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REVUE

UNIVERSELLE DES ARTS.


BRUXELLES IMPRIMERIE DEA.LABROUE ETCOMPAGNIE, 36,.ruedela Fourche.


REVUE

UNIVERSELLE DES

PUBLIÉE PAR M. PAUL LACROIX (BIBLIOPHILE JACOB).

TOME PREMIER. — 4855,

PARIS M. FRANCE, LIBRAIRE, QUAI VOLTAIRE, 9.

BRUXELLES A. LABROUEET COMP., DELA 50. RUE FOURCHE, 1885



AVANT-PROPOS.

Jamais on ne s'est occupé d'art, plus qu'aujourd'hui; mais c'est surtout au point de vue historique et critique, qu'on s'en occupe avec une sorte de passion qui tient de la mode et qui pourtant accuse de hautes et nobles tendances dans les idées comme dans les sentiments. Sans doute les grands protecteurs des arts ont à peu près disparu du monde : l'époque des Médicis, celle de François Ier , celle de Louis XIV, ne semblent pas devoir renaître par l'influence directe, des souverains et des mais si les amateurs riches et gouvernements ; généreux sont rares encore, si le public éclairé et intelligent, qui aime les arts et qui les comprend, n'est pas encore aussi nombreux qu'il le deviendra, il faut reconnaître déjà que les oeuvres d'art sont abondantes et remarquables ; il faut constater que la théorie, et l'histoire des l'esthétique beaux-arts ont trouvé partout, en France comme en Belgique, en Italie comme en Allemagne, une imposante activité de science, d'érudition et de critique. 1


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AVANT-PROPOS.

Il y a progrès évident. Il y a de brillantes promesses pour l'avenir. La main-d'oeuvre est habile, les procédés sont excellents, les tentatives sont infatigables, le talent est universel, le génie éclate çà et là. Nous avons une foule de bons artistes, nous avons quelques grands maîtres ; les écoles se forment et grandissent ; on n'achète toutes les statues, tous pas encore tous les tableaux, les objets d'art qui sollicitent l'acheteur, mais on se plaît à les voir et à les juger. L'impulsion est donnée, le mouvement commence. La plume est venue en aide au pinceau et à l'ébauchoir : les livres, les journaux, les revues, servent la cause des beaux-arts avec une puissante sollicitude ; on ne laisse de côté aucune question d'art ; on fouille dans les bibliothèques et les archives pour y découvrir les matériaux inconnus et presque effacés de l'histoire des artistes d'autrefois; on conspire de toutes parts à populariser le goût des beaux-arts. Ces efforts unanimes ont amené et amèneront des résultats immenses. L'amour de l'art est, en effet, une sorte de religion qui doit avoir son évangile, ses apôtres, ses prosélytes, son culte et sa propagande. C'est à cette propagande que nous avons voulu travailler, en nous adressant aux amis des beaux-arts, en leurs essayant d'accroître leur nombre et d'entretenir sympathies, en glorifiant le passé de l'art, en étudiant son présent et en préparant son avenir. Il existe, dans presque tous les pays de l'Europe, des organes spéciaux de l'art national : l'Artiste et la Revue des Beaux-Arts, à Paris, l' Art-Union, à Londres, etc.; mais nous ne voyons nulle part un journal, une revue, une publication périodique, qui soient consacrés exclusivement à l'étude de l'art dans son universalité, et qui em-


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brassent l'histoire générale des arts, pour ainsi dire dans le temps et dans l'espace Ce serait là cependant une source de progrès pour les beaux-arts, qu'une étude comparative de toutes les traditions, de tous les systèmes et procédés de l'art, de tout ce qui a concouru, de tout ce qui concourt au développement du génie artiste et à la création de ses oeuvres immortelles. Ce serait une source d'émulation pour les artistes, que la connaissance exacte et complète des faits contemporains qui concernent les diverses branches de l'art. Ce serait une source d'instruction pour les lettres, que la mise en lumière des documents originaux qui sont les éléments nécessaires de l'histoire de l'art. Ce serait enfin un puissant intérêt pour tous les lecteurs, que le tableau presque quotidien de ce grand atelier de l'invention humaine, qui, dans tous les pays, avec le marbre, la pierre et les métaux, avec les lignes et les couleurs, donne une forme durable aux événements, aux sentiments et aux pensées de la génération actuelle. Nous avons donc résolu de fonder une revue exclusivement consacrée aux beaux-arts et destinée à reproduire, en quelque sorte, toutes les expressions plastiques de la POÉSIE : — SCULPTURE—PEINTURE—(GRAVURE ARCHITECTURE et tous les arts auxiliaires qui se rattachent à ces quatre grandes divisions des arts du dessin. Nous avons appelé à notre aide l'archéologie, en donnant à cette science sa plus large acception, et en ne séparant jamais l'érudition de la critique, en plaçant toujours, l'art moderne en face de l'art ancien. Une pareille oeuvre ne peut s'exécuter qu'avec le concours des hommes éminents qui, dans chaque pays, s'a-


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AVANT-PROPOS.

donnent aux beaux-arts, qui les étudient et qui les ai: et ment archéologues savants, critiques et littérateurs, artistes et amateurs. Nous aurons donc des correspondants, des collaborateurs, partout où il y a centre artistique, partout où se manifeste un mouvement fécond d'intelligence de l'art, partout où les beaux-arts ont d'illustres représentants, partout enfin où la science, le goût et le talent ont une raison d'être. Notre Revue sera ainsi le répertoire général de l'art contemporain, en même temps qu'elle jettera de vives lumières sur, la tradition, sur l'histoire de l'art antique , de l'art du moyen-âge et de l'art moderne. Nous ne nous dissimulons pas les difficultés d'une pareille entreprise : il faut, pour les vaincre, la science, l'indépendance, l'impartialité et, par-dessus tout, l'amour de l'art. Grâce à l'appui des savants, des écrivains et des artistes les plus distingués de l'Europe, nous avons l'espoir d'atteindre le but élevé que nous nous sommes proposé et qui peut se résumer en quelques mots : éclaircissement comparatif de l'histoire de l'art ancien, enseignement mutuel de l'art contemporain, rapprochement sympathique des artistes et des amateurs d'art, de tous les pays. LES FONDATEURS DE LA REVUE.


GODEFROY,

PEINTRE

DE FRANÇOIS

IER.

Godefroy nous a laissé dans quatre petits volumes, les trois premiers intitulés : Commentairesde César, le quatrième : Triomphe de Pétrarque, les preuves d'une imagination féconde, d'un talent aussi souple que varié, et d'une supériorité toute particulière, toute française, dans le portrait : association bien rare des qualités propres à notre école, antérieurement à la formation de l'école de Fontainebleau, et des qualités, ou pour mieux dire des défauts, que cette colonie d'artistes étrangers allait importer au milieu de nous. Ces quatre volumes, après des fortunes diverses, sont enfin à bout de voyages et à l'abri de la destruction, le premier au Musée Britannique de Londres, le second à la Bibliothèque impériale de Paris, le troisième dans la collection de S. A. R. le duc d'Aumale, le quatrième à la Bibliothèque de l'Arsenal. Je décrirai d'abord les Commentaires de César, joli manuscrit dont j'ai eu successivement les trois volumes sous les yeux. Il y a dans cet ouvrage trois choses dignes de remarque, et sur lesquellesj'appellerai pendant quelques moments l'attention du lecteur. C'est.d'abord la composition de l'ouvrage, ensuite la peinture des ornements et des scènes historiques, enfin les portraits. L'auteur de l'ouvrage, quelque habitant de la Flandre ou de l'Artois, transporté à la cour de France, ne fait abus d'esprit ni d'imagination. Il suppose que le roi François Ier, dans ses promenades ou à la chasse, rencontre Jules César, et qu'une conversation s'établit entre eux. Le sujet du dialogue est la guerre des Gaules; c'est une sorte de commentaire des Commentaires de César, avec des allusions transparentes aux événements du règne de François Ier. C'est dans ces rapprochements que perce la prédilection de l'auteur pour les Belges (1), dont il connaît le pays, (1)Voyezaufol. 86du secondvolume. lesAduatiques,c'est-à-direceuxde


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GODEFROY,

et particulièrement pour la ville de Tournay (1), qui pourrait bien avoir été sa ville natale. Je ne veux rien induire de sa haine contreles Anglais (2) ; quoique plus violent dans nos provinces du nord qu'ailleurs, ce sentiment était alors général en France. Il semblerait, au moins pour les dessins de machines'de guerre, que le peintre chargé d'orner ce manuscrit travaillait sous sa direction. On lit, en plusieurs endroits, des remarques de ce genre : La tour est assez déclairée,par les. engins que j'ay fait portraire. par cy devant. ... Du.reste, on se sent en face d'un auteur consciencieux, et rien qu'aux, remarques qui suivent on reconnaît l'homme qui cherche et qui hésite, le savant qui,laisse à chacun ses droits:et qui confie ses. doutes, au.lecteur. Sur,le huitième feuillet du tome II, il a chargé; Godefroy, le.peintre, de reproduire une médaille antique; il écrit à côté : J'ay peur que ce ne soit,celuy Cassius qui fut conjurateur en la mort de Coesar, car il avait nom Caius Cassius et j'ay trouvé en la médaille Quintus Cassius. À l'une des figures de machines de guerre, il fait cette,remarque: Certaines figurez des instrumens de la guerre ancienne,, ainsi qu'ils ont esté portraictz par frère Jocunde, au livre X de Vitruve. Près d'une autre (5), il ajoute : Je ne suys inventeur des engins qui s'ensuyvent, car ie les ay trouvez en ung livres que j'ay prins, longtemps a, à Chastellerault, au Lyon d'or. A cette indication curieuse, ajoutons-en une autre (4) qui nous apprend que l'auteur du livre était en relation avec un artiste de Bloys,. un horloger, homme d'invention : Les deux figures ;qui s'ensuyvent (deux machines de guerre) ont esté prises en ung lyvre que Julian, horlogeur de Bloys, m'avait baillé. — Julian est de grant esprit et home entendant beaucoup de choses. Il ressqrt d'un passage du folio XXII verso du second volume, que la rédaction du manuscrit s'est faite dans l'espace des deux années 1519 et 1520 : Par la charte (la carte dela Gaule) miseau commencement de la traduction du,premier lyvre faict à Sainct Bosle DucsontenBradantàXII lieuesd'Enversvoysinsde monsieurde Gueldres. (1)Folios39,64,-69,72,77 du tomesecond. (2)Folios30rectoet51:versodutomesecond, (3)Bibliothèque impériale,t. II, fol.91. (4)Idem,fol.93:


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Germain en Layeau moys d'avril l'an mil cinq cens dix neuf, vous voyrez clerement qui sont les Belges. Après l'auteur, ilconviendrait de parler du calligraphe qui a écrit le texte ; mais c'est une bonne main, et voilà tout. Le peintre Godefroy mérite plus d'égards et.une attention particulière. N'oublions pas que nous sommes, à une époque bien déterminée, et que limitent positivement les années 4519 et 1520; rappelons, en même temps, à nos souvenirs le grand mouvement national de l'art en France, de 1450 à 1500, les campagnes d'Italie, l'arrivée des artistes et des objets d'art italiens sous les. règnes de Charles VIII et de Louis XII, enfin et surtout le séjour en France des deux grands maîtres italiens, Leonardo da Vinci et Andrea del Sarto, de 1515 à 1518. Éclos et formé au milieu de ces influences, un peintre français se charge d'orner un manuscrit pour le roi François Ier; que fait-il pour satisfaire au goût, à la mode, sans renier son passé? Il fait deux parts de son talent (1) et consacre l'une,la part française, aux portraits; l'autre, l'imitation italienne,' aux compositions; dans les deux il fait preuve d'un grand talent. Ici, précis, fin observateur, simple et presque naïf dans l'exécution, il rend les physionomies en reproduisant fidèlement l'individualité; là, abondant, mouvementé, plein de ressources dans la composition et dans.les détails, il est l'élève de Léonard de Vinci, avec des réminiscences de Mantègne et des maîtres de la première renaissance italienne, dans la proportion des figures, le dégingandé des mouvements et le type des têtes. De cette époque, de ces influences, et non pas du Primatice, qui s'y est soumis lui-même, date le style de Fontainebleau. Il allait à la taille et au genre de beauté de Diane de Poitiers, elle l'a encouragé; mais, je le répète, il était formé, il avait cours avant le règne de la maîtresse de Henri II et du peintre qui en est l'expression la plus caractéristique. Si nous recherchons quel a été le mode d'exécution adopté par Godefroy, nous voyons que ses portraits sont des miniatures délicieuses, comparables à tout ce avantde m'arrêterdéfinitivement à cetteopinion (1)J'ai hésitélongtemps ; au premiermomentjevoyaisdeuxpeintres,l'un chargédesportraits,l'autredescomlesminiatures, les positions ; maisbientôt,en étudiantde plusprès,en comparant imitationsdemédaillesantiqueset petitesfiguresdes supports,les surprenantes enfinles portraits,j'ai acquislacertitudequ'uneseulemain,dirigéeparun talent cesgenresdifférents etavaitproduitletout. soupleet varié,enchaînait


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GODEFROY, que nous avons de plus fin en miniature française; quant aux compositions (1), ce sont des à-peu-près de grisailles, à peu près coloriées; système bâtard et conventionnel, d'un goût très-contestable. Le peintre dessinait tout son sujet à la plume, avec une fermeté, il faut le dire, qui n'a pas sa pareille dans ces dimensions microscopiques, surtout pour les physionomies et les fonds de paysage; puis il mettait son ensemble à l'effet, avec le pinceau et la sépia, dans une gamme générale, assez pâle. Jusque-là il ne sortait pas des conditions de l'art; mais il ajoute des costumes coloriés, des armures, des harnachements dorés et une foule de détails qui papillotent dans sa grisaille et s'éloignent de la nature d'une étrange façon. J'ai dit que ses figures sont des réminiscences italiennes. On y trouve des tournures donatellesques, des profils perdus et des mouvements hardis qui rappellent Mantègne, des poses gracieuses et des airs de tête péruginesques, et, malgré tout, un fond français et des ressemblances avec Holbein, qui pourraient signifier que Godefroy:n'avait pas vu l'Italie. Notre renaissance nationale avait fait assez de progrès depuis près d'un siècle pour qu'il suffit à nos artistes de quelques dessins, de quelques gravures, avec l'impulsion donnée par Léonard de Vinci et Andrea del Sarto, pour entrer dans ce courant italien. Notre compatriote, comme Holbein, subissait peut-être cette influence de loin, de seconde main, et sans avoir passé les monts. — Musée Britannique, (Harleyan) n° 6205. PREMIER VOLUME.. Une carte de la Gaule sert de début au livre, et on lit au verso du premier feuillet le passage suivant, écrit dans un cartouche : « Françoys par la grace de Dieu, Roy de France, second Caesar, « victeur et domateur des Souycez, le dernier jour d'avril, ung « moys après la nativité de son secund fils, en son parc de Sainct « Germain en Laye, rencontra Jule Cesar et l'interrogea subtile« ment du contenu au premyer lyvre des Commentairez. » Dans un autre cartouche on lit une légende dont il suffira de transcrire les premiers mots : « Caesar, premier subjugateur des Helvecez, «luy fyt gracieuse responce, etc., etc. » Au troisième feuillet Godefroy a peint le portrait de François Ier varientde90à 100millimètres enhauteur,de60à70en (1)Leursdimensions : largeur.


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en buste dans un médaillon. Il porte son costume habituel et la toque sans plume, ornée d'une enseigne. Ses traits et sa physionomie sont ennoblis, un peu roides et pointus ; l'artiste a cherché l'idéal et l'antique. La première miniature sur le verso du cinquième feuillet porte la date de 1519, sans monogramme; les autres, folios 9, 13, 17, 21, 23, 31, 33, 36, 43, 53, 60 et jusqu'à la fin, sont signées d'un G, et datées de la même année. On voit, sur la miniature qui a été peinte au recto du folio 53, la lettre initiale du nom de l'artiste tracée sur le tronc d'un arbre auquel est suspendu un cartel dans lequel on lit : Besanson 1519. Le passage correspondant du texte exige, il est vrai, que la miniature représente cette ancienne ville, mais une certaine précision dans les détails, et une sorte, de prédilection dans le soin donné à l'exécution, me feraient croire que la vue a été faite d'après nature et que Godefroy était attaché à cette ville par quelque lien. J'ai déjà parlé du-caractère particulier de ces miniatures, je citerai seulement celle du folio 23, qui représente la construction d'un pont sur la Saône. On remarque au premier plan des figures qui dérivent du peintre Mantègne dans leur élancement, leur fougue et une certaine élégance presque antique. L'artiste a conservé les souliers à la poulaine, pour marquer les Français; c'est une malheureuse prétention à l'érudition archéologique. Le volume in-8° long, format d'agenda, compte 76 feuillets, y compris la carte. Il a conservé sa reliure du temps, en maroquin rouge, ornée de couronnes fleur delisées, imprimées au petit fer. On aperçoit les traces des cordons qui servaient à le fermer et à empêcher le vélin de goder. On lit cette note au recto du premier feuillet après la carte de la Gaule : BibliothecoeChristophori Justelli. Cette annotation, en nous indiquant une ancienne provenance de ce manuscrit, nous donne la raison de son émigration en Angleterre. Christophe Justel, conseiller et secrétaire du roi, était mort à Paris en 1649, à l'âge de 70 ans, laissant à son fils, avec le goût de l'étude, une collection précieuse de livres et de manuscrits. Parmi ceux-ci se trouvait le premier volume des Commentaires de César. Henri Justel avait remplacé son père dans la- charge de secrétaire du roi; il lui succéda aussi dans l'étude des lettres et dans la libéralité avec laquelle sa bibliothèque et sa maison étaient ouvertes aux savants. Toutes les


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GODEFROY, correspondances érudites du temps témoignent de cette hospitalité offerte à la science. Il.publia à Paris, en 1661, la Bibliotheca juris canonici veteris ex antiquis codd. mss. bibliothecoe.Christophori Justelli, deux volumes in-folio, et il semblait destiné à poursuivre tranquillement cette carrière érudite. Mais l'orage, qui s'est appelé la révocation de ledit de Nantes, avait été précédé, pour les protestants clairvoyants, de signes avant-coureurs qui suffirent à Henri Justel. Il emballa ses livres et passa en Angleterre,où il fut nommé bibliothécaire, du roi, charge qu'il exerça jusqu'à sa mort en 1698. Le manuscrit des Commentaires de César fut probablement acheté à sa vente par Robert Harley, comte d'Oxford; Le grand trésorier d'Angleterre (1661 -1724) se consolait de l'ingratitude des hommes en formant cette magnifique, collection qui est restée la Bibliothèque Harléienne dans la Bibliothèque du Musée Britannique. Toutefois notre manuscrit n'est entré dans ce dépôt qu'avec la seconde partie des livres et manuscrits de Robert Harley, en 1754. SECOND VOLUME.—Bibliothèque impériale, supp. français. n° 1328. La première miniature représente François Ier à cheval, en costume de veneur, avec le chapeau à plumes sur la tête. Le. roi lance son cheval vers la droite. Au-dessus de sa tête une F couronnée se détache en or sur le fond d'azur d'un écu. C'était une manière de le désigner à ceux que sa ressemblance ne frappait pas. Sur le second plan, un piqueur, courant à cheval dans la même direction que le roi, sonne de la trompe. Une banderole flotte au-dessus de sa tête ; elle porte le nom de PEROT(1). On lit (1) CePerotétaitunveneurfavoridontFrançoisIerparledans;une deseslettresauConnétable deMontmorency : Je m'oblige devousdire que nousavonsfailli lecerfetPerots'enestfouy,quines'estonzétrouverdevantmoy.M.Genin,quia desonéditiondesLettresdela Reine publiécettelettredanslespiècesjustificatives deNavarre(Paris,in-8°,1841,page468).faitunenoteau nomdePerotpourdire commislamêmeméprisesi avantmême quec'estunchien.J'auraisprobablement d'avoirvucetteminiature,je n'avaispaslié connaissance avecceveneur,enlisant lescomptesde dépenses de FrançoisIer, lesétatsdesa maisonet les rôlesdes acquitssursontrésorierd'épargne.Jevois par exemple,a la datedu.12juillet à PerotdeRuthiepourestrepaiédesgaigeset d.roictz 1551: «Provision qu'ila, « à causedesonofficedegardeduparcet chastelde SaincteJameet des foretset « quatreestangsdeRaiz.» Cinqannéesplustard,je trouvece détail: «A Perot


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sur une pierre, entre les jambes du cheval de François Ier, l'initiale du nom de l'artiste, et, au-dessous, dans un cartel, mais séparée par un chien courant, la date 1519. L'entourage est d'une rare, élégance et laisse place pour quelques. mots du texte, qui commence ainsi «. Françoys, par la grace de Dieu, Roy de France, désyrant par « pénible labeur exercer sa forte.jeunesse, au commencement du « moys d'Auguste, l'an mil cinq cens dix neuf, alla courir le cerf « en la fourest de Byevre et voulut que ce iour courussent les « chiens qu'il avoit esleuz pour bailler à la meute, pour ce qu'ils « sont plus seurs que les aultres. Gaillart fut de ce nombre, aussi « fut Gallehault et le gentil Rameau. Arbault, Gerfault et Bil« lehault leur tindrent compaignie. « Le Roy suyvoit le cerf de bien près et couroit à bride avalée « quand il rencontra la chaste Diane. — Le Roy fut surprins de «plaisir et après avoir oublié sa chasse il fut tout esbay que ceste «vision se disparut et il demoura tout seul en profonde pancée. « Mais tantost après il vyt auprès de luy ung ancien homme de « vénérable stature. — Il congneut à l'ouyr parler que c'estoyt « son amy Jule Caesar, lequel il avoit semblablement rencon« tré, n'avoit troys moys en son parc de Sainct Germain en « Laye.» De ce moment la conversation s'engage sur les campagnes de Jules César. Les compositions de Godefroy, presque toutes signées d'un G et datées de,1819, se trouvent aux feuillets 2v., 3 v., 4 v., S v., 7 v., 9 v., 20 R., 22 v., 28 R., 33 v.,54 v., 36 v., 37 v., 43 R., 46 v., 48 v., 59 v., 62 v., 78 v., 90 R. Les médailles, imitées de l'antique, sont admirablement exécutées en or sur fond bleu, avec un travail de sépia qui exprime délicatement le modelé. Elles se voient aux feuillets 6 v., 8 R.., 9 v., 10 v., 11 R., 11 v., 12 R., 12 v., 13 R., 13 v. Des machines de. guerre, copiées; sur, d'autres dessins, et par conséquent manquant de cette vie que reçoit l'imitation de la réa« de Ruthiepouremployer enla despence qui seranécessaireà manderet faire « venir(leversleditseigneurpartiedeschiensdesa venerieaveclesconducteurs « d'iceulxdela forestdeChenonces. »(RoolledesAcquitsde 1556.)Plustardencore,il devientlieutenantdevénerieet gentilhomme de la chamhreC'étaitunde cesserviteursfavorisquisaventse pousserenavant.


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GODEFROY, lité, remplissent les pages des feuillets 59 a. et v., 40 R. et v., 41 R., 91 R. et v., 92 R. et V., 95 R.et V., 94 R. Les portraits, enfin, se trouvent aux feuillets que je vais indiquer. Je n'ajouterai rien à ce que j'ai dit de leur perfection en général, me réservant de commenter les indications fournies par le manuscrit lui-même. Ces portraits, comme on pouvait s'y attendre, et comme le prouve particulièrement le feuillet 52, sont des copies d'originaux plus anciens que la date du manuscrit. Peints en miniatures, ils sont circonscrits dans trois cercles noir et or; le médaillon a cinquante-deux millimètres de diamètre, la miniature en a quarante. Feuillet XXV, verso : Quintus Pedius. Tel est l'intitulé du scribe, mais une main différente a écrit en marge et en caractères cursifs : Le grand maistre de Boissy, âgé de 41 ans. Je suis disposé avoir dans ces annotations marginales la main de l'auteur plutôt que celle de l'artiste. Ce portrait est pris de trois-quarts, tourné à gauche, coiffé de la toque, les cheveux en bourse, un collier d'ordre autour du col, la figure calme, le regard fin. Feuillet XXXV, recto : Le Fiable Divitiacus Dautun. L'admiral de Boissy, seigneur de Bonivet, âgé de 54 ans. Portrait de troisquarts, tourné à droite. Feuillet XXXVI: Quintus Titurius Sabinus. Odet de Foues, sieur de Lautrec, âgé de 41 ans. Portrait de trois-quarts, tourné à gauche. Feuillet XLII : Iccius. Le mareschal de Chabanes, seigneur de la Police, âgé de 57 ans. Portrait de trois-quarts, tourné à gauche, le regard un peu élevé. Feuillet LII : Lucius Aruculeius Cotta. Anne de Montmorency, âgé de 22 ans, et depuis connestablede France. Feuillet LXXIII : Publius Sextius Baculus. Le mareschal de Fleur anges, filz de Robert de la Marche, premier seigneur de Sedan, âgé de 24 ans. Portrait de trois-quarts, tourné à gauche. Feuillet LXXXVI, verso : Publius Crassus. Le sieur de Tournon quy fut tué à la bataille de Pavie, âgé de 56 ans. Portrait de trois-quarts, tourné à gauche. On lit au verso du quatre-vingt-neuvième feuillet : « Ainsi fina « Caesar sa parolle et tantost se disparut. La clère Diane qui cog« noissoit les passages de la fourest de Bièvre et de tous temps « scavoyt et entendoit les droiz de la chasse, remonta à cheval et


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« si droictement mena le Roy, lequel avoit perdu les chiens, que « en peu d'heures auprès de Fontainebleau, il les vyt myeulx chas« ser que d'avant. Et se trouva le premyer à la mort du cerf, mais "il n'avoyt avec luy que le gentil Arbault et la belle Greffière, car « Diane et Aurora l'auoient lessé et san estoient alleez. » Ces deux chiens sont en effet représentés sur la miniature ; ils attaquent le cerf pendant que le roi s'apprête à le daguer. Ce volume, composé de 98 feuillets, a été relié en maroquin noir qui a roussi, et il porte, imprimé dans le cuir, les mots : Tomus secundus. On l'a placé dans le supplément français sous le n° 1328. Voici son histoire, telle qu'elle circule parmi les habitués de la Bibliothèque impériale. M. Van Praet parut un jour au Conservatoire: avec un air joyeux; il avait ce délicieux manuscrit dans les mains, et il annonça qu'il venait de l'acquérir pour la Bibliothèque au prix de 1,200 fr. Il s'attendait à exciter la joie de ses collègues, à provoquer leurs remercîments; loin de là: on se récria et sur cette manière d'acquérir sans autorisation et sur le prix de cette acquisition. M. Van Praet s'empressa de calmer les scrupules de ces rigides administrateurs et de mettre fin à la discussion pénible qui s'élevait, en déclarant que c'était pour lui et non pas pour la Bibliothèque que cette acquisition était faite ; puis, la séance levée, il court chez ses amis les frères Debure et leur raconte, le coeur gonflé, sa mésaventure. Ceux-ci comprenaient trop bien les regrets de Van Praet pour chercher à les calmer ; mais ils savaient aussi qu'il n'était pas assez riche pour garder ce manuscrit, et ils achetèrent au prix coûtant, pour leur petite collection, cette charmante production de l'art français, toute meurtrie encore de la réception que venait de lui faire la grande collection dite nationale. Des années et des années avaient passé sur cet acte étrange, quand, en 1852, on apporta un léger paquet à M. Naudet, en lui disant que M. Debure avait ordonné, par ses volontés dernières, que le manuscrit, orné des peintures de Godefroy, acheté pour la Bibliothèque et repoussé par elle, lui fût restitué comme lui appartenant. On ne sait ce qu'on doit le plus admirer, dans cette clause testamentaire du célèbre libraire, de la finesse de son ironie, ou de la noblesse de son procédé. Sans s'attacher beaucoup à éclaircir ce point, le Conservatoire de la Bibliothèque impériale accueillit l'enfant prodigue et l'enregistra dans le supplément français.


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GODEFROY,

Seulement, par un reste de rancune, il le mit sous le boisseau de la. réserve; c'est une manière d'empêcher qu'on ne le voie avec cette facilité qui favorise les études, sous la protection de cette libéralité qui était un de nos titres d'honneur vis-à-vis de l'étranger et que l'administration aurait dû nous maintenir au prix même des dérangements qu'elle lui imposait. — Bibliothèque de S A. R. le duc d'Aumale, TROISIÈME VOLUME. à Twickenham près de Londres. Ancienne reliure portant ce titre : Coesarisliber tertius. Le texte commence ainsi : « Le vingt-septiesme jour de féburier, mil cinq cens XX : Le " Roy estant en son parc de Congnac, voyant par l'indisposition « du temps les triumphes de son entrée estre destourbez, se retira «:en la maison du dedalus ayant avec lui monsieur l'Admirai et le «jeune et saige sieur de la Rochepot. A l'entrée de la salle basse « il va sentir et ouyr ung si horrible vent qu'il sembloit quam « spiritu vehementi les grands arbres cheussent à terre, corne « le vendredy neufiesmeiour de mars mil VccXXautour de Paris, « en plusieurs places. " Le résultat de tout ce bruit.est l'apparition de Jules César. François: Ier le questionne sur ce qu'il fit après avoir pacifié la Gaule. « Caesar respond : Je vous dis que « après plusieurs victoires par moy obtenues, si grant opinion et « renommée fut de moy raportée aux gens barbares, que par « les nations qui sont oultre le Ryn me furent envoyez embassa« deurs lesquels a nom des cités me prometoyent bailler ous«taiges et obéyr à mes commandemens. Mais pour ce que « iavoys haste de m'en aller ie leur dis qu'ils retournassent vers « moi en. la saison d'esté. Puys après menay mes légions pour « hyverner en.pays de Touraine et en la duché de Madame vostre « mère. Et ce fait ie m'enallay en Ytalie. » Cevolume est orné de deux cartes: l'une, celle de l'Aquitaine, est placée au commencement; l'autre, celle de la Bretagne, se trouve à la fin du volume, qui compte en outre douze grandes miniatures. Le roi, en habit de chasse, y figure continuellement. L'exécution est aussi soignée, le. style des peintures du même genre que dans les deux premiers volumes; Toutes les miniatures et les cartes sont signées d'un G et quelquefois datées de l'an-


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née 1520. Au folio LII, le nom du peintre est écrit en toutes lettres : Godefroy. L'ancien propriétaire de ce beau manuscrit m'écrit : « Je ne puis vous fournir aucun renseignement intéressant sur le manuscrit des Commentaires de César. Il m'a été donné, sans qu'on y attachât, la moindre importance, par un habitant de Tours, qui n'avait pas de livres, et qui l'a gardé pendant quarante ans au moins dans son armoire. Vous dire comment il lui était venu me serait d'autant plus difficile que depuis longtemps cette personne est morte. Ce volume m'avait été remis dans un bien mauvais état. J'ai chargé Duru de refaire le dos de la reliure en respectant les plats, qui appartiennent à la reliure primitive du XVIe siècle. Une petite gravure, qui semblait être une nielle, mais qu'on a reconnue appartenir à l'oeuvre d'Etienne de Laulne, graveur d'Orléans, se trouvait en tête. » Obligé, en 1850, par des circonstances qu'il est inutile de rapporter, bien qu'elles soient à son honneur, de se défaire de ce précieux volume, son propriétaire l'envoya à Paris en commission chez M. Techener. Il en voulait 2,000 francs, et la première personne à laquelle le libraire l'offrit fut la Bibliothèque nationale. Le Conservatoire de ce grand établissement ne trouva pas cette somme dans son crédit annuel de 80,000 francs, et il recommença l'ancienne plaisanterie qui avait temporairement exilé le second volume. Malheureusement il ne se rencontre pas tous les jours, pour réparer ses erreurs, des libraires généreux comme M. Debure, ou qui peuvent être généreux comme lui, et M. Techener, qui se trouva plus riche que notre riche dépôt de livres pour acheter ce manuscrit, ne l'était pas assez pour lui en faire cadeau. Il l'annonça dans le Bulletin du bibliophile de l'année 1850, sous le n° 1222, au prix de 5,000 francs. Pendant toute une année, les artistes et les curieux (j'étais au nombre de ceux-ci) eurent la faculté de l'examiner à loisir et de déplorer la venue des libraires anglais qui menaçaient à chaque instant de nous l'enlever. Enfin monseigneur le duc d'Aumale le réunit à ses trésors d'imprimés et de manuscrits, et, quoique en Angleterre, on.peut affirmer qu'il appartient désormais à la France. Peut-être même que l'exemple de M. Debure sera imité quelque jour, et que ce troisième volume viendra rejoindre le second sur les casiers de notre magnifique département des manuscrits, en attendant qu'une heureuse


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GODEFROY,

négociation, entamée avec le Musée Britannique, permette, au moyen d'échanges, de compléter l'ouvrage entier. Le talent facile de Godefroy a dû être fécond, et il se rencontrera de ses ouvrages dans plusieurs collections. La Bibliothèque de l'Arsenal en possède un, les Triomphes de Pétrarque, qui semble, à l'abondance de la composition, à l'exagération des défauts, au relâchement dans l'exécution, une oeuvre postérieure aux Commentaires de César, et soit que l'artiste ait fait le voyage de l'Italie, soit qu'il s'inspirât, pour interpréter les idées du poëte, des productions italiennes, il est certain qu'il est moins français dans les peintures de ce manuscrit que dans les autres. Il est plus consommé aussi dans l'art de la composition, ses plans s'échelonnent mieux, ses groupes se coordonnent d'une manière plus intelligible, il a enfin des inspirations ou des ressources toutes nouvelles, telles, par exemple, que celle de couper à mi-corps, par un mouvement du terrain, les figures du premier plan, ce qui lui permet de leur conserver de fortes proportions sans obstruer tout son tableau. Je décrirai brièvement ce.manuscrit. C'est un petit volume de 124 feuillets (non compris les gardes), de fine peau de vélin. Il a environ 10 centimètres de hauteur sur 8 de largeur. On l'a fait relier, au dernier siècle, en maroquin citron, et il porte aujourd'hui le n° 24 bis de la réserve. « Sensuyt le premier des six triomphes de tres cler et tres prestant poete messire Francisque Pétrarque : qui est le triumphe d'Amour et contient quatre chapitres. Chapitre Ier. Une miniature peinte sur les pages 2 et 3 qui se font face. Elle représente ce triomphe d'amour avec assez de désordre et des détails un peu licencieux. Le G se remarque sur le terrain du premier plan, au milieu de la composition. Chapitre II. La miniature a été enlevée. Chapitre III. La miniature occupe la page au verso du titre de ce chapitre. Sur le devant, des couples amoureux s'entretiennent, soit assis, soit en se promenant. Les hommes portent des toques à longues plumes, comme on les représente dans les bas-reliefs de l'hôtel de Bourgtheroude. La disposition d'architecture dufond est délicieuse. A côté d'un arc de triomphe se dresse la tour d'amour. Des flammes s'échappent de toutes ses fenêtres, et cependant par sa porte se précipite une longue procession de femmes, poursuivie


PEINTREDE FRANÇOIS PREMIER.

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par un Amour aux yeux bandés. L'artiste a peint la lettre initiale de son nom sur la tour. Chapitre IV. Dans cette miniature, la figure de Pétrarque, deux fois répétée, semble être la reproduction d'un portrait original. Le G se voyait sur une pierre du premier plan, il a été effacé. « Sensuyt le second triumphe de messire Francisque Petrarque qui est le triumphe de Chasteté. » La miniature occupe deux pages qui se font face, mais elle forme deux compositions séparées. Les bâtiments du fond sont disposés dans un goût quasi italien, sans être toutefois la reproduction d'aucun monument connu. Godefroy a placé son G à gauche, sur un arbre, en compagnie de trois lézards, circonstance qui ne doit pas passer inaperçue, parce qu'elle se reproduit plusieurs fois, comme si le nom de ces animaux avait quelque rapport avec celui de l'artiste. « Triumphe de la Mort qui est le troysiesme triumphe de Petrarque. » La miniature est une des plus curieuses et des mieux conservées. La Mort, tenant sa faux, est debout, au-dessus d'une jeune femme étendue morte sur le char de triomphe. C'est bien le triomphe italien, comme nous en avons tant.de compositions. Ici la miniature est double, ainsi que le sujet. Le G se voit au bas. Chapitre II. Miniature sur une seule page. La mort de Laure. La jeune femme est étendue sur le lit funèbre. Elle est entourée de ses compagnes, qui tiennent des palmes dans leurs mains. On aperçoit dans le haut l'apparition de la Vierge au milieu du ciel. C'est un ensemble très-gracieux, remplissant bien le cadre, et d'un charmant effet. Chapitre III. Pétrarque et Laure sont assis sous l'ombrage de grands arbres, au bord d'une pièce d'eau agitée par deux cygnes. Ces deux mêmes personnages se voient encore dans le fond, répétés deux fois en plus petite proportion, selon les plans. Une ordonnance d'architecture d'un goût assez italien ferme la perspective du fond. Le G est marqué sur une pierre qui se trouve aux pieds de Pétrarque et de Laure. Évidemment Godefroy avait étudié quelques portraits de ces deux personnages, et il les répète avec succès dans leurs diffé2


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PEINTREDE FRANÇOIS PREMIER. GODEFROY,

rentes poses. Les arbres sont rendus avec tant d'habileté qu'on croirait reconnaître le pinceau d'un paysagiste, et un effetgénéral très-heureux donne à cette miniature toute la valeur d'un tableau. " Sensuyt le cinquiesme triumphe de messire Francisque Petrarque qui est le triumphe du Temps. » La miniature occupe les deux pages et forme deux compositions. Dans l'une, le Temps, exprimé par les signes du zodiaque et par les allégories de l'antiquité, marque sa marche dans le ciel; les humains en subissent l'influence sur la terre. L'artiste a signé son oeuvre, au bas, à droite, et cette fois de son nom entier : Godefroy. Sur l'autre miniature se déroule le triomphe du Temps. Il passe dans son char, tiré à quatre chevaux lancés au galop, entre les quatre Saisons. On voit au bas, à gauche, un G et deux lézards. « Sensuyt. le sixiesme et derrenier triumphe de messire Francisque Pétrarque qui est le triumphe de la Divinité. » Une miniature double suit ce titre,. Dans l'une, on voit Dieu le Père et Jésus-Christ, sur les têtes desquels plane le Saint-Esprit, assis sur la boule du monde et présidant au dernier jour. Des flammes tombent du ciel sur les humains, qui se partagent en bons et en mauvais; des anges conduisent paisiblement les uns, les diables poursuivent brutalement les autres. Au bas, à droite, le G. Sur l'autre page, Dieu le Père et Dieu le Fils, également surmontés du Saint-Esprit, sont assis dans un char de triomphe traîné par le boeuf, le lion, l'aigle et l'ange, qui sont les attributs des évangélistes. Ils s'avancent, entourés de tous les dignitaires de l'Église. L'Amour païen, les yeux bandés, est étendu mort par terre près des roues du char ; une longue file de saints et de saintes, cachés jusqu'à mi-corps par un pli du terrain, suivent sur le premier plan la direction du char. Cette disposition a permis à l'artiste de donner à ses figures de plus grandes proportions et d'exprimer leur physionomie avec soin. Le G se voit au bas de la miniature sur le terrain. Toutes ces miniatures, peintes en grisaille avec des ciels et des eaux bleues, avec quelques détails colorés, ont en hauteur 86 millimètres, en largeur 68. Comte LÉONDELABORDE.


LES ARTS EN BELGIQUE SOUS CHARLES-QUINT. § 1er ARCHITECTURE. Les Pays-Bas ont eu, comme les autres États de l'Europe, leur Renaissance après le moyen-âge. Charles-Quint aimait la magnificence des arts, et il contribua à leur développement dans tous les pays de son immense domination. C'est au temps de CharlesQuint, et sous l'administration de Marguerite d'Autriche, que les écoles flamandes d'architecture, de sculpture et de peinture, inspirées par le goût de l'antiquité, prirent un essor inattendu. C'est de cette époque que datent les premiers travaux de la Renaissance dans notre pays. Les architectes, les sculpteurs, les verriers, les peintres, encouragés par l'autorité publique, créèrent alors d'innombrables chefs-d'oeuvre, monuments nouveaux, églises et chapelles, hôtels de ville, fontaines, palais, habitations splendides, et ils firent ainsi de Bruxelles la plus belle cité des Pays-Bas. La reconstruction de l'ancienne Halle au Pain, ou Maison du roi (1515-1525), et de l'église de Saint-Géry (1520-1564), la construction des nouvelles bailles de la cour (1509-1520), de la chapelle (1525) et de la belle galerie du palais (1534), de la chapelle du saint Sacrement à Sainte-Gudule, l'achèvement de cette superbe collégiale (1), les travaux exécutés alors à l'église du Sablon (2), l'érection du mausolée de François de Bourgogne dans l'église de Coudenberg (3), l'achèvement de la belle chartreuse de Scheut, auquel Marguerite contribua par ses subsides (4), témoignent de l'impulsion donnée à ces grands travaux d'embellissement, deBruxelles, l'excellente Histoire deBruxelles, (1)Voir,pourtouslesmonuments parMM.Henneet Wauters,5vol. (Notedela rédaction.) (2)Comptede1525.—Nousavonsréuni, à lafinde l'article,touscescurieux citésparl'auteur. documents, (Idem.) du royaume. (5)Comptede1525.Archives du royaume. (4)Comptede1521.Archives


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LES ARTSEN BELGIQUE

Les particuliers, comme les communes, comme le clergé, furent entraînés par l'action du gouvernement, et la plupart des abbayes des autres provinces fondèrent à Bruxelles de beaux refuges, tandis que les d'Egmont, les de Mansfeld, les de Taxis , les de Lalaing, les Culembourg, les de Boussu, les de Lannoy, achetaient ou élevaient des hôtels où ils étalèrent un luxe que la politique jalouse de leur maître les forçait à déployer. Ce mouvement s'étendit naturellement aux villes voisines. A Anvers, on achevait, en 1518, la tour de Notre-Dame, oeuvrede Jean Appelmans (1). En 1525, les magistrats d'Audenarde arrêtaient la construction de leur nouvel hôtel de ville et de son admirable beffroi (2). A Bruges, on restaurait la chapelle du SaintSang, qui reçut alors sa façade actuelle (1535) (3), et on élevait l'élégante façade de l'ancien greffe, construit en 1537 (4). La façade de l'hôtel de ville de Courtray, qui avait été brûlée en 1582, fut reconstruite en 1526, et, cent ans après, elle était encore ornée des statues dorées des comtes de Flandre (5). Le 10 mars 1521, messire Simon, seigneur de Montbaillon, présida, comme représentant de Marguerite, à la fondation de la chapelle du Nom de Jésus, en l'église de Saint-Pierre à Malines (6); le 23 octobre 1522, cette princesse accordait aux marguilliers de la même église cent livres de quarante gros, afin de terminer la chapelle dédiée à Dieu (7). Malines n'avait rien négligé pour conserver les prédilections de Marguerite, et, en 1514, elle avait alloué au comte de Nassau un subside de quatre cents philippus, destiné à la maçonnerie de l'hôtel qu'il y faisait élever (8). Le comte d'Hoogstraeten et d'autres seigneurs de la cour de la gouvernante obtinrent les mêmes avantages, et de somptueux hôtels surgirent sur les ruines d'antiques masures (9). La Commune perça de Noticehistoriquesur la tourde l'églisede Notre-Dame, à (1)M.L. SERRURE. Anvers. desscienceshistoriques,1829-1850, (2)Messager p. 65-102. DELEPIERRE. GuidedansBruges. (5)M.OCTAVE Histoirede l'architectureenBelgique. (4) M.SCHAYES. . (S)SANDERUS. Flandriaillustrata, III, p. S. — Messagerdesscienceshistoriques,1848,p. 809. (6)Comptede1321.Archivesduroyaume. de 1525,n° 1799,f° cxij. (7)Compte (8) AZEVEDO. (9) Idem.


SOUSCHARLES-QUINT. 21 nouvelles rues (1), jeta de nouveaux ponts sur la Dyle (2), lit achever la voûte de l'église de Saint-Rombaut (3), et restaurer la tour de cette église (4), qui reçut une horloge en 1526 (S). La célèbre cheminée du Franc de Bruges, exécutée par un artiste de cette ville,.en 1529(6), une des deux cheminées de l'hôtel de ville d'Audenarde, les superbes tabernacles de l'église de Léau et de l'abbaye de Tongerloo (7), les maisons du Serment de Saint-Georges et du Métier des drapiers, à Anvers, celle du Serment des arbalétriers à Bruges, et celle des Poissonniers à Malines (8), une foule de splendides mausolées (9), montrent encore la vaste carrière qui s'ouvrait alors aux beaux-arts. C'est au milieu des grands travaux qu'apparaissent les grands artistes. Les architectes ne manquèrent pas aux constructions de cette époque, et jamais la Belgique n'en a offert une plus brillante série : Antoine Keldermans, dit le vieux, de Malines, « maître ouvrier de Monseigneur le roy, » qui dessina le modèle en bois de la Maison du roi à Bruxelles (10), et, de concert avec son fils Antoine, traça les modèles des bailles du palais de cette ville (11). Rombaut Van Mandale, dit Keldermans, d'abord «maître des (1)AZEVEDO. (Voirauxpiècesjustificatives , à la finde l'article.) (2) Idem, (3)Idem. (4)Idem. (5) Idem. livredéjàcité.— M.SCHAYES, idem. (6)M.OCTAVE DELEPIERRE, de Tongerloo dontSanderus (7)CeluideLéauexisteencore;maisletabernacle dit : «Opusvereheroicumet quodintermiraculaBelgiimeritopossitnumerari, totoenimBélgiosimilehaudreperies,»a été détruitavec l'église,en 1796. — M. SCHAYES, l. c. l. c. (8) M.SCHAYES, de cetteépoque, nousciteronsceluide (9) Aunombredesplusbeauxmausolées Guillaume de Croy,sculptéen Italie, en 1321,quia ététransportédel'églisedes Célestins. aLouvaindanscelledes Capucins à Enghien ; celuid'Antoinede Lalaing etdesonépouseIsabeaudeCulembourg, dansl'églised'Hoogstraeten; celuid'AntoinedeMérode,dansl'églisede Saint-Dymphe à Gheel,et celuide l'archevêque de dansla cathédrale de Bruges.—M.SCHAYES, l. c —M.OCPalerme,Carondelet, TAVE DELEPIERRE, l. c. vande werkenendereparatienvandennyeuwen van (10)Rekeningen edificien duroyaume. Hertogenhuys opdeMarcktleBrussel.Archives vandensteyenbaillenenz.Archives duroyaume. (11) Rekeningen


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travaux de la ville de Malines (1), » et ensuite « maître maçon (2), » et « maître général des oeuvres de l'Empereur (5); » il composa, entre autres plans, celui de la chapelle du palais de Bruxelles (4). Philippe II trouva cette chapelle si admirable qu'il s'en fit bâtir une semblable dans le palais de Madrid (5). Rombaut Van Mandate travailla avec Dominique de Waghemakere, « maître des travaux de la ville d'Anvers (6), » à la tour septentrionale de Notre-Dame à Anvers. Louis Van Bodeghem ou Beughem, successeur d'Antoine Keldermans le vieux, après la mort duquel il exécutale plan de l'intérieur de la Maison du roi (7); il fut un des principaux architectes de la, belle église de Notre-Dame de Brou (8). Henri Van Pede, architecte de la ville de Bruxelles (9); la construction du-beffroi d'Audenarde lui fut confiée, et il acheva la Maison du roi, après que Van Bodeghem eut été envoyé en Savoie par Marguerite d'Autriche (10). Pierre de Greve, qui continua la chapelle du palais de Bruxelles, commencée en 1525 (11). Jean Van der Eycken, nommé par les Espagnols Anequin de Egas, qui travailla à la porte des lions de la cathédrale de Tolède (12). Pierre Van Weyenhoven, « maître ouvrier de l'Empereur en. Brabant (13); » il donna le plan de la chapelle du Sacrement de Miracle, à Sainte-Gudule, et fut chargé de la taille des pierres de cette chapelle dont Antoine Vandeputte, son collègue, dirigea la van dewerkenenz. (1)Rekeningen (2)Compte pour1527. vandensteyenenz. (5)Rekeningen (1)Histoirede-Bruxelles, III, p. 525. (5) Aulasacraprincipum Belgii,p. 8. vandewerkenenz. (6)Rekeningen (7) Ibidem. van Bodegem,denmeestendeel van denjare, besonder (8)Meester Lodewyck in den somer,buitenslantsin Savoyenwesende,in dendienstonser genedige dela bâtissepour1315.Archivesdu royaume. vrouwevanSavoyen.Comptes van dewerkenenz. (9)Rekeningen (10)Ibidem. (11)Histoirede Bruxelles,III, p. 525. LesBelges. (12)LEMAYEUR. Mémoire surl'architectureogivale. (15)M.SCHAYES.


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maçonnerie (1). De concert avec Jean Van den Gheere, il acheva la chapelle du palais de Bruxelles et en construisit la sacristie (2). Sébastien Van Noye, appelé par les Italiens Sébastien d'Oya, architecte et ingénieur de Charles-Quint; il composa les plans de Hesdinfort, Charlemont et Philippeville (3), et le plan des Thermes de Dioclétien, à Rome (4). Pierre Coeck, d'Alost, peintre et architecte de Charles-Quint; il traduisit en flamand Vitruve et les cinq premiers livres de Sébastien Serlio, et vulgarisa ainsi la connaissance de l'architecture néo-romaine (5). Jacques de Breucq, dit le vieux, qui exécuta les plans des somptueux châteaux de Binche, de Mariemont et de Boussu (6), auxquels il travailla avec Lambert Lombart, de Liége (7), Henri de Pas, auteur des plans de la Bourse des marchands, à Londres (8), et Corneille de Vriendt, dit Floris, l'architecte de l'hôtel de ville et de la Maison hanséatique, à Anvers (9). Jean Metzaert, qui construisit la belle chartreuse de Scheut, où il mourut, en 1557 (10). Jean de Thuin, architecte de l'église de Sainte-Waudru, à Mons (11). Jean de Heere, de Gand, non moins bon architecte que bon sculpteur (12). Crespin Van den Broecke, d'Anvers, peintre et architecte distingué (13). de lafabriquedeSainte-Gudule. Archivesdecetteéglise. (1)Comptes (2)HistoiredeBruxelles,III, p. 525. (5) GUICCIARDIN. Antverpia. Mémoires surlessculpteursetarchitectesdesPays-Bas.Bulle(4) PH.BAERT. linsdela commission royaled'histoire,t. XIV,p. 529etsuiv.—LEMYEUR. l. c.—PH.BAERT. (5) M.SCHAYES, l. c. — GUICCIARDIN. (6) M.SCHAYES, l. c. — GUICCIARDIN. (7)M. SCHAYES, — PH.BAERT, l. c.—LEMAYEUR. (8) M.SCHAYES, quiluiattribueaussile plan delaMaisonhanséatique à Anvers. —M.SCHAYES. —LEMAYEUR. —PH.BAERT. vanAntwerpen. (9) Geschiedenis —GUICCIARDIN. (10)Histoirede Bruxelles,III, p. 651. qu'en1589. (11).Ilmourutà Mons,le26août1556, et l'églisenefutachevée —PH.BAERT. Boussu.HistoiredeMons.—LEMAYEUR. Viedespeintresflamands,allemands et hollandais,t. I, p. 89. (12)DESCAMPS. (15)Idem,p. 84.


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LES ARTSEN BELGIQUE C'est à ces artistes, à Corneille Floris et à Pierre Coeck surtout, qu'il faut attribuer le succès définitif de la réaction en faveur de l'architecture gréco-romaine. Cette Renaissance, qui s'était manifestée en Italie dès le XIIIe siècle, n'avait commencé en. France et en Belgique qu'à la fin du XVe,et l'Hôtel consulaire des Biscayens, à Bruges, construit en 1495, en présente le premier, exemple connu. L'architecture ogivale se maintint quelque temps encore dans les constructions d'églises, mais elle céda bientôt devant le nouveau style, dont les principes dominèrent pendant trois siècles le goût public et se sont perpétués jusqu'au commencement du XIXesiècle, réaction plus violente et plus dévastatrice que ne le fut la réaction des iconoclastes, ou celle des révolutionnaires de 95, et qui faillit nous enlever toutes les admirables productions du moyen-âge. En même temps que de nouveaux édifices s'élevaient, on se plaisait à orner les anciens, et là encore Marguerite prêchait, d'exemple, allouant cent,livres à l'église de Saint-Gommaire, à Lierre, pour acheter une tapisserie armoyée de ses armes et destinée à en décorer le choeur; cinquante livres à l'église de Saint-Pierre, à Malines, « pour faire estoffer de fin or et dasur « trois grandes ymaiges de bois, a scavoir Notre Dame, sainct « Pierre et sainçt Pol estant sur le grand autel de ladite église, « où les armes dicelle dame furent mises et posées pour mé« moire d'elle ; » cent quarante-deux livres dix sous au couvent de Galilée, à Gand, pour l'acquisition d'une tapisserie destinée à en décorer l'église; trois aunes de crêpe à la grande église de Heusden, « pour servir sur une sépulture de notre Seigneur « étant en ladite église; » deux manteaux de satin broché blanc pour « deux ymaiges de Notre Dame l'une estant en lesglise de « Cauberghe à Bruxelles et l'autre en l'église de Mol ; » un manteau de damas blanc à l'image de Notre-Dame de Pitié se trouvant dans l'église de Saint-Géry à Bruxelles; trente-trois livres six sous huit deniers pour fournir à la dépense de la dorure d'un tableau, les sept Douleurs, « avec la représentation du feu roy don « Philippe, » qui décorait la chapelle des Sept Douleurs dans cette église (51), etc., etc. Parmi les seigneurs de sa cour, Marguerite trouva naturellede1525à 1527. (1)Comptes


SOUSCHARLES-QUINT. 25 ment de nombreux imitateurs : les courtisans sont toujours dociles à suivre la voie, bonne ou mauvaise, tracée par le souverain, qui ne devrait jamais oublier l'empire exercé par son influence. D'un autre côté, les goûts élevés semblaient, à cette époque, inséparables des hautes positions, et ce n'était pas en dressant des chiens, en entraînant des chevaux, que la noblesse d'alors cherchait à maintenir sa supériorité sur la bourgeoisie qu'elle voyait arriver' à.l'apogée de la puissance, et qui était déjà sa rivale à plus d'un égard. Laurent de Blioul donna à l'église de Sainte-Gudule deux magnifiques tapisseries, représentant l'histoire du Sacrement de Miracle (1). À aucune époque, on n'exécuta plus de vitraux dans les églises que sous l'administration de Marguerite qui encourageait spécialement cette branche de l'art. A chaque page des comptes de son hôtel, on trouve des subsides accordés pour établir des « verrières » : dans le choeur de l'église de Sainte-Gudule et dans l'église des Frères mineurs à Bruxelles; dans la chapelle des chartreux à Scheut; dans l'église du monastère de RougeCloître à Auderghem; dans l'église d'Alsembergh; dans la cure de Braine; dans l'église de Sainte-Elisabeth, à Grave; dans l'église paroissiale de Zutphen; dans l'église desFrères prêcheurs de Douai (2), etc. En cela encore, Marguerite trouva maint imitateur dans la noblesse, dans le clergé et dans la riche bourgeoisie. En 1528, l'évêque de Liége gratifia l'église de Sainte-Gudule, du beau vitrail de Jacques de Vriendt, dit Floris, représentant le Jugement dernier (3). Quelques années après, Jean Haeck, d'Anvers, d'après les dessins de Michel Coxie et Bernard Van Orley, orna la nouvelle chapelle du Sacrement de Miracle, de sept vitraux, dons de François Ier, d'Éléonore, de Catherine, de Jean de Portugal, du roi des Romains Ferdinand, de son fils Maximilien, et du prince Philippe (4). Charles-Quint et Marie de Hongrie, de leur côté, firent exécu(1)HistoiredeBruxelles,III,p. 260. de1512à1527. (2)Comptes (5)Histoirede Bruxelles,III, p. 274. (4)Ibidem,p. 263-264.


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ter, en 1538, par Bernard Van Orley, les deux magnifiques vitraux des transepts (1). La famille impériale, de grands personnages de leur cour et le magistrat de Bruxelles, donnèrent à la chapelle de Notre-Dame de Scheut, treize vitraux représentant la Passion, et quarante-trois vitraux au cloître, qui, dit-on, n'avait pas son pareil en Belgique (2). En 1521 et 1522, Daniel Louis, « vitrier, » exécuta de nombreuses peintures sur verre dans les églises de Saint-Bavon et de Saint-Sauveur et dans la chapelle de Jérusalem, à Gand, dans les églises de Papingloo, de Mendonck, d'Ackergem et de Wondelghem, ainsi que dans les maisons de plusieurs particuliers (3). Pierre Coeck, d'Alost, orna de plusieurs vitraux la cathédrale d'Anvers (4). En 1526, les membres du grand conseil firent placer des vitraux représentant la famille impériale, dans l'église de Saint-Rombaut, à Malines (5), dont le frontispice sous la tour venait d'être orné (1522) d'un vitrail, exécuté en 1473, aux frais du Métier des drapiers, par Gauthier Van Battele (6). Van Orley y peignit un vitrail représentant les portraits en pied de Marguerite et de Philibert II de Savoie, et, en 1546, l'Empereur accorda aux marguilliers de cette église un subside de cent cinquante florins « pour reffaire anciennes verrières. » Vers le même temps, il donna des vitraux à l'église de Saint-Jean (1545) et à l'église des Carmes (1546) de cette ville (7). En 1547, l'église de Saint-Pierre reçut de Granvelle un fort beau vitrail (8). Parmi les « peintres verriers » de cette époque, outre ceux qui viennent d'être mentionnés, on cite encore Dierick, Jacob Felaert, Corneille Van Daele, Josse Vereghen, d'Anvers (9), Jean Dox (10), (1)Histoirede Bruxelles,III, p. 270. (2)Ibidem,p. 654. DESAINT-GENOIS. dessciences Noticesurcespeintures.—Messager (3)M.JULES historiques,1836,p. 328. Piècesrelativesà la construction de la cathédraled'An(4)DEREIFFENBERG. vers.Bulletinsdel'Académie, XII,1repartie,p. 50-51. (5)AZEVEDO. (6) Idem.— Cevitrail avaitd'abordété placéau-dessusd'uneportelatérale. len°27, pourlepayement decesdiversvitraux. (7)Voirauxpiècesjustificatives (8)AZEVEDO. (9)GUICCIARDIN. Antverpia. (10)Histoirede Bruxelles,III, p. 263.


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Pelgrim Roesen (1), Jean Assays, Jean Offenies, Corneille Tamburch (2) et le fameux anabaptiste David Jorisz, de Gand (3). Ce fut un bourgeois d'Anvers, Aert Van Oort, de Nimègue, dit Guicciardin, qui inventa l'art de cuire et de colorer le verre cristallin (4). ALEXANDRE HENNÉ. (LaPeintureauprochainnuméro.)

PIECES JUSTIFICATIVES. I. — COMPTE DE1525 : Aux massons et manoeuvresbesoignant en leglise de ntre Dame du Sablon en la ville de Bruxellesla sommedun escuzdor au soleil ausquels mad. dameen a fait don pour une fois, en veillede laquelleéglise icelle dame a le VIIejour de septembreXVeXXIIJ nativitéde ntre Dameouy les vespres. II. — COMPTE DE1525 : AAdrienNonnonresidant a Dynant maistre despierres de marbres estant lez Dynantla sommede trente-trois livres six sols huit deniers du pris de XL gros monnoiede Flandre la livre que deue luy estoit pour le tiers de cent livres dudit pris a quoy madame a fait conveniret appointeravecqluy par MeLoys de Bodegen,Memasson residant a Bruxelles,pour une belle sepulture de marbre noir quil doit faire et poser au meur de lesglise de Caubergheaud. Bruxellesau lieu et place ou Françoismonseigneurfrere de mad. dameest inhumé. III. — COMPTE DE1521: Par lettres du 19 octobre 1519 Marguerite d'Autriche donna aux religieux de l'Ordre de Notre-Damede Grâce des Chartreuxlez Bruxellesune sommede millelivres de 40 gros monnoiede Flandre, pour l'avancementde leur église. Elle avait signé, le 51 octobre1515, une promessede cette sommeà Gattinaraalors président de Bourgogne et chef du conseilde Marguerite.Gattinara qui n'en avaitrientouchéencorela pria de passer ce donaux Chartreux,ce qu'elle fitpar laditelettre. — Cettesommeleur fut payée en cinq ans. IV. —COMPTE DE1521: Aux maçons faisant les fondementsde la chapelledunom de Jésus commencéeen l'églisede Saint-Pierrede Ma(1) Histoirede Bruxelles,III, p. 264. (2)Voir,pour ces trois derniersartistes,lesn°s19, 21et24des piècesjustificatives. —D'autreslel'ontnaîtreàDelft. (5)MORERI. (4)Antverpia.


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LES ARTSEN BELGIQUE lines, la sommede IJ philippus d'or de XXVpatars pièce, dont madite dameleur a faitdonen faveurdece que, en son nom,messireSimonseigneur de Montbaillonet chefcommis sur le fait des finances,a mis et assisé la premièrepierre le x mars XVcXXI. V. — CHRON. VAN MECHELEN : En 1510le magistratde Malinesacheta certainemaisonsise rue des Bogardsdu sieur Jeande Lathouwereprêtrepour y faire une rue, avecun pont sur l'eau, derrière le couvent des Clarisses,pour 58livresde Brabant.Leditpont avecdeuxmurs de chaque côté de la rue, étant en maçonerie54 verges et 61 pieds fut allouéla mêmeannée à Claesvan Balenmaçon,avectous les matériaux et dépendances pour 5 livresde Brabant chaqueverge. Pour le mesuragede la maçonnerie8 escalins6 deniers, ensemble102 livres 17 escalins 6 deniers. VI. — CHRON. VAN MECHELEN : En 1510 fut construit a Malinessur la Dylepres de la Grue (Craene)le nouveau pont de,bois coutant avecles matériaux50livres gros de Brabant. VII. — CHRON. VANMECHELEN : En 1515 fut achevé le plafond de l'églisedeSaint-Rombautà Malines,où se trouventpeints sous la grande tour en flamandles vers suivants: Gesloten wasik totelexaensien DoenmonschreefMDXIII. VIII. — CHRON. VANMECHELEN : 1510. Le 29 janvier le Rôle (Rolle) du métierdes poissonniersà Malinesfut renouveléet entre-tempspublié par le magistratpar lequel fut confirméentre autres le 7earticle de leur rôle du 22 mai 1478, que le poisson que lé marchand étranger devait donner pour le prelude(voorslagh)serait partagé en deux parties, savoir l'une moitiéau profit de l'imagede Notre-Damedans l'églisede ce nom sur la Dyle(over de Deyle)et l'autre moitié pour les réparations de la tour de Saint-Rombaut. IX. — CHRON. VAN MECHELEN : En 1526.La villede Malinesfit mettre une horloge à la tour de Saint-Rombaut.Fut pendueégalementla cloche de l'horlogepesant 15,992 livres. X. — COMPTE DE1527: A maistre Rombaultvan Mansdalle,dit Kellivres du dermans, maistre maçonde l'empereur,la somme de XXXVIIJ prix de quarante gros monnoiede Flandre, à maistre Rombautvan Bossche Mecharpentier résidant à Malines,la sommede XXIlivres, pour visiter les ouvrages faits à la maison et à la cuisinede l'archiduchesse, construites près du couvent des Annonciadeshors la porte des Aisneslez Bruges. XI. — COMPTE DE1524 : A messrs du chapptre de leglise Sainct-


29 SOUSCHARLES-QUINT. en la ville de la somme de cent livres du de Gomar XL Lyere prix gros monnoie de Flandre la livre dont mad. dame par ses litres patentesen date du XXJde mars XVeXXIIIJ stil de Rommeleur a fait donde grace especialpour une fois, pour convertiret employera lacchatd'une tappisseriequelle veult estre armoyeede ses armes pour servir sur les .... estant au meur de ladicte eglise pour le decorementdicelle et commemorationdicelle. XII. — COMPTE DE1527 : À Adolphe Doubletet Jehan de Langhe, dit Papeghayet malgliseursde legliseSainct-Pierreen lavillede Malines, la sommede L livres de XLgros monnoiede Flandre, dont mad. dame leur par ses lettres patentes en date du dernier jour davril XVcXXVIJ a fait don pour faire estofferde fin or et dasur trois grandes ymaigesde bois, assavoirNtre-Dame,sainctPierre et sainct Pol estant sur le grand haulter de ladite eglise ou les armes dicelledameseront mises et posees pour memoiredelle. XIII. — COMPTE DE1527 : Aux abbesses et religieusesdu cloistre de Galliléea Gandla sommede cent quarante-deuxlivres dix sols du prix de laquellesommemad. dame par ses lettres patentesdu XIJjanvier leur a fait don pour avoir et acheter de la tapisserie pour le XVcXXVIJ decorementde leur eglise. XIV. — COMPTE DE1525 : Item pourIIJ aulnes de creppedont icelle dame a fait don a la grant eglise Dheusdenelle y estant dernierement pour servir sur une sépulture de nre sgr qui est en ladite église. XV. — COMPTE DE1525 : Item pour v auln ung quartier de bouracan employesa la doublurede deuxmanteaulxde satinbrocheblanc que mad. damea donne a deux ymaigesde Ntre-Damelune estant en lesglisede Cauberghea Bruxelleset l'autre en lesglisede Mol. Idem pour la facondes deuxdits manteaux7 sols 6 deniers. XVI. — COMPTE DE1522 : Pour la quantite de trois aulnes de bon damasblanc lequel madame a fait prendre et acheterau prix de XLIJS l'aulnepour dicelluyf. aff.ung mantelpourlymaigede Ntre-DamedePitie estant dans leglise de sainct Ghirick(Gery),à Bruxelles. Item, pour deux aulnesde bouracanmis en dedansledit mantel. Item, pour la fassondudit mantel. XVII. — COMPTE DE1527 : Aux recteurs et margliseurs de la chappelle des Sept Douleurs de Ntre-Dame en lesglise de Sainct-Gery a Bruxellesla sommede XXXIIJ livres six sols huit deniersdud. prix delaquellesommemad. damea faitdon pour une foisà la confrairied. d. Sept Douleursde Notre-Damepour laidera fournir ala despensequil convient fairepour la dorure dung tableau desd SeptDouleursavecla representation du feu roy don Philippeque Dieuabsolveet de maditedame. XVIII.— COMPTE DE1524 : Auxmaistres de la fabricque de leglise de SaincteGoulleen la ville de Bruxellesla somme de cent livres du


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LESARTSEN BELGIQUE prix de XLgros monnoiede Flandre la livre de laquelle sommemadite dame par seslettres patentesen date du VIIJejour de septembreXVCXXIIJ leur a faict donde graceespecialpour unefois pour en faireuneverriere armoyeede ses armes, et icellemectreet asseoir au meur de lad. eglise, pour décorementdicelleet en commémorationde mad. dame. XIX. — COMPTE DE1521 : A maître Jean Assays(?) verrier demeurant à Bruxelles, la sommede XLlivres de XLgros monnoiede Flandre qui due lui était pour une belle grande verrièreen laquelleest figuréela remontrancede Notre Seigneurquand il fut mis au Saint-Sépulcreet laquellemaditedamea faitfaireet asseoiren l'églisedesFrères mineurs, en la ville de Bruxellesauxquelselleen a fait don. XX. — COMPTE DE1526 : Margueritedonneaux religieuxdu couvent de Notre-Damede Grâce lez la ville de BruxellesXClivres de XLgros ; par lettres patentesdu XXeaoût XVXXVJ pour avoir et acheterune grande verrière pour leur nouvelleéglise. XXI. — COMPTE DE1527 : AJehan Ofreinsverrier residant a Bruxelles la sommede soixantelivres du prix deXLgros a quoymad. damea faict conveniret appoincteraveclui pour unebelleet richeverriere quil a faicte et poseeau meur de lesglise du couventet monasterede Rougecloistre au bois de Soigne lez Bruxelles ystoriee du crucifiementde notre sgr et armoyeedes armesde mad. dame. XXII. — COMPTE DE1512 : Cent livres payes aux marglissiers de l'egliseNotre-Damede Halsembergheque mesdits seigneurs(Maximilien et Charles)par leurs lettres patentesdu pénultièmejour de juin XVedouze leur ont donne pour une fois pour emploiera la faconduneverriere. XXIII. — Aucurede Braynnela sommede quatrecarolusdor de XXs. pieceauquel mad. dameen a faict don pour iceulxconvertir et emploier a lachat dune belle verriere armoyeede ses armes que led cure posera en sa maison. XXIV. — COMPTE DE1521 : A CorneilleTamburch, verrier résidant à Bruxelles,la sommede LXphus d'or de XLgros monnoiede Flandre pour semblablesomme que madite dame par ses lettres patentes du a ordonné prendre et avoir delleen XIIIJejour de septembreXVcXXJ satisfactionet payementd'une verriere quelle lui a faitfaire et mettreen l'égliseSainte-Élizabethen la ville de Grave. XXV.— COMPTE DE1527: Aung verrier la sommede vingt livresdu prix de XLgros monnoie de Flandre pour son paiementdune belle et riche verriere armoyeedes armes de maditedamemise et poseeau meur de legliseparoissialedu village de Zutphen. XXVI.— COMPTE DE1525 : Aux prieur et religieux du couventdes Frères prescheursde la ville de Douaila sommede douzelivres dudit prix de XLgros ausquels maditedame en a fait don pour Dieu et en aulmosnepour les ayder a reffairelesverrieresde leur église.


SOUSCHARLES-QUINT. 51 — — DIVERS D ONS P OUR VERRIÈRES : Bruxelles. Don de XXVII. une verriereen la du Sainct-SaIIJCLX livres, pour construyre chapelle crementmiraculeux,— 17 février1556. — Comptede 1536. — Donde cent cinquanteflorinspour reffeaucunesverrieresa SaintRombaut.— Comptede 1541. — 1545. — Donde centlivres pour une verriereen legliseSaint-Jean, a Malines.— Comptede 1515. — 1546. — Donde centflorinsaux carmesde Malinespour une verriere. — Comptede 1546.


COYZEVOX ET SES OUVRAGES. Coyzevox (Charles-Antoine) naquit à Lyon, le 29 septembre 1640. Ses parents étaient d'origine espagnole, comme l'indique leur nom. Son goût pour la sculpture se manifesta dès son enfance : à peine âgé de seize ans, il fit une statue de la sainte Vierge tenant l'Enfant Jésus. Cette statue, selon d'Argenville (1), était placée dans la rue du Bat-d'Argent, vis-à-vis de la rue du Plâtre. Ce devait donc être une de ces Vierges, en pierre ou en plâtre, que la piété érigeait autrefois à l'entrée des rues, espérant sauvegarder ainsi les maisons contre le vol, l'incendie et la peste. A dix-sept ans, il vint à Paris et continua ses études de statuaire, sous la direction de Louis Lérembert, sculpteur, garde des antiques du roi, et filleul de Louis XIII. Pendant près de dix années, il aida Lérembert dans la plupart de ses travaux, particulièrement pour l'exécution en pierre des statues destinées àl'ornement des jardins du Palais-Royal, ainsi que pour la décoration des salles du Trône et d'Apollon, aux Tuileries. Il avait vingt-sept ans, lorsque le cardinal de Furstemberg le chargea, en 1667, de la décoration de son palais à Saverne (Bas-Rhin). Il y travailla quatre ans, et, en 1671, il fut appelé par Colbert à coopérer, avec les premiers artistes en tous genres, aux grands travaux que Louis XIVordonnait pour l'embellissement du château et des jardins de Versailles. Les succès qu'obtinrent alors ses différents ouvrages le firent élire membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Le jour de sa réception, le 11 avril 1676 (2), la même Académie, comme témoignage de sa haute satisfaction , le nomma adjoint à professeur; puis, le 15 février 1677, professeur. En cette même année 1677, il avait fondé, avec Thomas Blanchet, peintre lyonnais, l'École de dessin de Lyon, dont les statuts furent approuvés (1) Viesdesfameuxsculpteurs,pag.255. (2)Reçuencorele28 janvier1679.


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par l'Académie, le 15 février 1678. Le 29 avril 1690, il fut nommé adjoint à recteur; le 30 octobre 1694, recteur; le 24 juillet 1702, directeur; cette fonction durait seulement trois ans; il la remplit jusqu'au 30 juin 1705. Enfin, le 19décembre 1716, il fut nommé chancelier de l'Académie. Charles Le Brun, Mignard, Girardon et de Lafossel'avaient été avant lui. Louis XIV lui avait accordé une pension de quatre mille livres, en rappelant toutes ces récompenses académiques, dues au seul mérite du grand sculpteur. « On peut dire, a écrit Jean-Baptiste Ferme-l'Huis (1), que la gloire de Coyzevox se montra toute pure dans ces occasions, sans avoir recours à la cabale, ni aux souterrains pour engager l'autorité à soutenir des droits qu'elle laisse pour l'ordinaire très-douteux, aussi bien que le mérite qu'elle protége, quand les honneurs ne sont pas accordés par les libres suffrages. « Eh! comment ne les aurait-il pas obtenus, lui qui joignait à son habileté connue une justice admirable envers les autres, louant le bien partout où il le connaissait : poli, agréable et sûr dans la société? C'est par ces ressorts qu'il s'acquit la bienveillance de tout le monde : Louis le Grand l'honora même de la sienne, aussi bien que les princes, les ministres, le peuple et ses confrères ; ce qui lui produisit tant d'occasions d'exercer ses merveilleux talents. » Selon d'Argenville (2), Louis XIV allait, en effet, souvent voir travailler Coyzevox dans les jardins de Marly; un jour, il lui demanda s'il avait un fils sculpteur :—« Sire, répondit Coyzevox,j'ai plusieurs enfants, entre autres trois garçons qui dépensent au service deVotre Majesté ce que je puis gagner au bout de mon ciseau. » Le roi lui promit de s'occuper de leur avancement, et sans doute il lui tint parole. Pendant l'inauguration solennelle du Milon de Crotone, de (1)Élogefunèbrede M. Coyzevox, prononcéà l'Académie parFerme-l'Huis, docteurenmédecineet conseillerhonorairede l'Académie royalede peintureet le1ermars1710et mortle20février1751),p. 13et16. —Pasculpture(nommé étaitdevenul'ami ris,JacquesCollombat, 1721,in-8°de42pages.— Ferme-l'Huis de Coyzevox, aprèsl'avoirsoignédansunegravemaladie.Coyzevox, guéri,luidit unjour: " Vousm'avezrendulavieenvotremanière,je vousveuximmortaliser « en la mienne,enfaisantvotrebusteen marbre.Cequ'ilexécutaavectant de « plaisir,dit Ferme-l'Huis,quece portraitpassepourun desplusparfaitsqu'il « aitproduits.»(Élogefunèbre,p. 55.) (2) Viesdesfameuxsculpteurs, p. 259. 5


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Puget, dans les jardins de Versailles, en 4685, Coyzevox eut même l'honneur d'être placé, avec Le Brun et Girardon, près de Louis XIV (1). Feu Duchesne aîné, le savant conservateur des estampes de la Bibliothèque nationale, raconte, dans une note de l'Éloge historique de Pierre Puget (2), cette anecdote curieuse concernant Coyzevox et l'auteur du Milon : « Coyzevox, désirant voir l'atelier de Pierre Puget, s'y fit conduire sous un nom emprunté ; mais pendant la visite, son ami l'ayant appelé par son vrai nom, le sculpteur.provençal vint à lui, et le poussant vers la porte, lui dit : — Eh! quoi, M. Coyzevox, un habile homme comme vous vient voir un ignorant comme moi ? » Coyseyox atteignit un âge très-avancé, et la vieillesse ne diminua point la hardiesse de son ébauchoir; mais il ne travaillait plus avec la même assiduité, et consacrait une partie de ses loisirs à des pratiques de dévotion. « Quoiqu'il considérât son travail ordinaire comme un moyen de s'acquitter de quelque chose envers Dieu, raconte Ferme-l'Huis (3), il lui demandait la grâce de le mieux servir que ceux qui n'étaient capables que de lui donner des récompenses périssables. Ceux qui n'auront pas eu occasion de juger de ces choses pendant le cours de sa vie, auraient pu s'en convaincre en le voyant, près d'un an, lutter jusqu'à sa mort contre de cruelles souffrances par lesquelles Dieu acheva d'éprouver sa patience à l'âge de quatre-vingts ans; «Dans les derniers moments de sa vie, sa souffrance augmenta par le reflux d'une humeur dévorante dans la poitrine, qui, selon son expression, lui séparait les muscles et les os les uns des autres, sans troubler jamais sa tranquillité d'âme. Dans cette disposition il souhaita se fortifier encore une fois en recevant JésusChrist en viatique. Il le reçut en effet, quelques heures avant sa mort, avec les démonstrations de la foi la plus vive... On lui demanda comment il se trouvait : — Je suis bien, répondit-il en élevant ses yeux et ses mains au ciel, j'entre dans la paix et la tranquillité. Alors ses yeux se fermèrent... » Il mourut le 10 octobre 1720 et-fut enterré dans l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, à Paris, où deux grands sculpteurs, (1)Del'Artstatuaire,parEméric-David, p. 455. (2)Publiéà Paris,en1807. (5)Élogefunèbre,p. 57, 58et 40.


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53 Jacques Sarrazin et Martin Desjardins, avaient été inhumés avant lui, l'un le 5 décembre 1660, et l'autre le 2 mai 1694. Il demeurait au Louvre, sous la grande galerie. On lit dans le brevet royal, daté du 27 septembre 1698 : « Bien informé de l'expérience que Antoine Coisuox, sculpteur, s'est acquise' dans son art dont il a donné des preuves par les ouvrages qu'il a faits pour le service de Sa Majesté, et voulant, en cette considération, le traiter favorablement., Sa Majesté lui a accordé le logement qu'occupait Etienne Baudet. » Avant cette époque, il avait eu son atelier aux Gobelins, et un autre atelier, où il travaillait à la statue de Louis XIV, près de l'hôpital de la Pitié. Coyzevox avait exécuté lui-même son buste en marbre, qui figure, depuisquelques mois, dans la Galerie de sculpture moderne, au Louvre, et qui ne paraît pas avoir été gravé. Au Musée des monuments français, on voyait aussi un autre buste de Coyzevox, n° 389, par Jean-Louis Lemoyne, son élève. Plusieurs peintres ont fait des portraits de Coyzevox : François Jouvenet, pour sa réception à l'Académie, le 27 juin 1701; Gilles Allou, également pour sa réception à l'Académie, le 27 juin 1711; ce dernier portrait est aujourd'hui à Versailles. Enfin, Hyacinthe Rigaud exposa, au Salon de 1704, un portrait de Coyzevox,que Jean Audran grava, en 1708, format in-folio(1), pour sa réception à l'Académie; on en trouve, dans la collection Odieuvre, une réduction, gravée par Nicolas-Gabriel Dupuis. Coyzevoxfut le créateur d'une école qui triompha, au commencement du XVIIIe siècle, par l'activité, la persévérance et le talent de ses neveux, Nicolas et Guillaume Coustou, ses deux plus illustres élèves, dont la réputation augmenta encore après sa mort. Outre les Coustou, il faut citer parmi les statuaires éminents qui sortirent de l'atelier de Coyzevox : Jean-Louis Lemoyne, père de Jean-Baptiste Lemoyne; Jean Thierry, sculpteur de Philippe V, roi d'Espagne; Jean Coudray, mort à Dresde, premier sculpteur du roi de Prusse, et Jean Joly, le moins connu de tous. Le style de Coyzevoxprocède de la dernière période de la Renaissance. Peu préoccupé du Beau idéal antique, comme disaient les littérateurs du XVIIesiècle, Coyzevox lui avait substitué le Vrai idéal, pris exclusivement dans la nature qui offre à l'artiste duMusée,n° 1752. (1)Calcographie


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tout ce qu'il lui faut, comme moyen, pour rendre son sentiment. Ses oeuvres manquent souvent d'élévation et même de distinction, mais elles intéressent par le sujet et touchent par l'expression. Le philosophe Socrate, qui était aussi statuaire, disait : « Rien n'est beau que ce qui est bon; » et Joseph de Maistre (1), développant cette pensée, a écrit : « L'erreur la plus faite pour éteindre le véritable sentiment du beau est celle qui confond ce qui plaît et ce qui est beau, ou, en d'autres termes, ce qui plaît aux sens et ce qui plaît à l'intelligence... Le beau, dans tous les genres imaginables, est ce qui plaît à la vertu éclairée. » Coyzevox semble avoir toujours travaillé d'après ces principes de la philosophie de l'art. Toutes ses statues, même celles qui sont nues ou peu vêtues, sont chastes par le sujet comme par l'exécution; il se respectait lui-même, en respectant la dignité de son art: « Un sculpteur, ainsi qu'un écrivain, est louable ou répréhensible, selon que les sujets qu'il traite sont honnêtes ou licencieux (2). » Il s'en fallait que Coysevox fût un artiste grossier et illettré ; la fréquentation des gens de cour l'avait, en quelque sorte, façonné et poli; il avait, d'ailleurs, perfectionné lui-même, par la lecture, son éducation incomplète, et il était devenu ce qu'on appelait alors un honnête homme, pour caractériser le savoir-vivre et la politesse d'un homme du monde. « Dans l'étude des lettres, dit Ferme-l'Huis, il ne laissa pas, avec un bon sens naturel, de cultiver beaucoup son esprit et d'acquérir des manières de s'énoncer, naïves, polies et spirituelles, exemptes de toute sorte d'affectation. » Les statues de Coyzevox sont si heureusement mouvementées, leurs principaux plans sont toujours déterminés si franchement, leurs masses d'ombres toujours si bien combinées, que les silhouettes de ces statues expriment clairement, même de fort loin, sur le ciel ou sur un fond d'arbres, l'action que l'artiste a voulu représenter. La disposition des draperies, dans ses ouvrages, ne fait qu'accentuer et les plans et les lignes, sans jamais paralyser le mouvement ni déguiser l'action. Une partie de ces qualités prouve peut-être le soin qu'il avait de ne jamais commencer d'esquisse avant de savoir quelle était la deBacon.Édit.deParis,1856,t. II,p.294. (1)Examendela philosophie surla sculpture,t. Ier,p. 5. (2) EtienneFalconet,Réflexions


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destination de son oeuvre en marbre, en pierre ou en bronze. Il allait d'abord voir l'endroit où serait mis le modèle qu'il devait exécuter; il étudiait ainsi les effets de lumière et d'ombre, il calculait le résultat de la perspective, il se rendait compte des avantages qu'il pouvait tirer de la matière même qui lui était imposée ; en un mot, il appropriait merveilleusement l'objet à son emploi et à sa place. Ses bustes en marbre sont fièrement posés ou gracieusement ajustés; tous sont beaux, quelques-uns admirables ; ce qui justifie cet ingénieux rapprochement que nous trouvons dans l'Éloge funèbre : « On peut dire qu'il a été le Van Dyck de la sculpture. » On peut dire aussi que son talent fut inspiré, dirigé et comme formé par Louis XIV, qui encourageait les artistes avec munificence et offrait à ses sujets l'exemple de la considération « que l'homme le plus puissant doit au savoir et au génie (1). » « L'amour de la gloire, dit Pétrone, a existé dans les artistes tant que les peuples et les rois ont honoré les arts; quand l'amour de l'argent chassa ce respect du coeur des hommes, les artistes eux-mêmes déchurent. Que nos artistes conservent donc ces sentiments désintéressés, qui font la moralité du talent et en assurent la gloire : une honorable considération est l'encouragement le plus efficaceet la plus précieuse récompense qu'ils puissent obtenir. L'amour de l'or fait faire beaucoup de choses difficiles; l'amour de l'art produit seul les chefs-d'oeuvre (2). »

CATALOGUE. DES OUVRAGES DE COYZEVOX. OUVRAGES EXÉCUTÉS POURLECHATEAU DEVERSAILLES, LouisXIV,busteen marbre; autrefoisdans le grand escalier,près des grands trophées d'armes; aujourd'hui, dans les Galeries historiques, n° 577, sous le vestibulede l'escalierde marbre. Gravé par Surugue; calcographiedu Musée,n° 1265. LesArmesdeFrance et de Navarre, bas-reliefen bronze, exécuté sur tes dessinsde Ch. Le Brun, pour le grand escalierde Versailles.Gravé par Surugue; calcographiedu Musée,n° 1266. (1) Del'Art statuaire,par Eméric-David, p. 455. : Del'étatdesbeaux-artsenFranceet duSalonde 1810. (2) M.Guizot


COYZEVOX ET SESOUVRAGES. 58 Deux grands Trophéesd'armesà la gloire deMinerveet d'Hercule,eh bronzedoré; dansle grand escalier.Gravéspar Surugue;calcographiedu Musée,n°s1267et 1268. LouisXIV,âgé de neufans, busteen marbre; dansles Galerieshistoriques, anciencabinetdes ministres, n° 565. Suivant« l'Élogefunèbre», Coyzevoxfit la moitiédes trophéeset vingttrois des enfantsplacéssur la cornichedela grandegaleriedeLouisXIV. Piganiolde la Force (Nouvelledescriptionde Versailles,9e édit., t. Ier, pages 171et 172) dit : «'On remarque en entrant dans ce salon.(celui de la Guerre)un grand bas-reliefovale,qui a douzepiedsde haut, et est dans une bordure dé marbre. Il est soutenu par le chambranled'une cheminéefeinte, et représenteLouis le Grandà cheval.Deux-captifsliés avec des festons de fleurs aux côtés de l'ovale,sont assis au haut du chambranle.Au dessusde la bordure; l'on voit une couronne royale et deuxRenomméesqui tiennentdes trompettes. Dansl'ouverturefeintede cette cheminée,est un autre bas-reliefqui représenteune femmeassise, qui écrit l'histoire de Louis.leGrandet qui est accompagnéede plusieurs enfantsailés, ou génies.Tous ces ornementssont dorés. Ce grand morceau de sculpturen'est encorequ'un modèlefait par Desjardins(Vanden Bogaert,connu sous le nom de Martin Desjardins). Il y a longtemps qu'on travailleà l'exécuter en marbre; et si l'on juge de l'ouvrage par l'excellencedes sculpteursqui y ont travaillé,ce sera sans doute quelque chose de parfait; car ce sont Antoine Coyzevox,Nicolas Coustou et GuillaumeCoustou,qui ont successivementmis la main à ce bas-relief, qui n'est pas encore en place, ni mêmeentièrementfini (année1764). » L'Abondance réparantlesmauxcauséspar la Famine,groupeen pierre. L'Abondanceest assise, tenantd'une main une corne rempliede fleurs et de fruits; de l'autre main, une grappe de raisin. Ce groupe fut payé2,000 livres et posé, en 1680, à la deuxièmegrille de la grande cour du château. Gravé par Simon Thomassin, n° 71 de son recueil de statues, groupes et vases du château de Versailles; in-4°, publié à La Haye en 1724. Sur les cornichesqui règnentle long de la balustradedel'ancienchâteau, autour dela courde marbre, il y a dix-huitstatues en pierre, dont deux, selonPiganiolde La Force, sontd'AntoineCoyzevox: la première, placée à l'aile gauche,représentela Force,vêtued'une peau delion, soutenant d'une main la base d'une colonne,et portant de l'autre main un rameau d'olivier; la seconde,à l'aile droite, représentela Justice, tenant l'épée et la balance. Dans «l'Éloge funèbre», on attribue par erreur à Coyzevoxquatre autres de ces statues. Vaseen marbre (hauteur 2m,28), orné de bas-reliefs représentant: la Victoireremportéesur les Turcs par les armesde LouisXIVen 1664, et la Réparationquel'Espagnefità la France à l'occasiondel'insulteadressée


COYZEVOX ET SES OUVRAGES. 59 au comte de l'Estrade. Dans le parc, à l'angle du perron de l'ancien appartementdu régent. Gravépar S. Thomassin,pl. 205, sous le titre, leSecoursde Hongrie. Nymphe,dite Vénusà la Coquille,copie en marbre, d'après l'antique qui était autrefoisà la villa Borghèse,et qui est aujourd'hui au Louvre, salle des Cariatides, n° 686. Dans le parc. Gravéepar S. Thomassin, pi. 47. Vénusde Médicis,copie en marbre, faiteen 1696. Dansle fer à cheval du parc. Gravéepar S. Thomassin,pl. 59. Vénusaccroupie,copieen marbre,faite en 1686, d'après l'antiquede la villaBorghèse.Gravéepar S. Thomassin,pl. .45. La Garonne,groupeen bronze, fondu par les frères Keller,en 1688. Dansle parterre d'eau. Gravépar S. Thomassin,pl. 158. La Dordogne,groupe en bronze, fondu par les frères.Keller, en 1688. Dansle parterre d'eau.Gravépar S. Thomassin,pl. 159. Lesmodèlesde la Garonneet dela Dordogneont étéfaits par Coyzevox en 1686. Castoret Pollux, groupe en marbre, copié,d'après l'antique en 1712. Dans le fer à chevaldu parc. LesJeux et les Amours,représentéssous la figurede petits enfants, en quatorze bas-reliefs triangulaires, en marbre, pour sept des arcades de la colonnadequi entoure le groupede l'Enlèvement de Proserpine,exécuté, par François Girardon. Un Esclave,groupe.placédansun bosquet. L'esclaveest attachéà des trophées; au-dessusest la France triomphante,par Jean-BaptisteTuby, et de l'autre côté, un autre esclave, par. ce même Tuby. Gravé par S. Thomassin,pl. 129. L'Espagne,statueen bronze doré, placée à l'Arc de Triomphe en regard de la statuede la France, par J.-B. Tuby. La Gloire,statueen plombdoré, entouréede trophées.Modeléed'après les dessins de CharlesLe Brun, et placée à la fontainedela Gloire.Selon Piganiolde La Force, Coyzevoxestl'auteur dece monument,que S. Thomassin,pl. 151de son recueil, attribueà Pierre Mazeline. OUVRAGES RÉUNIS AVERSAILLES DEPUIS 1855. Françoisd'Argouges,premierprésident au parlementde Bretagne,médaillonen marbre. Galerieshistoriquesde Versailles,n° 449. Autrefois, ce médaillonétait soutenu par la Justice, statue en marbre. Ayant1795, à Paris, dans l'égliseSaint-Paul,près la porte du choeur. Nous ignorons cequ'est devenuela statue de la Justice. Le monument,dans sonintégrité,a fait partie du Muséedes monuments français,n° 527.


40 COYZEVOX ET SES OUVRAGES. du cardinal Mausolée Mazarin.Le cardinalest à genoux,sur un tombeau en marbre noir; près de lui, un ange,symbolisantses fondations: enfaveurdes écoliers, tient un trophée d'armes.La.statuede Mazarin:et l'ange, en marbre, ont fait partie des Galerieshistoriquesde Versailles, n° 559. Avant1795, ce monumentétait dans la chapelle du collègeMazarin, laquellesert maintenantaux séancespubliques des cinq classesde l'Institut de France. M. AlexandreLe Noir le recueillitdans le Muséedes monumentsfrançais, n° 187 (voir la description du Musée des monumentsfrançais,t. 5e, pag. 84).Il y avait encore,autour du tombeau,trois statues assises, en bronze, de 2m,00 de proportion, représentant: la et.la Fidélité; et sous l'arcadeplein cintre, dansle Prudence,l'Abondance mur, derrièrela statuedu cardinal,un bas-reliefen marbre,représentant ses armoiriessoutenues,par la Religionet la Charité.On lit sur les trois statues : A. Coyzevox,1692. : Tout ce monumentest aujourd'hui dans les Galeries de la sculpture moderne,au Louvre.Gravépar A. Aveline,pour la Descriptionde Paris, par Piganiolde LaForce, t. 8, pag. 224, et dansle 5evol. du Muséedes monumentsfrançais. Turenne,buste en marbre, exposéau Salon de 1704, placéplus tard au Muséedes monumentsfrançais,n° 282. Aujourd'hui,Galerieshistoriques, n° 597. Jean-BaptisteColbert,buste en marbre, exécutévers 1675; il a été au Muséedes monumentsfrançais; n° 285; il est maintenantdans les Galeries historiques, n° 424. Le Grand Condé,buste en marbre, exposé:auSalonde 1704.De 1795 à 1816, il fut au Muséedesmonumentsfrançais, n° 286. Depuisl'année 1855, il estdansles Galerieshistoriques, n°589. Vauban,buste en marbre, exposéau Salonde 1704; aujourd'hui,Galeries historiques, n° 441. 'Robertde Cotte,buste en marbre, exposéau Salonde 1704; autrefois dansla bibliothèquede l'abbayede Sainte-Geneviève. Depuis1855, dans les Galerieshistoriques. Le grandDauphin(Louisde France), fils aîné de Louis XIV, buste en marbre, exécutévers 1675, exposé au Salon de 1699. Galerieshistoriques, n° 476. LouisXIV,buste en bronze, exposéau Salon de 1699. C'est probablement le mêmequ'on a placé dans les Galerieshistoriques, n° 572, chambre du lit de Louis XIV.Le livret des Galerieshistoriques le désigne comme« buste du temps. » Cebuste étaitau dépôt de Nesles,avant de figurer au Muséedes monumentsfrançais,n°.267. La duchessede Bourgogne(Marie-Adélaïde de Savoie),buste en marbre, exécutéen 1708. Galerieshistoriques, n° 501.


COYZEVOX ET SES OUVRAGES. 41 Henri de Fourcy, comte de Chessy, prévôt des marchandsà Paris, médaillonen marbre, soutenu par une figureallégorique.Provenant du piédestalde la statuede LouisXIV, érigée dansla cour del'hôtel de ville deParis. Achetépar AlexandreLe Noir au marbrier Vallin,et conservé au Muséedes monumentsfrançais.Aujourd'hui,dansles Galerieshistoriques, n° 450. AULOUVRE, GALERIE D'ANGOULÊME, Muséede la sculpturemoderne. La duchessede Bourgogne(Marie-Adélaïde de Savoie),enDianechasseresse, traversant un bois avecun chien près d'elle; statue en marbre, exécutéeen 1710, et placée alors chez le duc d'Antin,au château de Petit-Bourg; depuis1855jusqu'au moisde juillet 1850, elle a figurédans les Galeries historiques, n° 500. Aujourd'hui,elle est déposéedans la Galeried'Angoulême,au Louvre. Sur la face principalede la plinthede la statue, onlit : Marie-Adélaïde de Savoie,Duchessede Bourgogne,MDCCX. Et sur l'autre côtéde la plinthe : A. Coyzevox.1710. ad vivum. Louis.XIV,statue à genoux, en marbre, terminée en 1715, et placée alors dansle sanctuairede Notre-Damede Paris, côtéde l'Évangile,pour l'accomplissementdu voeude Louis XIII..De 1792 à 1816, elle passa au Muséedes monumentsfrançais, n° 215. En 1816, elle fut restituée.à Notre-Dame,ainsi que la statue de Louis XIII, de GuillaumeCoustou. En 1855,onles enlevatoutes deux, pour lestransférerdansla chapelledu châteaude Versailles.Vers 1849, on les ramenaà Paris, où elles sont aujourd'huidans la Galeriede la sculpture moderne.Peut-être serontellesrendues encoreune fois à la cathédrale, sur la demandedu chapitre et de la ville de Paris. On n'enrichit pas les musées en dévastantles églises. La Cour ne fut pas contentede cette statue de Coyzevox,et, en 1755, le duc d'Antin, surintendantdes bâtiments,ordonnaà EdmeBouchardon d'en faireune autre pour la remplacer.Le comtede Caylus, danssa Vie de Bouchardon,page 57, dit : «Bouchardon n'en a fait que le modèleen grandet terminé.Commeil se disposaità l'exécuteren marbre,l'ouvrage fut suspendupour des raisons que j'ignore, et n'a point été exécutédans la suite, à la grande satisfactionde Bouchardon,qui n'y travaillait qu'à regret, et qui fut très-content d'être soulagé d'un ouvrage aussi périlleux. ». Le cardinalde Richelieu,buste en marbre. De1792 à 1816, il étaitau Muséedes monumentsfrançais,n° 276; il est aujourd'hui dansla Galerie d'Angoulôme,n° 55.


42 COYZEVOX ET SESOUVRAGES. LecardinalMazarin,buste en marbre. Muséedes monumentsfrançais, n° 280. Aujourd'hui,Galeried'Angoulême,n° 16. AntoineCoyzevox, buste en marbre. Sur le piédoucheon lit : « Buste de Charles-AntoineCoyzevox,fait par lui-même.» Cebustea été léguéà l'Académiepar le petit-neveude Coyzevox, l'architecteCoustou. Fénélon, busteen marbre. Galeried'Angoulême,n° 22. Dumontavait venducebusteà AlexandreLe Noir, pour le Muséedes monumentsfrançais, où il porta len° 490. Bossuet,buste en marbre.Galeried'Angoulême,n° 29. Vendu par Balleux au Muséedes monumentsfrançais, où il fut placé,jusqu'en 1816, sous le n° 311. LouisXIV,en buste, bas-reliefen marbre. Galeried'Angoulême,n° 44. Vendupar Vallin,marbrier, à AlexandreLe Noir. Cemédaillonprovient, peut-être, du piédestalde la statue érigée dansla cour de l'hôtel de ville de Paris. Il était, en 1805, au Muséedes monumentsfrançais,n° 262. Marie-Thérèse d'Autriche,en buste, bas-reliefen marbre. Galeried'An-. goulême,n° 54. Ce médaillonprovient,commele précédent, de l'hôtelde ville de Paris. Il était, en 1805, au Musée des monumentsfrançais, n°262. DESTABLEAUX DEL'ÉCOLE AULOUVRE, GALERIE FRANÇAISE. CharlesLe Brun, buste en marbre (hauteur 0,89), d'un bel aspect, d'une expressionsuperbeet intelligente,d'uneexécutionfine et francheà la fois. La perruque esttravailléeavecbeaucoupde goût et dehardiesse. Cebuste, signé et daté 1679, fut l'hommagede Coyzevoxà l'Académie, qui l'installadans son palais. DANS LEJARDIN DESTUILERIES. La Renomméeet le Mercure,statues équestres, en marbre, exécutées en 1701et 1702 (en deux annéeset quelquesmois). Elles figurèrentprimitivementdansles jardins de Marly etne furent poséesà la grandegrille des Tuileries que le 7 janvier 1719. Les piédestauxqu'elles laissèrent inoccupésà Marly reçurent, en 1745, les fameuxgroupes dits Chevaux de Marly,par GuillaumeCoustou,neveuet élèvede Coyzevox,transférés depuisà l'entréedes Champs-Elysées. Dansles oeuvresd'EtienneFalconeton lit (1) : «A propos de statues « de chevaux,on trouveau quatorzièmetomede l'Encyclopédie,p. 850, « que lesdeux groupesde chevauxde marbre, par Coyzevox,qui sont au « pont-tournantdes Tuileries,souffriraientpeut-êtrela comparaison avecle (1) ÉditiondeParis, tomeIII,p.144.


COYZEVOX ET SESOUVRAGES. 45 « MarcusCurtiusdu cavalierBernin, qui est à Versailles.Il faut le lire « pour le croire; et quand on l'a lu, on ne comprendpas "encoreque « dans Paris, au milieude nos artistes, on puisse produire un semblable «jugement.Quen'interrogeait-onle moindreélèvedans nos ateliers? Il «eût répondu: les groupes de Coyzevoxsont beaux, hardis, un peu « maniérés; mais le.Curtiusde Bernin est, surtout pour le"cheval,une " des plus mauvaisesproductionsqu'on puisse voir eu sculpture; mais « qu'il faut pourtant le regarder,à quelqueségards, commeledélired'un « très-habileartiste. » Après l'opiniond'un sculpteur, voicicelled'un peintre, Dandré-Bardon (1) : « Avecquel art Coyzevoxn'a-t-il pas rendu les ajustementsdu « Mercureet de la Renommée? Les portions de leurs draperies, qui sont « exposéesà l'agitationde l'air, en suiventles impressionsavecune légè« reté qui semblecontredirele marbre. Unciseau délicaten a supprimé « toutes ces cassures mutiles, qui loin d'enrichir l'étoffelui donnentun « air de rocher. » Cet effetdes draperies que signaleDandré-Bardon, vientde ce qu'en mannequinant, Coyzevox,pour éviterla lourdeur et la rondeurdes plis, a substituéle papier de soie à la grosse toile qu'on employaithabituellement.Ses draperies ne sont plates et cassantes que dans ses derniers ouvrages; car d'abordil ne seservait pas de papierdesoie.Les sculpteurs, vers 1780, ont repris pour les mannequinsla toile ou la laine. Le Faune,jouant de la flûte; derrièrelui est un jeune satyre. Groupe en marbre, placé à un des angles des petits fossés, près de la grille de la rue de Rivoli. L'Hamadryadeassise; derrière elle est un enfant. Groupeen marbre, placéà la suite du précédent. La Floreassise,admirantune guirlandede fleurs.Groupeen marbre, qui porte, outre la signature de l'artiste, la datede 1710. Placé sur la même ligneque l'Hamadryade,à la hauteur du pavillonde l'horloge. Ces trois groupes sont bien exécutés; ils peuvent être vus de tous les côtés,parce que la compositionest entièrementronde-bosse; les lignes ensont heureuseset variées; le modeléest remarquable,et le style vrai, maisquelquefoisun peu trivial. Ces trois morceauxavaientété commandéspour la décorationdesjardins de Marly.Avant1721, ils furent posés dansle jardin des Tuileries,sur la terrasse, devantle château; le Faune estresté à la mêmeplace, mais l'Hamadryadeet la Flore furent portées plus en avant, lors de la constructiondes fossés, en 1855. (1)Essaisurla sculpture,p. 29.


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COYZEVOX ET SES OUVRAGES. DANS LE LOCAL DEL'ACADÉMIE. OUVRAGE QUIETAIT PLACE

Le ducd'Antin,busteen marbre, de 5 pieds de haut. J'ignorece qu'est devenuce buste. OUVRAGES EXÉCUTÉS POUR LESJARDINS DEMARLY, et quifurentperdus oudétruitspendant la Révolution. Auxdeux extrémitésde la rivière : quatre groupes, selon Piganiolde La Force, deux en haut et deux enbas. Piganiolest le seul auteur qui ait décrit le 5eet le 4e groupes. Furent-ils exécutésen marbre? On peut en douter, 1ergroupe : La Seine,représentéepar un hommetenantà la main un aviron, et accompagnéd'un enfantqui montreles armes du roi. 2e groupe: La Marne,représentéepar une femme: devantelle, un enfant tient une urne renversée; derrière elle, un autre enfant porte des raisins; un troisièmeenfantverse l'eaude son urne. 3e groupe : Amphitriteassise sur une coquille; près d'elle, un enfant tenant une corne d'Abondance,et derrière, deuxenfantset un poisson. 4e groupe : Neptunesur un cheval marin, chassant un monstre qui s'enfuit,épouvanté;derrièrelui, un triton soufflantdansune conque. DANS LEJARDIN DESAINT-CLOUD. Le Rhône, statue colossale, en marbre; dans la 2e partie du tapis des trois bouillons. DANS LEPARC DUCHATEAU DESCEAUX. UnFleuvegroupéavecun enfant. DANS LECHATEAU DECHANTILLY. Le GrandCondé,entouré d'attributs rappelantses victoires; statueen marbre. L'HÔTEL DEVILLE. A.PARIS,DANS LouisXIV, statueen bronze,de 2m50de haut, terminéeen 1689,posée la mêmeannée, le 14 juillet, dans la cour del'Hôtelde ville, sur un piédestal en marbre blanc. Les faces portaient deux inscriptions et deux bas-reliefs.


COYZEVOX ET SES OUVRAGES. 45 Le 1erbas-reliefreprésentait la Piété royale, distribuant du pain pendantla disettede 1662. Le 2e représentaitla Révocationde l'édit de Nantesen 1683, exprimée par la Religiontriomphantde l'Hérésie;la foudrede l'Angetutélaire de la France était composéede fleurs de lys et de rayons de soleil. Onne sait ce que sont devenusces deux bas-reliefs. Pendant la Révolution,on enlevala statue pour la déposerdans la fonderie du faubourgdu Roule, où ellefut mutilée, mais nonfonduecomme le dit AlexandreLe Noir. En 1816, ellefut restaurée et rétablieà son ancienneplace; elle y est encoreaujourd'hui; maisdepuis février1848jusde 1830, elle avaitété entouréede planchesformant qu'au commencement une caissepour la cacheraux yeux, de peur que cettefigure de roi n'excitât quelquesusceptibilitéombrageuse. Cettebelle statue de Coyzevoxavait remplacé un. mauvais groupeen marbre, posé le 25 juin 1634, lequelreprésentait Louis XIV, encore jeune, foulant aux pieds la Fronde,symboliséepar un soldat renversé, dont la lance était brisée, et qui portait un rat (1) sur son casque; ce dernier groupe,qui a figuréau Muséedesmonumentsfrançais, est attribué par AlexandreLe Noir à Jacques Sarrazin; mais malgré la juste autoritéde ce savant archéologue,j'affirmequ'il est de GillesGuérin, Parisienet élèvede Sarrazin. Guérin a été souventle praticien de son maître, notammentpour deux des cariatides colossalesdu pavillonde l'horlogedela cour duLouvre; en définitive,cet ouvrageest fortmédiocre et indigne de la réputation de Jacques Sarrazin. Le 50 janvier 1687, LouisXIV,qui allait dîner à l'Hôtelde ville,dit en entrant dans la cour : " Otezcettefigure, ellen'est plus de saison. » La nuit même, le groupe fut enlevéet donné par le roi à de Fourcy, prévôtdes marchands, qui le fît placer dansle jardin de son châteauà Chessy. LouisXIV,petit modèledela statue dela cour del'Hôtelde ville; bronze de 0m34de haut. Avant 1802, on le voyaitau Muséedes monumentsfrançais, n° 240. La 6eédition de la Descriptionde ce Muséeannonce que « cette petite statue fut volée,un jour d'expositionpublique. » A PARIS,DANS L'ÉGLISE DESINVALIDES. Saint Charlemagne,statue en marbre, de 5m60de haut; placée à la façade extérieuredu côté des boulevards; elle fut exposéeau Muséedes monumentsfrançais, n° 210. La Justice, — la Tempérance,— la Prudenceet la Force, — statues en pierre, placées au-dessus du Charlemagne,au-devantdes pilastres de l'attique. sousLouisXIV). (1) Unchat (selonSainctot,maîtredescérémonies


46 COYZEVOX ET SESOUVRAGES. Saint GrégoiredeNazianzeetSaint Athanase,.statuesen pierre, placées à la hauteur de l'attique. UnAnge tenantuncasque,bas-reliefplacé au-dessus de la porte SaintAugustin,sous le dômede l'église. A PARIS,DANS SAINT-EUSTACHE. L'ÉGLISE Autombeaude Jean-BaptisteColbert, exécuté d'après les dessins de CharlesLe Brun, il y a deuxstatues en marbre, de Coyzevox: la premièreest cellede Colbertà genoux,vêtu des habits de l'ordre du SaintEsprit; la deuxièmereprésente l'Abondance.Jean-Baptiste Tuby avait exécutéla statue de la Religion, qui fait pendant à l'Abondance;ainsi qu'unAngesoutenantun livreouvertdevantColbert.Cemonument,moins l'ange, détruit en 1795, fut conservéau Muséedes monumentsfrançais, n° 200,jusqu'en 1816,époqueà laquelleil fut rendu à Saint-Eustache. A PARIS,DANS L'ÉGLISE SAINT-ROCH. AndréLe Nostre,buste en marbre, placé dans le monumentélevé à sa mémoire;ce buste a figuré, jusqu'en 1816, au Muséedes monuments français, n° 296. A PARIS,DANS L'ÉGLISE SAINT-NICOLAS DUCHARDONNET. CharlesLe Brun,buste en marbre, au bas de la pyramidequi surmonte le tombeaude ce peintre, dans la chapelle Saint-Charles; le buste était autrefois accompagnéde deux génies tenant des flambeauxrenversés: au-dessous,deux statues assises, en marbre, d'un relief saillant, sur le stylobateen marbrede couleur. La première de ces statues a les attributs de la Scienceet de laPeinture; la deuxième,regardantle bustedeLe Brun, tient un templedansla main, pour exprimer la Piété; la proportionde cesouvragesest de 2m,00.Cetombeau,qui a fait partie du Musée des monumentsfrançais, n°205, futremis.à son ancienneplace en 1816. Gravédans le Voyagepittoresquede Paris, par d'Argenville,6e édition, p. 264.

A PARIS,DANS LABIBLIOTHÈQUE DEL'ABBAYE DESAINTE-GENEVIÈVE. Le chancelierLe Tellier,buste en marbre. Coyzevoxavait exécutéquatre bustes du chancelierLe Tellier; trois sont perdus. Le Tellier,archevêquede Reims,buste en marbre.


COYZEVOX ET SES OUVRAGES.

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A PARIS,DANS L'ÉGLISE DEL'ABBAYE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS. JacquesO RourskeCousen, petit-fils de Guillaume.Dowglas, statue couchée,en marbre. au tombeaudu princeFerdinandde Dansla chapelleSainte-Marguerite, s a statueexécutée en stuc dont quelquesparties sontdorées. Furstemberg, A PARIS,DANS L'ÉGLISE rue Saint-Antoine. SAINT-PAUL, La SainteVierge,statue en marbre, qu'AlexandreLe Noir attribueà Coyzevox.Je ne sais d'après quel documentil fonde cette opinion.Le siècle. D'Argenvilleet Pigastyleest celuide la premièremoitiédu XVIIe niolde La Force n'en parlentpoint. Cettestatue, provenantdel'ancienne église Saint-Paul, démolie depuis quarante ans, figura au Muséedes monumentsfrançais,n° 518,jusqu'en 1805. Depuiscette époque,elleest placéeà droitedu choeur,près dela porte de la sacristie. OUVRAGES PLACÉS AUMUSÉE DESMONUMENTS AUTREFOIS FRANÇAIS, et perdus aujourd'hui. Jules-HardouinMansard, médaillonen marbre, qu'on voyait sur son monument,placé dans l'ancienneéglise Saint-Paul, sur le pilier attenant à la chapelle de.la communion.Cemédaillonfut exposéau Muséedes monumentsfrançais,n° 299. EdouardColbert,frère du ministre, médaillonen marbre, provenantde l'églisedes Minimes,à Paris. En 1816, il était au Muséedes monuments français,n° 292. Le Maréchalde Créquy, buste en marbre. Autombeaudu maréchal, placédans l'églisedesDominicainsà Paris (diteJacobinsde la rue SaintHonoré),il y avaitune statue dont les jambes et les bras furent brisés en 1795. AlexandreLe Noir sauva la tête et la moitié du torse; il en fit un buste qui était placé au Musée des monuments françaissous le n° 245. Le Géniede la Religion,agenouillésur le sarcophagedu tombeaude la femmedu chancelierd'Aligre; derrière, on voyaitune pyramide surmontéed'uneurne en bronze.Avantla révolutionde 1795, ce monument étaitplacédansle petithôpitalde.la Miséricorde,derrièrela Pitié(G.Brice, t. Il, p. 25, 5eédit,).


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COYZEVOX ET SESOUVRAGES. OUVRAGES DONT ONIGNORE LAPROVENANCE, et qui étaient au Muséedes monumentsfrançais.

JeanRacine,buste en marbre ; exposésous le n° 295, MarieSerre, mère d'HyacintheRigaud; buste en marbre, exécuté en 1706; exposésous len° 297. aujourd'hui, au Muséedu Louvre. PLACÉS DANS LESPROVINCES. OUVRAGES AUTREFOIS A LYON.— La sainte Vierge tenant l'Enfant Jésus; groupe exécuté en 1656et placéprimitivementà l'angle de larue du Bat-d'Argent,regardant la rue du Plâtre ; aujourd'hui, ce groupe ne se trouve plus dans sa niche, maisdansune des églisesde Lyon, cellede Saint-Nizier, Dansune noticesur la ville de Lyon, intitulée : Lyon tel qu'il était et tel qu'il est, par A. G***,Paris, 1797, p. 191, on lit : « L'amour de son pays enlevaun instant Coyzevoxaux succès qu'il avait dans la capitale, pour faire modestementune Viergesur une maison qui lui appartenait, à l'angled'une rue. Cettebellestatue en a été transportéedepuis, sur un autel de l'église de Saint-Nizier.» Je supposeque la statueencoreplacéedans l'égliseSaint-Nizierest une exécutionen marbre, que Coyzevoxa faite(d'après son modèlede 1656, qu'on voyait dans la rue du Bat-d'Argent) pendant les années 1676 et 1677 qu'il passa à Lyon, époque où il y fonda la fameuseÉcolede dessin de cette ville. Latradition lyonnaiseattribue cetteViergeà Coyzevox; mais d'Argenville et A. G*** ne sont pas d'accordsur la date de cet ouvrage. Espérons qu'unjour denouveauxrenseignementséclairerontce point de la biographie du célèbreLyonnais. ... A SAVERNE (Haut-Rhin).—De 1667 à 1671,Coyzevoxtravailla à la décorationdu palais du cardinalde Furstemberg.Il fit, dans le salon, sur une cornicheen stuc, pour orner les voussures, dix statues, égalementen stuc, représentantApollonet les NeufMuses.Il fit aussi pour la mêmerésidenceles Termeset d'autres statues; l'escalierétait.décoré de quatre grands Trophées; les jardins, de huit statues et vingt-quatre Termes.Les ouvrages, placésdans le jardin, étaient-ilsen pierre ou en marbre? A ROYAUMONT (Seine-et-Oise).— Dans l'églisede l'abbaye,le tombeau de Henride Lorraine, comte d'Harcourt, grand écuyer de France. Les statues en marbreavaient2m,00de proportion; le bas-relief, en bronze, représentait une bataille. — Dans le château,le tombeau,en marbre, À SÉRAN (Maine-et-Loire).


COYZEVOX ET SESOUVRAGES. 49 de Vauban; le bas-reliefreprésentaitunebataille; lesarmesdu maréchal sonten bronze. ARENNES (Ille-et-Vilaine).— LouisXIV, statue équestre,en bronze, de de 5m,00 haut, érigée en 1726, sur la.placeRoyale.Votéepar les États de Bretagneen 1685, elleavaitété fondueà Paris. Le piédestalétait orné de deuxbas-reliefsen bronze, de 2m,25de large sur 1m,50de haut; ils sont aujourd'hui dans le muséede la ville.L'un représente la Divinité des mers, assise sur un chartraîné par des chevauxmarins, entouréede naïades,de tritons et de dauphins; l'autre,selonFerme-l'Huis,représente l'Audiencedonnéepar LouisXIVà l'ambassadeurde Siam.Selond'autres historiens,il représenteune figure symboliquede la Bretagne; entourée de personnagesen costumesdu temps, offrantà LouisXIV le dessin de sastatue. L'ensemblede ce monumenta été détruit en 1795, et la statue de bronze,fondue par les démolisseurs; les bas-reliefsont seuls échappéà ladestruction. OUVRAGES DONT LAPLACE ESTRESTÉE INCONNUE. Plusieursbustes deLouisXIVà différentsâges.Quatrebustes, enmarbre, de Louvois,ministrede la guerre; Marie-Thérèse d'Autriche,femmede LouisXIV,buste en marbre, exposé au Salonde 1699. UneFemme,buste en marbre, exposéau Salonde 1699. LeChevalierde la Vallière,buste en marbre, exposéau Salonde 1704. MadamedeLa Ravois,buste en marbre, exposéau Salonde 1704. SelonFerme-l'Huis, dans l'Élogefunèbre,p. 52, Coyzevoxa faitles bustes, sans doute eh marbre: de Montausier,— de Chaulnes,— du chancelierBoucherat,— du cardinalde Bouillon,— du cardinal de Polignac,— du maréchalde Villars,— du premierprésidentde Harlay, — d'Arnaudd'Andilly,—deFerme-l'Huis. Il y avaitencoreau Muséedes monumentsfrançais : le buste du cardinal de Noailles,n° 559, une médaillonde Louis XIV, n° 528, et le médaillon,en marbre, de Jean-BaptisteLully,n°529. Que sontdevenustous ces bustes et tous ces médaillons? JEANDUSEIGNEUR.


EXPOSITION

DE TABLEAUX ET D'OBJETS

D'ART

AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. La Belgiquequi possède des monumentset des muséesextrêmement remarquables,est aussi très-riche en collectionsparticulières.Bruxelles, Anvers,Gand, Bruges, Malines,Louvain,Liége et bien d'autres villes moins importantes, et les châteauxet les villagesmême, comptentun grand nombre d'amateurs éclairés et de collectionneurspersévérants. Les Belges ont le goût des arts, et surtout le respect des arts : c'est de tradition et de culte, autant que de caractère, les arts ayant toujours été mêlés glorieusementà l'histoire du pays à travers toutes ses vicissitudes politiques. C'est par les arts que la Belgique affirmaen tout temps sa nationalité, sous les diversesdominationsétrangères. Les artistes furent ses souverainset ses princesaffectionnés.Les Flamands diraient volontiers de leur XVIIe siècle: sous le règne de Rubens, commeles Français disent : sousle règne de Louis XIV.Aussi est-ce la statuedu «GRAND PEINTRE » qui se dresse sur la plus belleplace d'Anvers, commela statuedu « GRAND ROI» à Versaillesetà Paris. Ce qu'il y a de trésors disséminésdans les collectionsplus ou moins notables,dela Belgique: tableaux,sculptures,émaux,vitraux,céramique, numismatique,curiosités de toute sorte, personnene le sait. Un jour peut-être nous ledirons. Nousaffirmonsdès à présent que quand ona vu les musées,les églises, les couvents,les bibliothèques,onn'a pas vula moitiéde la richesse artistique, religieusementconservéecommeun legs des ancêtres. C'est doncune idéetrès-heureuseet très-profitableque de rassembler dans une exhibitionpubliqueun choixd'oeuvresdistinguées,empruntées aux collectionsdes amateurs, et de faire servirle sentimentde la charité à l'étude de l'art. L'Expositionau profit des pauvres,organisée,sous le patronagede la princesseCharlotte,danslessalons del'ancienpalais du prince d'Orange, aujourd'huidu duc de Brabant, comprend deux catégoriesprincipales: les Tableauxet les Objetsd'art et de hautecuriosité. Aussile catalogue a-t-il été publié en deux brochures distinctes(1). Certainssalons ont été plus spécialementaffectésà la peinture; certains autres aux objets : 1repartie(Tableaux),in-8° de (1) Bruxelles,imprimeriede G. Stapleaux


EXPOSITIONDE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART. 51 et decuriosité. Néanmoinstout est un et ce classement d'art y peumêlé, assezcapricieux, s'il amusele regard par sa diversitééclatante,est loin de faciliterun examenattentif. L'interversiondesnumérosd'ordre ajoute encoreà la difficultédesrecherches.Maisce sont là de menuescritiques qu'on oubliebienvite devantla magnificencedes oeuvres qui captivent l'attention. — Les tableaux sont au nombrede 272, Premièrepartie. TABLEAUX. y comprisle portrait de la princesseCharlotte, d'après le portrait original, peint par M.Winterhalter. Ils ont été fournis par QUATRE-VINGTS collections,la plupartde Bruxelles,quelques-unesd'Anvers,de Louvain, de Courtrai, etc. Le Roi a envoyé6 tableaux; le prince Englebertd'Arenberg, 25, réunis dans un seul salon; le vicomteB. Dubusde Gisignies, 20; le comteR. de Cornelissen,18 ; le marquisT. de Rodes, 12; M. D. Van den Schrieck,de Louvain, 10; M. Théodore Patureau, de Chateauroux,8 ; M. Van Becelaere,8 ; lecomtede Buisseret,7 ; le comte L. de Robiano,sénateur, 6 ; M. Pillautde Fernig, 6 ; M.Berréde Haen, 6 ; le comteVilainXIIII, S ; le comteF. de Mérode, S ; le.comtede Renesse-Breidbach,5; M. G. Couteaux,5; le vicomteH. Vilain XIIII, le duc d'Ursel, le baron Vande Woestyne,d'Herzèle, le comteAlbert Van der Burch, M. Cols, père, M. Alvin,le chevalierStas, chacun4 ; la vicomtessedouairièrede Spoelberch,le comteAmédéede Beauffort,inspecteur-généraldes beaux-arts, le chevalier Camberlyn,M. Delloye-Tiberghien,le comteJ. de Baillet,M. Chapuis,M.P. J. Huybrechts,d'Anvers, M. Bock, M.J. Verheyden,un anonyme, chacun 5; le vicomtede Beughem,le baron de Secus, Mmede Schiplaeken,M. Nicaise,M. Ketelaers, lebaron Seutin, M. Hennessy,M. Goethals-Daneel,de Courtrai, l'abbé Tialans, M. Ph. Aerts, de Louvain,M. Nieuwenhuys,père, le colone baron Goethals, M. Depouhon, M. Schuster, architectedu palais, le comteArrivabene,M. Baude, M. J. Van Parys, chacun2 ; la vicomtesse de Beughem,le baron de Peuthy, le capitaineLehon, le général baron Joly, M. Fremin du Sartel, M. L. Gallait, peintre,M. Van den Berghen, M. Mosselman,lord Howardde Waldenet Seaford, ministreplénipotentiaire d'Angleterre,l'abbé Lombard, M. de Penarandade Franchimont, le comteGerard Legrelle, d'Anvers, M. Bellefroid,M. d'Heudecourt,le comteVan der Straten-Ponthoz, M. Vanden Elsken, M. Dancette, le comtede Spoelberch-Lovenjoul, lenotaireToussaint,M. Geerts, de Louvain,M. Gielen,M. Staedtler, secrétairedu duc d'Arenberg,le marquis le comteCornetde Ways-Ruart,M. Lecocq,deLoud'Arconati-Visconti, vain,M. AugusteCléry, M. Deleeuw,M. Terrade, le chevalierGrimaldi, chacun1. 98pages,y comprisun avant-propos ; 2epartie(Objetsd'artet dehautecuriosité), in-8°de128pages.Prix: 1francchacune.


52 EXPOSITIONDETABLEAUX ET D'OBJETSD'ART On voit, par cette nomenclature,que les propriétaires des principales galeries de Bruxelles y ont mis de la bonne volonté. Aussi les écoles flamandeet hollandaisesont-ellesdignementreprésentées à l'Expositiondu Palais Ducal. Rembrandt,Peeter de Hooghe,Adrienet Isaac Ostade, Adrienet WilhemVan de Velde,Metzu,Paul Potter, Hobbéma, Ruysdael, Cuyp, Jean Steen, Philippe Wouwermans,Mieris, Nicolas Berghem,Vander Heyden,Wynants,Weenix,etc.; Rubens, Van Dyck, Teniers, Brauwer, Craesbeke,etc.; voilà, avec beaucoupd'autresnoms inférieurs, pour lesHollandaiset lesFlamands.Les Italiens etles Espagnols y sont rares. De Français, il n'y a que deux Greuze, deux Pater, un Géricault, un Charlet et un LéopoldRobert, qui méritent d'être cités. L'Hobbéma,appartenantau Roi, vienten premièreligne. Qui aurait de beauxtableaux,sinonle Roi? On sait combienles Hobbémasont rares. Celui-cifaisaitle pendant du paysagevendu 72,000 fr. à la vente du baron de Mecklembourg,à Paris. Il a passé dans les collectionsde MM.Reynders,de Bruxelles,et C. W. Taylor, deLondres.C'estun Paysage de la Frise, effetd'automne,avecun harmonieuxcontrasted'ombres et de lumières:au premierplan,dansune demi-teintevigoureuse,à droite une mare, et à gauchedes terrains foncés.avecun groupede quatre ou cinq figures.De grandsarbres, qui abritent unechaumièrede bûcherons, s'élèvent sur un ciel nuageuxet mélancolique.Mais derrière ce rideau de verdure un peu sombre, des bandes de prairies, des haies et des buissons s'éclairent subitement,et cette lumièrecapricieuseglissejusqu'au fond de l'horizon. Hobbémaaime ces effetsrares et fugitifs,qui animentla nature et lui donnent, à certainesheures du jour et par certains temps, un caractère très-poétique. Son sentimentnaïf et passionné décidesa pratique,ferme et abondante.Commeil voit juste, il exprime bravement.Il peint à pleine pâte, d'unetouche large et sûre, sacrifiant volontiersles détailsmincesà l'harmoniede l'ensemble.Ces qualités se trouvent à un degré supérieur dansle paysageque nous venonsde décrire. Les autres tableauxprêtéspar le Roi sont un portrait de François Duquesnoy, par Van Dyck, le Passage du Rhin, par Nicolas Berchem, une Fêtede village,par Jean Steen, un Angelicoda Fiesoleet unAndrea del Sarto, non catalogué.. L'Andredel Sarte?... soit. Nousle voulonsbien. Il ne nous appartient pas de contredirele Roi. L'Andrédel Sarte représente la Viergeassise, tenant l'enfant Jésus, entouré d'anges.La tête de la Viergeest, comme d'habitude, le portrait de la femmedu peintre. Cetableau sembleavoir beaucoupsouffert.Il a perduune partie de ses glacis et il a subi diverses restaurations. L'AngelicodaFiesole?.... pourquoipas? Nousne voulonspas être plus affirmatifque le cataloguequi dit : « Tableauplein de suavité, dont le


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 55 sentimentnaïfse rapprochetout à faitdes traditionsbyzantines,et répond parfaitementaux pieuses inspirations qui guidaient au fond du cloître Angelicoda Fiesole, le peintre de là religion.» C'est une Madoneavec l'enfantet cinqanges, sur fond d'or, et d'une conservationqui étonne. Tous les tons francs des draperies et des chairs sont demeuréstendres etclairs commele peintreles a.posés. La peintureà l'huileavectoutes ses autres qualitésn'a, du moins, pas celle-là. Cetableauest très-capitalet antérieureà laRetrès-curieuxpourreprésenterl'époqueimmédiatement naissance. Le portrait de Duquesnoy(n°2), gravé en 1751 par P. Van Bleeck,a ledoubleintérêt d'êtrel'imaged'un des plus célèbressculpteursflamands, reproduitepar un des plus grands peintresflamands,qui est aussi un peintrede première qualité au milieu de toutes les autres écoles. Duquesnoyen buste, de trois quarts, tournéà gauche, tient dans la main une petite tête de fauneen marbre. L'exécutionen est très-correcteet très-sobre. Pointd'accessoires; la tête seule du sculpteur ressort sur un fondneutre. Le Passage du Rhin (n°3), gravépar J. J. Avril, le père, est très-vivementet très-spirituellementpeint, dans une manièrequi s'écarteun peu du style habituel de Berchem.La compositionrappelle les batailles:de Hugtenburgh,et la touchefacilecelle deVander Meulen.QuoiquelestableauxordinairesdeBerchemdanssa manièrepersonnellese ressemblent, tous un peutrop, son talent avaitune incontestablesouplesse.Il a pastiché quelquefoistrès-habilementd'autres maîtres. Quandil avaitl'honneur de faire des figuresdans les Ruysdael, il s'élevaitau ton vigoureux du grand paysagiste.D'autres fois, il est blond, et mêmepâle; souvent monotone;mais toujourstrès-adroit. La Fête de village (n°4), par Jean Steen, est une composition: assez riche, mais qui s'effacedevant les Noces de Cana (n° 148), appartenant aujourd'huiau princed'Arenberg.Cetableaucélèbre,provenantde la collectiondu ducde Berry, est incomparablement le chef-d'oeuvredu maître, et un des nombreuxchefs-d'oeuvredel'écolehollandaise.Il contientpeutêtre une centainede figures. Commeil est connu dans toute l'Europe, nous nous dispenseronsde le décrire. Le salon (F) consacréau prince d'Arenberget,où sontrassemblés ses 23 tableaux, est assurément le coeurde l'Exposition, si l'on peut ainsi dire. Outrele Jean Steen, on ycompteencore quatre tableauxde premier ordre, un Peeter de Hooghe, un Metzu, un Paul Potter, un Van der Heydenavec figuresd'AdrienVan de Velde,et le reste de belle qualité. Le Peeter de Hooghe(n°145) a le rare mérited'êtreextrêmementclair, et dans une gammede couleur moins contrastée que les autres chefsd'oeuvrede ce superbe maître qu'on peut classer immédiatementaprès Rembrandt à la tête de l'écolehollandaise.Nous ne connaissonsqu'un


54 EXPOSITION DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART seul tableau de Peeter de Hooghe,dont la scènese passe en pleinair : c'est le célèbreJeu de bouledans un jardin, lequelappartient,je crois, à une collectiond'Amsterdam,peut-être à cellede M.Van der Hoop. Le tableaudu prince d'Arenbergreprésentel'intérieurd'un salonavec une ouverturesur une cour dans laquelle s'éloigne, en pleinelumière, un gentilhommequ'onvoit de dos. Unejeune femmeestassise près d'une fenêtredans le salon, et un enfantjoue à ses pieds. Il y a encoredans cet intérieurcharmantun chienetun singe,une tableavecun riche tapis, un tableau,PerséedélivrantAndromède,et diversautres accessoires.La femmeest vêtue de velours rougeet d'hermine,l'enfant,de soie jaune-citron. Tout celas'harmonisemerveilleusementà causede la justesse et de l'abondancede l'effetlumineux. Le Gabriel Metzu (n°144) provient de la collectionde la douairière Borel. Il est fin et tendre commeles plus délicieuxouvragesde ce gracieuxmaître. C'estune jeune Hollandaiseembéguinéeet colletéede blanc, avecun corsage d'un rouge douxcommeles roses du Bengale, et un jupon gris perle; elle est assisedevant une table ornéede fleurs dans un vase, et tient un livre sur ses genoux; elle avancevers un page qui lui présenteun billet — d'amour?— son bras nu et sa petite main, d'un dessinexquis. Le fond est un jardin qu'onaperçoit à traversune arcade. Signé G. Metsu. Le Paul Porter (n°146) est tout petit; mais sa dimensionne fait rien à son importance.Il a passé dans les collectionsRandonde Boisset et LucienBonaparte;il a été gravé par Voght dans le cataloguede cette dernièregalerie, n° 19. Pour notre part, nous préféronsles petits Paul Porter aux grands, et nous ne sommespas de l'avisdes Hollandaisqui estimentà l'égalde la Rondede nuit, de Rembrandt,au muséed'Amsterdam, le célèbreTaureau, de grandeur naturelle, au musée de la Haye. Le petit tableaudu princed'Arenbergcontientquatre figures, un homme qui cause près d'une grange avecune femmetenant un enfant, et: plus loin une paysannequi trait une vache; onze animaux,dont trois en lumière au premierplan; compositiontrès-riche pour Paul Potter dont les tableaux semblentsouventun peu vides. Cettepeinture, d'une pureté remarquable, conserveencorele grain de la touche. La Vued'un quaid'Amsterdam,par Jean Van der Heyden,n'a pas la sécheressequ'on a reprochéeparfoisà certaines productionsinférieures de ce maître. L'architecturedes maisonsqui bordent le quai est fine et légère; elleest voiléepar la guipure des feuillagesd'une rangée d'arbres élégants; sur le canal, on voit deux barques:avecdes rameurs, et sur le quaiplusieursfigures,délicatementpeintespar AdrienVande Velde.Ces petits personnages,de proportionmicroscopique,feraientle désespoirde M. Meissonnierqui s'inspire souventdu spirituel maître hollandais.Il y a surtout, au détour d'une rue, bien loinà droite, un petit carrossepro-


AU PALAISDUCAL,A BRUXELLES: 55 digieux,attelé de deux gentilschevauxblancs,un peu moinsgros que des fourmis. Ce sont des tours d'adresse, familiersà Adrien Van de Velde, et que personne n'avaitexécutéscommelui; depuis les admirablesminiaturesde Hemlinget de Van Eyck dans les fondsde leurs tableaux. Il y.a aussi, appartenantau princed'Arenberg,unPaysageavecfigures et animaux,par AdrienVande Velde,bon tableau, mais un peu sombre pour lemaître; le groupeprincipal est composédedeuxvachescouchées;, de deux moutonset d'un bouc; près,d'une chaumière,une bergère assise causeavecun pâtre. - UnPaysagede Jean Both,avecfiguresd'AndréBoth; gravéà l'eau-forte,par Jean.—Une Marinede LudolfBackhuyzen,l'Approchede la tempête.-- Un Paysage avec animaux, par Nicolas Berchem.—Un excellentTeniers, très-clair, le Jeu de boules, avec sept figures.— Une Marine,au soleil couchant,par W. Vande Velde.—;Un Philippe Wouwermans,très-spirituellementpeint, Vue prise dans les dunes: gravépar Lebas et par Moireau.— Un Wynants,très-fin et trèspur,Paysageavecdeschasseursà chevalcourantle cerf.—UnpetitAdrien Ostade, de belle qualité : Bonhommesouriant, appuyé sur le:battant inférieurd'une porte, et tenantsa pipe à la main.—UnJean Van Helmont, capitaldansl'oeuvrede ce maître, et représentantune Kermesseflamande. —Un Berkheyden,Vued'un canaldans une villehollandaise.—Un Van Craesbeke,l'Atelier du peintre, tableau vigoureux,maisqui est bienloin du Craesbekefaisant le.portrait de son ami Brauwer, au muséedu Louvre. —,Un Brauwer.très-intéressant, Intérieur de tabagie,avec de nombreuses figures; on y remarque surtout un personnage:assis,à gauche, fort originalavecsabelle culotted'un vert émeraude; les fonds sont plus faibles.Le monogrammeAB se trouve sur un pilier. — UneVue del'Escaut,prise aux environsde Batz,par Jean Vande Kapelle.—Un Portrait de magistrat, par B. Van der Helst. — Le Miracledes poissons,,par Gasparde Crayer, —Le portrait de AnneMariede Camudio,épousede messireFerdinandde Boisschot,par VanDyck.—Et enfinun petitportrait de MarieAntoinette,par Koharski qui avait déjà peint, en 1780, le portrait de cette princesse; celui-cia été dessiné au Temple,après la mort de Louis XVI, et vendu,en 1805, au princed'Arenberg. Nousavonsvouludonnercompletle cataloguedes tableauxempruntés au prince d'Arenberg, dont la galerie est justement renommée.Nous sommesforcé d'aller plus. vite dans l'examendes,autres oeuvres,et de ne signalerque les principales,recommandéespar le nom des auteurs, la qualitéde l'exécution,ou la curiositédes sujets. Prenonsles Rubens. Le catalogue en mentionne14. C'est beaucoup, mêmeà Bruxelles;et, de bonne foi, il en faudrait rayer plusieurs; mais nous ne parleronspas de ceux-là,ni mêmede tous ceuxqu'on peut tenir pour authentiques. Le plus beauRubens,selonnous, est lePortrait de jeune-homme(n°il),


DE TABLEAUX EXPOSITION ET D'OBJETSD'ART à M. de La têtedu appartenant Cornelissen. personnage,vigoureusement accentuée,ressort sur une draperierouge; il porte un pourpointnoir et unefraise découpée;la main droite est appuyéesur la hanche; la main gauchetient un chapeau à plumes.Ces deux mains sont superbes. C'est de la grande manièredu peintre. Le pendant, Portrait de femmeavec des ajustementsmagnifiqueset des pierreries, n'est pas de la même force.Peut-être est-il affaiblipar quelques retouches.Maismalheureusement beaucoupde tableaux de l'Exhibition,exposés en face dujour, sont difficilesà examiner.Ces deux portraits sont gravésà l'eau-fortepar Spruyt, et,décrits dans Smith, t. II, p. 263. Lestrois Rubensdela vicomtessedouairièrede Spoelberch,peints sur panneaux,ne sont jamais sortis de cettefamille,Les nosS et.6 sont les portraits de Pierre Van Heckeet de sa femmeClaire Forment,soeurde la secondefemmede Rubens, à laquelleelleressemblebeaucoup.Le n° 7 est un Christen croix, sur un fondde ciel,et au bas, dans le lointain, la ville de Jérusalem. Lesdeux portraits, Jean Charlesde Cordes,seigneurdeWichelen(n°8) et sa femmeJacquelineVanCaestre(n° 9), conservésdans la familledes comtesde Roose, appartiennentà M.de Beauffort,inspecteurgénéraldes beaux-arts. Une excellenteesquisse de Rubens est celle qui représentela Continencede Scipion(n° 44), dont le grand tableau est, je crois, en Angleterre. Elle appartient à M, d'Ursel. C'estdans les esquissesqu'on sent les maîtres. Celle-ciest enlevéeavecune liberté incomparable,par des touches de lumière d'un ton superbe sur un fond à peine couvertde frottis. Prenonsles Van Dyck. Onen compte5, outre Ies 2 qui appartiennent l'un au Roi,l'autre au prince d'Arenberg:—un Portrait defemme(n°17), d'uneexécutionéléganteet qui ressembleun peu à la peintureanglaise; gravé par Spruyt,cataloguépar Smith, t. III, p. 152, et provenantdes collectionsdu chanoinebaron Baut et de M. Van Saceghem,de Gand; il appartientà M.de Gisignies.— Le portrait du peintre MartinPepin(n°26), provenantde la collectionde GuillaumeII, roi des Pays-Bas, et appartenant à M.Patureau ; la tête est fort belle, la couleurfine et harmonieuse. — La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Catherine(n°46), peinture assez faible,exécutéeà-Gênes,par VanDyck,selonle catalogue,pour la famille du marquisCambiano, de qui M. de Cornelissenl'a achetée en 1810; Cettecompositionqui rappellela SainteCatherine,du Corrége,au musée du Louvre,est gravéedansl'oeuvredeVanDyck.Maisd'aprèsqueloriginal? —Les deuxautres portraits attribuésà Van Dyckexigeraientun examen confirmatif: l'un (n°188) est un superbeportrait en pied de l'électeur palatinWolfrand,vêtude noir et tenant de la maindroite son cordonde la Toisond'or; près de lui, un énorme chien gris, commeVelasquezen 56


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 57 mettaitsouventdans ses portraits de la courd'Espagne.Latête de l'électeur paraît fort belle, à la hauteur d'où on l'aperçoit,mais l'exécutionde certainesparties de l'ajustementet des fondsest plus froide que l'exécutionhabituelledeVan Dyck.—L'autre(n°190)estun Portrait de femme, assise sur un fauteuil; il y a des qualitésfacilesdans cettepeinture qui est en assez mauvaisétat et qui gagneraitsansdoute à être bien rentoilée. Les Teniers sont en abondance: 15. — Le Bon Ménage(n° 12), deux figures; gravé; appartenant à M. de Rodes.—La Tentationdesaint Antoine (n°16), provenantde la collectiondu comtede Butenvalet appartenantà M, de Gisignies; tableaucurieuxet fin; on remarque la femme, vuede dos, en robe noire brillante.— Intérieurde cuisine (n° 58), avec unebelle figurede jeune garçon qui emporteun plat; provenantde la galeriedela Malmaisonà l'impératriceJoséphine,et appartenantaujourd'huià M.de Cornelissen.— Concertde village(n°65), dans la manière vigoureuse,provenant de la collectiondu prince Louis Bonaparteet appartenant à M.Van de Woestyne.— Fête de village (n° 84), dans la manière claire; appartenant à M. D. Vanden Schrieck. —Intérieur de corps de garde(n°85) ; sept personnagesde premierplan, etdes casques, cuirasseset équipementsmilitaires; appartenantà M. Patureau. -- Intérieur de cuisine (n°86), grand tableau d'une exécutiontrès-libre, cité dans Smith, t. III, p. 572, provenantde la collectionLebrun, et appartenantà M. G. Couteaux,etc., etc. Pour en finir avecles Flamands, il faut citer le tableau de Van Craesbeke(n° 110), exécuté pour les ancêtres de M. le comteVilain XIIII ; peintureassez grossière en certaines parties, mais très-originale, trèsfougueuseet pleine d'esprit; la figure de jeune musicien, debout et de profil, entièrementvêtu de rouge, est excellente;—un précieux Ecce homo(n° 180), de Quintin Metsys, appartenant à M. G. Legrelle,d'Anvers; — deux petits Huysmansde Malines,très-grassementpeints; — quelques échantillonsdes Breughel et des Franck, particulièrementle FrançoisFranck, n° 177, appartenantà M.de Buisseretde Blarenghien; et quelquestableauxanciensqui se rattachentà l'écolede Bruges,Comme le petit morceauattribué à Hemling,n° 203, et qui représentela Vierge et l'EnfantJésusadoré par un moine de l'ordre des Prémontrés; comme l'admirableSalutationangélique, attribuée à Van Eyck (n°195), et qui appartientà M. Nieuwenhuys; l'affirmationoula négationsont également délicatesquand il s'agit de noms commeVan Eyck ou Hemling, et de beauxouvragescommela Salutationangélique.C'est pourquoinous laisserons au catalogue la responsabilitéde ces attributionsscabreuses. La galerie de M. DésiréVan den Schrieck, de Louvain,a fourni quelques-unsdes beaux Hollandais, la Cascadede Ruysdael(n° 52), entre autres.


58 EXPOSITION DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART M. Van denSchrieckpossédait encored'autres Cascadesde Ruysdael qui semblaitêtre un de ses maîtresd'affection.Le paysage norwégien, exposéau Palais Ducal,à beaucoupde majesté : le torrent qui;s'étale au premierplan sur des pierres moussues et des troncs d'arbres, descend d'entre des montagnesassez sauvages, découpéessur un ciel orageux. C'est énergiquementpeint et profondémentsenti. Ruysdael est souvent très-poëte et très-amoureuxde la nature, et il l'a prouvédans plusieurs de ses compositions;On ne le connaîtpoint,quandon ne le connaîtqu'à demi, d'après des Ouvragesinférieurs; car il a peint beaucoup,et il n'est pas toujoursà la mêmehauteur. Heureuxartiste dontla réputation,bien méritéeassurément,a été si envahissantequ'on illustraitde sa signature les chefs-d'oeuvred'Hobbéma,au tempsqui n'est pas éloignéde nous, où Hobbéma,presqueinconnu, n'avait pas encore conquis la placeexceptionnellequ'il:occupe,aujourd'hui, à la tête des paysagistes hollandais. Un bon Van der Heyden(n° 55), avec charmantesfigurinesd'Adrien Vande Velde; — un AdamPynacker(n° 55), très-fantasque commela plupart des tableaux de ce maître vivace, avecdes bergers agenouillés devantla lumièrecéleste:qui leur annonce:la naissance du Messie,avec un taureau qui s'effare au premierplan, et d'autres troupeaux dans le lointain;— un Mieris(n°56), Intérieur de cuisine, avectrois figureset desaccessoiresminutieusementrendus; — un Wynantsdélicieux(n°82), avecfiguresd'AdrienVan de Velde;—un Arthur Vander Neer (n°:114), avecun admirableEffetde nuitet de lune, que ce maître exprimesi bien; — un AdrienVan Ostade, Intérieur d'estaminet.(n° 54), appartiennent aussi à la galerie de M.Vanden Schrieck. D'AdrienVan Ostade, il y a encorequatre autres bonstableauxà l'Exposition,sans.compterceluidu prince d'Arenberg,déjà cité. L'Intérieurrustique (n°59), appartenantà M. de Cornelissen,est de la belle pratique:du maître et d'une compositiontrès-spirituelle : scène jovialeoù un personnageirrésistible,commeOstadeles sait faire, adresse à une grosse Flamandeilluminéela doubleséductiond'un pot de bière et d'une pièce de monnaie; le ton de la couleur est de ce roux flamboyant dontRembrandta communiquéle:secretà quelques-unsde.ses disciples. L'Ostade (n° 27), appartenant à M. Patureau, est très-capitalpar le nombredes personnageset aussi par la qualité de l'exécution.C'est égalementun Intérieur, oùl'on boit, oùl'on fume,oùl'on rit, oùl'on dort, et mêmeoùles arts viennentembellirces existencesde gais bohémiens: le groupe principal offreune femmeun peu chancelante,en conversation avecdeux imperturbablesbuveurs ; à droite, d'autres paysans qui entourentun ménétrierjouant de lavielle; aux plansplusreculés, quelques personnagesà table, ou occupésà n'importequoi. Ces fondslégèrement brossés sont d'une rare transparence. C'est toujours la bonneécolede Rembrandt.


AU PALAISDUCAL,A BRUXELLES. 39 Lesnos68 et 69 font pendant, sous lestitres : les Plaisirs desbuveurs etla Colèredes buveurs. Ils ont été gravéspar Pelletier (nous ne connaissonspas ces gravures) et appartiennentà M. Vilain XIIII. Ce sont deux peintures très-originales et très-violentes,qu'on ne saurait contemplerassez longtemps. Le n° 68 offredix figuresaccentuéesdans un caractèregrotesque; le n° 69 représente une lutte écheveléeentre quatre buveurs qui se roulent par terre, tandis qu'une femme, vue de dos et vivement éclairée, se penchepour arrêter les couteaux.C'est fermeet décidécommecertains Brauwer.Le style et l'exécutions'écartent,un peu du génie particulierà AdrienVan Ostadedontles sujets sont ordinairementplus tranquilles, et lalumièreplus diffuseet moinsheurtée. Peut-être cestableaux sont-ils dela premièremanière dece maître habile, et certainementils se maintiennentà la hauteur des meilleursHollandais.Nous croyons qu'on les a attribués quelquefoisà Isaac Ostade. Isaac Ostade est, d'ailleurs, un peintretrès-éminent, et qui n'occupe pas dansl'écolehollandaisele rangqu'il mérite.Ila eule malheur,comme celaarrive,d'habitude,aux homonymesetauxparents desgrandshommes, qu'onlui a attribué unefoule d'oeuvresplus ou moins vulgaires, se rapprochantdu style d'Adrienpar des analogiesquelconques.LesIsaacbien authentiquessont dignesde l'approbationintelligentedes artistes, à meilleur titre que certains autres noms très-célèbresde l'école hollandaise, commeMieris par exemple,soit dit respectueusement.Témoinla Dévideuse(n° 10), appartenant à M. le marquis de Rodes: ce beau tableau d'Isaac,cité dans Smith, t. I, p. 185, est gravépar Daudet dans la GalerieLebrun, et reproduit dansla Vie des peintres,par M.CharlesBlanc. Unautre tableau de la mêmeécole, qui représentetrès-bien le maître, tropsouventconsidérécommeun maîtresecondaire,est leCorneilleDussart (n° 24), appartenant à M.de Cornelissen: deux hommesprès d'une cheminée,l'un lisant, l'autreécoutant. Lesdeux VandeVelde,Adrienet Wilhem,commeles deuxVan Ostade, attirentégalementl'attention.Le Pâturage(n°11),d'AdrienVande Velde, daté 1668et appartenant à M. de.Rodes, peutcompterparmi les chefsd'oeuvredu Palais Ducal.Malheureusement il y a, sur la droite,de grands bâtimentsqui n'ontpas autant de charmequeles finspaysages,familiersau maître; maisla bergère assise au bord de l'eau et frappée d'unedouce lumière,les vaches, et les moutonsdansla demi-teinte,sont parfaits. Peu d'amateurs ont.sans doute remarqué le n° 41, placé dans un. entre-porte, et qui appartient à M. de Gisignies. C'est un Paysagede Hollande,avecune rivière glacée, des traîneaux, des patineursjet des gentilshommes: couleur vigoureuse,personnagesélégantset très-bien dessinés.D'aprèsle catalogue,ce tableau, daté 1668, est décritcommeun AdrienVande Velde, dans Smith,t. V, p. 217. Nousne nous yopposons.


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EXPOSITIONDE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART point, et nous admironsfranchementcettefranchepeinture, un peu singulièrecependantdans l'oeuvred'AdrienVande Velde. M. de Gisigniesest aussi l'heureuxpropriétaire d'un WilhemVan de Velde(n° 70)très-pur et très-tin, la Prise du grandvaisseau" the Royal Prince, » épisodedu combatnavalde Solbeck, 15 juin 1666, troisième jour de la bataillelivrée par Ruyter à la flotte anglaise,commandéepar Monck,duc d'Albemarle.Une secondemarine, d'assezgrandedimension, cataloguéen° 49, représente le Départ de la flotte Hollandaise,par une mer agitée; au centreest le vaisseaude l'amiral Ruyter. Combiend'autresbelles peintures réclameraientune honorable description : un précieux Philippe Wouwermans,le Manège(n° 60), cité par Smith, t. IX, p. 165; tableaud'une délicatesseexquiseet d'un grand prix, appartenant à M.de Rodes; — l'Abreuvoir,du mêmemaître, appartenant à M. Couteaux: des palefreniersqui font baigner leurs chevaux dont l'un se couchetout simplementdans le lit de la rivière; — un Jean-RaptisteWeenix, de première qualité, Bergère endormie(n°15), provenantde la collectiondes ducs régnants de Brunswick-Wolfenbuttel à Salzthalum, décrit au cataloguede la collectionBurtin, n° 190, et appartenantà M.de Gisignies; — deuxAlbert Cuyp(nos14et 15),du même cabinet: Intérieurd'église,décritpar Smith,n° 212, t. V, p. 544, et provenant de la collectionVan Saceghem,de Gand; et des Animaux au pâturage : boeufbrun tachetéde blanc, et vu de profil, vaches, moutons et chèvre; — un autre Cuyp(n°61), à M. de Rodes; Paysage, avecun petit cavalier sur une éminence, des pâtres et des troupeaux; — un W. Van Mieris,très-cher, la Bonnemère (n°67), appartenantà M. Vilain XIIII ; — deux petits portraits, de François Van Mieris, (nos21 et 22), séparés par un petit Portrait de jeune fille (n°25), du chevalier Vander Werf; ces trois miniaturesà l'huile appartiennentà M. le comte de Robiano; — un excellentpaysage, de Van der Heyden(n° 116), à M. de Rodes; — un Emmanuelde Wit, à M. de Robiano, Intérieur d'église (n° 79), dont les figuressupérieurementpeintes rappellentAlbert Cuyp; — enfin, des portraits, de GaspardNetscher,des fleurs et des papillons,de Rachel Ruysch,etc., etc. Maisdu maîtreà tous ces Hollandais,de Rembrandt,l'Exhibitionne montre-t-ellepoint quelque chef-d'oeuvre?Rembrandtest bien rare, et l'on n'envoit passouvent,mêmedansles palais. Il y a pourtantau Palais Ducaltrois tableauxcataloguésRembrandt.Qu'il nous soit permis d'en dire notre avismodeste: le n° 266, placétrès-haut et en mauvaiselumière, Portrait du peintreà l'âge de 60 ans, la tête seulement,peut être de Rembrandtet ressemble aux autres portraitsqu'il a faits de luimême; mais il faudraitle voirde près, et assurémentla peinture en est très-fatiguée. Le n° 264, sorte de petite esquisse d'une Circoncision, nous paraîtraitplutôt de' Dietrick, à supposermêmequ'il ne fût pas plus


AU PALAISDUCAL,A BRUXELLES. 61 moderne.Len° 78, Portrait d'un jeunehomme,coifféd'une petitetoqueà plume,et vu de trois quarts, est une superbe et vigoureusepeinturequi doit frappertout le monde.Ellea de Rembrandtl'allure délibérée,le caractèreétrange, les empâtementsexagérésdans les.clairs; mais, suivant nous, les ombreset les fondsdans Rembrandtsont presquetoujoursbien plus légers, bien plus transparents,et obtenuspar un autre système,par des frottis, rarement par des touches empâtées.Nous croyonsque c'est là un deses caractères habituels,si bien saisi par plusieurspeintresqui ont subison influence,commeAdrienOstade,Peeter de Hoogheet autres. Si ce portrait n° 78était de Rembrandt,et celan'est pas impossible,il faudraitle classerà un ordretrès-inférieurdansl'oeuvrede ce maître:que noustenonspour le premiergénieartiste dunord de l'Europe.Nous croirions plus volontierscette vaillante peinture de Fictoor, un des meilleurs élèvesde Rembrandt,avec Vanden Eeckout. C'en est assez maintenant pour les deux écoles des Pays-Ras, en ajoutant quelques de Heem, un beau Poelenburg(n° 101), de petits Baut et Baudewyns,un Asselyn, un DirckVan Bergen, imitant Adrien Van de Velde,un Fyt, d'uneforte couleur(n°51), des Peeter Neefs,un grandVan Tilborgh, deuxbons portraits de Théodorede Keyzer,un fin Vander Does,et plusieursOmmegangdont le plus capital,n° 122, appartientà M. LouisGallait. Pour les Italiens,nous ne sommespas si heureux, et nous demandons la permissionde passer sur beaucoupde noms illustres que nous n'avonspas missionde défendrecontre le Catalogue.Il nous faudrait dire que lePaul Véronèse(n° 205),peint sur cuivre!est une copieflamande... que les Viergesde Raphaël, de Luini, etc., sont... Il suffit que l'Exposition de Bruxellesse recommandepar les noblesartistes des écolesseptentrionales.Il y a pourtant une très-belleTêtede Christ (195), qui est du Schidone,et non pas du Corrége, à notre avis. Il y a aussi un grand tableau fort notable (n°208), Christ nu et de grandeurnaturelle, entre deux personnages représentantles Sciences, et qui est sans doute de l'écoledeMichelAnge, commel'indiquele dessindes figures, surtout de celleplacéeà gauche; car le Christ et une partie de la figurede droite ont été repeints en plusieursendroits. Nous croyonsavoirvuce tableauà Paris, il y a quelquesannées, avant qu'il ait été retouchéet un peu dénaturé par des restaurationsinévitables.Quelquesconnaisseursinclinentà l'attribuer au Vasari; maisVasariest plus anguleux,plus sec et moins calme,mômequand il chercheà calquerson sublimeinitiateur.S'il fallait absolumentchercherun nomillustre, SébastiendelPiombopourrait venir à la pensée. Maisquand on songe à la Résurrectionde Lazare, dela Galerienationale,à Londres!... Ribera, peintre italien quoique natif de l'Espagne, nous servirade transition vers les Espagnols. Le Ribera (n°165), Christ au roseau, en


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EXPOSITION DE TABLEAUXET D'OBJETSD'ART. buste, de grandeurnaturelle,appartenantà M.de Fernig, est un belexemplaire du maître,dans sa manièreinfluencéepar l'étudedu Caravage. Le portrait attribué à Velasquez(n°209)paraît bien original. Cet enfant, un duc d'Albe?en pied et de grandeurnaturelle, deboutet richement costuméde rouge, est peint à merveille,avecl'aisance etla couleur harmonieusedu nobleartiste espagnol.Le portrait en pied de Philippe II (n°189) est aussiune oeuvreintéressante, de Pentoja, ou de tout autre. Enfin, la petite esquisse d'uneAdorationdes Bergers(n° 197) a tout le charmeet la suavitédeslibresébauchesdeMurillo. Nous-n'avonsplus rien à diredestableauxfrançais,après avoir signalé déjà le rude Maréchalferrantet les deuxchevauxde Géricault(n°243), appartenantà M. Van Becelaere, le Concertchampêtre (n° 28) et la Balançoire(n°29), de Jean BaptistePater, imitateurde Watteau,etles deux têtesde Greuze,la Bacchanteet la Psyché(nos50et 31), qui appartiennenttous quatre à M. Patureau de Chateauroux. Dans le prochain numéro de la Revue, peut-être analyserons-nous, aussi rapidementquepossible,la magnifiqueet précieusecollectiond'objets d'art, qui s'entre-mêlentau Palais Ducalavecles tableaux. M. C. MARSUZI DEAGUIRRE.


BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE

(1).

