CLAUDINE LELEUX
Les valeurs sont ces concepts particuliers qui valent pour moi ou pour nous, chargés d’expérience biographique qui leur confère une coloration affective. C’est ainsi que la hiérarchie axiologique de l’un sera sans doute différente de celle d’autrui. Pourtant, certaines échelles de valeurs se recoupent. Pensons, par exemple, à l’apposition républicaine : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Ces valeurs-là, partagées par un très grand nombre de citoyens, structurent nos identités et notre culture. Elles condensent ou résument un grand nombre de règles, de normes ou de lois qui, elles, ne sont pas objet de préférences mais sont autant de prétentions à la validité qu’il s’agit de valider ou de rejeter. L’ouvrage aborde ces questions pointues tout en proposant aux enseignants 32 leçons ou séquences pédagogiques à mettre en œuvre dans les classes des élèves de 5 à 14 ans.
5 à 14 ans
Claudine Leleux est philosophe de formation. Elle a enseigné à tous les niveaux : de l’atelier philo en maternelle aux étudiants de formation morale et sociale à l’Université de Luxembourg et aux futurs éducateurs sociaux, instituteurs et régents à la Haute École Defré à Bruxelles. Professeure de morale au départ, elle a développé tout au long de son expérience professionnelle une didactique de l’éducation à la citoyenneté et de la morale non confessionnelle. Elle a actuellement en charge la formation continue dans ces disciplines à Defré.
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www.deboeck.com ISBN 978-2-8041-8219-9
Hiérarchiser des valeurs et des normes de 5 à 14 ans
Hiérarchiser des valeurs et des normes de 5 à 14 ans
Hiérarchiser des valeurs et des normes de 5 à 14 ans
Note introductive à la présente édition
La première édition de ce volume a paru en 2000. Quatorze ans après, la recherche, les lectures et la nécessité de résoudre des problèmes pratiques et didactiques d’enseignement, m’ont amenée à développer certaines notions théoriques. Ces développements ont donné lieu, en 2010, à un ouvrage général de didactique dans la collection “Action” de De Boeck, en collaboration avec Chloé Rocourt : Pour une didactique de l’éthique et de la citoyenneté. Développer le sens moral et l’esprit critique des adolescents. La décision d’une 3e édition du présent ouvrage est ainsi l’occasion pour moi de revoir l’édition initiale en la complétant de ces nouveaux apports théoriques, principalement sur la question des valeurs et des normes (chapitres 4 et 5), et en mentionnant aux lecteurs des références bibliographiques actualisées. C.L. Aout 2014.
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L’actualité politique des trente dernières années a remis à l’honneur l’éducation à la citoyenneté. En revanche, l’éducation morale a, dans le même temps, été peu évoquée sauf en France où l’ex-ministre Peillon a voulu la revaloriser dès 2015. Le but de cet ouvrage consiste précisément, non pas à justifier de telles éducations, mais à en manifester le caractère fondamental et à présenter une méthodologie spécifique pour les mettre en œuvre.
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Comme l’éducation morale et l’éducation à la citoyenneté favorisent les qualités nécessaires à l’intégration sociale et politique des jeunes générations, ce livre veut aussi gagner plus d’attention de la part des responsables politiques de l’Éducation pour ces disciplines.
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C’est ce souci notamment qui animait, il y a aujourd’hui plus de cent trente ans, Jules Ferry, Ministre de l’Instruction publique en France, lorsqu’il soulignait le rôle prédominant des instituteurs qui, en même temps qu’ils apprennent aux enfants à lire et à écrire, devraient leur enseigner « ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul1 ». À l’heure où le monde scolaire insiste sur la formation aux compétences de base, il est regrettable de ne pas donner la place qu’elles méritent aux compétences morales et citoyennes : juger et discerner, évaluer, choisir, décider, justifier, argumenter et discuter, répondre de et s’engager, coopérer et participer, sur toutes les questions de la classe et de la vie selon une pédagogie appropriée.
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Il est vrai que, comme à l’époque de Jules Ferry, l’éducation morale pourrait heurter certaines convictions si elle n’était abordée dans une perspective pluraliste : « Vous êtes l’auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille : parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l’on parlât au vôtre : avec force et autorité, toutes les fois qu’il s’agit d’une autorité incontestée, d’un précepte de la morale commune ; avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d’effleurer un sentiment religieux dont vous n’êtes pas juge2 ». Raison pour laquelle Jules Ferry suggérait aux instituteurs de l’époque de se donner une « règle pratique » afin de respecter la liberté de conscience de l’enfant : « avant de proposer à vos
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Jules FERRY, Lettre aux instituteurs [17 novembre 1883], Paris, Biotop, 1999, coll. « Trois-demi ». Ibid.
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élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s‘il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de la dire ; sinon, parlez hardiment, car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse, c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité3 ». Cette déontologie élémentaire me parait toujours de mise, d’autant qu’elle peut se fonder aujourd’hui, dans une perspective non moralisatrice, sur les travaux philosophiques contemporains, comme ceux de l’« Éthique de la discussion » de Jürgen Habermas et de l’« Éthique reconstructive » de Jean-Marc Ferry, sur lesquels je reviendrai dans la suite de l’ouvrage.
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De ce qui précède, le lecteur comprendra que ce livre s’adresse à tous les instituteurs et à ceux qui ont leur formation en charge. Cependant, compte tenu qu’en Belgique le législateur a prévu des cours spécifiques d’éducation morale – d’inspiration religieuse ou laïque – , cet ouvrage est aussi destiné à ceux qui se sont spécialisés dans ce domaine de l’apprentissage.
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Il veut aussi susciter l’intérêt des chercheurs en science de l’éducation, qui produisent tous les jours de par le monde des travaux fort intéressants sur l’apprentissage de la lecture, des langues, des mathématiques, des sciences… mais semblent pourtant jusqu’ici délaisser l’éducation morale et l’éducation à la citoyenneté. Or, là où Jules Ferry, à la fin du XIXe siècle, pouvait encore parier sur la morale commune des instituteurs et sur leur bonne volonté, nous ne pouvons plus aujourd’hui céder à l’improvisation mais devons, au contraire, au vu de la recherche et de la pratique pédagogiques, réaffirmer le caractère nécessaire du professionnalisme en matière d’enseignement moral et « civique » comme dans les autres branches du savoir.
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Le présent ouvrage se donne notamment comme objectif, non pas de livrer des recettes et des cours « clef sur porte », mais d’indiquer une démarche didactique spécifique pour éduquer au jugement moral et à la citoyenneté. Dans la mesure où la méthodologie d’apprentissage importe davantage que le contenu véhiculé, toutes les leçons qui sont présentées ici peuvent être adaptées et transposées pour l’enseignement secondaire. Puisque ces séquences pédagogiques ont été mises en pratique en Belgique, en particulier dans le cours de morale non confessionnelle, elles font référence au programme belge de ce cours. Mais, la démarche et les objectifs pédagogiques visés n’en prétendent pas moins à l’utilité pour tous les enseignants, de tous pays, pour peu qu’ils s’assignent comme but une éducation morale et une éducation à la citoyenneté.
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Ibid.
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ÉDUCATION À LA MORALITÉ
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J’ai contourné jusqu’ici une difficulté. En effet, j’ai utilisé la lourde expression « éducation morale et éducation à la citoyenneté » pour faire référence aux objectifs pédagogiques poursuivis par les cours du même nom, lorsqu’ils ont été institués. L’expression d’éducation à la moralité me paraît recouvrir les deux dimensions. Aristote, avait déjà compris, en intitulant son fameux livre Éthique à Nicomaque, que l’éthique renvoie aussi bien au caractère personnel qu’aux mœurs et habitudes d’une communauté4. Je veux dire par là que le terme de moralité permet de faire référence aussi bien à l’individu dans sa singularité, à son « caractère », qu’à l’être social en relation aux autres dont il épouse, plus ou moins j’y reviendrai, les règles ou normes de savoir-vivre, bref, les « mœurs ». Hegel, dans sa théorie du droit, utilise, quant à lui, le terme de Sittlichkeit – que certains auteurs traduisent par « moralité », d’autres par « vie éthique » – pour manifester la dimension universelle que l’homme doit à sa citoyenneté comme membre d’un État5. Parce que la liberté subjective présuppose la liberté objective et la médiation de l’État, le terme de moralité me permet de relier éducation morale et éducation « civique », éducation à la liberté subjective ou à l’autonomie individuelle et éducation à la co-opération avec les autres, que celle-ci s’exerce dans la société civile des relations interpersonnelles ou dans la société politique des relations publiques entre citoyens. Cette clarification terminologique mériterait un développement philosophique dont ce n’est pas le propos ici ; elle me permet en tout cas d’élucider partiellement le titre du premier chapitre ainsi que la structuration de l’ouvrage (voir graphique I).
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STRUCTURATION DE L’OUVRAGE
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Le titre du chapitre 1, « Éducation scolaire à la moralité », appelle une autre précision, à savoir que l’éducation à la moralité dont il est question ici se limite au cadre scolaire et laisse à l’écart tout ce qui contribue d’une manière ou d’une autre à cette éducation (la famille, les associations de jeunesse, l’éducation religieuse…).
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Ceci étant dit, le chapitre 1 entend surtout rappeler les éléments théoriques qui justifient que, contrairement à ce que pensait Condorcet, l’éducation à la moralité est l’une des missions contemporaines de l’école, à condition qu’elle se fasse dans une perspective de libre attachement à des valeurs et de libre adhésion à
4. ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, trad. revue de A. Gomez-Muller, Livre de poche, 1992, no 4611, livre II, chap. 1, § 1, p. 77 : « Quant à la vertu morale [ηθιχη, ηθος, caractère], elle naît plus particulièrement de l’habitude et des mœurs ; et c’est du mot même de mœurs [εθος, habitude, coutume, usage] que, par un léger changement, elle a reçu le nom de morale qu’elle porte. » 5. G.W. Friedrich HEGEL, Grundlinien der Philosophie des Rechts [1821], Werke 7, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1970, § 258, p. 399. André Kaan, dans l’édition « Tel » de Gallimard (1940), traduit Sittlichkeit par « moralité » et Robert Derathé le traduit par « vie éthique » (Vrin, seconde édition, 1993).
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des principes, c’est-à-dire dans une perspective non moralisatrice ou, comme le dit Lawrence Kohlberg, dans une perspective postconventionnelle. En ce sens, elle doit permettre de développer les compétences humaines d’autonomie individuelle – tant intellectuelle, morale et affective – , de coopération sociale et de participation publique. Ces compétences, considérées par nos sociétés contemporaines comme des vertus et des valeurs du vivre-ensemble, rythment l’ouvrage tandis que théorie et pratique se répondent : les leçons illustrent les manières de développer ces compétences.
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Dans le chapitre 2, je livre la grille de méthodologie spéciale que j’utilisais en formation initiale des maitres et qui est reprise dans toutes les leçons présentées. Celles-ci sont ordonnées selon leur objectif pédagogique spécifique : autonomie individuelle (Partie I) – coopération sociale (Partie II) – participation publique (Partie III). Et chaque chapitre s’ouvre sur une présentation théorique des objectifs visés qu’illustrent quelques leçons.
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La première partie (voir Graphique I), celle consacrée à l’apprentissage de l’autonomie individuelle, se décompose elle-même en trois selon que l’enseignant vise à développer l’autonomie intellectuelle (chapitre 3), l’autonomie morale ou l’autonomie affective (chapitre 6). Tout le système scolaire vise en principe à la conquête de l’autonomie intellectuelle mais celle-ci, si elle contribue à l’autonomie morale, ne l’entraine pas automatiquement. En revanche, l’autonomie morale et, en particulier, un jugement moral postconventionnel suppose une maturité et des compétences cognitives qui sont souvent sous-estimées comme telles dans la formation scolaire, notamment l’apprentissage de la réflexion, du raisonnement, de la conceptualisation et du jugement.
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Quant à l’apprentissage de l’autonomie morale, je distingue deux objectifs méthodologiques distincts : l’apprentissage de la construction du concept de valeur, de la clarification des valeurs, de leur hiérarchisation et l’exercice du jugement évaluatif (chapitre 4) ;
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l’apprentissage du choix moral face à des conflits d’obligation, et l’exercice du jugement normatif (chapitre 5) ;
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Chapitre 6
Autonomie affective
Normes, devoirs et jugement normatif Chapitre 5
Autonomie morale
Valeurs et jugement évaluatif Chapitre 4
Chapitre 3
Autonomie intellectuelle
Autonomie individuelle
Partie I
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Graphique I : Plan de l’ouvrage
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Cadre théorique
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Chapitre 8
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Participation publique
Chapitre 7
Partie III
Coopération sociale
Partie II
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Démarche d’une leçon-type Chapitre 2
Cadre méthodologique
Éducation scolaire à la moralité Chapitre 1
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Éducation scolaire à la moralité
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Cadre théorique
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La Constitution belge oblige les pouvoirs publics à permettre aux élèves, pendant toute la durée de l’obligation scolaire, soit de 6 à 18 ans, de suivre un cours de morale non confessionnelle ou un cours de l’une des religions reconnues (catholique, protestante, israélite, anglicane, islamique et orthodoxe)6. Ce cours, obligatoire en vertu du Pacte scolaire (Loi du 29 mai 1959), est dispensé à raison de deux heures hebdomadaires7.
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Je voudrais souligner ici l’intérêt de telles structures institutionnelles, non de principe, mais pour maintenir dans la formation scolaire une éducation explicite au jugement de valeur et à la réflexion normative pour non seulement permettre à l’école d’assumer l’une de ses missions traditionnelles, celle d’éduquer à la citoyenneté, mais aussi de contribuer à former des agents moraux autonomes, critiques, capables de discernement, aptes à opérer des choix et à prendre des décisions dont ils peuvent répondre.
