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LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 12022ÉDITION le mag 5 AVICULTEURSZOOMSUR ETTRADITIONSINNOVATIONSENTREmagle

2 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS Groupama Nord-Est - Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles du Nord-Est 2 rue Léon Patoux - 51686 Reims Cedex 2 - 383 987 625 RCS Reims Entreprise régie par le code des assurances et soumise à l’ACPR, 4 place de Budapest - CS 92459 - 75436 Paris cedex 09 Tél. 03 26 97 30 30 - www.groupama.fr Groupama accompagne les producteurs dans leur activité de circuit court pour : • Développer et protéger leur activité • Vous permettre de consommer des produits de qualité en achetant près de chez vous CIRCUITS COURTS : L’AGRICULTURE DE PROXIMITÉ AGRICULTEURS. INDISPENSABLES AU “GROUPAMAMONDE. ACCOMPAGNE LES DEPOURPRODUCTEURSVOUSPERMETTRECONSOMMERLOCAL”

Faceagro-alimentaires.àcela,chacun y va de sa solution, du développement de l’irrigation à l’agroécolo

Partageons leur Directeur de la publication : Daniel Picault. Éditeurs délégués : Nicolas Fostier, Sébastien Lacroix. Photos : Anne-Emmanuelle Thion, Aurélien Laudy, Louise Allavoine, Hélène Guillet, Remi Wafflart, Julien Assailly, Adobestock. Régie publicitaire : Global Est Médias, 6 rue Gutenberg, 51083 Reims. CPPAP n° 0425 C 86339. Coordination : Estelle Baudelot. Conception : Prémédias du journal l’Union et l’Est Eclair. Imprimé par Rémy Roto, rue de Rochefort, 211, 5570 Beauraing (Belgique). ISSN : en cours. Dépôt légal : à parution. Les papiers utilisés sont certifiés PEFC 70 % (fibre de bois issue de forêts gérées durablement). L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

EDITO • 3 ATELIER PRESSAGEDE Epicerie fine PRODUCTEUR DE Plus de 600 produits artisanaux de la région Grand Est Le Pressoir des Gourmands 1, avenue des Nations - 08140 DOUZY - 09 81 27 08 22 www.lepressoirdesgourmands.frNOUVELLE ADRESSE 01 PRODUITSLESDENOSRÉGIONS P. 04 02 HOMMESLESQUILESFONT P. 32 03 UTILISENTTECHNOSLESQU’ILS P. 46

fierté Nicolas Fostier HORS SERIE des journaux l’Union et l’Est Eclair.

Ce guide a pour objectif de vous présenter une partie de ces acteurs trop méconnus de notre quotidien. Ils sont éleveurs, produc teurs, vétérinaires, techniciens, mécaniciens, chefs d’entreprise, conseillers… Tous ont pour point commun de consacrer leur vie au travail de la terre et à tout ce qu’elle peut nous offrir, à condition que nous sachions la res pecter et l’entretenir. A travers ces quelques pages, nous entendons partager leurs initia tives, leurs convictions et... leur légitime fierté.

En Champagne-Ardenne et dans les Hauts de France, ils sont nombreux à relever ces défis, que ce soit au travers d’une agriculture traditionnelle ou en innovant pour que notre terroir brille bien au-delà de ses frontières.

gie en passant par le retour aux équilibres naturels et, bien sûr, par l’appel aux hautes technologies. Tout cela avec comme souci premier de répondre aux besoins toujours grandissants de populations avides de qua lité et de sécurité alimentaire.

Du champ à l’assiette. Le titre est quelque peu réducteur mais tellement rassurant. Il témoigne de cette volonté, formulée par les consomma teurs que nous sommes, que ce qui nous fait vivre doit être cultivé, élevé ou produit de fa çons raisonnée, simple et saine. Oui mais… Pour en arriver là, il existe bien des étapes à franchir et des écueils à éviter. Il existe sur tout le savoir-faire conjugué à la passion de femmes et d’hommes qui doivent s’adapter à toutes les exigences, voire à tous les ca prices, à commencer par ceux d’une météo dont les excès n’ont de cesse de se renforcer, mais aussi aux crises sanitaires à répétition, sans oublier les tensions géopolitiques avec l’ogre russe qui a les moyens de nous nuire -et qui ne s’en prive pas- sur les marchés

Un peu d’amertume sur les terres de sucre 26

Ce n’est pas une légende, la Champagne-Ardenne et les Hauts-de-France regorgent de produits qui font leur renommée (et leur fierté) dans l’Hexagone et même au-delà. Des mets de caractères aux cultures qui ne s’épanouissent que sur nos sols, en passant par nos élevages à taille humaine, l’éventail est vaste et goûteux. Sur ces terres où il fait bon vivre, on apprécie les bonnes choses et on se régale à les produire.

PRODUITSLESDENOSRÉGIONS

4 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS 01

Le grand retour du tournesol Une volaille doit prendre le temps de grandir 0712

Ancrée sur le territoire d’une star auboise, le Chaource, la commune de Montigny-les-Monts a elle aussi de quoi être fière.

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 5 DE BEAUX GALLINACÉS QUI MARCHENT SUR LES PLATEBANDES DU CHAOURCE

6 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

Dans le bout de la rue des Rigolattes vivent des gallinacés particuliers. On pourrait même dire d’exception. Pas seulement par leur beauté, mais aussi par leur rareté. Pourtant ces poules et canards vivent aux côtés des humains depuis des siècles. Mais voilà, par besoin de rentabilité, ils ont été mis de côté au profit de spécimens issus de croisements et sélections pour une meilleur productivité. Mais c’était sans compter sur la passion et l’envie d’Emmanuel Guchet, qui, derrière son bureau d’ingénieur, a un jour décidé de tout plaquer pour relancer ces races ancestrales. « J’ai ressenti le besoin de changer d’air pour avoir une activité plus proche de la nature et des animaux ».

Découvrir Des animaux à venir découvrir à la ferme des Rigolattes véritable sanctuaire de la préservation de ces races anciennes. « Il y a 4 ans que l’élevage a débuté. On va continuer la reproduction selon les critères de nos races mais on souhaite aller doucement au rythme de la nature. Notre exploitation est confidentielle et priorise le bien être des animaux ».

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Chaque jour, il est aux petits soins pour ses belles, car vraiment, on peut le dire, ces « cocottes » sont vraiment magnifiques. La marans a une robe noire à camail cuivrée et, du poil aux pattes. Pour la poule de race Bresse, qui sortie de son appellation prend le nom de poule gauloise, elle peut être grise, noir ou bleue. La marans aussi a du poil aux pattes mais elle arbore une belle couleur noire avec un camail cuivré qui s’illumine au soleil. En observant la cream legbar, on a l’impression que cette poule

La ferme des Rigolattes est un véritable havre de paix pour ces poules et canards anciens. La poule gauloise (Bresse), sans doute la plus ancienne race de poules françaises, les marans, les cream legbar (race anglaise), les leghorn (race italienne) et cette jolie poule issue du croisement d’une marans et d’une cream legbar. Et en plus d’être belle et rustique, ces poules ont la particularité, pour certaines, de pondre des œufs colorés. Bleus, verts kaki, marron ou d’un blanc immaculé, ces œufs sont très recherchés dans le monde entier. « Des éleveurs ou particuliers achètent ces œufs pour se lancer dans l’élevage ou encore pour renouveler le « sang » de leur exploitation », explique le spécialiste.

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L’éleveur opère après sélection à chaque éclosion en fonc tion des critères de chaque race. Les canards eux aussi coulent des jours heureux auprès de leur éleveur. Bien installés sous de beaux arbres et profitant de la rivière à leur guise, on retrouve trois races anciennes : le canard de Rouen comme son nom l’indique, vient de la ville du même nom et est issu de la lignée des cols verts mais sont trois fois plus gros (environ 4 kg). Le canard de Saxe, un Allemand qui est issue de la race de Rouen anglais. Un véritable européen ! Il a la même morphologie que le Rouen mais des couleurs plus claires tirant vers le beige et le marron pour la tête. Le kaki campbell est anglais et a été créé par une Britannique Miss Campbell en 1900 qui a force de croisement et sélection de canard de Rouan, coureur indien et col vert a lancé cette race de canard qui a la particularité de pondre toute l’année et pèse environ 2,5 kg.

DES RACES REMARQUABLES DE BEAUTÉ

est vêtue de soie. Son plumage est de dégradée de sau mon et gris clair, une robe inhabituelle pour les néophytes que nous sommes. La leghorn, se rapproche plus, en appa rence, à celles de nos poulaillers avec une crête tombante. Originaire d’Italie, c’est une excellent pondeuse. Pour ses poulettes et ses coqs, bien sûr, Emmanuel, veille à ce que, d’une part, ils ne manquent de rien, mais surtout, à ce que les standards de ces races anciennes soient res pectées. Pour cela, il ne quitte pas sa bible « le guide des standards officiels » qui référence les origines, une descrip tion complète et toutes les caractéristiques de gallinacés.

On termine la visite pour les enclos des reproducteurs. En véritable coqs de basse-cour, les mâles ne sont pas avares de poses pour montrer leur beaux atours. Et ils n’ont pas grand-chose à faire tant ils sont absolument magnifiques.

Chaque race a sa particularité, le gaulois (Bresse), noir bril lant, et sa belle crête rouge met en valeur la couleur feu de ses flancs. Cette espèce peut également être de couleur grise ; le leghorn, lui a la robe blanche. Le coq marans est lui de couleur bleu (gris) cuivré avec une belle posture de crête. Enfin, parmi les beaux reproducteurs de la ferme, le cream legbar tout comme la poule, possède un plumage beige-saumon avec pour le mâle des nuances de gris et des plumes tellement bien rangées qu’on a l’impression qu’il a fait un brushing.

De très beaux spécimens de gallinacés auxquels il faut éga lement ajouter deux races de poules naines remarquables de beauté : Pékin (Chine) arrivée en Europe au XIXe siècle, des petits animaux qui ont la particularité d’avoir une sorte de chignon à la queue et sur les deux flancs. Des atours que poules et coqs mettent bien en valeur. Cette variété de poules est également un bonne couveuse. L’enclos d’à côté abrite les barnevelder acajou à double liseré noir, race des Pays-Bas très productive. Et malgré leur petite taille, ces animaux ont de quoi éblouir, et pour une fois, c’est la poule la plus jolie. Son plumage est extraordinaire, comme si quelqu’un s’était appliqué à lui peindre un dessin parfait sur chaque plume. Valérie Billaudot

Entre Soissons et Château-Thierry, Thomas Vecten élève des poulets, des pintades et des dindes rouges. Pour obtenir de la viande de qualité, l’artisan volailler a sa recette : élevage en plein air et au grain de la ferme, tout en laissant aux animaux le temps de se développer. Assailly

8 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS Aviculture LEVOLAILLEUNEDOITPRENDRETEMPSDEGRANDIR

Julien

Thomas Vecten a su se placer sur les tables de restaurants parisiens. « Je suis membre d’une communauté prénommée Écotable. Elle donne un label aux restaurants, qui ont une démarche écoresponsable », décrit l’éleveur. Le label note les tables, selon une grille précise, et propose également un accompagnement pour les commerces de bouche souhaitant réduire leur empreinte environnementale.

homas Vecten est un éleveur bien occupé. Mais pour ses animaux, il n’est jamais pressé. « Le seul secret, c’est de leur laisser le temps de grandir. Le poulet ou la pintade vont pouvoir développer, avoir suffisamment de muscle », explique l’éleveur installé à la ferme d’Edrolles, dans le village de Billy-sur-Ourcq, entre Soissons et Château-Thierry. Le but final est évidemment le goût. « Une bonne viande doit se tenir à la cuisson, et ne pas fondre ou devenir molle… » Pour y parvenir, Thomas Vecten laisse gambader au minimum 120 jours (4 mois) un poulet (150 jours pour une pintade) dans sa pâture. Sachant que le délai est de 81 jours minimum pour « Label Rouge », et que l’âge d’abattage est autour de 40 jours pour un poulet de chair « standard ».

Une banque de proximité, c’est essentiel.

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T

En 2017, il a retrouvé ses racines et a monté son projet en quelques mois.

LE BON MOMENT POUR SE LANCER DANS UN PROJET, C’EST QUAND ON A TROUVÉ LE BON PARTENAIRE.

Banque Populaire Alsace Champagne - Société anonyme coopérative à capital variable - rue François de Curel 57000 Metz - 356 801 571 RCS Metz - n°07 005 127. Document à caractère publicitaire sans valeur contractuelle. © Photo : Shutterstock.

