Prévention du harcèlement et des violences scolaires - extrait

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Que faire ? Comment agir efficacement pour la prévenir ? Comment réagir ensemble pour contrôler le phénomène ? Qui sont les harceleurs ? Qui sont les harcelés ? Comment sortir du cycle de harcèlement ? Comment aider son enfant qui en est victime ? Comment l’enseignant peut-il intervenir au sein de sa classe lorsqu’il est confronté à ce type de phénomène ? Comment mettre en place un projet d’école efficace pour en formaliser la prévention et en maitriser les composantes ? C’est à ces questions essentielles que cet ouvrage propose de répondre en donnant aux enseignants comme aux parents des pistes concrètes.

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Ce livre permet ainsi notamment de détailler le programme méthodologique mis à la disposition de l’ensemble des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les outiller et leur permettre de faire face à cette douloureuse problématique.

PRÉVENTION DU HARCÈLEMENT ET DES VIOLENCES SCOLAIRES

Prévenir, agir, réagir…

ATERNELLE RIMAIRE

PRÉVENTION DU HARCÈLEMENT ET DES VIOLENCES SCOLAIRES

Brimades, rejet, ostracisme, moqueries, insultes, harcèlement, cyberharcèlement… Toutes ces formes de violence visibles ou invisibles, scolaires ou périscolaires, échappent, pour la plupart d’entre elles, au contrôle des enseignants et des éducateurs qui, dans l’état actuel du fonctionnement des écoles, ne disposent pas de moyens méthodologiques pour en repérer l’occurrence, en prévenir la manifestation et en contrôler les effets délétères.

famille s t n e r a p PRÉVENTION DU ET DES groHARCÈLEMENT u p e s VIOLENCES SCOLAIRES n o s i a m Prévenir, agir, réagir…

émotions émotion s sanction sanction ECONDAIRE

Bruno Humbeeck est psychopédagogue et Docteur en Sciences de l’Éducation. Chargé d’enseignement à l’Université de Mons et responsable du Centre de Ressource Éducative ducative pour l’Action Sociale (CREAS), il travaille sur des projets de recherche portant sur les relations école-famille et société au sein du Centre de Recherche en Inclusion Sociale (CeRIS). Expert de la résilience, il est l’auteur de publications sur l’estime de soi, la maltraitance, la toxicomanie et la prise en charge des personnes en rupture psychosociale. Willy Lahaye est philosophe et Docteur en Sciences Psychologiques et de l’Éducation. Il est professeur

à l’Université de Mons où il dirige le service des Sciences de la Famille et le Centre de Recherche en Inclusion Sociale (CeRIS). Ses travaux de recherche et publications sont orientés sur la coéducation, les relations école-famille, l’éducation familiale et les mécanismes de l’inclusion sociale et scolaire. C O É D U C AT I O N

Maxime Berger est l’illustrateur de cet

ouvrage. Concepteur graphique au sein du Service des Sciences de la Famille de l’UMons, il a, à ce titre, participé à l’élaboration du programme « Éduquons ensemble avec Polo le Lapin » et à la rechercheaction Prévention du harcèlement et des violences scolaires.

De Boeck ISBN 978-2-8041-9581-6 572959

vanin.be

C O É D U C AT I O N

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Bruno Humbeeck Willy Lahaye Maxime Berger