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Si la famille joue indéniablement un rôle clef dans la formation des identités, l’école y supplée de manière spécifique.
6. Art. 24 : « § 1er. […] La communauté assure le libre choix des parents. La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle » Six cultes sont actuellement reconnus en Belgique : les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, musulman et orthodoxe. (Source : http://www.senat.fr/lc/lc93/lc933.html consulté le 23 avril 2013).. 7. Art. 8 : « Dans les établissements officiels, ainsi que dans les établissements pluralistes d’enseignement primaire et secondaire de plein exercice, l’horaire hebdomadaire comprend au moins deux heures de religion et deux heures de morale. Par enseignement de la religion, il faut entendre l’enseignement de la religion (catholique, protestante, israélite, islamique ou orthodoxe) et de la morale inspirée par cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l’enseignement de la morale non confessionnelle. »
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FAMILLE ET SYSTÈME ÉDUCATIF
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La famille reste le noyau de base des apprentissages, les êtres avec lesquels, dans un lieu et un temps particuliers, nous faisons nos premières expériences au monde – qu’il s’agisse du monde extérieur et physique, du monde social et du rapport à autrui ou du monde subjectif et de la relation à soi. De cette expérience, comme l’a reconstruit Jean-Marc Ferry dans Les Puissances de l’expérience, va se construire un monde sensible sensitif et affectif qui nous pousse à l’action sur le mode de la recherche du plaisir et de l’évitement de la peine, du souhaitable et du regrettable – agir qui sera lui-même thématisé dans le discours, faisant des leçons de l’expérience « un savoir transmissible8 » sans en passer nécessairement par elle. Ce qui permet d’expliquer, soit dit en passant, que l’enfant peut apprendre en accéléré ce que l’humanité a mis des siècles et des millénaires à apprendre. Cette recherche du plaisir et cet évitement de la peine peuvent être assimilés à un « devoir-être ». Celui-ci, sans être encore réfléchi, peut émerger et structurer ce qui vaut et ce qui ne vaut pas pour moi, imprégné de ce qui vaut pour la communauté familiale et locale, pour nous, en ce lieu et ce temps particuliers.
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De cela, je tiens à souligner l’ancrage affectif des visées ou du telos qui soustendent nos choix, nos jugements et nos actions, bien avant que ceux-ci ne soient conscients, exercés et raisonnés. Dimension qui est souvent sous-estimée ou absente de nos systèmes éducatifs lorsqu’il s’agit de « transmettre » des valeurs et des normes et qui pourrait être prise en compte sous la forme, comme je l’ai montré ailleurs, d’un apprentissage de l’autonomie affective pour les enseignés et d’une pédagogie de l’affectivité du côté des enseignants9. Le respect, par exemple, n’est pas affaire de connaissance seule ; il est affaire de reconnaissance. Or, trop d’enseignants encore exigent un respect unilatéral vis-à-vis de celui qui enseigne sans comprendre que, ce faisant, il n’éduque nullement à la réciprocité. Pourtant, l’école est parfois le seul milieu où cette reconnaissance peut s’effectuer. Certains enfants, en effet, ne connaissent au sein de la famille qu’humiliations et vexations et intègrent, par un jugement conventionnel10, ce « savoir-vivre » comme la norme. Alice Miller et Marie Balmary, deux psychanalystes, ont souligné la spirale de telles expériences d’irrespect que les jeunes reproduisent une fois adultes. L’enseignant, en « montrant l’exemple », permet parfois à l’élève de découvrir qu’un autre mode de relation interpersonnelle est possible, lui donnant ainsi l’occasion de se décentrer et de rompre avec un jugement et un comporte-
8. Jean-Marc FERRY, Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine, Paris, Cerf, 1991, coll. « Passages », vol. I, « Le sujet et le verbe », p. 86. 9. Claudine LELEUX, Repenser l’éducation civique. Autonomie, coopération, participation, Paris, Cerf, 1997, coll. « Humanités ». 10. Avant de pouvoir exercer un jugement autonome, l’enfant apprend par mimétisme avec l’entourage immédiat. Il va même, comme Jean PIAGET l’a montré dans Le jugement moral chez l’enfant (Paris, PUF, 1932), jusqu’à sacraliser la règle. Il faut attendre l’adolescence pour que le jeune ait les compétences nécessaires à développer un jugement « postconventionnel », comme l’a montré Lawrence Kohlberg, sans cependant que celui-ci advienne automatiquement – ce qui justifierait une éducation au jugement moral.
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Hiérarchiser des valeurs et des normes
ment hétéronomes. Sans vouloir expliquer et juguler la violence à l’école par la seule attitude des enseignants, il ne faudrait pas oublier, comme le dit Habermas, que « dans la révolte d’une volonté déviante se trahit aussi […] la voix d’autrui exclu par de rigides principes moraux, l’intégrité blessée de la dignité humaine, la reconnaissance refusée, l’intérêt négligé, la différence déniée11 ».
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Il ne faut pas confondre cependant pédagogie de l’affectivité et pédagogie affective. L’enseignant ne peut quitter son rôle de médiateur public et sombrer dans l’immédiateté affective. La séduction et la culpabilisation contrecarrent, par le chantage à l’amour, l’apprentissage de l’autonomie, comme l’autoritarisme le fait par le chantage à la sanction, parce qu’elles maintiennent le jeune dans un état d’hétéronomie affective en jouant sur ses sentiments.
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Malgré la place déterminante qu’elle occupe dans la transmission des valeurs et des convictions, la famille, comme l’a souligné Hegel, n’a pas pour fonction d’éduquer le jeune à l’arrachement au sentiment ou au particulier. Cette tâche incombe, en revanche à l’école et au système éducatif dont la mission consiste précisément à faire accéder le jeune à l’universel, ou, comme le dit Hegel, à la « Chose » : « La vie dans la famille, en effet, qui précède la vie à l’école, est un rapport personnel, un rapport du sentiment, de l’amour, de la foi et confiance naturelle ; ce n’est pas le lien d’une Chose, mais le lien naturel du sang. L’enfant y a une valeur propre parce qu’il est l’enfant ; il fait l’expérience, sans le mériter, de l’amour de ses parents, de même qu’il a à supporter leur colère, sans avoir de droit à lui opposer. […] Or, l’école est la sphère médiane qui fait passer l’homme du cercle de la famille dans le monde, du rapport naturel du sentiment et du penchant dans l’élément de la Chose. […] Dans la famille, l’enfant doit agir comme il faut dans le sens de l’obéissance personnelle et de l’amour ; à l’école, il doit se comporter dans le sens du devoir et d’une loi, et, pour réaliser un ordre universel, simplement formel, faire telle chose et s’abstenir de telle autre chose qui pourrait bien autrement être permise à l’individu12 ».
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Ce que Hegel me permet de rappeler ici, c’est, d’une part, que le milieu de la famille est un milieu particulier et, d’autre part, qu’il est un milieu du sentiment. La fonction du système éducatif consiste précisément à faire dépasser ce rapport naturel du sentiment et du penchant en prenant un point de vue universel – en tout cas décentré – , à départiculariser le rapport aux autres pour vivre et nous entendre avec des personnes que nous n’aimons pas forcément. Historiquement, la mise en place du système éducatif moderne rend visible le passage d’une endoformation (au sein de la communauté familiale, locale, religieuse) à l’exo-éducation, dont parle Ernest Gellner, c’est-à-dire à une édu-
11. Jürgen HABERMAS, De l’éthique de la discussion (1991), trad. M. Hunyadi, Paris, Cerf, 1992, p. 107. 12. G. W. F. HEGEL, « Discours du gymnase du 2 septembre 1811 » dans Textes pédagogiques. La pédagogie de Hegel, trad. B. Bourgeois, Vrin, 1990, p. 108-109.
Chapitre 1 • Éducation scolaire à la moralité
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cation qui recourt « à des compétences extérieures à la communauté13 ». Cette exo-éducation s’accompagne d’une dépersonnalisation des rapports enseignantsenseignés par la mise en place de programmes valables pour tous, selon une méthodologie commune et qui garantit le remplacement d’un maître par un autre. Prendre en compte l’ancrage affectif de tout apprentissage ne doit donc pas nous égarer et nous faire oublier que la « cohésion des sociétés complexes ne peut être assurée par les seuls sentiments, comme la sympathie et la confiance, qui supposent des conditions de proximité14 » et que la scolarisation répond à l’une des nécessités des sociétés modernes, celle d’intégration politique, de faire acquérir aux jeunes générations, quelle que soit leur culture d’origine, les principes profanes du vivre-ensemble, les interdits qui le sous-tendent – interdits au sens de ce qui a été discuté et consenti par les citoyens-auteurs des lois. Autrement dit, entre « un engagement émotionnel » et « une exigence abstraite de justice », il convient de vérifier dans la discussion « pourquoi il serait rationnel pour les membres d’un groupe de faire taire leur loyauté à l’égard des personnes familières, au profit d’une solidarité avec l’étranger15 » (au sens d’une personne qui ne nous est pas familière).
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Cette exo-éducation ou l’éducation dispensée par le système éducatif n’est par conséquent pas exempte de valeurs ou de normes. Celles-ci parsèment, implicitement ou non, les programmes. Il suffit pour s’en convaincre de voir comment les valeurs de travail et de discipline sont au cœur des finalités de l’enseignement dès le XVIe siècle et certainement au XVIIe siècle, ou comment l’école apparait même, quelques temps sous la Terreur, comme le moyen de soustraire les jeunes à l’influence « néfaste » des familles pour former de véritables « hommes nouveaux », des citoyens de la république et des propagateurs de la Révolution16. Ces valeurs et ces normes, que véhiculent les contenus et les méthodes d’enseignement, reposent généralement sur un consensus éthico-politique de la communauté juridique de référence. Ce qui ne peut l’être est alors souvent subsumé sous le concept de « liberté d’enseignement » ou de « liberté pédagogique », quand il n’est pas, purement et simplement, renvoyé à l’autorité familiale. Dans la mesure où ce consensus, en matière de normes éthiques ou de hiérarchie axiologique, n’existe pas et ne peut sans doute pas exister, le système éducatif s’est souvent départi de la possibilité d’éduquer aux valeurs et aux normes éthiques, limitant sa mission à la formation aux savoirs « objectifs » sur fond – plus ou moins « préjugé » – de « normes légitimes ».
13. Ernest GELLNER, Nations et nationalisme [1983], trad. B. Pineau, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1989, p. 51. 14. Jürgen HABERMAS, L’intégration républicaine. Essais de théorie politique [1996], trad. R. Rochlitz, Paris, Fayard, 1998, p. 24. 15. Ibid., p. 25. 16. Le projet de Michel LEPELETIER défendu par Robespierre le 13 juillet 1793 (Voir Bernard LEHEMBRE, Naissance de l’école moderne. Textes fondamentaux 1791-1804, Paris, Nathan, 1989, coll. « Repères pédagogiques », p. 66-72 et Bronislaw BACZKO, « Instruction publique » dans François FURET, Mona OZOUF (dir.), Dictionnaire critique de la révolution française. Institutions et créations, Paris, ChampsFlammarion, 1992, no 265, p. 287).
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TRANSMISSION DU SAVOIR ET TRANSMISSION DES VALEURS Pour répondre à ce fait du pluralisme, l’enseignement public s’astreint à la règle déontologique de « neutralité » (Belgique) ou de « laïcité » (France). N’est transmis à l’école que ce qui fait l’objet d’un consensus éthico-politique, le reste étant renvoyé soit aux familles, soit à l’enseignement de leur libre choix17.
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Avant de poursuivre et de montrer notamment qu’il est tout à fait possible d’éduquer aux valeurs et aux normes éthiques à l’école tout en respectant le principe libéral de non immixtion de l’État dans la sphère privée, je voudrais rappeler la distinction théorique entre les valeurs et les normes que nous avons couramment l’habitude de confondre, notamment parce que les normes mobilisent des valeurs.
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Les valeurs ne sont que des concepts (des universaux) chargés pragmatiquement de ce qui vaut pour moi ou pour nous et qui ne sont donc pas hiérarchisables absolument : la santé, le plaisir, ou même la vie, ne sont pas supérieurs à la liberté, de même que, dans l’absolu, la liberté ne vaut pas plus que la vie, la santé ou le bien-être. La hiérarchie axiologique est subjective, dépend de notre trajectoire biographique et peut même varier hic et nunc. Dans la mesure où cette trajectoire biographique s’opère dans notre relation aux autres et est fonction de l’apprentissage – la subjectivité se construit dans l’intersubjectivité – , certaines valeurs sont plus structurantes que d’autres et acquièrent plus de force normative. Ainsi, sans doute, faut-il expliquer l’attachement aux valeurs de liberté et d’égalité de droit avec la modernité et de justice sociale depuis la fin du XIXe siècle. Je développerai ce point dans le chapitre 4 « Valeurs, préférences et jugement évaluatif ».
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Les normes, elles, et bien que mobilisant des valeurs, se présentent sous la forme d’énoncés prescriptifs, se meuvent dans la sphère des devoirs et se distinguent entre elles par leur force d’obligation. Dans le champ de la moralité, depuis Kant, on distingue les normes techniques, éthiques et morales, auxquelles il faut ajouter, dans le champ de la légalité, les normes juridiques. Alors que, comme l’a montré Habermas18, les valeurs ressortissent à la sphère logique du valoir, les normes, elles, relèvent de la sphère logique de la validité – validité acquise provisoirement à l’issue d’une discussion pratique par le public de ses destinataires. Je reviendrai sur cette distinction dans le chapitre 5 « Normes, devoirs et jugement normatif ». Sur le plan pédagogique, les conséquences de ces différenciations sont bien réelles : [a] Rendre conscientes ou faire s’approprier des valeurs et exercer le jugement évaluatif supposent que l’on permette aux jeunes de clarifier leurs valeurs et de s’exprimer sur leurs hiérarchies axiologiques sans qu’il y ait à proprement
17. Conformément au vœu de CONDORCET de bien séparer l’éducation de l’instruction (Voir Bernard LEHEMBRE, op. cit., pp. 33-36). Voir aussi Jean-Paul MARTIN, Belgique – France – Québec : essai de mise en perspective dans Michel BASTIEN et Hervé BROQUET (dir.), Éducation démocratique et éducation à la démocratie, Bruxelles, Vie ouvrière, 1999, p. 150 et p. 157. 18. Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie. Entre faits et normes (1992), trad. Ch. Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 1997.
