Du champ à l'assiette

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MARDI

CAHIER SPÉCIAL

I

Les éleveurs surmontent la crise

Du

champ à l’assiette

21 AVRIL 2020

CHAQUE JOUR, VOUS NOURRISSEZ DES MILLIONS DE PERSONNES EN FRANCE ET DANS LE MONDE.

AGRICULTEURS. INDISPENSABLES AU MONDE.

#agrispensables

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CAHIER SPÉCIAL

En partenariat avec


MARDI

CAHIER SPÉCIAL

II

21 AVRIL 2020

ÉCONOMIE

“L’agriculture a besoin de bras”

MARNE ARDENNES Dans les champs, on manque de main-d’œuvre.

Une plateforme met en relation demandeurs et volontaires. ervé Lapie est président de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) Grand Est et membre du bureau de la FNSEA qui a mis en place une plateforme intitulée “Des bras pour ton assiette”, venant en aide aux agriculteurs manquant de maind’œuvre en raison du confinement.

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Quelle est la situation ? Actuellement, partout les agriculteurs sont au travail pour assurer l’autonomie alimentaire de nos concitoyens dans cette période un peu compliquée. Il faut tirer d’ailleurs un grand coup de chapeau aux salariés de la filière agro-alimentaire qui maintiennent les services et permettent de fournir l’alimentation à nos concitoyens. Il y a des filières agricoles qui sont en difficulté (lait, viande bovine notamment). On a perdu beaucoup de marchés (restauration...). À cela s’ajoutent donc des difficultés de main-d’œuvre saisonnière. Nous sommes en pleine période de

récolte notamment asperges et fraises pour notre région. En France, on avait déjà beaucoup de difficultés à recruter pour ces récoltes saisonnières et on faisait appel à des travailleurs étrangers. Mais les frontières sont maintenant fermées. Ça fait trois ans en fait que l’on réfléchit à recréer du lien, à redonner envie à nos concitoyens de travailler pour l’agriculture. C’est dans ce contexte que nous avons mis en place cette plateforme wizi farm, “Des bras pour ton assiette”, il y a un an et demi.

En quoi consiste cette plateforme ? Elle met en relation les agriculteurs qui ont besoin d’une main-d’œuvre importante pour les récoltes saisonnières et les personnes qui sont disponibles pour accomplir ces tâches. En pleine période de crise, la plateforme montre toute son utilité. On a beaucoup de nos concitoyens qui veulent aider les agriculteurs et proposent donc leurs services. Nous avons plus de 240 000 inscrits. Main-

tenant, le gros de notre travail est de mettre en relation les employeurs et les citoyens volontaires. On enchaîne les réunions téléphoniques pour cerner parfaitement les besoins. Il y a un panel d’emplois très large qui nécessite un peu de technicité parfois. L’exploitant agricole est aussi là pour donner les consignes et aussi pour faire respecter les règles sanitaires. On sait que dans le Grand Est, on va avoir besoin dans les cinq à dix ans qui viennent de 15 000 personnes. La crise Covid-19 amplifie simplement la pénurie de main-d’œuvre existante.

Quels sont les chiffres pour la Marne et les Ardennes ? Ces dernières semaines, les demandes ont été concentrées dans le Sud, le Gard notamment. Ce que je peux vous dire, c’est que dans la Marne, 2 488 candidatures sont enregistrées. Trente missions ont été réalisées et les mises en relation continuent. Propos recueillis par AURÉLIE BEAUSSART

« En pleine période de crise, la plateforme montre toute son utilité. On a beaucoup de nos concitoyens qui veulent aider les agriculteurs », assure Hervé Lapie. COMMENT ÇA MARCHE ? Cette plateforme permet de mettre en relation les agriculteurs avec des demandeurs d’emploi, des indépendants ou des salariés qui n’ont plus d’activité (chômage technique). Il est ainsi possible de cumuler les indemnités chômage et le salaire de ce travail agricole. Pour s’inscrire, il suffit de remplir un formulaire avec ses coordonnées, préciser ses disponibilités, sa mobilité, ses compétences. Vous recevrez directement des propositions par mail. Il est possible de consulter les offres sans créer de compte. Ainsi, dans les Ardennes, trois missions sont actuellement proposées et dans la Marne, 28 missions. https://desbraspourtonassiette.wizi.farm/mobilisons-nous

Trouvez facilement des produits locaux près de chez vous Plusieurs plateformes en ligne permettent de localiser les différents points de distribution des produits frais et de saison issus des fermes de la Marne et des Ardennes, notamment sur les sites des Chambres d’agriculture.