PRÉVENTION DU HARCÈLEMENT ET DES VIOLENCES SCOLAIRES


enseigner pour

ARCHAMBAULT J. et CHOUINARD R., Vers une gestion éducative de la classe. BOGAERT C. et DELMARLE S., Une autre gestion du temps scolaire. Pour un développement des compétences à l’école maternelle. COUPREMANNE M. (Sous la direction de), Les dynamiques des apprentissages. La continuité au cœur de nos pratiques. De 2 ans ½ à 14 ans DAUVIN M.-T., LAMBERT R., L’apprentissage en questions. S’interroger pour améliorer nos pratiques. DEGALLAIX E. et MEURICE B., Construire des apprentissages au quotidien. Du développement des compétences au projet d’établissement. DE LIÈVRE B. et STAES L., La psychomotricité au service de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte. Notions et applications pédagogiques. DRUART D., JANSSENS A. et WAELPUT M., Cultiver le goût et l’odorat. Prévenir l’obésité enfantine dès 2 ans ½. DRUART D. et WAUTERS A., Laisse-moi jouer… J’apprends ! DRUART D. et WAELPUT M., Coopérer pour prévenir la violence. Jeux et activités d’apprentissage pour les enfants de 2 ans ½ 12 ans. EVRARD T. et AMORY B., Réveille-moi les sciences. Apprendre les sciences de 2 ans ½ à 14 ans. EVRARD T. et AMORY B., Les modèles. Des incontournables pour enseigner les sciences ! Apprendre les sciences de 2 ans ½ à 18 ans. GIASSON J., La lecture. Apprentissage et difficultés. Adapté par G. VANDECASTEELE. GIASSON J., La lecture. De la théorie à la pratique. Adapté par T. ESCOYEZ. GIASSON J., Les textes littéraires à l’école. Adapté par T. ESCOYEZ. GIBUS, Chant’Idées. Écouter, comprendre, exploiter chansons et poèmes de 2 ans ½ à 12 ans. HARLEN W. et JELLY S., Vivre des expériences en sciences avec des élèves du primaire. HEUGHEBAERT S. et MARICQ M., Construire la non-violence. Les besoins fondamentaux de l’enfant de 2 ans ½ à 12 ans. HINDRYCKX G., LENOIR A.-S. et NYSSEN M. Cl., La production écrite en questions. Pistes de réflexion et d’action pour le cycle 5-8 ans. HOHMANN M., WEIKART D. P., BOURGON L. et PROULX M., Partager le plaisir d’apprendre. Guide d’intervention éducative au préscolaire. HUMBEECK B., LAHAYE W. et BERGER M., Prévention du harcèlement et des violences scolaires. Prévenir, agir, réagir… JAMAER Ch. et STORDEUR J., Oser l’apprentissage... à l’école ! LACOMBE J., Le développement de l’enfant de 0 à 7 ans. Approche théorique et activités corporelles. LEMOINE A. et SARTIAUX P., Jouer avec les mathématiques. Jeux et activités traditionnels de 2,5 à 8 ans MEURICE B., Accompagner les enseignants du maternel dans leurs missions. MOURAUX D., Entre rondes familles et École carrée… L’enfant devient élève. PIERRET P. et PIERRET-HANNECART M., Des pratiques pour l’école d’aujourd’hui. REY B., CARETTE V., DEFRANCE A. et KAHN S., Les compétences à l’école. Apprentissage et évaluation. STORDEUR J., Comprendre, apprendre, mémoriser. Les neurosciences au service de la pédagogie. STORDEUR J., Enseigner et/ou apprendre. Pour choisir nos pratiques. TIHON M., Jouer aves les sons. La métaphonologie pour entrer dans la lecture. TERWAGNE S., VANHULLE S. et LAFONTAINE A., Les cercles de lecture. Interagir pour développer ensemble des compétences de lecteurs. TERWAGNE S., VANESSE M., Le récit à l’école maternelle. Lire, jouer, raconter des histoires. WAELPUT M., Aimer lire dès la maternelle. Des situations de vie pour le développement des compétences en lecture de 2 ans ½ à 8 ans. WAUTERS-KRINGS F., (Psycho)motricité. Soutenir, prévenir et compenser.


enseigner pour

PRÉVENTION DU HARCÈLEMENT ET DES VIOLENCES SCOLAIRES Prévenir, agir, réagir… Bruno Humbeeck Willy Lahaye Maxime Berger


Le présent ouvrage suit la règle typographique qui impose l’accentuation des majuscules. Il tient compte également des simplifications orthographiques proposées par le Conseil Supérieur de la langue française et approuvés par l’Académie française en 1990.