Chapitre 1 • Éducation scolaire à la moralité
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parler de discussion sur ces choix et sans qu’il y ait a priori de bonnes ou de mauvaises valeurs19. La « neutralité » ou la « laïcité » de l’enseignement public ne sont donc pas incompatibles avec un tel apprentissage tout en rendant le jeune plus conscient de ses valeurs et donc plus autonome.
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[b] De même, faire justifier, dans le champ de la moralité, le choix de normes éthiques différentes en fonction du sens que nous donnons à l’existence ou au telos d’une vie réussie, ne constitue nullement une entrave à la liberté individuelle tout en favorisant, par exemple à l’aide de « dilemmes moraux » (courts scénarios qui se concluent par une alternative de devoirs à hiérarchiser20) et par dissonance cognitive, l’exercice du jugement normatif et la prise de conscience ou la réflexion des jeunes sur les hiérarchies d’obligation. Compétences hautement nécessaires aujourd’hui pour faire face aux multiples petits et grands dilemmes qui ponctuent notre vie quotidienne et qui ne se résolvent plus, comme par le passé, en se conformant au point de vue de l’Église, de l’État, des partis, des « leaders » ou des « sages » traditionnels.
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[c] Dans le champ de la légalité, faire connaitre les normes juridiques peut aussi contribuer à l’acquisition d’un jugement moral autonome ou « postconventionnel » si, comme Lawrence Kohlberg l’a mis en évidence, le stade de la justification par la conformité aux normes juridiques en constitue le passage obligé. Des expériences en France montrent que le recours à un service spécialisé de police pour accueillir les femmes battues et rencontrer leur conjoint, réussit parfois à faire prendre conscience à leur agresseur qu’il a atteint les limites acceptables et qu’il s’amende effectivement. C’est aussi ce qui justifierait, à mon sens, l’introduction d’un apprentissage du droit dans le programme des cours21.
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[d] Enfin, la question de la légitimité même des normes juridiques pourrait être discutée et réfléchie en classe. Plutôt qu’une entreprise de moralisation ou de civisme, la discussion des raisons de l’inter-dit vise à faire découvrir par les jeunes son bien-fondé ou, au contraire, à développer leur esprit critique et à stimuler leur engagement citoyen en vue de modifier une loi délégitimée. Cette discussion ne peut toutefois pas se faire en donnant aux jeunes l’illusion que la classe serait devenue le lieu d’élaboration des lois. Tout au plus, l’école ou la classe peuvent-elles, dans ce cas, jouer le rôle d’interface pour améliorer la communication entre les professionnels de la politique, nos représentants, et l’opinion publique et pour former les jeunes à l’acquisition libre de la loi. En revanche, il serait légitime et formateur que les élèves puissent discuter, voire
19. J’ai pu observer, lors de la leçon Préférer de Ann Hoogvelts appliquant cette méthodologie dans le cycle 5-8 ans (chapitre 4), un enfant justifiant sa préférence pour une photo d’euro par le fait qu’il pourrait ainsi « nourrir sa famille » ; un autre justifiant sa préférence pour une photo de nourrisson parce qu’à ce moment-là il vivait avec ses parents en Israël où il était heureux ; un autre encore justifiant sa préférence pour une photo de lion qui évoquait pour lui la tranquillité. 20. Voir par exemple au chapitre 5 les leçons qui procèdent de la sorte. 21. Ce que propose d’introduire, par exemple François AUDIGIER, dans les cours d’éducation civique en France (Enseigner la société, transmettre des valeurs. L’initiation juridique dans l’éducation civique, Conseil de l’Europe, 1996).
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Hiérarchiser des valeurs et des normes
même modifier ou élaborer, des normes qui les concernent – le règlement scolaire ou d’ordre intérieur, par exemple22.
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Cette méthodologie, que j’ai eu l’occasion de pratiquer et de faire pratiquer en Belgique dans les cours de « morale non confessionnelle », peut parfaitement respecter le pluralisme et éviter le moralisme. Les cours de morale ou de religion, comme il en existe dans de nombreux pays européens, notamment dans certains Länder allemands (mais à titre facultatif alors qu’ils sont obligatoires en Belgique), ne sont pas les seules voies pour une telle formation. Les cours d’éducation civique en France ou à Genève, par exemple, pourraient parfaitement viser de telles finalités, pour autant que les enseignants de tels cours aient une formation spécifique – sur les questions théoriques et pédagogiques qui se posent en matière d’éthique, de morale et de droit.
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Au regard des sciences de l’éducation et de la nécessité de recourir à l’autosocio-construction pour améliorer l’efficacité des apprentissages, notamment en améliorant le sens de ceux-ci, les méthodes d’enseignement ne peuvent être simplement transmissives, qu’il s’agisse de savoirs, de normes ou de valeurs d’ailleurs. D’où l’importance des dispositifs pédagogiques qui rendent possibles ces re-con-structions, c’est-à-dire ces appropriations avec l’aide du maitre, professionnel de l’apprentissage et pas seulement professionnel de ses contenus.
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En ce qui concerne en particulier l’éducation aux valeurs et aux normes et l’exercice des jugements évaluatifs et normatifs, je souhaiterais souligner que cette éducation doit même être envisagée comme une « autoréflexion coopérative » au sens de Jean-Marc Ferry23. En effet, du vécu et du récit des événements se forgent des jugements qui ne sont pas forcément interrogés (pré-jugés) mais qui peuvent avoir une force. Force qui ne peut être ébranlée qu’à être d’abord reconnue. L’expérience et la biographie de l’étudiant sont ainsi à prendre en compte dans la démarche pédagogique24 comme autant d’interprétations qui peuvent entrer en conflit. Le moment de la justification de l’interprétation est décisif pour que l’élève puisse réfléchir à son jugement, sortir de la situation du pré-jugé et de l’autocentration du récit narratif, mais il ne saurait suffire. L’« argument meilleur » habermassien, les bonnes raisons, celles qui convainquent dit-on, ne permettent pas ce moment de reconnaissance des raisons biographiques (ou historiques) du jugement qui conditionne l’appropriation effective et autonome de ces raisons comme bonnes, c’est-à-dire comme valant pour moi. L’« autoréflexion coopérative » ne garantit pas un accord de jugement mais invite à d’autres possibles25. 22. Voir par exemple, à ce propos, la leçon Dotons-nous d’un règlement de Valérie Puttaert au chapitre 8. 23. Jean-Marc FERRY, L’éthique reconstructive, Paris, Cerf, 1996, coll. « Humanités » ou Les puissances de l’expérience, op. cit., p. 99. 24. Voir, à titre d’illustration méthodologique, Claudine LELEUX, « Reconnaitre les raisons de l’autre ? » dans Qu’est-ce que je tiens pour vrai ? Séquences didactiques de philosophie, Bruxelles, De Boeck, 2003 (dossier de l’élève) et 2004 (guide du maitre). 25. Jean-Marc FERRY, L’éthique reconstructive, op. cit., p. 59 : « Ce sont les deux qui analysent et les deux qui reconnaissent. En écoute mutuelle : la reconnaissance autocritique de l’un est conditionnée par celle de l’autre, et réciproquement – un cercle théorique, mais qui se résout bien dans la pratique ».
Chapitre 1 • Éducation scolaire à la moralité
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QUELLES VALEURS TRANSMETTRE ?
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S’il n’y a pas a priori de bonnes valeurs et si les normes éthiques ne sont pas universalisables puisque relatives au telos d’un individu ou d’une communauté (que celle-ci soit locale ou internationale), et, si le pouvoir du législateur en démocratie n’a de légitimité qu’en accord avec les citoyens qu’il représente, accord toujours provisoire, la réponse à la question « quelles valeurs transmettre ? » est relativement simple : le système éducatif, en matière de valeurs et de normes, devrait se limiter à mettre les jeunes en situation de prise de conscience des valeurs et des normes éthiques qui sous-tendent leurs jugements et de les exercer à juger moralement et politiquement, c’est-à-dire à pouvoir prendre un point de vue décentré – le point de vue universel d’un citoyen du monde ou le point de vue général des citoyens de la communauté politique de référence. Cela revient à dire que le système éducatif doit former à l’autonomie du jugement moral qui suppose des compétences cognitives pour pouvoir adopter ce point de vue général ou universel ; à la coopération sociale pour pouvoir se décentrer et se coordonner avec autrui ; et à la participation publique pour être capable, comme citoyen, de s’engager dans la vie publique et faire valoir ou contribuer à relégitimer les normes juridiques.
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Ce que le présent ouvrage propose, c’est de développer conjointement ces trois compétences chez le jeune. Certains courants pédagogiques mettent l’accent sur le développement de l’épanouissement personnel de l’enfant, tandis que d’autres privilégient celui des habiletés coopératives, comme s’il était possible d’extirper l’individu du groupe ou, au contraire, de l’y subordonner. Autonomie, coopération et participation me paraissent, au contraire, devoir être poursuivies comme des compétences interdépendantes et complémentaires. L’éducation à l’autonomie individuelle axe ses objectifs pédagogiques sur la dimension singulière du jeune ; l’éducation à la coopération sociale, sur sa dimension d’être-pour-autrui ; l’éducation à la participation publique, enfin, sur sa dimension de citoyen en devenir.
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Ce n’est que pour des raisons méthodologiques qu’elles sont abordées séparément en trois parties dans le présent ouvrage (voir Graphique I). En effet, tous les objectifs d’apprentissage ne peuvent pas être poursuivis en même temps. Le graphique II récapitule les compétences transdisciplinaires spécifiquement visées dans chacune des parties I, II et III. Éduquer à l’autonomie individuelle revient à prendre en compte les possibilités et les capacités que l’individu possède de penser et de juger par lui-même, de décider ce qui vaut ou non pour lui et ce qui l’oblige dans sa conception d’une vie réussie et heureuse, au sein de la communauté juridique à laquelle il appartient et en tant qu’être humain, bref, d’exercer sa liberté subjective dont il doit répondre.
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Les compétences qu’il lui faut mettre en œuvre pour ce faire sont individuelles au sens où l’individu en est le siège et où elles ressortissent à sa sphère intime de sujet. Seul celui-ci, en effet, peut faire prévaloir certaines valeurs sur d’autres et peut décider ce que signifie une vie réussie et heureuse parce qu’il est unique en conscience et en expérience. 20
Hiérarchiser des valeurs et des normes
La Partie I de cet ouvrage regroupe la plupart des leçons qui visent, d’une manière ou d’une autre, à développer de telles compétences, qui sont reprises à titre indicatif et dans l’ordre alphabétique dans la première colonne du Graphique II. Cette autonomie individuelle ne peut toutefois se construire que dans l’intersubjectivité, dans la relation à l’autre, dans la famille et dans la communauté d’abord, dans la société civile et politique ensuite. C’est en vivant avec les autres, en apprenant d’eux, bref, en coopérant avec eux, que l’individu se saisira ou se réfléchira dans son unicité et sera capable d’autonomie. De cette relation de communication avec autrui se forgeront une grammaire et un langage communs au moyen desquels les individus se feront comprendre et entendre. Cette nécessaire intelligibilité de ce que l’individu exprime et dit pour s’accorder aux autres rend indispensable la formation aux compétences de base à conceptualiser, raisonner logiquement, s’exprimer selon une syntaxe et une orthographe reconnues et se situer selon les mêmes codes de coordonnées dans le temps et dans l’espace. Ce à quoi s’emploient prioritairement les disciplines traditionnelles de langues, de mathématiques, d’histoire et de géographie.
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Si ces moyens d’intelligibilité valent pour tous, à moins d’être autiste, ils requièrent cependant des obligations qui, elles, ne valent pas par ellesmêmes mais seulement par ce qu’elles autorisent. Elles ne sont valides ou acceptables pour ceux qu’elles concernent qu’en vue d’accorder leurs libertés subjectives. En ce sens, éduquer à la coopération sociale prend la direction d’une formation à l’acquisition autonome des règles d’intelligibilité, bases et sources de l’intercompréhension et de la coopération avec des personnes que nous n’aimons pas forcément.
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Mais cela ne saurait suffire puisque co-opérer suppose des règles sur lesquelles s’entendre qui, en retour, supposent l’exercice libre du jugement normatif pour y adhérer, les critiquer ou les modifier. Ces obligations, ces règles ou ces normes, sont d’amplitude différente selon qu’elles nous permettent d’atteindre un but (normes techniques ou pragmatiques), de viser à une vie réussie ou heureuse (normes éthiques) ou d’être acceptables par tout homme (normes morales), mais personne ne peut faire l’impasse sur elles.
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Aussi les leçons de la Partie II visent-elles en particulier à (re)découvrir les raisons de cette nécessaire intelligibilité et à favoriser l’acquisition d’habiletés coopératives au sein de la classe et des attitudes de solidarité avec le monde extérieur.