Vente à la ferme, magasins de producteurs, distributeurs automatiques, drives fermiers, livraison à domicile : tous ces circuits courts, mis en place avant la crise sanitaire, trouvent aujourd’hui toute leur pertinence. Les consommateurs peuvent s’y procurer des fruits, des légumes, des viandes, des laitages, des œufs ou du miel produits à proximité de chez eux, pour bénéficier de vraies saveurs et d’une qualité inégalable, tout en soutenant l’activité des exploitants locaux. Cette démarche citoyenne semble d’ailleurs correspondre à une demande forte, comme en témoigne Guillaume Noizet, gérant de « La cueillette barbyonne », qui produit notamment des légumes, des fruits rouges, des lentilles et des légumes secs : « la hausse de la demande pour les drives fermiers, de 70 à 300 demandes par semaine, nous permet quasiment de compenser la disparition des commandes des restaurants. Les sites de distribution, à Charleville-Mézières, Sedan et Vouziers regroupent une vingtaine de producteurs. Les commandes sont prises en compte jusque mardi, et les clients peuvent venir récupérer les produits le jeudi, dans le strict respect des normes en vigueur ». Restait une question essentielle en suspens : comment identifier les lieux permettant d’acheter ces produits du terroir ? La réponse est sur les sites internet des Chambres d’agriculture de la Marne et des

Ardennes, qui ont mis en ligne une carte interactive regroupant près de 200 points de vente, accessible gratuitement et régulièrement mise à jour. Autre plateforme, « jesuisouvert.fr », recensant les commerces, artisans et producteurs ouverts pendant le confinement, mise en place par les CCI, en partenariat avec les Chambres d’agriculture et les Chambres des métiers et de l’artisanat.

Où trouver les produits de vos producteurs locaux ?

Plus d’infos : marne.chambre-agriculture.fr - ardennes.chambre-agriculture.fr www.jesuisouvert.fr/51 et www.jesuisouvert.fr/08

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Chambres d’Agriculture Ardennes Marne

PUBLI-INFORMATION


MARDI 21 AVRIL 2020

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III

AGRICULTURE

Les producteurs d’asperges se concentrent sur la vente en direct MARNE/ARDENNES En raison de la crise et de son corollaire, le confinement, les producteurs ont préféré miser

sur la vente d’asperges sur leurs exploitations, quitte pour certains à réduire leur surface de récolte. À SAVOIR ● La récolte des asperges démarre la première ou la deuxième semaine d’avril et la saison dure généralement jusqu’au 15 juin. ● De la Marne au sud des Ardennes, les producteurs font face à l’absence des travailleurs étrangers et aux changements de consommation engendrés par la crise sanitaire. ● Le département de la Marne compte 140 hectares d’asperges pour une production de 600 à 700 tonnes par an. D’après la chambre d’agriculture, beaucoup de professionnels vont réduire leur production, « d’un quart à deux tiers selon la surface », faute de débouchés.

ercredi 15 avril, il est 8 heures du matin entre Saint-Germain-la-Ville et Vésigneul-sur-Marne, au sud de Châlons-en-Champagne, quand Daniel Chevalier descend de son tracteur. Si les rayons du soleil chauffent rapidement les bâches en plastique, le thermomètre, lui, n’affiche que deux petits degrés. Gouge en main, outil indispensable pour détacher la tige de la griffe, il s’apprête, avec son neveu et associé Étienne ainsi que son fils Romain, salarié, à récolter les asperges. Cette année, ils ont décidé de ne cueillir qu’un hectare sur les quatre qu’ils possèdent, soit l’équivalent de deux tonnes. « Il nous faut la clientèle en face », lance-t-il. En effet, devant cette incertitude majeure liée au confinement, ils ont préféré limiter les risques. Car ce n’est pas tant la cueillette qui pose problème que les débouchés commerciaux.