LANORMANDIE OUNoticesur descimetièresromainset des SOUTERRAINE, cimetièresfrancs, explorésen Normandie,par M.l'abbé COCHET, inspecteurdes monumentshistoriquesde la Seine-Inférieure,etc. ; ouvragecouronné par l'Institut en 1834. (Secondeédition; 1 vol. grand in-8° de 436 pages, avecplanches lithographiéeset gravures sur bois intercalées dansle texte. Paris, 1833. Derache,7, rue du Bouloi,et V. Didron,15, rue Hautefeuille.Londres, OttoMarcus,8, Oxford-Street,etc.) M. Cocheta déjà publié trois excellents livres sur les Églises des arrondissementsdu Havre, de Dieppeet d'Yvetot, une brochure sur les hommescélèbresde Dieppeet une autre brochuresur Étretat. Son dernier ouvrage,la Normandiesouterraine,est un travail extrêmementneuf sur cette brancheencore obscurede l'archéologie,qui concerneles sépultures. Encouragépar le Conseilgénéral de la Seine-Inférieurequi lui a souventalloué de petits subsides, M. Cocheta eu l'avantage de fouiller le sol de la Normandie, dans des endroits inexplorés où il a recueilliune masse d'objets d'art, gallo-romainset francs-mérovingiens, ornant aujourd'hui le Muséedu Louvreet le Muséed'artillerie à Paris, le Musée céramique de Sèvres, les musées du Havre, de Dieppe et de Neufchâtel, et surtout le musée de Rouen, dont la collectionmérovingienneest, à cette heure, une des plus curieuseset des plus importantes qui existent en France et peut-être en Europe. Mais ce qui est plus précieuxque les bijoux en argent, les armes en bronze, les urnes et les vases arrachés à la terre, ce sont les observationsque M. Cocheta retiréesde ces fouilles patientesauxquellesil.apporte tant de scienceet d'ingéniosité, en même temps qu'une sorte de passion religieuse. Sa préoccupation,c'est de ressusciter l'histoire et de faire sortir la'Viedu champ de la mort. Voilàce qu'il expliquedans une page très-éloquente et d'un fort beau style, au commencementdu chapitre Ier: « Tout dépôt de poussièrehumaine,dit-il, toutdortoir de l'humanité,à quelqueépoque que ce soit de son existence,est un cimetière. Il y en a par toute la face dumondehabité, ou plutôt la terre entière n'est qu'un vaste cimetière où chaquegrain de sable a eu la vie et s'est agité devant le soleil... (1)NousavonsprisnosmesurespourqueleBulletinBibliographique des prochainsnuméroscontiennele compte-rendu des principaux livresrelatifsauxarts, en Franceet en Belgique,maisaussien Allemagne et en publiésnon-seulement en Italie,etc. Angleterre,


64 BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. « Ceque je cherchedoncau sein dela terre, c'estune pensée. Ce queje poursuis à chaquecoup de piochede l'ouvrier, c'est une idée ; ce queje désire recueilliravec ardeur, c'estmoinsun vase ou une médaillequ'une ligne du passé, écrite dans la poussièredu temps, une phrase sur les moeursantiques,lés coutumesfunèbres,l'industrieromaineou barbare; c'est la véritéque je veux surprendredansle lit où ellea été couchéepar des témoins qui ont à présent douze, quinze ou dix-huit cents ans. Je donneraisvolontierstous les objets possiblespour une révélationde ce genre. Les vases, les médailles, les bijoux n'ont de prix et de valeur qu'autantqu'ils révèlenteux-mêmesle nom et le talent d'un artiste, le caractère et le génie d'un peuple, en un mot, la pageperdue d'unecivilisation éteinte. Voilà surtout ce que je poursuis au sein de la terre. Je veux y lire commedans un livre : aussi j'interroge le moindregrain de sable, la plus petitepierre, le plus chétifdébris,je leur demandele secret des âges et des hommes,la vie des nations et les mystères de la religion des peuples. «C'est que,voyez-vous,le solm'a toujoursparule plus complet,le plus vrai des livres. Je l'ai appeléailleurs« un volumede six milleans »dont chaque sièclea écritune page avecde la cendreet de la poussière.Il n'y a qu'à soufflersur cette poussièreet elle se ranimeraau contact de la vie commeles morts à la voix d'Elisée. Sousla cendrerefroidiedes années, vous verrezse dresser palpitantela figuredu passé avecsa couleurvéritable et son inaltérablephysionomie,car le passé est cachélà commeun de ces dieux antiques enfouis par les barbares ou par la mainde leurs adorateurs, et que nous tirons aujourd'hui de leur couchede sable pour les faire trôner dansnos musées,les sanctuairesdes arts. Et puis quel a donc été le rédacteur de ce livre antiqueécrit avecdes ossementset avec des ruines? L'écrivain,c'estla mortqui ne mentjamais, et qui de sa main de fer a dépouilléimpitoyablementtout ce qu'il y avait de faux chez l'homme,pour ne laisser plus subsister que le vrai. Marchezdonc franchementsur les pas decette cruelleennemiedu mensonge,ellea déchiré le masqueront se couvraitl'humanitévivante,et à présentvous ne trouverez plus que l'humaniténue avecla poussièrede son voile. « Tous les siècles, tous les peuples sont donc cachésdans la terre. Le Gauloisy est couchéà côté du Romain, et le Romainy dort auprès du Barbare.Ces hommes,il ne s'agit plus que de les faire parler et de bien comprendreleur réponse; mais pour celail ne faut pas confondreles langues.Il faut savoirbien discerner les tons, les nuances, les couleurs, les physionomiesde chaquepeuple et de chaque civilisation.» On comprend,d'aprèscetteadmirableintroduction,quelintérêt M.Cochet a su donnerà ses découvertes.Lescimetièress'animent,les Lazares de la Gauleromaineet franque se dressent dansleurs tombeaux,et toute une époquepleined'ombresse trouveainsi restituéeen lumièreavecson


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 65 caractèreet sa physionomie,les hommesavecleurs armes vaillantes,les femmesavecleurs étrangesbijoux. Les.gens du monde, aussi bien que les archéologues,peuventlire d'unbout à l'autrece beaulivre, non moins attrayantmalgréson sujet, qu'il est.instructif. Nousn'avons ici d'autre intentionque de le recommanderà tous les esprits curieux, qui aiment les traditions du passé. Toutela partie savante et véritablementnouvelle de l'oeuvreexigeantun examenprofond et compétent, un de nos savants collaborateursveut bien se charger de ce compte-rendu,plus particulièrementdestiné aux archéologues, et qui paraîtra dans notre prochainnuméro. — HISTOIRE DESENVIRONS DEBRUXELLES, par ALPHONSE arWAUTERS, chivistede la ville de Bruxelles, etc. ; ouvrage faisant suite à l'Histoire de Bruxelles,par A. Henneet A. Wauters, et orné de gravures sur bois (5 gros volumes grand in-8°, paraissant par livraisons. Bruxelles, AdolpheDeros,éditeur).Cettehistoireest diviséeen livreset en chapitres: livre Ier, de Bruxellesà Leeuwet à Gaesbeek; livre II, de Bruxellesvers Ninove;livre III, de Bruxellesvers Alost; livre IV, de Bruxellesvers Termonde;livre V, Grimbergheet ses environs; livreVI, de Bruxelles àWillebroecket à Duffel; livreVII, de Vilvordeà Campenhout; livre VIII, de Bruxellesà Louvain; une dernièrelivraison,—les environsde la forêt de Soignes,— qui paraîtra bientôt, compléterace travaild'une érudition infatigable.M.Wauters, en sa qualitéd'archiviste,a eu sous la main les plusprécieuxmatériaux; aussi son Histoireest-elle pleinede faits, nonseulementen ce qui concerneles institutions civiles, politiques, militaires,économiques,les généalogiesdes famillesseigneuriales,lesmoeurs et coutumesdes localités qu'il décrit, mais encoreoffre-t-elleun grand intérêtpar rapport aux arts. L'historiquedes monumentset des artistes qui ont illustré les environsde Bruxelles,y est très-complet.C'est par là quele livrede M.Wauters intéresse notre Revue,et nous lui emprunterons les renseignementsqu'il a recueillis et consignésdans le chapitre 5 du livre VIII, à propos ducélèbretableau de Van Dyck,qui orne encore l'églisede Saventhem,à trois lieuesde Bruxelles: « Sur l'autel de Saint-Martin,à droite, on admire un magnifiquetableaude Van Dyck, dont la réputation est européenne. Cettetoile, dans laquelleon remarque une grande correctionde dessin et un colorisà la foisdoux et-vigoureux,représente un épisodede la jeunessedu célèbre évêquede Tours, saint Martin,l'apôtre de la Gaule.Costuméen élégant gentilhomme,montésur un beau chevalblanc, saint Martin coupe son manteauavecune épée,pour en distribuer les morceauxà deux pauvres malades;dans lefond, unvieuxcavalier(1), compagnonde routedu futur (1) C'estle portraitdeRubens. F. D.


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BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. évêque,contemplecette scèneavecattendrissement.La gravure a rendu familièreà nos lecteurs l'oeuvrede Van Dyck, qui, après deux siècles, subsiste encore dans toute sa fraîcheur. D'après ce que m'a assuré M. Wydemanspère, qui a été notaire et bourgmestreà Saventhem,elle n'aurait été payéeque 200 florins. On en voyaitencore, il y a une dizaine d'années, dans une habitation particulière, une esquisse qui a disparu. « Suivant la tradition, Van Dyck, en partant pour l'Italie, s'arrêta quelquetemps à Saventhem,où il s'éprit d'amourpour une jolie paysanne. Ce fut en considérationde sa maîtresse qu'il peignit son Saint Martin;il se représentalui-mêmesous la figure du saint, afin qu'en son absencela jeune fillese rappelât constammentles traits de son amant. Il exécutaencore,pourl'églisede Saventhem,une Généalogiedela Vierge, et y plaçale portrait de sa maîtresse et ceux de ses parents. Rubens, ayant appris l'inactiondans laquellelanguissaitle meilleurde ses élèves, se rendit à Saventhem,accompagnéd'un chevalieritalien, leur ami commun. Van Dyckcéda, quoiqueavec peine, à ses conseils, et partit pour Venise.On ne dit pas ce que devintsa maîtresse, dont il avait demandé la main, sans pouvoirl'obtenir(1). Si l'on en croit Weyerman,qui avait vu les deuxtableaux de Saventhem,elle méritaitl'amour qu'elle avait inspiré au grand artiste anversois(2).D'après Mensaert, il existait, au siècledernier, au châteaude Tervueren,un portrait de cette demoiselle, qui s'appelait, suivant lui, Anne de Saventhem,et avait soin de quelques-uns des chiens de l'infanteIsabelle (5). « La Généalogiede la Viergen'existe plus ; elle fut, dit-on, détruite pendant une guerre, par des fourrageurs qui en firent des sacs pour y mettre du grain (4). Vers l'année 1751, le curé et les maîtres d'église vendirentclandestinementle SaintMartinà M. Hoet, de La Haye,pour la sommede 4,000 florinsdu Rhin. Les paysans, s'étant aperçus que leur chef-d'oeuvreétaitenlevéde l'autel, prirent les armes, et, accompagnés de leurs femmeset de leurs enfants, armésde fourches, ils allèrentplacer des gardes autour de l'église; quelques-uns se mirent à la recherchede M. Hoet,qui, pour se sauver,passa au traversde la haie du jardin de la cure et s'enfuit au plus vite vers Bruxelles.Entre temps, les échevins s'assemblèrentet envoyèrentaux maîtres dela fabriqueune protestation contre la ventedu tableau, qui fut immédiatementremisen place (S). Il fut enlevépar les Français, le 2 fructidor an II (19 août 1794),et placé GESTEL. (1) VAN derNederlanders, t. Ier,p. 298. (2)DeSchilderkonst (5) LePeintreamateuretcurieux,lre partie,p. 160et 161. (4)Ibidem,p. 195. Histoirede Rubens,p. 186. (5)MICHEL,


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 67 au Muséede Paris, où on le restaura avec le plus grand soin ; après la capitulationde cette ville, en 1815, on en obtintla restitution ; les habitants de Saventhemvinrenten cortègele prendre chezle peintre Thys, près du Béguinage,à Bruxelles(15 octobre1816). Il n'y a pas bien longtemps, l'oeuvrede Van Dycka couru de nouveauun grand danger. Le voleur Janssens, qui attend actuellement, dans la prison de Bruxelles, lemomentde comparaître,devantla cour d'assises du Brabant, pour y répondrede quelques vols audacieuxdont onl'accuse (1), s'était engagé, dit-on, à la dérober; un bateauamarré dans le canal de Willebroeck, près de l'endroitdit Buda, devait lui servir de refuge et le conduire à l'étranger. Par hasard, un artisan qui demeureà Saventhem,près de l'église,entenditlebruit que faisaitle voleur en essayantdese pratiquer un passage; il donnal'éveilet fit ainsi avorter la coupableentreprise de Janssens.» sous la directionde M. EugèneVanBemmel, — REVUE TRIMESTRIELLE, professeur à l'Universitéde Bruxelles(6 vol. grand in-16 de 500 pages environ,paraissanttous les trois mois. Bruxelles,H. Samuel,éditeur,7, rue des Secours). Cet excellentrecueil, qui n'a d'autre principeque celui dulibre examen, sert de foyer aux principauxlittérateursdela Belgique: MM.Altmeyer,Baron, Clesse,de Bonne,Gérard, Le Hardy de Beaulieu, Orts, Pinchart, Potvin, Stappaerts,Tiberghien,Tielemans,Van Bemmel, Verhaegen,Warnkoenig,etc. Il est consacréà la philosophie,à l'histoire, aux sciences,auxlettres et aux arts. Les articlesd'art qu'il a déjàpubliés le recommandentaux artistes et aux amateurs : Imagiers, orfèvreset sculpteurs,ouEssai surl'histoiredela sculptureen Belgique,premièrepartie, par M. Félix Stappaerts, dans le 5evolume; Desidéesde J.-J. Rousseau sur l'art, par M.Van Bemmel,et le Salonde 185-ià Bruxelles, par le même,dans le 4e volume; l'Atelierdu peintre Wiertz,par le même,dans le5evolume; lesArtsen Brabantdansla premièremoitiéduXIVe siècle,par M.A. Pinchart, et lesPeintresanversoiscontemporains : F. de Braeckeleer, par M. GeorgePodesta, dansle 6evolume(avril 1855).La Revuetrimestriellea, d'ailleurs,conquispromptementen Belgiquela placedistinguée que lui assuraientune rédactionchoisieet un point de vue large et indépendant.Sonrédacteuren chef, M. Van Bemmel,semble très-passionné pour les arts, et il a publié, en dehors de sa Revue, une noticeintéressantesur le frontondu grand théâtreà Bruxelles, par M. EugèneSimonis (19 p. avec gravure deJ. Franck, septembre1854, Samuel,éditeur). — LETTRE AM. PAULLACROIX SURL'EXPOSITION (BIBLIOPHILE JACOB) commeassassin,il y a quelquesmois,à Bruxelles. (1)Janssensa étéguillotiné F. D.


68 BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. BELGE DE1854, par M.C. Marsuzide Aguirre(in-8° de 64pages, Paris, décembre1854,typographieHennuyer,aux Batignolles;Bruxelles,J. Rozez, 87, rue de la Madeleine).Cettebrochure portant à son titre le nom du rédacteuren chefet le nom d'un des rédacteursde la Revuedes arts, nous nous contenteronsde rappelerqu'il en a été parlé dans plusieurs journaux de la France et de la Belgique,dansla Revuede Paris, le Pays, l'Illustration,dansl' Indépendance,l'Observateur,le Télégraphe,etc., etc. — La Revuese propose de donner dans tous ses numérosune Bibliographiedes arts, exacteet complète, au moins pour la France et la Belgique. Aujourd'huinous voulons indiquer seulementquelques-unesdes publicationsrécentes, périodiqueset autres, qui intéressentlesarchéologues et les artistes : Histoirede la peinturesur verre dansles diversescontréeset particulièrementen Belgique, contenantune analyse descriptivedes vitraux de ce royaume.Textepar Edm. Levy,architecte.Planches par J.-B. Capronnier, peintre verrier. (Bruxelles,J.-B. Tircher, éditeur.) L'ouvrage, publiéen 60 livraisons,chacunede8 pagesdetexteet d'uneplanchein-4e, formeraun magnifiquevolume.8 livraisonsont paru. Orfévrerieet ouvragesen métaldu moyenâge, composéset dessinés d'après les anciens modèles, par T.-H. King, architecte à Bruges, grandin-fol. (Bruxelles,Mayeret Flatau). L'ouvragecompletse compose de 2 séries, chacune de 20 livraisons. Monuments d'architectureet de sculptureen Belgique; dessinsd'après nature, lithographiésen plusieurs-teintes, par F. Stroobant,accompagnés de notices historiques et archéologiques,par F. Stappaerts; 2 vol. in-fol., reliés en maroquin, plaque en.relief. (Bruxelles, Muquardt.) Chaque vol. contient50 pl. aocomp.de 10f. de texte. Les Ardennes,tournée pittoresque, artistique et historique; paysages, traditions, chroniqueset légendes,par Victor Joly. In-fol., t. Ier. de 268 pagesavec 15 pl. gravées à l'eau-.fortepar Martin Kuyttenbrouwer. (Bruxelles,Van Buggenhout.) Souvenirsd'Ostende,54pagesin-4°et 10planches: vueset costumes coloriés.(Bruges,Daveluyd'Elhougne,18S4.) Antiquitésarchitecturalesde la Normandie; contenant les monuments les plus remarquablesde cette contréesur l'architecture byzantine et ogivale, et présentés en plans, élévations, coupes, détails, vues perspectives,intérieureset extérieures; par.Auguste Pugin, architectearchéologue; traduit de l'anglais,par L.Delobel,lieutenant-coloneld'artillerie. (Liège,E. Noblet.)L'ouvrage se composerad'environ60 p. de texte et de 78 pl. grand in-4°. Le texte historique et descriptif est de M- Britton, auteur de plusieurs livressur l'archéologie. Le Rhin monumental et pittoresque,aquarelles d'après nature, litho-


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 69 en teintes Lauters et Stroobant.Texte par Fourmois, graphiées plusieurs parLouisHymans.Grandin-fol.et petit in-fol.(Bruxelles,C. Muquardt.) Onannonce10 liv. qui formerontun beau volume. Louvainmonumental,ou descriptionhistoriqueet artistique de tous les édifices civils et religieux de laville, par Van Even (Edouard). L'ouvrageformera1 vol. in--4°d'environ250 pages,orné de 112planches gravéessur pierre. (Louvain,C.-J, Fonteyn.) Recherches historiquessur lescostumescivilset militairesdes Gildes et des Corporationsde métiers, leurs drapeaux,leurs ar.mes,leurs blasons, etc. ; par Félix Devigne,peintre,professeur à l'Académieroyaleet à l'Athénée,etc., avecune introduction historique par J. Stecher, professeur à l'universitéde Gand. In-8° de XVIi-82pages et 55 pl. (Gand, F. et E...Gyselynck.) . Joyeuseentrée de Philippe le Bon, ducde Bourgogne,dans sabonne villed'Ypres.Entrées solennellesde quelquesautres personnagesremarquables.Jacques Cavaelet France Van der Wichterne, peintre Yprois, en 1400et 1401. (Lettre à M. le président de la sociétéd'émulationde Bruges.)In-8° de 27 p. (Bruges,Vande Casteele-Werbrouck.) L'Architectureetla Peintureen Europe,du IVeauXVIe siècle,suiviede la biographiede Philippe Roos, peintre d'animaux,par AlfredMichiels. (Bruxelles,A. Labroueet Ce,in-18.) Almanakder StLukas Gilde,publié à Anvers, chezPeeters frères. Il contient une notice biographiquesur Jordaens, par M. P. Genard; un épisode de la. vie de Teniers, par M. P.-J. Backx; une notice sur MartinSteurbout, tapissier d'Anvers, auteur des tapisseries de l'église Notre-Dame,par M,Léonde Burbure, etc., etc. FÉLIXDELHASSE.


CHRONIQUE, DOCUMENTS, FAITS DIVERS. — Une à Bruxelles. universelle,a Paris: —LeMuséed'antiquités, L'Exposition lettrede Rubens.— Lesmonuments anciensenCrimée.—Les ventespubliques enFranceeten Belgique.—Nécrologie etc. artistique.—Expositions prochaines,

Dans quelques jours l'Exposition universellede Paris, doit être ouverte. Cesera pour laRevueuniverselledesArtsune occasiondemontrersi elle est de forceà réaliserle programmequ'elle.annonce. Toutesles branchesde l'art, toutes les écolesdés divers pays, seront représentéesà l'Exhibitionparisienne.La sculpture,l'orfévrerie,lajoaillerie, la céramique,la gravure sur métauxet sur pierres, la peinture, et toutesles formesexpressivesde l'imagination,sesont donnérendez-vous à ce meetingglorieux, où le génieparticulier de chaque nation produira sa formulelaplus.avancée.Nousne manqueronspas d'étudierces manisiècle; festationssignificativesde l'état des esprits et des moeursau XIXe Ondit que le jury d'examena été très-sévère,et que ses refus d'admission sont dansla proportionde 8 sur 10. Peut-être n'est-ce pas un mal, quoiquebeaucoupd'individualitésaient à en souffrir. L'Expositionde Paris ne doit pas être un bazar industriel; il convient mieuxqu'elle soit un muséeartiste. Ona parlé de 15,000 toiles présentéespar les peintresfrançais seulement! A un mètre par tableau, c'est trois lieues de peinture! Combien d'amateurs en Europe seraient assez fanatiques pour entreprendre un pareilvoyage,à moins qu'on n'eût,songéà exposercette pacotillele long du cheminde fer de Paris à Versailles! Sérieusement,il importeque l'Exhibitionparisiennerassembletout ce qui offre une valeur d'art original, et rien de plus. La France, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre,l'Allemagne,l'Italie, l'Espagne, etc., produisent, d'ailleurs, assez d'ouvrages remarquablesà un titre quelconque,pour qu'un choix intelligentmetteen relief, sans aucun encombrement, toutes les écoleset toutesles personnalités,dignes d'attention. Que M. Ingres, M. Delacroix,M.A. Scheffer,M. H. Vernet,M.P. Delaroche,exposentla sériede leurs ancienstableaux,ainsi qu'onl'a annoncé, c'est à merveille; qu'on accordele mêmeprivilègeaux peintres illustres ou singuliersdes autres pays, cettecomparaisondes maîtres de l'Europe


ETC. 71 CHRONIQUE, modernesera pleine d'intérêt. N'ayezpas peur que la médiocritétrompe l'opinionuniverselle.La publicitédonne toujoursraison au mérite, et le jugementque la critique assembléeen libre concileportera sur l'ensembledesartistes contemporainssera sansdouteun verdictpréparatoire dujugementde la postérité. Nous attendons,avec autant d'impatienceque les artistes exposants, cettegrandeépreuvepubliqueà laquellesont conviés, commeà une fête de famille,tous les amateursdes arts. —-Nous publieronsdans un de nos prochains numéros un article de M. Schayessur le Muséed'antiquités(à Bruxelles,porte de Hal)dont il estle conservateur.Voici, en attendant, la notice historique qui sert d'introductionà l'excellent catalogue(1) tout récemment rédigé par M.Schayes: " Le muséed'armures, d'antiquitéset d'artillerie,est de créationtoute récente.Il existait à Bruxelles,dès le commencementdu XVIe siècle, une collectiond'armeset objetsde curiosité,peu nombreuse,mais renfermant des piècesde la plus haute valeur, telles que l'armurenoire de Philippe le Bon, duc de Bourgogne,de magnifiquesarmes et armures de parade et de tournoi des empereursMaximilien,Charles-Quintet RodolpheII, desdeuxdonJuan, frères de Philippe II et de PhilippeIV,duduc d'AIbe, du prince de Parme, des archiducs Ernest, Albert et Léopold,du cardinalinfantdon Ferdinand, plusieurs autres armes remarquables, parmi lesquellesfiguraientcelles de Montezuma,dernier empereurdu Mexique, et l'épéeque Henri IV envoyaà l'archiducAlbert, pour lui déclarer la guerre; quantité d'étendards et de drapeaux, enlevés à l'ennemi, au nombredesquels se trouvaient l'étendardroyal de France, pris à la bataillede Pavie, les insignes de la Toisond'Or, etc. (2). Placée d'abord au-dessusdes écuries de la cour (rue de Namur), cette collectionfut transférée,au siècledernier,dans le couventsupprimédes Jésuites,puis à la chambrehéraldique(dans les jardins du palaisroyal actuel).Al'évacuationde la Belgiquepar les Autrichiens,en 1794, elle fut emportée presquetout entièreen Autriche, où elle décore aujourd'hui le château impérialde Laxembourg.Il neresta à Bruxellesque le berceaude CharlesQuint,les chevauxempaillésde l'archiduc Albertet del'infanteIsabelle, avecune partie de la barbe du premier, quelques autres fragments d'armes,le manteauet l'arc de Montezumaet plusieurs autres objets indiens.Les faiblesdébris de ce brillant dépôt furent jetés pêle-mêledans (1)In-8°de202pages,Bruxelles1854. decettecollection aété publiée dansleRecueilency(2)Unepartieducatalogue clopédique belge,tomeIII, p. 228.Voiraussila noticedeM.le chevalier Marchal, danslesBulletins, del'Académie de Belgique,tom.XIV,1repartie.


72 ETC. CHRONIQUE, oùils restèrentabandonnes les greniers del'anciennecour, pendant toute la duréede l'occupationfrançaise. «Sous le royaumedes Pays-Bas,presque tous les grands dépôtslittéraires, scientifiqueset artistiquesde l'État, se trouvaienten.Hollande: la bibliothèqueroyale,les muséesdetableauxet d'ethnologie,à La Haye,les cabinetsd'antiquitéset d'histoire naturelle, à Leyde.Aprèsla révolution de 1850, le nouveauroyaumede Belgiquese vit donctotalementprivé de ces établissementssi importantset qui tous existent,sur une échelleplus oumoins grandiose,jusque dans les moindresÉtats de l'Allemagneet de l'Italie. Aussi le Gouvernementet les Chambresn'épargnèrent-ilsaucune dépensepour en doter successivementle pays. Unarrêté royal du 8 août 1855porta créationd'un muséed'armesanciennes,d'armures,d'objetsd'art etde numismatique, dont.la directionfut confiéeà M.le comteAmédéede Beauffort.Le premierfondsdu muséese composaen majeurepartie des débrisde l'anciennecollectionde nos princes et du beau cabinetd'armes et armuresde M.le comtede Hompesch. «En1857onlui assigna pour localune grandesalleau rez-de-chaussée du palaisde l'industrie,occupéeaujourd'huipar la sectionde manuscrits de la bibliothèqueroyale. L'établissementnaissant s'accrut rapidement, tant par dons particuliers que par achats et notammentpar l'acquisition du cabinetde M. Van de Wiele de Malines, et par celles faitesdans les ventes publiquesdes collectionsde Durand, de Mentionet Wagener, à Paris, de Renesse-Breidbach,à Anvers,de Van Huerne, à Bruges,et de lord Wellesley,à Bruxelles. MM.les comtes de Lalaing et de Marnix, chargés d'affairesde Belgiqueen Espagne, et M. le baron de Behr, ministre résident à Constantinople,lui firent d'importants envoisd'armes. MM.Lannoy,consul général de Belgiqueà Manille,Serruys, consul au Chili, le major Pirson et le docteur Dechange,l'enrichirentd'antiquités péruvienneset d'une foule d'objets chinoiset de la Polynésie.Parmi les donateursles plus généreux on compteM.le comtede Beauffortet M.le baron Popelaire de Terloo.Le musée reçut aussi, dès l'année 1857, un accroissementconsidérablepar l'adjonctiondu musée d'artillerie,placé sous la haute directionde M. le major (aujourd'huicolonel)Donny,et composéd'une grande quantité d'armes'ancienneset modernes,de tous les modèleset appareils de l'artillerie belge. Ensuite d'unecirculaire de M.le Ministrede l'Intérieur et de mesures prises par le Ministèredes Travaux publics, il devint égalementle dépôt de beaucoupd'antiquités, découvertesdans les fouilles et dans les terrassements et déblais des routes et canaux. « Cetteaccumulationde richessesartistiques, archéologiques,ethnolo-giques, et d'armesde toute espèce, renditbientôt insuffisantle local du musée et nécessitasa translation dans un emplacementplus vaste, où l'on pût donner aux collectionsune distribution scientifiqueet métho-


ETC. 75 CHRONIQUE, clique.Le Gouvernementchoisità cette finl'ancienne.' porte de Hal, grand et solideédificedu XIVe siècle et remarquablecommeconstructionmilitairede cette époque. Cetransfert eut lieu en 1847 et 1848. « La constructionde la porte de Hal, qui contienttrois vastes.salles superposées,remonteà l'année 1579. Elle figure commetype d'architecturemilitaire dans les Instructionsdu comitéhistoriquedes arts et monuments de France. Les fenêtres ogivalesqui éclairentles salles sont de constructionmoderne. D'autres modificationsont été projetéespour la décorationextérieuredu bâtiment. « Un nouvelarrêté royal, daté du 25 mars 1847, complétal'organisation du muséeet porta qu'il recevraitle titre de Muséeroyal d'armures, d'antiquitéset d'artillerie. «Unconservateurfut nomméet chargé,indépendammentdes fonctions quilui sont attribuées en cette qualité, de faireles excursionset inspectionsqui seraient ordonnéespar le Ministrede l'Intérieur, dans un but scientifiqueou archéologique. « Depuislors, de nombreuseset importantesacquisitionsontété faites, soit au moyendes fouillesordonnéespar le Gouvernement,notamment cellesde Fouron-le-Comte,de Wichelenet de Haulchin, soit au moyen de donsparticuliers et d'achats dansles ventesdes cabinetsD'Huyvetter, VanParys, etc., et dans la vente d'une très-riche collectiond'armures, quia eu lieu à Bruxelles, le 28 août1854. « Les collectionssont aujourd'huipartagéesen trois sections: la sectiond'armures, d'armeset d'artillerie,occupantla premièresalle,la sectiond'antiquitéset objetsd'art, à laquelle est assignéela secondesalle, etla sectiond'ethnologie,qui occupela troisièmesalle. » — Noustrouvonsdansunelettre deRubensà Peyresc,9 août1629(1), unremèdecontre-lajaunisse des tableaux,après un emprisonnementtrop prolongé.Voicice petit extrait de la correspondancedu grand artiste : « Sije savais que monportrait fût encore à Anvers,je leferais retenir, pourqu'on.ouvrela caisse, afin de voir s'il n'a point été gâté, après un aussi long espace de temps passé dans une caisse sans être exposé à l'air, et si, commecelaarrive souventaux couleursfraîches,il n'a point pris un tonjaune, qui lui aurait fait perdre tout son premier effet.Le remèdepourtant, si celaest arrivé, ce sera de l'exposer, à plusieurs reprises,au soleil, dont les rayons savent réprimer cette superfluité de l'huilequi cause ce changement,et si par momentil tourne encoreau brun,il faudrade nouveaul'exposerau soleil.La chaleur,voilà le.remède uniqueà cette grave maladie.» (I) LettresinéditesdePierre-PaulRubens,publiéespar M. EmileCachet. 1840,in-8°.) (Bruxelles,Hayez,


74 ETC. CHRONIQUE, — La Grimée,qui attire aujourd'huiles regards de l'Europe, contient beaucoupde monuments,d'une date très-reculée, et qui sont dignes de l'attentiondes archéologues.Eupatoria,par exemple,construitesur l'emplacementde l'ancienneEupatoria dont la fondationremonteà l'époque de MithridateEupator,offredes portesfortifiées,avecdes restes de frontons en marbre, des édifices singuliers dans le style de l'architecture tatare du temps des princes mongols, et une foule de mosquées curieuses.On remarque,entre autres : La synagogue,qui remonteau XIesiècleet qui a eu pour fondateurun des descendantsdirects du célèbreAnan-ben-David,le chefde la secte des juifs caraïtes, si répandue en Egypte, en Turquie, en Crimée, en Russie et en Pologne.Elle se composed'unevaste galerieen pierre,garnie d'inscriptionset de peintures dans le style byzantin, au centrede laquelle est placé un magnifiquemonumenten marbre blanc, élevépar l'empereur Nicolas à son frère l'empereurAlexandre; à l'extrémité de cette galerie,qui est à ciel ouvert, se trouve une petite cour dalléeen pierre, dont les murs sont égalementremplis d'inscriptionset de peintures : sur un descôtésde cette cour, s'ouvrela synagoguedes hommes, et sur l'autre celle des femmes, toutes deux d'une grande richesse.La premièrerenfermeune Bible qui remonteau VIIIesiècleet qui a appartenu au fondateurde la secte. La grandemosquée,fondéeau XIIIesiècle.L'intérieurprésenteun style tatare qui est un dérivé de l'architecture arabe. Onvoit sur les murs des peintures byzantineset une inscription contenant,en résumé, les principauxtraits de la vie d'Ali, le fondateurde la secte des chyites, à laquelle appartiennentles populationsmusulmanesde la Crimée. Cette dernière circonstanceexplique le peu de sympathie des Tatars pour les Turcs qui appartiennentà la secte opposée,celledes sunnites. L'églisearménienne,d'unearchitecturetrès-ancienne. L'égliserusse, qui se composed'un vaste bâtiment quadrangulaire, surmonté d'un clochetonvert d'assez mauvais goût, mais dont l'intérieur est d'une très-granderichesse. — Plusieurs ventes célèbresont eu lieu à Paris dans ces derniers temps : — Cellede M. Baroilhet,de l'Opéra,dont le produit s'est élevé à 74,540 fr. La collection de M. Baroilhet se composait surtout de siècle : Watteau,Chardin, Boucher, peintresfrançais duXVIIIeet duXIXe Fragonard, Prudhon, Géricault, LéopoldRobert, Charlet, Delacroix, Decamps,Diaz, Dupré, T. Rousseau,Cabat,Roqueplan,etc.; deux petits Prudhon ont été adjugés à 5,625 fr. ; un Site d'Auvergne,de T. Rousseau, à 5,050 fr.; trois Diaz à 5,180 fr.; etc. — Cellede feu M. Collot dont voiciles prix des plus importants : Salomérecevantla tête de saint Jean-Baptiste,par Leonardde Vinci,16,000fr.; Sainte Marguerite,par


ETC. 75 CHRONIQUE, GuidoReni, 5,975fr.; Portrait de Titien,par lui même,1,600fr.; Partie de Cartes,par Murillo,1,500fr.; Martyrede sainte Agathe, par Velasquez,1,000 fr.; septesquissesde la Vied'Achille,par Rubens, ensemble 10,250fr.; Portrait de PhilippeIV, par Velasquez,1,750fr.; Portrait de NicolasTulp,le célèbre professeurd'anatomie,à Amsterdam,par Rembrandt,16,500fr.; MassacredesInnocents,par NicolasPoussin,10,000fr.; Vuede Tivoli,par Jos. Vernet,5,000fr.; une Marine, du même,2,525 fr. Letotal de la ventes'est élevéà 89,000 fr. — Deuxcollectionsintéressantesserontaussi venduesen Belgique,ce mois-ci, sous la direction de M. Etienne Leroy, expert du Musée de Bruxelles: cellede feuL. T. Nieuwenhuys,les 11 et12 avril, à Bruxelles, et cellede feuJ. de Haen, le 14 avril,à Anvers.Nousavonssous les yeux lecataloguede la vente Nieuwenhuys,qui contientles noms suivants : Berkheyden,De Block,Bodeman,De Braekeleer,Carlo Cagliari(filsde Paul Veronèse), Carlo Dolci, Annibal Carrache (le Martyre de saint Etienne,gravé dans la Galerie d'Orléans, n° X du maître.' La galerie d'Orléans,vendueen 1790,750,000fr.au banquier Walkiers,deBruxelles, quila revendit900,000 fr. à M, Delabordede Merville,passa en Angleterre, oùle duc de Bridgewater,lord Carlisle et lord Gower, l'ayant achetéede M. de Merville41,000 £, 45,000 £ selon Buchanan (plus d'unmillionde francs), la mirent en adjudicationle 26 décembre1798, dansune salle de Pall-Mall.Le Martyre de saint Etienne, achetéà cette vente publique250 guinéespar le comtede Darnley,passa ensuitedans la collectionde JérémiahHarman, d'où il est venu chezM. Nieuwenhuys en 1844(1)), J. Classens,De Hond,F. Fourmois,Franck et Van Kessel, A. Fraser, baron Gérard, Gonzalès Coques, Greuze, P. de Koning, L. Kuhnen,J. Lingelbach,G. Metzu,A. Mignon,J. Moerenhout,Momper et Teniers,L. de Noter, W.-I.-J. Nuyen, le Parmesan, Platzer, Poelenburg, Reekers,Rubens (fragmentdes plafonds peints pour l'église des jésuitesd'Anvers,provenantde la collectionVan Lancker),A. Schelfout (7tableaux), P. Van Schendel, J.-C. Schotel, J. Steen, A. Van Stry, Teniers (4 tableaux), E. T'Schaggeny,Diepenbeek,Van. Goyen, Van Everdingen,H. Van Hove,J. VanHuytenburg,J. VanKessel,G.-J.-J. Van Os(6tableaux),P.-G. Van Os, J. Vernet,À. Veronèse,J. Victor, D.Wilkie(d'aprèsle Rubens de la galerie de Dulwick-College ; provenantde la Ventede wilkieaprès sa mort), J. Wynantset A. Vande Velde. Onvoit que cettecollectionest surtout composéede Hollandaiset de Flamandsmodernes, qui ne produirontpas, nous le croyons, les prix depenser,sansdouteavecM.E. Leroy,quin'estpas (1)Nousnouspermettons du catalogue,que le MartyredesaintEtiennedela collection responsable Nieun'estpas celuidela Galeried'Orléans. wenhuys


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ETC. CHRONIQUE, qu'ils ont coûtés.LesBraekeleer,payés5,000 et 6,000 fr. (selonle catalogue, nos5 et 6), le De Noter,payé 2,400 fr., les Reekers,payésenviron 2,000fr., les Schelfhout,payésjusqu'à 7,000 à 8,000fr., les J. J. Van Os, payés2,000à 5,000 fr., courent risque de ne pas atteindre ces chiffres fabuleux pour des artistes très-secondaires,qui seront bientôtclassés a leur rang, dans un abîmeau-dessous des maîtresflamandset hollandais du XVIIe siècle. — Un peintremalinois,assez célèbre,M.Hunin, est mort récemment, et sa biographie,écritepar M.P. Genard,a été publiée,avecun portrait dessinépar M. E. Dujardin et gravépar M. IL Brown,dansla 5elivraison de la Vlaemsche School. Un autre peintrebelge, M. Louis Coulon,est mort à Paris, a l'âge de 55 ans. Le fondeurCrozatier,qui vient demourir à Paris, a légué à sa ville natale, le Puy (enAuvergne),une sommede 500,000 francs pour l'érectiond'unefontainemonumentaleet la constructiond'un Musée. On dit que LéonarddeVinciavaitlaissé enFrance des descendants, dont le dernier, qui n'était qu'un pauvre peintreen bâtiments, est mort dansun villagedu départementde la Loire,près de Roanne. — Quelquesjournaux ont parlé d'une découverterécente, concernant la familledu Poussin. Il paraît qu'un savant paléographe, M.A. Chassant, a trouvé, en compulsantde vieux parchemins, une professionde voeux, commesoeur hospitalière de l'hôpital des Andelys, par Antoinette Poussin, en 1659. Est-ce une soeur du Poussin, qui avait plusieurs frères et soeurssur lesquels on n'a conservéaucun document? — L'expositiongénéraledes Beaux-Arts,organiséepar la Sociétéroyale d'encouragementdes Beaux-Artsd'Anvers,s'ouvrira le 12 août prochain et seraferméele 1eroctobre.On y recevrales productionsdetous artistes tant Belgesqu'étrangers,encorevivants, ou décédésdepuis la clôturedu Salon de 1852 : tableaux, cartons, statues, bas-reliefs, dessins, gravures, ciselures, médailleset lithographies, qui n'ont point,figurédéjà à l'une des expositionsantérieurementouvertespar la société.Les objets directrice destinésà l'expositiondevrontêtre adressés : A la Commission de l'Expositionnationaledes Beaux-Arts,à Anvers. ***Quelquesautres expositionsde tableauxet d'objetsd'art auront lieu cette annéedansdifférentesvillesdela Belgique: une à Mons,le20mai; une à Malines,le 17 juin.


DES TENDANCES

DE L'ART AU XIXE SIECLE.

On a appelé une renaissance le grand mouvement rétrospectif qui, vers le XVIesiècle, un peu plus tôt ou un peu plus tard selon l'âge des divers peuples, ressuscita passionnément dans toute l'Europe occidentale l'antiquité gréco-romaine : renaissance, il est vrai, ou plutôt résurrection galvanique et purement artificielle d'un mort glorieux, qui se redressa hors du sépulcre pour rappeler aux générations alors vivantes son génie et ses oeuvres. Le moyen âge, au contraire, avait été une naissance. La vieillesse et la corruption ayant dissous le monde antique, une jeune civilisation s'éleva, petit à petit, sur les ruines de l'empire romain. Les premiers siècles du moyen âge ont tous les caractères de l'enfance : l'activité, l'inquiétude, l'aveuglement, l'obstination, l'indépendance, une indomptable propension à la nouveauté, à l'imprévu, aux aventures. Comme l'enfant qui a assez à faire de se former et de grandir, le moyen âge, à son origine, ne projette pas bien loin son regard ni son bras; mais autour de lui il bouleverse tout; son instinct impitoyable détruit tout ce qui le gêne, et s'assimile tout ce qui peut servir à son développement. D'oùvient-il, cet enfant terrible et presque sauvage? L'histoire prétendlui établir une généalogie romaine; mais Rome ne fut point la mère du moyen âge ; il serait mieux de dire qu'elle fut sa nourrice, tout au plus. Non, le moyen âge n'est point de sang romain; il est de sang barbare. Ses ancêtres n'avaient jamais habité les cités pompeuses, et ne s'étaient point amollis dans les raffinements. C'est d'eux qu'il tient sa rude innéité et les qualités essentielles qu'il manifesta durant sa forte jeunesse. Le moyen âge devenu grand invente, en effet, un style absolument singulier. De quelle tradition s'inspirent ses artistes? Quels sont ses modèles en poésie, en architecture, dans toutes les expressions de sa pensée intime ou de sa vie sociale ? Il n'imite personne; il crée tout, spontanément. Fond et forme, sa civilisation est plus autochthone qu'aucune autre. Peu importe qu'une 6


78 DESTENDANCES DE L'ARTAUXIXeSIÈCLE. sorte d'alluvion romaine, byzantine, arabe ou moresque, ait successivement glissé sur ses arts, sur ses lois et ses moeurs, puisque la mystérieuse alchimie de son esprit original a toujours absorbé et dénaturé ces éléments étrangers. Mais, après la magnifique efflorescencede son génie propre, le moyen âge, ainsi que l'antiquité, eut à son tour sa décadence. Les civilisations succombent comme les hommes. AU that live must die, tout ce qui vit doit mourir, dit Shakspeare. Il serait facile de montrer par l'histoire que la civilisation catholique a parcouru les phases d'une existence intégrale et régulière, et qu'elle a péri de vieillesse, tout simplement. Dans les arts, qui seuls doivent nous occuper ici, le style s'était corrompu au XVesiècle. Le principe même de l'architecture ogivale, « l'élancement et la direction vers le ciel, » semblait perverti; une profusion d'ornements couvrait la pureté élégante des formes primitives. Quelle distance de l'architecture desXIIIeet XIVesiècles à celle du XVe! L'art n'en était même plus à se répéter, il commençait à se contredire. Il avait perdu l'inspiration de sa jeunesse, la logique et la rectitude de sa virilité. Désormais, le génie catholique est épuisé et stérile. Le moyen âge est à bout ; n'a-t-il pas produit, d'ailleurs, tout ce qu'il pouvait produire? Vixit, comme écrivaient les Latins d'autrefois sur les tombeaux : il a vécu, c'est-à-dire il est mort. Mais l'esprit humain ne meurt point, et c'est alors que, pour se régénérer, il se retourna de nouveau vers la nature, l'éternelle inspiratrice de la vie. Le peuple artiste par excellence, le peuple qui a la double faculté de voir et d'exprimer, le peuple italien prit l'initiative de cette révolution nécessaire. Giotto et les illustres précurseurs de l'art du XVIesiècle ne se contentent plus de regarder toujours au dedans d'eux-mêmes des images consacrées et uniformes ; ils se mettent à regarder ce qu'ils peignent, et ils ont l'audace de peindre ce qu'ils voient. Le premier caractère de la renaissance italienne fut un retour naïf à la nature, avant qu'on eût songé à interroger le passé de cette patrie privilégiée. Un symptôme analogue se découvre également dès la fin du XVesiècle chez les grands artistes des autres pays. Tous entreprennent, timidement encore, sans doute, d'effacer l'anathème que le dogme chrétien avait porté contre la nature. Van Eyck n'est pas sans se préoccuper déjà de la désinvolture de ses Vierges immaculées, et les admirables groupes de jeunes filles dans le


DE L'ARTAUXIXeSIÈCLE. DES TENDANCES 79. tableau de Saint-Bavon, à Gand, accusent une ardente recherche de la beauté. Et comme il aime la lumière et le paysage! comme il a peint avec une affection minutieuse ses buissons de roses et ses brillantes fleurettes du gazon ! Hemling, plus encore que Van Eyck, est tourmenté d'une sorte de naturalisme qui transparaît sous le caractère religieux de sa peinture. Ses figures de femme dans la célèbre châsse de sainte Ursule, à l'hôpital Saint-Jean de Bruges, ont. une élégance correcte qui fait songer à la première manière de Raphaël. Il y a aussi à cet hôpital de Bruges un tableau curieux et bien significatif d'Hemling, oùle peintre s'est représenté allongeant la tête par une lucarne ouverte sur l'étable de Bethléem. Que vient-il chercher là, avec sa physionomie inquiète' et ses yeux avides? Il vient voir. Les novateurs en toute chose ne sont que des hommes qui savent regarder et réfléchir. Cette passion toute nouvelle pour la beauté terrestre, en réaction à la beauté mystique et surnaturelle du moyen âge, porta irrésistiblement les arts vers la poésie antique ; et, en même temps que les arts, les lettres et les sciences interrogèrent les siècles d'autrefois. Pendant que les érudits, fouillant les bibliothèques et les cloîtres pour y étudier des manuscrits précieux, remettaient au jour la philosophie et la littérature gréco-romaines, on arrachait à la terre les débris des monuments païens, statues de marbre et de bronze, bas-reliefs et arabesques, bijoux et pierres gravées, mosaïques et peintures murales, et les mille créations d'un artoublié. En Italie particulièrement, mais aussi dans toute l'Europe, ce fut un fanatisme étrange, qui alla jusqu'à sacrifier aux anciens plus de mille ans d'une histoire à laquelle il eût été juste pourtant de reconnaître une vigoureuse originalité. En ce moment d'enthousiame général, il semblait que l'antiquité fût la. source unique.et inépuisable des belles pensées et des belles actions, des beaux sentiments et des beaux arts. Les philosophes et les politiques, les poètes et les écrivains, les artistes surtout, s'y abreuvaient à plaisir. Et, en effet, les doctrines et les langues, les images et les formes, tout s'y métamorphosa. C'est la grande époque du XVIesiècle; et l'Italie, qui avait pris les devants, tint encore la têtede cette insurrection féconde. C'est l'Italie qui rayonne alors sur l'Europe entière, et non-seulement


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DES TENDANCES DE L'ARTAU XIXeSIECLE.

elle lui fournit architectes, sculpteurs et peintres, mais encore la plupart des hommes qui ont une action décisive sur la civilisation moderne; c'est elle qui, après avoir donné à l'Espagne un nouveau monde par Christophe Colomb, donne à Charles-Quint le. Titien et une pléiade d'artistes; c'est elle quidonne à François ler Léonard de Vinci et tous les décorateurs de Fontainebleau, et qui va bientôt régner sur la France par Machiavel avec Catherine de Médicis; c'est.elle qui va renouveler la science cosmologique par Galilée; c'est elle qui ravive la poésie par Dante, Pétrarque et le Tasse; c'est elle enfin qui produit Michel-Ange, Raphaël, le Corrége, et tant d'autres maîtres sublimes, à Florence, à Rome, à Parme, à Ferrare, à Venise, à Milan, partout ! Â partir de ce noble XVIesiècle, il faut tirer une barre entre le moyen âge et l'époque moderne. L'art du XVIesiècle n'est plus chrétien, quoi qu'on en dise, et quoi qu'il ait encore traité des sujets empruntés au moyen âge. Si l'amant de la Fornarina faisait des Madones, des Sainte-Famille, la Transfiguration, comme il faisait l'École d'Athènes ou l'Incendie du bourg, ses adorables Vierges ont autant de la Vénus pudique que de la chaste Marie. Si. Michel-Ange faisait des Moïse, des Christ, des Prophètes, comme il faisait des Bacchus, des Ganymède et des Sibylles, il n'en est pas plus orthodoxe, malgré son austère génie. L'auteur du Jugement dernier, un artiste chrétien? Oui, à la façon de Dante, son maître, qui ôte à saint Pierre les clefs du paradis pour les donner à Virgile. Si le Corrége faisait des Sainte Catherine et des Saint Jérôme, allez vous recueillir devant son Antiope voluptueuse, et même devant ses Madeleines pénitentes! Si l'ami de l'Arétin faisait l'Assomption de la Vierge et le Christ au prétoire, allez apprendre la mortification chrétienne devant sa Danaë, du Vatican, ou devant le portrait de sa Maîtresse, au Louvre ! Quels chrétiens que Giorgione et Paul Véronèse, et tous les autres peintres de la Renaissance, malgré leurs innombrables compositions religieuses ! Ce n'est pas le sujet, mais bien le style, qui grave le caractère sur une oeuvred'art. Or le caractère de l'art, à cette époque, c'est la passion de la beauté, forme, mouvement, physionomie, couleur. Et comme les Grecs avaient réalisé.la perfection plastique, il arriva»que dans les oeuvres des artistes supérieurs l'art grec se combina avec un


DESTENDANCES DE L'ARTAUXIXe SIECLE. 81 sentiment original et tout moderne; si bien que Raphaël, par exemple, doublement fécondé par la forme antique et par l'idée chrétienne, s'éloigne néanmoins à la fois de l'une et de l'autre, et conserve sa personnalité intacte et incomparable. L'impulsion donnée au XVIesiècle par ces illustres créateurs s'est perpétuée presque jusqu'à nous. Mais les artistes à la suite, dépourvus du génie inventif, ont stéréotypé en système ce qui avait été pour les maîtres un simple élément d'inspiration ; et la prétendue imitation de l'art antique est demeurée longtemps une théorie officielle, inviolable et. sacrée. Architectes, sculpteurs, peintres, littérateurs, critiques, chroniqueurs, savants, tous se sont plongés par une émulation mutuelle dans l'étude assidue de l'antiquité. Après avoir restauré les Romains et les Grecs, on s'est rejeté bien plus loin en arrière. Une érudition infatigable a rétrogradé jusqu'aux Étrusques, aux Égyptiens, aux Assyriens, aux Chinois, aux Indiens, jusqu'aux origines extrêmes de l'histoire. Grâce à cette soi-disant renaissance, on a fouillé tous les vieux cimetières dès sociétés défuntes; on a tout déterré, tout examiné, tout palpé. Et, chose merveilleuse ! c'est ainsi que la tradition humaine se trouve à présent éclaircie, coordonnée et vraiment restituée dans son universalité. Cependant, au cours de ce long voyage vers l'Orient, on avait presque oublié l'histoire du moyen âge, considéré comme une époque de ténèbres. L'Europe, devenue savante sur les temps antiques, ne savait plus son passé immédiat. On connaissait bien lès noms des architectes, des sculpteurs, des peintres, contemporains de Périclès et d'Aspasie; on lisait couramment les inscriptions asiatiques; mais retrouver les noms des constructeurs et décorateurs de nos cathédrales, ou déchiffrer les hiéroglyphes écrits par nos aïeux directs, de cela et de toute l'obscurité gothique, on ne s'inquiétait guère. Une nouvelle réaction contre la réaction vers l'antiquité était donc indispensable. Elle a eu lieu depuis le commencement du siècle actuel, et l'école romantique dans les lettres, dans les arts, dans l'érudition, y a beaucoup contribué. Malheureusement, comme la passion un peu aveugle est souvent la compagne des tentatives réactionnaires, et peut-être une des conditions de leur succès, les restaurateurs du moyen âge ont été saisis, en faveur de leur période chérie, du même fanatisme qu'ils reprochaient amèrement aux restaurateurs de l'antiquité. Le do-


DES TENDANCES DE L'ARTAUXIXe SIECLE. 82 maine des arts et de l'histoire est disputé aujourd'hui par deux sortes de résurrectionnistes aussi entêtés les uns que les autres : ceux-ci admirant toujours presque exclusivement les Grecs et les Romains, résumé de la civilisation antique, maçonnant toujours des temples païens sous prétexte d'églises, de bourses, de théâtres, de casernes et de maisons; ceux-là enthousiasmés des porches et des clochetons, rêvant l'architecture immuable sous forme d'ogive, de trèfle et de gargouille, et tout prêts à bâtir d'après le plan et la coupe des cathédrales les édifices d'un usage moderne, débarcadères de chemins de fer ou grandes usines de l'industrie; ceux-ci et ceux-là pareillement égarés dans des utopies impuissantes, puisqu'ils s'immobilisent sur la forme de civilisations évanouies, qui ne doivent être pour nous que des souvenirs précieux et ineffaçables. Bien plus, outre ces deux catégories principales d'imitateurs, il y a encore les imitateurs de telle ou telle période plus restreinte: quelques-uns s'attachant aux écoles florentine ou romaine de la Renaissance, à Michel-Ange ou à Raphaël dont ils s'efforcent de reproduire le style et les allures, et qui sont ainsi ressuscités à leur tour, mais non pas si bien qu'ils ont ressuscité l'art antique; d'autres pastichant les Vénitiens, ou Rubens, ou les petits maîtres flamands et hollandais du XVIIesiècle, ou les maîtres coquets du XVIIIesiècle, ou même les pastiches de l'école classique, ou même les contemporains illustres. Car l'art, ne sachant trop par où aller, contemple toujours le passé et s'y complaît encore volontiers, jusqu'à ce qu'il voie clairement le chemin de l'avenir. Mais toutes ces exaltations vaillantes, toutes ces recherches opiniâtres, tous ces écarts capricieux, et même tous ces stationnements débiles, n'auront point été sans résultat pour le progrès des arts. De ces excursions plus ou moins heureuses, chacun a rapporté quelque curiosité au musée de l'esprit humain. Aujourd'hui nous en sommes là, que nous pouvons projeter notre vue dans le passé sur la chaîne indissoluble de la tradition universelle. L'humanité a pris conscience d'elle-même le long du temps, et conquis en quelque sorte la possession de son immortalité. C'est superbe! Mais il lui reste encore à poursuivre une autre conquête, qui sera sans doute plus facile : il lui reste à prendre conscience d'elle-même dans l'espace, à faire son tour du monde


DES TENDANCES DEL'ART AUXIXeSIÈCLE. 85 comme elle a fait sa percée dans l'histoire, à entrer en possession de son unité, à se constituer enfin tout àla fois dans son ensemble et dans sa durée. Ce qui, depuis trois siècles, s'est opéré en long doit aujourd'hui s'opérer en large. Nous sommes, si l'on veut, au second acte de la Renaissance, de la transition pour mieux dire. Le premier acte ayant effectuél'universalité dans le temps, le second doit effectuerl'universalité dans l'espace. Car tout le travail poétique depuis le XVIesiècle n'est qu'une transition de l'art catholique vers un art nouveau qui exprimera une civilisation nouvelle : palingénésie latente parce qu'elle est profonde, métempsycose lente mais invincible, et dont les signes sont déjà irrécusables pour les intelligences perspicaces. Telle est assurément la mission du XIXesiècle. Tous ses actes, toutes ses tendances le prouvent. Les arts s'interrogent aux quatre vents de l'atmosphère, Ils se donnent rendez-vous dans des meetings universels; ils s'assemblent en congrès où la Chine, les États-Unis, l'Algérie, exhiberont leurs oeuvres, tout comme l'Allemagne, l'Angleterre, la France et les diverses nations de l'Europe. Ils se comparent, ils se pénètrent, ils:s'influencent, ils se complètent mutuellement. La Chine prêche la. fantaisie et les fines couleurs; les États-Unis, le bon sens et la sobriété; l'Algérie, l'éclat et la lumière; l'Allemagne, la philosophie et le style sévère ;l'Angleterre, l'activité jointe à l'élégance; la France, l'esprit, la verve, la clarté. Ainsi des autres. Quand les arts de tous pays, avec leurs qualités indigènes, seseront ainsi rapprochés souvent, quand ils auront pris l'habitude d'échanges réciproques, le caractère de l'art y gagnera partout une incalculable étendue, sans quele génie particulier à chaque peuple en soit altéré. Il se formera de la sorte une école européenne d'abord, au lieu des sectes nationales qui divisent encore la grande famille artiste selon la topographie des frontières ; puis, une école universelle, familiarisée avec le monde, et à laquelle rien d'humain ne sera étranger. Cesera le troisième acte, expliquant et dénouant le drame intitulé Renaissance, à la suite duquel commencera une nouvelle épopée qui ne sera plus seulement la résurrection d'un passé partiel, mais la naissance d'un avenir grandiose.


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DES TENDANCES DE L'ARTAU XIXeSIECLE. dont La littérature, les. feuilles légères s'envolent plus facileoeuvres ment que les plastiques, est aussi plus avancée que les dans beaux-arts cette circulation internationale. Tel roman; frana été traduit dans presque toutes les langues. Tel roman çais américain a compté des centaines d'éditions, dispersées sur le globe. Tel journal européen se lit à New-York et à San-Francisco, à Rio-Janeiro et à Valparaiso, à Ispahan et à Calcutta, en Australie et au cap de Bonne-Espérance. Tous les faits sociaux trahissent également ce besoin expansif de la littérature et des arts. La science, l'industrie, le commerce, les découvertes, les voyages, la vapeur, l'électricité, la photographie, les moyens mécaniques, les activités intellectuelles, les passions et les intérêts, tout concourt et tout consent à ce grand but d'unité humaine. Car ce que nous appliquons aux arts, c'est la loi de notre temps, c'est le mot général de la civilisation. De Maistre écrivait déjà, au commencement de ce siècle : « Tout annonce je ne sais quelle grande unité vers laquelle nous marchons précipitamment. » Lorsqu'on a escaladé une montagne pour contempler de haut quelque beau fragment de paysage, on découvre à la fois tout un ensemble qui permet de saisir les caractères de chaque partie. Par ses relations et ses analogies, par son entourage et ses adhérences, on en interprète mieux la forme, la couleur etla destination. C'est ainsi que, au point de vue d'où il convient d'examiner l'avenir poétique, on est frappé de cette concordance entre tous les éléments constitutifs de la vie moderne. Confirmation lumineuse des tendances de l'art vers l'universalité. L'esthétique et la critique au XIXesiècle doivent donc, suivant nous, abdiquer toute école, tout système, toute nationalité, tout préjugé local ou historique. Elles ne doivent être d'aucun pays, ni d'aucun temps, afin de favoriser la convergence sympathique et providentielle des facultés créatrices attribuées aux différents peuples. Il se trouvera toujours assez d'hommes laborieux et inflexibles pour faire l'oeuvre particulière et circonscrite d'un peuple déterminé : vocation excellente, d'ailleurs, au milieu de l'arène où chaque langue, chaque style, chaque originalité, chaque génie doivent avoir des représentants. On dit que l'art est l'expression de la société : assurément, puisqu'on appelle société le faisceau des manifestations humaines. Ce


DESTENDANCES DE L'ARTAUXIXeSIECLE.

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que l'art exprime de la société, c'est le sentiment et la physionomie, comme l'industrie en exprime la force, comme la science en exprime la raison. Le progrès de l'art contemporain consiste donc à traduire dans une forme harmonieuse le sentiment irrésistible qui entraîne le monde vers l'unité. W. BURGER.


LES ARTS EN BELGIQUE

SOUS CHARLES-QUINT.

§ II. — PEINTURE (1). L'école flamande, caractérisée à son origine par l'imitation simple et naïve de la nature, perdit ce caractère sous l'influence de la révolution que Raphaël et Michel-Ange opérèrent dans les arts. Les peintres belges coururent en Italie pour étudier ces grands maîtres, et la plupart en devinrent les imitateurs. L'art alors oublia son cachet national : les maîtres du XVIesiècle offrent une altération du style primitif, qui eût été fatale peut-être à l'art flamand, si, au XVIIesiècle, l'école ne se fût régénérée au souffle d'un puissant génie. Néanmoins, les encouragements de Marguerite, qui aimait les arts avec passion, la protection de CharlesQuint, à qui tout sentiment de grandeur était naturel, dotèrent la Belgique d'une nombreuse phalange d'artistes dont quelques-uns occupent un rang distingué dans l'histoire. La seule ville de Malines comptait plus de cent cinquante peintres (2) que la cour y avait sans doute attiré. Guicciardin nous a laissé une liste des peintres renommés en Belgique et au dehors dans la première moitié dû XVIesiècle. C'étaient : Quintin Metsys, simple ouvrier élevé par son génie à l'intimité d'Érasme et à l'admiration de ses contemporains, confirmée plus tard par la postérité; suivant lés traditions, c'était l'amour qui avait fait de l'habile forgeron un grand peintre ; Josse de Clèves, ou plutôt Joseph Van Cleef, dit Cleef le Fou, d'Anvers, regardé comme le meilleur coloriste du temps (5); le précédentnumérodelaRevue. (1)Voirpourl'architecture ViedesPeintresflamands,allemandset hollandais,t. I, p. 92. (2)DESCAMPS, - ALFRED —D'ARGENVILLE. - SIRET, MICHIELS. etc. c., t. I, p. 61. (3) DESCAMPS,!.


LES ARTSEN BELGIQUESOUSCHARLES-QUINT.

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François Ier l'appela en France pour faire les portraits de la famille royale ; Bernard Van Orley, ou plutôt d'Orley (1), de Bruxelles, peintre de Marguerite d'Autriche et de Marie de Hongrie, qui le comblèrent de faveurs (2); ami de Raphaël et d'Albert Durer; non moins célèbre par ses cartons des tapisseries dont Charles-Quint et sa tante ornaient leurs palais, que par ses tableaux où, à côté d'un mérite réel, se manifestent malheureusement des tendances à un funeste abandon des principes de l'école primitive; Jean de Ber et Mathias De Cock, d'Anvers; Simon Benninck, Gérard et Lancelot Blondeel, de Bruges; on cite de ce dernier « un admirable incendie de Troye, » genre dans lequel il excellait; Jean Gossard, dit de Maubeuge, protégé par Philippe de Bourgogne et par le seigneur de la Vere, par Marguerite d'Autriche et par Charles-Quint, « Il apporta d'Italie l'art de peindre l'histoire et la poésie à nu », et il acheva, sansnéanmoins abandonner entièrement ses premiers guides, la révolution que l'enthousiasme pour les grands maîtres italiens avait produite en Belgique; il acquit une juste célébrité et, de son vivant déjà, ses oeuvresfurent recherchées dans son pays et à l'étranger ; Joachim Pattenier, de Dinant, le premier peut-être qui, dans le paysage, étudia uniquement la nature; Henri de Bles, ou Met de Bles, de Bouvignes,imitateur et quelquefois émule de Pattenier dans le paysage, disciple de Lucas de Leyde et de Maubeuge dans les tableaux d'histoire ; L'architecte Pierre Coeck, d'Alost, élève de Bernard d'Orley, à tort, était (1) Bernardd'Orley,et nonVan Orley,commeonl'a flamandisé sansdouteparentde Bernardd'Orley,écuyer-seigneur de Seneffe, de Tubize,conseilleret panetierde Philippe le Beau,baillide NivellesetduromanpaysdeBrade1498à 1505.Lefilsdecelui-ci, bant,dontles Archives possèdentdescomptes Philippe d'Orley,seigneurde Seneffe,de Tubize,de la Follie,etc., succédaà sonpèredansla chargede baillideNivellesetduromanpaysdeBrabant.Il y a descomptes deluide1509à1554.OntrouveencoreunEnglebertd'Orley,écuyer baillide Bouvignes, dontil y a descomptes de1459à 1481,etunJeand'Orley(ou Dourleycommes'écritquelquefois danslescomptesle nomdupeintre),chevalier seigneurde Beaufort,prévôtde Luxembourg, dontil y a des comptesde 1461à 1465.Enfin,ontrouveun d'Orleyjusticierdesnoblesdansle Luxembourg. (2) Voirauxpiècesjustificatives, n° 1, à la finde l'article,quatrecomptes relatifsà cepeintre.


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LES ARTSEN BELGIQUE ordinaire de peintre Charles-Quint et de Marie de Hongrie (1), moins connu par ses tableaux que pour avoir « transporté dans les Pays-Bas la vraiepratique d'architecture (2) ; » Jean de Calcker ; Charles, d'Ypres (3); Lucas Horenbout, de Gand ; François de Vriendt, dit Frans Floris, surnommé le Raphaël flamand; il avait été élève de l'architecte Lambert Lombart, de Liége, et il devint le chef d'une pléiade d'artistes qui répandirent dans toute l'Europe et sa manière et la gloire de son nom; Martin de Vos, le plus brillant disciple de François de Vriendt ; Jérôme De Cock, « éditeur des oeuvres de Jérôme Bosch et d'autres peintres ; » Louis Van Hort ; Jacques Grimmer, paysagiste, qui copia tous les environs d'Anvers, où il fut reçu dans la confrérie de Saint-Luc, en 1546 (4); Jean Bol (S), Crispin et Henri Van den Broeck, dit Paludanus; ils quittèrent Malines, leur patrie, pour s'établir à la cour de Florence; Michel Coxie, de Malines (6), admirable élève de Van Orley; « il pénétra si avant dans le sentiment et dans les secrets de l'école romaine, qu'une sainte Barbe, touchée par ce pinceau flamand, et conservée à la Pinacothèque de Munich, pourrait à la rigueur être prise pour un Raphaël (7); » Parmi les femmes artistes, Guicciardin cite : Susanne Horenbout, soeur de Lucas; attirée par de brillants avantages à la cour de Henri VIII, elle mourut en Angleterre; Claire Skeisers, de Gand ; Anne Segher, d'Anvers ; Lievine, fille de Simon de Bruges, appelée aussi en Angleterre par Henri VIII et honorablement mariée par ce prince ; t. XII, Irepartie,p. 31, (1) Voirsur cetartisteBulletinsde l'Académie, (2) GUICCIARDIN. (3) DESCAMPS, t.I, p.54. (4) Idem,t. I, p. 57. (5) Idem,p. 81. (6) Histoirede Bruxelles,t. ,IIIp. 46. Histoiredel'Art en Allemagne,t. II, p. 184,(Ed.Wouters (7) M.FORTOUL, et Cie,Bruxelles,1844.)


SOUSCHARLES-QUINT. 89 Catherine Hemssem, fille de Jean ; elleet son mari, Chrétien, qui était musicien, plurent tant à Marie de Hongrie qu'elle les emmena en Espagne (1); Marie de Bessemers, de Malines, veuve de Pierre Coeck; Et Anne Smyters, de Gand, femme du sculpteur et architecte Jean de Heere, et mère du peintre Lucas de Heere. Que de noms à ajouter encore à cette liste, sans même avoir la prétention de la rendre complète! Gosuin Van der Weyden, petit-fils de Roger Van der Weyden, de Bruxelles, appelé aussi Roger de Bruges ; il peignit, à l'âge de 70 ans, un tableau représentant la Mort et l'Assomption de la Vierge. Ce tableau orne encore le musée de Bruxelles; Roger Van der Weyden II, auquel on a longtemps attribué une partie des oeuvres de Roger Van der Weyden Ier (2). Jean Hervy, auteur des dessins de la belle grille de fer qui entourait autrefois le mausolée de Marie de Bourgogne, ainsi que de la custode ornée de huit-grands blasons qui le recouvrait (5) ; Jean Vermay, de Malines (4), que Charles-Quint emmena avec lui en Afrique ; il reproduisit la conquête de Tunis dans de grands tableaux conservés par la ville des empereurs, au Belvédère et au palais du prince Eugène, où sont déposés les trophées gagnés sur les Turcs (5); Grégoire Vellemans, que le magistrat de Malines chargea, en 1529, de peindre le couronnement de Charles-Quint (6); Jacques Van Laethem, peintre de Charles-Quint en 1517 (7); Jacques et Jean Van Battele (8), qui, en la même année 1517, peignirent pour la ville de Malines, un portrait du jeune souverain des Pays-Bas (9); Jean Schoof, chargé en 1514, par le magistrat de Malines, (1)GUICCIARDIN. notresavantcollaborateur, a (2)V.l'intéressantenoticequeM.A. WAUTERS, publiée surRogerde BrugesdansleMessagerdessciences ann.1846. historiques, Notice (3)Je, JehanHervy,peintredamourantà Bruges....M. A.PINCHART, sur PierreDeBeckere,Bulletinsdel'Académie, t. XVIII. historique n° 5. (4) Piècesjustificatives, Histoirede l'empireottoman,L. XXVIII. (5)DEHAMMER, (6) AZEVEDO. n°2. (7) Piècesjustificatives, (8)Idem,n° 2. (9) AZEVEDO.


LESARTSEN BELGIQUE d'exécuter, un tableau représentant le grand conseil tel qu'il avait été établi par Charles le Téméraire (1); ce tableau, placé dans l'église de Saint-Rombaut, fut détruit par les iconoclastes (2); Jean Leboucq, héraut de l'Empereur, peintre de portraits en même temps qu'auteur de plusieurs traités héraldiques, perdus ou brûlés lors de l'incendie du palais de Bruxelles, en 1731 ; Jean de Bois-le-Duc, qui exécuta pour Marguerite d'Autriche « ung beau tableau de paincture (5) ; » Corneille Schermier, qui peignit et dora la voûte et les petits tabernacles de la chapelle du Sacrement de Miracle, à l'église Sainte-Gudule (4); Guillaume Scrots, peintre de Marie de Hongrie (S); Gérard Horenbout, de Gand, qui exécuta pour Marguerite d'Autriche de nombreux et importants travaux (6); il fut aussi premier peintre de Henri VIII ; Everard Hasembourg et Lucas de Heere, de Gand; celui-ci se fit un nom dans les arts et dans la littérature ; Michel Van Vlieten (7), Pierre Claeyssens, Marc Geerarts, de Bruges; - Roland Maille (8); Joseph Van Liere, de Bruxelles ; Jacques De Baeker, Joachim Beuckelaer, d'Anvers ; Jean Van Vassele, Paul Tubach (9), Lucas et Martin de Valckembourg, Jacques de Poindre, Corneille Enghelrams, Marc Willems, de Malines; Lucas Gossel Van Helmont, Arnould de Beer, Adrien (10), François Grabeth, Grégoire Beerings (11), François de Jonghe, persécuté comme luthérien (12), etc., etc. 90

adann.1514. (1) AZEVEDO, Rer. burg.,t. V, cap.9. (2) P. HEUTERUS, n°3. (5) Piècesjustificatives, (4) Histoirede Bruxelles,t. III, p. 264. Bapportsur lesarchivesde Lille,p. 42. (S).M.GACHARD, Archives desarts, dessciencesetdeslettres. (6)M.A.PINCHART, n°5. (7) Piècesjustificatives, (8) Idem,n°5. (9) Idem,n° 5. (10)Idem,n°5. (11) V. Descamps, pourla plupartdecesdernierspeintres. (12)Comptede1525à 1528,f°VIIet VII20.— V.chap.56.


SOUSCHARLES-QUINT. 91 Beaucoup:de ces noms sont oubliés; beaucoup de ces oeuvres ont disparu au milieu des tourmentes qui mainte fois faillirent engloutir la Belgique. Mais cependant quelques-uns de ces peintres sont restés debout, et justifient encore aujourd'hui la réputationdont l'école flamande n'a cessé de jouir auprès de l'étranger, qui recherchait ses oeuvres (1) et honorait son talent. « C'est des Pays-Bas, dit Guicciardin, qu'on voit se répandre des maîtres et artistes parfaits en Angleterre, en Allemagne, notamment en Danemark, en Suède, en Norwége, en Pologne et dans les autres paysseptentrionaux, sans parler de la France, de l'Espagne et du Portugal, où les appellent souvent les princes, les seigneurs et les villes, qui les comblent de présents ; ce qui est non-seulement merveilleux, mais encore honorable pour ces hommes et pour leur patrie (2). » § III. — SCULPTURE. La sculpture ne présente pas une série moins brillante d'artistes : Jean de Daele, sculpteur et poëte ; Jacques du Broeucque, de Mons, sculpteur, architecte et graveur, qui orna d'autels, de bas-reliefs et de statues fort remarquables, l'église de Sainte-Waudru à Mons (3); il exécuta aussi le magnifiquejubé de cette église, détruit à la fin du siècle dernier ; Jean de Heere, de Gand, un des plus grands sculpteurs de son temps (4); auteur du mausolée d'Isabelle d'Autriche dans l'église de l'abbaye de Saint-Pierre à Gand, et du jubé de Saint-Bavon, détruit par les iconoclastes en 1568 (5) ; Corneille Floris, aussi célèbre comme sculpteur que comme architecte; il introduisit les grotesques dans les Pays-Bas etfit la décoration en marbre du jubé de la cathédrale de Tournay (6); Guillaume Van den Broeck, dit Paludanus, père des peintres de n°4. (1) Piècesjustificatives, (2)Antverpia. (5) PH.BAERT, 1. c, p. 557. (4) DESCAMPS, 1. c, 1.I, p. 89. (5) MARC VAN Historievan Belgie,t. II, p. 212.—PH.BAERT VAERNEWYCK, — M. SCHAYES, (6) PH.BAERT. Histoirede l'architecture.


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LES ARTSEN BELGIQUE ce nom, sculpteur fort estimé; il fit le piédestal de la statue du duc d'Albe (1) ; Mathieu Mannemaeker, d'Anvers, et GeorgesRobin, d'Ypres (2); Jean Van Roome, dit Jean de Bruxelles, qui donna les modèles des statues et des figures d'animaux, destinées à orner les bailles du palais des ducs de Brabant (3) ; Conrad Metz ou Meyt, à Malines, « tailleur d'ymaiges » de Marguerite d'Autriche, et peut-être le plus célèbre sculpteur de son temps ; on lui doit, entre autres travaux, les belles sépultures en marbre blanc, de l'église de Brou (4); Guiot de Beaugrant, de Malines, auteur du mausolée deFrançois d'Autriche, dans l'église de Saint-Jacques, à Bruxelles (S), et des sculptures de la cheminée du Franc, à Bruges (6) ; Jean Borreman, de Bruxelles, qui modela en bois les statuesdes bailles du palais de cette ville (7) ; Pierre Keldermanet GuillaumeLessens, également de Bruxelles, qui sculptèrent ensemble l'autel en pierre de touche dans la chapelle du Sacrement de Miracle, à Sainte-Gudule (8); L'architecte Henri Van Pede., sculpteur des sept tabernacles de cette chapelle ainsi que des chapiteaux et des autres ornements d'architecture (9) ; Alexandre Colin, de Malines, auteur du superbe mausolée de Maximilien dans l'église des Franciscains, à Inspruck (10); L'architecte Jean de Thuin, qui était, en outre, « officier tailleur d'images (11); » Pierre Van Aelst, sculpteur et peintre ; il fit, en 1554, le fameux géant d'Anvers (12); c. — «Beeldsnydergepresenin 't leven.».V. son (1) M. A. PINKCHART,.1. épitapherapportéeparPh. Baert.—V. aussiGuicciardin. (2) GUICCIARDIN. (5) Histoirede Bruxelles,t. III, p. 585. (4) Pièces.justificatives, n°5. (5) Idem,n°6 Noticesur la cheminée duFranc. (6) DEHONDT, (7) Histoirede Bruxelles,t. III, p. 522. (8)Idem,p. 262. (9) Idem. (10) VoirlaNoticedeM.MenDeRingsur cet artiste,Messagerdes Sciences historiques, 1844,p. 95-155. (11) V.sonépitaphe,rapportéepar Ph.Baert,p. 559. vanAntwerpen. (12) Geschiedenis


SOUSCHARLES-QUINT. 95 Rombaut de Dryvere, de Malines, à qui l'on attribue les beaux tabernacles de Léau et de Tongerloo (1) : Le célèbre poëte Jean Second, qui reproduisit sur le marbre les traits de sa Julie, la belle Malinoise, pour laquelle il composa une grande partie de ses Baisers (2) ; Jean de Bologne, placé au premier rang des sculpteurs et des architectes de son siècle (3); Albert de Brule ou Van den Brulle d'Anvers, auquel Venise doit la belle boiserie du choeur de l'église de Saint-Georges le Majeur (4) ; Jacques Jongelinck, d'Anvers, auteur du mausolée de Charles le Téméraire, à Bruges, et de la fameuse statue que se fit ériger leduc d'Albe (S) Jacques Daret (6); Enfin, Roch, « excellent ouvrier en son art et fort honneste homme, » lequel, malgré ces rares qualités, fut brûlé vif comme hérétique par l'inquisition d'Espagne. Cette histoire du pauvre «imager flamand » est racontée, dans une forme aussi dramatique quenaïve, par un auteur contemporain ; «En une ville d'Espagne qu'onappelle San-Lucar, demouroit un imager de Brabant appelé Roch, excellent ouvrier en son art, et fort honneste homme. Or pource qu'il avoit eu quelque petite cognoissance de la vraye religion, il se desplaisoit grandement en son mestier, et pourtant avoit-il désisté de faire images pour idolatrie et superstition, et n'en faisoit plus que quelques-unes d'excellence et où on peust voir quelque singularité de son ouvrage. Un jour il avoit fait une image en bois de la Vierge Marie, d'un excellent artifice, et la tenoit en sa boutique exposée en vente. Un des inquisiteurs qui passoit d'aventure, la vit et luy demanda combien il la faisoit: L'ymager lui dit le prix; l'inquisiteur n'en offrit pas la moitié. L'autre luy dit que s'il la bailloit pour ce prix, après y avoir mis tant de temps et de peine, il n'y gagneroit pas de l'eau à boire. L'inquisiteur dit qu'il n'en bailleroit pas davantage et qu'il la —M.SCHAYES. (1) PH.BAERT. travaildeM.Tissotsurce poëte. (2)V. le remarquable (3) PH.BAERT. (4) Idem. (5)Idem.—M.A. PINCHART. (6)Piècesjustificatives, n° 6.


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devoit avoir néantmoins: Vous l'aurez, dit l'imager, si vous en donnez prix raisonnable, mais autrement je la rompray plustôt que de la bailler pour le prix que vous dites. Rompez-la pour veoir, dit l'inquisiteur.' Alors Roch prit un de ses outils le premier qu'il trouva, et le jeta contre son ouvrage, de sorte qu'il luy rompit un peu du visage. Tout soudain il fut mené en prison comme s'il eust commis quelque grand crime. Quoy, disoit-il, n'est-il pas en ma puissance de deffaire et de refaire mon ouvrage à mon plaisir ; elle ne me plaisoit pas ainsi, je la vouloys refaire autrement. Mais tout ce qu'il allégua n'eut point de lieu, on ne le voulut point ouyr. Trois jours après il fut mené au supplice pour estre bruslé comme hérétique, à cause qu'il avoit blecé la vierge Marie. Adonc comme il estoit prest d'entrer dedans le feu, il demanda à haute voix s'il y avoit pas là de Flamants. Quelquesuns qui estoyent présens respondirent qu'ouy, et qu'il y avoit au port deux navires qui n'attendoient que le vent pour s'en aller en Flandres, et partant s'il y vouloit mander quelque chose, qu'il le dist franchement, qu'ils feroient fidèlement tout ce qu'il leur diroit. Las! rien autre chose, dit-il, sinon que vous annonciez à mon père qui demoure à Anvers, que j'ay esté bruslé en ceste ville, mais non pour autre chose que pour ce que vous avez ouy. Ainsi fut bruslé ce pouvre homme. Et afin que vous ne pensiez pas que ce soit fable ce que je vous dy, j'ay moi-même cherché dilligemment à Anvers, à cause que la chose me sembloit trop estrange, sy je pourrais trouver quelque certitude de ceste histoire, et si les maîtres de ce mestier là en avoient ouy quelque chose; j'ay trouvé à la fin les parents de Roch, qui avoyent demouré avec luy en Espagne et en Anvers, lesquels m'ont asseuré en la sorte que je vous l'ay racontée. Mesme ils m'ont dict que le père de Roch en estoit mort de tristesse (1). » § IV. ENLUMINEURS,GRAVEURS,ORFEVRES ET FONDEURS. L'invention de l'imprimerie n'avait pas immédiatement rendu déserts les ateliers des calligraphes et des enlumineurs, et il DUCHESNE (1) Del'estat du pais bas et religiond'Espagne,par FRANÇOIS ; SainteMarie,MDLVIII, p. 173-174.


SOUSCHARLES-QUINT. 95 existé encore beaucoup de manuscrits copiés au commencement duXVIe siècle pour Marguerite d'Autriche (1). De 1460 à 1517, on a trouvé les noms des enlumineurs suivants, dont les ouvrages sont inconnus : Coppin; Jacob, l'enlumineur; Etienne Toetsoen; Nicolas Knodde ; Barbet Boons, à la Vigne ; Germain Viellaert ; Théodore, fils de Jacques Van Gavere: Thiebaud, l'enlumineur ; Louis Liedet ; Guillaume Vrelant ; Bertinette Yweins; La femme de Jacques Lantsheere ; Philippe de Marcke ; Arnould de Cat ; Clovekin, l'enlumineur; Jean Spierinck; Lievin Jaumaert, deGand; Jean Moke; Philippe, l'enlumineur; Martin Van Axele; Jean Van Veldekens, dit Moens; Simon, l'enlumineur; Jean Macquardt, de Lille ; Antoine de Trumper; MichelMertens ; . Pierre Van Niederblyk ; Raphaël de Busere ; Fabien, le peintre ; Louis de Block ; Et Simon Benninck, que Guicciardin range parmi les peintres, et dont le fils devint peintre de Henri VIII (2). (1) V.lesmss.dela Bibliothèque deBourgogne. (2) M.lechanoine DESMET, Quelquesrecherchessur nosanciensenlumineurs et calligraphes. de l'Académie, t. XV,2epartie,p. 76.) (Bulletins


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On peut citer encore : Le peintre Gérard Horenbout ; Thierry Jacobssone ; Arnould Gelasemekere ; Adrien Reyniers, de Bruxelles (1) ; Le chroniqueur Egide Van den Hecke, de Bruxelles ; Jacques Van Lietvelt, décapité comme protestant; Jean de Roovere (2); Et le chroniqueur Gilles de Wilde, qui orna ses ouvrages de riches miniatures (3). L'invention de la gravure en taille-douce par l'orfévre Finiguerra, élèvede Ghiberti, les travaux de Marc Antoine, d'Albert Durer et de Lucas de Leyde, avaient exercé trop d'influence sur les destinées de l'art pour que les artistes des Pays-Bas demeurassent étrangers à ce merveilleux progrès. Lucas de Leyde surtout modifia les graveurs et les peintres de ces contrées ; la vérité de la perspective et du clair-obscur, source spéciale de sa grande réputation, resta « le principal sujet d'études et l'on pourrait dire le patrimoine de l'école des Pays-Bas (4). » Parmi les graveurs belges de la première partie du XVIesiècle, brillent Théodore de Bry, de Liège, que recommande sa manière délicate, les peintres Henri de Cleef,d'Anvers, Lancelot Blondeel, de Bruges, Lambert Suterman, de Liège, Jérôme Bosch, de Boisle-Duc, Jérôme Cock (5), le sculpteur Jacques du Broeucque (6), Josse Lambert, de Gand, tout à la fois grammairien, poëte, imprimeur et graveur (7), et le graveur sur bois Hubert De Croc (8). « Pour se faire une idée de l'amour des lettres et des arts qui régnait aux Pays-Bas durant le XVIesiècle, il faut se rappeler Archivesdes arts, dessciencesetdeslettres.—Biogra(1) M.A.PINCHART, phie, etc. n°7. (2) Piècesjustificatives, Lectures,I, 52. (5) GOETHAELS, —V. aussila remarquableNotice. Histoiredéla gravure-. (4) EMERIC DAVID, deM.FÉLIX STAPPAERTS surl'Histoirede la gravuredanslesPays-Bas.(Revue de Belgique, t. III, 2esérie.) — M.F. STAPPAERTS. DAVID. (5) EMERIC (6) GUICCIARDIN. desscienceshistoriques,1842,p. 56. (7) Messager Archivesdesarts, etc. (8)M.A.PINCHART,


SOUSCHARLES-QUINT. 97 deux cents cabinets de médailles. La collection qu'on y comptait que les deux illustres frères Lauweryn, seigneurs de Watervliet, connus sous le nom de Laurini, avaient formée à Bruges, et d'après laquelle Hubert Goltzius a fait ses magnifiques ouvrages, était telle qu'aucun souverain ne l'a surpassée. Les guerres civiles la dissipèrent (1). » Aussi les graveurs de sceaux et de médailles sont-ils nombreux à cette époque ; ce sont : L'orfévre Augustin de Wynter, de Bruxelles, qui grava les sceaux du conseil d'Artois ; L'orfévre Marc de Glasere, de Bruges; L'orfévre Antoine de Gruter, de Malines; L'orfévre Pierre Huzuweel, de Bruxelles ; L'orfévre Rombaut Van den Dorpe, de: Malines, qui grava le sceau et le contre-sceau du grand conseil ; L'orfévre Gilles Horrion ou Horioen, qui grava le sceau de Philippe II, à son avénement au duché de Brabant, en 1555; L'orfévre Philippe Van den Berghe, de Bruges, qui fut appelé aux fonctions de conseiller et maître-général des monnaies des Pays-Bas (1500-1510); L'orfévre Henri Van der Maelen, qui grava le sceau et le contre-sceau du Brabant, en 1524; Le poète et sculpteur Jean Second, qui a gravé un assez,grand nombre de médaillons et de médailles; Frédéric Croes ou Croos ; Jean Pollet, graveur ou tailleur des coins de la monnaie de Flandre; Pierre Noirot, qui le remplaça dans ces fonctions, en 1504 ; Jean Noirot, qui fut appelé aux mêmes fonctions en 1523, et devint, en 1535, conseiller et maître-général ordinaire des monnaies des Pays-Bas ; L'orfèvre Jean Van der Perre, son successeur ; Claude Noirot, qui fut graveur de la monnaie de Hollande, et exécuta la gravure du nouveau carolus, frappé en 1554; Jean Van der Meer, graveur de la monnaie du Vroenhoven, à Maestricht ; Ses successeurs, Ulric Peeters, qui exécuta, en 1521, les coins (1)M.OCTAVE GuidedansBruges,p. 16, ad ann. 1513. DELEPIERRE,


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des nouvelles monnaies d'or, Jean Haesen et Laurent Alaertsz; L'orfévre Corneille PIum, de Namur, qui occupa la charge de graveur des coins de la monnaie de cette ville ; Lievin Van Lathem; Antoine Van Trier, qui, « après avoir passé ses preuves de son idonyté, » fut nommé « tailleur des coingz et fers » de la monnaie de Campen; Jacques Jonghelinck, non moins célèbre comme graveur de sceaux et de médailles que comme sculpteur; L'orfévre Thomas Van Gheer, d'Anvers, qui exécuta, en 1555 et en 1556, les sceaux et les contre-sceaux de Philippe II ; Etle plus célèbre de tous, Jean Van Vlierden, dit Van Nymmeghen, l'habile orfévre, qui fut graveur des monnaies de Malines et d'Anvers; il exécuta un grand nombre de matrices pour les ateliers monétaires du Brabant, de la Gueldre et de la Hollande, et plusieurs sceaux pour Philippe le Beau et pour Charles-Quint (1). L'industrie devait naturellement se ressentir de cette intelligente culture des beaux-arts, et quelques-unes de ses branches, telles que l'orfévrerie, interprétant, par l'habileté de la main, l'inspiration du génie, s'élevèrent au rang de l'art. Parmi les orfèvres de cette époque on cite ; Pierre Leconte ; Augustin de Wynter ; Pierre Huzuweel; Gilles Horrion; Jean Van der Perre, tous de Bruxelles et la plupart déjà mentionnés comme graveurs de médailles, ainsi que plusieurs des orfévres qui suivent (2) ; Marc de Glasere, de Bruges, un des artistes chargés de l'exécution des magnifiques reliquaires de l'église de Brou (3); Philippe Van den Berghe, de Bruges, qui, de 1409 à 1506, livra à Philippe le Beau, pour l'usage de sa cour, de sa chapelle, et pour présents offerts à des ambassadeurs, des objets d'orfévrerie et de la vaisselle, payés plus de 100,000 livres de Flandre, etc.; et intéressanttravailde M.A. PINCHART, (1)V.leconsciencieux Biographie desgraveursdesceaux,demédailleset demonnaies desPays-Bas,t.I. (2) Histoirede Bruxelles. (5) M.A.PINCHART, Biographie,etc., etc.


SOUSCHARLES-QUINT. 99 un Jean Noirot, qui exécuta, pour Marguerite d'Autriche, magnifique calice d'or, orné de pierreries et de fines ciselures ;. Corneille Plum, de Namur ; Thomas Van Gheer, d'Anvers ; Et Jean Van Vlierden, dit Van Nymmeghen, cet " ouvrierplein « d'apparence, » que Jean Lemaire invoque dans sa Couronne Margaritique (1); Jean de Costere, de Malines, qui cisela un saint Rombaut, en argent doré, sur la coupe que cette ville offrit, en 1515, à la comtesse de Nassau (2); Antoine de Gruter, également de Malines; Pierre de Beckere, de Bruxelles, auteur du mausolée de Marie de Bourgogne, à Bruges (5). Alexander, d'Anvers; Le sculpteur et graveur Jacques Jonghelinck; Rombaut Van den Dorpe, de Malines, le même peut-être,qui est connu comme sculpteur sous le nom de De Dryvere ; il exécuta de magnifiques ouvrages d'orfévrerie pour Philippe le Beau et Marguerite d'Autriche (4). Parmi les fondeurs nous trouvons : René Van Thienen, de Bruxelles, des creusets duquel sortirent les statues en bronze des bailles du palais (5); Médard Waghewyns et Simon Gielis, de Malines, qui coulèrent plusieurs cloches pour les églises de cette ville, etc., etc. (6). « Il y avait à Anvers, rapporte Guicciardin, cent vingt orfévres, outre un grand nombre de lapidaires et autres tailleurs et graveurs de pierreries, lesquels, ajoute-t-il, l'ont des oeuvres admirables. » L'orfèvrerie, digne, à cette époque, d'être rangée dans la noble etc. H) M.A.PINCHART, Biographie, (2) Cetravailluifut payé25livres11escalins2 deniers.(AZEVEDO.) wonende in deserstadtvanBrussel....van (5).PieterenDe Beckere,goutsmet, dathyoverXVIII ofXXjairengeleden,gewacht,gesnedenendevergulthaddedie tombeendesepulturen vanwylenvrouwenMarie,hertoginnen vanOostrycke ende vanBourgongnien, enz.... —V.laNoticedeM. PINCHART sur cet artiste.(Bulletinsdel'Académie, t. XVIII.) (4)M.PINCHART, Biographie,etc. (5) HistoiredeBruxelles,t. III, p. 522. adann. 1321et1525. (6)AZEVEDO,


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LES ARTSEN BELGIQUE

famille des beaux-arts, ne fut pas la seule branche de l'industrie qui leur dut ses progrès et son éclat. Leur puissante influence s'étendit à toutes les applications industrielles, stimulées et vivifiées par le génie de la création artistique, et les arts répandirent, épurèrent le sentiment du beau dans toutes les productions qui empruntent à la forme une grande partie de leur valeur. Alors aussi, les progrès des arts libéraux, l'habileté des artisans et les chefs-d'oeuvre des artistes firent, comme maintenant et toujours, l'ornement et la gloire de la Belgique. ALEXANDRE HENNE.

PIECES JUSTIFICATIVES. I. — COMPTE DE1524 : A maistre Bernard Dorlich, painctre de madame,la sommede cincquante-cinqlivresde XLgr. m. de Flandre laliv. de poursemblablesommeque mad.dame,par seslettres patentesdu XVIe juillet XVeXXIIIJ, luy a ordonneprendre et avoir de elle en paiementde certainesbellespaincturesettableauxqueluya faitet livrezen ses mains pour en faireà son bon plaisir. COMPTE DE1526 : A Bernard d'Ourlech,painctrede madame,lasomme de quarante livres de XLgr. monnoiede Flandre dont madite dame,par ses lettres patentesdu XXIJejour daoust XVeXXIJ , luy a faict don pour le recompenserde certainespaincturesquil a nagueresfaictes et livrees a icelledame. COMPTE DE1551: A maistreBernard Dorlet,painctrede feuemadame, la sommede quatre-vingt-deuxlivres dudit prix, pour son paiement des. parties douvraigesde son mestiercy apresdeclarees,lesquellesil a faictes furnieset livrees,par expresseordonnancedemad.feuedame,du tempsde son vivant,ainsi que sensuit, premierung grant tableau exquis sur bois fait a huille,composeetordonnepar mad. feue dame,sur la vertu de Parieve?duquel tableau mad. feue dame feyt don a monsle comteDhoocstraete,pour icelluymectreet poser devantla chemineede la chambreou elle se lougeaitau chasteaulDhocstratequand elle yallait, et aultres sept tableauxdela pourtraicturedicellefeuedame,donnez,par sonordonnance, assavoir au prieur de Poulignyung, a feu madame de Hornes ung, a madamoisellede Thoulouzeung, a madamede Praet en Galileeà Gand ung, au baillyde Terremondeung, a unggentilhommede Lorraine ung, a monsle tresourierRuffaultung. — A MeBernard Dorlet, peintrede la reine, pour un tableau de la


SOUSCHARLES-QUINT. 101 portraiturede la reine, fait après le vif, au mois defévrier 1532, duquel ellea fait donà la comtessede Salm.15 liv. Pour trois autres pareils tableauxfaits au mois de juillet 1353, lesquelsellea retenus en sa chambre,pour enfairesonnobleplaisir. 39 liv. Pour les portraits de lEmpereur, du roi des Romains,de la reine et de mademoiselleLucrèce. 52 liv. Pour deuxportraits du roi Louisde Hongrieet deuxde la reine. 52liv. Pour la façonde la portraiture et figure au vif du feu roi Louis, fait sur toile,de la grandeurquil estoit en son vivant.28 liv. Pour la façon de la portraiture et figure au vif de la duchesse de Milan,fait sur toile,de la grandeurquelle est. 50 liv. Pour un portrait deM. de Sempy.15 liv. Pour un portrait du roi Louis. 15liv. (Comptede Jean de Ghyn,penninck-maîtrede la reine Marie, pour l'année1555, aux archivesde Lille. Rapportde M. Gachardsur ces archives,p. 264-265.) II. —COMPTE DE1517 : AmaîtreJacquesVanLathem,valetde chambre et painctredu Roy,IIIJeXXXVIIJ L, VIIJS. DE1509 : Item à maistre Jacques Van Lathem et Jehan Van COMPTE Battele painctres, pour cent petitz blasons armoyez et couronnezaux armesdudit feu roy d'Angleterre(lors de ses obsèquesà Coudenberghe) au prix de deuxsols six denierspièceXIJL. Xs. DE1516 : A maistre Jacques Van Lathemvarlet de chambreet COMTE painctredu roy, la sommede IXeXIIJL. XJS. COMPTE DE1509: A Jean VanBattele painctre demouranta Malines, la sommede quatorze livresdix sols dudit prix qui deuelui estoit pour lesbois ferrage or asur et aultrescouleurset aultres parties quil a faites vendueset delivreespour en acoustrer et paindre des armes de mondit seigneuret dautres plaisantespainctures, et ung chariot pour mesdames ses soeurspour allerjouer dessusà leur plesir et passetems. COMPTE DE1545 : A maistres Jacqueset Jehan Van Batelle painctres pour leurs parties quils faisaientlors pour la feste du Thoison dor IJeL. III. COMPTE DE1529 : Amaistre Jehan de Bois-le-Ducpainctrequi a donnea madameungbeaul tableau de paincturex carolus. COMPTE DE1521: Vingtlivresdud pris payeesa Jehande BruxellespainIrepour son sallaire labeur et façonde vingt sept patrons de seaulxfaiz par ordonnancede lempereur a ses armes,pour seloniceulx graver les seaulxdont il entendaitfaireuser en ses chancelleries. COMPTE DE1551: A MichelVan Vlieten,painctre demeuranta Bruges, la sommede dix huit livres deXLgr. monnoiede Flandre. COMPTE DE1526: A Paul Tubach, painctre, archer de corps de madamela sommede quatre livres du pris de XLgr. monnoiede Flandre, pour semblablesomme que mad. dame luy a ordonneprendre et avoir


102 LESARTSEN BELGIQUE delle pour une fois, en recompenseet paiementde frais et labeurs quil a faictset suppourteza dorerles bords de deuxpiecesde bourdures selon que icelledame lui avaitdonne de charge. DE 1527 : A Paul Tubach, archer de corps de madame,la COMPTE sommede douzelivres du pris deXLgr. monnoiede Flandre dont mad. dameluya faitdon pour certaingouvraigede paincturequil lui a fait. —A Paul Tubach painctrela sommede trois livres de XLgr. monnoie de Flandre laquelle sommemad. dame luy a ordonne prendre-et avoir delle pourplusieurs blasonsquil a faizpour verrieres au cloistredemad. damedes Sept Douleurslez la porte des Aisnesa Bruges. COMPTE DE1516: AmaistreJehanVanVassellele paintreXXIIIJ ducatz. — A JehanVasselle,paintredemouranta Malines,la sommede VJXXVL dudit pris pour la fachon de son mestierdavoir verny et doré le chariot triomphant,les personnagesetc. (obsèquesde Ferdinandd'Aragon). COMPTE DE1551: A Jehan Vermeyen,Jehan VanVassele.et Paul Tubach, painctresdemouransa Malines,la sommede trois censsoixantedix livres ung sol dudit pris de XLgr. monnoiedeFlandre,pourles paihctures de cottes darmes, blasons et aultres parties de leur stil et art quils ont faiteset delivreespar adviset ordonn. dusieur Thoison dor pour lefait des obsequesde lad deffunte. COMPTE DE1540: A MeRollandMaille,painctre demouranta Bruxelles la somme de deux cents soixantequinze livres dix sept sols dudit pris pour les parties par luy faitesetlivrees pour les obsequesde feul'imperatrice. COMPTE DE 1520-1521: A Adrian painctrepour avoir, à l'ordonnance de messrs du conseil, pourtraict l'artillerie estant au chasteaulx de Luxembourgpour envoyer a monsr de Nassouw,luy paye pour les painesung florin cinqgrosIIIJ d. IV.Onlitdansles comptesdes dépensesde FrançoisIer,2décembre1529. AJehan Duboys,marchant, demourantà Envers,la sommede septvingt dix neuflivres dix huit sols tourn. pour son payementdes choses qui s'ensuyvent: c'est assavoir: 75livres16 solz tour, pour troys tableaux en toille esquels sont figurez, assavoir : en lun le fantosmede sainct Anthoine,en lautre une dancede paisans, et en lautre ung homme.faisant ung rubecde sa bouche. 28 livres 14 sols pour deuxtableauxde la Passion, faicts à l'huille. 67 livres 8 sols pour quatre aultres tableauxaussi faictzà l'huille, en lun desquels sont portraictz deux enffans eulx baisant ensemble; en ung autre, ung enfant tenantune testede mort; et en l'aultre une dame dhonneura la modede Flandres, portant une chandelleen son poinget ung pot enlautre; lesquelztableauxleditseigneura achaptez,et diceulx fait prix avecledit Duboys,et iceulxa cestefin, faitmectreen soncabinet du Louvre. (Archivescurieusesde la France, 1resérie, t. III, p. 81-82.)


SOUSCHARLES-QUINT. 103 V. COMPTE DE1524 : A Conrard Meyttailleur dymaiges de madame la sommede XL1. de XLg. m. de FI. de laquelle sommemad. dame stil de Rommeluy a parses lettres patentesduve jour de mars XVeXXIIIJ faitdonde graceespecialpour unefoistant pour achesterung chevalpour allerau couventde Brouzlez Bourg en Bresseou ellela nagueres envoie pouraucunesses affairesque pour fournir aux frais et despensqu'il luy conviendrafaire auxd. voyages. COMPTE DE1526: A ConrardMeyttailleurdymaygesla sommede vingtdeuxlivresde XLgros monnoiede Flandre laquelle sommemadamepar ses lettres patentes en date du IIJejour de mai XVeXXVJ luy a ordonne prendre et avoir delle pour avoir faict une ymaigede bois de la representationde feu monsrle duc de Savoyemary de madictedame que Dieu absoilleauquel ouvrage il a vacqueung ang, et aussi faict peindre et colorerlad. ymayge. COMPTE DE1526 : A Conrard Metztailleur dymaygesde madamela sommede neuflivres de XLgr. monnoiede Flandre pour une ymaygede boisquil a faict et taillede ntr sgr en figurede jardinier. — A luyla sommede centlivresdu prix de XLgr. monnoiede Flandre laquellesommemad. dame luy a accorde prendre et avoirdelle pour un tiersdan de ses gaiges de IIJ I. dudit pris, a quoy elle a convenuet accordeavec luy pour IIJ ans durant, moyennantque durantlesd.IIJ ans, il luyrendrafaicteset parfaites certaines sepulturesde marbreblanc qui! a promisluy faireet poser en son couventdeBrouzlez bourg en Bresse. COMPTE DE1551: AConradMeytjadis tailleur dymaygesdefeuemadame la sommede centlivres du prix de LXgr. monnoiede Flan(Marguerite) dreque,par ordonnancede la majestede lempereuret suivantsesd lettres patentesdateesdu XXJe jour de mars XVetrente et ladvisde mss les executeursdud testament,luy a delivreet bailleen faveuret pour lerecompenserdes servicespar luy faits a icellefeuedame pendant le temps quil a esteet demeureavec elle en son serviceet jusques a lheure de son trepas. VI.COMPTE DE1526: AGuinotde Beaulgrant,tailleur dymaygesdemeurant a Malines,la sommede trente livres du pris de XLgr. monnoiede Flandresur et a bon comptede la sommede IJeXL.dud. pris, a quoymad. (lamea convenuet appoineteavecqluy pour une sepulturedemarbreblanc et noir quil promet faire et poser en leglisede Cauberghesa Bruxelles, deansla sainctJehanprochainevenantenungan, pour feumonsrFrançois frerede madicte dame,que seraune figure couchantdela longueurdung enfantde XVIIJmois,ou selonque la pierre le pourra porter, ung coussin soubzla teste et un lyon au pied, et accoustre en linge commeil est au patron,et aux quatre coingsde lad. tombea chacunung enffantassis de tellelongueur que le marbre pourra pourter. — Nouvelà comptede 501.


LESARTSEN BELGIQUE SOUSCHARLES-QUINT. 104 DE1516: A Daret tailleur dymaigesla somme de COMPTE Jacques LXXVJ I. VIIJs. VILCOMPTE DE1526: AJehan de Roovereillumineurcidevantclerc de loratoirede la royne de Portugal la sommede dix huit livresde XLgr. monnoiede Flandre laquelle sommemad. dame, par ses lettres patentes en date de IXejour du moisde decembreXXeXXVJ, luy a ordonneprendre et avoir delle pour une fois en paiement de deux pieces dillumineure quelleluy a faitfaire pour mectreen tableaux.


INVENTAIRE

DES DESSINS

DE RAPHAEL,

JABACH. QUIFAISAIENTPARTIEDE LA COLLECTION On sait qu'une bonne partie des dessins de l'ancien Cabinet du Roi provient de la collection du banquier allemand Jabach, qui avaitacheté en Angleterre les plus belles pièces des collections d'art de Charles Ier, vendues à l'encan en 1650. M. le comte Léon de Laborde, dans son ouvrage si curieux et si plein de choses, intitulé le Palais Mazarin, a donné pour la première fois quelques renseignements tout à fait nouveaux sur la vente des Dessinsde la collection Jabach à Louis XIV, en 1671. Ces renseignements, il les a extraits d'un manuscrit original, du fonds Cangé (n°16), conservé à la Bibliothèque Impériale et coté aujourd'hui 7230. Ce manuscrit, de format in-folio, contient non-seulementles inventaires des Dessins, mais encore différentes lettres et plusieurs documents relatifs à la cession qui en fut faite au roi par l'entremise de Colbert et d'après les conseils du peintre Lebrun. Depuis la publication du précieux livre de M. de Laborde, M. Tarral, dans une de ses Lettres sur le Musée du Louvre, est revenusur la vente des tableaux et des dessins de ce qu'on appelle la secondecollectionJabach, la première ayant été acquise presque entotalité par le cardinal Mazarin, vingt ans auparavant. M. Tarrala publié une lettre inédite de Jabach, pour nous faire connaître les difficultés que cet amateur avait eu à surmonter dans l'affaire de la dernière vente. MaisniM. Tarral, ni M.deLaborde, n'ont remarqué qu'un grand nombredes dessins vendus au roi n'ont jamais été livrés, et que lestableaux, dont l'inventaire a été soustrait ou anéanti, ont sans doutedonné lieu à des détournements du même genre. Il est certain que des dessins, qui auraient dû entrer alors dans le Cabinet duRoi, se sont retrouvés plus tard dans là collection de Crozat et dans d'autres collections célèbres, notamment dans celle du roi de Hollande,dispersée aux enchères dans le cours de l'année 1849. Nous avons donc réuni et classé toutes les pièces qui concer-


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INVENTAIRE DES DESSINSDE RAPHAEL.

nent la dernière vente de Jabach, que nous sommes forcé, après sérieux examen, de considérer comme un spéculateur de mauvaise foi. Nous ne contestons pas, d'ailleurs, que ce fût un très-fin connaisseur en matière d'art. La publication complète de ces documents jettera beaucoup de jour sur des circonstances encore inconnues de la vente, qui a pleinement justifié les défiances de Lebrun et surtout de Charles Perrault. Lorsque Jabach voulut vendre au roi toutes les collections d'art qu'il possédait encore, il en fit porteries plus beaux échantillons, de son hôtel à l'hôtel de Grammont, où ils furent mis sous les yeux de Colbert au mois de décembre 1670, et les négociations pour la vente s'entamèrent : elles durèrent trois mois ; le marché fut signé au milieu de mars ; le payement eut lieu comptant, à la finde ce même mois ; mais la livraison des objets vendus ne fut entièrement effectuée que le 27 mai suivant. Voici la première lettre de Jabach à M. Du Metz, trésorier des parties casuelles : «Cevendredi6 février1671. «Je vous envoie, Monsieur, l'inventaire d'une des cinq collections, pour scavoir s'il est à vostre gré : les autres s'achevent, etje vous prie de me faire sçavoir si en vous envoiant une des collections que j'ay icy, vous trouverés à propos de m'en renvoier une de celles qui sont chez vous, affin que j'en fasse pareillement faire l'inventaire et vous le renvoie après pour avoir l'autre et finir par ce moien-là. Je vous assure que c'est une besogne bien penible, mais il enfaut faire une fin dans demain, Dieu aydant, quoyque j'aie: de la peine à me soustenir debout, tant me trouve-ie foible des deux saignées qu'il m'a fallû souffrir pour contenter Mrsles medecins. « Je reste, Monsieur, « Votre très humble et obéissant serviteur, « JABACH. » Onvoit que Jabach avait déposé plusieurs parties de sa collection entre les mains de M. Du Metz, probablement pour que Colbert pût les faire examiner ou les examinât lui-même. Le premier inventaire, remis à M. Du Metz, est celui qui comprend les Dessins de Raphaël et de son École.


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL. 107 La décision du ministre nese fit pas attendre; il ordonna que tous les dessins et tous les tableaux de la collection fussent apportés à l'hôtel de Grammont. Jabach écrit à M. Du Metz : « Ce7 février1671. «Je feray donc tout partir demain de grand matin, conformementà la volonté de Monseigneur, et vous prie, Monsieur, de vouloir donner des ordres dès à ce soir à l'hostel de Grammont, affln quequelqu'un s'y trouve pour les rescevoir et ranger. Je me donneray le bien de vous advertir demain comment les voiages auront succedé et vous suis cependant, « Monsieur, « Très humble et obeissant serviteur, « JABACH. » Jabach s'est conformé aux ordres de Colbert : il a tout envoyé, niais on ne lui accuse pas reception de son envoi et il ne peut mêmepénétrer jusqu'au trésorier. Il écrit, tout inquiet du sort de ses collections : «Celundi9février1671. « Je vous fis sçavoir hyer au matin, Monsieur, que le tout estoit parti et heureusement arrivé à l'hostel de Grammond, non obstant le mauvais temps. J'ay esté du depuis deux fois chez vous pour avoirle bien de vous en entretenir plus particulierement et rescevoir vos ordres sur ce qu'il reste à faire, sçavoir si trouvés à propos, non pas, que je me rende chez vous à quelque heure de ce iour, ou bien chez Monsigneur, ou bien à l'hostel de Grammond, pour avoir l'honneur de faire la reverence à mondit signeur et estre présent à la vue qu'il prendra de ces meubles, ou biensi je ne m'y doibs point trouver du tout. De grace, là dessus, un mot de vos nouvelles. Voicy un inventaire d'une autre collection de dessins. À ce soir, vous en aurés un troisiesme, et je reste cependant, « Monsieur, « Votre tres humble et obeissant serviteur, « JABACH. » La réponse du trésorier ne fut pas sans doute telle que Jabach


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INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL,

la désirait. On lui demandait de nouveaux renseignements sur l'importance de ses collections. Il se hâte d'envoyer un état de tous les dessins qu'il regarde déjà comme vendus au roi : Voici cet état écrit de sa main : « 640 desseins de l'EseoIe de Rafael, 448 dito Escoles de Venise et Lombardie, 517 dito l'Escole de Florence, 635 dito l'Escole de Caracheet Modene, 509 dito Escoles d'Allemagne et Flandres. 2,567 64 2,654 2,911 5,342

dito

copiés d'après Rafael et Jules. desseins d'ordonnances, colléset dorés, en six portefeuilles. dito, non collés, estant le rebut de la collection. desseinsen tout vendus au roy. »

Il joint, à cet état des Dessins, un autre état de tous les objets d'art qu'il voulait vendre en même temps, avec les prix d'estimation : «2,651 desseins d'ordonnances, collés, un à 100 liv. 265,100 livres. à 25 liv. 57,900 1,516 dito, non collés, et à 5 liv. 1,595 dito, figures testes, 6,975 reviennent à tableaux.... 101 155,450 dito, restants chez nous, 52,500 Diamants, 22,000 Bustes, bas-reliefs, marbres, 28,700 Sept grands bronzes, 6,500 Meublesde la maison, vaisselle d'argent, 42,800 212 planches gravées, 15,500 581,025» La lettre suivante accompagnait les deux pièces précédentes : « Celundi16février1671. «Je vous envoie, Monsieur, cy enclos unEstat de touts mes dessins, dont ceux marqués X à costé sont presentement àl'hostel de Grammond, conformement à vos ordres. Il y a aussi 101 tableaux


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL.

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specifiéspar le memoire encore cy joinct, et le porteur vous delivrera un roulleau, dans lequel il y a l'inventaire commencé de la collection de Rafael à mettre au net et son brouillion. Je me donneray l'honneur de vous aller trouver à l'hostel de Grammond et de vous assurer combien je vous suis, « Monsieur, « Très humble et très obéissant serviteur, « JABACH «Au memoire des tableaux est arrivé un malheur, de sorte qu'il le faut rescrire. » Lebrun avait été chargé par Colbert de faire un rapport motivé surles collections de Jabach. Il se montrait assez mal disposé pour l'acquisition des Tableaux et l'on peut croire qu'il n'était pas tout à fait impartial, mais il semblait prendre à coeur l'affaire des Dessins. Il remit à M. Du Metz cette Note autographe, non signée, qui ne fut probablement pas connue de Jabach : « Le prix que M. Jaback demande de ses desseins paroist exorbitant; à la vérité, il y a quelques grands desseins de Raphaël, Jules Romain et autres grands maistres, qui sont considérables, niais il y en a aussy quantité de ces mesmes maistres qui sont fort petits, où il y a peu de travail, et beaucoup de peu finis. « L'on croit que, pour régler le prix de ces desseins, il en fault considérer en quelque façon la rareté, et combien il cousteroit pour en faire faire de semblables et d'une aussy grande ordonnance, mesmes par des peintres médiocres, ou mesmes pour en fairefaire des copies. Car si l'on voulloit avoir esgard à ce qu'ils ont cousté, l'on estime que led. sieur Jaback les a peut-estre plus achepté qu'il n'en demande. " Pour la rareté, il est constant qu'il n'y a point de collection de desseins semblables dans l'Europe, ny mesme qui en approche. « Quant au prix que l'on demanderait pour en faire faire de pareille grandeur et autant chargés d'ouvrage ou mesme pour les copies, Mr ne croit pas que personne voulust entreprendre de le faire, à moins de deux ou trois cens livres pour les grands et de 20, 25, 50, 40 et 50 livres pour les petits. « De manière que l'on estime que l'on pourroit offrir 60 liv. de 8


110 INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL. chacun des 2,651 desseins d'ordonnances collés sur de la charte, ... . 157,860 livres. qui reviendroyent à . .... « Des 1,516 desseins non collés, 10 ou 12 li» vres pièce, l'un portant l'autre. . . . . . 15,160 « Et des 1,395 desseins de figures et testes sur ». 4,185 lepied de3 livres pièce.. à «Et I'esgard des 101 tableaux, l'on estime que l'on pourroit rabattre le tiers de ce que l'on en demande » 103,634 Cy resteroit. . . 280,839 livres. » Jabacli apprit avec douleur la réduction énorme qu'on faisait subir à son prix d'estimation, qu'il assurait être inférieur à ses déboursés; il fit des demandes réitérées pour obtenir des conditions meilleures; il ne put rien tirer de Colbert, et le marché, qu'il considérait comme conclu, fut sur le point de se rompre. Après vingt jours de pourparlers et d'efforts inutiles, Jabach écrivit à M. Du Metz cette lettre désespérée : " Paris, 10mars1671. « Sur l'espérance que vous me donnastes hier, Monsieur, de voir bientost mon malheureux affaire de Dessins et tableaux terminé, je vous envoie icy ioint encore un inventaire des 460 dessins qui font partie des 1,516 que i'ay mis sur le mémoire à 25 L. Je donne au plusfin d'en trouver des pareils à 50 L.; vous savé, Monsieur; qu'il y en a 5,542, en tout, desquels je pourrois facilement mettre 7 à 800 à part, qui, l'un portant l'autre, me reviennent à plus de 100 écus pièce, et en valent plus de 500 chascun : aussi, ne doivent ils pas passer pour dessins, ains pour desmeilleurs et plus friands tableaux de l'Europe, lorsqu'ils seront embordurés ; tout homme cognoissant vous le peut dire, et monsieur le Brun, mieux que personne, en ayant une.cognoissance plus achevée. Vous y ferés telle reflection qu'il vous plaira, pourveu que me sortiés d'affaire et qu'après tant de remises, ie puisse finalement sçavoir de quelle mort ie dois mourir, ie seray contant. Le seul mal que i'y prevois est qu'ils sont et trop beaux et en trop grand nombre : s'ils estoient moins bons et en moindre quantité, leur prix aggréeroit d'advantage et feroit ma condition assurement meilleure, mais comme je vais toujours le grand


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL. 11i ie n'en rien voulû et tout laissé chemin, ay separer y ay iusques aux copies que i'avois fait faire avec soin pour m'en servir un jour, au defaut des originaux. Vous les y trouverés aussi, et voiant de quelle façon i'y vais, vous aurés, i'espere, la bonté de me rendre quelque iustice et addoucir mon mal. Je parle à vous, Monsieur, ne cognoissant autre qui m'addresser; si M. Perrault estoit de mes iuges, ie le prierais de me traiter en ce rencontre icyen Crestien et non en More, et surtout de contribuer à l'achevement d'un ouvrage qui a tant tresné et me donne continuellement et m'a donné tant de pene par là ; considérés, au nom de Dieu, que ie me trouve entre le marteau et l'enclume, et i'ay à faire à des gens avec qui il n'y a aucun quartier. « Je vous en coniure derechef du fond du coeur, estant, Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur, » « JABACH. La vente fut enfin décidée sur les bases que Lebrun avait fixées, en diminuant, toutefois, 60,000 liv. environ sur le prjx d'estimation, et Jabach dut subir des conditions qui lui semblaient bien dures, de la part de Louis XIV; mais Colbert n'était pas homme à payer plus qu'il ne fallait et il eût plutôt renoncé à faire entrer ces belles collections dans le cabinet du roi. Une ordonnance, dont il n'existe plus que la minute, régla ainsi le payement des 101 tableaux, et des 5,542 dessins que Jabach vendait au roi : « Garde de mon Trésor royal MtreEstienne Jehannot, sieur de Bartillat, payez comptant au Trésorier général de mes bastimens, arts et manufactures de France, MtreCharles le Besgue la somme dedeux cens vingt un mil huit cens trente trois livres six sols huict deniers pour employer au faict de sa charge, mesme icelle delivrer au sr. Jabak IIeXXmlivres pour son payement de cent un tableaux et de cinq mil cinq cens quarante deux dessins de toutes les escolles des meilleurs maistres, qu'il m'a vendus et livrez dans mon Cabinet des tableaux, le tout suivant les ordonnances particulières du sr. Colbert surintendant et ordonnateur général des bastimens, arts et manufactures de France, et XVIIIeXXXIII. livres VI sols VIII deniers, pour les taxations dudit trésorier, à raison de II deniers pour livre. « Faict àSt. Germain en Laye, le 29 mars 1671. « Louis comptant au Trésor royal, ès derniers juin juillet » aoust1671. bon. Louis, et plus bas, COLBERT.


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INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL.

Au dos de cette minute, on lit ces annotations, de différentes écritures : « Payement de 101 tableaux et de 5,542 desseins livrés au Cabinet des tableaux. « Jaback. : . 220,000 livres. « Antiens tableaux du Roy. « Première collectionde M. Jabak. « M. De Mazarin. «M. le Legat. « M. de Richelieu. " M. le cardinal Anthoine. « M. Foucquet. « M. le nunce Pamfile. « Seconde collectionde M. Jaback, febvrier 1671 « M. De la Feuille, mars 1671. «.M. Oursel. « M. Mignié. « M. Huict. » La vente avait été faite sur pièces et sur inventaires. Ces derniers, certifiés conformes et signés par le trésorier Du Metz, Lebrun et Jabach, étaient restés entre les mains de l'acquéreur. On ne peut savoir comment celui des tableaux s'est égaré et n'a pas été réuni aux autres qui ont été et qui devaient être conservés comme pièces comptables. Il y en a cinq : l'un, intitulé Desseins d'ordonnances de l'Escolle de Raphael, comprend 640 numéros, dont les 134 premiers sont attribués à Raphaël et reconnus par Lebrun comme authentiques. Les dessins de Jules Romain sont décrits ensuite depuis le n° 155 jusqu'au n° 255 inclusivement. Ceux des autres élèves de Raphaël et des maîtres de son École se suivent dans l'inventaire qui se termine ainsi, après le n° 640 : « Je soussigné conseiller du Roy en ses conseils, intendant et controleur général des meubles de la Couronne, certifie à tous qu'il appartiendra, que les 640 desseins mentionnez en l'inventaire cy dessus ont esté livrez par M. Jaback au cabinet de Sa Majesté où ils ont esté veus et certifiez en presence de M. Lebrun, aussy conseiller du Roy, premier peintre de Sa Majesté, entre les mains de qui ils ont esté remis. Fait


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL. 115 à Paris, le quatrième jour de janvier 1672, signé en fin Du METZ, et JABACK. » Cette déclaration, postérieure de plus d'une LEBRUN année à la ventedes dessins et des tableaux, doit être la copie d'un original qui n'a pas été conservé. Le second inventaire, où sont décrits 655 Desseins de l'Escolle de Carrache et modernes, est terminé par une déclaration analogue à la précédente et signée en original, sous la même date, par les trois parties. On trouve, après, l'inventaire de 448 dessins des Écoles de Veniseet de Lombardie ; celui de 517 Desseinsd'ordonnances de l'École florentine; et enfin celui de 509 dessins des Écoles d'Allemagne et de Flandre, parmi lesquels on remarque 2 dessins d'Israël Van Mecken, 1 d'Hubert Van Eyck, 25 d'Albert Durer, 4 de Lucas de Leyde, 48 de Rubens, 4 de Van Dyck, etc. Chacun de ces inventaires porte la même déclaration que les deux premiers, sous la date du 4 janvier 1672. Nous avons déjà dit que l'inventaire des tableaux n'existait plus, si toutefois il a jamais existé; nous serions tenté de croire que son absence est la preuve de quelque fraude qui fut commise lors dela livraison de ces tableaux célèbres, car une fraude analogue s'est produite dans la livraison des dessins, sans qu'il soit permis d'en accuser personne. Il y a une note autographe de Jabach ainsi conçue : « Ce 27 may 1671, livré : veu 266 desseins de l'Escole de Rafael. veu 581 dito, des Escoles de Venise, Lombardie et Florence. veu 604 dito, de l'Escole des Carrache et modernes. veu 475 dito, des Escoles d'Allemagne et Flandre. 1624 desseins d'ordonnances. 1287 dito, figures et testes. veu 874 figures entières. veu 112 demy-figures. veu 301 testes. 1287 desseins des figures et testes. 2911 desseins, non collés ny dorés, rebut de toute ma collection, tous parades par moy. » Le total des dessins livrés le 27 mai 1671 était donc de 5822.


INVENTAIRE DES DESSINSDE RAPHAEL. 114 En tête de chaque article, le mot veu paraît écrit de la main de Lebrun. Il résulte de la comparaison de cette note avec les inventaires qu'un certain nombre des dessins les plus précieux avaient disparu et ne furent pas livrés au roi. Ainsi, ces inventaires annoncent 640 dessins de l'École de Raphaël, et la Note, 266; les inventaires, 655 dessins de l'École des Carrache, et la Note, 604; les inventaires, 509 dessins des Écoles d'Allemagne et de Flandre, et la Note, 175. Enfin, la Note enregistre 581 dessins des Écoles de Venise, de Lombardie et de Florence, tandis que les inventaires en signalent 448 des Ecoles de Venise et de Lombardie, et 517 de l'Ecole de Florence ! Quel fut l'auteur de cette audacieuse soustraction? Ne faut-il en accuser que Jabach? Constatons seulement que le vendeur eut l'air de suppléer à la qualité par la quantité, car il avait vendu au roi 5542 dessins et il en livrait 5822! Terminons ce simple résumé de tous les documents relatifs à cette vente, par l'Inventaire des Dessins de Raphaël, qui certainement ne sont pas tous entrés dans la Collection du Roi. On doit supposer aussi que plus d'une des copies, que Jabach avait fait faire avec tant de soin « pour s'en servir un jour, disait-il, au défaut des originaux, » a remplacé ceux-ci qui disparurent après la vente et qui la plupart sortirent de France. N° 1. Une Vierge qui regarde au ciel, portant le petit Jesus, où il y a St Joseph et St Jean, figures entières, à la plume, sur du papier blanc, de 10 pouces de long sur 12 pouces 1/2de hault. 2. Une Nativitéde Nostre Seigneur, où il y a quantité de figures entières, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 10 pouces de longsur 10 1/2de hault. 5. Une Vierge qui prie devant le petit Jesus, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 6 pouces de long sur 6 pouces 1/2de hault. 4. Un petit Cupidon dans un vaze, figure entière, à la plume et lavé sur du papier roux, de 5 pouces de long sur 6 pouces de hault. 5. Une Cène de Nostre Seigneur, oùil y a tous les apostres, figures entières, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 15 p. 1/2de long sur 11 pouces de hault. 6. Une Reyne avec toute sa suitte qui s'humilie devant un roy assis dans son Trosne, où il y a quantité de figures entières, à la


DES DESSINSDE RAPHAEL. INVENTAIRE 115 plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 2 pieds de long sur 17 pouces de hault. 7. Un Baccanal où Silenne est assis dans un charriot, en grand nombre de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur.du papier roux, de 2 pieds de long sur16 pouces de hault. 8. Une Vierge avec le petit Jesus, où il y a 6 figures entières, à la pierre de mine, lavé et rehaussé sur du papier brun à.fond bleu, de 1 pied de long sur 15 pouces de hault. 9. Une Vierge avec le petit Jesus qui lit dans un livre, figure jusques à genouils, à la plume, sur du papier gris, de 9 pouces de long sur 10 pouces de hault. 10. Une Vierge qui lit dans un livre, tenant le petit Jesus sur ses genouils, figure jusques aux jambes, à la plume, sur du papier blanc, de 7 pouces 1/2de long sur 7 pouces 1/2de hault. 11. Une Vierge, le petit Jesus et St Jean, figures entières, à la plumeet lavé sur du papier gris, de 9 pouces de long sur 12 pouces de hault. 12. Une Vierge avec le petit Jesus et un Saint qui prie devant un pepitre (sic),figure entière, à la plume, lavé et rehaussé surdû papier gris, de 6 pouces 1/2de long sur 9 pouces 1/2de hault. 13. Un Moine qui reçoit la Bulle du pape avec sa bénédiction, et où il y a plusieurs autres moines, figures entières, à la plume, et lavé sur du papier gris, de 11 pouces 1/2de long sur 9 pouces de hault. 14. Un Sainct qui prie pour un homme qui se meurt, où.il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 11 pouces 1/2de long sur 9 pouces de hault. 15. Un Sainct qui prie pour une femme possedée et qui faict sortir le diable, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, et lavé sur du papier gris, de 11 pouces 1/2de long sur 11 pouces de 16. Une Vierge, le petit Jesus, Ste Elizabeth et S1 Jean, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 8 pouces 1/2de long sur 10.pouces de hault. 17. Une Vierge, le petit Jesus,; St Jean, Ste Elizabeth et St Joseph, à la plume, lavé etrehaussé sur du papier gris, de 10pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 18. Une Cène de Nostre Seigneur, avec tous,ses apostres, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 18 pouces de long sur 9 pouces de hault.


116 INVENTAIRE DES DESSINSDE RAPHAEL. 19. Un Crucifix où à costé est la Vierge avec St Jean, St Paul et St Laurent et la Magdelaine, figures entières, à la plume; sur du papier gris, et rehaussé, de 15 pouces de long sur 18 pouces 1/2de hault. 20. Une Vierge avec le petit Jesus qui est monté sur un mouton, figure entière, à la pierre de mine, lavé sur du papier gris, de 8 pouces 1/2de long sur 11 pouces de hault. 21. Une Vierge, le petit Jesus et le St Jean, figures entières, à la plume, sur du papier roux, de 9 pouces de long sur 10pouces de hault. 22. La Vierge, le petit Jesus, avec plusieurs anges; au bas, plusieurs saincts et sainctes, figures entières, à la plume, lavé etrehaussé sur du papier gris, de 14 pouces de long sur 18 pouces 1/2 de hault. 25. La Vierge, le petit Jesus, St Joseph et plusieurs figures entières, àla plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 10 pouces de long sur 10 pouces 1/2de hault. 24. La Vierge, le petit Jesus et St Joseph, dans une église où il y a plusieurs figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 9 pouces 1/2delong sur 12 pouces 1/2 dehault. 25. Une Vierge avec le petit Jesus, figure entière, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 9 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 26. Une Cène de Nostre Seigneur avec tous ses apostres, figures entières, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 18 pouces de long sur 11 pouces de hault, 27. Un Moine mort, où il y a quantité d'autres qui prient pour luy, figures entières, à la pierre de mine, lavé et rehaussé sur du papier jaune, de 10 pouces de long sur 9 pouces de hault. 28, Un Sainct Michel qui chasse le diable, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 10 pouces 1/2de long sur 15 pouces de hault. 29. Une Descente de Croix où il y a plusieurs figures entières, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 7 pouces de long sur 8 pouces 1/2dehault. 50. Nostre Seigneur qui, par la prière de deux femmes, faict delivrer un prisonnier, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 17 pouces de long sur 22 pouces 1/2de hault.


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL.

117 Plusieurs où il en a 51. Enfans, y qui mangent des pommes, figuresentières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 15 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 52. Une Cène deNostre Seigneur, avec tous les apostres, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 19 poucesde long sur 12 pouces de hault. 55. Plusieurs Figures nues qui portent des paquets, où il y en a d'autres qui regardent un homme mort par terre, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 16 pouces1/2de long sur 12 pouces de hault. 54. David qui coupe la teste à Goliat, où toute son armée s'enfuit, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 16 pouces 1/2de long sur 1 pied de hault. 55. Une Nativité de Nostre Seigneur, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier brun, de 10 pouces1/2de long sur 11 pouces 1/2de hault. 56. Un Christ mort et une Vierge de pitié, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 11 pouces de longsur 14 pouces de hault. 57. UnConcilie où il y a plusieurs moines, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 18 pouces de long sur 11 pouces1/2 de hault. 38. Une Rivière où il y a plusieurs figures entières, moulins et animaux, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 18pouces1/2de long sur 8 pouces de hault. 39. Une Trinité où il y a plusieurs chérubins, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris à fond bleu, de 14 pouces de long sur 9 pouces 1/2de hault. 40. Un Evesque qui parle à un jeune homme qui escript soubs luy, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, d'un pied de long sur 12 pouces 1/2de hault. 41. Une Bataille où. il y a plusieurs cavalliers et pietons, figuresentières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 18 pouces de long sur 12 pouces 1/2de hault. 42. Un Legat avec toute sa suitte et autres figures entières, à la plumeet rehaussé sur du papier gris, de 18 pouces 1/2de long sur 7 pouces de hault. 43. Une Descente de croix où il y a huict figures entières, à la plume,lavé et rehaussé sur du papier roux, de 1 pied de long sur 9 pouces1/2de hault.


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44. Deux Femmes qui devident du fil et un homme qui descend portant une boiste et où il ya un petitenfant, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 14 pouces de long sur 10 pouces 1/2de hault. 45. Une Bataille de Constantin où Maxance est dans la rivière et grand nombre de figures entières à pied et à cheval, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 19 pouces 1/2 delong sur 14 pouces 1/2de hault. 46. Un Plat Fonds (sic) où il y a cinq figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 16 pouces de longsur 13 pouces de hault. 47. Un Lot (sic), sa Femme et ses deux Filles, figures entières, à la pierre noire, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 16 pouces de long sur 12 pouces 1/2de hault. 48- Une Vierge, le petit Jésus, St. Jean et St. Joseph, figures entières, à la pierre noire, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces de long sur 17 pouces de hault. 49. Une Bataille où il y a plusieurs figures entières, à la plume, sur du papier blanc, de 20 pouces de long sur 15 pouces de hault. 50. Une autre Bataille où il y a plusieurs figures entières à pied et à cheval, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 15 pouces de long sur 20 pouces de hault. 51. Une autre Bataille où il y a plusieurs figures entières à pied et à cheval, à la plume, sur du papier blanc, de 20 pouces de long sur 13 pouces 1/2de hault. 52. L'Adoration des trois Roys, où il.y a plusieurs figures entières, à la plume et lavé sur du papier roux, de 12 pouces1/2de long sur15 pouces de hault. 53. Une Nativité, où il y a plusieurs figures entières et animaux, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 17 pouces de long sur 12 pouces de hault. 54. Deux Enfans qui dorment et un autre qui joue, où il y a un arbre et des oyseaux dessus et un feston, figurés entières, àla plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 13 pouces 1/2de long sur 10 pouces 1/2de hault. 55. Un Cavallier qui passe par dessus un homme, où il y a plusieurs autres figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur un papier roux à fond bleu, de 18 pouces 1/2de long sur 13 pouces 1/2 de hault.


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119 56. Une Vierge avec le petit Jesus, où il y a deux Saincts et une Saincte, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 11 pouces de long sur 16 pouces de hault. 57. Une Annonciation de l'Ange à la Vierge, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris à fond bleu, de 16 pouces de long sur 10 pouces ]/2 de hault. 58. Une Descente de Croix oùla Vierge tient Nostre Seigneur sur ses genouils, où il y a huict figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 8 pouces 1/2de long sur 11 pouces de hault. 59. Un Dessein où il y a plusieurs figures à table et une fille qui donne à boire à un vieillard, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 15 pouces 1/2 de long sur 16 pouces 1/2de hault. 60. Un Jugement de Pâris où il y a plusieurs Dieux et Deesses, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaune à huisle, de 19 pouces de long sur 11 pouces de hault. 61. Le Pape assis dans son trosne, avec plusieurs figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 13 pouces1/2de long sur 16 pouces 1/2 de hault. 62. Une Vierge qui s'esvanouit auprès le sepulcre de Nostre Seigneur,oùil y a cinq figures entières, à la plume, lavé et rehaussé, de 13 pouces de long sur 10 pouces 1/2de hault. 63. Les Enfans de Jacob qui despouillent leur frère Joseph pour le descendre dans un puys, figures entières, à la plume et rehaussé sur du papier gris, de 11 pouces de long sur 8 pouces de hault. 64. Une Saincte Margueritte qui marche sur le dragon, figure entière, à la pierre noire, lavé, ombré et rehaussé sur du papier roux, de 10 pouces de long sur 14 pouces de hault. 65. Une Vierge avec le petit Jésus, où il y a sainct François, St. Grégoire et Ste. Catherine, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 15 pouces de long sur 16 pouces 1/2 de hault. 66. Plusieurs Personnes qui ouvrent des tombeaux, figures entières, à la plume et lavé sur du papier blanc, de 18 pouces de long sur 12 pouces de hault. 67. Nostre Seigneur qui sort du tombeau, où sont les trois Marie et plusieurs soldats renversez, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 17 pouces 1/2de long sur 8 pouces de hault.


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL. 68. Quantité de fantassins qui se couvrent de leurs rondaches avec plusieurs cavaliers qui les suivent pour les secourir à l'assault, figures entières, àla plume, lavé et rehaussé sur du. papier gris, de 17 pouces de long sur 8 pouces de hault. 69. Un Pape priant, où il y a quantité de peuple et un cavallier qui passe sur le corps d'un soldat et autres gens qui tiennent des verges àla main, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris à fond bleu, de 18 pouces de long sur 13 pouces de hault. 70. Une Vierge, le petit Jésus, St. Jean et St. Joseph, figures à demy jambes, à la plume et lavé sur du papier roux, de 11 pouces de long sur 12 pouces de hault. 71. Un Prestre qui metla mistre sur la teste d'un Evesque, où il y a plusieurs autres evesques, figures entières et autres, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces 1/2de long sur 17 pouces de hault. 72. L'Accouchement de Ste Elizabeth et où il y a des femmes qui lavent l'enfant, et plusieurs autres figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 18 pouces 1/2de long sur 2 pieds de hault. 73. UnSainct Jean qui donne sa benediction au peuple à genoux devant luy, figures entières, lavé et rehaussé sur du papier bleu, de 13 pouces de long sur 9 pouces de hault. 74. Plusieurs Figures entières, qui portent des vases et des trophées, à la plume, lavé, ombré et rehaussé sur du papier gris, de 13 pouces 1/2de long sur 15 pouces de hault. 75. Huict petits Enfans qui jouent à la paulme, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris à fond bleu, de 18 pouces de long sur 15 pouces 1/2de hault. 76. Plusieurs petits Enfans qui sont montez sur des signes (sic), figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris à fond bleu, de 18 pouces de long sur 13 pouces 1/2de hault. 77. Nostre Seigneur qui impose la main sur la Magdelaine, figures entières, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 8 pouces de long sur 8 pouces de hault. 78. Dieu le Père regardant la circoncision de Nostre Seigneur, où il y a cinq figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 7 pouces 1/2de long sur 10 pouces 1/2de hault. 79. Le Couronnement de la Vierge, où il y a desanges, St. Jean, 120


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121 au nombre de six figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 9 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 80. La Vierge avec le petit Jésus, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 11 pouces de long sur 12pouces de hault. 81. Plusieurs Gens qui se battent et d'autres qui sortent des vaisseaux, qui portent du butin, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier bleuastre, de 9 pouces 1/2de long sur 7 pouces1/2de hault. 82. Dieu le Père, Saint-Esprit, avec plusieurs anges, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 10 pouces 1/2de long sur 8 pouces de hault. 85. Un Capitaine parlant à un soldat, luy montrant par les doigts ce qu'il veult dire, un... a genoux devant luy, tenant un..., à la main, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier de 17 pouces de long sur 12 pouces de hault. 84. Une Vierge, le petit Jésus, saint Jean et saint Clément, et plusieurs anges, et au bas plusieurs figures entières, à la plume, lavéet rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces 1/2 de long sur 15 pouces 1/2 de hault. 80. Un Déluge, où il y a quantité de figures entières, lavé et rehaussésur du papier gris, de 12 pouces 1/2delong sur 15 pouces 1/2 de large. 86. Une Vierge avec deux anges, figures entières, à la plume, sur du papier blanc, de 8 pouces 1/2 de long sur 9 pouces de hault. 87. Une petite Armée, où il y a plusieurs cavaliers et fantassins quitirent des flesches et qui ont des rondaches devant eux et,le genoux en terre, figures entières à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces de long sur 7 pouces de hault. 88. Une Bataille, où il y a un bateau où on tire une femme dedanset d'autres que l'on pesche; de plusieurs figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 13 pouces de longsur 15 pouces 1/2 de hault. 89. Nostre Seigneur, la Vierge et saint Jean, saint Paul et sainte Catherine, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces 1/2de long sur 16 pouces de hault. 90. Un Dieu le Père, figure entière, à la plume, lavé et re-


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haussé sur du papier roux, de 10 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 91. Un petit Massacre des Innocents, oùil y a plusieurs figures entières, à la plume, lavé, ombré et rehaussé sur du papier roux, de 8 pouces 1/2de long sur 9 pouces 1/2de hault. 92. Une Bataille, où il y a plusieurs figures entières à pied et à cheval, à la pierre de mine, lavé de jaune sur du papier blanc, de 22 pouces de long sur 17 pouces de hault. 93. Un Dieu le Père avec des anges, et Moyse en bas, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 10 pouces de long sur 12 pouces de hault. 94. Un Joseph qui trouve la tasse dans le sac de Benjamin, où ses frères prient pour luy, figures entières, à la plume, sur du papier roux, de 18 pouces de long sur 10 pouces de hault. 98. Nostre Seigneur preschant au Temple où laVierge le vient trouver, avec plusieurs figures, à la plume, lavé et rehaussé sur. du papier gris à fond bleu, de 17 pouces de long sur 11 pouces 1/2 de hault. 96. La Vierge portant Nostre Seigneur au Temple pour estre circoncis, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jausne, de 15 pouces de long sur 13 pouces de hault. 97. Une Nativité de Nostre Seigneur, où il y a plusieurs anges, saincts et sainctes, et quantité de figures entières, à laplume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces 1/2de long sur 12 pouces 1/2de hault. 98. Un Sainct Paul qui guérit un possedé, oùil y a grand nombre de figures entières, à la pierre noire, rehaussé de blanc sur du papier brun, de 18 pouces 1/2de long sur 15 pouces de hault. 99. Moyse passant la mer Rouge avec le peuple d'Israël, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier bleu, de 15 pouces de long sur 10 pouces 1/2de hault. 100.; Mars et Vénus, où. il y a quantité de Cupidons et autres figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 16 pouces de long sur 13 pouces de large. 101. Une Adoration des trois Rois, où il y a grand nombre de figures entières et animaux, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 17 pouces de long sur 14 pouces de large. 102. L'Ange qui lutte contre Jacob, où il y a plusieurs figures


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entières et animaux, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier verdastre, de 14 pouces de long sur 6 pouces 1/2de hault. 105. Un Massacre des Innocens, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, sur du papier gris, de 7 pouces de long sur 12 pouces1/2de hault. 104. Un autre Massacre des Innocens, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, sur du papier gris, de 10 pouces 1/2de longsur 15 pouces 1/2de hault. 105. Un autre Massacre des Innocens, où il y a plusieurs figures entières, à la plume sur du papier gris, de 9 pouces de long sur 12 pouces 1/2de hault. 106. Un Dieu le Père assis sur des nues,' où il y a quantité d'anges entiers autour, à la plume, lavé et rehaussé sur du papierverdastre, de 17 pouces de long sur 8 pouces de hault. 107. La Resurrection de Nostre Seigneur sortant du sepulcre, oùil y a beaucoup de soldats espouvantez et autres figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier bleu, de 21 pouces de long sur 13 pouces 1/2de hault. 108. Joseph qui explique les songes au roy Pharaon, où il y a plusieurspersonnes estonnées, figures entières, à la plume, lavé et rehaussésur du papier roux, de 18 pouces de long sur 8 pouces de hault. 109. Un Moyse avec deux anges, figures entières, à la plume, surdu papier gris, de 10 pouces 1/2de long sur 10 pouces 1/2de hault. 110. Un Déluge, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavéet rehaussé sur du papier roux, de 15 pouces de long sur 11 pouces 1/2de hault. 111. Un Tobie qu'on ensevelit, où il y a plusieurs figuresentières pleurant, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 14pouces de long sur 10 pouces 1/2de hault. 112. Nostre-Seigneur qui couronne la Vierge, oùil y a plusieurs saincts, figures entières, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 12 pouces1/2 de long sur 14 pouces 1/2de hault. 115. Adam et Eve sortant du paradis terrestre, figures entières, àla sanguine, sur du papier gris, de 11 pouces de long sur 15 poucesde hault. 114. Un Adonis qui parle à deux hommes, figures entières, à la plumeet rehaussé, de S pouces 1/2de long et 5 pouces 1/2de hault.


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INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL.

115. Un Berger tenant un baston à la main, où il y a quatre figures entières, à la plume et rehaussé sur du papier roux, de 5 pouces 1/2de long sur S pouces 1/2de hault. 116. Un Apollon oùil y a plusieurs figures entières, à la plume, rehaussé sur du papier brun, de 7 pouces de long sur 2 pouces de hault. 117. Une Reyne en son siége de justice, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, rehaussé sur du papier brun, de 5 pouces 1/2de long sur 5 pouces 1/2de hault. 118. Un Homme donnant sa benediction à des autres personnes, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, rehaussé sur du papier roux, de S pouces 1/2de long sur 6 pouces 1/2de hault. 119. Un Jugement de Salomon, où il y a plusieurs figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 13 pouces de long sur 10 pouces de hault. 120. Nostre Seigneur à table avec ses apostres, où Magdeleine lui lave les pieds, figures entières, à la plume, lavé de sanguine sur du papier gris, de 15 pouces 1/2de long sur 10 pouces de hault. 121. Un dessin d'autel, où il y a un Dieu le Père et quantité d'anges qui sonnent dela trompette et où il y a une saincte qui tient un encensoir et au bas plusieurs saincts, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 17 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 122. Nostre Seigneur qui fait la Cène avec ses apostres, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 14 pouces de long sur 10 pouces de hault. 123. Plusieurs figures qui portent l'Arche d'alliance, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de12 pouces de long sur 10 pouces de hault. 124. Moysequi presente la table au peuple, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de 15 pouces 1/2de long sur 12 pouces de hault. 125. Un Sainct Michel qui marche sur le diable, figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 15 pouces de long sur 18 pouces de hault. 126. Nostre Seigneur portant la croix, où il y a quantité de figures entières, à la plume, lavé, ombré et rehaussé sur du papier roux, de 18 pouces de long sur 21 pouces 1/2de hault. 127. Nostre Seigneur sur la montagne du Thabor entre Moyse


INVENTAIRE DESDESSINSDE RAPHAEL.

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et EIieet ses apostres et plusieurs saincts et autres figures entières au bas, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier jaunastre, de 15 poucesde long sur 18 pouces de hault. 128. Une Vision de sainct Pierre et sainct Paul qui deffend (à) un roy de passer outre avec toute son armée, et grand nombre de figuresentières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 2 pieds 1 pouce de long sur 16 pouces 1/2de hault. 129. Dieu le Père dans sa gloire avec quantité d'anges et au bas une Nativité de Nostre Seigneur, où y a plusieurs bergers et animaux, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier roux, de 17 pouces 1/2de long sur 21 pouces de hault. 150. Un Mausolée d'un empereur sur un cheval, où il y a au bas plusieurs figures entières et une bataille en bas-relief, à la plume,peint et rehaussé sur du papier roux, de 14 pouces 1/2de longsur 22 pouces de hault. 151. Une grande Bataille de Constantin, à cheval et à pied, et où est le roy Maxanse dans la rivière, en grande multitude de figuresentières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papier gris, de4 pieds 3 pouces de long sur 17 pouces de hault. 132. Dieu le Père, Nostre Seigneur, la Vierge et sainct Jean, avec quantité d'anges et prophètes représentant le triumphe de l'Évangile,et au bas grand nombre de figures entières, à la plume, lavéet rehaussé sur du papier roussâtre, de 3 pieds 1/2de long sur 20 pouces 1/2de hault. 133. Un Baptesme, où il y a plusieurs personnes qui lèvent les bras au ciel, en grande quantité, et figures entières et animaux, à la pierre noire, lavé et rehaussé sur du papier bleu, de23 pouces de long sur 18 pouces de hault. 154. Un Pape à qui on amène plusieurs captifs, où il y a grand nombrede figures entières, à la plume, lavé et rehaussé sur du papierroux, de 3 pieds 1/2pouce de long sur 15 pouces 1/2de hault. Et maintenant, il faudrait rechercher quels sont ceux des dessinsde Raphaël, décrits dans le précédent inventaire, qui ont figuré depuisdans le cabinet de Crozat et qui se sont retrouvés, en dernier lieu, dans la collection du roi de Hollande. Mariette, dans la Descriptiondu cabinet de M. Crozat, publiée en 1741, n'hésite pas à reconnaître que Jabach avait gardé une partie des dessins qui composaientsa collection :


126 INVENTAIRE DES DESSINSDE RAPHAEL. « M. Jabach, dit-il, dont le nom subsistera pendant longtemps avec honneur dans la curiosité, en vendant au roi ses tableaux et ses dessins, s'était réservé une partie de dessins, et ce n'étaient pas certainement les. moins beaux; M. Crozat les acquit ae ses héritiers. » Mais Mariette,qui n'avait pas sous les yeuxle contrat dela venle faite au roi, paraît ignorer que Jabach eût commis une fraude en se réservant les plus beaux dessins et sans doute ceux de Raphaël. Nous pensons que, lors de la vente du cabinet de Crozat aux enchères publiques, le Cabinet des Tableaux était en droit de revendiquer judiciairement les dessins qui lui appartenaient, quoiqu'ils ne lui eussent jamais été livrés. Au reste, même en l'absence de ces dessins, les anciens inventaires, fournis par Jabach et approuvés par M. Du Metz et Lebrun, étaient toujours reproduits, comme certifiés conformes, par le garde des Tableaux du roi. Ainsi, les frères De Bure.possédaient dans leur librairie une trèsbelle copie de ces inventaires, signée Houasse et datée du 5 novembre 1696, en cinq volumes in-folio, reliés aux armes de France (Voy. le Catal. des livres faisant partie du fonds de librairie de J. J. et M. J. De Bure frères, septième et dernière partie, avril 1840, page 30.) P.-L. LACROIX (BibliophileJacob).


DOCUMENTS INEDITS SUR LES ARTISTES

FRANCAIS.

I LETTRE DE NICOLASCOCHIN,RELATIVE A PIGALLE. Un de nos collaborateurs, M.Charles Nisard, nous communique une lettre inédite de Nicolas Cochin, dessinateur et graveur, membrede l'Académie de peinture, mort en 1790. Cette curieuse lettre a été copiée sur l'original qui se trouve parmi les correspondances de Suard. Il est donc probable que la lettre lui est adressée, d'autant plus que Suard donna une notice sur Pigalle, dansle Journal de Paris, au mois de septembre 1786. Cette notice est réimprimée, sous le titre d'Éloge, dans le tome III de ses Mélanges de littérature, publiés en 1806. Voici la lettre de Cochin : MONSIEUR ETAMI, « Je crois devoir me hâter de vous prévenir d'une erreur qu'a commisecelui qui a donné un Éloge de Pigalle dans le Journal de M.de la Blancherie (1), erreur dans laquelle je puis être tombé a rédigépendantdixans,étaitintitulé: (1)Cejournal,queM.delaBlancherie Pahin Correspondance généralesur lessciencesetsur lesarts. Claude-Catherine dela Blancherie,mortà Londresen 1811,passaitpourconnaisseur Champlain dansles arts; il possédait unecollection detableaux.Onluidoitun«Essaid'un tableauhistoriquedes peintresde l'ÉcolefrançaisedepuisJeanCousinen1500 jusqu'en 1785inclusivement, des ouvragesdesmêmesmaîtres avecle catalogue quisontoffertsà présentà l'émulation etauxhommages dupublic,danslesalon dela Correspondance, sousla directionet parlessoinsdeM.delaBlancherie. » Cecatalogue, in-4°de quarantepages,étaitdistribuéauxcurieuxet auxamateurs quivenaient visiterla collection.


DOCUMENTS INEDITSSURLES ARTISTESFRANCAIS. moy même dans ce que je vous ay donné à ce sujet (1); car c'étoit une erreur reçûe et dont je ne suis éclairci que d'hier. « Il est dit dans le Journal de M. La Blancherie que ce fût M, l'abbé Gougenot (2) qui donna à Pigalle l'idée allégorique qu'il a employée dans le tombeau du maréchal de Saxe. La liaison intime qui étoit entr'eux donna lieu à cette opinion ; mais elle est fausse. Voicy ce fait :. Peu de temps avant qu'on demandast à Pigalle d'exécuter ce tombeau, Pigalle eût occasion de dîner à l'abbaye de St Denis avec l'abbé Gougenot, Sorbet et quelques autres. Ils furent ensuite visiter les monumens qui décorent l'église de cette abbaye. Pigalle voyant le tombeau du grand Turenne, ne fût point du tout satisfait de l'idée qui y est exécutée. Il s'enflamma et dit que s'il avoit eu un semblable tombeau à faire, il y auroit voulu mettre un sarcophage dont la Mort leveroit la pierre; que le héros auroit paru y descendre avec fermeté; qu'il auroit représenté la France s'y opposant. Enfin, il développa toute cette idée qu'il a depuis exécutée. L'abbé Gougenot l'approuva beaucoup, et lui dit que sitost qu'il seroit de retour chés lui, il l'écriroit pour ne pas l'oublier : ce qu'il fit. En effet, peu de temps après, le tombeau du Maréchal ayant été ordonné à Pigalle (3), il fit usage de cette idée, ainsi que nous l'avons vû, et il est vray que l'idée est entièrement de lui : n'ôtons donc rien à personne de ce qui lui est dû. « Ce détail seroit trop long peut être pour entrer dans ce que fera M. S***;il peut n'en toucher que quelques mots, ou, s'il ne le juge pas à propos, du moins il évitera la fausseté de dire que cette idée fut donnée à Pigalle. C'est de Sorbet que je tiens ces détails, et personne ne sçait mieux que lui les détails de la vie de Pigalle; c'est pourquoy je serois d'avis qu'avant que cet éloge soit 128

(1) J. B. PigalleouPigale,célèbresculpteur,élèvedeLelorrainetdeJ. B.Leà l'âgede73ans. étaitmortpeudemoisauparavant, moyne,membrede l'Académie, desarts ; il avait desMousseaux étaitunamateurpassionné (2) L'abbéGougenot une galeriedetableauxdemaîtres; plusieursde cestableauxontété gravés,etle cataloguedesoncabineta été imprimé.Le portraitde cet amateur,peintparun M.lechevalier desMousdesVanloo,estconservéparun deses arrière-neveux, Sonbuste,enmarbre, ouvragesd'archéologie catholique. seaux,auteurdeplusieurs estundes plus beauxouquidécoraitsontombeaudansl'églisedes Cordeliers, vragesde Pigalle. deStrasdumaréchaldeSaxeestplacédansl'égliseluthérienne (5) Letombeau bourg.


DOCUMENTS INEDITSSURLES ARTISTESFRANCAIS. 129 inséré dans votre journal, il fût communiqué à Sorbet. Il y pourroit avoir d'autres erreurs dont il nous avertiroit. Il demeure dans la rue de l'Université, F. St G. vis à vis l'ancien hôtel d'Aligre. « Encore un mot d'anecdote dont on fera l'usage que l'on voudra. Pigalle a exécuté aux Cordeliers un petit tombeau pour son ami l'abbé Gougenot. Cet abbé avoit laissé une somme de six à sept cent livres destinée à ce petit monument. Mais Pigalle attaché à la mémoire de son ami, a généreusement outrepassé de beaucoup cette somme, car il y a beaucoup de choses exécutées en bronze, et c'est un petit morceau précieux. « Je crois vous avoir dit que M. Fayot demeure dans la rue du Moulin,Butte St Roch. Ils sont très connus dans cette rue, y ayant beaucoup d'années que lui et sa mère y demeurent. On peut être à portée de le trouver plus facilement, depuis qu'on est revenu de Fontainebleau. Il est trésorier de M. le Cted'Artois. C'est celui qui peut vous rendre le compte le plus exact de l'anecdote concernant le roy de Prusse (1). « J'ay l'honneur d'être avec la plus parfaite estime et le plus sincère attachement, mon cher ami, « Votre très humble et très obéissant serviteur, « COCHIN. «Ce28novembre 1788.» danslaBio(1)Cetteanecdoteestracontéedansunenotedel'articlePIGALLE, universelle deMichaud. Il s'agitd'unplaisantquiproquo. graphie Pigalle,quiavait faitunestatuedeMercurepourle grandFrédéric,étantalléà Berlin,fut signalé auroidePrussecomme l'auteurduMercure,etleroinelui fitaucunaccueil,dans lapersuasion quec'étaitlerédacteurduMercuredeFrance.


