direction de l’Aménagement Urbain, 1996. -59p. Mairie de Paris - Direction de l’aménagement urbain et de la construction (coll.), Revalorisation des Grands Boulevards, Note de présentation de réunion du Comité des Grands Boulevards, Paris, 1997. -10p. Mairie de Paris - Direction de l’aménagement urbain et de la construction (coll.), Le patrimoine bâti des Grands Boulevards de la Madeleine à la République, Paris, 1998. -121p.
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Mairie de Paris - Direction de l’aménagement urbain et de la construction (coll.), La lettre des Grands Boulevards, N°s 1 à 12, 1999 à 2001. Sous la direction de Bernard Landau, Claire Monod, Evelyne Lohr, Les Grands Boulevards : un parcours d’innovation et de modernité, Paris, Action Artistique de la ville de Paris, 2000. -239p. Patrice de Moncan, Les Grands Boulevards de Paris : de la Bastille à la Madeleine, Paris, Éd. Les éditions du mécène, 2002. -201p. Mairie de Paris - Direction de l’urbanisme - SDER, 32 passages et galeries, 2002. -35p. Jean Paul Caracalla, En remontant le boulevard, Paris, Éd. La petite vermillon, 2012. -216p.
Mémoires Babel Charlène Renaux sous la direction de David Mangin, Les Grands Boulevards, Cohabitation d’un quartier avec les tourismes, Mémoire Séminaire Babel, Éc 2009. -48p. Diane Gobillard sous la direction de David Mangin, Babel by Night, Mémoire Séminaire Babel, 2010. Elsa Nouguès sous la direction de David Mangin, Babelville, Co-habitation, Co-présence, Confrontation, Mémoire Séminaire Babel, 2011. -105p.
Filmographie Marcel Carné, Les enfants du paradis, film, 1945. -182 min.
Web Paris info : www.parisinfo.com
107
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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui m’ont aidée en apportant leur contribution à la réalisation de cette étude. Je remercie en premier lieu David Mangin, pour les pistes suggérées, les conseils et le temps accordé au suivi de mon travail. Je remercie chaleureusement Shahinda Lane pour ses précieux conseils, pour le temps consacré et pour son soutien. Je remercie Aurèle Sarfati, commerçant et trésorier de l’Association pour la défense des intérêts des commerçants et artisans des Grands Boulevards, qui m’a permis d’entrer en contact avec un grand nombre de personnes et qui à répondu à mes questions. Je remercie également Jacques Bongard, commerçant, pour ses explications. Je remercie très chaleureusement Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex, président de la Chambre syndicale des cabarets, discothèques et salles de spectacle de Paris, président de l’Association pour la défense des intérêts des commerçants et artisans des Grands Boulevards, qui m’a accordé son précieux temps pour répondre à mes questions. Je remercie Véronique Caillet, architecte-urbaniste, pour son accueil très chaleureux, ses explications, ainsi que pour toute la documentation fournie Je remercie Jacques Bertin, directeur du théâtre du Gymnase, et Hervé de Pazzis, administrateur, qui m’ont permis d’assister aux visites de chantier de la restauration du théâtres. Je remercie toutes les personnes interrogées tout au long de cette étude : commerçants, touristes, chauffeur de taxi... Je remercie tout particulièrement mes relecteurs, Isabelle et Vincent Dumont, qui m’ont accordé beaucoup de leur temps et de leur énergie et qui m’ont soutenue durant toute la durée de ce travail. Je remercie tous les étudiants du master Métropoles pour l’ambiance de l’atelier, la cohésion, la solidarité et les fous rires babéliens. À Thomas, Samya, Pierre, Guillaume D., Guillaume B., Raphaël, Alix, Gaëlle. Je remercie Anne pour les précieuses informations qu’elle m’a transmises. Je remercie mes colocataires Valentine et Pauline, pour leur soutien. Enfin, je tiens à remercier Cathy Lucas pour son café, sa bonne humeur et son soutien.