Conception graphique de la couverture : Annick Deru

© Éditions VAN IN, Mont-Saint-Guibert – Wommelgem, 2016, De Boeck publié par VAN IN Tous droits réservés. En dehors des exceptions définies par la loi, cet ouvrage ne peut être reproduit, enregistré dans un fichier informatisé ou rendu public, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, sans l’autorisation écrite de l’éditeur. 1re édition – 2e réimpression 2017 ISBN 978-2-8041-9581-6 D/2016/0074/107 ISSN 1373-0169 Art. 572959/03


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Avant-propos

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Les violences visibles et invisibles liées au phénomène de harcèlement concernent un enfant sur trois à l’école. Elles ont non seulement un impact direct sur le climat de la classe et de l’école, mais elles exercent également leurs nuisances sur le bienêtre et le développement de l’enfant avec des conséquences parfois dramatiques, tout en bouleversant l’équilibre des relations entre l’école et la famille. C’est donc toute l’écologie de l’éducation qui se trouve mise à mal par les mécanismes du harcèlement scolaire.

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En vue de restaurer les alliances éducatives entre les multiples partenaires de l’éducation, le Service des Sciences de la Famille1 de l’Université de Mons (Belgique) qui rassemble nos travaux a mis en œuvre de nombreuses initiatives dans une perspective de coéducation. Cette notion mobilise les pratiques qui se manifestent dans les institutions d’éducation et de développement dans une visée inclusive. L’inclusion sociale n’est pas simplement le versant opposé à la discrimination ou l’exclusion sociale. Elle favorise largement la participation de tous les membres d’une société tout en tenant compte de leur épanouissement individuel et identitaire. Telle est la gageüre des pratiques coéducatives.

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Dans l’univers des relations entre l’école et la famille, la coéducation visera notamment à renforcer les synergies entre ces deux pôles dans l’intérêt de l’enfant, tout en délimitant et en respectant scrupuleusement les rôles et les territoires de l’une et de l’autre. Au-­delà des discours et des concepts, la co­éducation se traduit bien en pratiques et en processus opératoires qui favorisent l’inclusion de tous les acteurs de l’éducation. Il ne s’agit pas de recettes ou de méthodo­ logies d’application nouvelles, mais bien plutôt d’un cadre pédagogique dans lequel les pratiques les plus anciennes et habituelles sont repensées en tenant compte de leur objectif inclusif : relire l’ancien pour en faire du neuf.

Voilà sans doute le secret le plus efficient de la coéducation. Repenser les pratiques anciennes qui ont engendré les mécanismes de l’individualisme à tout crin contre les synergies du groupe, de l’épanouissement de soi par l’éviction des autres et de l’autorité d’un groupe par l’humiliation de ceux que l’on désigne comme différents. Reprendre ces mêmes pratiques mais en 1 Les travaux de recherche et supports documentaires produits par le Service des Sciences de la Famille sont accessibles à l’adresse suivante : www.sciencesdelafamille.be

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les revisitant pour en faire des processus d’inclusion favorable au mieux vivre ensemble. C’est sans doute aussi cette originalité des pratiques de la coéducation qui ont amené le Ministère de l’Enseignement de la Fédération Wallonie-­ Bruxelles à opter pour ce principe dans un projet de prévention et de prise en charge du harcèlement et du cyberharcèlement depuis septembre 2015.

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Concrètement, le présent ouvrage vise d’abord à repenser les phénomènes de harcèlement scolaire pour mieux en comprendre les mécanismes. Il permet ensuite de parcourir les pratiques de territoire (cour de récréation, couloir…), les modalités de régulation par les règles, les normes et les lois, mais aussi les pratiques de classe et d’école, tout en tenant compte de l’ensemble de la communauté éducative pour en redéfinir les contours et en préciser les applications dans une perspective inclusive. Il ne s’agit pas de conseils, d’avertissements avisés ou de bons principes éclairés. Il s’agit bien plus de pratiques éprouvées et toujours remises sur le métier par les acteurs du terrain de l’éducation et dont les modalités principales vous sont présentées.