EXPOSITION

DE TABLEAUX ET D'OBJETS

D'ART

AUPALAISDUCAL, A BRUXELLES. — En déposant Secondepartie. OBJETS D'ARTETDEHAUTE CURIOSITE. la plume,après avoir esquissé à grands traits le caractèreet l'importance de la précieuseréunion de tableaux exposésau profit des pauvres sous le patronage de la princesse Charlotte, nous nous étions réservé de parcourir d'un oeilrapide les trésors d'objets d'art, qui adoucissentet relèvent,par leur éléganceet leur éclat, le sérieuxdes oeuvresdes peintres anciens,peu en rapport avecles goûts et les habitudesde certaines classesdu public. Longtempsnous avonshésitédevantcettetâche, et sansles instancesde ceuxde nos amis auxquelsil nousest impossibled'opposerun refus persistant, nous nous serionsabstenu d'entreprendreun travail qui, même réduità de faiblesproportions,nous paraît au-dessusde nos forces. Comment,en effet,aborderla descriptiond'une multituded'objetsentassés sansordre chronologique,souventavecune confusionque lecataloguelui-mêmea été impuissantà écarter, où l'art coudoiela frivolité,où l'antique,le byzantin,larenaissanceetlemaniérése heurtentdansun pêlemêleindéchiffrable,où l'analysene peutsuivreaucuneméthode,ni l'esprit opérerleclassementindispensablepour arriveràune appréciationéclairée et impartiale?Si dansnotre premièreesquissenousavonssignalécettedifficulté ennemied'un examenattentifet qui nous faisait obstacle, dans le sujet du présent article, la difficultédevientsi grave, qu'à peine osonsnous la tourner, en prenant au hasard ce qui nous a frappé le regard, et en nous arrêtant selonle capriced'un confussouvenir. Le catalogueenregistre619numéros.A ces 619ondoit en ajouter 321, appartenantau princed'Arenberg,lesquels sont classésd'aprèsune série particulière. On aura donc un total de 940 numéros, Mais ce chiffre, quoiquetrès-élevé, ne répondpas à celuides objets contenusdans l'Exposition. Il y a tel numéro qui renfermejusqu'à 109 articlescatalogués en un seul lot, de sorte que nous serons peut-être encore éloignéde la vérité en affirmantqu'avecplus dedétailon aurait pu enregistrerau delà de 1,500 numéros. Cetteimmensequantitéde choses précieuseset rares a été empruntéeà CENT collectionsou personnages.Les limitesdu NEUF cadre dans lequel nous sommesenserré nous empêchentde rapporter


EXPOSITION DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART. 151 lesnomsdes exposants,nomsdont une partie a d'ailleurs figuréparmi ceuxque nous avons inscrits en parlant des tableaux. Leur nombre justifiel'observationfaite autre part, savoir que les richessesartistiques et curieusesde la Belgiquesont inépuisables,et le plus souvent ignoréesde quiconque n'a pas une connaissanceapprofondie,des diverseslocalités et des famillesqui, depuis un temps immémorial,les peuplentet les rendent florissantes. Danscette noticerapide, nous nous abstiendronsde parler des magnifiquesarmures, desarmes detouteespèce,des reliquaires, des triptyques, des coupes, des gobelets, des aiguières, des poteries, prêtés par le Muséed'armureset d'antiquités de l'État. M. Schayes, qui en est le conservateur,promet d'en parler en détail dans cette Revue, et nos faiblesaperçus ne sont pas faits pour empiéter sur les appréciations que son expérienceet son profond savoir laissent espérer à nos lecteurs. Nousne parleronspas non plus des choses banales, ou d'authenticité douteuse,que, sous prétextede charité, certainsmarchandsse sontempressésd'étaler,après avoir eu soin de répandreà tout propos et dans chaquecoinles adressesdeleurs boutiques, tant il estvrai que le Christ n'a que pour un momentchasséles vendeursdes abords du Temple! Ce seraitdevenircompliced'une réclameque nous avonstrouvéedemauvais goût,en pareillecirconstanceet en pareillecompagnie. Notreattentionse portera d'abord sur les objetsd'art, et, avant tout, surle magnifiquebuste de Charles-Quint,qui est au Roi (n°485). Cebuste appartenaità l'ancienneCourde Bruxelles..— L'incendiede 1750, qui dévora le palais, mit le bronze en fusion et le détériora, fort heureusementdans sa partie la moinsimportante,à l'une des extrémitésdu manteauimpérial.Sauvé,onne sait trop comment,—transporté à Viennepar le duc de Saxe-Teschen,venduau poids commeferraille,il futenfinracheté par le princede Metternich,et grâce à un heureuxhasard, il peut aujourd'huiêtre encore une fois admiré dans le lieu même auquelil était destinédès sonorigine.Commehistoire, cebuste estdonc d'un tout-puissantintérêt, tant pour les vicissitudesqu'il a subies,qu'à causedu grand homme dont il retrace les traits avec fidélité.Comme art, il est du meilleurstyle, et, à notre avis, sorti de la maind'un Italien, del'ArétinLeone-Leoni,qui, selonle dire de Vasari,était en grandeestime auprèsde l'Empereur. Le Plutarque des artistes raconte que ce sculpteur exécutaen bronze, parordrede CharlesV,l'imageimpériale,plus grandeque nature, entouréede trophéesmilitaires, et ayant sous le piedgauchela Fureur personnifiéeet chargéede chaînes,et que dansle socleil graval'épigraphelatine: Coesaris virtuteFuror domitus. Avantla révolution, nous avons vu ce groupedansle palais du Bueu-


EXPOSITIONDE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART Retiro,à Madrid; nousignoronsquela été son sort depuis, et s'il y existe toujours. Une particularité curieuseet que nous croyons digne d'être signalée,distingue cette statue et la rend facilementreconnaissable: — l'armure dont la personne impérialeest recouvertese partage en deux coquillestrès-minces,lesquellesse retirent à volontéet la laissent alors entièrementdésarmée.L'artiste a calculéson effetavecune précision si habile que, dansl'un commedans l'autre cas, l'oeille plus expérimenté ne peut s'apercevoirde la transformation(1) subie, ou de cellequi devra suivre. Leonirépétatrès-souvent,sousdesformesetavecdes matièresdiverses, le portrait deCharlesV. Ses oeuvresse répandirentdansles vastesÉtats soumisà la dominationde l'Empereur-roi. Un busteen marbre portant dans un cartoucheles deuxvers suivants : 152

CARLO V, ETE ASSAI QUESTO, PERCHE SISAPERTUTTO ILMONDO ILRESTO (2), fait partie dans la villede Plasencia, en Espagne, de la collectionartistiqueappartenantà lafamilledescomtesde Mirabel.Cemarbrea été gravé, et le souvenirque nous avonsgardéde la gravure,autantau moinsque le faire large et savantde l'oeuvre,nous a décidéà l'attribuerau maître que nous avonsindiquéet que nousindiquonsencoredansnotrefaibleappréciation. Le Roia contribuéà enrichir l'Expositiondetableauxdes plus belles pagesqu'ellerenferme. Quant aux objets d'art et de curiosité, il s'est borné à l'envoi d'une seule production,celle que nous venons de décrire. Ne peut-on considérercette réserve commeuneattention délicate de Sa Majestéenvers la Belgiquedont Charlesv a été l'enfantle plus illustre? M.le vicomteH. VilainXIIII a présenté unestatueen marbre, dePhilippe Parodi, le meilleurdes élèvesde Bernin.Cettestatue qu'on assure avoir appartenuaux marquisDurazzode Gênes,représentel'Enfant-Jésus. Comme preuved'authenticitéle catalogueinvoque(n°118) une citation deG. Ralli. Nous invoquons,à notre tour, la beautéetle finidu marbre, preuves plus concluantes que toutes les.citations du monde,pour ceux qui ont vu Parodiet sonmaître dansleurs oeuvresen Italie. la statuadi essoImperatoreluttatonda di bronzo, (1) « Fece(Leone-Leoni) « maggiore delvivo,e quellapoicondueguscisottilissimi vestidi unamoltogen«tilearmatura,ellese glileva,e vestefacilmente e contantagrazia,chechila «vedevestitanonsi accorge enonpuéquasicrederech'ellasiaignuda; e quando «è nudaniunocrederebbeagevolmente,ch' ella potessecosibene armarsi « giammai. » (Vol.VII,pag.84et 85, del'édit.Florent,de 1772.) etc'est assez,carle mondeentierfait le reste. (2)Charles-Quint,


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 155 C'estune étrangeidée, enracinéenotammenten France, que cellequi fait du chevalierBernin un sculpteur toujours maniéréet d'un mérite médiocre.En France, cette idée est d'autant plus étrange que presque tousles sculpteurs du siècledeLouis XIV,sculpteurs dont les Français sontsi fiers, ont tentéde suivrela route ouvertepar certainstravauxde Bernin,et particulièrementpar les moins recommandablesau point de vuedela pureté du style. Allezvoir, à Rome, et la Sainte Agnès et la SainteBibiane,et ensuitevousdirezsi leBerninpouvaitatteindre,quand illevoulait,la puretédes plus beauxtempsdela Grèce.Allezvoirsa Sainte Thérèseet quelques-uns des mausolées qui ornent l'église de SaintPierre,et vous connaîtrezjusqu'à quel point il savaitanimerle marbre, éleveret ordonnerla composition,produirel'effet.Unemauvaiseparade, indignede la scène(nousl'avonsvueà Paris), faisaitdu Berninune espèce d'histrion ridicule, n'allant pas au coude de, Salvator Rosa! Certes, nousconnaissonsla valeur de ce dernier, et commepeintre et comme poëte; mais humilierdevant lui l'architecte de tant de monuments,le sculpteurde tant de chefs-d'oeuvre,et l'humilierjusqu'à le rendre méprisable,c'est faire preuve ou d'ignoranceou de mauvaisjugement, et en toutcas de peu de respectpour'le public, en s'efforçantde le fourvoyer etdele trompergrossièrement. L'Enfant-Jésusdormant,deM.VilainXIIII, est admirable,dansl'abandonde sa pose, dans la morbidessede ses chairs, dansla suavitéde son repos,dansletravailduciseauet de la lime; assurémentce n'est pas une statuegrecque, mais c'est la nature, et cette qualité nous semble,avoir aussiquelque mérite. Dejolis bronzesflorentins,appartenant à M.lecolonelbaronGoethals, ontfixénotre attention: le petit Saint Jérôme surtout (n°122), qui est très-biensenti. Le mêmeamateura exposéun curieuxmarteaude porte, provenantde Venise,et représentantNeptuneentouréde dauphins. M.le comtedeRobianoa prêté un grouped'albâtre, de dimensionslilliputiennes,mais d'une pureté de dessin et d'une exécutionexquises : Vénuset l'Amour(n° 267). C'est un excellent petit échantillonde la sculptureflorentineau XVIe siècle, et d'une parfaite conservation. Il y a plusieurs marbres par Delvaux: — un groupe de l'Amouret Psyché,appartenantà M. le duc de Beaufort; un autre groupe, la Foi, l'Espéranceet la Charité,appartenantà madamePetre. Nousavonsvuun nombreconsidérablede Christs, en ivoire,tous attribuésà Duquesnoy.Nousavonsvu, attribuésau mêmesculpteur, desbasreliefs,des hauts-reliefs, des rondes-bosses, etc., autant qu'il en aurait, puproduires'il avaitvécuun siècleetn'avaittravailléque pour les amateursde Bruxelles.Nous avons rencontré quelques marbres de Godecharle,et pourque-rien ne manqueà la fête, le cataloguenous apprend la présenced'un bassin et,d'une,aiguière en vermeil, au repoussé, avec


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EXPOSITIONDE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART oeuvrede Benvenuto et ciselure, Cellini, celled'une Vierge, en ivoire, modestementportée au compte de Michel-Ange ! Pourquoi troubler la quiétude satisfaitedes possesseurs de pareils prodigesartistiques? Nous feronscommele catalogue,qui répète ce qu'on lui a dit, et qui, nous en avonsla conviction,en appelledes assertionsdes propriétaires qu'il ne pouvaitpas contredire, au jugementdes connaisseursqu'on ne rend pas aisémentcomplaisants. Plusieurs suites de dessinsméritentd'êtreobservées.Parmiles trentedeuxmorceauxde M. Kaieman,il y en a évidemmentd'un grand mérite et d'uneauthenticiténon douteuse.M.Jean Van Parys et M. Fremindu Sartel en possèdentqui sont fort jolis. Malheureusementla contrefaçon s'est traîtreusementglisséedanslecommercede ces productions,et nous connaissonsplus d'un expertqui s'y est laisséprendre, malgrésa longue habitudeetl'attentionla plus minutieuse. Les émaux sont-ils des objets d'art, ou, font-ils partie de la haute curiosité? Peu nous importe,pourvu.que les typesqu'on nous présente nous rappellent les émailleurs de Byzance, ou les beaux temps de Limogeset de Faënza, ou l'époquecoquette de Robert Vauquer et de Pierre Chartier,de Blois,et surtout de Jacques Bordieretde JeanPetitot. L'Expositiondu Palais Ducal renfermedes échantillonsde toutes les écoles. Nousavons remarqué, entre autres, deuxémauxde Limoges(nos28et 29), appartenantà M. le prince d'Arenberg; — une coupeentièreet un fragmentde coupe,égalementde Limoges(n°s495et 494),l'unede l'émailleur Pierre Raymond,et l'autre de Jean Court, exposéspar mademoiselle la baronnede Steenhault; —plusieurs vasesde Faënza; un beau plateau notamment,appartenantà M. le comte de Cornelissen(n° 458), plateau assez rare, portant le nom de la ville où il a été fabriqué, Urbini;nous avonsenfintrouvé, à notre grandesurprise, une abondanceinusitéede miniaturesde Petitot, que nous avionsauparavantla bonhomiede croire très-difficilesà rencontrerautre part qu'au MuséeduLouvre. Du reste, tout portrait fait au feu, toute petite plaque de cuivre couverte d'oxydesmétalliques,qu'ils aient été travaillésà Saint-Diez,à Genève ou à Paris, peuvent facilement,si l'on y met de la complaisance, devenirdes chefs-d'oeuvre;car on y voit toujours un éclat et une finesse suffisantspour tromper le commundes admirateurs.Les deux portraits de Louis XIVet de Mariede Médicis,exposéspar M.le comte E. d'Hane de Steenhuyse(n°275), sont dignes, à notre avis, d'une attention toute particulière. En fait de vitraux,rien de biensaillant; pas plus qu'en fait d'armes,si l'on exceptecelles de M.le prince d'Arenberg.Et maintenantque dire de ces quantités de porcelaines, blanches, bleues, roses, vertes, — pâte tendre, pâte dure; grandfeu,petit feu; Saxe, Sèvres,Kiamsi,Japon; —


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 455 vases,figurines,groupes, plateaux,coupes,soucoupes,plats, assiettes, amuletteset capricesde toutes espèces, de toutes formes,.hideuses,bizarres,élégantes? Que dire de la frénésie qui.donneà toutes ces choses unevaleurexcessive; qui a fait payer, à la ventede M.Bernai (Londres, mars4855),une pairedevasesenrose Dubarry,1,850guinées(46,250fr.), — etune seconde1,550 (55,750fr.) ! — Rien, au point de vue de l'art; au pointde vuede la critique : un mot, car l'occasionnous tente. Onnousa affirmé,et nous affirmonssur cetteaffirmationdignede foi, quela Madoneaux Candélabres,peinte par Raphaël, après être restée invendueen Angleterre,avait eu peine à trouver acquéreur au longtemps de prix 55,000francs,— onzemillefrancsdemoins qu'unepaire devases Dubarry! —Pourtant, on vante généralementla largessedéployéepar lesAnglaislorsqu'il s'agit de s'approprier les chefs-d'oeuvreartistiques desautres.pays; et celui-làétaitconnu,reconnuet de provenanceincontestable. Or,quellepeut être laraisonde la difficultéet de la parcimonieapportée à l'acquisition dufameuxRaphaël,et quelleraisona rendu facilejusqu'à la prodigalité l'acquisitiondes vasesà la Dubarry?—C'estqueRaphaëln'est admiréet comprisque par peu de personnes; c'est que peu de personnes lui offrirun logementdigneet convenable,tandis qu'aucontraire, peuvent lesdécorationsdu siècledeLouisXV s'adaptentparfaitementà l'hospita-. litédes gens à la mode, des gens de toute espèce,lesquels, venanton ne recherchepas d'où, allant vers l'inconnu,puissances et célébrités d'un bonnesou mauvaises,presquetoujours mauvaises,se hâtent de moment, mettreen voguele luxe ruineux des millefutilités compriseset admirées parleur intelligence,futilités qui encadrentleurs moeurs,s'harmonisent avecl'inconséquencede leurs goûts, flattentet serventleur désir de fastueuseostentation.—Et ceci, nous ne le disons pas pour l'Angleterre, quoique l'exempletombésous notre plumesoit de ce pays; nousle disons engénéralpour toutesles contréesde l'Europe, chezlesquellesle saint et solideamourdes beaux-arts,—qui élèvent,ennoblissent,.immortalisent, —a été remplacé,proscrit peut-être, par l'engouementdes objets éphémères,pouvantavoir, ayant même souventun mérite relatif, mais qui devraient être considérés, ainsi que les considéraientnos pères, comme desaccessoires,destinéset appropriésaux différentsusages de la vie, et noncommedesfétichesdevant lesquels on s'inclineparce qu'ils coûtent dessommesfolles, et parcequ'ils fontéclore un sourire de satisfaction surleslèvresde certainesidoles banalesdont on tient à captiverl'attention,à parer les temples.— Noussommesloin du siècleoù Laïs embellissaitCorinthe,où Phryné ne désirait la plus belle statue de Praxitèle quepourenfaire hommageà Thèbes, sa patrie. Ainsiquela vertu,leviceasesdegrés.


EXPOSITIONDE TABLEAUX 156 ET D'OBJETSD'ART Si nous ignorons où nous en sommesquant à la vertu, les faits nous permettentd'affirmerque, quant à certaines tendances,nons en sommes revenusau moins à celles de la royaleDubarry. Cette digression, nous avons hâte de le déclarer; n'a aucun rapport avecl'Expositiondu Palais Ducal. — Nousnous trompons: elle y trouve un rapport en ce sens que nous y rencontronsle témoignageconsolant que dans un pays deliberté complète(on a voulu souventnous persuader que libertéet liensde famille ne pouvaientpas exister et prospérerensemble),dans un pays d'industrie et de commerce,se conserveencore avechonneurl'héritagede famille,intactet respecté. Ainsi cette immenseaccumulationd'objets,représentant,si onles estimait au prix du jour, un capitalconsidérable,a été généralementtransmise aux possesseurs actuels par leurs aïeux, et les possesseurs actuels les gardent religieusement, pour les transmettre à leurs descendants, jusqu'à ce que l'action destructive de la loi moderne qui règle les successionsdisperseenfin, de son soufflefroid et mortel, le produitdela persévéranceet des effortsde tant de générationsprobes et désintéressées. Les arts, nous devonsen conveniravec douleur, sont désormaiscondamnésà déchoir progressivementdu rang qu'ils avaientdu vivantde nos pères. Pour qu'ils pussent s'y maintenir,il faudrait à l'architecte l'élément qui les faitvivre : la constructiondes palais; — or, comment songer à construireun palais,que demainles enfantsou les héritiers seront forcésde vendreet de partager? — Il faudrait aux peintres et aux sculpteursle rétablissementdes collectionsqui immobilisentles oeuvres, les conservent,les fontvaloir par la comparaison,— qui aiguillonnent l'émulationdes producteurs et des acheteurs,—qui font éclore, conservent, agrandissent les méthodeset les écoles. — Et quelle collection hélas! sous la loide partage,peut conserverl'espoir d'une existencedurable, peutéchapperau vandalismedu marteaudu commissaire-priseur, vandalismeplus barbare que celuides Hunset des Iconoclastes,lesquels détruisaientpar ignoranceou par fanatisme,tandis que le commissairepriseur détruit au nom d'uneidée réfléchie,dontil faudraitchercherl'origine dans un ordre abstrait, qui pèse très-fatalementsur le présentet sur l'avenirde l'humainesociété! Si notre voixétait assezpuissante pour parvenir là où se règlentles destinéesdes hommes,nousl'élèverionsaussi haut que possible, et nous implorerionsde toutes nos forces une exceptionen faveur des chosesde l'art. — A qui leur accumulationferait-elledu tort? Pas au public, car un tableau, une statue, sont des capitaux par eux-mêmesimproductifs, ne contribuantque relativementà la richesse commune;— pas à l'État, dont l'intérêt est de préserver la splendeur de la nation, et par conséquent celui des familles; pas à l'Étal, qui trouverait dans le maintien


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 157 des souvenirsun puissant auxiliaire de sa gloire et de sa prospérité. Peut-être, cette sainte dérogation deviendrait-elle fâcheuse pour quelquedissipateur,empêchéd'engloutirdansses débauchescettepartie duproduit du travailet de l'honneurde ses parents; mais le législateur doit-ilse préoccuperdes plaisirs du dissipateur,et ne peut-ilprévoirles autrescas plus légitimesqui échappentà notre prévoyance,fixer,s'il y a nécessité,des délimitations,régler, enun mot,l'exercicede la facultéqu'il jugeraitutile de réserver? Nous ne voulons pas sortir des salonsmêmesdu Palais Ducal,pour chercherun appui irréfutableà la justesse de nos pieuses réflexions.La partieprincipale,la plus splendidedecette exhibitioncharitable,estdue auprinced'Arenberg. Quelstrésors pour l'histoire, quels trésors pour les arts, ne sont pas réunisdansles collectionsde cetteillustrefamilleque lesdroits destraitésont misà l'abri des effetsde la loi commune? Aqui tant de trésors, dont, à vrai dire, les membresqui se succèdent dansleur possession sont plutôt les dépositairesque les maîtres, profitent-ils, si ce n'est aux studieuxtoujoursadmis avecune urbanitéparfaiteà les examiner, à les compulser,au grand avantagede leurs études et de leurs investigations?À qui profitent-ils, si ce n'est à la nation dotéedes élémentsd'un enseignementgratuit, pratique et permanent?— Sont-cedes résultats à dédaigner?et pourquoi les gouvernementsdépensent-ilsl'argent des contribuables,quand, en ménageantune sage liberté,ils pourraientlesatteindreindirectement,sans frais, sans efforts, età lasatisfactioncommune? M.le prince d'Arenberg, au moyen d'un choix parfaitd'échantillons, nousconduit à travers les siècles jusqu'à notre époque : Égyptiens, Étrusques,Grecs, Romains,Bas Empire, Croisades, et depuis lors tous lesprogrèsde l'esprit, chaquepas fait vers la conquêtede la perfection, ontleurs types et leurs représentants.— Nous n'avonspas la prétention denousarrêter sur ces richesses qui appartiennentà l'archéologieaussi bienqu'à l'art, à l'histoireaussi bien qu'aux sciences.Pour les énumérer il nousfaudrait plusieurs pages, pour les expliquer et les illustrer il nousfaudraitdes volumes. Pourtant,nousne pouvonsnous dispenserd'en indiquerquelques-unes, afinque,par cesexemplesisolés, lelecteursoit misà mêmede comprendre de l'ensemble. l'importance Parmiles bijouxanciens, lesnos272et 275, deux onyxde travail grec nousont paru précieux. Le n° 277, fermailde manteauen or ciseléet émaillé,ayant au centre, en haut relief, un cerf poursuivipar un chien et un chasseur sonnantdu cor,travail français, certainementantérieur au XVesiècle, est un documentdes plus importantspour l'histoire desarts.


DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART 158 EXPOSITION On doit attacher le mêmeprix à la série compriseentre les n°s278et 296; mais l'attentiondes amateursdoitse porter particulièrementsurce dernier spécimenremarquablede la ciselure italiennedu temps de BenvenutoCellini.C'estun médaillonen or, repoussé, ciselé, émaillé,avec des figurinesen haut relief, représentantVulcainforgeant des flèches pour l'Amour,qui les attend, couché aux pieds de sa mère. L'enclume est forméed'un grenat, et l'encadrementest enrichide rubis entremêlés d'émail. Lesornementsd'église,les objetsdestinésau culte,ourappelantlesfaits etles mystèresde la religionchrétiennesontnombreuxettrès-variés.Il y en a en or, en vermeil,en argent, en bronze, en cuivre, en pierres dures, en terre cuite,en ivoire,enbois. Pour l'ancienneténous devonsmettreen premièreligne un misselsur peau de vélin (n° 214), orné de miniatures et de sa couvertureprimitive,ouvrages exécutésentre les années997et 1007, ainsi que le prouve l'analyse du calendrierqui y est annexé.Les miniaturespaginaleset leslettres majusculessontou sur fondd'or ouen or sur fond vert, bleu et rouge.— Aumilieude la couverture,le Christ, assis sur un trône, donnede la maindroitesa bénédiction,et de la main gaucheil tientles livresdesÉvangiles.Cettefigurerepousséeenhautrelief est entouréed'une"borduretrès-saillante,en cuivredoré, ciseléet gravé. — Les quatre coins représententles Évangelistes.Le revers du volume est aussi entouré de cuivredoré, et diviséen parties égalespar les branches d'une croix rectangulaire, dont le centre contientun médaillonen argent, sur lequel est figuré l'AgnusDei. Nous n'avonspas pu examinerà loisir ce manuscrit; mais la vue des miniaturesnous a rappelé le beau Psautier venant de Colbert, et portant à la Bibliothèqueimpériale le n° XXXI,de l'ancienfonds. Chacun sait combien sont rares et recherchés les manuscrits à miniatures du Xesiècle; dans celui-ci, la couverturedu temps en fait un morceau capital.. Unautre manuscrit,du XIIesiècle(n°215),est très-dignede remarque, tant pour les belles miniaturesqui le décorentque pour l'étrangetédesa couverture,sur laquelleon voitun saint Jean assis, en haut reliefet en pierrenoire, encadrédans une bordureen émailet en filigraned'argent, tout incrustéede camées du Bas Empire, d'intailles et d'autres objets disparates et d'époquesdiverses,parmi lesquelsfigure une tête antique, en pâte. Viennentensuite des éditionsdes premierstempsde l'imprimerie,avec desreliures originales, en veau, en peau de truie, gaufréesou non, ayant des fermoirset des coinsen cuivre ciselé,— illustréespresque toujours par les signatures des propriétairesoù des relieurs. Puis, des Viergesavecl'enfantJésus, des Christs,des Croix, des Reliquaires, des Ostensoirs, des Ciboires,des Calices, des Encensoirs,des


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES. 139 Châsses,des Bénitiers, produits dans les matières les plus variéeset danstousles styles. Enfin,uneréunionadmirablede sculptures enbuiset en boisde cèdre, sousformede croix byzantines,de retables, d'autels d'un travailmicroscopique,d'une élégance, d'une finesse, d'une précision, à surprendre mêmeles plus familiarisésavecles prodiges de la patienceallemande. Quediredes mille objets,vases, canettes,buires, pintes,vidrecomes, hanaps,coupes,gobelets,flacons,verres, aiguières,coffrets,boîtes, tabatières,bonbonnières,couverts,étuis, gaines, nécessaires, servicesen laquedu Japon, plateaux, montres et tant d'autres curiosités, dont la seulenomenclaturenous embarrasseraitsi nous devionsla rendre avec exactitude? Nousdirons que les parolesseraient,insuffisantesà en donneruneidéemêmeconfuse,et que la vue seule,ou, à son défaut,l'imagination,peuventsuppléerà l'impuissancede l'écrivain, auquel il n'est pas permis,commeau peintre, de reproduire la figurematérielledes choses quisontà décrire. Auprinced'Arenbergsuccèdele prince de Ligne,mais dans un autre ordred'idées. Nous.nesommesplus en présencede la noblessedes arts, nous nous trouvons.face à faceavecla noblessede race.L'illustrationdes aïeux de M.le princede Ligneest connuede tout le monde; pourtant il a voulu nousla rappeleren exposant les preuves,précieusementconservées,de leurgloire,de leur puissance, et de leur loyauté.Ici, la forme, la matière,lamainde l'artiste, ne sont rien, relativement;le souvenirest tout; etnousne pouvonsque louer le soin pieux avec lequel onle garde et on lepropage.— Dans cette exhibition,nous assistonsaux dons faits aux princesde Lignepar le Grand Frédéricde Prusse, par la secondeCatherinede Russie, par la malheureuseAntoinettede France, par le tzar Alexandre. Nous y comptonsles dépouillesconquisessur les ennemis vaincus; nous y rencontrons,enfinune rare quantitéde précieusesreliques,provenantdes hommes.lesplus célèbres, de. Charles V, de PhilippeII son fils et successeur,du prince Eugènede Savoie,de Marlborough,du prince Mauricede Nassau, de Charles XII de Suède, de l'archiducAlbert d'Autriche, du roi GustaveAdolphe, de Luther, de Rubens,de Téniers, et mêmede Denys,tyran de Syracuse. L'authenticité de tousces objetsnous est attestée par un témoignageinattaquable,par l'assertion de M.le prince de Ligne; ce qui nous empêchede conserver lemoindredoute sur elle; nous ne faisonsune réserve (quepour le gobeleten ivoire syracusain, antique, ayant appartenuau.tyran Denis (n°208),et encoren'eussions-nouspas osénous la permettre,si nous n'avionssongéque ce personnagede trop fameuserenomméen'a certainementpas comptéparmi les ascendantsdu princeet n'a pu probablement fairepartiedes clientsou des amisdesa noblefamille.


ET D'OBJETSD'ART EXPOSITIONDE TABLEAUX à notre de Malheureusement, point vue, ces richesses,incontestables ne les d'ailleurs, présententpas qualitésque nous recherchonspourl'agrément et pour l'instruction de nos lecteurs, de sorte que nous sommes obligéde renvoyerau catalogueceuxqui y prendraient plus d'intérêtet désireraientavoirsur ellesdes détails précis et circonstanciés. M. le marquis Théodulede Rodes, M. le chevalierde Sequira, M.le colonelde Biré, M.le comtedeCornelissenque nous avons déjà nommé, ont prodigué les raretés intéressantes.M. le comte Léon d'Ursel en a fait autant. Nousavons remarquéavecplaisir une suitede boîtesà M.de Biré, précieuses moins pour la matièreque pour la délicatesseet le fini du travail. Mais la patiencedes lecteursa des limites; aussi ne la mettrons-nous plus à contributionquepour deux objets que leur mérite nous empêche de passer sous silence. M. le duc de Beaufortet M. le baron Snoy d'Oppuersont exposé: le premier,la châssede Saint-Maur,dela chapelledu châteaude Florennes; le second, un reliquaire-retable, de l'ancienne abbaye de Floreffe. (n°s484 et 549). « La châsse de Saint-Maur (dit le catalogue), en vermeil et cuivre doré, avec émaux,filigrane,et incrustationsde pierres précieuses, offre par ses dimensions— 1m,38 de long, sur 58 centimètresde large, et 68 centimètresde haut, — commepar son ensembleet ses détails,un des plus beaux monumentsde l'art chrétienau moyen âge. » — Ceque dit le catalogueest encoreau-dessousde la vérité. A quelleépoquedu christianismel'usage des châsses remonte-t-il,et quand les premières ont-elles été faites? Ces problèmes d'archéologie sacréen'ont pas été résolus, malgré les recherchesdes savants, parmi lesquels il faut citer en premièreligne M. Langlois,dont les remarques furent publiéesdans l'ouvrage de M. Floquet, intitulé : Histoireduprivilègede saint Romain(tom,II). En Orient, les Iconoclastesen détruisirent un grand nombre,et les Iconoclastesdatentdu Vesiècle. C'est donc tout à fait au berceaude la religionchrétiennequ'il faut chercherl'origine des châsses. Les fidèlesles avaienten grand honneur, et cellesqui contenaientles reliques les plus vénérées étaient exposéeset portées processionnellementà l'occasiondes calamitéspubliques. Plusieurs rois, entre autres saint Louis et CharlesIX, s'empressèrent, en ces circonstances,de les charger sur leurs épaules, et d'autres, allant en guerre, les firent placer au milieude leurs armées, dans le fermeespoir que leur présence saurait les rendre victorieux, en enflammantle courageet en protégeantla viede leurs soldats. Les modèlesdes châsses, leurs dispositions, variaientsuivant lecaprice des artistes chargés de les composer : les plus anciennesavaient presquetoujoursl'apparenced'un tombeau,ou biencelled'un temple.— 140


AUPALAISDUCAL,A BRUXELLES.- 141 C'est cette dernière forme qu'affectecelle-dont nous nous occupons. Sur la façadeprincipale, soit sur la partie étroitedu rectangle,on voit lastatuettedu Christ entre deuxcolonnesaccouplées; sur la façadecorrespondantese trouve la représentation du donateur, Godefroidde Rumigny,sire de Florennes,tenant d'unemain l'abbayede ce nom, dont il futun des fondateurs, et de l'autre son épée. —Les douzeapôtres sont placéslatéralement,six de chaque côté, dans les niches forméespar les colonnesqui soutiennenttout l'édifice.— Ces colonnesont des proportionsassez élégantes,quoiqueun peu écraséespar rapport au rayon des pleinscintres. L'air des figures, leur roideur, leurs draperies, s'approprientparfaitementau goût lombardo-grecdominantdanstoute la dispositiondu petit monument.La partie supérieure nous offre en retrait sixmédaillonssur chacunedes faceslatérales. Ces médaillonsreprésentent deux épisodes de la vie de saint Maur.Entre eux s'intercalentde petitesfigures.Le toit, légèrementincliné, fait le couverclede la châsse. Lesémauxsont très-fins et savammentcombinésavecles pierres fines. Desornementsen filigrane,très-richeset très-déliés, courent partout et complètentl'ensemblede l'effet et des arrangements architectoniques. Ceteffetétonne,tant il surpassél'idée que l'on a généralementde l'état desarts au commencementdu XIesiècle, date de cette oeuvre,ainsi que l'indiqueun chronogrammelatin, confirmé, d'ailleurs, par les annales del'ancienneabbayede Florennes, Cettechâsse, enfouieen 1795, avait souffert quelques détériorations. En1858elle a été restaurée avec soin par ordre de M. de Beaufortet sousla directionde M. Becq,curé desMinimes. Le reliquaire-retablede M. Snoy est d'une époque,plus avancée; il affectela forme d'une petite chapelleogivale,surmontéede trois clochetons.La Passiondu Christ, et quelques-uns des faits postérieursà sa résurrection,reproduits au moyende figuresdétachéesen haut relief, décorentl'intérieur des volets. Dans leur partie extérieure, se trouve l'Annonciation, gravée en creux. Les faces des clochetonssont chargées d'ornementsrelevés sur un fondniellé. Deuxangesplacés au centre de la chapelle soutiennentle piédestal quisupportela croix destinéeà renfermerune sainte relique, que Baudouinde Flandre, empereur de Constantinople,envoyaau comte de Namur,son frère, vers 1204. Le catalogueaffirmeque ce retable fut donné par ce mêmecomteà l'abbayede Floreffe; nous devonsd'autant plus croire son affirmation quele style et le travail remontentévidemmentaux premiers jours du XIIIe siècle,dans lequel ces faits se sont passés. Qu'ilnous soit permis, en prenant congédu lecteur, d'exprimerici le 10


EXPOSITION DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART. donné Anversl'an dernier, par Bruxellesaujourvoeuque l'exemple par soit suivi les autres de la villes d'hui, par Belgique. Gand, Bruges, Liége, Malines feraient ainsi une oeuvredoublement méritoire, car en secourantles pauvres ellesviendraienten aide aux Arts, à l'histoire, àla science,découvriraientau publiclestrésors cachés et disséminésdansleurs murs, et augmenteraientleur éclat propre, et la splendeurgénéralede la nation. 142

M.C. MARSUZI DEAGUIRRE.


BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE.

DESSCIENCES MESSAGER DESARTSET DELABIBLIOGRAHISTORIQUES, DE BELGIQUE, PHIE, publiépar MM.J. de Saint-Genois,professeur-bibliothécaireà l'Université,C. P. Serrure, professeurd'histoireà l'Université, A.VanLokeren,archivistehonorairede la ville, P. C.Van der Meersch, archivistedela Flandre orientale,etPh. Kervynde Volkaersbeke;à Gand. Alivraisonspar an, formantun volumede plus de S00 pages, avecau moins12 gravures ou lithographies. La premièrelivraisonde l'année1855vientde paraître et contienttrois planches: la Ceinturede Marie, conservéedans l'égliseNotre-Dame,à Maestricht;Miniatured'unmanuscritde la bibliothèquedeGand,représentantJésusguérissantdes lépreux; etles Fonts baptismauxdeWinchester. Cettedernièreplancheaccompagnele compterendu de laMonographie des fontsbaptismauxde Zedelghem,publiéepar le chanoineAndriesdans le Bulletin du comitéarchéologique du diocèsede Bruges. Dansun article sur la Corporationdes savetiersd'Audenarde,instituée en 1575,M.E. Vander Straeten donnela descriptionsuivantedes enluminuresqui ornent un des registres,récemmentdécouverts,de cette anciennegildeflamande: « La premièrepage du Gulden-bouck représente saint Hubert, patron dela corporation, à genouxdevantun cerf portant entre ses cornesun crucifix.Au-dessus de sa tête, un ange présente la mitre épiscopale.A sa droite,deuxchiens enragés. Derrièrelui, un laquais avecson cheval. Aufond,des collinesboisées. La secondepagenous montrel'Apparition duSaint-Espritaux apôtres; en dessous, le premierdoyenet son épouse, dansle costumedu temps, agenouillésdevantl'arbre de la corporation. Latroisièmepage, Jésus-Christassis sur un arc-en-cielet les piedsappuyéssur le globe; en dessous, le premierofficieret son épouse, age nouillés.La quatrième, Jésus-Christ sur la croix; à l'entour, le second officieret son épouse,en prière. La cinquième,Jésus-Christ portant sa croix; de deux côtés, le troisièmeofficieret son épouse. La sixième, Jésus-Christattachéà la colonne; en dessous, le quatrièmeofficieret son épouse,agenouillés.La septième,la Cènedes apôtres; en dessous, le blasonde la corporationavecl'année 1579. La huitième,Jésus-Christau jardin des olives; en dessous, le premierdoyen, réélu en 1576, et son épouse,agenouillés.La neuvième, Jésus-Christ couronné; en dessous, le sarcophagedu premierdoyen et de son épouse, avecleurs armoiries


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BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. respectiveset celles de la corporation. Enfin la dixième,Jésus-Christ ressuscitant du tombeau,au milieu de l'effroides soldatspréposésà sa garde. « Il esthors dedoute que ces aquarellessont dues au pinceaude quelque artistehabileà peindre les modèlesde ces magnifiquestenturesde laine, qui ont été pendantdes sièclesle principal élémentde prospérité de notre cité. On ne peut s'y méprendreen examinantcette touche hardie, ces ombresfortement accentuées,cette colorationviveet éclatante, qui resplendit encore à l'oeil, après environ trois siècles d'existence. Aujourd'hui,ces peintures, défectueusessous le rapport dû dessin, des proportions et de l'ensemble,ont peu de valeuren elles-mêmes; mais ellesnous fournissentde précieusesdonnéessur le talentde nos anciens peintres de modèles; et c'est peut-êtreà ce genre de peintures informes, que nousdevonsnotreHeuvicket notre Brauwer.» Noustrouvons encoredans le Messagerune note de M. P.-J. Goetghebuer sur deuxsuitesde gravures,extrêmementrares, l'EntréedeCharlesQuint à Bologne, où il fut couronnécommeroi de Lombardieet empereur des Romains, par le pape ClémentVII, en 1550, et les Fêtes qui suivirent ce couronnement: « L'Entréede Charles-Quintà Bologneest une oeuvretellementrare que feu Duchesneaîné, conservateurdes estampesde la Bibliothèque nationaleà Paris, etbien d'autresamateursdistingués,en ignorèrentlongtempsl'existence. « Cette suite de 15 planches, gravées en bois, de 44 centimètresde hauteur et de 36 centimètresde longueur,représente " 1° Trois cents chevau-légersen tête du cortége, suivis des seigneurs espagnols,richementarméset portant des drapeaux et des étendards. « 2° Trois cents chevaliers,portant une coiffuresurmontéed'un plumet rouge, etcouvertsd'armuresuniformes,avecl'inscription: In questo circa 500, chavalihzien,etc. primoordenesonechavalchado « 5° Dix.groscanonssur des chariots traînés par des chevaux. « 4° Cent pionniersportant des branches de laurier, et suivis du Grand-Maîtrede l'artillerie. « 5° Le. seigneurde Leva, chef de trois mille Allemands;il est assis dans un fauteuilrecouvertdé velourset.porté par quatre hommes. " 6° Quatorzecompagniesd'infanterieallemande, avec ses drapeaux. « 7° Deux seigneursà cheval, l'un portant le grand étendardimpérial, l'autre un étendardorné d'une croix rouge. « 8° Adriende Croy, à la tête de lacavalerieallemandeet flamande. " 9° Vingt-cinqseigneurs espagnols, montéssur des chevauxrichement caparaçonnés,et vingt-cinqpages de l'Empereur, montés sur de superbeschevaux,non couverts.


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 145 « 10° Grands d'Espagne, acccompagnésde cent hommesde la garde impériale,armés de hallebardesen or, et portant des trompettes. « 11° Le Grand-Maréchal,portant l'épéeimpériale. « 12° Charles-Quint, monté sur un cheval blanc, recouvert d'une houssede drap d'or, ornéede brillants; il marche sous un dais porté par quatregentilshommesdélégués,et suividu comteHenride Nassau. «15° Le Grand-Maîtredes cérémoniesde la Cour, couvert d'une armured'or, et suivi de cent gens d'armes. « La Représentationdes Cavalcadeset rejouissances,qui suivirent le couronnement,forme un rouleau de gravures à l'eau-forte,composéde 58 plancheset de deux gravures-titres, dessinéeset exécutéespar Jean NicolasHogenbergh,peintre et graveur, né à Munichen 1500et mort à Malinesen 1554. « Il existe plusieurs éditionsde cette somptueuseCavalcade: le duc d'Arenbergen acquit une à Gand en 1854; plus tard, j'en ai rencontré lasecondepublication,qui est augmentée,en chef, d'une généalogiede Charles-Quint.M.Borluutde Noortdonck,à Gand, possède cellegravée parHondius,à La Haye. « Cesdiverseséditions sont sans explications; celle que nous possédons, en flamandet de l'époquemême,est peut-êtreunique. C'est une pancarteimpriméepar Pierre De Keysere,à Gand. L'Empereur,fait connaîtreà ses fidèles amis qu'il vient de recevoir la couronne de Lombardie,de la main même du Pape, et d'échapperà un grand malheur, occasionnépar la rupture d'un pont de bois, construit pour mettre son palaisen communicationavecla grandeéglise. » —BULLETIN DEL'INSTITUT tomeII, 2elivraison. ARCHÉOLOGIQUE LIEGEOIS, Liège,MaxKornickeret Gnusé.Cettesecondelivraisoncontient, parmi desarticles relatifs à l'archéologieet à la numismatique,une sorte de préfacedu catalogueque M.G. Hagemans,de Liége,prépare sur sa riche collection où sontrassembléesdes productionsartistiquesdetous les pays depuislahaute antiquité.Danscette savanteintroduction, M-Hagemans, professantunéclectisme très-louableenfaitdeBeaux-Arts,se gardebiende sacrifierune époquea une autre, un peupleà un autre. L'Egypte,la Grèce, la Germanie,la Gauleromaineet franque,le Moyen-âge,la Renaissance, les sièclesmodernes, excitent égalementses sympathieset son admiration. Quandle catalogueaura paru, nous reparleronsdece cabinetd'amateur,quipossèdedes sculptures,des peintures,des émaux,de l'armurerie, etde la céramiqueitalienne,françaiseet flamande,etc., etc. — ATHÈNES AUX ETXVIIe SIECLES XVe,XVIe , d'aprèsdes documentsinédits tirésdes archivesimpérialesde Venise,des grandesarchivesdel'empire français, des archivesdes ministèresdes affaires étrangères, de la


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BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. guerre etde la marineà Paris, des archivesélectoralesde Hesse-Cassel, des archivesdépartementalesde l'Aube,desarchivesde l'Écoledes BeauxArts à Paris, de quelques archives particulièresà Venise, des bibliothèquesimpérialesde Paris et de Vienne, des bibliothèquesde SaintMarc,à Venise,du prince Barberinià Rome, et du MuséeBritanniqueà Londres,etc., etc., par le comtede Laborde,membrede l'Institut. Deuxforts volumesgrand in-8°, chez J. Renouard et Ce, 6, rue de Tournon, impriméssur beau papier vélin et ornés de quaranteplanches gravées, lithographiées, photographiéesou intercaléesdans le. texte. Il suffira, pour donner une idée de leur intérêt, de citer les dessins des deux frontonsdu Parthénon,par J. Carrey, le fac-similedutextegrec de la descriptiond'Athènes,par l'Anonymede Vienne,de l'albumformépar San Galloen 1465, d'unegrandevue d'Athènes,prise au momentdu siége en 1687, et envoyéeà Venisepar Morosini,du plan d'Athènesdressé par les capucinsavantle voyagede Spon, et enfindeux photographies,dont l'une représente la tête antique attribuée à Phidias et trouvée en 1846 dansles cavesdela Bibliothèqueimpériale. L'histoire d'Athènes,dit M.de Laborde,comportetrois études également intéressanteset nécessaires,mais tout à fait distinctes. La première étude concerne la formationde cette ville-muséeet la destination des chefs-d'oeuvrede ses artistes. La secondeétude s'appliqueaux lieux mêmeset à l'état où vingt siècles ont laissé les monumentsgrecs. Mais après avoir vu Athèneséloquente et majestueusedans les livres , silencieuseet toujours sublimedans ses ruines , on se demandepar quelles mains barbares, par quelle série de fatalités, ces monumentsincomparables ont été renversés et mutilés. Cette investigation rétrospective constitue une troisième et dernière étude, qui fait l'objet du nouveau livrede M. le comtede Laborde. Tout ce qu'on a écrit d'intéressantsur Athènes,tout ce qu'on a dessiné d'après ses monuments,depuis la prise de la ville par les Turcs en 1456jusqu'à la prise par les Vénitiens en 1687, depuisle commencementdu XVesièclejusqu'à la findu XVIIe, M. de Labordea su le réunir dans ce cadre de deux volumes, avecson éruditionhabituelleet son goût passionnépour les beaux-arts. Il est à regretter que ce bel ouvragen'ait été tiré qu'à un petit nombre d'exemplaires, destinésaux amisde l'auteur et aux grandes bibliothèques,


CHRONIQUE, DOCUMENTS,FAITS DIVERS. — M. Delacroix. — universelle.—Les vitrauxde M.Capronnier. L'Exposition — J.B. Isabey.—Les à Le château deChillon.—Le N peintres Spa. graveur an— teuil.—UneVénusantique.—LesPeinturesmoralesdujésuiteLemoine. — — Rubens etRembrandt.—Un surGreuze. Lemausolée Visconti. de quatrain — La venteBernai,etc., etc. LatourSaint-Jacques laBoucherie. L'Expositionuniversellene seraouverteque le 15mai,peut-être même plustard, si le tempsn'a pas encore permis d'établir dans ce chaos un ordreconvenable.Nous avons pris cependantun premier aperçu des salonsconsacrésaux arts. Le chiffretotal des oeuvresd'art.ne dépasserapas 5,000, les jurys françaiset étrangers ayant été très-difficiles.La rigueur du jury français surtouta été excessive.On peut lui reprocher d'avoirété cruel pour des productionsexcellentes,et aussi d'avoirété trop clément pour des nullités.Il n'ya pas eu, en tout cela,unebienjustejustice.En général,le jury a étéun peu commeun instrumentdont on se sert lorsqu'il est docile,et qu'onbrise en cas de résistance. On y comptait pourtant des hommes notablesque leur positioneût dû rendre indépendants; mais il paraît que lamajoritéa votédans lesens d'enhaut. Sur les 5,000 ouvrages exposés, la moitié environ appartient à la France.L'Angleterrea fourni775 nos,dont 251 tableaux, la plupart de petitedimension,155 aquarelles,125dessinsd'architecture,80morceaux de sculpture, et le surplus en gravures et lithographies.L'Allemagne vientensuite, commenombre;puis, la Belgique; la Hollandeaura une centainede toiles; la Suisse et l'Amériquedu Nord, 50 à 40 chacune; l'Italieet l'Espagne ont envoyépeu de tableaux; les peuples du Nord, Suédois,Norwégiens,Danois,encore moins; la Chine,quelquesexemplairesde chinoiseries; l'Amériquedu Sud, rien ; et la Russie,— rien. Les salons de l'école française offriront un grand intérêt, la plupart des maîtresillustres ayant réuni un certain ensemblede leurs oeuvres. M.Delarocheet M. Ary Scheffersesont abstenus,par des raisonsen dehorsde l'art; mais M. Ingres a exposé près de 40 tableauxoudessins; M.Delacroix,une quarantaine de tableaux, dont plusieurs n'ont jamais étévus en public; M. Decamps,46 ; M. HoraceVernet, 50à 40. De cette réuniond'oeuvresdiverses, duesà lamêmetête, il résulte une splendeur imprévue,abstractionfaite de leur mériteindividuel.Il y a là un enseignementdont les artistes doiventfaire leur profit : réunir et concentrer,


148 ETC. CHRONIQUE, au lieu dediviseret d'éparpiller..C'estpar le rapprochementet la comparaison des oeuvressuccessivesd'un maître,qu'onpeutapprécier, en parfaite connaissance,le développementde son style et le caractèrede son génie. M.Meissonniera 4 tableaux; M. Chenavard,les cartons du Panthéon; M. Chasseriau, la Sortie des Gaulois;M. Gerôme,le Siècle d'Auguste; MM.Glaize,Muller,Lehmann, ont de grandescompositions;M. Gudin a beaucoupdemarines; M.Flandrin, des portraits; M.Hamon,des scènes enfantines. Les paysagisteset particulièrementMM.Théodore-Rousseau, Français, Troyon, Corotet autres, brillerontau premierrang. Parmi les sculpteurs, on remarque MM.Duret (statue de Chateaubriand),Maindron(Christen croix),Lechesne(deuxEnfantsattaquéspar un serpent),Oudiné,Ottin,Husson,Cavelier,Marcellin,etc., etc. Il manque encoreà la sculptureune oeuvrecurieusequi,par exception, ne passera au jury que vers la fin du dernier délai: c'estla Minerveque le duc de Luynesa fait exécuter, en ivoire,or, argent et bronze, afinde représenteren réalité, etde solidifier,si l'onpeutainsi dire, sonopinionsur la sculpture chrysêléphantinedes anciens. M. de Luynes, très-savant archéologuecommeon sait, n'est point d'accord.avecM. Quatremèrede Quincyetleséruditsallemands,qui sesont occupésdecegenrede sculpture fort admirédans l'antiquité,et qui ont publiédesoeuvresdessinéeset écrites, àl'appuide leursentiment.L'argumentmatériel qu'il a imaginédejeter au milieude cette polémiquearchéologique,lui coûterade grosses sommes. Maisc'est une belle et généreusepensée,et il seraintéressantd'observer l'impression du publiccontemporainen présence de la Minerve polychrôme,dont la sculpture est due à M. Simart, et la partie ornementale à M. Duban. L'envoides artistes belges attirera sans doutel'attention après l'exhibitionde l'école française. On y.distingue.les tableaux de M. Leys, d'Anvers,ceux deM. Willems,beaucoupde tableauxde genre et de paysages, des sculptures de M. Geefs,etc. LesAllemandsse recommandent par les grands cartonsde M. Corneliuset ceux de M. Kaulbach,par la sculpturede M.Rauch (un bustecolossalde FrédéricIer),et de M.Kiss (Saint George terrassant le démon),l'auteur de l'Amazone,qui a eu tant desuccèsà l'Expositionde Londres, par des compositionshistoriqueset des portraits. Les Anglais mettent en ligne M. Landseer, le célèbre peintre d'animaux,MM.Macready,Leslie, Webster, Cattermole,Lewis, Fielding,etc. ; les aquarellesde ces derniersont beaucoupde charmeet dénotentune singulièreadresse d'exécution.La Suisse n'a guèreproduit d'artisteséminents,et les paysagistesdes Alpes ne seront pas à la hauteur des paysagistesfrançais. Maisà quoibon ces indicationsrapides,puisque nos prochainsnuméros donneront une critique comparativedes écoles et des principaux


ETC. 149 CHRONIQUE, ont artistesde l'Europe, qui envoyé/leurs oeuvresà l'expositionde Paris? —Unartiste belge,très-connucommepeintrede vitraux,M.J.-B. Capronnier,a. envoyé à l'Exposition universelle de Paris une grande verrière,représentantla Mort de saint Guy, patron d'Anderlecht.Voicile que M. Capronniera dû suivre : programme « SaintGuy,au retour d'un pèlerinage,estvenu mourirdansla maisondu vice-doyendu chapitre d'Anderlecht.Saint Guy,rendant le derniersoupir, sera étendu sur son lit de mort, et au-dessus de la tête du saintapparaîtraune blanchecolombe,qui sera censéeadresser au bienheureuxles paroles qu'on lit dans sa vie. A la porte ouverte, on devra voirle vice-doyenaccompagnéd'un ou deuxchanoines et de quelques serviteurs...Acôté du lit de saint Guydevrontêtre peints lesvêtements d'unpèlerin... Ce bienheureux étant invoquécontre les maladiesdes bestiaux,il sera bon de.montrer dans le fondquelquecampagnardavec sonboeuf.—Les figuresen bas duvitrail serontsaint Roch, sainte Cécile, sainteMarie-Madeleine et saint Eloi. » M. Capronnier,commeil le dit lui-même,a tenu essentiellementà ne pasfaireun feu d'artifice.Tout en mettantune certainerichesse de ton, il s'estattachéà être simple.Ainsi, il y a peu de couleursdansle sujet; ce sont tous tons rompus, à l'exception des soutanes des chanoines. L'auteura évité égalementles détails, et il a tâchéd'arriver à l'effetpar le dessin, par les clairs et les ombres. Seulementdans les figures du dessous,qui sont isolées, il a prodigué plus de couleurs et plus de détails,dans les broderies, les damas, etc. Le saint Roch a une robe brune,d'un ton neutre; mais lesautres figuressont montéesencouleur: lasainteCécileporte une robede bleuvif, avecunmanteaude deuxjaunes très-riches; la sainte Marie-Madeleine,une robe verte, avec l'écharpe ronge;le saint Éloi, qui fait pendant à saint Roch, est plus tranquille d'effet,et les deuxjaunes de sa chasuble sont très-calmes de ton. Il y a différentsrouges : là tunique de saint Eloi est en rougeclair, la ceinturede sainte Marie-Madeleine en rougefoncé,et le dais qui surmontele litde saintGuy,en rougetrès-puissant.Les soutanesdes chanoinessont aussien rouge parfaitementréussi. Danstout le reste, le peintre a varié à l'infiniles nuancesdu violet. La critique jugera cette oeuvre remarquable du verrier belge qui a restauréavectalentune partie des vitrauxdeSainte-Gudule.Nousavons sousles yeux le dessin original de la Mortde saint Guy, à la plumeet à l'encrede Chine, et nous ne craignonspas de dire qu'il offredes qualités supérieures,et qu'il ressembleaux dessins des anciens maîtres les plus habiles.M. Capronnierest assurémentun hommetrès-convaincu,et qui a puiséson inspirationà la source des grandes écoles. De plus, ses


ETC. CHRONIQUE, sa et procédés sont excellents, peut-être Mortde saint Guy sera-t-elle classéeau premierrang parmi les ouvragesdu mêmegenre. 150

— M. Eugène Delacroixa terminé.une grande Chasseaux lions,qui sera sans douteà l'Expositionuniverselledes Champs-Elysées.C'estun sujet que Rubens a peint plusieurs fois, et dans des dimensionstrèsdiverses.MaisM.Delacroixest un maître original, qui n'a jamais imité personne, et dont la peinturea son génie particulier, mêmeà côtédu siècle.S'il fait songer.sougrand artiste flamand,etdesVénitiensdu XVIe ventà Rubenset à Paul Véronèse,il n'en garde pas moinsson individualité très-caractérisée.Nousverronsqueljugementla critiquede l'Europe, rassembléeà Paris pourl'Expositionuniverselle,portera sur ce peintre tant discuté en France. — J.-B. Isabey, qui est mort à Paris. le 18 avril, étaitné à Nancy le 11 avril 1767. Il avait étudiéchezDavid.Il a été tour à tour peintre officielde tous les gouvernementsqui se sont succédé en France au XIXesiècle.En l'an XII(1804),le livretdu Salonle qualifiede peintredes retaiionsextérieures;en 1806, de dessinateurdu cabinetet des cérémonies; il a laissé debeauxportraits de Napoléon,de Joséphineetdes principales figuresde l'empire.La gravure a rendu très-célèbrele portrait de Napoléon,premierconsul, en pied,à.laMalmaison.Sousles Bourbons,Isabey avait le titre de peintredu roi, dessinateur,ordonnateurdes fêtes et spectaclesdela cour. Sous Louis-Philippe,il a fait les portraits de plusieurs personnes de la famille d'Orléans, entre autres celuide la princesse Marie,duchessede Wurtemberg,(Salonde 1858).Depuisla restauration de l'empire,il paraît qu'il était très-bien en cour, et les journaux ont encoreraconté sa dernière conversation,quelquesjours avant sa mort, avec NapoléonIII, à une revueau Champ-de-Mars.Il a exposéaux Salons de 1795, 1795, 1796, 1799; 1804,1806, 1810, 1812, 481'7,1824, 1827,1851, 1854, 1855, 1856,1857,1858,1859, 1840,.1841.Nous ne connaissonsde lui aucun grandtableau.Il avaitquitté vite la peintureà l'huile pour la miniature,à laquelleila dû sa réputation commepeintre. On trouveun article sur Isabeydans la Biographiedes contemporains, publiée par Rabbe,etc., p. 2158. — L'enluminuredes bois de Spa, considéréeà tort commeuneindustrie et non commeun art véritable,a cependantproduit dès peintres dont les noms devraientêtre conservés.Nous,enferonsl'historique dans un de nos prochains numéros,et nous montrerons qu'en tout temps des talents distingués se sont trouvés égarésparmi la.fouled'ouvrierstrèsvulgaires,illustrant ces.menusobjets de. décoration, cannes, boutons, boîteset cassettesde toute sorte. Aujourd'huimême,il y a, à Spa, quel-


ETC. 151. CHRONIQUE, artistes à l'huile et sur avec qui pourraient peindre toile, ques une certainesupériorité. Le plus fort est M. Hubert Henrard,qui reproduit en grandcoloristedes compositionsde Teniers, d'après de.simplesgravures.Nousavonsvu de lui plusieurs ouvragesoù l'on sentle peintre douloureusement emprisonnédans ces copies de pacotille, quand son liaientoriginaldevraitinterpréter directementla nature et créer d'après sapropreinspiration. —Lesartistes et les touristes qui ont visité la Suisse, connaissent tous,sansdoute, lechâteaude Chillon,sur larive orientaledu lac Léman, dansle cantonde Vaud.Il y a là, au fondd'un souterrain, dans une galeriedécoupéede lourdeset basses colonnes,pareillesaux colonnesdes cryptesbyzantinesprimitives,il y a de curieuxrestes d'une peinturemurale,représentantle géantChristophequi porte sur ses épaules le petit Jésus.La tradition, rapportée encore aux voyageurspar les guidesdu château,attribuecet ouvragesingulierà un des jeunes adeptes de Bonnivard,l'illustre prisonnier desducsde Savoie.Il faut croire que l'auteur decettefresque,presquedétruiteaujourd'hui,avaitétudiélesarts enItalie; carla compositiontrès-naïve et tres-énergique, le caractèredu dessin, lasimplicitégrandiose du style, semblentaccuser le ressouvenirde la peintureflorentineet du Giotto. — La rêverie en tableauxest une maladieincurableet qui se renouvelletous les jours, malgrétoutes les expériences,commelevolà l'Américaine,pour lequel les industrielshabilestrouventtoujours denouvelles dupes,disposéesà échanger de bon argent contre des rouleauxde gros sousétiquetésd'un louis d'or. De même, les tableauxtrouventtoujours desilluminésqui n'ont pas même besoinde voir l'or reluire, et qui ne brisentjamais lerouleau.Il n'y a pas de semaineoù l'on ne découvredes Raphaël,des Corrége, des Léonardou des Titien. A Paris, il y a quelquesannées, un marchanddetableauxtrouvedans uncoinune madoneenfuméequi passait, chezle propriétaire,pour une copiede Raphaël; il l'achète 500 fr., la débarbouille,et se met dans la tête qu'il tient l'original de Raphaël. Cette peinture était en effettrèsbelle.,si belle, qu'ellepouvaitbien être de Jules Romain.Notrehomme s'exalte,prône son Raphaël, et cherchepartout la gravure. Unjour, tandisqu'il feuilletaitdes volumesà la bibliothèquedes estampes,arrive un Anglaisqui s'adresseà un des commis,demandantl'oeuvrede Raphaël pourvérifierla gravure d'une Viergedont il croit posséderl'original. —Voilàjustement, dit le commisen.montrant son habitué, Monsieur lui possèdeaussi une Viergeoriginalede Raphaël. L'Anglaiset lemarchandparisien s'accostent,et s'envont aussitôtcomparerleurs deuxmadones.Croyantreconnaîtrel'originalentre les mains


152 ETC. CHRONIQUE, dumarchandde Paris, l'amateur.anglaiss'empressedel'acheterpour une sommeconsidérable,et il abandonnemêmeen échangedans le prixla copiequ'il avait apportéede Londres. Jusque-là, ce n'est rienencore. Attendez: voilàmon Parisien qui examine religieusementson nouveautableau, pris en échangecommeune copie, et qui se persuade, — ô Molière!— qu'il a enfin l'original, cette fois, et qu'il s'était trompé sur la première'toile. L'anecdoteest bouffonne,mais exactementvraie, et la tableaumanie en offre chaquejour d'aussi curieuses. —En voiciune autre, racontéepar un artiste parisien; il s'agit toujours de Raphaël. « Un gentilhommedu Midi, avec qui j'avais été en correspondance, sous prétexte de tableauxmagnifiques, arriveà Paris avec ses caisses précieuses.Je fus avertile premier, et reçupar un hommetrès-distingué qui parlait de toutes choses à. merveille. Il était fort riche et avait consacrésa vieà étudierles arts.et à recueillirles plus belles peintures. Il m'introduitavecdes précautionsinfiniesdansun petit salonoù étaient exposésles chefs-d'oeuvre,— une collectionde tableauxà 10francs. «— Je n'ai pas besoin, me dit-il, de réclamertoute votre attention;je sais quej'ai affaireà un véritableartiste. Croiriez-vousque j'ai eu le bonheur de réunir trois Raphaël, deuxCorrége, etc. ! Voiciun Raphaël, première manière; il fut peint un peu après le célèbreMariagedela Vierge; voici une Sainte Famille : je n'ai rien vu de cette qualité au Louvre, etc. «Je regardais mon homme avec une stupéfactionindicible, et je m'attendais à lui voir faire quelque gambade ou quelque grimace, commeles pauvres fousde Bicêtre.Il poursuivit avecla plus imperturbable conviction.Je hasardai polimentun doute nuageux... Il s'enfallut de peu que mongentilhommene meproposât de tirer l'épée. « Il continuapourtant à me déduire ses preuves,l'analogiede la compositionet du style avecles gravuresqu'il mettaitsous mes yeux,la perfectionde l'oeuvre,etc. « — De qui serait unesi bellechose?« — Ma foi, de personne! « Là-dessusnous nous séparâmesfroidement.Il montra ses tableaux à quelquesamateurs qui ne lui ôtèrent pas ses illusions, car il revintme voir plusieurs fois, persistantà s'étonner qu'on ne lui offrît pas une centaine de millefrancs de son fameuxRaphaël.Enfin, un jour, il m'arrête dans la rue, tout effaré: « — Vousaviez raison, me dit-il, mon tableau n'est pas de Raphaël. Maisje savaisbien que c'étaitunemerveilledignedes muséesdel'Europe. J'ai trouvéunegravurequi me prouveque c'est un Rembrandt! »


ETC. 153 CHRONIQUE, —Unetroisièmeanecdote.L'aventure,bien capablederendre sceptique en matièrede tableaux,est arrivéeà un riche amateur,qui faitlui-même dela peinture.Voyageanten Allemagne,il entre un jour dansun musée oùledirecteur se met à lui vanterun fameuxtableau, récemmentacheté enAngleterre,et pour rien... 60,000 à 80,000fr. ; car il s'agissait aussi deRaphaël.Notre amateur s'approchedu chef-d'oeuvreet reconnaîtune libreimitationd'une Madone,qu'il avait peinteautrefoisd'aprèsRaphaël. — Le chartreux dom Bonaventured'Argonne, dans les Mélanges d'histoireet de littérature (seconde édit. augm. Paris, Cl. Prudhomme, 1701,5 vol. in-12),qu'il a recueillissous le pseudonymede M.VigneulMarville,a donnéde curieux détails sur la vie du célèbregraveur Nanteuil.Ces détails méritent d'être ajoutés à la biographiede l'artiste : « Nousavons eu en France trois graveurs habiles : tous trois fort beauxhommeset très-bien faits, Lasne, Chauveauet Nanteuil. «Celui-ciqui nous a laissé de si beauxportraits au burin et qui entendoitsi bien les pastels étoit de Reimsen Champagne(né en 1650). Dèsson enfance, la nature se déclaranten lui pour le dessin, lui faisoit fairetoutes sortes de figures sur les margesde ses livres. Ses parents etsesmaîtreslui en vouloientdu mal ; maisles réprimandes et les châtimentsne purent rien contre la passion qui l'emportoit.Presque à la sortiedu collége,il vint à Paris, où il vendoit à ces petits marchands quiétalent sous les Charniers des Saints-Innocents,ses coups d'essai pouravoirde quoi subsister. Des gens de bon goustlui conseillerent,au lieude trois ou quatre pastels qu'il faisoit par semaine, de n'en faire qu'unou deuxet de les finir davantage.Il suivitce conseil; et commeil seperfectionnoit tous les jours, il s'avisa, pour tirer plus de gloire et de profitde son travail, de s'apliquer à graver au burin, en quoi il réussit parfaitement,aïant déjà fait à Reims quelques essais de ce bel art. Il est vrai que n'aïantjamais apris à dessiner, son talentest demeuréun peutrop borné. Il n'a jamais sû dessiner que des têtes; et il arriva un jourque s'étanthasardéde fairedes mainsà une Vierge, il se fit moquer detousles gens du métier. «Aureste, M. de Nanteuilétoit un galanthomme,d'un air à plaire et defortbonnecompagnie.Sa conversationmêléedebel esprit et de quelqueteinturede lettres, le faisoit rechercher des honnêtesgens : on le regardoitdebon oeilà la Cour; etle cardinalMazarin,par unefaveursinguliere,maisquilui coûtoitpeu,l'apelloit Mons de Natoüil.Ilaimoitles plaisirset n'aimajamaisassezsa fortunepour amasserde grands biens, ce qui luiauroitété facile. De plus de cinquantemilleecus qu'il avoitgagnez,il n'enlaissa pas vingt milleà ses heritiers, le reste aïant été emploieaux nécessitezde la vieet à regaler ses amis. » — Le fameuxvoyageurAndréThevet,qui visita l'île de Chypre,vers


ETC. 154 CHRONIQUE, univerle commencementdu XVIesiècle, raconte,dans sa Cosmographie, selle (Paris, G. Chaudière,1575, 2 vol. in-fol.), la découverted'une statue de Vénus, trouvée au fondde la grotte de Bafe, où se cachaient autrefoisles mystèresdu culte de la déesse. « Du tempsque je demeuroisà Cypre, dit-il, on trouvasoubzterreen la susdite grottesque,une statue de Venus : laquelle bien que.fustfort ancienne,si monstroitelleune telleexcellenceenbeautéet art du maistre, en ses lineamenset proportions,queje ne sachesi MichelAnge eust sceu donnerapproche à chose si parfaite.A cause de l'oeuvresi divin, ceste statue exquiseen perfectionet industrie de l'artisanfut envoyéeà la seigneuriede Venise.Je ne veuxaussi oublier, en passant, que pendantque. je m'amusoisà contemplercesteVenussi bienfaicte, il sortit une troupe de femmes,vieilles,toutes deschevelées,qui accompagnoient un mort...» — Dans les Peinturesmoralesdu père Lemoine,jésuite, citées par Pascal,il y a une ode singulière,intitulée : Éloge de la pudeur; l'auteur prétend y démontrerque « toutes les belles choses sont rouges, ousujettes à rougir; » et chaque stance est consacrée à la glorificationde quelque « bellechose rouge, » commela rose, la grenade, la bouche,la langue, etc. Cettefantaisie paradoxaledu poëte jésuite intéressera les coloristeset surtout les fanatiquesdu vermillon. — Rubensdisait souventà Teniers : « Chargezles lumièrestant que vous le jugerez à propos, vous n'irezjamaistrop loin ; mais, en peignant les ombres,conservezles transparents du fond. » Rembrandt,qui n'a vraimentjamais eu de maître, et qui fît, à 25 ans, la Leçond'anatomie, du muséede la Haye, plaçait ses élèves, aussitôt leur entréeà l'atelier, devantle modèlevivant,et il avait coutumedeleur dire : « Voilàton maître! Tire-toi de là commetu pourras. » Il y eneut qui s'en tirèrent fort bien, parmices disciplesdu grand peintre hollandais : Fictoor, Van Eeckout,GovaertFlinecket plusieurs autres. — MadameRolland,dans ses Lettres auxdemoisellesCannet,a laissé ce mauvaisquatrain sur Greuze: Ondit,Greuze,quetonpinceau N'estpasceluidela verturomaine; Maiss'il peintlanaturehumaine, C'estleplussublime tableau. — Le monumentqu'on va élever à Visconti, au cimetière du PèreLachaise, précédera l'ancien monumentérigé à Ennius Visconti. Un piédestal rectangulaire portera la statué, à demi couchée, de l'illustre architecte, vêtu de son habit d'académicien, et tenant dans la main


ETC. 155 CHRONIQUE, droitele plan du Louvrefini; qui se déroulerasur la cuisse gauche.Des livres,une équerre, un compas et d'autres attributs et instrumentsd'achitectureseront épars aux pieds du personnage.Sur la face principale dupiédestalsera gravéeen or une Vuedu Louvre, à vol d'oiseau. L'ancienmausoléede Visconti père, maintenu dans ses moindresdétails, sanschangementni addition,paraîtra, légèrementsurélevé,à l'arrièreplan. — Lastatuede Beethoven,destinéeà la villede Boston, a été fondue enbronzeà la grande fonderiede Munich.L'auteur du modèleest l'AméricainCrawford,lemêmequi est chargé d'exécuterla statue équestrede pour le grand monumentde la villede "Washington. Washington, —M. Dévéria,conservateur-adjointau départementdes estampesde la Bibliothèque nationale,a été nomméconservateurdudit département, enremplacementde M. Duchesneaîné, décédé.M. le vicomteHenri de Laborde a été nomméconservateur-adjoint,en remplacementde M. Dévéria. —Latour Saint-Jacquesla Boucherie,ce curieuxspécimendel'architecturede la premièremoitiédu XVIesiècle, n'avaitété entièrementterminée que danssa partie supérieure.M. Ballu, architecte, a été chargé, il y a environun an, de restaurer le monumenttout entier. Deuxdes doiventêtre remontésjusqu'au premierétage, et les autres pieds-droits consolidés ; la plate-formerecouverteen dalles de pierre, doit recevoir unenouvellebalustrade, une nouvellestatue placéeà l'aplomb de la tourellerenfermantl'escalier, et des symbolesqui, depuislonguesannées, avaient été en partie détruits par le temps; aux anciennessculptures,aux gracieux ornementspresque entièrementensevelissous une épaissecouchedepoussièreamasséependant trois siècles,d'autres sculptures,d'autresornements,de nouvelleset nombreusesstatues doiventêtre ajoutés; et bientôtonverra la tour Saint-Jacquespresque au centre d'un vaste squarefermépar une triple et quintuplerangéed'arbres, dont la verdure reposeraagréablementl'oeilde la longueligne architecturalede la rue de Rivoli. Ona déjà montéau sommetde la tour les quatre symbolesdes évangélistes,qui doiventdécorerles angles, et la statue colossalede saint Jacques,laquelle,placée au-dessus d'un campanilerichement sculpté, doit dominer toutle monument.Les quatre symboles,l'ange,le lion, l'aigle et le taureau,et la statue de saint Jacques, sont de M. Chenillon. Des nichespratiquéesdansl'épaisseurdes murs recevrontensuiteles statues ci-après: Saint Louis,par M.Dantanaîné;—sainte Catherine,par M.Bonassieux; — saint Christophe, par M. Pascal;—sainte Geneviève,par


156 ETC. CHRONIQUE, M. Gruyère;— saint Jean:évangéliste,par M. Diébolt; — sainteMarguerite,par M. Villain; — saint Paul, par M. Chambard; — saint JeanBaptiste,par M. Cordier; — sainte Madeleine,par M. Girard; — saint Quentin, par M. Taluet; — saint Michel,par M. Froget; —saint Clément, par M.Calmels;—saint Laurent,par M.Perraud ;—saint Georges, par M.Protat ; — saint Roch, par M. Desprez; — saint Léonard, par M. Du Seigneur; —saint Jacques le Mineur,par M. Arnaud; — saint Pierre, par M. Courtet, — et saint Augustin,par M.Loison. Exécutées dansles mêmesproportions, toutes ces statues ont 2 mètres 50 centimètres de hauteur. Au centrede la tour, sousla clef de voûte,s'élèverala statuedeBlaise Pascal, en marbre blanc,par M.Cavelier.En plaçantla statuede Pascal sous la tour Saint-Jacques, on a voulu honorer l'un des plus grands noms scientifiques,philosophiqueset littéraires de la France autant que rappeler les curieusesexpériencesqu'il fit, dans cette mêmetour, sur la pesanteurde l'air, après les avoir déjà précédemmenttentéessur la montagne du Puy-de-Dôme,à deux lieuesde Clermont,son pays natal. — Les fouillespratiquéesen Assyrie, au compted'une société d'amateurs anglais,paraissentavoirproduitquelquesdécouvertesintéressantes: « Ona trouvé, dans le palais sud-est à Nemrod,une grande collection de magnifiquesivoires, restes d'un trône ou de meubles. Ils avaientété réunis ensembleau moyende rivets, de coulisseset de rainures. Beaucoupoffrentdes tracesde dorures et d'émaux;on les brisa probablement pour en tirer l'or et les bijoux dont ils furent ornés autrefois.Il y a, dans toute la collection,un caractèreégypto-assyrienbien décidé; des têtes égyptiennesd'une exécutionparfaite se trouventmêléesaux taureauxet aux lions assyriens. Parmi ces différentsobjets étaient des masses, des manches de poignard, ou des restes de chaises ou de tables, car nous ne doutonsnullementque lesAssyriensne se soientservisdetels meubles. Des figures,placéesdos à dos, formentun fût qui supporte un chapiteau à tête de fleurs.Il y a aussi des boîteset un vase, soigneusementgravés. Les Assyriensétaienthabilesen marqueterie,ainsi qu'il résulte des plaques ornées d'emblèmessacréset de chasses au lion.On lit, sur deuxou trois objets, des inscriptionsphéniciennes.» — La ventede la secondepartiede la collectionBernaia eu lieu a Londres. Les vieuxverres de Veniseou d'Allemagne,les coupes,aiguières et vasesde toute sorte, avecdes ornementsen émail, en pierreries, en métaux,y ont atteint des prix très-élevés,jusqu'à 50 et 60 £. Les principaux acquéreurs ont été le marquis de Breadalbane, sir Hugh Hume Campbell,le colonelSibthorp, et surtoutM. Webb, qui achetaitles plus beauxobjetspour lemuséede Marlborough-House.


HOUDON, SA VIE ET SES OUVRAGES, (1741-1828.) Jean-AntoineHoudon naquit à Versailles, le 20 mars 1741 (1), de Jacques Houdon, attaché à la maison de M. de la Motte, et d'AnneRabache. Il fut présenté à l'église Saint-Louis, deux jours après sa naissance, par Jean-Antoine Lemire, officierde la reine, et par Madeleine Leger, femme d'un sieur Jean Coquelin. Ils se doutaient peu, en servant de parrains à l'enfant qui venait de naître, que, par la manière dont leur filleul, devenu homme, prendrait de bonne heure et conserverait dans l'histoire de l'art del'état civildela paroisseSaint-Louis, àl'hôteldevillede Ver(1)Registres sailles. Lesarchivesde l'étatcivily sont dansle plus belordre,et des pluscurieuses ; lessignaturesroyalesy abondentà chaqueinstant,et nonpas seulement elles-mêmes pourlesactesqu'ellesdaignentsigner;les actesquilesconcernent y sontinscritsà leur ranget aumilieude touslesautres;etil estcurieuxderemarquerque,sousledernierrègne,lafamilleroyaleavaitunlivred'orau Luxembourg, alorsque LouisXIV,qui était d'assezbonnemaison, se contentaitpour lui etlessiensdu registredetoutlemonde.C'estlàaussiqu'estle registredumariage deDangeau, jetéaufeupar le dauphin,et quiporté encorelestracesdesa colère. (V.laViedeDangeau,en têtede la nouvelle éditionde sonjournal,I, LVIII.) transcrivons l'actedenaissance : «L'anmilseptcentquarante- Nous de Houdon «un,levingt-troisième né le vingtdumêmemois, jour demars, Jean-Antoine, « filsdeJacquesHoudon,domestique chezM.deLa Motte,etd'AnneRabache, « sonépouse,a ettébaptisépar nous,soussigné, faisantles prêtrede la Missions, « fonctions curiales.Leparraina ettéJean-Antoine Lemire,officiédela Raine,et « lamarainea ettéMagdelaine Legere,épousedesieurJeanCoquelin,laquelle «avecle parainetle pèreprésentontsignéavecnous: Madeleine Leger,— Le" mire,—Houdon, —Prunier,prêtre.» Année1741,feuillet19,verso.—Nous ajouterons que la maisonde M. de la Motteà Versaillesétait clanslarue du Potager, qui va dela grandeorangeriedu châteauà la placede l'égliseSaintLouis. Ontrouverasurellede plus amplesdétailsdansle secondvolume,encore inédit,del'excellent de la ville,faitparaître ouvrage queM.Leroy,bibliothécaire sousletitred'HistoiredesruesdeVersailles. 11


138 HOUDON, une place plus qu'honorable, il rendrait illustre le nom de sa famille et ajouterait une gloire de plus à celles dont Versailles se peut honorer. S'il a payé largement à la patrie qu'il a eue un peu par hasard —car son père et sa mère ne devaient guère être à Versailles qu'à la suite de la cour — la dette de sa naissance, il n'est peut-être pas sans lui devoir quelque chose de son amour pour la sculpture. Qui sait si, lorsqu'il jouait dans son grand parc, toutes ces figures de marbre et de bronze, tout ce peuple de statues, muettes habitantes de ses grandes allées, tous ces groupes des bassins, qui s'animaient les jours de fêtes, n'ont pas parlé aux yeux d'abord, puis à l'intelligence précoce de l'enfant, et si, à force de préoccuper son esprit, ils ne lui ont pas inspiré le désir d'en faire autant plus tard, et de créer, lui aussi, des figures qui parlassent aux autres comme lui faisaient celles-là? Ce n'est qu'une circonstance extérieure; mais, pour une nature bien douée, les circonstances extérieures sont souvent décisives : elles ne créent pas une aptitude, mais elles la mettent au jour; elles font entrer, même involontairement, dans la voie qu'on n'aurait peut-être pas reconnue sans elles. Ce qu'il y a de sûr, c'est que, de très-bonne heure, le jeune Houdon s'occupa de sculpture, et, comme il n'a pas eu autour de lui d'exemples ni de conseils pour l'y pousser, c'est bien de luimême qu'il y est entré, et si bien qu'il n'aurait pu dire à quel moment il n'avait pas été sculpteur. C'est pour cela, c'est à cause de la précocité et de l'ardeur de ses premières études, qu'on ne lui connaît pas de maîtres : « On sait ordinairement quels ont été « ceux des hommes qui se sont fait un nom dans quelque branche « des beaux-arts; chaque artiste adopte les principes, et s'appro« prie, avec plus ou moins de succès, la manière d'un maître; « mais M. Houdon ne fut véritablement l'élève de. personne. Il « n'était d'aucune école; la nature l'avait fait sculpteur ; son génie « naturel et l'amour de la gloire en firent un statuaire célèbre. « Dès son enfance, entraîné par un penchant.irrésistible pour « cette belle et difficile partie de l'art du dessin, il parvenait à se « glisser dans la salle d'études de l'École royale de sculpture. « Heureux lorsqu'il pouvait posséder quelques morceaux de terre « préparée, il s'efforçait d'imiter les travaux des élèves. Les pro" fesseurs, Pigal, entre autres, frappés de sa constante ardeur,


SAVIE ET SESOUVRAGES.

159 « et du talent qui se révélait dans ses ébauches, ne dédaignèrent « pas de donner à un enfant de dix à douze ans au plus, des « conseils et des encouragements. C'est ainsi qu'admis enfin parmi « lesélèves de l'École, il ne tarda pas à ies surpasser (1). » Le premier succès qu'il remporta lui arriva dans les concours dits de Quartier, qui étaient récompensés par des médailles d'argent; le 25 septembre1756, c'est-à-dire à quinze ans, il obtint une troisième médaille pour une académie dessinée d'après nature; Duvivier, le graveur, avait obtenu la première, et Lebrun, le peintre, la seconde (2). Nous ajouterons qu'il était, à l'école académique, considéré comme élèvede Pigalle et de Jean-Baptiste Lemoinele fils, et que, parmi ses compagnons d'étude, se trouvaient Gois le père, Lecomte, Roettiers, Boizôt, Surugue, Julien, qui devinrent plus tard ses collègues à l'Académie (5). Depuis cette médaille, il ne paraît pas que Houdon ait obtenu d'autres succès à l'École jusqu'en 1761, époque où, âgé de vingt ans seulement, il concourut,pour le grand prix; il fut assez heureux pour remporter le premier grand prix, sur le sujet de la Reinede Saba offrant des présents à Salomon (4), dont il conserva toujoursla terre-cuite, sans doute avec un sentiment de reconnaissanceet d'affection pour la première oeuvre qui l'avait fait sortir de la ligne. Il partit donc pour l'Italie, et l'on a, jusqu'à présent, peu de donnéessur son séjour à Rome. Ce qui est certain, c'est que ce séjourne doit lui avoir rien donné de particulier, rien peut-être qu'il n'aurait eu s'il fût resté en France. La vraie intelligence de l'antique ne commençait à préoccuper que les antiquaires, et n'était pas encore arrivée à entrer dans les études des artistes. La seule (1) RaoulRochette.Noticeen têtedu cataloguede la ventede Houdon,en 1828. (2) Registresmanuscrits del'Académie depeinture.—Onsaitquecesregistres, parunemesured'unesévéritémalheureuse,ne sontpascommuniqués au public, etnousaurions,commetoutle monde,ignorélesrenseignements qu'ilsrenferment surnotresujet,si M.Duvivier,attachéà l'administration del'ÉcoledesBeauxlesrenseignements dansundéArts,nenousavaitcommuniqué quisetrouvaient pouillement qu'ilen avaitfait autrefois. (5)Idem.—Rabbeet Boisgelin disentqu'ilétudiaaussiun peu,avecGoisle père,sousMichel-Ange Slodtz. (4) CefutunnomméPoletquiobtintlesecondprixpourla deuxième fois.Reg. mss.del'Académie.


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HOUDON, chose même qui eût pu exciter la nature essentiellement, on pourrait dire uniquement portraitiste, de Houdon, les admirables bustes de l'antiquité romaine, ont certainement été admirés de lui, mais ne paraissent pas lui avoir été d'un grand enseignement. Houdon, à proprement parler, n'a pas de manière, pas de parti-pris, pas de volonté d'imiter une école, un style, un effet particulier. Il a, au suprême degré, le sentiment et le don de la reproduction vive et vivante de ce qu'il voit; et ce qu'ïl regarde, ce qu'il sent, ce qu'il rend par la force de sa nature bien plus que par sa science des procédés, qui ne reste toujours éminente que sur ce point, ce sont les traits du visage, la physionomie; et, comme il-ne voit que celles de son temps, il n'est jamais si fort que vis-à-vis d'elles; toutes les fois que, buste ou statue, il sortira du portrait, toutes les fois qu'il voudra, si l'on peut parler ainsi, être autre chose qu'un talent iconique, ses figures n'auront plus que de la pratique, et tourneront souvent au poncif. On peut dire par là que l'Italie ne lui ôta et ne lui ajouta rien. Michel-Ange ne lui donna pas de fougue, le Bernin pas d'exagération, le Maderne pas d'afféterie. Il se développa seulement, par un travail tout personnel, dans le sens propre de sa nature, et la preuve que le mérite en était profond, c'est qu'il n'a été ni tiraillé, ni distrait par tant d'influences contraires et d'exemples approuvés. Ce fut pour lui un moment d'études tranquilles et solides, l'époque pendant laquelle il se forma définitivement, et avec le temps nécessaire pour une formation sérieuse, qui perd souvent à être trop tôt troublée par les commandes-.Si donc, en un sens, on peut dire qu'il ne doive rien à l'Italie, il lui a toujours dû d'avoir eu, par elle, un temps de véritable étude, et telle qu'on la peut faire seulement quand on est déjà un homme. A Paris il ne l'aurait pas eu ; il serait entré de trop bonne heure dans l'activité publique de la vie d'artiste, alors qu'il y est arrivé par là avec un talent fait, qui n'avait plus qu'à passer à l'application. La preuve que Houdon employa le temps de son séjour à Rome aux études les plus sévères, c'est le travail qu'il en rapporta, oeuvre peu agréable à voir, à coup sûr, mais d'une singulière importance, qu'elle a, depuis lors, conservée; nous voulons parler de sa grande figure d'Écorché, qui fut faite par lui comme son ouvrage de pensionnaire. Il fit aussi à Rome une copie en marbre d'un Centaure, mais réduite à la dimension des morceaux de ré-


SA VIE ET SES OUVRAGES.

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ception. Elle a été autrefois au Musée du Luxembourg, ainsi qu'il résulte du livret de 1818, n° 98, où elle est désignée : « un Centaure, copie faite à Rome. » Cetravail mérite d'autant plus qu'on s'y arrête, qu'il est le plus évident témoignage de la juste vue que Houdon avait des nécessités de son art, de la conscience qu'elles ne pouvaient être vaincues que par une application sérieuse et opiniâtre. Comme, par une franchise envers lui-même, qui fait le plus grand honneur à son jugement, il avait reconnu les difficultés qu'il éprouvait, et que les autres devaient éprouver aussi, à se rendre toujours compte de la forme des diverses parties du corps humain dans un mouvement donné, il s'efforça de trouver un moyen qui lui permît, à lui et aux autres, d'y arriver sans se servir'du secours empirique de le prendre incessamment sur le modèle vivant, devant lequel, d'ailleurs, on peut toujours se tromper si l'on n'en connaît pas bien le dessous. C'est là ce qui le mena à la pensée de son Écorché. On trouve bien, avant Houdon, de premiers essais d'un travail analogue; et le mannequin de bois, de grandeur naturelle, et garni de jointures mobiles, que le Fra Bartolomeo inventa pour l'habiller de vêtements véritables, afin d'avoir en réalité et de tenir immobiles, pour les besoins de l'étude, les vrais plis qui se forment dans les différents mouvements (1), — je n'ai pas besoin de dire que, depuis, cette ingénieuse invention est toujours restée en usage, — a été le premier pas vers l'idée de Houdon, et il était naturel que l'on commençât par ce qui est extérieur. Ce qui se rapprocherait encore plus de l'oeuvre de Houdon, c'est le fameux Saint Barthélemy, très-réellement écorché, et tenant sa peau à la main, qui a été sculpté en marbre par Marco Ferrerio, qu'on appelle, en général, Marco Agrate, et qui s'admire encore à la cathédrale de Milan (2). Quoique ce soit bien un Écorché, c'est seulement une statue, une oeuvre d'art en un mot, (1) Cf. les Vitede Vasari, dernièreéditionde Florence,chezLemonnier, tomeVII,1851,p.58, et le pèreMarchese danssesMemoriedeipiuinsignipittori,scultorie archittettiDomenicani, 2a edizione,Florence,Lemonnier, 1854, in-12,II, 156. (2).Cf.Abecedario deP. J. Mariette, et autresnotesinéditesdecetamateursur lesartsetlesartistes,publiéparMM.Ph.deChennevières et Anat.de Montaiglon. Paris,Dumoulin, in-8°,tomeI, 1855-54,p. 10et 11, et lesnotes.


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HOUDON, sans avoir la pensée ni le but de servir à l'étude. Le petit Saint Jérôme, de Bandinelli (1), par l'émaciation volontaire que le sculpteur lui donna, pour en montrer tous les muscles et toutes les veines, est déjà une figure faite pour servir à l'étude. Mais un Écorché plus important à rappeler, c'est celui qu'un sculpteur français fit au XVIesiècle, à Rome, comme pour être en tout le précédent de celui de Houdon, et dont le souvenir nous a été conservé par Blaise de Vigenère, dans l'article de ses notes de Callistrate qu'il a consacré à notre grand sculpteur Jacques d'Angoulême : « De luy, dit-il, sont encore trois grandes figures, de « cire noire, au naturel, gardées pour un très-excellent joyau « en la librairie du Vatican, dont l'une montre l'homme vif, l'autre « comme s'il estoit escorché, les muscles, nerfs, veines, artères « et fibres, et la troisième est un skeletes, qui n'a que les osse« ments avec les tendons qui les lient.et accouplent ensemble (2). » On connaît aussi dans tous les ateliers le petit plâtre d'un Écorché accroupi, et les bras sur sa tête dans une pose très-tourmentée, que la tradition attribue sans preuves au grand MichelAnge ; et plus tard, un sculpteur, qui mourut jeune, Prospero Bresciano, di casa Scavezzi, en fit plusieurs de tailles différentes (3). di stampe,gl'intagliasse (1) « Agostino Veneziano, unacartapiena intagliatore diverse,la qualegliacquistomoltaIode.Messesi di poia fardi rilievo, d'anatomie tuttotondo,di cera,unafigura,d'unbraccioe mezzo, diSanGirolamo ïn penitenza, il qualemostrava insu l'ossai muscoli secchissimo, astenuati,egranpartede'nervi, e la pellegrinzae secca;e fu contantadiligenza e fattadalui questaopera,che tutti gli artificifecionogiudizio, eLionardoda Vinciparticularmente cheè nonsi veddemai in questogenerecosamigliorene conpiù arte condotta.Questaopera cardinalede'Medici,e al Magnifico Giulianosuofratello, portoBaccioa Giovanni, e, permezzodilei,si feceloroconoscere orafo; e quegli, perfigliodiMichelagnolo oltreallelodidell'opera, gli fecionomoltialtrifavori,e cioful'anno1512,quando eranoritornatiin casae nellostato.» Vasari,Vite,Firenze,Lemonnier, in-12, t. X, 1854,p. 299. de Philostrate,éd. de 1614,in-f°,p. 855.Sur Jacquesd'Angou(2) Tableaux lèmevoyezlesnotesdela NoticesurAntoineCaron,Paris,1850,in-8°,p. 20à22. (5) « Indiapplicol'animoalladottrinadell'anatomia si, chevalenteuomoegli « nedivenne,delchetestimonio fannoquellebelleNotomie, chedilui girano,cosi « grandi,comepiccole,et in questogeniograndementeprevalse. » Baglione, Le Vitede'Pittori,scultori,architettidal pontiflcato di Gregorio XIII,sinoa tutto à dipignere notoquellod'UrbanoVIII.Roma,1640,in-4°,p. 42.— «Applicossi comedatanti gessiappesiperle mie,e scheletri,dal che valentuomodivenne, stanzedeipittori.»Abecedario duPèreOrlandi,Bologne, 1719,in-4°,p. 375.


SA VIE ET SES OUVRAGES.

165. un artiste le Enfin, célèbre, peintre Lodovico Cardi, qu'on connaît mieux sous le nom de Cigoli, modela avec le plus grand soin, et en s'aidant des conseils du fameux anatomiste flamand, ThéodoreMayern, qui se trouvait alors à l'hôpital de Santa-MariaNuova, à Florence (1), un autre Écorché, en cire, haut d'une brasse, debout, avec un des bras levé et l'autre replié sur la poitrine. Quoiqu'il ne paraisse pas avoir été aussi terminé que l'auraitvoulu son auteur (2), il n'en fut pas moins souvent modelé en cire, en plâtre et en bronze, pour servir aux études des élèves (3). C'est bien certainement à ces premiers essais, nécessairement rencontrés et employés par Houdon durant son séjour en Italie, qu'est due la pensée de son propre travail, qui ne perd rien de son mériteà ce précédent (4) : « Il fut long et pénible, à cause de ses « difficultés réelles, et parce que l'artiste, rarement satisfait de « lui-même, n'hésitait pas à sacrifier en un instant l'ouvrage de « plusieurs semaines; mais enfin le succès de la figure le paya « largement de ses peines. Il avait fait un chef-d'oeuvre et un « ouvrage utile(S). » A ce propos, il faut encore remarquer une circonstance, bien connue, mais que nous ne trouvons cependant signalée nulle part : c'est que Houdon a fait en réalité deux Écorchés, tous deux debout. Le premier, celui qu'il a fait à Rome (6), a le bras droit en avant à la hauteur de l'épaule, le bras gauche le long du corps. L'auteur le donna à l'Académie, aussitôt son retour à Paris, et : Notiziedei profes(1) Cf.la viede Lodovico Cardi,dansFilippoBaldinucci sorididisegno,éditionin-4°,Florence,1771,t. IX,p. 64,. cosibellavoro; macosaoccorsein questotempo, (2) «Andavaperfezionando cioèl'anno1600,la quale,quantorecad'allegrezza alla nostrapatria(perlosposalizio di MariadiMedici conEnricoIV),tantofudisconcertoal Cigolinelseguitareoperasibella.» Baldinucci, lococitato. (3)Barère,danssesnotessurHoudon cetÉcorché (Mémoires, IV,247),a rappelé duCigoli. (4) Onpensebienqueje laissedecôtétouteslestentativesd'essaisanatomiquesencire,quisontendehorsdela question;ilssontfaitsdansunbutpurement ce sontles figuresdestinéesà servir scientifique ; cequinousimporteseulement, demodèle auxétudesde l'art. anatomique (5) RaoulRochette,danslanoticedéjàcitée. danssonVoyage d'Italie,V,271,nousen donnela date: « M.Hou(6)Lalande, donvientdefaireen 1767une ligured'Ecorché,grandecommenature,quipasse » pourunchef-d'oeuvre.


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HOUDON, de son peu jours après agréement, c'est-à-dire le 50 septembre 1769 (1); plus tard, on en rendit l'enseignement encore plus efficace, en l'envoyant dansla salle de dissection de la Charité, pour y être peint comme nature; et nous savons qu'il en fut rapporté le 22 juin 1795 (2). L'Académie avait d'abord:proposé que ce fût un bronze qui fut peint, mais on se décida pour un plâtre. Le second a le bras droit replié au-dessus de la tête; Houdon le donna à l'Académie, le 27 octobre 1792 (3), pour servir aussi à l'étude des élèves; c'est le plus connu, et celui que le gouvernement a fait exécuter en. bronze (4). Ils ont tous deux 1 mètre 70 centimètres, et ils ont été réduits. Les deux modèles en plâtre peint sont dans la salle d'anatomie de l'École des Beaux-Arts; le bronze est dans la salle qu'on désigne sous le nom d'École de la Nature. Il s'y trouve à côté du modèle vivant, pour l'instruction des peintres comme des statuaires; juste témoignage d'estime en faveur d'un homme qui, par ce travail, a, pendant sa vie, instruit tant de générations d'élèves, et qui, même après sa mort, ne cesse pas pour cela d'être encore le guide et le maître des nouvelles générations. Depuis cette époque, l'idée de Houdon a été reprise. La belle Anatomie du Gladiateur Combattant, parM. Salvage, à l'examen de laquelle fut nécessairement appelé Houdon, quand elle fut soumise à une commission de l'Académie des Beaux-Arts (5), n'eût peut-être, pas été conçue, sans son exemple. Plus récemment, le nouvel Écorché fait par M. Eugène Caudron:, élève de M. David d'Angers, avec l'aide de M. le docteur Fau, le savant auteur de (1) Reg.mss.del'Académie. (2) Idem. (5) Idem. dansla Biographie (A)Ontrouveà ceproposune singulièrefauted'impression deMM.Rabbeet Boisgelin.Parlantde l'Ecorché,ils ajoutentque contemporaine, Houdonenafaitun petitd'aprèsle grand; maisl'imprimeur afait malencontreux decelaunnompropre,desortequeHoudonsetrouveavoirfaitun Écorchéd'après Legrand,sculpteurqu'onauraitgrand'peineàtrouver.Lalisteserait pluslongue qu'onne pense,desartistesquisontcités,dontlesnomsont passéou passeront dansles biographies, sansavoirjamaisexisté. de MM.Vincent,David,Houdon,Moetteet (S) Cettecommission, composée Bervic,fit, parl'organedeM.JoachimLe Breton,sonsecrétaire,sonrapportle 5brumaireanXIII(27octobre1804).Cf.Introduction à l'Anatomie duGladiateur Combattant, 1812,in-fol.pageIJ, à lanote.


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l'Anatomie des Artistes, peut avoir de nouveaux avantages ; mais il n'a pas fait oublier celui de Houdon, qui se trouve et qui se trouvera longtemps encore dans tous les ateliers, et qui aura toujours le mérite, même s'il était remplacé, d'avoir eu pendant longtemps une utilité incontestable. Cependant, par un bonheur digne de ses talents, Houdon s'était fait assez connaître à Rome pour y avoir eu la commande d'une oeuvreimportante, fortune rare pour des étudiants qui, étrangers dans la ville et presque toujours de passage, n'ont guère d'occasion d'y laisser un souvenir public et durable de leur séjour. C'est sa fameuse statue de Saint Bruno (1), en marbre, et de neuf pieds de proportion, qu'on peut encore voir dans le pronaos de l'église des Chartreux, construite dans une salle des anciens Thermes de Dioclétien, et désignée aussi sous le nom de SainteMariedes Anges (2). C'est une belle et touchante statue. Pour la faire, Houdon s'était sans doute plus d'une fois attardé avec les religieux de l'église, afin de se pénétrer des habitudes du vêtement, de ne rien inventer, mais de reproduire avec l'art un vrai et beau mouvement donné par la nature, afin de trouver aussi une tête assez pieuse pour s'en inspirer; et peut-être un jour, lira-t-on dans un coin de quelque mémoire le nom du moine oublié, dont la tête a eu l'honneur d'être béatifiée dans la représentationdu saint instituteur de son ordre. « Rien, »et j'emprunte ici les excellentes paroles d'un homme qui a vu la statue (5), (1)Michel-Ange dit que Slodtz,chezlequella BiographiedeRabbeet Boisgelin Houdon a travailléen mêmetempsque Goisle père, avaitdéjà faità Romeune statuedeSaint Bruno;elle se trouvedansunedes nichesde la nef deSaintPierre.Cf., à la page21,l'ouvragede Titi,citéà lanotesuivante. (2}SantaMariadegliAngiolialleTerme.—Sur l'églisemême,Cf.la Descrizione dellepitture,scultureet architettureesportealpubblicoin Roma,parl'abbé Filippo Titi,in-8°,éditionde 1763,p. 285-95.—Houdon y avaitdéjàété précédé — pardesFrançais,carony voyaitdesoeuvres doSubleyras etdeTremollières. danssonVoyage en Italie,V,270,dit queHoudon faisaitalorsunestatue Lalande, deSaintJean-Baptiste de pourl'églisedesChartreux;le petitarticlenécrologique laRevueencyclopédique signaledelui une statuede SaintJeande Latran, dans l'églisedecenom,etcetteindicationseretrouvedansl'articledela petitebiographiedeDubochet ; nousne savonsriensur ces deuxstatues; il se pourraitbien quecenefût qu'uneconfusion avecleSaintBruno. (5) M.Quatremère deQuincy,danssonÉlogede Houdon,dansle premiervolumedesonrecueildeNotices historiques, in-8°,1854,p.295.—Unautrejugecompétent,M.de Clarac,enparleaveclemêmeéloge: «LastatuedeSaintBrunoest


166 HOUDON, « rien ne se peut voir de plus simple et par.conséquent de plus « vrai; c'est un de ces ouvrages, où, ni l'artiste ne. semblerait « avoir besoin de l'art, ni l'art besoin d'artiste ; c'est l'idéal de « l'humilité, sous la forme et le costume du pieux cénobite; et « toutefois ce marbre vous arrête, et il ne vous sort plus de la « mémoire. On diroit qu'un rayon du génie de Lesueur seroit « descendu sur cette figure pour l'animer. Elle parleroit, disoitle « pape Clément XIV, si la règle de son ordre ne lui prescrivoit le « silence. » On ne pouvait en faire un éloge plus agréable pour l'artiste, et plus frappant au souvenir. Mais, comme le pape avait à la fois assez d'esprit et assez de bonté pour réinventer le mot et pour le dire (1); il ne sera pas hors de propos de.remarquer que ce mot n'était pas nouveau, ce qui n'est pas une raison pour qu'il soit moins excellent. Comme Ménage avait écrit l'avoir dit aux Chartreux de Paris, devant un beau tableau de Saint Bruno, La Monnoye, dans ses Remarques sur le Ménagiana (2), fait observer qu'il se trouvait déjà dans une épigramme latine sur le même sujet, écrite par le comte Emmanuele Tesoro (3), et, au commencement du XVIesiècle, dans une autre épigramme latine du Vénitien Andrea Navagero sur Pythagore ; elle devait.venir à celui-ci de quelque pièce de l'Anthologie. Mais, je le répète, le mot s'applique si bien à l'oeuvre de Houdon, qu'il eût été malheureux qu'il n'eût pas été repris pour elle. C'est, du reste, la seule oeuvre qu'il paraisse avoir laissée à Rome. Y a-t-il fait des bustes? Probablement; et il est regrettable de ne pas avoir de sa main la physionomie expressive, aussi bonne que rusée, de ce Ganganelli, dont le souvenir a dû rester vivant.dans la mémoire de l'artiste. Toujours est-il qu'au moment où cette statue venait de le mettre en lumière (4), Houdon quitta l'Italie pour revenir en et « certainement sonplusbel ouvrage et mérite,parla simplicité desa conception « parsasavanteexécution,d'êtremiseau rangdesmeilleures productions dela des « sculpture desanciens.» Description moderne,etellen'eûtpasétédésavouée duMuséeroyalduLouvre, antiques 1850,in-12,p. 528. (1) MM.RaoulRochetteetJall'ontaussiconsacrédansleursnotices. (2).Cfédit.en4 vol.in-12,Paris,1715,II, 548-549. (3) Morten1677. n'étantmontésur letrône pontifical (4) Ganganelli quele 19 mai1769,ilen


SA VIE ET SESOUVRAGES. 107 — il France. Son Saint Bruno en France, ne devait faire rien d'analogue — continua d'êtreadmiré à Rome; mais, trop fréquente fortune des oeuvres d'art, les cicerones, sachant seulement que l'oeuvre était d'un Français, ne manquèrent pas de la mettre sur le compte d'un autre; et M. Jal (1) raconte que, plus tard, lorsqu'une des filles de Houdonvisita Rome, on lui dit, devant la statue exécutée par son père, qu'elle était d'un sculpteur français, nommé Gros. C'est à elle, c'est à Canova surtout, qui ne parlait jamais de cette statue sans admiration (2), qu'est due.la restitution du nom de Houdon. Ceux qui se trompaient ainsi faisaient, du reste, à leur manière, l'éloge de l'artiste contemporain. Connaissant, à Saint-Pierre, l'admirable statue, très-fameuse à Rome, de Saint Dominique, par le Français Pierre Legros, qui a laissé toutes ses oeuvres en Italie, ils ont attribué à ce maître la statue de Saint Bruno, parce qu'ils la trouvaient digne du même auteur, etdans un même sentiment de piété.Revenu à Paris après une absence de dix ans (S), la première choseque fit Houdon fut de se présenter à l'agréement de l'Académie, en lui. soumettant le modèle d'une figure de Morphée, qui doit être aussi un travail de Rome. La décision ne pouvait être douteuse, et, le 25 avril 1769 (4), il y est reçu.en qualité d'agréé.On connaît le Morphée par le marbre que Houdon en fit, huit ans plus tard, comme morceau de réception, et qui est encore conservé à l'École des Beaux-Arts (S). Ce n'est, pas une résulte quele SaintBrunoest l'oeuvredesdernièresannéesdu séjourde l'artiste à Home. (1)Dansun très-bonarticlenécrologique, publiédansle numéro1895de la 50juillet1828; il n'est signéquedes initialesA.J-, qui étaientalors Pandore, aussibiencellesdeM.Jay quecellesdeM.Jal, et l'onena l'aitplusd'unefoisla confusion.. Maisnoussavonsdesourcecertainequecelui-ciest deM.Jal. Ila été dansleJournaldesArtistes,in-8°,année1828,tomeII, page104.— reproduit M.Jala connuHoudon,et nousle citeronsplusd'unefoisdanslecoursdecette étude. (2) M.RaoulRochette,danssa Noticenécrologique. (5)Quatremère de Quincy,p. 595. (4) Reg.mss.del'Académie. (S)Il serabondereleverici unelégèreerreur deM. Quatremère de Quincy, Qu'ilfautd'autantplussignalerquesa noticeestplusexacte.Voicicequ'ildit de cettefigurede Morphée (p.595): «Le petitmodèlequilelitagréer,et quidepuis, « devenumarbre,le lit recevoirà l'Académie,futcette deMorphéequ'il 1 portaquelquetempsaprès à la grandeurnaturelle,etc.figure » Noussavons,parle


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HOUDON, mauvaise figure; mais elle n'est plus maintenant bien remarquable. Le modèle, qui était grand comme nature, devait certainement valoir mieux, et la figure perd sans doute beaucoup à n'avoir plus que les trois pieds de rigueur. On comprend bien les raisons qui avaient fait adopter cette dimension. C'eût été déjà une difficulté d'avoir place pour des morceaux aussi encombrants que des statues, dont le nombre se devait infiniment augmenter par les nouvelles réceptions ; mais il y avait une raison encore plus péremptoire, l'impossibilité d'imposer aux académiciens une autre perte que celle de leur temps, c'est-à-dire les frais causés par le bloc à employer et les ouvriers à payer, pour exécuter une statue. Ils avaient déjà à faire de la dépense pour une petite figure ; la dépense d'une grande figure n'eût été possible pour personne. Cela était vrai, juste même, mais n'en est pas moins malheureux comme résultat. Une figure de marbre, dans celte dimension, reste toujours quelque chose de bâtard, n'étant plus une esquisse, n'arrivant pas à être une statue ; car elle est trop grande pour conserver les promesses d'une maquette, trop petite pour offrir les finesses de modelé d'une grande figure. On n'y peut avoir que l'idée, que la pose qui ne peut ainsi présenter de la grandeur dans l'effet. Celle du Morphée, de Houdon, n'est pas sans une certaine grâce, quoiqu'un peu tourmentée. Le Génie, dans la force de la jeunesse, est nu et étendu sur-un rocher, couvert d'une draperie; il dort, couché de côté, les jambes ouvertes et étendues, la tête appuyée sur le bras droit, qui lui sert d'oreiller. N'étaient les grandes ailes qui sont embarrassantes, et qui, n'étant pas repliées, semblent plutôt indiquer l'état de veille, l'abandon et le repos du sommeil sont assez bien exprimés. Mais la masse du rocher est trop forte et diminue l'importance de la figure. Par une singulière inadvertance, Houdon a fait grandes comme nature, la branche de pavot en fleur, qui caractérise le personnage, et la feuille de pavot, qui sert de feuille de vigne. En livretde1771,oùparaîtHoudonavecle titred'agréé,—ilne putfigurerauSalon —quec'étaitunmodèlede grandeur de 1769,déjàouvertlors desonadmission, de Quincyestdonccequi naturelle;lecontrairede l'assertiondeM. Quatremère estvrai.La figurenefut pasportéeà la grandeurnaturelle,maisdut êtreréduite à la dimension desmorceaux deréception.


SA VIE ET SESOUVRAGES. 169 réalité, cela est insignifiant; mais l'erreur est choquante, une fois aperçue, et fait involontairement penser aux spirituelles plaisanteries du graveur Cochin, dans son amusante supplication aux orfévres,ciseleurs, sculpteurs en bois pour les appartements, et autres (1). Le modèle de ce Morphée figura nécessairement au plus prochain Salon, qui fut celui de 1771, avec une tête d'Alexandre le Grand en médaillon, destinée à servir,de pendant à une tête antique de Minerve, deux têtes de jeunes hommes, le buste de M. Bignon, prévôt des marchands, — et l'on trouva, clans le temps, peu convenable qu'il s'exposât aux yeux du public, un an à peine après l'accident (2) qu'on attribuait à son manque de précautions, et qui était encore dans tous les souvenirs,—le buste de madame Bignon sa femme, celui de madame de Mailly, la femmede l'habile peintre en émail (3), et enfin celui de Diderot, qui fut très-remarqué. Ce buste de Diderot inaugure en quelque sorte la série des chefs-d'oeuvrepar lesquels Houdon nous a légué la ressemblance des grands hommes de son temps; et puisque nous en sommes sur Diderot, on nous permettra de réunir ici ce qui concerne les autres bustes que Houdon en fitplus tard. L'un fut exécutéen 1775, pour un certain M. Robineau de Bougon (nous le savons par l'inscription même du buste, conservé au Musée de Versailles), ami ou admirateur du philosophe; l'autre, pour la ville de Langres, où Diderot était né. Madame de Vandeul, sa charmante fille, a fait, dans la Notice qu'elle a consacrée à la vie de son père, un trop agréable récit de l'histoire de ce buste, pour que nous ne lui laissions pas la parole : « En 1780, par une délibé" ration de la ville, le maire et quatre échevins écrivirent à « mon père pour lui demander un portrait, qu'ils voulaient payer, " exigeant seulement qu'il donnât à l'artiste le temps nécessaire. d'aborddansleMercurede France,puis dansleRecueilde quel(1)Publiées lesarts, in-12,Jombert,1757,et enfindansles OEuvres quespiècesconcernant diverses deCochin. (2) ArrivérueRoyale,le28mai1770,parmilesfêtesdu mariagedu Dauphin avecla reineMarie-Antoinette. Cf.Lettressur lesSalonsde1767à 1779,extraites duJournaldeBachaumont,1780,in-12,p. 118. bienen(5)" Quantà Madame Bignon,si elleeûtconsultésonamour-propre de tendu,ellenousauraitépargnéson ignobleet laidefigure,ainsiqueMadame » Ibidem. Mailly.


470 HOUDON, « Mon père répondit comme il le devait à ses compatriotes. Il « leur envoya son buste en bronze, exécuté par M. Houdon. Il est « placé dans une salle de l'hôtel de ville, sur une petite armoire « contenant l'Encyclopédie et ses ouvrages. Le jour où il fut « posé, ils donnèrent un dîner de corps, placèrent le buste au « haut de la salle, et burent à sa santé. Ces détails, donnés par « le maire à mon père, lui ont fait passer des moments fort doux. " La ville envoya je ne sais quelle bagatelle à M. Houdon, qui, de « son.côté, répondit en envoyant à ces messieurs des plâtres du « buste dont ils avaient honoré le bronze. Mon oncle (1) fut « invité à ce repas, fait pour donner une marque de considéra« tion à son frère ; il refusa ; mais, quelque temps après, sous pré" texte d'aller voir quelque chose à l'hôtel de ville, il fut le voir. « L'Encyclopédie fut donnée à la ville par M. de Versailles, « homme de qualité. Voulant quitter cette province, il fit don « de l'ouvrage d'un homme qu'il aimait et chérissait (2). » À sa seconde exposition, en 1775, Houdon eut un plus grand nombre de morceaux. Le succès était venu, et l'on s'adressait à lui de toutes parts, même de l'étranger : le duc régnant de SaxeGotha et Altembourg lui faisait faire son buste, ceux de son père, de sa femme et de sa soeur ; l'impératrice de Russie, son. buste; et la famille Gallitzin, deux monuments funéraires. Houdon n'ayant pas visité la Russie,— il n'y alla même jamais — il est probable qu'il dut ces commandes à l'amitié de J. C de Mailly, de la femme duquel il avait fait le portrait. De Mailly était allé en Russie, et c'est même peut-être d'après un des portraits de la grande Catherine peints par cet artiste (5), que Houdon en aurait modelé le buste, qui était plus fort que nature (4). (1) Par uncontraste bizarre,lefrèredeDiderotétaitprêtre,et alorschanoine de Langres. (2) Mémoiressur Diderot,par MadamedeVandeulsa fille.ils se trouvent, entreautresendroits,à la suitedel'éditionin-12desLettresà Mademoiselle Voland, Paris,Garnier,1841,II, 558-539.—En 1789, Houdonexposaencoreune têtede Diderot,marbrede petiteproportion. (5) Ils sonten grandnombreet excellents.Onen peutjugerpar celuidela salledesémauxmodernes auLouvre;lacouleurdela chairest unpeutroprouge, maislaressemblance doitêtreparfaite. (4) «Cettebelletête, plus fortequelaformeordinaire,sembleannoncer que « la naturea faitun effortpourenfanterla Souveraine immortellequ'ellerepré« sente.»LettressurleSalonde1773dansleJournaldeBachaumonl, XIII,148.


SA VIE ET SESOUVRAGES: 171 Dans la suite, il ne consentit plus à travailler ainsi un peu au hasard et sans son modèle; et, quand on lui proposa la statue de Washington, il ne voulut s'en charger qu'à la condition de voirle personnage. J'ai parlé de deux tombeaux ; ils seraient curieux à connaître, pour savoir quel caractère Houdon avait porté dans des sujets de cette nature, pour savoir enfin si ses figures avaient un sentiment funéraire et n'étaient pas seulement des statues quelconques, employées là comme par hasard; quoi qu'il en soit, en voici la description d'après le livret du temps : L'un était élevé en l'honneur du prince Michel Michailowitsch Gallitzin. Un Génie militaire, de grandeur naturelle, et appuyé sur une urne cinéraire, éteignait un flambeau; à ses pieds se voyaitun trophée, composé du casque, du bouclier et de l'épée du prince; des palmes, des lauriers et des couronnes désignaient les diverses victoires remportées par lui. Le fond de cette figure — et ce détail montre que le monument devait être appliqué contre une muraille — se composait d'une pyramide de dixpieds de haut sur quatre de large, et qui devait être accompagnée de deux cyprès. L'autre tombeau, fait pour servir de pendant au premier, était élevéen l'honneur du prince Alexis Démétricewitsch Gallitzin. Une figure de la Justice était appuyée sur une table destinée à recevoir l'inscription; sur le socle qui portait cette figure, était une urne cinéraire groupée avec une branche de cyprès; audessous, deux faisceaux désignaient la qualité de sénateur dont ce prince était revêtu. Dans tout cela il n'y a rien de neuf comme idée, aucune disposition qui ne fût dans les données les plus ordinaires de l'époque; l'exécution seule pouvait distinguer ces ouvrages, et leur donnerune valeur propre ; mais c'est ce que nous ne sommes pas en mesure d'apprécier. Ont-ils même été exécutés? Si le livret de 1773, en donnant la description des modèles qui se voyaient au Salon, prévenait que, dans le moment même, ils s'exécutaient en marbreau Roule, dans les ateliers appartenant à la ville de Paris, —le livret d'un Salon postérieur (1777)fait suivre l'article (n° 254), signalant deux esquisses de ces mêmes tombeaux, de la mention qu'ils doivent être exécutés en marbre, de grandeur naturelle. Au Salon de 1775, Houdon exposa encore un autre modèle de


172 HOUDON, monument funéraire. C'était une chapelle sépulcrale à la mémoire de Louise-Dorothée, duchesse de Saxe-Gotha, travail qui lui fut certainement demandé par le duc, régnant, dont il avait fait le buste. Au fond de la chapelle, on voyait la porte du temple de la Mort qui, sous la figure d'un squelette, levait, pour en sortir, les rideaux dont elle était voilée en partie et se saisissait, avec précipitation, de la duchesse. Celle-ci, les cheveux épars, était couverte d'un linceul. Il y al à moins de simplicité, plus de bruit, plus de recherche de génie, que dans les tombeaux des Gallitzin; mais je ne crois pas que cela ait dû être bien heureux. Les squelettes, c'est-à-dire une chose sans forme, sont facilement ridicules en sculpture ; nous en avons de trop nombreux exemples. De plus, si l'on en croit une critique du temps (1),le groupe n'était pas assez développé, et ne remplissait pas suffisamment le lieu de la scène. Nous ne savons si celui-ci fut exécuté ; en tous cas, ces trois essais sont les seuls de Houdon dans ce genre ; depuis, il n'a plus eu d'occasion de rien faire d'analogue en France, et, ce qui est peut-être une pensée injuste, il ne nous paraît pas qu'il y ait lieu de le beaucoup regretter. C'est un talent simple que celui de Houdon : ses qualités sont la vie, la reproduction de la réalité animée par un sentiment doux et souriant. Les monuments du genre funéraire, quand on ne se contente pas d'une figure isolée, et qu'on veut aller jusqu'au groupe et avoir un ensemble, demandent, au contraire, une variété, une richesse d'invention, une puissance de composition, une nouveauté et une force d'idées, une vigueur de faire, qui, loin d'être les qualités de Houdon, étaient plutôt incompatibles avec elles. Mais les meilleurs ouvrages exposés par Houdon, en 1775, furent encore ses bustes, entre lesquels on remarqua surtout les modèles de ceux de M. Hue de Miromesnil le chancelier, de l'honnête ministre Turgot, de la comtesse du Cayla (2), — la tête en marbre de la charmante Sophie Àrnould dans le rôle de l'Iphisur les ouvragesexposésau Salondu Louvre,ouLettresà (1) Observations M. lecomtede, in-12,1775,p. 55. qu'enfontlesLettressurle Salon,inséréesdansle Journal (2) La description du de Bachaumont, estassezvive: «OnvoitdanslebustedeMadame la comtesse « Cayla,la douceivresse,la gaîtévive,l'abandonfolâtred'uneBacchante aucom« mencement d'uneorgie,dansles premiersaccèsduplaisir,commecela(levait « être,pourluiaccorderquelquenoblesseetquelquedécence.» XIII,194.


SA VIE ET SES OUVRAGES.

173 génie de Gluck (1), un peu flattée, disait-on (2), mais pleine de grâces, — et, à côté de l'artiste qui interprétait ses -créations, unmodèle du buste de Gluck, dont le marbre, destiné au foyer de l'Opéra (5), figura au Salon suivant (1777). Il était plein de vie et de feu; la tête énergique, incorrecte, laide si l'on veut, mais en un sens seulement, et belle du génie du grand musicien, prêtait merveilleusement à la sculpture. Dans le temps, on reprocha à l'artiste d'avoir été trop fidèle aux grains de petite vérole dont le visage de son modèle était perdu ; ces sortes d'accidents, suites d'une maladie, se devaient oublier, disait-on, et paraître seulement dans quelques endroits (4). À ce compte, on arriverait bien vite à ériger en principe qu'il ne faut pas faire ressemblant, alors que la ressemblance est la première condition du buste comme du portrait. L'artiste, en ce cas, ne doit se servir que du modèle, et mettre toute sa force et toute sa valeur à le rendre, — ce qui est déjà bien assez difficile, — à en exprimer le caractère, la vie propre, l'expression personnelleet particulière dans ce qu'elle a de plus saisissant; et, si ce buste de Gluck, criblé comme il était, était beau, il était tout ce qu'il devait être; et il n'aurait pas été tel, si le sculpteur, pour satisfaireà de fausses convenances, eût timidement évité les difficultésque présentait son modèle. Enfin, on voyait encore à ce Salon de 1775 le modèle en plâtre d'une Femme sortant du bain. Si cette statue ne fut pas commandée par le duc d'Orléans, alors duc de Chartres, celui qui plus tard fut appelé Philippe-Égalité, elle fut du moins exécutée pour lui en marbre, et ne fut terminée qu'en 1782, puisqu'une note du livret de 1783 (S) mentionne l'oeuvre, complète celle fois. lescroissantset touslesattributsquidésignent le (1) « Ellea les bandelettes, « moment dusacrificeoùl'artistela peint.» Lettressur le Salon,dansleJournal deBachaumont, XIII,194destableauxdel'année1775. (2) Entretienssur l'exposition (5)Thierry,Guidedesamateursetdesétrangersà Paris,1787,I, p.120,l'y siOnsaitqu'àla rueLepelgnaleendécrivant l'Opéra,quiétaitalorsau Palais-Royal. letier,le foyerdela danse,qui est undespetitssalonsdel'ancienhôtelChoiseul, conserve bustesanciens.Peut-êtreceluideGlucky est-ilencoreconservé. quelques Entouscas,ilnefautpasconfondre lebustedeGluckparHoudon,avecceluiquiest auLouvredansleMuséedela sculpturemoderne;celui-ciestl'oeuvredeFrancin. sur lesouvrages,etc., 1775,in-12,p. 55. (4) Observations de deuxfiguresde grandeurnaturelle,l'uneen (S)« Unefontainecomposée 12


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HOUDON, Voici ce qu'en dit l'exact Thierry, dans l'article qu'il consacre aux délicates merveilles de l'élégant parc de Monceaux, qui, maintenant abandonné et peu connu, est destiné à périr, et mériterait pourtant bien d'être conservé et ouvert : « En avançant encore « quelques pas, vous.entrerez dans une. petite place occupée par « un bassin de marbre blanc, au milieu duquel est un charmant «groupe de M. Houdon,.sculpteur du roi, représentant une su« perbe figure de marbre blanc, prenant Un bain ; derrière elle, «une autre femme, exécutée, en plomb et peinte en noir, figure « une négresse tenant d'une main une draperie de marbre blanc, « et de l'autre une aiguière d'or, dont, elle répand l'eau sur le « corps de sa maîtresse, d'où elle tombe en nappe dans le bas« sin (1) » Cette oeuvre, qui a malheureusement été détruite (2) pendant la Révolution, est curieuse à plus d'un titre. Il serait intéressant de voir comment le talent réaliste de Houdon avait traité sa négresse, dont l'idée fut peut-être moins chez lui le résultat d'un choix, d'un parti prémédité, que le fait du hasard et de la rencontre d'un beau modèle de cette race ; il l'étudia, du reste, avec le plus grand soin. Un buste denégresse, en plâtre, imitant le bronze antique, qui parut au. Salon de 1781, devait évidemment se rapporter au modèle de cette figure. Cette variété de couleurs, si peu en rapport avec les habitudes de son temps, cette polychromie,— si l'on peut se servir, à cette époque, de ce mot antique à la fois et tout moderne, — de son esclave noire tenant une draperie de marbre blanc et versant de l'eau d'une aiguière d'or, ne seraient pas une des moindres curiosités de ce groupe. Neserait-il pas vrai de supposer qu'en l'exécutant il se souvenait des magnificences variées du parc de Versailles, qu'il obéissait peutêtre même, sans le savoir, à l'impression produite autrefois sur son enfance par ces splendeurs pleines de richesses, où le marbre et le bronze mariaient' si souvent leur contraste, pour arriver à la plus charmante harmonie? Mais cette figure nous a fait anticiper sur les travaux de Houdon , nous l'avons laissé au Salon de 1175. Voyons ce qu'il exposa «marbreblancet l'autreimitantune négresse,placéesdansle jardinde Monsei-. « gneurleducdeChartres,à Monceaux, près deParis.»Notedu livretde 1785. (1) Thierry,Guideetc.,I, 69-70. (2) RaoulRochette.Noticedéjàcitée,p. 10.


SA VIEET SESOUVRAGES. 175 au Salon de 1777, le premier où il ait figuré en qualité d'académicien. Il avait, en effet, le 26 juillet de cette année, présenté à l'Académie le marbre de son Morphée, comme morceau de réception (1). Nous n'y reviendrons pas, en ayant déjà parlé à l'époque de son agréement. Mais, avec le Morphée, il n'avait pas moins de trente ouvrages. Le sujet d'une de ces sculptures est assez singulier : c'est un buste de Charles IX, qui, suivant le livret, devait être exécuté en marbre pour le Collège-Royal; nous trouvons, en effet, dans le Voyagepittoresque de Paris, par Dargenvïlle le fils (2), que, dans la salle des Actes, au Collége-Royal (5), les entre-colonnements des côtés devaient être ornés de huit bustes des rois de France, protecteurs de l'établissement depuis François Ier jusqu'à LouisXIV, et que l'exécution en était confiée à MM. Lemoyne, Gois, Houdon, Clodion et Duret. Le Charles IX, de Houdon, devait être un de ces bustes, mais ni le Charles IX, ni les autres, ne paraissent avoir jamais été exécutés, et le plâtre de Houdon doitêtre perdu. Il eût été curieux de savoir par quelle source il avait remplacé la nature absente, s'il avait fait un buste de fantaisie, ou s'il avait pris pour modèle le buste de Barthélemy Prieur, et dans quelle mesure il avait adopté ou modifiéle goût du XVIe siècle. Les critiques du temps ne nous renseignent point là-dessus, car un d'eux (4) nous apprend que M. Houdon, ayant sentivraisemblablement qu'on verrait avec horreur un monarque contemporain du massacre de la Saint-Barthélemy, ne l'a point placé sous les yeux du public. Nous ne détaillerons pas ici les noms de tous les autres bustes de l'artiste ; leur énumération, ne donnant lieu à aucun développement, se trouvera mieux à sa place dans le Catalogue de l'oeuvre. etlistedesAcadémiciens, publiéedanslesArchives (1)Reg.mss.del'Académie, del'Artfrançais,1,394.—LeJournalde Parisa ce petitarticlesurla réception deHoudon : «Le26 decemois(juillet1777),M.Houdon,sculpteurduroi, afait s apporter à l'Académie royalede peintureet de sculpturesonmorceaude récepun Morphée, enmarbre.Cettefigurequijoint figureexécutée "tion,représentant «auxbellesformes,la grâce,la naïveté,la correction et unemanièremoelleuse «detraiterleschairs,aréunitouslessuffrages. Déposé pourtoujoursdansl'Aca«demie,cemorceauseraletémoinéterneldutalentdesonauteur.» (2)ln-12,éditionde1778,p. 272. (3) Nousn'avonspasbesoindedirequ'ilestdevenule Collége deFrance, (4) Journalde Bachaumont (LettressurleSalonde 1777,XI. p. 43).


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HOUDON, Nous signalerons cependant ceux de Monsieur, frère du roi, qui fut plus tard Louis XVIII, et de ses soeurs, madame Victoire, et madame Adélaïde, parce qu'ils nous paraissent être les bustes anonymes de ces mêmes personnages, qui se voient à Versailles, dans la salle des Gardes-du-corps de la reine (1). Bien qu'avec plus de chaleur, ils rappellent le sentiment des jolis bustes de Lecomte, et, par là, ils ne sont pas tout à fait dans la manière, un peu postérieure, que nous connaissons à Houdon; mais la composition de ces bustes se retrouve identiquement dans un buste de Louis XVI, signé Houdon, exposé en 1789, et conservé aussi au Musée de Versailles (2). Les épaules sont entourées des larges plis d'une draperie qui, Cachant d'abord la coupure des bras, se rétrécit et finit par entourer le piédouche qu'ils dissimulent presque complétement. Cette disposition très-particulière suffirait presque pour désigner, ici et là, le même auteur. On concevrait qu'ayant adopté cette forme peu ordinaire pour les bustes du frère et des soeurs du roi, Houdon l'eût reprise pour le buste du roi lui-même, qui pouvait bien être destiné à rejoindre les premiers. Les.trois bustes de la salle des Gardes sont, du reste, bien supérieurs au Louis XVI, fort lourd et insignifiant, tandis que le buste de Monsieur est plein de jeunesse. Des deux bustes de femmes, l'une, celle qui a une guirlande de roses sur l'épaule gauche, ne vaut pas le second buste, d'une expression vive et fort éveillée; les cheveux poudrés et relevés y sont traités par le ciseau avec autant de finesse que pourrait le faire l'ébauchoir en travaillant la terre malléable. Mais le jugement qu'en porte, dans ses Lettres sur le.Salon, lecontinuateur de Bachaumont, XI, 42-45, change presque notre attribution en certitude : «Dans la tête de « Monsieur, l'artiste a parfaitement -exprimé la sagesse préma« turée de Son Altesse Royale... par un air de réflexion, qui ne « lui ôte rien de ses grâces et de sa jeunesse... Les deux autres « lui fournissoient des contrastes à rendre qu'il n'a pas moins « biensaisis, soit en exprimant la finesse des traits de l'aînée, « soit en modelant l'embonpoint de la cadette. Il faudroit être « artiste pour vous détailler toute l'habileté du ciseau de celui-ci c'est-à-diredela (1) Il s'entrouvaitaveceuxun quatrième,celuide Madame, comtesse de Provence,femmedeLouisXVIII,quin'estpas arrivéà Versailles. (2) Ilestsurle palierdupremierétagedugrandescalier.


SA VIE ET SESOUVRAGES. 177 « à travailler les dentelles, a planter les cheveux, à les détacher, « à coëfferavec élégance, à figurer les divers attributs des ordres « du prince, enfin à rendre tous les accessoires, avec non moins « de vérité que l'âme de ses modèles. » Houdon avait encore à cette exposition de 1777 un souvenir de ses études d'Italie, une petite Vestale en bronze, de 23 pouces de proportion , dont l'idée était prise du marbre qu'on voit à Rome et qu'on appelle vulgairement Pandore ; cette figurine était destinée à servir de lampe de nuit. L'art ne perd jamais rien à descendre de ses hauteurs pour animer de sa grâce les choses usuelles. Il n'est pas, à coup sûr, d'art plus élevé que celui de l'antiquité, et l'on sait quelles merveilles elle a prodiguées dans ses poteries, ses lampes, ses candelabres, et jusque dans les moindres ustensiles ; si bien qu'il serait vrai de dire que, là où toutes ceschoses sont médiocres, l'art lui-même et le goût sont à l'état de tradition, d'exception, mais ne sont plus dans le courant général. A côté de cette Vestale se trouvait aussi un sujet tout à fait inusité dans l'oeuvre de notre artiste, et auquel il ne paraît pas être revenu : c'étaient des animaux en marbre. Par la singularité du choixou par leur mérite, ils eurent du succès, si nous en croyons ceque, dans sa Correspondance, Grimm a écrit sur un d'eux : « Parmi plusieurs morceaux précieux que le même artiste (Hou« don) a exposés au Salon, il y a, entre autres, un petit bas-relief « représentant une grive morte, attachée à un clou par la patte. « Cemorceau est d'un effet prodigieux; plus on le voit de près, « plus il fait d'illusion. Un enfant de six ans fut mené, il y a « quelques jours, dans l'atelier de M. Houdon; il examina cet « oiseau, et demanda d'abord à son père où il était blessé. 'Onlui « dit que la blessure était vraisemblablement cachée. — Mais, « papa, dit-il, de quoi est donc fait cet oiseau? — C'est du mar« bre, lui dit son père. — Ah ! ah! reprit l'enfant, est-ce que l'on « fait des plumes avec du marbre? » Cette naïveté dut flatter l'artiste plus que les éloges presque toujours exagérés des connaisseurs (1). L'année 1778 fut peut-être celle dans laquelle Houdon conquit et critiquede Grimmetde Di(1) Correspondance littéraire,philosophique derot,septembre 1777.Éditionde 1812,IV,80; éditionde 1850,IX,415.


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HOUDON, le plus l'estime du public : au printemps (1), son atelier se trouva plein de chefs-d'oeuvre. C'étaient le buste de Molière, un des plus beaux et certainement le plus idéal de tous ceux qu'il ait jamais faits, et celui de Voltaire, sur lesquels nous reviendrons à propos du Salon de 1779; puis, à côté d'eux, contraste qui ne manquait pas d'être piquant, un autre buste, dont Bachaumont, en sa qualité de nouvelliste, a plus longuement parlé que des deux premiers : « La tête la, plus curieuse de cet atelier, par sa nou« veauté et par la singularité de l'anecdote, c'est le buste de ma" demoiselle Lise. Il faut serappeler qu'en 1774 la Ville, au lieu « de donner des fêtes vaines en l'honneur, du mariage de M. le « comte d'Artois, imagina de marier des filles; de ce nombre était « mademoiselle Lise. Lorsqu'elle se présenta, pour se faire in« scrire, on lui demanda quel était son amoureux. Elle répondit « qu'elle n'en avait point, qu'elle croyait que la Ville fournissait « de tout, et la Ville, en effet, lui choisit un mari. La figure d'une « pareille niaise était sans doute à conserver, et c'est ce qu'a fait « M. Houdon; sur cette physionomie,, dont les traits agréables « sont très-propres à former l'ensemble d'une figure ordinaire, « on remarque un je ne sais quoi de caractéristique qu'on ne trou« verait pas sur cent mille autres (2). » : Mais, dans cet.atelier de Houdon , l'on admirait encore autre chose que des bustes. Outre l'Écorché, dont cette exposition privée révélait au publie le mérite jusqu'alors caché dans l'école de l'Académie, on y trouvait aussi le modèle d'une Naïade, annoncée au livret du Salon de 1777 comme étant à la Bibliothèque du Roi, sur le premier palier du grand escalier, et pour laquelle nous laisserons encore la parole au Journal de Bachaumont : « Elle est « de grandeur naturelle, tient une urne sous son bras gauche, et « semble appliquée à la fonction que doit remplir une pareille di" vinité. L'on ne peut guère y désirer qu'une figure svelte, un ci(1) Il en prévintpar cet articledansle Journalde Paris, du10mars1778: «M.Houdonse trouvantforcéde faireenleverincessamment tousles ouvrages « quisontdanssonatelierde la Bibliothèque du Roi,croitdevoiren prévenirles « amateurs,ceuxentreautresqu'ilavaitinvitésà venirvoirlebustedeMolière, « dontilvientde terminerle modèle.Onse rappellesansdouteque cebusteest « destinéa ornerle foyerdela Comédie-Française. Iln'estaucunpartisandesarts « quin'aitétécharméd'apprendre aussiprécieuxavaitétéconfié qu'unmonument «au talentdececélèbreartiste.» 19avril1778,XI,198. (2) Bachaumont,


SA VIE ET SESOUVRAGES. 179 « seau pur, une draperie légère, et des grâces très-simples ; c'est « tout ce que rassemble cette figure. L'artiste, qui a de l'invention, « l'a plus particulièrement caractérisée, en la disposant de façon « que, placée dans une salle à manger, dans une salle de bain ou « sous un portique, et versant de l'eau par un tuyau disposé der« rière elle, elle peut la verser sans relâche dans une conque au« dessous, et remplir ainsi sa destination suivant la Fable (1). » Enfin, une dernière figure, qui est restée une des meilleures statues de Houdon, accompagnait cette Naïade, et ce fut la plus admirée. On nous permettra de réunir ici tout ce qui se rapporte à la fameuse Diane Chasseresse, et aux différentes répétitions qui en furent faites, afin de ne plus avoir à y revenir. AuSalon de 4777, on en avait vu le, buste, que Houdon avait détaché de la figure entière, pour le copier séparément; craignant peut-être de ne pouvoir exposer la Diane au Salon, à cause de la nudité, sur laquelle l'Académie se montrait alors très-sévère (2), il avait voulu, du moins, l'annoncer à sa manière, en en faisant voir la tête. A ce moment, cette Diane devait être exécutée pour les jardins du duc de Saxe-Gotha, qui avait déjà chargé Houdon de divers travaux ; mais elle eut une autre destination, comme on leverra. Le modèle en plâtre de la figure entière était fini en 1777, puisque, dès septembre, Grimm en parle, en même temps que du petit bas-relief de lagrive. Grimm rapporte même (3) les vers improvisés par Rulhières, et il les donne d'autant plus volontiers, dit-il, que « la modestie de M. Houdon lui a fait apporter tous ses soins « à empêcher que les vers qu'on lui a adressés de tous côtés ne « fussent imprimés dans aucun papier public. » Ces vers de Rulhières, les seuls que nous connaissions, ne manquent pas d'une certaine grâce, et si, au lieu de finir par une pointe, ils restaient 21avril1778,XI,205. (1) Bachaumont, (2) «Il y a vingtansenvironquenousavonsétévoircettefigureà laBiblio«thèqueNationale,dansl'atelierdu citoyenHoudon.Il ne put, à cette époque, « l'exposer auSalon; le cagotisme s'yopposa,et, parsuite,voulutde même pro«scrirela Psychédusculpteur del'anciencurédeSaintPajou,quelescriailleries «Germain l'Auxerrois ne purentcependant faireretirerde l'exposition publique.» Journaldes arts, des scienceset de la littérature,in-8°,n° 240,50brumaire, unXI(21novembre 1802),p. 291. (5) Correspondance littéraire,etc., édit.de 1850,IX,415.


180 HOUDON, dans le ton du commencement, cette petite pièce aurait assez l'air d'être une gracieuse imitation de quelque épigramme grecque : Oui,c'estDiane,etmonoeilenchanté. Désiredanssa courseatteindrela déesse, Et mesregardsdevancent savitesse. Aucunhabillement nevoilesa beauté; Maissoneffroiluirendlachasteté. Onaurait,dansEphèse,adorétonouvrage. RivaldePhidias,ingénieux Houdon, Amoinsquelesdévots,en voyanttonimage, N'eussentcraintlesortd'Actéon. Un peu plus tard, quand la Diane fut exposée dans l'atelier de Houdon, ce furent de nouveaux éloges, dont le Journal de Bachaumont (1), et surtout une lettre d'un certain M. Laus de Boissy, qui parut dans le Journal de Paris (2), sont pour nous les échos. Heureusement, elle n'en resta pas au modèle; car elle fut exécutée en marbre, non plus pour le prince de Saxe-Gotha, mais pour l'impératrice de Russie ; et, dans le courant de 1781 (5), elle fut en(1) « M. Houdonn'avoitpu.annoncer pour le Sallonde 1777uneDianedans « ungenredifférentde celledeM. Allégrain,dontona renducompte,et quine « méritepas moinsleshommages des amateursaujourd'hui qu'elleest finie;elle « estenchasseresse, le carquoissur l'épaulegaucheet tenantun arc de lamain « droite;ellea un pieden l'air, et suspendue sur la pointede l'autre,il semble « qu'elleaillevoler;c'estla CamilledeVirgile.Il est dommage quecetteattitude, « presquecéleste,très-bienexécutéeen plâtre,ne puisses'accommoder dela pe« santeurdu marbre.Lesculpteursera obligéde l'appuyercontreun roseau,et « ôteradelasorteà la figuresonextrêmelégèreté.Latèteest traitéesuivantla « fonctionquedonnel'artisteàla Déesse ; c'estunebeautésévèrequin'apointen« coresentil'amour,et ne s'occupe que dela guerrequ'ellevafaireauxanimaux « desforêts.»Bachaumont, 21avril1778,XI,205. (2) Journalde Paris, du14avril1778,p. 413. (3).«EnattendantqueleSallonquidoit.s'ouvrircetteannéeait lieu,onvavoir « à la Bibliothèque duRoideuxmorceaux précieux,dontlesconnoisseurs impar« tiauxparlentavecenthousiasme. L'unestla statuede M.Houdon:uneDiane « exécutéeen marbre,dontonavaitdéjàadmiréle modèle;elles'élèveau milieu « desroseauxquifléchissent mollement soussesformesarrondies.L'autre,un « tableaudeM.Bonnieu etc. »Journalde Bachaumonl, 15mai1781,XVII, p. 185. « M. Houdon,pours'écarterdesesconfrères,qui depuispeunousontoffert « plusieurs etenaction.Le swelteest Dianes,areprésentéla sienneenchasseresse « sonattributbrillant.Ellemarche,elleest censéetraverserun marais,et pour « mieuxlefranchirs'appuyesurunbuissonderoseauxqu'ellerencontre.Riende


SAVIE ET SESOUVRAGES.

181 coreexposée, sous cette nouvelle forme, dans l'atelier de Houdon. Elleest, à cette époque, mentionnée dans la Correspondance littéraire de Laharpe (1), qui en dit seulement qu'on la trouve trop belleet trop nue pour une statue exposée en public. Il ignorait que le nu dans les arts ne constitue en rien l'indécence, et que la nuditécomplète, quand le sculpteur n'y a cherché que la forme et la beauté, sans y introduire de sentiment sensuel, ou de préoccupationlascive, est autrement chaste que bien des demi-nudités. Au reste, la grande Catherine se montra moins sévère que le critique, sur cet article de la pudeur, puisqu'elle fut satisfaite de l'exécutionde la Diane, et qu'elle en félicita l'auteur (2), dont elle plaçal'oeuvreà Saint-Pétersbourg, dans les jardins du Palais de la Tauride(3). Enfinl'artiste fit couler la Diane en bronze, auquel la légèreté deson mouvement semblait la destiner; le bronze donne,la possibilité,incompatible avec la pesanteur du marbre, de ne l'embarrasser et de ne l'alourdir d'aucun support. Cela fut fait dès 1783, puisquenous trouvons, dans le livret du Salon de cette année, l'indication d'une statue de Diane, en bronze, comme pouvant se voir rue Vivienne, chez M. Girardot de Marigny, un riche amateur de cette époque,.pour lequel, entre autres artistes, Joseph Verneta beaucoup travaillé. Nous ne savons, par exemple, si le bronze, de grandeur naturelle, que, heureusement pour nous, Houdona possédé jusqu'à sa mort, et qui fut acquis à sa vente (4) pour le Musée du Louvre où il est encore, est cette statue de M. Girardot de Marigny, revenue entre les mains de l'artiste, et à la« pluscharmant trouventréuniesla légèreté,la quecettefigure,oùlesspectateurs « noblesse, la pudicité,lesgrâceset la beauté.Sonarc, sesflèchessontd'unfini « précieux ; maisla positionhardieoùl'artistel'aplacée,étonnesurtoutlescon« noisseurs.Lemarbred'ailleursestd'uneblancheuréblouissante, d'unepureté « quirépondà merveille à celledela Déesse.»Journalde Bachaumont,20mai 1781,XVII,p. 198. (1)OEuvres deLa Harpe,éditionVerdière,1820,in-8°. Correspondance littéraire,etc., lettre154.XI,p. 419. (2) RaoulRochette.Noticedéjàcitée,p. 10. (3) LouisDussieux. Artistesfrançaisà l'étranger,Versailleset Paris, 1832, p.151. (4) Elleétaitrestéejusqu'alorsélevéedansla grandecourde la Bibliothèque duRoi,unpeuenavantdel'endroitoùl'ona vuquelques annéesCharlesV,enplairedontlapluiea faitjustice,ettouta faitsurle passage delasalledelecture.


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HOUDON,. en la de nouveau, il aurait remis la date de 1790 quelle, signant qu'elle porte aujourd'hui, — ou si c'est une nouvelle répétition réellement faite en cette année. Toujours est-il que c'est elle que. nous connaissons, et sur laquelle nous pouvons juger cette belle figure. La Déesse nue, tenant de la main gauche un arc de petite proportion, et de la main droite une flèche, la tête un peu tournée à droite, semble courir légèrement; et son élan sans violence offre encore plus de grâce que d'ardeur; son pied gauche est à peine posé sur le sol; sa jambe droite, qui vient de quitter la terre, est un peu en arrière de l'autre. Elle est en mouvement, et cependant on la regarde sans fatigue, parce que son mouvement est doux, régulier, parce qu'étant de nature à se répéter nécessairement et d'une manière presque identique, l'esprit admet que les yeux le revoient; ce caractère naturel d'une répétition certaine sort de l'impossibilité de regarder sans peine un mouvement violent, qui n'existe qu'un instant et ne se reproduit pas, pour rentrer dans les conditions de durée qui sont nécessaires à la pose d'une statue. Comme forme, elle n'a plus.rien qui en altère les contours, plus de carquois sur son dos comme dans le premier modèle, plus de roseaux pour déchirer ses jambes comme dans le marbre; sa forme se développe en tous sens dans toute sa pureté; rien n'en distrait, rien ne s'en perd; elle se montre tout entière, et vêtue de la seule splendeur de sa beauté : Vera IncessupatuitDea Dans la donnée de la figure, il est même singulier de lui voir ce nom de Diane, et l'on ne comprend pas d'abord ce qui put porter l'artiste à représenter la chaste déesse des forêts d'une manière aussi contraire aux données de l'antique mythologie, qui, « tant « que nos arts ne lui auront pas retiré ses titres de naturalité « dans notre imagination, aura toujours le droit de faire observer « ses convenances, ou son étiquette, et de réclamer contre les ano-, « malies qu'on peut faire subir à ses traditions (1). » Il ne serait cependant pas impossible de faire d'une manière motivée une Diane nue. Une Diane qui vient, pour se baigner, de deQuincy. (1) Quatremère


SA VIE ET SESOUVRAGES. 185 ou bien va qui déposer ses courts vêtements, les reprendre au une Diane marcherait avec colère sur Actéon sortir de l'eau, qui de sa être nue sans blesser en rien témérité, pourrait pour le punir sa nudité serait la vraisemblance,parce que momentanée motivée par son action même, tandis que la nudité d'une-Diane se livrant à la chasse n'est pas momentanée; ce n'est pas le résultat d'une action ou d'une surprise, mais celui d'une habitude ou d'une volonté. En réalité, la figure de Houdon est plutôt celle d'une Nymphechasseresse, ou bien encore celle de Vénus elle-même, qui n'a pas voulu quitter Adonis; n'a-t-elle pas l'air de s'être levée pour le suivre, aumoment où il s'éloignait de la couche où elle ;l'auraitvoulu retenir ; et n'a-t-elle pas pris le petit arc de l'Amour, sansse charger d'un carquois inutile, puisque pour lui donner des flèches,elle a tous les amours qui volent à sa suite? Mais, quel que doive être son nom, il n'en est pas moins sûr que cettefigure est belle de mouvement, est d'une harmonie, d'une douceur, d'un rhythme parfait ; de quelque côté qu'on la regarde; c'est une nouvelle statue. Cette figure élancée, mince et pleine cependant, respire l'élégance et la distinction. La tête seule, qui a, par rapport au corps, cette petitesse délicate, que lui ôtent les vêtementsen lui donnant plus d'importance, et qui, dans la nudité, reprend sa place relative dans les proportions du corps Î commeon le remarque si souvent dans l'antique et dans la belle sculpture du XVIesiècle, la tête, dis-je, est presque la seule partie oùl'on puisse s'apercevoir de l'époque où vivait l'artiste. Les.traits dela figure sont bien ceux d'une femme de cette époque, et l'on ne saurait pas qu'on lui a, dans le temps, reproché (1) d'être un portrait, que le fait serait encore évident. Rapprochant cette singulière mention : — appartient à M. Girardot de Marigny, — qui accompagne au livret de 1781 l'article du buste de mademoiselle Odeoud, de ce fait que la Diane de bronzese trouvait aussi chez M. Girardot de Marigny, on peut (1) « LaDianedu citoyenHoudonlui a faitbeaucoupd'honneur,malgréles «observations Dianechasseresse quiluifurentfaitesalors,d'avoirreprésenté nue; «cetteinconvenance lui fut, dit-on,demandée par le particulierqui commanda »cettestatue.Latêteestun portrait; par conséquent ellen'a paslecaractèreidéal «et sévèreque les anciensdonnaientà cettedéesse.» Journaldes Arts, des Sciences etdela Littérature,in-8°,n 240; 50brumaireanXI(21novembre 1802), p.291.


184 HOUDON, si la la se demander tête de Diane ne serait pas le portrait de mademoiselle Odeoud, et même si le corps ne serait pas aussi son portrait en pied, comme en ont fait Lemot dans sa figure de la Contemporaine couchée, et, de nos jours, Clesinger dans sa Femme piquée par un serpent. Nous ne connaissons pas mademoiselle Odeoud comme une impure de ce temps-là ; et, malgré cette manière de mettre au livret un nom inconnu en se disant pour ainsi dire appartenir à quelqu'un, cette supposition peut bien être fort imméritée en un sens ; mais, du moins, elle ne sera pas injurieuse à la beauté de mademoiselle Odeoud.Nous ne l'exprimons, d'ailleurs, que pour faire appel au souvenir des contemporains, et, dans ce cas, comme dans d'autres, l'utilité principale que puisse avoir ce travail sera peut-être de donner quelque chose où se prendre à ceux dans la mémoire desquels existent sur Houdon et sur ses ouvrages des détails épars et qu'ils n'écrivaient pas, en leur présentant réunis des faits qu'ils puissent examiner et surtout compléter avec leurs souvenirs directs. Mais, n'était le caractère contemporain de cette tête, on pourrait attribuer la figure à un de nos meilleurs sculpteurs du XVIesiècle. Le bronze, d'une belle couleur, adoucie et mélangée qu'elle est des reflets de l'argent qui s'y trouve, mais surtout le caractère de sa beauté, les cheveux relevés, liés de perles et plus délicats qu'opulents, les épaules point larges, les seins petits, la taille sans étroitesses, les hanches plutôt un peu hautes, les cuisses longues et rondes, le dos gracieux et accentué, le caractère d'élégance un peu fière et de jeunesse fine et ferme, tout se sent de la forme florentine, mais telle qu'elle a été ramenée, par les mains de nos sculpteurs français, dans les limites de la grâce la plus harmonieuse et ne: s'abandonnant point à de folles exagérations. La Diane de Houdon — et ceci explique mieux ses motifs de la représenter ainsi, que de lui croire l'intention d'avoir donné à sa statue le nom de Diane seulement pour la faire lutter avec la Diane d'Allegrain (1), qui venait d'avoir du succès au Salon de 1777— la Diane de Houdon est, avec moins de grandeur peut-être, celle l'uneà l'autre: «Sonbuste (1) Onne manquapas,dansle temps,de comparer «deDianeestmieuxconçuquechezM.Allegrain. C'estle genredebeautéaustère «decettedéesse,quiimprimele respect,aulieud'encourager latéméritépardes t. XI, « grâcestropséduisantes, "LettressurleSalonde1777,dansBachaumont, p. 45.


SA VIE ET SESOUVRAGES.

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de Jean Goujon, qui s'est levée. L'exemple du grand maître a dû profitersingulièrement à son successeur, qui a fait vraiment une bellechose; et, si son oeuvren'a pas toute la renommée qu'elle mérite, cela vient peut-être de ce que, sans accessoires, sans action particulière et frappante, elle touche seulement l'esprit, et reste dans le souvenir de ceux-là seuls, qui, pour être touchés par une oeuvred'art, n'ont besoin que de la seule beauté. Si même l'oeuvre de Houdon était moins parfaite, moins naturelle, mais plus bruyante et plus chargée, elle s'adresserait certainement à plus de gensqu'elle ne fait, avec sa grâce légère et muette. ANATOLE DEMONTAIGLON DUPLESSIS. et GEORGES

(Lasuiteau prochainnuméro.)


EXCENTRICITÉS

ARTISTIQUES.

I LE PRINCE DE PONS. Il y a une dizaine d'années, une nouvelle étrange et vraiment incroyable circulait à Paris dans le monde artiste: on,disait, quelle merveille ! que sous des peintures de la Renaissance un célèbre amateur avait découvert quantité de tableaux antiques, parfaitement conservés ! Gomment? Les artistes duXVIesiècle, si amoureux de l'art antique, se seraient permis de barbouiller des chefs-d'oeuvregrecs et romains! Quel intérêt, quel hasard, quelle fatalité auraient pu faire dénaturer ainsi des trésors inappréciables! Un tableau antique, s'il s'en était sauvé d'autres que quelques décorations à fresque, eût toujours valu plus cher même qu'un Raphaël. Quelle trouvaille, qu'une composition intacte et incontestable de l'école athénienne ou des peintres macédoniens, ou même des peintres grecs qui envahirent Rome après la prise de Corinthe, ou même des peintres romains, imitateurs des Grecs! Toute l'Europe accourrait au musée qui posséderait un Parrhasius ou un Apelle! La découverte, cependant, était garantie par un homme d'une haute position sociale, d'une grande fortune, d'un désintéressement et d'une bonne foi au-dessus du soupçon. Oui, c'était le possesseur d'une précieuse collection de tableaux de toutes lesécoles, c'était le prince marquis de Pons et la Châtaigneraye, qui, un beau jour, en nettoyant lui-même un Carrache, avait constaté sous la peinture à l'huile une couche d'encaustique d'une nature particulière, et qui, après avoir enlevé la pâte italienne, avait fait ressortir, de sa propre main, une peinture antique — un Triomphe de Bacchus!