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Leur perte s’élevant à 30 000 euros, c’est donc un avantage de ne pas avoir les charges salariales en face à payer « Si les quatre Portugais qui viennent d’habitude sont restés chez eux, on a, en revanche, reçu de nombreux appels de saisonniers habituellement dans les stations de ski, pour venir travailler, explique Daniel Chevalier qui est dans l’asperge depuis 1982. Mais face au risque de propagation du virus, on a préféré rester en famille. » Leur perte s’élevant à 30 000 euros, c’est un avantage pour les deux associés de ne pas avoir de charges salariales à payer. Ils ont donc opté pour la vente

Daniel Chevalier produit des asperges depuis le début des années 1980. D’habitude, il récolte huit tonnes d’asperges entre le 15 avril et le 15 juin contre deux cette année. en direct sur leur exploitation, à Vésigneul. « Les gens passent commande au téléphone et on assure la distribution de 17 h 30 à 19 heures », poursuit Daniel Chevalier. Il a également négocié avec la Ferme du centre, à Châlons, pour que ses asperges trouvent place sur les étals du magasin des producteurs dès ce mercredi.

EXIT LA VENTE DES ASPERGES VIA LES MAGASINS INTERMARCHÉ DU NORD-EST DE LA FRANCE Claude Guichon, longtemps à la tête de L’EARL Par-Delà La Romaine, à Bussy-le-Repos, au nord-est de Vitry-le-François, avant de transmettre

le flambeau à son fils Jean-Christophe, a été confronté à la même problématique. « Produire pour jeter cela ne nous intéresse pas, donc on a visé la vente sur l’exploitation », soutient l’agriculteur. À l’image du groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) Chevalier, la surface de récolte a été réduite, passant de quatre à un hectare. D’habitude, les asperges des Guichon s’exportent dans le nord-est de la France via la base logistique de Luxémont-Villotte qui alimente 150 magasins Intermarché. « On a appelé les acheteurs qui étaient dans l’inca-

pacité de nous dire s’ils nous passeraient des commandes régulières, donc on a préféré ne pas s’engager. On a également regardé du côté du marché de Rungis mais les prix étaient peu élevés », relate Claude Guichon, chez qui le prix au kilo s’élève à 5,50 euros pour le plus petit calibre. Dans le doute, ils ont opté pour la vente à la ferme via « un drive ».« On cueille depuis une dizaine de jours et la demande est présente, assure-t-il. Nos clients réalisent des achats groupés pour leurs amis, voisins ou pour congeler de gros lots. Ils passent commande, viennent sur place, il n’y a pas

À PAUVRES ET POILCOURT-SYDNEY, DANS LES ARDENNES, TOUT VA BIEN « Pour nous, rien ne change », relève Lydia Duponcheel qui produit des asperges sur un hectare et demi à Pauvres, au sud du département des Ardennes. On dispose d’un distributeur situé sur la route entre Rethel et Vouziers dans lequel on vend nos légumes et fraises, les marchés sont maintenus et les gens peuvent venir jusque chez nous. » Elle alimente tout de même quelques restaurants donc elle reconnaît un petit manque à gagner de ce point de vue-là puisqu’ils sont fermés. À Poilcourt-Sydney, Édouard Van Sante cultive 1,30 hectare et

vend sa marchandise dans deux magasins. L’un à Poilcourt et l’autre à Rethel depuis le lundi 13 avril. « Notre première boutique fonctionne très bien, la clientèle est présente, d’où l’envie d’en ouvrir une autre. » La crise sanitaire n’aura pas retardé son projet. « Dès que les premiers rayons de soleil arrivent, les gens veulent de tout. Or c’est dur de contenter tout le monde », sourit l’agriculteur, dont les premières asperges ont été récoltées la semaine du 6 avril grâce à de la main-d’œuvre locale.

3,50 à 13,90 C’est en euros le prix du kilo d’asperges selon les calibres que l’on peut retrouver, soit via la vente directe sur les exploitations, soit sur les marchés ou dans les magasins d’échange de monnaie et les gestes barrière sont respectés. Cela se passe très bien. » Claude Guichon a bien envisagé de participer aux marchés de Vitry-leFrançois, avant d’abandonner l’idée. « C’est une bonne opportunité pour les maraîchers par exemple mais nous, on ne vend qu’un seul produit. » Pour pallier l’absence de son équipe de Polonais, il cueille avec son fils et un étudiant. Il estime à 60 000 euros la perte sur son chiffre d’affaires. Claude Guichon espère que le syndicalisme agricole, au niveau national, obtiendra des compensations pour cette profession qui, elle aussi, subit de plein fouet la crise.