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Nous vous en souhaitons une bonne découverte et une excellente mise à l’épreuve.

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Willy Lahaye et Bruno Humbeeck, Université de Mons.


ÉTAT DES LIEUX : VIOLENCE VISIBLE ET INVISIBLE EN MILIEU SCOLAIRE ET PÉRISCOLAIRE

Définition du harcèlement sous toutes ses formes

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État des lieux

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Brimades, rejets, menaces, moqueries, injures, coups, insultes, rumeurs, mises en quarantaine, rackets, humiliations, agressions… Tout est bon pour rabaisser l’autre, le forcer à se soumettre, l’expédier en périphérie du territoire des dominants, le déposséder de son statut. L’inventivité ne connait, dans ce registre, pas de limite. Chez l’être humain, les jeux de pouvoir intraspécifique prennent, dès son plus jeune âge, des formes variées, utilisant des stratégies multiples qui mêlent le symbolique (violence verbale, humiliation), l’agressivité physique (brutalité, violence directe) et les conduites stratégiques (rejets, manipulations). Très souvent, les différents registres s’enchevêtrent, rendant impossible toute catégorisation précise et dichotomique.

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Les notions de violence verbale, brutalités physiques et conduites d’exclusion constituent dans cet ordre d’idée des appellations génériques peu opératoires. En effet, d’une part, elles ne prennent pas en considération la manière dont se cumulent les différentes formes d’expression de la violence, d’autre part, elles ne rendent pas compte de la nécessaire inscription du phénomène dans un lieu et dans une temporalité. Nous parlerons, pour notre part, davantage de violence visible et invisible pour évoquer l’ensemble des conduites violentes susceptibles de se manifester en milieu scolaire et/ou périscolaire. La violence visible concerne de cette façon toutes les formes d’agressivité manifestes qui, en portant atteinte aux personnes ou à leurs biens, menacent leur sentiment de sécurité (coups, bagarres, insultes, vols, agressions physiques). La violence invisible désigne, par contre, toutes les formes d’agressivité implicite ou symbolique qui visent l’exclusion, l’ostracisme ou le rejet et menacent le sujet dans l’expression de ses besoins psychosociaux (bullying, mobbing, ­racket, harcèlement, cyberharcèlement).

Partie 1 • Comprendre 25


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La violence se produit en milieu scolaire lorsqu’elle se réalise sur le territoire même de l’école, c’est-­à-­dire dans l’espace qui est soumis à son contrôle. Ce dernier correspond généralement à celui qui est ou devrait être visé par le règlement d’ordre intérieur. La violence est dite « périscolaire » lorsqu’elle se manifeste dans des lieux qui échappent à la maitrise directe de l’école tout en demeurant dans sa zone d’influence indirecte (environnement immédiat de l’école, arrêt de bus, transport en commun, espace cybernétique). Nous verrons effectivement que, même si l’expression de cette violence a lieu dans un espace qui dépasse la zone d’application du Règlement d’Ordre Intérieur (ROI), l’école reste concernée par celle-­ci et doit se mettre en mesure d’en gérer les composantes dès lors que celles-­ci parasitent le climat de classe ou diminuent les possibilités d’apprentissage d’un ou de plusieurs élèves.