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Nous savons depuis Kant que la liberté subjective passe par un état juridique et par un droit à la liberté, et, depuis Hegel, que cette liberté subjective ne peut s’exercer qu’à être reconnue par l’intermédiaire d’un État garant de la volonté substantielle. Il est du même coup devenu difficile de concevoir l’homme sans le citoyen, c’est-à-dire un homme autonome, auteur des lois, qui s’octroie publiquement et légalement ce droit à l’autonomie. Éduquer à la participation publique vise du même coup à développer les compétences de
Chapitre 1 • Éducation scolaire à la moralité
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l’individu à prendre sa part de pouvoir dans les affaires publiques qui concernent tous les citoyens dont lui-même. Dans nos sociétés démocratiques, les compétences à dialoguer, discuter, s’entendre, ne sont pas seulement nécessaires pour coopérer avec les autres dans la sphère civile, lieu des relations interpersonnelles, elles sont également indispensables dans la sphère des relations publiques, non seulement pour ériger des normes juridiques mais aussi pour les critiquer et les modifier lorsqu’elles sont devenues illégitimes ou inacceptables pour la communauté juridique de référence.
Dans la discussion toutefois, outre l’intelligibilité de ce qui se dit, se dissimulent souvent des jugements de valeur ou des normes éthiques implicites. La formation au jugement évaluatif et normatif, la clarification des valeurs et l’exercice du choix et de la décision, favoriseraient les compétences à se comprendre et à s’entendre tout en respectant et en reconnaissant les singularités qui s’expriment. On le voit, les compétences de la deuxième colonne du Graphique II sont interdépendantes de celles de la première colonne et vice versa.
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Les leçons de la Partie III cherchent à développer les compétences à participer à la vie publique en exerçant l’élève à l’examen du bien-fondé d’une norme ou d’un règlement, en le sensibilisant au droit et aux droits, en lui faisant prendre conscience de nos similitudes et de nos différences, ainsi que des préjugés que nous véhiculons à l’égard des personnes qui ne nous sont pas familières, ou encore, de notre rapport « conventionnel » à l’autorité.
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Je reviendrai dans les introductions aux différents chapitres sur les éléments théoriques et pratiques spécifiques aux objectifs pédagogiques poursuivis. Mais un tableau (voir Graphique III) récapitule d’ores et déjà, par chapitre, les compétences prioritairement ciblées par les différentes leçons présentées.
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Hiérarchiser des valeurs et des normes
Chapitre 1 • Éducation scolaire à la moralité
23
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Intelligibilité
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Coopérer Dialoguer Discuter S’écouter S’entendre Se coordonner Se reconnaitre Se respecter
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Coopération sociale (Normes pragmatiques, éthiques et morales)
(Valeurs et préférences)
Sphère publique
(Normes juridiques)
Participation publique
Intersubjectivité / Validité
Autonomie individuelle
Sujet / Valoir
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Sphère civile
concepts, logique, syntaxe, orthographe, coordonnées temps et espace
Argumenter Choisir Décider Évaluer Juger Justifier Raisonner Réfléchir Répondre de S’exprimer Se comprendre Se connaitre Se libérer Se maitriser Se respecter Vérifier
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Sphère intime
(par ordre alphabétique et à titre indicatif)
Compétences transdisciplinaires
Éducation scolaire à la moralité
Graphique II : Les compétences à développer par une éducation à la moralité
EN GUISE DE CONCLUSION
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Les apprentissages de l’autonomie individuelle, de la coopération sociale et de la participation publique supposent comme tout enseignement des qualifications professionnelles spécifiques à prendre en compte dans la formation initiale des maitres. Les séquences didactiques reprises ici indiquent une manière possible d’œuvrer à cette formation. Elles pourraient être multipliées. Mais la préoccupation n’a pas été d’être exhaustif, tout au plus de présenter des démarches cohérentes susceptibles de rencontrer les objectifs décrits plus haut.
Graphique III : Récapitulatif des compétences explicitement visées dans les leçons (par chapitre)
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Argumenter ................................ chap. 5, 8 Choisir ....................................... chap. 4, 5, 8 Décider ...................................... chap. 8 Évaluer ....................................... chap. 4, 8 Juger .......................................... chap. 4, 5, 6, 7, 8 Justifier ....................................... chap. 4, 5, 8 Raisonner ................................... chap. 3 Réfléchir .................................... chap. 3, 5, 7, 8 Répondre de .............................. chap. 5, 8 S’exprimer ................................. chap. 4, 7, 8 Se comprendre ........................... chap. 4, 5, 7, 8 Se connaitre ............................... chap. 4, 7, 8 Se libérer ................................... chap. 6 Se maitriser ................................ chap. 6 Se respecter soi-même ............... chap. 6 Vérifier ....................................... chap. 3
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Coopérer .................................... chap. 5, 7 Dialoguer ................................... chap. 3, 4, 5, 6, 7, 8 Discuter ..................................... chap. 5, 8 S’écouter .................................... chap. 3, 4, 5, 6, 7, 8 S’entendre .................................. chap. 5, 7, 8 Se coordonner ........................... chap. 5, 7, 8 Se reconnaitre ............................ chap. 7, 8 Se respecter ............................... chap. 8
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Hiérarchiser des valeurs et des normes
Démarche d’une leçon-type
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Cadre méthodologique
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La systématicité d’une préparation-type de leçon (voir ci-après) répond à deux buts. Le premier, communicationnel, vise à adopter un point de vue lisible par un autre maitre, collègue ou remplaçant, par le lecteur de cet ouvrage, ou même par un superviseur. Le second, beaucoup plus important, oblige l’enseignant à clarifier ses objectifs de départ, le fil conducteur de sa démarche, et la conclusion provisoire à laquelle il voudrait aboutir. Cette méthode permet de former l’enseignant à une démarche plus réflexive qu’intuitive sans renoncer à la souplesse pédagogique.
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La grille de préparation-type de leçon, sur laquelle sont bâties les principales séquences ici présentées et que j’ai utilisée en formation initiale pour l’enseignement de la morale non confessionnelle, outre le fait de prendre en considération le niveau cognitif, moral et affectif des élèves (point 1), veut précisément mettre l’accent sur l’objectif ou la problématique morale (point 2), en tentant d’en projeter la conclusion (point 3) avant de penser les étapes pour l’atteindre (point 4).
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Cette présentation n’est pas évidente. Elle force l’enseignant à d’abord penser à la problématique qu’il souhaite aborder avec ses élèves et d’en projeter la conclusion pour éviter de construire sa leçon à partir d’un support pédagogique en perdant de vue l’objectif de formation qui est le sien. Cette manière de procéder ne signifie nullement un désintérêt pour la pédagogie et pour l’efficacité des apprentissages. Elle souhaite simplement éviter le « pédagogisme », cette manière d’approcher l’élaboration d’une leçon à partir des moyens en perdant de vue ses fins. La démarche pédagogique proposée (point 4), extrêmement rigoureuse, se décompose en quatre phases qui tiennent compte des apports de la pédagogie nouvelle et des sciences de l’éducation sur la meilleure manière pour l’enfant d’apprendre, dans l’état actuel de la recherche : –
éveiller l’intérêt de l’enfant pour le cheminement qu’on lui propose (point 4.1) ; 25
–
lui donner ou lui faire rechercher les informations dont il aurait éventuellement besoin pour progresser dans ce cheminement (point 4.2) ;
–
penser les moyens de lui faire activement réfléchir, juger, choisir, décider, justifier, généraliser (sortir de l’histoire, du contexte, du particulier…), c’està-dire la phase de formation proprement dite (point 4.3) ;
–
enfin, fixer les acquis supposés dans une étape d’intégration qui permettent à l’enfant de s’engager dans le double sens du terme, à savoir, d’une part, de s’approprier librement des valeurs, des jugements et des normes et, d’autre part, de passer du jugement à l’action (point 4.4).
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Les points 5 et 7 sont relativement évidents : d’un côté, faire connaitre les sources de l’enseignant pour que le lecteur puisse juger de la pertinence des matériaux utilisés et, de l’autre côté, inscrire la séquence didactique dans la durée.
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Un programme, généralement conçu par des professeurs expérimentés, constitue certainement un guide pour l’enseignement puisqu’il tient compte des niveaux de maturation de l’élève, tant sur le plan cognitif qu’affectif, et qu’il prévoit l’étalement des objectifs sur six années pour éviter les répétitions lassantes. Le point 6 fait référence au programme belge de morale non confessionnelle à l’école primaire de 2005 (2e éd. no 512/14).
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À cet égard, j’ai pris l’habitude, pour mieux former les étudiants en formation initiale à la pédagogie par compétences, de leur demander d’indiquer dans leur préparation les compétences principales qu’ils entendent faire acquérir par chacune de leur leçon. J’ai toutefois laissé les séquences didactiques en l’état où elles ont été publiées en 2000 pour ne pas modifier toute la numérotation interne aux séquences. Le lecteur intéressé trouvera toutefois sur mon site26 la grille de préparation de leçon-type actualisée. Les compétences génériques reprises en page 24 peuvent être ainsi visées dans un point 3 supplémentaire, comme telles ou par sous-compétences.
26. Choisir “Grille de Préparation” dans le sous-menu Documents didactiques de la page d’accueil à l’adresse : http://users.skynet.be/claudine.leleux/
26
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Grille de préparation de leçon 1 Classe [Ce point de la préparation figure en premier lieu pour souligner l’importance d’adapter la leçon à la maturité cognitive, morale et affective de l’enfant.] 2 Objectif moral (problématique morale)
4 Démarche didactique pour atteindre l’objectif moral
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3 Projet de conclusion de la phase formative au cahier
4.1. Phase libératrice (ou poser le problème)
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[Cette phase peut, bien évidemment comme les autres phases d’ailleurs, être décomposée en sous-phases selon les besoins mais doit être conclue.]
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4.2. Phase informative (éventuelle)
[Cette phase est dite éventuelle parce qu’il n’est pas toujours nécessaire d’apporter ou de faire rechercher des éléments d’information.] 4.3. Phase formative
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[Cette phase, qui constitue, comme son nom l’indique, le corps de la leçon, doit sans doute être décomposée en sous-phases dont les conclusions intermédiaires permettent d’évoluer vers le projet de conclusion (voir point 3).] 4.4. Phase d’intégration
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[Cette phase vise à faire intégrer ce qui devrait être acquis en fin de leçon et à mener l’enfant à s’engager (au double sens de s’approprier librement – des valeurs, des jugements, des maximes ou normes d’action – et de passer du jugement à l’action).]
5 Bibliographie
6 Références au programme 7 Prolongements éventuels [La périodisation en 50 minutes de cours ne doit pas nous empêcher de penser les leçons dans la continuité.]
Chapitre 2 • Démarche d’une leçon-type
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Autonomie
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Première partie
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Autonomie individuelle (Ire partie) Être singulier Individu Juger
Coopération sociale (IIe partie) Être-pour-autrui Société Co-opérer
Participation publique (IIIe partie) Citoyen État Participer
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Penser par soi-même
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Autonomie intellectuelle
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Être majeur, disait Kant, c’est « oser savoir » (sapere aude). Notre enseignement confond encore trop souvent savoir et connaitre, une tête « bien faite » plutôt qu’une tête « bien pleine ». Pourtant, une pensée autonome et critique, ce qu’une démocratie non tutélaire exige des citoyens, ne s’acquiert pas par l’accumulation de connaissances. Le législateur, belge du moins, l’a bien compris en remplaçant les « programmes-matières » par des « socles de compétences ». Encore faut-il, au niveau pédagogique, d’une part, faire réfléchir plutôt que faire calculer ou s’exercer et, d’autre part, faire accéder les jeunes à une pensée formelle, aux concepts et aux principes27. On peut se réjouir que la philosophie est parfois redécouverte aujourd’hui comme l’un des moyens de développer la réflexion et la conceptualisation mais le recours aux « problèmes » dans toutes les disciplines mériterait certainement plus d’attention28. Sur le plan de la moralité en particulier, l’acquisition de la capacité à relier et à raisonner logiquement est nécessaire tant pour se faire comprendre, argumenter un point de vue que pour démonter de fausses généralisations. En outre, la capacité à conceptualiser et à manier une pensée formelle permettent au jeune de développer un jugement moral postconventionnel, non seulement libre mais aussi justifié par des principes. Nos sociétés complexes et, en particulier, nos systèmes de solidarité dans lesquels notre prochain est reconnu sans être connu, imposent aux citoyens de pouvoir prendre un point de vue extrêmement décentré pour décider, par
27. Claudine LELEUX, L’école revue et corrigée, chap. 6. 28. Piaget y insistait déjà : « tant que la structure logique du problème n’est pas solidement assurée, les considérations numériques demeurent sans signification et voilent au contraire le système des relations en présence » (Jean PIAGET, Où va l’éducation ? [1971], Paris, Folio essais, 1988, p. 84). Les travaux de nombreux chercheurs sont accessibles pour aider l’enseignant à mieux se préparer à poser et faire résoudre des problèmes. On pourra, par exemple, consulter : Lise POIRIER PROULX, La résolution de problèmes en enseignement. Cadre référentiel et outils de formation, Bruxelles, De Boeck Université, 1999, coll. « Perspectives en éducation ».
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exemple, d’adhérer librement aux normes fiscales ou de remplir volontairement leurs obligations en matière de sécurité sociale et comprendre qu’ils peuvent en être, eux et leurs proches, les premiers bénéficiaires.
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L’autonomie intellectuelle, penser par soi-même, suppose un grand nombre de compétences que l’ensemble de la formation scolaire et parascolaire contribue à promouvoir. Il n’est pas possible de penser sans concepts et la tâche de l’enseignant consiste, notamment, à conduire les enfants à se les approprier. Sur le plan de l’éducation à la moralité en particulier, nous aborderons cet objectif didactique dans le chapitre suivant en présentant des démarches de construction du concept spécifique qu’est la valeur.
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Être autonome intellectuellement, c’est aussi être capable de vérifier et de critiquer. Julie Cauët nous propose, dans ce chapitre, une démarche possible, parmi tant d’autres, pour mettre les enfants en situation de vérifier par eux-mêmes certaines affirmations ou pour les mettre en situation de devoir recouper et confronter les dires de personnes apparemment plus éminentes qu’eux.