ADRIANE CARROGER


MARDI

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IV

21 AVRIL 2020

ÉLEVAGE

L’agneau, la surprise de Pâques GRAND EST Éleveurs et bouchers soufflent

après avoir eu très peur face à la crise.

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vec le Covid-19, on peut dire sans mal que les acteurs de la filière ovine sont passés par toutes les émotions ces dernières semaines. De véritables montagnes russes ! L’espoir tout d’abord. Il y a plusieurs mois, quand les éleveurs voyaient cette période phare de l’année où l’agneau est roi arriver. Et pour cause, tous les feux étaient au vert et les conditions réunies pour cartonner : La Pâque juive, du 8 au 16 avril, la fête de Pâques catholique du dimanche 12 avril et le ramadan du 23 avril au 23 mai. Autant de fêtes religieuses où la viande ovine est particulièrement sollicitée et appréciée. .............................................................

“On voyait le temps passer et les carnets de commandes rester vides” Mais patatra, tout s’écroule quand le virus débarque dans les différents pays à travers le monde. La France est durement touchée et le confinement devient obligatoire. « Il y a eu des jours où le doute s’est installé chez nous, confirme Thierry Vroman, directeur de la coopérative des bergers Nord-Est. On voyait le temps passer et les carnets de com-

mandes rester vides. » Avec l’interdiction des regroupements, c’est également l’arrêt de mort du gigot. « Pour un, il peut y avoir dix à douze personnes dessus, ce qui est interdit en cette période où les repas de famille ne peuvent se tenir. Si quelqu’un était venu chercher un gigot, je l’aurais dénoncé », préfère plaisanter un boucher marnais. .............................................................

“Dans un premier temps, les gens ont fait du stock, des gros pleins pour voir venir. Cela, on s’y attendait un peu” Et après l’espoir et le doute, le soulagement. Car il est aisé de constater que les boucheries de quartier et d’hypermarché sont prises d’assaut et les files d’attentes se multiplient. « Dans un premier temps, les gens ont fait du stock, des gros pleins pour voir venir. Cela, on s’y attendait un peu », poursuit Thierry Vroman. Ce qui était moins attendu néanmoins, c’est que la tendance d’achat de viande reste aussi élevée. De nombreux facteurs expliquent cette tendance qui apaise éleveurs bouchers. « Il n’y a plus de cantine, plus de restaurant. Il faut bien manger, faire à bouffer aux gosses. Les gens

POURQUOI LES NÉO-ZÉLANDAIS DOMINENT LE MARCHÉ L’histoire prend sa source le 10 juillet 1985. Alors que le Rainbow Warrior, navire de l'ONG écologiste Greenpeace, était paré à appareiller pour l'atoll de Mururoa afin de protester contre les essais nucléaires français, le gouvernement, avec en tête le ministre de la Défense Charles Hernu, décide du dynamitage de ce bateau par les services secrets. Problème, Fernando Pereira, photographe de l'équipage de Greenpeace, meurt dans l’opération. Une crise éclate entre les deux pays. Outre les excuses, le gouvernement propose des facilités commerciales afin de faire venir facilement la viande ovine en France. « Les Néo-Zélandais font de la laine. Là, ils ont récupéré un marché plus qu’avantageux pour écouler leurs stocks et ainsi se payer une piscine ou leur voiture de sport », préfère plaisanter Virgil Noizet, éleveur à Aubérive.

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“Nous avons beaucoup de mal à cerner les comportements des clients. On ne fait aucun plan sur la comète” Thierry Vroman ont du temps donc ils se remettent à cuisiner », dévoile le directeur de la coopérative des bergers Nord-Est. Une tendance qui se confirme dans les différents commerces où les ventes de plats préparés dégringolent. Autre élément majeur aidant : le temps. Avec le soleil et les températures clémentes au rendezvous, les confinés ayant la chance d’avoir un extérieur en ont profité. Notamment pour ressortir les barbecues où les côtelettes et brochettes d’agneau ont ravi les papilles. « Les bouchers ont su s’adapter à la demande. Pas de grande tablée cette année, place aux grillades en famille. Dernièrement, tout le monde a vidé ses stocks et les surplus des bergeries ont pu être absorbés », glisse un éleveur ardennais. Enfin, autre fait déterminant et « positif » du confinement : les économies réalisées par les Français ces derniers temps. « C’est une réalité, les gens ne bougent presque plus et quand ils le font c’est dans le quartier. Donc il n’y a plus d’argent dépensé en essence. Pareil pour les sorties et la culture par exemple. Les gens ont du fric et quand ils peuvent dépenser, ils y vont. Actuellement, ils sont un peu moins regardants sur les prix. L’agneau y gagne », lâche un boucher marnais. Pour autant, les professionnels de l’interprofession ovine restent vi-