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Ces violences métabolisent des conduites agressives qui répartissent le territoire et contribuent à gérer les rapports de force dans les groupes. Elles apparaissent naturellement dans les espaces que les adultes ne parviennent pas à contrôler et au sein des groupes qu’ils ne maitrisent pas. Ces violences peuvent être aléatoires lorsqu’elles servent à un ou plusieurs élèves à affirmer leur domination sur un territoire donné (la cour de récréation, les toilettes ou les couloirs) ou ciblées quand elles portent sur des enfants que l’isolement rend plus fragiles, lorsqu’elles constituent pour un ou plusieurs élèves un support à l’affirmation d’une dominance au sein du groupe que constitue par exemple une classe.

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Nous ne réserverons, par ailleurs, le terme de « harcèlement » à ces comportements que dans la mesure où ils constituent l’indice de conduites sociales à la fois répétitives, nuisibles et intentionnelles qui mettent en scènes un rapport de force disproportionné et tendent à fixer celui-­ci dans le temps tout en induisant chez la victime un sentiment persistant d’impuissance.

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Parmi les différentes formes de harcèlement scolaire et périscolaire, nous distinguerons par ailleurs le bullying (Burk, 1897 ; Olweus, 1978), le mobbing (Heinenmann, 1969), l’intimidation et le racket qui sont des formes particulières d’affirmation d’un rapport dominant-­dominé. Le cyberharcèlement constitue par ailleurs pour ces différents phénomènes une véritable caisse de résonnance dont la forme virtuelle accroit considérablement la prégnance et renforce immédiatement la puissance.

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Le bullying définit un ensemble de petites attaques répétées et d’assauts incessants qui ont pour but de produire de l’agacement chez celui qui le subit tout en réduisant la tension de celui qui émet le comportement. La notion est dérivée du terme qui était utilisé pour désigner la tendance des petits veaux à taper convulsivement les flancs de leur voisin afin de diluer le stress qu’ils ressentent lorsqu’ils sont poussés en troupeau vers l’abattoir. Le bullying se présente donc comme une succession de petites agressions qui, prises isolément, ne signifient pas grand-­chose, mais dont l’accumulation et la répétition finissent par exaspérer celui qui en fait l’objet. Il devient une forme de harcèlement quand celui qui le subit ne se sent plus en position de faire

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cesser le comportement répétitif ou la conduite récursive. Le bullying peut prendre une forme physique (bousculades, pincements, etc.), verbale (surnoms, sobriquets, injures, moqueries répétées, etc.) ou sociale (ostracisme, intimidations, etc.). Souvent invisible aux yeux de l’adulte, le bullying est particulièrement stressant pour celui qui le subit. En outre, la tendance du harceleur à minimiser le comportement en le niant (« c’est pour rire ») ou en le morcelant (c’est-­à-­dire en transformant la conduite générale en comportement isolé) amène souvent l’adulte à sous-­estimer la portée des faits et à considérer comme exagérée la souffrance de celui qui en est victime.

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Par ailleurs, il ne faut évidemment pas perdre de vue que le harcèlement, envisagé comme conduite sociale, impose la présence de spectateurs qui, par leur seule présence d’observateurs, contribuent à installer le dominant initiateur des comportements et le dominé qui les subit dans une position figée. Celle-­ci rend impossible toute forme de rébellion du harcelé et provoque chez lui un sentiment d’humiliation qui renforce les effets négatifs de ce qui est vécu.

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Le bullying constitue une forme de violence à long terme de la part d’un individu ou d’un groupe d’individus à l’encontre d’une personne qui n’est pas en état de se défendre. Cette composante qui suppose un déséquilibre des forces est un ingrédient indispensable à la situation de bullying. Ainsi, lorsque deux enfants de force égale se disputent, se battent ou s’agacent, il ne peut être question de harcèlement ni même de bullying. Il est juste question de conflit. Et celui-­ci aura beau être agaçant, il pourra bien être récurrent, s’il ne traduit pas une répartition des forces (par le nombre ou la puissance) manifestement inégale, il ne sera question que de conflit, pas de harcèlement. Ici aussi, les critères de répétition, d’intention nuisible, de comportement social doivent s’associer au sentiment d’impuissance de la victime pour définir un contexte de harcèlement qui prend la forme du bullying. Thomas : un exemple de bullying