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L’artisan volailler de 32 ans s’est installé il y a cinq ans. Mais il a la passion de l’élevage depuis tout petit. « Mes parents étaient agriculteurs céréaliers. Depuis tout petit, j’élevais personnellement des animaux de basse-cour à la ferme : du poulet jusqu’au lapin… C’est mon grand-père qui m’a transmis cette passion. » Il s’est éloigné de la ferme familiale pour suivre ses études (école de commerce) et travailler.

Lorraine

ORIAS

UN MAGASIN À LA FERME

Les particuliers sont aussi friands des produits de la ferme d’Edrolles. Ils peuvent se rendre à la boutique installée à la ferme et ouverte du jeudi au samedi (9 à 18 heures). « Je propose de la volaille de chair (poulets, pintades) ou festive (chapons, dindes), des œufs, du poulet à la découpe. Je propose aussi depuis peu de la saucisse 100 % volaille, des conserves de rillettes ». Une fois par mois (1er dimanche) l’éleveur est également présent sur le marché de Pierrefonds. Enfin, il est possible de retrouver ses produits dans le magasin d’agriculteurs Les Fermes du coin, situé dans le centre-ville de Soissons. Contact : 06 47 73 09 volaillesdelourcq@gmail.com19.

Pendant que ses volailles grandissent, Thomas Vecten est aux petits soins. « Elles ont une surface assez grande pour se dégourdir les pattes, manger un peu d’herbe et quelques insectes. Je vais les voir deux à trois fois par jour. On n’est jamais à l’abri d’une maladie ». Pour les nourrir, l’éleveur opte pour une alimentation sans OGM, sans antibiotiques, sans soja et produite le plus près possible. « 80 % de leur nourriture provient de l’exploitation. J’achète à d’autres cultivateurs des tourteaux de colza et de tournesol pour compléter l’apport en protéine. »

NOURRIS SANS OGM, SANS SOJA, NI ANTIBIOTIQUES

OLIVIER DOUBLET et son épouse Jessica ont lancé leur ferme Just’Bio à Saint-Just-Sauvage il y a 5 ans.

Chez les Cogniard, à Pauvres dans les Ardennes, la quête d’indépendance est aussi une affaire de famille. Initiée par Patrick, le père, dès son retour sur la ferme à la fin des années 1970, et poursuivie aujourd’hui avec ses enfants. « J’ai comAU CONSOMMATEUR, CES ÉLEVEURS EN QUÊTE D’INDÉPENDANCE

Loin des circuits industriels et des canaux de distribution de masse, certains éleveurs de volailles font le choix de se passer des intermédiaires. Tant par logique économique que par souci d’indépendance.

A Vauchamps, Céline Dauteuil et son mari abattent, conditionnent et transforment 300 à 500 volailles par semaine.

10 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS Vous ne mangerez plus jamais comme avant ! PRÉSENT À LIART le mercredi matin (en face du café Jean) - Volaille - Bœuf - Veau - Porc et Charcuterie RETROUVEZ-NOUS SUR LES MARCHÉS RENWEZ - HARCY - CHARLEVILLE - Bœuf - Veau - Porc - Charcuterie SEDAN - Volailles - Rotisserie - Charcuterie - Bœuf Depuis notre site, commander et faites vous livrer par La Poste le vendredi et Renseignementssamedi : 06.68.56.24.88 Saint-Aubin Volailles fermières et transformation saintaubin08@orange.fr Gaec Demorgny Producteur Porc - Bœuf - Veau contact@demorgny.fr 2001198952adt NOUVEAU www. demorgny.fr Lorsque Céline et Sébastien Dauteuil ont repris l’exploitation familiale, le mode de commercialisation de leurs volailles s’est imposé comme une évidence. « Les parents de mon mari y ont toujours fait de la vente directe, depuis 1972, explique Céline Dauteuil. On a gardé ce mode de fonctionnement. »

Aviculture DU POUSSIN

Dans leur ferme de Vauchamps, au cœur de la Brie champenoise, on élève poulets, dindes, canards, pintades et toutes sortes de bêtes à plumes. « Nous vendons directement à la ferme le vendredi matin, sur le marché d’Épernay, des restaurateurs et des bouchers nous font également confiance. » Certains produits de l’exploitation se retrouvent également sur les étals de la grande distribution. « Mais même quand je vends à un supermarché, c’est sans intermédiaire », insiste Céline Dauteuil.

LE BIO, PAR ÉTHIQUEET DÉSIR DE SENS C’est également la quête d’indépendance qui a poussé Jessica et Olivier Doublet à quitter leurs vies de salariés pour installer leur élevage « Just’Bio » à Saint-Just-Sau vage, dans le sud de la Marne, en 2017.

LA VENTE DIRECTE : « UNE PARTIE DE POKER » Gérer à la fois élevage, abattage et commercialisation ne va pas sans engen drer quelques incertitudes. « Je dis souvent qu’on joue au poker toutes les semaines », lance Patrick Cogniard. Il faut évaluer le nombre de bêtes à abattre pour éviter les pertes au maximum.

La production reste plus ou moins la même.

L’IGP Volailles de la Champagne concerne ainsi des « volailles élevées, alimentées et abattues selon les règles du Label rouge » dans une aire géographique englobant la Marne, l’Aisne et les Ardennes et débordant partiellement sur le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, l’Oise et certains cantons limitrophes. Les poulets, poules, poulardes, pintades et chapons doivent disposer d’un parcours extérieur et la taille des bâtiments d’élevage ainsi que la densité d’animaux au mètre carré sont limitées. L’alimentation, l’usage des antibiotiques, l’âge minimum d’abattage des volailles sont strictement encadrés.

»

«

Une IGP pour les volailles de la Champagne

Comment se porte le filière avicole dans la Marne ?

On s’est lancés sur les mar chés de Vouziers et Rethel mais à l’époque, on vendait plus à la ferme. » Avec le temps, ses volailles fermières ont investi le marché de Reims. « On a démarré avec une petite vitrine et au fur et à mesure on a eu plus d’espace. Quand on a intégré le Boulingrin, j’ai eu la chance de pouvoir prétendre à une cellule. »

« On prend en référence la semaine pré cédente, la météo, s’il y a un pont dans la semaine… » « On ne sait pas qui va venir, confirme Céline Dauteuil. Le vendredi à la ferme, nous pouvons avoir entre 25 et 70 personnes qui passent. Au marché, il y a les habitués mais aussi des gens qui tombent sur nous. En été, ce n’est pas du tout la même clientèle. » Il y a deux ans, Patrick Cogniard et sa famille ont répondu à l’invitation à rejoindre les distributeurs automatiques mis en place à Pauvres. Un nouveau canal de vente directe et un pari réussi. « On est surpris. Ça va même au-delà de nos attentes, s’enthou siasme-t-il. Ce n’est pas régulier mais cela reste très intéressant économiquement. »

« Par éthique. Ça correspondait vraiment à notre mode de vie. Travailler pour soi, être dans la nature... » Pour eux, la relation directe avec les clients allait aussi de soi.

« À la base, moi j’ai travaillé en tant que commerciale marketing export et mon mari était électromécanicien, explique Jessica. Le fait de travailler pour quelqu’un nous a fait comprendre que ce n’était pas pour nous. » Les deux Aubois ont fait le choix de l’élevage biologique de poules pondeuses et poulets.

Où sont consommées les volailles pro duites dans la région ? Il y a pour l’essentiel deux filières. La filière locale, notamment avec les Volailles cham penoises, qui distribue à environ 200 km à la ronde : la Marne, l’Aisne, jusqu’aux limites de la région parisienne. Et il y a aussi une filière belge. Environ la moitié des éleveurs de la Marne et des Ardennes livrent leurs poulets en Belgique où ils sont abattus. Il s’agit plutôt de volaille standard et de plus gros éleveurs

L’indication géographique protégée Volailles de la Champagne a été enregistrée en 1996. Ce label européen au macaron jaune et bleu assure au consommateur la provenance d’un produit ainsi que le respect d’un cahier des charges strict.

Elle est plutôt en développement, surtout en ce qui concerne la production d’œufs. Nous avons de nouveaux éleveurs de poules pondeuses. En ce qui concerne la volaille de chair, le secteur stagne un peu plus comparé aux autres filières animales, mais il ne se porte pas trop mal. La grippe aviaire a un peu tiré le marché et nous avons été plutôt épargnés.

« On vend directement chez nous, sur le marché de Romilly-sur-Seine et on travaille aussi avec des Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) sur Paris, Sézanne et nos parents ont un réseau sur Troyes. » Et si le contexte économique joue sur les habitudes de consommation, Jessica et Olivier peuvent compter sur une clientèle d’habitués. « Il y a une part de gens qui sont prêts à payer un peu plus cher quand ils connaissent la qualité des produits.

Le bio, par exemple, est très peu présent et peine à se développer. Les questions de pouvoir d’achat font que les consom mateurs reviennent à des produits plus basiques. Ceux qui font de la vente directe ont déjà leur filière de commercialisation, donc ils sont moins impactés, mais pour quelqu’un qui arrive sur le bio, ce n’est pas évident de se faire une clientèle..

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 11 mencé à faire de la vente directe de volaille fermière très vite après mon installation, explique-t-il.

Enfin, l’abattoir doit se trouver à moins de 100 km du lieu d’élevage. NOËL APPERT Éleveur à Auve Élu FDSEA à la chambre d’agriculture de la Marne

La grippe aviaire a tiré le marché

Le paysage évolue-t-il ? Voit-on de nouvelles méthodes se développer ?

»

Bastien Remurier travaille pour Terres Inovia : c’est l’institut technique d’étude des oléoprotéagineux, basé à Châlonsen-Champagne. Et il tente d’expliquer le «phénomène.

Tournesol

Multipliées par quatre. Entre 2017 et 2022, les surfaces plantées en tournesol dans la région ont fait un incroyable bond – apportant, par la même occasion, un peu de couleur dans la plaine en été.

Pauline Godart Sophie Michel déjoue les codes du champagne par l’image et un marketing osé.

Si le contexte ukrainien a bien évidemment bloqué le marché, en raison notamment de la dépendance de la France aux pays IL FAIT SON GRAND RETOUR DANS LA RÉGION

nécessite assez peu de chantiers dans les champs. « Ses besoins en fertilisation sont très modérés. Et compte tenu de l’augmen tation du coût de l’azote, les agriculteurs cherchent des cultures qui n’en sont pas trop gourmandes. » Semé au printemps en même temps qu’un maïs, il est récolté en septembre et... a quand même besoin d’eau. « Mais son point fort par rapport à un maïs ou un soja, c’est qu’il supporte mieux le stress hydrique, sur des sols légers. »

«L’an dernier, on a mené une campagne record. Le coup de pub a clai rement été bénéfique pour le tournesol. »

UN MARCHÉ EN FRANCE ?

Avec la sécheresse estivale et les pro blématiques de semis de colza de plus en plus difficiles, nombre d’agriculteurs se sont tournés vers le tournesol. Cela permet aussi de casser le cycle des adventices en appor tant une nouvelle culture, tout en évitant la rotation céréale sur céréale. » D’autant plus pratique que le tournesol

12 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

Si les enrobages de semence, d’ailleurs plus autorisés sur le marché, n’ont pas vraiment fait leurs preuves jusqu’ici, il faut quand même tenter par tous les moyens de lutter contre les ravageurs -pigeons en tête- mais aussi corvidés, friands des graines tout juste semées.

DEDES2022ESTIMATIONSSURFACESTOURNESOL Ardennes : 400 hectares Marne : 9.300 hectares Aube : 16.400 hectares

« Il existe assez peu de solutions mais le meilleur conseil, c’est de semer sur un sol bien réchauffé, de façon à ce que la graine lève au plus vite », explique Bastien Remurier, chez Terres Inovia. « Certains territoires tentent ainsi de s’organiser pour procéder à des semis synchronisés entre les producteurs. C’est une façon de diluer le problème sur davantage de surface. »

• Bastien Rémurier évoque enfin l’existence de robots patrouilleurs, qui arpentent le champ de manière autonome. « Mais cela reste très onéreux et le risque est grand de se le faire voler. »

CONTRE LES PIGEONS, LA LUTTE S’ORGANISE

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 13 (Source : The Economist)

LES CHAMBRES D’AGRICULTURE accompagnent depuis près de 100 ans l’Agriculture française, primée « MODÈLE LE PLUS DURABLE DU MONDE » pour la 4e année consécutive 2001213202adt de l’est, le lien concernant l’augmentation des surfaces est difficile à établir. « Certains agriculteurs se sont décidés au dernier moment, c’est vrai. Mais le planning d’ap provisionnement en azote pour les céréales, très incertain, les a aussi incités à tenter de s’en passer sur les autres cultures. » En effet, 80 unités d’azote par hectare peuvent suf fire sur un tournesol, contre plus du double sur un colza. Une fois récoltées, les graines prennent ensuite la direction d’unités de tritu ration, elles aussi bien implantées en Europe de l’est, pour en extraire l’huile. « Mais l’aug mentation des surfaces en France et les difficultés éprouvées en Ukraine, voire les fermetures d’usine, font naître de nouveaux projets industriels sur le territoire. » Outre les usages industriels (biocarburants, par exemple), le tournesol retrouve peu à peu, en raison du contexte mondial, sa destina tion alimentaire..