Malgré les incertitudes qui planent sur l’avenir, Virgil Noizet continue son travail dans ses exploitations. gilants. « Nous n’avons aucune projection sur les quinze prochains jours et notamment sur l’évolution du marché. Et les consommateurs sont comme nous : ils vivent au jour le jour. Nous avons beaucoup de mal à cerner leurs comportements. On ne fait aucun plan sur la comète », prévient Thierry Vroman. Il reste tout de même des perspectives encourageantes avec le déconfinement qui commence à être évoqué. « La restauration va devoir refaire le plein, nous allons être beaucoup sollicités »,

confirme un éleveur ardennais. « Une fois cette période finie, les gens vont vouloir sortir les tables et faire de grandes bouffes avec les copains. » Et faire travailler activement éleveurs et bouchers.

GAUTHIER HÉNON

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V

“LE PANIER MOYEN A AUGMENTÉ”

Dans ses bergeries, Virgil Noizet continue son travail exigeant auprès des bêtes qu’il bichonne. « C’est vrai que la période est bizarre. On regarde un peu ce qu’il se passe et on avance jour après jour. Au delà de deux semaines, nous avons très peu de visibilité », pointe l’éleveur marnais. À la Ferme du centre à Châlons-enChampagne et aux Sacrés Fermiers à Cernay-lès-Reims, les deux magasins de producteurs où il met en vente sa viande, les résultats sont plus que satisfaisants. « Le panier moyen a augmenté de quelques euros », glisse-t-il. Une fois le déconfinement engagé et la reprise économique amorcée, Virgil Noizet espère que les choses évolueront. « On espère vivement que les grandes surfaces vont se comporter différemment avec nous et que les choses se passent mieux dans les années à venir. »

LES AUTRES POINTS Quelques chiffres Selon une étude de l’interprofession ovine, il y a en France 5,5 millions d’ovins adultes, soit 5,4 millions de brebis (1,6 million de brebis et agnelles saillies laitières et 3,8 millions de brebis et agnelle saillie allaitantes) pour 166 500 béliers. Il y a 65 532 élevages détenteurs d’au moins un ovin dont 18 575 élevages détenteurs de plus de 50 brebis. Il y a en moyenne 79 brebis par exploitation.

Loin dans le classement La France est loin du podium puisque le marché mondial est largement dominé par la Chine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Turquie et le Royaume-Uni.

Appellation Afin de rassurer les consommateurs et assurer une traçabilité des produits, l’interprofession bétail et viande (Interbev) a lancé deux appellations en 1997: les signatures « Viande ovine française » (VOF) et « Viande d’agneau français » (VAF).

3 QUESTIONS À... LUDOVIC VACHET, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION DE LA BOUCHERIE

“On s’adapte à la météo” Comment cela se passe en boucherie avec l’agneau ?

À ne pas confondre Plutôt bien. Nous ne vendons pas ou peu de gigots vu les circonstances donc on transforme en demi-gigot, en côtelettes, en brochettes. L’idée, c’est de proposer des pièces au four mais aussi à griller.

Le temps jouerait un rôle dans vos commerces… Bien sûr. Les gens ont sorti leur barbecue car il fait beau et c’est bien normal de vouloir en profiter un peu en ces temps difficiles. On s’adapte à la météo.

Quels ont été les impacts dans votre boucherie ? On vend un peu moins que d’habitude mais ça reste plus que correct. La preuve, je pense encore embaucher pour soutenir mon équipe qui n’arrête pas. Mon site internet a explosé, passant de quelques commandes par mois à plus de 20 par jour. Ce n’est parfois plus gérable donc je demande aux gens de passer au magasin. En plus, ils auront les conseils de véritables artisans.