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Cela a commencé comme une simple plaisanterie, pour un motif anodin, sans raison réelle, juste pour rire, Thomas n’a rien vu venir. Il ne se souvient même pas du jour où tout cela a commencé. Y a-­t‑il d’ailleurs eu un jour précis, un moment où tout a basculé, un évènement qui aurait tout déclenché ? Non, probablement pas. Ou alors Thomas ne s’en rappelle pas. Tout ce qu’il sait, c’est que maintenant il vit un enfer permanent et qu’aller à l’école, pour lui, cela signifie essentiellement s’exposer sans fin à des bousculades sans frein et être livré sans merci à leurs moqueries infinies. Pas systématiquement brutales, ces bousculades prennent la forme de poussées sur l’épaule, de bourrades dans le dos ou de coups de pied dans le derrière. Elles humilient davantage qu’elles ne font mal chaque fois que Thomas, face aux rires qu’il provoque, ne peut opposer qu’un rougissement

Partie 1 • Comprendre 27


larmoyant et une tête basse. Il a bien essayé un jour d’en sourire et même d’en rire avec eux, mais cela a alors été pire et les coups ont gagné en intensité accompagnés d’un « ça te fait rire en plus ? » de plus en plus agressif auquel Thomas ne savait évidemment pas quoi répondre. Les blagues non plus n’étaient pas nécessairement méchantes, pas toujours blessantes, mais leur tendance à se répéter de façon continue, permanente et récurrente, ne laissait jamais ou trop rarement Thomas en paix.

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Le mobbing fait quant à lui référence à la tendance, fréquemment observée dans les espèces sociales, des membres les plus forts du groupe à agresser de manière continue ou à rudoyer de manière répétée les sujets plus faibles ou malades au sein même de leur clan. Le mobbing suppose une stratégie qui, dans un premier temps, isole celui qui en sera victime. Signalons à cet endroit que la solitude d’un enfant constitue un signe d’alerte qui doit toujours être pris au sérieux, car l’isolement de la victime est un préalable qui se vérifie toujours, dans toutes les formes de violence scolaire. C’est évidemment, particulièrement le cas lorsqu’il est question de mobbing. Plus incendiaire que le bullying, plus brutal dans sa forme, le mobbing vise davantage que l’agacement et la prise de pouvoir sur la victime, il cherche la mise à l’écart et l’expulsion du groupe de la victime. Cette dernière, dans un contexte de mobbing, n’est d’ailleurs pas choisie au hasard (comme cela peut être le cas dans les autres formes de harcèlement), mais ne devient victime qu’en raison d’une faiblesse ou d’une différence visible (obésité, bégaiement, difficultés d’apprentissage) ou encore parce qu’elle ne présente pas le même tempo que les autres sur le plan du développement psycho-­affectif (Catheline, 2008). Ainsi envisagé, le mobbing, plus brutal, moins aléatoire, constitue une forme de harcèlement dont la composante visible est plus systématique. Maintenu dans le temps aussi longtemps que dure la vie du groupe, il impose de la part de l’agresseur une intention plus consciente de faire mal et suppose également que l’attitude s’inscrive dans des cercles vicieux qui renforcent le sentiment d’impuissance de celui qui en est victime. Sophie : un exemple de mobbing

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Le jour où cela a commencé, Sophie s’en souvient très bien. C’était le 4 octobre. Il pleuvait. Sophie s’était abritée sous le préau quand elles sont arrivées à quatre. « Ta place à toi, c’est sous la pluie. N’importe où, mais loin de nous. » Elles riaient. Sophie, tête baissée, s’éloigna. Pas assez à leur gout. Elles s’avancèrent. « Dégage. Tu nous pompes l’air ! » Hurlèrent-­elles. Et Sophie s’éloigna sous la pluie comme elles l’avaient exigé. « Comme ça tu pueras moins. Ça va te laver. »