• Autre technique : procéder au semis d’une orge de printemps en guise de couvert végétal. La graine de tournesol viendra trouver sa place un mois plus tard et lèvera à l’abri des pousses d’orge, qui seront aussitôt détruites pour ne pas faire de concurrence à l’héliante (autre nom du tournesol).

Les canons effaroucheurs restent une solution, mais les pigeons et corvidés peuvent s’y habituer. « Il faut faire varier le cadencement de l’explosion pour contrer l’habitude. Le problème, c’est que le canon constitue une nuisance sonore s’il est trop près des habitations. »

Il est donc ramassé majoritairement dans les pays de l’Est et vendu comme tel en France. « Mais les industriels ont de plus en plus de mal à trouver des ramasseurs », poursuit Christophe Simoncelli. Sans doute ces derniers ne sont-ils pas rému nérés à la hauteur de leur travail. Une autre question se pose : peut-on faire confiance à la qualité de l’escargot de Bourgogne quand il vient de l’étranger, voire de France ? Ces animaux vivent en liberté et ingèrent tout ce qu’ils trouvent sur leur passage, y compris sur des sols pollués par toutes sortes de choses. Voilà pourquoi, depuis quelques décen nies, 84 % des héliciculteurs hexagonaux ont jeté leur dévolu sur le gros-gris ori ginaire d’Afrique du Nord, qui est une excellente alternative au Bourgogne et qui n’a besoin que de quatre mois pour devenir adulte. Les autres producteurs travaillent l’Helix aspersa aspersa, plus connu sous sa dénomination de « petitgris ».

Jean-Michel François ESCARGOTS

L’élevage de Jennifer Meigne.

Élevage

ILS EN BAVENT POUR LEURS

La France est le premier pays oumisestransformées,marchandises,pourmisentlocaux,Lespourtantl’immensed’escargotsconsommateurdontmajoritéestimportée.producteurspeunombreux,surlaproximitéécoulerleurscuisinées,enbocauxsurgelées.

14 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

UN MÉTIER TRÈS PRENANT Elevés en fermes, les escargots des héliciculteurs régionaux disposent d’une alimentation saine et contrôlée, d’un entretien constant, ainsi que d’un envi

«Les éleveurs français produisent seulement 5 % de la consomma tion nationale », indique Jean-Mathieu Dau vergne, héliciculteur à Bouzy (Marne), de l’entreprise « Les Escargots des grands crus ». Il annonce une production de 400.000 gastéropodes de race gros-gris (Helix aspersa maxima) par an, soit un peu plus de cinq tonnes. « Les 95 % restants de la consommation proviennent de la GMS (grande et moyenne surface) où l’on trouve les escargots dits de Bourgogne, forcément originaires de l’étranger. » Cet étrange paradoxe s’explique par le fait que l’espèce Bougogne -pourtant prisée des connaisseurs-, si elle existe bien en France, n’est pas rentable dans notre pays. Formateur en héliciculture en Savoie et auteur d’un recensement natio nal des entreprises hélicicoles datant de novembre 2021, Christophe Simoncelli précise : « L’escargot de Bourgogne met trois ans avant de devenir adulte et ne pond que quarante à cinquante œufs. Ce n’est pas suffisant pour monter des éle vages autour de cette variété ! ». Sans compter que le Bourgogne sauvage fait l’objet d’une réglementation stricte dans l’Hexagone, c’est un animal protégé.

De l’avis de tous, la profession d’hélici culteur, si passionnante soit-elle, n’en est pas moins fort exigeante. Le métier, très technique, s’apprend et doit s’adapter au cycle de vie des escargots, de la nurse rie jusqu’à la « récolte », à l’automne. Il faut être cuisinier pour préparer comme il se doit les bêtes à cornes, commercial pour dénicher des points de vente. La pandémie a pesé sur la consommation en période de confinement, sachant que beaucoup de producteurs fournissent des restaurants et que les escargots se consomment essentiellement lors des fêtes de fin d’année. « Nous n’avons eu aucune aide de l’État, notre métier n’est pas reconnu. Certains collègues ont dû mettre la clé sous la porte », se désole Jennifer Meigne. « Ce n’est pas facile de partir en vacances avec ce métier-là ! », convient Lionel Lizon, bien qu’il ne regrette en rien s’être lancé dans l’aven ture depuis quinze ans. « Auparavant, j’étais responsable qualité dans l’industrie médicale, j’avais besoin de me rappro cher de la nature. » Même démarche de reconversion professionnelle du côté de Jennifer Meigne qui, avant, exerçait le métier de fonctionnaire de mairie.

Christophe Simoncelli : « L’escargot de Bourgogne ne s’élève pas en France ». À la chasse aux escargots, avec un mètre en poche !

Entre trois cents et quatre cents producteurs

ronnement propice à leur multiplication. Sauf que leurs ennemis ne se gênent pas pour venir se servir à bon compte dans certaines exploitations. « Le surmulot -un rat- est leur principal prédateur. Après, ce sont les oiseaux », commente Jennifer Meigne, à la tête depuis 2015 de l’exploi tation « Les escargots du Pays d’Othe », à Vosnon dans l’Aube, où sont trans formés 120.000 escargots par an. Elle a dû investir dans du grillage dont une partie est partiellement enterrée jusqu’à quarante centimètres de profondeur quand d’autres, à l’instar de Lionel Lizon, gérant de « L’Escargotière champe noise » à Pleurs (Marne), où sont produits 300.000 escargots par an, installent des clôtures électriques.

MANQUE D’ÉLEVEURS EN FRANCE L’héliciculteur gagne-t-il bien sa vie ? Pour deux tiers d’entre eux, selon Christophe Simoncelli, cette activité relève du com plément ou de la diversification. Seul un tiers s’y consacre à 100 %. « Je ne connais pas beaucoup d’éleveurs en mesure d’en vivre correctement, une dizaine tout au plus ! », confie l’Auboise. Pourtant, le gastéropode s’écoule plu tôt bien sur les marchés locaux. Il y a quelques mois déjà, Jean-Mathieu Dau vergne mentionnait sur son site internet, comme sur son répondeur téléphonique, que certains produits étaient en rupture de stock, qu’il fallait attendre la récolte d’octobre et qu’il avait mis un terme aux visites de l’élevage pour cette année, afin de se consacrer à son exploitation pour mieux servir la clientèle. « Nous ne sommes pas assez d’éleveurs d’escar gots. L’offre est trop restreinte en France », déplore-t-il. Jennifer Meigne confirme : « Nous refusons du monde, la demande est supérieure à l’offre : c’est frustrant ! ». Elle et ses confrères ne vendent que dans les réseaux de proximité, les enseignes de produits locaux, les marchés, les res taurants ou sur place, à la ferme. L’avenir pourrait néanmoins s’éclaircir puisque, nous dit Christophe Simoncelli, « les escargots sauvages se font de plus en plus rares ». De quoi permettre aux escar gots d’élevage de passer à la vitesse supérieure ? Plusieurs règles conditionnent le ramassage de l’Helix pomatia (escargot de Bourgogne) en France. Entre le 1er avril et le 30 juin inclus (période de reproduction), sa cueillette est rigoureusement interdite. Elle l’est tout autant quelle que soit la période de l’année, quand les escargots affichent un diamètre inférieur à trois centimètres. Quant au petit-gris (Helix aspersa aspersa), également très apprécié des consommateurs, il peut être ramassé trois cent soixante-cinq jours par an, à la condition que sa coquille soit bordée d’un bourrelet à sa base, ce qui est le signe d’une maturité adulte. À ces commandements principaux peuvent s’ajouter des dispositions spécifiques purement préfectorales. Enfin, il faut l’autorisation des propriétaires pour ramasser des escargots sur des terrains privés.

Christophe Simoncelli, dans son étude publiée en 2021, a recensé quatre cents coordonnées d’héliciculteurs, sans avoir la certitude qu’ils étaient tous en activité. « J’ai réalisé cette enquête car il n’existe aucune donnée officielle », justifie le spécialiste. Il a établi que les principales régions productrices sont, dans l’ordre : Au vergne-Rhône-Alpes (28,1 %), Bourgogne-Franche-Comté (13,3 %), Grand Est (10,8 %). Les Hauts-de-France se classent 8e (5,2 %). 84 % des producteurs n’élèvent que l’Helix aspersa maxima (Gros-gris), 2 % ne font que de l’Helix aspersa aspersa (Petit-gris) tandis que 14 % des éle veurs s’intéressent aux deux races.

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 15

2 Pourquoi ? : La finalité est la production de fourrage pour les troupeaux. Il permet soit de compléter les rations (quantité), soit d’enrichir le bilan fourrager (qualité). « C’est une passerelle entre culture et élevage », résume Didier Philippe. La composition du méteil varie selon sa destination et la période des semis (printemps ou automne). Il est aussi utilisé dans les grandes culture bio et dans une moindre proportion pour la métha nisation.

5 Quelle récolte ? : Le méteil se récolte sous forme d’ensilage (avant maturité) ou en paille et grains (à maturité). L’ensilage est un mode de conservation des fourrages par fermentation anaérobie (sans oxygène). La destination du mélange décide du choix de la méthode. Les ovins mangent des grains ronds qui doivent être aplatis ou cassés pour les bovins.

DIDIER PHILIPPE travaille à la chambre d’agriculture des Ardennes. Il est aussi éleveur.

8 Moins cher : Économiquement, le méteil est intéressant puisque que les semis d’origine proviennent de la ferme elle-même. « Il n’en faut pas de grosses quantités, de l’ordre de 220 kg non traités à l’hectare. On achète que les aliments qu’on a pas ! »

1 Quoi ? : Le méteil est un « mélange » (du latin mistilium, origine du mot). A l’origine, il est composé de deux plantes (seigle et blé). Aujourd’hui, c’est une association dans une même par celle de céréales (triticale, avoine, orge, seigle…) avec des protéagineux (pois, féveroles, vesce …) et des légumineuses (trèfle….). En moyenne, il y a entre quatre et sept essences dans un méteil.

3 Quand ? : Le méteil d’automne, semé fin octobre, se récolte fin juillet. Le méteil de printemps, semé fin mars, se récolte fin août.

4 Où ? : Par définition, on le trouve surtout dans les régions d’élevage : le nord des Ardennes et de l’Aisne, peu dans la Marne.

Gilles Grandpierre

7 Plus résistant : Naturellement plus résistant (maladies, insectes…), le méteil produit toujours quelque chose. « Quand une ou plusieurs essences souffrent d’aléas climatiques, d’autres compensent ». Les essences se complètent donc et s’entraident. Ainsi, les légumineuses et les protéagineux captent et restituent l’azote dont les céréales ont besoin. En échange, les céréales servent de tuteurs aux protéagineux.

9 Inconvénient : « Le méteil est une machine à sous. On sait ce qu’on plante, on ne sait pas ce qu’on récoltera, beaucoup ou peu de céréales, peu ou beaucoup de protéagineux, ou un équilibre… ». Ce qui explique, sans doute, que seul un tiers des polyculteurs-éle veurs y ont recours.

16 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS LE MÉTEIL ? QUÉSACO ? UN TIERS PHILIPPE.L’ARDENNAISEXPLICATIONSDECONNUPROPREPRODUISENTÉLEVEURSPOLYCULTEURS-DESLEURFOURRAGE,SOUSLENOMMÉTEIL.LESDEDIDIER

6 Moins chronophage : Semer et récolter ! « Moins chronophage, c’est difficile ». Hormis un peu d’engrais organique, le méteil ne nécessite pas de produits phytosanitaires. « C’est plutôt dans l’air du temps…! »

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 17 CAPTER DE LA VALEUR SUR L’EXPLOITATION AVEC LA VENTE DIRECTE

Même si la vente en circuit court a toujours existé avec notamment les mar chés et la vente sur l’ex ploitation, depuis 30 ans avec l’apparition des premières cueillettes sur l’exploitation, elle s’est diversifiée : distributeur automatique de produits fermiers • vente en bordure de route vente en livraison à domicile ou dans des points de relais • vente sur Internet, avec ou sans site marchand vente sur des foires et salons • vente en magasin de producteurs vente en AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne)

• création d’un laboratoire quand il y a transformation • achat d’un véhicule réfrigéré • Avecencaissement...unegammecomplète de terminaux de paiement électroniques, les exploitants peuvent encaisser sur l’exploitation ou en itinérance via leur smartphone (Up2Pay LesMobile).solutions de vente à distance sécuri sées mises en place par le Crédit Agricole du Nord Est permettent également d’en caisser via un site internet ou grâce à l’en voi d’un lien de paiement aux clients. Dans nos 17 centres d’affaires agriculture et viticulture de l’Aisne, des Ardennes et de la Marne, nos experts flux accompagnent nos clients pour la prise en main de ces outils d’encaissement.