Afin de bien faire la différence entre les espèces, l’agneau est un ovin mâle ou femelle de moins d’un an, l’agneau de lait ou agnelet est un ovin non sevré nourri exclusivement ou essentiellement à base de lait maternel, l’agnelle est un ovin femelle de moins d’un an, la brebis est une femelle ayant agnelé, le bélier est un ovin mâle de plus de 12 mois non castré et le mouton un ovin mâle de plus de 12 mois castré.

Coup de com’ Afin de contrer la crise, l’interprofession a investi dans une large campagne de communication depuis le début de l’année afin d’inciter le consommateur à se tourner vers les producteurs locaux et vers les produits français.


MARDI

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VI AGRICULTURE

21 AVRIL 2020

3 QUESTIONS À...

Les fraises dans le bon tempo Alors que les premières fraises sont récoltées, les producteurs sont partagés entre engouement et questionnement.

BENOÎT DAVE, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DES ARDENNES

Des circuits à réinventer Comment s’annonce la période pour les producteurs de fraises ? Benoît Dave : Pour l’instant, dans les Ardennes, il n’y a pas de difficulté particulière. Pas trop de problèmes au niveau de la main-d’œuvre, et les relations avec la grande distribution se passent plutôt bien. On est presque sur une récolte normale, mais on n’en est qu’au début. Hervé Lapie : Il y a de l’inquiétude. Ils se demandent s’il faut tout récolter ou non, comment ils doivent s’organiser… S’il y a trop de marchandises, il faut voir quels sont les réseaux de distribution à mettre en place. Pour que le travail fait par les producteurs soit valorisé, les hôpitaux peuvent par exemple être une des solutions.

De manière générale, comment pouvez-vous aider les producteurs ?

Crise sanitaire oblige, le travail sous les serres se fait avec un masque. eux voix féminines s’échappent d’une grande serre posée dans un champ. Ce sont celles de Francine et Michelle. La première tient l’entreprise Les fraises de Baconnes avec son mari et son fils, tandis que la seconde vient y travailler depuis une douzaine d’années. À hauteur d’yeux, leurs mains s’activent entre les feuilles. « On réalise le palissage, explique Francine Gillet. C’est-àdire que l’on passe les feuilles derrière un fil pour que le fruit bénéficie de la lumière et que ça soit plus facile pour la cueillette. Il y a aussi un système de bande qui retient le poids des fruits. » Seules quelques fraises ont rougi. La première barquette devrait être livrée d’ici huit jours. « Pour le moment, on les bichonne », plaisante en un sourire Michelle, la fidèle employée.

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DE LA MAIN-D’ŒUVRE À TOUT VA Pour préparer l’imminente cueillette, Francine, Bruno et Thibault n’ont pas eu de difficulté. Comme d’habitude, les locaux ont répondu présent. « On a au moins deux appels par jour, ça n’arrête pas », avoue Bruno, en charge de la partie technique. Nombreuses sont les personnes à vouloir se faire un petit complé-

ment de revenu ou même tromper l’ennui. ................................................................

“Les fraises, c’est beaucoup d’investissement toute l’année et quelques mois de récolte seulement” Viviane Oudiné, productrice Un constat partagé par les autres producteurs du secteur. Viviane Oudiné, installée à Villeneuve-Saint Vistre, près de Sézanne, n’a « jamais eu autant de demandes. C’est extraordinaire ». Cette année, son personnel – une vingtaine de personnesaura de 16 à 72 ans. Ce qui change, pourtant, c’est le processus de recrutement. Confinement oblige, tout se passe désormais par téléphone. « Les gens sont plus déstabilisés, note Aurélie Manceaux, installée à Bourcq, près de Vouziers. C’est un peu plus compliqué car ils ne voient pas la structure et ne voient pas comment se passera la cueillette. » Pas d’inquiétude pour autant : comme d’habitude, ils seront formés avant de commencer, le plus souvent début mai. Gel hydroalcoolique et masques seront de la

partie.