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Je veux toutefois insister ici, plus particulièrement, sur ce qui me parait souvent délaissé dans l’enseignement fondamental et qui, cependant, contribue à l’autonomie intellectuelle, à savoir l’apprentissage des règles logiques à la base d’une pensée autonome. Le jugement moral mobilise des compétences cognitives et applique, comme tout jugement, des règles logiques que l’on utilise aussi dans l’inférence mathématique ou dans l’analyse grammaticale. Le cloisonnement disciplinaire empêche souvent l’enseignant d’opérer des liens entre le cours de mathématique, le cours de langue maternelle et les cours d’éducation civique ou morale quand ils existent. De tels liens amélioreraient cependant les apprentissages et, surtout, leur donneraient davantage de sens. Matthew Lipman suggère même que le développement du raisonnement logique ferait progresser la compréhension à la lecture : « Il y a des chances pour que la compréhension à la lecture s’améliore réellement si l’on renforce ces habiletés fondamentales à raisonner, au lieu de s’attarder sur les erreurs de syntaxe, la pauvreté du vocabulaire, les fautes d’orthographe, ou le manque de rigueur de style. Car c’est directement grâce aux techniques de raisonnement que le lecteur parvient à appréhender le sens, et c’est ceci qui le motive le plus à poursuivre le processus de lecture29 ». Sans doute ne faudrait-il pas, comme le fait Matthew Lipman, opposer les choses – l’acquisition de la syntaxe et du vocabulaire constituent aussi des bases de communication et d’argumentation et des marques de respect vis-à-vis d’autrui – mais simplement souligner l’importance du raisonnement logique dans la formation en général et dans le développement du jugement moral en particulier. Dans la famille et dans la communauté de vie, l’enfant apprend les rudiments de la syntaxe et de la logique dans l’interaction avec les autres. Cependant, il les apprend en bonne partie en imitant ou en les reproduisant sans y réfléchir. Selon l’entourage, ces rudiments seront plus ou moins développés. C’est l’école qui
29. Matthew LIPMAN, À l’école de la pensée, trad. N. Decostre, Bruxelles, De Boeck Université, 1995, p. 59-60.
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Hiérarchiser des valeurs et des normes
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permettra à tous les enfants non seulement de les acquérir mais de les acquérir consciemment et réflexivement. Or, alors que l’on consacre, à juste titre, beaucoup d’attention à la maitrise de la langue et du calcul à l’école fondamentale, on débusque peu les erreurs de raisonnement et on réfléchit rarement aux étapes de celui-ci. Raisonner et réfléchir sont des compétences transversales qui seront pourtant exigées, même tacitement, dans toutes les disciplines tout au long de la scolarité. Le retard pris dans l’habileté à raisonner et à réfléchir à l’école primaire ne peut que se creuser dans la mesure où, par la suite, l’élève se verra contraint d’assimiler de plus en plus de connaissances ou de matières qui supposent acquises tant la maitrise de la langue que celle du raisonnement. Matthew Lipman souligne, à cet égard, que « la difficulté rencontrée par des enfants dans les problèmes d’algèbre ou de géométrie semble être proportionnelle au nombre d’étapes du raisonnement qui sont exigées pour les résoudre30 ». Et cet handicap se fait encore davantage sentir dans les études supérieures. Sur la base des recherches menées par le New Jersey Department of Higher Education, Matthew Lipman souligne combien « Il est courant que les nouveau-venus à l’université, qui essaient de faire face aux exigences du niveau où ils se trouvent, soient amenés à le faire avec des facultés de raisonner qui ne sont pas vraiment meilleures que celles du secondaire supérieur, voire même inférieur31 ». De même nous faut-il, selon Marie van der Rest, Maitre de conférences à la faculté des sciences de l’université de Liège, chercher l’explication des mauvais résultats en sciences des élèves belges sur le plan international dans le déficit du raisonnement et de la réflexion dès l’école primaire en Communauté française de Belgique32. Remédier à l’échec dans l’enseignement supérieur supposerait par conséquent de mieux former à la réflexion et au raisonnement dès l’école élémentaire.
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La philosophie à l’école est l’un des moyens pour développer cette faculté de réflexion et de raisonnement. Mais ce qui importe avant tout, c’est que l’enseignant, au niveau d’enseignement où il se trouve, et surtout à l’école primaire où les compétences de base doivent être installées, se donne clairement pour objectif pédagogique de faire acquérir à l’enfant les étapes du raisonnement, de lui faire prendre conscience des règles logiques qui en constituent l’ossature et de l’amener à repérer les paralogismes. Et ce, à la limite, quel que soit le support pédagogique de départ.
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C’est ce à quoi nous invitent trois leçons de ce chapitre, celle de François Denolin, d’Alexandra Bihay et de Valérie Puttaert.
François Denolin, en s’inspirant de Peggy Snoeck, présente une leçon à destination de la 2e année primaire (7-8 ans) qui vise à faire progresser la pensée dialectique : les objets, les idées ou opinions, de même que les actions, ne sont pas en soi bons OU mauvais ; ils peuvent être à la fois bons ET mauvais. Cette leçon permet d’exercer le discernement tout en fixant les opérations mentales
30. Ibid., p. 48. 31. Ibid., p. 47. 32. Intervention à l’émission Mise au point de la RTBF le 21 mai 2000.
Chapitre 3 • Penser par soi-même
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travaillées en mathématique comme l’inclusion, l’intersection, l’union et la différence de deux ensembles qui nécessitent « un emploi correct des connecteurs logiques ET et OU33 ».
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Les erreurs de raisonnement sont monnaie courante chez bien des adultes, elles pourraient toutefois être corrigées dès l’enfance. Ainsi l’affirmation d’un jeune garçon de l’école primaire qui, à propos de la famine au Soudan, affirmait qu’il valait mieux tuer ces affamés tout de suite parce que, disait-il, « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir mais quand il n’y a pas d’espoir, il n’y a plus de vie34 ». Outre la question de la solidarité avec le tiers-monde ou celle de l’assistance à personne en danger, l’enseignant peut aussi s’atteler à faire découvrir à l’enfant de tels paralogismes35. C’est ce que se propose la leçon d’Alexandra Bihay qui, partant d’un extrait de Matthew Lipman, La découverte d’Harry Stottlemeier, fait découvrir aux enfants du 3e degré primaire, trois règles élémentaires de logique. De leur application correcte ou incorrecte peuvent dépendre des jugements moraux.
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J’ai pu assister à la leçon d’Alexandra en 4e année primaire et noter l’engouement des enfants pour un tel processus de pensée et la fierté qu’ils éprouvaient d’être mis en contact avec la logique d’Aristote. Je voudrais souligner que le « mélange » des ensembles mathématiques et du cours de morale leur apparaissait néanmoins sinon incongru du moins étonnant, comme si le découpage disciplinaire était déjà devenu la norme pour eux36.
Éd
iti
on
s
Enfin, Valérie Puttaert, à partir d’un extrait d’un autre roman de Matthew Lipman, Kio et Augustine, s’est attelée, dans la même perspective, à déjouer les paralogismes que peuvent entraîner les mésusages logiques de seul(es), tou(tes), n’importe quel(les), aucun(e).
33. André LEMOINE et Pierre SARTIAUX, Des mathématiques aux enfants. Savoirs en jeu(x), De Boeck, 1997, coll. « Outils pour enseigner », p. 201. 34. Voir les extraits significatifs de cette discussion en classe à la fin du chapitre 7, en annexe à la leçon d’Alexandra Bihay, « Vers le monde extérieur, la solidarité ». 35. L’implication n’est pas réciproque. De p ⇒ q, on ne peut pas inférer q ⇒ p, pas plus qu’on ne peut déduire ~q (pas d’espoir) de ~p (pas de vie) si ~p ⇒ ~q. 36. Ann Hoogvelts a eu l’idée d’atteindre les mêmes objectifs qu’Alexandra Bihay à partir d’un autre texte que celui de Matthew Lipman. Elle a construit sa leçon à partir du conte de Frank TASHLIN, L’opposum qui avait l’air triste, L’école des Loisirs, 1976. En particulier, à partir des affirmations péremptoires telles que, par exemple : « n’importe qui peut voir que les coins de sa bouche tombent au lieu de se relever » (p. 18) « tout le monde rit au music-hall, et tu riras toi aussi » (p. 32).
34
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Leçon n° 1 Je vérifie Julie CAUËT 1 Classe : 3e année primaire (8-9 ans).
3 Projet de conclusion de la phase formative au cahier
IN
2 Objectif moral (problématique morale) – Sensibiliser les enfants à la découverte de la vérité par l’expérience ; contribuer ainsi à la construction du concept de “vérité” et éveiller à la démarche scientifique. – Favoriser activement l’exercice de leur esprit critique.
N
Quand je veux savoir quelque chose, j’essaie le plus souvent possible de le découvrir par moi-même et quand ce n’est pas possible, je me renseigne, je ne me contente pas d’une seule source et je ne crois pas tout ce que les autres racontent.
VA
4 Démarche didactique pour atteindre l’objectif moral
Première séquence
Je vérifie par l’expérience
4.1 Phase libératrice (ou poser le problème)
s
Matériel
on
Peintures (4 couleurs différentes).
Cette phase se décompose en deux questions posées oralement aux enfants :
iti
– Quelle couleur vais-je obtenir si je mélange du jaune et du rouge ? Les enfants savent, je suppose, que j’obtiendrai de l’orange et ils répondent alors spontanément. Remarque : S’ils ne le savent pas, on passe à la deuxième question et on poursuit après celle-ci :
Éd
– Quelle couleur vais-je obtenir si je mélange du bleu, du vert et de l’orange ? Ce mélange-là n’est pas un des mélanges types que l’on fait habituellement pour illustrer les couleurs primaires et secondaires. Je suppose donc que les enfants ne connaissent pas la réponse. 4.2 Phase informative
Comment pourrait-on connaître ou vérifier la réponse ? Les enfants s’expriment. Réponse : Prendre des peintures et réaliser ce mélange mystère.
Chapitre 3 • Penser par soi-même
35
4.3 Phase formative À quoi cela nous a-t-il servi de faire cette expérience ? Plusieurs étapes de la réponse à cette question vont nous amener à un cas plus général : – Nous avons fait cette expérience pour découvrir la couleur finale que nous obtenons ; – nous avons mis en pratique le problème posé ; – nous l’avons fait pour trouver la bonne réponse. Mais qu’est-ce que cela veut dire « la bonne réponse » ?
IN
C’est celle qui est : – vraie, – reflète la réalité, – appelée “vérité”, – …
N
On remarque donc aussi que mettre en pratique un problème posé ou rencontré, pour pouvoir le résoudre, demande un effort, un investissement mais cet effort est récompensé par la découverte de la “vérité”.
VA
Deuxième séquence
Je vérifie ce qu’on me dit et ce que je lis 4.1 Phase libératrice (ou poser le problème) Matériel
s
Plusieurs documents où l’on peut trouver facilement la distance terre / lune.
iti
on
Deux questions sont posées aux enfants. – Quelle est la longueur de votre banc ? Les enfants mesurent leur banc soit spontanément, soit demandent à pouvoir utiliser la latte. – Quelle est la distance terre/lune ? Ou une question similaire si les enfants connaissent cette réponse. 4.2 Phase informative
Éd
Il nous est impossible d’aller mesurer cette distance. Alors que fait-on si on veut la connaitre ? Les enfants s’expriment. Réponse : Rechercher l’information dans le dictionnaire, dans une encyclopédie, dans des livres, sur un CD-Rom… Les enfants recherchent l’information dans les documents que j’ai apportés. Ils découvrent la distance moyenne de la terre à la lune. Je m’appuie sur cet intérêt pour leur expliquer ou pour réviser le concept de moyenne. Selon le livre utilisé, la distance moyenne de la terre à la lune varie : soit 384 400 km (Petit Larousse illustré et Notre univers), soit 384 000 km (Les étoiles et les planètes). [ndlr : à titre informatif, le CD-ROM de l’encyclopédie Tout l’univers de Hachette mentionne la distance moyenne de 380 400 km ! et l’encyclopédie Universalis, 384 402 km]
36
Hiérarchiser des valeurs et des normes
4.3 Phase formative Quand nous ne savons pas nous-mêmes mettre en pratique le problème posé, il nous faut rechercher la vérité dans l’expérience des autres. Certains, avec plus de connaissances et plus de moyens, ont déjà répondu à cette question. C’est alors à nous de faire la démarche de nous renseigner.
IN
Mais la réponse des autres est-elle nécessairement la bonne, reflète-t-elle bien la réalité ? Les autres aussi peuvent avoir fait des erreurs, même les plus grands scientifiques, même les gens plus âgés que nous ! Le seul moyen d’avoir le plus de chance d’obtenir la bonne réponse est de multiplier le plus possible les recherches, c’est-à-dire ne pas se contenter d’une seule information. Il faut au contraire en prendre plusieurs et il faut aussi se poser des questions à propos de ces informations que l’on a trouvées.
VA
N
Quand on me dit quelque chose que je ne peux pas vérifier par moi-même, je m’interroge, je réfléchis, je me renseigne. Je me demande, par exemple : – « Est-ce possible ? », – « Est-ce que la personne qui le dit est suffisamment renseignée ?, – « Est-ce qu’elle me transmet bien correctement toute l’information ? » C’est ce qu’on appelle « garder un esprit critique ». 4.4 Phase d’intégration Matériel
s
Une bougie, des allumettes et un verre.