Enfin, nous ne pouvons pas évoquer la vente directe, sans évoquer l’installation qui en plus de se faire plus tardivement et plus souvent hors cadre familial concerne aussi ceux que l’on dénomme les NIMA (les Non Issus du Milieu Agricole). Pour ces porteurs de projets, le Crédit Agricole du Nord Est propose le dispositif « Jeune Agriculteur* » et « Jeune Viticulteur* » en partenariat avec les Chambres d’Agricul ture. *sous réserve d’avoir moins de 40 ans, du coût de la reprise, de présenter un plan d’entreprise sur 4 ans, de répondre à cer tains critères agro-économiques. 25 rue Libergier 51100 www.ca-nordest.comReims@ca.nordestCréditAgricoledu Nord Est Crédit@ca_nordestAgricole du Nord Est Sandrine Appert « Je vends mes savons et cosmétiques produits sur notre exploitation avec une solution d’encaissement du Crédit Agri cole du Nord Est » Hugo Diouy

La plus ancienne méthode de vente revenue au goût du jour

• restauration avec table d’hôtes sur l’exploitation. Un essor qui a conduit le ministère de l’Agriculture, en 2009, à définir le périmètre de cette activité avec au maximum, un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur voire deux quand la trans formation nécessite un processus com plexe qui incarne des notions de proximité, traçabilité et de transparence. Sur les 400 000 exploitations que compte la France, un quart vend aujourd’hui en cir cuit court et génère pour 40% d’entre eux plus de 15% du chiffre d’affaires (source INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environne Pourment).répondre aux besoins de ses clients producteurs désirant conserver la valeur sur l’exploitation, le Crédit Agricole du Nord Est, banque de 9 agriculteurs et viticulteurs sur 10, les accompagne dans le dévelop pement de ces nouvelles activités :

• aménagement de l’exploitation pour recevoir des clients

« Je me suis installé grâce au dispositif Jeune Agriculteur proposé dans le cadre d’un partenariat entre le Crédit Agricole du Nord Est et la Chambre d’Agriculture » Les Contal « Depuis 30 ans, le Crédit Agricole du Nord Est nous accompagne dans notre diversification du semis au biscuit »Sandrine Appert Hugo Diouy Les Contal

PUBLI -INFORMATION

18 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS Le chef des prestigieuses Crayères surfe sur les produits du terroir et travaille à poser les bases d’une véritable gastronomie régionale en Champagne-Ardenne. Recueilli par Gilles Grandpierre Philippe Mille « ÉLEVER L’ORDINAIRE VERS L’EXCELLENCE » ©Anne-Emmanuelle Thion

Diriez-vous qu’il existe une cuisine champardennaise comme il existe une cuisine alsacienne ou lyonnaise ? Nous avons une belle gastronomie, des beaux produits et le savoir-faire. A nous de le faire savoir. Il faut aussi y mettre des plats typiques, une salade au lard ardennaise ou une potée champenoise sont des plats respectables.

Quels produits locaux ont-ils vos faveurs ?

Deux livres, un trophée Philippe Mille a écrit deux livres : « Le goût à l’état brut » (2014) et « l’Ame de la Champagne » (2021). Chaque année, il organise aussi le Trophée Mille qui propose à de jeunes chefs de valoriser des produits de la région. Au centre des congrès de Reims, trophée national le 28 novembre, international le 20 mars 2023.

« Œuf écarlate de la ferme de Perthes, laqué de lie de vin, coulis de capucine au poivre Malabar, nid doré de Mélodie et crispy de lard des Ardennes »

Il y en a tellement ! Je pourrais parler des échalotes grises de Jean-Sébastien Caillot à Coole (Marne), un produit d’exception cultivé par l’un des derniers producteurs de France ; parler encore du safran de Sandrine Bernier à Mourmelon, des veaux et volailles de Champagne de Julien et Patrick Cogniard à Pauvres (Ardennes), des carottes en pleine terre ou des mini-courgettes de Stanislas et Dorothée Caudron à Craonne (Aisne), des écrevisses à pattes rouges de l’Aube ou des fruits rouges délicieux de Louise Anaïs Viard à Voipreux (Marne), des ombles, truites et sandres des Ardennes… Et puis, bien sûr, il y a nos 1.000 références de champagnes, les cidres et les bières locales, le whisky de la Montagne de Reims ou la Vodka de Goyard à base de Chardonnay ! Un coup de cœur ? Disons les escargots de Bouzy de Jean-Mathieu Dau vergne. Vol au vent d’escargots avec de l’ail des ours, une petite purée de pomme de terre légèrement vanillée…On récupère le bouillon de cuisson, on le crème avec un petit jus de citron, quelques oignons et lardons sur un fond de pâte sablée… Je ne vous dis que ça…

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 19

Dès votre arrivée à Reims en 2010, vous vous attachez aux produits régionaux. D’où venait cet appétit ? J’ai été élevé dans la ferme familiale, dans la Sarthe, entre cochons, lapins, bétail, potagers, verger et j’en passe… Après quinze ans de grandes Maisons, je retrouvais à Reims une ambiance de campagne qui ressemblait aux parfums de mon enfance. J’ai voulu recréer cette proximité avec les producteurs locaux. Je suis allé au marché du Boulingrin, qui n’avait pas encore été réhabilité. Certains producteurs étaient tellement surpris de ma démarche qu’ils avaient appelé les Crayères pour vérifier que j’étais bien le chef ! Avec combien d’entre eux travaillez-vous aujourd’hui ? Exactement, 68 ! Beaucoup dans les Ardennes, un terroir que j’aime bien, dans la Marne bien sûr et un peu dans l’Aisne et l’Aube. On en retrouve certains sur le marché des producteurs que les Crayères accueillent chaque année fin septembre. Comment travaillez-vous avec eux ? Avez-vous des exigences ? Des exigences, non, des demandes oui, sur la taille des volailles ou de légumes, par exemple. J’ai affaire à des pro ducteurs engagés qui respectent, comme moi, le produit et sa saisonnalité. J’ai besoin de savoir comment ils travaillent et d’évoluer avec eux. Nous avons trouvé un langage commun. Quel rôle vous assignez-vous vis-à-vis des produits ? Mon job, c’est d’élever des produits a priori ordinaires vers l’excellence. Le champagne a fait du raisin un produit de luxe. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec une carotte ou des choux-fleurs ? Tout produit a sa place, à nous de l’ennoblir. Les producteurs sont des bijoutiers. Ils nous donnent leurs diamants. C’est aux cuisiniers de les tailler.

20 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

Avec un kilo par an et par personne, le Français s’affiche comme le moutardeconsommateurpremierdeaumonde.

Consommation Y AURA-T-IL DE LA MOUTARDE À NOËL ?

LesClovis.raisons de la pénurie sont largement identifiées, liées aux aléas climatiques subis par le Canada et la Bourgogne. « Notre site de Reims tourne entre 30 et 40 % de ses capacités », indiquait son directeur le

Jean-Michel François La culture de la graine de mou tarde en France se heurte à quantité d’obstacles. La pro fession s’approvisionne donc majoritairement vers le Canada, dont la récolte 2022 a lourdement souffert de la canicule qui explique en partie la pé nurie depuis des mois. Les industriels, dont Charbonneaux-Brabant à Reims, parlent d’un retour à la normale pour cet automne.

« Chez Charbonneaux-Brabant, qui a des sites également à Boulogne-sur-Mer, à Limoges et dans le Dauphiné, nos graines proviennent à parts égales du Canada et de Bourgogne », assure Valéry Brabant, le patron de l’entre prise rémoise, productrice de moutardes et de vinaigres commercialisés sous la marque

Luc Vandermaesen, président de l’Association Moutarde de Bourgogne (AMB) et directeur général de la société Reine de Dijon. VALÉRY BRABANT patron de l’entreprise Charbonneaux-Brabant.rémoise

Depuis le printemps dernier, la banale mou tarde forte est devenue un produit de luxe qu’on s’arrache dans les rayons des grandes et moyennes surfaces, quand ceux-ci ne sont pas vides. En France, dit de Dijon ou de Reims, le condiment jaune est pour beau coup produit avec des graines étrangères.

L’AVENIR PASSE PAR LA RECHERCHE

En raison de la pénurie de graines brunes, nous tournons entre 30 et 40 % de notre capacité »

PASSER DE 4.200 À 10.000 HECTARES DE PLANTATIONS Augmenter la surface de production en France est le rêve de beaucoup. « L’autosuffisance serait un bel objectif... », imagine Valéry Brabant. On en est très, très loin. « Nous sortons de trois années de mauvaises récoltes en Bourgogne. Pour 2023, notre projet vise à passer de 4.200 à 10.000 hectares, ce qui, même avec une belle récolte, ne couvrirait pas tous nos besoins », révèle Luc Vandermaesen. Les agriculteurs français partent en effet avec de sérieux handicaps : la graine canadienne, même au prix d’un long voyage pour arriver sur le Vieux Continent, reste moins chère et plus rentable que la française. « La moutarde est compliquée à cultiver. Son rendement, chez nous, ne dépasse pas les 25 quintaux à l’hectare dans le meilleur des cas. Beaucoup d’agriculteurs français privilégient d’autres productions », ajoute Luc Vandermaesen. L’AMB promet pourtant des garanties : « Quels que soient les niveaux des récoltes, nous nous engageons à tout acheter aux agriculteurs à un prix fixé à l’avance ». Un autre problème majeur reste à régler : celui des ravageurs. Depuis quelques années, la France a durci sa législation quant à l’utilisation des produits phytosanitaires quand le Canada continue de traiter avec des insecticides interdits dans l’Hexagone. « Nous demandons juste une dérogation qui nous permette d’utiliser un produit au même titre que les betteraviers », plaident les moutardiers.

Nous sommes envahis par les insectes ! », déplore Christian Le Beuf, agriculteur à Prunay, à l’est de Reims. « Nous faisons de la blanche dans le but de produire des engrais verts », dit-il à propos des graines de graines de moutarde. Mais sa dernière récolte, lui qui travaille en bio et qui n’est « pas très chaud pour utiliser des insecticides bio », n’a strictement rien rendu sur les vingt ares plantés. En cause, les ravageurs dont il ne parvient pas à se débarrasser. Pourtant, il ne désespère pas de produire de la moutarde bio, à partir de graines noires. « Nous tenterons le coup l’année prochaine », explique Christian Le Beuf, qui assure ne pas connaître d’autres producteurs dans le secteur, preuve que la moutarde se cultive de façon extrêmement confidentielle dans notre région.

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 21 UN AGRICULTEUR MARNAIS :

«

ARES

12 juillet dernier. Mais la pénurie ne fait pas supporter les mêmes conséquences à tous les moutardiers de la planète. « Deux types de graines sont utilisés pour la moutarde : la brune, destinée à la production de la forte, qui subit la pénurie de plein fouet, et la jaune pour la moutarde douce. Si la brune représente 80 % du marché, chez Clovis nous privilégions deux filières de qualité, le Canada et la Bourgogne », poursuit l’industriel rémois.

Au Canada, les graines se récoltent l’été. Mais avant qu’elles soient transformées en moutarde, bien des étapes sont à franchir. Les industriels français s’attendaient bien, courant juillet, à un retour à la normale pour cet automne. Oui, il y aura bien de la moutarde à Noël ! Reste que la dépendance au Canada, la fragilité permanente face aux aléas climatiques et aux insectes, n’augurent pas de lendemains qui chantent si rien ne change. C’est pourquoi les moutardiers français misent depuis plusieurs années sur la recherche avec pour moteur l’Institut Agro Dijon. Leurs buts : rendre les graines plus résistantes vis-à-vis du gel et des insectes, plus rentables, et en planter beaucoup plus dans nos territoires de façon à inverser la tendance.

Valéry Brabant convient que son entreprise -la seule de Champagne-Ardenne et l’une des rares de France, s’agissant des industriels-, ne représente que « 15 % du marché hexagonal ».