Cette scène brutale, Sophie la redoutait en réalité depuis le début de l’année. Elle avait bien perçu qu’aucun dans la classe ne s’approchait d’elle pour parler ou jouer. Sans doute la trouvait-­on un peu « bizarre » avec sa scoliose

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qui lui déformait le dos et la cyphose qui achevait de la tordre. Et puis sa voix, presque éteinte parce qu’elle avait peur de s’exprimer. Tout de suite, dès la rentrée, elle s’était sentie isolée. Personne ne voulait, ne souhaitait l’approcher. Mais après le 4 octobre, c’est devenu pire : plus personne n’a osé l’approcher. Elle était déclarée infréquentable. Et les agressions depuis, n’ont pas cessé. Toujours elle devait dégager, se taire, disparaitre, réduire son territoire à une portion congrue et surtout résister aux moqueries qui se sont généralisées et aux coups qui se sont de moins en moins retenus. Et c’est comme cela que Sophie a appris à se détester au moins autant qu’ils semblaient la mépriser. À la longue, elle finissait par leur donner raison et trouver qu’ils n’avaient pas tort de se moquer d’elle. Ils avaient gagné : elle était à partir de ce moment devenue infréquentable à ses propres yeux.

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L’intimidation est un terme qui est souvent, notamment dans la littérature québécoise, assimilé à celui de bullying. Nous l’envisageons cependant ici en tenant compte du fait que l’intimidation doit être entendue comme un comportement ou une attitude intentionnel(s) visant à causer la peur d’être blessé chez un individu qui se sent subjectivement ou objectivement menacé dans son intégrité. De cette manière, l’intimidation n’implique pas le passage à l’acte mais se nourrit de la menace d’un dommage anticipé. C’est ce qui la rend encore moins visible que le bullying ou le mobbing. En outre, en utilisant comme socle la peur de celui qui est mis en position de « dominé », elle fait de la subjectivité de la victime la composante principale de la situation problématique et rend ainsi difficile l’identification précise d’une cause extérieure à lui. Noam : un exemple d’intimidation

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Noam n’est pas bien grand. Pour ses douze ans, il est même plutôt chétif et a tendance, quand il a peur, à ne pas pouvoir le cacher. Sa mâchoire inférieure se met à trembler et il commence à bégayer. Au début, les autres s’en sont amusés. Un peu. Juste un peu. Et puis, certains ont perçu tout le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer. « Noam, va me chercher mes affaires ! Et vite, je n’ai pas que ça à faire ! », « Noam, file-­moi tes bonbons, sinon c’est toi qui vas déguster ! », « Noam, file-­nous vingt balles ou bien on t’empale. » Noam n’a jamais su si ces menaces étaient fondées. Aucun passage à l’acte n’est jamais venu les confirmer. Quand Noam s’est jeté du pont d’une autoroute pour que tout cela s’arrête, les auteurs des menaces, tétanisés par ce qui venait de se produire jurèrent les grands dieux – et il n’y a aucune raison de ne pas les croire – qu’ils ne lui avaient rien fait. C’était pour eux juste un jeu, un jeu qui leur permettait à moindre frais, simplement en menaçant, de paraitre dominants. Mais un jeu peut, dès lors qu’il induit de la souffrance ou du désespoir, provoquer un désastre. C’est en cela que l’intimidation constitue sans doute l’une des formes les plus perverses de harcèlement.