Éd
iti
on
J’écris une phrase au tableau : « Une bougie allumée respire ! » et j’attends les réactions des enfants. Je leur demande qui m’approuve et de justifier leur réponse. Comment pourrait-on, soit en être certain, soit contredire cette affirmation ? Réponse : En faisant l’expérience de la bougie sur laquelle on retourne un verre. Pourquoi la bougie s’est-elle éteinte ? Est-ce que cela signifie qu’elle respire ? Par ce petit problème, on met en application la recherche de la vérité par l’expérience et on s’entraine à garder un esprit critique envers ce que les autres (même l’I. !) racontent et la manière dont ils le racontent. On progresse vers cette conclusion par étape : 1° faire l’expérience pour vérifier ou contredire l’affirmation. → La bougie, par manque d’air (O2), s’éteint. → Pour qu’une bougie flambe, il lui faut de l’air. 2° reprendre l’affirmation « Une bougie allumée respire » et se demander si elle est exacte ou fausse. → L’affirmation prise telle quelle n’a pas beaucoup de sens ; il faut la reformuler : la bougie consomme de l’air mais elle ne respire pas comme respire un être vivant. 3° Conclure Si je demande aux enfants si j’ai dit la vérité ou pas, ils auront tendance à répondre « oui » et « non ». Ce que j’ai dit n’est pas foncièrement faux mais n’est pas vrai. Par ces différentes étapes, nous avons fait preuve d’esprit critique mais aussi souligné l’importance de la précision et de la rigueur dans la manière d’exprimer les choses si nous voulons approcher la vérité. Chapitre 3 • Penser par soi-même
37
5. Bibliographie – Petit Larousse illustré 1999, Paris, Bordas, 1998 (mot Terre). – Notre univers, Fribourg, Hatier, 1980 (chapitre Lune, p. 52). – Les étoiles et les planètes. À la découverte du ciel, Usborne, 1977, p. 9. 6. Références au programme Vers une personnalité autonome. Rechercher la vérité par le raisonnement objectif et par l’expérience (p. 51) 7. Prolongements éventuels
Éd
iti
on
s
VA
N
IN
D’autres petites expériences scientifiques pour amener à raisonner logiquement ou à émettre des hypothèses à discuter.
38
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Leçon no 2 Souvent je peux remplacer OU par ET François DENOLIN 1 Classe : 2e année primaire (7-8 ans). 2 Objectif moral (problématique morale)
3 Projet de conclusion de la phase formative au cahier
IN
Les élèves prendront conscience que les actes, les êtres et les choses sont rarement totalement bons ou totalement mauvais. Ainsi, souvent nous pouvons remplacer OU par ET.
Les élèves complètent la fiche suivante :
VA
Je raconte en une phrase courte :
N
Souvent, je peux remplacer OU par ET : les actes, les êtres et les choses ne sont pas bons OU mauvais mais bons ET mauvais.
Un moment où je me sens bien ET mal :
....................................................................................................................... ....................................................................................................................... .......................................................................................................................
s
Ce que j’aime ET ce que je n’aime pas en moi : .......................................................................................................................
on
....................................................................................................................... ....................................................................................................................... 4 Démarche didactique pour atteindre l’objectif moral
Il a énormément plu ces derniers temps. Cela vous fait-il plaisir ? ⇒ Non ! Trouvez-vous que la pluie est bonne ou mauvaise ?
Éd
–
iti
4.1 Phase libératrice (ou poser le problème)
–
⇒ La pluie est mauvaise… (inondation, grisaille, tristesse…)
L’I. note au T.N. les évocations négatives des enfants. – Lecture du livre La petite fille et la pluie : la pluie est synonyme de mélancolie, de tristesse, mais elle peut aussi être gentille ; « La pluie, elle est mouillée mais gentille ». – Après cette histoire de pluie, cette dernière ne vous évoque-t-elle pas d’autres choses plus positives que la mélancolie, la tristesse… ? ⇒ Oui, la pluie est également bonne (vie, arc-en-ciel…)
Chapitre 3 • Penser par soi-même
39
IN N VA s on iti Éd ROBA, Boule et Bill, no 19, Dupuis, 1999, p. 8. ©sprl Jean Roba © Dargaud Benelux (EDL – B & M s.a.).
40
Hiérarchiser des valeurs et des normes
L’I. note au T.N. les évocations positives des enfants. –
Peut-on alors affirmer, comme nous l’avons dit précédemment, que la pluie n’est que mauvaise ? ⇒ Non. La pluie est une chose qui est à la fois bonne ET mauvaise.
Conclusion intermédiaire : Observons toujours l’aspect positif ET l’aspect négatif des choses. 4.3 Phase formative
–
Lecture d’un extrait de Boule et Bill (voir ci-contre) : Boule nourrit les oiseaux en hiver avec le beurre qu’il prend dans le frigo. Les oiseaux se régalent. Le soir, maman ne trouve plus de beurre pour le repas. L’I. demande aux enfants s’ils estiment que Boule agit bien dans cette histoire ? S’il agit mal dans cette histoire ?
IN
–
VA
N
Par ces deux questions, les enfants sont amenés à porter un jugement nuancé sur les actes de Boule. Boule nourrit les oiseaux en hiver, c’est une bonne action ; elle fait du bien, à lui-même, aux autres, à son environnement. Boule prend le beurre dans le frigo, c’est une mauvaise action ; elle fait du mal, à luimême, aux autres, à son environnement. La situation est paradoxale. L’acte de Boule est à la fois bon ET mauvais. Conclusion : voir point 3. 4.4 Phase d’intégration
on
s
Les enfants recherchent en eux (travail sur la personne) une attitude et un acte qu’ils qualifient à la fois de bons ET de mauvais. Conclusion : parfois, comme Boule, nous agissons à la fois bien ET mal. Aussi, nous avons des attitudes, des comportements bons ET mauvais. 5 Bibliographie
iti
Peggy Snoeck, Une morale du bonheur, Bruxelles, Cedil, 1993, p. 61 et p. 71. Roba, Boule et Bill, Dupuis, 1999, no 19, p. 8 (Ras le Bill, 1977).
Éd
Milena Lukesova, Jan Kudlácek, La petite fille et la pluie, Prague, Éd. Albatros (Albums Duculot), 1975. 6 Références au programme L’enfant sera capable de faire preuve de dignité personnelle par le désir de se perfectionner. Éviter les conclusions hâtives (p. 51).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
41
Leçon no 3 La Logique d’Aristote Alexandra BIHAY 1 Classe Troisième degré de l’enseignement primaire (11-12 ans). 2 Objectif moral (problématique morale)
3 Projet de conclusion de la phase formative au cahier
IN
Faire prendre conscience aux enfants qu’il est dangereux de faire des conclusions hâtives et leur apprendre à pouvoir réfuter des raisonnements, qui ont l’air juste en apparence, grâce à l’application de quelques formules de logique aristotélicienne. Leur faire prendre conscience également du “pouvoir” de la logique aristotélicienne.
N
Voir constatations et conclusions aux bas des documents destinés aux enfants, ainsi que l’évaluation prévue en fin de séquence.
VA
4 Démarche didactique pour atteindre l’objectif moral
iti
on
s
Remarques préliminaires : – L’activité se déroule en trois séquences : il y a trois sortes d’énoncés de logique à découvrir (phase formative) et à manipuler (phase pratique ou d’intégration). – Il est essentiel d’insister sur l’utilité de la logique d’Aristote (voir conclusion générale à la logique d’Aristote, document no 4). Si le professeur ne suscite pas, chez l’enfant, la compréhension du bien-fondé de cet outil formidable qu’est la logique, l’objectif n’aura pas été atteint. Il est important que l’enfant se rende compte rapidement que ce qu’il fait a du sens. Pour cela, le professeur demande aux enfants à quoi sert la logique. Il peut aussi provoquer les enfants en affirmant des propos totalement faux pour que les enfants réagissent et réfutent ses arguments grâce à la logique. Il peut également faire intervenir le document no 5 (en entier ou en partie) avant la fin de l’activité.
Première séquence
Éd
Certaines phrases ne peuvent être retournées
–
–
–
42
4.3 Phase formative
Les enfants sont groupés par quatre. Le professeur lit un extrait inspiré de La découverte d’Harry Stotélès (voir document no 1). Le professeur pose ensuite les questions suivantes : « Comment Harry s’est-il trompé ? », « Quel raisonnement a-t-il fait ? ». Par groupe, les enfants reçoivent le texte et les questions. Ils doivent réfléchir à la manière dont Harry a pu se tromper, à la question « Comment se fait-il qu’il ait répondu “une planète” ? ». Le professeur passe dans les groupes pour aider les enfants dans leur réflexion en leur posant la question d’une manière différente, en les faisant reformuler et développer par des questions. Hiérarchiser des valeurs et des normes
Document n°1 La logique d’Aristote
La découverte d’Harry Stotélès
IN
« Harry était en train de rêver en classe pendant que son professeur, monsieur Brasseur, parlait du système solaire et expliquait comment toutes les planètes tournent autour du soleil. Tout à ses rêveries, Harry s’imaginait un immense soleil flamboyant et des planètes tournant autour sans arrêt.
VA
N
Soudain, monsieur Brasseur arrache Harry à ses rêveries et lui pose une question : “Qu’est-ce qui a une longue queue et tourne autour du soleil tous les 77 ans ?”. Harry n’en savait rien, mais il se rappela les paroles de son professeur : “Toutes les planètes tournent autour du soleil”. Harry se dit que, si cette chose avec une queue, quelle qu’elle soit, tourne autour du soleil, cela pouvait peut-être être une planète. En tout cas, cela valait la peine d’essayer. Harry répondit : “Une planète”, et toute la classe éclata de rire. S’il avait été attentif, il aurait entendu monsieur Brasseur dire que l’objet en question était la comète de Halley, et que les comètes tournent autour du soleil exactement comme le font les planètes, mais qu’elles ne sont en aucun cas des planètes. »
s
(Extrait de Matthew Lipman, La découverte de Harry Stotélès)
on
COMMENT HARRY S’EST-IL TROMPÉ ? QUEL RAISONNEMENT A-T-IL FAIT ?
iti
Constatation : Harry s’est trompé car il a inversé une phrase qui ne pouvait pas l’être : « Si toutes les planètes tournent autour du soleil, tout ce qui tourne autour du soleil n’est pas une planète ».
Éd
Conclusion intermédiaire Certaines phrases ne peuvent être inversées. Exemples
1) Toutes les planètes tournent autour du soleil MAIS
tout ce qui tourne autour du soleil n’est pas une planète. A = {tout ce qui tourne autour du soleil} B = {toutes les planètes}
Chapitre 3 • Penser par soi-même
43
A • comètes B
IN
2) Toutes les pommes sont des fruits MAIS Tous les fruits ne sont pas des pommes.
A • cerises
N
A = {tous les fruits} B = {toutes les pommes}
VA
B
s
Exemples personnels (à inventer)
on
1) ........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
iti
...........................................................................................................................
Éd
2) ........................................................................................................................... ........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
3) ........................................................................................................................... ........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
44
Hiérarchiser des valeurs et des normes
–
–
Mise en commun : les enfants confrontent leurs idées pour tirer une conclusion du type « Harry s’est trompé car il a inversé une phrase qui ne pouvait pas l’être. Si toutes les planètes tournent autour du soleil, tout ce qui tourne autour du soleil n’est pas une planète ». Pour aider les enfants à comprendre, le professeur peut écrire au tableau pour manipuler les phrases (selon ce que disent les enfants).
Par exemple, il peut écrire :
IN
Toutes les planètes tournent autour du soleil MAIS
N
Tout ce qui tourne autour du soleil n’est pas une planète.
VA
Le professeur met certaines choses en évidence : les tout(es), les mais et les différents membres de la phrase qui sont inversés. Si malgré toute leur réflexion les enfants ne parviennent pas à cette conclusion, le professeur peut leur lire l’extrait suivant de La découverte d’Harry Stotélès : la page 3 jusqu’à la deuxième ligne de la page 4 (ou la page 3 jusqu’à la treizième / quatorzième ligne, pour ne pas donner d’exemples : cela dépend du degré de compréhension des enfants et il faut donc s’adapter à la situation). Le professeur peut également lire ces extraits après que les enfants ont trouvé (pour vérifier ou pour donner d’autres exemples après ceux que les enfants devront inventer, voir phase 4.4).
–
Les enfants notent leurs constatations sur la feuille.
–
Collectivement, les enfants essayent de trouver une conclusion. Ils la notent.
on
s
–
Par groupes, les enfants cherchent un exemple. Ils en analysent un au tableau (phrase + ensembles) et les autres oralement (si besoin est, analyser tous les exemples). Ils notent l’exemple analysé ainsi que celui des planètes (qu’ils auront préalablement analysé : phrase + ensembles).
Éd
–
iti
4.4 Phase pratique ou d’intégration
–
Soit en classe, soit à domicile, les enfants doivent ensuite inventer de manière individuelle deux exemples de phrases que l’on ne peut inverser (voir suite du document no 1).
Remarque : Après la première séquence, le professeur explique aux enfants qu’ils viennent de faire de la logique et que c’est Aristote, un Grec du IVe siècle avant notre ère, qui en a trouvé les premières grandes règles qu’il a rassemblées dans un livre qui s’appelle l’Organon.
Chapitre 3 • Penser par soi-même
45
Deuxième séquence
La boite à bonbons (ou les Contradictoires) 4.3 Phase formative Le professeur sort une boite de bonbons et commence à distribuer un bonbon à chaque enfant. Dans un premier temps, il ne distribue qu’une seule sorte de bonbons (des Chokotoffs, par exemple). Après en avoir distribué cinq ou six, le professeur demande à un enfant ce qu’il conclut du contenu de la boite. La réponse attendue est : « Ce sont des Chokotoffs ». Le professeur demande à l’enfant grâce à quoi il a pu tirer cette conclusion. L’enfant répondra quelque chose comme cela : « Parce que tous les bonbons que vous avez sortis de la boite sont des Chokotoffs ».
–
Le professeur note au tableau : « Tous les bonbons de la boite sont des Chokotoffs ».
–
Le professeur continue sa distribution mais, cette fois-ci, il sort des souris et des Fruitellas (par exemple). Le professeur pose la question suivante : « Est-ce que l’affirmation que l’on a écrite au tableau est vraie ? ». La réponse attendue est approximativement : « Non, parce que certains (ou tous, ou quelques, ou encore les) bonbons ne sont pas des Chokotoffs ».