109
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TABLE DES MATIÈRES
BABEL BABYLONE
4
INTRODUCTION
8
SITUATION - LES GRANDS BOULEVARDS ET LA MÉTROPOLE PARISIENNE COMMENT LES GRANDS BOULEVARDS SE SONT-ILS INSTITUÉS
1
2
LA FABRICATION DU MYTHE
22
1.1 CONSTITUTION D’UN LIEU
22
TRACÉS, TISSUS - STRATIFICATION D’UN QUARTIER LINÉAIRE ET TRANSVERSALES - LA SÉDIMENTATION DES FONCTIONS
22 33
1.2 LIEUX FONDATEURS ET AVANT-GARDES
45
LE BOULEVARD DU CRIME ET LE FLÂNEUR DE BALZAC
45
1.3 LIEU-MONUMENT, LIEU ÉVÉNEMENT
49
DU MYTHE AU LABEL ? LE MYTHE ET L’ÉVÉNEMENT
49 50
ASSEMBLAGES
54
2.1 DES PUBLICS, ÉCHELLES DE TOURISME
54
2.2 LES ASSOCIATIONS FONCTIONNELLES
63
2.3 LES OFFRES ET STRATÉGIES COMMERCIALES
70
SEGMENTATION ET SPÉCIALISATION L’IMAGE DU BOULEVARD D’AUJOURD’HUI
70 75
UN QUARTIER HABITÉ PAR LES TOURISMES
LES TYPES D’ASSEMBLAGES
111
8 11
54
63
3
USAGES ET MUTATIONS
80
3.1 LES USAGES ET L’ESPACE PUBLIC
80
APPROPRIATION, CO-HABITATION, CONFLITS USAGES, LIMITES ET TEMPORALITÉ
80 85
3.2 LES MUTATIONS ET LE PAYSAGE URBAIN
95
DE LA PROMENADE DU DIVERTISSEMENT À L’ARTÈRE DE COMMUNICATION
95
CONCLUSION
100
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
103
REMERCIEMENTS
107
112
La bibLe TOb, Le Cerf, Paris, 1975 // eT C’esT TOuTe La Terre, une seuLe Lèvre, des ParOLes unies. eT C’esT à Leur déParT du LevanT, iLs TrOuvenT une faiLLe en Terre de shin’ar eT y habiTenT. iLs disenT, L’hOmme à sOn COmPagnOn: « OffrOns, briqueTOns des briques! fLambOns-Les à La fLambée! » La brique esT POur eux Pierre, Le biTume esT POur eux argiLe. iLs disenT: « OffrOns, bâTissOns-nOus une viLLe eT une TOur, sa TêTe aux CieLs, faisOns-nOus un nOm afin de ne Pas êTre disPersés sur Les faCes de TOuTe La Terre. » ihvh-adOnaï desCend POur vOir La viLLe eT La TOur qu’avaienT bâTies Les fiLs du gLébeux. ihvh-adOnaï diT: « vOiCi, un seuL PeuPLe, une seuLe Lèvre POur TOus. CeLa, iLs COmmenCenT à Le faire. mainTenanT, rien n’emPêChera POur eux TOuT Ce qu’iLs PrémédiTerOnT de faire. OffrOns, desCendOns eT mêLOns Là Leur Lèvre afin que L’hOmme n’enTende PLus La Lèvre de sOn COmPagnOn. » ihvh-adOnaï Les disPerse de Là sur Les faCes de TOuTe La Terre : iLs CessenT de bâTir La viLLe. sur quOi, il crie son nom: BaBèl, oui, là, iHVH-adonaï à mélé la lèVre de toute la terre et de là iHVH-adonaï les a dispersés sur les faces de toute la terre. // TraduCTiOn d’andré ChOuraqui 1974 // a CeTTe éPOque, TOuT Le mOnde se servaiT de La même Langue eT des mêmes mOTs. Or, en émigranT dePuis L’OrienT, iLs TrOuvèrenT une PLaine au Pays de shinéar, eT s’y insTaLLèrenT. iLs se direnT enTre eux: « aLLOns! fabriquOns des briques eT fLambOns-Les à La fLamme! » La Terre Leur fuT Pierre eT Le biTume Leur fuT béTOn. « aLLOns! direnT-iLs, bâTissOns-nOus une viLLe eT une TOur dOnT Le sOmmeT TOuChe Le CieL. faisOns-nOus un nOm, de Peur que nOus sOyOns disPersés sur TOuTe La surfaCe de La Terre. »yhWh desCendiT POur vOir La viLLe eT La TOur que bâTissaienT