EXCENTRICITÉS 187 ARTISTIQUES. il Et cette résurrection prodigieuse de tableaux païens, l'avait renouveléemainte fois, en décrassant des tableaux modernes. Voilàce qu'on répétait dans les ateliers et parmi les amateurs etcollectionneurs. Chacun en croyait ce qu'il voulait. Nous travaillions, en ce temps-là, plusieurs jeunes rapins et moi qui arrivais d'Italie, chez un illustre membre de l'Académie desBeaux-Arts, ancien élève de David. Comme les peintres de son école, M. X. nous prêchait toujours le fanatisme pour les Grecset les Romains. Tout l'atelier était donc fort émouvé par l'annonce de la trouvaille antique, et nous en parlâmes à notre graveprofesseur — Vous connaissez le prince de Pons... vous savez... — Oui. On dit qu'il a retrouvé des chefs-d'oeuvre de l'école incomparable... dont les modernes n'atteindront jamais la sublimité.On dit... mais il faudrait voir... — Oh! M. X. ! si vous nous meniez voir cela ! Il branla un peu sa tête chauve, d'un air d'incrédulité, et recommençason éternel discours sur la supériorité des anciens. Nosinstances cependant, et sans doute aussi sa propre curiosité, le décidèrent à tenter une visite chez le prince de Pons, et il promitd'y conduire, le lendemain, deux de ses disciples. Comme je connaissais les musées d'Italie, d'Allemagne, de Belgiqueet d'Angleterre, j'eus le privilége d'être choisi pour accompagnerle maître, ainsi qu'un ancien élève de l'Ecole de Rome. M.de Pons nous accueillit avec une courtoisie parfaite, et après avoirtraversé plusieurs pièces garnies de tableaux de belle apparence,il nous introduisit dans un vaste salon, encombré de toiles rangéesen tas, par terre, comme dans un magasin. Tandis que l'académicien et le prince échangeaient de mutuels compliments,je ne pouvais me lasser d'examiner la singulière physionomiede notre hôte. Sa tête avait une conformation trèsexceptionnelle: le front, extrêmement rétréci sur les côtés, s'élevaiten ogive, à une hauteur démesurée; des cheveux fins et rares s'égaraient sur ce dôme de parchemin jauni; tout le reste de la formedu personnage était commandé par le style de son couronnement: les arcades des sourcils étaient très-rapprochées, et des yeuxfugitifs, insaisissables, semblaient serrer la mince racine d'unnez grêle et délicatement aigu. Ses joues plates s'allongeaient


188 EXCENTRICITÉS ARTISTIQUES. à la dévalée, presque aussi étroites que le menton, assez saillant et d'un dessin fantastique. Je songeai, malgre moi, au Don Quichotte de Cervantes, et au Conseiller Krespel, d'Hoffmann. Quoique nous fussions très-désireux de voir tout de suite les antiques, M. de Pons crut indispensable de. nous donner d'abord quelques renseignements préliminaires, et il nous lut une subtile dissertation pour prouver, d'après les textes grecs et latins, et particulièrement d'après certains passages de Pline, que les anciens ont peint sur toile avec des enduits et des couleurs, la plupart perdus. La chose est indiscutable, et malgré l'ingéniosité des arguments et la profondeur de cette élucubration victorieuse, nous regardions les tableaux qui nous entouraient : ici, d'anciennes copies de tableaux célèbres, comme la Vénus, du Titien, les Sainte-Famille, de Raphaël et d'André del Sarte, des têtes de philosophes, par Ribera; ailleurs, des Nymphes, du XVIIIesiècle, et même des Académies, de l'école de David, que notre sévère académicien reluquait avec satisfaction. Cependant, nous attendions toujours qu'on ouvrît la-porte du sanctuaire où les vénérables antiques étaient sans doute voilés dans des niches religieuses. Mais le bon prince voulut nous expliquer, de plus, qu'il divisait l'art antique en trois époques : l'époque grecque, depuis Périclès jusqu'à la conquête par les Romains; l'époque romaine, influencée par les Grecs; et l'époque appelée byzantine, où règnent encore les traditions païennes. Il ajouta qu'il possédait nombre de tableaux de toutes ces époques. Il n'y avait rien à dire contre cette classification, et nous nous' empressâmes de donner raison, sur tous points, à notre savant interlocuteur; nous convînmes volontiers que M. Letronne commettait une erreur grossière en soutenant que les Grecs avaient seulement pratiqué la peinture murale ; nous fîmes choeurd'imprécations contre les faux érudits et les fausses théories ; car nos yeux interrogeaient les tentures du salon et perçaient les murs; car nous avions hâte de passer sans retard à la conviction de visu; et, dans mon impétuosité, je me risquai, comme un étourneau, à demander où étaient les chefs-d'oeuvre grecs. — Mais vous êtes entourés de peintures antiques, dit le prince. Je fis trois tours sur moi-même, pareil à un homme frappé dela foudre; et, prenant la première toile que rencontra ma main :


EXCENTRICITÉS 189 ARTISTIQUES. — Voici, dis-je, la Nymphe 10, du Corrége, dont l'original est au musée de Dresde?... — Point du tout! interrompit M. de Pons. C'est une peinture antique, que le Corrége a copiée. — Voici la Vénus sortant de la mer, par Titien, et son autre Vénus couchée, dont l'original est à la Tribune de Florence; voici la Toilette de Vénus, par l'Albane, dont l'original est au Muséede Paris; voici... — Pas du tout! Peinture antique!... Cette Vénus marine est la célèbre Vénus Anadyomène, peinte par... tel artiste grec, et mentionnéedans... tel auteur. Mais regardez donc la' toile! c'est la pure toile d'aloès, usitée seulement chez les Égyptiens et chez lesGrecs. Regardez la pâte : c'est un encaustique inaltérable, dur commele silex, et qu'aucun acide ne peut entamer... Je ne regardais plus ni la pâte, ni la toile, mais j'examinais curieusementla figure animée du noble marquis de la Châtaigneraye et autres lieux ; il me semblait qu'il allait nous faire quelque singerie, ou taper sur le ventre de l'académicien qui se dressait tout ébahi, puis, armé d'une loupe, se penchait avec complaisance sur les toiles d'aloès et les encaustiques inattaquables; mais le prince et l'académicien gardaient toujours imperturbablement leur sérieux. — CetteSainte-Famille pourtant, repris-je avec une obstination trop juvénile, mais c'est celle de Raphaël, peinte en 1518, pour François Ier, et qui fut envoyée en France dès ce temps-là, et qui est encore au Louvre... Et cette autre est d'André del Sarte, et vousavez aussi l'original au Louvre..'. — Pas du tout, jeune homme, dit gravement le prince de Pons: ce sont des peintures byzantines, de la troisième époque. Rappelez-vousce que je vous disais tout à l'heure de la division des périodes. — Mais cette Académie d'homme nu, c'est une étude de l'atelier de David; c'est un modèle connu, qu'on retrouve dans les tableaux del'école impériale... Et cette tête de jeune fille, c'est celle qui est dans l'ombre au fond du tableau des Horaces, — En effet, hasarda modestement l'académicien, je crois reconnaître des figures familières à mon illustre maître Louis David ; et même, attendez... j'ai aussi copié d'après nature ce modèle... qu'on appelait... 15


190 EXCENTRICITÉS ARTISTIQUES. —-Pardon, monsieur, vous vous trompez, interrompit le prince avec une extrême politesse; ce sont toutes peintures antiques. Et cette tête de vieillard, nierez-vous que c'est le portrait de... tel philosophe grec, exécuté d'après nature, par...? — Biais, mais... c'est un Ribera irrécusable! c'est un de ses vieux lazzaroni de Naples, qu'il faisait si bien. Les moins experts en peinture vous diront les mêmes noms de maîtres modernes sur toutes ces compositions si populaires... Comment expliquezvous donc... ? Et je tombai sur une chaise, à moitié pâmé, renfermant les sarcasmes qui se pressaient sur mes lèvres. Après un moment de silence, le prince, impassible, s'adressant à notre maître que les prétendus plagiats de David avaient aussi un peu scandalisé, reprit avec une dignité ferme et convaincue : — Expliquer?... Rien n'est plus simple : ces peintres-ont trouvé les toiles antiques, et ils ont tout bonnement recouvert de peinture à l'huile l'encaustique primitif, afin de s'attribuer le mérite de l'oeuvre. Je le sais bien, puisque c'est moi-même qui ai enlevé la pâte récente ; et celle-ci, à présent, est indestructible. Bien plus, toutes les compositions célèbres de la Renaissance sont des vols faits à l'antiquité : le Parnasse, la Philosophie, de Raphaël, je les ai là aussi, peintures grecques, incontestables, et fraîches comme il y a deux mille ans. Venez voir ! On ouvrit un autre salon, où M. de Pons nous montra des centaines de tableaux que je baptisais tour a tour par les noms des peintres modernes, et qu'il soutenait être de véritables antiques. Rubens aussi en était! Rubens transformé en Grec! Cela faillit faire éclater notre maître l'académicien. Je remarquai cependant untableau de Lagrenée, avec des figures contournées comme dans toute l'école du XVIIIesiècle. — Lagrenée aussi...! dis-je avec hésitation. — Oui, vraiment, et même voici sa signature originale, avec la date. J'ai conservé cela, après avoir enlevé toute sa peinture; et ce qui reste est l'original grec. Bien mieux : tenez, voici un tableau signé Abel de Pujol, et qui est tout simplement le fameux portrait d'Alexandre le Grand, nu et de dimension naturelle, peint par Pausanias, cité par... En ce moment, notre illustre maître l'académicien ne put con-


EXCENTRICITES 191 ARTISTIQUES. tenir un geste irrésistible, et posant sa main sur le bras fébrile du prince, il s'écria : — Mais Abel de Pujol est mon ancien condisciple, mon ami! Qu'a-t-il à faire avec le portrait d'Alexandre le Grand, peint d'après nature? Mais que prétendez-vous donc, M. le marquis?... qu'Abel de Pujol a trouvé, — par hasard!. — ce tableau antique, haut de six pieds ! —en plein Paris, en plein XIXesiècle ! — qu'il l'a cachéà tous les yeux; puis, recouvert secrètement d'une couche de peinture à l'huile, conservant la peinture primitive ; puis, exposé commeson propre ouvrage! Car je reconnais bien ce tableau de monami Pujol : je l'ai vu au Salon de 1819, sous le titre d'Ajax ou de Diomède, peu importe. Et vous dites que vous avez nettoyé ce tableau, et que vous avez découvert la,même composition, peinte àla cire, par un Grec quelconque; que ce tableau-ci n'est plus le tableau d'Abel de Pujol ; que... que... Je n'y comprends plus rien... — Précisément, articula le prince, avec une majesté tout àfait calme, après que la stupéfaction eut arrêté, dans la gorge de l'académicien, son enfilade de que interrogatifs. La scène menaçait de tourner du burlesque à la colère, et pour rompre le désaccord sur Pausanias et M. Abel de Pujol, j'interpellai le prince, avec une modération doucereuse, en me retournant vers lui : — Ainsi, monsieur, tous ces tableaux... antiques... étaient barbouillés par une copie à l'huile se traînant sur les lignes et sur les couleurs dues aux artistes grecs; et c'est vous qui avez enlevéles repeints et restitué les originaux ? —Précisément. Et je ferai la chose devant vous, et je vous donnerai tous les acides les plus mordants,; qui ne prennent point sur cette cire impénétrable, tandis qu'un alcool ordinaire enlève facilementla peinture à l'huile, même ancienne. Est-ce qu'un Abel de Pujol résisterait à l'esprit-de-vin? Maiscontinuons. Et nous vîmes des copies de tous.les tableaux les plus fameux de l'Italie, presque tout l'oeuvre de Raphaël et de Corrége, des Carrache et du Poussin, et quelques belles peintures originales, ét des ruines et des monuments, et même deux Boucher délicieux, signés et gravés. Tandis que je nommais les maîtres modernes, notre hôte nommait des maîtres.antiques, expliquait les époques et les sujets, commentait de mémoire des textes indéchiffrables,


EXCENTRICITÉS 192 ARTISTIQUES. insistait sur la qualité des couleurs, notamment sur l'éclat inaltérable des rouges et des jaunes, célébrés par Pline. C'était un voyage fantastique à travers l'art de l'antiquité. Tous les Grecs illustres y figurèrent, Apelle lui-même, et les Romains de la décadence, et les Byzantins jusqu'au ve siècle. L'académicien ne savait plus que dire à tant d'érudition sur-son histoire favorite, et peut-être se fût-il laissé convaincre, sans le malencontreux Alexandre de son ami Pujol. De lassitude, nous nous assîmes tous sur un immense divan ; le prince, ses petits yeux gris levés au plafond, paraissait y lire des révélations mystiques ; notre docte professeur, la tête penchée sur la poitrine, cherchait sans doute à débrouiller ses idées bouleversées; mon camarade, l'élève de Rome, fourrageait dans la vaste poche de son paletot comme pour y chercher sa pipe, et se frottait le front pour ne pas s'endormir. Personne ne relevant la conversation, je me permis de la résumer à ma manière, attendant que le prince me contredît, ou qu'il confirmât mon interprétation de sa découverte : — Ainsi, depuis le XVIesiècle, on a retrouvé des toiles antiques, de toute dimension, à Rome et à Florence, à Parme et à Venise, à Anvers et à Madrid, à Paris, partout, — et jusqu'à nos jours; Ainsi, Raphaël et Corrége, André del Sarte et Titien, les Carrache, le Dominiquin et le Guide, Poussin, Rubens, Lagrenée et Boucher, David et M. Abel de Pujol, ont déterré de ces merveilleuses peintures en quantité ; . Et personne n'en a jamais rien su; Et les peintres seuls ont eu ce privilége; car si un seul profane eût trouvé un seul: de ces tableaux, il n'eût pas pu le repeindre pour s'en approprier la composition... — Apparemment, laissa tomber le prince avec négligence. — Ainsi, tous ces peintres ont eu la même idée de voler le génie antique, sans communiquer les uns avec les autres, et on n'avait jamais soupçonné la fraude ! Ainsi Raphaël et les autres n'ont point inventé leurs compositions! Ainsi, le premier tableau que chacun de ces artistes a peint, ou plutôt repeint, a dû être un tableau antique, puisque tous les autres tableaux, peints dans le même style, et qu'on marque de chaque nom, se rapportent à la même manière; et, tous les anti-


EXCENTRICITÉS 195 ARTISTIQUES. a ques que chaque peintre replâtrés successivement se trouvaient encore, par hasard sans doute, du même maître d'autrefois, dont les ouvrages affluaient toujours sous la même main ; car tous les tableaux de Raphaël se ressemblent entre eux, comme tous ceux de Rubens entre eux; et Raphaël et Rubens ont pourtant très-peu d'analogie ; Ainsi, le génie antique a eu tous ces styles divers que les écoles modernes ont reproduits, depuis les Italiens et les Flamands jusqu'à Boucher et à l'École impériale ! — Il le faut bien, puisque cela est, dit le marquis. — Ainsi, la même figure qui se trouve dans un Raphaël et dans un André del Sarte,— et que voici, — est une figure antique, copiée isolément par les deux maîtres-, sans que l'un devinât que l'autre l'avait copiée comme lui ; Ainsi, bien plus ! ce Parnasse, de Raphaël, — dont voici une copie, — et dont l'original est au Vatican ; cette Sainte-Famille, — dont voici une répétition, — et dont l'original est au Louvre, sont donc aussi des ouvrages de Raphaël ; car, si ce n'est pas Raphaël qui a repeint les vôtres, qui donc les a repeints? L'anonymequi aurait retrouvé ce tableau antique, après que Raphaël sans doute en avait déjà trouvé et volé un autre original toutpareil, n'eût jamais eu l'idée de recouvrir celui-ci. Ah ! les Raphaël, censés authentiques, du Louvre et du Vatican, sont de l'époque grecque... même le Parnasse, qui est une fresque ! Mais, est-ce que tous ces tableaux des maîtres ont été faits en cachette, dans des repaires secrets ? Est-ce que toute l'école, si nombreuse, de Raphaël, ne lui a pas vu faire la Sainte-Famille, de François Ier? Est-ce que tout Paris n'a pas vu David peindre ses tableaux, dans son grand atelier du Louvre ? Notre maître l'académicien fit un signe timide, que les petits yeux du prince, toujours égarés en l'air, ne remarquèrent point. — Ainsi, continuai-je malgré moi, avec une verve un peu inconsidérée et presque ironique, ainsi, — excepté sans doute quelques Flamands comme Brauwer et Craesbeke, quelques Hollandais comme Adrien Ostade, dont les ivrognes en haillons ne peuvent guère passer pour des héros grecs ou des orateurs romains,—ainsi, les peintres, depuis quatre siècles, et même depuis plus de mille ans, n'ont rien inventé; car, en récapitulant tous vos maîtres plagiaires de l'antiquité, depuis Raphaël-,— et même


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EXCENTRICITÉS ARTISTIQUES. bien; avant lui, —jusqu'à M. Abel de Pujol, il ne reste pas un style qui appartienne en propre à une école moderne ; Ainsi; la civilisation gréco-romaine a présenté ce phénomène, unique dans l'histoire, de réunir tous les caractères divers — et contraires, — que, dans notre naïveté, nous attribuons à des époques et à des pays différents, et au génie particulier des grands hommes : elle a été noble et sublime avec Raphaël, douce et mélancolique avec André, splendide et colorée avec Titien, sobre et austère avec Poussin, exubérante avec Rubens, coquette-avec Boucher, morne et creuse avec M. Abel de Pujol (ici, notre cher professeur, moins placide que l'excellent marquis, me foudroya d'un coup d'oeil académique); mais alors le monde moderne est un pauvre monde, un reflet hypocrite du passé! Ainsi... ainsi... tous ces tableaux sont des peintures antiques?;. — Assurément, dit enfin le noble rêveur qui, sans aucune impatience, m'avait laissé me perdre dans les ainsi et les mais, et s'était contenté d'incliner le front à chacune dé mes apostrophes. Assurément! Que voulez-vous répondre à des faits? Comment détruire l'évidence? On ne saurait éteindre le soleil. Il faut bien en prendre son parti; Le pyrrhonisme n'y peut rien. Ces peintures, antiques et incontestables, ne sont-elles pas décrites, la plupart, dans les auteurs contemporains? Ces toiles ne sont-elles pas d'aloès? Et cette pâte, vivement colorée; n'est-ce pas l'encaustique des anciens? — Ma foi, murmurai-je tout bas après une minute d'étourdissement, il est certain que les modernes ne se sont pas gênés pour représenter toujours des mythologies, des bacchanales et des amours, des héros en casque et en cothurne, des Pâris et des Énée, des faits ou des symboles païens, et pour reproduire.sans cesse dans leurs arts les images de la vie antique. Que cet art-là ait deux mille ans de date, c'est presque vrai... Et:quant à M. Abel de Pujol... — M. Abel de Pujol ne saurait être un plagiaire de Pausanias, interrompit l'académicien en relevant la tête; et M.le marquis me permettra, avant d'acquiescer à ses savantes opinions; de demander à mon collègue de l'Institut où il a eu le bonheur de trouver ce précieux portrait d'Alexandre. Peut-être alors découvrironsnous un nid de peintures grecques immaculées, qu'on aura le soin


EXCENTRICITES ARTISTIQUES. 193 de ne pas barbouiller, et qui feront: la gloire de nos collections nationales. Le prince de Pons cligna imperceptiblement ses yeux gris, et ne parut pas autrement troublé dans ses hallucinations excentriques. Il nous reconduisit jusqu'à la porte de son riche appartement un peu en désordre, avec la même:urbanité de gentilhomme qu'il nous avait montrée au début de notre visite. — Pausanias... Alexandre! — Pujol, et le grand David, des voleurs ! — balbutiait M. X., en descendant l'escalier. — Mais cependant, Pline, c'est une autorité! luidis-je malicieusement. Et l'encaustique, et la toile d'aloès ! Les Romains et lesGrecs, nos maîtres... — Assez, assez, répliqua-t-il vivement quand nous fûmes dans la rue. Ce prince de Pons est le prince des fous, et en rentrant, je vais vous en faire, de mémoire, un portrait qu'on ne prendra jamais, je l'espère, pour un portrait d'Alexandre le Grand. J'avais oublié cette anecdote, dont les détails sont exacts (1), quand, tout récemment, j'ai trouvé, chez un bouquiniste de Londres, une estimable brochure du « prince marquis de Pons et la Chataigneraye, bourgeois de Paris, auteur de plusieurs ouvrages généralement inconnus, toujours étranger à.toutes les sociétés savantes, etc. » Le titre qui précède cette énumération de qualités drôlatiques est un peu long, mais il fait connaître l'homme : « MISCELLANÉES. Lettre macédoinique, numéro 11. Celle-ci, adressée à certains conseillers auliques du Palais dit Palais Royal, à l'occasion d'un nouveau-né; pièce également entrelardée de bribes drôlatiques, généalogiques, poétiques, diplomatiques, juridiques, dynastiques, etc. ; où, cette fois, on pourra lire quelques traits neufs sur l'origine de la maison de Lorraine, aujourd'hui impériale d'Autriche; le tout suivi d'une dissertation critique, très-sérieuse, à rencontre de la fameuse charte d'Alaon, par le (1)Beaucoup d'amateursetd'artistesonteu,commenous,l'occasion devoir,en cetemps-là,lescollections duprincede Pons,et decauseraveclui. Ils se rappellerontsans douteles tableauxmêmesquenousavonsmentionnés, etqui, d'habi: le Lagrenée avecla signatureorigitude,luiservaientà expliquersamonomanie nale,entreautres,et le portraitd'AIexandre,nuet de grandeurnaturelle,par M.Abelde Pujol.


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EXCENTRICITÉS ARTISTIQUES; prince marquis, etc. » —Paris, Dentu, 1841, in-8°de 248 pages (1). Or, cette brochure, antérieure de quelques années àlaconversation rapportée ci-dessus, offre divers passages où l'auteur consigne, avec sa bonne foi insensée, et presque dans les mêmes termes que nous lui avons prêtés, les preuves de sa découverte incomparable. Après l'avoir fait parler selon nos souvenirs, nous le laisserons donc parler lui-même dans son langage macédoinique (2).: ...... Il s'agit d'un fort vieuxtableausoustrait'aux ravagesdu tempset des Hommes. « Presque tous les auteurs qui ont écrit sur la matière nous donnent Margaritone,Cimabuë,le Giottoet quelquesautres, commelès seulspromoteursde la peintureau moyenâge. Àles entendre,il n'y avait eu que ténèbres avant ces maîtres; ce sont eux qui, ouvrantla lice, ont guidé leurs successeursvers une améliorationprogressive, à tel point même que Baldinuccïa été jusqu'à dresser un arbre généalogiquede tous les peintres, à partir de Cimabuë,leur principe. C'estuneerreur. La lumière avait antérieurementbrillé d'un vif éclat; mais la nuit était survenue,de sorte que. la périodesusénoncée fut seulementle crépusculed'un jour nouveau. « Une compositiondé quinzefigures,peinte au blanc d'oeuf,représentant la Mort d'un juste, dans un espace coté jadis, n'en déplaiseaux métrophiles,largeur 47 pouces; hauteur 57 1/2,et qu'on peut voir dans notre collection,qui, du reste, qu'onnous permettede le dire, est presque absolumentempruntéeaux chefsdes écolesitalienne,espagnole,.hollandaise et flamande, sans préjudicede plusieurs nationauxhors de ligne, sert à justifier l'assertion.On y remarque, en effet, un livre ouvert, sur lesdeuxcôtés duquelse trouveune inscriptionlatine, écriteencaractères gothiques,dont, en 1200, nota bene, l'usage était déjà commun,inscription,où, malgré quelquesavaries, il se lit.parfaitementbien, après deux lignespeu distinctes,à gauche: « DEP.ANO1116; » à droite: « ASSIDUA JACOBIS. » Or, cet ouvrage, antérieur de cent vingt-quatreans à la naissancede Cimabuë,et d'environquatre sièclesà celledu papeLéonX, est d'unesi belleordonnance,d'unecouleur si viveencore et si vraie, si correct en ses contours, si remarquable même quant aux détailsanatomi(1) LeprincedePonsa publiédiversopuscules,dumêmegenremacêdoinique. Sousla Restauration, il avaiteuun procèscontremadamedeTourzel,qui luidéniaitsontitre de princeet sa descendance dela famillede Pons..... (2) Pages127-152delabrochurecitée.


EXCENTRICITES 197 ARTISTIQUES. dont habiles n'a sans ques, professeurs pu, étonnement, un de nos reconnaîtrela scrupuleuseexactitude,à la sciencedes.raccourcis, à celle duclair-obscur,et.qui plus est, à l'expressionvariéedes physionomies; l'inestimableRaphaëlouJules Romain,ne l'eussentpas queMichel-Ange, désavoué.Il est permis même d'ajouter que, sans la date, le nom du maîtreet le procédématériel,autre que l'exécutionà l'huile, on pourrait le leur attribuer. Un enfantà genoux,les mainsjointes au-dessusde sa tête,vu par le dos et non drapé, fait principalementillusion. « La conséquencede ceci"est, qu'une admirableécole, née, soit des anciennestraditionsgrecques, soit plus immédiatementde ces ouvrages exécutésavant Constantin, dont les fresques d'Herculanumpeuvent donnerune idée, et nullement,à coupsûr, de ceuxque produisirentces Grecsdégénérésqui parurent en Italie depuis le pape Saint-Sylvestre (année514 de l'ère chrétienne), aurait précédé de beaucoup les essais plus ou moinsinformesdu XIIIesiècle, c'est à savoir les figuresroides, plates,sèches, couronnéesouvêtues d'or et disposéessans nul soucide laperspectiveaérienneou linéaire, le tout assez souventplaqué sur un fondbleu criard, quand le susdit métal n'avait pas eu la préférence. «Notreart, dit judicieusementVasari dans sa préface,n'a pu produire spontanémentdes chefs-d'oeuvre." Par des causes.quenous ignorons, maisauxquellesl'invasiondesbarbaresnefut certainementpas étrangère, elleétaittombéeen oubli, sauf néanmoinsexception. Un des motifs:de cetteréserveest notre convictionacquise,que cet explorateurinfatigable detous les trésors antiques, au point d'en chercherles débris jusque sousdevieuxdécombres,et notammentles thermes ensevelisde Titus , l'aigled'Urbinen un mot, a connu quelque productionde même origine quela nôtre, si tant est que ce ne soit elle, commele peut faire croire la têted'un second enfant vu de face, dont chez lui plusieurs saint Jean offrentles traits et. le galbe. Ce serait un pareil modèle qui l'aurait affranchisi vite des rudiments péruginesques; et pourquoinon, puisqu'ilne fit aucune difficultéd'emprunter:au naïf Masaccio, ainsi qu'à d'autres,ce qui dans leur génie était analogueau sien? Il est du moins incontestable que trois de ses couleurs favorites, savoir le jaune brun, la laque foncée,et surtout le rose un.peu vineuxdont il s'est plu à revêtirtant de célestes madones, sont employéesdans le tableau qui nousoccupe,demême qu'unequatrièmeteinte(lejaune mêlé de rouge), pi, elle,fut affectéepar son alteregoJules Romain.Peut-être en faut-il présumerautant de Léonard et du Corrége, chez lequel se retrouve une partiede ces mêmesnuances, le rose indiqué ci-dessus, par exemple,et 'luilà auraitappris à contracterses figures. «Ajoutons,pour terminercettedigression,quesi untableaudu XIIesiècle doitexciterla surprise, c'est plutôt à cause du faire que par sa date, puisquedes historiensnous en signalentuncertainnombredu XIeVoyez


198 EXCENTRICITES ARTISTIQUES: à cet égard l'ouvragedel'abbé Lanzi, tome Ier, qui, d'abord, cite la collectiondes Papes jusqu'à saint Léon (vesiècle),quece pontife a fait peindresur une des parois de la basiliquede Saint-Paul,(horsdes murs; incendiéeen 1824); ensuitela décorationde l'église,dédiéeà Saint Urbin (1011); enfin quelques moins vastes compositions,savoir, une première, existantà Pesaro, et remontantà l'an 1000; une seconde,ornant les souterrains de l'églised'Aquilée(d'environ1050); puis une troisième d'Orviéto,qui, en l'année1109, était déjà connuesous le.nomde SainleMariePriscal. Il faut observer,toutefois,que l'auteur ne décrivantpas ces peintures, laissedans l'impossibilitéde juger si elles appartenaientà l'écoledont notre Jacobi,complètementignoré d'ailleurs, était certesun digne interprète,oubienà cellede cesGrecsdontil a été parlé ci-dessus. En ce cas-ci plus croyable, la précédenteaul'ait été commeun éclairci de nuages. « Encore un mot sur une autre merveille.Celle-ci, manifestement païenneà nos yeux, représenteune Femme nue (sauf un bout de vêtement),enchaînéeà un rocher, ayant auprès d'elleun agneau, et délivrée par le Temps. Cen'est rien moins, pour les formes et surtout le style grec pur de la tête, que la Vénusde Médicisassise. Le vieillard est un prodigeanatomique.Desoiseauxse voyaientenl'air ; se voyaient,avonsnous dit, attendu qu'il n'en est resté que des ailes, qui, du reste, par leur dimension,semblentappartenirà des aigles. « Que si l'on demandaitcommentil se peut faire, notre réponse à cela serait préalablement,que la figureprincipalequi paraît être l'Innocence, se trouvaitdéguisée en martyre, tenant palme et croix; que le Temps, privé de ses ailes, était devenutel ou-tel Saint, près duquel gisait,un bâton, à la confectionduquel avaitservi la fauxde l'autre,ou, plus exactement,l'espècede faucilleétrange qui formaitson attribut ; que des anges couvraientles oiseaux, etc.; toutes choses offertes,sans doute, durant plusieurssiècles,à la vénérationdes fidèles,et que certain procédénôtre nous a permisd'enleverde manièreà retrouverle dessous,tellementagaUN PEUT-ÊTRE lisé, d'ailleurs, que le fer y mordaità peine.Au fond,C'EST UNZEUXIS, APPOLLODORE, qui, selon Pline, exécutaplusieurs admirables figuresdefemmes; un Pamphile,un Appèlemême,dont les Vénusétaient si justementcélèbres. On aurait encoreà choisir entre Protogène,Aristide, Asclépiodore,Theomnertus,Nicomaque,:Nicophane,Persès, Nicéros, Aristipe,etc., sauf néanmoinsPirrichus. «En attendantl'arrêt des sages, MM.les Pyrrhonienspeuventdouterà leur plaisir; seulementlorsqu'ils auront vu, nous jetterons auvent quelques paroles, savoirentre autres : «Le tableaupeinten certainefaçond'encaustique,ne l'est guèrequ'avec trois teintes (blanc, noir et rouge); mais voyezles anciensauteurs. —Il est sur toile de lin ; mais rappelez-vousles vêtementsdes lévites,les


EXCENTRICITÉS 199 ARTISTIQUES. des et leur de toile peintes momies, multipleentourage bandelettes quelquefoissi belle,bien qu'un peu rousse, qu'on en userait aujourd'hui. — PEINTURE ! Eh ! notamment,lesNocesAldobrandines, USEANTIQUE GRECQUE s'ilvousplaît?— Les Iconoclastesont faitune rude guerre aux images; lesnéophilesont anéanti beaucoupde faux dieux; mais ne sait-on pas quediverschefs-d'oeuvrepaïens ont évitéle sort commun, grâce à leur transformation chrétienne,et que le Panthéon, par exemple,n'existerait à cette plus heure, s'il n'était devenubasilique, etc., etc.? » F. DEFONTAINE.


ÉPITAPHES

DES ARTISTES

DANSLES ANCIENNESÉGLISESDE PARIS.

Il est étonnant qu'on n'ait pas encore songé à rassembler les épitaphes des anciens artistes, comme les meilleurs éléments de leur histoire. Piganiol de la Force a bien publié, dans sa Description historique de la ville de Paris, un grand nombre d'épitaphes curieuses, qui n'existent plus aujourd'hui que dans son ouvrage; mais, parmi ces épitaphes sauvées ainsi de la destruction et de l'oubli, à peine si l'on en trouve quatre ou cinq appartenant à des artistes! Piganiol indique pourtant avec quelque soin les sépultures des principaux artistes dans les différentes églises de Paris. Ces sépultures ont disparu la plupart ; les églises elles-mêmes, qui les renfermaient, n'ont pas été toutes épargnées par la Révolution de 89, et il faut maintenant rechercher, dans les anciens recueils d'épitaphes, celles qui portent des noms d'artistes peintres, sculpteurs ou architectes. Malheureusement, une foule d'artistes célèbres ou distingués sont morts pauvres ou obscurs, sans obtenir l'honneur d'une inscription tumulaire. Nous avons feuilleté rapidement, dans ce but de recherche, les recueils d'épitaphes, que possède la Bibliothèque impériale, et notamment le plus vaste répertoire de cette espèce, que le savant Jean Le Laboureur avait commencé au XVIIesiècle, pour ses travaux généalogiques. Ce précieux manuscrit, qui avait été continué jusqu'au milieu du dernier siècle, par différentes mains, a perdu, en 1790, la moitié de ses volumes, brûlés en auto-da-fésur la place Vendôme. Ceux qui restent, au nombre de 16 in-folios,provenant du fonds Clerambault, sont inscrits sous le n° 5024 du Supplément français. Une partie du manuscrit est à peu près illisible, à cause du système d'abréviations, inventé par le principal collecteur d'épitaphes. On pourra donc faire encore, après nous, bien des découvertes importantes dans celte immense collection, que nous avons seulement parcourue, et qui mériterait d'être pu-


ÉPITAPHESDESARTISTES. 201 bliéetout entière sous les auspices de quelque société savante. L'extrait que nous en donnons ici, montrera sans doute l'utilité de cettepublication, au point de vue de l'histoire générale et particulière. Nousavons classé les épitaphes, sous les noms des églises, des chapellesou des cimetières, où elles se lisaient autrefois; ajoutant çàet là quelques courtes notes qui complètent ou éclaircissent les renseignementsfournis par ces épitaphes, entre lesquelles on retrouveratoutes celles que Piganiol de la Force a fait entrer dans saDescriptionhistorique de Paris. A SAINT-GERVAIS. TOMBE DANS LANEF: Alamémoiredes amesde PIERRE CHAMBEGES , maistre des oeuvresde et pavementde cestevillede Paris, qui decedale 19ejour de maçonnerie juing1544(1). femmedudit Pierre Chambeges,qui decedale JACQUELINE LAURENS, 3ejourdejuing 15... GUILLAUME maistredesoeuvresde maçonnerieet pavementde GUILLAIN, cestevillede Paris, qui decedale PERRETTE femmedud. Guillain,qui decedaau moisde sepCHAMBEGES, tembre 1549. PIERRE flls dudit Guillaume,aussy maistre des oeuvresde GUILLAIN, et pavementde ceste ville de Paris, qui decedale maçonnerie GILETTE DELAFONTAINE, femmedud. Pierre Guillain, qui deceda le 15ejour de fevrier 1558, le an de son aage et le commencementdu de son mariage. vingtiesme 'PriezDieupour eux.

(1)D'aprèslesComptes dudomaine delaprévôtéde Paris, avantlaSaint-JeanBaptiste del'aimée1559,Sauval(HistoiredeParis,t. III, p.621)dit: «Me.Pierre maistredesoeuvres duroiau bailliage deSenlis,pourlesformesetporChambiges, tailsqueleRoia commandé luifairedecertainsbastiments, queleditSeigneurenlaidet délibère édifieren sonHôteletenvironsde Neslesà Paris,pourlafondationduCollége destroisLangues.» DanslesArchives de l'Aube,p. 510à 512,M.Valhistoriquesdudépartement Ietde Virivilleciteun dontle prénométaitMartin,qui a travaillé CAMBICHE, de Beauvais, de et, plustard,au portaildelacathédrale vers1489à la cathédrale Troyes.


202

EPITAPHESDESARTISTES. TOMDE DANS LANEF:

DUPUYS , vivant maistrevitrierà Cy gist honnorablehommeCLAUDE Paris et vitrier des bastimens du Roy, lequel trepassa le 25e jour d'avril1599. Priez Dieupour les Trepassez.

DANS LACHAPELLE DUNOM DEJESUS : JACQUET Cygist soubs cette tombehonnorablehommeJEAN (1), vivant maistremassonet bourgeoisde Paris et massonde l'Eglisede céans, qui decedale12ede juillet 1605.

TOMBE DEGUILLAUME MARCHAND, ARCHITECTE (2): « Il est représentéen buste sur son épitaphe,qui est contrele murde la chapelleSainte-Barbe,fort bien élabouréde marbre. » D. O. M. MARCHANDO GUILLELMO (5).,viro celeberrimo,parentioptimo,architecte vere regio,qui duoeximiaoperaadmirabiliingenioinchoavit,S. Germani regiamet pontemparisinumquemvocantNovum,quaene absolveretpraepedivit.magnadies, quaeei injecit manus, diu jam laboranti inexhausto hydrope,die mensisoctobrisanno cioiociv, Nicolea,conjuxrarissima,Guillelmus,Ludovicus,Andreas, Joannes,

(1) SuivantSauval(t.I, p. 455),lesfrèresJacquetplacèrent«deschefs-d'oeude vre très-estimés » danscette église,notamment la clefpendantedela chapelle la Vierge,qui formeunecouronneen pierrede près dedeuxmètresdediamètre surundesaillie. Dansle Catalogue desarchives Joursanvault. n°828,année1602,onlit: «MathieuJacquet,dit deGrenoble,sculpteurordinairedu roiet gardedesesantidansdu tablesdemarbre(troisbas-reliefs), enchassées quités,faittrois.petites, dela Reine.» bois,pourla chapelle (2) Il portaitdansses armeslesinsignesde sa profession,savoir.uncompas d'argentpassédansunecouronnedelauriersd'oren champd'azur, aucroissant d'argenten pointe. archi(3) Dulaure,danssonHistoiredeParis, a confondu Guillaume Marchand, tectedu Pont-Neuf,avecunautrearchitectenomméCharlesMarchand, quiconstruisaitaussidespontsà la mêmeépoqueet quiétait sansdoutedela même famille.


"ARTISTES. 203 EPITAPHESDES filiiamantissimi,Monumentumhoc tot meritis longè minus moestissimip. p. Molliterossa quiescant.

A SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS. TOMBE DEPIERRE DEMONTEREAU ETDESAFEMME (1): FIos plenusmorum, vivensdoctorlatomorum Istius Ecclesiae,Regis, SanctaequeMariae,, Musterulonatus, jacet hicPetrus tumulatus, Quemrex coelorumperducat in alta polorum. Christi milleno,bis centenoduodeno, Cumquinquagenoquarto decessitin anno. Ici gist ANNÈS, fammejadis feumestre Pierre de Montereul. Priez Dieupour l'amed'elle.

A SAINT-PAUL. vivantmaistredes oeuCygist honnorablehommeAUGUSTIN GUILLAIN, vres, gardéet ayant charge des fontainesde la ville de Paris, juré du Roydesoeuvresde massonnerie,lequel decedale 6e jour de juin, jour de S. Claude,1656. P. D. P. L.

Sepulturede M.JACQUES GABRIEL (2), architecte,ancienmarguillierde decedéle22eaoust 1697,agéde 60ans, et dedelleANNE FONcetteparoisse, veuvedudit sr Gabriel, decedéele8e avril 1712, agéede71ans. TAINE, (1)Cegrandarchitecte,qu'onasouventconfondu avecsoncontemporain Eudes deMontreuil, a construitla Sainte-Chapelle de Paris, ainsique la Chapellede dansle closde l'abbayede Saint-Germain-des-Prés. Il étaitrepréNotre-Dame, sursatombe,tenantd'unemainunerègleet del'autreuncompas. senté, Voyezsa notice danslesViesdesartistesancienset modernes, parEmericDavid,quia publiécetteépitaphe, qu'ontrouveaussidansPiganiol(t. VIIIdelaDescr.deParis). (2)Piganiolparle souventde cet architectedu roi. (Descr.de Paris, t. II, t. IV,p. 396; t. VII,p. 276";t. VIII,p. 313.)Lesbiographies datent p. 40,384; samort,del'année1686.


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EPITAPHESDESARTISTES. PRÈS DELACHAPELLE DELACOMMUNION, MAUSOLÉE DEJULES-HARDOUIN ARCHITECTE : MANSART, D. O. M. HicJacet JULIUS HARDOUIN MANSART, CornesSagonensis, Regii ordinis eques, summuspraefectus, Regiorumaedificiorum Quibustitulis auctus A LudovicoMagnoquammerito Fuerit docebuntposteras illustria toto Regnotam publicaquamprivata Architecturesmonumenta. VixitannosLXIII , Obiit die maii Annosalutis MDCC. VIII(1).

D. O. M.

Cy gisent MeCLAUDE THEVENOT, entrepreneur des batimensde cette son ville, decedéle 22e janvier 1665, et de MAGDELAINE CHARPENTIER, épouse,decedéele 6e decembre1649. S. PIERRE leur fils, architecteet entrepreneurdesbatimens THEVENOT, du Roy,ancienmarguillierde cette eglise, decedéle 5emay 1702,quia fondéun annuelà perpetuitépour luy et ses ancêtres. De MARIE entreleur fille, veuve du sr MICHEL THEVENOT, BAILBIEN, preneur des batimensdu Roy, decedéle 25ejuillet 1709. Delle ANNE leur fille,premierefemmedusieurGERARD MARCOU THEVENOT, architecte et entrepreneur des batimens duRoy, decedéele 10eoctobre 1680. DeIle CATHERINE leur fille, decedéele 11emay1710, veuvede THEVENOT, MeFRANÇOIS DELAPLACE, bourgeoisde Paris, dont le corps reposeaussi cy dessousavecceuxdes srsPierre etLouis de la Place, leurs enfants. DelleANNE filledes susd. MichelBailbienet MarieThevenot, BAILBIEN, femmede chambrede Mmela duchessede Bourgogne,decedéele5edecembre1705. RENÉDELAPLACE,entrepreneur des.batimensdu Royet FRANÇOIS marguillier de cette eglise, fils du sr François de la Place et de dame étaitle (1) Publ.parPiganiol(Descr.deParis,t. IV,p. 170).Surle monument médaillon en marbre,sculptéparCoysevox. (Revueuniv.desArts, n°1, p. 47.)


EPITAPHESDESARTISTES. 205 CatherineThevenot,par reconnaissancepour ses ancêtres, a fait poser cetteépitapheen demandantpour eux le repos eternel, ce'20enovembre1712. Requiescantin pace.

AUCIMETIÈRE SAINT-PAUL. SOUS LECHARNIER : ditDECHASTRE, Cygist JACQUES BARBEL, sergent d'armes,vivantcharpentierdu Roy N. S. pour son royaulme,qui trespassa le mardy 14ejour denovembre1582. Priez Dieupour l'amede luy.

BIARD Icygist PIERRE (1) Parisien, en son vivantmaistre sculpteur et architecte,lequelagé de 50'ans est trepassé le 17ejour de septembreen l'an1609. Priez Dieupour soname. Sculpteur, peintre, architecte, en monvivantje fus, Digne,s'il en fut onc, d'un secondAlexandre: Paris futmonberceau; ma paroisse, macendre: Et le ciel, monesprit, qui mel'avoitinfus. Le Demonde Natureeut peur d'estre confus En voyantmoncourage à sa gloirepretendre; Il abordela Mort,il la forceà me prendre. « Volontiers!ce dit-elle; il n'est pas de refus. » (1) Cetartisteétaitlefilsde NoëlBiard,undesmaîtresmenuisiers chargésde l'ornementation enboisdela chambredeparadede HenriII, au Louvre,sousla direction dePierreLescot.PierreBiardétaitélèvede Michel-Ange : il a gravéà l'eàu-forte plusieurspiècesd'aprèscemaître. Alafaçadedel'hôteldevillede Paris,au-dessus dela porteprincipale, onvoyait ungrandbas-reliefen plombbronzé,représentant HenriIVà cheval,accompagné dedeuxfigures.Lefondde cebas-reliefétaitunmarbrenoir.Cetouvrageavait étécommandé vers 1604par Miron,prévôtdesmarchands.Le feu, misà cette portele4 juillet1652,endommagea lesjambesducheval;Biardfils,portantaussi leprénom de Pierre,tentadeles réparerà cetteépoque,maissanssuccèspour l'oeuvre de sonpère. Sauvai(Hist.de Paris, t. Ier,p. 407)lui attribue,comme architecte, lejubéde l'église Saint-Étienne-du-Mont. 14-


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EPITAPHESDESARTISTES. Ellemetire donchors des gerbes charnelles, Pour estre citoyendesvilles eternelles Oùle sang de Jesus mefit avoirunlieu : Je travailleraislà selonmon ordinaire, Si tout ce qui ressent l'inconstancelunaire Ne me desplaisoitpoint autant que me plaist Dieu. Aprèsavoirveu Rome, en Franceje revins Pour faire ma fortuneavecquesmon ouvrage: Mais son ingratitudeabbaissamon courage: Tous biens aux ignorans,rien aux hommesdivins(1).

A SAINT-NICOLAS-DES-CHAMPS. TOMBE PRÈS DUCHOEUR : en son vivantconcierge Cygist honnorablehommeROBERT MARQUELET, et garde des meublesdu Roy en son palais des Thuilerieset juré dud. seigneuren l'officede massonnerie,et bourgeois de Paris, qui deceda le mercredy20eavril1625. Son épitaphe, devant la tombe, à un des piliers du choeur : À l'eternellememoiredeROBERT MARQUELET, conciergeet garde-meubles des Thuilleries,maistre juré massondesbastimensdu Roy. RobertMarqueletgist soubsce froitmonument: Ce qui estoit mortel y est tant seulement; Non,l'esprit tout divin,qui n'estoit pointterrestre, Est remontéaux cieux d'où il prenoit son estre. Assisté de la foy, en l'egliseil nasquit, Par son art à Paris un bonbruit il acquit, Oùil fut recognupour un bourgeoisnotable: Aux bastimensdu Royil eut charge honnorable: Tousjourshommede bienun chascun l'esprouva: A cinquante.deuxans sa vie il acheva; Lorsquepour le publicil cuidoit s'entremettre, Du rooledesvivansla Mortle vint demettre, Par un triste accident qui tomba sur son chef: Passant, prie pour luy et pleure son meschef. Il mourut le mercredy,20e d'apvril1623. Priez Dieupourluy. (1) Publ.parSauvaiet.parPiganiol(Hist.de Paris, t. IV,p. 162).


ÉPITAPHESDES ARTISTES.

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TOMBE LANEF: DANS enson vivant maisCygist honnorablehommeBARTHELEMY BEAULIEU, tre massonet bourgeoisde Paris, qui trepassale mercredy1erjour d'octobre1572. TOMBE ACOTÉ DUCHOEUR : Cydessous reposent les corps de honnorablehommeLOUISLERAMBERT (1), en sonvivantgarde-marbredu Roy et bourgeoisde Paris, qui decedaagé de 76 ans, le 12ejour d'aoust 1614, etMAGDELENE MAILLARD, safemme,agéede 64 ans, decedéele 21septembre1610.NICOLAS LERAMleur fils, agé de 29 ans, decedéle 22ejour de juin 1616. BERT, Et au milieu de la tombe est écrit : LERAMBERT, vivantsculpteur et Cygist honnorable hommeGERMAIN peintreet bourgeois de Paris, lequel decedaaagé de 48 ans le mardy 15ejour d'aoust 1619 et a chargé sa vefvede faire poser ceste tombe à sesdespenspour la memoirede ses ayeuls et de leur posterité. Et laditevefveMARGUERITTE DESt MARTIN, son espouse, regrettant sonmary,estdecedéele.... Reposeternel donne-leur,Seigneur, et lumiere perpetuelleluise sur eulx! Aïnsysoit-il. A SAINT-EUSTACHE. AUBAS DELANEF,CONTRE UNMUR, TOMBE ENMARBRE NOIR ETENPIERRE, AVEC PEINT DANS UN BUSTE MÉDAILLON, DE BARTHELEMY SCULPTEUR DUROY (2): TREMBLAY, Louvresmedonna l'estre, et Paris, mafortune. J'ay l'honneur d'estre au Roy : S. Eustache a mes os. de payementdatéeduS décembre1567,signée: Bo(1)Sur uneordonnance Primaticcio logne (Francesco *),il recevait45livrestournoispouravoir«vacqué ettailléplusieurs etautrespiècesdemarbre,poursercolonnes, bases,chapiteaux virà la sépulturedufeuroyHenryII dernierdécédé,pendantlesmoisdedécern»Archives del'Art français,t. II, p. 196. bre,janvieret février1566-1367. *MeFrançois ou Francisque Primadicis de Boullongne de , abbéde Saint-Martin et superintendant desbastimens deSaMajesté : c'estainsique Troyes, aulmosnier danslescomptes desbâtiments qualifié. royauxilestordinairement En des tapisseries,le (2) 1597, HenriIV, en établissantla Manufacture


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EPITAPHESDES ARTISTES. Passant, au nom de Dieu,si je ne t'importune, Durant ce mien sommeilpriepour monrepos. Il decedale15aoust1629, l'an 61de sonage. (Cygist ) GISSEY (1), le gendre DuditTREMBLAY, qui d'amourtendre Mitce monumentence lieu : Il eutmesmeet pareil office, L'honneurderendre au Royservice. Pour l'un et l'autre priez Dieu. Ledit Gisseyestinhuméau mesmelieuet decedal'an 1641. Priez Dieupour eux.

CONTRE LEPILIER DELA2eCHAPELLE AGAUCHE, ÉPITAPHE SUR PIERRE ETMARBRE NOIR : vivantjuré Cy devantgist le corps d'honnorablehommeCHARLES DAVID, du Roy es oeuvresde maçonnerie,doyendes jurés et bourgeoisde Paris, architecteet conducteurdu bastiment de l'eglisede ceans, lequelapres avoirvescu avecAnneLe Mercier,sa femme,l'espacede 55 ans, il deceda le 4ejour de decembre1650, agé de 98 ans. LaditeANNE LEMERCIER, femmedudit David,est decedéele Priez Dieupour leursames. Au-dessous,une tête de mort, couronnéede lauriers et accompagnée d'ailes. AUCIMETIÈRE SAINT-SAUVEUR. D. O. M. Cy gist PIERRE BREAU, qui par son industrie Fut jadis employéaux ouvragesroyaulx, nomma,avecToussaintDuBreuil,sonbeau-père,poury dessinertouslescartons quele directeurLaurenty devaitfaireexécuter. Sesarmesétaientd'argentà unolivierdesinope,auchefd'azurà troisécussons d'argent. (1) Onnesaitpas sonprénom.IlétaitpèredeHenrideGissey,peintreetdesa sinateurpourlesballetsduroi. Voy.la curieusenoticeque M.de Montaiglon publiéesurcetartistepeuconnu(in-8°de28 pages,1854).


EPITAPHESDESARTISTES. Et excelloitaussy en la maçonnerie: C'est pourquoyil reluit entre tous les Breaulx. Crois-tu qu'il soit entierau creuxde cettelame, N'ayant laisséde soy que des os seullement? Non, sa gloire esten terre, et dans le cielson âme, Si, pour vivre content,l'a eternellement.

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Il decedale 8ejanvier 1607. Arreste-toy,passant, je suis ANNE BREAU, Qui à mes chers enfansrecommandemourante Dresser à mamemoireun modestetombeau, Où je ne suis pas, moy, entière demeurante, Cartout ce que tu vois, ce n'est tant seullement Que le lieu où reposeun tant soit peu de poudre : Maisc'estdedans leur coeur, où est mon monument, Que l'injure du temps ne me pourra dissoudre. Elledecedale18eoctobre1617. Cesteépitaphea esté faite et donnéepar moy, Arnoult Roze, fils.de lad.défunte, en l'année 1621. Priez Dieu pourleursames.

AUSAINT-SÉPULCRE (rueSaint-Denis). DANS LACHAPELLE DESAINT-PIERRE ETSAINT-PAUL, DITE desPeintres(1), ONLISAIT SUR UNE DEMARBRE PLAQUE NOIR, : DERRIÈRE LEGRAND AUTEL Dansla mesmechapellea esté inhuméau costé de l'autel, honnorable ROCH VOISIN , en son vivant maistre paintre sculpteur et bourgeois de Paris,qui trespassa l'an 1640après Pasque le .. jour de...

(1)Fondéepar Guillaume de Paris, mortle Coignart,mercieret bourgeois 21juillet1590et inhumédanscettechapelleavecsa femmeJehanne,morte le22juillet1417;l'unet l'autre peintssur lemur, ainsi queleurs enfants,dont lesnomsétaientécritsaubas de leurtombeforméed'unepierreplate: Anelat,. Jehanin, Anelat,Perrette,Jacquetot,Perrin,Richartet Jehannette.


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ÉPITAPHESDES ARTISTES. A SAINT-MERRY. TOMBE DANS LA NEF:

GUILLAIN Cygist honnorableNICOLAS (1), en son vivantmaistre sculpDELATTE, teur à Paris, et sa femmeJEANNE sage femme,decedéele6 juin 1626, et ledit Guillain, le 20e may 1659. Ensemble repose honnorable sa 2efemmedecedée.,. femmeFRANÇOISE MOREAU, Cambray(2) a basty ce tombeau Auxos de sa chere lignee : Il en bastira un plus beau Dansle roc de son amitié,

A SAINT-JEAN-EN-GRÈVE. DUMONSTIER Cy gist ESTIENNE (5), noble rare et excellenten son art: il estoit peintre et valet de chambreordinairedes Roys HenryII, FrançoisII, Charles IX et HenriIII, et de la grandeRoyneCatherinede Medicis etdu Roy d'à present, depuisl'espacede 50ans et plus jusquesàla fin deson aagequi fut le25ejour d'octobre1605,aagéde 65ans. Amen(4). PriezDieupour son ame.

AUXBILLETTES. TOMBE DANS LACHAPELLE DEMADAME CORBINELLI : DELACOURTILLE, Cygist SIMON charpentierjuré pour le Roynostre sire le Roy et bourgeoisde Paris, qui trespassa l'an 1548le 8°jour d'apvril. (1) Ilavaitété lemaîtrede SimonGuillain,sonfils, et de JacquesSarrazin, célèbresculpteur. Il était,selonSauval(t. Ier,p. 445),l'auteurdutombeau placédansla chapelle delafamillede Castille,à l'églisedes Minimes à Paris. Sesarmesétaientd'azur,à unefleurde lys d'orentretroismaclesd'argent. étaitle surnomdeNicolasGuillain. (2) Cambray DuMoustier,ouDuMonstier (3) Il étaitfilsaînéde Geoffroy ; lesecondfilsde cedernierse nommait Pierre,et le plusjeune,Cosme,pèredeDaniel; ainsinotre Estienneétaitl'oncledececélèbrepeintreDanielDuMoustier. (4) Publ.par M.PaulinParis, dansles notesdu tomeIII de sonéditiondes Historiettes deTallemantdes Réaux,et parM.de Laborde,dansla Renaissance desarts à la courdeFrance,t. Ier,2epart., p. 788.


EPITAPHESDES ARTISTES.

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AUCIMETIÈRE DESSAINTS-INNOCENTS. CONTRE LATOUR DEL'ÉGLISE, ÉPITAPHE DEMARBRE : DEVERDUN Cy devantgist maistreJEHAN (1), luy vivantclercd'oeuvres etbastimensdu RoyN. S., thresorieret payeur des oeuvreset bastimens dela Roynemere du RoiN. S. Catherinede.Medicis,de ses palais et jardindesThuillerieslez Louvreet autres lieux de S. M., greffierdes jurés massonscharpentierset prudhommesde cetteville, decedéen l'aage de 70ans, le 15de septembre1548, et dameYSABEAU sa femme, LOYSEAU, decedéele7 de mars 158... Priez Dieupour leursames.

CONTRE LAPORTE VA AUX SOUS LECHARNIER, QUI HALLES, VIEUX TABLEAU AU BAS EST ÉCRIT : DUQUEL DUCHEMIN, vivantgeneralet Cygist honnorablehommemaistre JEHAN maistredes oeuvresde massonneriedu Roy nostre sire, qui decedalevendredy1erjour de may l'an 1468. CygistPERRETTE, jadis femmedudit maistreJehan duChemin,laquelle le dimanche50eet trepassa penultiesmejour de janvier l'an 1462.

A L'AVE-MARIA. DANS LANEF: dit l'ITALIEN, architecte Cygist noblehommemaistre PIERRE PAULLE, duRoy nostre sire, valet de chambreordinaire dudit sire, controlleur desesbastimens et son conciergede ses chasteauxde Fontainebleau, Moulinset Bourbon-l'Archambault,qui decedale 28ede decembre1657. Priez Dieupour son ame.

(1)Sesarmesétaientd'azurà la fasced'or, avectroisrosesdegueules,accomenchefdecroissantd'argentet dechevrond'oren pointe. pagnée


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EPITAPHESDES ARTISTES. A SAINT-NICOLAS DUCHARDONNET. DANS LACHAPELLE DESAlNT-CHARLES, LEPEINTRE LEBRUN QUE AVAIT FAIT DÉCORER POUR LASÉPULTURE DESAMÈRE, MAUSOLÉE DELERRUN, AVEC SON BUSTE ENMARBRE, AUBAS D'UNE PYRAMIDE :

Sur le piédestal de cette pyramide, on lit cette inscription : A la mémoirede CHARLES LEBRUN, Écuyer, sieur de Thionville,premier Peintre du Roi, Directeurdes Manufacturesroyales des Gobelins,Directeur-Chancelierde l'Académie royale de Peintureet Sculpture. Son génie vasteet supérieurle mit, en peu de temps, au dessusdetous les peintres deson siècle.Cefutlui qui formalacélèbreAcadémiede Peinture et de Sculpture, que Louis le, Granda depuishonoréede sa royale protection,qui a fourni des Peintres et des Sculpteurs à toute l'Europe, où elle a toujours tenu le premierrang. L'Académiedu Desseinde cette superbe.Rome, qui avait eu jusqu'à présentl'avantagedes beaux-artssur touteslesautresNations,lereconnut pour son Princeen 1676et en 1677.Cesontses desseinsquiontrépandule bon goût dans tous les Arts; et soussa direction,les.fameusesManufactures des Gobelinsont fourniles plus précieuxmeubleset les plus magnifiquesornemensdes MaisonsRoyales. Pour marqueéternellede son mérite,Louisle Grandlefit son premier peintre, lui donnades lettres authentiques de noblesse,et le comblade ses bienfaits. Il est né à Paris le 22de mars 1619, et y est mort, dansle sein de la piété, le 12 de février1690. SUZANNE sa veuve,après avoir élevéà son illustre époux ce BUTAY, monumentde son estimeet de sa reconnoissance,l'a rejointdansle tombeau, le 26 de juin 1699 (1).

decetteépitaphe,onlit uneinscription (1)Au-dessous relativeàunefondation pieusefaitepardameSuzanneButay,veuvedeLebrun.Lesdeuxinscriptions sont publ.parPiganiol(Descr.de Paris, t. V,p. 325). Cetombeau,quiavaitété transportéauMuséedesMonuments français,estréintégrédanscetteéglise,à sonancienne place,depuis1820.


EPITAPHESDESARTISTES.

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A SAINT-LANDRY. AU-DESSOUS DUTOMBEAU DEGIRARDON (1), SUR UNCARTOUCHE, : ONLISAIT Sous ce marbre Oùest représentéle grand Mystère DeNotre Salut, Repose,en attendantla Résurrection, DemoiselleCATHERINE Du CHEMIN (2), GIRARDON Epouse de FRANÇOIS (5), Sculpteur ordinairedu Roi, Chancelier-Recteurde l'Académie Royale de Peintureet de Sculpture. Ellemourut le 21 septembre1690. Et lesieur Girardon, voulantconsacrerà Jésus-Christ tout ce 'qu'ilpeut avoir acquis d'intelligence, et de lumieresdans son art, a faitet donnéà l'Eglisede S. Landry cet ouvrage, au piedduquel il repose du premierseptembre1715. Plus bas, on lisait cette inscription : Ala plus grandegloire de Dieu. Le sieur Girardon a fondé a été démolie,toutela marbreriedecemo(1)En 1792,l'égliseSaint-Landry nument brisée,et lesossements jetésauxgravats,malgréles pressantesréclamationsd'Alexandre LeNoir.Lesstatuesreprésentaient Jésus-Christ descendu dela etlasainteViergeoffrantsonfilsmorta Dieule Père.QuatreangesentouCroix, raientla croix,au piedde laquelleunautreangeétaitassis. Cemonument estrestéauMuséedesMonuments françaisjusqu'en1817; aulesprincipales statuessontplacéesdansl'égliseSainte-Marguerite, jourd'hui, paroisse dufaubourg Saint-Antoine àParis. (2)Peintrede fleurs, nommée académicienne le 14avril1605.Aprèssonmariage,elleabandonna la peinturepournes'occuper quedesesaffairesdomestiques etdel'éducation desesenfants.Elleétaitnéeen1629. (5)Néà Troyes,le17mars1628.


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ÉPITAPHESDESARTISTES. en cette Eglisesix Messes hautes par chacunan. La premièrele premier Vendredi d'après le jour des Cendres, etles cinq autres le Vendredide chacune des semaines suivantes à perpétuité avecle Liberaet le Deprofundis, Au pied de ce monument,aux intentions, conditions et rétributions, marquéesau contrat de cette Fondationpassé pardevant MeDoyenle jeune et son Confrère,Notaires, le 17avril 1706 (1).

(1) Publ.parPiganiol(Desc.deParis,t. Ier,p.425). PAULLACROIX JACOB). (BIBLIOPHILE (Lasuiteà unautrenuméro.)


EXHIBITION

D'EAUX-FORTES

DE REMBRANDT,D'ADRIENVAN OSTADE,ETC., AUCERCLE ARTISTIQUE ETLITTÉRAIRE DEBRUXELLES.

Dans l'intention de vulgariser le goût et la connaissance des arts, M. Alvin, directeur de la Bibliothèque royale, a eu l'excellenteidée d'exhiber, au Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, plusieurs séries d'eaux-fortes hollandaises et flamandes, et de donneren même temps des explications sur les grands maîtres quiont produit ces chefs-d'oeuvre. Or, ces simples commentaires, faits dans deux séances successives, se trouvent être de savantes études,que nous sommes très-heureux de publier ici. La première séance était consacrée à Rembrandt, la seconde à Adrien Van Ostade, Corneille Bega, Teniers, Thomas Wyck, Jean Both, etc. EL Alvin fait espérer qu'il reprendra, vers le moisd'octobre, ces intéressantes lectures, pour exposer dans un ordre méthodique l'histoire de la gravure depuis son origine. En attendant, voici les deux discours prononcés par M. Alvin : Premièreséance. — 4 mai 1855. Je veuxtenter, ce soir, une épreuvequi n'a point de précédent,queje sache,dont il m'est difficiled'apprécierd'avanceles chancesde succès, et sur l'utilité de laquelle je désire m'en rapporter à votre jugement éclairé. Les principalescapitales de l'Europe possèdent des collectionsd'estampes,plus ou moinsaccessiblesau public; il en est qui rendentaux arts et à l'industrie d'importantsservices, grâce auxexcellentesdispositionsdeslocauxoù ellessont conservées.Malheureusement, ces mêmes commodités ne se rencontrent point chez nous. Bruxelles a son cabinet d'estampes,qui fait partiede la Bibliothèqueroyale;mais, n'hésitons pas aen convenir,il n'approchepoint des célèbresdépôts de Paris, de Londres, de Vienne,d'Amsterdamet de Dresde; il soutiendraità peine la comparaisonaveccertainescollectionsparticulières.Tel qu'il est cepen-


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EXHIBITION D'EAUX-FORTES. il être et s'il ne l'a guère été jusqu'à ce jour, c'est dant, pourrait utile, quel'espacenous manquepour développernos richesseset pour installer commodémentle publicqui voudraitles étudier. Ne pouvantespérer devoir cette situation changer prochainement,j'ai cherchéle moyend'y remédier,en demandantau gouvernementl'autorisation de transporter successivementquelquesparties de nos estampes dans cette bellesalle du Cercle, et de les mettre sous les yeux des nombreux artistes ainsi que des gens du mondeauxquels elle est si libéralement ouverte. L'honorable ministre, M. Piercot, a favorablement, accueillimon idée, et l'administrationdu Cercle s'est empressée de me procurer les moyensdefairel'exhibitionprojetée,sans que les objetsprécieuxsoient exposésau moindrerisque. J'ai choisi, pour cette séance d'essai,l'OEuvrede Rembrandt, parce qu'il m'aparu que lenomde ce grandpeintreserait par lui-mêmeun puissant attrait. En effet,ainsi que l'a dit, dans des notesintimes qui n'ont vule jour qu'après sa mort, un artiste belge, notre compatrioteHenri Decaisne: « Rembrandtest le génie le plus profondémentoriginalqui ait illustré « les arts. Presque toujours un grand hommeest préparé par ceuxquile « précèdent. Raphaël a été produit par Fra Bartholomeo,Léonardde « Vinciet Michel-Ange.Rubens est tout entier dans OttoVenius, dans « VanBaelenetdansPaul Véronèse.Maisquelshommesont préparéRem" brandt? Quel est son maître? De qui tient-il cette merveilleusepuis" sancedu clair-obscur, cetteadmirablepoésiede couleur, ces procédés « de gravureà l'eau-forte,si parfaits que personne,depuis, n'a pu seule« ment arriver au mêmerésultat matériel! Pour tout cela pas un aide, « pas un secours : il a tout trouvé, tout inventé. « La nature lui donnaces leçonsque le génie seul comprend,et tandis « que Rubenséblouissaitle mondede sa paletteétincelante,Rembrandt, « élevédans un moulin obscur, comprit, dès son enfance, la puissance « du mystèreet de l'ombre. « Pour le vulgaire, Rembrandtest un peintre grossier, de mauvais « genre,faisantdes tableauxtout noirs avecun point blancau milieu,des « coups de pistolets dansune cave, commedisent les habiles, ou bien « encore,mettant une tête tout entièredansla demi-teinte,pour éclairer « seulementun nez gros et rouge, qu'il empâteau point de le faire saillir « sur la toile commesur la nature. Pour nous qui croyonsle comprendre, « Rembrandtest l'artiste le plus peintreet le plus poëte qui ait existé: « car aucun n'a compris commelui ce qui est l'essencede la peinture, « ce qui la distingue de la sculpture, sa soeur: la couleur, la lumièreet « l'ombre; personnen'ausé de cela avecle mêmebonheur, aveclemême « génie,personneautant que lui n'ena usé de manièreà tout grandir,à « tout idéaliser, mêmedes formesparfoiscommunes.Qui donccompose


EXHIBITION D'EAUX-FORTES. 217 « d'un plus grand style? Qui trouve une pantomimeplus expressiveet « plus vraie?et surtout, qui modèlecommelui ? (1). Il n'est certainementpersonnedans cette salle, qui n'ait vu quelques tableauxde Rembrandt; mais qui pourrait affirmerqu'il les a vus tous ? Il estmêmerare qu'on en ait vu un très-grandnombre,à moinsd'avoir beaucoupvoyagé; car les productionsde ce magiquepinceausont disséminéesdans l'Europe entière, et les plus riches galeries n'en comptent jamaisquequelques-unes. Il n'est donc pas aussi aisé qu'on pourrait se l'imaginer, de se former uneidée juste et complètedu génie de Rembrandt.Un des moyens les meilleursd'en pénétrerle caractère,c'est del'étudierdansses eaux-fortes, lorsqu'ona la bonnefortune d'en rencontrerune collectionassez bien fournie.C'estcettefacilité que j'ai vouluvous offrir. Il n'entre point dans monplan de vousfaire un exposébiographique; je réclameseulementde cette bienveillanteassembléeun quart d'heure d'attention,pour expliquer, à ceux d'entrevous qui sont le moinsfamiliarisésavecces matières, ce que c'est que leseaux-fortesdeRembrandt. Il ne s'agit point ici de gravures exécutéespar divers artistes d'après lestableauxde l'illustre maître hollandais. Ce qu'on appellel'OEuvrede dans les collectionsd'estampes, c'est l'ensembledes eauxRembrandt, fortesgravéespar le peintrelui-même; ce sont des productions absolumentoriginales,qu'il n'a point exécutéessur la toile.Cenesont point non plusni des esquisses, ni des ébauches,ce sont des idées auxquellesil a donnéle degré de fini dont il a jugé chaque sujet susceptible.C'est à causede cela que, mieux que tout autre ouvrage, ces eaux-fortesnous dévoilentle génie de l'artiste dont elles nous laissent apercevoir les alluresfranches et libres, dans leurs plus énergiques accents et dans leursfantaisiesles plus fugitives. Je craindraisd'abuser de votre patience si j'entrais dans tous lesdétailsdes procédés spéciauxde la gravure à l'eau-forte, bien qu'il soit indispensablede les connaître pour être initié à la sciencede l'iconophile.Maisces explicationstrouveraientmieuxleur place dans unesuite deconférencessur l'histoirede la gravure. L'OEuvrede Rembrandtse composede 565 pièces, classéesen douze séries.Toutesont été minutieusementdécrites, avectous leurs états (2) surle peintrebruxelloisHenriDecaisne, (1) Noticebiographique parL. Alvin, page89. (2)Ondistingueles états d'aprèsles changements ou remarquesquidifférencientlesépreuves,suivantle tirage.Lesplus ancienssontlesplusrecherchés des amateurs avaitl'habitudede ; cene sontpastoujoursles plusbeaux.Rembrandt revoirsesplanchesaprèschaquetirage,etcomme il les imprimait ilcorlui-même, le rigeaità l'instantlesdéfectuosités qu'ilavaitremarquées ; c'est ce quiexplique grandnombred'étatsqueles catalogues ontdécrits.Le de Bartschetde Claussin


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EXHIBITIOND'EAUX-FORTES. successifs.Le premier qui en ait donné un catalogueest Gersaint;son travaila été enrichi des observationsde Helle et de Golmyqui les publièrent en 1751. Vers la fin du siècle dernier (en 1797), Adam Bartsch, garde des estampesde la BibliothèqueImpérialeet Royale de Vienne, en a donné une édition entièrementrefondueet considérablementaugmentée.Ce catalogueest encorecelui auquel se rapportent les amateurs, quoiqu'il en ait étéfaitune édition,aussi fort augmentée(en 1824),par M. le chevalier de Claussin. C'estau moyendes plus célèbrescollectionsque ces descriptionsont été faites. Les plus anciennessont cellesdu bourgmestred'Amsterdam Six, ami de Rembrandt; du peintre graveur Jacques Houbraeken,de l'abbédes Marolles,etc.Elles sont aujourd'huidispersées, ouréuniesaux cabinetsd'Amsterdam,de Paris et de Londres. Denos jours, cellesde M.de Bois,à Paris, etde M. lebaron VerstolckVan Soelen,ministredes Pays-Bas, avaient acquis une grande renommée; elles ont vu, il y a quelques années, leurs trésors disputéspar les amateurs, au feu desenchères publiques. D'autresse sont enrichiesou forméesdeleurs débris. Quelques-unesdes pièces que tout à l'heure j'aurai l'honneur de vous montrer,proviennentde cettesource. Maisc'est surtout la collectionde S. A. le duc d'Arenbergqui a profité decette circonstance. Les eaux-fortesde Rembrandt, quand elles sont de belle conditionet d'anciens tirages, se vendentà des prix vraiment extraordinaires.Vous en jugerezpar quelquesfaits. Lors de la ventede la collectiondu baron Verstolck,le seul oeuvrede Rembrandta rapporté lasommeénormede 80,000florins.Certainespiècesatteignentles prix de 5,000à 4,000francs; de ce nombre sont : Jésus-Christguérissantles malades,estampeconnue sous la dénominationde : la pièceaux centflorins,parce que Rembrandt en obtenaitce prix ; le Paysageaux troisarbres,l' Annonciationaux bergers, le BourgmestreSix. Voicide quoi se composel'oeuvre: Ireclasse.Portraits de Rembrandt,c'est-à-diretêtes dans lesquelleson reconnaît certains traits de ressemblanceavec le peintre. IIe, IIIe, et IVeclasses. L'Ancienet le NouveauTestament,et les sujets pieux. Ve,VIeet VIIeclasses. Allégories,histoireprofane,sujetsde fantaisie, gueux et gueuses,etc. deRembrandt variebeaucoup suivantqu'elleestde premier, de prixd'uneeau-forte de deuxième,de troisième état,oud'untiragetoutà faitmoderne;quelques-unes sesplanchesexistentmêmeencore,etbienqu'excessivement fatiguées,ellesfournissenttoujoursdes épreuvesau commerce. Inutilede direquecesdernièresn'ont aucunevaleur.


EXHIBITION D'EAUX-FORTES. 219 VIIIeclasse.Les Paysages.C'estcellequ'il estle plus difficilede réunir aucomplet.Quelques-unesde ces piècessont d'uneextrêmerareté. IXe,Xeet XIeclasses.Portraits d'hommes,têtesde fantaisieet portraits defemmes. Ce sont des Enfin, la XIIeet dernière est intitulée Griffonnements. où l'artiste a sa On voit des de nature essayé pointe. y objets planches diverse,jetés pêle-mêledans tous les sens. Vouspouvezmaintenantjuger de l'importanceque doit avoirun oeuvre deRembrandtpour être complet.Il faut non-seulementles 565 pièces, maisil faut encore, autant que possible, avoir tous les états différents, etil y a des piècesqui n'en comptentpas moinsde quatorze. Leseaux-fortesdeRembrandtont étésouventcopiées,et l'amateurdoit setenirsur ses gardes; car quelques-unesde ces copies sont extrêmementtrompeuses. Les ouvragesque j'ai cités tout à l'heure donnent quelquesmoyens de reconnaître les contrefaçons; maisle meilleurde tous,c'est de les compareraux originaux. Ladécouvertede Daguerre a été appliquéeà la reproductiondes estampesles plus rares; celles du peintre hollandais devaientvenir en premièreligne. Ce procédéa sur tous les autres l'avantage de ne point chercherà tromper. Il est d'ailleursle plus fidèle,et quand les épreuves sontbien réussies, on peut presque dire qu'elles ne laissent rien à désirer. Je vous remercie, Messieurs, de la bienveillanteattention que vous avezprêtéeà ces détailsarides; et, pour terminer par quelque chose qui s'adressemieux à vos intelligences,je vous lirai la pagequ'un éminent écrivainfrançais a consacréeà l'appréciationdu génie de Rembrandt, dansun travailoùil étudieles actionset les écrits d'un Belge,quia joué unrôle considérabledans la Réformeet dans lestroublesdes Pays-Bas, auXVIe siècle: « Rembrandtest l'historien des Pays-Bas bien mieux que Strada, Hooftou Grotius.Il rend palpablela révolution; il l'éclaire,à son insçu, demillelueurs... Sa Bibleest la Bibleiconoclastede Marnix; ses apôtres sontdes mendiants;son Christest le Christ des gueux... Le peintre est arrivéle lendemaindu sac de la vieilleéglise par lesbriseurs d'images d'Anverset d'Amsterdam.Au lieu des magnificencespontificalesde la peintureitalienne, il ne reste ici que l'offranded'une églisedépouillée, miseà nu, qui n'a d'autre faste que son humilité: mondede mendiants, de paralytiques, de paysans déguenillés, lazares qui semblenttous se leveret porter leurs grabats à l'appel du Christrenouveléde la Réforme. Quandje memets à la suite de ce cortége de misérables,je reconnaisle caractèreque je viens de montrer dans la réformedes Pays-Bas; j'entendsun échode ces mots de Guillaumed'Orange: «Nousne sommespas « fournissuffisamment de personnagesde qualité. »


220 EXHIBITIOND'EAUX-FORTES. « Rembrandt a rompu avectoute tradition, commeson Égliseavec touteautorité; il ne relève que de lui-mêmeetde son inspirationimmédiate. Il lit la.nature commela Bible,sans commentaireétranger. «... QuandRembrandtpeint les scènesde l'Ancienet. du NouveauTestament, il peint ce.queses yeux ont vu. Il a vule Sermonsur.la montagne, à l'écart, dans les prêches protestants. Cettefoule qui hurle et qui menace dans l'Ecce homo,ne sont-ce pas les hommesqui viennentde demander la mort de Barneveldt?Ne demanderont-ilspas bientôt celledes de Witt?(1). " A votre tour, Messieurs,vous allezjuger dela justesse de cette appréciation, enexaminantces mêmesestampesdont M.Edgar Quinetne crut point devoirnégligerl'étude commeun des élémentsde l'histoirede nos voisins. Deuxièmeséance.— 19mai 1855. Si j'éprouvaiscertaineappréhensionen ouvrantla séance,il y a quinze jours, votreaccueilm'a rassuré, etles doutesquej'avaispu concevoirsur la réussite de mon innovationse sont bientôtdissipés. Le goût quidistingue cette Sociétépour toutes les chosesde l'esprit et de l'art, me garantit aujourd'huila mêmeattentionbienveillante,en retour du plaisirquepromettentà vos yeux les objetsqui vont tout à l'heure vous être montrés. Cettesecondeséancedevant être, commela première, consacréeà la gravure à l'eau-forte,on,m'afait entendre que quelquesexplicationssur les procédés matériels employés dans ce genre de gravure seraient accueillisavecplaisirpar quelques-unsde mesauditeurs peu familiarisés avecla pratiquede l'art. Quoiquen'ayantjamais gravé moi-même,j'essayerai cependantde répondreà ce voeu,au moyendesnotions quej'aipu trouver dansles livres, ou recueillirde la bouchedes hommespratiques. Pour graver à l'eau-forte,ondessinesur une planchede métal, enduite de vernis; on se sert, à cet effet, d'aiguillesou de pointes,commeles anciens écrivaientavec le style sur des tablettes enduites de cire. La pointe, en rayant le vernis, met à nu le métal, qui apparaîtbrillant surle fondnoir dont la plancheest couverte.Le dessin achevé, on entourela planched'un rebordde cire, qui sert de diguepour maintenirsur sa surfaceun liquidedont l'eau-forteest la base. On l'y laisse pendantquelque temps, en ayant soin de l'agiter souvent. L'eau-forte pénètre jusqu'au cuivrepar les traits que la pointe a tracés dans le vernis; elle n'exerce aucune action sur les parties encore recouvertes.Cette opération,dont j'omets une foulede détails, est des plus délicates; elle exigedes soinset étudesur la révolutiondesPays-Basau (1) Marnixde Sainte-Aldegonde, XVIe siècle,par M.EdgarQuinet.Deuxarticlesinsérésdansla Revuedesdeux in-18. avecdesaugmentations, Mondes,1854,réunisenvolume, Brux.,A.Labroue,


EXHIBITION D'EAUX-FORTES. 221 uneattentionextrêmes; c'est d'elle que dépendle succès. Lorsquel'eaufortea suffisamment mordu,c'est-à-dire quand elle a dissout les parties decuivreavec lesquelleselle a été miseen contact, on enlèvele vernis, onnettoiela planche, et l'on peut obtenir des épreuvespar les moyens ordinairesde l'impression.Les estampes obtenuesde cette façon sont bienréellementle dessin original, auquel le maître a donné le cachet de sonstyle,dans l'acceptionla plus vraie du mot; on les appeleeau-fortes pures.Mais rarementles planchesdemeurentdans ce premierétat, qui, presquetoujours,présente quelques défectuositésque l'artiste doit corrigerpar d'autres procédésquel'eau-forte,à savoir par la pointesècheet leburin. La pointe sèche ne diffère guère de l'instrument qu'on emploiepour dessinersur le vernis. Celui-cine doit pas être trop acéré; on a soin, en l'aiguisant,d'en arrondir la pointe, afin qu'il n'accroche pas, ce qui, pourraitfaire éclater le vernis par plaques,et qu'il ne gêne pas trop le mouvement de la main, ce qui, donnantde la roideur au trait, excluerait lemoelleuxdu dessin. Lapointesèche, au contraire, commeson nom l'indique, doit pouvoir entamerplus vivementle métal, tout en permettantde formerles traits lesplusdéliés.Vous avezvu, dans les eaux-fortesde Rembrandt, et en dans la figureet les mains du Portrait du bourgmestreSix, particulier desexemplesremarquablesdela délicatessedestravauxà la pointesèche. Leburin est un instrument taillé en bizeau, d'un acier bien trempé, aveclequel,commedit AbrahamBosse, « ontranche et emporte,comme uncopeau,la piècedu trait à mesure qu'il le grave. » L'amateurexercédoit pouvoirreconnaîtredansune estampeletrait du burin,de.ceuxde la pointe sècheet de l'eau-forte. L'eau-forte,pénétrant à traversla rayure pratiquée dans le vernis, se creuseen quelquesorte un lit dans le cuivre, qu'elledissout. En examinantà la loupe le trait ainsi tracé, on reconnaît que le fonden est plat, unpeuarrondi, et que lesbords n'ont point la nettetéd'unecoupure faite avecuninstrumenttranchant.La pointesèche,rayant la plancheà l'effort dela main,endéchirela surface,y traceun silloncommela charruedans le sol, et laisse sur ses bords de petites portions de métal, qui, n'étant pointtranchées par un taillant, y restent adhérentes..C'est ce qu'on appelleles bavuresou barbes. Quand onveut les enlever,on se sert du grattoir,instrumentdont.lenom seul indique l'usage. Enfin,le burin, eu taillantet roulantdevantlui son copeau,commele rabotfait sur le bois, évidenettementle trait, qui ne conserve point de bavure. Lorsqu'onen vient à l'impression, le rouleau qu'on promènesur la planche doit remplir d'encre égalementtous les traits creusés dans le cuivre,qu'ils soient le produit de l'eau-forte, de la pointe sèche ou du 15,


222 EXHIBITIOND'EAUX-FORTËS. burin. Maissuivantl'originede cestraits, l'empreintequ'on obtienta un aspect'différentqu'il faut apprendreà distinguer. J'ai parlédes bavuresou barbes;produitespar l'effetde la pointesèche; lorsqu'onne les a pas enlevéesavec le grattoir, l'encre s'y accroche,et produit à l'impressiondes taches d'un ton plus doux que les autres tailles. On peut tirer parti de-cette défectuositépour obtenir certains effetsdans les ombreset dans les clairs-obscurs. C'estce en quoi Rembrandt a particulièrementexcellé;IImultiplieles barbes,et en obtientdes effetspuissants; qui donnentà quelques-unesde ses eaux-fortesl'aspect de la gravureà la maniêrenoire. Les épreuves de la plupart des estampes de ce maître sont plus ou moins estiméesselonqu'ellesont conservéplus ou moinsde barbes. Malgré mon désir d'abréger, ces détails ont été encorebienlongs; mais j'espère qu'ils satisferont ceux qui meles ont demandés, et qu'ils lesinitieront à la connaissancedes différentsétats d'une planche.Les états d'une mêmegravure peuventêtre très-nombreux; car il y a étatdistinct, chaque fois que, dans l'intervalle: des tirages, des modifications quelconquesont été fâitesà lagravure. Ainsi; on aura d'abordl'eau-forte pure; En secondlieu; l'épreuveavecles travaux à la pointesècheEn troisièmelieu, avecle complément au burin ; Enfin;la planche ébarbéeou nonébarbée,avant ouaprèsla lettre. Maislà ne se bornent point les différencesque peuventprésenter des épreuvesd'une mêmeplanche. Le:triomphe d'unvéritableamateurestde posséder ce qu'onappelle les états uniques.Le graveur, pour jugerde l'effetd'une planchenon terminée;en tire une épreuve; il ne la trouve pas satisfaisante, il corrige, il amélioreson travail; l'épreuve d'essai subsiste néanmoins;et sa raretélui donneun prix biensupérieurà celui de la pièce.arrivéeà sa perfection. Convenonscependantque la préférencedonnéeaux premièresépreuves n'est pas toujours un préjugé. Souvent,le premierjet de l'artiste révèle unsentimëntplus vrai, pluslntime,qui disparaît quandl'auteur,croyant complétersa pensée,la surchargede détailset d'ornements; Pour que deux épreuvessoient d'états différents,11 faut qu'ily ait dansla secondedes travaux qui ne se trouvaientpoint dansla première. Destirages plus oumoinsmodernes;des épreuvesplus ou moinsfortesde ton, ne constituentpoint des états particuliers. L'homme de goût; qui veut choisir entré les divers états d'une estampe, doit considérer que les modificationssuccessives-apportéesà une plancheont dû avoirpour objet, soit de compléterl'oeuvreinachevée, soit de réparer des avaries survenues pendant les tirages. La plancheva s'améliorantjusqu'à ce que l'artiste la juge aussi parfaite que possible; tous les états intermédiairespar lesquels elle à passé pour arriverà ce ;


EXHIBITION: D'EAUX-FORTES. 225 sont aux de à point, yeux l'amateur;mais, partir égalementintéressants dumomentoùles nouveauxtravauxn'ont plus pour objetque de réparer, de.recrépirl'ouvrage; les épreuves commencentà perdre de.leur valeur. Ellesdeviennenttout-à-fait dignesde rebut, lorsque ces réparationsne sont plus de la main de l'auteur, et qu'un éditeur, voyant sa planche usée,et ne pouvantse résoudreà abandonnercette sourcede profits, la faitretoucher,et quelquefoismêmela faitremordre. C'estune opération;bien longueet bien délicateque cellepar laquelle onremetl'eau-fortesur une ancienneplanchetrop-usée pour donnerdes Maisrien n'arrêtel'aviditéde certainsmarchands,etl'espoirdu épreuves. gainfait surmontertoutes les. difficultés.Je n'entrerai pas dans les détailsde.cette falsification;ils nous mèneraient trop loin. D'ailleurs, le chapitredes supercheries en fait d'estampes,fournirait matière assez amplepourremplir une longue conférence. J'aiannoncéqueje vous montrerais, ce soir, les eaux-fortes de quelquespeintresde genre.J'ai.pris d'abord trois hommesqui, parle nombre etpar le méritede leurs ouvrages, ont le droit d'être placésen première ligne:AdrienVanOstade,CorneilleBegaetDavidTeniers,—je devraisdire lesTeniers,le vieuxet le jeune;.une certaineconfusionexiste toujours, lorsqu'ils'agit de faire à chacunde ces.deux artistes l'attributionde ses eaux-fortes. J'ai groupé autour de ces trois noms quelquesautres peintres-graveurs,tels que Jean-Baptistede Wael, artiste flamand,né en 1557,et qui a travailléen Italie, Thomas Wyck,Jean Both, contemporaind'Ostade, et CorneilleDusart, qui a vu les premièresannées du siècle.Et afin de vousprocurer l'occasionde quelquesrapprocheXVIIIe ments;et aussi commeexemples;à l'appui des explicationsqueje devais vousdonner,j'ai joint à cette exhibitionla partie de l'OEuvrede Rembrandt,dans laquelle ce maîtrea traité des sujets analogues. Lesartistesdontje place les productionssousvos yeux, ce soir, ne se ni par la pureté du goût; ni par l'élégancedu dessin, ni par distinguent lechoixdes beaux types. Ils ne se sont pointproposé d'embellirla nature; s'ils font un choixdans les objets qu'elleleur présente,c'estmoins poury poursuivre un idéal de la beauté, que pour rassembler des éléments ;d'effets,pittoresques.D'autresécoles ont cherchéleurs moyens desuccèsdans le charme intrinsèque de leur sujet, dans la grâce particulièrede leurs.modèles;Ostadeet son écolese privent résolumentde touscesavantages; ils nefondentleur succèsquesur leur talent de dessinateuret de coloriste.Leurs ouvragessont plus que des copies de la nature,c'est la nature elle-même; il sembleque quelqueDaguerreanticipéleur ait prêté son instrument; maiscette nature, du moinsen ce qui toucheà l'espècehumaine, n'est point ce qu'on appellela belle:nature. Lechoixdes sujets, les habitudes des personnages,tout y est vulgaireà untelpoint que ce serait repoussantet insupportablesous le pinceau de


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EXHIBITIOND'EAUX-FORTES. peintres médiocres.Il semble que Boileauait fait:pour eux ces quatre vers Il n'estpointdeserpentnidemonstreodieux. Quiparl'artimiténe puisseplaireauxyeux. D'unpinceaudélicatl'artificeagréable Duplusaffreuxobjetfaitun objetaimable. Dansles eaux-fortes d'Ostadeet de Bega,vous ne trouverezpas une figure qu'on puisse dire jolie. Les femmesy sont ou d'affreusesvieilles, ou de repoussantes maritornes. Les hommes sont de grossiers paysans dont les passions,basses ont déforméles traits; on n'y rencontrepas une figure jeune;, ce qui faisait dire a.une dame qui avait parcouru l'oeuvrede ces maîtres : —« Il n'y avait donc pas de jeunes gens,du temps de ces peintres-là. » Il sembleraitque les traits doux et riants, que les joues fraîcheset roses des belles.fillesde Hollandeet de Zélande, dussent,s'offrir quelquefois à l'esprit de ces artistes, et cependantils n'ont pas trouvé pour elles une petiteplacesur leur cuivre.Ne serait-cepas que le typebatave, chezles femmessurtout, manquant d'accent et. de caractère.prononcé, les graveursont désespéréd'obtenirde l'effeten les reproduisant?Il faut le pinceau, et celuide Terburg, de Gerard Dow, de Mierisoude Metzu, pour rendre les délicatesnuancesdu coloris, que la nature a répartiesaux femmesdu nord. Au reste,.pour les maîtres que vous allez étudier, le.beau,n'est point dans l'objet représenté, il est dans la manièredont la représentationse produit. En étudiant.leursouvrages, tout homme doué du sens artiste demeureen admiration devantla vérité, la justesse du mouvement,du geste, des attitudes, la finesse spirituelle des physionomies,la dispositiondes groupes, la vie qui résulte de toutes ces qualités etsurtoutde cet instinct de la perspective linéaire et aérienne, qui donne à,chaque objet sa place et sa distance,qui permet à,l'oeilde circuler, commel'air lui-même,autour des figures. Il y a entre ces peintres de genre et Rembrandtbeaucoupde pointsde ressemblanceque vous saisirez; mais il y a aussi des différencesfrappantes. Jamais Ostade,ni Bega, ni Teniers, ne s'élèventjusqu'au grandiose, au sublime; jamais chez eux la penséene dépasse les limitesdu drame bourgeois,et mêmedes farces de la foire. Rembrandt,,qui pourtant ne met en oeuvreque les mêmesélémentsvulgaires, atteint souvent au sublime,par le sentiment,l'expressionet les,contrastes.Vousenavez vu des exemples.Il y a entre euxla distancedu talent au,génie. Adrien VanOstadenaquità Lubecken 1610, ce qui a autorisé plusieurs écrivainsà le ranger parmi les peintres allemands.Maisvenu de bonne heure en Hollande,oùil passa toute sa vieet où il mouruten 1685, il n'a rien conservéde son origine germanique,tandis qu'il s'est empreintdu


EXHIBITIOND'EAUX-FORTES. 225 caractère hollandais,demanièreà endevenirundes typesles plusmarqués. Leseaux-fortesde ce maîtresont au nombrede cinquante-trois,dont troissontcontestables.Nous en possédons la collectionbien complète, forméede toutes épreuvesanciennes,de bons états. Ces estampessont très-recherchéesdes amateurs,qui attachentun prix extrêmeà en posséderquelquespremiersétats, ou eaux-fortespures, lesquellessont excessivementrares, et atteignent,dans les ventes, des prix fabuleux. Il s'entrouve plusieurs dans notre oeuvre,une entre autres, le Goûté,que j'aimiseen présenced'uneépreuved'un état postérieur. AdamBartsch,et plus récemmentWeigel, ont donné une description deseaux-fortesd'Ostadeet dé leurs divers états ; il y a des piècesdont ona décrit seize états différents.L'oeuvrele plus complet de ce maître quiait été réuni se trouvait, il y a quelquesannées, chezM. Guichardot, marchandd'estampeset fin connaisseur, à Paris. Il n'y manquait, je croîs,aucundes états décrits, et il s'y en trouvaitplusieurs d'inédits. CorneilleBega, né à Harlem en 1620, à travaillédans le mêmegoût ; il a peut-être encoreoutré la vulgaritéde ses compositions.il qu'Ostade étaitde moeurs fort dissolues, et l'on peut souvent supposer que ses se ressententdeslieux que fréquentaitl'auteur. IIa gravé 55 esouvrages tampes ; il ne nous en manqueque sept. Ellessont d'une pointe plus grosse que cellesd'AdrienVanOstade; il à rarementemployéla pointesèche. Les deux premièreséditions, celle dû tempsdu peintreet celle de Picard, sont estimées; la troisième, donnée parBasan,est debeaucoupinférieure.Elle ne compteque dix-huit planches.Les cuivresexistent encore, etsont aujourd'huien Angleterre:On en tire toujours des épreuves, au grand désespoir des vrais amateurs. Vouspouvezjuger si ellessont usées,remaniées,retravaillées. LesdeuxTenierspartagent avecRubens et Van Dyckle premierrang dansl'art flamanddu XVIIe siècle. Les eaux-fortesqu'on leur attribue, et dontquelques-unesne peuventsérieusementleur être contestées;offrent lesqualitésde leur peinture. M. Regnaultde Lalande en a décrit vingtcinq,dansle:Cataloguedela collectiondu comteRigal.Nousne les avons pastoutes; mais plusieurs de cellesqui vous seront montrées,sont des plusbelles qu'on puisse voir. Un artiste fort habile, contemporainde Teniers,Coryn Boel, a gravé àl'eau-forte plusieurs piècesd'après les tableauxet les dessins du peintre. J'ai compris ces estampesdans l'exhibition. Cetteséance sera la dernière de la saison. Peut-être, si vous voulez bienm'encourageret mesuivre dans cette route, qui n'est pas sans difficulté,essayerai-je,l'hiver prochain, de vous présenter, d'une manière pluscomplète;et dans un ordre méthodique,l'exposé des principales phasesqu'offrel'histoire de l'art de la gravure. L. ALVIN.


LETTRES SUR A PARIS(1). L'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, L'inaugurationde l'Expositionuniversellen'a rien eu d'artistique;elle a été froideet désordonnéecommel'atmosphèregriseet témpêtueusequi la couvrait. Oneût dit que le soleilde la France, habitué à éclairerdes fêtes offertesgénéreusement,et toujours gratuitement,à là nationetaux étrangers, se voilaitla faceet ne voulaitpas assister à cetteinnovation, qui métamorphoseenspéculationde Boursel'ldééà laquellel'intelligence et l'activitéfrançaisesdevaientde pouvoirse retremper;detëmpsen temps, à une émulationsalutaire, et de se montrer aux yeux du mondeétonné dans la plénitudede leur gloire. C'est pourquoi,laissantla cérémonieofficielle, j'ai couru, aussitôtl'ouverture du palais, clansla partie consacréeaux Beaux-Arts,pour avoir un aperçugénéral dé l'édifice,et commencerà débrouiller quelquepeu cette immenseconfusion. Je ne vousdonneraidonc,par cette premièrelettre, que desdétailstopographiques et statistiques, afin d'être plus libre ensuite dans l'examen successifet comparatif à la fois, desdiverses écoles et des principaux maîtres qui les illustrent. Le Palais de l'indistrie —je ne sais pas si ce nom estdérivé dela destinationde l'édificeou du modede sa construction — le Palais del'Industrie est, au point de vue artistique, une négationplutôt qu'autre chose. D'abord, ce n'est pas un palais, selon l'acceptiondu mot; c'est à peine une succession de hangars plus ou moins bien agencés, satisfaisant plus ou moinsau but pour lequelils ont été élevés.Cen'est pas, comme le Palais de Cristal, de Londres,l'oeuvrede la sciencemodernedes ingénieurs; car ses muraillesépaisseset malpercées, ses prétentionsà l'ornementationarchitecturale, détruisentl'idée de la simplicitéet des combile compte-rendu del'Exposition universelle desBeaux-Arts (1) La Revuea confié à unartiste italien,d'unraremériteet d'uneexpérience consommée. Comme iila D'autres unelibertécomplète dansses appréciations, il engardela responsabilité. surle travauxseront,d'ailleurs,publiéspar quelques-uns denoscollaborateurs, met caractèregénéralde l'Exposition, et surdiversesspécialités artistiques qu'elle enévidence. (Notedela Rédaction.)


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 227 forment liaisonsqui l'essence'del'art des ingénieurs. C'est tout ce que vousvoudrez,exceptéun palais,exceptéun édificehomogèneet rationnel. Pourtantcela ne s'expliqueguère dans un pays commela Franced'aujourd'hui,où il y a des architectescapables d'acheverle Louvre, de restitueravec un sentimenttrès-correct la Sainte-Chapelle,le Palais de Justice,l'Hôtelde ville, l'église Notre-Dame,de créer les plans et les dessinsd'un grand nombrede monuments,qui feront sans doute passer à la postéritéles noms de leurs auteurs. Al'intérieur,la ventilationme semble-avoirété oubliée; et la lumière, répanduesans ménagement,doit nuire à l'effetet à la conservationdes objetsexposés;enfin,je crains que, pendant la chaleur del'été, le local nesoit supportable que pour les exposantset.les visiteurs,arrivantde la zônetorride. A l'extérieur, la;lourdeurµetla confusion,des parties sont indescriptibleset échappent àla critique. L'annexeconsacréeà l'ExpositiondesBeaux-Arts,se trouve dans d'autresconditions.On m'asoutenu qu'elleavait été construitesur les indicationsd'un.très-haut personnage.J'ignoresi c'est vrai, mais assurément lelocalest bien appropriéà sa destination: pas d'ornements;pas même unecornicheà la naissancedes vitrauxqui le couvrentenformede voûte. au vestibuleou.première galerie, deux escaliers,larges et Latéralement, commodes, conduisentaux galeriessupérieures,lesquelles contournent toutl'édificeet formentun étagesuperposé. A cet étage,sont les aquarelles,les miniatures, les gravures, les.lithographies,et,quelquestableauxpeu importants. Cinq.ouverturesdonnent accès, du vestibuleou première,galerie, aux autresgaleries et aux salles du centre, qui contiennentles tableaux, les sculptureset les oeuvresd'architecture.Les passages d'une,gaterie à l'autre,oud'une salle aux.galeries,sont ornés de portièresà fleurs, d'un très-bel,aspect, et d'un ton,bas qui s'harmonise parfaitementavecl'ensemble.A chaque extrémité et à chaque entrée des galeries, et correspondanta des pilastres adossés aux murs, des colonnessoutiennentles arcs surlesquels reposel'étage supérieur. Au milieu de ces arcades, entrele pilieret la colonne,on a placé,une statue. Au centredes galeries dufond,il y a des bases sur lesquellesfigurent égalementdes statues,en bronzeet en marbre. Dans certaines galeries et dans les salles, des divansde formesdiverses offrentaux visiteursun reposrendu indispensablepar l'étenduedu local.Cesdivans,couvertsenvelours d'unecouleur foncée,entre celle du sang et le violet, sont surmontés,de fleurs et de statuettes,qui produisentun effettrès-agréable. Les communicationssont larges, les galeries assez spacieusespour voiret juger à l'aise. La lumièreest parfaitementdistribuée. Des rampes en feret en bois, commeau Louvre, tiennentle publicà distanceconve-


228 A PARIS. EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, nable des objetsexposés.En un mot,jamais, dansles Expositionsprécédentes,le localn'a réuniautantde,bonnes qualitésquecelui-ci, et lesartistes ont un partageà peuprès égal de l'espace etde la lumière. Le nombre des États qui ont concouruà l'Expositionuniverselleest de vingt-cinq: Autriche— Badeet Nassau — Bavière —Belgique— Danemark— Deux-Siciles— Espagne— États Pontificaux— États-Unis d'Amérique — France — Grande-Bretagne— Hesse-Électorale— Hesse-GrandDucale— Mexique— Pays-Baset Java — Pérou- Portugal— Prusse —Sardaigne—Saxe—SuèdeetNorwège —Suisse—Toscane—Turquie —-VillesHanséatiques— Wurtemberg. comprendle royaumeLombardVénitien, est repréL'AUTRICHE,;qui sentéepar 75 artistes, dont 55 peintres, 51 sculpteurs, 6 graveurs,:5architectes.Les artistes italiens y sont au nombrede 55. BADE et NASSAU:comptent 12 exposants, dont 9 peintres, 1 sculpteur, 1 graveur, 1 lithographe. La BELGIQUE. compte141 artistes, dont 115 peintres, 16 sculpteurs, 8 graveurs, 1 architecte, 1 lithographe; 5 : 5 peintres, 1 sculpteur, 1 graveur; Le DANEMARK, 4 : 5 peintres, 1 sculpteur; Les DEUX-SICILES, 55 ;: peintres, 5 sculpteurs, 1 graveur, 14 architectes, L'ESPAGNE,54 1 lithographe. Les ÉTATS sont représentéspar 15 artistes : 7 peintres, PONTIFICAUX 6;sculpteurs Les ÉTATS-UNIS d'AMÉRIQUE, par 12: 10 peintres, 2 sculpteurs. La FRANCE a fourni 1055exposants,savoir: 609 peintres,171sculpteurs, 77 graveurs,22 lithographes,86 architectes; La GRANDE-BRETAGNE, 209: 14 peintres, 54 sculpteurs, 52 graveurs, 50 architectes, 9 lithographes; et la HESSE-GRAND-DUCALE, La HESSE-ÉLECTORALE 5 : 2 peintres, 1 sculpteur ; Le MEXIQUE, 1 peintre; Les PAYS-BAS, 76artistes: 61 peintres(ycomprisun Javanais),2 sculpteurs, 10 graveurs, 5 architectes; Le PÉROU, 2peintres; Le PORTUGAL, 17 exposants: 14 peintres, 5 sculpteurs; La PRUSSE, 117: 75 peintres, 15 sculpteurs, 18 graveurs, 2 architectes, 2 lithographes; La SARDAIGNE, 17 : 15 peintres, 1 sculpteur, 1 architecte; La SAXE 15, dont9 peintres et 4 graveurs; La SUÈDE etla NORWÈGE, 55 : 29 peintres,4 sculpteurs, 2 architectes; La SUISSE, : 58 4 sculpteurs, 5 graveurs, 1 lithographe; peintres, 46 La TOSCANE, 5 peintres;


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 229 2 artistes : 1 peintre, 1 architecte; La TURQUIE, LesVILLES 17 : 16 peintres, 1 graveur. HANSÉATIQUES, Le WURTEMBERG, enfin,a 7 exposants,dont 6 peintres et 1 graveur. Si maintenanton veut supprimer les divisionsterritoriales politiques, etreveniraux grandes divisionsdes nationalités,on aura : Pour l'Italie, 74 artistes, savoir : 55 peintres, 55 sculpteurs, S graveurs,1 architecte; Pour l'Allemagne,226 : 165 peintres, 25 sculpteurs, 27 graveurs, 5architectes,4 lithographes; Pour la PéninsuleIbérique,71 : 47 peintres, 8 sculpteurs, 1:graveur, 14architectes, 1 lithographe. Les autres restent commeje les ai primitivementindiqués. On.voitpar cette statistique -que - le nombre des exposants s'élève à 1954,parmilesquels la France en compteà elle seule 1055. Voicil'ordre progressifdes groupes : France, Allemagne;Angleterre, Belgique,Pays-Bas, Italie, PéninsuleIbérique, Suisse, Suède et Norwège,États-Unis d'Amérique,Danemark,Pérou et Turquie sur la même ligne,Mexique. Parmices artistes on compte109femmes: 4 pour l'Allemagne,toutes peintres;5 pour la Suède,2 peintres et 1 sculpteur; 4, peintres,pour la Belgique ; 1 pour l'Espagne; 9 pour l'Angleterre,8 peintres, 1 sculpteur; 5,peintres,pour les Pays-Bas; 6 pour la Suisse; enfin,79 pour la France, dont75 peintres,2 sculpteurs, 1 graveur,1 architecte. La France a accueillidans son école57 artistes qui appartiennentà d'autresnationalités: 11 à l'Italie, 2 à l'Angleterre,5 à la Belgique,9 à l'Allemagne,2 à la Suèdeet à la Norwège,8 à la Suisse,1 à la Pologne, 1aux Pays-Bas. Parmi ces artistes naturalisés français, figurent des noms célèbres, Calamatta,Marochetti,Henry Scheffer,et autres. Le livret enregistre 5,112 numéros; mais la totalité des oeuvresest bienplus considérable,car on en a souvent cataloguéplusieurs en un seularticle. La répartition des numéros,faite par chaqueÉtat, donneles chiffres suivants: Autriche,159; Bade,25; Bavière,76; Belgique,270; Danemark,9; Deux-Siciles,6; Espagne, 125; États romains, 26; États-Unis, 45; France, 2,940; Grande-Bretagne,778; deux Hesses; 5; Mexique,1; Pays-Bas,152; Pérou, 5; Portugal, 28; Prusse, 225; Sardaigne,28; Saxe,27; Suèdeet Norwège,61 ; Suisse, 111; Toscane,6; Turquie, 5; VillesHanséatiques,19 ; Wurtemberg,10. Beaucoupd'artistes n'ont pas réponduà l'appel; ainsi, sans parler des Russesabsents, il y a en France, en Italie, en Espagneet ailleurs, des


230 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. de noms granderenommée,qui fontdéfaut: je ne citerai entre autres que Paul Delaroche,Mercuri, Madrazopère, etc. Les Français ont exposéà eux seuls plus d'oeuvresd'art que.tous les autres peuples ensemble.Cela.s'explique,aisémentpar la difficultédes transports, et par plusieurs autres causes qu'il est inutile de déduire. Ingresa exhibeà peu près tout son oeuvre,mêmedes têtes d'étudeet des cartons de vitraux : quarante-deuxarticles en tout Decamps,quarante-troistableauxet seize dessins Vernet, vingt-deuxtableaux; Delacroix,trente-quatre; Gudin, vingt-cinq,etc. Peu de peintresse sont contenté de n'envoyerqu'un seul tableau.Il en estrésulté deux conséquencesfâcheuses: d'abord,le local disponible, quoiqueimmense,étant;envahi.pardes oeuvresconnuesqui s'imposaient par le nom deleurs auteurs, le jury a dû refuser une,grande quantité des tableaux présentés, ce qui a fait crier à l'injustice; — ensuite,la maniequi a entraînécertainsartistes à réunirtout cequ'ils ont pudeleurs productions;a mis.enévidencela faiblesse,l'inégalitéd'un nombreconsidérabled'entre-elles; de sorte que; loin de tirer honneur de l'effort fait pour rechercher;leurs oeuvreset en disposer pendant la durée de l'Exposition;ils s'attireront la critique et perdrontpeut-être une partie du prestige dont ils étaient environnés. En somme, de cettepremièrecourserapide, et de l'examenminutieux du livret; il m'est;resté l'impressionque le mauvaisa été écarté, qu'ona admisle fort et le médiocre;mais non pasle pire ,Je crois égalementque cetteexhibition universelle, et.unique jusqu'à cejour, sera d'un profit incalculablepour le progrès des arts, en facilitera l'histoire, et.en répandra de plus en plus le goût dans lesmasses. Au premiercoup d'oeil;les Allemands,les Belges.et.les Françaisme paraissent supérieurs à tous leurs rivaux; et lutter;entre eux à armesà peu près égales. C'est durà avouer,pour un Italien; maisla vérité avant tout. Et puis, nous avons;un passé invincible,et il nous reste.l'avenir, qui ne manquejamais à qui sait attendre. Les Anglais,..pourla peintureà l'aquarelle, ontatteint le,point culminant, infranchissable;et je m'étonneque, pouvant,faire.ence genre avec tant de perfection, ils restent en arrière dansla.grandepeinture. ;je m'efforceraide coordonnerles idées prochaine,lettre, Dans ma qu'inspirecette collection,si énormeet si variée,d'oeuvresdetoute sorte, dans toutes les dimensionset dans tous-lesstyles. J'ai préférévousfaire attendre un. peu, afin de me livrer à un examenattentif, et de vous transmettre ensuiteune appréciationplus étudiée, et assurément trèsconsciencieuse. S.


CHRONIQUE, DOCUMENTS,FAITS DIVERS. — LePoussinà Rome.—Le cardinal;et le statuaire. Lossculpteurs-peintres. —LepeintreFranquinet,.de —Giovanni Maestricht. Rosini.— M.de Keyser. —M.Gallait.— Prixd'undessinroyal.— Uneventedetableaux.--LeMusée d'Alger,etc., etc. —Toutes les formesde l'art étaientfamilièresà la plupart,des grands artistesdu xviesiècle.La sculpture,la.peinture, l'architecture,et, même lamusiqueet la poésie,leur servaienttour à tour à exprimerleurs sentimentsetleurs imaginations.Depuis,le XVIe siècle,onn'a plus guèrevu de ces.géniesuniversels,commeLéonardou Michel-Ange.Parmi lesartistes denotre temps, combienen pourrait-onciter qui.aient plusieurs cordes M. Ingresqui est très-bonmusicien,et M. Delacroixqui à leurs arc? aimeautantles belles-lettresque les bellescouleurs. Quelquessculpteurs récentsont essayé.defaire dela peinture,mais ils n'yont pointréussi. LecélèbreCanovaeut cette prétention,une seulefois heureusement,danssa vieillesse.Ila peintpour l'églisedu.villagedePossagno,sa patrie, un Christ au linceul, qui, aujourd'huiencore, orne le maître-autelde cette église. Il passaplusieurs années:à.le retoucher. Mais,dit GeorgeSand, dans les Lettresd'un.voyageur,« ses héritiers, paraffectionpour ses vertus et par respect poursa gloire,auraient dû conserver:précieusementchez eux ce tableau,et le cacherà tous les.regards,» Un autre sculpteur, dont le talent eut quelqueanalogie aveccelui de Canova,son compatriote,M. Bosio,semit aussi, vers la fin de ses:jours, à peindreà l'huilede grandes;figures de.femmes;nues, Danaéset autres, dont quelques-unes furent exposées aux Salons. M. radier;encore a peint, je crois, quelques études qui sentent la statuaire; M. Antonin Moyne,des portraits et d'excellentspastels ; M. Etex, plusieurstableaux, peuadmirésaux.Expositions; M.;Clesinger,des portraits,fort:originaux et d'unebellecouleur. Maisce sont là des.amusements;passagers,et non pas des vocations:irrésistibles, commecellesqui entraînaientlesmaîtres dela Renaissance. —Les Mélangesd'histoireetde littérature,deVigneul-Marville (Bonaventure d'Argonne),auxquels nous avons empruntédéjà un précieux;renseignementsur le graveur Nanteuil, nous fourniront encore une note non moinsprécieusesur le Poussin:


232 ETC. CHRONIQUE, « Durantmon séjour à Rome (racontele chartreuxBonaventured'Argonne),j'ai souventvulePoussinchezlui et chezM.lechevalierdelPoso, l'un des plus galants et des;plus accompliscavaliersde toute l'Italie. Le portrait qu'on nous a donné du Poussin:dans les Hommesillustres de M. Perraulst, est horribleetne ressembleguèresà cegrandpeintre. Il est beaucoupplus ressemblantdans quelques estampesgravéesd'après son portrait tiré par lui-même,qui est un bon morceau,Ony voitle Poussin tout vivant, son esprit, sa physionomie,ses traits, etc.. « J'ai souventadmiré l'amour extrême que cet excellentpeintre avoit pour la perfectionde son art. A l'âge où il étoit, je l'ai rencontréparmi les débris de l'ancienneRome et quelquefoisdans..lacampagneet sur le bord du Tibre, qu'il dessinoitce qu'ilremarquoitle plus â son goust. Je l'aivû aussiqu'il rapportoitdans sonmouchoirdes cailloux,dela mousse, désfleurs et.d'autres chosessemblablesqu'il vouloitpeindreexactement d'après hature. « Je lui demandai,un jour, par quellevoieil étoit arrivéà ce.haut point d'élevationqui lui donnoitun rang.si considérableentre les plus grands peintres d'Italie,il me réponditmodestement: —.Je n'ai rien négligé.En effet,il paroît dans ses tableauxqu'il n'a rien négligéde ce.qui sert à former un des meilleurspeintres du monde.» — Voiciune piquanteanecdote,tirée du Menagiana(tom. IV del'édit, dé 1715):« Uncardinalavoitfaitfaireune bellestatueà Rome,parle meilleur sculpteur dece tems-là. Si-tôt qu'ellefut faite, il l'alla voir, et l'ayant consideréedepuisles piedsjusqu'à la tête, il en parut fort content,à la reserve du nez, auquel il trouva quelque chose a redire. Le sculpteurqui n'en demeuroitpas d'accord, étant pressé d'y remedier,prit sonmaillet et son ciseauavecun peu de poudrede marbre et feignit de retoucherà cet endroit que le cardinaltrouvoit defectueux,enlaissant tomberadroitementde cette poudre de marbrequ'il avoit dans la main. Alorsle Cardinal ne lui trouvantplus de défaut,lui dittout transporté de joie Veramentegli havetedatala vita.» — Unartiste qui appartient à'nos contrées,et qui eut, au commencement du siècle, une certaine notabilité, Franquinet (Guillauriie-Henri), peintre d'histoire, estmort à New-Yorkle12 décembre1854.Né à Maestricht, le25 décembre1785, il reçut du professeurHerreyns,à Anvers, ses premièresleçons de dessin. Après avoir remportéplusieurs prixà l'Académie.depeinturede cetteville,il retourna en 1804dans sa villenatale, où il fut nomméprofesseur de dessin à l'Ecolecentrale du gouvernement.En 1815, il fitun voyageen Hollandeet en Allemagne;et composa plusieurs tableauxtrès-estimés, entre autres un Saint Jean dansle désert pour le baron de l'Arétin, ministreplénipotentiairede la Bavièreprès de


233 ETC. CHRONIQUE, la Confédérationgermanique. En 1821, on vit de lui à l'Expositionde Bruxellesune Bacchanalecomposéede neuffigures, qu'il avait peinteà Paris, où.il s'était fixéen 1816. Il est auteur de l'ouvragede luxe, intituléGaleriedes Peintres, qu'il publia à Paris, avec la collaborationde M.Chabert,littérateurfrançais. — Le chevalierGiovanniRosini,professeurà l'UniversitédePise, et le doyendeslittérateursitaliensmodernes,vientde mourir.Il avait81 ans, étantné à Pise, le 24 juin 1775. Il a publié plusieurs romanshistoriques,tels que la Monaca,di Monzaet la Luisa Strozzi,qui sont connus en Europe. Il y a quelquesannées;il avait commencé.uneHistoirede la peinture, dont la publicationreste incomplète,et qui lui valut en1840 (lorsqueMM.Thiers et Cousinétaient ministres)la décorationde la Légion-d'honneur.M:Rosini était un vieillard doux et affable; tous les hommesremarquablesde la Toscanele chérissaientcommeleur maître; il avaitétéle professeurde beaucoupd'entré eux. Ses Lettressur les anciennespeintures du cimetièrede Pise (Lettere pittoriche sul CampoSantodi Pïsa, Pise, 1810, in-4°avec fig.)montrèrent enlui un hommede goût exquis et délicat,qui était aussi instruit dans lesarts du dessinque dans ceux de la poésie. —Onannonceaussi la mort de M. JacquesSchlesinger,peintre, professeurau Muséede Berlin. —Un architectedistingué, à qui l'on doit les plans de l'hôpital de la Riboissière,à Troyes,M. Gauthier(Martin-Pierre),membredel'Académie desBeaux-arts,estmort à Clichy,le 19mai. Il étaitné à Troyes,le 9 janvier1790. — L'inaugurationde M. N. de Keyser,commenouveaudirecteur de l'Académie royaled'Anvers,a été faiteen grande solennité: banquet, discours,illumination,musique. Suivantles anciensusages, le vin d'honneura.étéprésenté.au maître par les élèves, et accompagnéde:toasts en françaiset en flamand., . —M. Gallait n'a envoyéaucun de ses beaux;ouvrages à l'Expositionuniverselle:de:Paris.Il est occupé,-en ce moment, à faire une grande deJeannela folle,pour la.reinede Hollande,allemandetrèscomposition distinguée,et qui paraît avoir une passionintelligentepour les arts et les: lettres.Ondit qu'elleest très-empresséed'avoirsontableau,qui sera sans douteune oeuvreremarquable,et qu'elle envoiede fréquentsmessagesà sonpeintre.


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ETC. CHRONIQUE, — Le grand tableau de M. J. Stallaert, qui obtint, à l'Exposition de 1854, un légitime succès, a été placé dans le vestibuledu rez-dechausséedel'hôteldévilledeBruxelles:Il représentélesDorniers momens d.'EvrardT'Scrclaes, premier échevinde Bruxelles, assassiné en 1388. M. Stallaert, après avoir habité l'Italie pendant plusieurs années, est aujourd'huidirecteur de l'écolede Tournai. — Notre collaborateur,M. A. Henne;prépare une Histoirede la BelgiquesousCharles-Quint;cette histoire contiendra sansdoute beaucoup de documentscurieux et inconnusjusqu'ici. Les articles sur les Arts en Belgiqueau XVIe siècle, que nous avons publiés dans les précédents numéros de la Revue,sont des fragments détachésde ce savanttravail. — La 9e livraisondu recueil artistique et littéraire, intitulé de VlaemscheSchool(l'écoleflamande),a paru,avec desillustrationspar"Mi'Henri Brown,professeurde gravure à Gand,et par ses élèves.Elle contient, en fait d'articles;d'art, une noticede M. G: A. Serrure, sur une fresque nouvellementdécouverteà Gand. —Combienvautun dessin de Raphaël? Ona vendul'autre jour; à Londres, les dessins envoyéspar les jeunes princeset princessesde la familleroyale à l'Expositiondesfonds patriotiques. Le dessinde la princesseroyalea été adjugé au prix de 250 guinées (6,250 fr.)! celui.du prince de Galles, à 55 guinées.(1,375fr.); et ceuxde la princesseAlice, de la princesseHélèneet du princeAlfred, chacunà 30 guinées(750.fr.)! Il est malheureuxquela reine Victoriaelle-mêmen'ait pas envoyéle moindrecroquis.Un dessinde cetteblanchemainroyaleaurait sans doute étévendu quelquesmillelivres sterling. — Une collectionde tableaux, provenantdela Banque électoralede prêt et de commerce,de Cassel(Hesse-Électorale),a été vendueà Paris le 31 mai. On parlait d'oeuvresrares, des plus grands noms de la.peinture, et Unjournal français citait entreautres tableaux: « Le BaindeDiane,par le Dominiquin,la Viergeetl'EnfantJésus, une des plus suaves compositions,de Léonard de Vinci; la Décapitationde saint Jean-Baptiste, du même; Davidet Goliath, par Allori; Caïn et Abel,par Salvator Rosa; un Paysage,par le même; Ruth et Booz,parle même;-un Portrait de femme,par le Tintoret; Jacobfaisant abreuverles brebisde Rachel,morceausublimede Paul Véronèse;Paysagehistorique, par AnnibalCarrache; la Tentationde saint Antoine;par LudovicoCarrache ; l' Annonciation,par leParmesan; Amusement musical,par Murillo;


ETC. CHRONIQUE, 233 Portrait de Cavalcanti,par Sébastien del Piombo; Sainte-Famille,par Andreadi Salerno; Apollonet Daphné,délicieux petit tableau de notre illustrePoussin; un Portrait de femme,par J. Holbein,un des plus beaux du.maître;le Denierde César,par Rubens; Lothet ses filles,par Floris ; Sujetreligieux, par Van.Eyck; Portrait d'un stathouder, par Van der Werf,etc., etc. » Or voici les prix des oeuvresprincipales, lesquels prouventque ces n'étaient pas apparemmenttout à fait originaux: Le « morchefs-d'oeuvre ceaucapital, » attribué à Léonard, la Viergeet l'enfant Jésus, a été vendu2,520 fr. ; — le « morceausublime » de. Paul Veronèse, Jacobet Rachel,2,400fr. ; — le « délicieuxpetit tableau de notre illustre » Poussin,2,100 fr; — les trois Salvator,autour de 1,000 fr. chaque; — le Parmesan,1,025; — le Rubens, 1,550; — l'AnnibalCarrache, 750; — le Dominiquin,870; — le Van Eyck, 800, — le Holbein, 525; — le Murillo,275, etc., etc.Le total dela ventemonteà environ20,000francs. UnVan:Eyck, tout seul, vaudrait bien davantage.Le moindre Léonard vaudraitle double. Quanddonc pourra-t-on avoirquelque confiancedans lescataloguesde tableaux.et dans les réclamesdes journalistes?. — Nous parlionsdans notre derniernuméro des restaurationsopérées sur l'anciennetour de Saint-Jacquesla Boucherie.Aujourd'hui, le sommetdela tour est enfindébarrasséde ses échafaudages,; et l'on peut voir maintenantse profiler sur le ciella statue de Saint Jacques, la statue de l'angesuppliant, le boeuf, le lion et le griffonailés, ainsi que la riche balustradede la plate-forme. —Unedes plus belles églises,du départementdu Nord, l'églisede La Bassée,monumentd'architectureRomane,qui datait du XIIesiècle, a été presqueentièrementdétruite par un incendié. —Le Muséed'Algervient de s'enrichir,d'uneprécieusestatueen marbre,haute d'un mètre 40 c., y comprisun socle d'uneépaisseurde 10 c, découverte dans les.ruines romaines connuesdes indigènessousle nom d'El-Hadjeb,et qui sont situées,à environun demi-kilomètreau sud de Mouzaïaville. Cettestatue représente Bacchus sous la figure d'un adolescentnu et auxformesun peu féminines.La tête, ornée;d'une longuechevelurequi retombedes deux côtés sur la.:poitrine, est couronnéede feuilles de vigneet de raisins, et serrée d'un bandeau.Le Dieudu vintient dela main gaucheun thyrse à rubans, et de la droite, le vase.appelécabtharus.Un petittigre, assis à sa droite, a les regards tournésvers lui. On voit, en étudiantles détails de.cette statue, qu'elle a été faite pour figurer dans


ETC. 236 CHRONIQUE, à certaine car une nicheet une élévation, l'artiste n'a qu'ébauchétout ce être ne devait qui pas aperçu de l'observateur. Cettestatue, en somme, est d'un bon style, et fera un des principaux ornementsdu musée d'Alger, à côté de la mosaïqued'Aumale.Lebras gauche a été casséjadis, ainsi que le thyrse, mais il se rajuste parfaitement. C'estassurémentla plus complètedes antiquitésde ce genrequ'on ait encoretrouvéeen Algérie. — Le Musée des objets qui ont appartenu aux souverains français, organiséau Louvre, il y a deux ans, possèdedéjà beaucoupde raretés; on y a ajoutéencorerécemment: les Heuresde l'empereurCharlemagne, exécutéesen 780, par les ordres de cet empereur et de l'impératrice Hildegarde;elles furent conservéesà Saint-Germainde Toulouse;—le livrede prières de l'empereurCharlesle Chauve,exécutéentre 842et 849, conservédans l'églisede Metz;—le bréviaire, le psautier, et la bague de saint Louis; — une bible offerteen 850 par les moinesde l'abbayede Saint-Martinde Tours à l'empereurCharlesle Chauve, etc. — On a découvertdans Saint-Eustacheune nouvellechapelleà côtéde la porte de la: sacristie; c'est la chapellede saint Louis, roi de France. Saint Louis est représentédans quatre tableaux: en prière; apportantà Paris la couronne d'épines; à son lit de mort; et en apothéose.Unreliquaire d'or, placé au fondde la chapelle,contient quelquesornements du roi. — Nousavonsdû, fauted'espace,nous dispenserd'un Bulletinbibliographique dans le présent numéro. La prochaine livraison contiendra la liste des ouvragesrelatifsaux Beaux-Arts,qui ont paruen Francedans le premier semestrede 1855. — Fautes typographiquesà corriger dans le précédentn° (mai 1855). Page 132, dernièreligne, au lieu de . fait, lisez : sait. Page 141, ligne 14, au lieu de : deux, lisez : des. Page 151, ligne 16, au lieu de : Bonnivard,lisez : Bonnivar,etc.


HOUDON, SA VIE ET SES OUVRAGES. (SUITE) (1). Le succès de la Diane durait encore, et l'atelier de Houdon était peut-être encore ouvert aux amateurs, quand notre sculpteur apprit que Rousseau venait de mourir à Ermenonville, chez M.de Girardin, où il s'était retiré depuis six semaines seulement. La nouvellede cette mort, arrivée le 3 juillet 1778, se répandit à Paris avec une rapidité extrême, par la double raison de l'intérêt et des haines qui se réunissaient autour de Rousseau. Le sentiment de curiosité, que le talent particulier de Houdon lui faisaitporter à la ressemblance des grands hommes de son temps, l'engageaà partir immédiatement pour Ermenonville, où l'on sut aussitôt qu'il était allé; car Laharpe, annonçant la mort de Rousseaudans sa Correspondance (2), parle en même temps du départde Houdon. On connaît toutes les divergences d'opinion sur cette mort, et l'on pense bien que nous n'avons pas à entrer dans cette discussion.Nous dirons seulement que, malgré l'opinion de M. MussetPathay, dans son Histoire de Rousseau, il demeure à peu près certain que la mort de Rousseau fut naturelle, et paraît avoir été le résultat d'une congestion suivie d'une chute, sans empoisonnement,ni suicide. Un de ceux qui ont le plus propagé l'opinion contraire, et sur le témoignage duquel s'appuie le plus M. Musset-Pathay, est un desderniers amis de Rousseau, Olivier Corancez, l'un des fondateurs du Journal de Paris. Dans sa relation (3), il insiste sur le (1)Voirla précédente livraison,n°3, juin 1855. (2) «Le sculpteurHoudon est partitoutdesuitepourallermodelerRousseau à «Ermenonville, cequifaitcroirequela mortnel'apasdéfiguré. »OEuvresdeLaharpe,éd.Verdière,1820.Correspondance, lettre89; t. XI,p. 62. dans Musset-Pathay, (3)Réimprimée Histoirede la vieet des ouvragesde J.J. Rousseau, 1reédit.,1821,t. I, p.277-278;2e édit, 1827,p. 430. —Surla 16


238 HOUDON, trou que Rousseau avait au front : « M. Girardin, madame Rous« seau et M. Houdon, sculpteur, attestent tous un trou au front, « occasionné par une chute à la garde-robe. Ce trou était si pro« fond que M. Houdon m'a dit, à moi, avoir été embarrassé pour « en remplir le vide. » Plus tard, Houdon a formellement contredit cette assertion, et dans une lettre que nous allons reproduire, et lorsqu'il fut interrogé sur ce point par M. de Sevelinges, qui a consigné ce nouveau démenti dans son article sur Rousseau, de la Biographie universelle (1). La lettre de Houdon est adressée à M. Petitain, qui travaillait alors à une édition de Rousseau (2) : «8 mars1819. « Monsieur, « J'ai tardé à vous écrire, parce queje voulaisrechercheret examiner de nouveau le.masque de J.-J. Rousseau que j'ai moulésur lui-même après sa mort. Il résulte de ce nouvel,examenque la contusionqui existe au front paraît bienla suite d'un coup violentet nonl'effetd'un trou.Je croisbien que la peau a pu être endommagée; néanmoinson aperçoit parfaitementau traversde cette contusion les lignes non interrompues . desrides. « Quant a l'ouvragedeM.deCorancez,je n'en avaisnulle connaissance, et quant au propos qu'il me prête, je ne l'ai point tenu, et je n'ai pu le tenir. Pour qui connoîtles opérations de cettenature, il sera démontré façondontparut d'abordla relationde Corancez, voyezsonarticleparM.VilledelaBiographieuniverselle desfrèresMichaud, t. LXI, nave,dansle Supplément p. 353, à la note. p. 142 (1) Cf.t. XXXIX, deM.LouisGermain Petitain *, (2)Ellea été publiéedansl'éditiondeRousseau aux.Confessions Paris, 1819,Lefèvre,in-8°.Appendice , t. III, p. 178et179. * LorsqueHoudon signacettelettre,en 1819,—41 ansaprèslamortdeRousseau, —il avait78ans,ettoutessesfacultés étaienttrès-affaiblies. C'estcequenemanque dansunenouvelle éditionde Rousseau, pasderemarquerM.Musset-Pathay, postéma rieureà l'éditionPetitain-Lefebvre, 1819: « M.Petitain,danssonAppendice (le croitdétruirece qu'ilappelleuneaccusation Confessions, qui flétrit,la mémoire endisant...quelablessureaufrontestimaginaire. par Jean-Jacques, Il le prouve unelettrequilediteneffet.Maisceluiqu'onfaitparlerdanscettelettresurvitason beaugénie,etl'on sait que depuislongtemps il a entièrement perdula mémoire. M.Petitainm'aavouéqu'il(Houdon) n'avaitfaitquesignercettelettre.Ceseraitun le contreun vivant.(M.Houdon) procèsnouveauque celuioù l'on plaiderait d'unmort(M.Corancez). »—Précisdescirconstances delaviedeJ.-J. témoignage oùil a terminésesConfessions Rousscau, depuisl'époque, jusqu'àsamort,t.XXXII, p. 291,Bruxelles, Lejeune,1828. Notedela Rédaction.


SAVIE ET SES OUVRAGES. 239 qu'il est physiquementimpossible.que je puisse être embarrassé pour remplirle videoccasionné.parun trou. « Si ces renseignementspeuventvous être utiles, monsieur,vous êtes lemaîtred'enfaire l'usageque vousjugerez convenable. « J'ai l'honneur,etc. « HOUDON. » Quoiqu'il en soit, le moule original, pris par le sculpteur sur la tête du mort, fut acheté 1,800 francs par M. Gossuin fils, en 1822 (1). On en connaît une belle lithographie, de face et de profil,par M. Marin-Lavigne. Onpense bien que Houdon ne manqua pas de profiter de l'attentionque cette mort venait de fixer sur J.-J. Rousseau avec plus de forcequejamais, pour faire paraître le buste du philosophe, et nous enconnaissons deux: l'un, en bronze, et conservé au Louvre, dans leMuséede la sculpture moderne, a dans les cheveux une bandelette,et les épaules couvertes d'une draperie à l'antique la tête est plutôtsouriante, mais elle est molle et presque un peu moutonne ; il n'y a pas là d'accent véritable. L'autre, très-supérieur, est une terre-cuite, qui se trouve maintenant entre les mains de M. Duriez père, ancien papetier. Il en parut une au Salon de 1779, qui était indiquéecomme en la possession de M. de Girardin ; elle est peutêtre encore aujourd'hui dans sa famille, et il est.d'autant plus probable que celle de M. Duriez n'est pas la terre-cuite du Salon de 1779, qu'elle a appartenu longtemps à un peintre ami de Houdon,M. Legrand de Serant (2), qui la tenait de l'amitié de l'artiste. Quelquespersonnes peuvent l'avoir vue à l'Exposition qui se fit en 1830 au Luxembourg, au profit des blessés de Juillet; mais il serait heureux qu'elle entrât dans une collection publique. C'est bienl'homme même, dans toute sa vérité, et sans faux,ajustement.Il a la tête un peu penchée et légèrement tournée à droite; les cheveux sont tout à fait courts ; et le buste s'arrête presque (1)Quérard,Francelittéraire,VIII,230. (2)Pierre-Nicolas ScotLegranddeSerant,peintrenormand, néà Rouen,etmort il71ansà Berne,oùil étaitétablidepuisuncertainnombred'années.LeMoniteur a enregistré sa mortdans len° du27juillet1829,p. 1336.M.Duriezpossèdede cepeintrequelquespetitstableauxmythologiques dansle goûtde Fragonard,et d'unecouleurassezchaudeet assezharmonieuse. C'estde M. Filliart, gendre deM.deSerant,queM.Duriezlesa eusavecle buste,verscettemêmeannée1829, aumomentdu départprécipitédeM.FilliartpourPondichéry, en qualitéde conseilleràlacourroyale.


240 HOUDON, immédiatement après le cou, qui est nu. L'expression a de la tristesse, mais reste cependant calme et reposée. Comme exécution, ce buste est du plus beau faire, et la terre a gardé toutes les finesses de la propre main du sculpteur. On aurait pu croire, en pensant au nombre d'années depuis lesquelles Rousseau se refusait aux sollicitations des artistes, que Houdon n'avait fait ses bustes que d'après le masque moulé par lui sur le cadavre, et, dans cette restitution de la vie d'après la mort, il y avait à craindre, comme toujours, quelques inexactitudes. Mais nous savons, par le témoignage de M. David d'Angers (1), qu'il en est autrement: « Un ancien praticien de Houdon, « M. Begler, qui a travaillé longtemps chez moi, m'a souvent dit « avoir vu J.-J. Rousseau poser dans l'atelier de son maître, et, «en lui faisant raconter les traits d'originalité de ce grand écritevain, je ne pensais pas voir, un jour, le fac-simile de ses traits, «tel qu'il sortit des mains de Houdon. » Le fait est important parce qu'il donne plus de valeur à cette ressemblance prise sur le vif. C'est uniquement dans ce buste de Houdon qu'on trouvera le Rousseau des derniers temps, comme il ne faut chercher Rousseau plus,jeune que dans le pastel de Latour. Houdon a souvent fait des répétitions de ces deux bustes (2), et (1) Dansunelettreécritele 6 janvier1839à M. Duriez,à proposdece buste. (2) Ilestquestionplusieursfoisdansle JournaldeParis, de 1779,decebuste deHoudon.Ony trouved'abord,à la datedu19mars,p. 313,unelettredeM.Jacques-Vincent Delacroix, qui fut depuisjuge au tribunaldeVersailles,et quienà celuiquivenaitd'enconserverlestraits, un exemplaire voyaità Houdon,comme del'élogedeRousseau,qu'ilavaitpubliéchezLejay,1778,in-18,souslesinitiales deD.L. C., avocat.Danslen°du3 juin,p. 618,aprèsl'annoncedubustedeRousseau,ontrouvele passagesuivant,quiestlebutdel'article: «M. Coteau, peintre «eu émail,rue Poupée,la premièreportecochèreà droiteenentrantpar larue « Hautefeuille,déjà connuavantageusement poursa facilitéà rendreles ressem« blances,qualitéquiparaîtêtrechezluiundondela nature, a copiélebustede «M.Houdon,d'aprèssonconsentement, avectantde fidélité,quel'on y croitvoir revivrele grandhommequ'ilreprésente.La peintureen émaila, comme l'on « sait, l'inestimable propriétédene pouvoirs'effacer,ni mêmes'altérer.M.Coteau «donneauxplaquesd'émail,sur lesquellesil peint,lesformeset les grandeurs «convenables pourlesdifférents bijoux,telsquecuvettes,chaînesetcordonsde « montre,tabatières,bagueset prétentions pour.lescolliers.Nousavonsvuplu«sieursdecescopies,quitoutesontuncaractèreétonnantdevérité.»Lesmentionsdanslesnumérosdes25aoûtet 27septembre nefontqu'indiquer lebustede Houdon commefigurantauSalon.


SAVIE ET SESOUVRAGES.

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plus tard, il s'occupa encore de Rousseau, par suite de l'espérance qu'il eut d'en faire une statue; mais nous consignerons les détails relatifs à cette partie de sa vie, quand nous arriverons à l'époque de la Révolution. L'histoire de ces bustes de Rousseau nous a mis dans le Salon de 1779, puisque l'un d'eux y figure; nous avons donc à nous occuper des morceaux qui l'accompagnaient. C'était, d'abord, le buste d'un.autre philosophe, de moins de génie, mais de plus de bon sens, et dont la vie a été aussi pure que les idées. Renjamin Franklin se trouvait à Paris depuis 1776, et l'on sait de quelles prévenances, de quelles admirations, de quel engouement il était entouré et comme poursuivi. Houdon ne pouvait manquer d'éprouver aussi l'attrait qui semblait entraîner toute la France vers ce sage et ce savant, venu d'un autre monde, et il a dû être heureux de reproduire cette vénérable tête de vieillard, belle d'intelligence et d'honnêteté. Il y réussit parfaitement, et le buste qu'il nousen a laissé est un de ses plus beaux et de ses plus simples. Franklin y est tel que dans les dernières années de son séjour à Paris, c'est-à-dire, nu-tête, avec des cheveux blancs et légers, rares sur le sommet, mais tombant jusqu'au cou en longs flots, bienqu'ils ne soient pas encore si longs que dans les beaux portraits peints en miniature et en émail par Touron, qui partage avecnotre artiste le mérite d'avoir le mieux représenté Franklin! Cebuste, c'est l'homme même, réfléchi, calme, bienveillant, souriant, et il nous fait comprendre la personne aussi bien que ses écrits. Il eut un grand succès, et c'est pour lui servir d'inscription queTurgot (1) écrivit ce vers si fameux (2) : tyrannis. Eripuitcoelofulmensceptrumque Aucielil pritlafoudreet le sceptreauxtyrans. Houdon se trouva, du reste, souvent avec son modèle, dans une loge maçonnique, dite des Neuf Soeurs, de récente formation. Cesloges étaient alors tout autre chose que ce qu'elles sont devenues depuis ; elles étaient un point de réunion et de rendez-vous pourtout ce qu'il y avait d'intelligent, de distingué comme nais(1)Voirplusloinl'articledu Journalde Bachaumont,du16décembre 1786, rapporté à proposdubustede Washington. (2)La premièremoitiéestdeManilius, etleversentierestà peude choseprès ducardinaldePolignac.Cf. Ed.Fournier,L'Espritdesaudansl'Anti-Lucrèce, tres,1855,p. 25.


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HOUDON, de comme talent; ce n'était pas du tout une sance, remarquable dans le l'ancienne franc-maçonnerie comportait; société, sens que c'étaient des réunions mixtes, où se rencontraient, avec une liberté plus grande qu'ailleurs, les jeunes grands seigneurs, les gens de lettres et les artistes. Voltaire en avait été, dans son dernier voyage à Paris, et ceux que Houdon y rencontrait, avec ses confrères, Greuze, Vernet (1), Monnet le dessinateur et Godefroy le graveur, c'étaient Piccini, Chamfort, Parny, Imbert, Cailhava, Lemierre, Dupaty, Florian, Roucher, Fontanes, Cabanis, Garat, Court de Gébelin, Forster le savant naturaliste, et bien d'autres. A la suite de mésaventures arrivées dans une séance publique (2), Lalande, alors Vénérable de la loge, n'ayant pas été d'avis de publier le mémoire justificatif de cette affaire, se retira (3). Ce fut Franklin qui fut nommé à sa place (4), et c'est peut-être à cette circonstance que nous devons le buste de Houdon. Un peu plus tard, il arriva même à Houdon de partager un triomphe de son modèle. Lorsque, en 1783 (5), le Musée de Paris, fondé par Court de Gébelin, tint une séance solennelle eu l'honneur de la paix, et de la naissance de la République Américaine, on fit, en présence de Franklin et aux acclamations enthousiastes des spectateurs, l'inauguration de son buste présenté par l'artiste; le soir, on en vint même, . à la fin du souper, jusqu'à couronner de lauriers et de myrtes la tête de Franklin. Pour le buste de Franklin, Houdon avait eu devant lui la nature, et, pour le buste de Rousseau, des éludes faites d'après le 16jan(1) Vernetyavaitétéreçulemême jourqueLemierre.Cf. Bachaumont, vier 1779,t. XIII,p. 272. 14mars1779,t. XIII,p 334-335. (2) Bachaumont, pourla logedesNeufSoeurs,ré(3) Ibidem,10mai,t. XIV,p. 55. LeMémoire estun in-4°de55 pages; le passagequise rapporteà Houdigéparla Dixmerie, donestàla page9 : «Làse trouvéaussice modernePhidias,dontleciseaumagi«queimprimeà sonchoixsurle marbre,tantôtlamollesseet les grâcesde la « beauté,tantôtl'expression,le feu,la vigueurdugénie.Ilsembledonnerparlui— «mêmeà l'uncequelaFablefaitobtenirà Pygmalion pourl'autre.»CeMémoire estanalysédansBachaumont, 23et29mai,t. XIV,pages70,80-81. (4) Ibidem,26 mai, t. XIV,p. 74.Aune exposition quisuivitunefêtedonnée le 16août,Houdonet Greuzeavaientenvoyédesmorceaux quibrillaiententretous lesautres.Ibidem,25août,t. XIV,p. 186. 11mars1783,t. XXII,p 154-155. (5) Le6 mars;Bachaumont,


SAVIEET SESOUVRAGES. 243 modèle,:au besoin le masque moulé sur le cadavre, et, de plus, dans la mémoire tous les souvenirs de ses yeux ; mais, pour un autre travail, le buste de Molière, exposé à ce même Salon de 1779, il était privé de toutes ces ressources. Molière était mort depuis près d'un siècle, et la sculpture contemporaine, qui seule aurait pu guider l'artiste, ne lui avait rien laissé à consulter. Lorsque le sculpteur grec a créé la tête maintenant traditionnelle d'Homère, et l'a faite si belle que le type en a été suivi par tout l'art antique, il n'avait que deux caractères à exprimer, la vieillesse et la cécité; pour tout le reste, pour les traits, pour leur expression, pour le costume, il était libre, et n'avait de bornes que celles même de son génie. Houdon n'était pas dans le même cas, pour son buste de Molière. Qu'ils fussent plus ou moins fidèles, plus ou moins dignes ouindignes du personnage, il n'en existait pas moins des portraits de Molière, et le sculpteur devait, sinon les imiter aveuglément, au moins les rappeler. Quoiqu'il soit difficilede rien affirmer à cet égard, je croirais que celui dont il s'est servi est le portrait rond de l'ancienne Collection du Roi, qu'on voit encore au Louvre; la minceur des moustaches, qui ne forment qu'un filet sur la lèvre; serait de nature à le faire supposer. En même temps, comme personnede ceux qui devaient voir le buste, n'avait connu Molière, et par là ne pouvait se préoccuper de l'exactitude absolue de la ressemblance matérielle, il fallait que le sculpteur, sans aller contrela donnée reçue, l'animât, la vivifiât de son feu, et ne restât pas au-dessous de l'idée qu'on avait, de l'imagination qu'on pouvait se créer de la tête et de l'expression d'un si grand homme. Voilàce que Houdon avait à faire;- et, preuve bien grande du bonheur de son oeuvre, nous n'avons de ses nécessités une idée, une compréhension aussi nettes, que parce qu'il en a triomphé; ce sont les mérites mêmes de son travail, qui nous montrent bien toutes les difficultés que l'artiste-devait rencontrer pour être à la hauteur de son sujet. Ce fut, du reste, une heureuse arène pour les sculpteurs de la findu dernier siècle, que ce foyer de la Comédie-Française, pour lequel fut sculptée la tête de Molière. Si étroit qu'il soit maintenant, dans ce couloir, où, à chaque pas, les piédestaux forcent de se détourner celui qui n'a plus besoin de s'arrêter devant les bustes qu'ils portent. — dans ce petit salon qui le termine, l'art


244 HOUDON, brille et resplendit. Avec le concours de quelques artistes, la Comédie a vraiment fait, pour les auteurs comiques et tragiques qui l'avaient illustrée, ce que, à propos du Tourville de Houdon, nous verrons le gouvernement essayer pour les grands hommes de la France. En voulant moins, et sans croire faire autant, la Comédie-Française a fait plus ; car la valeur de l'ensemble qu'elle a créé n'a pas diminué depuis, et n'a rien perdu par l'effet du temps. Qu'on se rappelle cette belle série de bustes, de Houdon, de Pajou, de Caffieri surtout, dont plus d'un marbre, et notamment le Rotrou, si plein de fierté et de tournure, l'emporte sur tous les autres,: et a réussi à.se mettre et à se maintenir, sans désavantage, auprès de ceux même de Houdon. Pourtant — et ce n'est pas une pensée qui nous soit dictée par le lieu où nous l'écrivons, par le sujet de ce travail, car c'est le sentiment commun et le jugement des contemporains comme de la postérité — ce buste de Molière est le plus beau, le plus saisissant de tous. La tête du noble penseur, encadrée de longs cheveux flottants, avec le cou nu et entouré d'une écharpe négligemment nouée, se porte en avant avec une ardeur contenue et réfléchie. Le poëte ne se sent plus lui-même, car il voit, il écoute son propre génie qui lui parle; l'oeil est attentif; les narines sont dilatées sous cette plénitude intérieure la bouche fine et éloquente est entr'ouverte, sans pourtant parler; et toute la tête, aussi profondément poétique qu'elle est en même temps humaine, brille de la splendeur pure et puissante d'une profonde inspiration. Mélancolique et passionnée, ardente et calme à la fois, belle, noble et pleine de feu, elle est si vivante qu'elle semble la nature même, si belle qu'elle paraît idéale ; ou; pour mieux dire, la réalité et une sorte de splendeur immatérielle y sont tellement fondues que, devant une réunion aussi parfaite et aussi rare, il ne reste de place que pour une admiration sans réserve; et cette admiration a déjà trop résisté à l'épreuve du temps, pour qu'on puisse craindre de se tromper en l'éprouvant soi-même. Le buste de Molière devait avoir toutes les consécrations, car d'Alembert en fit placer une; répétition à l'Académie (1), avec ce 1er décembre (1)Bachaumont, 1778,t. XII,p. 179.— Danslesnotesde saVie deMolière(éd.in-12de 1844,p. 266),M. Taschereaua extraitduMercurede Francededécembre cepassaged'unarticlecomposé par 1778,p. 185et suivantes, d'Alembertsur l'inauguration de cebusteà l'Académie, articlequeseséditeurs


245 SAVIE ET SESOUVRAGES. beauvers, resté dans toutes les mémoires, et que Saurin a écrit pour servir d'inscription : Riennemanqueà sa gloire; il manquait à lanôtre. Nous rappellerons aussi qu'originairement la "Comédiene voulait pas un buste, mais une statue. Ce fut Lekain, qui, en 1773, en avait déterminé la décision (1). Les bénéfices d'une représentation donnée pour la centenaire de Molière restèrent au-dessous de ce qu'on en attendait, et la statue finit par se réduire à un buste. Maisil est remarquable que nous trouvions dans le Musée n'ontpascomprisdanssesoeuvres ; il serapportetropà notresujetpourquenous neletranscrivions a voulu,paruneinscription miseaubas pasici : «L'Académie «decebuste,exprimerà lafoisetcetteadoption si honorable posthume, pourelle, «etsonregretdecequel'adoption a étésitardive.Voicilesdifférentes inscriptions, «tantlatinesquefrançaises, quiontété imaginées pourcet objet,et quelesgensde «lettresne serontpeut-êtrepas fâchésde connaître,parcequ'ellesexprimentde " diverses manièreslesentimentqui a, danscettecirconstance, animéla compa«gnie. * deMoliereAcademia Gallica1778. Pocquelin L JoanniBaptistoe Tevivocarui; tuamesoleturimago. ainsiquelestroisautresmarquées d'uneétoile,sontded'A(Cetteinscription, lembert.) Il.Vivusdefuit;mortuusaderit. III. Deeratadhuc. IV.Serumreferet,postfata,triumphum. V.Honoresaltemsicfruaturposthumo. VI.Quidtamserusadvenis? VII.* Dumoinsaprèssamortil seraparminous. deMolière,Académicien VIII.* J.-B.Pocquelin aprèssa mort. IX. Molière, soisici, dumoinsaprèstamort. X.il nousmanquavivant,possédons sonimage. différentes : Ou,endeuxinscriptions XI.Il nousmanquavivant. XII.Possédons aumoinssonimage. XIII.Rienne manqueà sa gloire; il manquaità la nôtre, «L'Académie, qui,à causedunomqu'elleporteetdontelles'honore,croitavec «raisondevoirpréférerles inscriptions françaisesauxlatines,a, d'unevoixuna«nime,adoptéla dernière,quiaété proposée parM.Saurin,et quia paruremplir «heureusement lesintentions desesconfrères.»—Lebustefutoffertpard'Alembert,danslaséancedu23novembre1778,et leversdeSaurinfutadoptédansla séance du26. (1)M.Taschereau a publiédanslesnotesdesa Vie(leMolière (éd.in-12,1844, p. 269-270) l'extraitdesregistresdes délibérations desComédiens du la février 1773,relatifà cetteaffaire.


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HOUDON, d'Orléans (1) une statuette en plâtre de Molière, indiquée comme moulée sur une terre-cuite de Houdon. Si cette attribution est exacte, ce serait d'après la maquette faite par notre sculpteur en vue du projet de Lekain, et ce ne serait pas la dernière fois qu'il aurait eu le malheur de ne pouvoir arriver à exécuter définitivement une oeuvreréalisée dans son esprit. Avec Voltaire, Houdon rentrait dans la réalité. On sait les derniers mois de cette vie de Voltaire, cette admiration, cet enthousiasme, qui l'entourèrent, tout cet incessant et,prodigieux triomphe, le plus grand peut-être dont il ait été donné à un homme de jouir. Houdon prit, autant qu'il était en lui, sa part de tout ce retentissement, en conservant aux contemporains et à l'avenir une dernière image de ce grand homme et une image vraiment digne de lui. Voltaire, comme ou sait, arriva à Paris le 10 février 1778, et c'est sans doute dès son arrivée que Houdon — on ne voit pas qu'il ait jamais fait le voyage de Ferney (2) — obtint la faveur de le voir pour le modeler; car, le jour du couronnement de Voltaire, à la sixième représentation d'Irène, c'est-à-dire le lundi 30 mars, le buste apporté sur le théâtre pour la cérémonie et nais sur un piédestal (3), fut pris dans le foyer ou il avait été placé depuis peu (4). Ce devait être un moulage du modèle en terre, car Houdon n'avait pas pu avoir le temps d'exécuter le marbre.. Quelques mois après, Bachaumont, parlant de la séance solennelle de l'Académie, tenue le jour de la Saint-Louis, c'est-à-dire le 25 août, ne manque pas de rappeler quelles allusions, quels honneurs, quelles prosopopées de d'Alembert, qui prononçait ce jour-là l'éloge de Crébillon, exaltèrent le buste « exécuté par (1) LivretduMuséed'Orléans,éditionde 1844,p. 86. Sculptures, n°37, qui sur aussiunestatuettedelaFontaine,indiquéedemêmecommemoulée comprend uneterre-cuitedeHoudon. (2) Onneconnaîtpas le sculpteurauquelVoltairefaitallusiondanscettelettre à Damilaville du4mai1767: «J'écrislettresurlettreausculpteur.quis'estaviséde «fairemonbuste; c'est.unoriginalcapablede me faireattendretroismoisau « moins,etcebusteseraau rangdemesoeuvres »Maiscene peutêtre posthumes. Houdon,quiétaitalorsen Italie,ni mêmePigalle,dontlastatueestde1770. a faitunecharmante (3) Gaucher gravuredecettescène,surledessindeMoreau lejeune.—Surle couronnement, t.I., p. .287,t. IX, voyezleVoltairedeBeuchot, p. 458. ler avril,t. XI,p. 175. (4) Bachaumont,


SAVIE ET SESOUVRAGES. 247 « Houdon peu de temps avant la mort de Voltaire, et de la plus « grande vérité (1). » Il fut encore l'objet d'une nouvelle ovation à la séance du 4 mars 1779, où Ducis fut reçu à l'Académie à la place de Voltaire, séance dans laquelle le discours de d'Alembert fut une sorte d'inauguration des bustes de Molière et de Voltaire, placés en facel'un de l'autre (2). Celuidu foyer de la Comédie-Française —et ceci est une preuve sans réplique que le buste couronné à la représentation d'Irène ne pouvait être que le modèle — y avait été posé le jeudi 18 février 1779 (3). Houdon, du reste, en fit de grandes libéralités : «La loge des Neuf Soeursen a reçu un pareil de ce fameux artiste ; « enfin, il a envoyé ce buste à tous les membres de l'Académie « Française. Cette compagnie, en lui faisant des remercîments par «son secrétaire, a arrêté qu'il aurait désormais son entrée à «toutes les séances publiques, et deux billets à distribuer, à sa « volonté; elle lui a, de plus, fait don d'une bourse de 100 jetons «et d'un exemplaire de son Dictionnaire. Plusieurs académiciens « luiont aussi envoyé leurs ouvrages, comme une marque de leur « estime et de leur reconnaissance (4). » Sans parler en détail de toutes les répétitions, en bronze et en marbre, que fit Houdon, — il serait, je crois, impossible d'en dresserla liste, — il suffira de dire qu'il y a dans ses bustes deux formesprincipales : dans l'une, celle du buste du Théâtre-Français, Voltaire est en perruque et en costume de son temps ; dans l'autre, il est drapé à la manière des anciens, avec une bandelette dans les cheveux. La raison de la différence énorme de valeur qu'il y a entre ces deux bustes est peut-être dans ce fait que, pour le premier, Houdon a cherché à faire son modèle plus jeune, et à lui restituer une figure un peu antérieure, tandis que, dans le second, il l'a reproduit tel qu'il le voyait. L'un est presque médiocre, du moins pour l'artiste, alors que l'autre est admirable. Ce dernier, en marbre et exposé au Salon de 1779, était destiné (1)Bachaumont, 25août1778,t. XII,p. 88-90. 8mars1779,t. XIII,p. 323.—LebustedeVoltairefut donné (2) Bachaumont, aussipard'Alembert let; Laharpe,édit. Verdière,1820,in-8°.Correspondance, tre93,t. XI,p. 79. (3) Bachaumont, 26février1779,t. XIII,p. 314(4) Bachaumont, 26février1779,t. XIII,p. 314-315.


248 HOUDON, à être placé dans le cabinet de l'impératrice de Russie, qui, n'ayant pu jouir de la présence de Voltaire, voulait en avoir au moins l'effigie dans son palais. C'était le plus admirable pendant de Rousseau, en même temps le plus singulier (1), quand on voyait le même artiste et toute la France déifier ces deux irréconciliables ennemis, auxquels la mort, en les enlevant la même année, faisait la grâce de ne permettre à aucun des deux de descendre à s'acharner sur un cadavre. Le buste de Voltaire à l'antique était déjà un chef-d'oeuvre; Houdon: devait en produire un plus grand encore avec sa statue assise. Avant la mort de Voltaire, M. d'Angivilliers avait déjà obtenu que, dans les statues à faire exécuter par l'Académie de Sculpture, après les dernières ordonnées, celle de Voltaire serait comprise, et le ministre n'avait eu rien de plus pressé que de transmettre au poëte cette décision, flatteuse pour son amourpropre, par Pigalle, chargé du travail, comme devant être par la le messager le plus agréable de cette nouvelle (2). Mais quand Voltaire fut mort, ce qu'on n'avait probablement accordé à M. d'Angivilliers que par condescendance pour lui, et pour faire au vieillard le plaisir anticipé d'une glorification posthume, ne fut pas exécuté. Le parti du. clergé, qui s'opposa, tant qu'il put, à tous les honneurs rendus à la mémoire de Voltaire, se serait élevétout entier contre cet hommage officiel, et l'on n'y tenait pas assez pour se mettre gratuitement sur les bras une lutte tout à fait sans profit. Il ne fut plus question de la statue de Pigalle, et ce fut Houdon qui chercha, dans son souvenir du grand dans (1) «Rousseauest enterre-cuite,»disentlesLettressurle.Salon,publiées le Journalde Bachaumont,t. XIII,p. 245,< tandisque sonvoisinestduplus forméparlehasardetimagefidèledela pauvreté « superbemarbreblanc,contraste » «oùl'un a toujoursvécu,tandisquel'autrenageaitdansuneopulence fastueuse, ré(2) Comme Pigallefaisaitalorsletombeaudu maréchalde Saxe,Voltaire ponditau sculpteurcesjolisvers: Leroiconnaîtvotretalent. Danslepetitet dansle grand, oeuvre Vousproduisez parfaite. contrastenouveau, Aujourd'hui, Il veutquevotreheureuxciseau autrompette. Duhérosdescende 23février1778,t. XI,p. 117.—Le marquisde Luchet,Histoire Bachaumont, littérairecléM.de Voltaire,Cassel,1781,in-8°,t. II,p. 236-237.


SAVIE ET SESOULRAGES. 249 vieillardqu'il venait de voir, les moyens de lui rendre l'hommage qu'onlui refusait. En effet, il en exposa, au Salon de 1779, en même temps que lebustedont nous venons de parler, une statuette en bronze doré, destinée également au Cabinet de l'impératrice de Russie, et ainsi décrite dans une critique de ce Salon (1) : « C'est propre« ment ici le vieillard de Ferney : il est enveloppé dans sa robe de « chambre; il est assis dans son fauteuil, les mains appuyées sur « les bras ; il revient de la promenade, il est fatigué, prêt à se «coucher. Telle est la scène familière que l'auteur a choisie; « mais, malgré la lassitude de son corps, son âme virile et le rire « sardonique de la figure caractérise la moisson de ridicules que «le philosophe satirique a faite durant ses dernières méditations. «Il s'amuse en lui-même aux dépens des sots, des prêtres, des fanatiques, qu'il va livrer encore une fois à la dérision générale. «Il faut avouer que, dans cette petite figure, de moins d'un pied, «il y a plus de génie que, dans celles de la cour, le Corneille ex«cepté(2). » Commeon voit, c'est bien la maquette, la première pensée de la statue qu'on admire dans le péristyle du Théâtre-Français. Cen'est pourtant pas aux frais de la Comédie, ce n'est pas pour luiêtre offerte par Houdon, qu'elle a été exécutée; c'est madame Denis,la nièce de Voltaire, et l'héritière de sa grande fortune, quila commanda à l'artiste; et la pensée lui en vint sans doute, en voyant le bonheur et le succès de cette statuette du Salon de1779. Madame Denis avait eu d'abord et annoncé formellement l'intentionde l'offrir à l'Académie Française; puis, comme à cause deson mariage avec M. Duvivier, mariage que malgré son âge elleavait pourtant bien le droit de contracter s'il lui plaisait, elle fut assez maltraitée et moquée des encyclopédistes et des -gens delettres, elle se sentit peu disposée à être agréable à ceux-là mêmesqui venaient de se brouiller avec elle. A ce moment, le fameux avocat Gerbier (3), probablement en (1)Lettressur le Salonde 1779, dansle Journalde Bachaumont,t. XIII, p.245. (2) LeCorneille assisestdeGaffieri. représenté (3)Houdonen fit plus tard un buste, dontl'origineest peut-êtredans son intervention encetteaffaire.


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HOUDON, connaissance de cause, et après s'être assuré des dispoparfaite sitions des deux parties, écrivit à madame Duvivier une lettre publique, où il disait que Voltaire serait bien mieux a la ComédieFrançaise, au milieu des artistes qui avaient.interprété et qui interprétaient encore ses oeuvres (1). Continuant cette ouverture, évidemment faite pour préparer les esprits à ce changement de destination, les Comédiens écrivirent à madame Duvivier une longue lettre (2), dans laquelle: ils lui demandaient le don de cette statue, et madame Duvivier répondit le même jour (3) et dans ce sens (4).

de Fleury,in-8°,t. III, pages45-61.Onsait quecesspirituels .(1)Mémoires encoreaujourd'hui Mémoires sontsupposés;ilsontétéécritsparM.JeanLaffitte, examinateur depiècesau Théâtre-Français. Maisonnesaitpasassezà quelpoint lesfaitsy sonten généralexacts.Ayantétéà mêmed'enretrouverbiendesfoisles decetteindicationd'unelettredeGerbier et preuves,je mesersentouteconfiance de quelquesautressur cettehistoirede la statuede Voltaire,et d'autantplus qu'ayantécrità M.Laffitte,queje neconnaissais nullement,pourlui endemander lespreuves,ilm'a répondulalettresuivante,queje croiscurieuse pourtouscomme document d'histoirelittéraire: « Mercredi, 21mars1855. « Hélas,monsieur,vousrenouvelez unedemesdouleurs !Je n'aipasles pièces ont originales quevousmedemandez ; biend'autresmemanquent.Mesdocuments étépuisésauxsourcesquevous-même connaissez ; puisje mesuis misen rapport avecdescollectionneurs, j'ai interrogédes contemporains, j'aicherché partout.J'ai toujoursaimélesvieuxlivresetlesvieillesgens;ilsmesontvenusen aide;mais, comme moinsde preuvesquedevraij'avaisà faireune publication quidemandait semblance, j'ai négligédegarderpardeversmoicopiedemesautorités.Ily a vingt annéesde passéesdepuisque lesMémoires deFleuryontparu.Mestémoinssont que presquetousmorts; j'aiperdulesautresdevue.Jepuisvouscertifierdumoins rienn'estsupposédansmescitations.Vousavezpu voirquetout y accuselecaractèredela ressemblance. Enmettantde côtéla forme,monlivreest sérieux;les documents enontétélentement rassemblés ; ç'aété, mesamislittérairesle savent, unvéritabletravaildebénédictin au théâtre,je saisqu'iln'appuie;mais-,appliqué rait pas l'oeuvredontvousvousoccupez de la notoriétévoulue.Quandil s'agitde comédieet de comédiens, lesrevuesmagistrales et lessociétéssavantesfontun ce fait » que l'Église. peu 1780.Acemoment lastatuen'étaitpasfinie,puis(2)Endatedu26 septembre : «Votre lit cette y phrase justesensibilitéanimedanscetinstantleciseau qu'on d'unartistecélèbre,etc. » des Comédiens, du3 messidoran iv, dontje parleraiplusloin. (3) Mémoire delaComédie-Française (4)Lescopiesdesdeuxlettresexistentdanslesarchives est écritela mentionquel'originalaétéreSurla copiedecelledeMade.Duvivier ont trouvéle27messidor,anIV.Jedoisà M,EdouardFournierdesavoirqu'elles


SA VIEET SESOUVRAGES.

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Mais, comme introduction à l'examen de la figure de Houdon, qui parut au Salon de 1781, il convient de rappeler ici la statue quePigalle, celui-là même à qui M. d'Angivilliers commandait une nouvelle statue de Voltaire, avait faite du même personnage, dixans auparavant. Pigalle est bien supérieur à Houdon, comme homme : il a une intelligenceplus vigoureuse, plus inventive, et un rôle plus important dans l'histoire de l'art, où il a été novateur et chef d'école; et c'est bien à son initiative convaincue et persévérante qu'ondoit le retour de la sculpture à l'étude et à la reproduction exacte des formes de la nature. Sans Pigalle, la sculpture serait peut-être restée longtemps encore dans les voies de la convention etde la manière ; et c'est même pour nous une question, de savoir sila réforme de David, dans la peinture, n'a pas été annoncée et préparéepar l'exemple et l'influence de Pigalle. Cependant sa figure de Voltaire, faite en 1770, par suite d'une souscription ouverte à cet effet, et qu'on peut voir dans la Bibliothèquede l'Institut, est, comme représentation de l'homme, trèsinférieureà celle de son jeune rival, qui dut, d'ailleurs, profiter de l'erreur de son prédécesseur, et voir dans l'oeuvre de Pigalle cequ'il avait à éviter dans la sienne. « Si l'on considère la statue en elle-même, si l'on remarque la « vérité de l'imitation, la précision presque générale des muscles « et des attaches, la fermeté des saillies, la vie qui respire dans « l'ensemble de l'image, et si l'on se rappelle l'époque à laquelle « cette figure appartient, on est étonné d'une étude si approfondie, « d'une amélioration si notable dans la marche de la sculpture. » Biais,en face de cette singulière pensée de l'artiste de représenter Voltairetotalement nu, « on dirait vainement, pour l'excuser, que « cette espèce d'apothéose relevait la gloire du grand homme à « qui le monument était consacré, puisqu'il se trouvait assimilé « aux héros et aux dieux grecs, représentés généralement de cette « manière. Il faut avouer que l'idée de montrer un écrivain aussi « célèbre, âgé de 74 ans, tel qu'il se trouvait alors, maigre, dé« charné, réduit à l'état de squelette, il faut, dis-je, avouer qu'une « semblable idée devenait totalement inconvenante. C'était mettre étépubliées, .aumomentmême,dansl'AlmnachlittéraireouÉtrennesd'Apollon pourl'année1781,in-12,1781,p. 245-248.