–
Le professeur résume : « Donc la phrase “Tous les bonbons de la boite sont des Chokotoffs” est fausse ». Pour pouvoir la contredire, il me faut des preuves. Quelles sont ces preuves ? Ai-je besoin de montrer toutes les souris et tous les Fruitellas pour prouver qu’il n’y a pas que des Chokotoffs dans la boite ? Ai-je besoin de montrer une souris et un Fruitella ?
VA
N
IN
–
on
s
Le professeur essaye ainsi d’amener les enfants à dire qu’il suffit de montrer un seul autre bonbon qui n’est pas un Chokotoff (un Fruitella ou une souris) pour contredire la phrase. « Si au moins un bonbon n’est pas un Chokotoff, tous les bonbons ne sont pas des Chokotoffs ». Le professeur distribue une feuille à chaque enfant. Les enfants lisent la première phrase qui correspond à la situation de la boite de bonbons. Ils essayent ensuite de compléter les deux autres phrases en les contredisant. Ils inventent ensuite eux-mêmes des phrases qu’ils contredisent (toujours collectivement) : voir document no 2 destiné aux enfants : les phrases sont à faire varier et à inventer en fonction du groupe).
Éd
iti
–
–
Collectivement, les enfants essayent de tirer une conclusion qu’ils notent à l’endroit prévu sur la feuille.
Exemple : « Une phrase qui commence par tous ou toutes est fausse si elle est contredite par au moins un élément. Et, cela, même si le tous ou le toutes est sous-entendu ».
46
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Document n°2 La boite à bonbons 1) Tous les bonbons de la boite sont des Chokotoffs. Un bonbon est une souris. Donc tous les bonbons de la boite ne sont pas des Chokotoffs.
IN
2) Toutes les personnes qui occupent la fonction de président sont des garçons. Julie occupe la fonction de président. Donc toutes les personnes qui occupent la fonction de président ne sont pas des garçons.
N
3) Tous les frères sont nés un jour différent. David et Ludovic sont des frères et sont nés le même jour. Donc tous les frères ne sont pas nés un jour différent.
VA
4) Les personnes qui sont en prison ont fait quelque chose de mal. Il existe des prisonniers d’opinion qui n’ont rien fait de mal. Donc toutes les personnes qui sont en prison n’ont pas fait quelque chose de mal.
s
5) ...........................................................................................................................
on
...........................................................................................................................
iti
...........................................................................................................................
6) ...........................................................................................................................
Éd
........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
Conclusion intermédiaire Une phrase qui commence par tous ou toutes est fausse si elle est contredite par au moins un élément et le tous ou le toute(s) peuvent être sous-entendu(es).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
47
Troisième séquence
Syllogismes (Si et si, alors…) 4.3 Phase formative Le professeur écrit au tableau : Tout ce qui est rare est cher Un cheval à 5 € est rare Donc un cheval à 5 € est cher.
–
Le professeur attend que les enfants aient lu la phrase et réagissent : « Mais ce n’est pas possible, il y a quelque chose qui ne va pas ! ». Le professeur : « Oui, mais quoi ? Il faut essayer de prouver que ce n’est pas possible ».
–
Même si certains enfants arrivent à la conclusion seuls, il est préférable de passer par la phase suivante afin que les enfants qui n’ont pas compris puissent comprendre. Cette phase est utilisée pour prouver de manière simple que même si un raisonnement est correct, il suffit qu’un élément du raisonnement (ou une prémisse) soit faux pour que la conclusion soit fausse.
–
Le professeur écrit au tableau : 1) Si une souris est plus petite qu’un chat et si un chat est plus petit qu’un lion alors une souris est plus petite qu’un lion.
VA
N
IN
–
s
2) Si un éléphant est plus petit qu’un chat et si un chat est plus petit qu’un lion alors un éléphant est plus petit qu’un lion.
on
Les enfants réagissent à la deuxième proposition : « C’est faux ! ». Le professeur leur demande pourquoi c’est faux. Les enfants répondent : « Parce qu’un éléphant n’est pas plus petit qu’un chat ». Le professeur : « Donc, vous me dites que cette phrase (en la montrant au tableau) est fausse. Mais est-ce que le raisonnement est correct ? »
iti
On va essayer de trouver une formule pour voir si le raisonnement est correct : pour le premier cas
Éd
Si une souris est plus petite qu’un chat A B et si un chat est plus petit qu’un lion B C alors une souris est plus petite qu’un lion. A C
on peut écrire : Si A est plus petit que B et si B est plus petit que C alors A est plus petit que C. Le professeur écrit au tableau pendant qu’il explique.
48
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Les enfants essayent d’appliquer la formule pour la deuxième proposition en venant écrire les lettres en dessous des phrases du tableau. Ils en concluent que le raisonnement est correct. Le professeur : « Donc, même si le raisonnement est correct, la conclusion peut être fausse. Dans quel cas ? » Les enfants : « Quand une phrase du raisonnement est fausse ». Les enfants effectuent la même démarche pour le cas du cheval à 5 € : ils écrivent « Si, et si, alors » devant la phrase du tableau. La phrase devient alors : Si tout ce qui est rare est cher Et si un cheval à 5 € est rare alors un cheval à 5 € est cher. (On a remplacé le donc par alors)
IN
–
VA
N
Le professeur : « Est-ce que le raisonnement est correct ? » Les enfants : « Oui » Le professeur : « Alors, qu’est-ce qui est faux ? Si on dit qu’un cheval à 5 € est rare, est-ce que c’est faux ? » Les enfants : « Non, c’est “Tout ce qui est rare est cher” qui est faux » Le professeur : « Est-ce que tout ce qui est rare est forcément cher ? » Les enfants : « Non » Le professeur : « Essayez de trouver quelque chose qui est rare et pas cher pour le prouver ». (Exemples : un trèfle à quatre feuilles, un arc-en-ciel…) Le professeur fait remarquer aux enfants que l’on peut appliquer ce que l’on a vu précédemment sur les contradictoires : il suffit d’un seul exemple pour contredire la phrase. On utilise ainsi la deuxième règle logique : « Une phrase qui commence par tous ou toutes est fausse si elle est contredite par au moins un élément »).
–
Pour voir si tous les enfants ont compris et pour laisser une trace au cahier, le professeur distribue le document no 3 aux enfants. Ceux-ci doivent faire l’exercice seuls.
–
Correction collective orale. Si certains enfants n’ont pas compris, les enfants qui ont compris expliquent le raisonnement à nouveau aux autres.
iti
Les enfants essayent de tirer collectivement une conclusion et la notent sur leur feuille à l’endroit prévu.
Éd
–
on
s
–
4.4 Phase pratique ou d’intégration
–
Le professeur distribue le document no 4 comprenant un texte sur Saint-Nicolas. D’abord seuls, puis par groupes de quatre et ensuite collectivement, les enfants essayent de répondre aux questions en relation avec le texte.
–
Les enfants essayent collectivement de tirer une constatation et de dégager les éléments de logique du texte afin de constituer l’énoncé logique selon le modèle « Si et si, alors ». Ils notent l’énoncé sur la feuille, à l’endroit prévu (le professeur le note au tableau).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
49
Document n°3 Si et si, alors…
VA
2) Si une souris est plus petite qu’un chat et si un chat est plus petit qu’un lion alors une souris est plus petite qu’un lion.
N
1) Si tout ce qui est rare est cher et si un cheval à 5 € est rare alors un cheval à 5 € est cher.
IN
Souligne en rouge les phrases qui sont fausses (si nécessaire) :
3) Si un éléphant est plus petit qu’un chat et si un chat est plus petit qu’un lion alors un éléphant est plus petit qu’un lion.
on
s
4) Si la Tour Eiffel est à Paris et si Paris est en France alors la Tour Eiffel est en France.
iti
5) Si la Tour Eiffel est à Paris et si Paris est en Belgique alors la Tour Eiffel est en Belgique.
Éd
Conclusion intermédiaire
La conclusion peut être fausse, même si le raisonnement est correct,lorsque l’une des phrases du raisonnement est fausse.
50
Hiérarchiser des valeurs et des normes
–
Le professeur : « Est-ce que le raisonnement utilisé est correct ? » Pour vérifier qu’il est juste, le professeur écrit l’énoncé logique au tableau mais en remplaçant les données par des lettres. Si B est mieux que A et si C est mieux que B alors C est mieux que A. A = {les rollers} B = {rien} C = {le puzzle} Le professeur demande : « Qu’est-ce qui est faux alors ? ». « “Le puzzle, c’est mieux que rien”, est-ce exact ou faux ? »
–
Les enfants : « C’est exact donc “Rien n’est mieux que des rollers” est faux »
–
Le professeur : « Pourquoi ? Où se situe la partie qui nous induit en erreur ? ». Il essaye d’amener les enfants à prendre conscience que c’est à cause de la négation « n’ » qu’on est induit en erreur et que si on l’enlève, l’énoncé devient faux : « Si rien est mieux que des rollers… ». Sur leur feuille, les enfants doivent souligner en rouge la phrase qui est fausse et entourer la négation.
VA
N
IN
–
Phase pratique finale
Cette phase est la conclusion des trois séquences. Elle sert à vérifier si les enfants ont tout compris et s’ils ont intégré les trois règles de logique : • Toutes les phrases ne peuvent être inversées. • Une phrase qui commence par tous ou toutes est fausse si elle est contredite par au moins un élément. • Une conclusion peut être fausse même si le raisonnement est correct lorsque l’une des phrases de départ est fausse.
–
Cette phase permet également de montrer aux enfants que, grâce à la logique d’Aristote, on peut réfuter des conclusions hâtives que font certaines personnes, argumenter et exercer son esprit critique. Évaluation
Éd
iti
on
s
–
–
Le professeur amène les enfants à faire un rappel des trois règles de logique. Il demande aux enfants de relire attentivement leur cours à la maison.
–
Avant l’évaluation, le professeur demande aux enfants s’ils n’ont pas de questions à poser. Il y répond rapidement et demande aux enfants de faire un bref rappel oral. Il distribue ensuite le document no 5 et s’assure que les enfants comprennent le texte.
–
Lorsque l’évaluation commence, les enfants ne peuvent plus poser de questions (Proposition de répartition des points : chaque argumentation est sur 5 points ; 5 x 2 = 10).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
51
5 Bibliographie Matthew Lipman, La découverte d’Harry Stotélès (livret de l’asbl Ph.a.r.e.). Leçon de logique d’Anne Becco pour la première secondaire. 6 Références au programme L’enfant sera capable de faire preuve de dignité personnelle par le désir de se perfectionner : savoir exercer son esprit critique (éviter les conclusions hâtives) (pp. 48-51). 7 Prolongements
Éd
iti
on
s
VA
N
IN
Cette leçon sera rappelée tout au long de l’année (et éventuellement des suivantes) lors de toute discussion ou justification faisant usage de conclusions hâtives, soit parce qu’elles commencent par tous ou tout(es) et qu’un élément empirique peut invalider l’énoncé, soit parce qu’elles sont inférées à partir d’un énoncé général faux.
52
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Document n°4 Saint-Nicolas est-il toujours un saint ? Julien vient se plaindre au bureau de réclamation de Saint-Nicolas. Le Grand Saint l’accueille et le questionne pour découvrir ce qui l’amène :
IN
N
– – – – – –
Saint-Nicolas : Hé bien, mon ami, de quoi vous plaignez-vous ? Julien : Je suis mécontent de mon jouet. Saint-Nicolas : Qu’as-tu reçu ? Julien : Un simple puzzle. Saint-Nicolas : Ah… Et quel jouet aurais-tu souhaité recevoir ? Julien : Des rollers. Il n’y a rien de mieux que des rollers. Saint-Nicolas : Allons donc ! Tu seras sans doute d’accord pour dire qu’un puzzle c’est mieux que rien. Julien : Bien sûr ! Saint-Nicolas : Et tu viens de me dire que rien n’est mieux que des rollers. Julien : Oui. Saint-Nicolas : Donc, un puzzle c’est mieux que des rollers. Julien : Heu… Saint-Nicolas : Au suivant !
VA
– – – – – – –
Saint-Nicolas a-t-il RAISON ? Quel est son raisonnement ?
s
Julien dit que rien n’est mieux que des rollers et qu’un puzzle, c’est mieux que rien. Et Saint-Nicolas conclut qu’un puzzle, c’est mieux que des rollers.
on
Forme logique du raisonnement
Si rien n’est mieux que des rollers et si un puzzle, c’est mieux que rien alors un puzzle, c’est mieux que des rollers.
iti
Conclusion intermédiaire : La première phrase est fausse. La négation « n’ » nous induit en erreur.
Éd
Rappel des trois règles de logique vues en classe • Certaines phrases ne peuvent être inversées. • Une phrase qui commence par tous ou toutes est fausse si elle est contredite par au moins un élément. • La conclusion peut être fausse, même si le raisonnement est juste, lorsque l’une des phrases du raisonnement est fausse. Conclusion générale à la logique d’Aristote La logique d’Aristote est un outil pour penser. Elle est utile car elle nous permet de réfuter de faux arguments énoncés par des personnes qui ont un jugement hâtif et qui tiennent des propos racistes et contraires aux Droits de l’Homme.
Chapitre 3 • Penser par soi-même
53
Document n°5 Évaluation Es-tu d’accord avec les deux situations suivantes ? Justifie tes choix (explique) :
IN
1) Lors des manifestations de lycéens en France, des jeunes “casseurs” ont été arrêtés. Ils sont d’origine algérienne. Un policier conclut : « Tous les casseurs sont des Algériens, donc tous les Algériens sont des casseurs ! Il faudrait tous les arrêter… »
N
...........................................................................................................................