BD : On les appelle un par un. Tous ceux qui étaient dans des circuits courts de commercialisation, comme les drives, n’ont pas de souci. Le problème, c’est ceux qui travaillaient avec la restauration, ou pour les yaourts. Ça s’est arrêté net. Ce sont des gens à qui il faut trouver d’autres circuits. HL : On œuvre avec l’Association des maires pour rouvrir des marchés dans le respect des mesures barrières. On essaie de voir avec les collectivités pour mettre en lien producteurs et

et

HERVÉ LAPIE, PRÉSIDENT DE LA FDSEA DE LA MARNE ET DE LA FRSEA

consommateurs. On travaille sur la communication. Il y a tout le volet emploi également. On y travaille avec Pôle emploi et la chambre d’agriculture. Il y a par exemple eu la mise en place d’une plateforme internet (« des bras pour ton assiette ») pour mettre en relation travailleurs et producteurs.

Après la sortie de crise, espérez-vous un revirement dans le modèle de consommation ? BD : La balle sera dans le camp des consommateurs. On va faire en sorte que ça prenne, mais il faut qu’on développe la production locale. C’est un contrat entre le consommateur et le producteur : si on investit, il faut que ça suive derrière. Il y a aussi l’aspect prix. Produire quelque chose de qualité localement, ça a un coût et ça ne marchera que si les gens acceptent de payer le juste prix. HL : On espère ne pas repartir comme avant, avec la mondialisation non régulée, les accords de libre-échange. On espère que ça va changer, on veut rebâtir une indépendance agricole. On travaille sur un projet de sortie de crise autour de l’agriculture de proximité, du circuit court, du bio, mais aussi d’une agriculture qui nourrit la population. On ne peut pas opposer les agriculteurs entre eux et se focaliser sur un seul modèle. Il faut être en capacité de répondre à la demande.

INCERTITUDE ET CALENDRIER Ce qui inquiète plus les producteurs, c’est le manque de visibilité. Certains clients, comme les restaurateurs ou les établissements scolaires, ont fermé. Des marchés restent annulés. Et si, par ailleurs, drives et distributeurs automatiques sont prisés – Édouard Van Sante, qui cultive légumes et fraises dans les Ardennes, a par exemple du mal à approvisionner ses deux magasins de ventes directes situés à Poilcourt-Sydney et à Rethel –, l’incertitude demeure. « Il me reste beaucoup à vendre, explique Viviane Oudiné, de la ferme du Ribourdon, près de Sézanne. Les fraises, c’est beaucoup d’investissement toute l’année et quelques mois de récolte seulement. Alors on va attendre. » « Ne pas savoir ce qu’on va vendre, c’est angoissant », avoue pour sa part Francine Gillet, devant ses fraises encore pâles. Son mari, avec qui elle monte un site de vente en ligne, se montre un brin plus optimiste. « Par rapport aux producteurs d’asperges par exemple, on voit le déconfinement arriver à la même période que les fraises. On pense que nos revenus vont baisser mais globalement, ça devrait aller. » KILIAN KERBRAT

L’ACTUALITÉ EN FLASH D’avril à juin, c’est la saison La saison des fraises débute généralement au mois d’avril, pour se terminer au mois de juin. Avant ça, il faut bien évidemment planter, arroser, entretenir, permettre la pollinisation… Jusqu’à la cueillette, qui va bientôt démarrer. « Il y a dix jours d’avance, note Viviane Oudiné, de la Ferme du Ribourdon, non loin de Sézanne. Il a fait très chaud en février, j’ai eu mes fleurs plus tôt. Je devrais avoir ma première livraison de fraises le 25 avril. »

Fragile, la fraise est matinale Sous serre ou en plein champ, la fraise, produit fragile, mérite une attention toute particulière. La cueillette se fait le matin, sous des températures encore clémentes, pour ne pas altérer la qualité du fruit et préserver la santé des employés. « Il faut limiter le contact avec les doigts et avoir les ongles courts, pour ne donner des coups d’ongles, explique Aurélie Manceaux, productrice à Bourcq. Il y a un geste à acquérir. »

Une vingtaine de producteurs de fraises

Difficile d’avoir un chiffre exact sur le nombre de producteurs de fraises dans le secteur. Déjà, il y a ceux qui ne font que ça (et ils sont rares) et ceux qui combinent cette production à d’autres, comme des légumes. Dans les Ardennes, la chambre d’agriculture en dénombre « une dizaine ». C’est au moins autant que dans la Marne.