252 HOUDON, au jour la nature humaine dans sa misère, là où d'ingénieux « embellissements devaient, au contraire, en.faire admirer la su« blimité. L'artiste faisait trop voir, par cette indifférence pour la « dignité du grand homme, combien le moral de l'art lui était « étranger (1). » Dans cette donnée, Voltaire n'est plus un grand homme, niais seulement l'étude d'un modèle, et, entre sa statue et la figuredu vieillard nu, représentant le Commerce, dont Pigalle a orné le piédestal de la-statue de Louis XV à Reims, je ne vois aucune différence. Les mêmes qualités et le même caractère s'y trouvent. Ce sont toutes deux des statues de vieillards, dont le mérite consiste en l'étude, très-exacte et prédominante, des ravages que la vieillesse a faits.dans leurs formes; c'est une bonne figure en un sens ; mais, Voltaire eût-il posé, ce n'est pas lui, puisque, dans notre civilisation, vêtue, personne ne le voyait de cette façon. Cette nudité eut cependant des défenseurs, qui en appelaient aux.exemples de l'antiquité; et, vers la même époque, Pajou, faisant une statue de Buffon, qu'on peut voir encore dans les bâtiments du Jardin des Plantes, a représenté nu aussi, au moins jusqu'au milieu du corps, le grand naturaliste. Houdon a été mieux inspiré, et avec la vivacité qu'il avait à voir la nature et à en tirer parti, c'est sans doute à une pose, à une robe de chambre du vieux malade de Ferney, qu'il a dû l'idée de sa statue, lorsque, pour en faire le buste, il venait dans l'appartement du coin de la rue de Beaune. Par les grands plis de cette large draperie, sous lesquels se perd la-maigreur antisculpturale du vieillard, son oeuvre rappelle les belles statues assises des philosophes de l'antiquité, et prend un caractère idéal, qui convient à un monument public et honorifique. En même temps, et malgré cette draperie, elle ne sort pas du caractère contemporain. Ce fauteuil, avec les cannelures droites de ses pieds et les cannelures torses de ses bras, est bien un fauteuil du temps; avec ce soulier carré qui dépasse la draperie, nous restons dans le costume moderne; nous sentons que sous la draperie sur lesprogrèsdela sculpturefrançaise (1) Éméric.David,danssonmorceau auSalon introduction depuisLouisXVI,publiéd'aborddansle Moniteur,comme de 1824,réimprimé unepremièrefoisdansla Revue de 1825,etenfin Européenne réuni à l'Histoiredela sculpturefrançaise,d'ÉméricDavid, publiéerécemment par M.P. Lacroix.Charpentier, 1853,in-12,p. 196-208.


SA VIE ET SESOUVRAGES. 253 Voltaire est habillé comme il l'était en réalité; et l'esprit est débarrassé de celte préoccupation choquante de voir un homme duXVIIIesiècle, travesti en héros romain. Par cet heureux choix de moyens,Houdon a réussi à fondre ensemble le respect de la vérité personnelleet l'emploi des plus beaux moyens que mettaient à sa disposition les plus heureuses traditions de.la sculpture. Il a été à la fois aussi simple que noble et aussi idéal que réel. C'est, en effet, l'homme tout entier : les mains appuyées sur les deuxbras du fauteuil, comme si son corps venait d'en quitter le dossier,il regarde celui qui lui parle, et attend qu'il ait fini pour lui répondre. Tout le feu de son intelligence est sur ses lèvres entr'ouvertes et dans ses yeux qui petillent; tout ce corps faible etvieilli se ranime sous l'empire de l'esprit qui subsiste et qui n'a rien perdu de sa promptitude ni de sa force. Ce n'est plus du marbre, c'est la vie même, et l'art, par cela même qu'il est plus admirable, s'efface et disparaît pour ne vous laisser que l'idée du personnage. Cetteréalité, si animée, si étincelante qu'elle soit, trouva cependant des critiques (1). On aurait voulu voir Voltaire dans les belles années de son génie, c'est-à-dire qu'on demandait au sculpteur de ne pas faire ce qu'il voyait, et, en faisant ce qu'il ne voyait pas, de tomber nécessairement dans la fausseté. Au lieu dece sourire à la fois amusé et railleur, qui erre sur les lèvres de la statue, et ne peignant qu'une partie de l'esprit de Voltaire, on aurait voulu que l'artiste substituât une sorte d'inspiration dans tous les traits, qui rappelât plus particulièrement le grand poète. Il est probable que, si Houdon avait fait de sa statue quelque chose de bien guindé, de bien déclamatoire, de bien théâtral, de bien ridicule, la critique du temps eût été satisfaite. A la place du beauchef-d'oeuvre que nous possédons, nous aurions eu quelque chosecomme l'extravagant et vide Shakspeare, que Roubiliac a l'ait pour Garrick (2). Ce reproche, ainsi adressé à l'oeuvre de Houdon, porte précisémentsur ce qu'elle a de meilleur et de plus durable : car, avec cette intelligence de. la nature, à laquelle il semble que sa main (1) VoirObservations généralessurle Salonde 1783et,surl'état desarts en Trame,par M.L**** P***,p. 5. Livesof Britishpointers,sculptors,etc., London, (2) Cf.AllanCunningham, petitin-8°1830,t. III, p. 53-55 17


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HOUDON, d'artiste ne puisse pas se soustraire, il a représenté le vrai, le meilleur Voltaire, tel qu'il était, tel qu'il est resté, tel qu'il vivra éternellement, le Voltaire en prose, si l'on peut se servir de cette expression, celui de sa correspondance et de sa conversation, l'homme qui a le plus de bon sens dans l'esprit, le plus de netteté et de clarté dans la langue. Si Houdon l'eût travesti en énergumène sur le trépied de la Pythie, c'est au contraire alors qu'il eût fait un faux Voltaire, et il est curieux de voir attaquer son oeuvredans ce qu'elle a de plus juste et de plus heureux. Ce fut même en invoquant la raison de l'âge avancé de Voltaire que l'auteur des Observations sur le Salon de 1783 défendit l'artiste de l'avoir représenté assis, comme si cette attitude était interdite à la sculpture, et comme si l'art ancien et l'art moderne ne l'eussent pas consacrée par les plus admirables exemples. La meilleure preuve, d'ailleurs, de la valeur de l'oeuvre de Houdon, c'est que, devant elle, il n'y a pas à désirer autre chose, et qu'on ne voit pas comment elle pourrait être autrement. Je n'ai pas parlé de la beauté, de la vérité de l'exécution. Sous ce rapport, et tant ils sont vrais sans avoir rien de repoussant, le cou, la tête, les mains amaigries et toutes ridées, égalent tout ce qu'on peut leur opposer. Il en faut convenir, c'est une des trente statues, dont se doive honorer la sculpture française, par lesquelles il serait possible d'en caractériser toute l'histoire, et à elle seule elle suffirait à assurer la gloire de son auteur. La statue faite et remise entre les mains des Comédiens, il semblerait que son histoire soit finie; il n'en est rien cependant, et ce n'est pas sans courir plus d'une fois le risque d'en sortir, qu'elle a conservé la meilleure destination qu'elle puisse avoir. Elle avait d'abord été placée dans le premier foyer de la ComédieFrançaise, qui venait de s'établir dans la nouvelle salle de la rue de Condé, c'est-à-dire dans le bâtiment de l'Odéon ; au bout d'un an, l'on lit quelques changements intérieurs. « Le foyer latéral, » écrit le continuateur de Bachaumont (1), à la date du 31 mai 1783, « avait été jugé trop petit et trop étranglé; on en a com« mencé un au-dessus du vestibule, plus vaste et d'un meilleur « effet. Il est fâcheux seulement que la cheminée paraisse un peu (1) TomeXXlI,p. 360-361.


SA VIE ET SESOUVRAGES.

255 « mesquinepour le local. Des bustes de différents auteurs drama« tiques français en font un ornement riche et intéressant; mais « on ne sait pourquoi les Comédiens, s'arrogeant le droit de « décider de la primauté entre eux, ont jugé à propos de mettre « Molière (celui de Houdon) sur la cheminée, seul, beaucoup plus « élevé que les autres, et semblant les dominer (1). Assurément, « beaucoup de gens pensent de même, et le regardent comme « supérieur aux autres. Ils n'en sont pas moins indignés contre « l'audace des histrions, surtout en réfléchissant que le motif se« cret de cette préférence marquée est que Molière a été comé« dien; c'est à leur camarade, devenu leur patron, plutôt qu'au « grand comique, qu'ils ont déféré l'empire du Théâtre-Français. « Madame Duvivier, ci-devant madame Denis, a surtout trouvé « très-mauvais que, sous prétexte de construire cette cheminée, ils « aient déplacé la statue en pied de Voltaire, dont elle leur avait « fait présent, à condition qu'elle serait mise, à toute éternité, sous « les yeux du public, et l'aient reléguée dans leur salle d'assem« blée particulière. Elle leur a écrit en conséquence, le 12 mai (2), « une lettre de reproches très-amers, et elle s'y plaint par occa« sion de ne pouvoir plus voir les chefs-d'oeuvre de son oncle, « pour son- argent, faute de pouvoir obtenir un quart de loge; «mais elle insiste spécialement sur la statue, don qu'elle ne veut « pas retirer, mais racheter, à l'estimation de M. Houdon son « auteur. » A cette lettre de madame Duvivier la Comédie fit une réponse assezsèche; une seconde lettre plus vive amena presque des injures (3), et la discussion s'envenima si bien que, le 4 juin 1783 (4), (1) Prévillefut undoceuxquiavaientle pluscontribuéa cettedécision.C'est àluiqu'on;attribuele motqu'il ne convenaitpasde représenter en piedunauteur dansunlieuoùle pèredela Comédie ne figuraitqu'enbuste.Cf.l'article tragique t. XXXVI, deM.Parisotdansla Biographieuniverselle, p. 57-58. (2) M.Laffitte,dansle 3e volumedesMémoires de Fleury,a donnéunegrande partiedecettelettre. (3 M.Laffitte, Mémoires de Fleury. (4)«Monsieur dela Comédie-Françoise, estchargé,delapart Desplans, concierge delasociétéassemblée, de nepermettre jusqu'ànouvelordreaucunouvragerelatif à la posedela statuedeM.deVoltairedansl'intérieurdela salle,attendulanécessitéd'avoirune réponsedemadame Duvivierquia récidivé la demande decette statue.Lemercredi4 juin1783. Signé:J. Desessarts.(Lecorpsdel'ordreest desa main.)—Dorival.— Fleury.


256 HOUDON, la Comédie ordonna de cesser tout ouvrage relatif à la pose de la statue, par suite de la nécessité d'avoir une réponse décisive de madame Duvivier, qui avait récidivé sa demande. L'intervention de M. d'Angivilliers, qui, pour mettre un terme à la querelle, venait soutenir, non.sans raison, que c'était non pas aux Comédiens, mais au ministre des bâtiments, à décider de la place à lui donner, ajouta encore de nouvelles difficultés; on allait envoyerune députation à Versailles (1), quand, le 27 juin, arriva un ordre du duc de Duras, qui, en sa qualité de premier gentilhomme de la chambre, et en conséquence des ordres du roi, ordonnait de la faire poser dans le vestibule (2). C'était une des places que madame Duvivier demandait pour la statue, et la place à laquelle l'architecte, M. de Wailly, l'avait d'abord destinée. Elle fut, en effet, élevée dans le fond du vestibule, en face de la porte du milieu (3), et, de cette place, le vieillard semblait chercher les siens parmi ceux qui entraient, pour accueillir d'un mot spirituel les amis, et d'un sarcasme, les ennemis., L'année suivante, c'est-à-dire en 1784, lorsque fut jouée laFolle Journée, de Beaumarchais, — on l'appelait alors bien plus de ce nom que du nom de Mariage de Figaro, qui lui est resté, — tous les quatrains élogieux, toutes les épigrammes qui se croisèrent à ce sujet, se placardèrent sur le piédestal.de Voltaire (4). Il faut convenir que servir ainsi au même usage que le Pasquino de Rome n'allait pas mal au spirituel railleur, et il ne se fût pas autrement fâché d'être employé à afficher et à faire lire des railleries, filles de son esprit qui se survivait en elles. Avant la Révolution, la statue de Voltaire n'eut plus d'aventures (S), jusqu'au moment de la dissolution de la Comédie. On — Florence. — Préville.—DrouinPréville.—Dugazon. — Thénard.—Cour—Dazincourt. ville.—Bellemont. De cadette. —Joly.—Vanhove.— Saint-Val, —Delarive.» — Archives dela Comédie. deFleury. (1) Mémoires dela ducde Duras,pairde France,premiergentilhomme (2) «Nous,maréchal, chambre du Roy.En conséquence desordresde Sa Majestéordonnons auxComédiensFrançoisdefaireposerdansleurvestibule la statuedeM.deVoltaire. Paris, à l'orice27juin 1783.Signé: Lemaréchalducde Duras.Pour copieconforme ginalrestéentrenosmains.DesEntelles.»— Archivesdela Comédie. (3) Thierry,t. II,p. 388. . deFleury,t. III, p. 42. (4) Mémoires (5) Unecopieencartonbronzé,quiseretrouvaà laventedeHoudon, figuradans


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sait sous quelle mauvaise fortune la Comédie succomba, à cette époque : les représentations furent interrompues, la salle fermée, presque toute la troupe jetée en prison. Quand, la tourmente passée, il fut question de rouvrir le théâtre, il s'éleva, à propos de la statue de Voltaire, une contestation entre le ministre de l'intérieur, qui était alors Benezech, et les Comédiens. Se fondant sur un inventaire, — rédigé le 25 ventôse an II (15mars 1794), pendant que les Comédiens étaient dispersés ou en prison, par les soins d'un certain Haumont, au nom des créanciers dela Comédie, et de Desplans, l'ancien concierge de la salle, mais tous deux sans qualités et sans données pour le faire, — le ministre voulait garder la statue de Voltaire, et se proposait de la placer dans la salle de l'Institut national (1). Les Comédiens réclamèrent contre cette prétention, disant, avec beaucoup de raison, que la statue n'avait pas été donnée au bâtiment matériel, mais à la troupe, et que, devant se trouver au milieu d'elle, elle la devait suivre dans ses changements. Houdonet de Wailly, sur le bruit que les Comédiens ne la réclamaient que pour la vendre et en faire de l'argent, obtinrent du mari de madame Duvivier, encore vivant, une déclaration qu'elle n'était pas la propriété des Comédiens. Ceux-ci, par une lettre qu'ils lui adressèrent pour invoquer.son témoignage,, et où ils se défendaientd'avoir voulu vendre la statue, le firent revenir sur sa déclaration, et remirent au ministre, le 3 messidor an iv (21 juin 1796), un mémoire accompagné de la réponse que, quelques jours auparavant, le 27 prairial (15 juin), M. Duvivier avait faite à leur demande. Le ministre, ne pouvant plus devant celte déclaration lacérémonie delatranslation desrestesdeVoltaireau Panthéon,le11 juillet1791. ne fitcependant nommée pas partiede la députation par l'Académie, qui, Houdon pourla représenterdanscettecérémonie, donna,cejour-là,vacanceà ses écoles. Lesregistresmanuscrits indiquentcommedésignésMM.Gois, Boizot,Giroust; Dejoux, Hue,Forty,Berthellemy, etDumont.— Boquet, Vestier,Levasseur,Foucou la Biographie desContemporains ditqu'ily enaunerépétition enbronzeà laBibliodu Roi;c'estuneerreur.LeVoltairede la Bibliothèque estunplâtrepeint thèque enbronze,et, quandlescouchesde couleur.étaient moinsnombreuses, onreconnaissait très-bien,auxtrousqu'onyvoyaitencore,que c'étaitle plâtremêmequi avaitservide guideauxpraticienspourmettrelemarbreauxpoints. 2eannée1796,t. II, p. 274: «La statuedeVol(1)MagasinEncyclopédique, va être placéedansla salledel'Institut taire,quiétaità l'ancienThéâtre-Français, National. »


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HOUDON, contester honnêtement le droit des Comédiens, le reconnut enfin par une lettre en date du 15 messidor (3 juillet) (1). Dans toute cette affaire, les Comédiens avaient eu un autre but que celui de rentrer, en' possession de leur bien ; ils ne voulaient pas vendre la statue, bien au contraire; cependant ils voulaient en faire un don au gouvernement, et, j'emprunte leurs expressions, ils ne contestaient aux agents du gouvernement le droit de la leur enlever que pour conserver celui de l'offrir eux-mêmes; il est vrai qu'ils demandaient en échange qu'on se chargeât de payer pour eux, jusqu'à la mort des titulaires actuels, les pensions dont aux Archivesdes Français; nousdon(1) Toutescespiècessontconservées la copiedesdeuxlettresdeM.Duvivier et deBenezech : nonsseulement «Paris,ce27 prairialanIV (15juin 1796). « Citoyens, «Je ne croyaispasqu'aprèsla copiedelalettrequeruafemmea eul'honneur de vousécriredansletempsquevouslui demandâtes lastatuedesononcle,il pûts'éleverle moindredoutesur le donqu'elleen a faità la sociétédès artistesdu Il serait,jecrois,ridiculedepenserquece fûtaumonument maThéâtre-Français. tériel,qu'elleeûtdonnéla statuedecegrandhomme;car il pouvaitarriverquele d'alorsfît uneautredispositiondeceBâtiment;et que seraitdegouvernement venuealorslastatuedestinéeàresterau milieudevous?Je pensedonc,Citoyens, qu'onne peutsans injusticevousravir cebienqui vousappartient.J'ai d'autant mafemmeà céderaux plusderaisondepenserainsiquec'estmoiquidéterminai instancesquelui firentdanscetemps-làles acteursfrançaispourposséderlastatuedeleur bienfaiteur, quid'abordétaitdestinéeà êtreplacéeà l'Académie-Française. « Salutet Fraternité, » « DUVIVIER. anivdela République Paris,le 15messidor uneetindivisible (3juillet1796). « Le ministredel'Intérieurauxartistes,du Théâtre-Français. « D'aprèsle.mémoire et quiest arrive quevousvenezde m'adresser,Citoyens, aprèsla décisionquej'avaisprise,je croisdevoirvouslaisserla disposition dela statuede Voltairequiétaitréclaméecommepropriéténationaleet queje m'étois n'est La questiondel'inventaire proposédeplacerdelamanièrela plusconvenable. estencontradiction pointrésolueparvosréponses,etla lettredu citoyenDuvivier avecunedéclaration faiteparlui auxcitoyens et de Wailly,arHoudon,sculpteur, chitecte Je , laquelleportoitquela statueen questionn'étoitpointvotrepropriété. m'entiensà la lettre qu'ilvousa écrite; maisje vousavouequeje la fortifiedela confiance quevousinspirezet dela persuasionquevousdonnerezà ce monument unedestination dignedelui. « Salutet Fraternité, « BENEZECH. "


SA VIE ET SESOUVRAGES.

259 la Comédie, alors fort peu à son aise, était grevée, et le 23 messidor an iv (11 juillet 1796), ils adressèrent au ministre un nouveau mémoire dans ce sens. Soit que l'affaire tombât dans l'eau, soit que le gouvernement, se souciant peu de reconnaître aussi chèrement ce que les Comédiens appelaient un don, les ait positivement refusés, la statue leur est demeurée, et, maintenant que l'affaire de ces pensions n'est plus en jeu, il est heureux que les choses se soient passées, ainsi. Un Musée, en un sens, n'est que le dernier asile d'une oeuvre d'art, et ne lui devient convenable que lorsqu'elle ne peut plus être sauvée que de cette façon , ou, lorsque, même subsistante, elle ne serait pas visible autrement. Mais, dans les circonstances, présentes, et jusqu'à ce qu'elles soient modifiées, la statue de Voltaire, qui est encore à la place pour laquelle elle a été faite, qui lui donne un lustre et en reçoit d'elle, perdrait de sa personnalité et de sa valeur morale à entrer dans un Musée, pour n'être qu'un morceauparmi tant d'autres, et un numéro de plus dans un livret. En ces dernières années, elle a été, quelque temps, accompagnéede deux autres statues, celle de Lekain, par M. Dantan aîné, et cellede Talma, par M.David d'Angers ; mais toutes deux étaient d'une proportion trop forte pour ce péristyle écrasé; elles y manquaient d'air, et, par leur masse, elles nuisaient plutôt à cette fine statue de Voltaire. Elles n'y sont plus maintenant, et il est heureux pour celle-ci qu'elles aient été enlevées (1). Maintenant, seule qu'elle est dans ce vestibule de son temple, la statue de Voltaire y brille de toute sa beauté, et elle y restera probablement sans compagnon; car ce sera toujours un rude voisinage, et qui n'arrêtera pas peu ceux qui penseraient a s'y exposer. Au même Salon que la statue de Voltaire, et en dehors de ces travaux particuliers si l'on peut dire, Houdon exposa une statue commandéepar le gouvernement, dont le choix venait enfin donner à son talent une consécration qui lui manquait encore. L'oeuvre est loin de valoir le Voltaire; mais nous devons cependant nous y arrêter. (1)Lastatuede Talma,déposée quelquetempsdansles magasinsduLouvre, setrouvemaintenant dansles Tuileries,au milieude lanouvelle pelousequitermine,ducôtédu Pont-Royal, lesparterrespar lesquelsle châteauest séparédu jardin.


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HOUDON, On sait qu'à cette époque on commandait, tous les ans, un certain nombre de grands tableaux et de statues de marbre aux artistes les plus remarqués, de manière à avoir et à conserver d'eux, pour l'enseignement de la postérité et la gloire du règne, leurs plus importants chefs-d'oeuvre. C'est ainsi que furent faits par David ses Horaces et ses Fils de Brutus, qui, sous le couvert des idées antiques, ramenaient, aussi bien que le reste, les idées républicaines de l'ancienne Rome. Pour les peintres, il n'y avait pas de plan, et les sujets étaient pris de côté et d'autre; pour les sculpteurs, on voulut avoir une suite de statues des grands hommes de la France. L'idée était dans l'esprit du temps : le duc d'Orléans, faisant bâtir le Palais-Royal actuel, avait l'intention de décorer le jardin d'une pareille suite, en quelque sorte sous les auspices d'une statue de Henri IV (1). La Restauration reprit, plus tard, l'idée du gouvernement de Louis XVI, quand elle fit exécuter, pour les piédestaux du pont de la Concorde, les statues colossales de grands hommes, maintenant dans la cour du palais de Versailles. De nos jours, mais avec peu de bonheur dans l'ensemble, la suite des statues de grands hommes sur la façade de l'Hôtel de ville, et les femmes illustres de la France, qui décorent le jardin du Luxembourg, sont d'autres applications de cette idée. Pour revenir au temps de Louis XVI, Houdon avait été chargé, en 1779 (2), de faire, pour 1781, la statue de Tourviile. Il la fil, en effet, et un état des sommes payées par le ministère en oeuvres d'art depuis le 10 avril 1762 jusqu'en 1785, état maintenant con(1) Thierry,1.1,p. 270. 28novembre (2)Bachaumont, 1779,t. XIV,p. 321.«Lesquatrestatuescommandéespour1781,sontcellesdesmaréchauxde Tourviile,de Catinat,duduc « de Montausier et dePascal.M.Houdon,à quionrendenfinjustice,est chargéde «la première,etc. » On trouveplus tard dans,le mêmeBachaumont (27janvier1786, t. XXXI, avaitdécidédepuispeu lesstatuesde quatre p. 64)queM.lecomted'Angivilliers suivantl'usage,auSalondé 1787,et l'on grandshommes,devantêtre exposées, ne se trompepas, indiquecelledeBayardcommeconfiéeà Houdon ; siBachaumont ellelui aurait étéretirée; car ellea été exécutéepar Bridan,dont le marbre, auMuséedeVersailles.— exposéen 1787,estmaintenant Ons'esttrompéplusd'une foisenattribuantdanscettesuiteà Houdondestravauxqu'il n'a pas faits.Ainsi, l'auteurduMémoire sur la sculpture, impriméà la suitede l'Élogede Pigalle, 1786,in-4°,parlant,p. 20, decettesuitedestatuesdegrandshommes, indiquela statuede Calmet,DomCalmetsansdoute,commeexécutéepar Oudon.


SA VIE ET SESOUVRAGES. 261 au du Musée servé Louvre, nous apprend qu'elle a clé, comme toutes les autres, payée 10,000 livres (1). Elle fut d'abord conservée au Louvre, dans la salle des Cariatides, qui dépendait alors de l'Académie (2); elle y resta comme décoration, quand l'Institut, à son origine (3), y tenait ses séances solennelles; enfin, quand cette salle fut donnée aux Antiques, la statue, passa dans une autre salle du Louvre, dite des Grands hommes,et de là au Musée de Versailles (4),où elle est maintenant. Tourvilleest debout, en costume de commandant; il tient de la main droite son épée nue, du bout de laquelle il montre l'ordre de la cour de combattre à la Hogue. Entre ses jambes on aperçoit l'avant d'un petit vaisseau (5), garni de canons proportionnés à sa petitesse, et qui ont l'air de joujoux. Ce diminutif de navire est une puérilité; avec la moindre chose derrière la figure, une ancre, ou un pieu entouré d'une corde, on eût fait sentir que le personnage était sur un vaisseau. Dans l'ensemble il a fort peu le caractère du siècle de Louis XIV, quoique le costume y soit certainement plus cherché que dans aucune autre des statues exécutées pour la même suite. Le chapeau à plumes, qui a vraiment l'air d'avoir été emprunté à la Partie de chasse de Henri IV, qu'on (1)Voiciledernierpayement, quenousdonnonsseul,parcequ'ilrésumetoutes lesmentions : « Reçuuneampliation précédentes extraite,adresséeausieurHou«don,sculpteurdu Roy,delasommede3,000livres,faisant,avec7,000livresà «luidonnéesà compte,2,000livressurl'exercice de1780le2 may1781,et 5,000 «livressur1781,dont2,000livresle29may1782,et 3,000livresle30mars1784, «leparfaitpayementde10,000livres,a quoimontelastatuedumaréchal deTour«villequ'ila faiteen 1780et 1781,pourleservicedeSa Majesté,suivantunmé« moirecertifiéet réglé. « Reçude Mr Pierre l'ampliationelle mémoireénoncésci-contre;à Paris, «ce 23juin 1785 « Signé: HOUDON. » (2) Thierry,t. I, p. 340. (3)Thierry,t.1, p.340,et Fragmentssur Paris,par Meyer,in-8°,1798,t. II, p.35. (4) Aupremierétage,danslecorridordumidi. (5)Surlequelonlit : LeSoleilRoyalde108canons;c'estlenomduvaisseau amiralqueTourville montaità la Hogue.—La médaille queTourville porteau cou, surlaquelle onlit : « R.D.VENISE,1690», devraitporterladatede 1666,puisquecefutcetteannéequele doge,pourremercier,aunomdela République, Tourvilled'avoirpurgél'Archipel descorsairesquile ravageaient, lui donna,enmême maritimeetd'Intempsqu'unbrevetoùilétaitqualifiédeProtecteurducommerce unemédaille,etunechaîned'ord'ungrandprix. vincible,


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HOUDON, jouait alors, est, sous ce rapport, très-malheureux. Pour les cheveux, ils sont bizarrement roulés, et leurs boucles, qui rappellent presque l'effet mou et indistinct de la gravure au pointillé, sont sans air et comme trempées dans l'eau; c'est seulement quand on voit tous les vêtements emportés violemment dans le même sens, qu'on se rend compte de l'intention de l'auteur, qui a été de faire entraîner tout le costume par un coup de vent. En somme, et la pose et les détails sentent le théâtre et la convention ; on voit que Houdon n'était pas là en l'ace de la nature. La seule chose qu'on puisse maintenant admirer, c'est la perfection avec laquelle certains détails du-costume sont traités. L'exécution de la dentelle du rabat, du baudrier, des franges, des gants, des manches de la chemise, est aussi habile et aussi heureuse qu'elle puisse être. Mais la statue gagnerait à plus de simplicité dans le parti, et à avoir plus de force que de bruit et d'éclat, qui sont ce qui domine et ce qui nous choque maintenant. Avec ces deux grands morceaux, le Voltaire et le Tourville, Houdon, au Salon de 1781, n'avait pas moins de dix bustes, parmi lesquels étaient ceux de Tronchin, l'illustre médecin de Genève, que Houdon, s'il ne le connaissait d'ailleurs, avait nécessairement vu pendant le séjour de Voltaire à Paris, — d'un.autre médecin, M. Quesnay,— de Palissot,—du célèbre avocat Gerbier, qui avait écrit la lettre à madame Denis pour l'engager à donner le Voltaire à la Comédie, — celui de mademoiselle Odéoud, que nous avons déjà indiqué à propos de la Diane, - et deux autres, sur lesquels nous nous arrêterons un peu plus longtemps. L'un est celui d'un homme assez inconnu maintenant le comte de Valbelle. D'une famille noble de Provence, il avait quitté, les armes pour les lettres; il mourut en 1778, et, par son testament, il laissa à l'Académie un legs de 24,000 livres, pour que le revenu en fût donné chaque année à un homme de lettres (1). L'Académie reconnaissante fit faire par Houdon le buste du comte de Valbelle, et « le plaça, dans la salle de ses assemblées parti« culières, où il figure avec ceux des académiciens. On lit au bas : « Joseph-Alphonse-Omer, comte de Valbelle, protecteur des let< tres (2 »Son éloge, composé par d'Alembert, suivant le voeude (1) Onpeutvoir l'articlemêmedeson testamentdans Bachaumont, 25 août t. 186. 1779, XIV,p. 30août1779.t. XIV,p. 191(2) Bachaumont,


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l'Académie, fut prononcé dans la séance du 25 avril 1779 (1); et, au dire de madame de Genlis (2), l'éloge fut moins applaudi que le buste. Plus heureuse que d'autres, la terre-cuite du travail est arrivée au Musée de Versailles. M. de Valbelle y paraît âgé de trente à quarante ans; il est en habit du temps, avec la croix de Saint-Louis, et d'une figure assez insignifiante. L'autre buste était celui d'un personnage bien différent, le célèbre marin écossais, Paul Jones, qui avait mis sa bravoure et ses talents au service de l'Amérique, et qui, à la suite de sa brillante campagne de 1779, fut un moment fort à la mode à Paris. « L'intrépide Paul Jones, » écrivait Grimm en mai 1780, « est « ici depuis quelques semaines. Il a eu l'honneur d'être présenté « au roi. Il a été applaudi avec transport dans tous les spectacles « où il s'est montré, et particulièrement à l'Opéra. Une singula« rité assez digne d'être remarquée, c'est que ce brave corsaire, « qui a donné des preuves si multipliées de l'âme la plus ferme « et du courage le plus déterminé, n'en est pas moins l'homme du' « monde le plus sensible et le plus doux; qu'il a fait beaucoup de « vers pleins de grâce et de mollesse; que le genre de poésie qui « paraît même avoir le plus d'attrait pour son génie, c'est l'élégie « et l'églogue. La loge des Neuf Soeurs, dont il est membre, a en« gagé M. Houdon à faire son buste. Ce portrait est un nouveau « chef-d'oeuvre,digne du ciseau qui semble destiné à consacrer « à l'immortalité les hommes illustres en tout genre (3). » Du reste, Houdon manquait rarement de faire les bustes des personnages qui, à un titre même passager, préoccupaient l'attentionpublique. En la suivant ainsi, il était sûr de faire regarder sonoeuvreà plus de personnes, et sa popularité y gagnait. Bien (les gens, dont sa meilleure sculpture n'eût pas attiré, les yeux, avaient,remarqué le buste de mademoiselle Lise. Il fit ainsi le buste de Cagliostro (4); il fit celui de tous les de Laharpe, dansses oeuvres,éditionVerdière,t. XI, (1) Correspondance, p..192,et Bachaumont, t. XIV,p. 188.Cetélogea été imprimédansles oeuvres —L'hôteldeValbelleétaitrueduBac,près la ruedel'Université, ded'Alembert. ilgauche envenantde Saint-Thomas-d'Aquin. Thierry,t. II, p. 534. t. II, p. 289. (2)Mémoires, (3)Correspondance littéraire,etc., deGrimmet Diderot,1830,t. X, p. 285. (4)Meyer,Fragmentssur Paris, Hambourg,1798,1 II, p. 221.Le plâtrea a laseconde figuré ventedeHoudon.


264 HOUDON, aéronautes du temps, de Montgolfier, de Pilastre des Rosiers, de Charles, de d'Arlandes et de Robert (1). Lorsqu'une souscription fut ouverte pour frapper une médaille d'or en l'honneur de Montgolfler, ce fut Houdon qui en donna le dessin (2). Il est presque puéril de tirer du Journal de Paris la mention d'une souscription de six livres faite par Houdon, en compagnie des plus illustres du temps, la Fayette et bien d'autres, pour un homme qui promettait de « marcher sur l'eau » (3), si ce fait ne rentrait dans ce que nous disons, le désir d'occuper de soi l'opinion publique et de l'entretenir toujours sur son compte. Pour être à la mode, Houdon suivait la mode : aussi quand on avait besoin d'un nom de sculpteur, on prenait le sien, comme les rhéteurs ou les poëtes anciens se servaient de celui de Lysippe ou de Myron. Ainsi, dans le singulier récit d'une fête toute lesbienne, dont on fait mademoiselle Raucourt la prêtresse et l'orateur, le chroniqueur scandaleux met le nom de notre sculpteur dans la description de la salle où la scène se passe. Un autel à droite portait le buste de Sapho; « l'autel à gauche, vacant-jusque-là, devait « recevoir le buste de mademoiselle d'Éon, cette fille la plus « illustre entre les modernes, la plus digne de figurer dans la « secte anandrine ; mais il n'était point encore achevé, et l'on « attendait qu'il sortît du ciseau du voluptueux Houdon (4). » Au Salon de 1783, le contingent de notre artiste fut aussi trèsremarquable. C'était d'abord le groupe d'une Baigneuse et de son esclave noire, la Diane de bronze, et un morceau nouveau, la figure, en marbre et de grandeur naturelle, connue sous le nom (1) « Noussommesinstruits queM. Houdon,après avoirfait le bustede »M.Montgolfier, parunesuitede l'hommage qu'ilrendauxbrillantesexpériences «aérostatiques qu'onvientdefaire,va yajouterlebustedesquatreillustresvoya" geursaériens.» JournaldeParis, n° du3 décembre1783,Cf.,pourlesnoms, le n°du 4 qui (2) Il présentaitlestêtes desdeuxfrères,Josephet EtienneMontgolfier, avaientinventéensemblelesaérostats.M.Gatteaux,lepère,futchargédel'exécufutremisepar M.Faujasde Saint-Fond, à latêted'unedéputation,etlamédaille tiondes souscripteurs, le 14 octobre1785.Delaunay, le fils,ena publiéunegravure.— Bachaumont, 15et 27octobre1783,t. XXIII,p. 244et265. (3) Journalde Paris,numérodu11décembre1783.Lenumérodu8contenait l'annoncedela souscription ; cellede Houdonestdu9. Ilse trouva,cequidevait «à ladéliarriver,quec'étaitun puff,et l'Urgentdes souscripteurs futemployé vrancedesprisonnierspourmoisdenourrices.» (4) L'Espionanglais,in-12.1784,t. X,p. 201.


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de la Frileuse. Le groupe se voyait dans le parc de Monceaux, la Dianechez M.Girardot de Marigny, nous en avons déjà parlé,— et la Frileusedans l'atelier de l'auteur, à la Bibliothèque du Roi. C'est unejeune fille nue, qui serre un bout de vêtement sur ses épaules pour se garantir du froid. Cette figure, d'une expression naïve et pleine d'un charme qui y remplaçait le style, a peut-être été la plus populaire de Houdon, et, pendant longtemps, il n'y a guère eu de maison de campagne qui n'en eût le plâtre dans une niche de sa façade ou sur une pelouse du jardin. Houdon lui-même la répétaplus d'une fois : au Salon de 1791, elle figura en bronze, et cette répétition fut plus tard acquise par le roi de Prusse (1) ; au Salon de 1793, l'artiste mit encore une petite Frileuse, peut-être dansun autre mouvement; et, au Salon de l'an v, il montra encore une réduction, en marbre, de la Frileuse, haute seulement de 20 pouces, qui se retrouva à sa vente. C'est peut-être dans cette figure que Houdon a le plus sacrifié au goût de son temps; et, malgré la jeunesse des formes et le bonheur du modelé, elle a certainement perdu, à cause de cela même qui lui avait fait alors tant de succès, la recherche prétentieusement, simple d'une idée beaucoup trop fausse pour être restée durable. Si Houdon n'eût jamais travaillé que dans ce sens, on s'en occuperait seulement pour voir chez lui le goût de son époque, et sa valeur n'aurait pas subsisté comme elle à fait. Dans sa Frileuse, Houdon avait voulu personnifier l'Hiver; plus tard, il lui donna pour pendant une statue de l'Été, qui n'a pas paru aux Salons; et les deux marbres, faisant pendants, qui se trouvaient, en 1829, chez M. Creuzé de Lesser (2), ont passé de chez lui au Musée de Montpellier. En réalité, puisque la Baigneuse, la Diane et la Frileuse n'étaient pas au Louvre, son exposition ne se composait que de bustes: un buste de la Fontaine, dont le modèle avait été exécuté, en 1781, pour le président Aubry, fait qui rend plus probable l'authenticité des statuettes de Molière et de la Fontaine, que nous avons signalées au Musée d'Orléans; et parmi les contemporains — j'en laisse toujours de côté un certain nombre qu'on retrouvera dans le catalogue de l'oeuvre, — mademoiselle Robert, desContemporains, (1)Biographie in-8°,1834,t. II,p. 2107. (2) Quatremère de Quincy,p. 397.


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HOUDON,

la filledu peintre; le chirurgien Louis; et Buffon,dont le marbre était destiné à l'impératrice de Russie. Le buste de Buffon, peut-être Ie meilleur de tous, au dire des contemporains (1), n'avait d'égal que le modèle du buste de la Rive (2), dont le marbre figura au Salon suivant. Le célèbre acteur était représenté dans le rôle de Brutus, et l'on en trouva le goût tout à fait antique : « Ce n'est pas seulement un portrait fort res« semblant, » a écrit plus tard Barère (3), « c'est une des plus « belles têtes d'expression qu'on puisse imaginer,la plus belle « peut-être que Houdon ait exécutée. » Le Salon de 1785 ne peut pas tenir beaucoup de place dans cette étude. Ne connaissant point les bustes du roi de Suède, du prince Henri de Prusse, de M. le Pelletier de Mort-Fontaine, le prévôt des marchands, de M. de Biré, nous n'en pouvons rien dire, et encore moins de l'article du livret qui indique, comme trop souvent, plusieurs portraits sous le même numéro. Cette brièveté est pour nous fort regrettable; car elle nous dérobe les dates de plus d'un ouvrage dont il serait intéressant de connaître l'époque. Ainsi, par suite de ce silence, nous ne savons jusqu'à, présent à quel moment rapporter le charmant buste en marbre, si plein de malice, si vivant, si spirituel, de l'abbé Aubert., le fabuliste élégant et le caustique causeur, donné au Musée du Louvre par M. Magimel, inspecteur des finances, auquel il était venu de famille. C'est un exemple qu'il serait heureux de voir suivre en France; car un buste de cette nature, entre les mains d'un particulier qui n'a pas de collection, n'a qu'une chance, outre celle de rester inconnu et inutile, celle de perdre les noms de son auteur et de son modèle, de s'égarer et de se détruire infailliblement tôt ou tard. Déposé dans un musée, le public en jouit, et la famille regagne, dans l'honneur qui en rejaillit sur elle, ce qu'elle perd à se dessaisir pour tous de ce qu'elle avait à elle seule. C'est de ce buste de l'abbé Aubert qu'on a dit au Salon ce mot conservé par la tradition : « Passez vite, car il mord. » (1) Il faudraitvoirsi auJardindesPlantesil n'yena pasquelquecopie. (2) La Riveétait richeet possédait,près de Paris, unetrès-bellemaisonde campagne,ornéede toutessortesdecuriosités.Son fils,quivivaitencoreil y a desvinsà Paris;nousnesavonss'ilavait quelquetemps,étaitdanslecommerce lebustedesonpère. conservé t. IV,p.247. (3) Dansses Mémoires,


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Au Salon de 1785 (1) il y eut, outre le marbre de La Rive, un buste qui fut très-admiré, et il est par là d'autant plus regrettable d'en ignorer le sort actuel ; ce fut celui de M. Le Noir. Il est vrai qu'ayant été très-utile et très-aimé comme lieutenant de police et venant de cesser de l'être, sa disgrâce contribua à exciter les sympathies du public pour son image. Mais les éloges qu'on en fit sont tellement unanimes (2, que, même en en retranchant quelque chose, il en reste encore assez pour nous assurer que l'ouvrage était fort beau. de l'Académie le fils,Paris, 1781, par d'Argenville (1) Dansla Description estindiquécomme in-12,p.201,etdansleslivretsde.1785,1787et 1789,Houdon membre del'Académie de peinturede Toulouse,crééepar LouisXV,en 1746,et —Le bustedeBélisaire détruite à laRévolution. de luidansle que l'onconserve Musée de cetteville(livretdeM.duMége,1835,in-8°,p. 256,n°757)futpeutêtreenvoyé à lasuitedesa réception. par l'artisteà l'Académie, deCritèsauSalon,lrepromenade, (2)Promenades p. 8,13; 2e,p.34;3°,p. 58. —Observations sur le Salon,p. 31. - Observations critiquessur les tableaux duSalon,p. 23. —Lepeintreanglaisau Salon,p. 29. —Réflexions impartiales surlesprogrèsdesarts en France,p. 34. DUPLESSIS. ANATOLE DEMONTAIGLON et GEORGES

(Lasuiteauprochainnuméro.)


CATALOGUE DES PRINCIPAUX

TABLEAUX ET OBJETS D'ART

RUBENS. QUI FAISAIENTPARTIEDU CABINET.DE Ce Catalogue, qui est connu sous le nom de Catalogue mortuaire de Rubens, a été cité et même étudié par les biographes de l'illustre peintre flamand. J. F. M. Michel en donne quelques extraits, dans son Histoire de la vie de Rubens (Bruxelles, 1771, in-8°); Jas. Smith y renvoie sans cesse, dans son Catalogue raisonné of the works of the most eminent Dutch, Flemish, and French painters(London, 1829-37,8vol. in-8°);M.AlfredMichiels en afait usage, pour son Catalogue des tableaux et dessins de Rubens (Paris, 1854, in-8°); mais cependant nous croyons que la pièce entière mérite d'être réimprimée, comme si elle était inédite; car l'édition originale est si rare, qu'on ne la trouve pas même dans les grandes bibliothèques publiques. Notre savant collaborateur M. Paulin Paris nous en a communiqué un exemplaire, qui s'est conservé, par hasard, au département, des manuscrits de la Bibliothèque impériale de Paris, dans un recueil de pièces manuscrites (petit in-folio. Fonds Saint-Germain français, n°1041). C'est une pièce de six feuillets petit in-4°, signés A.-B. ; le dernier feuillet est blanc. On reconnaît une impression d'Anvers, faite avec les types de Plantin, mais il n'y a aucun nom d'imprimeur. Voici les renseignements que M. Alfred Michiels a rassemblés sur le cabinet de Rubens, dans son éloquent et curieux ouvrage intitulé : Rubens et l'École d'Anvers (Paris, Adolphe Delahays, 1854, in-8°): « L'héritage du peintre était considérable. Ontrouva, dans son cabinet, six chaînes d'or, auxquelles étaient appendues autant de médailles, présents de divers monarques; le cordon de chapeau garni de diamants, qu'il tenait du roi d'Angleterre; plusieurs bagues de grande valeur, et d'autres bijoux précieux, qui


DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART,ETC. 269 CATALOGUE touslui avaient été offerts par des souverains et des souveraines. Maisces dons avaient bien moins d'importance que sa galerie de tableaux: elle se composait de 319 peintures, parmi lesquelles il y en avait 93 de sa main. Ce serait de nos jours une collection royale.On y admirait dix toiles de Titien, six Paul Véronèse, six Tintoret, douze morceaux de Breughel le Vieux, dix d'Antoine Van Dyck,neuf de Saftleven, et dix-sept d'Adrien Brauwer. Elle contenait aussi, chose remarquable, vingt portraits du Titien, copiéspar Rubens. Ces oeuvres merveilleuses, où l'idéal lutte puissammentcontre le réel, l'avaient beaucoup frappé ; pour les étudier de plus près, il en fit de savantes reproductions. Je passe sous silenceles bustes, les statues, les ivoires, les médailles, les coupes d'agateet les autres raretés. « Plusieurs toiles n'avaient pas été mises sur le Catalogue. La veuvese proposait même de ne pas les laisser voir, « par modestie « et par scrupule, nous dit Michel dans son style barbare, pour «les grandes nudités des figures dont elles étaient composées, « craignant de scandaliser les yeux et les coeurs chastes, par des « objets piquant la sensualité et égaux à la plus belle nature, qui « par des contemplations indécentes auraient pu blesser la pureté « del'âme. Même,-elle cacha ces pièces dans une place retirée de « sa maison et se laissa tenter du projet de les sacrifier au feu; « les deux plus éclatantes de ces pièces étaient un Bain de Diane « dont les figures étaient plus que demi-nature; l'autre, de hau« teur humaine, représentait les Trois Grâces. » « Maisla chaste veuve se laissa tenter par le cardinal de Richelieu : elle lui céda pour trois mille écus la Diane au bain; l'acquéreur trouva la peinture si belle, qu'il fit offrir à la vertueuse douairièreune montre d'or, garnie de diamants. Les Trois,Grâces passèrentdans la collection de Charles Ier. « La vente de tous ces objets réunis donna une somme de 280,000florins, argent de Brabant, ou 507,948 livres. » M.Alfred Michiels s'est trompé, en disant que les deux tableaux deDiane au bain et des Trois Grâces ne figuraient pas sur le Cataloguemortuaire de Rubens; au reste, il a reconnu lui-même, dans son Catalogue des tableaux de Rubens, que le tableau des TroisGrâces était porté au numéro 92 du Catalogue mortuaire. S'il avait eu ce Catalogue sous les yeux, il aurait remarqué que la Dianeau bain s'y trouvait aussi, au numéro 44, sous la désigna18


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CATALOGUE DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART

tion d'un Actéon, qu'il ne cite pas dans son Catalogue des tableaux de Rubens. Quant aux dessins de Rubens, ils ne sont pas même mentionnés dans son Catalogue mortuaire, car il les avait légués par testament à celui de ses fils qui voudrait cultiver la peinture, ouà celle de ses filles qui épouserait un peintre célèbre. Ces dessins restèrent donc dans la famille de l'illustre artiste, et ne furent dispersés que longtemps après. Le peintre Bury les mit en vente à Rome, en 1799. Voici maintenant ce Catalogue mortuaire de Rubens, que nous reproduisons exactement, sans y rien changer dans la forme ni dans l'orthographe, sauf l'addition de quelques lettres capitales et de quelques virgules nécessaires à la clarté du texte. Cette pièce rare et précieuse doit servir d'appendice indispensable aux bioPAUL.LACROIX. graphies du grand peintre flamand. ALAMAISON DEFEU. SPÉCIFICATION DESPEINTURES TROUVÉES MORTUAIRE CHEVALIER ETC. MESSIRE PIERRE-PAUL RUBENS, , 1. Une Magdalene,de Titian. 2. Un Sauveurtenantle mondeà la main, de Titian. 3. Un grand desseinde S. Pierre martyr, qui servità Venisedansl'églisede S. Jean et Paul, de Titian. 4. Le pourtraictde Titian,faict de sa main. 5. Unpourtrait de l'empereurCharles-Quint,de Titian. 6. UneNostre Dame, de Titian. 7. 8. Deuxvisages deNostre Seigneur,qu'on croitestre de Titian. 9. Un visage deS. Magdalene. 10. Undesseinde Chevaulx;deTitian. 11. Une Psyché avecune bouteilleà la main, retouchéepar Titian. 12. Un desseind'uneTestede femmetournéederrière, dePauloVeronez. 13. Un tres-beau pourtraictd'un Hommecouvertd'unerobbefourrée,de Tintoret. 14. Un pourtraict de Tintoret, faitde sa main. 15. Un pourtraictd'un Venetien,dudict Tintoret. 17. Un desseind'une Assomptionde Nostre Dame,dudict Tintoret. 18. Undesseind'un Jugement,de Tintoret. 19. Un pourtraictjugépour estre de Raphaeld'Urbin. 20. Un S. François, deMutian. 21. Une Espousée de Venise, accompagnéede ses parens, de Paulo Veronez.


QUIFAISAIENTPARTIEDU CABINETDE RUBENS. 22. Une S. Hélène,qu'onjugeestre de PauloVeronez. 23. Unpourtraict d'une DameVenetienne,de Paulo Veronez. 24. Un pourtraict d'uneDameavecun petit chien, du mesme. 25. Undesseinfaictde blancqet de noir, de PauloVeronez. 26. Un paysagede Paul Bril, avecl'histoire de Psyché. 27. UnEmprisonnementde NostreSeigneur,faict de Spagnolet. 28. Un Bancquetdu roy Baltazar, de Spagnolet. 29. Un pourtraictd'uneDameItalienne. 30.Un pourtraictdu duc d'Urbin. 31.Une Cheutede Phaeton, de Pietro Perugino. 32.UneCerèsà la nuict, d'AdamElshamer. 33.Unpaysage,en rondeau, d'AdamElshamer. 34.UneAnnonciationdudictElshamer. 35.UneJudith dudict Elshamer. 36.NostreSeigneurmort, copiéaprèsCoregio. 37.Le pourtrait d'un Homme,faict de Palma.

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desPeinturesfaictespar feu MonsieurRubensen Espagne, Spécification Italieet auttrepart, tant après Titianqu'autresrenommezmaistres. 38. Lepourtrait du cardinalHippolitode Medicis. 39. Le visaged'un Garzonavecun bonnetnoir. 40. Unvisage d'unJeune homme. 41. Unpourtraict d'un Gentilhommede Venise. 42. Adamet Eve. 43. UneCalisto. 44. UnActeon. 45. Venuset Adonis. 46. UneEurope. 47. Venuset Cupidonsur unlict. 48. Venusqui se mireavec Cupidon. Cysuiventles PourtraictsfaictsaussydudictM.RubensaprèsTitian. 49. L'EmpereurCharles-Quint. 50. L'ImpératriceLeonoresa femme. 51. Le pourtraictdudit Empereuravecsa femme, sur la mesmetoile. 52. Un pourtraictde l'EmpereurFerdinand, armé. 53. Unpourtraictduducd'Albe. 54. Le pourtraictdu duc JeanFredericq deSaxe. 55. Unpourtraictde PhilippeLantgravede Hesse. 56. Unpourtraictd'Isabel d'Este, duchessede Mantoue. 57. Unautrepourtraict dela mesmehabilléedenoir. 58.Un pourtraitd'Alfonsed'Este, duc de Ferrare.


CATALOGUE DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART 272 59. Un pourtrait de François Sforza, le deuxièmeducde Milan. 60. Un pourtrait de André Gritti, duc deVenise. 61. Le pourtrait du roy Philippessecond,figureentière. 62. Le pourtrait d'Ydiaquez,secretaire dudict Roy. 65. Le pourtrait d'un Naindudict Roy. 64. Un pourtraitincogneud'unePersonne de qualité, avecqun chien. 65. 66. 67. 68. Quatrepourtraits de courtisanesvenetiennes. 69. Le pourtrait d'une Espousée. Ces21 pourtraitssont faictsaprèsTitian. 70. UnVisage,après Tintoret. 71. 72. 75. 74. 75. Cinq pièces des Actes des Apostres, faicts aprèsRaphaël d'Urbin. icts par M.Rubens. 76. Une Psyché, faicteaprès Raphaëld'Urbin. 77. UneTestede S. Jean, aprèsRaphaël. 78. Un pourtrait, faict par Raphaëlde Balthazar de Castillion. 79. L'EmpereurCharles Quintavecunmorion en teste, faictpar le chevalierVan Dijck(sic)après Titian. 80. Une piècedes Actesdes Apostres, faicteaprès Raphaël. Cysuiventlespiècesfaictespar feuM. Rubens. 81. Une pièce de Cupidonss'esbatanz, prise de Philostrate. 82. Unepièce des Bacchanales,des bergers et bergères, dansans et beuvans, aussi de Philostrate. 85. Une piècede Nymphesnues et Satyres. 84. UneNostreDameavecS. Georgeetautressainctsdansun paysage,sur toile. 85. UneAndromèdenue, attachéeà une roche, figureentière. 86. Une Magdaleine,figureentière. 87. UneBetsabéeassise auprès la Fontaine. 88. Une piècede trois Nymphesavecdes Satyres. 89. Un Suisseavecsa maistresse, accompagnéed'un Satyre, oeuvreimparfait. Sur fondde bois. 90. Une troupe de Suisses qui contraignentles paysans de leur donner de l'argent et couvrirla table, sur toile. 91. UnBacchusavecla tasse à la main. 92. Les Trois Grâcesnues. 95. UneS. Cécile. 94. Un Berger caressantsa bergère. 95. Unpourtrait de Philippele Bon, duc de Bourgogne.


QUIFAISAIENTPARTIEDU CABINETDE RUBENS. 275 96. Un pourtrait de Charles le Hardy, duc de Bourgogne. Sur fondde toile. 97. Un pourtrait du comted'Arondel,sur toile. 98. Un pourtrait du marquis de Spinola. 99. Une Suzanne,sur fond deLois. 100.Unpourtrait du medecinMaierna. 101.Un pourtraitdu prince cardinalInfant, sur toile. 102.Un pourtrait d'une Damoiselleavecun bonnetnoir et des fleursà la main. 103.UneDanse des paysansitaliens, sur fondde bois. 104.Une pièced'une Jouste dans un paysage. 105.Une pièce, colléesur bois, d'un paysaged'Italie, avec la ruine d'un temple. 106.Un paysage,sur toile, collé sur bois: 107.Un pourtrait de Charlesle Hardy, sur fond de bois 108.Un pourtrait, sur toile,après Leonardode Vinci. 109.Unbois avecuneChasseà l'aubedu jour, sur fondde bois. 110.Un paysage,sur toile, collé sur du bois. 111.Un pourtrait d'uneDamefrancoise,sur fondde bois. 112.Un paysageavecq des brebis, sur fondde bois. 115.Un pourtrait du cardinalInfant, enhabit rouge, sur toile. 114.Un pourtrait de l'Impératrice. 115.Un pourtrait du Roy. 116.Un pourtrait de la Royne. 117.Un pourtrait du duc de Nieubourg. 118.Unepièced'Argus, sur fondde bois. 119.Une pièce d'un Sacrifice,aprèsAdam Elshamer,sur toile. 120. Unpourtrait de la Roynerégnante de France, sur fondde bois, 121.Angeliqueendormieavecq l'Eremite. 122. Un pourtraitd'une Damoiselleayantles mainsl'unesur l'autre. 123. Un pourtrait du Roy, le chapeausur la teste, sur toile. 124.UneCourtisaneangloise,sur toile. 125.Unpourtrait d'uneVieilleavecun garçon,à la nuict. 126. Un pourtrait d'uneDame. 127.Le pourtrait du duc de Boucquingam. 128. Unpourtrait d'un Vieillard. 129.Unepièce d'unHommearmé, avec l'escharperouge. 150.Un pourtrait d'uneDameavecqun bonnetsur la teste. 151.Un grand bois, au naturel, avec la Chasse d'Atalanteen petites figures, sur toile. 132.Unpaysage,au naturel, représentantl'Escurialet ses environs. 155.134. Deux paysages,au naturel. 155.Ungrandpaysage,au naturel,avecde petitesfigures,sur fonddebois.


274 CATALOGUE DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART 156. Un grand paysage, avecune pluye. 137. Un grand Déluge,avecl'histoirede Philemonet Baucis. 138. Nostre Seigneuren Emaus. 139. Romuluset Remus,sur toile. 140. Un pourtrait d'un Hommehabilléen Turcq, sur toile. 141. L'Histoirede la fille qui donneà tetter à sonpère dans sa prison. 142. Bacchus, Cerès et Venus qui s'eschauffe. 143. Un Combatde paysans,faict après un desseindu vieux Breugel. 144. Nostre Seigneurà la Croix. 145. Le pourtrait d'une Damoisellehabilléeà l'allemande,avecun petit chienà la main, sur fondde"bois. 146. Un pourtrait de l'ArchiducMaximilien. 147. Un Bacchusqui est yvre. 148. 149. Deux pourtraits d'un Roy de Thunis,après AnthoineMore. 150. Un grand paysage, sur toile, collésur du bois. 151. 152. Deux pourtraits des ArchiducsAlbertet Isabel. 153. Un Villageoisavecune villageoise,avecbeaucoupdevenaisonetdes fruicts, faicts par Paul de Vos, 154. Une grande Chassedes cerfs. 155. Un S. Georgeà cheval, sur toile. 156. Un Chevalierchrestien, couronnéde la Victoire,sur fond debois. 157. UnHercule enyvré, sur fondde bois, 158. S. Pierre et S.Paul, sur toile. 159. La Pucelle d'Orléans, sur toile, 160. Une grande pièce des Pécheurs repentis, sur toile et colléesur du bois, 161. Une Suzanne,sur toile. 162. Une autre Suzanne, sur toile, collésur du bois, 165. La Chasse d'Atalanteet de Meleagre. 164. Une piècede trois Nymphesavecla corned'Abondance. 165. Les Trois Roys qui adorentNostre Seigneur. 166. Un pourtrait dela Roynemère de France, sur toile. 167. Un pourtrait de la Roynede France régnante. 168. Une grande pièce de Pythagore, avec les fruits, de François Snyders. 169. L'Enfantprodigue dans une estable. 170. Une pièce d'un Silèneenyvré,avecdes Satyres et autres figures. 171. 172. Deuxpetits paysages,sur fondde bois. 173. Une Nuict, sur fond debois. 174. Une pièce d'une Nymphe et Satyre, avec un panier plein de raisins, sur fondde bois. N.A. UneDidonqui se tue.


QUI FAISAIENTPARTIEDU CABINETDE RUBENS.

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Cy suiventlespiècesdesvieuxmaistres. 175.Un Renard, d'AlbertDurer. 176.Un Davidentrant dans Jérusalem, avecla testede Goliath,de Lucas Van Leyden. 177.Le pourtrait d'Erasmede Rotterdam,de LucasVan Leyden. 178. S. Paulle premierEremiteavecS. Anthoine,de LucasVanLeyden. 179. 180. Deuxpourtraits, le mary et la femme,de Jean Van Eyck. 181. Le pourtrait du vénérableBeda, de maistre Huges. 182. Le grand capitaineGonsalveFerdinandezde Cordova, 183.Un petitpourtrait de Holbein,peintà l'huile. 184. Un petit pourtrait de Holbein,en miniature. 85. Unautre pourtrait, faicten miniature. 186.Un pourtrait d'un Marchandde joyaux,de maistre Quintin. 187. Un pourtrait d'un Hommeavecunbonnet noir, de WillemRey. 188. Un pourtraitd'un Hommeavecun bonnet rouge, de Bronzin. 189.La Nativitéde Nostre Seigneur,d'ArtusVan Leyden. 190. Une NostreDamedans un paysage,de HenryBles. 191. Un paysageà l'huile, avecla Fuiteen Egypte,du vieuxBreugel. 192.Le MontS. Godard, du vieuxBreugel. 193. Le Trespasde Nostre Dame,blanc et noir, duvieuxBreugel. 194. Un Bordel, d'ArtusVan Leyden. 195. 196. Deux petitsVisages,en rondeaux, du vieux Breugel. 197.Un Baailleur,du vieuxBreugel. 198.Un Visaged'un geux(sic),en rond, dudict Breugel. 199.Un pourtrait du mesme. 200.Un pourtrait d'un Hommeavecun grandnez, de Hemsen. 201. Le pourtrait du cardinal Granvelle,de Schorre. 202. Un pourtrait, d'AntoineMore. 205. Le pourtrait du cardinal Granvelle,faict du mesme. 201. Une S. Cecile,de MichielCoxy. 205. Un paysage, d'Artusde Hollander,avecl'Histoirede S. Hubert. 206. Unepetite pièced'uneExecutionde justice, faicteparVanWachelen. 207.Un Détachementde la Croix. 208. Unepetitepièce du mesmesubject,de Van Schorre. 209.Un pourtrait d'un Homme,faict d'un ancienmaistreincogneu. 210. La Tentationde Nostre Seigneur,du vieuxBreugel. 211. Une piècede petits Bateaux,faicten destrempe,du mesme. 212. Unebatailledes Turcqs et Chrestiens, du mesme. 215. Un paysageavecun feu, en destrempe,du mesme. 214. 215. Deux pourtraits, le mary et la femme,de.Floris, sur fond de bois.


DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART 276 CATALOGUE 216. Un pourtrait de Philippede Cleve, sire de Ravestein,sur fond de Lois. 217. Un pourtrait d'un Chanoine,sur fonddebois. 218. Unpourtrait d'un Prestre, de Floris, sur fondde bois. 219. Un Epitapheà deux clostures, deArtus Van Leyden. 220. UnEmaus, du Sotte(sic)Cleff,sur fonddebois. 221. Un paysage, du même,sur fondde bois. 222. Un Jugementde Pâris, du mesme,sur fondde bois. 223. Unepièce en destrempe,deWillemTons. 224. Un pourtrait de Joos Van Cleve,sur fondde bois. 225. Unpourtrait de WillemKey, sur fondde bois. 226. Un Bordel, de MartenVanCleve. 227. Un Bancquetdes dieux,de Bernardde Rijck. Cy suiventlespiècesdesmaistresmodernes. 228. L'Histoired'Antiopeet Jupiter transforméen satyre, du chevalier VanDyck. 229. UnS. Jerosmeavecun ange, du mesme. 250. Un grand S. Jerosmeà genoux,du mesme. 251. Un petit S. Jerosme,du mesme. 232. UnEmprisonnementde Nostre Seigneur,du mesme. 255. UnS. Ambroise,du mesme. 254. UnS. Martin, du mesme. 255. UneCoronationdeNostre Seigneur,du mesme. 236. Un visage,du mesme,sur fondde bois, représentantS. George. 237. Unvisage,du mesme,sur fond de bois, d'un Hommearmé. 238. Une pièce eh destrempe,deWillemTons. 239. Un panieravecdes fruicts et des oyseaux,de François Snydérs. 240. La Batailledu roy Sebastiende Portugal, de SebastienFrancq,sur fondde.bois, 241. L'Enfantprodigue,de Simonde Vos. 242. Une toileavecdes Oyseaux,de AlexanderAdriaenssen. 243. Un Panier de fruicts, du mesmeAdriaenssen. 244. Un paysage, de Wildens. 245. UnPot de fleurs, d'Ykens. 246. UnPanieret un verre avecdes fleurs, du mesme,sur fond de bois. 247. Un petitPot de fleurs, dumesme. 248. Une pièce semblableà celle qui est sur le grand autel à l'églisedes pèresAugustinsen Anvers, faicteaussi deMons.Rubensmesme. 249. Un Chapeaude fleurs, du mesme,avecune Vierge, de Mons.Rubens, sur toile. 250. Un Festondesfruits et des pots de fleurs,d'Ykens,sur toile.


PARTIEDU CABINET QUI FAISAIENT DERUBENS. 277 251.Unautre Feston, du mesme,sur toile. 252.253. Deuxpaysages,sur toile, de Pierre Snayers. 254. Un petitpaysage,de Schorre, sur fondde bois. 255. Unepetite piècede SebastienFrancq, où les aveuglesmenent l'un l'autre, sur fondde bois. 256. UneNuict, de Pierre Snayers, sur fond de bois. 257. Un paysagede Momper,avecdes bestiauxde Breugel,sur fond de bois. 258.Une Cuisineavecun combatde chats, de Paul de Vos, sur toile. 259. UneMusiqued'oyseaux,de Paul de Vos, sur toile. 260. UneGrandeChassede sangliers,de FrançoisSnyders,sur toile. 261. UnPot de fleurs, du mesme. 262. Une pièceavec des fruicts et des oyseaux, de Paul de Vos, sur toile. 263. Uneautre avecdes fruicts, sur fondde bois, de Snyders. 264.Uneautre avecdes chouxet naveaux,du mesme. 265.L'Histoirede PolyphemeetUlysse, sur toile. 266.UneNativitéde Nostre Seigneur,sur toile de JacquesJordaens. 267. Une Vierge, sur fondde 268. UnFeston des fleurs, dubois Père Segers. 269. Une Dianeallantà la chasse, où les figuressont faictesde Mons. Rubens, et les bestes etle paysage, de Breugel. 270. UneDianerevenantde la chasseavec ses nymphes, de Mons.Rubens et Breugel. 271.UnParadis; de Breugel. PiècesdeBrouwer. 272. Un Combatdes Yvrognes,oùl'un tire l'autre par les cheveux. 275. UneTaverneoù l'on est assis auprès du feu. 274. Un paysageavecun esclair. 275. Une Musiquedes paysans. 276. Le Paysanjaloux. 277. UnCombatoù un est prins à la gorge. 278. Un paysage. 279. Un Combatde trois, oùun frappe avecle pot. 280. Une Tentationde S. Anthoine. 281. Une Musiquedes paysansauprès du feu. 282. Un Joueur de luth. 285. UneDansedes villageoisenun paysage. 284. Un Paysan avecun verre de vin etun pot. 285. Quelques-unsqui prennent du tabacq. 286. Un paysageoù un villageoislie ses souliers.


278 CATALOGUE DE TABLEAUX ET D'OBJETSD'ART 287. DeuxPaysansqui regardentpar la fenestre. 288. Un paysageà la lune. Cesdix-septpiècessontdeBrouwer. 289. 290. Deuxbataillesde Palamede,sur fonddebois. 291. Un paysage,de Poelenborgh. 292. Un-paysage,du mesme. 295. UneTentationde S. Anthoine,de Schatleven. 294. Un petit,paysageavecdesbestiauxet piècesde mesnagede paysans, du mesme,avecles figuresde feu Mons.Rubens. 295. UneMaisondes paysans,du mesme,avecdes figuresde Mons.Rubens. 296. Un qui menele bestialà la pasture, du dict Schatleven. 297. Une pièce du mesme, où une femmeest baisée, les figures defeu Mons.Rubens. 298. Uneautre pièce, du mesme,où une servanteest sur la montée,les figuresde Mons. Rubens. 299. Un autre, du mesme,où un paysandonneà mangerà un chien. 300. Un paysage,dudict Schatleven. 501. Unautre petit paysage. 502. UnPot d'estain, de DenVuyl, sur toile. 503. UnPot d'estainet une coupped'argent, sur fondde bois, dumesme. 504. Une Couppeet deux assiettes, du mesme,sur fond de bois. 505. 506. Deuxpiècesde Heda, avec de la vaisselle d'argent, verreset citrons, sur fondde bois. 507. Une Mer, sur toile, de Perseles. 508. Un paysagede Vlegens,sur fondde bois. 509. 510. Deux petits Bateaux,de Vlegens,sur fondde bois. 511. Une petitepièceavecun verre et quelquestranches de jambon,de VanEs. 512. Un Bancquet,du mesme,sur fondde bois. 515. UnPreneurdes pouls, sur fondde bois. 514. Une Escole,de Hals. Troistoilescolléessur bois,representantles Triumphesde JulesCésar, aprèsMantegna,imparfaites. Six grandespièces imparfaictes,contenansdes Siéges des villes, batailleset triumphes de Henry quatriesme,roy de France, qui sont commencéesdepuisquelques années pour la Galeriede l'hostel du Luxembourg, de la reyne mère de France. Une quantité des visages au vif, sur toile et fonds de bois, tant de Mons.Rubens que de Mons.VanDyck.


QUIFAISAIENTPARTIEDU CABINETDE RUBENS. 279 très Une grandequantitédes desseinsdes plus notablespièces, faictes parfeuMons.Rubens. Unequantitédes copies,faictesaprès les originaux,de Mons.Rubens. AucunesbellesTestes antiques de marbre. Une quantitéde Figures modernes,etc. Nostre Seigneur à la Croix, faict d'yvoire,de l'inventionde feuMons. Rubens. UneVenus se depouillantde sa chemise,de l'inventionde feu Mons. Rubens. Unesalièred'yvoire,representantune trouppedes Nymphesmarineset Tritons, avec des petitesanges,qui attachentdes festons, aussi de l'inventionde Mons.Rubens. UneDansed'enfants,d'yvoire,de l'inventiondefeu Mons.Rubens, Une Psyché endormieavec Cupidonsur un lict de corne de tortue, aussi d'yvoire,de l'inventionde Mons.Rubens. UnAdamet Eve, aussi d'yvoire. Unetrès bellesalière d'agathe. Aussi, des très beaux vases, de jaspe orientalet chrystal de montaigne,etc. Toutcecyestà vendrechezla Vefveet héritiersdu feuMons.Rubens.


RENIER

VAN THIENEN,

FONDEURCISELEUR.

Les auteurs de l'Histoire de Bruxelles et M. Schayes ont fait connaître le nom d'un artiste qui fut chargé, par Marguerite d'Autriche, de couler en cuivre les statues destinées à orner la Cour des Bailles, devant le palais des ducs de Brabant, à Bruxelles (1). Cet artiste fut Renier Van Thienen, dont le nom semble indiquer une origine tirlemontoise (2). Il habitait Bruxelles, et reçut, en 1509, une commande pour couler deux statues, selon les modèles qui lui furent fournis par le sculpteur Jean Borreman. Les statues de Godefroile Barbu et de Godefroi II, placées sur les bailles, étaient probablement celles qui sortirent de ses ateliers (3). Il fut en outre chargé, par la cour, de couler en cuivre un butor, un aigle, un lion et une licorne. Les statues furent détruites sous la domination française, vers la fin du siècle dernier; on ignore ce que.sont devenus les animaux. A en juger par les termes du contrat que Renier signa pour la confection de ces objets d'art, il paraît qu'il fut aussi l'auteur du tombeau du sire de Ravestein, placé dans l'église des Dominicains, à Bruxelles, et brisé par les iconoclastes du XVIesiècle. Différents objets d'art qu'il coula pour l'église de l'abbaye de Koudenberg, à Bruxelles, et six chandeliers, à deux branches, qu'il livra, en 1470, à la Chambre des Comptes, ont également disparu (4). (1) Henneet Wauters,Histoirede Bruxelles,t. III, p. 522.— Annalesde l'Acad.arch. de Belgique,t. IX,p. 525,526. —V.aussila Revueuniverselle desArts,n° 2, p. 99. villedela provincedeBrabant. (2) Thienen,nomflamanddeTirlemont, (5)Quatrestatuesornèrentlesbailles:lesdeuxcitéesdansle texte,etcellesde Maximilien etdeCharles-Quint. l'empereur (HenneetWauters,Hist.deBruxelles, t. III,p. 322.) (4) ComptedesnécessitésdelaChambredescomptesà Bruxelles.


RENIERVANTHIENEN.

281 le de la destruction en On le voit, génie poursuivait quelque sorte les travaux de Renier : tous ceux dont les documents avaient révélé l'existence ont été entièrement anéantis, et rien ne nous permettait plus de juger de leur mérite. Il fallait donc s'en tenir, sur ce point, à de simples conjectures, et supposer que Van Thienen était un artiste de talent; sinon Marguerite, qui s'y connaissait, ne lui eut jamais confié les travaux des bailles de la cour. A force de chercher, nous sommes enfin parvenu à reconnaître unedes oeuvresde Renier. Elle est d'autant plus précieuse que luimêmesemble en avoir fait le modèle, et qu'elle dénote ainsi, chez notre artiste, une imagination riche et puissante, un talent hors ligne. C'est un candélabre, fondu en cuivre, et conservé dans le choeurde l'église de Saint-Léonard, à Léau, commune rurale de la province de Brabant, qui jouissait autrefois du rang de ville, Il fut acquis, par la fabrique de l'église, en novembre 1485, au prix de 285 florins du Rhin ; il pèse, selon le compte, 1859 livres et demie, et il a 20 pieds de hauteur. En plaçant ce candélabre, il en posa encore un autre dans le choeurde la même église, consacré à saint Léonard. Ce dernier, aux termes d'un contrat passé en 1481, devait être semblable à celui que Renier avait coulé pour l'église de Sainte-Gudule, à Bruxelles. L'un et l'autre sont détruits, ainsi que la balustrade de cuivre, qui entourait le maître-autel de l'église de Léau, et qu'il avait également fondue. Le candélabre conservé dans l'église de Saint-Léonard est donc aujourd'hui le seul produit de Renier qui permette de juger de sontalent. Ce chef-d'oeuvre de fonderie, dont le merveilleux dessin a été reproduit par Haghe (1), se compose de six branches supportant une croix au pied de laquelle sont trois autres branches ornées de statuettes et rattachées par des arcs-boutants découpés à jour. Sousles branches se trouve un pupitre destiné à la lecture des Évangiles. Le tout est posé sur un pied soutenu par des lions. L'ensemble de ce monument, ses détails et leur exécution sont (1) SketchesonBelgiumand Germany,pl. 18.—Voiraussi lesMonuments d'architecture et de sculptureen Belgique,publiésparMM.FélixStappaertset où la. planchede Haghea été reproduite avecquelqueschangements Stroobant, portésauxdétails.


282

RENIERVANTHIENEN. ravissants d'effet et de grâce; ses formes sont élancées et délicates, sans être grêles ni maigres; ses ornements, d'une finesse exquise, sont conçus dans le style le plus riche de l'architecture ogivale fleurie. Cependant quelques-uns des détails semblent déjà appartenir au style de la Renaissance, qui produisit alors une révolution totale dans le domaine des arts. Par les dates que nous venons de citer, il est clair que Van Thienen florissait de 1470 à 1309. Nous ne connaissons rien dé sa vie privée ; nous n'avons pas même réussi, malgré nos recherches, à trouver la date de sa naissance ni celle de sa mort. Nos investigations nous ont appris seulement qu'il avait un fils, qui, selon les comptes,de la fabrique de l'église de Saint-Léonard, se rendit à Léau en 1484. A-t-il exercé, selon l'usage de cette époque, l'art de son père? Aucun document ne nous autorise à le supposer. Extraits (1) des comptesde la fabriquede l'égliseSaint-Léonard,à Léau. COMPTE DELASAINT-JEAN 1481-1482. Convenude faire couler, par maître RenierVan Thienen, fondeurde cuivre à Bruxelles,un candélabreà placer dans le choeurde saint Léonard, devant son image;lequel candélabredoit être fait dans le goûtde celui de Sainte-Guduleà Bruxelles, selon la teneur d'un chirographe rédigédans ce sens.Avancéau maître pour le susdit ouvrage200florins du Rhin ; et les cent livrescoûtent15florinssemblables. COMPTE DELASAINT-JEAN 1485-81.— Novembre1485. Achetéde maître, RenierVan Thienen, demeurantà Bruxelles, un candélabre destiné au grand choeur, pesant 1859 livres et demie; les 100 livres coûtent15 florinsdu Rhin; le tout monte à 285 florins, sur laquelle sommeles marguilliersprécédentsont payé 50 florinsdu Rhin. Et nousmarguilliersactuels, nous avons payéaudit Renier,lorsqu'il plaçale candélabre,le8 de ce mois, 58 florins du Rhin. Dépenséen mêmetemps, lorsque maître Reniersusdit et ses ouvriers vinrentà Léau pour placer le candélabreau grand choeur,ainsi que celui du choeurde saint Léonard,etaussi la balustradeau grand choeur; pour souder plusieurs autres pièces et nettoyer le candélabrede saint Léonard; 6 florinsdu Rhin. du royaume, (1) Traduitsdes originauxflamandsqui reposentauxArchives à Bruxelles.


RENIERVANTHIENEN. 285 Payé pour avoir transporté de Bruxelles à Léau le candélabre du grandchoeur,6 florinsdu Rhin. Payéà Henri Hoenen, LéonartHoenenet Gautier Vousterman,pour avoirsoutenule pied sur lequel le candélabreest posé, pour en maçonnerlefondement,et pour avoiraidé à dresseret poser le candélabredans lechoeurde saint Léonard, 55 sols. Mars1484. Encorepayéà maître Renier, fondeurde cuivreà Bruxelles,en déductionde ce qui lui est dû pour les deux candélabres,155florinsdu Rhin. COMPTE DELASAINT-JEAN 1484-85. Dépenséen tout, à deuxou trois reprises différentes,lorsque maître Renier,fondeurde cuivre, arriva à Léau pour toucher ce qui lui était encoredû, 58 sols. Payéau même,en déductionde la sommetotale, 100 florinsdu Rhin. Dépensé,pendant le séjour à Léau du fils de maître Renier, fondeur decuivre,6 sols. COMPTE DELASAINT-JEAN 1485-86. Dépenséà trois reprises différentes,lorsque maître Renier,fondeurde cuivre,arrivaà Léau pour toucher l'argent du candélabre,42 sols. COMPTE DELASAINT-JEAN 1490-91. Dépensépour louage de chevaux,lorsque maître Renier, fondeur de fut payédurestant qui luiétait dû, du chefdu candélabre,58 sols. cuivre, Payéen mêmetemps à maître RenierVan Thienen,fondeurde cuivre à Bruxelles,le reste qui lui était dû pour le candélabre, et montantencoreà 88florinsdu Rhin. CH.PIOT.


LETTRES SUR L'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, À PARIS(1). II La publicationd'un secondSupplémentau Catalogueestvenuepresque immédiatementdétruirel'exactituderigoureusedes données statistiques contenuesdans ma précédente Lettre. D'autres Supplémentsparaîtront successivement,à ce qu'on m'assure,soit pour corriger les"erreursd'une confusionregrettable, soit pour enregistrer des oeuvresarrivéespostérieurementà l'ouverture de l'Exposition.Dans l'attente de cette éventualité, mieux vaut remettre toute vérificationqui, vraie aujourd'hui, pourrait,demain,devenirinexacte.Je mebornedoncà vousindiquerlefait et son origine, afin de prévenir les observations que vous auriez pu m'adresser à juste titre, et je renvoie les correctionsau momentoù il me sera possiblede les faire sans courir la chance d'une déception nouvelle. Les omissionset les erreurs que je signaleet qu'on s'efforcede réparer ne sont pas les seuls inconvénientsdu Catalogue;on y distingue aussi, de temps en temps, des indicationserronées; le sujet du tableau n'est pas toujoursd'accord avec l'explicationdu numéroindicateur; on en est alors à douterdu nomvéritablede l'auteur de la productionqu'on iciunedéclaration (1) Nouscroyonsdevoirrenouveler formelle,quenousavons déjàfaite,dansla précédente livraison,enpubliantla premièrelettredeM.S., et artisteitaliendistingué.L'auteurdeces Lettres, à qui nouslaissonspleine de entièrelibertéd'examen et d'opinion, ne prétendnullement rédaction l a engager la Revue,danslesjugements soussa responsabilité. qu'ilporte,entoutefranchise, Aureste, cesjugementspourrontêtre combattus et contreditsdansceltemême deconsacrerun travail Revue,où le rédacteurenchefs'estréservé,parexemple, deMM.Ingres,Decamps etDelacroix. La Revueuniverselle spécialaux oeuvres des Artsestet doitêtreun recueilessentiellement en faitd'art;elle éclectique admet,pourainsidire, tousleshommesdebonnevolonté,qui aimentlesbeauxarts.C'estlàleseulsignederalliement entrelesrédacteurs. (Notedela rédaction.)


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 285 examine,et on hésite à porter un jugement qui, favorableou contraire, risqueraitde frapper à faux. Il étaitcertestrès-difficiled'approprieréquitablemehtla placeà chaque oeuvre,surtout en voulantconserver la réuniondes nationalitésrespectives; cependantil fallait éviter, et on l'aurait pu en se donnantun peu plusde peine, d'éleverloin de la portée du regard certaines toiles de petitedimension.Elles se trouventainsi hors de concours, et il aurait étépluséquitablede les supprimertout à fait. Je suis heureux de rencontrer, parmi les cinquante-neuf premiers numérosdu second Supplément,toute une série d'oeuvresprovenantde laLombardieet des États vénitiens. La venuede cet envoiattardé, sa nature,sa valeur, rendent sans cause un aveu pénibleque la vérité m'avaitobligéà faire vers la fin de ma première Lettre, relèventl'art en: Italie,et prouventqu'en répondant plus uniformémentà l'appelqui lui était fait, l'Italie, aurait lutté dignementet conservépeut-être la bonne renommée acquise par les effortsde sesancêtres. Le plus fort désir qu'on éprouve, en entrant dans ces vastes sallesoù sontréuniestant d'oeuvresde provenancesdiverses, est celuide comparerlesÉcolesentre elles, de rechercheret de saisir les différencesqui existentdans les tendances, dans les méthodesdes artistes de chaque pays,de fairejaillir, en un mot, de cette occasionheureuseet singulière uneclartévive et incontestable sur l'état contemporaindes arts. C'est versce but que ma pensée s'est dirigéede primeabord, et j'ai dû céder à cetteinvinciblecuriosité, avant d'entreprendre l'examendétaillé des groupeset desindividualités. Tout au commencementde la Renaissance, l'Italie, les Flandres, l'Allemagnese frayèrent un chemin différent, et créèrent des Écoles distinctes. Lesdeux dernières,en s'appropriantcertaines qualitésde la première, seréformèrentpar la suite, mais sans renoncerà leur originalité.Deces troissouches, de l'Italie surtout, surgirent en Espagneet en France, et beaucoup plus tard en Angleterre,des peintres,desarchitecteset dessculpteursayantune grande valeurpropre, ne faisantpas pourtantet ne pouvantpas faire école,parce que, imitateurset noninventeursd'un genreet (l'uneméthode,ils n'avaientà transmettre aux élèves, que des principes puisésà des sourcesconnues, pratiqués déjàpar d'autresmaîtres. En effet,les manièresà l'aide desquellespeut s'imiter la nature progressaientavecles progrès de l'art. Des hommesde génie entrevoyaient et accaparaientaussitôtla place restée vacante,,épuisant ainsi sans relâchele nombredescombinaisonsartistiques. Et qu'on ne m'accusepas d'amoindrir,par ces quelquesparoles, la scienceet le génie des artistes et de lesrenfermerdansdes limites presquemathématiques! 19


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EXPOSITION DES BEAUX-ARTS, A PARIS. Ce n'est pas de ma faute, si, en examinantles faits, je rencontreune véritérigoureuse. L'art est l'imitationdes objetsnaturels : il peut donc, en se livrantà la poésie de son inspiration, les disposer, mais nonles sortir des apparences que le Créateur leur a accordées,desfonctionsauxquellessa prévoyanceles a destinés. Si pour la compositionle champ est plus vaste, presqueinfini,— pour la couleur,pour le dessin, pour l'expression,les trois chosesqui distinguentspécialementles Écoles, ce champse réduit, et peut être envahi, au point de ne plus laisser, à ceux qui, douésd'un esprit inventeur, avaientle désavantaged'entrer trop tard dans la lice, un coininconnuà découvriret à occuper. Ainsi, nous voyonsFlorenceet les Flandres prendrepourguidel'imitation de la nature dans ses formesmatérielles,grandir danscetteimitation jusqu'à atteindre les fières proportions de Michel-Angeet celles, franches,hardies,brillantes,de Rubens; nous voyonsl'Écoleromaine,inspiréepar ses maîtres, idéaliser,pour ainsi dire, la matière,la pétrir, la composer,et produire sous la main de Raphaëltout un mondede créatures, lesquelles,dansleurs figureshumaines,rayonnentd'unebeautéet d'une suavitéd'expressionqui les rapprochentde la Divinité. L'Allemagnese tient entre cesdeux voies; observatrice,froide, fantasque et portée versles spéculationsmétaphysiques,vers les sophismesde la pensée, les oeuvresqu'elleproduit se ressententde ces qualitéset de ces défauts. AlbertDurer parvientimparfaitementà fondrela duretéde ses contoursau contactdes grâces et de la touche délicate,dontl'Italielui présente les modèles; la précision de ses contours, la roideur de ses figureset des plis deses draperies se retrouventdans ses élèveset dans ses imitateurs, et empêchentl'Art de grandir. Venise,voluptueusementbercéesur les vaguesazurées deses lagunes, éclairéepar le beau soleil de l'Orient, resplendissantedes étoffeset des pierreriesque ses navires lui apportent des lieux les plus reculésdela terrealors connue,Venise,avecses patricienset ses courtisanes,sesorfévrerieset ses draps d'or et de brocart, inspire à ses enfantsle luxedela couleur, la fouguede la composition,et, par la main du Titien, du Giorgione et de Paul Véronèse,produit des toiles où la sensualités'entoure des splendeursde la richesse. Parmevoit éclore à son tour un nouveauprodige: la magiede la lumièreet desombressavammentdisposéespour certainseffets.La science des raccourcisenfanteles pages sublimesdu Corrégé, peintre modeste quoiqueinimitable,qui dut tout à son génie, et qui eutle talent d'arrêter, dansles contoursindécisde ses figures, dans les massesde sa .couleur, les rayonsque ses pinceauxsavaientemprunterau soleil. Après ces maîtres, après ces exemples, tout était dit et tout devint confusion. Ceux qui succédèrent, voulant atteindre le sublime qu'ils


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 287 s ous les le cherchèrentune avaient yeux, dépassèrent but, originalitérebelleau désir ; voulantvaincreen imitant,ils tombèrentdans le maniérisme; l'Art déclinait,et les effortstentés pour le perfectionnerle perdirentde jour en jour et le précipitèrentde l'élévationqu'il avaitatteinte. Il y eut encore une autre cause à la décadence. Les princes et les puissants de l'époque, pris de zèleet de jalousieà l'endroitdes choses de l'art et des artistes, surenchérissaient,à l'envi lesuns des autres, les productionsqui apparaissaientetla faveurencore plus enviéed'attirer et de retenir auprès d'euxles célébritésdumoment. Le contactd'un luxe, générateurd'habitudeset debesoinsdispendieux, la tentation et la facilitéde s'enrichir, la soif du plaisir, la certitudede ne pas déchoir dans l'opinion une fois conquise, changèrent les tendanceset les sentimentsartistiques. On ne travailla plus pour obtenir unegloire solide, mais on rechercha l'éclat qui brilleet arrête la multitude, le clinquantet les procédésqui l'éblouissentet la font parler. L'Art devintmarchandise,l'artiste devinttrafiquant, producteur,selonla demande;on ne s'inquiétaplus de bien faire, mais de faireet de beaucoup faire.—«Pauvre Carlino,disait plus tard Giordanoà CarloDolci(chacun saitcombienGiordanoétait diligent),pauvreCarlino, lu ne seras jamais riche.» Cesquelquesmots renfermentune révélationentière, et prouventplus que tousles argumentsqu'on en pourrait déduire. Au milieu du débordementgénéral, en présence des chefs-d'oeuvre anciensqui semblaientavoir épuisé les combinaisonset les forces des facultésde l'humaine intelligence,quand les maîtres ne prenaientpas lanature pour guide, maisoutre-passaientles méthodesde leurs prédécesseurs,les uns, la méthodede Raphaël,en exagérantl'idéal,ou cellede en abusant de l'anatomie; d'autres, celle des Vénitienset Michel-Ange, desLombards,en outrant la couleur et en faussantles raccourcis; il ne restaitqu'un remède assezefficacepour releverce qui agonisaitet était toutprès de sa ruine. Ce remèdefut trouvé et appliquépar un homme persévérantdans sa lenteur, illustre à l'âgemûr, quoiquene promettant riendans sa jeunesse.:Si LudovicCarracheavait écoutéles conseilsde Fontanaet du Tintoret; ses premiers maîtres, la-résurrectionde l'Art auraitété retardéeou compromise,et Bologne,dont la missionconstante fut d'instruire le monde, n'en aurait pas eu probablementl'honneur. Ludovicet ses neveux,Augustin et Annibal, établirenten principe, démontrèrentpar l'exempleque l'Art, au point où il était parvenu, devait partager,pour ainsi dire, son attentionentre la nature et les oeuvresprécédentes,et que l'artiste, selonles tendancesdutalentet des dispositions quilui étaientpropres, devaitprendre à l'uneetaux autres cequ'il sentirait plus parfait et se l'assimiler. Ce précepte fut le berceau de l'Art moderne.Sa mise en pratique lit disparaître les exagérations et les


288 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. divisionsméthodiques,confonditles styles, et rendit semblablesl'Italie, l'Espagne, les Flandres, l'Angleterre, la France, la Hollande mêmeet l'Allemagne,à part des modificationssecondairesprovenantdes climats, des usages, des moeurset de l'esprit des peuples. On eut des tendances et des prédilections,onressemblaà un maîtreen s'éloignantd'unautre, onfut dansdes voies diverses;cependantles règlessubsistèrentou reparurent invariablement,ainsi que les professeurs,pour les enseigner,les appliqueret lestransmettre. Quelquefoisdes natures ardentes, désireuses d'innovation,fourvoyées par des élogesmalavisés,voulurentrompre le frein, s'élancer vers l'inconnu, à la conquête de ce qui n'existaitpas ; presquetoujoursle mauvais goût des amateurs peu éclairés, l'autorité de certaines protections réussirent à mettre en vogue ces aberrationset à en imposer au public. Cefut pour un tempstrès-court, car des espritssérieux,les Benefial,les Mengs,les Davidne tardèrent pas à ramener au bien ceuxqui s'enécartaientet à détruireun prestige reposantsur le faux..Watteau,le peintre desfêtesgalantes,quoiquegracieux,spirituel et piquant, Boucheret ses bergeradesnefirent quepasser, et si, de nosjours, leurs oeuvreset celles de leurs élèvesconserventune valeur d'argentet attirent la curiosité, elles n'existentque peu ou point pour l'Art. Désormais,il en sera toujoursainsi, carle contactde la civilisationest trop grand, le rapprochementdes peuplestrop intime,pourque la communiondes idées n'augmentede jour en jour et pour qu'avecellenes'égalisela manièredesentir l'art et de juger les artistes. Or, de cetteuniformitérésultera constammentet de plus en plus ce que l'examen comparédes oeuvresprésentéesà d'Expositionuniversellem'a démontréà l'évidence,savoir : ou que les enseignementsprodiguéspar les Carrache dans leurAcadémiedegl'Incamminatiserontmaintenuspar les artistes, quiprendrontpour modèlela natureet lesanciensmaîtres,se contentantd'une originalitérelativeet personnelle,—ou que, si parfois quelqu'unpoussépar l'ardeur de son imaginationet par des aspirations ambitieusess'écarte de cesprincipes, il se perdra dans les excentricités et les extravaganceset finirapar périr, lorsquel'engouementdu moment, si tant est qu'il parvienneà le susciter, aura.épuisé ses forces et son enthousiasmede convention; Il n'y a donc pas à proprementparler de séparationpossibledans les Écoles contemporaines: ellesse marientl'uneà l'autre. Parmi les artistes appartenantà la mêmenationalité,on ne voit pas de conformitéde styleet de tendances.Allemands,Belges,Espagnols,Français, Hollandais,Italiens, Anglais,tous suivent plus ou moinsles routes frayées;tous, dansle dessin, dansla composition,dans la couleur,dans l'exécution,confondentleurs méthodesaveccellesdes anciensmaîtreset s'abandonnentau penchantqui les porte vers un type, vers une imitation.


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 289 Les Carrachevoulaient conduire à ce point leurs élèves, croyantavec raison que c'était le seul qui restât accessibleet qui eût le pouvoir de maintenirl'Art dans sa splendeuretde l'empêcherde déchoir. Ils sont heureuxd'avoirréussi, et c'est encore l'Italie, cette reine des Beaux-Arts,qui a le mérite de les avoir possédés. Cependantil y a une exceptionà faire à la généralitéde monappréciation, et cette exceptionest en faveur de la France. Parmi les nombreux peintresqui l'honorent,il s'est trouvéun génie assez puissant pour devineret produire, à cet âge avancéde l'Art, un genre qui avaitété précédemmentsenti et rendu d'une autre manière. Il n'estpas besoinqueje nommeM.HoraceVernetet ses batailles,pour fairecomprendreque c'estd'eux queje veux parler, et j'en parlerai avec d'autantplusd'empressement,que son immensetalent ne reçoitpas, à ce qu'ilme semble,dans son pays etde la part de ses compatriotes,l'accueil et unanimequ'il mériteet que les étrangersimpartiauxsont exceptionnel heureuxde lui prodiguer. Phénomèneétrange que l'histoire de l'Art nous montre dans chaque temps,dans chaque lieu! Presquetoujours la multitude contemporainea porté son admiration surdes maîtreset des oeuvresqui ont été jugés sévèrementpar la postérité.— Presque toujours cette multitude est restéefroideà l'égard de productionsconsidéréesplus tard commeétant de préférence dignes d'élogeset de renommée. Et qu'onne se trompepas : par multitude,je n'entends pas seulement les masses illettrées ou peu instruites ; je comprends aussi sous cette dénominationceux qui, ayant mission d'éclairer, se plaisent, soit par espritde camaraderie,soit par contradiction, soit par jalousie, soit par opinion,ou par toute autre causeà influencerles jugements, à éleverla voixcontrele mérite, à l'amoindrir, et qui, malheureusementréussissent auprèsde la gent moutonnièreque l'assuranced'autrui gagneet fait plier au capricede sa jactance. Certessi quelqu'undevait triompher en France, c'étaitcelui qui, d'une manièreadmirable,retraceles gloiresdes arméesnationaleset fait passer àla postéritéles exploitsdes Français. En effet,de primeabord,le succès futimmense,car ce que Vernetmettaitsousles yeux du public sortait de toutesles donnéesreçues. Sesprédécesseursdans le genre s'étaient jusqu'alors bornés à reproduireun épisode de l'action générale.Ils choisissaient, soit le point où les capitainesse rencontrent, soit le momentdans lequel se passe le fait qu'ilsvoulaientretracer. Raphaël, JulesRomain,Rubens,SalvatorRosa, LeBrunetles autres, n'ont pas différemment procédédans leurs fresques etdans leurs tableaux. D'abord, un groupeprincipal,au milieuduquel se détachele hérosdu sujet; ensuite,d'autres groupesqui, seliant et s'entre-


A PARIS. 290 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, mêlant dans un tout de morts, de blessés , de combattants,couvrentun espace très-restreintet cachent, pour ainsi dire, l'immensethéâtre du combat. VanderMeulen, reproducteur des rapides conquêtes de Louis XIV, s'était seul écarté de ces habitudes. Plaçant généralementson point de vue sur une élévation,il dessinaitles lieuxpresque à vol d'oiseauet embrassaitl'ensembledes ligneset des fortifications;—car, à de rares exceptions près, il ne s'agissait, dans les guerres de l'époque,que de siéges. Maisla positionchoisiedu haut en basnuisait jusqu'à un certain pointà la perspectiveet à l'illusion, et cachaitune grandepartie du développement du champde bataille.D'ailleurs,la dimensiondes toiles, la légèreté de la touche, la préoccupationconstantedu soin de sa fortune,préoccupationqui l'obligeaità aduler le roi, en faisant de lui le point saillantde la composition,ne permettaientpas à ce peintreune grande libertédans la reproduction des mêlées, et l'obligeaientà noyer l'action dans des masseset à ne réserverlesdétails quepour quelquesrares épisodes,pour LouisXIVet pour sa maisonmilitaire. HoraceVernet a préféréun tout autre faire. Abordanthardimentla difficulté,il placéle spectateurau beau milieudu terrain.— Qu'importe si les mouvementsde droiteet de gauche,de frontouen arrière, semultiplient, —si les armées qui s'entre-choquentse composentde plusieurs centainesde milliersd'hommes,— vousverrez autour devous les bataillons, les escadrons se déployer, se retirer, manoeuvreren tout sens, artillerie, cavalerie,infanterie,jusqu'à ce qu'un obstaclenaturel oulaloi physiquedes distancesvous empêchede porter plus loin le regard, et encore,si dansce derniercasvousregardezbien,vous pourrezdistinguer àl'horizon la fuméede la bataille qui se prolongeau delà de la portéede vôtreoeil. Maintenant,revenant vers les objets qui vous avoisinent,vous voyezautre chose. — Autour de vous, les figures se dessinent,l'action se détaille, les soldatss'animent. Pour peu que votre imaginationvous aidéet que votreattentionse concentre,il vous sembleraentendrelebruit des armes, la voix des chefs, les cris des mourants, les hennissements des chevaux, le son des instruments, et vous serez, à votre insu, electrisé par l'ardeur du combat, par cette ardeur communicativequi fait que les hommesbraventla mort et courentintrépides au-devantdu danger. Je l'ai dit et je le répète, dans ma longuecarrière d'artiste, je n'airien rencontréde pareilni mêmed'analogue,et pourtant il n'y a pas en Europe galerie de tableauxqui me soit inconnue,oeuvreimportante,ancienneou moderne, queje n'aie eu le bonheurd'examiner.C'est doncavec raison que je signaleM. Vernetcommechefd'écoled'un nouveaugenre, comme une exception heureuse, d'autant plus rare, d'autant plus admirable que,ainsiqueje l'ai démontréplus haut, lesbonnesinnovationsdansl'Art


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 291 très-difficilesà inventer les envahissements des siècles sont après qui nousont devancés. Maisle mérited'êtreun génie créateurn'est pas le seul de ce maître: il y ajoute une valeur supérieure dans l'expression, dans l'exécution. Qui mieuxque lui a retracéle caractère gai, insouciant,pétulant, du soldat français? Qui mieux que lui a rendu la douleur contenue du guerrierqui meurt et qui, mêmeen mourant, mêmeen souffrant, veut conserversa vaillance?Qui mieuxque lui a dessinéet peint un cheval? Sa perspectiveaérienne est une magie; sa touche est hardie, savanteet franche,sa couleur peubrillante, mais locale et harmonieuse,la reproductiondes costumes, d'une scrupuleusefidélité. M.Verneta eu un tort ; il ne s'est pas contentéde la gloire acquise commepeintredebatailles; il a ambitionnécelle de peintred'histoire,et,danscettenouvellecarrière,quoiquetoujourshabile,il a perdu une partie du prestigequi s'attachaità son nom. Desrivalitésplus heureuses, avec raisonpeut-être,sontvenuesle heurter ; le public, s'intéressantà la lutte, a oubliéses premièresimpressions;lesjalousies, les médiocritésont profitédes circonstances, et le peintresublimedes bataillesa été offusqué parle peintrecontestéd'histoire.La postérité ferajustice : elle aura des élogespour l'auteur duPortrait du père Philippeet de l'Arrestationdes princesau Palais Royal, par ordred'Anned'Autriche;mais elle admirera l'auteur de la Barrière de Clichy, de la Smalaet des autres toiles que chacun,connaît;alors tous les pays où l'Art a trouvéune patrie envierontà la Francel'honneur qu'ellea de le compterparmi ses artistes. Dureste, il faut rendrejustice à ce noblepays de France : c'est lui, de nosjours, qui cultiveavecle plus d'éclat toutes les branches de l'Art. L'architecture,la sculpture, la peinture, et dans celle-ci l'histoire, le portrait,le genre, le paysage, les marines, y sont traités avecune rare perfection;et si les Français, dans certainesparties, ne parviennentpas à égaler les hommesles plus célèbresdes siècles passés, ils présentent unensemblequi les place certainementà la tête dela civilisationmoderne. C'estdoncà juste titre par la France, que je commenceraila revue de l'Expositionuniverselledont j'aborde les détails, aprèsavoir, par ce qui précède,donnéune idée de l'état général de l'Artcontemporain,tel qu'il se révèleà nous dans cetteimmenseréuniond'oeuvresremarquables. Et, dèsle débutde ma tâche,je suis en présenced'une gravedifficulté; je veuxet je dois être sincère; monjugementpourra se fourvoyer; —jamaisje ne consentiraià mentirà ma conscience.Cependant,il y a des opinionstellementenracinées dans l'esprit du public, il y a des réputations tellement assises, que je craindrais d'être accusé de trop de présomptionsi je me prenais à discuter des réputationsque la renommée et une conventionreçue placentau-dessus de la critique.Quedire, d'ailleurs,à leur égard, soit en bien, soit en mal, qui n'ait pas déjà été dit


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 292 jusqu'à satiété? Pour tourner cet obstacle, le seul moyenqui me reste estd'avouerqu'ily a desartistes queje ne comprendspas :M. Delacroix, par exemple.Il me faudrait, pour le comprendre,'renoncer à tous les principes de mon éducationartistique; il me faudraitrenoncer à ceux puisés dans l'étudedes:maîtres de l'Italie, à Rome; à Bologne,à Parme, à Florence, à Venise;des maîtres de l'Espagneet des Flandres, à Anvers, à Madrid, à Séville. Le plus grand nombre des peintures de M. Delacroixdépassent mon intelligence,et c'est sans douteun grand élogequeje faisde lui, en énonçantcefait, s'il est vrai,commesesadmirateurs le prétendent,que la preuvela plus éclatantedu géniecréateurqui l'éclaire, consistejustementen ce que le commundes artistes ne peutpas saisir la révélation,que, nouveauMessie;il fait éclaterdans les divers styles de sesnombreusesproductions. Je le veux bien, et je me console de mon insuffisance,en songeantque j'ai le bonheurde vivredansun siècle assez heureux pour posséder un réformateur, devant lequel les illustrations des temps passés seront abaissées; car, si M. Delacroixa raison, il est incontestable que Raphaël,Léonard, Poussin, Murillo, Rubens, Van Dyck,et tous les autres ont tort. Quantà M.Ingres, je ne peuxpas tenirle mêmelangage(1). —M.Ingres est très-facile à comprendre,et si, par hasard, on pouvait conserver quelque incertitudesur sa nature d'artiste, il a eu soin de réunir, dansla salle réservéeà ses tableaux, les documentsnécessairespolir la mettre à nu, et la faire pénétrer danstous ses détails. Ses oeuvressuccessives racontentles combatsque sa volontépersistantea dû tenter pour vaincre une inspirationet une aptitude rebelles. Cescombats ont-ils été enfin victorieux,commeceux du Carrache, commeceux du Dominiquin? Une multitudede voixs'élèvent pour le proclamer.La modesurtout, cet être fantasque et tout-puissant en France, l'affirmeaujourd'hui, quoiqu'elle l'ait contestéhier. Pourquoi contredire?L'auteur du tableaude la ChapelleSixtine,le peintre du portrait de Bertin, le maître d'HippolyteFlandrin, est certainementun hommed'un immensemérite.L'erreur d'autrui ne doit pas lui être imputée; je suis convaincuqu'il est le premierà repousser certaines comparaisonsqui, en frappant son oreille, doivent l'humilier par leur exagération même. M. Ingres, admirateur studieux de Raphaël, conservantdes productionsde ce maîtreun souvenirpeutêtre tropprésent, car ce souvenirnuit à l'originalitédeses compositions, connaît sans doute la distance qu'il aurait à franchir pour approcher d'une intelligencedivine, complèteen tout, restée sans pareille, comme livraisondelaRevuecontiendra (1) La prochaine unarticledeM.PaulLacroix, exclusivement consacréa l'oeuvrede M. Ingres.Dansles livraisonssuivantes,le mêmeauteurs'occupera endétaildo MM.Delacroix et Decamps: (Notedela Rédaction.)


EXPOSITION DESBEAUX-ARTS, A PARIS. 295 si Dieul'avait exceptionnellement créée, afin de donnerau mondele témoignageéclatantet irrécusablede sa puissanceinfinie.Il serait injuste de fairepeser sur l'artiste la responsabilitédes inconséquencesd'amis maladroits,et je ne veux pas me rendre coupablede pareille injustice. La persévéranceet les efforts courageux, déployéspour atteindreune élévationrelative, sont dignesde louange et commanderaientseuls plus deréservede la part de certains critiques; d'ailleurs, M. Ingres a puissammentcontribuéà mainteniret a propager en France les principes de la bonneécole, et cela doitsuffirepour le fairetenir en grandeestimeet l'entourerde respect. AvecM,Delacroixet M. Ingres,M.Decampspartagel'admirationexceptionnellede la France. Unsavoirprofond,un sentimenttrès-vifde l'effet, fontde lui un talent supérieur. Pour jeter la couleur commeil la jette; justeà la placeoù elledoit être, pourjouer avecla palette et le pinceau, et,touten jouant,produiredes tableauxvrais et exacts,il faut posséderà un suprêmedegré la sciencede l'art. Cela est incontestable.Pourquoi, douéd'une supérioritéaussi grande, M. Decampsa-t-il recours à des moyensempiriqueset affecte-t-ilune rusticité qui n'est pas dans sa nature?Onne peut répondreà cette questionque par une autre : Pourquoi lesamateurspayent-ilssi cheret si follementcellesdesesproductionsqui sontle plus dans cette manière?Cesencouragementsdonnésà la négligenceet à l'excentricitéont de tout temps été fatals, et à eux plus qu'à touteautre causedoiventêtre attribués la décadencedes arts et l'abaissementde certainsartistes qui,-maintenusdans la bonnevoie, auraient parcouru une carrière noble et splendide.Riches ou non, les adulateurs sont redoutables et surtout pernicieux, soit qu'ils ratifient des largessesde leur bourse les éloges exagérés,soit qu'ils les appuient de la forcede leurs poumons, ou de l'encre qui coulede leurs plumes. Ils exagèrentlestendancesde l'adulé; ils l'encouragentdansses défauts; ils faussentson jugementet font passer en habitudece qui n'était d'abord qu'unégarementpassager. . . . Rides?majorecachinno Concutitur;flet, si lacrymamconspexit amici, Necdolet;igniculum brumaesi temporeposcas, si dixerisaestuo,sudat. Accipitendromidem; Cesvers de Juvénal,de l'habileflétrisseurdesviceset,des ridiculesde l'humanité,trouvent ici admirablementleur application. M. Decamps, douéd'une imaginationvive, d'une main facile, devait être contenu, et nonpoussé. Alorsil aurait été sans rivaldans le présent; il aurait eu peu de rivalitésà redouterdans le passé, et certesune immensegloire à attendredans l'avenir.Tel qu'il est, il occupeincontestablementun des


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 294 premiers rangs parmi les peintres de genre; et si l'épaisseurexagéréede la couleuret l'abus des blancs ne viennent pas, par la suite; obscurcir ses tableaux,sa renomméerestera bonneet impérissable.Je désireraislui voiraborder quelque pagehistorique, importantepar le sujet et par les dimensions; peut-être y réussirait-il à merveilleet s'y montrerait plus élevéet moinsfantasqueque dans les petitescompositions.La nombreuse expositionde ses oeuvresfait grandplaisir à voir. M. Decampsn'a pas à craindre l'inconvénientrésultant pour d'autres de la réunion trop nombreuse des produitsde leur talent (j'aidéjà signalécet inconvénientdans ma premièreLettre). Au contraire, le spectateurattentif, celui qui analyse, rencontre,dans quelquestoiles oubliées,un fini et une sobriétéde couleurs, qui témoignentde ce que ce peintre serait devenu, s'il avait trouvéson compteà être autrementqu'il ne doit être, pour qu'on l'achète au poidsde for, ou si, au moins, il voulaitde temps en tempstravailler, non pour les riches amateurs, mais pour les connaisseurset pour les siècles futurs. Et puisqueje suisrevenuà parler, accidentellement,del'étalagequ'aucuns ont fait de leurs oeuvres,et mêmede leurs plus petites esquisses, qu'il mesoit permis de consacrerquelqueslignes à M.Paul Delaroche, tombé dans l'excès contraireen refusantde prendre part à l'Exposition universelle/Sonabsence,l'indifférencequ'il affecte,sont-ellesdes causes suffisantespour l'oublier?La France peut-elle l'oublier?Non, car, en France, Paul Delarochetient, avec HippolyteFlandrin,la premièreplace dansla peintured'histoire, et partant il a droit à la plus sincèreadmiration. Je sais à ne pasen douter que cette appréciation,émisefranchement commeon doitle faire, quand on se sent le couraged'avoirune opinion, ferasourire bien des genspourlesquelsl'Art est la courseau clocherdes imaginationsdésordonnées,biendes gens quiprétendentridiculiserquiconquen'est pas de leur avis, en sele montrantau doigtet enle désignant sous le. sobriquetde classique,équivalantdans leur penséeà un ridicule. J'accepte,pour moncompte, cette classification,non pas dansle prétendu sens d'un pédantismeinadmissibleen pareillematière, mais dans le véritable,qui exprimel'attachementà une correctionscrupuleuseet à l'observancede certains principes établis par nos prédécesseurs,principes qui leur valurentde pouvoirfixer,pour ainsi dire, et reproduirela nature sur la toile et dans le marbre, — Voyons-nousquelque part la forcecachéequi fait éclorelesêtres matériels,changer ses conditionset sortir des bornes que,la création leur a tracées? Voyons-nousquelque part la lumièremodifierses résultats, et procéder autrement,qu'ellea toujours procédé,soit pour laréfractiondes l'ayons, soit pour la démarcation des contours, soit pour la coloration,des objets? Évidemment, nous;ne le, voyonspas. — Si donc la nature a des règles fixes,si la missionde l'Art est d'imiter la nature, commentl'imitateur pourrait-il


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 293 procéderautrementqueprocèdela choseà imiter?Les seulesdifférences raisonnablement possiblesentre artiste et artiste sont celles du modede sentirl'action,d'ordonnerla composition,de distribuerles effets;celles aussides procédés matériels,employéspour exprimer ce que l'on sent et ce que l'on imagine; maisune fois la conception,l'ordonnancementet lacompositionfixés,le dessin est le mêmepour tous ; pour tous, la gradationdes ombreset des clairs est la môme;la perspective,l'espaceoccupéparles corps animésouinanimés, leurs propriétésapparentes,sont invariables.—L'artiste,est bonou mauvais,sublimeou médiocre,selon qu'ila l'inspirationplus ou moins vraie, plus ou moinsélevéedans sa poésie; selon qu'il sait choisir, pour ce qu'il se propose de représenter, letypequi, danslainature, est le plus apte à matérialisersa conception; selonqu'il harmonisel'ensemble; selon qu'il est correct dans la reproductiondes formesqui entrent dans le sujet. On peut différer dans la manièrede produireun résultat, mais non dansle résultat, qui, une fois le partipris, est et doit être identiquepour tous. Et encore,dansla différencedes moyens,il y a certaineslimitesinfranchissables,et lesméthodesparfaitessont cellesqui reproduisentle mieux l'aspectdes.corpsque l'on veut peindre. Ainsi,dans la figurehumaine,les teintesse graduent, se fondentl'une dansl'autre; un clair très-vif, une ombré très-forte,ne se produisentpas brusquement,mais par des transitionsinsensibles.Rien n'est angulaire, toutest arrondi. La nuancesuit la nuanceet ne s'interromptpas par de subitestransitions; Ainsi Raphaël, Léonard, Titien, Corrége, ontfondu les chairs; ils les ont tellementfondues qu'il est impossiblede découvrirà l'oeilla cessationd'une teinte,et le commencement d'uneautre. Rubens, Rembrandt, se sont servis, il est vrai, de coups hardis, maisseulementcommerésolution et après avoir soigneusement: gradué lesniasses.Quelquefoisla lumière agit ainsi. Ellese pose, ellese concentresur un pointdonné, qui devientresplendissantet qui est presque isolérelativementaux.parties voisines. D'ailleurs,il faut tenir comptedu butpour lequel une oeuvrede peinture est créée; s'il s'agit d'un tableau destinéà être vu de loin, d'un tableau de vaste compositionet de proportionscolossales, l'effetdoit être calculépour là distance,et alors ce quidansune donnéeserait un défaut, devientdansl'autre une qualité. Il meserait facilede passer en revueet de discuter de la sorte toutes les partiesde la:peinture,les étoffes,le paysage, l'air, les meubles,les ornements.Il me serait facilede démontrerque les contours tracés au noir, commeceux d'un carton fait au fusain; que la couleur plate et sans nuancecommecelledes plâtres, ou plaquée et raboteusecommele crépi d'unmur; que la confusiondes compositionsoù l'espacemanque aux corpsdes têtes qui y sont entassées; que toutes ces manièreset d'autres qu'ilest inutilede signaler,ne sont pas de la bravoure,ainsiqu'on le pré-


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EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS,APARIS. tend, mais des imperfectionsmanifestesou du charlatanisme.Maisà quoi bon?Je ne parviendrai pas à reformercertains jugements. Je ne redresserai pas les idéeset le mauvaisgoût, et ma voix faible par son peu d'importancene tranchera pas les débats soulevéspar les soi-disant libres penseurs,lesquels,voulantsatisfaireleur orgueilou se"débarrasser des difficultésqui les gênent, des supériorités qu'ils ne peuvent pas atteindre et qui les écrasent,préfèrentpréconiseret louer le désordre, ramenerle chaos, soutenir que la licenceignorante,le renversementdes principes, le déraisonnementsont du génie. Vous pouvez rire si cela vous plaît, esprits superficielset absolus; vous pouvezm'appelerclassiquetout à votre aise; vous ne meblâmezpas en m'appliquantce nom,si vous acceptezla significationdu mot, telle queje l'ai déduite; vous me calomniez,si vousl'entendezautrement;et, choseplus grave, vouscalomniezlesoeuvreset les artistes qui ont amenécette digression,et qui sont l'honneuret la gloire de votre pays. De Paul Delaroche,je ne rappellerai que l'hémicyclede l'École des Beaux-Arts.On a accueillifroidementcette immensepeintureoùtout est solide,tout est ordonné,tout est exquis: la distributiondes groupes,les expressionsdes têtes, les actionsdes personnages,le dessin, la couleur et l'effetgénéral. Pourquoi s'en étonner?Les moines théatinsdélibérèrent bien pour savoir si l'onn'ordonneraitpas le grattage des fresques admirablesdont le Dominiquinavaitornéla tribunede Saint-Andrédela Valle; le public romain— ce public qui suce, avecles premièresaspirations de la vie, l'amouret le sentimentde l'Art—resta froid devantle chef-d'oeuvredel'humbleet malheureuxZampieri.Celui-cien fut réduit à douter de lui-même.De nos jours, pas un habitant de Rome,pas un étranger curieuxet instruit ne passe devantces fresques, sans être saisi de respect et d'admiration, et sans faireà la mémoiredu pauvreartiste une éclatanteréparationde l'indifférenceincompréhensible de sescontemporains. La même chose aviendra de M. Delaroche: ses tableaux, la Jane Grey, la SainteAmélie, le lord Straffordet tant d'autres resteront applaudis; l'hémicyclede l'École des Beaux-Artssera le triomphequi le conduiraà l'immortalité. M. HippolyteFlandrin, présent au concours,réunittoutes les qualités deson rival; si son coloris, moinschaud, moins vigoureux,moins transparent, moinsnaturel que celui de Delaroche,tend parfois au grisâtre, défauthérité deM. Ingres, le stylede ses draperies,pliéesplus largement dans les massesclaires et dans les ombres, rétablit l'équilibre entreles deux. Les peintures qu'il a exécutéesà Saint-Germainl'Auxerroissont dignesdu plusbeausièclede l'Art, et leSaintClair,premierévêquede Nantes, guérissantles aveugles(n°5075)estun tableauqu'on pourrait dire parfait, si la personne de l'Évêque n'avaitdans son ensemblequelque chose, le manteaupeut-être, qui la fait paraître un peu lourde. Sa Figure d'étude


A PARIS. EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, 297 (n°5076)renferme,souscettedénominationmodeste,une oeuvrecorrecte, dignedesmeilleursmaîtres, et ses huit portraits sont d'un style élégant et d'unebeauté artistiqueremarquable. Pourquoi M. Flandrinet presque toutes les notabilitésont-ils fait de l'Expositionuniverselleune exhibitionrétrospective?Pourquoi aucune nouvelleimportanten'est-ellevenuemêlerl'attrait del'inconnu production à l'intérêtde la solennité?Est-ce la crainte de se compromettredans uneoeuvreque la critique n'aurait pas encorejugée et d'exposerla réputationacquiseau danger d'un échec qui pourrait l'affaiblir? Je ne sais. C'est un fait regrettable qu'il importe de signaler et qui devrait,dans une autre circonstance, être évitéau moyen de mesures énergiques.Je ne veux pas rechercherles raisons qui militenten faveur de cesmesures, parce que chacun peut les saisir, d'autantplus que les observationsdes exposantsétrangers les proclament assez haut. Les gloirespassées,mêmedes hommesvivants,appartiennentà l'histoire; la vien'est que le présent, et si le présentmanque,lereste n'est plus qu'un souvenirou une espérance. Dois-jemaintenant,après avoirparlé desexceptions,suivremonexamen selonl'ordredu Catalogue,ou bien prendrepar catégorieslesélèvessortis dumêmeatelier?Ce serait ou trop confusou trop monotone.Je vaisme laisseraller au hasard, me bornant seulement à séparer, quandje le pourrai,les divers genres de peintures. S. (Lasuiteauprochainnuméro.)


BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE.

DESOEUVRES NOTICE D'ART DEL'ÉGLISE PAROISSIALE ET CI-DEVANT INSIGNE COLLÉGIALE DESAINT-JACQUES AANVERS, précédéed'uneintroduction historique, et rédigéed'après des documentsauthentiques,par M.Théodore VANLERIUS , marguillier-secrétairede cette église.(Borgerhout, imprimeriede HenriPeeters; 1855.) —S'ilest un pèlerinagequi soitcher à tous lesadmirateursde notre écoleflamandesi féconde, c'est bienl'égliseSaint-Jacquesà Anvers, où repose le grand Rubens.M.VanLerius lui a consacrél'ouvrageque nous annonçonsici, et quin'est qu'unrésumé d'untravail plus considérable,dontla publicationne se fera pas attendre. Après avoir donnél'histoire de l'égliseSaint-Jacqueset fait connaîtrele nomdes architectesqui en dirigèrentla construction, M. VanLeriusdécrit minutieusementet avecla plus grande exactitudeles oeuvresd'art qui ornentchacunedes parties de l'édifice.La descriptionde la chapelle de Rubens, entre autres, abonde en remarques curieuses. Nous nous borneronsà en extraire les lignessuivantes, oùles lecteursde la Revue trouverontdes nomsqui leur sont familiers;ellesconcernentundeschefsd'oeuvredu chefde l'écoleanversoise: Notre-Dameet l'enfantJésusaccompagnésdesaints : « A ces mépriseshagiographiquesil est venus'en joindre d'uneautre nature. Au siècledernier, on croyaitque Rubensavaitdonnéses traits au saint Georgesdutableauet qu'ily avaitplacéceuxde sesdeux femmes, IsabelleBrandtetHélèneFourment.Pour nous, comparaisonfaiteavecdes portraits, nous reconnaissonsle grand maîtredansla figuredubienheureux soldat chrétien, IsabelleBrandt dans cellede la sainte Vierge. et HélèneFourmentdans celledesainte Marie-Madeleine. » Mais ce que nous affirmons, c'est que la prétenduesainte Marthe ne ressembleen rien à Isabelle Brandt, pas plus que le saint Jérômeà Jean Rubens, dont nous avonsvule portrait, gravé à Londres, d'après Pierre-Paul, par notre concitoyenJ. J. Van den Berghe. Et que dire de l'angequi se tient près de saintJérômeet qu'ona désignécommelefilsde Rubens,qui eut quatre fils? Riensans doute. Comment,en effet,réfuter sérieusementceuxquiontreconnucetenfant,à sa chevelureetàson dos?» —TOESTAND KUNSTEN INANTWERPEN OMTRENT DER BEELDENDE 1454,door Leo de Burbure. (Antwerpen,drukkeryder gebroedersPeeters, 1854.) Etal desarts plastiquesà Anversversl'année1454,par Léonde Burbure. (Anvers, imprimerie des frères Peeters, 1854.) M. Léonde Burbure,


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 299 archivisteactuel de la cathédrale d'Anvers, a réuni, dans un petit volumein-12, des donnéescurieusessur lesartistes qui concoururent,au quinzièmesiècle, à la constructionet à la décorationde ce beau temple. Ils'occuped'aborddesarchitectesPierre Appelman,Tac et Everaer, qui setransmirentles fonctionsde maître des maçonneriesde l'église de Notre-Dame,puis successivementdes statuaires, copistes,enlumineurs, relieurs,vitrierset orfévres, dont il a retrouvé les noms dans le dépôt confiéà sa garde. Nous y avons remarqué, parmi les vitriers : Nicolas Rombouts,de Bruxelles,qui, en 1505, exécutapour la chapelledu SaintSacrementune fenêtrepayéepar le comtede Nassau, Engelbert; et JacquesVan Thienen, que l'évêqued'Utrechtchargea, en 1506, d'orner de vitrauxpeints la fenêtresituéeau-dessusdel'autelSaint-Roch.Parmiles orfévresfigureunartiste habile,maître Jean Van Vlierden,dit VanNimmeghen,graveur des monnaiesd'Anverset de Malines,sur quinotre ami M.AlexandrePinchart (Revuede la numismatique belge,11esérie, t. III, p. 591et suivantes)a le premierappelél'attention. A. W.


CHRONIQUE, DOCUMENTS,FAITS DIVERS. à Bruxelles. Leséglisesfermées.— Exposition detableauxau JardinBotannique, —Expositions àMonsetàMalines.— LesportraitsdéJ.-J. Rousseau, parLa—Ladécadence DuCamp.— touret par Lemoine. del'Art, suivantM.Maxime — LeRolanddeM.DuSeiPromenade detableauxen Europeet en Amérique. — — — M. Courbet. Le Muséede gneur. Kertch.—Lesventespubliques. Nécrologie artistique,etc., etc. La Belgiqueest un paysprivilégiépour la beautéde ses monumentset la richesse de ses églises, véritables muséesoù l'on admire non-seulementle génie architecturaldes grands artistes de tous les siècles, mais encoreune fouled'oeuvresdes peintres, des sculpteurs, des ciseleurs,des décorateursde toute sorte, qui ont illustré l'histoirenationalede cepays. Par malheur,il n'est pas facileaux étrangers, artistes et amateurs,ni mêmeaux Belges,de visiter les églises de la Belgique.Il faut pour cela beaucoupde temps, beaucoupd'activité,beaucoup de persistanceet de. patience,et mêmebeaucoupd'argent; car les églises,qui, commetemples religieux et commemusées dépositairesd'objets d'art, devraientêtre ouvertesà tous, du matin au soir, sont généralementfermées, sauf aux instants de la célébrationdes messeset offices.Or, durant ce temps-là, outre qu'il n'est pas commodede voir de près les chapellesplus ou moins encombrées,ona soind'affichersur quelquepilier que la circulationest défendue.Les suisses et autres agents catholiques ne manquentpas, d'ailleurs, d'arrêter courtles explorateursles plus recueillis.Ajoutezque les richeschapellessont ferméesde grilles, et les belles peinturesvoilées de draperies mobiles. Pour visiter une église,il faut donc attendre qu'elle soit fermée! Maisalors il s'agit de la faireouvrir. On arrive à la porte close.Personne là, ni autour. Où est le sacristain, le bedeau, le guide, l'introducteur?C'est là ce qu'il faut deviner d'abord? Onfait le tour de l'édifice.On regarde. Personne. Il faut se renseignerdans quelque rue voisine,au hasard, chezun boutiquier: — Monsieur,vos églises sont doncfermées? — Cen'est pas l'heure de la messe. — Mais, est-ce qu'il n'y a personne.pourtourner la clef? — C'estle père un tel qui a les clefs. — Et où est-il, ce père Chose?


ETC. CHRONIQUE, 301 — Il reste dans la ruelle de ***,une petite maisondont la porte est peinteen noir. —Maisoù est cetteruelle de***? — Oh! pas loin.Vous prenez,à droite, vous passezdevantl'estaminet desBons-Enfants,vous faites un petit crochet sur la gauche, et quand vousaveztraverséle pont de bois, vous regardez devantvous... c'est là. Commenttrouver la baraque peinte en noir? Cependant,à supposer qu'onait une résolutionimperturbable,qu'on parle flamandpour se renseignerdans ces vieux quartiers qui entourent les cathédrales, on peut arriverchezle père un tel. Il n'y est pas. II est peut-êtreà l'estaminetdes Bons-Enfants.Sa petite fillevousréponden flamand.Maisvous ne vous découragez point. Vousallez à la découvertedu sacristain,et après avoir perdudeux heures, il vous introduitenfindans le sanctuaire, —moyennantune pièceblanche. Très-bien.Vousvoilàdans Saint-Jacques, dans Saint-Bavon,ou dans Vous courez à la chapelle de droite où vous savez Sainte-N'y-touche. qu'estle célèbreRubens, à la chapelle de gauche où est le célèbreVan Eyck,et plein d'émotion,vous apercevez...un rideau de cotonverdâtre. Lebedeauavanceune main vers une ficelle, et tend l'autre main vers vous.S'il y tombe—une pièceblanche, le rideau s'écarte, etvous pouvez voirl'Agneau,ou le Calvaire. C'està recommencerà chaque ficellede draperie, à chaque serrure de grille.Tantôt, il y a un prix fait; tantôt, c'est à la générositéduvisiteur: unebonneéglise coûteenviron cinqfrancs, pour la bien voir. Et ce qui est pis, du moinspour les riches, etsurtout,pour les:Anglais quiestimentque tempsest synonymed'argent,— time is money—,c'est qu'enpure perte on a dépenséplus de temps à chercher les moyensde voirqu'à voir. Uneville qui demanderaitvingt-quatreheures de séjour vous retient une semaine.Et, nous le répétons, pour ne pas s'enfuir devant ces obstaclesridicules,il faut des qualitéshéroïques, la ténacitéd'un Breton oul'impassibilitéd'un Allemand,qui, en manière de délassement, au cours de ces recherches odysséennes,prend le parti d'entrer à l'estaminetdes Bons-Enfants, d'y boire une chope, et d'y fumer une pipe. Heureuxsi, quand il aura mis la main sur le bedeau, il n'entend pas sonnerla clochequi appelleà vêpres; et alors il faut attendre après le salut. Lavue des églisesbelges et des trésors qu'ellescontiennentest donc presqueinterdite aux voyageurs, aux artistes et aux hommes:debonne volonté,qui n'ont pas le loisir ou l'obstinationde s'acharnercontre ces difficultésmisérables.Et ce qui est plus monstrueux, c'est qu'elle est absolument interditeà tous les citoyensqui n'ont pas trop d'argentpour payerles impôts, octroiset taxesde toute sorte, à tous les travailleurs 20


ETC. CHRONIQUE, qui sont déjà assez embarrassés de se nourrir eux et leurs familles. Qu'on ne dise pas que la Belgiqueestun pays artiste, qu'ellefavorise les arts et qu'elle tend à en populariser le goût. Il faudrait pour cela qu'on fît d'abord une révolutiondans cet usage invétéré qui maintient une clef d'argentà la porte des églisesnationales. Il n'y a malheureusementpas beaucoup de journaux artistes en Belgique, quoi,qu'il y ait beaucoupde revues archéologiques; mais il y a une:presse politique,pour laquelle c'est un devoirde poursuivretoutes les améliorationsquelconquesqui intéressent le pays. Et le publicest certainementintéresse à l'abolitionde l'usage contre lequel nous nous élevonsici. Que la presse quotidienneprenne à coeurcette question, commela Revuese proposede le faire. Et peut-être, après une croisade dévouée,arriverait-onà conquérir les clefs du Saint-Sépulcre,et pour tout le monde,tout le jour, et partout, l'entrée facileet gratuite dansles templesde Dieu, —qui sont aussi les templesdesArts. 502

— Onvient d'ouvrirune très-intéressanteExpositionde tableaux,dans la grande, salle du Jardin Botanique,à Bruxelles: tableauxancienset modernes, et mêmequelquesobjetsd'art. Des tableaux anciens nous ne parlerons point; ceux, en bien petit nombre, qui mériteraientune mention, ayant déjà figuré à l'Exposition du Palais Ducal, sauf une excellentepetite ébauchede Rubens: guerrier tenant d'unemain une torche et de l'autre main son épée nue. C'estle seulRubensqu'il y ait là, quoique, sans doute, le catalogueenregistre des Rubens et des Rembrandt. Mais il est entendu que nous n'avons point vouluouvrir de catalogue,afinde bienvoir par nous-mêmel'exhibition..Pour qui connaît les chemins, mieuxvaut se passer de guides. Les guidesvous égarent souvent,et vous ennuienttoujours. Parmi les tableauxmodernes, on remarquequelques oeuvresextrêmement distinguées; d'autres, très-curieuses, à cause du.nom deleurs auteurs ; il y a aussi quantitéde Verboeckhoven,deBrakeleer,de Schelfout, de Van Schendel, et toute la pléiade des faux peintres qui ont encore aujourd'huiune certaine réputationdans un certainpublic.Leurs analoguesen France, en Allemagneet en Suisse, MM.Brascassat, Koekkoeket Calamesont représentés par divers ouvrages de patience,etle premier notammentpar une Vache,qui appartient aux petits troupeaux en carton de M.Verboeckhoven. Oh! le curieux:tableaux de Louis David, signé et daté de Bruxelles, 1819! Figures à mi-corps, de,grandeur naturelle : un dos de guerrier, surmontéd'un casque,Achillepeut-être,etunvieillardmélancolique et respectable, et une jeune vierge, Briséis peut-être!Grecsou Troyens du bon temps !mais non pas du bon temps de David,qui est et demeurera un grand artiste, malgréle:ridiculede ses dernières productions.


ETC. CHRONIQUE, 303 a un Cuirassier à vu cheval, par derrière; vigouDeGéricaultil y reusepeinture d'un bel élan et d'une belle couleur; de Charlet, une joyeuseaquarelle,les Buveurs,gravés.etlithographiesplusieurs fois. De M. Horace Vernet, une Chasseau tigre, connue par la gravure. Cettepeinture, datée, je crois, de 1856, est déjà à demi évaporée,de mêmeque toutesles tristes peinturesde l'école qui régnaiten Franceau commencement du siècle.Commeil n'ya ni pâte solide, ni touche ferme, maisun délayaged'huilemollementétenduesur la toile, au bout de quelquesannéesl'huile s'en va dans l'air, et il ne reste plus rien que de mincesgerçures, tandis que les tableaux de Van Eyck, l'Agneaupar exemple,ceux de Hemling,et tous les bons tableaux des fortes écoles sontà peine écaillésaprès des siècles. Cen'est pas grand dommageque la peinturede M. Vernet s'évanouissecommecelle de Girodet et de Guérin. Les deuxtableaux de M. Ary Scheffersont bien singuliers. Le Baptême,onle dirait peint par M. Beaumetout au plus. La Margueritechez Martheest très-faible aussi, malgré le rouge terrible de la robe de la jeunefille. Il sembleque la tête de cette Margueritesoit le portrait de la princessed'Orléans, avant qu'elle fût reine des Belges; c'est pour cela sansdouteque ce tableauest au roi. M. Decampsne figurepas non plus à son avantage dans cetteexhibition.II n'y a de lui qu'un petit morceau, le moins réussi qu'il ait peint peutêtre de toute sa vie: « Lerat dans un fromage», intérieurde.cave, presque,remplipar un tonneau; et une aquarelletrès-spirituelle, des Singeschasseurs, dont l'un , en passant un fossé, a l'adresse— adroit commeun singe! — de déchargerson fusil dans le museaude son camarade,qui tombeà la renverse. De M. Louis Gallait, il y a son Croate — trop rouge — du dernier Salon de Bruxelles. Ce n'est pas sur cette peinture qu'il faut juger M.Gallait. Le tableaude M. Willems, Intérieur d'atelier, trois figures, offredes qualitésexquises,et qui rappellentun.peu Metzu.La têtedu.peintre qui montre.sontableauà la femmeassise, est délicieused'harmonie. Le tableaude M. Alfred Stevens, Joueurs de bilboquet, les Mignons de Henry III? est de premièreforce.Dessin énergique, modelésavant, tournureélégante,gammede couleur montée au plus haut ton. Il n'y a riende son frère Joseph, qui est aussi un vrai bon peintre. Maisvoicila perle de l'Exposition— un chef-d'oeuvre: c'estun dessin à tous crayons, par M. Leys; il représente une femmetenant entre ses Brasson petit enfantmalade, et venantavecune compagneallumerdes ciergesau fond d'une chapelle; le profond sentimentmaternelde cette femmequi prie pour la guérison de son nouveau-né, sa physionomie pleinede tendresse et d'affliction,la simplicitéet la majesté de sa tour-


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ETC. CHRONIQUE, le de son nure, goûtoriginal ajustement,les tapisseriesbizarres quiserventde fond; la douceharmoniedes couleurs, la sobriété magistralede l'éxecution,la correction du dessin dans les mains, dans les plis des draperies,tout contribueà élevercette oeuvrejusqu'au grand style. La peinture de cette compositionest à un autre bout de la salle; on aurait dû rapprocher ces deux expressionsde la penséede l'artiste; car il y a de grands changementsdansle tableau: le groupedes deuxfemmes est le même; mais au lieu d'être dans la chapelle,elles y vont; ellesse dessinent sur le mur extérieur de l'église, d'un gris-perle, qui faitbien saillir les personnages. En comparantle dessin et la peinture, on voit que M. Leys n'est pas aussi libre et aussi sûr de lui-même,avecle pinceauqu'avecle crayon. Dans la peinture, les mains de la femmesont assez lourdeset presque incorrectes, tandis qu'elles sont fines et justes dans le dessin. A notre avis, ce n'est pas le peintrequi dominedans M. Leys, commeon le croit généralement.Il est poëte et très-intelligent;.ila de la pensée, du caractère, du style; mais son talent d'exécutionest, toujours suivantnous, au-dessousde son inspiration. Il n'y a guère d'artistes belgesqui inventent et composentaussi bien que lui ; maisil y en a peut être qui peignent mieux. Un autre excellenttableaude M. Leys représenteun jeune hommequi élèveune flècheen l'air (signé et daté 1853). Maiscelui qui a le plus de succèsest l'Intérieuravecbeaucoupde figuresetd'accessoires(daté1849). Celase vendraitpeut-être cent fois plus cher que le dessin de la mèreà l'enfantmalade; mais celavaut millefois moins. Des peintresfrançais; assez renommés,il y a encore beaucoupd'oeuvres charmantes: un petit Fumeur, de M. Meissonnier,où l'habilecoloriste a risqué sans malheurune culotte et un gilet rouges; — une Causerie, de M. Chavet,avecun fumeurassis près d'unetable et unflâneur debout,en veste gris tendre, du ton le plus fin, et qui se soutiendraità côté d'un Meissonnier;—-deuxpetits tableauxde M. Jaques, un Paysage avecdes boeufsattelés, et une Basse-couravecdes poules et des coqs, peinture ferme d'accent, spirituellede touche,juste de couleur, comme un Decamps; - deuxDiaz: des Baigneuses,dansun paysagelumineux et blond, et des Enfantsavecdes chiens, agaçant un émouchet;les Baigneuses surtout sont de la belle qualité du maître ; — un rude dessin au fusain, par M. Courbet: Pauvresse tenant un enfant sur son bras droit, et levantl'autre bras au ciel, avecun geste de suprêmedésespoir; véritableMaterdolorosa,commeles modernesdoiventla comprendre,la mère de douleur,la femmedu peuple,qui traîne sesenfants-dansl'abandon et la misère; celaressemble un peu, sans cependantperdre deson originalité,à certainsdessinsdeM.Decampsetde M.Jeanron;—enfin,— aux derniersles bons — un paysageavec animaux,par M. Troyon; c'est


ETC. 505 CHRONIQUE, une ébauche maisc'est ! ce doitêtre seulement, superbe presque uneétude faited'aprèsnature au bord de la forêt deFontainebleau;sur le premier plan,il y a une vacherousse, à demienfoncéedansun fossé, et vue de profil;plus loin, d'autres animauxet le pâtre, et de grands arbres. La vacherousse et les terrains sont modelésenmaître,et la lumière circule partoutcomme dans la nature. M. Troyon doit avoir une belle place parmiles paysagistesfrançais, et sans douteses tableauxdoivent,ressortirà l'Expositionuniverselle,immédiatementaprès ceuxde M. ThéodoreRousseau,le premierpaysagistede l'écolemoderne,assurément.. — Il y a encoredeuxautres expositionsprésentementouvertes,l'une à Malines,l'autre à Mons.A celle-ci,la plupart des artistes belgesont envoyédes ouvrages.On cite parmi les tableauxdeuxexcellentespeintures de.M.Leclercq : une Mère qui habilleson enfant, et un paysage,d'un grandcaractère; diversescompositionsde. MM.de Keyser, Roberti, de Block,Eeckhout,etc., et une Hébéde M. Wauquière,laquelle,à cause desa nudité, a suscité l'indignationpudibonded'un journal catholique. L'auteur,accusé d'attentatà la moralepublique, a réponduau révérend critiquede l'Échola lettre suivante: « Monsieur, « L'auteur de votre revue artistique du 15 juin veut bien medonner quelqueséloges.Vousy ajoutezun.correctif : « Montableau, dites-vous, n'aurait pas dû être exposé; il est d'une si grande indécenceque personnen'osele regarder. » Vousaffirmezque ce sentimentde réprobation estl'expressionde l'opinionpublique. « J'ai peint Hébérefusant l'ambroisieà l'aigle de Jupiter. « Unexcèsde zèlepudibondvous a fait confondrel'indécenceavec les nudités: l'art admetlesunes et réprouvel'autre. La Madeleinedu Guide, laVénusde Rubens, exposéesà Bruxellespar la SociétéSaint-Vincentde-Paule,sont sans voile : saint Jérôme, saint Jean-Baptiste,la plupart desmartyrssont nus dans presquetous les tableaux;le Christ est nu sur la croix, ... « Quia jamais vu dans ces compositionsune offenseà la pudeur? « L'indécenceréside dans le sujet, dans la pensée, et non. dans la formeplus ou moinsvoilée. Renoncerau nu en.peinture, c'est renoncer à l'art dans ce qu'il a de plus élevé; c'est vouloir créer un genre ridicule;c'est forcerl'artiste à mettre des manchespagodes à la Vénus de Médicis, une guimpe à la Madeleine,des culottes à l'Apollondu Belvedère,une tuniqueau Rédempteurdu genre humain, mourantsur la croix. « Est-celà ce que vous demandez? « E. WAUQUIÈRE. »


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ETC. CHRONIQUE, Dansl'article de ce numéro-ci,-il est question du portrait — Houdon, de J. J. Rousseaupar Latour; voiciun passagedes Confessions,qui s'y rapporte: « Quelquetempsaprès monretour à Mont-Louis,Latour, le peintre, vint m'y voiret m'apporta mon portrait en pastel, qu'il avoit exposéau Salon, il y avoit quelquesannées. Il avoit voulu me donner ce portrait, queje n'avois pas accepté. Maismadamed'Épinay,qui m'avoitdonnéle sien et qui vouloit avoir celui-là, m'avoitengagéà le lui redemander.Il avoit pris du temps pour le retoucher.Dans cet intervallevint ma rupture avecmadamed'Épinay; je lui rendis son portrait, et, n'étant plus questiondé lui donner le mien,je lemisdans ma chambreau petit château. M. de Luxembourgl'y vit et le trouva bien; je le lui offris, il l'act. IV, p. 161, Bruxelles,1828.) cepta; je le lui envoyai...» (Confessions, Dansun autre endroitdes Confessions, Rousseaurappelleen cestermes peu flatteursle buste qui fut ébauchépar Lemoine,et d'aprèslequel ont été gravésplusieursportraits du grand philosophe: « ... UnM. Laliaud, de Nîmes, m'écrivitde Paris, pour me prier de lui envoyermonprofil a la silhouette,dont il avoit,disoit-il,besoinpour monbuste en marbre,qu'il faisoitfaire par Le Moine,pour le placerdans sa bibliothèque...Je jugeai qu'un hommequi vouloitavoir monbusteen marbre dans sa bibliothèqueétoit plein de mes ouvrages, et qu'il m'aimoit... J'ai vu M. Laliaud dans la suite... Je doute qu'aucun de mes écrits ait été du petit nombrede livres qu'il a lus en sa vie. J'ignores'il a une bibliothèque...et quant au buste, il s'est borné à une mauvaise esquisse en terre, faite par Le Moine,sur laquelleil a fait graver un portrait hideux, qui ne laisse pas de courir sous monnom, commes'ilavoit avecmoi quelque ressemblance.» (Confessions, t.. V, p. 45.) — MM.de Montaiglonet Duplessis, dans leur excellenttravail sur Houdon,parlent aussi du Talma qui figuraun momentprès du Voltaire sous le vestibulede la Comédie-Française.Cette statue de marbreest aujourd'hui dans l'un des parterres du Jardin des Tuileries,'près du château, vis-à-visde la terrasse du bord de l'eau, en face du superbe Lion, de Barye.M, David d'Angers a pris son Talma dans le rôle de Sylla,tragédie de Jouy, au momentoù le dictateur abdique la dictature, et il a cherché à lui donnerquelque ressemblanceavecle Premier Consul. C'estun des beaux ouvragesde l'illustre statuaire qui a été pour notre tempsce que Houdonétait pour la findu XVIIIe siècle, et qui a fait les statues, les bustes ou les médaillonsde tous les hommescélèbres, non-seulementde l'Europe,mais du monde. — M. MaximeDu Camp, dont le voyageen Egyptea eu de si beaux résultats pour l'étude de l'art égyptien, et qui est un des maîtresde la


ETC. 507 CHRONIQUE, nouvelleécolepoétique,a jeté, dans la préface d'un excellentrecueilde poésies,intitulé les Chantsmodernes(Paris, MichelLévy,1855, in-8°), une sorte de malédictionà l'art de notre temps.:Nous croyons devoir extrairecette pageéloquenteet vraie, malgrél'hyperbole: « L'art en est arrivé à une époque de décadencemanifeste,cecin'est pas douteux! Unexcèsridiculed'ornementationa remplacéla richesseet la pureté des lignes. Semblableà une vieillefemmequi teint ses cheveux, frottede rouge ses jouesridées, se couvrede bijoux et s'enguirlandede fleurs,pour se rajeunir, et qui ne réussit qu'à se rendre hideuse, l'art cherchelâchementà pallier ses décrépitudespar toutes sortes de procédés factices,au lieu de tenter dignementsa régénérationdans une voie nouvelle.L'inutile exagérationdes derniers jours de la périoderomaine a envahi les esprits les meilleurs. La pensée ne se formule plus; la formeseule se contourneet se tourmentepour voilerle squelettequ'elle habille! «En architecturenous voyonsla confusionde tous les ordres et rien de nouveau. On entasse les colonnes,les chapiteaux, les statues, les frontons, les pinacles, les rinceaux, les dômeset les bas-reliefs; on copie,en augmentantleur décadence,les templesde Baalbeck,les églises gothiqueset les basiliquesitaliennes; au lieu du beau et de rutile, on cherchel'étrange.oul'impossible,et après des effortssurhumains, il se trouveque l'oeuvre,est molle, insuffisanteetlaide. «En peinture, on décalqueles tableauxde.Raphaëloules fresquesde Pompéi,et c'est encorece qu'ily a de mieux.Chacunva à l'aventure; le bataillonsacré est dispersé; il n'y a plus que des irréguliers, moitiésoldats, moitiébrigands. De penséecommune,il n'y en a pas. Onne croit à rien,et l'on fait destableauxde sainteté, copiés ici et là, parce qu'on pourralesvendreà quelqueéglisede province,quiveutorner ses murailles nues.Touteforme est oubliéeet jetée au néant..S'il se rencontre,par hasard,des hommesqui sachenthabilementagencerles nuances, réunir, lesuns près des autres, des tons qui ne se heurtent pas entre eux, cela suffit.Onne leur demandeni beauté, ni déssin, ni pensée, ni contours. A cepoint de vue, les tisseurs de Kachemyrsont les plus grands peintres modernes. « La sculpture ! je n'en parle pas. Elle est au tombeau depuislongtemps.Quand doncviendra celui qui lui dira : — Lazare, lève-toi! " — Il paraît qu'un grand spéculateur va organiserune exhibitionmobilede tableaux, choisisparmi les chefs-d'oeuvrede l'Expositionuniverselle.Il achèterait ou loueraitune vingtainede tableaux, et les promèneraitdans toutes les grandesvilles de l'Europe et de l'Amérique.Quels seraientles artistes privilégiésdont la réputation serait ainsi vulgarisée partout?Le choixest tout indiqué par le classementinstinctif que l'ad-


508 ETC. CHRONIQUE, mirationpubliquea su faire au milieude l'Expositionparisienne.C'est d'abord la trinité hors ligne: Ingres,Delacroix,Decamps; puis, immédiatementaprès, et suivantnous à la mêmehauteur, ThéodoreRousseau; puis Meissonnier,Diaz,Corot, mêmeM. Gudin, même.unjeune peintre, nouveau-néà la célébrité,M. Hamon; on cite encore parmi les peintres étrangersà la France, M. Leys,d'Anvers,et M. Millais,de Londres. — Unde nos collaborateurs,M.Jean Du Seigneur, dont nous avons déjà publiéun excellenttravail sur Coysevox,a envoyéà l'Exposition universellela statuequi fit sa réputationd'artiste,il y a'plus de vingtans. C'est une figure de Rolland,conçuedans un sentimenttrès-original, et exécutéeavec une science qu'admirentles plus habiles praticiens. On était,alors au débutde la révolutionromantique,dont M. DuSeigneur, en sculpture, était un des plus fervents.initiateurs.CeRolland, comme oeuvrepoétique,et commeoeuvremonumentalele groupe du SaintMichel terrassant le démon (groupequi a obtenu un succès mérité à la grandeExpositionde Londres),placèrentM. Du Seigneur aux premiers rangs de la nouvelleécole.Il est très-intéressant de revoir aujourd'hui toutes ces productionsqui ont marqué dans l'histoire,de l'art français au XIXesiècle. — M; Courbet, maltraité par le jury de l'Exposition universelle;a ouvert, à la finde juin, dans un localdes Champs-Elysées,une éxposition particulière ou l'on peut voir une quarantaine de ses tableaux, M. Courbetest un peintrevigoureuxet original, qui a conquisune'personnalité'parmiles vrais artistes de Paris; Ses ouvrageseussent été certainement très-remarqués.à l'Exposition universelle; mais il doit se consolerde subir à sontour le sort qui, il n'y a pas bien longtemps,était celui d'EugèneDelacroix,de Decamps,de ThéodoreRousseau, de Diaz, et des autres,grands peintres, unanimementcélébrésaujourd'hui. — L'Illustrationremarque que Cen'est ni à Londres ni à Paris au XIXesiècle, qu'on a eu pour la premièrefois l'idéed'éleverun palais:de cristal, et qu'il faut remonterau XVIesièclepour retrouver,le premier spécimend'uneconstructionde ce genre : « 'Il y a trois cent trente-cinq ans (en,juin 1520);avait;lieu, entre François Ieret Henri VIII,la fameuseentrevuedu camp du Drap-d'Or, dans la plaine située entre Ardreset Guines, Les historiens du temps ont longuementparlé des magnificencesde ce doublecampimprovisé,et l'on connaîtle motde messire Martindu Bellay,seigneurde Langey,qui prétendit que plusieurs seigneurs y portèrent " leurs moulins, leurs forestz et leurs prez sur leurs épaules ». François Ierse fit bâtir trois maisons. Henrin'en élevaqu'une seule,« mais estoit trop plus belleque cellede François »


ETC. 509 CHRONIQUE, Voicila descriptionque faitRobertdela Marck,seigneurde Fleurange et de Sedan,maréchalde France, de ce palais du roi d'Angleterre,qu'il appelleune verrine,et que denosjours, oneûtmoinsmodestementappelé un palaisde cristal : « Et estoit la dicte maison aux portes de Chesnes, assezprochedu chasteau,et estoit de merveilleuse, grandeuren carrure ; toute de bois, de toile et de verre; et estoit la plus belle verrine que, jamaisl'on vist; car,la moitié de.la maison estoit toute verrine, vous asseurequ'ily faisoitbien clair. « Et y avoit quatre corps de maison, et au moindrevous eussiezlogé unprince; et estoitla cour de bonne grandeur, et au milieu de ladicte cour,et devant la porte, y avoit deux belles fontaines qui jetoient par troistuyaux,l'un ypocras, l'autre vin, et l'autre eau; et la chapelle, de merveilleuse grandeur, etbien estoffée,tant de reliquesque toutes aultres paremens;et vousasseure que cela estoitbien fourni... etc. » — The Times, dans sa correspondancede Crimée, donne quelques détailssur la malheureusedestructiondumuséede Kertch:... « Aunord dela villesont deux bâtiments, l'un, dit-on, a servi de point d'arrêt à Mithridate,l'autre, de date plus récente, renfermeles piliers d'un ancien templequi se trouvaitdans le voisinageet est construit sur le modèledu Parthénon.Onl'avaitconvertien dernierlieu en un Musée,et à ce titre il possédaitune collectiond'urnes cinéraires et d'antiquesreliques recueilliesau milieudes ruines de l'ancienBosphore.Les portes en ont été forcéeset quelques-unsdes anciensmarbres grecs recouverts d'inscriptions,qui en garnissaientles murs à l'entrée, ont été arrachés. Sur la porteun Français ouun Russe, dans son indignation,a écrit les lignes suivantes: « En entrant dansce temple,où reposentles souvenirsdessièclespassés,j'ai reconnules traces d'une invasionde Vandales.Hélas! Français ouAnglais,faitesla guerre aux armées, maisne la faitespas à l'histoire. Sivousavezla prétentiond'être nationscivilisées,ne faites pas la guerre enbarbares. » Il est impossiblede se faireune idéede l'aspect intérieur dece temple. Lesolest recouvertà plusieurspoucesd'épaisseurde fragmentsde vases brisés,d'urnes cinéraires,de la précieusepoussièreque cesurnes contenaient,de débris de tout genre enfin. Dans ce temple rien de ce qui pouvaitcéder au marteau ou au feu n'est resté debout, l'oeuvrede la destructiona été complète!... Les bureauxdu gouvernementlocal, renfermantdes documentsde la plus haute antiquité, ont été livrés pareillementà une destructiontotale. » — Noustrouvons encore dans un journal anglais cette intéressante noticesur une ancienneéglisegrecque, fort remarquable,portant le nom


510 ETC. CHRONIQUE, de Saint-Jean-le-Précurseur,qui existe à Kertch depuis douzesiècles: « La coupolede ce magnifiqueédificeest supportée par quatre colonnes colossalesen marbre gris, dont les bases sont déjà assez profondément enfoncéesdans la terre. Une fouled'inscriptions,de bas-reliefs, de tronçons de colonnes,etc., qui ont été placésdans l'église, donnent-lieude penser qu'elle a été construitepar les premiers chrétiens qui sont arrivésdansle pays, et.mêmeavecles débris du templeducélèbreEsculape de Panticapée,dont les anciensauteurs font souventmention.II existe aussi une traditionque cetteéglisea étéconstruitea la placed'une autre, élevéepar un des apôtres qui est venusur les côtesdela mer Noirepour annoncer l'Évangile.On conservedans cette église un évangileécrit sur parchemin,qui, suivantl'opinionde plusieursarchéologues,daterait du VIesiècle. : « Un grand nombrede bas-reliefs grecs et de statues mutilées gisent épars dans les diverscoinsde la cour de l'église; on y remarque,entre autres, une statue de femmequi est l'oeuvred'un habile sculpteur, et le torse d'unhomme,qui est d'un faiblemérite.C'està peines'il y a unede ces statuesdont la tête existeencore.Lors de leur premièreinvasionen Crimée;les Tartares ont, par barbarie et superstition; détruit les temples, brisé les monuments des beaux-arts, et employéles précieux débris de l'art grec et romainà construiredes fortificationset desmosquées, » — Un terrible incendie a détruit récemment le château de SaintFargeau, départementde l'Yonne, majestueuserésidenceroyale d'autrefois, lieu d'exil assignéà la célèbremademoisellede Montpensier,fillede Gastond'Orléans, en punition de son mariageavec le comtede Lauzun contrel'assentimentde LouisXIV, édificesi remarquablepar sa masse imposanteet le parc immensequi l'entoure. Le feu, activépar les rafalesd'un vent impétueux,envahissantla plus belle partie des bâtiments, a dévoré en quelques instants, du rez-dechaussée jusqu'aux combles,toute l'aile faisantface au portailqu'avait épargnéle feu à une époqueantérieure. Cettepartie du château,dont elleformeplus du tiers, si belle par les ornementsde sculpture et les écussonsdont sa façadeest ornée, renfermait tous les appartementsoccupéspar la famillede M. le marquisde Boisgelin.La grande chambre, dite de Louis XIV, encore meubléeet décoréecommeaux jours où elleabritaitle grand roi, offraitun lit semblableà celuide Versailles,avec ses tentures et rideauxenétoffesdesoie, brodéesd'argent et d'or. La bibliothèqueet une riche collectionde tableaux et portraits do famille, oeuvresprécieusesde plusieurs grands maîtres, ont été égalementla proie des flammes.