VA
........................................................................................................................... ........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
on
s
2) En Espagne, au XVe siècle (= 15e siècle), la reine Isabelle de Castille a forcé des musulmans à se convertir au catholicisme. Quelques années plus tard, elle veut s’assurer que les musulmans se sont réellement convertis et qu’ils ne font pas juste semblant d’être catholiques. Ceux qui seront accusés d’être de faux convertis seront tués.
Éd
iti
Une servante vient se présenter devant l’Inquisiteur (= le juge) pour dénoncer son maître, un ancien musulman converti : « J’ai remarqué que mon maître ne mange jamais de porc », dit-elle. L’Inquisiteur conclut : « Si tous ceux qui ne mangent pas de porc sont des musulmans et si ton maître ne mange pas de porc alors ton maître est un musulman. Qu’on le tue ! », acheva-t-il. Et c’est ce que firent les soldats de l’Inquisiteur… ........................................................................................................................... ........................................................................................................................... ........................................................................................................................... ...........................................................................................................................
54
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Leçon no 4 Seul et tous Valérie PUTTAERT 1 Classe : 3e année primaire (8-9 ans).
VA
N
3 Projet de conclusion de la phase formative au cahier Si j’utilise dans une phrase : – Seul(es) – Tous (toutes) – N’importe quel(les) – Aucun(e)
IN
2 Objectif moral (problématique morale) Éviter les conclusions hâtives en faisant prendre conscience aux enfants qu’un énoncé commençant par Seul(es) est faux s’il peut être invalidé par au moins un élément empirique.
je vérifie qu’aucun élément ne peut contredire mon énoncé. 4 Démarche didactique pour atteindre l’objectif moral
4.1 Phase libératrice (ou poser le problème)
Éd
iti
on
s
Les enfants s’assoient sur les chaises disposées en demi-cercle (ou au coin tapis). L’I. lit un extrait du roman de Matthew Lipman, Kio et Augustine (cf. Document no 1). Ils écoutent attentivement. L’I. vérifie la compréhension de l’histoire par les enfants à l’aide de questions sur son contenu : – Qui est Augustine ? – Qui est Kio ? – Qui est Roger ? – Comment est le papa d’Augustine ? – Qui Augustine imite-t-elle ? – De quoi Kio et Augustine parlent-ils ? – … Rem. : Si des hésitations se présentent, I relit le récit. 4.3 Phase formative
L’I. pose la question : “ Selon Augustine, quels sont les seuls êtres à pouvoir être fiers ?” (R : ceux qui ont une queue). I note au TN : “Seuls les êtres qui ont une queue peuvent être fiers.” Les enfants lisent la phrase. L’I. demande leur avis en posant la question : “Est-ce que ce qu’Augustine dit est vrai ?”. Ils justifient leur réponse en donnant au moins un élément qui invalide cet énoncé (ex. : non, les hommes aussi peuvent être fiers parce que…).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
55
Document n°1 Kio et Augustine
N
IN
« – Kio, où est Roger ? me demande Augustine. Roger, c’est mon chat. – Je ne sais pas, dis-je. Il est probablement caché quelque part. – Pourquoi se cache-t-il ? A-t-il mal agi ? Non. Il joue, c’est tout. Il joue tout seul, comme ça. Augustine est ma voisine. En vérité, elle s’appelle Antoinette. Elle déteste ce prénom. Sa mère l’appelle Tinette. Ce nom-là non plus, elle ne l’aime pas. Son père l’appelle Augustine, et c’est ce nom-là qu’elle préfère. Son père est vraiment grand, bien plus grand que mon père. Quand il rentre, le soir, Augustine lève son visage vers lui et dit : – Allô ! Papa ! Puis de haut, de très haut, il la regarde et dit, de sa grosse voix : – “Soir”, Augustine !
Éd
iti
on
s
VA
Augustine se roule sur le plancher et fait mine d’aiguiser ses griffes sur le tapis. – Mrrourr ! grogne-t-elle. Je suis Roger. – Roger, où étais-tu ? – Mrrourr, dit Augustine. J’étais sous le divan. – Tu as vraiment l’air d’un drôle d’animal. Regarde ce visage plein de poils… et quand tu marches, ta queue se tient droit en l’air. Puis tu marches des quatre pattes à la fois. Tu as l’air tellement drôle, Roger ! – C’est plutôt toi qui es bizarre. Tu as le visage plein de peau… Y a-t-il quelque chose de plus drôle que ça ? Et tu n’as pas de queue. Comment peux-tu vivre sans queue ? Seuls les êtres qui ont une queue peuvent être fiers. De quoi peux-tu être fier, toi ? – De beaucoup de choses, dis-je. Regarde comme je me tiens droit. Il te faut quatre pattes pour marcher, tandis qu’à moi, deux seules suffisent. – Et alors ! Tu n’as que deux jambes ! dit Augustine. – Tu dis que seuls les êtres qui ont une queue peuvent être fiers, mais c’est faux. On n’a pas besoin d’avoir une queue pour être fier. Les gens peuvent être tout aussi fiers que les chats. Cependant Augustine insiste : – Les paons ont une queue et ils sont fiers. Les chats ont une queue et ils sont fiers. Tu n’es ni un paon ni un chat. Et tu n’as pas de queue. Tu ne peux donc pas être fier. Mrrourr ! » Extrait de Matthew Lipman, Kio et Augustine (cahier préparé par l’asbl Ph.A.R.E.).
56
Hiérarchiser des valeurs et des normes
L’I. soumet d’autres énoncés aux enfants – cette fois, à caractère moral – et leur demande si oui ou non ceux-ci sont vrais. Ils discutent entre eux afin de trouver au moins un élément qui les invalide. Des minidébats peuvent avoir lieu pour chacun des énoncés à condition qu’ils ne prennent pas trop de temps. Énoncés moraux proposés : “Seuls les Belges sont honnêtes”. “Seules les filles peuvent pleurer”. “Seules les industries polluent”.
4.4 Phase d’intégration
IN
L’I. essaie d’arriver à une conclusion avec les enfants en leur demandant : “Lorsqu’une phrase commence par seul(es) est-elle toujours vraie ? À quoi doit-on faire attention ?” (aux éléments qui l’invalident).
N
L’I. distribue un questionnaire présentant 10 énoncés commençant par seul(es), tou(te) s, n’importe quel(les) ou aucun(e) (voir Document no 2).
VA
Les enfants lisent ces énoncés oralement, ensuite ils répondent silencieusement, sur leur feuille, par vrai ou faux. Si la réponse est fausse, il recherche une justification “dans leur tête” afin de pouvoir l’expliquer plus tard, oralement, aux autres. NB : L’I. vérifie que les enfants maîtrisent la technique d’un tableau à double entrée.
on
s
Mise en commun et justifications orales afin de vérifier si la règle logique proposée dans la première partie est intégrée. Nous remarquerons que cette règle est également applicable pour les énoncés commençant par tou(te)s, n’importe quel(les) ou aucun(e).
5 Bibliographie Matthew Lipman, Kio et Augustine, asbl Ph.a.r.e.
iti
6 Références au programme L’enfant saura faire preuve de dignité personnelle par le désir de se perfectionner. Savoir exercer son esprit critique (p. 50-51).
Éd
7 Prolongements éventuels de la leçon Cette séquence didactique sera rappelée tout au long de l’année lors d’échanges de justifications faisant usage de conclusions hâtives qui prendraient la forme d’énoncés commençant par seul(e)s, tou(te)s, aucun(e), n’importe quel(les), et qu’un élément empirique pourrait invalider. Les affirmations d’Augustine dans le document no 1, qui portent sur le concept de fierté, serviront de point d’appui à une leçon visant à développer l’autonomie affective des enfants (voir plus loin, dans le chapitre 6, la leçon no 16, Je suis fier(e) de…).
Chapitre 3 • Penser par soi-même
57
Document n°2 Réponds par vrai ou faux en entourant la bonne réponse en couleur : Vrai
Faux
– N’importe quelle cerise est rouge
Vrai
Faux
– Aucun insecte ne vole
Vrai
Faux
– Seule la Belgique est un beau pays
Vrai
Faux
– Tous les hommes ont un métier
Vrai
Faux
Vrai
Faux
Vrai
Faux
Vrai
Faux
Vrai
Faux
Vrai
Faux
– Toutes les fleurs ont des pétales – Tous les jours, il pleut – Seuls les hommes ont des jambes
Éd
iti
on
s
VA
– Seuls les enfants polluent
N
– N’importe quel chien aboie
IN
– Tous les enfants vont à l’école
58
Hiérarchiser des valeurs et des normes
on
iti
Éd s VA N
IN
IN
Table des matières
5
AVANT-PROPOS ...............................................................................................
7
Éducation à la moralité ..........................................................................
9
N
NOTE INTRODUCTIVE À LA PRÉSENTE ÉDITION ...........................................
VA
Structuration de l’ouvrage ......................................................................
Cadre théorique
13
Famille et système éducatif..............................................................
14
2
Transmission du savoir et transmission des valeurs ..........................
17
3
Quelles valeurs transmettre ? ...........................................................
20 24
s
1
on
1 ÉDUCATION SCOLAIRE À LA MORALITÉ............................................
9
En guise de conclusion....................................................................
iti
Cadre méthodologique
25
Éd
2 DÉMARCHE D’UNE LEÇON-TYPE ........................................................
Première partie
Autonomie
A
Autonomie intellectuelle 3 PENSER PAR SOI-MÊME .......................................................................
31
213
Leçon n° 1 Je vérifie, Julie CAUËT....................................................................
35
o
39
Leçon no 3 La Logique d’Aristote, Alexandra BIHAY .........................................
42
Leçon no 4 Seul et tous, Valérie PUTTAERT.......................................................
55
IN
B
Leçon n 2 Souvent je peux remplacer OU par ET, François DENOLIN .............
Autonomie morale
4 VALEURS, PRÉFÉRENCES ET JUGEMENT ÉVALUATIF ..........................
59
Qu’est-ce qu’une valeur ?................................................................
2
Le jugement évaluatif ......................................................................
66
3
La didactique des concepts .............................................................
67
4
Présentation des leçons à propos des valeurs ..................................
VA
N
1
o
60
72
Leçon n 5 Préférer, Ann HOOGVELTS .............................................................
74
Leçon no 6 Mes valeurs, Karin MOLTER............................................................
79
o
on
s
Leçon n 7 Choisir seul ?, Nicolas DE GEYNDT ................................................ Leçon no 8 La beauté des choses, Valérie PUTTAERT ........................................
86 88
o
iti
Leçon n 9 Quelle valeur donner à la vérité ?, Alexandra BIHAY ......................
Éd
5 NORMES, DEVOIRS ET JUGEMENT NORMATIF..................................
214
91 95
1
Valeurs et normes ...........................................................................
95
2
Le sens déontologique des normes ..................................................
96
3
Validité discursive des normes ........................................................
98
4
Didactique des normes ...................................................................
100
5
Jugement normatif ...........................................................................
102
6
Présentation des leçons ...................................................................
105
Leçon no 10 Éviter les objets dangereux, Valérie PUTTAERT ...............................
106
Hiérarchiser des valeurs et des normes
Leçon no 11 Se méfier des inconnus ?, Caroline LHOIR ......................................
113
o
Leçon no 13 Reconnaitre une erreur ?, Valérie PUTTAERT...................................
119
Leçon no 14 J’aide mon ami(e), Maud DELEPIÈRE ...............................................
123
IN
116
Autonomie affective
6 SE LIBÉRER, SE MAITRISER ...................................................................
125
Leçon no 15 Je préfère les caresses, Annick PERONA ..........................................
128
N
C
Leçon n 12 Dois-je dire la vérité ?, Alexandra BIHAY ........................................
o
131
Leçon no 17 Désirs et besoins, Karin MOLTER ....................................................
133
Leçon no 18 Et toi, de quoi as-tu peur ?, Ann HOOGVELTS ................................
138
VA
Leçon n 16 Je suis fier(e) de…, Valérie PUTTAERT… .........................................
o
on
s
Leçon n 19 Ma peur se transforme parfois en agressivité, Ann HOOGVELTS .......................................................................... Leçon no 20 Mes peurs, Alexandra BIHAY ..........................................................
140 143
o
148
iti
Leçon n 21 La mort et puis ?, Alexandra BIHAY.................................................
Éd
Deuxième partie
Coopération
7 COOPÉRATION SOCIALE ....................................................................
155
Présentation des leçons .........................................................................
156
o
Leçon n 22 La pensée et mes pensées, François DENOLIN ................................
157
Leçon no 23 Comprendre et interpréter un récit, Karin MOLTER .........................
160
Table des matières
215
Leçon no 24 La coopération dans la classe, Alexandra BIHAY.............................
162
o
Leçon n 25 Vers le monde extérieur : la solidarité, Alexandra BIHAY ................
165
Troisième partie
Participation 173
IN
8 PARTICIPATION PUBLIQUE ................................................................
Démocratie représentative et participative.......................................
174
2
Présentation des leçons ...................................................................
177
Leçon no 26 Dotons-nous d’un règlement, Valérie PUTTAERT ............................
179
N
1
o
VA
Leçon n 27 Aide aux enfants obligés de travailler, Ann HOOGVELTS ................
182
Leçon no 28 Les droits des enfants, Ann HOOGVELTS ........................................
185
Leçon no 29 Combattre la censure ?, Karin MOLTER ...........................................
186
o
189
Leçon no 31 Vivre nos préjugés, Virginie VAN GEND .........................................
193
on
s
Leçon n 30 Similitudes et différences, Virginie VAN GEND ...............................
o
iti
Leçon n 32 Refuser les discriminations ?, Virginie VAN GEND ..........................
198
DOCUMENTS CITÉS ET UTILISÉS
Éd
Aspects théoriques .......................................................................... Aspects pédagogiques .....................................................................
216
205 208
Hiérarchiser des valeurs et des normes