MARDI

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21 AVRIL 2020

VII

CONSOMMATION

Les circuits courts ne connaissent pas la crise MARNE Livraison, vente à la ferme, magasins de producteurs,

distributeurs automatiques… Les possibilités sont multiples. our permettre à nos concitoyens de continuer à s’approvisionner pendant la période de confinement, dans un contexte de limitation des déplacements et d’interdiction des marchés, encourageons, développons et renforçons de nouveaux modèles commerciaux éco-responsables : en vente directe et en commerces existants. Trouver un producteur près de chez soi : manger fermier ! » Le message du préfet de la Marne, Pierre N’Gahane, incitant à privilégier la production des agriculteurs marnais, il y a une semaine, a fait évidemment plaisir à Hervé Lapie, le président de la FDSEA Marne. « Notre préoccupation, au-delà de la pénurie de main-d’œuvre, c’est aussi la vente. S’il y a bien un message à faire passer aux consommateurs, c’est qu’ils doivent être attentifs à ce qu’ils consomment et qu’ils favorisent la production française. Il faut faire un acte d’achat responsable en soutenant les filières et producteurs locaux surtout

LES AGRICULTEURS SE SONT ADAPTÉS FACE AU CORONAVIRUS Dans le département, il faut bien le dire, le choix est varié. « Avec la chambre d’agriculture, ça fait 5/6 ans que l’on travaille à ouvrir des magasins fermiers, rappelle Hervé Lapie. On en a fait un à Châlons, un à Reims et, on est en réflexion à Vitry-le-Français et à Sezanne. » Mais c’est loin d’être la seule possibilité pour avoir accès aux circuits courts, comme l’explique Mickaël Py, équipe projet à la chambre d’agriculture de la Marne : « Au-delà des points de vente collective, nous avons les ventes à la ferme. Nous avons aussi une quarantaine de producteurs qui proposent un système de livraison des commandes. Il y a aussi les concepts comme Locavor, la Ruche qui dit oui, qui permettent ainsi de récupérer des produits locaux dans un point de distribution proche. L’im-

plantation de distributeurs automatiques se développe un peu partout dans le département. Sans oublier, bien évidemment, la présence des agriculteurs marnais sur les traditionnels marchés, même si quelques-uns n’ont pas lieu actuellement en période de confinement. » (NDLR : une vingtaine est maintenue via une dérogation préfectorale) Les agriculteurs marnais se sont adaptés au coronavirus. « Pour la plupart, ils ont un fichier clients. Ils ont ainsi gardé le contact et continuent donc à vendre », poursuit Mickaël Py. Certains producteurs se sont adaptés, ont mis en place un système de drive, assurent temporairement les livraisons. « L’attestation permet d’ailleurs d’aller acheter tous les produits de première nécessité. » Ce qui séduit les consommateurs ? « Indéniablement, le rapport qualité-prix », l’assurance de la traçabilité du produit aussi.

AURÉLIE BEAUSSART

Les distributeurs automatiques se développent un peu partout dans le département. POUR TROUVER LES POINTS DE VENTE DANS LA MARNE La chambre d’agriculture de la Marne a mis en place, sur son site internet, une carte alimentée en continu, permettant de géolocaliser les points de vente directe dans la Marne. Une cartographie très ludique avec sept grandes catégories : marché, distributeur automatique, jardin libre-cueillette, Amap, panier, magasin de producteurs et point de vente à la ferme. Pour chaque producteur, vous retrouvez ainsi les horaires, ses coordonnées, un lien vers son éventuel site internet et ses autres canaux de distribution. www.marne.chambre-agriculture.fr/covid-19/

TOUJOURS AUX CÔTÉS DES AGRICULTEURS À tous nos clients agriculteurs et viticulteurs qui subissent les conséquences de cette crise sans précédent : vous pouvez compter sur notre soutien. Nos conseillers sont mobilisés partout en région pour vous accompagner avec des dispositifs exceptionnels comme notamment le Prêt Garanti par l’État (1) ou le report de vos échéances de prêts professionnels (2). Retrouvez l’ensemble de nos mesures sur bpalc.fr ou contactez votre conseiller.

(1) Sous réserve des conditions d’éligibilité et de l’étude de votre dossier. (2) Après étude de votre dossier. Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, SA Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L 512-2 et suivants du CMF et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux Etablissements de Crédit. Siège social : 3 rue François de Curel 57000 METZ. 356 801 571 RCS Metz, ORIAS n° 07 005 127. Crédit photo : Gettyimages.

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aujourd’hui plus que jamais, soutenons ensemble nos agriculteurs et nos chercheurs

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