Valéry Brabant, le 12 juillet « ZÉRO RÉCOLTE SUR VINGT PLANTÉS ! »

«

Le reste est dévolu aux transformateurs Unilever (qui détient la double marque Amora/Maille), Reine de Dijon, Société Européenne de Condiments et Moutarderie Edmond Fallot, tous présents en Bourgogne. Voilà pour le pôle transformation de la filière. La production locale de graines s’appuie autour de 300 agriculteurs répartis sur 4.200 hectares, essentiellement en Bourgogne Franche-Comté, un peu en Seine-et-Marne, selon l’Association des producteurs de graines de moutarde en Bourgogne. Ce qu’ils produisent est nettement inférieur aux besoins des usines françaises. « Pour l’ensemble de notre filière, les importations en provenance du Canada comptent pour 80 % », annonce Luc Vandermaesen, président de l’Association Moutarde de Bourgogne (AMB), par ailleurs directeur général de la société Reine de Dijon.

22 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

DES APÉROS Voilà une chips qui commence à bien tracer sa route dans la région, depuis Torcy-le-Petit (dans l’Aube, à l’est d’Arcis-sur-Aube) où elle est née en mars 2021. « Elle aurait dû sortir un an plus tôt, mais le Covid nous en a empêchés et nous n’avons pas été aidés », déplore Thierry Laporte, qui n’en est pas à sa première péripétie depuis qu’il est dans le métier. Producteur de pommes de terre depuis 1982, négociant depuis 2003, il rêvait de créer la première entreprise française de frites surgelées en 2017, mais a dû faire face à la découverte de vestiges archéologiques sur son terrain... Bien qu’il en ait changé, les retards s’enchaînent. Reste qu’en un an et demi de temps, son affaire de Chips de France artisanales marche plutôt bien. « sur le marché entre 5.000 et 6.000 sachets de chips dans quelque 150 points de vente. Nous travaillons beaucoup avec les magasins locaux, nous faisons du porte-à-porte et nous sommes distribués par une grande enseigne dans le Grand Est », explique M. Laporte. Mais qu’y a-t-il donc dans ces petits sachets de 145 grammes ? « Rien que de la pomme de terre, du sel de Noirmoutier et de l’huile de tournesol ! Ce sont des chips authentiques cuites au chaudron. Le paquet est vendu à partir de 2,90 euros jusqu’à 3,30 euros selon les lieux. L’innovation vient du goût et du paquet recyclable. » Côté saveur, Auboiselle se targue de privilégier celle de la pomme de terre, pas celle de l’huile. Le taux de matière grasse de ces fines chips se limite à 18,7 %. plutôt Nous mettons VIENT DE CHEZ NOUS !

DE CHÈVRE OU DE VACHE, LA ROSACE DE REIMS

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 23

Dans la cité des sacres, quand on parle de rosace, c’est la cathédrale dont il est question. Ancien pilier de bureaux d’études, formé aux techniques d’ingénierie, Emmanuel Pillault a coiffé plusieurs casquettes avant d’effectuer un retour à la nature en devenant agriculteur, installé dans un petit village de l’Aisne, à Froidmont-Cohartille, entre Laon et Vervins. C’est là qu’en 2015 il développe l’idée d’évoquer sa « cathédrale de cœur » en lui dédiant deux fromages l’un au lait de chèvre, l’autre au lait de vache, tous deux estampillés sur leur croûte d’une splendide rosace au dessin fait de courbes savamment calculées.

Dans sa ferme du « Val Festif », il ne possède que quarante chèvres qu’il trait une fois par jour. Une rosace se fabrique avec deux litres de lait. « Dans le secteur, je suis associé avec trois autres fermes indépendantes qui partagent leurs moyens. L’une d’elles me fournit le lait de vache. »

Une rosace d’Emmanuel Pillault à la gloire de la cathédrale de Reims.

Jean-Michel François les chips de la marque Auboiselle existent depuis mars 2021. ➙

Voici une sélection de produits régionaux qui sortent de l’ordinaire, parfois peu connus parce que récents ou parce que distribués confidentiellement à proximité de leur lieu de production. On ne peut d’ailleurs que vous encourager à visiter les espaces adeptes du locavorisme et les producteurs fermiers pour faire le plein de saveurs !

ÀL’AUBOISELLELACONQUÊTE

À BOIRE ET À MANGER ÇA

Emmanuel Pillault ne cache pas que les débuts ont été compliqués, qu’il a pu employer une personne « quelques heures » cette année, mais qu’il compte bien se développer en passant notamment à soixante chèvres dès l’année prochaine et en se faisant davantage aider. Quant à ses rosaces bio, dont il justifie le prix plutôt élevé (7,50 euros la pièce à la ferme) par leur qualité, Emmanuel Pillault les écoule dans l’Aisne beaucoup, dans la Marne un peu, mais aussi bien sur les marchés et les Amap que dans sa ferme et quelques enseignes de la grande distribution, y compris à Reims. Intarissable sur les possibilités d’affinage de ses fromages, il se félicite qu’on les serve à la table des plus grands restaurants étoilés de la région.

Autour de la mi-mai à la mi-juin, je ré colte les fleurs de sureau sur les haies autour de la ferme, je les mets en fusion avec de vrais citrons frais bio dans mon laboratoire développé à la ferme. Il me faut trois kilos et demi de fleurs -sachant qu’une seule pèse un gramme- pour obtenir 45 litres de sirops. Je l’ai baptisé Fleur Sur O. Parallèlement,» profitant des quelques cerisiers à fleurs (typiques du Japon) qui poussent chez elle et chez sa voisine, la jeune femme s’est essayée à la confection d’un autre sirop, le Saku ra. Elle en produit cent cinquante litres par an pour un millier de litres de Fleur Sur Celui-ciO. se vend à la ferme, sur Internet, dans toute la région des Hauts-deFrance et un peu dans la Marne, en flacons de 25 cl à 8 euros ou de 50 cl à 12 euros, alors que le Sakura, plus rare, s’achète 12 euros la bouteille de 25 cl. « Je ne vise pas la quantité mais la qualité », explique l’agricultrice membre du Collège culinaire de France. Bien sûr, ses sirops ne se boivent pas purs, mais avec de l’eau plate ou gazeuse, dans des cocktails élaborés ou plus simple ment comme le kir, avec du vin blanc ou du champagne.

OH ! LE BEAU SIROP À LA FLEUR DE SUREAU

24 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS Unefilièrerégionalede l'éleveuràl'assiette éleveurs partenaireslocaux salariés Depuis1959 Unegammedeproduits variéeetdequalité LES ÉLEVEURS DE LA CHAMPAGNE - ROUTE DE POMACLE - 51110 CAUREL www.volailleschampenoises.fr 2001210197adt

Direction la Thiérache, plus précisément à la ferme du château des Houx à Hous set (Aisne), pour évoquer l’histoire des sirops de madame Clotilde Brown, un nom plus cosmopolite que son nom de jeune fille à la saveur rurale bien de chez nous, Allavoine. « J’ai travaillé et vécu dix ans en Angleterre où j’ai rencontré mon mari. Un pays, comme d’autres en Eu rope, où le sirop de fleurs de sureau est un produit mieux connu qu’en France ». De retour dans son Hexagone natal pour la reprise de la ferme familiale, Clo tilde s’est lancée dans la production de sirops aux parfums si caractéristiques, en 2017, sous la marque Hollybel (hol «lybel.fr).

Fleur Sur O, un sirop à la fleur de sureau. ©Louise Allavoine

À Dampierre, dans l’Aube en lisière de la Marne, Marion Scher schell élève des chevaux et des poulains de race anglaise Shire sur l’exploitation agricole qu’elle travaille avec son oncle. Depuis deux ans, elle s’est diversifiée dans la production et la transformation de lait de jument, un produit rare et cher qu’elle est la seule à proposer dans toute la Champagne-Ardenne. Crèmes au riz, à la vanille, au café et au chocolat au lait de jument, ain si que des bouteilles de lait pasteurisé frais (15 euros le litre) et même en portions surgelées, sont vendues à la ferme et au ma gasin de producteurs implanté à Troyes « Passion paysanne ». Marion Scherschell s’est lancée dans cette aventure du lait de jument pour honorer une promesse faite à son père malade de cancer d’aider les gens avec ce produit réputé au minimum plus digeste, au mieux bénéfique pour la santé, voire thérapeutique, proche du lait maternel, alternatif pour les intolérants au lait de «vache.

Le lait de jument fait le plein de qualités pour la santé.

Régulièrement, j’ai des retours positifs de personnes qui ont es sayé le lait de jument, mais je progresse à mon rythme dans cette activité. Je donne la priorité aux poulains qui ont besoin du lait de leurs mères, je n’utilise que le surplus. » Et ce n’est pas si simple « Une jument qui est d’humeur peut donner trois à quatre litres par jour, à l’inverse, si elle n’est pas disposée, la traite peut être nulle ! ». Reste que Marion Scherschell augmente progressivement son élevage et ses débouchés. Dès cet automne, elle devrait propo ser une gamme de produits cosmétiques destinés aux soins de la peau à base de lait de jument « qui se rapproche du lait d’ânes se ». Elle est par ailleurs en contact avec le consulat du Kazakstan à Strasbourg, pays dont le lait de jument est la boisson nationale.

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 25 DRIVE PAYSAN DES ARDENNES Commander sur le drive et recevez chez vous !!! Comment ça marche : circuit court • Vente aux particuliers • Plusieurs points de collecte ou livraison possible à votre domicile ou sur votre lieu de travail par le facteur • Inscription en ligne ouverte • 29 producteurs • Site internet : http://drivecharleville.socleo.org • Tél. 06 83 43 02 17 Jusqu’au mardi minuit, les commandes sont ouvertes... Vous pouvez ainsi faire votre marché à toute heure, choisir le point et l’horaire de retrait de votre choix et régler directement en ligne via l’interface de paiement sécurisé du Crédit Agricole. Pour votre première commande, il vous sera demandé de créer un compte. Conservez simplement votre adresse mail et votre mot de passe pour vos prochaines commandes.Dès le mercredi matin, nous recevons vos commandes et pouvons ainsi préparer vos produits. Nous vous attendons le jeudi de la même semaine sur nos points de retrait pour récupérer vos produits : - Entre 14 h 30 et 18 h au 1 av. du Petit Bois à Charleville, - Entre 15 h et 18 h dans le local de Noyers Pont Maugis, rue de la Gare (D6), en face de la boulangerie, - Entre 16 h et 17 h 30 à la maison des produits du terroir au lycée agricole de St-Laurent, - En livraison le vendredi par la poste, à votre domicile ou sur votre lieu de travail. Pour tous renseignement : 06 83 43 02 17 DRIVE PAYSAN DES ARDENNES Cidrerie de Warnécourt 8 Grande Rubrique - 08430 Barbaise 06 74 66 00 41 - 06 80 14 39 45 CIDRE - ALCOOL - SPIRITUEUX Production - Transformation - Distillation 2001199974adt

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

GALATÉE, OÙ LES VERTUS DU LAIT DE JUMENT

es terres champardennaises et picardes sont historiquement championnes de la betterave et donc du sucre. Ces deux territoires ont donné, en 2021, plus de 20 millions de tonnes de betteraves sur les 32 millions que l’on a arrachées en France cette année-là. L’Aisne et la Marne sont même les deux premiers départements betteraviers français avec des emblavements respectifs de 62.000 et 56.000 hectares, en 2021, soit près de 30 % du total national de 402.000 hectares.

UN HÉRITAGE DE NAPOLÉON

26 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS M. Jean-Pierre BLANCHARD DISTILLATEUR depuis 49 ANS TOUJOURS DE LA QUALITÉ ET DU SÉRIEUX CONTACT 06 08 24 97 78 L’abus d’alcool est dangereux pour la santé,à consommer avec modération Pour les communes intéressées par mon passage ETS AU BOUILLEURVIEUXDECRU 5, rue du Métier SORMONNE 08150 Passage dans toutes les communes de le Marne, de l’Aisne et des retourRamassageArdennes.destonneauxdel’eaudevieàDOMICILE FR 002090B0006 2001201871

Les plaines champardennaises et picardes sont historiquement propices à la culture de la betterave et au développement des sucreries coopératives. Mais les aléas des marchés ont entamé la conviction des planteurs.