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Le racket désigne plus précisément une stratégie acquisitive violente visant, en affirmant à partir d’agressions répétées et/ou de menaces continues une position de dominance, à contraindre le sujet dominé à se déposséder de ce qui lui appartient ou à l’obliger à payer un tribut en échange de sa sécurité. Ici aussi, le racket traduit essentiellement un rapport de domination maintenu dans le temps. Il impose en outre des signes ostensibles de soumission de la part de la victime qui en vient ne plus concevoir d’autre solution que celle de donner à celui qui la domine tout ce que celui-­ci réclame au seul bénéfice de diminuer l’état de terreur dans lequel ce dernier la tient. Les stratégies de racket sont parfois très insidieuses et échappent notamment à la vigilance de l’adulte quand le harceleur-­racketteur adopte par rapport à celui qu’il dépouille un comportement ou une attitude apparemment protectrice. Thibault : un exemple de « racket doux »

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Thibault a six ans. Il vient d’entrer à l’école primaire et la cour de récréation, peuplée de grands, lui fait un peu peur. Aujourd’hui il est un peu triste. À cette récréation comme à toutes les autres, il a dû offrir son bonbon à Corentin. Corentin est venu, comme chaque fois à dix heures, le solliciter en échange de la protection qu’il lui donne pour empêcher qui que ce soit de l’embêter, de l’approcher ou de le contrarier. Au moindre signe de Thibault, au plus petit indice d’inconfort, Corentin intervient. Pour un peu, il se ferait vassal et donnerait à Thibault l’impression d’être un suzerain. D’ailleurs, Thibault aime bien son protecteur et il a même parfois l’impression d’être un peu son copain. Mais Thibault aime aussi les bonbons et surtout ceux que sa maman lui donne chaque matin. Et comment lui dire à sa maman que le bonbon, il file systématiquement dans l’estomac de Corentin ? Le conflit de loyauté auquel Thibault est confronté chaque matin pourrait paraitre anodin aux yeux d’un adulte. Pourtant, il ronge véritablement Thibault au jour le jour. C’est comme cela que se compose la vision du monde d’un enfant. Et c’est comme cela que, comme le diable qui aime se cacher dans les détails, le harcèlement trouve parfois à se nicher dans tout ce qui parait, à première vue, insignifiant.

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Table des matières

AVANT-PROPOS................................................................................................

COMPRENDRE

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2. Histoires naturelles : fondements éthologiques de la violence enfantine.....

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3. État des lieux : violence visible et invisible en milieu scolaire et périscolaire......................................................................................... a. Définition du harcèlement sous toutes ses formes.......................... Prévalence du phénomène de harcèlement................................... b. Conséquences du harcèlement et du cyberharcèlement................ c.

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1. Deux romans édifiants pour comprendre la violence entre enfants......... a. Pourquoi des romans ?.................................................................. b. « Sa majesté des mouches » : la violence comme un jeu d’enfants.... c. « La guerre des boutons » : le plaisir ludique des guerres enfantines...................................................................................... d. De la violence enfantine romancée à la description du harcèlement postmoderne............................... e. Changement de paradigme dans l’éducation familiale et scolaire.....

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PRÉVENIR, AGIR ET RÉAGIR 45

2. Le ROI comme outil de prévention et d’intervention...............................

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3. L’école comme territoire à contrôler : la régulation des espaces.............. a. Cours de récréation, couloir et toilettes : des espaces de « vacance de pouvoir ».................................................................................. b. Objectifs généraux et opératoires du dispositif de prévention........ c. La régulation des cours de récréation............................................

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4. La classe comme groupe à maitriser : les espaces de parole régulés........ a. L’espace de parole régulé : médiation des interactions violentes au sein du groupe......................................................................... b. Agir sur le climat de classe pour prévenir et intervenir...................

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5. L’école comme lieu de diffusion de la loi : les conseils de discipline.......

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1. Maitriser la violence : des règles, des normes et des lois.........................

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6. Projet d’école, coéducation, fonction inclusive de l’école et communauté éducative....................................................................... a. La coéducation comme principe organisateur des relations école-­famille............................................................. b. La communauté éducative comme principe pédagogique............. c. La fonction inclusive de l’école comme exigence sociale que l’école se donne à elle-­même.................................................

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BIBLIOGRAPHIE................................................................................................

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