ETC. 511 CHRONIQUE, —Avantla Révolution,l'égliseSaint-Sulpiceétait très-richeen monuments des arts. On y voyait des tableaux dé Lemoyne, de Collet, de Lafosse,de Halle, de Carle Vanloo,de Monnieret de Pierre, ainsi que desstatuesde Bouchardon, de Mouchy,de Slodtzet de Pigalle. C'est danscetteéglisequ'au commencementdela Restauration,on a repris les essaisde peinture à fresque. M. Abelde Pujoly a peint les principaux faitsde la vie de saint Roch; M.Vinchon,le Martyre de la légion thébéenne;M. Guillemot,l'Institution des filles de la Charité par saint Vincentde Paule; M. Drolling,Saint Paul sur le cheminde Damas, et SaintPaul devant l'aréopage à Athènes. De nouvelles pages de peinturemurale vont être exécutées dans deux autres chapelles de l'église et compléterontla décorationde cet édifice religieux,un Saint-Sulpice, desplus remarquablesde Paris par sa grandeur et ses proportions. — On a posé sur le pont des Invalidesdeux statues colossalesen pierre,:engagéesdans la pile centralefaisantfaceà lahaute et à la basse Seine: l'une, représentantla Navigation,par M. Dicbold; l'autre, la Paix, parM.VictorVillain.Les pendentifsdes autres piles recevrontdes trophéesen bas-reliefs. —A la ventedes tableauxet objets d'art, provenant de la succession deM. Hope, quelquestableaux modernesont atteint des prix assez élevés: le Siégede Saragosse, d'Horace Vernet, acquis à la vente Thevenin, a étévendu 15,300 fr. ; le Champde bataille, de Paul Delaroche, 6,150fr.; la Sentinelle, un de ces délicieux petits chefs-d'oeuvrede Meissonnier, 4,330 fr. ; la Marchandede légumes, effetde lumière, de VanSchendel,5,230 fr. Dansles tableauxanciens, il faut citer la Haltede voyageurs, d'Albert Cuyp,cuivre de 45 centim. de hauteur sur 55 de largeur, 2,400 fr.; l'Egée,de Rubens, 2,030fr.; la Collation,de GaspardNetscher, acquis à laventeKalkbrenner,1,320 fr. ; le portrait d'unedame hollandaise,de BartholoméVan der Helst, 1,800 fr. ; l'Intérieur d'appartement, avec plusieursfigures, de Peter de Hooghe,1,200 fr.; l'Intérieurflamand,de CorneilleBéga, 300 fr. ; le portrait en pied de Mllede la Vallière, par MarieMarin, 900 fr.; ceux de Mmed'Olonne, de M. de Grignanet de MarieMancini,par le même, 823, 490et 500 fr. Une miniature, Napoléon,par Augustin, a été vendue 790fr. ; une autre,plusgrande, de Petitot, sur vélin,représentantLouis, duc deBourgogne,à cheval, dans un cadre en bois sculpté et armorié,1,750 fr. ; le portraitde Colbert,par le même, avec entourageà ornements,fleurs et attributs, 800 fr.; Anne d'Autriche, émail,par Petitot, 605 fr.; Mmede Sauvraiet la Grande Mademoiselle, par le même,460 et 400fr. Parmiles objets d'art et de curiosité misen vente avantles tableaux,


ETC. 512 CHRONIQUE, on a particulièrementremarqué: un petitmiroir, orné de bas-reliefsreprésentantles troisAges de lavieavecles allégoriesdes quatre Saisons aux angles,vendu8,050 fr.; un bas-relief, croixentouréed'ornementsen argent,d'une.grandefinessed'exécution,2,000 fr. ; une lettreF en bois sculpté, découpéedans un morceau de bois de 0m,015millim. d'épaisseur. La lettres'ouvreau moyende charnières,et présente deuxF adossées,'décoréesdecinqmédaillonssculptés,réunisentreeuxpar desgroupes d'enfantset de salamandres.Cette piècecurieuse, qu'on supposeavoir été exécutéepour François Ier,a été vendue2,580 fr. Unhaut-relief italien., en ivoire sculpté, HerculecombattantGéryon, incrusté dans un socleen marbrevert de mer, dont la plinthe est ornée de deux mosaïqueset d'un camée, 1,650 fr. ; un vidercomeen ivoire sculpté, 1,250fr.; Saint Michelterrassant le démon, grande et bellefigure en ivoire,1,550 fr. ; Julia, fille d'Auguste, buste antique de grandeur naturelle, en basalte, sur piédoucheen granit oriental, 2,800 fr.; grand vase funéraireégyptien, en basalte, avec anses prises dansla masse, 2,900 fr. ; Dianechasseresse, bas-reliefen marbre blanc , par Jean Goujon,6,050fr.; un grand vase en porphyreoriental, de forme sièovoïde,aveccouvercleet piédoucheà moulures,beau travail du XVIe cle,4,500 fr.; un vaseantiqueen lapis-lazulientièrementévidé,3,500fr.; un coffreten ébène,de formeoblongue,avecplaque en émailde Limoges, sujets mythologiques,4,500 fr. ; les douzeempereursromains, médaillons rondsen émailde Limoges,1,080.fr. ; une tabatièrecarrée envermeil,avecmédaillonset paysage,par Blaremberg,2,420 fr. ; une statue équestre, en argent, de Gustave-Adolphe,de 51 centim. de hauteur sur 30 de longueur,5,000 fr. ; un triptyque, l'Annonciationdes bergers,tableau à volets,portantla daté de 1505, par Albert.Durer, 1,260 fr.; une pendule en terre-cuite, de Clodion,l'Amouret l'Innocence,1,250 fr. Les porcelainesdites vieuxSèvresont été surtout très-disputéespar les enchèresdes amateurs: un servicefond bleu,grand feu, anciendécor à bouquets, composéde plus de cent pièces, a été vendu 20,500fr.; un autre service,pâte tendre, décorà bouquetsetruban bleu, comprenant près de 450 pièces, 2,600 fr. ; une garniture de trois vases, décor à médaillonde fleurs, montureenbronzedoré, 1,800fr. ; deuxvases deforme ovoïde,avecles portraits de Henri IVet de Gabrielled'Estrées,1,100 fr.; une garniture de trois vases, fondgros-bleuuni, finemontureen bronze doré, 5,040 fr. ; une jardinière à médaillon,sujetpastoral,,1,260 fr. ; un tête-à-tête,composéde 5 pièces, 990fr. ; un pot et sa cuvette, médaillons de fleurs, montureen vermeil, 1,120 fr. ; une grandeécuelleet son plateau, à médaillond'oiseaux,901fr. ; une garniture de cheminée,pâte tendre, monture genreLouisXVI, richementornée, 7,100fr. Dans les porcelainesdu Chine et du Japon : deux vases-bouteilles, formantlampes,encéladongaufré,auxarmesde M.W. Hope,2,050fr.;


ETC. 515 CHRONIQUE, un vasede milieu, en porcelaine de Chine, 575fr. ; une jardinière en porcelainede Chine, 260fr. Dansles faïencesanciennes: un buste d'empereurromain,en faïence, de LucadellaRobbia, 3,200 fr. ; une paire de flambeaux,en faïenceitalienne,décorésde paysageset de figures,2,900 fr. ; une coupeen faenza, avecarabesquesémailléesen couleurssur fond blanc,peintureau centre, 700fr. ; un médaillonrond, de Luca della Robbia, buste d'enfantau milieud'une couronnede fleurs et de fruits, 1,400 fr. ; deuxvases'en faenza,sujets de chasse, 510fr. ; un grand plat en faenza, à reflets iriséset médaillon,1,140 fr. ; quatre bas-reliefs coloriés, de Bernard Palissy: Jupiter, l'Été, l'Automneet l'Hiver,1,100 fr. ; un petit enfant surun dauphin, deBernardPalissy, 575fr. ; une aiguièreet sonplateau, enfaïencede Rouen, 500fr. ; etc. — Lavente dela collectiond'estampeset dedessins defeuM. Vanden Zandeavait attiré une fouled'amateursde Paris et de l'étranger."Voici lesprix auxquels ont été vendues quelquesépreuves des estampesles plus rares et les plus recherchées: neuf petits sujets d'animaux,gravés par Berghem,et le Pâtre jouant du flageolet,755 fr. ; le Sacrifice à Priape,par Jacques de Barbary (de la deuxièmemoitié,du quinzième siècle),578fr. ; les Grandesmisèresde la Guerre, par J. Callot,en dixhuit morceaux,425 fr. ; le Chevalde la Mort, d'Albert Durer, belle le Groupede quatreFemmes épreuve,525fr. ; l'Enlèvementd'Amymone, nueset l'Oisiveté,du même,555 fr. ; Berger et Bergèreconversant,et l'Enlèvement d'Europe, de Claudele Lorrain, 625fr. Lesoeuvresd'Adrien VanOstadeont été venduesen détail.Le Goûter, très-rareépreuve avant les vers de Tibulle,905 fr. ; la Famille,la Fête sousle grand arbre, et la Danseau cabaret, 848fr. ; la SainteFamille, d'aprèsRaphaël,par MarcAntoineRaimondi,pièce dite la Viergeà la longuecuisse, belle épreuvedu premierétat, avantl'adressed'Ant.Salamanca,590fr. ; la Bacchanale,du même,la plus belle épreuveconnuede cemorceaufort rare, 1,800 fr. ; l'Amouret les trois enfants,'et Joseph racontantses songes,du même,505 fr. ; l'Annonciationaux bergers, et Jésus-Christprêchant,oulaPetite Tombe,755fr. ; la Descentede croix, épreuverare, 588fr. ; le Paysageauxtroisarbres, 1,105 fr. ; le Paysage auxtrois chaumières,lé Paysage à la tour, et le Canalà la petite barque,892 fr. ; EphraïmBonus, belle épreuve du deuxièmeétat, avecla bagueéclaircie,1,060 fr. ; les Bourgmestresd'Amsterdam,d'après T. de Keyser,par J. Suyderhoef,épreuveavant les noms d'auteur, 485fr. ; la Descentede croix, 290fr. ; Paysages ornés de sujets de l'AncienTestament,par Ant. Waterloo,420 fr. ; Vue d'un châteausitué sur une éminence,et un Lac sur le Rhône, dessins de J.-J. de Boissieu;le premier portela date de 1786 et l'autre de 1784, 1,050 fr., etc., etc.


314 CHRONIQUEETC. Le produit dela vente de cette belle collection s'est élevéà près de 76,000 fr. — Le due de Northumberlanda acheté, moyennant80,000.piastres, la galerieCamuccini,qui va partir de Romepour. l'Angleterre.Le duc aura ensuite:à payer 16,000 piastres au.gouvernementpour certains droits ; d'autres dépenses encore porteront, dit-on, ses déboursésà 120,000 piastres(plusde 600,000fr.). Quoiqu'il en soit, il l'aura à bon marché,et l'on regrette en Italie que le gouvernementn'ait pas usédu droit de prélibationque lui donnaient les règlements.Sans être de première importancepour Rome, cette galerie contientdes choses d'un immenseintérêt, entre autres le plus célèbretableau de Jean Bellini. — Topffer,dansses Réflexionsetmenusproposd'unpeintregenevois, ou Essai.sur lebeaudans les arts, Paris, 1848, in-12, t. I, p. 276 coh.XXV : Du repeintet des Israélites),lance cetteboutadecontre les restaurateurs d'ancienstableaux : «Un tableaude maître, mêmefrotté, mêmeusé, retient pourtant en partie la: pensée du maître; il en est l'expressionincomplète,mais:intègre. Un repeint va dénaturercette expressionà tout jamais.C'est pourquoile plus dangereuxennemides maîtres,ce n'estpas le temps, c'estleur amile marchandde tableaux, israéliteou non. » M. D. Nisard, dans ses Mélanges,Paris, 1858, in-8°, tom. I, p. 115, adressait lamêmecritique aux badigeonneursde ruines et d'anciensmonuments : «Ce qui ne se répare point, c'est le vandalismedes recrépisseurs qui défigurentrespectueusementune belle ruine et fontde labarbarie selon,les principes de l'art, à peu près commeces médecinsqui tuent le maladedans les règles. Il fallait conserveret non pas créer; il fallait guérir les blessures et respecter les cicatricesdu colosse, et non pas faire des expérienceset des projets de restaurationsur son cadavre, tanquamin animavili...... Les portiquesparaîtraientcroulants, maisils seraientsolidesen réalité, par l'effetde soutiensqui se cacheraientmodestement, au lieu d'étaler un luxe ridicule d'architecture; des arêtes écornées par les temps ou par les Barbares vaudraientbien desarêtes regrattées, ou recolléesà l'édificecommeun nez de carton à un. visage d'homme;la mousseremplaceraitbien le plâtre de la truelle municipale; et l'amphithéâtre,sans donnerplus d'inquiétudesà ceux qui ont peurde passer près des ruines, pourrait donnermoinsde regrets à ceux quiles respectentcommeles plus bellespagesde l'histoire.deshommes.» Nous trouvonsencore dansune brochurede M.J. Petit de Rosen,sur larestaurationde l'églisede Notre-Damede Tongres,Gand,1853,p. 12, cette énergique protestation contre les restaurateurs d'architecture: « Quoiqu'exigentlesbesoinsactuelsou que réclamel'ébranlementd'un édifice,il faut le conserveraussiintact que possibleaux études età l'ob-


ETC. 515 CHRONIQUE, servation,en n'agissantqu'avecla plus scrupuleuseréserve, en s'abstenantde toute additionmensongèreou douteuse, en se méfiantdenotre sciencebien incomplèteencore.En un mot, il faut réparer l'édificedans leslimitesque fixerontles nécessitésde sa destinationetde son existence même.Riende plus. Maisle restaurer, lerefaireà neuf,pierrepar pierre, c'estun mensongeet une profanationqui équivalentla plupart du temps à unedestructionirréparable. «Restaure un édifice!c'estune conceptionqui ne pouvaitsefaire jour qu'àune époquecommela nôtre, où l'éclectismeet la scienceont pris la placedel'inventionet du génie; où de maladroitspastiches, de servîtes copiesempruntésaux âgespassés,sont, ou peu s'enfaut, lèsseulestraces d'activité de la pensée artistique, commesi le cercle du développement étaitclospour nous. Jusqu'ici,on nes'était avisé que de réparer, c'est-àdirede consoliderou d'approprierun édifice;et lors mêmeque ces travauxétaientexécutésavecle moins de scienceet de goût, du moinsne qu'à certaines parties du monument, dont le styleétait s'attaquaient-ils Si l'aspect général étaitsouventabâtardi par ces retoumétamorphosé. ches,;du moins les fragmentsépargnés sont venus jusqu'à nous dans touteleur originalité, et du premier coup d'oeill'archéologuele moins exercefait la part de la création primitive et des réparations successives. «Maisque font trop souventnos architectes,au lieudeces réparations maladroites qui excitentà juste titre leur colère?Se contentent-ilsd'effacerlesatteintesque le tempset la main des hommesontportées au monument?. D'enpréveniroud'enarrêterla ruine,en remédiantaux accidents quienont compromisla solidité?Delui rendre son unité primitive,en les réparationsantérieures, entachéesd'anachronisme;enfindé effaçant restituer.fidèlement lesmutilationsqu'il a subies? «Hélas!non. » — M.Geerts(Charles-Henri),né à Anversle 10 août 1807,chevalier desordres de Léopold de Belgiqueet du Lion Néerlandais,membrede l'Académie royale de Belgique,professeur de sculpture à l'Académiede Louvain,est mort à Louvainle15 juin 1855.C'étaitun des statuairesles plusoccupésde l'Europe. Il avait à Louvainet à Londresde vastes ateliersoù s'exécutaientsans cesse d'importants travaux.C'est l'Angleterre quirecevait ses plus beaux ouvrages. Il s'était livré particulièrement, danscesdernierstemps, à la sculpture sur bois, et ressuscitanten quelquesorte un art tombé dans l'oubli, il l'avait ramenéà son ancienne perfection.Nul ne connaissaitmieux que lui le style appelé gothique, dontle célèbrearchitecte Pergin a réveilléles traditions en Angleterre. Dixans auraientà peine suffià M. Geertspour exécutertoutes les commandesqu'il avaitreçues de ce pays.


ETC. 516 CHRONIQUE, — M. Barre, qui a gravébeaucoupde médailles,et qui avaitle titre de. graveurgénéral honorairedes monnaies,est mort à Paris lé 10juin. — M. Pierre-Félix Trezel, peintre, frère;du général Trezel qui fut ministrede la guerre dansla dernièreannéedu règnede Louis-Philippe, est mort à Paris, à l'àge de 75 ans. Il avait été élèvede Lemirejeune, peintred'histoireetde portraits. Il avait exposéà presquetous les Salons depuis1806, et obtenuune médailled'or à celui de 1810. Il était néà Paris en1782. — Concoursde lu Sociétéroyale des Beaux-Artset de Littératurede Gand,1855-1836.— Il est ouvert par.la sectionplastiquedela Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, pour 1855-1856,un concoursde gravures à l'eau-forteet de gravures sur bois. La section demande: 1° Uneplancheà l'eau-forted'aumoins22 centimètressur 50, exécutée soit en hauteur, soit en largeur, sujet à figures, d'après un tableau moderneouun dessinoriginalquin'ait été ni gravé, ni lithographié. Prix : une médailled'orde 200fr. 2° Une planchedemême-dimension, et exécutéeselon les prescriptions précédentes,sujet de paysage ou de marine. Prix : une médailled'or de 150fr. 3° Une gravure sur bois, de mêmedimensionet exécutéeselonles prescriptionsprécédentes, sujet à figures. Prix : une médailled'or de 150 fr. Les conditionsdu concoursont été arrêtées par la Société,le 16 juin. On peuts'adresser, pourtous renseignements,à M. E. de Busscher, secrétairedela Société. —P.160 ErratadudernierN° —P. 187,à lanote: ledauphin,lisez: la dauphine. et 161,lesdeuxdernièreslignesdela p. 160etlestroispremièresdela p. 161doi—P.163, ventêtreunenotehorsdutexte.—P. 164,notea : Moette,lisezMoitte. lisez;quelquesMémoires; et note1,esporte, : 177, quelquemémoire, esposte.—P. lisez lesdeuxdernièreslignesdusecondparagrapheappartiennent de aussiaupassage —P. 180,note1, Allégrain, Grimmetdoiventêtre guillemetées. lisez: Allegrain; —P.255,l'architecte note5, Bonnieu, lisezBounieu. c'est Gauthier,mortà Clichy, à la prisonpourdettesdela ruedeClichy;et l'hôpitaldela Riboissière estaParis, —P. 255,ailés,lisez:ailé.—P.256,ligne21,à proposdesaintLouis, nonà Troyes. aulieud'ornements, lisez: ossements.

etCie,ruedelaFourche, Imp.deA.LABROUE 36,à Bruxelles.


HOUDON, SA VIE ET SES OUVRAGES. (SUITE) (1). Pendant que Houdon, par tous ces travaux, continuait de mériter une réputation déjà si bien acquise et à laquelle il avait encore ajouté par son Voltaire, il reçut une commande d'autant plus agréable que, se rapportant à un homme dont toute l'Europe s'occupait et lui venant d'un pays très-éloigné, sa gloire en tirait un nouveléclat. Nous parlons de la statue de Washington. Le parlement de Virginie, voulant rendre au général illustre, à qui l'Amérique du Nord avait dû son indépendance et devait son organisation, un hommage digne à la fois et d'eux et de lui, avait résolu de lui élever une statue. Cette résolution fut prise définitivementdans la séance du mardi 22 juin 1784, sur la proposition faitepar M. Ronald au nom d'une commission qui s'était entendue avecune autre commission nommée dans le Sénat général pour ce même objet (2). Elle fut adoptée avec enthousiasme, et un membre de l'assemblée, dont le nom s'est conservé dans la tradition [3), James Madison, écrivit, au moment et sur son genou, l'inscription qui se devait graver sur le piédestal, pour témoigner de cet hommage. Elle est simple, noble, et mérite qu'on la reproduise : (1) Voirla précédente livraison,n° 4,juillet1855. (2)Journalof theHouseofthe delegatesoftheCommonwealth ofVirginia,bein the countyof Henrico,on monday the gunandheldin the cityofRichmond, 3ddayofMayin theyear ofourLord1784.In-4°,Richmond. Printedby Thomas W.White,1828,p. 75 et74. (5) The Constitution of America... witha descriptiveaccountof thestate and othersourcesof politicaland statisticalinformapapers,publicdocuments tion,byW. Hickey,Philadelphia, 2dedition,1847,in-8°,p. 206. 21


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HOUDON, L'Assembléegénéraledes États de Virginie A fait élevercette statue Commeun monumentd'affectionet de reconnaissanceà GEORGE WASHINGTON Qui; Unissantles méritesdu héros et les vertus du patriote, Employéespar lui à l'établissementdes libertésde son pays, Arendu son nomcher à ses concitoyens, Et donnéau mondeun immortelexemple D'une gloirepure. Fait en l'année du Christ Et en l'annéede la République. . . .

Le Comité exécutif fut en même temps chargé de prendre les mesures nécessaires pour faire faire cette statue. Si l'Amérique avait déjà vu naître et donné à l'Angleterre un peintre, Benjamin West, elle n'avait pas encore de sculpteurs, au moins de sculpteurs capables d'une pareille entreprise, et l'on dut nécessairement penser à chercher l'artiste en Europe. C'est aussi ce qu'on fit; et, le mois suivant, Benjamin Harrison, gouverneur de l'État de Virginie, écrivit (1) à Franklin, qui se trouvait encore à Paris, et à Jefferson, qui fut plus tard président des États-Unis et qui en était alors le résident en France. Harrison leur apprenait la décision du Congrès, leur disait qu'une des faces du piédestal devait recevoir une inscription, mais que la décoration des trois autres côtés et la statue étaient laissées à la disposition des membres du comité, et que, se connaissant mal en ces matières, ils n'avaient rien de mieux à faire que de les charger de cette commission délicate, qui serait beaucoup mieux entre leurs mains. En même temps, Harrison faisait passer à Jefferson un portrait en pied du général, pour servir de document à l'artiste qu'ils désigneraient. Le succès qui avait accueilli en France le buste de Franklin indiquait assez naturellement au choix de celui-ci (2) l'auteur de (1) Lettredu27juillet1784.TheWorksofBenjaminFranklin,editedbyJared Sparks.Boston,1840,grandin-8°,t. I, p. 116et 117. (2) Il est singulierqu'entrelarésolutiondu Congrèsetle momentoù ellelui futconnue,Franklinait parléde Houdondans sonJournal: « 21juillet1784. «M.Grandm'aditavoirachetéicimonbusteetceluide M.d'Alembert ouDide« rot,pour les emporter avecluien Suède.Il est partihier soir. » —Journalde


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son buste, et la statue lui fut immédiatement proposée. L'offre était trop flatteuse, et l'occasion d'un pareil travail trop belle pour ne pas être acceptée; mais Houdon ne pouvait consentir à entreprendre sa statue d'après un portrait. Voulant répondre dignement à la confiance qu'on lui témoignait, il ne pouvait risquer sa réputation en s'exposant à faire, d'après des données aussi incertaines, une oeuvredont la seule chance, dans ces conditions, était de ne pas satisfaire ceux pour lesquels elle était faite; en un mot, il demanda à voir Washington. Jefferson en écrivit dans ce sens (1) au gouverneur de Virginie, qui reconnut la justesse du désir de l'artiste, dont le voyage fut décidé.Il avait bien à se rendre en Russie auprès de l'Impératrice, pour laquelle il avait travaillé et qui désirait le voir. Mais cette considération ne tint pas contre son désir d'ajouter à son histoire un chapitre aussi honorable, et ce ne fut pas ce qui retarda le voyage, mais une grave maladie qu'il fit alors (2). Comme, une fois l'établi, il se trouva que Franklin allait quitter la France, il futarrêté que Houdon profiterait du vaisseau qui devait remmener Franklin en Amérique, et qu'il partirait avec lui. Quant aux conditions du marché, nous les connaissons par une lettre de Jefferson (3). Celui-ci avait d'abord compté que les frais de la statue et ceux du voyage réunis ne dépasseraient pas 23,000 livres; mais, quand on en vint à conclure définitivement, Houdondemanda davantage, et, un moment, l'affaire fut presque rompue. Cependant, comme les deux parties avaient non-seulement aussi peu d'envie, mais même autant de peur l'une que l'autre de la voir manquer, on finit bientôt par s'entendre. Il fut convenu que la statue et le piédestal seraient payés mille guinées ou 25,000 livres, qu'on se chargerait de toutes les dépenses de l'aller et du retour de l'artiste, et de celles des deux praticiens (4)qu'il emmènerait. Jefferson, comptant sur un séjour Franklin,danssesOEuvrespubliéesparM.JaredSparks,Boston,1840,in-8°, 1.1,p. 586. and miscella(1) LettredeJeffersondu16juin 1785.Memoir,correspondance niesof ThomasJefferson,editedby Thomas.Jefferson Randolph. Boston,1850, 4vol.grandin-8°,t.1, p. 252,lettreLXIII. 10juillet1785.Ibidem,lettreLXXI. (2) LettredeJeffersonà Washington, (5) Au gouverneurde Virginie , 11 juillet 1785. Ibidem,lettre LXXII, P.249et251. du 10juillet.1785.—Cesdeuxpraticiens (4) LettredeJefferson furentM.Be-


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HOUDON, d'un mois, évaluait ces dépenses accessoires de quatre à cinq mille livres; Enfin, si Houdon mourait dans le voyage, on payerait à sa famille dix mille livres. Cette dernière clause fut celle que Jefferson se décida le plus difficilement à prendre sur lui de promettre; car Franklin, absorbé qu'il était par ses préparatifs de départ, ne s'occupa pas des derniers détails de la négociation. Cependant, comme l'artiste avait un père, une mère, une soeur, qui n'avaient pas d'autres ressources que son travail, et qu'il était, dit Jefferson, le plus honnête et le meilleur homme du monde, ce dernier point, dont Houdon fit une condition absolue de son acceptation, fut accordé comme les autres. 8,335 livres, c'est-àdire le premier tiers, furent payées immédiatement pour servir à l'achat, en Italie, du marbre nécessaire; le second tiers devait être payé à la fin de 1786, et le troisième, probablement à la livraison de l'ouvrage. Du reste, dans tous ces arrangements, Jefferson se conduisit avec la plus grande délicatesse. En même temps qu'il s'efforçait de dépasser le moins possible la dépense sur laquelle les États avaient compté, il écrivait que, si Houdon avait consenti à ces conditions, c'était une suite de son grand désir d'attacher son nom à cette oeuvre; qu'en réalité il y perdrait plutôt, et que ce qui lui resterait était bien au-dessous de ce qu'il aurait gagné pendant le temps qu'il passerait à aller en Amérique et à faire la statue. La différence, entre le prix obtenu par lui, Jefferson, et la somme demandée par l'artiste, était de 5,000 livres que Franklin avait été disposé à accorder; il serait digne de la générosité de l'Assemblée de les offrir à l'artiste, et peut-être même une somme plus forte, quand le travail serait terminé. Il n'en avait donné aucune espérance, pour laisser aux États toute l'initiative de ce présent, qui, venant d'eux, serait d'autant plus honorable pour l'artiste. De plus, par une autre lettre (1), il recommandait vivement aux efforts des membres du parlement de Virginie qui faisaient partie du Congrès, un désir de Houdon — et l'espérance de son accomplissement était même la raison qui décidait l'artiste à le pèredumouleuractuel.Jetienscesrenseignements del'obligleretM.Micheli, geancede M.Duriez. (1) Lettredu12juillet1785.Ibidem,lettreLXXIV, p. 253et 254.


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consentir au prix auquel il s'était restreint pour leur statue pédestre —le désir de faire pour le Congrès une statue équestre, et en bronze, de Washington. Houdon savait-il que la proposition en avait déjà été émise? James Madison, dans son journal des séances du Congrès, inscrit, à la date du 6 mai 1783 (1), la proposition, faite par M. Lee, d'élever une statue équestre au général Washington (2). La résolution ne parut sur les procès-verbaux du Congrès que le 7août 1783 (5), et, le 12, Madison, écrivant à Edmund Randolph, lui apprenait que le Sénat avait voté au général Washington une élégante statue de bronze (4). Jefferson, par intérêt pour Houdon, donnait (5) les meilleures raisons du monde pour engager le Congrès à accepter le projet et l'artiste : Houdon était le sculpteur le plus fameux de son temps; il aurait vu le général Washington; il avait à sa disposition à Paris l'atelier et tout ce qui avait servi à la fonte de la statue de Louis XV ; avec lui, on serait donc dispensé de toutes les énormes premières dépenses, inévitables si l'on choisissait un autre sculpteur. Les frais, il est vrai, pouvaient aller jusqu'à 1,600,000 livres, selon la grandeur du monument. Mais l'on pouvait ne pas prendre la plus grande dimension, et non pas seulement par raison d'économie, mais parce que les plus énormes statues équestres ne sont pas toujours-les meilleures. D'ailleurs, comme le travail serait long, la dépense serait successive, par. conséquent moins lourde; et, pour avoir la statue plus promptement, il y aurait intérêt à la faire commencer le plus tôt possible. On comprend que Houdon dût vivement désirer d'avoir à faire une statue équestre, l'un des plus importants comme l'un des plus rares ouvrages dont puisse, dans toute sa vie, être chargé un sculpteur, et le personnage était dans les meilleures conditions pour être convenablement représenté de cette manière. Houdon paraît même avoir été particulièrement préoccupé de ce désir de faireune statue équestre, et l'on en trouverait une preuve dans le (1) Madison's Papers.Washington, 1840,in-8°,t. I, p. 449. (2) LesLettresd'un cultivateuraméricain,t. III, p. 292, donnentla date du3 août. PublicJournalofCongress, (3)Voyez in-folio,t. IV,p. 251. (4) Madison'sPapers,t. 1, p. 565. (5) Lettredéjàcitéedu12juillet1785.


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HOUDON, Cheval écorché, de grandeur naturelle, et moulé sur nature, qu'il donna plus tard (1) à l'Académie; c'est la marque la plus évidente qu'il a fait des études spéciales avec cette pensée. Mais c'est trop s'arrêter à ce projet, qui n'a pas même eu un commencement d'exécution ; il est pourtant curieux de remarquer qu'il vient d'être repris à 70 ans d'intervalle, et cette revue en enregistrait dernièrement la nouvelle, quand elle annonçait (page155) que le sculpteur américain Crawford était alors chargé d'exécuter la statue équestre de Washington pour le grand monument de la ville de Washington (2). Revenons au voyage de notre sculpteur en Amérique. Franklin partit de Passy, où il demeurait, le 11 juillet 1785 (3); comme, à cause de son grand âge, il se rendit, au Havre en litière et à petites journées, Houdon resta quelques jours de plus à Paris, et ne rejoignit Franklin au Havre que le 20 juillet (4). On partit du Havre le 22, et, après une traversée de quarantehuit jours, ils arrivèrent à Philadelphie le 14 septembre (5). Houdon fut alors introduit auprès de Washington, retiré depuis quelque temps dans sa maison de campagne de Mount-Vernon. Il avait été déjà annoncé par une lettre de Franklin (6),et les correspondants du général avaient eu bien soin de l'assurer et des bonnes manières et de l'honnêteté du caractère de l'artiste; ce dernier point était surtout important auprès de l'homme qui réunissait à tant de qualités d'action une droiture et une pureté de coeurau moins égalés. Houdon, qui devait avoir hâte d'arriver au terme de son voyage, ne put cependant pas quitter immédiatement Philadelphie, parce que, les objets nécessaires à son travail (1) Le27juillet1795.— (Reg.mss.del'ancienne Académie.) de aussi queMarochettia exposéà l'Exposition universelle (2) Remarquons —Cf.IllustratedLondonNews, New-York unestatueéquestrede Washington. tomeXXIII,1853,pages72et 104. annoncele départde Houdondèsle 5 juin: (3) LeJournalde Bachaumont «M. Houdon,célèbresculpteur;part incessamment oùle Conpourl'Amérique, grèsl'appelle.»TomeXXIX,p. 72. (4) « M. Houdonarriveici.et m'apportedes lettres. «—Journaltenu par Franklinde son voyagedeParis au Havrepour retourneren Amérique, publié dansSparks,Viede Franklin,t. I, p. 389. (5) Sparks,t.1, p. 509. —Bachaumont, t.XXX,p. 25, à ladate du 20octole15 septembre, comme le jourdel'arrivéeà Philadelphie. bre, annonce 1786.Franklin'sWorks,t. X,p. 224. (6) Du20septembre


SA VIE ET SESOUVRAGES. 525 n'étant arrivés au Havre qu'après lui, il eut à s'en procurer de nouveaux en Amérique (1). Enfin, il arriva à Mount-Vernon, le 5 octobre 1785, ainsi qu'il résulte d'une lettre de Washington au marquis de la Rouerie (2), et il y resta quinze jours (3), qui conservèrent toujours un singulier éclat dans sa mémoire; car, quoiqu'il ne sût pas l'anglais et dût par conséquent avoir recours à un interprète (4), «le plaisir « de s'être trouvé près de Washington lui laissa des souvenirs « qu'il se plaisait souvent à retracer, alors que tant d'autres « étaient sortis de sa,mémoire (5). » Après avoir quitté Mount-Vernon, Houdon dut rester encore quelque temps, mais bien peu de temps, en Amérique. Le 4 janvier 1786 (6), Jefferson écrivait.de Paris à Washington que M. Houdon était déjà de retour (7), et nous ne savons s'il avait pu modeler les bustes des deux généraux Greenes (8) et Gates, qu'il avait d'abord annoncé (9) avoir l'intention d'y faire aussi pendant son séjour. Houdon revint seul, laissant ses praticiens surveiller le voyage du26. Washing(1) LettredeFranklin,du20 septembre 1785,deWashington ton'sWritings,editedbyJaredSparksintwelvevolumes,Boston;t. IX,1858, p. 131et155. (2) Du7octobre.Washington's Writings,t. IX,p. 158: lui-même (5) Nomore than a fortnight,écritWashington dansune lettreau de Lafayette(Washington's marquis Writings,t. IX,p. 144).Rienn'est pluspositifetneréduitd'unemanièreplusincontestable le tempsqu'ondonneen général à sonséjourprèsdeWashington. sur Paris,Hambourg, Ainsi,danssesFragments 1798,in-8°,t. II, p. 222, l'AllemandMeyer,qui était pourtantcontemporain et qui connutHoudon,disait« qu'il avaitdemeurésix moisdansla maisonde » Washington. du10juillet1785. (4) Lettrede Jefferson deM.Raoul-Rochette. (5) Noticenécrologique (6)Jefferson's Writings,t. I, p. 595. t. XXXI,p. 65, n'a enregistréson retour,qu'à (7) LeJournaldeBachaumont, ladatedu25janvier1786. (8) Le généralGreenesmourutle 19 juin 1786, à quarante-quatre ans. Le lui décrétaun monument,le 8 août de la mêmeannée.Washington's Congrès Writings,t. IX,p. 180,à la note. (9) LettredeJeffersondu12juillet1785.—Uneautrelettredu8 février1786 (Jefferson's Writings,t.1, p. 445)renfermeuneallusiond'oùl'on pourraitpeutêtreconclurequ'ilsont été faits: « Pourquoi,écritJefferson à Madison,ne pas mettredans votrenouveauCapitoleles bustes du comtede Rochambeau, de. deGatesetde Franklin?» Greenes,


524 HOUDON, des études de sa statue. Il rapporta cependant avec lui un moule de la figure de son modèle ; aussi fit-il d'abord un buste excellent, où le général, dans sa coiffure ordinaire, c'est-à-dire avec la queue, a les épaules recouvertes d'une draperie (1). Il eut et il a encore le plus grand succès, et tel même, que de surmoulage en surmoulage il est arrivé à quelque chose d'informe (2). Houdon s'occupa ensuite de la statue. Ce ne fut pas une petite affaire que la question du costume. Le goût du temps, et, sous ce rapport, les Américains, acceptant nécessairement, sur des matières qui leur étaient encore peu familières, les habitudes consacrées et, par là même, ayant peur de se tromper en s'en écartant, étaient pour vêtir à l'antique le héros moderne, qui s'était mis à côté de ceux de l'antiquité. Washington, avec plus de bon sens et avec le goût naturel qui en est la suite, répugnait à l'idée de se voir ainsi déguisé. Répondant à Jefferson qui l'avait interrogé sur ce point (5), il exprima (4) son opinion avec toute la réserve imaginable. Il s'en rapportait d'avance à ce qu'on jugerait convenable; il n'aurait même pas songé à faire remarquer qu'une imitation servile du costume antique serait peut-être moins convenable qu'une petite déviation en faveur d'un vêtement moderne, s'il ne savait, par le colonel : « 16 décembre1786.—M. Houdoncommence (1) Journalde Bachaumont à montreraux amateurs danssonatelierle bustedu généralWashington, objetde sonvoyageen Amérique,etmodeléparfaitement, a ce qu'onassure.Lesgensde lettressontinvitésà lui trouver,lorsquece bustese transporteraen Amérique, uneinscriptionaussibelleet aussijuste que les vers latinscomposés souscelui de M. Franklinet qu'onsait aujourd'huiêtre de M. Turgotle ministre.» T. XXXIII,p. 274. (2)ll a été gravéen 1855,deprofil,par un graveurnomméA. B. Durand;il setrouveentêtedela Viede Washington, parM.Sparks,Boston,1856.Celui-ci prévientquelesmeilleursmoulagess'entrouventaujourd'huià Londreschezun nomméBéville,dansleStrand.Il seraitparconséquent facilede s'enprocurerun M.SparksnousapprendaussiquelesbustesdeWashpourleMuséedeVersailles. ington,qu'onvendenItaliesouslenomde Houdon,ne sontpas delui,maisd'un sculpteuritalienquivint aprèsluienAmériqueetne produisitqu'uneoeuvresans ressemblance. Il doit parlerdubustede Ceracchi, celuiqui périt dansla conspirationd'Aréna,bustedontMissirinidit queCanovas'estservipourlastatueque. nousindiquerons plusloin. (5) Parunelettredu4 janvier1786.Jefferson's Writings. (4) Dansunelettre du1er août1786.Washington's. Writings,t. IX,p. 185 et 186.


SAVIE ET SES OUVRAGES.

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Humphreys(1), que telle avait été l'opinion exprimée par le peintre West, dans une conversation avec Houdon (2). Il ne fut pas difficileà Jefferson de voir la pensée et le désir de Washington, et, comme c'était aussi son sentiment (5), la question fut décidée dans ce sens. On ne s'entendit pas non plus du premier coup sur l'inscription. Jefferson, écrivant à Madison (4), lui disait que Houdon était venu le voir parce qu'il trouvait l'inscription proposée trop longue pour être mise sur le piédestal. Mais Jefferson ne voulait pas prendre sur lui ce changement; il faisait remarquer que la meilleure qu'on proposât à Paris (5) se pouvait traduire ainsi : « Vois, lecteur, la « statue de Washington ; demande son mérite à l'histoire; elle le « répétera encore après que cette pierre aura cédé aux attaques « dutemps. Son pays lui érige ce monument que fait Houdon. » Ceci était pour la face antérieure du piédestal; sur les trois étaitsecrétaire delacommission (1) LecolonelHumphreys chargéedefaireles traitésavecles États de l'Europe,etretournaen Amérique aumomentde la dissolution de cettecommission, arrivéeverscetteépoque.Washington's Writings, t. IX,p. 196. (2) Il suivraitdececiqu'àl'allerou au retour,Houdonseseraitarrêtéà Londres.Il y a en anglaisdestravauxétendussur West; il serait curieuxqu'ony trouvât tracede sesrapportsavecHoudon. (3) LettrédeJefferson.du 14août1786.Jefferson's Writings,t. II,p. 222. (4) Lettredu8 février1786.Jefferson'sWritings.LettreCLVII,t.. I, p. 442. nous ena conservé une autre, à la datedu 27 janvier1787: (5) Bachaumont «Onpeutse rappelerqueM.Houdon,lecélèbresculpteur,a été chargédefairele bustedu généralWashington. Cetouvrageestachevé,oule seradumoinspourle Salon enlatin,comme lalanprochain.Quoiqu'ilen soit,il s'agitd'uneinscription guela plusfavorable pourlestylelapidaire.M. Marron,aumônierdeleursHautes à Paris, ena fournideux,dontvoicila meilleure: Puissances HicCincinnati virtus, Brutiquein marmore Spiratin hocFabiiprovidacurasimul; Exprimis unus; heroastres.Washingtonius, Civica fermeritisserta,America, comis. « Onpeutlarendreainsilibrement en français: Citoyens, accourez,entourezcetteimage, Detroishérosenuncouronnezlesvertus: C'estl'austèreBrutus,etFabiusle sage, El le simpleCincinnatus. » — TomeXXXIV, a fait, en l'anx, pourla p. 91-92. Houdon,danssa vieillesse, Galerie desConsuls,unbustedeWashington, plusfortquenature,quiestauMusée ; il estsingulièrement mou,faibleettoutà faitsansvaleur. deVersailles


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HOUDON, autres côtés, les inscriptions proposées étaient, pour le bas-relief de l'Évacuation de Boston : Hostibus primum fugatis ; pour celui de la Prise des Hessois : Hostibus iterum devictis, et pour celui de la Reddition d'York : Hostibus ultimum debellatis. Jefferson proposait même de demander des inscriptions pour choisir entre elles la meilleure ; mais on paraît s'être tenu à celle d'abord adoptée par les États. Pour en revenir à la statue, même après la solution de la question du costume dans le sens moderne, il y eut encore deux projets, et la pensée de l'un des deux nous a été conservée par l'Allemand Meyer (4), qui, voyant quelques années après l'un de ces modèles dans l'atelier de l'artiste, en parle comme si ce fût celui qui eût été exécuté et sans connaître celui qui l'a été : « J'ai vu, dit-il, le modèle de cette statue dans l'ate« lier de Houdon. Le caractère et l'attitude du fondateur et « conservateur de la liberté de l'Amérique, du représentant de ce « peuple heureux et pacifique, du protecteur de l'agriculture, « cette source abondante de la richesse nationale, sont heureuse" ment imaginés et bien exécutés dans cette statue. C'est sur« tout ce dernier caractère d'agriculteur que Houdon a eu en vue. « Le costume simple de la figure, choisi à cet effet, a trouvé « beaucoup de critiques en Amérique, où le goût est encore dans « l'enfance. On désirait voir un héros romain avec tous les altri« buts d'un conquérant. Houdon, au contraire, voulait présenter « le protecteur des arts, de la paix et de la liberté; ce fut l'entre« mise de Washington lui-même qui décida dans les États l'exécu« tion de l'idée de l'artiste. « La figure porte le simple et noble habillement d'un homme « de la campagne, une veste légère plissée, à moitié boutonnée, « et des sandales aux pieds, avec un manteau attaché sur la poi« trine, se développant sur les épaules et sur le dos, destiné « à garantir du mauvais temps un agriculteur. Une main est « appuyée sur un bâton, l'autre se pose sur des faisceaux républi« cains, couverts du chapeau de la Liberté ; à ses pieds est une « charrue. » (1) Fragmentssur Paris, par Frédéric-Jean-Laurent Meyer,docteuren droit à Hambourg, traduitsde l'allemand par le généralDumouriez. Hambourg, 1798, in-8°,t. II, p. 222et 225.


SA VIE ET SES OUVRAGES.

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Dans ce projet, je vois une tendance malheureuse à un goût puérilement pastoral. Diderot l'aurait peut-être trouvé fort beau dans ces jours où sa généreuse inspiration, voyant dans les autres ce qui n'était qu'en lui, trouvait Greuze l'idéal de la simplicité et de la nature vraie; mais, à tout prendre, je ne sais pas si ce costume était moins faux, n'était pas même plus faux que le costume antique. Celui-ci était tout de convention; mais cette convention était ancienne, consacrée, habituelle, tandis que la nouvelle avait à se faire accepter. Ce Washington en sandales, avec des faisceaux républicains couverts du bonnet de la Liberté, aveccette charrue qu'il avait bien fait conduire, mais qu'il n'avait jamais conduite, avec cette veste réelle, avec ce manteau dans lequel Houdon avait dû se souvenir des partis de plis empruntés par la sculpture aux vêtements de l'antique, offrait un costume que le général n'avait pas plus porté qu'il n'avait porté la toge consulaire ou la cuirasse impériale, et, par là, une réunion disparate et malheureuse de choses hétérogènes et choquantes. Cependant Meyer n'a peut-être vu dans l'atelier de Houdon que le modèle, haut d'un pied, de la statue de Washington, exposé au Salon de 1793; il serait alors possible de supposer que, pour plaire au goût du jour, Houdon eût modifié le costume et les accessoires de sa statue. Les faisceaux, surmontés du bonnet de la Liberté, se sentent bien de la République de Paris. En tous cas et heureusement, ce n'était pas ce projet qui avait été exécuté, mais un autre (1), dans lequel Washington est en costumede général, celui qu'il a porté, celui qui le caractérise le mieux; car ce n'est qu'à la condition d'avoir combattu, d'avoir vaincu sur les champs de bataille qu'il a pu être ensuite législateur. C'est ainsi qu'il fut définitivement sculpté, c'est ainsi qu'il se voit encore dans le Capitole de Richmond, la capitale des États de Virginie. Commeoeuvre d'art, cette statue, au dire de ceux qui l'ont vue, est heureuse; comme ressemblance, elle est excellente, et le juge dansun Rapportsurles Beaux-Arts, nonentièrement (1)Lebreton, impriméet de citer,dit (p. 129,à la note)que«la statue quenousauronsencoreoccasion «doWashington, exécutéeenmarbreà Paris, futvisibledanslesateliersdusta«tuaireen 1792.Washington y est représenté debout,appuyésur lesfaisceaux destreizeÉtatsunis; del'autremainil s'appuiesur sonépée;der"symboliques «rièreluiestunecharrue.»


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HOUDON, Marshall a déclaré à M. Jared Sparks, l'auteur de la Vie de Washington, que, pour celui qui regardé la statué de.profil perdu, en se mettant à sa droite, le modèle y est aussi parfaitement représenté qu'un homme vivant le peut être au moyen du marbre (1). L'éloge est important et bon à noter; cependant l'opinion que le costume antique serait plus convenable, plus digne de l'art — ne dirait-on pas que l'art serait précisément ce qui n'est plus qu'artificiel? — paraît ne pas s'être effacée en Amérique. Du reste, nous avons sur ce point les meilleurs éléments de comparaison, que, dans tous les cas, il n'est pas sans intérêt de rappeler ici. Depuis Houdon il y a eu d'autres statues de Washington, faites uniquement comme oeuvres d'art, puisqu'elles sont bien postérieures à la mort du général. En effet, dans les dernières années de sa vie, Canova en a fait, pour le Capitole de la ville de Raleigh, dans la Caroline du Nord, une statue où le héros, vêtu à la romaine et assis sur un siége antique, signe sa renonciation au pouvoir (2). Il avait cherché à y rendre l'idéal abstrait du héros, mais il ne fallait nullement y chercher l'homme; ce n'était qu'un hommage et non pas une représentation. Plus tard, le sculpteur anglais, sir Francis Chantrey, en a fait par souscription particulière une autre statue, qui est placée dans la State-House de Boston ; le costume est un habit militaire, d'un bon effet; mais le sculpteur, ainsi que Canova, a idéalisé la tête (3). Certes, Houdon avait là affaire à forte partie; Canova est un sculpteur d'un ordre tout à fait supérieur, et Chantrey a un mérite, qui, pour n'être pas très-connu en France, n'en est pas moins très-éminent. Si la figure de Houdon est restée la meilleure et la plus fameuse des trois (4), elle le doit précisément à ce que (1) Je trouvecetteopiniondansle livredéjàcitédeM.Hickey,sur laConstitutionaméricaine. (2) Sur cettestatue,voyezAntonio Missirini,Vitadi Canova,librosesto,capitoloquarto,éd. de Milan,1825,in-8°,t. II, p. 168-170.Depuis,ellea été mutiléeet presquedétruitedansl'incendiequiconsuma : le Capitolede Raleigh Jared Sparks'Lifeof Washington,Boston,éd. de 1846,p. 590-591.On en trouveletraitdanslesrecueilsconsacrés à l'OEuvredeCanova. lococitato. (5) Sparks'LifeofWashington, la viede (4) Cen'est pasque, pourcela,onenconnaissemieuxen Amérique


SAVIE ET SESOUVRAGES.

529 lui à la s'est tenue dans reprochent, quelques-uns façon dont elle la réalité. Ceux qui la défendent (1) se contestent de faire remarquer qu'il est au moins intéressant de voir, complétement et avec réalité, lare présentation fidèle d'un grand homme; à nos yeux, cette raison est si péremptoire qu'à elle seule elle emporte tout et décidedéfinitivement la question. En même temps que cette statue de Washington, le parlement de.Virginie « ordonna deux bustes, en marbre blanc, de M. le «marquis de la Fayette, commeune rnarque de la reconnaissance «de cette république pour les services essentiels qu'il avait « rendus à l'Amérique, et particulièrement à la Virginie, pen« dant la mémorable campagne de 1781 ; que l'un serait placé « dans son Capitole, que l'autre.serait présenté de la part de la « République au corps municipal de la ville de Paris, en priant « ce corps de l'accepter et de le placer dans l'endroit le plus con« venable, et que l'inscription suivante y serait gravée : Ce buste « a été voté et décerné, le 17 décembre 1781, par l'assemblée «générale des États de Virginie, à l'honorable marquis de «la Fayette, major-général dans le service des États-Unis, et « dernièrement commandant en chef de l'armée continentale de «Virginie, comme un monument de son rare mérite, de ses «qualités éminentes, et de la reconnaissance de cette répu« blique (2). » La réception qu'on fit à ce buste à l'Hôtel de ville fut toute une cérémonie, et, comme il s'en trouve une relation très-détaillée dansles additions de Thierry à son excellent Guide des amateurs dansParis (5), nous n'avons rien de mieux à faire qu'à la reprol'artiste;car M.Vattemare, interrogéparmoisurlastatuequ'ilavaitvueàRichmeracontaitqu'onluiavaitaffirméetsoutenuqueHoudon avaitétéguillomond, tinéà sonretourenFrance. (1) M.Hickey,lococitato. (2) Lettresd'un cultivateur américain,parM.Saint-JohnCrevecoeur (traduites del'anglaispar l'auteurlui-même,et publiées parM.Lacretelle aîné).Paris, Cudelastatuede Washington, chet,in-8°,t. III, p. 295.—Comme pourl'inscription Houdon trouvaitaussicelle-là troplongue: Jefferson's Letters,t.1, p. 445. (5) 1787,in-12,t. II, p. 684-686.Ellea été déjàreproduiteet à juste titre parM.Le Rouxde Lincy,danssabelleHistoirede l'Hôteldeville,in-folio,p. 14 et 15.— Le mêmerécit se trouvedansles Lettresd'uncultivateuraméricain, tomeIII, pages381-585;ony trouve,de plus,la lettrede Jefferson au Corpsde ville.


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HOUDON, elle a un caractère contemporain que nous ne pourrions duire; lui : que ôter « Les États de Virginie, en reconnaissance des services du « major-général le marquis de la Fayette, ayant résolu de placer « son buste dans leur capitale, et étant dans l'intention d'ériger « un monument à ses vertus et aux sentiments qui lui sont voués « dans un pays auquel ils sont redevables de sa naissance, « chargèrent M. Jefferson, ministre plénipotentiaire des États« Unis, à Paris, de solliciter MM. les prévôt desmarchands et éche« vins de la ville de Paris, pour les engager à accepter le buste « du brave officier, comme un second témoignage de leur recon« naissance et de les prier de le placer dans un lieu qui puisse rap« peler toujours cet hommage honorable et attester le dévouement « des alliés de la France. « Le corps municipal, à qui M. le baron de Breteuil fit savoir « que le Roi, à qui il en avait rendu compte, approuvait que ce « buste fût accepté, s'étant assemblé le 28 septembre 1786, « M. Short, ancien membre du conseil des États de Virginie, «M. Jefferson étant retenu chez lui par une indisposition, est " arrivé à l'Hôtel de ville pour y présenter le buste exécuté par le « sieur Houdon, sculpteur du roi, et pour remettre à MM. les « prévôt des marchands et échevins une lettre de M. Jefferson, « ainsi que les délibérations des États de Virginie. M. le Pelletier « de Mortfontaihe, conseiller d'État, prévôt des marchands, ouvrit « la séance pour en annoncer le motif et l'objet, et remit à « M. Veytard, greffier en chef, toutes les pièces dont il s'agit, « pour en faire lecture. Après quoi M. Ethis de Corny, avocat et « procureur du roi, et chevalier de l'ordre de Cincinnatus, pro" nonça un discours dans lequel il rappela, d'une manière « très-intéressante, les services de M. de la Fayette dans l'Amé« rique septentrionale, la confiance de l'armée et la confiance des « peuples pour ce général. Ce discours fini et très-applaudi, « M. Ethis de Corny donna les réquisitions et conclusions néces« saires pour la réception de ce buste conformément aux inten« lions du Roi, et, en conséquence de ces conclusions, le buste a " été placé, au bruit d'une musique militaire, sur la cheminée qui « est à droite de la grande salle de l'Hôtel de ville. « Cette cérémonie, aussi nouvelle qu'intéressante, a produit les « plus vives impressions de plaisir et d'attendrissement sur les


SA VIE ET SES OUVRAGES.

551 « spectateurs. Un homme de lettres, qui en était témoin, a « appliqué heureusement à M. de la Fayette ce que Tacite dit de « Germanicus : Fruitur famâ sui. » Nous ajouterons que le marbre du buste de la Fayette, destiné aux États de Virginie, parut au Salon de l'année 1787; plus tard, en 1790, Houdon fit un autre buste en marbre avec cette date, où la Fayette est poudré et en uniforme de commandant de la garde nationale de Paris, alors récemment constituée. Celui-ci parut au Salon de 1791 et figure maintenant au musée de Versailles. Au Salon qui suivit son retour, c'est-à-dire à celui de 1787, Houdonne manqua pas d'exposer ces deux bustes de la Fayette et de Washington, faits pour les États de Virginie. Ce n'était pas le seul pays étranger qui s'adressât à son talent ; car Houdon exposait, en même temps, un buste en marbre du fameux bailli de Suffren,qui mourut seulement l'année suivante ; ce buste lui avait été commandé par les directeurs de la Compagnie des Indes hollandaises, du département de Zélande, comme témoignage d'admiration et de reconnaissance pour les services que le vaillant amiral avait rendus à leurs propres possessions, en défendant celles de la France contre les Anglais. Le buste du Roi, le marbre de celui du prince Henri de Prusse (1), celui du marquis de Bouille, qui l'accompagnaient, ne peuvent être que mentionnés par nous. Une critique contemporaine nous détaille les beautés qu'on trouva au buste en plâtre d'une jeune fille, exposé par Houdon en même temps : « Sa tête « d'une jeune fille rivalise avec ce que l'antiquité a de plus « gracieux. Proportions dans les traits, contours douxet moelleux, « élasticité dans les chairs, une physionomie vivante, douce, in« génue, s'y font admirer des connaisseurs, étonnent les ignorants a écritpource bustele quatrainsuivant,quia été (1) LechevalierdeBoufflers recueilli : danssesoeuvres Danscelleimageaugusteetchère Touthérosverrasonrival, Toutsageverrasonégal, El touthommeverrasonfrère. CesontlesSouvenirset MélangesdeM.de Labouïsse-Rochefort, 1826,in-8°, II, 128,qui donnentlenomde Houdon commeceluide l'auteurdubustepour lequellesversontétéfaits.


552 HOUDON, « mêmes. Blancheur éblouissante, grâce, volupté, aisance dans « les muscles, voilà ce qu'on remarque dans le col et dans la tête. « Le reste n'est cependant pas. sans reproche. On est fâché que « l'artiste, fatigué du chef-d'oeuvrede la tête, ait placé les mame« Ions un peu trop bas. Peut-être est ce la faute du modèle (1). » Une statue, de marbre et en pied, d'une Vestale, fut aussi trèsremarquée. Nousl'avons retrouvée, en octobre 1854, dans la vente après décès de M. Latapie, marchand de curiosités, qui occupait, du côté de la rue de Rivoli, le rez-de-chaussée de l'hôtel SaintFlorentin. La signature : Houdon f. 1787, la description qui s'en trouve dans une critique contemporaine (2), ne permettent pas de doute à cet égard, et quelques-unes des observations du critique sont d'une parfaite justesse. La figure, dit-il, est plutôt un peu petite; en effet, elle est d'une dimension singulière, ni tout à fait la nature, ni beaucoup au-dessous ; c'est une très-petite femme, et, excepté les nécessités imposées par le bloc de marbre, je ne vois rien qui ait pu conduire l'artiste à rapetisser ainsi son effet; la tête n'est pas non plus assez caractérisée. On pourrait l'habiller en bergère, disait le même critique; et un autre (5) trouvait « de " l'agrément dans son petit minois français. » En effet, ce qui manque à cette figure, c'est le style, le caractère ; elle est agréable, mais n'a rien de pieux ni de noble. La pose, la simplicité du parti sont bien conçues; elle est debout, parfaitement de face, et sans mouvement; la tête est entourée d'un voile; les pieds sont couverts par la longueur de la robe; les mains même, qui portent le vase où est renfermé le feu sacré, sont cachées par le voile qui descend de dessus sa tête. Avec cela, et sans rien changer à la pose, il y avait de quoi faire une très-belle chose; mais l'accent y manque complétement; la tête est agréablement insignifiante; la disposition de la draperie est bonne, mais tout est du même air, et le voile et la robe, qui ne se distinguent en rien l'un de l'autre; les plis sont ronds et mauvais; et l'ensemble est lourd et mou, sans rien de sévère ni de piquant. Elle n'est ni du grand, ni du petit côté de l'art. Le sentiment naïf et jeune de la tête en ferait, si l'on peut dire, une statue de genre, (1) Tarareau Salondepeinture,1787,in-8°,2°partie,p. 17. (2) L'AmidesArtistesau Salon,parM.l'A.R.; supplément, p. 8. (5) Lettred'unAmateur,1787,p. 25.


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commela Diane Zingarelle de notre Musée des Antiques; l'effet cherché dans la disposition des plis témoigne d'une préoccupation plus élevée; mais le résultat n'est arrivé qu'à quelque chose demixte et d'incomplet dans les deux sens. Houdon la répéta cependant comme il répéta sa Frileuse; au Salon de 1793, il en mit uneréduction haute de 20 pouces. Du reste, il ne fut jamais bien heureuxavec ce sujet; la tête de Vestale, en marbré, qu'on voyait, il y a quelques années, au Musée du Luxembourg, et qui était datéede 1788, était plutôt molle et lourde que noble et gracieuse. L'année 1788, dans laquelle fut fait ce buste de Vestale, est marquéepar un grand ouvrage de bronze que nous signalons d'autant plusqu'il est resté presque inconnu, et qu'on ignore son emplacement actuel. Nous savons exactement la date de sa fonte par cet article du Journal de Paris, du 24 septembre 1788 : "Le 19 de « ce mois, M. Houdon, sculpteur du roi, de l'Académie royale de « peinture, a jeté en fonte une statue d'Apollon, de 6 pieds de «proportion. Cette fonte a très-bien réussi, et la figure est « actuellement dépouillée de son moule. Les personnes, qui désire« ront la voir dans cet état, pourront envoyer chercher, en faisant «dire leur nom, un-billet chez M. Houdon même, au Roule, « vis-à-vis la chapelle de M. de Beaujon (1). On entrera avec ce « billet, à commencer du lundi 29 jusqu'au samedi inclusivement, « depuisquatre heures jusqu'à six heures du soir. Les personnes, « qui ont eu des billets pour voir la fonte et qui les auront gar« dés, pourront s'en servir pour eux et leur compagnie. » C'est seulement en janvier 1829, six mois après la mort de notre sculpteur, que nous rencontrons une seconde mention de cettestatue, dans le Catalogue de la troisième et dernière vente de M. Feuchère père. Elle figurait au catalogue sous le n° 40, et se voyait rue de Nazareth, n° 25, dans la cour de la fabrique de bronzes.Elle est indiquée comme ayant six pieds et demi de proportion, et comme ayant été faite en pendant à.la Diane du même artiste, qui venait d'être achetée par le gouvernement à la vente de Houdon. (1)Danslesateliersde la Ville.La chapelle deM.de Beaujon existeencoreau n°105delarueduFaubourgSaint-Honoré, au coindela rueBalzac.Maislesateliersbâtisparla villede Parispourla fontedelastatueéquestredeLouisXV,et del'autrecôtédela rue Balzac,ontété abattus,il y a environsix quisubsistaient mois,etlesterrainsvenduscommencent déjàà secouvrirdemaisons. 22


554 HOUDON, Il est malheureux qu'on n'en ait pas fait autant pour l'Apollon. De même que, dans la Diane, Houdon avait cherché à reproduire la forme féminine avec la plus grande beauté qu'il pût concevoir et exprimer, de même, dans l'Apollon, il devait avoir voulu tenter un pareil essai pour l'homme, et son sentiment des belles formes de la nature l'a dû servir dans ce nouveau travail, aussi bien que dans le premier. Ces deux statues étaient pour lui ce que Polyclète de Sicyoneavait cherché dans son Doryphore, qui reçut de l'admiration de ses émules et de ses successeurs l'honneur d'être désigné comme le canon et le modèle de la sculpture. La Dianenue, de Houdon, son Apollon, qui doit aussi être entièrement nu, prêtaient, par la jeunesse et la perfection qu'on pouvait donner à leurs formes, à ce qu'on cherchât à faire de ces représentations humainement divines un type de ce que la race humaine peut offrir de plus pur et de plus parfait. Dans la Diane, il avait traité la forme selon le sentiment poursuivi par le XVIesiècle; avait-il cherché le même idéal dans l'Apollon, qui en était le pendant? ou bien l'Apollon du Belvédère, les Bacchus jeunes, les Antinoüs,— il n'avait pas eu de modèles antiques pour le préoccuper dans la Diane, puisque les anciens ne nous ont pas laissé de Diane nue—, lui avaient-ils fait traiter son Apollon dans le sens de l'antiquité? Ce sont des questions que.la vue seule de la statue résoudrait; et, comme il était à cette époque dans toute la force de son talent, il faut regretter de n'avoir pas cette statue au Louvre, dans la salle qui porte le nom.de notre artiste, en pendant à sa belle Diane. Elles suffiraient à elles deux pour donner une idée à peu près complète de son talent et de sa meilleure manière, comme sculpteur, en dehors de celle qu'il a comme portraitiste, qui est la plus connue, et presque la seule qui le soit réellement. A propos de cet Apollon, remarquons aussi que Houdon s'est sérieusement occupé du bronze et dela fonte, et M. Raoul-Rochetle a eu raison de le remarquer (!) : « Les écrivains qui ont parlé des « nombreux ouvrages de M. Houdon les ont justement appréciés; « ils ont aussi rendu justice à ses qualités personnelles, mais ils « ont oublié de mentionner un service important qu'il a rendu aux « arts, en dehors des travaux de son atelier. On sait que l'art de « fondre en bronze des statues, même de proportion ordinaire, (4) DanssaNoticedéjàcitée,p. 12.


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«était peu avancé en France, il n'y a guère qu'un demi-siècle; « M. Houdon apprit les procédés de cet art, fit construire à ses «frais de grands fourneaux, et parvint, après beaucoup de soins «et d'essais coûteux, à couler en bronze, d'un seul jet, des figures « de diverses dimensions. » Cette opinion est en quelques parties injuste. Si, dans la fonte de la statue équestre de Louis XV, faite par Lemoyne pour la ville de Bordeaux, il avait fallu recommencer la partie supérieure, si lastatue équestre de Louis XV par Bouchardon était venue si peu unie que le réparage lui avait ôté beaucoup de ses finesses, accidentsfameux et qui sont dans le sens de l'opinion de M. RaoulRochelte, il y aurait injustice à ne pas relever ce que son opinion a d'exagéré. Sans parler ni des tombeaux en bronze de notre art du moyen âge, ni, au XVIesiècle, des fontes de Fontainebleau, puisqu'elles ont été dirigées par des Italiens, les fontes de tout le XVIIesiècle, dont celles de Keller ne sont que l'expression la pluscomplète et la plus élevée, sont aussi belles qu'on les a jamais faites, et l'on serait fort heureux que, de nos jours, on fît aussi bien. Et même, au milieu du XVIIIesiècle, il suffit de voir les figures du vieillard représentant le Commerce et de la Femme accompagnée d'un lion, qui décorent le piédestal de la statue de LouisXV à Reims, et qui furent faites par Pigalle, pour être sûr que l'art de la fonte était alors très-savant et très-heureux en France.Pour reconnaître le mérite de Houdon, il n'est besoin de rien rabaisser, et celui de ses prédécesseurs n'ôte rien au sien. Cemérite est, au reste, très-digne qu'on le remarque; le bronze deses bustes, on le peut voir dans son Rousseau du Louvre, est pur, riche, et d'une belle couleur noire et brillante, sans aucune de ces teintures superficielles dont on se sert à présent pour économisersur les matières. La fonte de la Diane est très-pure, très-unie, très-mince; elle témoigne de beaucoup de soin et d'intelligence, et l'union dans un même homme des qualités inventriceset de l'emploi des moyens techniques est trop rare pour ne pas être signalée et appréciée à sa valeur. Ce fut aussi peu de temps après son retour d'Amérique que Houdon fut chargé d'un bas-relief pour le portique de SainteGeneviève, dont on terminait alors la construction (1). Quand (1)Thierry,1787,t. II, p.241, dit que«lessculptures tant du frontonquedes


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HOUDON, l'église devint Panthéon, toute sa sculpture religieuse disparut, et ce qui fut refaitsous l'Empire le fut dans le sens de la nouvelle destination du monument; mais nous savons que le bas-relief de Houdon était àl'extrémité gauche, àla place même du bas-relief de Lesueur, représentant l'Instruction publique, et avait pour sujet Saint Pierre recevant de Jésus-Christ les clefs symboliques (1). On remarquera que ce bas-relief et celui de son grand prix sont les deux seuls que nous ayons à signaler de Houdon ; il ne paraît pas avoir jamais cherché à en faire, fidèle en cela à l'instinct de sa nature, qui le portait bien moins à inventer et à composer qu'à représenter. Le Salon de 1789 n'eut pas de statues, et, parmi les bustes, le bronze du prince Henri de Prusse, les bustes de Rousseau, de Buffon et de Diderot, n'ont plus rien qui les recommande à notre attention. Avec eux se trouvait celui de Jefferson, qui allait enfin quitter Paris; il en partit, en effet, cette année même, le 26 septembre 1789 (2), et Houdon ne devait pas moins à son intervention et à tous ses bons offices dans l'affaire de la statue de Washington que de reproduire aussi ses traits. On y voyait aussi celui du chevalier de Boufflers, celui de la charmante et regrettée Olivier, la jolie Agnès, l'heureuse créatrice de Chérubin dans le Mariage de Figaro, malheureusement enlevée à l'art et à ses amis depuis 1787; et, à côté d'elle, celui du président Dupaty, l'auteur.des Lettres, trop vantées, sur l'Italie; et les mauvaises langues du temps de remarquer la coïncidence de l'apparition de ces deux bustes (3). bas-reliefsdu portiqueet ceuxdel'intérieurde l'églises'exécutentpar d'habiles sculpteurs.» fait (1) Noustrouvonsce détaildansle Rapportsurles progrèsdesBeaux-Arts par Lebreton,au nomdesclassesde l'Institut,rapportqui,presqueentièrement maismisaupilon, imprimésousl'Empire,nefut pasterminésousla Restauration, fort peuintelligent.Il n'existemaintenant des parunsentimentdecourtisanerie bonnesfeuillesqu'unpetitnombred'exemplaires, quisont, et à juste titre, fort de recherchés;caril est pleinde renseignements précieux.Celuisurle bas-relief et Houdons'y trouvep. 155et 156,dansunelongueénumération des anciennes desnouvelles duPanthéon. sculptures (2) Washington's Writings,t. X, p.42, à la note. (5) « CherHoudon,tu rendsparla chaleurdetonciseauuneamanteà l'amant « le plustendre,unpère,un défenseur auxaccusés...Oui,je voiscettedouceet «tendreOlivier,sichériedu parterreet desouamiD...,cebraveet généreux Du« paty,sauveurdesmalheureux..... »LesÉlèvesau Salon,oul'Amphigouri, 1789, p. 42.


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Mais la Révolution était venue, et c'est au milieu d'elle qu'il nousfaut maintenant suivre notre artiste. Houdon ne pouvait pas rester indifférent à tout ce mouvement des esprits. Rousseau, Voltaire, Washington, la Fayette, le mettaient même dans le courant des idées nouvelles. Aussi, pendant la popularité de Necker, fut-il chargé par la Commune d'en faire le buste, et nous trouvons, dans le Moniteur du vendredi 29janvier 1790, cet extrait des registres de l'Assemblée des représentants de la Commune : « M. Houdon, qui avait été chargé par « la Commune de Paris de faire le buste de M. Necker, ayant « écrit à M. le président qu'il avait cru devoir hâter ce travail, « pour que ceux qui avaient voté cet hommage national puissent « le voir placer avant que l'on procédât à la nomination de nou« veaux représentants, l'Assemblée a arrêté que deux députés se « transporteraient chez M. Houdon pour le remercier, et ce nou« veau chef-d'oeuvre du célèbre sculpteur a été apporté à l'Hôtel « de ville et placé dans la salle de l'Assemblée générale des repré« sentants de la Commune (1). » Un des faits les plus importants dé la vie de Houdon pendant la Révolution est ce qui se rapporte à un projet de statue de JeanJacquesRousseau, qui ne fut jamais élevée, mais qui préoccupa beaucouples esprits. Dans la séance de l'Assemblée Nationale, du mardi soir 21 décembre 1790, Barère venait, après avoir peint avec de vives couleurs la position malheureuse de Thérèse Levasseur, l'indigne veuve de Rousseau, de demander pour elle une pension de 600 livres, quand le député Eymard, reprenant uneproposition qu'il avait déjà voulu présenter à l'Assemblée (2), de l' AncienMoniteur,t. III, p. 252.UnbustedeNecker (1)Réimpression avaitété,promenédansParis (Cf.t. I, p. 170); nousnesavonssi ce futceluide Houdon. (2)C'est à ceprojetde Eymard,déjàconnu,ouà un autreprojet,quese raplesversdeM.Guichard, portent insérésdanslenumérodu Moniteur, dudimanche 11juillet1790(Réimpression, t. V, p. 86),surla statuedeJ.-J. Rousseau, pourle socledelaquelleundessouscripteurs lepatriotePalloy)a promisles (certainement plusfortespierresdela Bastille,et quiseterminentainsi: Pointd'autre.inscription Rousseau. que : Jean-Jacques une premièrestatueavaitété élevéeau philosophe Antérieurement, génevois, l'année et l'onpeutlireà ce quisuivitsa mort,parM.Argant,citoyende Genève, unelettre à Fréron,dansl' Annéelittéraire,de1779,et dansl'Espritdes propos


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HOUDON, et qu'il avait fait connaître par une brochure (1), proposa de porter à 1,200 livres la pension "de la veuve, et d'élever à l'auteur d'Emile et du Contrat social une statue portant cette inscription.: LANATION LIBREAJ.-J. ROUSSEAU; FRANÇAISE et cette devise sur le piédestal : Vitam impendere vero. Le vote fut immédiat, et les deux articles du projet de Barère, amendés par Eymard, furent votés à l'unanimité (2). L'affaire n'alla cependant pas de soi-même, et une brochure de Houdon (3), publiée sur ce sujet, nous donne les plus curieux détails. La Commune des.Arts, toujours jalouse des talents connus, et surtout de ceux consacrés par leur entrée à l'Académie, ayant demandé le concours, la motion fut renvoyée au Comité des pensions, dont le président,,Camus, adressa aussitôt, à l'Académie la lettre suivante, en date du 7 avril 1791 : « L'Assemblée « Nationale, messieurs, a prononcé, par un décret du 21 dé« cembre 1790, qu'il serait élevé une statue à la mémoire de Jean« Jacques; Rousseau ; elle a ordonné, par un second décret, que « l'exécution de ce monument serait mise au concours, et ellea « voulu que son Comité des pensions lui rendît compte du résultat « de ce concours. Le Comité a besoin, messieurs, de vos lumières « pour s'éclairer sur la manière de procéder à ce concours. Il vous « prie de lui présenter le plus tôt possible vos vues à cet égard. président du comité (4). » « Signé CAMUS, Sur cette lettre, l'Académie de Peinture fut convoquée en séance deM.Constant, Journaux,août1779,p. 247-249.Ellefutplacéedansla campagne près deGenève.Quérard,t. VIII,p. 250. (1) Motionrelativeà J.-J. Rousseau, par A.M.Eyrnar(Ange-Marie d'Eymar), députéde Forcalquierà l'Assemblée Nationale, Paris, le 29 novembre 1790, A Paris, de l'Imprimerie Nationale, 4790,in-8°de 12pages. del' AncienMoni(2)Moniteur,n°dujeudi23décembre. 1790;Réimpression teur,t. VI,p. 696et 697.—Journalde Paris, n°dumêmejour,p. 1448et 1449. (5) Réflexionssur les concoursen général, et sur celuide la statuede en particulier,parHoudon,sculpteur de J.-J.Rousseau duRoietdel'Académie Peinture,de SculptureetdeGravure,sansdate,in-8°de13pages.Cettebrochure n'estmaintenant.pas commune. Académie. (4)Reg. mss.del'ancienne


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extraordinaire, le 16 avril 1791 (1). Quelques membres, parmi lesquels, on le sait par la brochure de Houdon, se trouvèrent Moreau, Boizot et Vincent, eurent beau soutenir que, dans la circonstance, il ne devait pas être question de concours, que, Houdon ayant seul le masque moulé, et ayant fait de Rousseau les bustes les plus ressemblants, on était sûr de la bonne exécution du travail, qui, fait par un autre, n'aurait de valeur qu'à la condition de se servir des documents fournis par Houdon. Dans d'autres circonstances, d'ailleurs, il n'y avait pas eu concours; et c'était directement que l'Assemblée avait chargé Le Barbier d'un tableau sur la mort du jeune Desilles. Mais ces considérations particulières, l'appui de ces quelques académiciens, les excellentes raisons générales que donna Houdon sur les inconvénients des concours, — on les peut voir dans sa brochure, et, si justes qu'elles soient, la question sera toujours pendante et ne sera jamais décidée que par le fait extérieur de la nature du gouvernement; le concours: l'emportera toujours dans un gouvernement républicain, le choix dans une administration monarchique, — toutes ces raisons, dis-je, furent de peu de poids auprès du plus grand nombre. À un moment où l'Académie était déjà très-attaquée, on lui faisait l'honneur de la consulter.; quelles autres conclusions pouvait-elle donner que des conclusions conformes au désir qu'on lui exprimait, à peine de soulever encore plus de haines? On nomma, séance tenante, les commissaires, qui furent MM. Lagrenée aîné, Pajou, Berruer, Suvée, Lecomte, Roslin, Voiriol, Stouff, Perrin, Vien directeur, et Renou secrétaire ; et, le 25 avril, le règlement du concours, dont les esquisses devaient avoir seize pouces de proportion, fut arrêté et adressé à M. Camus par MM. Vien et Renou, au nom de l'Académie (2). Quelques jours après, à l'Assemblée , le même M. Camus-, qui avait provoqué ce rapport de l'Académie, instruisit l'Assemblée, sur une interpellation de M. Regnault de Saint-Jean d'Angely, de ce qu'il avait fait, et qu'il ne s'agissait que de savoir si l'Assemblée voulait un monument ou un groupe (3). Cédant, malgré.sa répugnance, aux sollicitations de ses amis, Académie. (1) Reg.mss.del'ancienne (2) Ibidem. (3) Journalde Paris, n°du51mai1791,p. 606.


340 HOUDON, Houdon fit aussi une esquisse. A quelle époque et comment fut jugé le concours, quel en fut le résultat, nous l'ignorons; ce qui est sûr, c'est qu'un an après, sans qu'on sache si Houdon avait été choisi par suite du concours, ou désigné en dehors (1), le ministre de l'intérieur écrivait, dans la séance du 6 mai 1792 (2), «que, conformément au décret qui décerne un monument à la « mémoire de Jean-Jacques Rousseau, il avait été pris des arran" gements avec M. Houdon, et que cet artiste célèbre venait « d'achever un modèle qu'il demandait à exposer dans une salle « du Corps législatif. » Malheureusement les choses en restèrent là. Dans la séance de la Convention du 15 fructidor an m (1erseptembre 1795), le député Boissy demanda pourquoi Rousseau n'avait point encore de statue (3), mais sa question demeura sans réponse effective. C'est un grand malheur pour nous et pour la gloire de l'artiste que la statue de Houdon n'ait pas été faite. La ressemblance de ses bustes de Rousseau, la beauté de la statue de Voltaire, montrent assez la grandeur de cette perte, et nous la sentons d'autant mieux qu'il nous reste de quoi en juger. M. Hédouin, l'habile paysagiste, en possède une petite maquette en terre-cuite, dans laquelle l'auteur d'Émile, assis, entouré d'une draperie à la façon du Voltaire, et ayant auprès de lui un enfant, offre une pose d'une simplicité heureuse : ce que le sculpteur avait voulu rendre, c'était l'éducation. D'un autre côté, M. Boisselier possède à Versailles un petit plâtre peint, qui présente la figure drapée dans le même sentiment, mais seule : Houdon n'y avait voulu faire que le penseur. Enfin, un excellent connaisseur me dit avoir vu, il y a une dizaine d'années, chez un marchand de curiosités, qui est resté peu de temps dans le passage Choiseul, une figure en terre-cuite, demi-nature comme dimension, et du plus vivant travail, d'un Rousseau assis, mais vêtu du costume de son temps; il était un peu courbé et tenait dans une de ses mains un petit bouquet de fleurs des champs, donnée heureuse et pleine de sentiment. De plus, il y a eu, aux "Tuileries, à l'endroit même où est le 1791: JournaldeParis, (1) Il enavaitété chargéle mercredi21 septembre n° du22, p. 1080. t. XII, p. 315. (2) Moniteur,dulundi7mai1792;Réimpression, t. XXV,p. 654. (5) Moniteur,du20fructidoranIII; Réimpression,


SA VIE ET SESOUVRAGES.

541 dans une entourée d'une petite place gazonnée, grille, Méléagre, une statue de Rousseau assis, avec une robe de chambre flottante, en perruque ronde, comme ce philosophe avait coutume d'être habillé chez lui, et tenant dans sa main une petite statue de la Nature (1). Le modèle en terre-cuite était-il une troisième variante de la pensée de Houdon? Le plâtre de grandeur d'exécution, élevé au bout de l'allée qui longe la terrasse des Feuillants, était-il le modèle présenté par lui à l'Assemblée? Sans pouvoir affirmer que ce fussent de nouveaux projets de Houdon, il est possible de le supposer, surtout en voyant au dernier le parti de costume déjà adopté par l'artiste dans son Voltaire, et qui lui avait si bien réussi. Cependant il faut faire remarquer que, dans les concours décrétés par un arrêté de l'an IV,dont les résultats nous sont bien connus par la publication faite alors de la liste des récompenses (2), nous voyons, à l'article du « Concours pour la statue de Jean-Jacques Rousseau destinée pour les Champs-Elysées (3),» que Moitte eut le prix, et qu'on lui accorda « l'exécution en bronze de son esquisse, comme monument national. » Le modèle élevé dansles Tuileries était peut-être de lui. Quoi qu'il en soit, nous savons que ce modèle, peut-être à demi détruit par les intempéries, céda en 4797 la place au Méléagre, et cela à cause d'une naïveté répétée ou inventée par la feuille royaliste de Villers, les Rapsodies du jour, recueil qui mettait en vaudevilles les séances des deux conseils, des Anciens et des Cinq-Cents(4). (1)Fragmentssur Paris, de Meyer,t. I, p. 48. (2)Sousletitrede: Rapportsurlesconcours de Sculpture,etc.,par Portiezde l'Oise,in-4°.Il a été réimpriméimmédiatement dansle Magasinencyclopédique, in-8°,1reannée,1795,t. IV,p. 35. (5) Il paraîtqu'onvoulait,pourla mettre,y faireuneîle,qu'onauraitnommée Ile desPeupliers,commecelled'Ermenonville. Cf. JournaldeParis, 7 germinal anVIII,p. 825. dujour, ouséancesdesdeuxconseilsen vaudevilles (4) Rapsodies (le conseil (lesAncienset celuides Cinq-Cents), des publiées(voirDeschiens, Bibliographie journauxde la Révolution) del'anVà l'anVIII.2°année, n°87, du16messidor 14juillet1797),p. 16: « Aurédacteur.Méléagre J.-J. Rousremplace aujourd'hui « seau,qu'onavait,je nesais pourquoi, placéauboutdel'alléedelaterrassedes J'ai entendu,hier 25, uncitoyenquidisait,en regardantavecatten" Feuillants.


542

HOUDON, Le projet d'un monument à Rousseau fut encore repris en l'an vu, mais sans connexion aucune avec les précédents. Le' 29 vendémiaire (20 octobre 1798), la commission des inspecteurs du palais du Conseil des Anciens arrêta qu'il serait élevé dans le jardin des Tuileries un monument à la mémoire de Rousseau ; et l'exécution en fut confiéeau Normand François Masson, chargé de tout ce qui concernait la sculpture dans le palais et le jardin. Son projet, fort compliqué, puisqu'il se composait de cinq figures (1), fut assez critiqué, et l'on demanda encore pourquoi on avait donné ce travail directement et sans recourir au concours; mais, en somme, il en advint la même chose que pour le modèle de Houdon, et rien ne fut exécuté, au moins définitivement; car la notice, que M. Regnault, le peintre, a consacrée à Masson, nous apprend que son groupe de cinq figures a été élevé aux Tuileries au bout de la terrasse du bord de l'eau, avant d'être transporté au jardin du Luxembourg (2). L'oeuvre de Masson n'est pas très-regrettable, si l'on en juge par sa description que je recommande aux curieux : il n'en est pas de même de celle qui lui fut sacrifiée ; car, à s'en tenir aux deux maquettes que nous ayons indiquées, l'on peut voir par ces-' variantes d'une même idée combien Houdon s'était préoccupé de son sujet. Sûrs, comme nous le sommes, qu'il eût donné à cette pensée sommaire la vie qui respire dans la statue du péristyle des Français, nous devons d'autant plus regretter la non-exécution de l'un ou de l'autre de ces projets; car cette statue de Rousseau eût certainement été le second chef-d'oeuvre de son auteur. Il était dit, au reste, que les monuments de Rousseau n'aboutiraient pas, car, pendant que le monument de Paris n'arrivait point, l'Assemblée nationale de Genève, excitée sans doute par l'exemple de Paris, avait décrété, le jeudi 5 décembre 1793, l'érection : De la patience;toutreviendra; la religioncommence, « drissement le Méléagre «car voilàdéjàsaint Rochetsonchien.Riezsi vousvoulez;glosez-en à votre «manière;je l'ai entendu.» (1)Moniteur,du28nivôsean vu (17janvier1709),p. 480.et 481. —Surce modèleonpeutvoirencoreun articlesigné: J. LefèvredeVaucluse, dansleJournaldeParis, du19prairialan VIII(22mars1801),p. 1207.et1208. (2) Noticesur FrançoisMasson.par Renault, membrede l'Institut, in-8° de8 pages,sanstitre,date,nilieu; p. 4 et5.—L'articledeM.PerièsdanslaBiot. XXVII,p. 428,endonneunextraitsuffisant. graphieuniverselle,


SA VIEET SES OUVRAGES.

545 d'une statue à Rousseau, laquelle devait être terminée avant le 28 juin 1794 (1). En 1818, le projet fut encore repris en vain avec Canova, et n'aboutit qu'en 1828, époque à laquelle fut élevée, sur une petite île à la sortie du Rhône, la statue due au ciseau de Pradier (2). Le concours devait encore amener à Houdon de nouveaux désagréments. Le jour même où Mirabeau mourut, le 2 avril 1791, ses amis désirèrent que sa tête fût moulée par Houdon, et leur désir, transmis à celui-ci par l'abbé d'Espagnac, fut immédiatement satisfait (5). Le lendemain, l'abbé d'Espagnac rendit compte à la Société des Amis de la Constitution, dont Mirabeau était membre (4), de ce qu'il avait fait la veille, et proposa la commande du buste. La motion adoptée, l'abbé s'informa du prix que Houdon demandait, et celui-ci, chose curieuse en ce qu'elle nous apprend le prix qu'on leslui payait habituellement, demanda mille écus pour un marbre, 4,000 livres pour un bronze, Le buste modelé, le même obstacle vint à la traverse; au moment où l'on allait décider quelle matière on désignerait au sculpteur, on trouva aussi préférable d'en appeler à un concours, en s'appuyant surtout sur cette considération que Houdon était de l'Académie; on sait quelle était alors la guerre qui lui était déclarée, et par les artistes qui n'en étaient pas, et par un certain nombre de ses membres les plus éminents, et qui ne pouvait avoir, comme elle l'eut en effet, qu'une seule fin, la destruction de (1) Voirl'extraitde leurs registreset leprojetd'éditdansle Moniteur,n°du 18nivôsean II (mardi7janvier1794),p. 454, et dansla Réimpression, t. XIX, p. 143et 144. (2) Sur celle-ci,voirles publications indiquéespar M. Quérard,à l'articlede t VIII,p. 250,numéros566à 572. Rousseau, conservaaprèssamortl'empreinte (5) « La figuredeMirabeau des.dernières « impressions qu'ilavaitressenties.A côtéd'uneseuletracedesouffrance physi« que(lemasqueindéfiniment multiplié parle moulage,et qu'ontrouvepartout, « présenteunetorsionsensibledu nez),on voitavecattendrissement lecalmele « plusnobleetle plusdouxsouriresurce visagequisembleendormid'un som« meilpleinde vie,et occupéd'unrêveagréable.»LucasMontigny. Mémoires de mais Mirabeau,1853,t. VIII,p. 457. — Cf.p. 512surlesbustesde Mirabeau; M.LucasMontigny ne paraîtpas avoirconnulabrochuredeHoudon ; il ne dit mêmepasquele moulagefutl'aitparHoudon. (4) ll en avaitmêmeéténomméprésidentle 50novembre'1790;il l'était, bienentendu,d'unemanière LucasMontigny, t. VIII, plutôthonorifique qu'effective. p. 214.


344 HOUDON, l'Académie. Dans la disposition des esprits, la raison continuait à être péremptoire; l'idée du concours fut admise. Houdon préféra n'y point figurer (1). Le buste de Mirabeau, qui avait soulevé ces tempêtes, fut exposé au Salon de 1791, avec la Frileuse, de bronze, avec les bustes de Voltaire, de Franklin, de la Fayette, de Necker, et enfin avec celui de Bailly, dont le nom et le souvenir nous amènent aux plus mauvais jours de la Révolution. Mais, avant de parler des dangers que courut Houdon, il convient de rappeler d'abord ses derniers rapports avec l'ancienne Académie. En 1790, dans la lutte entre les dissidents de l'Académie, Houdon fut du côté de David, qui s'intitulait président et Miger secrétaire de l'Académie, alors que ces qualités appartenaient à Vien et à Cochin. Le 6 mars 1790, Houdon fut nommé, avec Le Barbier, Miger, Jollain, David et Berthelemy, un des six commissaires de la corporation des dissidents, pour revoir les règlements de l'Académie.; Les commissaires de l'Académie furent Pajou, adjoint à professeur, le duc de Chabot, amateur, Bachelier et Berruer, professeurs, Vincent, adjoint à professeur, et Cochin, conseiller, secrétaire, qui, étant mort le 29 avril, fut remplacé par Renou (2). Cette opposition passagère n'empêcha pas Houdon d'être élu adjoint à professeur, le 7 juillet 1792, en même temps que le sculpteur Dejoux.et les peintres David; Renault et Berthelemy (5). Nous avons déjà dit qu'il donna, le-27 juillet 1795, un Cheval écorché, grand comme nature ; il donna, le même jour, des moulages du Torse antique, du Torse de Laocoon, et un fragment du bas-relief d'Angelo de Rossi (4). Enfin, ce fut après le 50 novembre 1795 qu'il enseigna aux écoles, comme adjoint à professeur (5). Dans toutes ces années, la condition de Houdon, comme celle (1)Noustenonstouscesfaitsdela brochuredeHoudon,déjàcitée.Malgréson titre, ony voit qu'ellenefut paspubliéeà proposde l'affairede Rousseau,maisà proposdecelledu bustedeMirabeau, quiestnécessairement postérieure, puisque Houdon revienta cesujetsurleconcours delastatuedeRousseau. (2) Reg.mss.del'Académie. (3) Ibidem. (4)Ibidem. (5) Ibidem.


SA VIEET SESOUVRAGES.

540 de tous les artistes, fut mauvaise; mais, sous le règne de la Terreur, elle devint pire, et peu s'en fallut que Houdon n'y pérît comme tant d'autres. Si Houdon ne paraissait pas pouvoir avoir d'ennemis, il lui aurait suffide lui-même et de la notoriété de son talent pour lui en tenir lieu. C'est ce qui arriva, et nous emprunterons les paroles d'un contemporain, écrites pour ainsi dire au moment même, et dont nous ne pourrions que changer le caractère en ne les transcrivant pas (1) : « Houdon a été sauvé des mains de Robespierre et de ses « adhérents, qui s'étaient conjurés contre tout ce qui tenait au « génie La haine et la persécution du dictateur pénétra dans « les demeures paisibles des artistes habitants du Louvre. A ses « yeux ils étaient tous des aristocrates, des conjurateurs contre « la liberté et la patrie. DesSatellites du tyran osaient dire haute" ment : Quand le sang de tous les ci-devant grands, de tous les « riches, de tous les prêtres, de tous les artistes, aura été versé, « alors la République pourra être sûre et tranquille. Les arresta« tions nocturnes, la menace de la guillotine étaient à l'ordre « du jour du gouvernement terroriste aussi pour les artistes du «Louvre,.qui n'avaient consenti qu'à regret à l'abolition de " l'ancienne Académie royale. « Houdon était un d'entre eux, et on regardait comme suspect le « patriotisme de cet homme tranquille, sans reproche et honnête. « On lui imputait à crime de n'avoir encore présenté aucun " ouvrage patriotique, ce qui prouvait son intention contre-révo« lutionnaire. Il était menacé de la prison, et le grand nombre de « statues et de bustes sortis de ses mains, qui représentaient les « flambeaux de la philosophie, comme Rousseau et Voltaire, ne « l'auraient pas sauvé,,car eux aussi étaient morts, dans le sein « de l'aristocratie. « ll fut sauvé par la présence d'esprit et la résolution de sa « noble épouse. Houdon avait achevé la statue en marbre d'une « sainte, qui lui avait été commandée, quelques années avant, « pour un couvent de Paris. Celte sainte avait été représentée « très-simple, sans attributs mystiques, comme une statue de la " Philosophie, avec un livre ouvert dans la main. Madame « Houdon mit la circonstance à profit. Elle savait que son mari t. II, p. 225-227. (1) Fragments sur Paris,par Meyer,


546 HOUDON, « était menacé ; elle se rendit au Comité de.Salut public, sous la « verge de fer duquel tout le monde pliait. Barère, qu'elle y « trouva, lui reprocha aussitôt que son mari était un mauvais « républicain, puisqu'il n'avait encore fait aucun ouvrage patrio« tique. - Houdon, répondit-elle tranquillement, a fait la statue « de la Philosophie; venez et voyez-la dans son atelier. La Philo« sophie a préparé la Révolution ; elle réclame sa place auprès « de la Liberté dans le temple de la Loi. Barère appuya.: — Cela « est beau, dit-il, j'approuve votre motion, je vais en faire part au « Comité. Cet homme singulier, flatteur du parti dominant, sans « énergie, sans volonté propre, toujours en contradiction avec « lui-même, susceptible cependant de quelques bonnes impres« sions, appuya la proposition avec chaleur. La statue de la ci« devant sainte, actuellement de la Philosophie, fut enlevée de « l'atelier de Houdon et placée dans l'avant-salle de la Convention, « à présent du Conseil des Anciens, où elle est encore; et Houdon « fut.sauvé. » Enfin, et.nous pouvons citer un autre témoignage plus direct, Barère lui-même a, plus tard, raconté le fait, dans les notes qui ont été publiées, avec le nom.de Mémoires, par MM. Hippolyte Carnot et David d'Angers : « Je savais que Houdon, sculpteur « célèbre, n'avait plus de travail, que sa fortune et son atelier « languissaient. J'allai visiter ses travaux. Je trouvai, parmi ceux « que la Révolution ne lui permettait pas d'achever, une belle « statue de marbre d'Italie, représentant Sainte Eustochie (1) ; « elle était destinée pour une chapelle latérale de l'église des Inva« Mes. Finissez cette statue, lui dis-je, donnez lui quelques attri« buts analogues à la Liberté; et le Comité vous la fera payer de « suite, pour la mettre dans la première salle qui précède celle de « la Convention. Houdon riait de mon projet; cependant il « l'exécuta, fut payé, et fit placer cette statue dans la salle indi" quée, qui est nommée la salle de la Liberté. Houdon est vivant; « il peut attester le fait (2). » (1) Ailleurs,dansunecourteénumération desoeuvres de Houdon,ces mêmes mémoires de Barère,Paris, Labitte,1842,t. IV,p. 247,l'appellentde sonvrai nom: «SainteScolastique, destinéeà l'églisedesInvalides, et quifuttransformée, « en1793,en statuedela Philosophie. »Elledevaitsansdouteservirdependant à la SainteSylvie,de Caffieri. de Barère,t. II,p.145. (2) Mémoires


SAVIE ET SES OUVRAGES.

347 Comme on voit, Barère ne parle que du service rendu par lui à Houdon en lui procurant une commande. Il se tait sur le danger que Houdon aurait couru, et sur la défense que lui-même en aurait prise. Ce n'est pas pour cela une raison de nier le fait. Le sentiment de modestie qui porte à ne pas se vanter même de ce qu'on fait, peut-être aussi, en un autre sens, une certaine disposition à éviter de réveiller les souvenirs du Comité de Salut public, suffiraient à expliquer le silence de Barère, dont l'honorable conduite est toujours restée dans la tradition reconnaissante de la famille : « Si M. Houdon ne fut pas une des victimes de ces « jours funestes, il ne le dut qu'au conventionnel Barère, qui, tou« jours fidèle à la cause des Beaux-Arts, le défendit avec énergie « contre de perfides dénonciations (1). » M. Quatremère de Quincy, à qui ses souvenirs permettaient d'avoir de ce.fait une connaissance personnelle, le répète aussi, mais en taisant le nom du défenseur, par crainte de se compromettre s'il eût prononcé sous la Restauration, dans une réunion officielle,un nom si républicain. Malgré le demi-silence de Barère, il n'y a donc pas lieu de douter (2). Quant à l'accusateur, que M. Quatremère passa également sous silence, et que Houdon, pendant sa vie, taisait aussi (3), il y a tout lieu de croire qu'il s'agit de David, qui fut, pendant la Révolution, la terreur des artistes de son temps. Cela est d'autant plus probable que lorsque, plus tard, David fut incarcéré et poursuivi par les commissaires de la section du Muséum, MmeHoudon fut un des témoins qui déposèrent, et sa déposition est trop curieuse pour que nous ne la transcrivions pas : « Ledit jour et an que dessus (floréal an III, avril 1795), est Noticeentêtedu Catalogue delaventedeHoudon. (1) Raoul-Rochette. -, (2) M. Jalraconteaussice faitdanssa noticedela Pandore;son témoignage estmoinsdirect;il n'al'aitquerépétercequ'il avaitentendu; maisla légendeest déjàvenueajoutersesbroderies.Cen'est plus BarèrequisauveHoudon;mais, par un singulierchangement, lui-même. La SainteScolastique Robespierre y devientuneSainteCécile,etcen'estpasenstatuedelaPhilosophie qu'elleesttransdubonnet.M, Jal ajoute,à la fin, et formée,maisendéessedela Liberté,coiffée le détailestbonà signaler,que « depuisl'Empire,ellea quittésontravestisse«ment,et.figuredansune église.» En effet,puisqu'ellefutmiseaux Tuileries, ellen'a pas dûêtre détruite,et elledoitexisterencore.Maisnousn'avonspu en retrouverl'emplacement actuel. (5) NoticedeM.Jal.


548 HOUDON, « comparue la citoyenne Marie-Ange-Cécile Houdon, demeurante « au Muséum, laquelle nous a déclaré que, le 18 septembre 1793 « (v. st.), s'étant présentée chez le citoyen David, représentant « du peuple, pour lui parler au sujet de l'arrestation de son « beau-frère (1), il lui répondit que son beau-frère était un « aristocrate, ainsi que le mari de ladite déclarante, et tous les « artistes académiciens; qu'ils alloient tous être mis en prison, « et ensuite égorgés. Que, sur l'observation que lui fit ladite décla« rante qu'il n'y auroit pas un second 2 septembre, ledit David « lui répondit qu'il y auroit un massacre tellement général qu'il « feroit oublier celui-là; au surplus, un bon canon chargé à « mitraille, tiré sur les artistes, feroit beaucoup de bien à la « République. Après une demi-heure de conversation à peu près « de ce même genre, ledit David lui dit que le jour de la contre« révolution... sur lequel mot de contre-révolution la déclarante « l'interrompit, en lui disant que les aristocrates mêmes n'y « croyoient pas, et que David lui répliqua : Moi j'y crois, et le « désire comme le Messie, parce que, ce jour-là, on égorgera tous « les nobles, tous les prêtres, tous les bourgeois, tous les mar« chands, et, en lui serrant la main, et tous les artistes; et alors « nous serons libres. Lecture faite, etc. « Signé HOUDON (2). » Dans sa défense, David répond longuement, et, comme cette pièce est peu commune, nous la transcrivons aussi. Arrivant, dans la discussion des dix-sept chefs d'accusation, portés contre lui par les douze commissaires de la section du Muséum, au huitième chef, qui est l'analyse de la déposition de MmeHoudon, il y répond ainsi : « Il s'agit d'une conversation que Marie-Cécile« Ange Houdon dit avoir eue avec moi dans mon domicile, où « elle étoit venue me solliciter en faveur de son beau-frère, « injustement incarcéré. Or, pour la convaincre de mensonge, « je n'ai besoin que de faire remarquer le sens des propos qu'elle « m'impute. « C'est le 18 novembre 1793 que cette citoyenne est venue chez (1) Cedoitêtre le portraitd'unenfantdecebeau-frère, queGounodexposaau Salondel'anIX(n°155),sousle titrede : « Portraitd'unenfant,filsdu citoyen « Houdonle jeune.» (2) Piècesà la chargeducitoyenDavid,in-8°; piècen°5, p. 9-10.


SA VIE ET SES OUVRAGES.

549 « moi, et voici ce qu'elle suppose que je lui ai dit, pour me « dispenser d'agir en faveur de son beau-frère. « 1° Que je comptais sur la contre-révolution, et que je l'atten« dois comme le Messie. « Maisla contre-révolution, ce me semble, est le renversement «du gouvernement établi ; d'où il suit que, d'après le récit de la « citoyenne Houdon, j'ai déclaré que j'attendais, comme la venue « du Messie, la destruction d'un gouvernement dont à cette épo« que j'étois membre. « 2° Que tous les artistes et académiciens seraient mis en prison « et ensuite égorgés. « Il s'est écoulé plus de deux ans et demi depuis l'époque de « cette prophétie, et heureusement elle ne s'est point vérifiée. Il « n'y a eu qu'un petit nombre d'artistes incarcérés, et plus heureusement encore, aucun n'a été égorgé. Si, dans la cruelle « époque que nous avons parcourue, quelques uns d'eux eussent « éprouvé un sort aussi funeste, Cécile-Ange Houdon m'auroit « donc accusé d'avoir causé leur mort. « 3° Qu'un bon canon chargé à mitraille, tiré sur tous les « artistes, ferait beaucoup de bien à la République. « Mais, puisque je venois d'annoncer qu'ils seraient tous « égorgés, c'est évidemment un double emploi que fait ici la « citoyenne Ange Houdon, et l'on pourroit raisonnablement en « conclure que ce canon n'est placé là que pour l'effet, ce qui « prouve que la citoyenne Houdon aime le bruit. « 4° Qu'il y aurait un massacre tellement général qu'il feroit « oublier le 2 septembre. « L'absurdité révoltante de cette supposition se développe ici « dans toute sa noirceur par le seul rapprochement de la date où « l'on prétend que la conversation citée a eu lieu. A qui persua« dera-t-on qu'à une époque où le gouvernement populaire était « tellement puissant qu'on a pu abuser en son nom de la justice « pour faire périr une multitude de victimes innocentes, j'aie pu « annoncer des massacres et des vengeances, que la fureur la plus « aveugle eût alors jugés sans motif et sans objet? Et c'est une « femme qui, pour se prêter aux vues perfides de mes ennemis, a « pu se porter à cet atroce mensonge ! « Oui, celui qui aurait tenu les discours qu'on vient de lire « seroit assurément très-coupable; mais c'est être mille fois plus


550 HOUDON,SA VIE ET SESOUVRAGES. « coupable encore que de l'en accuser faussement; car, à la « noirceur de la pensée se joint la barbarie de l'intention, et ce « n'est pas à de pareils traits que l'on croirait pouvoir reconnaître « une femme (1). » ANATOLE DEMONTAIGLON et GEORGES DUPLESSIS. (Lasuiteauprochainnuméro.) de Davidde Paris, représentantdu peuple,aux dix-septchefs (1) Réponse d'accusation dela sectionduMuséum. portéscontrelui parlescommissaires In-8° de51 pages,p. 24-26.Les piècesà sa chargeontété impriméespar lui, pour êtredistribuées enmêmetemps,etil y renvoieà toutesles pagesdesa réponse.


CANOVA ET SESOUVRAGES POURNAPOLÉON,CONSULET EMPEREUR. Antoine Canova, né le 1ernovembre 1757 à Possagno, dans la marche de Trévise, et devenu, de garçon maçon,.le premier sculpteur de son temps, était, dès l'année 1802, dans tout l'éclat de sa renommée. Napoléon Bonaparte, Premier Consul, qui cherchait et encourageait les talents dans tous les pays, comme autrefois Louis XIV pensionnait les lettrés dans toute l'Europe, voulut voir Canova, le fit venir de Rome à Paris, et ne réussit pas à le conquérir à la France par des grâces et des honneurs. L'artiste n'avait d'autre patrie que son atelier, d'autre ambition que celle de terminer les grands ouvrages qu'il y avait commencés : il retourna à Rome, avec la commande d'une statue en marbre du Premier Consul. A cette époque, le sénateur Cacault, qui avait signé au nom de la France le traité de Tolentino, la représentait à Rome comme ministre plénipotentiaire auprès de la cour Pontificale. II avait déterminé Canova à se rendre à Paris; il fut chargé de suivre l'accomplissement des ordres du Premier Consul au célèbre artiste. Les lettres suivantes de Cacault serviront à l'histoire même de l'artiste et à celle de son ouvrage : LettresdeM. Cacault aux ministresdu PremierConsul. I «Rome,H nivôsean XI. « M. Canovaest arrivéici avant-hierau soir. Le Premier Consulnelui a pas donné d'autre ordre que celuide faire sa statue, laissant au grand: artistela liberté de faire ce qu'il jugerad'un meilleureffet. « Ce qu'il y aurait de plus grand et de meilleurserait une statue équestre, et c'est où il faudra en venir; c'est aussi ce que M. Canova


532 CANOVA ET SESOUVRAGES POURNAPOLÉON. désire de faire; maisil est pressé, et moi aussi, de montrer au publicune image du Premier Consul,composéeet rendue de la manièrenoble et vivanteà laquellece grand artiste peut atteindre. « Nous avonsconsidéréque l'immensebloc de marbre statuaire, que M. Canovaattend de Carrara, n'était point encore assez grand pour en tirer une statue équestre. « La statueetle chevalseraientà peinede grandeurnaturelle,et alors le monumentserait mesquin. « Une statue équestre en marbre, de la grandeur de celle du MarcAurèle, exige des blocs de marbre que nous n'avons pas et que nous ne pourrions nous procurer asseztôt. « M. Canova,qui n'a encore jamais fait de chevaux, serait obligéde faire beaucoup d'étude de ce superbeanimal : celanous mèneraittrop loin ; M. Canovaveutfaire vite une belle chose,pour répondre à l'honneur que le Premier Consullui a fait en l'appelantà Paris. « J'avais pensé à une statue équestre en bronze, commeest celle de Marc-Aurèle,mais, pour couleren bronzeun si grandouvrage,il fautdes établissementsde fonderieen grand, qui n'existentpoint à Rome, et des fondeurs qui y manquent également.Unetelle opérationcoûterait trop de temps et d'argent. Elle se fera.: l'honneurdu siècle l'exige; maisil faut commencerpar quelquechose de plus simple,pour ouvrir les yeux par degrés, etmettre sur labonnevoiede traiter un si grand sujet. « C'est d'après ces considérations,que M. Canovas'est décidéà commencer tout de suite une statue pédestre; il profitera de son superbe bloc de marbre, qui lui permet de rendre la statue aussi grandeque l'HerculeFarnèse. « Nous sommesconvenus qu'il ferait d'abord la statue. On pensera ensuiteau piédestal, dont la grandeur doit dépendredu lieu où la statue sera placée. Si elledevaitêtre en pleinair, le piédestalserait plus grand; mais une telle figure de marbre statuaire, ouvragede Canova,doit être placéeà couvert sous un péristyle. « J'ai chargé M. Canovade faire le compteet lecalcul juste de ce que la statue seule, sansle piédestal,doit coûter, en y comprenantle prix du marbre,celui de son travail, et le montantde tous les autres frais. C'est à lui à faire son prix en galant homme.Aussitôt qu'il mel'aura fait connaître,je signerai avec lui l'obligationde payer, suivantl'usage de Rome, un tiers du prix en commençant,le secondtiers à la moitiéde l'ouvrage, et enfinle troisièmetiers en livrantla statue. « Vousavezdéjà payé deuxmille piastres qui entrent dansle premier tiers ; je vous marquerai,par le premier courrier, ce qui pourra manquer pour remplir ce premier tiers, et je vous enverraila copie de l'obligation que j'aurai signée. «Voilàoù nous en sommespour parvenir, au plus vite, à avoir une


CANOVA ET SES OUVRAGES POURNAPOLÉON. 535 statue pédestredu Premier Consul; cela ne me fera pointperdre de vue l'idéede la statue équestre formantun monumentd'une grandeur supérieure. « Je ferai faire une estimationde ce que le monumentéquestre en marbrepourra coûter,sculptépar M. Canova,et j'espèreque vous m'autoriserezà traiter aveccet artiste pour ce secondmonument. « J'ai l'honneurde vous saluer, « Signé : CACAULT. » II «Rome,15nivôsean XI. « J'ai l'honneurde vous envoyerci-jointle contrat passé avecM. Canovapour la statue colossaledu PremierConsul. « Je vous prie de me le renvoyer,ratifié, et de me faire passer la sommenécessaire pour remplir les quarante mille francs du premier payement,en déduisantce que vous avez payéà Paris à M. Canovapour l'achat dumarbre. «Il n'y avait point d'autrenégociationavecM. Canova,que de prendre l'obligationde payerle prix qu'il a demandé. « Appelé à Paris par le Premier Consul qui lui a donné lui-même l'ordre de faire cette statue, et de la faire commeil voudraitet jugerait mieux,il faut que la statuesoitfaite au plusvite,pour répondreà l'attente du public, et pour que la volonté manifestéeduPremier Consulne soit pas illusoire. « Je presserai l'ouvrage; et commeM. Canova est animé du plus ardent désir de le rendre parfait, dans le moinsde tempspossible,j'espèreque dans dix-huit moisla statuesera à Paris. «Il faut songer d'avanceà la place où ce monumentsera élevé.Une telle figuredemarbre statuaire doit être à couvert pour sa conservation. Il faudrala placer sur un beau piédestal,d'un marbre plus ordinaire, avec quatre bas-reliefsoffrantdes sujets analoguesau héros. « Si nous chargeonsM. Canovade faire ici le piédestal,cela prendra dutemps, et retardera l'accomplissement du monument. « Je pense qu'il n'existe aucun sculpteur de la force de M. Canova, pour rendre parfaite une telle figure. Mais, à l'égard du piédestal,notre jeuneChaudeten feraitlesbas-reliefsaussi bien que M. Canova. «Le piédestaldoit être pour la placeoù sera la statue : ce qui peut se combinermieuxà Paris qu'àRome. « La grandeur de la statuedu Premier Consul(la même que cellede l'HerculeFarnèse) étant connue, il n'enfaut pas davantageau sculpteur quifera le piédestal à Paris, pour le régler. « Voussentezque, pour arriver le plus tôt possible aux résultats que


554 CANOVA ET SESOUVRAGES POUR NAPOLÉON. vouset moi avonsen vuede réaliser promptement(un de ces monuments, qui, suivant la marche ordinaire, durerait dix ans, et que nous voulons que la France reçoive avec acclamationdans dix-huit mois), il faut réunir tous les moyens. « Le piédestaln'est pas un ouvrage aussi capital et qui exige autant de perfection que la statue; mais il importequ'il soit composédans le meilleurstyle : c'est sur quoi vous aurez à veiller, en le faisant faire à Paris, où vous avezM. Visconti,si capablede vous aider dans la direction d'un tel ouvrage. « Si vous trouviezdes difficultésà le faire exécuter promptementà Paris, et si l'on m'y autorise, je le ferai faire à Romepar des artistes inférieursà Canovaet peut-être mêmeà Chaudet,à Moette,et à d'autres bons sculpteursqui sont en grand nombreà Paris ; mais il sera fait d'un bon style. « J'ai chargé M. Canovade calculercombienil faudrait lui payer une statue équestre colossale, de la grandeur du Marc-Aurèle qui est au Capitole. « On ne saurait trouver, pour un monumentaussi grand, qu'un bloc de marbreinférieurau marbrestatuaire; mais la perfectiondu travailne serait pas moindrepour cela, et il y aurait toujours plus de finessede sculpture dans le marbre, qu'il ne peuty en avoir dans le bronze. « Je souhaiteraispour Paris une statue en marbre, de la main de M. Canova,sur laquelleon feraitdes moulespour en fondred'autres en bronze. « M. Canova est arrivé à un degré de réputationqui lui attire des demandeset des offresdé toutes parts, et ses prix montentà proportion. « Voilàune statue pédestre dont nous sommesassurés. M. Canova désire d'en faire une autre, équestre, et il acceptera les commandesdu Premier Consul,de préférenceà toute autre. « Je voudrais établir et signer avec lui le contrat pour une statue équestre, dontle piédestalseferaità Paris. « Quand nous aurons en France deuxstatues colossales,l'une équestre et l'autre pédestre, dela main deM. Canova,celasuffira. «Nos sculpteurs n'oseront pas risquer, vis-à-vis de tels objetsde comparaison, des ouvrages négligés : ils seront forcés d'étudier, de rendre avecplus de soin, et l'art se perfectionneraainsi. « Marquez-moi,je vousprie, si monidéed'unestatue équestre, comme cellede Marc-Aurèle,exécutéepar M. Canova,est approuvée.Je ferai alors en sorte que ce second monumentsoit commencéau plus vite, et que M. Canovan'accepteaucun autre ouvrageavant la fin des deux monuments. « J'ai l'honneurde vous saluer. « Signé : CACAULT. »


CANOVAET SESOUVRAGES POURNAPOLEON.

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III Extrait d'unelettredu18nivôsean XI. « M. Canovaa porté au pape, qui l'a beaucoupadmiré, le buste du PremierConsul.Tout Romeloue ce chef-d'oeuvre,où l'âmedu héros est renduesensible : c'estune tête grecque, et c'est lui-même. « Nous avonsici un autre buste, plus grand quenature, dont madame Bonapartemère a une belle copie en marbre. Cebuste estle portrait fait il y a huit ans ; maisje vois bien, dans celui de Canova,que le Premier Consulest engraissé et qu'il a aujourd'hui le visage rempli. L'ancien busteest conservécommemonument. « Les statues d'aujourd'huidoiventêtre faites sur lebuste de Canova, ou d'après nature. « Signé : CACAULT. » IV "Rome,le9 germinal anXI. «J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 20ventôsedernier.J'ai remisà M.Canovala copieratifiéede maconventionavec lui. « M. Canovatire aujourd'huisur le citoyenEstève,trésorier du Gouvernement,la sommede 29,000 francs pour complétercelle de 40,000 francs,pour le premiertiers du prix de la statue. " J'ai l'honneurde vous envoyerci-jointla lettre que M. Canovaécrit au citoyenEstève,pour le prevenirdesa traite, etlui expliquerla déductionde 11,000 francs reçus à Paris, sur le payementdu premiertiers de songrand ouvrage. L'affaireest en règle : elle est terminée: « Il reste à M. Canovaà répondre à la grandeur du sujet et à la générositédu Premier Consul : l'ouvrageest très-grandementpayé; c'est ainsiqu'il en doit être, de la part duPremier Consul,à l'égard du premier desartistes. « La statue doit devenir l'ouvragele plus parfait de ce siècle.Ce ne sera point une figure à mettre sur une placepublique : elle doit être placéedans le Muséumau milieu des chefs-d'oeuvreantiques que nous devonsau Premier Consul. Elley sera en harmonie,par le costumeet la beautédu travail, avecles dieux et les héros anciens.Je pensequ'il ne fautpas lui chercherune autre place,parceque c'est celle où elle pourra êtrele mieuxconservéeet le mieuxconnueet estimée.Alorsil est inutile


556 CANOVA ET SESOUVRAGES POURNAPOLEON, de songerau.piédestal, qui n'a plus besoin que d'être très-simple,avec une inscription: Bonaparte,fondateurduMuséum. « J'ai l'honneurde vous saluer. « Signé CACAULT. » Tout le monde sait que l'ouvrage de Canova fut une statue en marbre blanc, de style héroïque, c'est-à-dire nue, tenant dans la main droite une figurine de la Victoire sur le globe, la gauche appuyée sur le haut d'un sceptre pur ; une draperie est jetée sur le bas du même côté; des armes sont appendues à un tronc de laurier placé à droite aux pieds du héros. (Hauteur, plus de trois mètres.) La statue arriva à Paris en l'année 1803 (1); en 1815, elle passa en Angleterre. Il en fut fait une.reproduction en bronze, qui paraît oubliée à Milan. On assure que Napoléon, en la voyant d'un style si héroïque, dit à l'artiste : « Il n'y a que vous et moi, qui en serons contents. » En 1810, l'Empereur demanda à Canova un buste de l'impératrice Marie-Louise, et appela de nouveau le grand artiste à Paris, au mois d'août. Biais Canova se vit forcé de remettre son voyage à quelques mois, étant retenu par des ouvrages qu'il.était pressé de terminer : il en réclama la permission par la lettre suivante, adressée à un des ministres de l'Empereur. Nous la publions textuellement ; « Florence, ce2 septembre 1810. « Excellence,on m'aremiseici la lettre du17 dernier, que VotreExcellencea eu la bontéde m'adresser.Je ne puis vous exprimerles sentiments de commotions,qui a pénétré mon âme à cet éclatanttémoignage de clémence,à qui la Majestéde l'Empereuret Roivientde m'élever.Dès ce moment,je m'occupede l'idéede cette statue, commeje me l'imagine; et plein d'enviede.meconformeraux ordres souverains,je n'auraitardé pas un jour de merendre à Paris. Maisj'ose vous inviter à considérer commeje metrouve à Florence depuis quelque temps pour y situer un grand monument,qui exige absolumentma présenceet qui m'occupera pendantplus de quarantejours encore.Ensuiteje seraiforcéde retourner (1) M.deClaracditen 1811.M.Artaudde Montor raconteque,dansuneconférencequieutlieuà Paris,le 12 octobre1810,entreNapoléon et Canova, l'Empereur demanda « comment étaitsa statue.» Cecijustifiela datedonnéeparM.de Clarac. (Notedela Rédaction.)


CANOVA ET SESOUVRAGES POURNAPOLEON. 557 à Rome, où ma personne et ma surveillanceest si nécessaire pendant quelquesmois pour le bon ordre et la continuationde plusieursstatues, inclusivementdu modèle équestre colossal de S. M. I. R., que je ne sauraisles abandonnerultérieurementsans leur causer des fâcheux,inconvéniens. «Je veux espérer que ces réflexions,.quej'ai la confianced'humilier, aux pieds de Sa Majesté,puissent mériter ses regards pour m'accorder la dilationque j'implore defaire ce voyagedans le printempsprochain. Mais, au contraire, si la volonté de S. M. ne souffre point de délais, j'attendrai ici la réponse que vous aurez la bonté de m'envoyer; après laquelle,sans plus songer à mes intérêts, je merendrai à Paris. « Je prie Votre Excellence d'agréer les assurances de ma parfaite estimeet de profondrespect avec lequelj'ai l'honneurd'être « De VotreExcellence, très-humbleet très-obéissantserviteur, « Signé: ANTOINE » CANOVA. On remarquera sans doute combien le sentiment qui a dicté cette lettre de Canova est éloigné du ton de rogue indépendance qu'on attribue à Canova dans ses entretiens avec l'empereur Napoléon à Paris, pendant qu'il étudiait, en sa présence, le modèle même qu'il était chargé de reproduire. Il est vrai que ces dialogues supposés de Canova n'ont été rendus publics (1) que plusieurs années après sa mort, survenue le 13 octobre 1822. L'histoire avisera. J. J. CHAMPOLLION-FIGEAC. avecCanovaen 1810; Paris,1824,in-8°de52pages. (1)Entretiensde Napoléon aussil'Italie,parArtauddeMontor, danslacollect.del'Univers Voyez pittoresque ; Paris,1855,in-8°.


L'ARCHITECTE

LOUIS.

Les biographes se sont montrés singulièrement sobres de détails à l'égard du célèbre architecte Louis, auquel on doit le magnifique théâtre qui fait l'orgueil de la ville de Bordeaux et qui n'a guère de rival. La Biographie Universelle, qui a enregistré tant de renommées équivoques, n'a rien dit de ce grand artiste, et, dans son supplément, elle garde le même silence. Espérons que cette lacune sera remplie dans la Biographie nouvelle dont MM. Firmin Didot ont entrepris la publication. Quoi qu'il en soit, nous placerons ici quelques particularités peu connues, relatives à cette somptueuse salle de spectacle; nous les avons puisées dans les archives municipales de la ville de Bordeaux. Le 18 mai 1773, les projets de construction du théâtre furent signés du gouverneur et du corps de ville. La place avait été déjà choisie : la nouvelle salle devait s'élever sur l'esplanade sud du Château-Trompette. En conséquence, par lettres patentes du 4 septembre 1773, il fut concédé à la ville 4,850 toises carrées de cette esplanade. La ville ayant été ensuite autorisée à vendre l'excédant de ce terrain pour subvenir en partie aux frais de construction, cette vente produisit 839,233 livres. Quelques allées d'arbres obstruaient le terrain sur lequel on allait bâtir; Louis proposa de les abattre. Aussitôt de vives clameurs, des réclamations s'élèvent de toutes parts. Les jurats eux-mêmes regardent comme une profanation cette mesure nécessaire. Le maréchal de Richelieu coupa le noeud gordien ; par ses ordres, les arbres furent abattus en une nuit. Cette première difficulté vaincue, restait celle de la construction. À cet égard, l'architecte lui-même, dans un écrit qu'il publia en 1782, s'exprime en ces termes : « La fondation d'un édifice est un travail trompeur, parce qu'on « ne peut pas juger d'avance de la nature des fonds, ni de tout ce « que recouvrent les surfaces; celles-ci cachaient les fondements


L'ARCHITECTE LOUIS. 359 « d'un monument antique à détruire. Un chenal, aussi très" ancien, qui recevait les eaux de la rivière, présenta des obsta«cles auxquels il fallut remédier par des épuisements pénibles, des « pilotis nombreux, des grillages, et en les comblant d'un amas «de pierres considérable. Enfin, la nécessité de regagner, par «des constructions, une pente que l'instabilité du sol avait encore « augmentée; tous ces objets produisirent des dépenses inat« tendues. » La mort de Louis XV arrêta les travaux; le sévère Turgot, devenu contrôleur-général, les fit suspendre, et, par arrêt du Conseil du 11 décembre 1774, ces mêmes travaux dont les.seuls jurats s'étaient mêlés jusqu'alors, furent soumis à la surveillance de M. Esmangart, nommé intendant de la province, qui devait également procéder à la délivrance des fonds à employer. Les jurats, devenus étrangers à cette entreprise, abandonnèrent Louis à la haine des cabales. Il fallut que le grand architecte se rendît à Paris, afin de se concilier la bienveillance ministérielle. Il y parvint; il fut de retour à Bordeaux en mars 1775; les ateliers se rouvrirent, mais ce ne fut pas pour longtemps. Turgot priva la ville de ses octrois au moment où les fonds de l'emprunt de Gênes, ainsi que ceux provenant de la vente des terrains, se trouvaient entièrement épuisés. Dès lors les travaux ne firent plus que languir, les criailleries recommencèrent, les fournisseurs se plaignirent, et Louis se vit obligé d'engager sa fortune, de contracter des emprunts en son nom. 'M. de Clugny, étant parvenu au ministère des finances, fit rendre à la ville ses octrois, par un arrêt du 24 novembre 1776, à la charge de faire chaque année une réserve de 150,000 livres, pour être employées à l'achèvement de la Comédie et successivement à d'autres édifices publics. Ce fut sur ce revenu annuel que la ville forma un emprunt de 394,319 livres. Quelques retards dans cet emprunt fournirent à deux habitants de la ville l'occasion de montrer un empressement méritoire pour venir en aide à la cité. M.Dubergier, jurat, prêta 110,000 livres, et M. Streckeisen, négociant, en prêta 50,000. Enfin les travaux furent poussés avec vigueur et approchèrent de leur terme, sous la surveillance immédiate du nouvel intendant, Dupré de Saint-Maur; les jurats, l'établis dans tous leurs droits, par arrêt du 26 février 1779, présidèrent à l'entière confection de ce grand travail, qui avait duré


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L'ARCHITECTE LOUIS. près de sept ans, et dont l'inauguration eut lieu le 7 avril 1780. On joua Athalie, et le chef-d'oeuvre de Racine fut représenté trois jours de suite. Louis n'employa pour terminer les accessoires de son oeuvre gigantesque que les talents les mieux prouvés, que les hommes les plus capables. Le plafond, chef-d'oeuvre de Robin, fit longtemps l'admiration des connaisseurs ; il coûta 30,000 livres. Les plans, les dessins de la salle ne furent confiés qu'à d'excellents graveurs (Bertault, Poutleau et Sellier). Restout, Lemaire, Berinzago, peignirent les quinze décorations. La dépense totale s'était élevée à 2,436,523 livres. Par délibération du 25 juillet 1774, il avait été alloué à l'architecte, pour appointements, indemnités, honoraires et gratification, un sol et demi par livre du montant de toutes les sommes dépensées. Il est pénible de dire qu'on ne tint aucun compte de cet engagement, et que, sans égard pour les sacrificesde Louis et pour le magnifique monument dont il venait de doter la ville, on lui fit supporter un rabais considérable, le rendant ainsi comptable de la perte de temps et du surcroît de dépenses qu'elle avait entraîné. Les matériaux avaient presque doublé de prix. En 1785, Louis adressa à la ville une requête afin d'obtenir une pension, qu'il croyait avoir méritée, surtout après les réductions arbitraires qu'on lui avait fait subir. Non-seulement cette demande fut rejetée, mais les jurats, en répondant au comte de Vergennes, qui les avait consultés à ce sujet, insistèrent beaucoup sur la vanité et l'amour-propre de Louis, qui lui avait fait ajoutera son théâtre un péristyle, des colonnades, une galerie, des promenades dans le pourtour des bâtiments, des peintures au plafond. Ils concluaient que la ville ne lui devait aucune espèce de reconnaissance pour la construction d'une salle trop vaste et trop dispendieuse. Il est sûr que la postérité n'a pas ratifié le jugement de ces jurats. Louis est mort ignoré; d'après quelques auteurs, il a rendu le dernier soupir à l'hôpital ; cette circonstance a été contestée. Au fail, on a vainement cherché à se procurer des renseignements positifs sur ses derniers moments. Il a laissé un précieux portefeuille contenant des éludes minutieuses pour le théâtre qu'il éleva, des projets pour un palais qui


L'ARCHITECTE LOUIS.

361 devait s'élever à Varsovie pour loger le roi de Pologne; mais les événements ne permirent pas à ce monarque de songer à se faire ériger une aussi splendide demeure. Ce portefeuille a été acquis, il y a quelques années, par la municipalité de Bordeaux; il est conservé à l'Hôtel de ville. Nous en reparlerons peut-être. GUSTAVE BRUNET.


DOCUMENTS INÉDITS SUR LES ARTISTES

FRANÇAIS.

II NICOLASPOUSSIN. On lit la note suivante dans le Magasin Encyclopédiquede Millin (4e année, 1799, tome VI, p. 407) : « Le philosophe de la Peinture, l'immortel le Poussin, naquit, comme on sait, en 1594, dans la petite ville d'Andely. L'administration du département de l'Eure, dans lequel cette commune est située, vient de demander au gouvernement un tableau de cet artiste célèbre : elle le ferait placer dans une belle salle de la commune d'Andely avec une inscription tracée sur le marbre. Elle se propose aussi de rechercher si la maison où il naquit existe encore , afin d'y placer une inscription qui la fasse remarquer du voyageur. Si la maison n'existe plus, on élèverait sur la place publique un monument. » La demande adressée au gouvernement par l'administration du département ne paraît pas avoir eu de résultat immédiat; mais elle fut sans doute le point de départ d'une souscription organisée pour l'érection d'un monument à la mémoire du Poussin, souscription qui ne produisit que des sommes insignifiantes, et qui fut abandonnée, après plusieurs tentatives plus ou moins infructueuses. Une de ces tentatives est constatée par la lettre suivante, que nous communique notre collaborateur, M. Charles Nisard, qui l'a trouvée dans les papiers de Suard :


DOCUMENTS INEDITSSUR LES ARTISTESFRANÇAIS. 565 AUSOUS-PREFET D'ANDELVS. DE L'ARRONDISSEMENT anX(6août1802). Paris,ce18thermidor CITOYEN SOUS-PRÉFET, Vousavezdû recevoirle programmed'une souscriptionouverte pour l'érectiond'un monumentà la gloire du Philosophe de la Peinture (NicolasPoussin). Déjàbeaucoupde personnes,notammentle PremierConsulet lePréfet du départementde.l'Eure, ont souscrit. Nousespéronsque vous voudrezbien aussi seconderles amis des arts quiont forméce projet,en lerecommandantaux citoyensde l'arrondissementd'Andelys. Sansdouteils sentironttous qu'enfavorisantl'exécutiond'unmonument publicà la gloire du grand hommené dansleur territoire, ils le rendront recommandable,car la vénérationqu'inspire la mémoired'un homme illustres'étendaux lieux qui l'ont vu naîtreet à leurs habitants. Personnellementvous êtes intéresséà ce que ce projet s'exécute.Vous eûtespart à la premièrepropositionqui en futfaiteen l'anvu par l'administrationcentralede l'Eure, dont vousétiezalors membre,et l'emplacementproposépour le monumentsetrouve,par une heureusecirconstance, dansle chef-lieudel'arrondissementconfiéà vos soins. Nousavonsl'honneurde vous saluer, Pour les signatairesdu Programme: HAROU ROMAIN (1), TALMA FRANC. (2), P. CHAUSSARD (3), LEGRAND (4), ESPERCIEUX (5), FR. GÉRARD (6). Nous n'avons pas retrouvé le Programme dont il est parlé dans (1)Harou-Romain, architecte,membredu Jury desarts. (2)LecélèbretragédienétaitmembresuppléantduJury desarts. (5)Chaussard(Pierre-Jean-Baptiste), avocat,quia écritsurlesBeaux-Arts. (4)Legrand élèvedel'ÉcoledesPonts-et-chaus(Jacques-Guillaume), architecte, sées,auteurd'ungrandnombred'ouvragesrelatifsà sonart; morten 1807,âgé de64ans. (5)Espercieux (Jean-Joseph), statuaire,mort à l'âgede 81 ans, à Paris, le 31mars1839. (6)Gérard(François-Paschal-Simon), peintre,étaitalorsmembredu Jury des arts;mortà Parisle9 janvier1837,âgéde67ans, membrede l'Institut,professeuret premierpeintreduroi.


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DOCUMENTS INEDITSSURLESARTISTESFRANÇAIS. renfermait cette lettre, et qui peut-être des détails curieux sur le Ce projet n'eut pas de suite, et le monument projet en question. à la mémoire du Poussin n'a été élevé, dans sa ville naconsacré ans tale, que quarante plus tard. En attendant, vers 1805, la ville chef-lieu des d'Évreux, Andelys, obtint pour son musée un tableau de ce original peintre illustre, dans la première répartition des tableaux que la Révolution avait accumulés dans le Musée central à Paris. Ce tableau, représentant Coriolan fléchi par sa mère, avait appartenu successivement au fermier-général Bouret et au marquis d'Hauterive. P. L.


LETTRES sur L'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, A PARIS(1). III En entrantdans le grand salon central, réservé auxartistes français, letableauqui frappe tout d'abord, soit pour les dimensions,soit pour le grandiosede la scène, est celuide M.Thomas Couture, les Romainsde la décadence(n°2819).Exposé au Salonde 1847, ce tableauy fit sensationet porta bienhaut le renomde l'auteur. Chacunconnaîtcette composition, et on en a tant parlé queje m'abstiendraide la décrire. Volontiers aussi je m'abstiendraisde toute réflexionsi, dans la solennitéprésente, il était permis au critique de garder le silence sur l'oeuvreprincipale d'un artiste qui commandel'attention par l'importanceincontestablede son talent. Et le critique pourrait se donner large carrière en parlant de cette toile :— il pourrait dire que le dessin y manquede noblesseet tombe dansdes formespeu choisieset vulgaires— que le caractèredes figures n'est pas romain— que l'expression n'est pas suffisammentempreinte des sentimentsvicieux qui sont le thème du sujet. Il pourrait dire, en outre, que la distributiondes jours et la gradationdesteintes sont, sinon imparfaites,du moinsmalsenties — que le fond, trop,uniformémentégal dans les niasses, est froid et confondles demi-téinteset les ombres de ses propres tons aveccellesdes personnages.Il pourrait dire enfin que les draperies,quoiquelarges, sont négligéessouvent. Le critique aurait raison s'il disait tout cela; mais, en le disant, il ne manqueraitpas de s'attirer, de la part des hommesintelligents,l'observationque Perindel Vagafit.à Gênes, aux deux GeminiAndréet Octave. Cesjeunes artistes surpris par lui commeils blâmaient,dans la gravure d'une compositionde Titien, je ne sais plus quelleincorrection,furent réprimandéssévèrementet avertis que, dans les oeuvresdes hommesde mérite,ondoittaire cequi est mauvaiset louerce qui estbon(2). (1)Voirlesnumérosdu15juin et du 15juillet. side e tacereil cattivoe lodareil buono.» (2) «Nelleopèredevalentuomini 24


366 EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. La leçondePerin seraitd'autant plusjuste, venanta proposde M.Couture, qu'on aurait critiqué en lui plutôt des préférencesde goût et l'absence de certaines qualités, que des défauts essentiels et positifs. Pour bien me comprendre,on doitse souvenirqu'il y a dans la peinture d'histoireun styleappelépar Reynoldsornemental,auquelappartient le second rang de l'art. Mis en lumièreet merveilleusementcultivé par les Vénitiens,ce stylefut, à leur imitation,introduitpar Vouëten France, par Rubensdans les Flandres, et par Luça Giordanoà Napleset en Espagne. Il consistedans un ensembleparfait de la composition,dont les parties sont liées mutuellement,et tellementsolidairesentre elles qu'on ne peut les séparer; dans l'harmonieet dans le brillant de la couleur, dans le luxedes velourset des étoffes, dans la profusiondesornements d'or et d'argent, dans la richesse des paysageset de l'architecture.Ses principauxexemplessont à admirerdansla Cènede Paul Véronèse, a Saint-Georgesde Venise,et au Louvredans les Nocesde Cana.Évidemment, de semblablespeintures n'atteignentpas le sublimede celles de et de Raphaël,qui, sans distraire avecla pompedes accesMichel-Ange soires, parlentau coeur, élèventle spectateur, et, malgrélui, le forcentà là stupeur et à l'admiration;cependant,commedans la variétéinfiniedes talentsil y ena auxquelsmieuxest donnéd'orner que d'exprimer,ondoit faire à chacun sa part; et si les premiersplanent au-dessus des éloges parcequ'ils arriventà l'idéalismede l'art, les seconds,reproduisantlanature tellequ'onla voit, et telle quel'imaginationdu poëtepeut matériellementl'embellir,ont encoreun grand mérite et certes un mérite compris plus généralement.Il est vrai que le sentier qu'ils suivent est très-scabreux; que le maniérismeest très-rapprochéde leurs méthodes; que le moindreécart peut les y faire tomber, et que cesdangers réunis ont engagéle critique anglais déjà nomméà déconseillerles jeunes artistes de trop étudierlesVénitiens.Tant de difficultésne font que rendre plus positifsles droitsque ces artistesont à l'estimedes connaisseurs,quand ils parviennenta se maintenirdans les limites'du bien, et à retirer de leur manièreles effetsmagiquesqui fascinentnos yeux et nous forcentà les applaudir. M. Couture, dansle tableau quej'analyse, se montré du nombredes sectateursdu styleornemental.Donc,si, comme,je l'ai dit, certainesperfectionslui manquent,on doit y voirlà conséquencedu choix qu'il a fait et reconnaîtrequ'il a celade communavec tous ceux qui l'ont précédé dans la même:route. Cela admis, les critiques signalées disparaissent naturellementou sont considérablementamoindries.Le seul reproche fondé est. Celui de sa couleur. En réalité, elle n'est pas en rapport avec l'éclat habituelde l'école à laquelle il a voulu appartenir.Pour y remédier,M.Couturedevrait se pénétrer davantage des préceptesque


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 367 le Titien, leur maîtreà tous, répétait sans cesseet que Boschininous a conservés(1). M. Couturedevrait aussi concentrer plus qu'il ne le fait la lumière sur les parties principales,les résoudrevigoureusement,plus vigoureusementpeut-êtreque nature, et tenir basses les parties secondaires; il devraitenfinne pas oublier que Van Dyckest l'élèvede Rubens,et qu'en le prenant pourguide il risque de trop charger certainsartificesdu chef de l'école,artificesqui, éloignésdéjà dans l'élèvede ceux du typeprimitif, peuvent devenir dangereuxsi on les soumetà un nouveaudegré de modification. L'intention d'imiter l'illustre peintre de Charles Ier ressort à l'évidencedansune autre oeuvredeM. Couture, dans leFauconnier(n°2820), oùla pose,la couleur, les effets, la rendent palpableet presque servile. PourtantVan Dyck ne peignitses portraits, avecbeaucoupde promptitude et fort légersde travail,que lorsque les musiciensà gages,la table somptueuse, les beauxet riches équipages,et la croyance en l'alchimie l'eurentréduità la nécessitéde faire marchandisede son talentet de répondreaux amisqui lui montraientle dangerde ses nouvelleshabitudes, qu'ayant travaillé longtempspour sa réputation, il lui était permis de songerun peu à sa fortune (2). Que M. Coutureveuillebien se rappeler ces paroles; il en tirera profitpour sa bonnerenommée. Quelle histoireque cellequi, commencéevers la fin du derniersiècle, se poursuitdans lenôtre etcontinueraà marcherjusqu'à la solutiond'un problèmeterrible, solutionconnue de Dieu seul, enveloppéepour nous de la nuit la plus profonde! Que de sang! que de gloire! que de passions! que d'abnégations sublimes et incompréhensibles!quel vaste champà exploiterpour les écrivainset les artistes! Placé en présence des deux tableaux de M: Charles-Louis Muller (nos3714et 3715), je ne puis distraire ma penséede ces idéeset m'empêcher de les méditer. Le premier, l'Appeldes dernièresvictimesde la Terreur,fermepour ainsi dire le prologuede la redoutableépopée.Tout ce que dix-huitsièclesavaientadoré, tout ce qui avait été, pendantneuf trecolorie avergliper mano,il bianco, (1)« Chivuolesserpittoredeconoscere « il rosso, e il nero, e avendoa dipingercarnimainonsi lusinghiriuscirvialla « prima,masi replicando diversetinteeimbrattando.i colori.(BOSCHINI, la Caria « del Navegarpittoresco.Venezia, 1660,p. 541.) connudetoutcequ'ily ad'amateurs de beaux-arts, (2)«LefameuxJabac,homme quiétaitdesamisde Van Dyck,et qui luiafaitfairetroisfoisson portrait,m'a contéqu'unjourparlantà cepeintredu peude tempsqu'il employaità faireses portraits,il lui réponditqu'aucommencement il avaitbeaucoup travailléetbeaucouppeignésesouvragespoursaréputationet pourapprendre h lesfairevitedans untempsOÙ il travaillait CoursdePeintureparprinpoursacuisine»(DEPILES, cipes.Paris,1708,p. 291et suiv.)


A PARIS. EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, d'honneuret de siècles,entouré de puissance, respect, est jeté au panier du bourreau par la voixinflexiblede la révolutiontriomphante.Le caractère religieuxde l'évêqueet du prêtre, l'illustration des aïeux, celle des sciences et des lettres, la valeur, la beauté, soumisau mêmeniveau, se lèventau.signe indicateurde la proscriptionsanglante, et, sans murmure, selivrentaux horreurs du supplice. Le second, Vivel'Empereur!résume en lui.toutes les vicissitudesde cette lutte de géantsengagéepar le génie d'un homme, non pas.seulement contrela puissancematériellede l'Europecoalisée,mais aussi contre la puissancemoraledes vieuxabus, désireuxd'anéantir les progrès conquis,et contrecelledes nouvellesexagérationsqui, en rompantl'équilibre, voulurentréformer brusquementles bases de la société, et lancer l'humanitédans des expérimentationsinconnues, périlleuses par cela seul qu'il était impossibled'en prévoirles effets.Cettelutte à la finbrise le colosse, maîtrise le peuple— la trahison.les éléments, l'égoïsme triomphentdes plus noblesefforts;—mais,en tombant,l'un rayonned'une lumière si viveque les vainqueurss'effacentdevantl'éclatde sonnom; — l'autre,.secouantses chaînes,empêchequ'ellesne se rivent,— concentré danssa volonté,il attend que la vigueurlui soit revenue,et, au jour marqué, renverse les obstaclesaccumulés-autourde lui, retrouve sa puissance, et regagnepar bonds le point où l'atteignitl'orage qui l'avaitfait rétrograder. Tout ce monded'idéesne pouvaitêtre peint que par un artiste capable de le sentir et de le matérialiser; capablesurtout de conduire à bienun travaildénuéde Cequi charmela vue et de la pompequi captivel'attention du spectateur. L'équilibrede la composition,la simplicitédes poses, la correctiondu dessin, la vérité des costumeset de la couleur, principalementl'expression des sentiments,voilàce qu'il,fallait posséder, et pareil bagagen'est pas facileà. rencontrerchezun peintre. M. Mulleren était riche, et il a usé de ses richessesd'unemanièreprudentequoiquelarge, louabledans tous ses résultats. L'émotionvous gagnedevant la représentation des dernièresvictimes dela terreur,et de la fouleenthousiastequi vint, à une autre époque,donner sa vie et répandre son sangpour la défensedela patrie et deses plus chèresaffections.Si la peintureest destinéeà exercerunehaute influence morale, si elledoit élever les sentimentsdu peuplepar la reproduction desfaits qui l'honorentet l'instruisent, le peintre quiréussit par la puissanceet les règles de l'art à émouvoirl'esprit des masses et à. y graver une impressionviveet durable, aura noblementaccomplisa mission. Meslecteurs n'ignorentpas le tort immensefait à la réputation de certainsartistes par l'abandondu stylequiles avaitrendus illustres, et— soit caprice, soitdésir desuivrela mode— par l'adoptiond'unautre style 368


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 369 en avecleur éducation peu rapport artistique ou avecleur nature. FrançoisNappi, à Milan, AndréSacchi, à Rome,Jacques Carrucci de Pontormo, à Florence, DominiqueTeoscopoli,en Espagne,et d'autresencore qu'il serait trop long de rappeler, offrentun témoignageirrécusabledu danger de pareillestentatives.Parmi les exposantsfrançais, M. Robert Fleuryaugmentele nombredes exemplesde ces malencontreusestransformations.— Doué d'originalité, savant dans les ressources de l'art, pouvantfaireaussi bien, sinonmieuxque tout autre, il a préféréquitter son être propre pour revêtirtantôt celuide Rembrandt,tantôt celui de Titien, du Tintoretou de Rubens, celuide tous les maîtres, en un mot, qui tour à tour l'ont captivé, par les qualités brillantes de la couleur, ou par l'attrait passagerdu changement. La Scèned'inquisition(n°3877), le Colloquede Poissy(n° 3876), sont deux petits tableauxd'une vaillantiseet d'une correctiondes plus rares; la couleur,quoiquesombre,en est facileet transparente; l'harmoniedes teintes, des demi-teinteset des ombres,ne laisse rien à désirer. Les Derniers momentsde Montaigne'n° 3874), et surtout le Pillage d'une maison dans la Judecca(n° 3875), me paraissent déchus d'une grande partie de ces qualités. Évidemment,M. Robert Fleury ne peut pas fairemal d'une manièreabsolue; le dessin, l'expressionet le sentiment de l'action représentée resteront dans ses productionstoujours corrects,justementimaginés,habilementrendus; mais, quant à la spontanéité de la touche, à la fraîcheur des teintes, à l'ordonnancede la composition,il n'en est pas de même. Ces deux derniers cadres prouvent qu'il est sorti de la bonne manière pour dévier dans une seconde qui le fait paraître plutôtcopistequ'auteuroriginal.Leur colorisest tourmenté, la distributiondes masses confuse, les tons sont violacéset criards. Le tempsrendra encore plus sensiblesces défautsquand, passant sur ces toiles, il les aura noircies, effetimmanquablede la fatigue que le pinceau, en tâtonnant, a fait subir à la couleur. La réflexion, je l'espère,fera revenirsur ses pas ce peintre habile; et, en lui révélantles conséquencesfunestesdela voieoùil s'est engagé,effaceraun égarement auquelles esprits les mieux trempés peuvent être pour un momentassujettis. Si Léon Cognietavait plus de spontanéité,il ne serait inférieurà personne: à part ce don que l'étudeet la volonténe peuventconquérir,toutes les qualitésqui fontl'artiste excellentsetrouventréuniesdans les oeuvres sortiesde sa main. L'Expositionne possède de lui que le Tintoretet sa fille (n° 2767), une Scènedu Massacredes Innocents(n° 2766), Saint Etienneportant dessecoursà unepauvrefamille(n°5050),etdeuxPortraits. Le Tintoretest toujourscette belle production,rempliede noblesseet de sentiment,que nous avonstous admirée; seulement,que ce soit la conséquencede la préparation des couleursou celle de la vernissure, elleest


370 EXPOSITION DESBEAUX-ARTS, A PARIS. tellementassombrie,que l'équilibredes ombresen a été rompu, au grand détrimentdel'effetet de la transparence.On parviendraitpeut-êtreà corriger ce défauten ôtantlevernisavec soin; ce seraitune tentativeà faire dans l'intérêt de l'art et de la réputationde l'auteur. Le MassacredesInnocentsa été exposéau Salonde 1824.Saint Etienne appartientauSalonde 1827.Quantaux portraits,froidsdeton et ouvrages secondaires,ils ne méritent pas une mentionparticulière. Le Passagedu Bosphorepar les Croisés(n°4005) est, selon moi,l'ouvrage capital de M. Emile Signol. Dansles deux tableaux de.la Femme adultère(nos4001 et 4002), il y a de la lourdeuret.une roideur de mouvement qui n'est plus de la noblesse, mais de la gêne. Les draperies et l'ensembledes deux figures du Christ sentent le mannequin; sans pouvoir nier la bonté de ces compositions, on est saisi de froid en les regardant. La Madeleine, morte,entourée d'anges(n°4004), est dans une autre gamme; le dessin, la composition,la diligence y sont fort remarquables,et on y rencontrecette facilitéapparentequilie les parties au tout,, qui secondela diversitédans l'accordet qui anime cet accord dans l'ensembled'une peinture,mêmedansles objets inanimés. Maisle Passage du Bosphoreest tout autre chose.Il s'agit d'abord d'une grandecomposition,riche en personnageset en circonstancesheureuses— le lieu dela scène, la splendeurdes accessoires,l'importance et la variétédes groupes.—M. Signola tiré un parti savantdesdiversmatériaux que le sujet mettaità sa portée, surtout des effetsde la lumière. Les rayons du soleilde Constantinople,chauds et transparents, glissent à travers lesvoilesdes embarcations,s'arrêtent et petillentsur les armes des chevaliers, dorent les costumesbariolés des soldats:et mêmeceux plus simples des marins qui les conduisent. Les accidentsdes demiteinteset des.ombressont distribuésavecune bonneententede l'effet,et, dans les figures, dans les draperies, dansles eaux, dans l'air, il y a une transparence et une fluidité qui approchentde la magie. Le mouvement de la compositionest très-accidenté; -rien en lui ne blesse:cependant l'unité de la représentation; cettequalité essentielleest parfaitementobservée.Je le répète, avecune sincère conviction,le Passagedu Bosphore est la productionprincipalede M. Signol, et une des plus estimablesde l'école française. Il est fâcheux pour la réputationde M. Àbelde Pujolque les grisailles qu'il a peintesà la Boursen'aient pas pu figurerà l'Exposition.La beauté aurait relevéla froideurdestrois tableaux artistique de ces chefs-d'oeuvre qu'il y a présentés. Dansceux-ciil s'est montréstrictementattachéà la première,manièrede son maîtreDavid.C'est dire assez que les compositions sont trop, symétriques,et que la couleur et le dessin pèchent par la dureté. La Sainte Viergeau Tombeau(n° 2402) est celui des trois dans lequel ces défautssont le mieux dissimulés, et qui, dansune cer-


371 EXPOSITIONDES BEAUX-AURTS, A PARIS taine mesure, se rapprochedes larges méthodesde l'art contemporain. David, ayant.à combattrele maniérismeoutré qu'avaientlégué à la Franceles écarts du règnede Louis XV,et le goût équivoquede ses.mai-, tresses, David réformateurdevait nécessairementtomber dans;l'excès contraireà celui qu'il avaità.combattre»Ses élèves,remis par ses efforts, sur la voienormale,n'ayantplus/à vaincreles difficultésde la réforme, loinde l'imiter dansses défauts,auraientdû s'inspirer à d'autres sources et élaguerdu style les imperfectionsdu maître. M. Henri Lehmanna eu cette,heureuse pensée, Élève de M. Ingres, on ne retrouve dans ses tableauxque le bon.côté des enseignementsde l'école— la précisiondes contours,la recherchedu beau, la simplicitéde l'ordonnance. Ses inventionssont exemptesde toute préoccupationde servilité; s'il, garde le souvenir de l'antique et des sommitésde l'art, c'est pour conduire les sujets, pour les maintenirdans les limitesd'un goût épuré, pour les développerà l'aidedesbons préceptes.Sa couleur est vraie, et, sinon toujours brillante, forte dans son expression,— quelquefois.trop peut-être,— commedans L'Hamlet(n° 3555) et VOphelia(n° 3554), où les contrastes de clair-obscur me paraissent exagérés.Sa diligence dans l'exécution,est grande. La VénusAnadyomène (n° 3550) et encore plus L'Ondine(n° 3551).sont d'une finesse de pinceau à satisfaireles plus soigneuxdes peintres de la Renaissance,et cettefinesses'allie à une pâte très-grasse et ne laisse paraître aucunetrace de fatigue. J'ai vu quelquechosed'analoguedans une petiteVénusendormie(I) du Padovanino, véritablechef-d'oeuvre,surpassant en éléganceles.productionsles plus élégantesdu Parmesan. On peut,reprocher à M, Lehmanncertaine sécheressede formedans, les personnagesde quelques-unes de ses compositions; dans le Départ dujeune Tobie(n°3545),par exemple,et dansl'autre Tobiequi obtientde. Raguella maindesa filleSarah(n°3546).Onpeut aussi lui reprocherl'inégalitéde ses travaux, dont aucuns,tels que l'Adoration(n°3542),l'Enfant Jésuset.lesMages(n° 3541),sont très-forts; aucuns sont très-faibleset paraissentsortis d'un autre atelierque le sien. Les Océanides(n°3549),le Lai d'Arislote(n° 3556), se rangent dans cette dernière catégorie. On peut enfinadmireren lui une grandevariétéde tendances. Dans VOpheliaet dans l'Hamlet,déjà nommés, il paraît rechercherla vigueur un peu outrée du Caravageet la manièreforte du Guide— cette dernière de préférence,si on doit tenir comptedestons argentinsqu'il a affectésdans les masses lumineuses.— Dans lesdeux sujets de Tobie, les lumières sont diffuseset l'ensembleest froid. Dansun projet de pla(1) Cetableaul'aitpartieducabinetdeM.MarsuzideAguirre,un des fondateursdela RevueuniverselledesArts.


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS A PARIS. fond, Rêved'Erigone, vision bachique(n°5552),;on le dirait sortantde l'Académiedes Carrache, tant pour l'aménitéde la composition,et pour la sciencedu raccourci, que pour la force du coloris-etl'harmoniede l'ensemble.Il est à souhaiter, dans l'intérêtde-Fart et de l'artiste, que ce projet vraimentadmirablerencontreun amateurassezéclairéet assez riche pour en apprécierla valeur et en ordonnerl'exécution. Son frère, je crois, M. RodolpheLehmann, est un élèvedignede lui. Tousles tableauxqu'il a exposés ont droit à des éloges,surtout Graziella (n° 5562),très-beau d'effetet de couleur. En général,les peintresfrançaisde nosjours sententet rendentincomplétementles sujets sacrés. Celatient peut-êtreà ce que le peintre,pourbien faire, a besoin d'être vivementfrappé de l'objet qu'il doit reproduire, et de concevoirdans l'imaginationl'original de l'idée avant dela matérialiseren la copiantsur la toile : 372

Et mentiprsaesens operissit pegmafuturi(1). La juste observationqui précèderecommandefortementceuxauxquels, par exception,ellen'est pas applicable.Ils ont à vaincrenon-seulementla difficultéde l'art, mais aussi celle de l'indifférence. M.Jalabert (Charles-François)est de ce petit nombre.Son Christau jardin des Olives(n°3594)a beaucoupde noblesseet de résignation.La scèneest bien composée,l'effetde nuit observéavectalent. Le Saint Jérôme et les Romains fugitifs, de M. Louis Boulanger (n° 2507), me paraissentformer un tableautrès-important par l'ordonnance, l'expressiondes têtes, le mouvementdes figureset l'élégancedes draperies. Ony peut trouver à redire à la couleur,qui tendau noirâtre, et du dessin, qui, quoiquecorrect, a un peu de la sécheressedu xivesiècle, vers l'imitationduquel M. Boulangersemblepencher, au moins en cette occasion. M. GustaveHousez a une Assomptiondela Sainte Vierge(n° 5522), d'un bon caractère, brillanteet bien sentie. Jésus enfantparmi les Docteurs(n°2592), compositiontrès-élégante de M. Bonnegrâce, est traitée avec beaucoup d'intelligence.Le fond rappellePaul Veronèse; l'air des têtes tient aussi de ce maître, que racontequeLuisdeVargas, (1)Palomino,danssesViesdesPeintresespagnols, LuisMoraleset Joanès, les chefsillustresdesécolesd'Espagne,étaientd'une piététrès-viveet que jamaisils ne se prenaientà traiter un sujetreligieux,les seulsqu'ilsaientpeints,sansse préparerà l'exécution parles pratiquesd'uneloi sincère.—Voyez l'anecdote l'écrivain susditraconte au sujetd'unedescompoque —Palomino sitionscélèbresde Joanès,appeléela PurisimaConcepcion. Velasco, LasvidasdelosPintoresy staluarioseminentes Espanoles.Londres,1742. Ilenétaitdemêmepourun grandnombrede peintresitaliensdela plusbelle époquedesarts.


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 375 ont mais n'est beaucoup critiqué qu'aucun jusqu'à présent parvenu à égaler(1). Une bonnecompositionde la Descentede Croix, unissant l'expression à la correction,a été exposéepar M.Reverchon(n°3844).Malheureusement,elle est froidede couleuret pauvrede relief. Le mêmedéfautet les"mêmesqualités se retrouventdans les Martyrs aux Catacombes (n° 3584),de M. Lenepveu;cependant,le défaut y est assezdissimulépar la parfaiteharmoniedes groupesque le peintrea distribuéset équilibrésavecbonheur. Lesobservationsqui précèdents'adaptentparfaitementauDenierdela Veuve,de M.Chautard(n°2694). En général, ces artistes pèchent par la bonne distribution des repos, partie essentiellede l'art, si bien possédéepar les écolesde Veniseet de Parme. Les regards du spectateur, fatiguéspar la lumière capitalequi les attire, doiventtrouver à se reposer sur la masse largedes ombres, et quand l'ombrenaturelledes corps solidesmanquedans les incidentsdu tableau, sur les couleurs obscuresque le peintre doit savoirhabilement distribuer. La lumière relative, la transparencequi accompagnentles ombresnaturelles ou artificielles,peuventde nouveaucharmerles yeux; mais il faut s'appliqueravecla plus grande attentionà ce qu'une lumière accessoire, subordonnée,n'éclatepas avant que la principalen'ait produit son effet.Le Titien (Mengsl'affirme)a étéle premierà faireun usage savantde ces artifices, et tout d'abordil ena porté l'applicationau plus haut degré de la perfection.Ne garnissant sa paletteque d'un très-petit nombrede couleurs, il sut choisircelles dont la variétéfait contraste, il sut connaîtreles degrés et les momentsfavorablesde leurs oppositions. Aucunne tira un aussi bon parti de la magiequi réside dans l'équilibre desteinteset ne parvint à l'établiravecautant de grâce et de naturel que lui. Rubens, malgré l'étude spécialequ'il avaitfaite des tableaux de ce maître,s'efforçaen vain de l'égaler. Dans la sciencechromatique,Titien est resté inimitable.Ses compatriotesapprochèrentde sa méthodeet des règlesqu'il avait établies; les autres écolesle tentèrent; tous les artistes à l'envi reconnurent la nécessitédu systèmeet le suivirentde.leur mieux dansla proportion de leurs forces. C'est à son emploijudicieux, commeau choixdes sujets,que M.Diaz dela Pena doitle succès qui honoreses oeuvres!L'élégancehardie, si je puis m'exprimerainsi, de la couleur, le relief qu'il sait produire au moyendes masseslocales,couvrentl'absencedes détailset donnentà des tableauxtrès-négligésl'aspect d'un travailsérieux et presqueachevé. J'ai entendu à propos de cet artiste prononcer le nom du Corrége. (1)VoyezPerrault,Parallèlesdesancienset desmoderneset les Réflexions surla Peinture,par de Hagedorn.