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Sucre UNE

Les planteurs régionaux tiennent leur penchant pour la plante bisannuelle à la racine blanche riche en saccha rose de Napoléon. Jusqu’au début du XIXe siècle le sucre consommé en France provenait de la canne des « îles à sucre » (Martinique, Guadeloupe ou Saint-Domingue). Il arrivait brut par bateau et était raffiné sur le sol français. Le blocus britannique ayant contrarié ce commerce, l’em pereur a vu dans la betterave une solution de substitution. En 1811, un décret impérial ordonne de mettre en place la culture de la betterave dans la plupart des départements français. C’est le début de l’histoire. Si la France compte encore 23.700 betteraviers essentielle ment dans la moitié nord du pays et le bassin parisien, c’est que la plante se plaît dans le climat tempéré. Et, en tant que bonne tête d’assolement, elle s’est trouvée une place dans FILIÈRE EN PROIE A L’AMERTUME

Dans un contexte de concurrence et de surproduction mondiale de sucre, le prix de la tonne de betterave payé au planteur français est parfois descendu sous les coûts de revient des exploitations ces dernières années. Est venu s’ajouter à cela la nécessité de trouver une alternative aux néonicotinoïdes protégeant la plante des parasites. Tout cela explique pourquoi les surfaces dédiées à la culture sucrière ont baissé de 10,9 % sur la période 20172021, avant de se stabiliser en 2022. Mais le récent rebond des cours permet aux transformateurs d’annoncer des prix plus motivants. Sauf que l’on n’a pas encore retrouvé les niveaux de jadis. Surtout, les cours du blé, qui se sont envolés, offrent de meilleures perspectives de rentabilité aux exploitants. Cette concurrence entre cultures pourrait affaiblir les sucreries, qui sont détenues par les planteurs euxmêmes, au travers de leurs coopératives Cristal Union et Tereos. Un recul de la betterave offrirait un boulevard à la canne à sucre et porterait un énième coup à une souveraineté alimentaire française qui n’a pas besoin de cela. Julien Bouillé *La saga du sucre - Entre douceur et amertume (Editions Quae, 2020)

SURFACES EN BAISSE

Les terres picardes et champardennaises ont leurs fleurons industriels. Simple distillerie fondée par une poignée d’agriculteurs d’OrignySainte-Benoite (Aisne) en 1932, Tereos est devenu un groupe coopératif agro-industriel, détenu par 12.000 coopérateurs. Il compte 44 sites industriels et 19.800 employés dans le monde pour un chiffre d’affaires (2021/22) de 5,1 milliards d’euros. Tereos s’est construit à force de fusions de coopératives et de croissance externe, avec notamment le rachat de Béghin Say en 2002 et de Guarani au Brésil 2010. Ainsi Tereos s’est hissé au deuxième rang mondial des producteurs de sucre… au prix d’un lourd et pénalisant endettement de 2,4 milliards Connud’euros.pour sa marque Daddy, Cristal Union est né de la fusion des sucreries historiques d’Arcissur-Aube, de Bazancourt (Marne), Corbeilles (Loiret) et Eclaron (Haute-Marne). Détenu par 9.000 coopérateurs, Cristal Union compte 13 sites industriels en France et 2.300 collaborateurs. Moins international et nettement moins endetté, Cristal Union affiche un chiffre d’affaires de 1,8 milliard Lesd’euros.deux groupes se sont diversifiés dans l’alcool agricole, qui sert à faire du biocarburant ou du gel hydroalcoolique, la déshydratation de luzerne, et, pour Tereos seulement, les produits sucrants.

★ Arcis ★ Bazancourt ★

les exploitations. La betterave sucrière a longtemps été très lucrative. « Elle a permis à bon nombre d’exploitations de taille moyenne de se maintenir », souligne Joseph Garnotel, membre de l’Académie d’agriculture de France et auteur d’une monographie sur le sucre*. La betterave est un peu plus amère depuis quelques années. La fin des quotas sucriers européens en 2017, qui assuraient une bonne protection économique en échange d’une limitation de la production, a jeté le sucre du vieux continent dans le grand bain mondial, dominé à 80 % par la canne à sucre. « Contrairement aux céréales, où les agriculteurs européens ont pour concurrents des pays comme les EtatsUnis ou l’Australie qui ont des coûts de production relativement élevés, dans le sucre ils font face au Brésil, qui bénéficie de conditions climatiques idéales pour la canne, ou à l’Inde et à la Thaïlande, qui ont des coûts de production très bas », relève Joseph Garnotel.

★ ● Connantre ● SilleryMARNEARDENNESAISNE AUBE

TEREOS ET CRISTAL UNION

Coopératives ou sociétés à capitaux planteurs Téros - Cristal Union SucrerieSucrerie - Distillerie Sucrerie Origny Bucy

LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS • 27 Implantation des sucreries

28 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

Céréales LA

«L’histoire de la luzerne et la Champagne-Ar denne commence dans les années 50. Les agriculteurs défrichent alors les forêts de sapins de la région et décident d’utiliser une culture qui enrichit naturellement le sol, la luzerne : une plante qui s’adapte très bien sur les sols crayeux champenois. Un agriculteur qui s’est rendu aux États-Unis a visité une usine de déshy dratation. C’est comme cela que la première usine de déshydratation de luzerne voit le jour dans la Marne, à Connantre », explique Eric Masset, président de la coopérative agricole Luzerne de France. La politique agricole commune de l’Europe va permettre le développement des usines en France. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, 25 usines se montent rien qu’en Champagne-Ardenne. « La région était pionnière mais des agriculteurs d’autres régions se lancent également : en Bretagne, dans le bassin parisien, en Normandie, mais aussi dans la région dijonnaise et la Dor dogne. »

LA CHAMPAGNE, LE GRENIERÀ PROTÉINES DE LA FRANCE Aujourd’hui, « 80 % de la production de la luzerne déshydratée en France sort des usines de l’ex Champagne-Ardenne » Dans CULTURELUZERNE,D’AVENIR

La région Champagne-Ardenne concentre environ 80 % de la production de luzerne déshydratée de l’hexagone. A savoir En 2019, la culture de luzerne représente 330.000 hectares en France. La région ChampagneArdenne concentre environ 80 % de la production de luzerne déshydratée de l’hexagone. Sur ces 330.000 hectares, 262.000 hectares sont auto-consommés et 68.000 sont destinés à la luzerne déshydratée, permettant une production de 785.000 tonnes de fourrages déshydratés. La France reste le 3e producteur européenne de luzerne déhydratée derrière l’Espagne et l’Italie. La luzerne déshydratée en France, c’est 24 usines dont 17 dans les Ardennes, la Marne et Celal’Aube.représente 1.500 emplois en France et 6.500 fermes. L’ex Champagne-Ardenne est la première région productrice de luzerne déshydratée de France. A elle seule, elle produit 80 % de la production française.

ERIC MASSET Président de la coopérative agricole Luzerne de France

La luzerne sert principalement à l’alimentation animale, en particulier pour les ruminants, qui est notre débouché principal (73 %) », assure Eric Masset. « On a aussi un marché avec les che vaux (16 %) puis les lapins pour 11 %. » C’est une plante très riche en protéines : « C’est même la culture qui produit le plus de pro téine à l’hectare. Avec nos modestes 70.000 hectares, on produit tout de même 7,5 % des matières riches en protéines de France », continue Yann Martinet. Avec une plante comme la luzerne, on est capable de produire une quarantaine de produits différents, « en fonction de la date de la fauche puisque l’on fait 4 coupes par an », fait savoir Eric Masset.

DES DÉBOUCHÉS PRINCIPALEMENT DANS L’ALIMENTATION ANIMALE

La luzerne est aussi une plante comestible pour l’homme. « Mais l’alimentation humaine représente un tout petit marché. Deux usines en Champagne-Ardenne sont en partie sur ce marché. Elles produisent de l’extrait de concentré de luzerne en poudre, riche en oméga 3 et en pigments : la luzixine. On peut aussi produire des barres protéinées pour les sportifs ou encore des gélules. » L’ex trait foliaire de luzerne en tant que complément alimentaire est utilisé par les populations malnutries : en Afrique, en Inde ou en Amérique latine, depuis près d’une décennie.

La filière de la luzerne déshydratée permet de faire travailler près d’un millier de personnes dans l’ex Champagne-Ardenne ainsi que presque autant de saisonniers. « On a d’ailleurs du mal à recruter », concède Yann Martinet. Le bio a le vent en poupe. La part de la production bio est passée de 10 % à 15 %, en seulement 2 ans. « La luzerne se prête très bien à l’agriculture biologique. C’est une plante facile à cultiver qui a assez peu de prédateurs. Elle peut pousser sans mal sans phyto, sans fongicide ou insecticide », fait savoir Eric Masset.

l’hexagone, actuellement sur les 25 usines en activité, 17 sont implantées sur le territoire champenois. Ces 17 usines, made in Champagne, appartiennent à 4 coopératives et 2 sucriers. « 55.000 des 70.000 hectares de luzerne en France, destinés à la déshydratation, sont champenois », complète Yann Martinet, directeur de la coopérative agricole luzerne de France. Ces 70.000 hectares permettent une production de 785.000 tonnes de fourrages déshydratés. Un niveau de production à peu près stabilisé depuis 2008, après une longue période de baisse.

«

Aurélie Beaussart « TOUJOURS UN PEU DE LUZERNE CULTIVÉE SUR L’EXPLOITATION »

L’Hexagone est le 3e producteur européen de luzerne déshy dratée, derrière l’Espagne et l’Italie. En Champagne, la culture principale reste le blé (30 % de l’assolement, le colza représente 12 % alors que la luzerne ne représente que 8 % de l’assolement).

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Jean-Marie Delanery est agriculteur. Il cultive notamment de la luzerne depuis 1993 ainsi que son père avant lui. « On a toujours maintenu cette culture même si la part de la luzerne au sein de l’exploitation a diminué ces dernières années, en raison du fait que la marge brute a fortement diminué par rapport à d’autres cultures comme le colza, la betterave ou encore la pomme de terre. » Jean-Marie Delanery évoque aussi, comme avantage, l’apport d’azote qu’amène cette culture sur le sol ainsi que le fait qu’il s’agisse « d’une culture très mellifère ». « Cultiver de la luzerne, c’est une très bonne chose pour la biodiversité : pour les abeilles, les insectes… Il suffit de laisser des bandes de luzerne non fauchées. Maintenir la culture de la luzerne sur le territoire, c’est donc aussi une nécessité. »

Depuis 1988, la marque Bienvenue à la ferme, créée et gérée par les Chambres d’agriculture, regroupe des producteurs locaux adeptes des circuits courts, qui bénéficient de nombreux outils pour développer et diversifier leurs activités.Le réseau Bienvenue à la ferme regroupe 8.000 agriculteurs en France (550 dans le Grand Est, dont plus de 40 dans la Marne, 30 dans l’Aube et autant dans les Ardennes). Tous ont signé une charte rédigée par la Chambre, et pratiquent la vente en circuit court, sur leur exploitation, des marchés ou des magasins de producteurs.

DES ÉCHANGES PERMANENTS

BIENVENUE À LA FERME

Une dynamique collective

Dans la vaste gamme des produits alimentaires proposés, on citera le champagne, le cidre, la bière, les escargots, le miel, les fruits et légumes, les fromages, la farine, les glaces, les volailles fermières, les viandes d’agneau ou les lentillons champenois. On peut y ajouter dans un autre registre des savons et cosmétiques artisanaux.

PUBLI -INFORMATION

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VIVEZ FERMIER A côté de cette gamme 100 % terroir, baptisée « Mangez fermier », Bienvenue à la ferme inclut « Vivez fermier », une offre de restauration sur place et d’hébergement touristique sur les exploitations, en gîte ou chambre d’hôtes, qui permet de s’immerger quelques heures dans la vie quotidienne de l’agriculteur. Le réseau informe régulièrement ses adhérents sur les évolutions réglementaires, par exemple les normes de sécurité en vigueur. Ils peuvent aussi faire appel à une animatrice de la Chambre lors de portes ouvertes, organisées chaque saison, notamment lors de l’opération « Sur le chemin de nos fermes », initiée par le réseau Bienvenue à la ferme Grand Est.

Ces temps forts sont autant d’occasions de faire découvrir ou redécouvrir au grand public les métiers et les coulisses de l’agriculture, et de mettre en avant les savoir-faire des producteurs. Cette dimension pédagogique se traduit également par la participation des adhérents à plusieurs manifestations incontournables, comme le Salon International de l’Agriculture, le Salon Tendance Nature, le Salon Chasse et Terroir FDSEA, sans oublier la Foire de Châlons, durant laquelle les membres du réseau sont accueillis au sein de l’Espace ferme, proposé par la Chambre d’Agriculture de la Marne. Au-delà de la communication autour de leurs produits, ces événements et plusieurs ateliers thématiques organisés tout au long de l’année permettent aux adhérents d’échanger et de tisser des liens avec d’autres producteurs du département autour de leurs interrogations communes, même s’ils n’exercent pas la même activité, notamment autour de la diversification de leurs productions, synonyme de sécurisation de leurs revenus.

