1ères pages du livre Michel Fauqueux, bandit bien-aimé

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DIANE LENGLET


« Mon métier, c’est de me sauver ; le vôtre, c’est de me rattraper. Chacun son truc » Michel Fauqueux


e suis journaliste depuis vingt ans à La Voix du Nord. Je m’appelle Diane Lenglet. Il arrive souvent que les gens me demandent si Claude, Jean ou Jean-Claude font partie de ma famille. C’est normal : dans le Nord, il existe autant de Lenglet que tion. Mais non. Pas de Jean, de Claude ou de Jean-Claude à ma connaissance dans mon cercle familial, cercle par ailleurs très restreint. Le peu de famille du côté paternel, le peu qui me reste, habite au cœur du Cambrésis. Maurois, Bertry, Caudry. Là-bas, c’est la prime enfance de mon père. L’endroit où il est enterré. Maurois, Bertry, Caudry. Là-bas, c’est aussi mes débuts à La Voix du Nord, mon premier contrat de journaliste en « observation ». queux, l’une des affaires sur lesquelles j’ai enquêté et que j’ai choisi de vous raconter. Il faut peut-être que je vous explique pourquoi…


1969

Itinéraire du rapt


michel fauqueux thérèse


les dates clés


Chapitre 1

Avril 2008 « L’affaire Fauqueux ? Ton père en parlait sans arrêt ! Il aurait voulu écrire un livre dessus. » Cette voix, c’est celle de ma mère. Un cri du cœur qui part de la cuisine et qui m’arrive jusqu’au salon. Je viens de lui livrer le fruit de mes dernières recherches aux Archives départementales. En ce temps-là, je suis mariée, j’ai déjà mis au monde un premier enfant et j’ai été choisie avec un collègue pour écrire un hors-série consacré aux grandes affaires criminelles impressionnée d’avoir été retenue pour ce projet. Ma mère, qui nous reçoit à Saint-Quentin, a prévu, comme toujours, un menu de fête pour notre arrivée du week-end. Je suis fatiguée. Pendant une semaine, j’ai passé huit heures par jour aux archives pour feuilleter des centaines de journaux.


J’ai ouvert tant de boîtes que j’ai des courbatures yeux. J’ai le cou noué d’avoir gardé la tête penchée sur des articles du siècle dernier. Je n’ai pas eu beaucoup de temps alors j’ai appliqué la méthode de lecture cursive. J’ai une cinquantaine de mots en tête sur lesquels mon regard s’arrête quand ils apparaissent. mécanique, concentrée. « ». Ah non. « ». Ce n’est pas un fait-divers, c’est une publicité. Une réclame comme on disait. À force de lire sans lire, la tête tourne, l’hyper-vigilance enivre un peu. Je suis fatiguée mais je suis contente. J’ai déniché une vingtaine d’affaires criminelles qui me semblent intéressantes à raconter. Lundi, je dois les proposer à ma rédaction en chef et j’espère que plusieurs seront retenues. J’ai de tout. Du crime crapuleux, du hold-up, du guet-apens… Et puis, j’ai l’affaire Fauqueux. Quand j’ai lu Bertry sur cette page de vieux journal, j’ai tiqué parce que, Bertry, forcément, ça me parle. Jamais, pour autant, je n’aurais imaginé qu’en retenant cette affaire je marchais dans les pas de mon père. Ce n’est pas seulement le mot « Bertry » qui a attiré mon attention. Je crois que c’est avant tout une photo, celle de Michel Fauqueux prise lors de la reconstitution de son crime, qui a arrêté mon feuilletage compulsif. Petite moustache, les yeux perdus comme un lapin pris dans la lumière des phares, le visage de cet homme m’a happée. Tout comme le titre de l’article


qui jurait tellement avec ce qui se dégageait de cet homme, de la tristesse, une pointe de mélancolie. Michel Fauqueux, garagiste sans histoire, homme doux et aimant, était devenu un kidnappeur d’enfant. Un jour, après y avoir longtemps songé, il était allé enlever une l’avait obtenue après avoir mis au point un incroyable jeu de piste. L’homme ordinaire était sorti des rails pour devenir l’un des criminels les plus recherchés de France, le plus insaisissable aussi, semant pendant des mois une horde d’enquêteurs et de journalistes hyper remontés. Le garagiste était devenu, malgré tout, par la grâce d’un revirement que je ne m’expliquais pas encore, un « héros » pour pas mal de gens dans la région. Ce paradoxe m’avait frappée. « Ton père aurait voulu écrire un livre dessus. » Quand ma mère a lancé ça, comme ça, en mettant un plat dans le four, je suis restée comme interdite. Gigot viens parfaitement de sa phrase, de cette minute précise où cette affaire est devenue intime. Au cours du repas, Michel Fauqueux a alimenté toute notre conversation, comme elle avait monopolisé toute l’attention en 1969, la majorité des Une des journaux de l’époque, des magazines et l’ouverture des émissions de radio et de télévision. Comment voulez-vous que je me rappelle si c’était du gigot ou du poulet dans l’assiette… J’avais déniché une affaire superbe, je le sentais, je le savais. Pourtant, le lundi, alors que je devais présenter


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