374 EXPOSITION DES BEAUX-ARTS, A PARIS. C'était le hasard, je pense, et on ne prétendaitpas tenter un rapprochement impossible.Le Corrége,dans ses grandespages,a calculéleseffets selonles distances; il a donnéune expressionplus lâchéeà ses contours, pour que, malgréleur éloignement,les parties parussent dansles tons et l'harmonied'un tableaufait pour être considéréde près; mais, dans ses rares toiles dechevalet: dansla SainteFamille,dela Tribune deFlorence; dans L'Agar,que possèdele MuséeDegliStudj, à Naples; dansla Madeleine,de Dresde,dontj'ai vu une répétitionvariéequi surpasseen beauté le premieroriginal, le Corrégefinit avec une diligencescrupuleuse; toujours doux, toujours harmonieux,il est modeléet fonduau point de ne pas laisser devinerle momentde passaged'une teinte et sa séparationde cellequi la suit ou qui la précède. M. Diaz,peintrede charmantespetites figures, abandonne:la couleur commeil la pose; c'est une qualité qu'il partage avec Decamps, sans pourtantarriver,au gras, souventexcessif, de l'empâtementde celui-ci. Cettequalité, conservantla virginitéde la couleur,en assure lafraîcheur et la transparence; c'est d'elle spécialementque les.tableaux de M. Diaz acquièrent le charme qui les rend agréables.Regardezà distance, de près vous risquezde ne plus apercevoirque de légères,esquisses. Je ne veux contesterni le mériteni la bravourede cet artiste ; je tâche seulement deles réduireà leur véritableexpression.— J'analyseses procédés, afin d'en éloignerles imitateurs qui, devant,par la force des choses, rester inférieurs au type, affecteraientun travail tellement incomplet ou qu'on pourrait à bon droit le dire négationplutôt que modification; libre exercicede l'art. Les éloges que je donneraisà M.Vinchonn'ajouteraientaucun éclat à la bonne renomméequ'il s'est acquise. Ses oeuvressont, du reste, fort connues, ayant toutes été exposéeset, en partie au moins, si je ne me trompe, reproduitespar la gravure. Je me borneraidonc à constater que M. Vinchonconserve la tradition des belles méthodeset les emploiedans ses productions. Ordonnéet fécond dansla composition, large dans les contours,il est vrai dans la couleuret habileà bien rendre les passionset les sentiments. Peut-être se trompe-t-il quelquefois dansle choix, dans la classificationde ces mêmessentiments.J'en citerai commepreuvela jeune patriciennede l'Épisodede l'Histoirede Venise (n°4188),laquelleexprimebienla douleur, mais non la souffrance,qui est la conséquenceindispensablede la torture exercéesur un corps délicat. Si la jeune fillereprésentait une martyre soutenue par la grâce d'en haut, la placidité de sa résignation serait compréhensible,son expression serait exacte, car l'interventionde la grâce divinevenantsecourir cellequi souffre pour la foi, se manifesteraitsur sa figure, et ce serait ainsi que le peintre chrétienaurait dû la représenter.L'amour humain,


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 575 n'a la puissant forcede ne quelque qu'il soit, pas l'extase, produit pas commecelle-cil'effetmagnétiquede la séparationde l'âme du corps. Il peut, malgré les tourmentset l'apparat lugubre qui les rend encore plushideux, donnerle courage de ne pas trahir l'objetaimé,jamaisil ne peutchanger les lois de la vie matérielle,qui:veulent que la matièresoit sensible,quand une actionviolenteet mécaniquefrappe les muscles, déchire les rapports qui lient les parties entre elles et détruit leur harmonie.J'ajouteraique l'artiste, en réfléchissantbien, aurait comprisque l'expressiond'une grande souffrancedevaitrendre plus sublime,aux yeux du spectateur le silence d'une frêle créature, à laquelle l'exaltationdu sentimentqu'elle éprouvedonne le courage de.résister à tout, de tout subirplutôt que de livrer au bourreau,par ses aveux,le fiancéqui lui est cher.Les peintures de ce maître pourraientme fournird'autres exemples d'inexactitudessemblables.Je crois d'autant plus inutile de les rechercher que mes critiques, ayant:trait à la partie la plus élevéeet la plus controverséede l'art, resteraientdouteusesou exigeraientde longs développementspour être démontrées.Quand l'oeuvred'un artiste ne donne prisequ'à des critiqués de pareillenature, elleest certainementproduite par un talent supérieur, le seul dont on puisse exiger certainesfinesses deperfection, dépassantlesforcesdela généralité.Acet égard il ne sera pas inutilede rappelerce que Diodorede Sicileécrivaitdes plus célèbres artistes de l'antiquité : « Neque-enimPhidias, neque Praxiteles, nuque Apellesaui Parrhasius tantamin suis operibusexperti sunt felicitatemut exhibèrent(1). » peritioesuceeffectum prorsusirreprehensibilem Parmi les différentestoiles présentées par M. Heim, toutes d'ailleurs estimablesà plus d'un titre, j'ai remarquécelle,représentantun Sujettiré del'Histoiredes Juifs, par Josèphe(n° 3284).L'invention,l'ordonnance, l'exécutiony sont irréprochables; le groupeprincipalsurtout, l'homme qui défendcontre un cavaliersa femmeet son enfant tombés?»terre et fouléssous les pieds du cheval, est dignedes meilleurstemps de l'école italienne.Cette formulelaudativesemblerainsuffisanteà la plupart de meslecteursfrançais; je suis pourtant convaincuque l'artiste à qui elle s'adresse,et qui a vu et étudiéles écolesde l'Italie, ne la trouvera pas telleet s'en déclarera satisfait. Et à ce propos,je ne saurais résister à la tentationqui m'entraînedans une digressionen apparenceétrangèreau sujet queje traite, quoiqueau fondelle s'y rattache d'unemanièredirecteet évidente. Depuisquelquetemps, les insinuations voilées,les déclamationsouvertesd'un grand nombre d'écrivainsplus ou moins expérimentés,ont produiten France un revirementde goût et changél'opiniond'une partie du public. — A les entendre,les oeuvresdes princes de l'art italien ont (1) Lib.XXVI,c. 33


576 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. assez longtempsenrayé le progrès. Leur affectationclassique,leur méthodisme réglé toujours par certains principes, enfermédans certaines limites, excluentle génie et éteignentle feu sacré,lesquels,pour briller, ont besoind'être dégagésde toute entrave.Malheurau jeune artiste qui, en s'adonnantà l'étudesérieuse de ces maîtres froids et symétriques,se laisserait couperles ailes! Sonavenir serait brisé et il serait perdusans ressources pour la carrière. Les peintres flamandset hollandais, avec leurs réalitéscrues et banales,voilà les types excellentspour l'exécution. Shakspeareet ses imitateurs, voilà pour l'invention; en dehors d'eux pas de salut; on peut tout au plus avoirassez de mérite pour devenir membrede l'Institut, jamais assez pour être considéré par les hommes éclairés qui sont à la hauteurde l'intelligencede notre siècle. Tout d'abord je dois avouerque cettequalitétant mépriséed'académicienme tenterait fort, et que, selonma conviction,elletenteraità l'égal de moi, sinon davantage,ceuxqui affectentde la dédaigner. En lisant lessarcasmesde chaquejour sur les immortelset leurs fauteuils, la fable du Renardet desraisinsverts m'a paru d'un à-proposet d'unevérité frappants, et malgré moi je n'ai pu m'empêcherd'enfaire l'application.Medira-t-onmaintenantsur quoi reposenttoutes ces assertions assezadroitementenveloppéesdans le papillotaged'un style dont je ne contestepas l'éléganceet le sel? Vousvoulezqu'on imiteles Flamandset les Hollandais?Soit, mais les modèlesque vous proposezà notre imitation,peintres,sculpteurs, architectes de la Renaissanceou des époquesplus rapprochées,ont été d'avis qu'il était difficiled'acquérir une valeur réelle, qu'on ne pouvaitpas aspirer à la perfection,sansavoiradmiréet analyséles beautésartistiques de l'Italie, sans avoir puisé la scienceaux sources pures qu'elle renferme. L'histoireest là pour l'attester, et je ne citerai que Rubens, considéré à juste titre commele premier entre les premiers; je ne citerai que Van'Dyckqui le suit de près, et qui, sur les conseils de son maître, passa cinq années consécutivesà parcourir les villes principalesde la Péninsule. Yeut-il quelqu'un,parmi les plus renommés,qui n'entreprit pas cette pérégrination? Il s'aidades dessins des peintres italienset des gravures de leurs plus beaux ouvrages, et pourtant il resta incorrectou s'il fut correct, il le dut aux conseilset à l'initiationdes maîtres qui avaientfait les études auxquelles,par des raisons spéciales,il n'avaitpas pu se livrer. Prenezune à une lesécolesde l'Europe; je l'ai déjàdit, toutesnaissent ou tirent leur perfectionde l'Italie; commentprétendreque ce-qui a été vrai, cequi a été utile, ce qui a produit les plus beaux résultats pendant des siècles, devienneaujourd'hui, non-seulementinutile, mais nuisible? Vouspensezdonc que les moyensqui ont donnéun Rubens à Anvers,


A PARIS. 577 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, à le chef de votre école,un Poussin, un Velasquezà l'Espagne,et vous que ces moyens sont tout à coup frappés de stérilité? Vous méprisez ceux qui ont porté,l'art à son apogée et montré la route aux idoles de votre admiration,et vous voulezles remplacerpar une inspirationdésordonnée,par le libreexercice"d'unelicenceque vous qualifiezde shakespearienne, qualitétrès-discutableen poésie, fillepourtant immatérielle de l'esprit, qualitéimpossibledans l'art, où tout, mêmel'invention, est soumisaux règlesmatériellesétablies par la nature lors de la création et de la combinaisondes êtres corporels; ce que vous voulezest irréfléchi, ce que vous voulez est impossible,ce que vous voulezconduit toutdroit à la perte de l'art. Pourquoi donc vous arrêter en si beau chemin?Pourquoi, avec les maîtres italiens, ne pas frapper d'ostracismel'étude de l'antique, basesolide sur laquelles'élèvel'édificede leur réputation?Pourquoi ne pas être logiquesjusqu'au bout?Dites que Pétrarque et Boccacene rendirent aucun serviceaux artistesen collectionnantavecardeur les restes dela Grèceet deRome. Dites, vous l'avezdéjàdit, que l'architecture du Parthénonest mesquine.Dites que le Laocoon,que l'Apollondu Belvédèresont froidset compassés.Dites que mieuxvaut Goyaque Raphaël, Houdonou Pigalle que Michel-Ange;dites toujours, mais souvenezvousque, malgréle talent, malgrél'esprit, le paradoxene changepas de nature, et que suavessuritargutiae Temperatse, ; Immodicae offendunt... Je sais que si vous me jugiez digne de votre attention, vous vous empresseriezde me répondreque la preuvela plus palpablede l'impuissancedes anciensmaîtresitaliensest fourniepar la médiocritéqui est le partagedes modernes.D'abord,vous n'ignorezpas que toutesles forces, mêmeles forces intellectuelles,sont, dans la nature, limitéesà une certaine mesure, et qu'une fois cette mesure dépassée, il faut un temps plus ou moins long de repos pour la combler de nouveau, pour faire révenirla vigueur et disparaîtrel'épuisement. Ainsi, la preuveque vous allégueriezne prouveraitrien, car je vous défiede trouver chezn'importequel peuple une succession plus longue et plus suivie d'hommes extraordinaires,et partantune plus grandedépense des facultésde l'inventionet del'exécution. Ensuite,est-ilbienvrai qu'ainsique vousle proclamezhardiment,l'Italie modernesoit dépourvued'artistes capables de soutenir sa splendeuret delutter pour la gloire de la patrie?— Canova,Bartolini,lesdeuxSabatelli père et fils, Camuccini,Appiani, Landiviennentà peine de fermer lesyeux, et parmi lesvivantsvousavezun Hayez,un Marochetti,un Calamatta, un Mercuriet tant d'autres que nous rencontreronsplus tard en


378 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. continuantnotre examende l'Exposition,moinscélèbres peut-être, mais nonmoinsrecommandables. Vousvoyezdonc que votreréponsene serait pas fondéeen principeet qu'ellene le.serait pas en fait. — Réunissezdans une seulevillede l'Italie, à Rome,à Venise,à Florence, les artistes épars danstoutela Péninsule,commeceuxdela Francesonttous réunisà Paris, soumettezleurs ouvrages à un jugementimpartial, TOUS serezfâchésde vous être prononcéssur une écolequi vous était inconnue,et vousvous convaincrez,car je nedoute pas devotrebonnefoi, que les méthodesque vous méprisez,que les exemplesque vous réjetez, sont toujoursféconds en excellentsrésultats, et que leur puissanceest telle que, malgréla position critique où sont placés les artistes, au milieude l'indifférencedes grands et de l'excitationdes partis, ils suffisentà maintenirl'art en honneur età le préserver de la décadence;vousvous convaincrezqu'en détournant vos jeunes élèvesde ces méthodes, de l'étudede ces exemples, vousles détournezde la voiedu bien, vousles privezdes guidesles plus sûrs, des auxiliairesles plus utiles; vous vousconvaincrezque, par une jalousiemal conçue, par un excès d'orgueil, vous ruinez l'édificeque LouisXIVa élevéà grands efforts pourle progrès etla prospéritédel'art en France. Ce que LouisXIVa fait a cette occasionsuffirait seul pour justifier le titre de Grandque les contemporainslui décernèrent,et que la postéritéreconnaissantes'est empresséede consacrerdans l'histoire; ce que vos conseils, étant suivis, produiraientde mauvaisrésultatsvous rendrait les égauxdes barbares, et aussi coupablesque les destructeurs de l'anciennecivilisation. AprèsM.Heimje citerai M. Clèrepour sontableaudela Dernièreveille de Cicéron(n° 2754). Si la lumièrede la lampe, concentréedavantage, éclairaitplus sobrementla figure, cette toilene serait inférieureà aucune productiondes peintres modernes. - Je citerai aussi le grand tableaude M. Yvon,le MaréchalNey soutenant la retraite deMoscou(n°4218).Tout y est d'un ordre parfait; l'exécution, la couleur, le dessin, prouventune rare habileté,et à ces élogeson doit ajouter ceuxmérités par la pensée du sujet, car rien n'est plus louable que de retracer l'actiond'unhéros qui, habituéà la victoire,dut se maintenircalmed'esprit,effrayantdecourage,au milieud'un horribledésastre, et qui préservaainsi sa patrie du danger le plus redoutable,de l'entraînementde la peur, de la paniquede la défaite. de suintLouis(n°2655), Je citerai aussi M.Cabanelpour la Glorification M. Bressonpour les Maîtresmosaïstes(n° 254), M.Jolivet pour leMassacre des Innocents(n° 3419) et pour Installation de la magistrature (n°3421). Enfin j'essayeraide réparer une des injusticesdu sort qui a présidéà la distributiondes places et au classementdes ouvragesexposés.Cesera cloreutilementla revue sommairede la peinture d'histoire et du genre


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 579 — Dans un coin derrière l'ombre historique. obscur, projetéepar les pilastreset par la cornichequi leur est superposée, onvoit:un petit tableaude quatre à cinqpieds. Lorsqueje dis on voit,je m'abuse,car, pour levoir ou, pour parler plus justement,pour l'entrevoir,il faut être doué d'undésir ardent de tout examineret de l'esprit de recherchenécessaire à celui qui accomplitune mission pareille à la mienne. Dans ce coin ignorése cachedonc un tableau,représentantle Princede Condédélivré par lemaréchalde Montmorency après.la mort de François II (n° 3834), oeuvredeM.Ravel. Couleur,dessin, expression,ordonnance,exécution, grâce,y sont prodiguésavec tant de largesse, que j'ai été tout confus quandj'ai dû m'avouerque j'ignoraisle nomd'un artiste qui, en faitde savoiret de pouvoir,ne le cèdeà aucun de ceux dont les nomset la fréquentationme sont familiers.Je souhaite que ces quelquesparoles parviennentaux oreilles de ceux auxquels la presse quotidienne,la grande presse dela publicité, attribuela puissancede départir sinon l'immortalité au moinsla célébritéet la vogue. Je souhaite qu'ils veuillent, pour cette fois, présenter au public la Vérité,et,si messouhaitssont exaucés, je jouirai de la douce satisfactiond'avoirprocuré à l'artiste modestequi selance peut-êtredans'la carrière, les encouragementsdont il est digne, la justice:qui lui est due. S, (Lasuiteà unautrenuméro.)


L'HARMONIE

DES PASSIONS

HUMAINES,

BAS-RELIEF DU FRONTONDU THEATREDE LAMONNAIE A BRUXELLES, PAR M. EUGENESIMONIS. Le bas-relief de M. Simonis au fronton du théâtre de la Monnaie ayantéchappéà l'incendiedu 21 janvier1855, l'administrationdela ville de Bruxelles a décidé qu'il serait conservédans la reconstructionde l'édifice. On dit que M. Simonis,avecune générositéde caractèreet une consciencede la perfectibilitédu talent, qui méritent des éloges,avait engagé le Conseil communalà ne point respecter son oeuvreet qu'il s'était offertà la recommencer,promettant de-faire mieux.Ce désir si honorable du statuaire nous met à l'aise pour examinerle bas-relief qu'unecritique, trop enthousiaste, a loué sans aucune réserve, lors de son apparition. L'harmoniedes passionshumaines! quel vaste sujet, quelle profonde synthèse! Les passionssont, sans contredit, ce qu'ily a de plus sublime dans l'homme,et commele ressort de l'humanité;facultés créatrices,qui nouspermettentd'atteindreà toutes les gloires, à touteslesvertus; forces destructrices, fléaux de la vie morale et de la société lorsquelles sont abandonnéesaux aiguillons du mal, ou détournéesdu but par l'erreur! Voyantleur puissancesubversive, les esprits étroits les condamnentet veulentles étoufferdans l'homme.Maisest-ce pour l'abus que la forcea étécréée?autantvaudraitcondamnerle genrehumainà la mort en voyant les hommesabuser trop souventdela vie.Non, les passionsne sont pas mauvaisesen elles-mêmes; harmonisées par le génie du beau dans le drame ou l'épopée,sur la toile ou dans le marbre, ellesconstituentl'art; dirigées vers le progrès, harmoniséesdans les sociétéspar le géniedu bien, ellessont le principal élémentde la civilisation. Maiscetteidéede l'harmoniedespassions,idée trop abstraite,.troppeu répandue, reléguéedans les sphères de l'esthétiqueet de la philosophie, n'était pas propre sans douteà être traduite en sculpture. Le frontondu théâtre de la Monnaiene représente ni les passions, ni leur harmonie. Ce titre prépare à tout autre chose; il donne des exigences; il fait construire à chacun tout un poëme; arrivé en face de l'oeuvre,on ne


L'HARMONIE DESPASSIONSHUMAINES. 381 trouveni le poèmequ'on avait rêvé, ce qui n'est pas un mal, ni le sujet indiqué par l'auteur. L'effetest manqué, et les véritables beautés du bas-reliefen souffrent. Un journal a comparéle sujet du frontonavecceluidu derniertableau deM. Wiertz: La Puissancehumaine;M. Wiertz, voyantles hommesemprunter à la vapeurune force infinie,fairedusoleilun peintre,de la foudre un flambeau,un courrier, un mouleuret un doreur de métaux, s'est dit : La puissance humainen'a pas delimites; elle atteindra jusqu'aux astres. Acceptezl'idéeet regardez le tableau: au premiercoup d'oeiltout est compris:un grouped'hommeset defemmesmontentdans l'espacevers les astres, aveclesquels un enfantjoue déjà, au grand étonnementde vieillardsque des jeunes fillessemblentinitier à cette nouvellepuissance du génie humain;un groupe suffit; celaest clair et simple : les hommes deviennentmaîtres de l'espacecéleste. L'idée peut être débattue, si l'on veut, et considéréecomme en dehors du possible, dans la sphère des rêves,portée à l'absolu; mais la mise en scèneest une, complète,saisissante,humaine,positive: la pensée du peintrevit sur la toile. Cetteunité, cetteclarté d'expression,cetteincarnationtoute matérielle de la pensée est la- première conditionde toute oeuvred'art plastique. Trouve-t-onces qualités dans le fronton intitulé : l'Harmoniedes passions humaines?Pas complètementdu moins. Où sont les passions humaines? oùvoit-on ce qui les harmonise? où lesvoit-onharmonisées? Cetitre est évidemmentmalheureux. Après la clarté du sujet, une autre règle de la compositionest l'ordonnance,l'enchaînement,la fusion,pour ainsi dire, des figuresvariées de poses et d'expression, sans lacune dans la ligne générale, sans vide dans les transitions, sans pièces ni morceaux; une harmonie d'ensemble,qui laissecirculerl'air librementet largemententre lesmoindres figuresdétachées du cadre, et qui les relie commesi elles vivaientdu même.souffle. Lesbas-reliefsantiquesne manquentjamaisà cesrègles.Les artistes y évitaientmêmel'allégorie,pour être plus clairs ; ils empruntaientgénéralementà la mythologie,ou aux grands poètes, des sujets bien connus; ils représentaientune marche triomphalede guerriers ou de vainqueurs des jeux olympiques, le sommeild'Endymion,la victoirede Persée, la querelled'Agamemnonet d'Achille,etc. — une ode de Pindare ou une scèned'Homère. Ces deux premières règles de la compositionsont les mêmespour la peinture. Si, à côté de l'antiquité, M. Simonisvoulait étudier l'art moderne, si des sculpteurs commeMichel-Angene suffisaientpas, il pouvaitconsulter les grands peintres, et surtout Raphaël,dont les qualités, idéales,harmonieuses,sobreset contenues,se rapprochenttant du génie de la statuaire. Il y a, à Florence, une madonede Michel-Ange , seule25


HUMAINES: 382 L'HARMONIE DESPASSIONS ment ébauchéedansle marbre: on y voit encoreles lignes de l'équarrissagedu médaillon; maisle styleest sublime,et ce n'est pas une des moins bellesoeuvresoù Michel-Angea jeté son génie. Les Sibyllesde Raphaël feraientun des plus magnifiquesbas-reliefs qu'on pût imaginer. Soncadre, autour d'Unplein-cintre, étaitbien plus gênant qu'un frontontriangulaire; cependant,commeil l'a rempli avec harmonie,et aveccette majesté sereine,idéale,qui convientsurtout à la sculpture!Commetoutesles figurés se détachentà la fois et se lient entre elles! Commeles poses sont variées, personnelles, et en même tempsconformesà l'unité d'attitude générale!Commeles figuresaccessoiresont bien leur vie propre, leur raison d'être dans le sujet, et commeelles concourentà formerde l'ensembleuntout harmonieux! Cettescienceet cettegrandeur de composition,onne doit pas trop l'attendre du sculpteur habitué à faire des statues isolées, rarement des groupes,plus rarementdes bas-reliefs.M.Simonisa lutté detoutes ses forces contre ces habitudesde son art; onvoit qu'il connaîtla règle; il chercheà la suivre, et il y parvient quelquefois, entre autres dans le groupede l'angledufrontonà droite, où se trouvel'Espérance.Maistantôt il laisseun trop grand vide-,commeautour du groupecentral, d'un côté entrel'Amouret lePoëmeépique,de l'autrecôtéentre la Poésiepastorale et la figuredebout,le pied levé, qu'ilappellela Volupté, et que nous aurions plutôtappeléela Grâce,ou la Coquetterie.-Tantôtil n'ose pas assez etne réussit qu'àdemi,commedansla figuredela Discorde,dont lesailes nous semblenttrop effacéesdansle secondplan pour suffireà la continua de lignesqu'ellescherchent à établir. Les cinq figuresdu centre sont sans contredit, les mieuxgroupées; mais elles sont isoléesdu reste, commenous l'avons dit,, et, de plus tous les torses nous semblentplacésd'unemanièretrop uniforme: indistinctement, que la figuresoit assise ou debout, vuede faceou de côté,, ils affectentune ligne droite, perpendiculaireà la base dufronton; cependantle premierélémentdel'harmonien'est-il pas la variété? Un compte-renduspécial, parfaitementécrit par M. Van Bemmel, pour accompagnerla gravure du bas-relief,explique comment,par une finessede l'art, les proportionsde ces cinqfiguressont légèrementaugmentées: « cequi contribue;ajoutel'auteur, à leur noblesse, à leur majesté, à leur caractère héroïque. » Cettecontraventionau vrai peut être justifiablesans doute,et l'Apollondu Belvédèreenoffreun exemple,même dans une statue; mais était-elle biennécessaireici? Ce n'est pas seulement dans la disproportiondes figures,simpleficelleaujourd'hui, c'est dans l'expressiondela tête, dans la pose du corps, dans le styledes draperies, que le sculpteur trouve la grandeur et la.noblessehéroïque. La figure représentantl'Épopée.aurait eu son beau caractère sans cela, tandis que la figure centrale,l'Harmonie,ne paraît pas y avoir gagné:


DESPASSIONS HUMAINES. L'HARMONIE 383 sans sans la taille ne à rien. pose grandeur, draperies style, supplée M.Simonisa, d'ailleurs, montréde nouveau,dansles détailsdufronton, toutesses qualitéspratiques,bienconnues.Le savantsculpteura conquis depuislongtempsune placeélevée dans l'art, et tout le mondeapprécie l'habiletéde ciseau, la touche délicate,le sentimentvrai, le modelésûr, qui lui ont valu de nombreuxsuccèsdans le genre. Oneût désiré toutefoisqu'en abordant le haut style, il agrandît encoreune réputationbien méritée.A notre avis, il n'a fait que la maintenir.Ce style nouveauet difficiledemandaitun grand progrès, et l'artiste est resté le même. L'habilesculpteura mis debonnesstatues dans sonbas-rélief,commeVoltaire mettaitde bellestirades dans ses poëmes; M.VanBemmelappelle bien justementle frontonun poëméépique, mais M.Simonisn'a point faitune Iliade,ou une Enéide; sonbas-reliefn'est qu'uneHenriade,avec cette différenceencore que la Henriadeest un poèmebien nommé, tandis qu'on devraitdébaptiserl'Harmoniedes passionshumaines.Le titrede moins,le frontonaurait beaucoup d'admirateursde plus. A tout prendre cependant, il y a un mériteréel à aborder des sujets aussi élevés,à imposerà son art desidées philosophiques.On gagnetoujours à se mesureravecles grandes choses.M. Simonisn'a pas réussià sculpter complètementdans la pierre l'harmoniedes passions. Maislui et M. Van Bemmelauront jeté cette idée dans le domaine artistique. Le concoursresté ouvert, et si ce sujet n'est pas trop abstrait pour la sculpture, peut-être un grand artiste se l'appropriera et donnera un chef-d'oeuvreà la Belgique.M. Simonis, en manifestantson désir de recommencerson oeuvre,a montré qu'il pouvaitêtre cet artiste. CH.POTVIN. .


BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE.

DE L'AMATEUR MANUEL D'ESTAMPES, par M. Ch. Le Blanc. (Paris, P. Jannet.) —Nousavons sous les yeux la 6elivraison, récemmentmise au jour, de cet importantouvrage; elle comprendles articlesqui s'étendent entre le nom de Durer et celui de Greuter.Le soin avec lequel M, Le Blanc exécute le travail qu'il s'est imposérend son ouvrageplus précieuxpour les iconophiles;nul ouvragefrançais ne contientenmoins de place une plus grande masse de renseignementsexacts et utiles; ce, Manuel mérite, en son genre, d'être placé à côté de celui que M. J. Ch. Brunet a consacré à la bibliographieet dont le succèsa été européen. Gommeil est impossibledetout dire et de tout connaître,personnene s'étonnerasi quelqueslacunesse sont glisséesdans letravail de M.Ch.Le Blanc; il nous permettrade lui soumettre,à cet égard, de courtesobservations. Elluin, qui vivaità la fin du siècle dernier et au commencementde celui-ci, figure au Manuel pour six gravures; mais, si nous ne nous trompons, il en a produit bien d'autres qu'on ne peut guère, il est vrai, étaleren public, mais dont un iconographe,auquel rienne doit échapper, est tenu de connaîtrel'existence.N'est-ce pas Elluin qui prêta son burin pour orner de figures, bien exécutéesd'ailleurs, mais beaucouptrop libres, divers ouvrageserotiques que la licencede la presse multiplia à l'époquedu Directoire?Un cataloguecurieux,impriméà cette époque, celui des livres du citoyenDuprat, le désigne,sans nul mystère, comme ayantgravéles estampesqui accompagnentJeanned'Arc,les Pots-pourris, Félicia, la F.....manie, Aloysia,l'Aretin, Fanny, Thérèseet Saturnin, tous livrestrop connuset dont nous nous abstiendronsde parler. M.Le Blancaurait fait, nous le croyons, plaisir aux amateurs endonnant un peu plus de développementà l'article qu'il consacre à Francisco Goya, à cet artiste espagnol si plein de verve et d'originalité.La liste qu'il donnedel'oeuvrede ce maîtreremarquablen'est pas aussi complète, il s'en faut, que celle qui fut publiée à Paris, en 1842, dans un journalqui a cesséd'exister. Nousne rencontronschezM.Le Blancni le portrait de PhilippeIII, gravéd'aprèsVelasquez,ni un infantd'Espagne, d'après le mêmepeintre (jeune hommevêtude noir, un fusilà la main, un chien à ses pieds), ni le portrait, toujours d'après Velasquez,d'un AfricainnomméBarbarroxa.C'estaussi d'aprèsVelasquezque Goyaavait


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 385 de à entrepris graver l'eau-fortele tableauoù ce maître s'est représenté faisantle portrait de l'infante dona Margarita; il brisa la planche, ne Onne connaît, pouvantsoutenirà son gré sa lutte contrece chef-d'oeuvre. dit-on, que trois épreuvesde cette estampe. Nouscherchonsaussi en vain dansle Manuelde M.Le Blancl'indicationdes 35 planches gravées à l'eau-forteet représentantdesscènesde tauromaquia;nous n'y rencontrons pas les Scènesd'invasion,dont on a décrit20 planches,mais qui se composentsans douted'un plus grand nombre.Les Caprichos(1), ces étincelantescaricatures,endisentplus sur l'Espagneque tous les voyageurs; elles sont bien ce qu'aurait faitRabelais s'il avaitmaniéle crayon,un Rabelaisespagnolbien entendu,sérieux et dont la plaisanteriefait frémir; les Caprichosauraientmérité deuxou trois lignes. On pourrait ajouter qu'à Paris ils se sont payés 150 et 1.30francs, aux ventesSampayoet Saint-Morys. A l'égard du graveur Grateloup,amateur si distingué, M. Le Blanc n'ometaucun des neuf portraits qui composent,ce-noussemble,l'oeuvre entier de cet artiste, mort en 1817, à ce que nous croyons,et non en 1815, mais il aurait pu ajouter que le portrait de Cornélie, d'après Ch. Coypel,est celuidemademoiselleLe Couvreur(2). M.Le Blancénumère175 portraitsgravéspar Fiquet; desdétailsassez curieux sur quelques-unsd'entre eux se rencontrent dans l'ouvragede M. Renouard,que nous citonsen note,et commece catalogue,n'est guère feuilletéque par un petit nombre de bibliophiles,commeles artistes ne songentpas à le parcourir, nous allons les indiquer ici. Le portrait de Boileau,piècenon terminée,estd'uneraretéextrême;lé Bossuetne Testpas moins; Fiquet en tira quelquesépreuves,et il en employala plupartpour allumersa pipe. Ilavaitde l'humeurcontrece portrait et voulait n'en point laisser traces, parce qu'il en avait crevé la plancheà forcede refaireet d'effacer.Le Fénélon fut aussi mis hors de ca(1)M.LouisGintraca lithographié, pourl'Artiste,un desplus charmants Gautiera consacréà cepeintrequelques pricesdeGoya.M.Théophile pagesvivementécrites; ellesontétéinséréesdans l'Artiste,octobre1845,p. 113,et reproduitesà plusieursreprises.La RevueEncyclopédique, t.V, p. 329,avaitdéjà parléde Goya.Voiraussil'ouvragedeM.viardotsurles Musées d'Espagne. a unarticledansla Biographie ausupplément. M.Re(2)Grateloup UniverselU, nouards'exprime danslestermessuivantsà l'occasion de sesportraits: «Cesont » desgravurestoutà faitextraordinaires, faitesparun amateurquin'aimitéper«sonneet quenulnesera,jecrois,tentéd'imiter.C'estunemanièredelavis.exé« cutécependant ordinairesdela gravure,et parconséquent avec parles procédés « unepeineetunepatienceincroyables. De tellesplanchesétaientfortdifficiles à « imprimer;aussile graveurn'enconfiait-il et chaqueépreuve pointl'impression, «a étéfaitesousses yeux,souventmêmeparsesmains.» (Catalogue dela Bid'un amateur,1.1,p.338) bliothèque


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BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. mais d'une service, façon:un peu plus brusque.:Réparant ce portrait, déjà fatigué,et voulantavec raison lui donner plus de ressemblance,il s'impatientade ne point réussir à son gré, prit un clou et fit un grand trou au milieudu cuivre. Le portrait de madamede Maintenonest le chef-d'oeuvre de Fiquet; Plusieurs autres artistes dontM. CH.Le Blancenregistre les travaux dans:sa 6elivraison pourraient aussi provoquer de notre part quelques observations,mais il ne. saurait être questionde tout dire et nousfinissons, aujourd'hui du moins, en recommandantderechefà tous lesamateurs,d'estampesceManuel,qu'ils consulterontet feuilleterontsans cesse. GUSTAVE de Bordeaux. BRUNET, —HISTOIRE DEL'ABBAYE DESAINT-BAYON.ET DELACRYPTE DESAINT-JEAN, A GAND, par A. Van Lokeren,avec56 planches représentant des;plans d'architecture,vues:pittoresques,etc. (Gand,.1853, in-4°.de xvi, .257et 175pages.) —Avantageusementconnu déjàpar des noticesfortintéressantes sur plusieurs monumentset établissementsde la ville de Gand, Arts, M.VanLokerencompte publiéesdansleMessagerdesScienceset des désormaisparmi les archéologueslesplus érudits etles plus judicieux(1). L'excellentouvragedont nous venonsde transcrirele titre est sanscontredit une des meilleures,sinonla meilleuredes monographieshistoricoqui aient vule jourjusqu'ici.Nousvoudrionspouvoirdon-archéologiques ner une analysecomplète de ce savant travail, mais,lelivre;de'M;Van Lokerenest tellementremplidefaits variés-histoire, géographiearchéologie, droit-ecclésiastiqueet civil du moyen-âge,— qu'il échappepour ainsi dire à toute analyse.Nousdevonsdoncnous borner à une simple indicationde son contenuet à en signalerquelquespoints principaux. Dansune,savanteintroduction,M. VanLokerendonne l'historique et , un inventaire, fait avec beaucoupde soin et d'exactitude,des anciennes archivesde l'abbayede Saint-Bavon,conservéesaujourd'huien partie au dépôt.desArchives,provincialesde la Flandre orientale, et en partie au dépôt.des Archivesde la cathédrale Non-seulementl'histoire de:l'abbayeprésente, dans le plus grand détail, la relation,raisonnée,et critique de tous les événementsdont ce célèbre établissementreligieuxfut le théâtre depuisson origineau VIIesiècle jusqu'à sa déstructionpar Charles-Quint,la descriptionarchitectonique de sesnombreuxbâtimentset de leurs ruines, —les plus ancienneset les plus curieusesqui existentaujourd'huienBelgique, ainsique des églises filialesdu monastère, descriptionsaccompagnéesde recherches pleines (1) M.VanLokerenestnon-seulement archéologue,maisencorearchéologuearchitecte forthabile.Lecharmant hospicede styleogival,bâti d'aprèssesdessins, prèsdela Coupure, prouvesontalentsouscerapport.


387 BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE d'éruditionet de sagacité sur les dates de leur constructionet reconstruction, — mais on y trouve encore, à chaque pas, des donnéesprécieusessur l'anciennetopographiede la Flandre, sur le gouvernementet la législation de la féodalité,et sur de nombreusesquestionsde notre histoire au moyen-âge, Ainsi, M. VanLokeren entre, en matière par une description;de.l'état de la Flandre,et de ses.sauvageshabitants au VIIesiècle(l); il réfute l'opinionqui attribueune origineromaineà l'ancienCastum deGand;puis il trace lacirconscription du pagus gandavensis, mentionnépour la premièrefoisdans la légendede saintAniand,etil donnel'histoirede l'introductiondu christianismedansla/Flandre;il faitconnaîtrela véritable,originede Heerheim,souchede la communede Gand, dont on a voulufaire un campromain,et qui nefut fondéqu'au (dansla Belgique,monumentale) commencement duxe-sièclepar.lecomteArnouldle Grandeil prouveégalement que c'étaitlà que setrouvaitle Castrum,etnon près de l'abbayede Saint-Bavon, A proposdelafondationde l'abbaye,en631 M.VanLokerense livreàune longueet curieusedigressionsur la formeet l'architecturedes premiers monastères.ll regarde, commedatant de cette époque même,une partie des ruinesactuelles.Nous avoueronsque cette assertion nous paraît un peu hasardée; eneffet,les bâtimentsclaustrauxfurent entièrementdétruits par-unincendieen 815.Reconstruitspar les abbésBridoet Eginhard,ils subirentun sort pareilen 851, lorsque,de l'aveude l'auteur,les;Normands n'y laissèrentdebout que quelquespans de murs, Les moinesfugitifsne revinrentde leur retraiteet nerebâtirentleur monastèrequequatre-vingtquatorzeans après. Les parties les plus anciennesde ce monumentne semblentdonc pas remonterau delà,du milieudu Xe siècle (2). On lira aussi avec fruit et plaisir les détails dans lesquels M.Van saufence quiconcerne le druidisme, (1) Cetableauestd'unegrandeexactitude, quel'auteurprétendavoirétéencoredanstoutesa puissanceenFlandreautemps de saintAmand.. C'étaitl'odruismequiy dominaitalorsexclusivement et depuis longtemps.. (2) LorsqueM VanLokerenparledela grandepopulation qu'auraiteule pagus au,VIIesiècle,il nousparaitêtre aussiun peuten contradiction gandavum avecce qu'ildit,quelques pagesplushaut,,del'étatdésertet incultede laFlandredansle mêmesiècle «Acetteépoque,avance-t-il dansle premierpassage,touslesvillages laFlandreetl'ancienBrabantexistaient quicouvrentaujourd'hui déjà.Deschartes du IXeet duXesiècleenfontmention.»Lesnomsde beaucoup de nosvillages actuelsse lisent,il estvrai,dansdesactestrès-anciens,maisceslocalitésn'y figurent généralement que commede simplesvillae,quine se composaient guèreque d'uneseulefermeouchaumière. Il n'y a doncaucunepreuveà tirerde cesfaitsen faveurdela population de laFlandreet duBrabant,où, d'ailleurs,aucunevillede nes'élevaavantle XIesiècle. quelqueimportance


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BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. Lokerenentre, à la page27, sur le gouvernementdesanciensmonastères, et, à la page 52, sur le droitféodalpublicet privé. Dans la partie purement archéologique de l'ouvrage, nous avons surtout remarquél'histoire et la description, pleines de faits et de vues neuves, de la cryptebâtie par l'abbéGérarden 946; cellesde l'églisede Houthem-Saint-Liévin,dontM. VanLokerenfait remonterà l'ère carlovingiennelesconstructionsles plus anciennes,-formant jadis le martyrium oulieu de dépôtdes reliquesde saint Liévin; cellesde la cryptede SainteMarieet des curieuxtombeauxqui y ont été découvertsen1845 ; et celles de la chapellesi curieuse de Saint-Macaire,que M. VanLokerensignale commeleseul type du style réellementbyzantinencoreexistanten Belgique; il la croitbâtie par l'abbéErembold, entre les années998et 1017, et il est d'avisqu'elle servit primitivementde baptistère. La vaste crypte de l'église cathédraledeSaint-Bavonest un édifice-non moins remarquablepar la singularitéde son architectureromane et ogivale que par ses dimensions.Rien de plus bizarre que la manièredont s'enchevêtrentet se raccordentses différentesparties, de formessi dissemblables il a fallu toutel'éruditionet toute la sagacitéde l'auteur pour reconstituerle planprimitifdu monument,et celuide ses agrandissements successifs. L'histoirede l'abbayede Saint-Bavonest suivied'uneanalysedes chartes et documentsdu monastère, travail historique d'une grandeimportance, et qui occupepresque la moitiédu volume. Lestrente-sixgrandesplanchesqui enrichissentl'ouvrageont été gravées sur les propres dessinsde M. VanLokeren.Elles reproduisentles monumentsavec cette fidélité,cette intelligencedu sujet, qui, dans les productionsiconographiquesde cette nature, sont des qualitéspeu communeschezles dessinateursarchéologues. A. G. B. SCHAYES. — La deuxièmelivraison(pour l'année 1855)du Messagerdessciences de Belgique,publiéà Gand,vient historiquesdesarts et de la bibliographie de paraître. Elle contient, entre autres articles intéressants, une précieuserécoltede documentsintitulés: Archivesdes arts, des scienceset des lettres,par notre savant collaborateur,M.A. Pinchard. Une planche coloriée,accompagnantce travail, reproduit trois petits sceauxqui appartiennent à des orfèvresdu xivesiècle.Voicila descriptionqu'en donne M.Pinchard : « Destrois petits sceauxqui figurent,sur la même plancheque ceux que nous venonsde décrire, deux appartiennentà Jeandu Vivier,qui se qualifie, en 1374, d'orfèvreet Valetde chambre de Charles V, roi de France, titre que possédait, de 1369à 1373, Jean de Heckensele,dont l'originenous paraît toute flamande.Le plus ancien, celuidont il se sert


BULLETINBIBLIOGRAPHIQUE. 389 pour scellerun acte de l'année 1374, nous sembleêtre une intaille antique, enchâsséedans une bague et entouréed'une bordure en or sur laquelle il a gravé son nom : S. San. du Vivier.Il emploiele second en 1379; c'est évidemmentencore une intaille antique qui servait de chatonà une autre bague. « Le dernierde ces trois sceauxest celuide JeanVander Rosen oude la Rose, orfèvrede Bruxelles,outout au moins d'originebruxelloise(1), établià Paris, dont il se dit bourgeois, sousle règne de CharlesV, roi de France. Les prêts qu'il fità Wenceslaset à Jeanne témoignentde son état de fortune, et les nombreusespièces d'orfévreriequ'il livra à ces princes prouvent qu'il s'était acquis une brillante réputation. C'est un chef-d'oeuvrede gravure et de grâce, et dont notre orfèvreest sans nul doutel'auteur. Ce petit sceau représenteune rose, par allusionau nom de l'artiste, entouréed'ornementsde la plus grandefinesseet du meilleur goût, et de cette légende: S'. JOHANESDE ROSA,» F. D. — Le défaut d'espace nous empêchede publier la liste des ouvrages d'art, parus en 1855. Nousla donneronscomplèteà la finde la prochaine livraison,qui sera là 6edela Revue,et qui compléterale premiervolume. (1) En 1375,vivaientdanscettevilleJacquesetWalterVander Rosen,qui faisaientpartiedulignagepatriciendeSerhuyghs.Cettefamilleparaitavoirpris sonnomd'unehabitationappeléela Rose, situéesur le Marché,aujourd'hui habitationquepossédait VanderRosen, Grand'Place, encore,en 1432,Catherine femmede Melchiord'Arquennes. WalterVander Rosen,qui fut échevinde en 1336,portaitpourarmoiries,un écude gueules,billetéd'orà trois Bruxelles, lisde même,cantonnéà dextred'orà troismailletsde gueules.(Voy. A.HENNE et A.WAUTERS, Hist.de Bruxelles,t. II.)


CHRONIQUE, DOCUMENTS,FAITS DIVERS. dela rueRivoli.— M.Thierset les copiesdes L'Églisede Hal.— LeMéridien anciensmaîtres.—Le Muséed'Amerre.—Untombeau de peintre.—,Suzanne — Nécroloet les vieillards.— Photographies de Cologne. de la Cathédrale gie,.etc. II y a dans:l'églisede Hal un monumentde sculpture dont nous ne sachons pas qu'onait parlé nulle part, et qui mérite pourtant l'admirationdesartistes etdes archéologues.C'estun retableen albâtre, plaqué au fonddu maître-autel,et écrasépar les affreusesdécorationsen styledu XVIIIe siècle,qui ont dénaturétout le fond du choeur.Ce retable, sorte de monumentà plusieursétages, et couronnépar une tourelle délicatement fouillée et ciselée, commetous,les motifsarchitectoniquesqui encadrent les bas-reliefs, est un travail (deia plus belle époquedu xviesiècle.Les bas-reliefsreprésententune successionde scènesreligieuses, et, dansle haut, sur des corniches, se détachentplusieurs figuresen ronde-bosse, les quatreEvangélistesentre autres. L'entouragedesbas-reliefsoffredes arabesquesd'une finesse exquise. Nous recommandonscette sculpture aux nombreuxvisiteursde Notre-Damede Hal,qui renfermeaussi, comme on sait, des fonts en bronze, dé style ogival, «les plus remarquables detous ceux quepossède la Belgique(M.Schayes Histoirede l'archiïecture, t. 2, p. -131),et portant la date de1444 dans une inscriptionainsi conçue: « Ces fonts fist Willaume le Feure, fondeur à Tournay, l'an mil » CCCCXLVIX. — Dans la nouvellerue de Rivoli,plus d'une maisons'est décoréede sculptures.A l'une, entre deux des fenêtresdu premierétage,une jeune fillemontre un méridien,et, à côté d'elle, un jeune garçon, en courte chemiseet les cheveux crêpés,porte une horloge.Au-dessus, à l'étage supérieur, se voit une figuredu Midi,de face, et la moinsheureuse. Maisle groupeque nous avons dit, et qui sembleimitéde Goujon,les figuresdu Matinet du Soir sont agréableset formentune intéressante décorationsur laquellenous laisseronsla parole à l'affichesuivante,qui estencoreplacardéesur la boutiqueinachevée,et que nous avons copiée fidèlement.C'estun feuilletcurieuxde l'histoiredes rues de Paris, et ce méridien,cette explicationaussi compliquéeque cellesdes sculpturesde


ETC. 391 CHRONIQUE, la porte Saint-Denispar l'excellentGuilletde, Saint-Georges;se sentent assezdu tempspassépour mériter qu'onen conservele souvenir « MÉRIDIEN DE LARUEDERIVOLI,n°. 122. Verainiuere,médiasequere. le Tempsvrai, maissuis le Tempsmoyen... Contemple (ou,par un doublesens moral)Connaisla vérité, maisgarde en toutes chosesun juste milieu... La deviselatinea donnéà l'artiste le sujet desa composition: Deuxgénies : — Le Tempsvrai; une jeune fille, tenantune palmeet un livre, présente au soleille miroir de la Véritépoury marquer le chiffré dumidi vrai; — le Tempsmoyen;un jeune garçonsemblese détacherde sa compagne,et s'éloigne,portant dans sesbras une horloge réglée sur le tempsmoyen.À sa main droiteest suspenduun fil à plomb,emblème et attribut dela Modération. Trois autres figures allégoriques: —'L'Aurore,écartant le voiledé la nuit, et versantla roséesur la terre. A ses côtés, une hirondelleprend son vol matinal; — le Midi,portant un flambeauallumé et des flèches, imagedes rayons du soleil; — le Soir, soutenantune couronned'étoiles. Unechauve-souriss'échappedes plis de la draperie. Enfin, le Verseauet le Capricorne,signes de janvier et de décembre, représententle commencementet la finde l'année, dans des médaillons surmontésdu lézard, ami du soleil. 63 degrés, 50 minutes, 32 secondesformentl'angle exactde la méridiennede Paris avecla maisondu Méridienet l'axe de la Ruéde Rivoli. MM. T. Labrouste, architecte, Th. Gruyère, sculpteur, A. Leloir, entrepreneur.— 1855. Ch. Lahure, imprimeurdu Sénatet de la Cour de Cassation, rue de Vaugirard,9. » — Un desministres du gouvernementde Juillet, M.Thiers, avait eu la bonne idée de réunir à Paris les copies des principauxtableaux de toutes les écoles, conservés dans les musées ou les monumentsde l'étranger. C'est ainsi que Sigalon a fait l'excellentecopie du Jugement dernier,de Michel-Ange,installéeaujourd'hui à l'Écoledes Reaux-rArts. Il serait, en effet, bien intéressant pour la France d'avoir des reproductions, aussi exactes que possible, de tant de chefs-d'oeuvreque les artistes n'ont pas toujours le moyend'aller voir à des distances loinlaines.Quelleexcellenteadjonctionau MuséeduLouvreseraitune galerie oùl'onverrait rapprochésles fac-similéde la Transfiguration, de Raphaël, de l'Assomption,du Titien, du Saint Jérôme, du Corrége, dela Descente de croix, de Rubens, de la Ronde de nuit, de Rembrandt, du grand


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ETC. CHRONIQUE, Taureau, de Paul Potter, de l'Agneau,desVan Eyck, de la Châsse, de Memling;oùtous les grands maîtresde toutes les écoles,AlbrechtDurer et Holbein,commeVelasquezet Murillo,seraient représentéschacun par son tableaucapital! Celamanqueau Louvre, et bien d'autres perfectionnementsencore,quoiquel'administrationde MVillotait déjà réaliséune série de réformesque la presse avaiten vain réclamées,pendantsi longtemps, sous l'anciennedirection. —Le muséed'Auxerres'est enrichid'un morceaude sculptureantique, fort remarquable,qui a été cité par nombred'antiquaires,,etqui se trouvait dessinédans le grand ouvrage de Montfaucon.C'est un cippe funéraire, carré, d'environ quatre pieds de haut et deux pieds de large sur chaqueface.Ausommetdela faceantérieureestune inscriptionportant: « D.M. (DiisManïbus)MONIMENTVM JUCHNDE JULIANI FILLE.» Sous cette inscriptionest sculptéeen reliefune figuredefemmetenant de sa maindroiteun pli de sa robe, et de la gauche une sorte de vaseau cou un peu allongé.Elle porte un collier. Montfaucondit qu'elle a l'air douxet modeste.Onne peutaujourd'huijuger de l'exactitudede cetteassertion quepar la pose dela tête qui est légèrementinclinée; car lesmutilations que la figure a reçues ontmalheureusementfait disparaître ses traits. Les piedsmanquent : ils étaientsculptéssur une secondepierre, qui formaiten mêmetemps le piédestal, et qui n'a jamais été retrouvée. Cemorceaua été découvert,en 1671, dans la cavede la maisond'un chanoineappeléHérard dela Châsse.Cettemaisonétaitsituéesurla place Saint-Étienne,au pied dela tour dela cathédrale.Elleétaitassise,comme toutes les maisonsde ce côté de la place, sur le mur gallo-romain,et c'est dans ce mur que le cippe,était incrusté. Le bon chanoine, se demandant quel était ce Julianus mentionnédans l'inscription, arriva à penser que ce devait être l'empereurJulien, et que le monumentétait celuide sa fille. Cetteopinioneut, pendant un temps, faveurà Auxerre, mais elleest aujourd'huià peu près abandonnée. M. Lepère, avocat, qui a donnéau muséed'Auxerrece précieuxdébris d'antiquité,y a joint deuxmorceauxde sculpturedu moyen-âge: —une statue de SainteBarbe,tenantune palmede la main gauche,etadosséeà une tour qui paraît êtreDUXVIe siècleet d'un assezbeau travail,maisquia été malheureusementdécapitée, sans doute lors de la prise d'Auxerre par les protestants en 1567; —et une-tête d'évêque,dontle marteau des iconoclastesa brisé la figure, mais dont la mitre, très-délicatement travaillée, est à peu près intacte. — L'Akbharraconte qu'en nivelantles sallesdestinéesà la collection des antiquitésdu Muséed'Alger, on a trouvéd'abord une petite tête en marbre,à figuregrotesque,surmontéed'unedoublepairede cornes.Quel-


ETC. 395 CHRONIQUE, en une se trouvait d'un élevée mètre quesjours après, déblayant piècequi environau-dessusdes autres, on a atteintune mosaïqueromaineen place, qui se compose d'une fractionde rosace dont les cubes sont d'un diamètreassezfort. Cettemosaïque,établieau-dessusd'une espècede blocage, reposait elle-mêmesur un sol plus ancien. Celui-ci,qui offreune surfacetrès-polie, estun cimentfait de débrisde poteries etde tuileaux. C'estune circonstanceassezbizarre que cettetrouvailled'antiquitésdans le localmêmedestinéà renfermerles collectionsarchéologiques. — Dansun livre fort rare et peu connu: Antiquitez,mémoireset observationsremarquablesd'épitaphes,tombeaux,colosses,obélisques,histoires, arcs triomphaux,oraisons, dictierset inscriptions,tant antiquesque modernes,veûeset annotéesen plusieursvilleset endroits, tant du royaumede France,duché et comtéde Bourgogne,Savoye, Piedmont,que d'Italie et d'Allemagne,par MePierre Le Monnier,notaireet bourgeoisde lavillede Lille en Flandre (Lille, de l'impr. de Christ. Beys,1614, p. in-8), nous trouvons (page40) cette descriptioncurieuse du tombeaud'un peintre, quel'auteur ne nommemalheureusementpas : « En l'Eglise de S: François à Chamberry: « Sousun peintrepeindantla Mort, tenant de la maingaucheunelanterne avecune chandellesans ardre, ayant à l'entourdubras un rolleau: iterummodicum,et tenant à la main dextreun compaspendant Modicum, la tête en bas, où est escrit : Sinemensurâ;lequelpeintreest tiré au naturelavecmanteauet espée, les pinceauxet couleursen la main, et aubas dudit tableau, sont ces vers : Utfaceremnihilestvobishacparlelimendum, Mortemegoconficiam. Namquepeniculo Nevobisnoceat,tradeturcopiaMortis Tardiset rudibus,vossinemortevolo.» — Dansla Noticedes tableauxexposésau Muséeimpérialdu Louvre, par FrédéricVillot,conservateurdes peintures,3e partie; Écolefrançaise, n° 352, page224, onlit : «La Viergeen pleurs. « Ce tableau, par ordre de l'Empereur,fut envoyé,le 4 avril 1854, à M.le comtede Bussel, capitainede frégate,pour qu'il lefît placer sur le vaisseauamiralde la flottede la Baltique. » Cetteviergede Mignardétaitautrefoisdans l'églisedes Jacobinsde la rue Saint-Honoré,à Paris, près du tombeaudel'auteur. Thierry, dansson Guidedesamateurs(1787,t. 1er,p. 452), dit : « La mère de douleur est le portrait de sa fille. » La fillede Pierre Mignardétait la comtessede Feuquières.


394 ETC. CHRONIQUE, — DansleLivresansnom(Paris, MichelBrunet,1695, in-12), attribué à Cotolendi on trouve une anecdote piquante relative au: Ricqui,sans douteAntonioRicci, dit Barbalunga,peintre italien, élèvedu Dominiquin, né à Messine,en 1600, et mort en 1619: « Parlons un peu de — Très-bien,luy repondis-je. Ricqui, dit Arlequin. Le connoissez-vous? — Sçavez-vous,reprit-il, la plaisanteriequ'il reponditil y.a cinq ou six mois, à Rome,à Ungentilhommequ'ilpeignoit,qui se faisoitde la maison Boromée?Ce gentilhommeavoit le nez grand, mais pas excessivement; cependantRicqui le luy allongeoittoujours dans son portrait. — SegnorRicqui,luy dit le gentilhomme,quelnasoè troppogrande.Ricqui, pour se moquerde sa vanitéde prétendresortir de la maisonBorromée — Quandopiu naso,luyrepondit-il,santopiu Borromeo. La réponsevaloit mieuxque le portrait : car il ne passepas pour un peintre excellent.» — Dans le compterendu de la vente de M; Hope il a été question d'uneF enbois sculpté,qui s'ouvrait.Ellea appartenu,au XVIIIe siècle,au bizarre collectionneurJamet, et l'on peut voirà propos decettesculpture deuxancienneslettres de l'abbéMercierde Saint-Légerdans l'Espritdes Journaux, février 1779,p. 240-245,et mai p. 245-249. — La Gazettedes Tribunauxa rapporté un singulier procès, qui, du tribunalde premièreinstance,est alléjusqu'en courimpériale.M. Gérôme avait fait le portrait d'une charmantedemoiselleDurand; mais celle-ci refusa de le recevoiret d'en payer le prix, alléguant qu'il n'était pas ressemblant.Il faut croire que M. Gérôme,qui est un peu mythologique, avaittransforméson modèleen quelquenymphede fantaisie.Les juges de premièreinstanceayant mis leurs lunettes, et singésansdoutela scène des Experts du tableau de M. Decamps, décidèrent que le portrait manquait, en effet, de ressemblance,« quoique ce fût assurémentune oeuvred'art pleine de charmeet de talent. » L'auteur du Combatde coqs ne se tint pas pour battu, et voulant sedéfendrejusqu'à la fin, du becet des ergots, il eh appela au tribunal supérieur. Naturellementles graves magistrats de la cour ont eu la curiosité de voiraussi la belleDurand. Confrontationdela demoiselleDurand et du portrait, dansle sanctuaire intime de la chambredu conseil. Aprèssérieux examen(Suzanneet les vieillards!) le premierjugementa été confirmé,à savoir que mademoiselle Durand était très-jolie, mais que son portrait ne lui ressemblait point, qu'ellepouvaitse dispenserd'en payer le prix, et qu'elle avait le droit d'enfairefaireun autre, la cour setenant toujoursà sa disposition, pour la confronterà toute peinture généralementquelconque,en cas de nouveaulitige. — Undes professeursde l'Universitéde Liège, M. A. Leroy, connu


395 CHRONIQUEETC. divers travaux et et sa collaboration au par historiques littéraires, par JournaldeLiège, a traduiten français le savantouvragedeM.J. Britton, de Londres, sur les Antiquitésarchitecturalesde la Normandie.D'excellentesnotes,du traducteur accompagnentle texte original, et une collection de plans et de vues architecturales, reproduits par un artiste liégeoisavecune exactitudeparfaite,complètentcette importantepublication.On sait que M. Britton occupe une place distinguéeparmi les archéologuesanglais, et que ses divers écrits ont contribuéà éclaircir l'histoire,de l'architecturereligieuseen Europe. —M.J. Franz Michiels,de Cologne,a entrepris une sériede planches photographiques,de grandedimension,qui aura beaucoupde succèsdans toute l'Europe.Là cathédralede Cologne(les Allemandsdisent,(for.Dom, quoiquece magnifiquemonumentn'ait, commeon sait, ni dôme,ni tours, Dompar extensionvoulant dire, cathédrale)a été prise sous tous ses aspectset dans ses détailsles plus importantspar l'habile photographe. Les autres édifices curieux de Cologne, diverses vues des bords du Rhin, des châteauxet ruines illustres qui se mirentdans le beau fleuve, font également'partie de:cette collection.M. Michielsest venu aussi jusqu'enBelgique,oùil a fixé quelquesimagestrès-pittoresquesdu beffroide Bruges, de Sainte-Gudulede Bruxelles,etc. Il s'est mêmerisqué à reproduiredes peintures,et il a parfaitementréussi pour un tableaude Memling,le Baptêmedu Christ.Cetteépreuve,d'un ton vigoureux,quoiqu'unpeu confuse,est unedes plus intéressantespour lesartistes. Quand pourrons-nousvoir reproduitspar la lumière,qui ne trompe point, les tableauxcélèbresdes diverses galeriesde l'Europe? C'estlà une entreprise que nous conseillonsà M. Michiels, à M. Blanquart Evrard, de Lille, et aux autres photographes,et qui serait extrêmementutile aux arts en mêmetempsque très-productive.pourles éditeurs. Que la Ronde de nuit, de Rembrandt, serait prestigieuse, si l'on arrivait à en obtenir une belle.épreuve!, La collectionde M. Michielsest éditée à Colognepar M. Franz Carl Eisen, et nous en avonsvu des exemplairesà Bruxelles,chezMM.Kiessling et Comp. — Un artiste polonais,qui:s'était fait, commeaquarelliste,une réputation en France, et mêmeen Europe, M. Pierre Michalowski,vient de mourir en Pologne.Né en 1804, dans la villelibre de Cracovie,il entra dans l'administrationdu prince Lubecki,ministredes financeset de l'industrie avant 1830. Après le désastre de Varsovie, il se réfugia en France, se lia intimementavecM. HoraceVernetet avec Charlet, et se mit à exécuter des dessins de chevauxet de scènes,militaires. Ces ouvrages,dont l'exécutionrappelait,le stylede Géricaultet la manièrede


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ETC. CHRONIQUE, et furent Charlet,eurent-du succès payésassez cher par les amateursde Paris et de Londres. En 1849, il acceptala dignitéde président du conseiladministratifde la ville et du district de Cracovie, et ne quitta ce poste d'honneurque peu de tempsavant sa mort, pour donner tous ses soinsà l'agriculture d'une des contrées les plus fertiles et les plus productivesdu monde. Grand artiste, éminent citoyen, sa vaste intelligencetouchait à tout et déposait sur toute choseune empreintede sa supériorité. II était gendre du généralAntoinecomteOstrowski,dernier présidentde la représentationnationalepolonaise. — JosephBarrois, né le22 février 1784, anciendéputé, estmort dans les environsde Lille, à là finde juillet. C'étaitun archéologuedistingué. Il avaitréuni une précieusecollectionde manuscrits,et il en avaitmême fait imprimerde remarquablesfac-simile. — Vieillevoye(Joseph-Barthélemy), peintre d'histoire, de genre et de directeurde l'Académie des à Liége, chevalierde Beaux-Arts, portrait, l'ordre Léopold,est mort à Liège,le50juillet 1853.Il étaitné à Verviers, le &février1798. On a de lui Têted'étudede vieillard.— EcceHomo. Agar dansle désert. — Descentede croix. —Pierre deBex en prison. —. Unescènedu sac de Liégepar Charlesle Hardi. — La mortde Laruelle (Salonde 1854), etc., etc. — Le29 juillet est mort à Anvers,âgé de 28 ans seulement,Heinrich AugustUelland,peintre, né à Bergenen Norwége. Il avaitfait ses études à Berlinet plus tard à Paris et à Anvers. Sa dernièreoeuvre,la Promenade,est exposéeà Paris dansle comparL timentréservéà la Scandinavie. — A la fin de juillet est mort aussi, à Louvain,un jeune sculpteurdistingué, M. G. Goyers. — La plupart,des villesde Belgiqueont successivementleurs expositionsd'art. L'expositiond'Ypresa étéouvertele5 août, et celled'Anvers le 12. Nous parlerons,dansnotre prochain numéro,de l'expositiond'Anvers, où beaucoupde peintres renommésont.envoyédestableaux.


HOUDON, SA VIE ET SES OUVRAGES. (FIN)(1) Nous avons déjà indiqué qu'au Salon de 1793 Houdon avait exposé le petit modèle de la statue de Washington, la petite Frileuse, la réduction de la Vestale; les bustes ne sont pas nombreux : l'un, en plâtre, était celui d'un enfant; l'autre, en bronze, était celui d'une femme; mais le temps était peu favorable pour se mettre en évidence. Au Salon de l'an III Houdon n'eut qu'un buste, celui de Barthélémy, l'auteur d'Anacharsis, et le modèle était digne de l'artiste : « Il semblait que la nature eût voulu assortir ses « formes et ses traits à ses moeurs et à ses occupations. Sa « figure avait un caractère antique, et son buste ne peut être bien « placé qu'entre ceux de Platon et d'Aristote. Il est l'ouvrage « d'une main habile (M. Houdon), qui a su mettre dans sa phy« sionomie un mélange de douceur, de simplicité, de bonhomie et « de grandeur, qui rendait pour ainsi dire visible l'âme de cet « homme rare (2). » Ces têtes de vieillards, amaigries, chauves,, érudites et souriantes, allaient admirablement à son talent. Enfin, il n'eut au Salon de l'an IVqu'une réduction de la Frileuse, et une terre-cuite du buste de M. de Pastoret, fait l'an 1er de la République. Mais cette année est marquée par deux événements d'un autre genre : l'un est la mort de la soeur de Houdon, plus jeune que lui de quelques années (3); l'autre est la vente (1) Voirla précédente livraison,n°5, août1855. (2)PageCXIdel'Élogedel'abbéBarthélémy parM;deMancini-Nivernois, prononcél'anni (1795)et réimprimé entête de l'éditionde ses OEuvresdiverses. Gueffler, 1823,in-8». filledeJacquesHoudonet de AnneRabache, (3) «Madeleine-Pélagie Houdon, mortele17germinal duRoulle, fauxbourg anIII(6 avril1795);elleétaitdomiciliée n°197,sectiondes Champs-Elysées. ElleétaitnativedeParis et âgéede49ans. LestémoinssontsonfrèreJ. Antoine,domicilié courduMuséum,etMichel Codel'HôteldevilledeParis. cliard,aîné,âgéde41 ans.»Archives 26


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HOUDON, publique faite par l'artiste, dans son atelier de la Bibliothèque, de treize figures, en bronze et en marbre, qui lui appartenaient encore, et des terres-cuites qui lui avaient servi de modèle pour un certain nombre de bustes exécutés par lui. La vente se fit le 16 vendémiaire an IV (jeudi 8 octobre 1795), et le catalogue, qui a été rédigé par Regnault de La Lande, et dont nous avons eu entre les mains l'exemplaire même envoyé au citoyen Joly, alors Garde des Estampes, est maintenant fort peu connu et très-rare (1); on en trouvera toutes les indications dans notre catalogue de l'oeuvre. Au premier abord, on aurait pu croire que cette vente devait avoir eu pour cause l'état de gêne où les événements révolutionnaires avaient réduit la plupart des artistes; mais il paraîtrait plutôt qu'elle fut la suite d'une discussion avec le conservateur de la Bibliothèque; cette discussion nous est révélée par la lettre suivante, qui a appartenu à M. Duchesne aîné, le conservateur du Cabinet des Estampes : AUCITOYEN DIRECTEUR DELABIBLIOTHÈQUE APARIS. NATIONALE, Paris,ce9thermidoran IV « CitoyenDirecteur,je reçois à l'instant votre lettre du 6 de ce mois; je suis loin de vousadresseraucunesréclamationssur l'arrétté qui m'ote monattellier;je n'aijamais fait autre choseque de demanderau ministre un autre local, et mon déménagementaux frais de la nation; jusqu'à ce que ces justes demandessoient accordées,je ne déménageraipoint, car je ne pourroisplacer mes ouvragesautre part que dans la rue. Maisce parti pris ne me mettra jamais dans le cas de m'opposer a ce que le (1) Voiciletitrecompletde cetteplaquette: « Cataloguede quelques tableaux,peintspar le Bourguignon, Oudry,Vanlo, « Robert,Vincent,Lagrenée,Mayeret autres...Statueset figuresde petites « proportions etbustesen bronze,enmarbreet enterrecuiteparle Cen Houdon. «Ondistinguedanscenombrela Diane,la Vestaleet la Frileuse,lesbustesde «Molière(iln'est pas au catalogue),Paul Jones,Buffon,Franklin,Voltaireet « Mirabeau, têtesd'amourset dejeunesfilles,etc.Vasesdevertantique, plusieurs «tableen acajouavectabletted'échantillon demarbreet pierredure,etc...duca«binetduCenHoudon,sculpteur,parF.-L.Regnault,dontlaventecommencera «le 16vendémiaire (jeudi8 octobre1793,vieuxstyle),etse ferademidià cinq « heuresdu soir, dansson atelierà la Bibliothèque Nationale,ruedela Loi,où «l'onverrales objetsqui le composent,les 14et 15, jours précédents,depuis « 10heuresdumatinjusqu'à2 heuresaprès-midi. AnIVedela République Fran« çaise.» In-8°de19pages,de l'imprimerie de Quillau.


SA VIE ET SES OUVRAGES. 390 Conservatoireuse de ses droits; si pour rentrer dans le lieu qui lui appartientet dont il a besoin, il est forcé de mettremeseffetsdehorsau risque mêmede les briser, j'aime mieuxque ce soit lui que moi qui se trouve obligéde faire une chosequi ne peutque m'être très pénible. « Croyezmoi, CitoyenDirecteur,avectoute l'estime qui est justement du et queje vous ai voué pour la vie. « Votreconcitoyen, « HOUDON.» A ce propos, qu'il nous soit permis de dire ici quelques mots sur les-différents logements de Houdon. Dans les Almanachs royaux, il est toujours indiqué comme demeurant à la Bibliothèque du Roi et au Roule, c'est-à-dire dans les ateliers de la ville. Ceux-ci, construits pour la-fonte de la statue équestre de Louis XV, et qui ont servi depuis à la fonte du Henri IV, de Lemot, se trouvaient au coin de la rue Balzac actuelle, et ils ont été abattus il y a environ six mois. Quant à son atelier de la Bibliothèque du Roi, la gravure à l'aquatinte, faite par Berthault, d'après un projet de l'architecte Bélanger, pour préserver la Bibliothèque des dangers du feu, en cas d'incendie de l'Opéra, alors sur la place Louvois, offre de la cour une coupe transversale qui est prise au milieu même de l'atelier de Houdon ; et un plan lavé de ce projet, qui est conservé au Cabinet des Estampes, dans la Topographie de Paris (rue de Richelieu, section de la Bibliothèque), nous en indique la place précise. C'était, au rez-de-chaussée, la grande salle qui ouvre sur la cour par trois portes-fenêtres auxquelles on monte par des marches, et qui se trouve précisément devant l'étage inférieur de la grande salle dite des Globes, dont elle est l'entrée. Si cette indication est exacte, on comprend de quelle servitude était pour la Bibliothèque l'occupation de cette communication par un atelier. Plus tard, et probablement dès lors, Houdon eut comme atelier la salle actuelle du Zodiaque, qui est immédiatement à côté, et il en conserva la jouissance jusqu'à sa mort. Nous ajouterons que, à partir du livret de 1793, il est indiqué comme demeurant dans la cour du Louvre, et, depuis le livret de l'an IX,à l'Institut, où nous le verrons mourir. C'est à l'an VIII qu'il faut rapporter les deux bustes faits par Houdon pour la Galerie des Consuls; nous en sommes sûrs par le récit suivant : « Le ministre de l'intérieur vient de charger vingt artistes


400 HOUDON « sculpteurs d'exécuter, pour la Galerie des Consuls, les bustes « des grands hommes qui doivent y trouver place. Le buste de « Brutus étant déjà fait, et le ministre ayant chargé le citoyen « Houdon de deux, de Washington et de Mirabeau, restait dix« neuf bustes que le ministre autorisait dix-neuf artistes à se dis« tribuer entre eux. Les citoyens assemblés, le citoyen Pajou père « a annoncé qu'il était chargé, ainsi que le citoyen Houdon, d'exé« cuter deux bustes, ceux de César et de Turenne, mais que, s'il « s'en tenait à la lettre du ministre, un des artistes présents serait « nécessairement privé du travail d'un de ces bustes ; en consé« quence, il a déclaré à ses collègues qu'il se désistait de la déci« sion du ministre en sa faveur, et que, des deux bustes, il les « priait de lui laisser celui de César à exécuter. Le désintéresse« ment du citoyen Pajou, homme aussi respectable par ses talents « que par ses qualités personnelles, a reçu le témoignage de la « plus vive gratitude de la part des artistes, qui lui ont donné à « l'unanimité le buste de César à faire (1). » Les bustes déjà faits par Houdon étaient : l'un, le buste de Washington, qui est à Versailles; et l'autre, celui de Mirabeau, qui est conservé au Louvre. Il n'est pas heureux, d'ailleurs, et si le buste que Houdon en avait fait, sur la demande des Amis de la Constitution, ne valait pas mieux, je conçois qu'on n'en ait pas été fort content et qu'on ait donné sa non-réussite comme une raison d'en venir à un concours. Celui du Louvre, qu'on reconnaît bien à sa dimension et à sa forme être celui de la Galerie des Consuls, est d'un travail commun, lourd et plutôt grossier que vigoureux ; le corps, coupé carrément et sans piédouche, offre une masse disgracieuse ; il y manque enfin cette touche de vie réelle, qui est le propre caractère de Houdon, et l'ensemble de l'ouvrage témoigne d'une main déjà vieillissante. Aux Salons de l'an vin (1800) et de l'an îx (1801), Houdon n'eut que des bustes, malheureusement sans indication au livret. En l'an x (1802), il en.avait six ; car son Saint Barthélémy devait être le portrait de quelque modèle; parmi les autres, on remarquait etdela littérature,in-8°,n°52.20germinal (1) Journaldesarts, dessciences anVIII(10avril1800),p. 10.LeJournaldeParis a répétécet articlele22 germinal,p.886,et l'afaitsuivredelalistedes19busteset dessculpteursauxquels ilsétaientéchus.


SA VIE ET SESOUVRAGES.

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ceux de Mentelle et de d'AIembert (1). Ce dernier, dont le modèle était mort en 1783, ne pouvait être qu'une répétition d'un buste plus ancien; les deux lettres suivantes prouvent peut-être que le buste original fut exécuté dès 1775. En effet, le 6 février 1776, Voltaire écrivait à son ami : « Je vous avertis, illustre secrétaire de notre Académie, que « M. Poncet, l'un des plus illustres sculpteurs de Rome (2), vient « enfin à Paris pour faire votre buste en marbre. Il s'est, en pas« sant, essayé sur moi pour en arriver jusqu'à vous par degrés. « Ce n'est pas un simple artiste qui copie la nature; c'est un " homme de génie qui donne la vie et la parole. Prêtez-lui votre « visage pour quelques heures, et conservez votre amitié pour « votre très-humble et très-obéissant serviteur et confrère. » D'AIembert lui répondit, le 26 mars : « Ce Poncet est venu « chez moi avec une lettre de vous. Je lui demandai quels étaient « les Italiens si jaloux d'avoir ma figure, qui désiraient que je me «soumisse encore à l'ennui de la faire modeler. Il m'a dit que « c était un secret. J'en ai conclu que ce grand sculpteur était « encore un plus grand hâbleur, et je l'ai remercié de sa bonne « volonté, en lui disant qu'un sculpteur célèbrede ce pays-ci venait «de faire mon buste, et qu'il pouvait le copier s'il le voulait. » Ce sculpteur célèbre est bien probablement Houdon. Il était étonnant, d'ailleurs, de ne pas trouver de trace d'un buste de d'AIembert fait par notre artiste, alors que nous savons que c'était d'AIembert qui avait fait faire à Houdon le Molière et le Voltaire, de l'Académie (3). (1) «Le citoyenHoudona exposéplusieurstrès-beaux portraits.Ceuxdel'abbé « Barthélémy et de d'AIembert sontd'uneressemblance parfaite.Il est probable «qu'illesa exécutéspourêtre placésà la Bibliothèque Nationale. Nousle dési«ronsdumoins.Il està souhaiterqueles portraitsdes hommescélèbresquiont «illustréla littératurefrançaisesoientplacésdans ce dépôtprécieux,demême «que l'onverraavecplaisir,dansla Galeriedu Musée,la bellesuitede ceuxdes «habilesartistesdontles productions et que le ministre,dans y sont exposées, «cettevue,vientdeconfierà plusieursstatuaireshabiles,s Journaldesarts, des sciences et dela littérature,n°240,50brumairean II p. 291. (2)Quidiablea jamaisentenduparlerdecet illustresculpteur? (5) Noussommessûrs,d'ailleurs,qu'ilyenavaitdéjàun defaitdès1784;carle


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HOUDON, En l'an xii, Houdon eut au Salon cinq bustes ; les deux plus intéressants sont celui de Fulton, l'inventeur du bateau à vapeur, et celui du maréchal Ney. Quoique le travail du buste de Fulton soit plus l'oeuvre du praticien que celle de l'artiste, ce portrait mériterait d'être retiré des magasins' du Louvre, où il reste inconnu, pour figurer au Musée de Versailles; il montrerait qu'on ne fut pas, de son temps, aussi insoucieux de la valeur de Fulton qu'on se plaît à le répéter. Le buste du maréchal Ney était fait pour la Salle des Maréchaux aux Tuileries; remarquons ici que, pour la même suite, Houdon a fait plus tard celui du maréchal Soult, dont le maréchal possédait l'original, comme répétition en marbre, qu'on a vue, en 1846, à l'exposition de la rue Saint-Lazare, et qui est sans doute maintenant entre les mains de ses fils. Au même Salon, Houdon exposa le modèle d'une grande statue, celle de Cicéron, qui devait être exécutée en marbre pour le sénat conservateur, et dont on voit encore un plâtre au bas de l'escalier qui mène à la salle de lecture à la Bibliothèque du-Roi; l'artiste a voulu représenter Cicéron au sénat romain, lorsque, s'adressant avec véhémence à Catilina, il s'écrie : Dusénatet deRomeil est tempsquetu sortes. La statue est debout, bien posée, mais un peu molle. La tête n'a pas le sentiment d'ardeur et de colère généreuse que demandait l'action. Houdon aurait mieux réussi en cherchant à ne rendre que le philosophe s'arrêtant sous l'empire dé sa méditation dans une de ses allées de Tusculum. Le parti des plis a été imité, par l'artiste, des statues d'Empereurs qu'il voyait au Musée des Arts, de celle de Tibère encore plus que de celle d'Auguste. C'est la disposition, le même parti de plis profonds et fouillés en cloche; tout l'ensemble est cependant un peu mou, et on le trouve maintenant plus qu'au moment où elle a paru; car cette statue fut honorée de la grande médaille de l'an XIII.. S U, Houdon, avant cette médaille, avait déjà été décoré de la croix JournaldeBachaumont, parlant(t.XXV,p.288)de l'Élogeded'Alembert queCondoreetlutà l'Académie desSciences,le21avril1784,ajoute: «M.Houdon,dont « le ciseauparaîtplusparticulièrement consacréà perpétuerl'imagedeshommes « célèbres, a faitprésentà l'Académie dubustedudéfunt.Onvenaitdele placer, a et c'estdevantcetteimagequeM.deCondorcet a fait fumersonencens.»


SA VIE ET SESOUVRAGES.

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de la Légion d'Honneur, dans la promotion du 26 frimaire an XIII (17 décembre 1804) (1), et, très-peu de temps après, par décret du 4 pluviôse an XIII (24 janvier 1805), M. Houdon, sculpteur « et membre de l'Institut National, est nommé professeur des "(écoles spéciales de peinture, sculpture et architecture, place « vacante par la mort de M. Jullien (2). » Nous sommes arrivés par là sous l'Empire, et Houdon ne pouvait manquer de faire, comme tous les sculpteurs de son temps, plus d'une représentation de la tête de l'Empereur. Houdon se doutait peu, quand, quelques années auparavant, il s'occupait d'un banquet en l'honneur de la prise de Toulon(3), que le jeune général serait plus tarda la tête de la France. Il avait déjà fait un buste de Bonaparte Premier Consul, et c'est de beaucoup le meilleur que Houdon ait fait. Bonaparte y a les cheveux courts, l'habit fermé, et le col montant et rabattu. Avec le portrait en pied d'Isabey, c'est la meilleure image qu'on ait du Premier Consul, et Tonen trouve assez fréquemment de charmantes réductions en biscuit, faites à Sèvres, où le modèle en existe peut-être encore. Le Musée de Versailles conserve un autre buste, mais cette fois de l'Empereur, en uniforme à revers; il est assez mou et terminé assez bizarrement; car le bas est rayé comme si ce fût du bois plutôt que du marbre. Nous connaissons, par une planche gravée au trait dans le Pausanias Français, deux bustes de l'Empereur et de Joséphine, exposés au Salon de 1806, et indiqués comme faits d'après nature; celui de l'Empereur est traité à l'Antique, mais paraît cependant un peu vide; celui de l'impératrice, au contraire, paraît avoir été singulièrement fin et joli. Les deux bustes de marbre, du Salon de 1808, sont probablement l'exécution de ceux du Salon de 1806. Enfin, à la vente faite après le (1) Fastesde la Légiond'Honneur,t IV, p. 109.L'articlesur Houdonest signé: TH. (2) Moniteur,anXIII,n° du 17pluviôse (6 février1805),p. 508. (3) Unautographe signé,au citoyenDubois,inspecteur généraldumobiliernadessectionsdu Mont-Blanc, dufautional,Paris, 10nivôse:" Descommissaires et Poissonnière, réunispourla fêted'aujourd'hui, sont venus bourgMontmartre hiersoir voirl'atelierdespeintrespourdisposer pourun banquetetunbalà l'occasiondela fêtepourla prisede Toulon.Il a représentéqu'ilpouvaity avoirdu deM. Cap......Juin1849,n° 371. dangerpourleleu. » Catalogue d'autographes


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HOUDON, il eut une terre-cuite d'Un buste en hermès et diadémé décès, y de Napoléon, modelé à Saint-Cloud, en 1806. « Ce buste pour « lequel, dit le catalogue, p. 12, l'artiste reçut beaucoup de « séances, passe avec raison pour celui de tous les portraits de «Napoléon, où sa physionomie est rendue avec le plus de « vérité (1). ». A ce moment, Houdon allait arriver à la vieillesse, et le temps des grands ouvrages publics allait passer pour lui, quand il eut une dernière occasion de faire une oeuvremonumentale. Pendant la réunion du camp près de Boulogne-sur-mer, l'armée expéditionnaire des côtes de l'Océan vota, par un ordre du jour en date du 1er vendémiaire an XIII (23 septembre 1804), l'érection, en l'honneur de Napoléon, d'une colonne, dont la première pierre fut posée deux mois après, le 18 brumaire (9 novembre 1804), par le maréchal Soult, commandant en chef (2). Houdon fut choisi pour la partie sculpturale, et nous ne pouvons être de l'avis de M. Quatremère de Quincy quand il dit, parlant de cette colonne, que, l'âge déjà avancé de Houdon ne lui permettant plus de prétendre aux grandes entreprises et aux plus hauts emplois de son art, si l'on se souvint de lui, ce ne fut que pour lui confier « un de ces ouvrages insignifiants pour« rait-on dire, et dont soit la nature soit la destination.n'exige du « statuaire qu'un bon contour et une masse pittoresque (3). » Pour n'avoir pas besoin, dans l'exécution, des finesses de détail nécessaires à une oeuvre qui doit être vue de près, une statue colossale, destinée à couronner un monument par une forme assez simple pour être comprise, assez belle pour être admirée, ne peut pas être regardée comme une oeuvre insignifiante et bonne à être confiée au hasard; bien plus d'artistes en sont incapables que d'une oeuvreà voir de près ; et si, comme cela est certain, réussir dans une pareille entreprise est une des plus grandes marques de force qu'on puisse donner — trop de tentatives malheureuses sont là pour le prouver, — c'est, par suite, pour un (1) La terre-cuitedu Napoléonen costumemilitaire,qui l'accompagnait, estprobablement cellede l'un des deuxbustesque nous avonsindiquésd'abord. commémorative dansle Magasinpittoresque,IXeannée, (2) Voyezl'inscription 1841,p. 179. (3) Notice,p. 400-401.


SA VIE ET SES OUVRAGES. 405 artiste de l'âge qu'avait alors Houdon, la marque qu'on ne tenait son talent ni vieilli ni impuissant, mais capable encore d'une pareille entreprise. Quoi qu'il en soit, la colonne devant être surmontée de la statue de l'Empereur, Houdon se mit en devoir de l'exécuter : « Houdon « exécuta, en 1805, le modèlede cette figure de 18 pieds de haut (1), « et l'Empereur ayant été satisfait, il la coula en bronze; le conquérant était représenté en costume impérial, posé sur un bou« clier que supportaient trois aigles aux ailes étendues (2), et cette « figure n'était point inférieure aux meilleurs ouvrages de l'ar« liste, quoiqu'il fût alors âgé de 65 ans (3). L'Empereur posa « plusieurs fois pour l'artiste qui faisait la statue de Boulogne; il « aimait beaucoup sa franchise,' sa vivacité et ses manières sim« ples; il lui dit, quand ses séances furent prises : —J'ai pour vous « beaucoup d'estime, et je fais un grand cas de votre talent, « M. Houdon. Je veux faire quelque chose qui vous soit aussi « agréable que ce que vous faites pour moi; demandez-moi donc « pour vous et votre famille ce que vous voudrez. — Eh bien, « sire, l'épée de mon Tourville est brisée; ordonnez qu'on la rac« commode. — Voilà bien l'artiste, répondit Napoléon en lui ser« rant la main (4). Il n'y eut pas que la statue de fondue; les bas-reliefs qui devaient revêtir le soubassement le furent aussi (5). Enfin « la « statue allait être envoyée à sa destination, quand les événements « de 1812 arrivèrent. Ou ne pensa plus alors à planter sur les ditseulement13pieds. (1) M.Raoul-Rochette (2) Jal, danssanoticedela Pandore.—Cesaiglesn'étaientpasencoreexécutés en 1815.Magasin lococitato. pittoresque, Noticedéjàcitée,p. 11. (3) Raoul-Rochette. (4).Jal,danssa noticede la Pandore.M. Raoul-Rochette, danssa notice,cite le mêmemot. et les bas(S)'«Lastatuepédestrede Napoléon pour la colonnede Boulogne « reliefsfondusparM.Getti,mouleur,sont,comme fonte,cequia étéfaitdemieux «à Parisdanscesdernierstemps.»Notede M.Lafoliesur lesfonteslesplusrédesesMémoires centes,dansl'Appendice relatifsà la fonteetà l'éléhistoriques vationde la statueéquestredeHenriIVsur le terre-pleindu Pont-Neuf à Paris. Paris, 1819,in-8, page289. Cesbas-reliefs,au nombredetrois,et confiésà MM.Moitteet Houdon,devaientreprésenter : le premier,l'Hommage del'arméeà sonchef(leMagasinpittoresque dit quecefutle seulexécuté);le second,lePort de Boulogne à vol d'oiseau,aveclaflottilleet la ligned'embossage ; le troisième, surlescôtesd'Angleterre. l'Expédition


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HOUDON, «bords de l'Océan le fantôme qui avait été fait pour effrayer « l'Angleterre. 1814 et 1815 rendirent inutile la statue dé Hou« don (1). » Non-seulement ils lui ôtèrent tout emploi, mais elle ne fut pas même conservée; la statue et les bas-reliefs eurent cette triste fortune, — celle, hélas ! qui, à cause de sa valeur intrinsèque, et de sa facilité à être employé de nouveau de façon ou d'autre, attend le bronze plus que le marbre,—de périr complètement, et de rentrer dans la fournaise du fondeur. Seulement, quand Houdon, en 1814, aida de ses conseils un artiste maintenant peu connu, M. Roguier, qui s'était offertet réussit à la tâche de mettre sur pied, en un peu plus d'un mois (2), une statue équestre en plâtre de Henri IV sur le Pont-Neuf, Houdon pensait peu que, sans le savoir, l'oeuvre provisoire, à laquelle il donnait le secours de son expérience, mènerait à une oeuvre définitive, à la réalisation de laquelle sa propre statue serait employée. Ce fut pourtant ce qui arriva. Lorsqu'on réunit le métal nécessaire pour fondre la statue de Lemot, le bronze de plusieurs monuments, qui se trouvaient dans les magasins de l'État, fut mis à la disposition de l'artiste par le ministère de l'intérieur, et ces monuments (3) furent d'abord cette statue de Houdon et ses basreliefs, puis la statue pédestre et colossale du général Desaix, faite par Dejoux pour, la place des Victoires, oeuvre peu regrettable, au dire des contemporains, et, perte beaucoup plus grande, la belle statue faite par Chaudet pour la colonne de la place Vendôme, et qui, plus heureuse que l'autre, avait du moins été élevée dans l'air et vue de ses contemporains. C'est à ce l'ait de l'emploi de sa statue de Napoléon pour la statue du Pont-Neuf que se rapporte ce mot de Houdon, conservé par M. Jal : « Cette circonstance » écrit-il dans la notice que nous avons souvent citée « explique le mot que Houdon me dit un jour « sur le pont des Arts, et que je n'avais pu comprendre alors; il « avait les yeux attachés sur le Pont-Neuf.—Que faites-vous donc « là, M. Houdon? — Mais, dit le vieux statuaire, je ne l'avais pas « fait comme ça. » (1) Jal, danssanoticedolaPandore. (2) Du20marsau5 mai.Cf.Lafolie,p. 91-94. (3) Lafolie,p. 125,à lanote.


SA VIE ET SESOUVRAGES. 407 Quant à la colonne elle-même, elle fut nécessairement abandonnée, lors de la chute de l'Empire, époque à laquelle, quoique toute taillée, elle n'était encore élevée qu'a la hauteur de 50 pieds sur les 150 qu'elle devait avoir. En 1818 et 1819, le Conseil Général du département demanda son achèvement, en la consacrant au souvenir du débarquement de Louis XVIII; la suite dela construction fut confiée au premier architecte, M. Labarre, et les travaux, repris le 15 novembre 1819, furent terminés le 2 juillet 1821 (1). A ce moment, on projetait pour son couronnement une statue de la Paix (2). Plus tard, lorsque, en 1838, le gouvernement de Juillet se préoccupa de nouveau de la colonne, on pensa à faire exécuter pour son couronnement une statue de Napoléon par le baron Bosio (3). Le modèle en figura, en 1840, aux funérailles de l'Empereur, et la statue, fondue à Paris, la même année, par M-SaintDenis, fut inaugurée à Boulogne, le 15 août 1841 (4). L'Empereur n'y est plus représenté en costume romain, mais en grand costume impérial. Le nouveau sculpteur y a conservé une disposition de Houdon, celle de poser la statue sur un bouclier soutenu par trois aigles. Pendant les travaux de la figure de Boulogne, l'aimable poëte Collin d'Harleville, qui -s'était retiré à Chartres, sa patrie, dans l'espérance de rétablir une santé perdue, était revenu mourir à Paris (5), et Houdon en avait fait paraître le buste, en marbre, au Salon de 1806. On jugea que Houdon n'avait pas conservé le charme de la figure de son modèle, et qu'il s'était trop tenu à le Moniteuruniversel,année1819, (1) Cf.surcestravauxdelaRestauration p. 1298-1319;'année 1820,p. 383;année1821,p. 59et 1311. lococitato. (2)..Magasin pittoresque, (3) Moniteur,1838,p. 2037. (4) Cf. Moniteuruniversel,année184-1,p. 1879, 1903,1916,1944,1959, 1971,1995,2055.—L'architectequiterminal'oeuvredeM. LabarrefutM.Henri. MM.LemaireetBrafurentchargésdesbas-reliefs,qui,d'aborddestinésà êtreen en bronze.On peutvoir,sur lebas-reliefde marbre,durentensuiteêtreexécutés M.Lemaire,lanoticequeM.Martina consacrée à ce sculpteur, Valenciennes, 1846, n°du20 septembre in-8°,p. 41, et l'Indicateurde Boulogne, 1845,auquelilrenvoie.Ondevaitmettredanslescaveauxlesbustesde l'Empereur,du maréchal Soultet de l'amiralBrueys.Ibidem.p. 1944.Celuide l'Empereurfutfait par M.Ottiu.Ibidem,p. 2516. ets'étaitretiréà Mévoisin, (5) Le24 février1806.Il étaitnéà Maintenon qui estl'undesfaubourgsdeChartres.


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HOUDON, reproduire l'amaigrissement et l'expression souffrante et douloureuse à voir qu'avait causée dans les traits de Collin d'Harleville sa longue maladie. Une notice de M. Beuchot sur Collin d'Harleville fournit l'explication de ce caractère : « Le portrait « que nous en donnons, dit-il, a été dessiné d'après le buste en « marbre, fait par M. Houdon, célèbre statuaire, qui eut soin de « prendre en cire le masque de l'auteur du Vieux Célibataire, « quelques moments après sa mort. Ce buste est donc d'une « extrême ressemblance (1). » Nous retrouvons là, en effet, la nature fidèle et scrupuleusement imitatrice de Houdon ; ses qualités et ses défauts en procèdent, et il avait toujours la valeur et le caractère de la nature qu'il reproduisait et à laquelle il n'avait pas la pensée de se soustraire. Il aimait du reste beaucoup à avoir, comme document irrécusable auquel recourir et se fier pendant son travail, le masque des personnes qu'il se proposait de représenter. Le dernier article de sa vente en-est une preuve curieuse, car c'était « un grand nombre de masques « de personnages célèbres, la plupart moulés de leur vivant, tels « que ceux de M. Moitte, statuaire, de M. Arnaud, de l'Académie « Française, etc. » Il est fâcheux qu'on n'ait pas cru devoir les détailler; ces indications nous seraient maintenant un précieux renseignement sur tels ou tels bustes, à la ressemblance desquels ce détail ajouterait, s'il est possible, une plus grande authenticité. Quant aux masques eux-mêmes, ces creux, informes en un sens, documents inappréciables mais bruts et sans charme, et qui n'ont pour ainsi dire plus de place quand ils ont quitté les murs de l'atelier, se sont dispersés, égarés, et se détruiront, à coup sûr, si même il en subsiste encore quelques-uns ; il est d'autant plus regrettable qu'il n'en ait pas été au moins conservé le souvenir (2). Beu(!) Noticesur Collind'Harleville, par A.-J.-Q.B. (Antoine-Jean-Quentin chot),publiéedansl'Athenoeum, in-4»,ornéde gravures,recueilde littératureet surtoutd'art, quiétait dirigépar M.Baltard.N"9, septembre 1806,p. 10 de la notice. touterécentenousdonnéle nomdel'un d'eux.En effet, (2) Une publication dansla noticesurla marquisede Créquy,Paris, 188a in-8°de86pages,publiée à 25 exemplaires seulement par M.AchillePercheron,filsdel'undesexécuteurs testamentaires dela marquise, l'onvoitqueHoudon deCrémoulalatêtedemadame quyaprèslamortarrivéele2février1805.M.A. Percheronen possèdele plâtre dontil a misunegravureen bois,entêtedesa notice.


SA VIE ET SESOUVRAGES.

409 Au Salon de 1808, Houdon n'eut que les marbres de ses deux bustes de l'Empereur et de Joséphine. Au Salon de 1812, il eut, avec un modèle ou buste du comte Boissy-d'Anglas, le sénateur, deux grandes statues de marbre, celle du général Joubert (1),et, chose plus curieuse encore, une autre statue de Voltaire, non plus une répétition de la statue des Français, mais réellement une nouvelle statue, destinée alors au Panthéon Français (2), à laquelle on reprocha, la figure étant debout, et l'artiste ayant cru devoir faire sentir la maigreur du corps de son modèle (3), de paraître un peu longue. Elle était enveloppée d'une large draperie, et disposée pour occuper une niche; la tète était modelée avec le sentiment que cet habile artiste savait mettre dans tous ses ouvrages (4). Ce furent les dernières statues qui parurent de. Houdon les dernières sans doute qu'il ait faites. Cependant, il exposa encore un buste au Salon de 1814; mais les destins de la France avaient changé dans l'intervalle, les alliés étaient venus à Paris, et ce buste est celui de l'empereur Alexandre. Si Houdon eût été plus jeune, sa réputation lui eût valu autant de travaux qu'en eut alors Isabey, et il aurait fait tous les rois, tous les ministres, tous les généraux étrangers, qui venaient à Paris ; mais Houdon était trop vieux pour qu'on pensât à lui demander un tel travail, et ce qui autrement se serait changé en commandes se borna à de royales visites (S). Lorsqu'on, reconstitua l'Institut, Houdon, qui n'avait pas, avecla statueen marbredumêmegénéral,qui (1) Il ne faut pasla confondre se trouvedansleMuséedeVersailles. Celle-ci,quoiquenonsignée,est de Stouff, et figuraau Salonde1805souslen°656; elleétaitdestinéeau palaisdusénat conservateur. (2) Cf.Galeriedespeintresfrançaisdu Salonde 1812,par R.-J. Durdent, 1815,in-8°,p. 81. (5) Moniteur,année1815,p. 12. desaventeen 1828,n° 14. (4) Catalogue (5) L'uned'ellesa été enregistréepar le Moniteur: « Sa Majestéle roi de « Prusse,accompagné ducélèbrevoyageur,M.de Humboldt, a visitéavant-hier «l'atelierdeM.Houdon.S.M.a parusurtoutsatisfaited'imbustede Molière,où «l'artistea suheureusement lecaractèredu talent,enmêmetempsqu'il exprimer « a fidèlement rendulestraitsducréateurdenotrescènecomique.» Moniteur de 1815,n°du lundi18 septembre, p. 1052.— Serait-ceà cettevisitequ'estdue l'acquisition parluPrussede la Frileuse,debronze?


410 HOUDON, comme David, de souvenirs républicains pour l'en faire exclure, y fut maintenu, et l'ordonnance du 21 mars 1816 le mit comme le deuxième parmi les huit membres de la seconde section de l'Académie des Beaux-Arts, attribuée à la sculpture (1). Déjà, et peutêtre Louis XVIII se souvenait-il du buste que l'auteur avait fait de lui sous le règne de son frère , il avait été compris dans le nombre des artistes chargés d'exécuter les innombrables projets décrétés par les ordonnances des 19 janvier et 14 février 1816. Houdon, — et son Tourville l'y désignait assez naturellement, — y était chargé d'une des statues des grands hommes de la France, qui devaient décorer le pont Louis XV (2). Quand on vint a distribuer réellement les statues entre les sculpteurs, on n'en désigna pas à Houdon, pour lequel, à son âge, c'eût été certainement une besogne beaucoup trop lourde. Comme c'était naturel, Houdon sortait petit à petit de la vie. Le 29 mars 1823, il passa professeur émérite et recteur , et fut remplacé dans son professorat par Dupaty (3) ; 41 allait de plus en plus s'éteignant ; son corps restait encore robuste, « mais, « dans les six dernières années de sa vie, il ne fut plus lui tout en« lier; quelques-unes des facultés heureuses dont il avait été autre« fois doué l'avaient abandonné. L'homme physique avait sur" vécu à l'homme intelligent; il était fort de la force musculaire, « mais débile d'ailleurs. Houdon n'avait plus qu'une mémoire, « celle de l'amitié et des affections de famille; il avait presque « entièrement perdu celle de ses succès. «... Petit de taille, robuste bien qu'octogénaire, marchant à « pas précipités et en traînant les pieds, l'oeil vif dénonçant le « reste d'une imagination ardente, l'air riant, la tête absolument « chauve, le geste rapide, la parole quelquefois encore rapide et « spirituelle, le plus souvent inhabile à l'expression d'une idée « complète ; la douillette de soie grise par dessus un habit aux « longs revers brodés de lauriers jaunissants, de cette forme que (1) Moniteurde 1816,p. 355. (2) Moniteurde 1816,p. 181. en (3)Reg.mss. del'ÉcoledesBeaux-Arts. Dupatya été lui-même remplacé, janvier1829,par Cortot,qui a eu poursuccesseur, depuisle 50 octobre1855, M. Lebeuf-Kanteuil, l'auteurdel'Eurydice,dujardindu Palais-Royal, etlefrère aînédel'habileartisteCélestin à lahauteurde Nanteuil,quia élevéla lithographie l'eau-forte.


SAVIE ET SESOUVRAGES.

411 « le souvenir des généraux de la République a consacrés; le cha« peau rond à la main, le parapluie sous le bras ; tel nous avons « vu le respectable M. Houdon venir siéger sous la coupole des « Quatre-Nations; tel, au costume près, nous l'avons vu, tous les « soirs, traverser le péristyle des Français, pour aller prendre sa « place à l'orchestre (1). » Ce fut là, en effet, la plus grande occupation, peut-être le plus grand plaisir de toute la fin du vieil artiste ; il restait par là au milieu des habitudes d'avant la Révolution; il se retrouvait là au temps de sa gloire, et sur ce point on nous permettra de consigner ici des souvenirs encore vivants aux Français, et qui nous ont été racontés par un témoin oculaire. Ils pourront n'être que naïfs à des yeux indifférents, mais ils seront peut-être intéressants pour ceux qui ont à coeurla vérité, pour ceux qui aiment à revoir la figure même de l'homme, et non pas seulement des dates et des faits matériels, pour ceux enfin qui, sûrs de la faiblesse humaine, n'ont ni blâme, ni étonnement, quand ils voient l'intelligence commencer l'apprentissage de la mort pendant que le corps reste encore debout. Un autre portraitiste, Maurice Quentin de Latour, a vu aussi sa vieillesse revenir à l'enfance. Dans sa ville natale de SaintQuentin où il s'était retiré, quand il sortait dans les rues , tous les enfants de la ville, et il les adorait tous, couraient après lui pour lui faire faire des dessins, et cette main, qui avait peint la Pompadour et Voltaire, griffonnait des têtes et des bonhommes que les enfants gardaient moins longtemps que leur jeu. Quand, suivi par un domestique, il sortait dans la campagne, par les beaux jours, et il aimait à le faire, il se mettait à genoux devant les arbres et devant le ciel, pleurant de joie et remerciant la nature d'avoir fait les arbres si beaux et le soleil si bon. Certainement cela est bien triste (2), et il vaut mieux, même avec la douleur, mourir comme debout, en voyant la mort en face; (1)Jal, danssa noticedela Pandore. (2) L'undenoustientcesdétailsdela bouched'unvieillardde Saint-Quentin, quiétait, il y a déjàquelquesannées,gardienet portierduMuséedela ville,comonsait, desoeuvres posé,comme léguéesparLatourà sa patrie,et quivit peut-être encore.IlauraitconnuLatourtout à faitvieux,quand,lui, il étaittoutenfant,et, commeles autres,il ademandé plusd'undessinpourledéchirer.Quand,plustard, ila su cequ'avaitétélevieillard,il auraitbienvouluavoirétémoinsenfant.


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HOUDON, mais quand, dans cet affaiblissement de l'esprit, la bonté subsiste et continue de. fleurir comme pour voiler de sa grâce et embaumer de son parfum ces ruines de l'intelligence, c'est un spectacle qui cesse d'être pénible, pour devenir plutôt touchant, et il n'y aurait aucune raison de se taire; car, si ce qui domine alors est la bonté, l'indulgence et comme une. gaieté inaltérable, c'est la plus touchante preuve de l'honnêteté du coeur et de toute la vie chez celui qui, après les luttes de ses années de force, n'a pas perdu ces qualités si disposées à s'amoindrir dans les peines de ce monde. Mais revenons à Houdon. Tous les soirs, le vieillard, dont une domestique soutenait les pas, arrivait à la Comédie-Française, un peu avant six heures, moment où, à cette époque, les portes duthéâtre s'ouvraient, entrait et allait se mettre à l'orchestre, en général à la stalle voisine du milieu. Il s'asseyait, tirait de ses poches des fragments de porcelaine brisée, des tessons de terre, qu'il recueillait, jusque dans les rues, prétendant que c'était de la porcelaine de Chine, ou des fragments de vases antiques, qu'il était heureux d'arracher à la destruction, et ses mains, si habituées au travail, et qui avaient conservé le besoin d'une activité même inutile, s'occupaient soigneusement à les polir ou à les travailler avec des clous, pour y dégager la figure ou l'ornement qu'y croyait voir, ou qu'y cherchait son imagination d'artiste (1). Puis, lorsque venaient s'asseoir à leurs pupitres ces vieux musiciens, coiffés en ailes de pigeon et avec la queue, que tous nos pères nous ont décrits, et lorsque commençait la petite symphonie de Haydn ou de Pleyel, il resserrait tous ses tessons, appuyait ses deux bras sur la clôture de l'orchestre, et écoutait religieusement. A la fin de l'ouverture et au lever du rideau, il se mettait sur la tête un bonnet noir, à pattes descendant sur les oreilles, s'arrangeait bien à son aise et s'endormait. L'on en comprend d'autant mieux la réponse qu'il fit un jour : — Mais, M. Houdon, comment pouvez-vous aller tous les soirs entendre la même chose? (1) Ainsiencoreramassait-ildanslestas desabledes cailloux qu'ilchoisissait avecsoinpourleurcouleuret pour leurforme,etil en a plusd'unefoisfaitmoulerà boncreux.—Avecplusd'enfantillage encore,onl'avubiensouvents'amuser à fairealler de petits bateauxde papiersur lesbassinsdes fontainesde l'Institut.


SAVIE ET SES OUVRAGES.

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Et le vieillard de répondre qu'il le trouvait toujours nouveau. Comme anecdotes particulières, en voici deux On avait fermé quelque temps le théâtre, pour en modifier les dispositions en enlevant toute une colonnade fort laide et fort gênante, qui entourait la salle et dont faisaient partie les énormes colonnes qui jusqu'à ces dernières années y sont restées aux deux avant-scènes. Le jour de la réouverture, Houdon entrait comme de coutume, mais on avait changé le personnel du contrôle, et le nouvel employé l'appela : — Monsieur, monsieur, votre billet ! — Je n'en ai pas besoin. Et le vieillard avançait toujours. — Mais, monsieur, on n'entre pas sans billet. — J'ai mes entrées, monsieur, répondit Houdon qui commençait à s'animer.. — Mais comment vous appelez-vous? — Comment je m'appelle! (Et la voix du vieillard avait une certaine colère.) Comment je m'appelle! Puis, montrant la statue du péristyle : — C'est moi qui suis le père de Voltaire. Et il passa triomphalement sans attendre une nouvelle réponse. Ceci est tout simple de la part de l'employé; mais ce qui est plus joli, c'est que, le lendemain, lorsque Houdon passa, l'employé fit écrire à son camarade sur la feuille des entrées du soir : Monsieur Voltaire, le père. On pense le succès que le mot eut au théâtre, et pendant quelque temps, on ne désigna plus autrement le vieil habitué. La personne qui me racontait ces détails, et qui était alors un tout jeune homme, était, un soir, à l'orchestre à côté de Houdon qui l'avait non pas pris en affection, mais qui, quand il le trouvait à côté de lui, le traitait et le tutoyait, à cause de sa jeunesse, avec cette paternité bienveillante et familière, qui est si naturelle aux vieillards. Une belle jeune femme venait d'entrer au balcon; les yeux du sculpteur, qui regardaient de ce côté par hasard, se fixèrent avec cette intensité particulière à la très-grande vieillesse et à l'enfance,et, après quelques instants, se retournant vers son voisin : — Dis donc, mon garçon, voilà une bien belle personne ! Et dans son esprit il se sentait modeler en face d'elle. Le jeune homme se taisait, ne sachant pas trop s'il ferait mal 27


M HOUDON; ou bien de le prévenir; mais, comme l'autre continuait à lui exprimer son admiration, il lui dit tout bas — Mais, M. Houdon, c'est votre fille Ce qui était vrai. La figure du vieillard, au lieu d'un sentiment de peine, exprima plutôt une surprise mêlée de plaisir, et, sans mot dire, il se rencogna tranquillement dans sa stalle; De cette perte de sa mémoire nous pouvons donner une autre preuve aussi frappante, en citant la question qu'il fit à l'École des Beaux-Arts, un samedi, jour où il s'y rendait toujours pour la séance des professeurs. Nous la tenons d'un sculpteur distingué de ce temps-ci, M. Du Seigneur, qui était alors élève, et qui, chose encore plus singulière, la lui a entendu faire, non pas une fois mais deux, et les deux fois avec la même réponse. Avisant dans un coin de la salle son Écorché de bronze, il demanda au garçon ce que c'était, et, comme on lui répondait que c'était un écorché, son propre ouvrage, il le regarda avec plus de soin, le toucha, et s'éloigna ensuite comme sans le reconnaître et en disant que c'était bien laid et bien froid. Mais le moment arriva enfin où il ne put pas sortir plus longtemps le soir; et, aux Français, si vous interrogiez les contemporains, ils vous diraient, ne croyant pas que Houdon ait pu vivre en n'étant pas toujours chez eux, que Houdon est mort en 1824 ou 1825, parce que c'est à cette époque qu'il cessa de venir. « C'est « à l'âge de 82 ans, qu'après avoir toujours joui d'une santé que < n'avaient pu jusqu'alors altérer des travaux assidus et des cha« grins nombreux, causés par la perte de.presque tous les gens « qui lui étaient chers, il fut atteint de la première maladie « grave qu'il eût encore, eue. Sa constitution de fer triompha du « mal (1),» mais il continua de s'affaiblir, et il s'éteignit enfin dans sa 87e année, le 16 juillet 1828 (2) :« Aucune douleur ne « lui a arraché des plaintes. Il était redevenu enfant, et il a « quitté la vie comme;un. enfant la quitterait sans la connaître. « Ses amis, beaucoup d'artistes, ses collègues de l'Académie, l'ont « accompagné à sa dernière demeure. Son. éloge était dans la (1) Jal, danssanotice. du palaisdel'Institut.—Gabet,DictionnairedesAr(2) Danssonappartement se tistes,1831,in-8°,p 336, trompe,maisil faut peut-êtreaccusersonimprimeur, en donnantladatedu6. Lamortfut annoncée dansle Moniteurdu17,p. 1131, danslesDébatsdu 18, etdansd'autresjournaux.


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« bouche de tous ceux qui avaient eu des relations avec lui : hono« rable et touchante oraison funèbre. M. Quatremère de Quincy « n'a point prononcé de discours sur sa tombe (1). » L'année suivante, M. Quatremère de Quincy prononça l'Éloge de Houdon, dans la séance publique de l'Académie des BeauxArts, du samedi 50 octobre 1829 (2), Cet éloge est bien fait et juste en général, mais il a le défaut naturel à tout éloge officiel, destiné à être lu en public, celui de s'être restreint pour n'occuper qu'un certain espace de temps, et, dans une forme trop resserrée, de laisser de côté bien des choses que son auteur savait et aurait pu dire. Nous possédons plusieurs portraits de Houdon, mais aucun de sa jeunesse. MlleCapet, l'habile élève de MmeGuiard, celle qui épousa ensuite le peintre Vincent, en exposa un portrait, en l'an vin ; c'était une grande miniature, quart de nature, où il était représenté travaillant un bronze de Voltaire (3). Nous en connaissons un petit portrait en pied, finement peint, où Boilly l'a représenté en vêtements blancs, debout devant sa selle de sculpteur et modelant le buste de Bonaparte Premier Consul (4). Il se trouve à Paris, dans la collection peu nombreuse, mais bien (1) Sonabsence,qui avaitpeut-êtreuneraisonfort simple,fut alorstrès-remarquée.Elleest signaléeaussidansleCourrierfrançais,n° du19juillet: «On « a remarquéqueM.Quatremère deQuincy,dontla présenceparaissaitpourtantun « devoirensa qualitéde secrétaireperpétuelde la classedesBeaux-Arts,dont. « M. Houdon faisaitpartie,étaitpresqueleseulmembrequisefût dispensé d'ac« compagner le cortège.» et a été (2) Il a paru d'aborddansle Moniteur,année1829,p. 1685-1686, danslepremiervolumeduRecueildesnoticeshistoriques luesdansles réimprimé séances del'Académie royaledesBeaux-Artsà l'Institut,parM. Quatrepubliques mèrede Quincy,secrétaireperpétuel decetteAcadémie. Paris,AdrienLe Clerc, in-8°,1834,p. 388-402. (3) Livretde l'an vin, n° 67. La grandeminiatureexposéepar la même,en l'an ix, et représentantHoudontravaillantaubustede Voltaire,est peut-êtrela même miniatureexposéedeuxfois. devue,M.Arthur (4) Nousnesavonssi c'estle tableauque,sansle connaître Dinaux,danssa noticesur Louis-Léopold Boilly,inséréedansles Archivesdu Nord,in-8°,année1830,indique,p. 205,commeuneVuedel'atelierdeHoudon, exposéeen1804etfaisantpendantà J'Atelierd'Isabey,peintparle même.L'Atelierd'Isabeyétantunenombreuse réunionde figures,le PortraitdeHoudonn'eu estpointle pendant,et, si M.Dinauxnesetrompepas,ilfaudraitadmettrel'existenced'unautretableautoutdifférent.


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HOUDON, d'un excellent choisie, connaisseur, M. Soret, et, cette année la Société des Beaux-Arts de Versailles le fait lithogramême, de la de phier, grandeur l'original, par M. Battaille, pour le donner en prime à ses souscripteurs. Dans l'Entrée de Henri IV à Paris,de Gérard, le magistrat qui a les mains jointes, parmi ceux qui offrent les clefs, a été peint d'après Houdon (1). Mais, comme le peintre lui a ajouté de la barbe, la tête n'est nullement restée un portrait, et, sans la tradition du temps, on ne pourrait la reconnaître. Boilly l'a lithographié de face, dans sa suite des membres de l'Institut, publiée en 1822, et M. Frémy en a gravé un trait, vu de profil, qui, tout sommaire qu'il est, offre une grande ressemblance. Enfin, tout récemment, M. Elias Bobert en a exécuté un buste en marbre, exposé au Salon de 1853 (n°1524), et destiné à figurer parmi les bustes d'artistes, qui décorent le Musée du Louvre. On a pu voir par l'histoire de Sainte-Scolastique que Houdon a été marié. Sa femme, Marie-Ange-Cécile Langlois, née à Paris, et qu'il avait épousée au commencement de la Révolution, était morte cinq ans avant lui, à Paris, au palais de l'Institut, le 22 février 1823 (2). Si Houdon eût été déjà marié lors de son voyage en Amérique, sa femme lui eût évité l'ennui d'un interprète, car elle publia, en 1804 (3), la traduction d'un roman anglais de mistress Dymmer, intitulé Belmour. Le titre ne porte que les deux lettres initiale et finale du nom de madame Houdon, et, par une erreur facile à comprendre, Ersch, dans la France littéraire (t. V, p. 287), avait attribué cette traduction à madame Houdin, auteur de Moins vrai que vraisemblable ou la forêt de Sercotte; mais l'erreur a été rectifiée par Quérard (4). Un instant, j'ai cru avoir à indiquer un portrait de madame Houdon, qui eût été doublement curieux : en effet, M.Paul Lacroix m'a dela Biographieuniverselle,supplé(1) M.Parisot,danssonarticleHOUDON ment,tomeLXVII,p. 365-568. (2) Par un manqued'attention,la datedela mortet l'âgedemadameHoudon ontété donnésfauxdanslalistedesacadémiciens publiéedanslesArchivésde l'art français,documents. t.1, p. 394. , et Dentu,2 vol.in-12. (5)Paris, Demonville (4)Francelittéraire,t. Il, p. 759,ett. IV,p. 145.L'erreurétaitdéjàsignalée universelleclassique.Paris, Gosselin,1829,p. 1471,article, dans la Biographie demadameHoudon.


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fait voir un portrait, possédé par lui depuis un certain nombre d'années, d'une femme jeune, debout, vue à mi-corps, les cheveux légèrement poudrés, tenant une palette et des pinceaux, et signé dans la pâte et de la manière la plus authentique : « J. Houdon, 1789. » Dans la vente où il l'avait acquis, ce portrait était indiqué comme étant celui de madame Houdon par son mari. Si Cela était, il en résultait qu'elle aurait été peintre, et queson mari aurait peint aussi. Aucun témoignage ne l'avait écrit (1); j'avais beau interroger sur ce point les souvenirs de contemporains à même de le savoir, ils étaient muets et se prononçaient tous pour la négative, quand un heureux hasard est venu me donner le mot de cette énigme. En effet, rencontrant dans les registres de l'état civil, conservés aux archives de l'Hôtel de ville, l'acte de décès, à la date du 5 floréal an m (22 avril 1795), de Marguerite-Julie-Antoinette Lenoir, née Houdon, artiste peintre (2), je fis peu de doute que ce ne fût le modèle et l'auteur du portrait. Restait à savoir la date de son mariage, pour s'assurer si, en 1789, elle avait à signer son seul nom de demoiselle ; grâce aux bienveillantes recherches des employés, je sus bientôt qu'elle ne s'était mariée qu'au commencement de l'année suivante, c'est-à-dire le samedi 3 janvier 1790 (3), et avec cette dernière circonstance il ne me d'unromananglais, (1) Puisqu'oncitebiende madameHoudonunetraduction à,plusforteraisonaurait-onparlédesontalentcommepeintre.Quantà Houdon, ila nécessairement de rapdessiné,et pourlecroireil n'estpasmêmenécessaire d'un hommenu, assis, faiteà l'estompeet au pelerla grandeétudeacadémique desdessinsdeM.de crayonnoiravecdesrehautsdeblanc,qu'enoffrele catalogue Villenave (Paris,1842,in-8°,n° 669); maisde là à peindre,etsurtoutavecle talentdeceportrait,il y a bienloin,etl'on auraitencoremoinsmanquédeledire. (2) «Du troisfloréalde l'antrois de la République (22 avril1795).Actede « décèsde Margueritte-Julie-Antoinette Houdon du vingt-huit germinal (17avril), «sixheuresdumatin;profession peintre,âgéede vingt-quatre ans,nativedePa« ris,y domiciliée rue delasectiondu fauxbourg n° 1039,mariéeà Montmartre, « Dominique Lenoir.Surladéclaration faiteà lamaisoncommune parleditLenoir, « âgédetrenteans,profession à Paris,mêmedemeure,ledéclaartiste,domicilié «ranta dit êtreveufdela deffunte,et par Louis-Ambroise Lalande,âgédequa« rante-quatreans,profession Angendarme,domiciliéà Paris, ruedu faubourg « toine,n°59. Ledéclaranta ditêtre amyet nesavoirsigner.»—Elleavaiteu au moinsunefille;car on trouve,à la datedu7 pluviôseanII (21janvier1794), l'actedenaissance deCarolineHoudon,néeruedu fauxbourg Montmartre. (3) Le mari,Dominique Lenoir,est indiquéconnue« courtierde change,âgé de24anset demi,filsde Nicolas-Jacques Lenoir,mchorloger,et deCatherine


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HOUDON, paraît pas que le doute soit possible. A enjuger par ce seul portrait, — et comme elle est morte très-jeune, elle n'a pas dû laisser beaucoup d'ouvrages,,— elle avait un vrai talent : la peinture de ce portrait, un peu molle dans les bras, est ferme, bien fondue dans le reste, et tenant le milieu entre l'élégance, parfois un peu sèche, de madame Lebrun et les empâtements de Greuze, de qui Julie Houdon pourrait bien avoir été élève. Après, cette digression, qui ne sort pas autant de notre cadre qu'elle le paraît d'abord, puisque la personne: qui en est l'objet était parente de notre sculpteur, nous reviendrons à celui-ci pour ajouter, qu'il eut de son mariage trois filles. L'une a épousé M. Henri Pineux-Duval, de la famille d'Alexandre Duval, le spirituel auteur dramatique, membre de l'Académie Française, et d'Amaury Duval, le savant érudit de l'Académie des inscriptions, qui s'appelaient tous deux Pineux-Duval (1) ; l'autre a épousé M.Loyer Villerman,un médecin; et la troisième, M. Raoul-Rochette, qui a été aussi membre de l'Académie des inscriptions, et de plus conservateur au Cabinet des Médailles, secrétaire de l'Académie des Beaux-Arts, et professeur d'archéologie à la Bibliothèque du Roi, jusqu'à sa mort arrivée l'année dernière. Il avait l'intention d'écrire une histoire complète de la vie de son beau-père; il est fâcheux que, distrait par ses nombreux travaux sur l'histoire des arts dans l'antiquité, il n'ait pas même commencé à réaliser son projet. Il comptait sur ses souvenirs, mais il a compté sans la mort, et maintenant tout ce qu'il savait directement ou de tradition, tous ses souvenirs vivants qu'il pouvait éclairer de la critique et du goût que lui avaient donnés ses propres études, tout est mort avec lui et d'une façon irrémédiable, Cela est à regretter profondément, et pour ce qu'il y aurait certainement eu de complètement nouveau dans son travail, et pour ce qu'il y a toujours d'honnête et de bon à voir rendre à un homme remarquable un hommage de cette sorte, qui devient un vrai monument à sa mévilleet diocèse Langre,dedroitdela paroissede Saint-Pierreet Saint-Saturnin, du diocèsede Lyon.«Elleest indiquéecomme« fillede FrançoisHoudon,m tarueFavart,» et, parmilestémoinsde pissier,etde Marguerite Magnié,demeurant demeurant l'épouse,setrouve« lesieurJacquesHoudon, sculpteurde l'Académie, rue et paroisseSaint-Philippe du Roule,cousinissudegermain,»dontonlit la signatureaveccellesde lamariéeetdufrèredecelle-ci. (1) VoirlaFrancelittérairedeQuérard,volumeII, auxarticlesDUVAL.


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moire, sous les mains pieuses d'un proche ou d'un ami. Enfin, M Raoul-Rochette a laissé une fille, bien connue comme peintre, d'un talent fort distingué, qui a épousé M. Calamatta, l'habile graveur, maintenant directeur de l'École de gravure: de Bruxelles. On voit que, par le talent de son auteur, et par ses alliances avec l'érudition, les lettres et les arts, cette famille comptera dans l'histoire littéraire et dans l'histoire artistique de la France. : Comme homme, et durant tout le cours de sa longue viè,«Hou« don a été modeste, sans orgueil, bonhomme, jouissant avec « naïveté de sa gloire, avec transport de la gloire de:ses émules. « Dans sa longue carrière, il sut se garantir du mal de: l'envie, « admirant de tout son coeur ce qui était admirable,quelque « génie, quelque main qui l'eût créé. Ceux qui ont vu Houdon, «dans le temps où de hautes renommées s'élevaient à côté de la « sienne,.lui rendent cette justice qu'il joignit ses; suffrages à « ceux du publie pour toutes les réputations méritées. Il appuya « de son jugement les arrêts favorables de la critique à l'égard « d'artistes qui ne lui rendirent pas toujours justice pour indul« gence. Comme il n'avait pas connu la jalousie, il ne connut « pas l'intrigue (1). » Comme artiste, il laisse un beau souvenir. S'il n'a pas eu une grande influence sur'la marche de l'art, s'il ne l'a pas pris à un point pour le porter à un autre, c'est que ses qualités n'ont pas été de nature à rien recevoir de la tradition, et ne sont pas de nature à lui rien transmettre ; elles sont toutes personnelles. Ce qu'il avait, c'était un don, celui de la ressemblance physique et morale, animée par le don de la vie. Comme il n'a pas eu de maîtres, en réalité, et malgré son enseignement à l'école, il n'a pas formé d'élèves (2). Il n'a pas, si l'on veut, de génie, à,prendre le mot dans le sens de l'invention et d'une puissance qui ne laisse à rien son cachet, mais imprime le sien à tout; il a un don, un don tout spécial, et comme la fidélité d'un miroir, avec cette différence que non-seulement il reflète, mais qu'il réfléchit pour nous l'image, rendue impérissable sous ses mains. C'est un réaliste, mais d'un réalisme choisi et noble, qui ne se prend qu'à la beauté de la (1) Jal,danssanoticedela Pandore. (2) Le BelgeRuxthielestun desseulsquel'on cite.Cf. Moniteurde 1800, p. 161; maisil n'a rien gardéde Houdon,et, avecsesformesfinesjusqu'àen devenirgrêles,il semblerait plutôtsortirdel'atelierdeChaudet.


420 HOUDON,SA VIE ET SESOUVRAGES. forme et à l'effet le plus haut de chaque figure humaine. Il se préoccupe rarement du beau idéal ; mais «il rend la nature comme « il la trouve, avec une merveilleuse vérité, avec force, et en sai« sissant le plus heureux moment de la ressemblance ; il saisit le « génie et le caractère de la personne, et il donne la parole au « marbre (1). » Il n'a rien de la puissance souveraine et impérieuse de Michel-Ange ou de Puget ; mais il est bien plus que le Rigaud de la sculpture, et sa place, toute spéciale si l'on peut dire, et dont on ne peut déterminer la valeur relative, parce qu'elle est tout à fait à part et comme unique, est d'un rang singulièrement élevé. Du reste, il a caractérisé lui-même et le but qu'il poursuivait et le mérite qu'il a atteint, lorsqu'il a écrit sur sa personne ce jugement simple et sincère, qui terminera bien cette étude : « Un des plus beaux attributs de l'art si difficiledu sta« tuaire est de conserver avec toute la vérité des formes; et de « rendre presque impérissable l'image des hommes qui ont fait « la gloire ou le bonheur de leur patrie. Cette idée m'a constam« ment suivi et encouragé dans mes longs travaux (2). » ANATOLE DEMONTAIGLON et GEORGES DUPLESSIS. t. II, p. 221. (1)FragmentssurParis,de Meyer, de Houdon,vendueà laventedes autographes du baron (2) Penséemanuscrite n°640. de Trémont,supplément,


ROGER VANDERWEYDEN, SES OEUVRES,SES ÉLÈVESET SES DESCENDANTS, ÉTUDE SURL'HISTOIRE DELAPEINTURE FLAMANDE AUXVeSIÈCLE (1). I Depuis près de trente ans, l'étude des origines des écoles de peinture est devenue un des thèmes sur lesquels s'exercent de préférence la patience et la sagacité de ceux qui s'occupent de l'histoire de l'art; Cette tendance se manifesta d'abord en Allemagne, où MM.Waagen, Sulpice Boisserée, Passavant, et madame Johanna Schoppenhauer firent paraître d'importants travaux sur les premiers temps de l'école de Bruges, dont l'influence fut si grande au XVesiècle. Les rédacteurs du Messager des Sciences et des Arts, de Gand, suivirent la même voie, et, depuis, le goût de ces recherches s'est de plus en plus répandu. De lous côtés on demande aux archives, aux oeuvres d'art même, la solution des questions restées obscures. Et plus que le grand icia paru sousletitrede : Notice (1) Unepartiedutravailquenouspublions sur RogerVanderweyden, biographique appeléaussiRogerde Bruges,le Gaulois oude Bruxelles,peintrebelgeduxv°siècle,et GoswinVanderweyden, parALPHONSE WAUTERS (Messagerdes scienceshistoriquesde Belgique,année1846, p. 127).—,Peudetempsaprès,M.VAN HASSELT a écritdes: Recherches biographiquessur trois peintresflamandsduXVeetdu xvicsiècles,lettre adresséeà M. ledocteurHotho(Annales de l'académied'archéologie d'Anvers,t. VI,2eli9eannée,pages108et 117),etM.CELS vraison;là Renaissance, jeune : Quelquespagesde critiqueà proposdes recherchesbiographiques de M. AndréVan Hasseltsurles Vanderweyden (Gand,P. VanHifte,1849,in-8°de52 pages).Ce derniertravailn'est qu'uneanalysedu précédentet n'a apportéaucunenouvelle lumièredansla discussion.—Quant auxLetteraintornoalleopèredelpiltoreRugdi Bruxelles,de M. GIORDANI, gieroVander Weyden desmuséesde inspecteur dontona annoncé la publication, dès l'année1841,ellesn'ontpasencore Bologne, été livréesà l'impression.


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siècle de Rubens, de Van Dyck, de Jordaens, celui des Van Eyck et. de Memling s'enrichit de faits nouveaux, de circonstances curieuses, de données incontestables. Quel sujet d'études, en effet, offre plus d'intérêt que les commencements de l'école flamande, de cet arbre vigoureux, qui, après plus de quatre siècles d'existence, porte encore de si beaux fruits? Déjà florissante lorsque l'art sommeillait en Allemagne et en France, elle n'eut d'abord de rivale qu'en Italie. Aujourd'hui, ce dernier pays semble frappé de stérilité; le sol de la Belgique, au contraire, reprend son ancienne fécondité, et plusieurs de ses enfants savent allier la grandeur dans la composition et la pureté du dessin à la magie du coloris, ce glorieux patrimoine de leurs devanciers. La perspective d'une ère nouvelle doit nous encourager à continuer nos travaux biographiques. Les beaux jours du passé se retracent à nos yeux avec plus de charme quand le présent s'illumine d'une brillante clarté, quand l'avenir apparaît riche des plus douces promesses. Il y a, dans les annales des Pays-Bas au Moyen-âge, un côté intime que les anciens écrivains n'ont pu dévoiler. Ce n'est pas aux historiographes de la cour de Bourgogne qu'il faut demander la peinture fidèle des moeurs et des usages des Belges de leur temps. Étrangers pour la plupart ou ne fréquentant que les palais et les châteaux, ils ne comprennent qu'imparfaitement les passions et les entraînements du peuple au milieu duquel ils vivent. De même qu'ils s'étonnent constamment de l'engouement des bourgeoisies pour leurs libertés, de leur aversion pour l'arbitraire et les exactions, ils admirent, sans les apprécier, le faste que les cités de la Flandre et du Brabant déploient dans les fêtes publiques, la pompe pleine de goût qu'étale chaque corporation, chaque citoyen. Les écrivains de la Renaissance auraient pu vivre, dans une plus parfaite communauté d'idées avec la multitude, mais le pédantisme du temps leur inspira un profond dédain pour tout ce qui n'était pas d'une nature scientifique. Un peu plus tard, une influence analogue fut exercée par les idées de réformation religieuse. Ces causes peuvent servir à expliquer comment il nous est parvenu si peu de données précises sur la viedes grands artistes qui couvrirent la Belgique de chefs-d'oeuvre au XVesiècle. Mais il en est encore une qui contribua puissamment à amener ce résultat.


ROGERVANDERWEYDEN. 423 Elle tient à la nature même du caractère national, caractère froid, sans être moins ardent; peu expansif, quoique facilement impressionnable; paresseux ou inhabile, d'ordinaire, à traduire par la parole ou par le style ses sentiments, sans qu'ils soient moins énergiques, moins délicats ou moins élevés. Pendant toute la durée de la domination des ducs de Bourgogne (1585-1482), les esprits sont en proie, dans les provinces flamandes et wallonnes, à une fermentation extraordinaire : les troubles et les guerres civiles désolent fréquemment le pays, les institutions se perfecr tionnent ou du moins se modifient considérablement, les arts fleurissent, mainte pensée audacieuse se révèle, et cependant la littérature reste stationnaire et paraît même vouloir reculer. L'art d'écrire en prose n'est employé que par des chroniqueurs et des mystiques; la poésie, vainement encouragée par les chambres de rhétorique,, semble fatiguée des oeuvresnombreuses qu'elle a enfantées dans les époques antérieures. En vain l'art étale une exubérance prodigieuse : palais, églises, hôtels de ville, tableaux, verrières, retables, orfévreries, ces différentes manifestations du génie plastique naissent sans trouver de poëte qui en chante dignement la création, sans que personne se montre soucieux de raconter à la postérité l'enfantement de tous ces prodiges. Aussi, qu'arrive-t-il?' L'artiste travaille dans le silence, heureux lorsqu'il peut achever, avant de mourir, son oeuvre de prédilection. Quand son heure a sonné, l'enthousiasme, un instant surexcité, 'se traduit par une épitaphe pompeusement élogieuse, puis le silence se fait, et un oubli coupable vient remplacer les clameurs d'un moment. C'est ce qui est arrivé à l'homme à qui sont consacrées ces pages. Pas un artiste n'a exercé sur ses confrères autant d'influence; peu sont parvenus à la postérité sous des apparences aussi vagues. Pourtant, cet homme, qui resta longtemps presque inconnu, Roger Vanderweyden, fut l'élève favori de Jean Van Eyck, le maître du gracieux Memling. Le plus souvent on considère la première école flamande comme un tout homogène, comme une plante qui fleurit exclusivement sur le sol de Bruges, comme un atelier unique où régnèrent constamment les mêmes traditions, et que Van Eyck et Memling dirigèrent successivement dans les mêmes voies. Une étude plus approfondie a conduit à des résultats bien différents.


ROGERVANDERWEYDEN. 424 Pendant les cent cinquante années qui séparent la naissance de Jean Van Eyck de la mort de Quentin Melzys (1370 environ à 1531), on peut compter, dans l'art flamand ancien, plusieurs périodes distinctes, nettement tranchées; l'école se fractionne en quelque sorte en autant de rameaux qu'il y a de villes de premier ordre : Bruges, Gand, Bruxelles, Louvain, Anvers, etc., voient chacune se former un atelier de peinture, et ces rameaux se disputent et se transmettent la prééminence, selon que les maîtres qui les composent ont plus ou moins d'habileté. Après les Van Eyck, Roger donne à Bruxelles la suprématie; son élève Memling la restitue à Bruges; et, lorsque ce beau génie expire dans l'oubli, l'art émigre à Anvers,.où l'influence de principes nouveaux lui donne le coup de mort. Les rives du Rhin furent incontestablement le berceau commun de l'école flamande et de l'école allemande. Au Moyen-âge, l'importante ville de Cologne exerçait sur toute la Basse-Germanieune influence dont on retrouve des traces à chaque pas que l'on fait dans les ténèbres de cette époque. Florissante par son commerce, elle était aussi célèbre par ses innombrables églises, par les oeuvresd'art qui ornaient ses monuments. Tandis que les riches marchands colonais nouaient et entretenaient d'actives relations avec les cités du pays de Liège, du Brabant, de la Flandre, du diocèse d'Utrecht, les artistes, leurs compatriotes, s'y affiliaient aux corps de métiers et y propageaient leur manière de travailler. De même que les gigantesques proportions de sa cathédrale frappaient le voyageur d'admiration et devenaient, aux yeux de tous, le type le plus parfait de l'architecture ogivale, la cité de Cologne se présentait aux communes beiges comme un modèle d'organisation municipale libre et forte. Ses luttes contre les empereurs, contre ses propres archevêques, contre les barons cantonnés sur les rochers voisins du Rhin, en éveillant à Liège et sur les bords de l'Escaut d'ardentes aspirations vers la liberté, préparèrent à ses maîtres architectes et peintres un accueil enthousiaste au sein des gildes de la Belgique. Cologne fut longtemps la Rome de l'Europe septentrionale; l'ascendant que lui donnait son rang de ville métropolitaine, de grand centre commercial, de commune redoutable, elle l'affermit, elle le perpétua, elle le rendit respectable, en relayant sur les deux grandes branches de l'intelligence humaine : la science, dont son université était un des foyers, et l'art.


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Vers l'année 1250, les peintres de Cologne et de Maestricht jouissaient déjà d'une grande réputation, comme l'atteste un passage du Percival de Wolfram d'Eschenbach, qui a souvent été cité. Pendant la période suivante, les églises de ces deux villes et des localités avoisinantes continuèrent à s'enrichir d'ornements de toute espèce. Saint-Servais et Notre-Dame, à Maestricht, les sept collégiales de Liège, celle d'Aix-la-Chapelle, la riche abbaye de Saint-Trond, la cathédrale et les autres temples de la grande cité rhénane, procurèrent aux architectes, aux peintres, aux verriers, aux miniaturistes, de fréquentes occasions de prouver leur habileté. On s'accoutuma insensiblement à chercher dans les contrées situées entre le Rhin et la Meuse les hommes à qui on voulait confier les grands travaux de construction ou d'ornementation. De là ces surnoms de Cologne et de Liège, qui sont portés par tant d'artistes, et que l'on rencontre aussi dans les registres de la corporation des peintres et des sculpteurs de Gand (1). On doit le regretter, la biographie des premiers chefs de l'école de peinture de Cologne est entourée d'obscurités que l'on n'a pas encore réussi à dissiper. Ce que l'on sait de la vie de Guillaume de Herle (1360, 1370) se réduit à une mention de son talent et à quelques actes sans grande importance. Une ligne d'Albert Durer constitue tout ce que nous connaissons sur maître Steffan ou Etienne (1410 environ); et enfin, un troisième personnage, qui doit avoir vécu antérieurement aux deux précédents, Gusmin (forte Goswin), ne nous est révélé que d'une manière très-indédespeintresetdessculpteurs deGandcompta (1) Lacorporation parmisesmembresHenriet SigerVanCuelneoude Cologne, quiobtinrentla maîtrise,le premier en 1349,le seconden 1566(M.DEBUSSCHER, danslesBulletinsde l'Académie en royalede Belgique,t. XX,n° 2). Un peintreHermande Cologneconcourut, delaChartreuse de Dijon(M.DELABORDE, LesducsdeBour1402,à ladécoration gogne,seconde partie,preuves,t. Ier,p. 551);JeandeCologne peignaitettravaillaitl'orfévrerieà Zwoll,en1440; enfin,un autreartistedemêmenoma ornéde ses productions leséglisesde la Saxe.PourLiègelesmentions sont également fréquentes: Josseet JacquesVonLudekefurentreçusmaîtrespeintresà Gand, celui-cien 1424,celui-làen 1567(M.DEBUSSCHER, l c), et, en1368,l'ymaginier de Lièges'engageaà exécuterun tombeau d'albâtreetde marbrepour Hennequin leroideFranceCharlesV,quileluipaya1,000fr. (M.DELABORDE, l. o.,cp.XXII). Troisfrèresportantlenomde Limbourgtravaillèrent, commeminiaturistes, à la mêmeépoque,pourle ducde Berry.Cescoïncidences sontcurieuses,ellesentourentenquelquesorted'unecouronne glorieuseleberceaudesVanEyck,Maeseyck, nide Liége,nide Limbourg, nide Cologne. quin'esttrès-éloigné


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cise, par le renseignement suivant, lequel est, je pense, fort peu connu de la majorité de nos lecteurs. En Tannée 1420 , un architecte nommé Pierre , fils de Jean, après avoir travaillé à la cathédrale de Cologne, puis à celle de Milan, se rendit à Florence pour y concourir à l'édification du dôme de la cathédrale. Dans ses causeries avec son confrère Ghiberti, et comme celui-ci s'étonnait de son habileté, il lui apprit que l'architecture , la peinture et la sculpture florissaient depuis longtemps dans les contrées voisines du Rhin, principalement à Cologne. « Là avait existé, ajouta-t-il, un maître qui « savait peindre les hommes vivant et respirant (1). Il m'intéressa « encore davantage, dit en continuant Ghiberti, par ce qu'il me « dit d'un sculpteur dont j'oublie malheureusement le nom; Je « raconte les faits comme je les ai appris de lui « Il y avait à Cologne un sculpteur très-habile et d'un esprit « éminent. Il habita à la cour du duc d'Anjou (2), qui lui fit exé« cuter un très-grand nombre d'objets en or. Il en acheva un entre « autres, avec l'impatience de tout esprit créateur et de la façon la plus heureuse. Ses productions avaient un grand fini et éga« laient les anciennes sculptures des Grecs. Il dessinait les têtes « d'une manière admirable, ainsi que toutes les parties nues, sauf « que ses statues étaient un peu écourtées. Le goût le plus noble « et la plus grande science se manifestent dans ses ouvrages. Un " jour, il vit mettre au creuset, pour payer les dettes du duc, un « travail qu'il avait soigné avec amour. Alors son courage faillit, « et, tombant à genoux , levant les yeux et les mains au ciel, il « s'écria: « OSeigneur, qui gouvernez les cieux et qui régnez sur « la terre et sur tout ce qui existe, ne permettez pas que je suive « d'autre loi que la vôtre. Ayez compassion de moi... » Aussitôt il « se mit à partager ce qu'il possédait, pour l'amour du Créateur. « Il s'en alla sur une montagne, dans un ermitage, où il se re« tira et où il fit pénitence toute sa vie. Il mourut dans un âge demaîtreGuillaume, dontlesFasti Limpurgenses (1) Il s'agitici,évidemment, — Remarquons, à cepro(adannum1380)parlententermespresquedentiques. pos,queHerle(aujourd'hui Heerlen)estlenomd'unvillagesituédansleLimbourg hollandais,à 3lieuesà l'estdeMaestricht. (2) Ceducd'AnjouestsansdouteLouisIer,frèredeCharlesV,dontM. deBarantea retracéavectant de talentles exactionsetles prodigalités (Histoiredes ducsde Bourgogne, t. Ier,p. 55 et suivantes,édit.de Bruxelles,1838).


ROGERVANDERWEYDEN. 427 « très-avancé, du temps de nos plus anciens sculpteurs. Des « jeunes gens qui cherchaient à apprendre son art le prierent de «le leur enseigner, et ce fut par eux que l'on sut combien était « grand celui qui s'était montré dessinateur excellent et maître « habile. Il les reçut de la façon la plus humble, leur donna d'excecellentes leçons pour les initier à l'étude des proportions, et mit « sous leurs yeux beaucoup de modèles. Ce maître termina mo« destement sa vie dans son ermitage, et, de même qu'il fut émi« nent dans l'art, il eut une vie exemplaire. » Dans un autre manuscrit, cet artiste reçoit le nom de Gusmin et est cité comme ayant excellé dans la peinture (1). Il faut peutêtre le reconnaître dans Gosuin Van Gynt ou de Gand, tailleur de pierres, qui habitait Cologne en 1350 et 1313 (2) Il apparaît, au seuil de l'art, comme une de ces âmes ascétiques où couvent incessamment l'aspiration vers- la solitude et la mélancolie, et qui brisent avec le monde au moindre désenchantement. Dans les époques de foi, le découragement les jette dans un cloître; quand le scepticisme triomphe, elles.ne trouvent d'asile que dans le suicide. Plus heureux que ce maître aujourd'hui oublié, Guillaume de Herle vit son nom resplendir. Sa manière est restée un modèle de grâce, de délicatesse, de chaste élégance. Ces qualités se, retrouvent, avec peut-être plus d'éclat encore, chez maître Steffau ou Etienne, l'auteur de l'Adoration des Rois, de la cathédrale de Cologne, que l'on regarde comme ayant été son élève, et se reproduisent aussi, dit-on, dans quelques parties de l'Adoration de l'Agneau, à Saint-Bavon. De l'aveu de tous les critiques, les panneaux de cette dernière composition où l'on voit Dieu le père, la Vierge et saint Jean , sont d'un faire plus vigoureux , d'une expression plus noble et d'un style plus grandiose que les autres, dont ils n'ont peut-être pas le fini étonnant (3). Avec le tableau de Saint-Bavon l'art se déplace : Cologne descend des hauteursoù elle s'était élevée; Bruges et. Gand la détrônent. De ce que le nom des Van Eyck est le premier qui s'offre à nous avec éclat, dans les annales de l'école flamande , on ne doit pas conclure qu'ils n'eurent d'autres maîtres que leur propre génie. Nachrichten vondenLebenunddenWerken (1)Voyez, pourcesdétails,MERLO Kolnischer Kunstler(Cologne, 1850,in-8°),p. 325et 154-155. (2) Ibidem,p. 156. dessciences et desarts,année1825,p. 264. (3) Messager


ROGERVANDERWEYDEN. 428 La beauté de leurs oeuvressuffirait pour détruire cette hypothèse, si l'on manquait d'autorités à lui opposer. La Belgique n'a pas perdu tous les trésors que lui avaient légués les temps antérieurs. Sur un mur de l'hôpital de la Biloque, à Gand , on a découvert une aquarelle représentant le Seigneur glorifiant la Vierge; ce travail présente quelque ressemblance avec les premières peintures italiennes et paraît dater duXIIIe siècle (1). La démolition du château de Nieuport, en 1822, a fait connaître une composition analogue; à en juger par l'esquisse qui nous en a été conservée, elle appartenait à une époque un peu postérieure et l'on pouvait y signaler des progrès (2). Il existe aussi quelques trèsvieux tableaux, dont l'examen consciencieux , la comparaison attentive, conduiraient à de précieux résultats. Le Crucifiement, du Christ, placé dans la salle des marguilliers de la cathédrale de Saint-Sauveur, à Bruges, panneau d'ailleurs médiocre, se rapproche des oeuvres de Guillaume de Cologne, dont il reproduit les types élancés et la composition pleine de simplicité. Ainsi que dans le tableau du Musée d'Anvers, qui figure le même sujet et qui est daté de l'an 1363, les couleurs sont pâles, l'exécution roide et sans grâce. Un morceau peint à la détrempe, que M. Passavant vit à Bruges, chez M. Imbert, offrait un caractère particulier, une manière, toute différente de celle des peintres rhénans, et se rapprochant du genre de Hubert Van Eycky qui se forma peut-être sur ce modèle (3). Quant au portrait du Christ, de l'église Saint-Servais à Maestricht, on ne l'a pas encore décrit; on nous a dit seulement que c'est de la belle peinture, que le style en est très-ancien, antérieur aux Van Eyck (4). Si l'on songe au mépris qu'on a longtemps voué aux peintures sur bois, au grand nombre de localités et de collections dont l'exploration et la description restent à faire, on peut espérer que de nouvelles découvertes viendront agrandir nos connaissances et répandre du jour sur la marche de l'art en Belgique, au xive siècle. Insensiblement, toutefois avec une lenteur regrettable, la biodansle Messager desscienceshistoriques, (1) M.VAN t. II, p- 200. LOKEREN, à Nieuportetdécritepar M. Kesteloot, (2) Noticesurunepeinturedécouverte danslesNouveaux mémoires del'Académie royalede Bruxelles,t. XVII. (5) Messager,année1827-1828, Histoirede p..340etsuivantes.—MICHIELS, la peintureflamande et hollandaise, t. Ier,p. 410; t. Il, p.18,19,21 lesMonuments de Maestricht, (4) GENS, p. 41.


ROGERVANDERWEYDEN. 429 des Van s'éclaire. Les riches archives de Bruges graphie Eyck laissent échapper, mais avec parcimonie, quelques rayons des lumières qui y sont enfouies. La grave figure de Hubert Van Eyck, dont la poésie perdrait peut-être à recevoir plus de clarté , ne sort pas de sa pénombre mystérieuse. Jusqu'à présent on n'a pu parvenir à enlever la gloire de sa naissance et de celle de son frère à la petite ville d'Eyck ou Maeseyck, près de Maestricht (1);. Ils y avaient vu le jour, le premier en 1366, le second vers l'année 1570, et ils en partirent plus tard, probablement vers l'an 1400, avec leur frère Lambert et leur soeur Marguerite, pour aller habiter Bruges, qui était alors à l'apogée de sa splendeur. En 1420, pour la première fois, Hubert donne signe de vie : à la demande de Josse Vydt, seigneur de Pamele en Brabant, il commença l'Adoration de l'Agneau; mais il mourut le 18 septembre 1426, sans l'avoir achevée, et son frère Jean ne put terminer ce chef-d'oeuvre que six ans après, en 1432. Tous deux avaient conquis l'affection de la douce Michelle de France, la première femme du duc de Bourgogne Philippe le Bon. En 1421, lorsque cette princesse mourut, les peintres et les sculpteurs de Gand, qui lui étaient extrêmement attachés, comme tous les habitants de la capitale de la Flandre, accordèrent spontanément à Hubert et à Jean le droit d'exercer le métier de peintre, bien qu'ils ne fussent pas membres de leur corporation (2). Selon toute apparence, la duchesse Michelle avait favorisé les Van Eyck, soit en les nommant ses peintres, soit en les attachant à sa cour d'une manière quelconque, et la résolution des artistes gantois eut pour but de prévenir toute contes(1) Ona voulufairedeVan Eyckun Brugeois,puis unGantoiset mêmeun Anversois,parceque,danschacunedeces villes,ona trouvédes personnesdu nomde Eyke,HykeouVandereycken. Cettedénomination, quirépondau français DuChêne,a jadisététrès-commune onBelgique. entreautres,étaitpeuBruxelles, La plus singulière pléedeVanEyckeetde Vandereycken. opinionquisesoitmanifestéeà ce sujetest cellequej'ai rencontrée dansun manuscritconcernant le bourgdeLembeeq,prèsdeHal.Làétaitné, disait-on,le pèredel'écoleflamande; maissur quelsargumentss'étayaitl'auteur?Je ne sauraisle dire;je n'ai pu savoiroùse trouveactuellement cemanuscrit,quej'ai euoccasion de consulter,il y a plusde quinzeans.Notons,enpassant,qu'unRutgerVanEyck,maîtremaçon, habitaitCologne en l'année1567,avecsafemmeDrudaouGertrudeetsonfilsJean (MERLO, l c, p. 112). l. C. (2) M.DEROSSCHER, 28


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ROGERVANDERWEYDEN. nature à tation de éloigner de Gand lès deux célèbres étrangers. avons vu Nous que Hubert ne survécut pas longtemps à sa proà tectrice. Quant Jean, il cessa bientôt d'habiter-près de son frère. II devint le peintre en titre de l'ancien évêque de Liège, Jean de Bavière, surnommé Sans Pitié, qui s'était alors emparé du comté de Hollande au préjudice de sa nièce, l'infortunée Jacqueline de Bavière. A cette époque, on doit le supposer, remonte l'influence que Van Eyck exerça sur les anciens peintres Gérard de Saint-Jean et Albert Van Gudewater, dont les oeuvres sont certainement imitées des siennes. Quand Jean Sans Pitié eut rendu le dernier soupir, Philippe le Bon prit ce peintre à son service, le nomma son valet de chambre (19 mai 1425), et lui accorda, toute sa vie, la plus grande confiance (1). Après avoir fait pour le puissant duc de Bourgogne plusieurs voyages, — les uns secrets, afin de dessiner les traits de quelque, nouvelle favorite; le plus important, avec la mission officiellede peindre Isabelle de Portugal, la fiancée de Philippe, —Van Eyck alla de nouveau habiter Bruges, où il mourut au mois de juillet 1441 (2), et où il fut enseveli dans l'église de Saint-Donat, actuellement démolie. Il ne laissa qu'une fille, Lyennie, à qui Philippe le Bon fit donner 24 francs; afin qu'elle fût reçue dans l'abbaye de Maeseyck (5). Marguerite Van Eyck avait aussi manié le pinceau et s'était exercée principalement, à ce qu'il semble; dans la miniature; mais elle était morte peu de temps après Hubert, et elle repose près de lui, dans la crypte de l'église de Saint-Jean (aujourd'hui Saint-Bavon), à Gand, sous la chapelle où l'on admire l'Adoration de l'Agneau. Une invention féconde en résultats, la découverte de la peinture à l'huile, ou plutôt de procédés nouveaux facilitant cette peinture, est due à Jean Van Eyck. On a tenté de la lui ravir, tantôt pour en faire hommage à Hubert, tantôt pour l'attribuer à Antonello de l. c, p. 206.—Cesavantdistinguéa réunidansle volume (1) M.DELABORDE, oùnouspuisonscetteindicationplusieursautresdonnéescurieusessurJean Van levolumecité,à la page554. Eyck.Voyez (2) Cettedate,quel'on n'afixéeaveccertitudequerécemment, d'aprèsles recherchesdeM. Stoop(I'ABBÉ Lestroisfrères VanEyck,JeanHemling. CARTON, Notessurcesartistes.Bruges,1848,in-8°,p. 42),étaitdéjàconnuede MECHEL dela galeriede Vienne,citéedansle Messager,année1826,p. 552).(Description /. c. (5) Comptesde l'hôtel, de l'année1448-1449,dansM. DELABORDE, p. 393.


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Messine. Cette seconde hypothèse ne résiste pas; à l'examen (1). Quant à la première, elle n'a guère trouvé d'écho (2). Hubert pouvait être un grand penseur, un peintre excellent, un homme de moeurs austères,: et cependant n'avoir pas reçu du ciel le don de l'invention, l'aptitude à entrer dans des voies nouvelles. C'est là, au contraire, ce qui distingue éminemment le pinceau de son frère. Jean Van Eyck élargit outre mesure le cadre étroit dans lequel l'art s'était jusqu'alors confiné. Il abandonna les fonds d'or pour ces vastes horizons où brille une si grande entente de la perspective, et il fut le premier peintre de genre en même temps que le premier paysagiste. Son voyage en Portugal, en 1428, fut pour lui une source féconde d'enseignements. Les cieux embrasés du midi, sa végétation luxuriante, les tons chauds dont se parent tous les objets dans les contrées plus aimées du soleil que nos pâles régions, donnèrent à sa palette une nouvelle vigueur. En naissant, pour ainsi dire, le naturalisme des artistes des PaysBas revêtit cette splendide enveloppe qui le distingue si complètement de l'école de Cologne. Comme imprégné encore des brûlantes effluves de l'Afrique, il prodigua les vêtements de pourpre, les pierreries, les parterres émaillés de fleurs, tout ce qui pouvait séduire les yeux. M. l'abbé Carton, de Bruges, l'habile directeur de l'Institut des sourds et muets de cette ville, fait jouer un rôle important au troisième des frères Van Eyck, Lambert, qui fut également attaché à la cour des ducs de Bourgogne, mais que l'on ne peut ranger avec certitude parmi les peintres : « Si Lambert, dit-il, n'a pas continué l'école de Bruges, elle « finit brusquement en 1441, et ne laisse que deux ou trois disci« pies : Pierre Christophsen, dont on ne connaît que quatre ta« bleaux; Gérard Vandermeire, disciple peu brillant, et peut-être à cesujet,lebeautravaildupèredominicain VINCENZO MARCHESE (1) Consultez, alla vitadiAntonello da Messina),quia parudanslanouvelle édi(Commentant) tion deVasari(LeVitede piu eceellenti pittori, scullorie architetli,Firenze, 1846et annéessuivantes), puisdanslesScrittideMARCHESE, publiésà Florence, en 1855,p,499à 522. s'étaitparticulièrement constituéle champion de Hubert,ense (2) M.DEBAST basantsurtoutsurlejeuneâgedeJeanVanEyck,qui, selonVAN VAERNEWYCK et LUCAS DEHEERE, écrivains duXVIe siècle,seraitmortjeune.Ilestencoreincertain sil'on peutadmettrecetteallégation, car,en 1420,lorsqueHubertapparaîtcomme sonfrèrel'accompagne peintrerenommé, déjàà titreégal.


432 ROGERVANDERWEYDEN. « un Roger de Flandre, qui peignit dans là Chartreuse de Mira te,flores en Espagne. Les tableaux de ceux des disciples:de l'école « des Van Eyck que l'on fait passer communément pour élèves de « Jean sont tous d'une date qui semble prouver que ces artistes « n'ont été initiés aux secrets de la nouvelle méthode que posté« rieurement à la mort de Jean Van Eyck (1). » Nous parlerons plus loin de Vandermeire, que l'on regarde comme un élèvede Hubert Van Eyck, et qui travailla surtout à Gand, et de Christophsen, le peintre le plus remarquable de Bruges pendant les années qui suivirent la mort de Jean Van Eyck Ces deux artistes restèrent bien en dessous des chefs de l'école. Le véritable successeur de ceux-ci fut ce Roger, dont M. Carton parle avec quelque dédain et qui ne peut être que le Roger de Bruges de quelques écrivains, le Roger à qui nous avons restitué son véritable nom patronymique, le nom de Vanderweyden. Entre les deux grands maîtres qui portèrent si haut le nom de Bruges, au xv° siècle, Jean Van Eyck et Hans Memling, il brilla comme un phare, moins éclatant peut-être, quoique étincelant de vives lueurs. Mais, en se fixant à Bruxelles, il déplaça momentanément le centre de l'école flamande; de plus, formé par les leçons de son maître, sans avoir hérité de tout son talent, il adopta un naturalisme plus vulgaire et prépara ainsi une décadence rapide. Memling, qui grandit cependant sous ses auspices, sut se soustraire à la contagion et se montrer à la fois poète et coloriste; mais d'autres, surtout Vandergoes et Stuerbout furent moins heureux et exagérèrent les défauts de Roger, dont ils n'eurent pas les qualités. La solution de ces questions intéressantes se lie intimement à la connaissance de la biographie de Roger, que nous allons essayer d'exposer d'une manière aussi; complète que possible. Avant de l'aborder, nous devons cependant dire encore quelques mots. On fixe d'ordinaire l'époque de la découverte de la peinture à l'huile à l'année 1410, ce qui serait trop tôt, selon quelques écrivains : Jean Van Eyck étant mort jeune, suivant eux, n'a pu essayer et trouver une invention pareille, trente aimées avant sa mort. Nous nous bornerons à observer ici que Roger était déjà (1) M. CARTON, l.c, p. 69.


ROGERVANDERWEYDEN. 433 maître peintre en 1427 ; si Van Eyck, comme on l'assure, n'a communiqué son secret à son disciple favori qu'après l'avoir tenu longtemps caché (1), on peut hardiment admettre la date adoptée par Vasari. Ce secret,; au surplus,, ne consistait qu'en modifications apportées dans la préparation des vernis. C'est là un fait sur lequel on est d'accord. La peinture à l'huile était connue, mais les procédés dont on se servait ne contentaient pas les artistes, et plus d'un essaya ce qui réussit complètement à Jean Van Eyck. A. WAUTERS. (Lasuiteau prochainnuméro.) ne fecegraziafinalménte a Ruggierida Bruggia,suo (1)) Madivenutovécchio, ad Ausse,suodiscépolo. creato,e Ruggieri


DOCUMENTS INÉDITS SUR LES ARTISTES

FRANÇAIS.

III DEVIS DES PEINTURES DE PHILIPPE DE CHAMPAIGNE , AUX CARMÉLITESDE PARIS. M. Lefèvre, libraire, marchand d'autographes, qui a découvert et sauvé tant de papiers précieux pour l'histoire des arts, nous communique la copie d'une pièce très-intéressante, dont l'original, sorti autrefois d'une étude de notaire, avait passé entre ses mains, il y a plusieurs années. C'est un devis des peintures et dorures qui furent exécutées par Philippe de Champaigne (1) dans l'église du grand couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques à Paris (2). Ce document nous fait connaître non-seulement le projet de ces peintures murales, mais il nous prouve aussi que les peintres les plus fameux se chargeaient encore, au milieu du XVIIesiècle, de la décoration architecturale et ornementale des édificesoù devaient figurer leurs tableaux. (1) Né a Bruxellesle 26mai1602,mortà Paris le12 août1674;inhumé dans l'égliseSaint-Gervais. Il étaitélèvedeJeanBouillon, de MichelBourdeaux et deFouquière à la fondation ; il vintà Parisen 1621, futnomméacadémicien de l'Académie dePeintureenfévrier1648,et devintprofesseurà l'Académie le 6mars1655.Nouscroyonsdevoirleclasserparmilesartistesfrançaisquoiqu'il soitné enBelgique,caril futnaturaliséen France,oùil passatoutesavie. desPèresdel'Oratoire,futsup(2)Cecouvent, quiavaitétéd'abordlenoviciat priméaveclesautresen1790; maissesbâtimentsrestèrentintactset sonéglise servitdemagasin.IlestsituédanslarueSaint-Jacques, presqueenfaceduVal-deGrâce; l'ancienne entréesubsisteencoretellequ'elleétaitdutempsde Philippede au fondd'unepetiteimpasse;l'entréeactuelleest maintenantrue Champaigne, d'Enfer.C'estdansce couventque mourutSoeurLouisedela Miséricorde, la célèbreduchesse delaVallière.


DOCUMENTS INEDITSSURLES ARTISTESFRANÇAIS. 435 Il est à peu près certain que les peintures de Philippe de Champaigne existent encore dans l'église du couvent des Carmélites, qui est toujours occupé par des religieuses du même ordre; mais cette église étant absolument interdite au public, il nous a été impossible de savoir en quel état sont aujourd'hui ces peintures. Quant aux deux tableaux sur coutil, qui faisaient partie du marché conclu avec le peintre en 1631, ils ont été sans doute enlevés à l'époque de la Révolution, et transportés dans quelque musée de province. Antérieurement à ce devis, Philippe de Champaigne, qui connaissait la supérieure des Carmélites pour avoir faille portrait de cette religieuse, exécuta la grande fresque de la voûte du choeur, et l'on peut supposer que le succès de ce travail, que la reine-mère Marie de Médicis avait payé généreusement de ses deniers en 1627 ou 1628, détermina la communauté à faire compléter, dans le- même style et par le même artiste, la décoration de l'église; car Marie de Médicis, alors exilée et hors de France, n'était plus là pour ouvrir sa bourse aux Carmélites et à son peintre favori. Plusieurs historiens nous ont conservé heureusement le sujet de la peinture principale, que le devis de 1631 n'indique pas. André Félibien, dans ses Entretiens sur les vies et les ouvrages des peintres, dit, en parlant de Philippe de Champaigne (t. IV, p. 211 de l'édit. in-12) : « Continuant les ouvrages des Carmélites, il fit travailler à la voûte de l'église et y peignit lui-même quelques tableaux, entre autres le Crucifix accompagné de la Vierge et de saint Jean. Ces figures, qui sont en raccourciront un très-bel effet, et sont regardées comme les meilleures choses qui soient de lui dans ce lieu-là. Il fit faire les camaïeux (c'est-à-dire : peintures monochromes, imitant les effets du camée) et les autres ornements par des peintres peu intelligents, n'en trouvant pas de plus habiles pour le soulager dans la quantité d'ouvrages dont il était chargé alors. » Piganiol de la Force, dans sa Description historique de la ville de Paris (t. VI, p. 170 de l'édit. de 1765), mentionne aussi les travaux que Philippe de Champaigne exécuta aux Carmélites de la rue Saint-Jacques. Il dit que le dedans de l'église fut magnifiquement décoré, par la libéralité de Marie de Médicis, « qui y employa longtemps Philippe de Champagne, son premier peintre. » Il ajoute : « Les peintures de la voûte sont à fresque et


436 DOCUMENTS INEDITSSURLESARTISTESFRANÇAIS, de ce peintre. Les curieux et les.connaisseurs regardent, avec une attention particulière, un morceau de perspective dont Desargues, habile mathématicien, avait donné le trait à Champagne : c'est un Crucifix entre la Sainte Vierge et Saint Jean. Ce groupe paraît être sur un plan perpendiculaire, quoiqu'il soit sur un plan horizontal. » Philippe de Champaigne avait un logement au Luxembourg, comme chargé dela direction des peintures de ce palais ;.lorsqu'il fit le fameux Crucifix de la voûte de l'église des Carmélites, il venait d'épouser la fille de Duchesne, auquel il avait succédé en qualité de peintre ordinaire de Marie de Médicis, avec.1,200;livres de pension. Cette pension cessa de lui être, payée, après le départ de la reine-mère. Il serait trop long d'établir ici par des calculs approximatifs une estimation réelle du prix, très-minime en apparence, accordé à Philippe de Champaigne pour les immenses travaux d'art qu'il devait exécuter ou faire exécuter aux Carmélites. Depuis deux siècles, non-seulement le cours des monnaies a bien changé, mais encore la valeur vénale des marchandises et le prix de. la maind'oeuvre ont décuplé. Il suffira de rappeler qu'en 1631 le marc d'argent valait 26 livres 10 sous, et qu'il vaut aujourd'hui 56 francs. On peut donc dire, avec certitude, que les 5,700 livres que le devis attribue à Philippe de Champaigne représenteraient aujourd'hui plus de 60,000 francs. « Devisdes peintureset doruresqu'il convientfaire au.Coeurde Mesdames.. lesCarmélitesduPetit-Couvent. « Premièrement, deux grands tableauxsur conty où seront représentez,: en l'un, l'Ascensionde Notre-Seigr.; en l'autre, la Descente du St-Esprit sur les apostres; les bordures desdits tableaux dorez d'or bruny, lesquels deuxtableauxsont au-dessus de la grille. « Plus, à la facadedu Coeur,au-dessus de la corniche,,l'on peindraun Moyseet St Helye,.etau milieu,sur l'arcade,l'on peindradeux anges qui supporterontun cartouche, dans lequelil y aura les armes du bienfaiteur : dans le fond , l'on peindra des compartimensd'or blanc et gris, ornés de testes de Chérubinsd'or. « Au-dessus dela corniche,entre les deux,pilastres, l'on représentera St Pierre, d'un côté, et St Paul, de l'autre, qui seront dans des niches ornéesdetestes de Chérubinsd'or, les fondsdesnichésdorez; au bas des niches, des consolesd'or et des festonsd'or.