Pour rejoindre le réseau, plus d’infos : bienvenue-ferme@aube.chambagri.fraude.delcourt@aisne.chambagri.frbaf51@marne.chambagri.fr

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La patience, qualité indispensable

À

Dominique Dominé gère toutes les étapes de la production de noix seul. « Je fais toute la récolte à la main. Je viens tous les jours au fur et à mesure qu’elles tombent, décrit-il. Normalement, c’est début octobre, mais on aura sûrement presque un mois d’avance. » L’an dernier, il a ramassé 400 kg de fruits, et espère atteindre la tonne d’ici 5 ans. Il faut ensuite les laver et les faire longuement sécher. Il répartit ainsi ses 40.000 noix dans des petites cagettes qu’il remue quotidiennement. « C’est un boulot de dingue, mais quand on est petit, on ne peut pas acheter de matériel. » Enfin, il doit casser les noix qu’il veut transformer… à l’aide d’un « casse-noix classique, comme on en trouve en supermarché. J’en casse pendant des mois et des mois, dès que j’ai 5 minutes ».

Produire des noix en terres champenoises, une drôle d’idée ?

Ils s’épanouissent désormais au milieu de quelques autres noyers plus anciens. Son objectif d’alors n’était pas de deve nir l’un des seuls producteurs de noix de la région. « C’est plutôt l’arbre qui m’in téressait », raconte ce maître-nageur à la retraite. Les branches basses de ses noyers ont d’ailleurs été taillées, pour en faire de belles grumes qu’il comptait « lais ser aux générations futures ». Mais les arbres se montrent productifs et Dominique décide d’exploiter les noix. Il y a quatre ans, il crée sa société agri cole et commence à démarcher. D’abord les supermarchés locaux, où il écoule une partie de ses noix sous le nom de « Caillots d’Épernay ». « J’ai laissé tombé, et je ne le regrette pas, ça m’a forcé à cher cher ailleurs. » En région parisienne, plus précisément. Il y rencontre un maraîcher bio qui lui achète désormais la quasi-in tégralité de sa production. L’Agéen ne traite pas ses arbres, notamment car sa parcelle héberge des chevaux. Adhérent à la marque « Made in Marne », créée pour mettre en valeur les producteurs du département, Dominique transforme également une petite quantité de noix. Il fabrique des pralines avec une confiseuse sedanaise et des bonbons noix-miel, en collaboration avec un apiculteur local. Des sucreries qu’il vend en direct, sur des salons et marchés. « Ça permet d’avoir des retours et de dis cuter avec d’autres petits producteurs », apprécie celui qui peut s’enorgueillir d’avoir remporté un pari difficile. « Quand j’ai commencé, 100 % des gens m’ont dit : tu n’y arriveras jamais. Même ma femme et ma fille, se souvient-il. Ça m’a motivé, j’ai fait du water-polo à un niveau assez élevé, je suis compétiteur ! » Robin Philippot

Car Dominique cultive un produit bien dif férent de l’omnipotent raisin champenois : la noix, fruit indissociable de la préfecture de l’Isère. « Les plus gros producteurs de noix en France viennent du Sud-Ouest, pas forcément de Grenoble », précise-t-il néanmoins en replaçant son piège déjà rempli de centaines de mouches du noyer, capables de détruire une récolte. Il y a 18 ans, il faisait venir une grosse centaine de noyers de variété Franquette. À l’époque, les arbres « tenaient dans un carton », se souvient-il dans un sourire.

Des noix en Champagne

Pas pour Dominique Dominé, ancien maître-nageur qui se consacre désormais à ses noyers plantés à Aÿ-Champagne.

peine la clôture entourant ses deux hectares de terrain franchie, Dominique Dominé s’abaisse pour ramasser une boîte tombée d’un arbre. Il s’agit d’un piège qu’il a fait venir de Grenoble, comme une bonne partie des arbres plantés sur sa parcelle située à Aÿ-Champagne.

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ILS ET FONT AGRICULTURENOTREVIVRE

Cinq femmes en roue libre 38 cherchentCampagnesvétérinaires

Ils sont maraîchers à Craonne depuis douze ans 42

Souvent dans l’ombre, leur modestie n’a d’égale que leur implication dans le monde agricole. Ils et elles y consacrent bien souvent leur vie, que ce soit pour produire, concevoir ou encore soigner. Chacun à leur manière, ils s’adaptent aux nouveaux enjeux, aux nouveaux besoins et façonnent ce territoire, quitte, parfois à bousculer les évidences. 40

ELLES

LES HOMMES • 33 LA CRISE DE L’EMPLOI, AUSSI DANS L’AGRICULTURE

Aucun secteur d’activité n’est actuellement épargné par la pénurie de main d’œuvre, quel que soit le département. En guise d’exemple, Rémi Festuot, président de la commission emploi à la FDSEA des Ardennes, dresse un état des lieux.

«Dans les lycées, oui, il y a des jeunes qui font des études agricoles. Ils sont là, mais on ne les retrouve pas à leur sortie d’études. Où sont-ils passés ? » Volatilisés. « Comme si on n’arrivait pas à bien faire le lien avec les établissements de formation. Dans ma situation, exploitant en grande culture, j’ai voulu embaucher un saisonnier cette an née : j’ai eu deux candidats. Celui que j’ai retenu est en licence informatique à Reims, il fait la route Reims-Leffincourt tous les jours. » Il y six ans, 6 candidats s’étaient présentés pour les mêmes taches (roulage de benne, déchaumage, désher bage des betteraves...), soit trois fois plus qu’aujourd’hui. « C’est certain que si un jeune veut conduire des tracteurs, il aura du travail. »

34 • LES HOMMES

DES CENTAINES D’OFFRES SUR LE MARCHÉ « Nous avons deux dispositifs pour encou rager l’emploi au sein de la fédération : un service de remplacement, qui fonc tionne comme une agence d’intérim, avec 80 agents prêts à travailler. Ils représentent 15 équivalents temps-plein mis à disposi tion pour nos 650 adhérents. » Et puis il y a agriemploi, proposant d’aider les cotisants à trouver le personnel dont ils ont besoin. En 2021, 30 demandes de postes ont ainsi été effectuées. « Nous avons pu en hono rer une vingtaine ». En 2022, à la mi-août, 26 offres avaient été déposées et 16 pour vues. « On devrait atteindre la cinquantaine d’ici à la fin de l’année et si on compte les exploitants qui ne sont pas adhérents, on pourrait atteindre les 200 offres sur le marché. »

Rémi Festuot préside la commission « emploi » à la FDESA (fédération des syndicats d’exploitants agricoles) dans les Ardennes. « Mon rôle est notamment d’élaborer les conventions collectives », explique-t-il. À raison de 2.200 exploi tations recensées dans le département (29 % de fermes laitières, 34 % d’allai tantes, 30 % de grande culture et 7 % d’arboriculture et maraîchage), c’est peu de dire qu’il y a matière à trouver du tra vail sur l’une d’entre elles. L’agriculture représente d’ailleurs 15 % des emplois ardennais.

« LES ATTENTES DES JEUNES ÉVOLUENT, NOUS DEVONS NOUS ADAPTER » Qui sont donc ces agriculteurs qui « C’EST CERTAIN QUE SI UN JEUNE VEUT CONDUIRE DES TRACTEURS, IL AURA DU TRAVAIL »

« LES PATRONS DOIVENT RESTER SOUPLES, NE PAS ÊTRE TROP STRICTS, FAIRE CONFIANCE, ACCORDER DES PAUSES...

« Sur ce sujet, il y a encore beaucoup de lacunes. Les patrons doivent res ter souples, ne pas être trop stricts, faire confiance, accorder des pauses... C’est à nous de nous adapter et à nous remettre en question. » Car finale ment, et c’est tant mieux, les jeunes ne semblent pas repoussés par le domaine agricole. « En tout cas, ils ne nous tapent pas dessus en disant qu’on est des pol lueurs. C’est déjà un point positif. » »

Zoom sur Rethel

Plusieurs établissements de formation agricole se partagent les vocations dans la région, dont l’EPLEFPA de Rethel (Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole). Tout à la fois lycée agricole, général (biologie, écologie), technologique (sciences de l’agronomie et du vivant), mais aussi centre de formation continue et de formation par apprentissage (CFA), l’établissement du Sud Ardennes peut accueillir les élèves dès la 4e. À l’issue, pourquoi pas : une licence professionnelle, avec deux options possibles à Rethel : grandes cultures-environnement et transformation des agro-ressources. Plusieurs BTS cœxistent également autour des stratégies ou du pilotage de l’entreprise, le tout sur une exploitation agricole pédagogique avec cultures, élevages laitier et ovin, ainsi qu’un centre équestre pour soutenir la filière hippologie-équitation. L’offre évolue en permanence, avec désormais des BTS ouverts aussi à l’apprentissage : deux options possibles, « production animale » et « agronomie et production végétale »

LES HOMMES • 35 cherchent de la main d’oeuvre ? « Tout le monde cherche. Dans le secteur céréalier par exemple, que je connais bien, ça évolue comme ailleurs. On aura encore davantage besoin de personnel demain. » Typiquement, la main d’oeuvre familiale a tendance à vieillir et il faudra remplacer les parents qui cessent leur activité. « Le fils a besoin de quelqu’un pour remplacer son père. Il peut notam ment se tourner vers d’autres enfants d’agriculteur, qui partent travailler un peu ailleurs avant de rentrer sur l’exploitation familiale quelques années plus tard. C’est important de voir autre chose que chez soi. » Pour le reste, c’est débrouille et système D. Et cela ne suffit pas à atti rer les foules (lire par ailleurs). « On se remet fréquemment en question, notam ment concernant le taux horaire auquel on rémunère les salariés. On est à envi ron 11,50 euros brut de l’heure, il faut convaincre la profession d’augmenter un peu si l’on veut fidéliser les jeunes. » Augmenter un peu, oui, mais sans pour autant pouvoir dépasser les salaires de l’industrie. « Nos métiers sont essentiels, il s’agit aussi d’inculquer des valeurs. » Et puis il y a la gestion du personnel.

36 • LES HOMMES « ÊTRE ENFANT DE PAYSAN, CE N’EST PAS OBLIGATOIRE

LE SALAIRE NE FAIT PAS TOUT Dès lors, comment attirer le personnel ? Augmenter les salaires ? Ce n’est visible ment pas la meilleure des formules. « En constatant l’important turn over sur la ferme, on s’est remis en question et on a proposé plus. Résultat : on formait les gens et ils finis saient quand même par partir. Désormais, il faut faire ses preuves, rester un peu et après, on augmente la paie. » Julien Cogniard reconnaît enfin que les fils d’agriculteurs ne sont pas forcément les meilleurs. « Ils ont trop de confort et certaines habitudes difficiles à perdre. J’ai vu de très belles réus sites et des motivations chez des jeunes qui n’étaient pas du milieu ». À Pauvres comme ailleurs, la problématique perdure : celle des horaires, des week-ends et des congés.

Le panneau est flashy, posé devant la ferme d’élevage (volailles et agneaux) de Julien Cogniard, à Pauvres, dans le sud des Ardennes : « nous recrutons un apprenti, productions animales et végétales. » « J’ai eu une touche, mais finalement ça ne pourra pas se faire », déplore l’éleveur au sujet des candidatures. L’alternance est pourtant une valeur sûre : peu coûteuse pour le patron (qui doit toutefois assurer la formation une semaine sur deux et la supervision du rap port de stage), elle permet de retrouver de la souplesse sur l’exploitation. « Au début, j’étais un peu réfractaire, je pensais que ça me prendrait beaucoup de temps en for mation pour peu d’efficacité. Au final, c’est super, notre précédent apprenti s’y est mis très vite. Ça m’a permis de pouvoir participer aux réunions, coopérative, méthanisation, CUMA, et de gérer l’administratif... Si je ne trouve personne, je verrai avec un des sala riés s’il peut faire plus que 30 heures. Sinon, je ferai tampon.

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Pauline Godart

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Elle cultive le safran dans les Ardennes depuis 2014. Originaire de Seineet-Marne, cette ancienne éducatrice de chiens d’aveugle a quitté Paris sans regret pour rejoindre son époux Vincent, agriculteur à Saint-Fer geux, près de Château-Porcien. Titulaire d’un BP agricole, Gaëlle a découvert l’âpreté et les joies d’une profession mal connue, chrono phage mais si gratifiante. Sur le sol limoneux-argileux et draînant de ses vingt ares, la jeune femme met un point d’honneur à travailler entière ment à la main (plantation, désherbage, récolte) et sans herbicide. Un travail aussi prenant que la plante est délicate. Très dépendante de la météo, la récolte de Gaëlle Manceaux s’élève chaque année à l’automne à plusieurs centaines de grammes. Exhausteur subtil de goût et colorant raffiné, l’or rouge est aussi un produit précieux : autour de 40 euros le gramme. Le bon safran est rare. Et ce qui est rare…

Caroline Estienne, la valeur n’attend pas...