Les fiLs d’adam. « eh! diT yhWh, iLs ne sOnT qu’un PeuPLe, iLs n’OnT qu’une Langue, eT C’esT CeLa Leur Première enTrePrise! désOrmais, rien de Ce qu’iLs vOnT enTrePrendre ne va êTre inaCCessibLe... aLLOns! desCendOns eT brOuiLLOns Là Leur Langue, en sOrTe qu’iLs ne se COmPrennenT PLus enTre eux. yhWh Les disPersa de Là sur TOuTe La surfaCe de La Terre, eT iLs CessèrenT de bâTir La viLLe. Voilà pourquoi on l’appela « BaBel »: c’est là que YHWH fit BalButier les Homme; et de là, YHWH les dispersa sur toute la surface de la terre. // huberT bOsT, babeL, du TexTe au symbOLe édiTiOns LabOr & fieds, genève, 1985 // TOuT Le mOnde se servaiT d’une même Langue eT des mêmes mOTs. COmme Les hOmmes se déPLaçaienT à L’OrienT, iLs TrOuvèrenT une vaLLée au Pays de shinéar eT iLs s’y éTabLirenT. iLs se direnT L’un à L’auTre: « aLLOns! faisOns des briques eT CuisOns-Les au feu! » La brique Leur serviT de Pierre eT Le biTume Leur serviT de mOrTier. iLs direnT: « aLLOns! bâTissOns-nOus une viLLe eT une TOur dOnT Le sOmmeT PénèTre Les Cieux! faisOns-nOus un nOm eT ne sOyOns Pas disPersés sur TOuTe La Terre. ». Or yahvé desCendiT POur vOir La viLLe eT La TOur que Les hOmmes avaienT bâTies. eT yahvé diT: « vOiCi que TOus fOnT un seuL PeuPLe eT ParLenT une seuLe Langue, eT TeL esT Le débuT de Leurs enTrePrises! mainTenanT, auCun dessein ne sera irréaLisabLe POur eux. aLLOns! desCendOns! eT Là, COnfOndOns Leur Langage POur qu’iLs ne s’enTendenT PLus Les uns Les auTres. » yahvé Les disPersa de Là sur TOuTe La faCe de La Terre eT iLs CessèrenT de COnsTruire La viLLe. aussi la nomma-t-on BaBel, car c’est là que YaHVé confondit le langage de tous les HaBitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre. auTres. » yahvé Les disPersa de Là sur TOuTe La faCe de La Terre eT iLs CessèrenT de COnsTruire La viLLe. aussi La nOmma-T-On babeL, Car C’esT Là que yahvé COnfOndiT Le Langage de TOus Les habiTanTs de La Terre eT C’esT Là qu’iL Les disPersa sur TOuTe La faCe de La Terre // bibLe de JérusaLem, Le Cerf, Paris, 1956 // eT TOuTe La Terre éTaiT Lèvre unique eT ParOLes uniques. eT iL arriva, dans Leur déPLaCemenT à ParTir de L’OrienT, qu’iLs TrOuvèrenT une PLaine en La Terre de shinéar, eT iLs s’assirenT Là. eT iLs direnT, ChaCun vers sOn COmPagnOn: « aLLOns! briqueTOns des briques eT fLambOns-Les à La fLambée! » eT La brique fiT POur eux Pierre eT Le biTume fiT POur eux mOrTier. eT iLs direnT: « aLLOns! bâTissOns une CiTé eT une TOur : sa TêTe dans Les Cieux! eT faisOns POur nOus un nOm POur ne Pas êTre disPersés sur La faCe de TOuTe La Terre. » eT Le seigneur desCendiT POur vOir La CiTé eT La TOur qu’avaienT bâTies Les fiLs d’adam. eT Le seigneur diT: « vOiCi, iLs sOnT PeuPLe unique eT Lèvre unique POur eux TOus. eT vOiLà Le COmmenCemenT de Ce qu’iLs fOnT. mainTenanT, rien ne Les reTiendra de Ce qu’iLs déCiderOnT de faire. aLLOns! desCendOns eT embrOuiLLOns iCi Leurs Lèvres que, ChaCun vers sOn COmPagnOn, iLs