DOCUMENTS INEDITSSURLES ARTISTESFRANÇAIS. 437 « Toute l'architcture sera enrichied'or à fond blanc; les chapiteaux des pilastres serontd'ortoutà plat, les canneluresdeces pilastresornées de feuillagesd'or enfermezde filets d'or assez larges; les cornichesseront enrichiesd'or ; la frise sera enrichiede trois bouillonsd'or, umbrés, dans des feuillages: en certains endroits, sortiront des petits anges : lé tout d'or à fond blanc, lesdenteluresdorées, les plates bandesenrichies d'unornementd'or continuet les talonsd'or à plat; les architravesornez d'un,ornementd'or continu,et le,reste presquetout doré. Plus, aux ceintres de dessous l'arcade, il ya deux formesd'architravesqui serontdorez commeles autres; au milieu, un grand ornementd'or continuà fond blanc. « Plus, toutelavoulteduCoeursera peinte; aux quatre coings,l'onreprésenteraquatre gdsEvangelistes,et, aux autres places, des angesdans le ciel, qui tiendront les mystères de la Passion de Jésus-Christ; les ogivesde ladite voulte ornezd'ornemenset filets d'or, les roses du milieu dorezà plat ; lé derrièrede la menuiseriedu gd autel seradoré tout à plat à la mosaïque. le costédes fenêtresdu Coeur,seront peintes avec des amortissemenset fractionsd'or sur un fondblanc. « Par devantles notaires garde-notesau ChateletdeParis, soussignez, fut présent Philippede Champaigne, peintre de la Reine-mèredu Roi, demeurantau Palais de Luxembourg,lequel a reconnuet confesséavoir fait marché, promis et promet aux DamesMère Prieure et religieuses des Carmélitesde la Mèrede Dieu, establis en cette villede Paris, ce acceptanset stipulanspar la reverendeMèreMargueritedu St-Sacrement, prieuredudit Couventde faireet de parfairebienet duementles ouvrages de peintureset doruresmentionnezetdeclarezauDeviscy dessusescript, au dire de gens à ce cognoissanset au contentementde ces Dames,et travailleraudits ouvragesde peintures et dorures sans discontinuation; pour le prix et sommede trois mil neuf cents livres , que ladite Dame MèrePrieure a promiset prometbailler et payer audit Champaigneou au présentépar lui, au fur et mesurequ'il travaillera auxditsouvrages, par ainsi, promettantet s'obligeantchacunendroit soy, «Fait et passé audit Couvent,au parloir et grilled'yceluy,l'anmil six centtrenteun, le 2mejour de septembre,aprèsmidi, et ont signé : « Sr MARGUERITE DUSt-SACREMENT. « CHAMPAIGNE. « HERBUS. « Plus, ledit Champaignea recognuetconfesséavoir fait marché,promis et prometauxdiles DamesPrieure et religieuses,ce acceptant par laditeDamePrieure : « Parfairebienet duement,au dire d'honnestesgens, à ce cognoissans,


INEDITSSURLES ARTISTESFRANÇAIS. 438 DOCUMENTS au contentementde ces Dames,les ouvragesde dorures qui ensuivent; à sçavoir: pour la table du grand autelde l'église dudit Couvent, d'or bruny et d'or mat, ladite table contenantdeux grands termes et anges posez sur des consoles, avec festonset testes de Chérubins, lesquels termes supportentla cornicheet ses dépendances,et au milieu Dieu le Père acompaigniéde Cherubins, et au dessusdu fronton deux grands anges, et généralementtoutes les dorures, qu'il conviendraà laditetable ; lesquelsouvragesde dorureledit Champaignepromet faire bien et duement, commedoibt estre, et y travaillersans discontinuationjusqu'au parachevementd'ycelles. Ce marchéfait moyennantla somme de dix huit cents livres, que ladite Dame Prieure promet bailler payer audit Champaigne,au fur et à mesurequ'il fera lesdits ouvrages, par ainsi promettantet s'obligeantchacunendroit soy. « Fait et passéaudit Couvent,au parloir et grilled'iceluy,le deuxejour de septembre,mil six cent trente un, et ont signé : « Sr MARGUERITE DUSt-SACREMENT. « CHAMPAIGNE. « HERBIN, notaire. » PAULLACROIX.


CORRESPONDANCE.

NOTICE

SUR

L'ABBE

GOUGENOT.

A M. PAULLACROIX (BIBLIOPHILE JACOB). MONSIEUR, Je réponds assez timidementà votre désir de me voir tracer unenoticebiographiquesur l'abbé Gougenot,mon grand-oncle,d'après les documentset les papiersde familleque je possède. Desrecherchescomplètes exigeraientle remuement d'armoires:entières et. de paperasses dont le désordre n'est point un effet de l'art. Monesquisse sortira donc seulementdes notes que vous avezcompulsées,et auxquellesvous:trouvezun intérêt queje neleur connaissaispoint. Louis Gougenot,prieur de Maintenay,abbé commendatairede ChezalBenoît,et conseillerau Grand Conseilde France, honoraire de l'Académie de Peintureet de Sculpture,descendaitd'unefamilledont plusieurs membresse distinguèrentdans les arts et la hautelittérature. Déjàsous le règne lettré de François Ier,messire Jehan Gougenot,escuyer,passait pour un savant homme; mais ces goûts scientifiquesn'excluaientpoint dans lafamillele dévouementchevaleresqueet militaire: en 1667, deux très-jeunesofficiers,grands-parentsde l'abbé Gougenot,Pierre et François, se faisaienttuer, presque à la mêmeheure, l'un dans son,régiment de cavalerie,l'autre sous les murs de Lille. L'abbé de Chezal-Benoîtfut un des huit enfants de messire George Gougenot,seigneurhaut-justicier des Mousseaux,de Mallerais,d'Availle et autres lieux, secrétairedes commandementsde monseigneurle duc de Bourbon,qui, avantde mourir, le nommal'un destuteurs des princes et princesses de Condé, avec monseigneurde Charolais, oncledu jeune prince.(Journalhistoriquede Barbier,publiépar laSociétédel'histoirede France, t. II, p. 244.) LouisGougenotnaquitle 14mars 1719et se lit remarquer,de bonne heure, par son penchantversla littérature sérieuse,et par son génieartistique : « Il aimait les arts avecune sorte de passion, et il s'y était appli-


440 NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. « que dès sa plus tendre jeunesse. Après avoir pousséle dessin aussi " loin qu'on peut le faire quand onne veut pas être artiste de profession, « il entrepritle voyaged'Italie, pour étendredavantageses connaissances « dans les arts, par lavue de ces chefs-d'oeuvreen peinture,sculptureet « architecture,qu'onne retrouvedansaucunpays dumondeen si grande « abondance.» (Élogede l'abbé Gougenot,par M. Salle, avocatau Parlement, de l'académiede Berlin,etc., p. 105.) L'Italie n'avait point alors subi les révolutionsqui l'ont dépouillée, pour enrichir tourà tour les paysvainqueurset répandresestrésors sur la surfacede l'Europe. « L'air de ce pays et: les fatiguesdu voyageaffectèrentd'une manière « sensiblele tempéramentdélicatde l'abbé Gougenot,maisl'altérationde « sa santén'arrêta point son ardeur. Absorbé,d'ailleurs,par l'importance « de ses fonctionsau Grand Conseil, il consacrait de longues veillesà « examiner,à revoir, à rédigerses observationset sesjugements. « Al'aide de ces manuscrits,faits avec toute l'exactitudedont il était « capable,il se proposaitdedonnerau publicun nouveauVoyaged'Italie. « ç'aurait été peut-être le plus completde ceux qui ont paru jusqu'à nos « jours; car il eût embrasséla partiedes arts dans toute l'étenduepossi« ble, sans négliger la partie historiqueet politique. « Avantsonretour en France, etdansle tempsmêmequ'il était encore « en Italie, M. l'abbé Gougenotfut élu membrede l'Académieroyalede « Peinture et de Sculpture, en qualitéd'honoraireassociélibre. » (Marseillelui rendit le mêmehonneur.) " L'Académievoulut principalement « par là lui marquer, en quelque sorte, sa reconnaissancede ce qu'il « s'était chargéde conduireaveclui en ItalieM. Greuze, dontles talents, « si connusaujourd'hui, ne faisaientalors que d'éclore, etvenaientde lui « mériter letitre d'agréé. « M.l'abbé Gougenotétait d'ailleurs par lui-mêmedigne de cette dis« tinction, et l'Académiea souventeu lieu de s'applaudirde son choix. « Il possédaità fondla théoriede la peinture et dela sculpture.:Aussi, « plusieurs des plus célèbresartistes de nos jours se faisaientun mérite «de le consulter et de suivre ses avis. Il s'était livré à une étude «particulière et approfondiede la mythologieet de l'allégorie, qui « sontd'une si grande ressourceet d'un usage si fréquent dans les arts. « On peut diremêmequ'il avaitle vrai génie de cettebranche essentielle « de la composition.Sans avoir recours à ces emblèmescompliquésqui « rendentinintelligiblesla plupart des sujets allégoriques,-ilétait en état « de fourniraux artistes des sujets dont l'allégoriesimple et expressive « n'avaitbesoin d'aucun commentaire, et se présentait d'elle-mêmeà « l'imaginationdu spectateur.» (Éloge,etc.) Les paroles officiellesde cet Éloge me permettent de transcrire les notesintimesque vous avezluesdans mespapiers de famille,et qui sont


441 NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. de lamain de monpère, le chevalierGougenotdes Mousseaux(1),gentilhommeordinairedu roi LouisXVIet capitaineauxhommesd'armesdans l'arméedes princes. Monpère avait lui-mêmela doublecompétenced'un hommede goût, et, je crois pouvoirle dire, d'un observateurfort lettré. « L'abbé Gougenot,disent doncmes notes, était grand protecteur des arts. Faisant un voyageen Italie, il avait emmenéaveclui le fameux Greuze,jeune alors, annonçantdu génie (1), mais sans fortune, et hors d'état de faire face aux dépenses des voyagesqui devaientperfectionner son talent. L'abbéGougenots'en, chargea et prit à son compte,tous les fraisqu'exigèrentles tableauxexécutéspar Greuzeen Italie. « Greuzeétait le plus capricieuxdesartistes. Pour le satisfaire, il fallait réunir en toute hâteles personnagesnécessairesà la compositiondu tableau dontil s'occupaitdans le moment.Puis, une fois les personnages rassemblés,sa verve, disait-il, était éteinte; il ne se sentaitplus en état de travailler, et il congédiaitses modèles, qui recevaientcependant le prix convenupour la séance.De pareilles fantaisiesétaient fréquentes chez cet hommebizarre. » En .1757, Greuze fit le portrait de son protecteur. On s'accorde à dire que ce portrait est un des meilleurstableaux du grand artiste. Il est peint à la manièrede Van Dyck. On a toujours regretté que, dans le genre.du portrait, Greuze ait changé la manièrequ'il avait prise dans celui de l'abbé Gougenot.Ceportrait a été gravé,d'aprèsle désir del'Aca(1) ChassédesTuileriespar lepeuple,aprèsavoirpayédesa personnedansla chambreduroiLouisXVI,à la journéedu28février1791,et.licencié,plustard, avecl'arméedesPrinces,il eutpourcompagnons M.de Maupeou et d'émigration M.l'abbédeTressan.ALondres,lestroisinséparables firentenversunecomédie de société,peinturefort gaiedesmoeursanglaises,et'intituléel'Enlèvement d'un pudding.Plustard, monpère,ayantpasséseptannéesdanslesAntillesfrançaises et anglaises, revintdel'exilavecunmanuscrittrès-intéressant surla culture,l'adlesmoeurset l'importance deces îles.J'ai tiré decerecueildivers ministration, fragmentspourmonouvrageintitulé:Colonies françaises,1844; et cet écritme valutunelettredefélicitations duConseilcolonialdela Martinique. de l'Académie, auteurdu Voyage (2) M. l'abbé.Barthélémy, d'anacharsis,dit ces quelquesmotsde Greuzeet de l'abbéGougenot,danssonVoyage en Italie (p. 133-134).. «Je pars demainpourCivita-Veechia, avecM.,l'ambassadeur etmadamel'ambassadrice.M.de Costeetl'abbé Gougenot partirontdansl'intervalle,et je m'évoupargneraile spectacledeleur départ.Greuzeresteà Rome; l'abbéGougenot lait"leramener.Ila répondu,quel'Académie lui ayantfaitl'honneurdel'agréer,il devaitreconnaître sesbontéspar denouveaux efforts...J'aimecetterésolution;il mesemblequ'elleannonce du courage,del'ardeuret uneémulation peucommune. Si vousl'approuvez, vousêtesprié delajustifierauxyeuxdumarquisde Marigny et de tousceuxquipeuvents'intéresserauxprogrèsdecejeunehommequiparait avoirungrandtalent. »


442 NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. demiede Peinture, et je vous ai fait voirune de ces gravuresà côtéde l'original,qui, des mains de mon père, est passé dans lesmiennes. Le conseil et la bourse de l'abbé Gougenotfurent toujours à la dispositiondes artistes qui méritaient des encouragementsou qui annonçaientdu talent, et il eut aussi grand débit de l'un que de l'autre, tant pendant son séjour en Italie que dépuis son retour en France. « Chéri, aimé et estimé de tous ceux qui le connurent, il n'éprouva d'oublique dela part de Greuze,qui, cependant,le trouva toujoursaussi indulgentqu'empresséde lui être utile. » Ces dernières paroles, que je transcris, semblentêtre confirméespar ce passagede l'Éloge,p. 108 . « La douceur, la modestieet la bienfaisance,constituaientle caractère « de M. l'abbé Gougenot,et ses vertus étaient peintes sur son visage.Il " aimait surtout à obliger, et sa manièrede le faire ajoutait encore au « bienfait. Ce sentiment,naturel dans son coeur,n'avaitpas besoind'être « échauffépar les prières et les sollicitations;il allait de lui-mêmeau« devant des occasions.Son âme généreusene connaissait pas de plus « grande satisfactionque le plaisir délicatde surprendreagréablementla « personne qu'il avait obligée... » Vous connaissez,Monsieur,le Voyageen Italie (8 vol., 1769, Venise et Paris), publiépar M. de Lalande.Je trouvedans mes papiers divers renseignementsqui se rapportent à cet ouvrage. D'abord, nous lisons dans la préfacede M.de Lalande,p. IX et suivantes : « Je n'aurais osé, dans cet ouvrage, porter des jugementssur les « oeuvresde peinture et de sculpture qui sont en Italie, si je n'eusse eu « communicationd'un manuscrit qui m'a mis à portéede compléterma « description.àcet égard. « Feu M. l'abbé Gougenot,conseillerau Grand Conseil,et honoraire « associélibre de l'Académieroyale de Peinture et de Sculpture, avait « partagé son temps, dès sa plus tendre jeunesse, entre les affaireset les « arts. Ses lumières,ses travaux, son application,son amourinaltérable « pour la justice et l'ordre, la vérité et la candeurde son caractère, lui «avaientméritéau plus haut degrél'estime,l'amitiéet la confiancede ses « confrèresduGrandConseil.Il ne trouvaitdedélassementde ses grandes « occupationsque dans son goûtpour les arts, qu'il cultivaitavecle plus « grand succès. Bientôt il eut des liaisonsintimes avecles artistes les « plus habilesde la capitale, à qui il eut souventle bonheurd'être utile " par ses conseils et ses lumières; il avait formé depuis longtempsle « projet,de voir par lui-mêmeles chefs-d'oeuvrede génie, les modèles « entout genredont l'Italieest remplie;il exécutaenfinsa résolution, au « mois de septembre 1755. Il suffitde nommerson compagnonpour « avoir unejuste idéede songoût : c'étaitM. Greuze,ce peintrecharmant


NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. 445 « de la nature. La belleâmede M. l'abbé Gougenotjouissait d'un plaisir « d'autant plus pur qu'il rendaitson voyageplus utile aux arts, enmet« tant M. Greuzeà portée de puiser de nouvellesconnaissancesdans la « patrie des arts. « Mais M.l'abbé Gougenotne s'en tint pas au secours de M. Greuze, « dansson voyagepittoresque.Il se faisait accompagnerpartout à Rome, « par un peintre, un sculpteur,un architecte et un antiquaire. Tous les «artistes français, et même italiens, enchantésdu goût, du discerne« ment, de la douceur des moeurset de la noblesse des procédés de «M. l'abbé Gougenot, se faisaient honneur d'augmenterson cortége, « d'admirer et de juger,aveclui les différentsmorceauxde peinture, de « sculpture et d'architecture,qui se présentaienten foule dans les prin« cipalesvilles d'Italie. C'est d'après les observationsde tant d'habiles « gens, réunies aux siennes propres, que M. l'abbé Gougenotécrivait. " Son jugement est d'autant plus impartialqu'il ne destinaitpas son « ouvrageà l'impression,et ce n'est pas sans peineque j'ai obtenude « M. Gougenotde Croissy la communicationd'un manuscritsi précieux. « J'en ai fait usagedans tout le cours de mon ouvrage, à commencerde « la page57du Ier volume,et tous les jugementsen matièrede peinture, « de sculpture et d'architecture, appartiennentà M. l'abbé Gougenot,à « moins que je n'indiquele contraire. » Dans la descriptionde ce voyagede l'abbé Gougenoten Italieéclatela haute et universelleestimedont jouissaientle caractère et le talentde cepersonnage,en qui se rencontraientle conseillerd'État, l'écrivainpolitique et l'historien, l'hommed'Église, ami du calmeet de la retraite, et pourtant encore l'artiste et le Mécène.(Voir le Nécrologedes hommes célèbresde France, Paris, 1768, p. 104-105, etc.) Mais, énoncer qu'un ouvrage écrit dans de telles conditionsn'ait point été destiné par son auteur à voir le jour, c'est établirune erreur qui se redresseraitd'ellemême, si elle n'était démentiedans l'Éloge Académique,p. 104. Voici d'ailleursce que rapportentà ce sujet mes papiers : « Mononclel'abbéavaitlaisséenmourantun ouvragesur l'Italie, fruit deses longues observations.GeorgeGougenotde Croissy,le seul de ses frères qui lui survécut, en confia le manuscrit à M. de Lalandepour le revoiret le retoucher, l'abbé Gougenotn'ayant pas eu l'intentionde le publier « avant d'enavoir remaniéle style. » M.de Lalande,ayant probablementmal comprisles intentionsde M. de Croissy,s'appropria des documentsconsidérables.Il compulsaplusieurs autres voyagesen Italie, et de ces élémentsdivers il composa sa volumineusepublication.Ceux qui connaissaientle manuscrit engagèrentM. de Croissy à le livrer à l'impression,mais, commeses grandes occupationsne lui permettaient pas de le revoir, il en chargeaun autre hommede lettres. Larévolution de 1789 éclatant sur ces entrefaites, le manuscrit fut rendu; M. de


NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. 444 Croissymourut, et son fils monta sur.l'échafaudrévolutionnaire(1). » L'abbé Gougenot« avait un goût décidé pour la retraite.; » aussi s'était-iléloigné de l'hôtel,de sa famille, situé dansun quartierque la voguea déserté: le Marais,rue desFrancs Bourgeois.Il s'était construit unemaisonde religieuxet de philosophe,qu'il appelaitsa masure.Tel est le termepar lequel il la désignesur un plombqui futdécouvertdans les fondementsd'un édificefaisant partie de la maisondu célèbre et digne abbé Liautard, mon maître, et je reçus de lui cette inscription.Ce fut, si je ne me trompe, en novembre1816, l'annéemêmeoù j'entrais dans cet établissement,qui devint,un an ou deuxplus tard, le collègeStanislas. La retraite de l'abbé Gougenottouchait presquele salon du cardinal Fleury, qui formaitla grandechapelledu collége,alors,situéau n° 28 anciende la rue NeuveNotre-Dame-des-Champs. J'y ai presque vula solitude encore! C'est dans cette masure que se rangèrent les précieuses collections artistiques dont vous connaissezle catalogue. Un nombre considérablede ces objetslui avaitétédédiépar de grands artistes. Son panégyristedit donc avec vérité : « Il ne se plaisait point dans « les compagniesnombreuses,où l'on se voitle plus souventsans se con« naître, et où l'on se connaîtsans s'aimer. On peut dire à sa louange « qu'au contraire de la plupart des autres hommes, il avait peu de con" naissances,mais beaucoupd'amis.» (Éloge,p. 108.) (1 GeorgeGougenot, seigneurde Croissy,etc., secrétairedescommandements demonseigneur le princedeCoudé,estauteurd'unlivreanonyme, intitulé: État présentdela Pensylvanie, etc.,in-12de.128p., avecunecarte,sansle nomdulibraireni delavilledepublication, datéde1756.SonfilsLouisa publiéunouvrage intitulé: État actuelde l'Inde,et considérations, anonyme, etc., etc.; imprimé à Londres,et se trouvantà ParischezLaurentProult,46,quaides Augustins, entête: TU,quid 1787,in-8°de224p., très-belleédition,aveccetteépigraphe ego,et populusmecumdesideret,audi; et cetteautre, à la finduvolume: Odeétenruntpeccareboni,virttitisamore.—Sahautecapacité,etsesconnaissances duesen économie luivalurentla placede syndicdela Compagnie politique, royale desGrandesIndeset celledereceveurgénéraldela:RégiegénéraledeFrance.L'importancefinancièrede cette,dernièreplaceétaitde 100,000fr. de rente,somme énormepourcetteépoqueoùl'argentcommençait à compter.En qualitédemaître d'hôtelduRoi,il approchait de la familleroyale,et, lorsdelajournéedu 18avril 1791,il putfaireunrempartdesoncorpsà la reine,dansla courdesTuileries.La reinelui témoignait unerare estime,etle comblait de bontés.Enremontant dans les appartements, commeil était couvertde meurtrissureset de sang, elle lui deson courageux dévouement. Je tiensce exprimasa douleuret le complimenta récitdu-chevalier dela Motte,gentilhomme ordinairedu roi, et chevau-léger-lieu— Je fus,méditcethommesi droitet d'unsinoblecoeur,je fustétenant-colonel. moinoculaireet auriculairede ce queje vousaffirme.—Le29 germinalan de Croissyfutcondamné àmortetexécutécomme (18avril1794),LouisGougenot contre-révolutionnaire.


NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. 445 fut un des célèbres artistes qui lui témoignèrentune viveet Pigale durable reconnaissance.Je lis à son sujet dansmespapiers de famille: « Je sortaisde collège,dit monpère, et j'arrive, un jour, chezmononcle • George de Croissy. Pigale, le célèbre sculpteur, lui rendait visite, et m'avaitprécédé.Lorsqu'il sut quej'étais le neveude l'abbé Gougenot,il me fit les démonstrationsles plus affectueuses;il me parla de ce bon oncle, les larmes aux yeux, et avec un bien touchantintérêt : « — Ce qui contribua certainementà m'acquérir le plus de réputation, me dit-il, ce sontles morceauxquej'exécutaid'après lesidéesde M.votre oncle, tels que la statue de Louis XVà Rheims, mais surtout le mausoléedu maréchalde Saxe. « Voicil'anecdotequeje tiens de sa boucheà proposde ce monument: « — Legouvernement,voulantériger un mausoléeau maréchalde Saxe, le mit au concours. J'aimais à ne rien entreprendre avant d'avoir consulté M.votre oncle. Je fus donc le trouver. Après lui avoir témoigné tout le désir quej'avais de concourir,je lui exprimaique je ne trouvais rien qui me parût digne d'un aussi beau sujet. Nous causâmes, quelque temps, sur l'importancede cetteoeuvred'art, et nous convînmesde nous revoirquelquesjours après. M.votre oncle me fit la promesse de mettre à profit cet intervalle, pour donner cours à ses idées sur ce projet. Lorsque je revins, cet hommequi avait le temps et le secret de tout faire, me lit voir un croquis qu'il avait composé.Ce croquis me plut tellementque je l'adoptai; je le présentai, j'eus la préférence sur mes concurrents, et je l'exécutai.C'est le mausoléedu maréchalde Saxequi se voit à Strasbourg. » Les coeursgénéreuxoutrent la reconnaissance: Pigaleexagérait sans doutela part de mériteque mon grand-oncleavaiteuedans la conception de ce plan.Je le supposaisdéjà avant que la Revueuniverselledesarts eût publié (n° 2, p. 127) la lettre écrite en novembre1785 par M. Cochin, réclamantcontre ce fait, qu'il appellelui-même« une erreur reçue. » Quoi qu'il en soit, ce sont les propres paroles de Pigale que rapportent les notesdemonpère, qui ne furentjamais destinéesà voir le jour. Mais, en somme,l'unede cesdeux versionsfaithonneurà l'incontestablevaleur de l'artiste, et l'autre à son coeur. « Pigale, ajoute mon père, se fit un bonheur d'offrirà ma familleun modèlede ce monument;» cette précieuseesquisse, de la hauteur d'environtrois pieds, fut enlevéependant la Révolution.Je n'ai pu la revoir depuis, non plus que la statue de Louis XVet quelquesautres modèles dont cet artiste avait égalementvoulu nous faire hommage;les quatre Ordres d'architectureétaientde cenombre. C'est encore à Pigale qu'on doit les deux figures de M. et madame Gougenotdes Mousseaux(monarrière-grand-pèreet monarrière-grandmère), qui ornaientla chapelle sépulcralede notre familledans l'église 29


NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. 440 des Cordeliers,rue de l'Observance,faubourgSaint-Germain.Pendantla Révolution,les monumentsde cette chapellefurent dispersés. On y remarquait, commeoeuvred'art, un buste en bronzede l'abbé Gougenot, que son monument, exécutéde la main de Pigale,représentait entouré des attributs de son état et de son talent. Outre les différentsmorceaux de sculpturequi ornaientnotre chapellefunéraire, on y admiraitun fort beau tableauplacé sur l'autel. Mes papiers ne mentionnentni l'auteur ni le sujet de ce tableau.Le,tout a disparu. J'éprouve,Monsieur,un véritable bonheur à honorerle caractèrede Pigale en insistantsur tout ce qu'il y avait d'expansion, de luxe et de naturel dans sa. reconnaissance.C'étaitun coeurdigne de celui de mon grand-oncle,et, grâceà Dieu,ce ne fut pas le seul.Ici mes papiersferont encoreune indiscrétion. M.l'abbé Mignotétait le neveuet l'ami deVoltaire: « Il passait, dit la " Biographiede Feller, pour être très-instruit et pour un fort honnête « homme.Le marquis de Villevieilleet lui signèrentla professionde foi, « faite, dit-on, par Voltaire,dans sesderniersmoments.Il fit transporter « son corps secrètementdans l'abbayede Sellières,en Champagne,avant « l'arrivéede l'ordrede monseigneurl'évèquede Troyes,qui défendaitde " lui donner la sépulture. L'empressementde M.l'abbé Mignotdevenait « inutile,car la professionde foi, dictéepar le défunt,aurait ôtél'interdit " de l'évêque,puisque,d'après cette profession,le philosophede Ferney « abjurait ses erreurs et mouraitdans la religioncatholique, au sein de « laquelleil était né. » Or, pourtransporter les restes deVoltairedans l'abbayede Sellières,il fallaitenêtrele possesseur,lebénéficiaire; etvoicide quelle sorteM.l'abbé Mignotle devint.Je voulaistaire cetteanecdote;mais vouspensezqu'elle fait honneur à l'abbé Gougenot,et je laisse parler encorelesnotescursivesdemonpère : « Le hasard, à mon entréedansle monde, mefit rencontrerM.l'abbé Mignot.A peine m'eut-il entendunommer qu'il s'avança vers moi, me prit et me"serra dans ses bras avecles témoignagesde la plus grande amitié. Il m'offritaveceffusionses services et me pria de le mettre à mêmede témoignerau neveu la reconnaissancequ'il devait à l'oncle. — C'est à lui, répétait-il,queje dois mafortuneet ma tranquillité.— L'abbé Mignot était alors un homme assez âgé. — Tenez, me dit-il, voici de quelle sorte les choses se sont passées. Tandis que l'abbé, M. votre oncle, étaiten Italie, l'abbayede Sellièresvint à vaquer; elle lui revenait de plein droit. La secondeabbayevacanteme devaitéchoir par la même raison. Mais au moment critique où j'entendis dire : M. l'abbé de Sellières est mort,j'étais criblé de dettes! L'expectativede la secondeabbaye pouvaitêtre longueet je metrouvaisdans un cruel embarras.Bien sûr que M. votre oncle saurait me comprendre,je pris généreusement


NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. 447 mon parti : je lui écrivis; je lui dépeignisma situation, le dérangement demesaffairesetle tort que ne manqueraientpas demefaireles clameurs de mes créanciers. Je finissais en le priant de vouloirbien se désister . en ma faveurde ses droits à l'abbayevacante,et de consentirà prendre ma place pour la vacance qui suivrait cellede Sellières. Votreoncle ne lit pas un instant la sourde oreille,et, courrier par courrier,je reçus la réponsequ'il m'abandonnaitses droits, et que l'abbaye de Sellières m'appartenait. «L'abbéMignotse trouva,par cet actede désintéressement,possesseur d'une bonne abbaye; il paya ses dettes et devint rangé... L'abbayede Chezal-Benoîtne vint à vaquerque longtempsaprès... C'était cellequi naturellementdevait échoir à M. l'abbé Mignot.Il l'eût attendue longtemps; et, d'ailleurs, elle ne valait pas celle de Sellières. «Je tiens cette anecdotede l'abbé Mignotlui-même, écrit monpère; et certesil aurait bien pu me la taire; mafamillemêmené-m'en avait, rien dit, » Maisterminonsce qui concernenotrenotice. Que reste-t-il du cabinet et des oeuvresde l'abbéGougenot?Sa collectionest dissipée;je n'en possède et je n'en connais que quelquesgravures; et le cataloguede ce cabinet, célèbredans les arts, n'est pas mêmeentre mesmains. Uncahierde gravures,qui appartienta unde mesamis,porte ce titre : Divershabillementssuivantlecostumed'Italie,dessinés d'aprèsnature par J.-B. Lallemandet gravés d'après les desseins(sic)tirés du cabinet de M. l'abbé Gougenot,conseillerau GrandConseil, honorairede l'Académie royalede Peintureet de Sculpture,par J.-E. Moitte,graveur du roi; à Paris, chezl'auteur, à l'entréedela rue Saint-Victor,la 5e porte cochère à gauche en entrant par la place Maubert—1768. Les gravures contenues dans ce cahier sont : Contadinadi Napoli con un bambino; Contadinadi Bolognese;Savoyardadi Monimegliano ; Fanciulla Savoyarda; Savoyardadi Laneburgo; Piemontesed'Asti; Contadina di Parmigiana; Cittadinadi Bolognese; Cittadinadi Frascatana; Contadinadi Calabrese; Donna plebea di Napoli, riscaldandosi piedi ad un focone; Donna plebeadi Napoli,vestitada giornodi festa; Donna plebea di Pisa; Fiorentinacon capeletto, vestitain dragona(habilléeà la dragonne); DonnaFiorentina, collo scuffino;Fiorentinacon cûffiadi farfàlla (coifféeen papillon)e con marito per riscaldarsi. Outre le magnifiqueportrait de l'abbé, peint par Greuze,je n'ai chez moi que la gravure de ce portrait, faite par ordre de l'Académie,et la gravuredes OEufscassés,de Greuze. ,; Quantaux oeuvresde mongrand-oncle,sauf peut-êtrequelques lettres ou autographeségarésdansla massede mespapiers,je ne possèdequ'une seule grammaireitaliennemanuscrite.Elle forme un volume relié, de 355 feuilletsin-8°, dont 545 seulementsont écrits. En tête se trouvent


448: NOTICESURL'ABBEGOUGENOT. les armes de mongrand-oncle,différant,ainsi queje vousle fis remarquer, de cellesqui formaientle sceau dela justice, dans la seigneuriede Lisle, les Mousseaux,etc., par les supports qui sont deuxlevrettesau lieu de deux lions. Celivre fut transmis à mon père par madamede Saint-Marc. Maisl'abbé Gougenota laissédes noticestrès-intéressantessur divers artistes de son temps : « l'AcadémieroyaledePeinture et de Sculpture « ayant désiré qu'il se chargeât d'écrirela vie de plusieurs des membres « distinguésque la mort lui a ravis successivement,elle a de lui celles «de MM.Galoche,Oudry, le Lorrain, Coustouet du Vivier,qu'il a lues « dansces assemblées,et qui sont consignéesdans sesarchives.Cesvies « lui ont fait beaucoupd'honneur, tant par rapport à la partie littéraire, « que par rapport à la justesse et à la sage liberté des jugementsqui y « sont portés sur les ouvragesde ces grands artistes. » . J'avais17ans lorsqueje perdis mon père; il aimaità me parler de son onclel'abbé. Cequej'en ai ouï dire depuisconfirmeet développeles principauxtraits decettenotice.Je pourrais citer parmimesparentslesmieux renseignéssur ce point un cousin germainde monpère, M. de Montanglaust, fils dubaron de Montanglaust,mon grand-oncle,gouverneur et grand bailli d'épée dela ville de Meaux.Ce dernier, attaché, ainsi que M. Gougenotde Croissy, à la maisonde Condé, avait été placé, par le duc de Bourbon,auprès demadamela duchesse,en qualitéd'écuyerde main. Les liens lie camaraderieet de parenté établissaientune intimité fort étroiteentre ces deuxfamilles. De l'abbé Gougenotil ne reste plus aujourd'huiqu'un parentqui porte son nom, un petit-neveu,— et c'est le signatairede cettelettre. Un autre neveu de l'abbé, le général marquis de Chambray,a publié divers ouvrages traduits dans presque toutes les langues de l'Europe; bornons-nousà nommerl'Histoirede la campagnede Russie,la Philosophiedela guerre,et un excellentTraité sur la culturedesarbresverts. Au châteaude Chambrayfigurentun certainnombredes gravuresqui faisaientpartie ducabinetde l'abbéGougenot.Matante de Chambray,qui étaitsa:nièce, et qui mourut avant que je la connusse,les y apportalors de son mariage, en 1780. J'en prendrai note, à votre intention, la premièrefoisqueje feraile voyagede Chambray. « Coulommiers, le8 septembre 1855. « Le ChevalierG. DESMOUSSEAUX. »


LETTRES SUR DESBEAUX-ARTS, A PARIS(1). L'EXPOSITION UNIVERSELLE IV On a dit avecraison que rendre compte d'une expositiond'ouvrages d'art était la tâche la plus ingrate et la plus difficilequ'on pût infligerà un écrivain.La vue des sujets et leur variété, la diversitédes procédés, l'inégalitédu succès peuventcaptiver l'attentionde l'amateuret éloigner de l'examendes oeuvressoumisesà son jugement la satiété que la profusion entraîneinévitablementà sa suite. La parole, au contraire, ne s'adressant qu'à l'intelligence,ne frappant les sens par aucunobjet matériel, doit forcémentengendrerla fatiguepar la répétitionconstantedes mêmesidées représentéespar des mots presqueuniformes,namomnibus in rébussimilitudoestsatietatismater.L'écrivaina beau torturer sa pensée, la présenter sous des formesdiverses; enfermédans un cercleinfranchissable,il reviendratoujoursau mêmepoint— l'élogeou le blâme, —et si, prenantau sérieuxla missionacceptée,il se renfermesobrement dans le sujet, éloigne de son discours les épisodes anecdotiqueset les prétentionsà l'esprit intempestif,il tombera dans une lourdeurvoisine du pédantisme.Le seul moyendouédu pouvoir,je ne dirai pas d'écarter, mais d'amoindrircet inconvénient,de rendre utile la difficultévaincue et la monotoniesupportée, consiste, à monavis, à tirer de l'examen des diversouvragesquelqueenseignementpour l'artiste et le connaisseur, à rétablir les principes, et à démontrerl'influenceque leur observance ou leur mépris ont sur le succèsou sur la chute de ceuxqui se vouent à la culture del'art. Faisant, enun mot, de l'Expositionune espèced'école pratique et démonstrative,ramenantcette institution au but pour lequel elle a été établie, on peut rendre plus intéressante,sinon moins aride, l'analyseconsciencieusedans laquellel'histoire rechercheraplus tard les élémentsqui l'aiderontà mettre en lumière la marche et les vicissitudes de l'art. Cette penséea été monguidedansles lettres précédenteset je me plais (1) Voirles numérosdu15juin, du15juilletet du 15août.


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EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. à croire qu'ellesembleraraison suffisantepour excuserles rares excursions queje mesuis permisesdans ledomainede lathéorie.Lesamisqui, jusqu'à présent, m'ont encouragéde leurs élogesbienveillants,continueront à être satisfaitssi je persiste dansla mêmeméthode.— La critique qui m'a honoré de ses conseils, instruite des motifsde ma persévérance dans des errements qu'ellene laisse pas complètementsans reproches, voudrabienla pardonnercommeétantle résultat d'une conviction, non la marque d'une dédaigneuseindifférence.— Qu'est-ceque l'observation sans l'application?— Quelprofitpeut-on tirer des amplificationsoudes fleursde rhétoriqueprodiguéesdans des circonstancesoùl'on ne devrait avoir égardqu'auxfaits, sous peinede tomberdans l'exagérationoud'être pris en flagrantdélit d'adulation ou de partialité?— Voltaire n'avait-il pas raison de conseillerplus de retenueet moinsde paroles aux écrivains qui s'occupentde choses positives? Surtoutfuyonsle verbiage DemonsieurdeFélibien unrien Quinoieéloquemment Dansunfatrasdebeaulangage. J'ai voulu,je veux profiter de ce conseiladressé à un critique de l'art par un hommedont le savoir égalaitl'esprit. Ceconseila tout au moins le mérite de l'à-propos. La peinturede genre, que je me prends à examiner, se partage enune quantité considérablede subdivisions.Je ne les énuméreraipas, car je nesaurais reconnaîtrel'utilitéde cefastidieuxdénombrement.Selonmoi, le classementdes productions de la peinturedevraitêtre plus large. Je distinguebien la peinturereligieuse, qui s'inspire des sujets mystiques ou consacrésaux différentscultes. — Je distingueaussi la peinturehistorique, qui consacre les grands événementsde la vie des peuples,les actes des personnagesayant euune actiondirectesur le sort desnations. Je ne sais me représenter le surplusque commeétantd'ordre secondaire, et je le placeraisvolontiersdans une seule catégorieoù il resteraitconfondusans distinction.Quoi qu'il en soit, mes opinionsn'étant pas assez puissantespour dominerou réformer celles consacréespar l'usage,je me conformeraià ce dernieren faisantde la peinturede genre une classe spécial laquellecomprendratous les tableaux qui nous retracent les scènesde la sociétéet nous fontassister aux épisodes de la vie privéeou publiquedes hommes. Lairessedit qu'il est plus glorieux pour l'artiste de ressemblerà un bonMiérisdansle goûtmoderne,qu'à un mauvaisRaphaëldans le style antique.Je conviensde cette vérité; cependantl'histoire m'enseigneque les époquesauxquellesles tendancesdu public et des artistes se sont tournéesvers le goût des peintures secondaires, que ces époquesont


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. 451 étéfatalesà l'art, ont marquéle commencement de sa chute et ontdépravé le sentimentdu beau en le faisant déviervers les futilités, les détailset les petites choses. L'immensequantité de productionsde cet ordre, contenue par l'Expositionuniverselle,n'est-ellepas l'indicedu dangerqui menace,ouplutôt n'est-elle pas le danger lui-mêmequi se réalise, nous débordeet énerve l'art avant de le tuer? •—Je livre cettequestion à l'examende ceuxdont la missionestde dirigerl'espritdesnationset d'éviterqu'en se fourvoyant elles ne perdent de leur splendeur. S'ils usent sagementdes puissants moyens dont ils disposent, il leur sera facile de corriger les mauvais penchantset de rendre impossibleune dangereuseéventualité. La peinture de genre est presque aussi ancienneque l'art de la peinture. On larencontredans les encaustiquesde Pompeïet d'Herculanum. Pline nous a transmis les noms d'Àristides, de Zeuxis, de Timanthe, de Pausanias,de Boëthiuset autres peintrescélèbresde l'ancienneGrèce, tous excellant dans la représentation des sujets familiers. Les Flandres, l'Italie, l'Allemagne,la cultivèrent dès les premiers temps de la Renaissance.Van Orley, Pierre Coeck,Breughelle vieuxet ses fils, — Giorgione,Titien,les Bassano,— JacquesBayer,sont là pour le certifier. Chaqueécoley déployases défautset ses qualités: —la flamande,le brillant de la couleur, la finesse de pinceau; — l'italienne, la largeur des compositions,la soliditédes principes; — l'allemande, la diligencede l'exécution, la sécheressedu travail. Les sujets furent d'abord choisis avec une prudente retenue. On se garda biende trop descendre, et, si parfois on côtoya un écueil,on sut l'éviter avec tact, — témoinle fameuxtableau de Giorgione,le Cavalier et la Courtisane. Par malheur, l'usage de cette retenue disparut de bonne heure, et les choixdevinrentsi bas et si licencieuxque Salvator Rosa, pourtant peu scrupuleuxd'habitude, les accablades traits de ses satires. Ténierset Le Ducs'attachèrentà rendre des Corps de Garde et desTabagies; leursimitateurstombèrentavecBrauweret Craesbekeà peindre lesactionsde la plus vile populace, les sujets les plus infimeset les plus crapuleux. Le mal n'alla pas aussi loin en France, mais les artistes s'y jetèrent dans d'autres inconvénients,surtout dansl'afféterieet le maniéré. Watteauet sesfêtesgalantes, Greuzeet ses villageois,Boucheret ses figureschinoisesont le prestige des finessesde l'art, nonl'élévation de l'esprit et l'ingénuitéde la nature. SalvatorRosa a bien dit : Chetuttoquelchela naturafa, 0 siasoggettoal sensoo intelligibile, Per ogettoal pittorproponee da (1). (1) Tout ceque la natureproduit,qu'ilsoit sensibleouseulementintellectuel» peutêtredonnéet proposéau peintrecommeobjetdesontravail.


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EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. Cependantcette affirmationgénérique trouve sa limite dans le précepte d'Horace, précepte d'une justesse évidente en celte circonstance (1). Les quelques observationsqui précèdentsont destinéesà faciliterma tâche. Elles contiennent,en effet, une espèce de profession de foi par laquellej'établis à l'avancedans quelespritje mepropose d'envisagerles productionsdes peintresde genre. Je crois qu'il est indignede la saine critique de s'occuperde certaines monstruositésartistiques, trop honoréesmêmepar leblâme qu'ondéverserait sur elles. Il y a desnaturesdégénérées,qui suiventla pratique du mal commeun moyen, et trouvent dans la mauvaise célébritéun prix suffisantpour la satisfactionde leur orgueil.— Ma plume ne se rendra pas leur compliceet se refusera toujours à contribuerau succès auquel elles aspirent. J'ai déjà parlé de M. Decamps,j'ai aussi dit quelquesmotsde M.Diaz. Jeconfirmemesappréciationsà leur égard. Cesdeux peintres,à distance inégale, font preuve d'une,bravoure incontestable.Malheurpourtant,à leurs imitateurs: en croyant courir après la fortune, ils se voueraientà une perte assurée. M.Meissonnierest toujours tel que nous l'avons connu. Sa diligence, le goût et lechoixde ses compositions,la pureté des contours, tout contribue, dansses tableaux,à révélerquel'apparencemodestesouslaquelle il se cachecouvreun savoir exceptionnel.L'extrêmefini s'allie dans ses oeuvresà la touche grasse et facile,à une excellentefonte des couleurs,' à tout ce qui peut démontrerque l'artiste a opéré d'une main libre, sûre de l'effetqu'ellevoulaitproduire. Pourtant qu'il me permettede lu .adresser une observation.En général, ses figurines se montrent trop rapprochées de l'oeil, quelquefois mêmepenchéesversle spectateur.Ce léger défautdisparaîtraitpromptement, s'il éloignaitdavantage le point perspectif; alors les murs, les meublesfuiraient mieux, les. groupes et les figures se relèveraient, et M. Meissonnierserait parfait. Les dix petites toiles présentées par M. Dubasty me semblentcorrectes, vigoureusesde ton, pleinesde naturel, charmantesde simplicité. Dansle nombre je donnela préférence,à la Paresseuse(n°.2997) à la Toilette,(n°2992) et au Guerrierprédicateur(n°2999). Les Larmesdu foyer,deM. Duvergier(n° 5033); Pleurezavecceux qui pleurent,de M. Gambart(n° 3149); le Grandcarillon(n°5629), la Leçon de plain-chant(n° 3630),et le Dénicheurd'oiseauxde mer (n°3628),de M. Luminais, sont certes très-remarquables.Cedernier a, sur les deux (1)

Estmodusinrébus; suntcertideniquefines Quosultra citraquenequitconsistererectum.


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 455 premiers, l'avantagede rendre d'une manière spirituelle et intelligente le jeu variabledes physionomies. Uneidée très-philosophiqueest indiquéeavecbonheurpar M.Ch.Maréchal dans son Retourdubal masqué(n° 3641). Auxpremières lueurs de l'aube, un groupede masquesdébraillés,à la figureavinée,à la démarche chancelante,se jette sur le passage de plusieurs soeurs de charité se rendantdu couventà leurs devoirs. Le recueillement,la modestiede maintien, la sévéritéde costumedes pieusesfilles, font un contraste frappant avecles oripeauxet le dégingandédes héros de carnaval.L'artiste a très-habilementexprimé, dans les poses et dans les figures de ceux-ci,le respect involontaire,l'espècedeconfusiondont ils sont saisis en voyantleur orgie faceà faceavecla réservedes soeurs.Onsent qu'ils voudraientsecouer l'impressionqu'ils éprouvent,qu'ils désireraientretrouver le sarcasme et la plaisanterie,mais que, dominéspar une puissance plus forte, le mot impur ne peut se frayer un passage à travers leurs lèvres.Le seul défautde ce tableaume paraît être dans l'exécution trop lâchéeet dépassantla facilitéd'un pinceaumoelleux. Selon moi, on ne peut, en aucun cas, pousser la franchisede main jusqu'à la négligence;c'est surtout dans les toiles de petitedimension, destinées à-flatter l'oeil de près, que le peintre doit se tenir sur ses gardes. Entre le procédé d'Adrien Van der Werf, qui polissait ses tableaux avec les joncs que les menuisiersemploient pour polir leurs ouvragesde marqueterie,et les traits libres de Lanfrancou de Jordaens, il y a un nombreinfinide nuancesintermédiaires.Rendez-vouscompte de ce que fait la nature, ce guide inaltérableet sûr, cette sourcede tout enseignement. Dans un objet placé à une distance très-rapprochée, les moindres accidents sont sensibles; quand les objets sont éloignés, l'intermission de l'air et des corps qu'il tient en suspension, la conformationde nos yeux nous empêchentde reconnaître les détails minutieux; alors subordonnez-lesà l'ensemble; cependantévitezavecle plus grand soin l'aspect dessurfacesinsipides et monotonesou les touchesde couleurs crues et non rompues. « Chaquepartie, dit l'abbé Batteux (1),. sera égalementfinie, sans quoielleparaîtrait détachéedesautresplus ou moins,à peu près commedes piècesde différentesnuances;c'est l'unitéde finissement." Souventles jeunes artistes, séduits par l'assurancede la touche des maîtres,pensent s'éleveren prodiguant les coups hardis et les négligences; ils ne réfléchissentpas que ces coups ont été placés à propos par une mainexpérimentée,quand lamasseétait faite, et qu'ils ne sont destinés qu'à servir de rehauts ; ils ne réfléchissentpas que ces négligences (1) Coursde Selles-Lettres,tomeIII.


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 454 constituentla sciencesuprême et la plus difficilede l'art, et que, dès qu'ellesparaissent,quandla sagacitédu peintreleslaissepour subordonner, dans certainescirconstancesdéterminées, les accessoires au sujet principal, quand il les a convertiesen beautés, ce ne sont plus des négligences,mais des artifices qui concourentà l'harmoniedes parties avecle tout. Ces sortes de coups de maître, ces laissésfont le désespoir de l'artiste médiocre,souventaussi occasionnentla perte de ceuxqui s'y livrent sans discernement,car ils leur donnent l'habitude pernicieuse de ne plus peindre que desébauches. Il n'y a pas de détail qui soit indifférentpour l'art : le peintre parfait doitsavoir communiqueraux objetsqu'il représente, et en proportionde l'effetqu'ils doiventproduire, non-seulementsuivantleurs contoursmais aussi suivantlanature de leur surfaceetde leur couleurlocale,tous leurs caractères distinctifs, leur brut et leur poli, leur concavitéet leur convexité,leur dureté ouleur élasticité.L'observation,la pratique, l'étude, conduisentà cetteperfection, M. Vigneulde Marvilledemandaitun jour au Poussinpar quelle voie il étaitarrivéà ce haut point d'élévation,qui lui donnaitun rang si considérableentre les grandspeintres d'Italie?Il lui répondit modestement: « Je n'ai rien négligé(1). » En fait de diligence,je citerailes cinq tableauxde M. Plassan, imitateur heureuxde M. Meissonnier. L'exemplede ces charmantes productionsprouvera qu'on peut facilementallierla vérité, l'expression,la correctiondu dessin et l'aménitéde la couleurà un fini très-avancé,sans pourtant tomberdans la dureté et la sécheresse.La questionest devouloirainsi que de savoir. La mêmepreuve résultera des ouvragesde M. Billotte,de M.Lafonet de M. Lansac. Ces artistes apportent dans leurs travaux des soins qui doiventlesfaire estimerpar les vrais connaisseurs. Une demi-figurede femmesuccombantà la fatigueest ce que M.Trayer appellel'Excèsdu travail (n°4089).La pose affaissée—particulièrement cellede la tête et dubras — est pleinede naturel; la faiblelumière qui éclairela scène contribueà l'harmoniegénérale. Ce tableau, ainsi que les autres du mêmeauteur, sont peints avecamour et intelligence. M. Schlesinger,M. Hadamard,M.Picou,M.Beaumont,M.Hillemacher, M. Monfallet,M. Roux, M. Roehnfils, occuperaientdignementune part pluslarge que cellequeje puis leur accorder,obligépar l'espaceet par le tempsà parcourir d'un pasrapide la carrière qui est encoredevantmoi. — En attirant sur eux l'attentiondes lecteurs,je leur assure une justice plus complèteque ne pourraientla leur rendremes élogessincèresmais dénuésd'autorité. Volethoecsubluce videri. d'Histoireet de Littérature,tomeII, page141. (1)Mélanges


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, 455 APARIS; Ona dit quelquepart que le beau,pourplaire, a tellementbesoind'être du gracieux,que le moinsbeau,qui en esten possession,Remaccompagné porte souventsur le plus beau.Rien n'a plus de grâce que l'enfants'éveil-lant et accourant vers sa mère, peint par M. Steinheildans une petite' compositionnomméepar lui leMatin(n°4018), et rien mieux que cette peinture ne confirmela vérité de l'axiomeque je viens de rappeler. Ce petit tableauest certainementbientouché et bien dessiné; cependantces qualitésincontestablesne le sortiraientpas de la multitude,sans la puissance du charme qui émanedu sourire de l'enfant et du regard de la mère, l'attirant vers elle et l'enveloppantdu sentiment de son amour devenupour ainsi dire palpablepar l'artificedu pinceau.Cecharmec'est la grâce que de Piles définit: ce qui plaît et ce qui gagnele coeursans passerpar l'esprit (1); et la grâce fait l'artiste de mérite, car elle lui donne la sciencede saisir le côté le plus avantageuxdes objets et de les fairevaloir. Je voudraisavoirsous les yeux d'autres travaux de M. Steinheil pour acquérir la convictionque ce petit tableau est dû à un parti pris, à une manièreforméeet réfléchie,et nonau hasard d'une inspirationisoléeet imprévue. Quant auxFilles d'Eve,de M. Roqueplan(n° 5905),je les note afinde signaler la présence de ce peintre de haute renommée,et non pour les analyser.Il arrive un momentoùla réputationconquisepar toute une vie de travail et de succès est hors de conteste et ne saurait plus être soumise à discussion. M. EdouardFrère peintbien : pourquoinéglige-t-ille dessin?L'exemple de M.Paul Delaroche,son maître, devraitpourtant lui avoirdémontré à quel haut point de gloire peut élever la correction de cette partie la plus essentiellede l'art. M. Pezous, qui dessine et composebien, peint au contraire, froidement; l'incorrectiondu dessinest facileà corriger,mais le sentimentqui, au moyendu mélangeartificieldes teintes, reproduit la couleurdes objets jusqu'à faire illusion, s'acquiert difficilement.L'étudeassiduedes Vénitiens et des Flamands peut venir en aide aux peintres dépourvusde ce sentiment; ils ne gagnerontcependantjamais la spontanéité, une des plus rares qualités de l'artiste. Je n'ai dit mot de la Résurrectionde Lazare (n°5294), grande compositionde M. Herbsthoffer.Ma parole était impuissanteà ressusciter les morts et je n'aurais pas voulu la faire servir à les enterrer. J'ai préféré attendred'être en présencede deux élégantesproductionsde cet artiste, un Guet-apens(n° 3295) et l'Épisodede l'Iconomachie(n° 3296), pour pouvoirle dire rempli devie et capable de fournir une longue et bril(1) IdéeduPeintreparfait.


456 EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. lante carrière, si, prenant un parti prudent, il se décide à choisir des sujets plus à portée de son style. AM. AdolpheLeleux, je devrais adresser les recommandationsque j'ai adressées à M. Charles Maréchal, au sujet de sa négligencedans l'exécution.A part Cela,les oeuvresde M. Leleux sont estimableset lui font beaucoupd'honneur. M. Penguillyl'Haridon, M. Jobbé Duval, M. Nègre (Charles),M.Baron, marchentd'un pas fermedans la bonnevoie. Si M. Carauddépouillait sa couleurd'unetendancetrop grande vers les teintes rouges et tranchantes, il réaliseraitun progrès très-utile. Pour se convaincredu tort que les tons sourds fontà-ses tableaux, il n'a qu'à les comparerà ceux de M. Couder,qui, dessinés, ordonnéset exécutésaussi bien, ont sur les siens l'avantageincalculablede la transparenceet de la fraîcheurdu coloris. Crescenzaà la prison deSan Germano(n° 3279),étude magnifiquede M. Hébert, décèleune main magistrale.La tête de la jeune fille, vivante commenature et gracieusementarrangée, m'a rappelé le typegréco-romain qu'on rencontreencore parmi les pâtres des Abruzzes. Peut-être le clair-obscurde cetteétude est-ilun peuforcé, et l'ensembledu ton inclinanttrop vers le noir. Le soleild'Italieproduit, il est vrai,des ombres vigoureuseset tranchées; cependantsalumière,pour être chaude,n'enest pas moinsdoréeet resplendissante. J'avais déjà vu quelque part, à l'Expositionde Bruxellesje crois, le Quartd'heurede Rabelais(n°4168),par M.Vetter; enle revoyantil m'est apparu tel qu'auparavant,spirituel et bien composé,pâle et monotone d'effet. Monhésitationa été grandequant à la placeque je devais assignerà M. Isabey. Le magnifiqueCombatdu Texel(n° 3376), chef-d'oeuvrecomparableà n'importequelleproductiondes artistes anciens,mele montrait un des premiers, sinonle premier des peintres de marines; les deux délicieuxpetits tableaux,une Cérémoniedans Véglisede Delft(n° 3377) et le Départ de chasse sousLouis XIV( n° 3378) me le faisaient.considérer commeun des plus habiles peintres de genre. Monhésitationn'a pas été vaincue,mais commele pire aurait été de garder le silence,je medécide à en parler ici, sans préjudice dece queje pourrai en dire par la suite. M. Isabey connaît à un degrésupérieur les ressources des écolesflamandes;l'inventionet la composition,letour du pinceau,la transparence, la finesseet l'éclat,leferaientcroirede cetteécole, s'il n'ajoutait, dansses oeuvres,la noblesseitalienneet l'espritpropre à la France. Je ne suis pas grand partisan, ona dû s'en apercevoir,de la touche trop libre, tant admiréede nos jours ; j'ai constammentpenséque cette méthodeétait opposée à la bonneimitationde la nature, qui,je l'ai déjà observé, ne procède pas par saccades, mais par transitions tellementrégulièresque les an-


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 457 tiens — Pline nous l'enseigne— avaientcru devoir les désigner sous des noms appropriéset différents(1). Pourtant,quand la libertéde la touche s'allieà la fermetéet à la bonne, ententeet que de leur alliancerésulte l'harmonieet la précisiondes contours et des parties,je dois reconnaîtreque cettemanièrede peindren'est plus alors défectueuseet qu'elleprésente des avantagesréels parmi lesquelsje compte en première ligne la virginitédes teintesd'où dépendla beautéet la fraîcheurdu coloris. D'ailleurs, enhommehabile,M. Isabey ne se sert pas uniformémentdu mêmeartifice.Les étoffes,les dentelles, tous lesaccessoiressont traités librement,maisles chaîrs sont conduites avecun soin infiniet présententla couleurmate qui leur est propre, et qu'on ne peut obtenir que par l'empâtement.Plus tard, quandj'examinerai les marines, je rencontreraiencorele talent supérieur de M. Isabey. Ce nom a eu du bonheur. Devenucélèbrepar les effortsdu père, il acquiert une nouvelleet plus grande splendeur par ceux du fils, gloire d'autant plus appréciableque, ainsi que Dante l'a observé, Dieulafait très-rarementdescendreparmi les mortels. Rarovolteaddivien queperi rami L'umanaprobitadesi diffonde, Ed egliil vuolperchèdaluisi chiami(2). Le Fat (n°2460)et le Jean Goujon(n°2459),de M.Aze, ont droit à de justes louanges; le secondsurtout est beau d'effet,vigoureuxet fini. M. Antigname paraît heureusementfécond(il exposeseizetableaux). Il cultiveplusieursgenres, peint bienla figureet est aussi habiledans le paysageque dans l'imitationde la nature morte. M.Léman,plus réservé, ne doit pas, àcausede sa réserve,perdre dans l'estimedes connaisseurs; son Duelde Colignyet de Guise(n° 3580) est un ouvrageconsciencieux,dans lequel il y a beaucoupà louer etrien ou presque rien à reprendre. A son exemple,tous les artistesauraient dû limiterleurs envoisà une productionchoisie; l'Expositiony aurait gagné en lustre, le public en agrément,et les exposantsenbonnerenommée. Pour suivre pas à pas ou seulementpour recensertout ce que, dans les salons réservésà la France, il y a de saillant et de bonen fait de tableauxde genre, je devrais prolongermon travail au delà deslimitesdu possibleet duconvenable.J'ai beaucoupomis, etje suis forcéde beaucoup co(1) Tandemse ars ipsadistinxitetinvenitLUMEN atqueUMBRAS, differentia lorumalternaviceseseexcitante.Deindèadjectusest SPLENDOR, aliushic quam commissura LUMEN, quem,quiainterhocet umbramesset,appellaverunt TONON, verbcolorum et transitasARMOGEN. L. XXV,c. 5. humainesepropagedanslesbranches (2) il arriverarementque laprud'homie desfamilles ; Dieule veutainsiafinqu'onreconnaisse qu'ilenestle distributeur.


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EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. mon désir de tout dire. Je ne voudrais pourtant pas omettre, malgré abandonnerce sujet sans rendre un juste hommageaux effortsetau succès de plusieurs dames qui, mettantde côté les habitudesde leur sexe, se sont vouéesaveccourage au cultedela peinture. Je dirai donc que la Réprimande(n° 3416),petit tableaucomposépar madameSophie Jobert, est gracieux, diligent, correct et ferme. Voilà quatre qualitésqui ne sont pas communeset dont tout artiste pourrait a juste titre s'enorgueillir. MadameGrûn a peint une Femmeet enfant Valaques(n° 3218) et une Jeune Bretonne(n° 3219). Ce sont deux toiles élégantes, expressives, d'un stylelarge et bien conçu. MadameBarsacest exacte,dessinebien et fait preuve d'uneheureuse diligence.LeBenedicitequ'ellea exposé(n°2487) est dans ses petitesdimensionsun travail dignede fixerl'attentiondes amateursdu beau. Quant à mademoiselleHenrietteBrovvne,je dois avoueravoireu de la peine à me persuader que les quatre tableaux cataloguéssous son nom sortissent réellementde l'atelier d'unefemme.Ils ont un feu, une hardiesse, un jeu de brosse, surprenants et extraordinairespour la délicatesse et la mignardiseprésumées d'unemain féminine. Maisparmi ses ouvrages, celuiqui met le combleà l'étonnementest le portrait d'un Frère de l'Écolechrétienne(n°2640). Les traits, du visage, les yeux,la bouchesont rendus avecune fontede teintes, une franchise de pinceau— l'expressionbienveillanteet tranquillerespire un sentiment de réalité— que vous chercherezenvaindansdes tableauxque des préventionssouventimméritéesfont payer au poids de l'or. Et puisquele hasard m'a porté à parler de portrait, j'en saisirai l'opportunitépour esquisser en quelquesmots l'importanceet l'aspect que cette branchede la peintureoccupeen France, en ce moment. J'ai déjà constatéque, par une heureusemesure du jury d'admission, l'Expositionuniversellea été débarrassée dela multitudeencombranteet disproportionnéede portraits, véritabledésolationdes curieux dans les expositionsordinaires. Cettefoulede figuresinconnues,cette fabrication de toiles où généralementon voyaità profusion toutes les couleurs de l'arc-en-ciel,oùtout était enévidenceet soigné, hormisles règles et l'intérêt de l'art, révélaitune des plaies qui affligentnotre époque. Même quand on cultiveles muses,il fautvivre.Leseaux de l'Hippocrènealtèrent plutôt qu'elles n'étanchentla soif. Or, quelques rares exceptions,le plus souventdues au bonheur, à l'engouementou à l'intrigue, rencontrentun accueilfructueuxparmi lesrares amateursdisposésà jeter une miettede leurfortuneen pâture au géniequi présideou qui devraitprésiderà réclusiondesproductionsartistiques.Aucontraire,sinotre générationabsorbée par le jeu de la Bourse,habituéedès l'enfanceau calculdesintérêtscomposés, hésiteà distraire une parcelle de son capital et à la rendre impro-


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 459 soit en construisantun salon soit enl'ornantavec ductive, plusspacieux, quelquescadres sortis d'un atelier en renom,—aucontraire,dis-je, notre générationestbouffied'orgueil,pétrie d'égoïsme,et par conséquenttoute disposéeà s'admirer,ainsi queNarcisse,dans sa propreimage,et à étaler son embonpointet sa morguebourgeoiseau milieud'unebordure dorée sur touteslesfaces.De là, nécessitépour les artistes de courberle front et de se laisser entraînerpar letorrent qui les fait vivre; de là, ces inondations périodiques qui nous envahissentet nous écrasent; de là, cette cohorte innombrablede portraitistes à tout prix, depuis dix francs jusqu'aux sommesles plus fabuleuses.Faire un portrait, pour la plupart de ces gens, est peu de chose, presqueune oeuvremécanique.Celaest juste, si, daguerréotypeshumains,ils entendentpar portrait la reproduction mathématiquede la forme des traits ; cela est faux, si le portrait consisteà rendre non-seulementla facture matériellede la figure qu'on, a devant soi, mais l'intelligenceet l'expressionqui l'animent et la distinguent. QuandLéonardlaissait à notre admirationla Joconde,quandRaphaël groupaitson Léon X, quand Titien peignait le prélat Beccadelli,tableau qui a méritéles honneursde la tribunedegli Ufizj;quandRubens, Van Dyck, Rembrandt,Castello,Velasquezimmortalisaientles princes et les hauts personnagesdeleur temps,tous trouvaientsur la palette un rayon de cettelumièredivine,qui, à traversl'humaineenveloppe,faitreconnaître l'originedel'hommeet le placeà la tête des oeuvressorties dela main de Dieu. Mais,il faut l'avouer,mêmeces génies fécondsen productionsles dans la peinture d'un plus sublimesne réussirent qu'exceptionnellement portraitcapital. C'est que dans les oeuvresde l'imaginationtout s'arrange au gré de l'inventeur—l'espaceest libre commela conception—ce qui gênepeut être écarté, ce qui plaît peut être introduit — l'inspirationdispose, retranche, embellit et coordonneles parties avec l'idée conçue, fait servir les détailsà la perfectionde l'ensemble.Dans un portrait les choses ne se passent pas ainsi : plus de poésie,plus d'idéalisme;la réalité, rien que la réalité, c'est-à-dire l'esprit éclipsépar la matière, se révélantdans un sourire, dans le pli d'un muscle—l'âmese manifestant par les yeux et vous attirant ou vous repoussantpar la forcedu magnétisme qui jaillit d'un éclair fugitif,mobilecommele regard. Saisir l'intelligence, fixerle fluide attractif, voilà la tâchedu peintre,voilà le résultat d'une touche peut-être, d'un point imperceptible,d'une résolution,d'une ombre, maisvoilàaussi ce qui est le portrait, et voilàpourquoiil arrive difficilementd'enrencontrerde parfaits. Deux seulementdans l'Expositionfrançaisepeuvent être considérés commetels. Celuide Bertin, par M. Ingres (n° 3372), et celui du Père Philippe (n°4162), par M.Vernet.Je les ai déjà cités et je ne reviendrai plus sur leur compte.


EXPOSITIONDES BEAUX-ARTS, A PARIS. Aprèseux on en voit un certain nombrede bons : ceux de M. Hippolyte Flandrin, de M. Henry Scheffer,de M.Landelle(j'ai oublié, de cet artiste, le Reposdela Sainte Vierge(n°3473), qui semblefait par la main de Baroche),de M. Ricard, de M. Richomme,de madameO'Connell,de M. Boller,de M.Amaury-Duval, deM. Rodakowski,de M.Brunel-Rocque, et généralementde tous les artistes dont j'ai parlé dans mes lettres et qui se sont livrés à ce genre de peinture. On en voit aussi de mauvaiset ce ne sont pas les moins entourés d'admirateurs:de MM.Dubuffepère etfilspar exemple,froidset inanimés; plus encore ceux de M. Winterhalter, ayant l'éclat des papiers peints, toutes les allures de la gouacheet la flacciditédela décorationthéâtrale. On raconte qu'Alexandre,enthousiasteavec raison du talent d'Apelles ordonnaqu'aucunautre peintren'osât faire son portrait. Quantà moi, si je jouissais de l'autoritésuprêmed'Alexandre,je l'imiteraisdansce sens qu'à tout jamais je défendraisà M. Winterhalter de s'occuper de ma ressemblance. A unedes précédentesExpositionsj'avaisbeaucoupadmiréun portrait exécutépar M. EugèneGoyet; le souvenirdes beautés que j'avais cru y rencontrer, était tellementprésentà mamémoirequeje mesuis empressé de rechercherce portrait, tant pour me procurerun nouveauplaisir en le revoyantque pour contrôler l'impressionquej'en avais reçue et conservée. Le livret m'apprit qu'il n'avaitpas été exposé. Je le regrettais, tout en mettant cette absence sur le compteordinaire du cours des événements, quand, m'étant rendu, il y a peu de jours, à l'atelierde M. Goyet pour y voir une grande toile, le MassacredesInnocents,à laquelle il met la dernière main, la première chose queje reconnusfut l'objet de mes recherchesinfructueuses. Enchantéde ce hasard, je m'élanceen poussant une exclamationde satisfaction,et je suis frappépar le mêmeeffet et par les mêmes qualités. — «Tous avez su ma déconvenue,me dit M. Goyet en souriant...J'avais cependant rêvé que les premiers juges pouvaient avoir raison et que ce travail, à part son peu d'importance, n'était pas tout à fait indigne de figurer à l'Expositionuniverselle. — Quelledéconvenuedonc?J'ignorecomplètementce que vous voulezdire. —Comment,vous ne savezpas que cecia-étérefusé par le jury?—Vous me surprenez au dernier point. Refusé, dites-vous?— Complètement refusé. — Je n'y comprendsplus rien... Si fait, je crois comprendre: on aura examinéce portraitaprès ceuxacceptéset imposésd'office.L'admission de votre oeuvreaurait été une contradictionet un reproche; vous avezétésacrifiéaux conséquenceslogiquesdu.premierjugement. : Cettepetite anecdote,narrée ici contremonhabitude,prouvera chance à laquellesontsoumisles artistes qui attendentavecimpatiencel'occasion périodiquede se faire connaîtreavantageusement.Que M. Goyet,au lieu d'êtreun artistede méritereconnuet incontesté,eût été un jeune homme

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EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. 461 à son premierdébut,:ce portrait quia la vigueur,le sentimentet le relief d'unRembrandt,qui, à lui seul, est capablede créerune réputation qui a coûtéun travail, des soins, des peines infinies, au lieu d'être une source de contentementet dé gloire,-seraitdevenutout.à.coupune cause:de découragementet deruine. Combienpeu d'artistesauraientpurésisteraàcette espècedeflétrissureet auraienteu le couragede sedire::—Ne:fléchissons pas. J'ai la conscienced'avoirbienfait; je sensma force rions del'erreur; car moi aussi je suis peintre! Je n'accusepas le jury investi d'une mission très-difficile,devant conciliertoutes les exigences; je constateun fait, et j'en tire la conséquenceque, pour les artistes, il n'y a de juge impartialque le public, quand il est laissé à ses propres instincts, et, après le publiccontemporain,la postérité. Dans ces momentsde guerre véritable, la représentationdes batailles éprouveun arrêt tout naturel.L'intérêt passe de l'histoirefaiteà celle qui se fait, nous absorbeetnous touche par millecôtés; on songeraplus tard à peindre ces combatsterribles. Aussil'écoled'HoraceVernetsemontret-elle peu productive.La bataillede l'Aimadéfrayeseuleou à peuprès ce genreet nous montreles brillants uniformesdes arméesqui la livrèrent. M. Bellangé,en premièreligne, attire le regard par sa touche facile, la vérité de sa couleur, la magie de sa perspective(n° 2504,).Puis c'est M. Darjouchoisissantl'épisodevictorieuxet décisifdu mouvementde la division commandéepar le généralBosquet (n° 2858). Enfin M. Doré répète ce mêmemouvementet conduit d'unemain habileses troupes à la rencontrede l'ennemi. La Fin de la guerre de Taiti est le thème que M. Charles Giraud a choisi pour deuxtableaux(n° 3184),dont la valeur incontestableserait rehaussée s'il en faisait disparaître une certaine monotoniedans les teintes. M. Biard a représentéDu Couedicrecevantles adieuxde sonéquipage (n°2554);c'estla suited'une bataille, si ce n'en est pas une; et c'estcertainementune bataille gagnéepar l'auteur, à l'habiletéduquel onne peut refuser une éclatantejustice et pour ce tableauet pourles autres qu'il a exposésen tous genres et de toutesgrandeurs. Mais,puisqu'il veutbien nous faire dire par le livret qu'il sort de l'écolede Lyon,je désirerais connaître l'opinionqu'il a du Poussin, et lui demandersi c'est dans l'oeuvrede ce maître qu'il a appris à entasserla couleuret à la laisser raboteuseet saillantesur la surfacede ses toiles. En fait descènesdela vie militaire,j'ai remarquéune Tranchéedevant Sébastopol(n° 3801),par M. Pils, inventionremplie de selet d'esprit, et bien expriméedans ses détails; puis, leColonel Damnasrecevantla soumission de Mahi-el-Din(n° 3176), peinte par M. Ginain; puis encore, les soldatsde l'arméed'Italieassistantdesprètresfrançaisémigrés(n°4015), et le Passage du défiléde Ponary, épisode de la guerre de Russie, par 30


EXPOSITIONDESBEAUX-ARTS, A PARIS. le tableau sur le second en qualités et M. Sorieul; premier l'emportant en naturel; enfin,lesSoeursdecharitéenCrimée(n°2455),groupéesavec beaucoupde sentiment,par M. Appert. Et maintenantme voici arrivé aux paysages et aux marines, champ tellementvaste qu'il me faudraitun volumepour le parcourir. Que mes lecteurs, si j'en ai, se rassurent: Tel n'est point mon projet : je. ne veux que rechercherçà et là quelquesfleurs, et mebornerensuiteà constater la prospéritéet la splendeurde cette portionde l'art français. 462

S. (Lasuiteauprochainnuméro.)


CORRESPONDANCE APROPOS DU FRONTONDU THEATREDE LA MONNAIE A BRUXELLES. A M,: CH. POTVIN. MONSIEUR, La dernièrelivraison de la Revueuniverselledes Arts contenait, au sujetdu frontondu théâtre de laMonnaieà Bruxelles,un article que j'ai vu avec surprise signéde votre nom. Je venais précisémentd'acheverla lecturede votremagnifiquepoëmedu Soleil je m'étaisarrêté sur ces vers du prologue: « Ovivespassions,ressortspuissantsdes âmes, Feu desgrandscoeurs,c'estlui quibrûledansvosflammes, Et lorsqu'unbeaudevoir—la patrieen danger, Le droità conquérir,la justiceà venger,— Vousunitetvousjetteauxcombatsdugénie, Moinssublimedescieuxéclatel'harmonie ! Unjour, noblescoursiersà la raisonsoumis, Le genrehumainen vousn'auraquedesamis:. Lemondeabjureralahaineetl'égoïsme ; Dansleshumbles travaux,commeauxjoursd'héroïsme, Forcesqu'harmonira l'amour,célesteluth, Passions,vousn'aurezqu'uneâme,un guide,unbut. » Et, après cet élan de véritablepoésie,:qui révèle en vous l'artiste et l'hommede coeur, vous me dites, dansvotre article, que l'idéede l'harmoniedespassionsest « trop abstraite, troppeu répandue,reléguéedans les sphèresde l'esthétiqueet de la philosophie, » enfinqu'elle « n'était pas propre sans doute à être traduite en sculpture.» Vous ajoutez que, d'ailleurs, le frontondu théâtre de la Monnaiene représenteni les passions, ni leur harmonie,que l'idée n'est pas clairement rendue, et enfin que la compositionpèchecontre la règle qui exige « l'ordonnance,l'enchaînement,la fusion, pour ainsi dire, des figures variéesde poseset d'expression,sans lacunedans la ligne générale, sans videdans les transitions. » Permettez-moi,monsieur, de répondre à ces assertionset deles criti-


CORRESPONDANCE. au de vuemêmedes idées d'art que vousinvoquezen votre quer point faveur. J'avais dit, dans la Noticeque vousvoulezbienciter avec éloge,que « le bas-relief,loin d'être un compromisentre la statuaire et la peinture, commeonl'a cru souvent, est un art à part, ayant son essenceindépendante, et que c'est surtout se tromper complètementque de vouloirlui appliquerles principesdela peinture.» Je maintienscetteidéeavecforce, je la maintiens surtout parce que je vois la plupart des statuaires mo-i dernesse fourvoyeren appliquantles règlesde la peintureaux bas-reliefs et mêmeaux groupes en rondebosse ;je la maintiensenfinparceque l'antiquité grecquene nous montrejamais, dans les bas-reliefs, que de la statuairepure, c'est-à-diredes figuresisolées, sans multiplicitéde plans, sans perspectivesétendues,sans groupestrop compactes,sans mêmede raccourcis.Peut-être ne faut-il attribuer qu'à l'influencede la peinture, influencedevenueaujourd'hui exclusiveet absorbanteà l'égard de tous les autres arts, la décadencemalheureusementmanifestede la statuaire. Il mesembleévident,pour ne parler que du procédé,que la statuaire, n'ayant à sa dispositionque des formes, des contours, sans couleurset sans dégradationde teintes, ne peut réaliser cette« fusion» que vousréclamezavectant d'instance,sanstomberdans unevéritableconfusion;et, pour parler de l'essencede cet art, essencequi tient intimementà l'esprit dessociétésanciennes,il estbienévidentaussi que c'est l'expression, la glorificationde l'hommeindividuel,du typehumain,et non de lanature humaineoude l'humanité. Ce qu'il y avait à faire, à notre époque, pour la statuaire, ce n'était point de modifierles principes,les conditions les exigencesspécialeset nécessairesà cet art, c'étaitde donnerau bas-reliefune unité morale,une harmonieidéale pour ainsi dire ; et voilà ce que M. Simonisa parfaitement compris, ce qu'il a réalisé en hommede génie. Son harmoniedes passionshumainesne représentepas les passionsdéjà harmonisées,mais tendantplus oumoinsà cetteharmoniesuprême,qui, personnifiéeau centre du fronton,les convieà se rapprocher d'elle. Il y a plus : cette harmoniene doit,nepeut êtrequ'unbut, une récompensefinale,carsi l'homme naissait aveccette placiditéd'âmequi tient à l'équilibredes passions, ce serait pour lui l'anéantissementdetout progrès, de touteactivité,de toute vie intellectuelle. Ce que M. Simonisa compriségalement,c'est que l'harmoniedes passions — toujoursconsidéréecommebut —estl'âmedu poëmedramatique. Et n'oubliezpas que le bas-reliefse trouve au frontispice d'un théâtre. Pointde poëmedramatiquesans lutte de passions,mais point de dénoûment possible, au moinspour le dramemoderne, sans l'harmoniede ces passions. Sous cet aspect, l'art théâtral est à la fois le plus fécond, le plus réel et le plus moralde tous les arts. 404


CORRESPONDANCE. 465 Est-ce donc là, monsieur,une idée trop abstraite, trop philosophique, et croyez-vousque, le titre étant donné,le sujet ne se puissecomprendre? Vousparlez,avecunenthousiasmequeje partage,dutableaudeM.Wiertz: lapuissancehumainen'a point delimites; maisne faut-il pas, là aussi, un titre et une légende? Je crois avoir rendu pleinejustice au génie de M. Wiertz, dans un article spécialquej'ai consacréà son oeuvre, mais nous pouvonsavoir plus d'une gloire à célébrer, etil y a, certes, assez de place au soleil pour tous nos hommesillustres. Vousdites, en terminant,monsieur: « Leconcoursresteouvert,etsi ce sujetn'estpas trop abstrait pour la sculpture,peut-êtreun grandartistese l'appropriera et donneraun chef-d'oeuvreà la Belgique.» C'estàpeuprès la phrase de Boileaulorsqu'il dit que Molière« peut-être de son art eût remportéle prix. » Voussavez que la postérité en a jugé autrement, et qu'ellea faitun crimede cepeut-êtreau « législateurdu Parnasse. » EUGÈNE VANBEMMEL.


CHRONIQUE, DOCUMENTS,FAITS-DIVERS —Nouvelle Leséglisesfermées. au PalaisDucal.—L'Exposition d'Anexposition reine au châteaude Saint-Gerd'Ypres.—La vers.—L'Exposition d'Angleterre — Nécrologie, main.—Lesverrièresde Sâinte-Waudru. etc., etc. À propos de notre protestationcontre leséglisesfermées,dansla chroniquedu 4e numérodelaRevue(pages500et suiv.),-nousavonsreçu une foule de lettres, qui nous racontentdes mésaventurespareilles à celles que nous avonsesquissées, ou pires, et qui nous encouragentà réclamer avec persévérancel'abolitionde ces usages d'un autre temps. Il est déplorable,en effet,que les trésors renfermésdans les' églisesne soient pas visibles pour tout le monde, à tout moment,et sans aucunerétribution. Parmi les lettres qui nous ont été adressées, une des plus curieuses est celle d'un riche Anglais, lord W..., dontl' humour,surexcitéepar la contrariété, n'a pas ménagéla Belgique. Nos lecteurs pardonneront quelques excentricitésanglicanesde cetteépître originale : «En revenant de l'Expositionde Paris, j'ai voulu passer par la Belgique, aulieu de reprendrele steamerde Calaisà Douvres.Je suis arrivé à Bruxellesavecma famille,le samedi23 août, décidéà consacrer quelques semainesà la visitedesmonumentsqui contiennenttant de précieux objets d'art. Tout d'abord j'ai couru au Musée, intitulé Muséeroyal de Belgique.Porte close, commevousdites dans votre Revuequeje viensde lireà Londres.J'ai sonné,unfonctionnaire m'ademandémonpasse-port... « Vouspensezque, pour voyagersur le continent, et particulièrement en France, je m'étaismis en règleavecmonambassade,quoiquenous ne connaissionspoint en Angleterreces formalitésvexatoiresquientraventle droit naturel d'alleret de venir. J'avais donc, illustrés de signaturesillisibles et de cachets éclatants, tous les papiers nécessaires... dans ma malle. « J'ai tourné le dos au fonctionnaireroyal, sanslui répondre,et, tandis queje descendaisl'escalier,je l'ai entendus'excuserenm'offrantd'écrire seulementmonnomsur un registre, eten me prévenantque, lelendemain dimanche,le muséeétait, d'ailleurs, tout grand ouvertau public. « J'ai attendule lendemain. «Le dimanche,aprèsavoir parcouru la ville,je mesuis dirigé de nouveau vers le Musée.Il faisaitune lumièresuperbe, et je me flattaisd'ad-


ETC. 467 CHRONIQUE, mirer en beau jour les Rubens mentionnéspar monguide. Porte close! Je sonneà la porte extérieure. « — Monsieur,on vient de fermer.Il est trois heures. « —Comment!le Muséeest fermé à trois heures! en été! au mois. d'août! et le jour du soleil,sunday!. «—C'estle règlement,monsieur.Mais,toute la semaine,on peut rester jusqu'à quatre heures. « — Mais,durant la semaine,le Muséen'est pas ouvert « — Pour les artistes connus,monsieur, ou avecun passe-port... « On,concevrait qu'un Muséefût ferméà trois heures... en Laponie. Mais,au 51e degréde latitude, où il fait jour jusqu'à huit heures, c'est fort, etvéritablementshocking,commenous dirions en anglais. « Pour me distraire au grandair, j'ai pris alorsle chemind'Anderlecht dont monguidevante l'égliseet la vieillecrypte duxie siècle. . « L'égliseétait fermée,quoiquece fût dimanche.J'entendais pourtant des voix à l'intérieur et mêmeles sons de l'orgue. Vainementj'ai secoué les portes. Personnen'a répondu Et personneà l'entour, les voisinsétant à quelque kermesse, à la promenade ou peut-être à l'Estaminetdes Bons-Enfants,qui doit se trouver à Anderlechtcommeailleurs. « Ainsi découragéde Bruxelleset de ses environs,je suis montédans le premier convoi du lundi matin. Je tenais, du moins, à voir Gand, Bruges et Anvers. « A Gand, j'ai eu le bonheur de trouver Saint-Bavonouvert, et en pleine cérémonie. C'était beau à voir,, et je me promenais autour.du choeur, où les prêtres catholiques, revêtusde dorures et de dentelles, officiaient,avec grande solennité.Par malheur, toutes les chapelleslatérales étaient fermées, et les tableaux qu'elles contiennentvoilés de rideaux verts. Mon guideindique la troisièmechapelleà droitecomme recelant l'Agneau,de Van Eyck. Pendant que je cherchais à regarder entre les colonnettesde marbre, formantgrille, un magnifiquesuisse-tout argenté est venu me signifierqu'il était défendude circuler dans l'église pendant l'office! «— MaisleVan Eyck!... dis-jeen.mettant la main à ma poche. «Ace geste, lefonctionnaireclérical réponditrespectueusementet tout bas : « — Oui, monsieur... après la messe ! . « — Est-ce long? « - Oh non. Il n'y en a plus quepour uneheure... c'estla grand'messe. «.Là-dessus,j'ai quitté l'églisepour prendrele cheminde ferd'Oslende où je me suis embarqué,lesoir même, sur le paquebotde Douvres. « J'avais trop de ces mystificationssuccessives,qui se fussentcontinuées sans doute, si ma patienceeût tenté d'autres essais. Nous autres Anglais,nousestimonsle temps,qui est le canevasde la vie,et nousnous


ETC. 468 CHRONIQUE, efforçonsde le broder activement,sans y laisser aucun vide. Il ne paraît pas qu'on enfasse chezvous la mêmeappréciation.A preuve, et tous lés étrangers en sont surpris, il n'y a pas mêmed'horlogessur lesédificesde . vos cheminsde fer, si ce n'est peut-être à la station du Luxembourg,où les aiguillesmarquent 2 heures 1/2...depuis plusieursmois, à ce qu'on m'a assuré. « Je n'ai doncrien vu en Belgiquede ce que je voulaisvoir... etc. » Uneautre lettred'un artiste français raconte qu'à Saint-Jacquesd'Anvers, il setrouvaitderrière une.nombreusecompagnied'étrangers qui se firent découvrir,par un suisse en livréede l'église,le Rubensde sa chapelle sépulcrale.Le rideau baissé, quelqu'un de la compagniedonnaau suisseune grossepièced'argent.L'artiste,.quiavait vucommeles autres, continuait à regardertranquillement,les sculptures du tombeau,quand le suisse, s'avançantvers lui : — Monsieur,voulez-vouspayer pour leRubans? Enfin, un de nos collaborateursnous révèleune mystificationqu'on a imaginéeassezrécemmentdans une église de Gand, et dont il a été victime, commetout lemondeprobablement.C'està Saint-Michel,où est le grand Van Dyck,représentantle Calvaireet qu'on pourrait aussi appeler, le Coupde lance, commele grandRubens du Muséed'Anvers.Cetableau de VanDyckest dansune chapelleà gauche,bienvoilé de vert, suivantla coutume.On paye, « commede juste, » pour fairelever ce voile. Maisà côté du Van Dyckil y a un autre cadre de mêmesdimensionet importance, égalementvoilé,et dans la chapellede droite, en face, encoredeux autres cadres tout pareils, et aussi religieusementcouverts. On est empresséde voir ces hardis voisinsdu grandpeintre. On paye... Ce sont trois tableauxmodernes,d'un' élèvede David, dont nous avonsoubliéle nominconnu! . L'exploitationest assez leste. Mais il n'y avait à Saint-Michelqu'un tableau voilé; c'étaittrop peutpour fairepayer les étrangers; les autres tableaux qui décorentl'église n'étaientsans doute pas jugés d'une notabilité suffisantepour exciterla curiosité. Il y a pourtant à Saint-Michel de beaux Crayer ét un saint Hubert,de Honthorst,excellemmentpeint. On a inventéde faire les.honneurs du voilemystérieux,à-d'insignifiantes peintures d'un élèvede David! Nousn'enfinirionspas si nous voulionsenregistrer tous les faits analoguesqu'on nous écrit ou qu'onnous rapporte. C'està nos confrèresde la presse belge de continuercette enquêteet de protester, commenous, contre lés ténèbres factices où l'intérêt clérical ensevelittant de merveilles, — s'ils désirent, commenous, la miseen lumière des ouvrages d'art dé la Belgique,et le progrès des arts en général. —Le goût des expositionsde tableauxempruntésauxcollectionspar-


ETC. 469 CHRONIQUE, ticulièresse répand de plus en plus en Belgique.Nousavons déjàparlé de l'Expositionau Palais Ducal et de l'Expositionau Jardin botanique. Voici,de nouveau,une expositionouvertedans le palais du duc de Brabant, au profitdes écolesgratuites, et c'estencorele roi —il n'y a pas de quoi s'étonner— qui a prêté les tableauxles plus remarquables. Le petitRubens,appartenantau roi, et représentantMercureendormant Argus,est de la plus belle qualité du maître et d'une pureté immaculée. Il n'y a pas un point de retouche, et la pâte originale,absolumentintacte, présenteencorele grainde latouche.Pas lamoindrepartieusée, ou lavée, ou affadie,mêmedans les frottis des ombres;'c'est délicieux.Le fondest un paysage,effetde soleil couchant, sur lequel se dessineMercure,tout nu, et tenant de la main gauche ses pipeauxde pasteur; à droite est un boeufblanc, vu de face, la tête baissée,d'un ton superbe. Cetableau sur panneaupeut avoir un demi-mètrede large. Onsait combiensont rares ces tableauxde chevaletdans la série des oeuvresde Rubens. Celui-ci, quoiqu'ilsoit d'un style plus vigoureuxet moins fin, mérite place à côté des Fillesde Loth, du Muséedu Louvre. Le cataloguede M.Van Hasselt indiquecinqcompositionsde ce sujet : uneau Muséede Dresde,une au Muséede l'Escurial, une qui figurait au Cataloguede lamortuairede Rubens,n° 118, une qui parut, en 1829,dans une vente de M. Philips, à Londres, une enfin qui se trouvaitdans la collectiondeM.VanBremen,à Amsterdam,en1830.Commele catalogue Van Hasselta négligé de: donner les dimensionsdes.tableaux, nous ne savonssi le Mercureappartenant au roi est celui de la collectionVan Bremen,ou de la vente Philips, ou du cataloguede 1640. Au roi appartientaussi un petit Ruysdaelverdâtre, dansla gammedes llobbéma, avec une mare au premierplan, et un fond d'arbres, tableau exquis, peint avec une extrêmefinesse et dans une harmonie,trèspoétique. Auroi encore,un tableaude M. Leys, lesJoueursde dés, qui rappelle la vigoureusepeinturede M. Decamps,mais avecle caractèreparticulier à M. Leys, dont les figuressérieuseset expressivess'élèventsouventau grand style, quelleque soit la simplicitédu sujet.: Voilàles trois tableauxhors ligne, à la nouvelleexpositiondu Palais Ducal.Lereste n'offrepas un grand intérêt. Quelques-unsdes tableaux dignes d'attention ont déjà été vus aux expositionsprécédentes, comme par exemple,le Teniers,Intérieurde corpsde garde,avecdes armures,etc.; plusieurs sont contestables,à supposer(iln'y a pas encorede catalogue) que les propriétairesles attribuent à VanDyck et autres maîtres dont ils sont des imitationsquelconques.II y a cependantun Pierre.Wouwerman (qu'on appellerapeut-êtrePhilippe),un Van Huysumavecun Nid, un Zeghers,(le Jésuite d'Anvers),Fleurs autourd'un médaillon; un David de Heem; un petit, tout petit, Isaac Ostade.;un très-beau,triptique, de


470 CHRONIQUEETC. l'écolede Memling; et parmi les modernes, un excellent paysagede M.Fourmois,Marécagedevantunelisièrede forêt. Lesdessinsoffrenttouslesnomscélèbresdel'écolebelge,MM;Wappers et de Keyser,Navezet Braeckeleer,une grandesépiadeM.Verboeckhoven ; une fine et spirituelleaquarelle de M. Madou une aquarelle:très-vigoureuse et pleine de sentiment,par M. Gallait; un Concert,dé M. Leys, grandecompositionavecbeaucoupd'élégantspersonnages'dansun petit cadre de moinsd'un pied;.un Intérieur, de M.Van Moer,cherchantPeter de Hooch;une Conversation,de M. Wouters, cherchantWatteau; un Balconde château,par M. de Joncke, dans lamanièrede M. Baronou de M. EugèneIsabey; un superbe Joueur de basse,par M. AlfredStevens; et, pour finir par le plus original de tous ces dessins, une aquarelle, d'une couleur tout à fait étrange et distinguée, par M. Degroux; nous l'intituleronsla Becquéeou la Pâtée; c'est une mère ,entourée de ses galopins, et qui enfonceune cuilleréede soupe dans la bouche'd'un de ses petits. Pour que nous en parlions si peu respectueusementil faut que cette madoneet ses bambins ne soient pas de la haute volée.En effet,ce n'est pointla reine d'Angleterre,ni aucuneprincessehistorique, commeaimeraità en faire M. Paul Delaroche;c'est une sorte de pauvresse qui a biende la peineà nourrir sa marmailleen haillons.Cen'est pas riche, mais c'est très-humain; et M. Degrouxa:déjà-prouvé,par ses tableauxdudernier SalondeBruxellesentreautres, qu'il comprendtrèsbiences classes, les plus nombreusesde la société,'qui travaillentet qui souffrent. — Un de:nos collaborateurs,qui habite Anvers, M. Podesta, doit rendre comptede l'Exposition d'Anversdansle prochain numérode la Revue.Dès aujourd'huinous pouvonsdire que cette Exposition-offre des oeuvresde la plupart des peintres les plus célèbres de la Belgiqueet de quelquesFrançais et Hollandaistrès-distingués Parmi les Hollandais, il suffitde citer M.Ten Kate, d'Amsterdam,qui a envoyéplusieurs tableauxexcellents,et d'unecertaine importanceparla compositionet par le nombre des figures; parmi les Français, M. Diaz,dont on voit deux peintures chatoyantes,l'une représentantun petit chevalblancdans un intérieurde forêt, et que les-artistes appelaient le lapin blanc,lorsqu'il fut exposéau Salonde Paris;, c'est un petit poneytrès-rustique, au poil long et mal peigné,qui a l'air parfaitementheureux et se repose au milieu de cettevégétationplantureuse; l'autre tableaudeM. Diazreprésente une femmenue, vue de dos, et d'une couleur délicieuse.-M.Eugène Isabey,M. Tassaert, M. Chavet,ont aussi exposédeséchantillonsdeleur fine peinture. Parmi les Belges, on remarque, tout à fait hors ligne, M. Leys. Son AlbertDurer à Anversen 1520, daté 1855, est assurémentun de ses


ETC: 471 CHRONIQUE, meilleurstableaux. Le grand artiste allemandest là, sous l'auventde son hôte Joost Planckfeld,accompagnéde sa femmeAgnèsFrey, de sa servante Suzanne, d'Érasme et de Quinten Metsys. La processionde, l'égliseNotre-Damedéfiledans le tableau. Tous les personnagesont un grand caractère. On y retrouvela femmeembéguinéeet mêmele"jeune vainqueurdu tir à l'arc, dont nous avonsparlé dans le 4e numérodela Revue (p. 305-304) à propos de l'Expositionau Jardin botanique de Bruxelles; car M. Leys se sert souventdesmêmesfigures, commeont fait certainsmaîtresanciens. À la suite de M. Leys vientla foulede ses imitateurs, un entre autres, M. Joseph Lies, qui l'a très-adroitement pastiché, dans un tableau d'AlbertDureret sa familledescendantleRhin sur une barque. Il va sans dire que M.Wappers,l'anciendirecteurde l'Académied'Anvers, et M. de Keyser,le directeur actuel, sont représentés à l'Exposition:de leur ville par des oeuvresprincipales. Nous laissons à notre collaborateurl'appréciationde ces talents très-discutables. Le directeur de l'Académiede Bruxelles, M. Navez,a exposé aussi diverstableaux quine manquentpas de scienceet d'habileté,entreautres la Cruchecassée,jeune fille, de grandeur naturelle, correctementdessinéeet fermementpeinte. M..Alfred Stevens a un charmantIntérieur: jeunefemme,en robe de velours noir, qui se mire dansla glacede sa cheminée,en appuyant le bout de son pied délicat sur les chenets.- C'est d'une harmonie trèsvigoureuse. Quelquespaysages de M. Knyf,de M..Fourmoiset autres, montrent que l'écolebelge interprètela nature avecun sentimenttrès-vif, à la fois naïfet poétique. En somme,l'Expositiond'Anversest très-digned'intérêtetmérited'être visitée, même après la grande Expositionde Paris. Grâceaux railvays et aux steamers,Anversn'est pas un longdétour pour les Anglaiset pour les Allemandsdu Rhin, qui s'en retournentchezeux après avoir admiré les merveillesdes Champs-Elysées. — L'Expositiond'Ypresa aussi attiré plusieurs tableauxnotables.On y entre par une petite porte au reversde la façadedu magnifiquehôtel de ville, vers l'extrémitédroite à laquelle,se rattachela délicieuse adjonction construiteau xvie siècle, dans le style le plus élégant de la Renaissance. La plus belle peinturede l'Expositiond'Ypres est l'Archetbrisé (gagné par la ville à une tombola),de M. Gallait,compositionpleine de sentiment, et qui accuse un ressouvenirdu Pouilleux,de Murillo,au Musée du Louvre.Le jeune musicienen haillons est pelotonnépar terre, contre une muraille,tenantentre ses bras son violon,dont l'archetbrisé gît sur


472 ETC. CHRONIQUE, la pierre. La tête est très-expressive, et la figure entière savamment modeléeavecde justes contrastesd'ombreet de lumière.Le ton général tourne trop à la brique. (Testle seul reproche qu'on puisse faire à cette sorte d'élégieplastique. M. Willemsa une solideétudede Moine,debout, de profil et tournéà droite; M.Ten Kate, d'Amsterdam,deux Intérieursde cabaret,avec des mousquetaireset des gens d'armes, quiboivent, s'agitent, se disputent, oufontla cour auxjolies,servantes; M,Ch. Wauters, une étudede Militaire, assis, peinturevigoureuseet fermementdessinée;M. Boehm,père, qui est, je crois,directeurde l'Académied'Yprës,unbon portrait,:enpied et de grandeur naturelle,du roi Léopold; M. Carolus, plusieurstableaux de genre, très-coquetset spirituellementpeints, entre autres une Conversation,jeune femmeassise dansson boudoiret écoutant les propos d'un gentil adorateur; M.DavidCol,un bravePêcheurà la ligne,qui ne-s'aperçoitpas, malgréses lunettes, que son hameçonest entortillédans les branchagesd'un saule, au lieu d'offrirl'appât aux poissonsdu ruisseau; enfin, M.Ch. Carton,d'Ypres,simpleamateur, mort récemmentet trèsjeune, hélas !a deux petitestoilesde quelquespoucescarrés, mais tout à fait distinguéespar la finessedu ton, l'harmoniede la lumièreet la délicatessede la touche. Cette grisette, faisant sa toilettedevant un petit miroir accrochéau mur dans une chambremodesteau fondde laquelle on aperçoitun lit virginal, est un petit chef-d'oeuvrequi pourrait servir de pendant à un Meissonnier., Après cela, nous avons quelques noms assezillustres : M..Verboeckhoven,M. de Braeckeleer,M.Van SChendel,M. Jacquand, etc.Sans doute les amateursd'Ypres s'extasientdevantles ouvragesdé ces grands peintres. Nousne troubleronspas leur enthousiasme.Bienheureuxceux qui admirent... —La reined'Angleterrea visitéen détaille châteaude SaintGermain. Lecortége, entré par la porte de la Grande-Place,a pénétrédans la cour d'honneur.La reine a fort admirél'architecturede cette cour intérieure, qui représenteun D gothique,en l'honneurde Dianede Poitiers.En contemplantces arcades géminéesen retrait avecles contre-forts extérieurs sculptés, la doublegalerie du secondétage, les hautes cheminéesen briques, à la lettreF formant saillie, lesdômescouverts de plomb des cinq pavillons,les balconscirculaires, les pleins cintresbrisés de la chapelle royale, ses vitraux démolis, les escaliers à colimaçon,perdus dansles tourellessituéesaux cinqangles dela lettre gothique,devanttout cefaste d'architecture semi-militaire,semi-religieuse,participant à la. fois de l'Occidentet de l'Orient, du monastèreet du harem, la princesseAlicea fait remarquer la ressemblanceprofonde,indescriptible, qui se trouvait entre la demeurede FrançoisIer, de HenriII, de Louis XIV, et le


ETC. CHRONIQUE, 475 manoir du cardinal Wolsey,le très-célèbrechâteau de Hampton-Court. La reine s'est faitconduired'abord à la chapelleoù, tant de fois, s'est agenouilléle pieuxJacques II. Cedélicieuxmorceaud'architecture,situé. à droitedans le coin qui regardeMarly,est aujourd'huidansun état déplorable. C'est principalementle dômequi demandedes réparations; car le monument,fort simple, en marbre blanc, ne peut guère se dégrader, grâce à cette simplicitémême. Le beau plafond,peint par Migriardet Lebrun, va s'écaillanttous les jours. Ce sont de petits sujets tirés de l'Histoiresainte et du NouveauTestament; ils sont dans des écussons qu'entourentdes rinceaux-camaïeuxsur fondd'or. Cinqpiliers à colonnettesrentrantes vont de chaque côté de la chapelle se.rejoindre à la voûteet formerdes pendentifs.L'absideesttout entièresillonnéepar ces colonnettesdélicates.Vis-à-vis est une verrière simuléeet au-dessous' une tribune supportéepar deux colonnes. Le tombeaude Jacques H porte l'inscriptionsuivante, sous l'écusson d'Angleterreavecses champs semés de fleursde lis : Regiocineripietasregia. Feralequisquishocmonumentum suspicis, vicesmeditare: Rerumhumanarum in prosperis,nonprosperismajor, Magnus JacobusII, Anglorum rex, Insignesoerumnas, delendaque nimiumfata, Pro placidoque obituexsolvit In hâcurbe, DieXVIseptembris anno1701, Et nobiliores quaedam corporisejuspartes Hicreconditae asservantur. Aprèscette inscriptiontumulaire se lisent les vers suivants sur deux plaques latérales : Quipriùsaugustagestabatfrontecoronam, Exiguanuncpulvereusrequiescitin urnâ: Quidsolium,quidetaltajuvansferitomniaLethum; Verùmlausfldeiacmorumhaudperituramanebit ! Tu quoque,summeDcus,regemquemregiushospes Infanstùmexcepit,tecumregnarejubebis. La reine à vouluvoirles appartementsde JacquesII. Ce sont d'assez tristes piècesdans le pavillonqui regarde les Loges.L'oratoire du malheureuxroi était une pièceobscure, où du moins il pouvaitpleurer en paix sansêtre vu. Elle est dansun parfaitétat deconservation. La reine a désirévisiter aussi la prétenduechambrede Mllcdela Vallière, sous le pavillonsud-est. C'estune piècehexagoneavec une haute fenêtre, une cheminée droite, flanquéesde deux niches, des dorures


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CHRONIQUEETC. presque intactes. Pour y arriver, il a fallu traverser devantle front des cellules vides du pénitencier. Ce:sont de pauvres;réduits au nombre de 500,.ferméspar des:portesverrouilléeset.pris,sur la profondeur,des largescouloirs. Quelques-unes,disons mieux, la plupart de.ces cellules ont été peintesà fresque;par; des détenus militaires.:Plusieurs :de ces dessins, plus barbares que naïfs, ont excité l'hilarité de la reine et du princeAlbert.Ici ce sont des paysages:intimes, des vues historiques,.là des portraits,,plus loin,des souvenirset desscènesduvieuxtemps.Rarement des histoires d'amour , mais des Descentes.de:croix;le,buste;;de l'Empereur,etc. — On's'occupe de réparer, à Sainte-Waudru, de Mons, les dégâts causés par la grêle et l'ouragandu 7 août dernieraux bellesverrièresde cette église. Cellesqui ont le plus souffertsont : J.. La verrièredonnéepar Jeanne d'Aragon,épousede Philippe le Beau, et celle donnéepar Jean Carondelet,évêque de Palerme, que l'on peut regarder commedes plus belles, et qui datentdes années1511et 1512. Quant à celle de l'archevêqueFrançoisBuisseret, à laquelle se rattache une légendepopulaired'après laquelle cette verrière aurait été donnée par l'illustre Montois, « en mémoireet remplacementde celleque le « diable fracassa, lorsqu'il fut obligéde sortir du corps d'une possédée, « etde l'églisepar cettevitre,par suitedes exorcismesdu pieuxprélat, »— elle n'a été endommagéeque dans ses parties les moins compliquées. Le moyenle plus sûr de préserverles vitraux peints n'est pas de faire poser desverrières doublesen vitres,blanches: ce qui nuirait à l'effetsi remarquablede cestableaux, sur lesquels la lumière,célestedoit frapper directementpour être renvoyée,par eux jusqu'au parquet de l'église, à travers les mille couleursde pourpre, d'azur et d'or, dont ils sont empreints'.Pour les garantir complètement,il faut,;comme'on l'a fait partout où l'ona restauré cesriches débris del'art ancien, lesmunir degrililages en fils de fer, tressés dansla formeogivale. . La fabrique de Sainte-Waudru,ne manquerapas sans,doutede prendre ces mesures conservatrices,après avoirfait opérer la restauration. — Les admirateursenthousiastesde madameRistori ont fait graver unemédailleen son honneur, et au nom des Italiens habitantParis, par M. Magni,sculpteur d'un grand talent. L'inscriptiondit que l'illustretragédiennea su rendrevisiblel'idiomeitalien, etenfaireapprécierla douceur, mêmeà' ceux qui ;nele comprennentpas. Cettemédaillea été offerteà madameRistori,-au foyer du théâtre, après la représentationdonnéeà son bénéfices..::'. — La.Gazettede Cologneannonce que-le professeurRauch, de Berlin, a terminé, à la fin.d'août,le modèle;d'unestatue de Kant, haute de près


ETC. 475 CHRONIQUE, detrois mètres,et qui doit être érigéeau grandphilosophe,à Koenigsberg. — A l'AcadémieImpériale des Beaux-Arts, de Saint-Pétersbourg, aura lieu prochainementune grande expositionde tableaux, sculptures et objetsd'art. — VINCHON (Jean-Baptiste-Auguste),né à Paris, le 5 août 1789,;est mort aux bains d'Ems, duché de Nassau, le 16 août 1855. Élève de Serangeli, de Turin, il obtint, en 1815, le deuxièmeprix de peinture de l'Académie,et, en 1814, le premier prix; son tableaude concoursreprésentait la Mort de Diogène;cet ouvragefait partie de la collectionde l'Écoledes Beaux-Arts,à Paris. Voicila liste de ses principauxouvrages: Envoisde Rome : un tableau,peint en 1816,représentantCyparisse, (gravépar Caronen 1825); en 1819, Ajax défiantles Dieux, étude,de pensionnaire. Au Salon de 1822 : Le Dévouement du docteurMazet, mort âgé de 27 ans. Cetableauest placéau Lazaretde Marseille. II. avait commencé,en 1,820,les peintures à fresque de la chapelle Saint-Maurice,dans l'église Saint-Sulpiceà Paris, et le livret du Salon de 1822dit : « Les couleurs de cette fresque n'étant point encoreassez sèches pour être arrivéesà la valeur de ton qu'elles doiventavoir, ce n'est que dans quelquetempsque cette chapellesera ouverteau public. » Au Salon de 1821.: Mortde Comola.(Sujettiré dès poésiesd'Ossian.) Idem. Jeanne d'Arcsurles rempartsd'Orléans. Au palais de la Bourse, à Paris, grande salle du tribunal de commerce,deuxtableaux: l'un, l'Abondancerécompensant l'Industrie;l'autre, là Véritédévoilantla Fraude. Danslamême salle, six grisaillesà l'huile: La ville de Paris — l'Agriculture— les Tissus — la Monnaie— le Travail — la Vigilance.Ces huit ouvrages ont été exécutés durant l'année 1826. Salon de 1827 : Un Vieillardgrec moderne,assis sur les ruinesde sa maisonincendiée.Ce tableau est à l'Expositionuniverselle. Berger des environs de Rome, endormi sur les débris d'un tombeaud'empereur. Dans,le livretdu.Salonde cettemêmeannée 1827, pages8à 12, onlit la description des grisaillespeintes par Vinchonavec M. Gosse sur les voussuresentourantles plafondsde MM.Picot,Meynier,Heimet Ingres, dans les sallesdu Musée CharlesX, au Louvre. En 1851, à la suite d'un concours, Vinchonfut désignépour l'exécution du tableau de grande dimension,représentant.Boissyd'Anglas se découvrantdevantla tête de Féraud qu'on lui présentaitau bout d'une pique. Ce tableau, commandépour la Chambredes Députés, a figuréau Salon de 1855 (à L'Expositionuniverselle). Salon de 1858: Le Sacrede CharlesVII à Reims(17juillet 1429).


476 CHRONIQUE,-ETC. Salonde 1859: EntréedesFrançais àBordeaux23 juin 1451) Salonde 1840: Mortde Madame,duchessed'Orléans(Henriette-Anned'Angleterre). Salon de 1842 : Séance royalepour l'ouverturedes Chambreset la proclamationde la Charteconstitutionnelle (4 juin 1814), commandépour le Muséede Versailles. Salonde 1842:Portrait du maréchalcomteSébastiani. Idem. Portrait de madameV etses enfants. Salonde 1843 : Achillede Harlay, commandepar leministre de l'intérieur (à l'Expositionuniverselle). Salonde 1846: Êtats-GénérauxsousPhilïppeIV,ditle Bel(10 avril 1302) ; commandépar le ministrede l'intérieur. Salonde 1847: Épisodede l'histoiredeVenise(àl'Expositionuniverselle). Salon de 1850-1851 Enrôlementsvolontaires(22 juillet 1792) (à l'Expositionuniverselle). Salon de 1853 Martyres sousl'empereur Dioctétien,l'an 304 après Jésus-Christ(à l'Expositionuniverselle). Le 9 avril 1828, Vinchonavaitété décoréde la Légiond'Honneur. L'auteur des Lettres sur l'Expositionuniverselleparlé de M Vinchon dansle dernier n° de la Revue,p.374. — Un sculpteur habile, M. Patrick Park est mort subitement, le 16 août, à Warrington,dans le Lancashire. M. Park était âgé de quarante-huit ans, et avait déjà obtenules plus grands succèscommeécrivain, commedessinateur et commesculpteur. Il était né a Glascow,et, jeune encore,il avaitvisité l'Italie pour s'y livrer à l'étude del'art auquel il s'était vouéet perfectionnerson goût par la contemplationdes oeuvres des grands maîtres. A Rome, il avait été élèvede Thorwaldsenet condisciplede Gibson.Saveuveest filled'un littérateurdistingué. — Le peuplede France, au XVIe siècle,appelait souventson roi François 1erleroi grand nez. Il y a un illustre saint de l'Italie qu'on pourrait appeler le saint grandnez : c'est saint Borromée; faute-deconnaîtreson portrait, nos compositeursn'ont pascompris la boutadedu peintreBarbalonga,citéedansla Chroniquedenotrederniernuméro,août,1855, p.394;. Ail lieu de santopiuBorromeo(ligne12), il fautlire :tanto pin Borromeo. Le gentilhommeque peignaitBarbalonga,et qui se prétendaitdela noble maisondes Borromeo,trouvait que le peintrelui faisaitle neztroplong : quel naso è troppogrande!— Plus vous aurez de nez; plus vous serez Borromée,répond le fantasque artiste : quandopiu naso,tantopiu Borromeo. Nous-renvoyons-au Musée de Bruxelles, pour.renseignement; de ceux qui ont fait la faute typographique.Ils y verront la ressemblance saint CharlesBorromée,peintepar Philippe de Champaigne(n° 20), par Janssens (n° 114)et par Vouet(n°298).


LISTE DES OUVRAGES RELATIFS AUX BEAUX-ARTS, PARU ENFRANCE DANS LEPREMIER QUIONT SEMESTRE DE1855. I. — TRAITÉS HISTOIRE ETBIOGRAPHIE. DIVERS, — Courscompletde dessinlinéairegraduéet progressif,contenantla géométriepratique,élémentaireet descriptive,l'arpentage,la levéedes planset le nivellement,etc., par LouisDelaistre,professeurde dessin.1ro partie, in-4° oblongde S f, plus 20 pl 2° partie,in-4° oblongde 1 1/2 f, plus 15 pi. 3° partie, in-4°oblongde 1 f, plus 11 pi. 4e partie, in-4° oblongde 2 1/4 f, plus 16 pi. (Impr. de MalletBachelier,à Paris.) ChezMalletBachelier. — Dictionnaireraisonnédel'architecturefrançaise,duxicau xvie siècle, par ViolletLe Duc. CompterenduparP. Mérimée,membrede l'Inst. In-8°, 1 1/4 f. (Impr.de Bonaventure,à Paris.) ExtraitduMoniteur, nosdu30décembre 1854etdu5janvier1855. —Dictionnaire raisonnédumobilierfrançais,de l'époquecarlovingienne à la Renaissance,par ViolletLe Duc, architectedu gouvernement, inspecteur général des édificesdiocésains.lrc livraison. Texte in-8° de 2 f., plus unepi. (Impr.de Bonaventure.)ChezBance. en 80livraisons, formera2 grosvolumes in-8°d'environ L'ouvrage complet, 500p. chacun.Touteslesgravuresserontexécutées surlesdessinsdeM.ViolletLeDueou soussadirection.—Il y a uneéd.deluxe, tiréeà 100ex.numérotés, sur papier jésus,grandin-8°. —Étudesurle pavageémaillédansle département de l'Aisne,parEdouard Fleury, 200 dessinspar le même,gravéspar MmeEd. Fleury. (Impr. de Ed. Fleury,à Laon.)ChezDidron,à Paris. , — Émailleurset émailleriede Limoges,par MauriceArdant. In-18 de S f., plus une pl. (Impr. de MartialArdant, à Limoges.)ChezMartial Ardant,à Limoges. .— Orfèvreriedu xinc siècle.La croix de Clairmarais,par LouisDeschampsde Pas. In-4°de1 1/2 f., plus 4 pl. (Impr.de Claye,à Paris.) Chez VictorDidron. — Notesur lesmaîtresdes oeuvresdes ducs de Bourgogne,suivied'une notesur JosephColare,fondeuret canonnier,avec les preuves,par Marcel Canat.In-8°de 3 1/4 f. (Impr.d'Hardel,à Caen.) ExtraitduBulletinmonumental, publiéà Caen,parM.deCaumont. — Le Livredes peintresetdesgraveurs,par Michelde MaroIIes,abbéde 31


RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. 478 OUVRAGES VilleloinNouvelleéd., revue par GeorgesDuplessis.In-16 de 5 1/2 f. (Impr.de Guiraudet,à Paris.)ChezJannet. — LouisDavid,son écoleet son temps, par E. J. Delécluze.In-8° de 29 f. (Impr.de Lahure,à Paris.)ChezDidier. Nouvelleéd. In-12 de 19 1/6f. (Impr. de Bonaventure.)ChezDidier. — SurV. Orsel.In-4°de 1,2 f. (Impr.de Brière, à Paris.) Réuniond'articles dejournauxsurlestravauxdecepeintre,morten1851. — Auxmânesde Crozatier,statuaire, chevalierde la Légiond'honneur. In-12 de 1/2 f. (Impr.de Pinard, à Paris.) Envers.Signé: A.MartinFix. — ObsèquesdudocteurRigollot,décédéà Amiens,le 29 décembre1854. In-8°.de1 f. (Impr.de Lechallier,à Amiens.) d'Amiens. Ontrouveaux ExtraitduMémorial NoticeparM.A.GabrielRembaull. né à Doullens, ie p. 15et16lalistedesécritsdudocteurRigollot(Marcel-Jérôme), 30septembre 1786. —Lacaricatureen Angleterre,1710-1858.Hogarth,—Sayer,—Gillray, — Rowlandson.,— Woodward,— Bunbury,— les Cruikshank,etc., par E. D. Forgues.In-8°de6 3/4 f. (Impr.deSimonDautreville,à Paris.) Extraitdela RevueBritannique. — Noticesur Daguerre, peintre, inventeurdu diorama, officierde la Légiond'honneur,membrede la Sociétélibredes Beaux-Artset deplusieurs académies,par M. Paul Charpentier.In-8° de 1 1/2 f,, plus un portrait. (Impr.de Bonaventure,à Paris.) libredesBeaux-Arts. Louis-JacExtraitduXVIIIe vol.desAnnalesde la Société le 18nov.1787,est en Parisis(Seine-et-Oise), quesMandé Daguerre,né à Corneille mortà Bry-sur-Marne, le10juillet1851. — Annalesdela Sociétélibredes Beaux-ArtsT..XVIII,comprenant trois annéesacadémiques, du 1ermai1850 au 1er mai1853. In-8"de 18 5,4 f., plus 1 portraitet 1 pl. (Impr.deBonaventure,à Paris.) A Paris, chezAlex. Phanneau. Tiréà petitnombred'ex.Chaque-vol sevend3fr..,soit34fr, les18vol,LaSociété libredesBeaux-Arts, fondéeen1830estuneréuniond'hommes voués,parétatoupar goût,aucultedesartslibéraux. — Listedesmembresdela Sociétélibredes Beaux-Arts,précédéed'une noticepar M.Delaire.In-8°de 1 f, (Impr.de Bonaventure,à Paris.) — Autographesdesavants et d'artistes, de connuset d'inconnus,de vivantset de morts,mis aux vents, par FrançoisGrille, avec annotations, 2 vol..in-12, ensemblede29 f. (Impr. deCosnie.ret gloses,commentaires, Lachèse,à Angers.)A Paris, chezLedoyen(1855).... —-Chimiedes couleurspour la peintureà l'eauet à l'huile, comprenant les propriétésphysiqueset chimiques,la préparal'historique,la synonymie, l'action-toxiqueet l'emploides couleurs tion, les variétés,les falsifications, ancienneset nouvelles,par.M.J. Leforl. in-8° de 10 f. (Impr.de Pillet fils aîné, à Paris.) A Paris, chezVictorMasson.


OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. 479 — Traité de photographie sur toile,dernierperfectionnement inventépar M. Dejonge,artiste peintre. In-8° de 1/4 de f. (Impr.de Cosson,à Paris.) A Paris, chezA. Ninet. — L'Art de la galvanoplastie, à l'usagede MM.les orfévres,bijoutierset bronziers,par M. AlexandreGueyton,orfévre.In-8° de 2 1/2 f. (Impr. de Wittersheim,à Paris.)A Paris, chezl'auteur, rue du Grand-Chantier, 4, et cheztousleslibraires. — Recherches sur l'architecture,la sculpture,la peinture,la menuiserie,la ferronnerie,etc., danslesmaisonsdu moyenâge et de la Renaissance,à Lyon,par P. Martin, architecte.In-4° de 11 f. (Impr. de Nigon,à Lyon.) A Lyon, chez Brun, et Chezl'auteur, rue Thomassin,15; à Paris, chez Didron. — EustacheLe Sueur.Érectionde sa statue, par AugusteMaillet.In-8° de 1/2 f. (Impr. de Bonaventure, à Paris.) Discours envers.ExtraitdesAnnales delaSociété libredesBeavx-Arts. . 18. — Noticenécrologique sur A. F. Dreuille,peintre, par M. Paul Carpentier. In-8°de 1/2 f. (Impr.de Bonaventure,à Paris.) ExtraitdesAnnalesde laSociété libredesBeaux-Arts, t. 18. — Originede la peinture,par AugusteMaillet.In-8°de 1/2 f. (Impr. de à Paris.) Bonaventure, Discours envers,extraitdesAnnalesdela Société libredesBeaux-Arts, t. 18. — Étudessur l'Écolefrançaise(1831-1852).Peintureet sculpture,par GustavePlanche.2 vol. in-18, ensemblede19 4/9 f. (Impr.de Mme DondeyDupré,à Paris ) A Paris, chezMichelLevyfrères. Collection 2esérie. delaBibliothèque contemporaine. — LesPrincesde l'Art. Architectes,sculpteurs,peintres,graveurs,musiciens,poètes,orateurs,par MmeCélineFallet.Grand in-8°de 26 f. (Impr. de Mégard,à Rouen.)A Rouen,chezMégard. moraledelajeunesse. Bibliothèque II. — COLLECTIONS, NOTICES ETCATALOGUES. — Cataloguedescollections dontse composeleMuséumde l'Artillerie,par F. de Sauley, membrede l'Inst., conserv.du Muséede l'Artillerie.In-12 de 15 1/2f. (Impr.de Mallet-Bachelier, à Paris.)ChezMallet-Bachelier. — Noticedes peintures,sculptures,gravureset lithographies de l'école modernede France,exposées dansles galeriesduMuséeimp.du Luxembourg, par FrédéricVillot, conserv.des peintures.2° éd. In-12 de4 1/2 f, (Impr. de Vinchon,à Paris.) —MuséedeMontpellier. Noticesurla vieet lestravauxde François-Xavier deMontpellier,parJ. B.SouFabre, fondateurdumuséeet dela bibliothèque laset D. Prier. In-16de 2 f. (Impr.de Gelly,à Montpellier.) Extraitd'unouvrage surleMuséel'abri, lequeldoitparaîtredansl'année.


480 OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. — Catalogueexplicatifdes tableaux,dessins,pastelsetautresobjetsd'art, offertsen 1884 à la ville de Bagnèresde Bigorre,par AchilleJubinal, députédesHautes-Pyrénées. (3eenvoi.)In-12 de 1/2 f. (Impr.de Dupont,à Paris.) 3e Fascicule 100numéros;lesdeux autresfascicules contiennent comprenant 4Mnuméros. — Cataloguede la curieuseet intéressantecollectioncomposant le cabinet de,feuM. le baronCharlesdeVèze.Tableauxet dessinsdediversesécoleset estampesdesécolesitalienne,allemande,flamandeet hollandaise,et principalementécolefrançaiseduXVIIIesiècle,dontla venteauralieurue Drouot,5, le lundi 5 mars1888et jours suivants.In-8° de 15 3/4 f., plus un portrait. (Impr.de Maulde,à Paris.)ChezM. François. 100numérospourlestableaux,580pourlesestampes; Catalogue comprenant précédéd'unenoticesurM.Jean-Charles-Chrysostome barondeVèze, néà Pecharman, Toulouse en 1788,secrétairedescommandements ducomted'Artois, mortle5 août 1834àl'Ile-Adam. — Catalogue destableauxdel'écolefrançaisemoderne,composant lacollectiondeM. Barroilhet,dontla venteauralieule 12mars 1855,rue Drouot,5. In-8° de 2 f. (Impr.de Mauldeà Paris.) ChezM.Ponchet. 72numéros,précédé d'unelettrede M.CharlesBlanc. Comprenant des ouvragesde peinturedu cabinetdeM. AlfredBruyas. —Explication Sonportrait,parles principauxartistesdela capitale: Eug.Delacroix,T. Couture. A. Glaire, 0. Tassaert, G. Courbet, etc. In-8° de 14 5/8 f. Impr. de Pion, à Paris.) — Peinturesdes manuscrits,orfévrerieset costumesfrançais,exécutés sur vélin,par AubinNormand,d'Amiens.Noticeiconographique, par l'abbé AlfredNormand.In-8°de 1 f. (Impr. de Caron,à Amiens. — Catalogued'une collectiond'estampesanciennespar des graveursde toutesles écoles,dontlesoeuvresdedellaBella,Callot,Nanteuil,Edelinck, Drevet, Van Schuppen,Wille,etc., d'un grandnombrede portraitsde peret xvmc siècles,d'artistesdramatiques sonnagesfrançaiscélèbresdesXVIIe desthéâtresde Paris, etc., etde quelquesdessinsprovenantd'unecollection étrangère,dontlaventeauralieumaisonSilvestre,rue desBons-Enfants,28, lelundi29 janvier1888et jourssuivants.In-8°de 5 3/4 f. (Impr.de Maulde, à Paris.) ChezDefer. — Cataloguedesdessinset estampes,tableaux,curiosités,livreset autola collectionde L P. Norblin,dontla venteauralieu rue graphes,composant Drouot,S, leslundi5février1855et jours suivants.In-8°de2 1/2f. (Impr. de Maulde,à Paris.) ChezAubry. Précédéd'unenoticesurM.Norblin de laGourdaine célèbre (Louis-Pierre-Maric), néà Varsovie, le 2décembre 1781. violoncelliste, — Cataloguede la richecollectiond'estampeset de dessinscomposantle cabinetde feuM.Van denZande,ancienadministrateurdes douanes,rédigé


OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. 481 par T. Guichardot.In-8° de 23 f. (Impr. de Guyot, à Paris.) ChezGuichardot. Ventclelundi30avril1855etjourssuivants, rue Drouot,5. Cafalogue renfermant ladescription de3118estampes, dessinsetlivressurlesarts. — Catalogue desmonuments antiqueségyptiens,assyriens,étrusques,grecs, membre romains,gaulois,composantle cabinetde feu M. Raoul-Rochette, de l'Inst., dontla venteauralieuleslundi30avriletmardi1ermai1855 en son domicilerue de la Michodière,25. In-8° de3 3/4 f. (Impr. de Maulde, à Paris.) ChezRoussel. — Descriptiondes estampesexposéesdans la galeriede la Bibliothèque imp., formantun aperçuhistoriquedes productionsde l'art et dela gravure, de recherchessur l'origine, l'accroissement et la disposition accompagnée de la collection,par J. Duchesneaîné, conserv.Précédéed'une méthodique noticebiographique sur sa vieet ses ouvrages.In-8°de -163/4 fr. (Impr.de Raçon,à Paris.) JeanDuchesne, néa Versailles le29décembre 1769,estmortle4mars1855.La noticeestdeM.PaulinParisdel'Institut. — Catalogued'estampesanciennes et nouvelles,de dessins,tableaux,méet de d'artet decuriosité dailles, quelquesobjets provenantdu cabinetde feu M. Duchesneaîné, conserv.des estampesde la Bibliothèque imp. La vente aura lieu les25 et26mai.In-8°de 1 f. (Impr.de Raçon,à Paris.) — Cataloguedes tableauxde M. FrançoisDelessert.In-8° de 3 3/4 fr. (Impr.deFirminDidot,à Paris.)A Paris, rue Montmartre,172. Collection secomposant de256tableaux. — Expositionuniversellede 1855 Explicationdes ouvragesde peinture, sculpture,gravure,lithographieet architecturedes artistes vivants, étrangerset. français,exposésau palais des Beaux-Arts,avenue Montaigne,le 1ermai 1855.In-12de27 2/5 f. (Impr. de Vinchon,à Paris.)A Paris, chez Panis. Cecatalogue savoir:Peinture,1à 4,232;sculpture, 4,252 comprend 5,112numéros, à 4,586;gravure,4,587à 4,777;.lithographie, 4,778à 4,872;architecture, 4,877à : peinture,5,029à 5,063sculpture, 5,028;et supplément 5,064a 5,085;architecture, 5,086à 5,113. — La Couronneet les Beaux-Arts.A proposde l'Expositionuniverselle, à Paris.) par Ch.Piel deFroismonts.In-12de1 f. (Impr.de MmeDelacombe, A Paris, cheztousleslibraires. — Noticedestableauxexposésdansles galeriesduMuséeimp.du Louvre, par FrédéricVillot,conserv.des peintures.3e partie.Ecolefrançaise. In-12 de 19 1/2 f. (Impr.de Vinchon,à Paris.) Cecatalogue, lesnoticesde660tableaux, estimprimé à 3,000ex. comprenant — Noticedestableauxexposésdansles galeriesdu Muséeimp.du Louvre, par Frédéric Villol, conserv.des peintures, 1repartie. Ecolesd'Italie et d'Espagne,11eéd. In-12de 15 2/5 f. —Idem.2° partie.Ecolesallemande,


OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS; flamandeet hollandaise.6eéd. In-12de 15f. (Impr.de Vinchon,à Paris.) Lepremierdecescatalogues lesnoticesde558tableaux. Cette11e éd.est comprend tiréeà 3,000ex.,dun°18,001 à 21,000.Leseconda 618numéros,etcelle6eéd.est tiréeà 3,000ex.,dun°9,501à 12,300. — Noticedu muséelapidairede la villede Lyon,par ledocteurA. Comde la villede Lyon. In-8°de marmond,conserv.des muséesarchéologiques f. à de A chez Dumoulin,et au Dumoulin, Lyon.) Lyon, 10 1/2 (Impr. palaisdes Arts. — Cataloguedelivrescurieux,dessinset estampes,provenantdela bibliothèquede SonA. S., dontla venteaura lieu le lundi11 juin 1855 et jours suivants,à 7 heuresdu soir, rue des Bons-Enfants,28, maisonSilvestre. In-8° de9 1/2 f. (Impr.de Quiraudet,à Paris.)A Paris, chezJannet. 6numéros sontattribuésauxdessins,et123auxestampes. — SociétédesAmisdesArts.Expositionde 1855 In-18 de 2/3 f. (Impr.. de Vinchon,à Paris.) desouvrages,comprenant la nomenclature de22tableauxexposés au Catalogue Louvre. —Villed'Orléans.Exposition de peintureet d'objetsd'art, à l'occasionde l'inaugurationdela statueéquestredeJeanned'Arc, 8 mai 1855. In-12 de 3 f. (Impr.de Jacob,à Orléans.) Catalogue comprenant 405numéros. — ExpositionuniverselledesBeaux-Arts.Le Salonde 1855 appréciéà sa justevaleurpourUNfranc,par J. deLa Rochenoire,peintred'histoire,etc., 1reet 2°partie.Deuxcahiersin-8°,ensemblede 11 3/4 f. (Impr.de Maulde, à Paris.)A Paris, chez Martinon,et cheztousles librairesde la Franceet de l'étranger. —Recherchesiconographiques sur Jeanned'Arc, dite la Pucelled'Orléans.Analysecritiquedes portraitsouoeuvresd'art faitsà sa ressemblance, par M. Vallet de Viriville,prof. adj. à l'Écoleimp. des Chartes.In-8° de 1 3/4.f., plus 2 pl. (Impr.de Lahure, à Paris.)A Paris, chezDumoulin. ExtraitdelaRevuearchéologique, 12eannée. —Description,d'aprèslateneurdes chartes,du trésor, en reliquaireset joyauxd'or et d'argent,en ornementsd'égliseet en livres, donnépar Jean, duc de Berry, à la saintechapellede Bourges,avecune introduction,des noteset éclaircissements, et deuxnoticesl'unesur les bijouxvendusà ArnoulBelin,aprèsla mortdu duc,et l'autresur la librairiede ce prince, par M.Hiverde Beauvoir,conseillerà la courimp.de Bourges.-In—8° de 8 1/4 f. (Impr.de Jollet-Souchoir,à Bourges.) Lefauxtitre porte: Mémoires dela Sociétéhistoriquedu département duCher. N°I — HôtelimpérialdesInvalides.Salledu conseil.Portraitsdesmaréchaux de Franceet desgouverneursde l'hôtel,ornantlasalle, In-12 de 1/3f. (Impr. de Beaulé,à Paris.) 482


OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS.

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III. — STATISTIQUE MONUMENTALE ; ARCHÉOLOGIE — Le dômedesInvalidesouGuidedu voyageurau tombeaudeS. M.l'empereur NapoléonIer, par Noël Santini,ex-huissierdu cabinet,gardiendu portefeuillede l'Empereur,et aujourd'huigardiende sontombeau,et par .1.B. M.In-12 de 7 f., plus un portrait.(Impr.de MmeLacombe,à Paris.) Chezl'auteur,auxInvalides. — Lechâteauduboisde Boulogne,dit ChâteaudeMadrid.Étudesur les arts au xvic siècle,par le comtede Laborde,membrede L'inst In-8° de 8 1/4 f. (Impr.de Claye,à Paris.)ChezDumoulin. Tiréà100exemplaires numérotés. — Nomenclature ou Cataloguedemesdessinset plansrelatifsau département de l'Aisne,par l'abbé Poquet. In-8° de 5/4 de f. (Impr. de Fleury, à Laon.) — La Haute-Marnepittoresque.In-4°de 2 f., plus un frontispiceet 6 pi. à Chaumont.) (Impr.de MmcveuveMiot-Dadant, formeraunAlbumrenfermantlessiteslesplus intéressants du déparL'ouvrage tement.IIserapubliépar livraisons de 6p. au moins,ehromo-Iilhograpbies à plusieursteintes,avecuntexte,etil paraîtraàdesépoques indéterminées. Tiréà100ex. — La Normandiesouterraineou noticessur descimetièresromainset des cimetièresfrancsexplorésen Normandie,par l'abbé Cochet.2e éd. In-8° de 29 -1/2f, comprisle portraitde l'auteur.(Impr.de Delevoye,à Dieppe.) ChezDerache,à Paris. couronné Ouvrage parl'Instituten1854. — Découverted'un cimetièremérovingien à la chapelleSainl-ÉIoi (Eure), par CharlesLenormant.In-8° de 6 f., avecgrav. dansle texte.(Impr. de ChezDouniol. Beau, à Saint-Germain.) — Inaugurationdu monumentérigé à NapoléonIerdans l'enceintede la Boursede Lille, le 5 décembre1854. In-4° de 5 1/2 f. (Impr.de Danel, à Lille.) — Notespour servirà la statistiquemonumentale, du départementde la Moselle,par GeorgesBoulangé.In-8°de2 1/4 f., plus15 pl. (Impr.deBlanc, à Metz.) ExtraitdesMém. de l'Acad.imp.deMetz. — SainteOdileet leHeidenmauer.Traditions,monuments et histoire,par L. Levrault,correspondant du ministèrede l'instructionpubliquepour les travaux historiques... In-8° de 10 3/4 f. (Impr. de Mmeveuve Decker, à Colmar.)ChezGeng,à Colmar. — Mémoiresde la Sociétéarchéologique de l'Orléanais,tomeIII. In-8° de25 1/2 f. (Impr. de Jacob,à Orléans.)ChezBlanchard,à Orléans. — Revuearchéologique ou Recueilde documentsetde mémoiresrelatifsà l'étudedesmonuments,à la numismatiqueet à la philologiede l'antiquitéet


RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. 484 OUVRAGES du moyenâge,publiéspar les principauxarchéologues françaiset étrangerset de planchesgravéesd'aprèslesmonuments accompagnés originaux.12eannée, n° 1, 15 avril. In-8° de 4 t., plus 2 pl. (Impr. de Lahure,à Paris.) Chez Leleux; Ilparaitunnumérole 15dechaquemois. — L'Immaculée du moyenâgeetde figuréesur lesmonuments Conception, la Renaissance,par E. Hucher. In-8° d'1/2 f. (Impr.d'Hardel, à Caen.) ChezHardel. ExtraitduBulletin deM.deCaumont. monumental, — BulletindelaSociétéfrançaisede Photographie. Premièreannée,N°1er,, janvier1855. In-8°de 2 1/4 f. (Impr.de Dupont,à Paris.) Au siègede la Société,rue Drouot,II. — Athènesaux xve, XVIeet XVIIesiècles,d'aprèsdesdocumentsinédits tirésdesarchivesimpérialesde Venise,des grandesarchivesde l'Empirefrançais, desarchivesdesministèresdes affairesétrangères,de la guerre et de.la marine, à Paris, par le comtede Laborde.Deux vol. in-8°, ensemble de 45 1/2 f., plus 40 pl..gravées,lithographiées ouintercaléesdansle texte. (Impr.de Plon, à Paris.)ChezRenouard. Documentsinéditsou peu connussurles antiquitésd'Athènes,tirés des archivesde l'Italie, de la France,de l'Allemagne,etc., par le comtedeLaborde, membrede l'Insl. In-8° de 20 3/4 f, plus desfac-simile,une pl. et 2 plans.(Impr.de Pion,à Paris.)ChezJules Renouard. Travaildétachédel'ouvrage précédent. • — Noticesur le Cupidonpossédépar M. Paulin Guérin, peintred'his24. In-8°de 1/4 de f. (Impr. de toire, etc. à Paris, rue du Mont-Thabor, Raçon,à Paris.) Selontouteslesprobabilités, enmarbrepentélique, c'estlastatuedePraxitèle, qui futdonnéeaussiauxThespiens parPhryné,etqui,plustard,eutle priviléged'accompagnerpartoutle proconsul Verrès, jalouxd'admirerà songrécechef-d'oeuvre qu'il avaitenlevéà la Grècepourendoterl'Italie.(Notedela Bibliographie dela France.) — Les Ruinesde l'abbayede Mont-Majour d'Arles, par l'abbéJ. M.Trichaud.In-8°de 21/2 f. (Impr.de Cerf,à Arles.)A Arles,chezCerf.—On y trouveaussilesChamps-Elysées d'Arles,par lemêmeauteur.ln-3°de 11/2 f. — Curiositésde l'Archéologie et desBeaux-Arts.In-8°de 14 f. (Impr.de Cosson,à Paris.)A Paris, chezPaulinet Lechevalier. Faisantpartiede la Bibliothèque depoche,paruneSociétéde gensdelettreset d'érudits. — Itinérairearchéologique de Paris, par M. F. de Guilhermy.In-12 de 16 1/3 f., plusun plan, 15 grav.suracieret 22 vign.gravéessur boisd'après les dessinsdeM..Ch. Fichot.(Impr.de Bonaventure, à Paris.) A Paris, chez Bauce. — Fête deJeanned'Arcà Orléans, les 6, 7, 8, 9 et 10 mai.Précissur la vieet les exploitsde Jeanned'Arc; ses portraits, les monumentsenson honneur,ses médailles,sesarmoiries,lesfêtesremarquablesde la délivrance


OUVRAGES RELATIFSAUXBEAUX-ARTS. 485 In-8°de 1-1/4, plus 1 pl. d'Orléans,etc., par C.F. Vergnaud-Romagnesi. (Impr.de Pagnerre, à Orléans.)A Orléans, chez Gatineau;à Paris, chez Roret. -—Noticehistoriqueet critique sur:les monumentsérigésà Orléansen l'honneurdeJeanned'Arc,par Ch. Aufrère-Duvernay, avocatà la courimp. d'Orléans.In-8°de2 3/4 f., plusune lith. dunouveaumonument.(Impr.de Pagnerre,à Orléans.)A Orléans,cheztousleslibraires; à Paris, chezTresse. —LestroisStatuesdeJeanned'Arc,parLéonceDupont.In-12de4 S/6f à Orléans.)A Orléans,chezPesty; à plus4 lith. (Impr. de Morand-Bouget, Paris, chezDentu. Ancienmonument deJeanned'Arc.—Jeanned'Arcavantle combat,parla princesseMarie.—Jeanned'Arcpendantle combat,parGois.—Jeanned'Arcaprèsle le8mai1855. combat,parFoyatier,statueinaugurée — PalaisBourbon,aujourd'huipalaisdu Corpslégislatif.Origineet descriptionde cet édifice;sesdifférentestransformations; principauxévénements dont il a été lethéâtredepuissa fondation,1722, jusqu'en1888. In-12 de 35f., plus 2 vign.(impr. d'Henriet Ch. Noblet,à Paris.) La dépense faitepourla construction de ce monument, depuis1722jusqu'ànos fr.20c. jours,semonteà.25millions 687,264 — Descriptiondel'hôtelimp.desInvalideset dutombeaude NapoléonIer, par le colonelGérard, secr-général, archiv. de l'hôtel.2e éd. In-12 de 4 1/2 f., plus3 pl. (Impr.de Beaulé,à Paris.)A Paris, chezBlot. Idem,texteanglais,2«éd.In-12de 4 1/2f., plus3 pl. — Descriptiondes Invalideset du tombeaude Napoléon.In-8° de 1 f. (Impr. de Beaulé,à Paris.) A Paris, rue Beaubourg,2-4. — HôtelimpérialdesInvalides.Descriptiondu tombeaude NapoléonIor, par le colonelGérard,secr-généra],archiv.del'hôtel.In-12de 1/2 f. (Impr. de Beaulé, à Paris.) A Paris, chezBlot. — Essaisur l'espritdel'art architectonique appliquéà la constructiondes monumentsreligieux,par Augustedu Peyrat, ancieningénieurà l'îleBourbon, directeurde la ferme-écoledes Landes.In-8° de 10 1/4 f. (Impr. d'Hardel,à Caen.)A Caen,chezHardel. lre partie.Depuisles tempslesplusanciensjusqu'àla'chutede l'Empireromain. Il en1846ct1847.)Cetouvrageesttoutà faitendehorsdu commerce. (Composée n'esttiré qu'à500ex.pourêtre offertaux personnes lesplus dévouées à l'art, afin transmettreleursobservations à l'auteursurlathéoriequ'ilexpose. qu'ellespuissent — Histoirepittoresquedescathédrales,églises,basiliques,temples,mosquées,pagodeset autres monumentsreligieux,tels qu'abbayes,monastères, dans l'Europe,l'Asie,l'Africouvents,chapelles,etc., les plus remarquables et uneSociété In-8° de 18 fr. (Impr. que l'Amérique,par d'archéologues. d'Arbien,à Poissy.)A Paris, chezRuelaîné. —Noticehistoriquesurla cryptedeNotre-Damede Chartres,par M.Doublet deBoislhibatill.In-8° de d 1/4 f. (Impr. de Lahure,à Paris.) A Paris, chezLeleux. ExtraitdelaReouc 12eannée. Archéologique,


486 OUVRAGES RELATIFS:AUX BEAUX-ARTS. — Noticehistoriquesur l'égliseSainte-Croix d'Orléans,par HenrydeMonde f. de à P etit in-8° 6 teyremar. (Impr. Jacob, Orléans.) — Noticehistoriquesur le palaisdesTuilerieset descriptiondesstatues dujardin,par B.In-16°de 1f, plus1 pl. (Impr.de Beaulé,à Paris.)AParis, chezBlot. — Recherches surles antiquitésde laRussieméridionale et descôtesdela merNoire,parlecomteAlexisOuvaroff.in-f°de54f. (Impr.de Claye,à Paris.) À Paris, chezVictorDidron. et monnaies, doivent Desplanchesreprésentant desvues,monuments, inscriptions cetouvrage.Cesdessinsontété exécutéspar..M.Webel,peintrede accompagner l'Àcad.impériale. — Archéologie rouennaise.LesVieuxmoulinsàblédesruesSainte-Catherine et Malpala.— Restesd'uneconstructionduxi° siècle.In-8° de 1/2 f. (Impr.de Brière,à Rouen.) Rouen. Signé: J. M.THAURIN;de — Excursionarchéologique dansla Bourgogneseptentrionale,par M.Mignard,corresp.duministèrede l'instructionpublique.In-8°de3 1/2f. (Impr. de Loiréau-Feuchot, à Dijon.) — Del'architectureet de l'archéologie. In-8° de1 f. (Impr.de Vingtrinier, à Lyon. Lettreà M.ledirecteurdelaRevueduLyonnais. GEORGE. Signée: GASPARD — Des progrèsde l'archéologiereligieuseen Franceet à l'étranger,depuis 1848.Discours,par M.l'abbéJules Corblet.In-8° de 1 3/4 f. (Impr.de Duvalet Herment,à Amiens.) —LesRuinesde PompeiopoIis, parM.LouisBunel,avocat.In-8°de11/4 f. de à À (Impr. Manavit, Toulouse.) Toulouse,chezDelboy. Mémoire luà laséanceparticulière du25avril1855delaSociétéarchéologique du MididelaFrance. —La Touraine.Histoireetmonuments. Publiésousla directiondeM.l'abbé J. J. Bourassé,chanoinede l'églisemétrop.de Tours,corresp.du comitéde l'histoire,de la langueet desarts de France,prés, de la Sociétéarchéol.de la Touraine.Petit in-f°de 188 f. (Impr.de Mame,à Tours.)A Tours, chez Marne;à Paris, chezDelarue; et cheztous les librairesde la Franceet de l'étranger. LaTouraine unvol.petitin-foliode620p. L'illustration de ce vol.,quifigureà estainsicomposée universelle, gravéessuracier; 2° pi. l'Exposition 1°li estampes en couleurs; 3°unecartecoloriée, imprimées comprenanteprovincedeTouraineet le déptd'Indre-et-Loire; 4° plusde500grav.sur bois,la plupartdegrandedimendesscèneshistoriques, desportraits,despaysages, desmonuments sion,représentant detoutgenre,etc.,parMM. KarlGirardelet François,graveursuracierclsurbois. F. D.


ALLEMANDES PUBLICATIONS CONCERNANT LESARTS, 487 PUBLICATIONS ALLEMANDES CONCERNANT LESARTS. (JANVIER-JUIN 1855.) ARETIN (C. M. von), Alterthuemerund Kunstdenkmaeler,des bayer. Herrscher-Hauses.1eret 2elivr. Impr. in-fol. Munich. AUER(A.),Die Entdeckungdes Naturselbstdruckes,in-fol, Vienne. BURCKHARDT zumGenussder Kunst(J.), der Cicerone.Eine Ardleitung werkeItaliens, in-8°, Bâle. Denkmaeler,Forschungenund Berichteals Fortsetzungder archaeol. — ZeitungherausgegebenVonE. Gerhard.25elivr., in-4°, Berlin. 4 livraisonsformentun volume. ESSENWEIN (A.), NorddeutsçhlandsBacksteinen-Bauim Mittelalter, Ier livr., in-fol., Carlsruhe. EYE(A.v.), Kunst und Lebender VorzeitvomBeginndes Mittelalters bis zum 19 Iahrhundert. lre et 2e livr., in-4°, Nuremberg. FRIEDERICHS (K.), Praxiteles und die Niobegruppenebst Erklaerung einigerVasenbilder,in-8°, Leipzig. Gallerie, Europaeische,fuer Malereiu. Sculptur, 1855. lre à 5elivr., gr. in-4°, Leipzig.(12 livraisonspar an.) beruehmter Meister aus der Weigelschen KunstHandzeichnungen in truer sammlung Nachahmungherausgegeb.von R. Weigel. 2e livr. Impr. in-fol., Leipzig. HEIDELOFF (C.), Die Kunstdes Mittelaltersin Sctrwaben.lre à 5e livr., in-4°. Stuttgart. KAURA (J. B.), Bauentwuerfeim byzantinstyle nebst projectirten im dorischenstyle, gr. in-fol., Leipzig. KUGLER (F.), Handbuch der Kunstgeschichte.3e édition, lre livr. (compl.en 5 livraisons),in-8°, Stuttgart. » Geschichteder Baukunst. lre et 2e livr., in-8°, Stuttgart. ., (completen 6 livraisons.) » Kleine Schriften und Studien zur Kunstgeschichte, 15elivr., in-8°. Stuttgart. Dernièrelivraisonde cet importantouvragepubliéen 5 vol. et illustré de 512 gravuresdans le texte. Kunstblalt,deutsches Zeitschriftfuer bildendeKunst, Baukunstund, Kunstgewerbe.Red.von Eggers. 6eannée 1855,gr. in-4°, Berlin.(52 numéros par an.) Kunstschaetu Wiens in Stahlstichen von Perger. lle a 12e livr, in-4°. L'ouvrageforme50 à 56 livraisons. Éditionde luxeavant la lettre (Imp.in-4°) à 3 fr 20 cent. Éditionordinaire sur vélin, grand in-l°, à 1 fr. 55cent.


ALLEMANDES LES ARTS. 488 PUBLICATIONS CONCERNANT Kunstwerkeu. Geraethscbaftendes Mittelaltersu. der Renaissance, herausg, vonC. Becker u. J. H. von Hefner-Alteneck.17eet 18elivr. Impr. in-4°, Francfort. MUELLER (F.), Die Kuenstleraller Seiten u. Voelker. lre et 2e livr., in-8°,Stuttgart. L'ouvrageparaîtra en 20 à 25 livraisons mensuelles qui formeront 5 volumes. Organ fiier christliche Kunst; herausg. von Baudry. 5e année 1855, gr. in-4°, Cologne. der historischmerkwuerdigstenStaedtein DeutschOriginal-Ansichten land, herausg. vanL. Langeu. J. Lange,livr. 228-331,in-4°,Darmstadt. PAUR. ZweiroemischeZiegeldenkmaeler aus Steinamangerin Ungarn. gr. in-8°, Vienne. SACKEN (E.v.), die K K. ÀmbraserSammlung,1ervolume,Geschichte, Einleitungu. die Ruestkammern,gr. in-8°, Vienne. Skizzenbuch, architectonisches,18e livr., in-folio, Berlin. STEPHAMI (L.), der ausruhendeHerakles,ein Relief der VillaAlbani, erlaeutert. Impr. in-fol, Saint-Pétersbourg. THIELE,Thorwalden'sArbeitenu. Lebensverhaeltnissein Zeitraum 1828-1844.Bearbeitetu. verkuerztvon F. C. Hillerup. 19eet 20elivr., gr. in-4°, Copenhague. TrachtenAeschristlichenMittelalters; herausg. von,I. H. vonHefnerAlteneck.2e série, 20elivr. Impr. in-fol. Francfort. Éditionde luxe. TREVTRAKUS (L. C), die Anwendungdes Holzschnitteszur bildlichen DarstellungvonPflanzen.gr, in-8°, Leipzig, WEIGEL'S (R.), KuhstkatalogN°-26.Leipzig. VVOLFF (J. G.), Nuernberg'sGedenkbuch.EinevollstaendigeSammlung aller Baudenkmaledieser Stadt.4e suppl. Lief,in-40, Nuremberg. E. F. Ces diversouvragésallemandsse trouventchez MM.Mayeret.Flatau, 5, rue de la Madeleine,à Bruxelles.

FINDUTOME PREMIER.


TABLE DES MATIERES CONTENUES DANSLE PREMIERVOLUME. AVRIL A SEPTEMBRE 1835.

Pages. AVANT-PROPOS 1 GODEFROY, peintrede FrançoisIer; par le comteLéonde Laborde. 5 — § Ier. Architecture; LESARTSENBELGIQUE, sousCharles-Quint. avecpiècesjustificatives .... 19 ; parAlexandreHenne COYZEVOX ETSESOUVRAGES, suivi du Cataloguedes ouvragesde Coyzevox ; par JeanDu Seigneur. . : . . . . . . . . .52 EXPOSITION ET D'OBJETS D'ART,au PalaisDucal, DE TABLEAUX à Bruxelles.— 1repartie. Tableaux; par M.-C. Marsuzide Aguirre. 50 — I. La NormandieSouterraine, BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Cochet. Histoiredes environsde Bruxelles,par Alpar l'abbé —II. — IV. Lettreà M.Paul Wauters.— III. RevueTrimestrielle. phonse Lacroix (BibliophileJacob), sur l'Expositionbelge de 1884, par M.-C. Marsuzi de Aguirre. — Variétés, par Félix Delhasse. . . 65 — L'Exposition à Paris. —Le Muséed'AnCHRONIQUE. Universelle — — Les monuments de à Bruxelles. Une lettre Rubens. antiquités ciens enCrimée.- Lesventespubliquesen Franceet en Belgique.— 70 Nécrologie artistique.—Expositionsprochaines,etc. ..... DEL'ARTAUXIXeSIÈCLE,par W. Burger. . . 77 DESTENDANCES LESARTSENBELGIQUE, sousCharles-Quint.— § II. Peinture.— § III. Sculpture.— § IV. Enlumineurs,Graveurs, Orfévreset Fon86 deurs; avec piècesjustificatives;par AlexandreHenne. .... INVENTAIRE DESDESSINS DE RAPHAEL, qui faisaientpartiede la collectionJabach; par P.-L. Lacroix{BibliophileJacob) .... 105 DOCUMENTS INÉDITS SURLESARTISTES Lettre I FRANÇAIS. § de NicolasCochin,relativeà Pigalle,parP. L 127, EXPOSITION DE TABLEAUX ET D'OBJETS D'ART,au PalaisDucal, à Bruxelles; —IIe partie. Objets d'art et de haute curiosité; par M.-C.Marsuzi de Aguirre. . . 150 BULLETIN —I. Messagerdes ScienceshistoriBIBLIOGRAPHIQUE. de Belgique,publiéà Gand. — ques,des Artset de la Bibliographie


490

TABLE.

Pages. II. Bulletinde l'Institut Archéologique liégeois.— III. Athènesaux 145 XVe,XVIeet XVIIe siècles,par Laborde. . — L'Exposition UniverselledeParis. — Lesvitrauxde CHRONIQUE. M. Capronnier.— M. Delacroix.— J.-B. Isabey. — Les peintres à Spa. — Le Châteaude Chillon.— Le graveurNanteuil.— UneVénus antique.- Les peinturesmoralesdu jésuite Lemoine.— Rubenset Rembrandt.— Un quatrainsur Greuze.— Le mausoléedeVisconti. — La Tour Saint-Jacquesla Boucherie.— La vente Bernal.— Va. 147 riétés ....... ..... Anatolede SAVIEETSESOUVRAGES HOUDON, (1741-1828);par Montaiglonet GeorgesDuplessis. . . . . . 157, 257, 517et 597 — I. Le PrincedePons; par F. de EXCENTRICITÉS ARTISTIQUES. Fontaine .. ;. .. . . .186 ÉPITAPHES DESARTISTES danslesancienneséglisesde Paris; par Paul,Lacroix(BibliophileJacob). . . . ..... . . .200 deRembrandt,d'AdrienVanOstade,etc., EXHIBITION D'EAUX-FORTES au Cercleartistiqueet littérairede Bruxelles;par L. Alvin. . . .218 à LETTRESSURL'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, 220 Paris; par S.... Poussinà Rome.—-Le CHRONIQUE.—Les sculpteurs-peintres.—Le cardinalet le statuaire.— Le peintreFranquinet,de Maestricht.— GiovanniRosini.— M.de Keyser.—M. Gallait.— Prix d'un dessin royal. — Uneventede tableaux.— Le Muséed'Alger.— Variétés . 251 CATALOGUE ET OBJETS D'ARTqui faiDESPRINCIPAUX TABLEAUX saient partie du cabinetde Rubens,par Paul Lacroix. — Peintures trouvéesà la mortuairede Rubens.— Peinturesfaitespar Rubensen Espagne,en Italie et ailleurs.— Portraits faits par Rubensd'après Titien.--Pièces faitespar Rubens. - Pièces des vieuxMaîtres.— PiècesdesMaîtresmodernes—Piècesde Brouvver. —Piècesdiverses.209 RENIER VANTHIENEN, fondeurciseleur; par Ch. Piot .... 280 LETTRESSURL'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, il Paris. — IIelettre; par S.. . : .. . ... .. .... 284 — I. Noticesurles oeuvresd'art de BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. à Anvers.— l'égliseparoissialeet ci-devantcollégialede Saint-Jacques, II. — Toestandder beeldendeKunstenin Antvverpen, omirent 1154) ÉtatdesArts plastiquesà Anvers,versl'année1454); par Léo deBurbure. — A. W. . . . . . ... . . . .T . . . . 298 — Les Eglisesfermées.- Expositionde tableauxau CHRONIQUE. Jardin Botanique,à Bruxelles.—Expositionsà Monset à Malines.— Les portraitsdeJ.-J. Rousseau,par Latour.et par Lemoine.—La décadencede l'art, suivantM. MaximeDu Camp.— Promenadede tableauxen Europeet en Amérique.—-Le Rolandde M. Du Seigneur.


TABLE. 491 Pages. — — — — M. Courbet. Le MuséedeKertch. Lesventes publiques. 500 Nécrologie artistique.— Variétés ........... ETsus OUVRAGES CANOVA pourNapoléon,consulet empereur; par 581 J.-J. Champollion-Figeac L'ARCHITECTE 558. LOUIS;par GustaveBrunet. . — II. Nicolas INÉDITS SURLESARTISTES DOCUMENTS FRANÇAIS. . . . 562 Poussin; par P.-L LETTRESSURL'EXPOSITION UNIVERSELLE DESBEAUX-ARTS, à Paris. — IIIelettre ; par S. 508 DESPASSIONS bas-reliefdu frontondu L'HARMONIE HUMAINES, théâtre de la Monnaie,à Bruxelles,par M. EugèneSimonis;par ' . Ch.Potvin. . . . . . .580 BULLETIN de l'amateur BIBLIOGRAPHIQUE. —Manuel d'estampes; et par Ch. leBlanc.— Brunet. —Histoirede l'Abbayede Saint-Bavon de la Cryptede Saint-Jean,à Gand; par A. VanLokeren.— Schayès. — MessagerdesScienceshistoriques,desArtset dela Bibliographie de — 584 F. D Belgique. — L'ÉglisedeHal. — LeMéridiendela rue de Rivoli. CHRONIQUE. — M.Thierset les copiesdesanciensmaîtres.—LeMuséed'Auxerre. — Un tombeaude peintre. — Suzanneet les vieillards.— Photogra— Variétés. . . . 590 phiede la cathédralede Cologne.— Nécrologie. ROGER ses sesélèveset sesdescendants. VANDERWEYDEN, oeuvres, - Étude sur l'Histoire de la Peinture flamandeau XVesiècle.— 421 Irepartie; par A. Wauters . . , . . . INÉDITS SURLESARTISTES III. Devis DOCUMENTS FRANÇAIS. aux Carmélitesde Paris; par des peinturesde Philippede Champagne, 454 Paul Lacroix CORRESPONDANCE. - Noticesur l'abbé Gougenot,lettre àM.Paul Lacroix(Bibliophile Jacob);par le chevalierG. DesMousseaux . . 459 DESBEAUX-ARTS, à LETTRESSURL'EXPOSITION UNIVERSELLE Paris.— IVelettre ; par S. . . 449. .... — Réponsede M.VanBemmelà M.Ch.Potvin CORRESPONDANCE. à proposdu frontondu théâtredela Monnaie,à Brnxelles. . . . .465 CHRONIQUE. — Les églisesfermées. — Nouvelleexpositionau Palais Ducal. — L'Expositiond'Ypres. —La reine d'Angleterreau châteaude Saint-Germain.— Les verrières de Sainte-Waudru.— 466 Nécrologie,etc., etc RELATIFS AUXBEAUX-ARTS .. LISTEDESOUVRAGES ; qui ont paru 477 en Francedans le premiersemestrede 1888. PUBLICATIONS ALLEMANDES concernantlesarts. (Janvier-juin1888.) 487










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