Caroline est un cas ! A 21 ans, elle a pris les rênes de son exploitation avant de passer son BTS agricole. C’était en janvier. A Saint-Jeansur-Moivre, les 132 hectares d’un agriculteur retraité lui ouvraient les bras. Elle a franchi le pas sans trop s’interroger. « L’école me gonflait. J’ai saisi l’occasion ». Elle l’a fait avec les conseils de son père Marcel dont l’exploitation a pris, elle, le virage bio. Le père aide la fille, la fille aide le père... Parfois, le frère Guillaume donne aussi un coup de main. Pour la comptabilité, qui n’est pas son fort, elle fait appel à un centre de gestion. Pour le reste, elle apprend en marchant. « Je suis dans la continuité de mon prédécesseur ». Aux céréales et à la luzerne, elle a juste ajouté quelques hectares de fétuque élevée et d’œillette pharmaceutique. Pour les betteraves, elle verra « plus tard » car la guerre en Ukraine agit négativement sur les prix. Malgré son jeune âge, Caroline est une pragmatique et juge sévèrement l’agri-bashing. « Il est souvent le fait de gens qui méconnaissent la réalité de ce métier ». Métier qu’elle ne regrette pas d’avoir choisi : « Il est difficile mais il me fait vibrer ! »

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Portraits

Gaëlle safranièreManceauxd’aujourd’hui

CINQ FEMMES EN ROUE LIBRE

Elles sont jeunes et volontaires. Gaëlle, Caroline, Manon, Louise et Marine ont choisi de vivre leur passion grandeur nature. Gilles Grandpierre

Aucune de ses trois soeurs n’étant candidate, elle s’est sacrifiée ! On plaisante bien sûr car s’il est une chose qui paraissait inscrite dans la nature des choses, c’est bien que Louise Piercourt prenne le relais paternel à la tête de l’exploitation familiale, à Mortiers, dans le nord de l’Aisne. C’était en 2019, elle avait 27 ans ! Blé, betterave, colza, maïs, orge auxquels elle a ajouté une dizaine d’hectares de lin. Titulaire d’un diplôme d’ingénieur agricole obtenu à Beauvais, Louise avait d’abord travaillé à la chambre d’agriculture des Yvelines puis dans le conseil agricole avant de franchir le pas. « Reprendre l’exploitation, c’était naturel. Toute petite, je savais que je ferais comme papa », dit Louise qui a su imposer sa silhouette menue dans un monde réputé machiste. « Les choses ont beaucoup changé. J’arrive alors que l’agriculture est propre, très contrôlée. En matière d‘intrants, on ne fait plus n’importe quoi. Nous devons apprendre à montrer nos bonnes pratiques et nous ouvrir davan tage ». C’est l’une des missions qu’elle se donne depuis janvier à la présidence des Jeunes agriculteurs de l’Aisne. « Dans ce métier, il faut être bon partout, être touche-à-tout. Je crois que je suis faite pour ça ».

L’aide aux jeunes agriculteurs est une clé de la réussite. En reprenant en 2018 l’exploitation paternelle à Le Thour (Ardennes), Marine Favette (30 ans à l’époque) a fait le choix de diversifier ses cultures sans déro ger à la tradition familiale. Aux céréales, elle a ajouté le safran et le colza. « Le Crédit agricole m’a suivi dans mes projets. J’avais besoin de conseils pour assurer la visibilité de mes investissements sur 5 ans ». Conseils financiers, gestionnaires et techniques… Issue de la commu nication, la jeune femme a fait le choix de renouer avec ses racines agricoles et ardennaises après avoir travaillé à Reims et Paris. Elle ne le regrette pas. « La période d’installation dure un an. Les conseils du Crédit agricole m’ont clairement fait gagner du temps. Ils rassurent, ils encadrent… ». La banque est aussi intervenue pour financer l’achat ou l’aménagement de bâtiments. Marine Favette un coup de pouce du Crédit Agricole Elle a réalisé son rêve. Sur près de 5 hectares rachetés à un céréalier retraité de Creney-près-Troyes, Manon Vérité (quel nom magnifique !) est à la paix de son cœur depuis le 5 mars. Elever des chèvres, produire ses fromages et ses yaourts, l’idée ne l’avait jamais quitté tout au long d’un parcours qui l’a mené, depuis son bac « Sciences et Technologies de l’agronomie et du vivant » vers un BTS, une licence en produits laitiers et un an et demi de pratique au Qué bec ! C’est dans sa région natale, qu’elle est revenue s’installer à 28 ans pour accomplir sa destinée agricole. 500.000 euros (prêt bancaire, finance ment participatif, fonds propres) ont financé l’installation. Ses 43 chèvres des Alpilles, dont 39 laitières, l’y aident bien. Ses protégées, qu’elle apprécie pour leur douce intelligence, produisent chaque jour une douzaine de fromages et de yaourts. Nourries à l’herbe, au foin et aux céréales, les chèvres sont surtout une pub vivante pour les bienfaits des circuits courts. La plupart des clients de Manon viennent de Troyes. @ Romu Ducros Manon Vérité les chèvres LouisepassionnémentPiercourt, 200 hectares et quelques

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«Après l’épicerie, l’école a fermé, puis la poste et le bistro, le méde cin n’a pas trouvé de remplaçant et la fusion a relégué la mairie à 10 kilomètres…

La France manque de vétérinaires ruraux. Le mal, longtemps attribué à tort à la féminisation du métier, a des racines multiples et profondes. Gilles Grandpierre

HARCELES ! C’est une plaie qui incite peut-être beaucoup de professionnels à abandonner le métier avant la cinquantaine (47 ans contre 60 pour les médecins). Le cyber-harcèlement des vétérinaires prendrait des proportions inquiétantes, selon Yannick Pérennes. « Agressions, incivilités, les collègues y sont quotidiennement confrontés ». La profession vétérinaire est la profession médicale la plus touchée par le suicide.

40 • LES HOMMES Vétérinaires LA CAMPAGNE LEUR FAIT LES YEUX DOUX

Pourquoi voulez-vous que le vétérinaire résiste ? », ironise le Rémois Yannick Pérennes, brossant le portrait robot du dépérissement rural. Avec ses 75 sala riés, le directeur du centre hospitalier vétérinaire Pommery, l’un des dix seuls de France, ne se plaint certes pas. Créé en 1995 par 3 vétérinaires, le CHV en emploie aujourd’hui 45 ! C’est dire si la « canine » (comme on désigne les vétérinaires de ville) a le vent en poupe (voir tableau).

Mais si les vétos sont de plus en plus nombreux, le déséquilibre entre les deux secteurs s’amplifie : « Depuis Reims, nous assumons de plus en plus les perma nences des soins dans un périmètre élargi, jusqu’à Vitry-le-François, Saint-Quentin ou Hirson où nos collègues, pas assez nombreux, ont besoin de lever le pied le week-end alors qu’ils assurent le plus sou vent une double activité rurale et canine ». Si l’on en est là, à qui la faute ? Eleveurs et vétérinaires se renvoient volontiers la balle. Pas d’élevage sans sécurité sani taire, assurent les uns. Pas de vétos sans animaux, répliquent les autres. Autre argu ment : le choix supposé des jeunes et des femmes (a fortiori des jeunes femmes) pour la canine. Hypothèse commode mais statistiquement fausse. Comme souvent, la réalité est plus complexe. « La première cause, et depuis des décen nies, c’est l’abandon des campagnes et l’absence de politique de développement des territoires », peste M. Pérennes. Les zones blanches, les ratés de la wifi ou le départ des services publics sont dans le collimateur. Salariés plus que libéraux Deuxième « coupable » : la faiblesse du numerus clausus (646 en 2020). S’il existe quatre écoles publiques (Maison-Alfort, Nantes, Toulouse, Lyon) et bientôt, une cinquième privée à Rouen, ce ne serait

pas assez pour former les vétos manquants, un bon millier, selon l’ordre des vétérinaires (sur 20.197 actuellement). En attendant, pour trouver des bras, les cabinets recrutent de plus en plus à l’étranger, à commencer par la Belgique.

MERCI LES BELGES !

ruraux et mixtes

Comme leurs jeunes collègues français, les Belges privilé gient surtout l’emploi salarié à l’exercice libéral. « Ils sont aux 35 heures. Pour 2.400 euros brut, avec 13e mois, logement et voiture, ils veulent avoir une vie normale, du temps libre, des loisirs... L’époque du vétérinaire taillable et corvéable, c’est terminé », assure Alain Poismans, à l’origine de la clinique ardennaise. Lui-même reconnait vouloir quitté la « rurale » pour des raisons financières. Le paradoxe, aujourd’hui répandu, c’est que les praticiens ruraux sont aujourd’hui en majorité des vétérinaires canins !

et ruraux) (variation 2016-2020) France 20.197 (+ 7,61 %) 8.657 (- 4,9 %) 11.540 (+ 20,2 %) 3.710 (19 % du total) (- 18,5 %) Grand Est 1.455 (+ 12,43 %) 638 (+ 11 %) 817 (+ 19 %) 236 (- 12 %) Marne 154 (+ 14,07 %) 54100 18 (12 H - 6 F) (- 10 %) Ardennes 128 (+ 3,23 %) 7157 45 (36 H - 9 F) (- 6,25 %) Aube 69 (+ 7,81 %) 3039 8 (4 H - 4 F) (- 11,11 %) Hauts-de-France 1.447658789 Aisne 5832269 Données extraites de l’atlas démographique 2022 de l’Ordre national des vétérinaires. Toutes les données de l’Aisne et des Hauts-de-France ne sont pas communiquées. En 2022, l’Aisne est l’un des dix départements, comme la Haute-Marne et la Meuse, qui perd des vétérinaires.

(variation

2022

A Auvillers-les-Forges (Ardennes), la clinique des deux Thié rache compte dix vétérinaires dont six femmes. Créé en 1998, et aujourd’hui présent aussi à Fumay, Renwez et Bruneha mel, dans l’Aisne voisine, l’établissement emploie surtout six Belges. « En France, ils ne trouvent pas seulement un travail, ils ont aussi une activité plus variée. Passer son temps à pratiquer des césariennes sur des blanc bleu belge n’est pas très moti vant », explique Pierre Kirsch, originaire de Arlon.

Trois questions à Jean-François Rubin

La part croissante des femmes dans la profession explique-t-elle cette désertification ? Il faut tordre le coup à cette idée reçue. On a longtemps cru, c’est vrai, que les femmes préféraient massivement la canine. C’est inexact et c’est même l’inverse. S’il est vrai qu’elles représentent aujourd’hui 55 % de l’effectif national et 72 % des nouvelles inscriptions, les femmes sont aussi plus nombreuses que les hommes, parmi les nouveaux inscrits à l’ordre, à vouloir exercer en secteur rural. Comment faire revenir les vétérinaires à la campagne ?

Le ministère de l’agriculture a lancé avec la profession et les éleveurs un dispositif grâce auquel les collectivités territoriales pourront aider les vétérinaires titulaires d’une habilitation sanitaire assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d’élevage. Sept territoires (dont deux dans le Grand Est) ont été retenus pour établir un diagnostic de situation, actuellement en cours. Un autre dispositif, les stages tutorés, existe qui permet d’attirer en secteur rural des étudiants qui y ont fait leur stage. Et ça marche plutôt bien.

LES HOMMES • 41

En 2020, l’Ordre a inscrit davantage de vétérinaires diplômés à l’étranger (56 %) que de vétérinaires diplômés en France. Les plus nombreux sont diplômés par l’école vétérinaire de Liège en Belgique. Actuellement, 21,6 % (soit 4.237) des vétérinaires exerçant en France sont diplômés dans ce pays. Ce ratio est de presque 1 sur 3 dans le Grand-Est. Près de 8 % (7,7) sont diplômés d’autres pays de l’Union européenne, majoritairement la Roumanie et l’Espagne. Nombre vétérinairesde 2016-2020) Hommes (variation 2016-2020) Femmes (variation 2016-2020) Vét. (canins

Président de l’ordre régional des vétérinaires Grand-Est Quelles sont les raisons de cette pénurie rurale ? J’en vois trois : l’attractivité des villes par rapport à des campagnes souséquipées ; la défiance croissante pour la viande dont témoigne le succès du végétarisme ; enfin les conditions de vie et les niveaux de rémunération. Quand je suis sorti d’école, il y a 40 ans, on disait que les « canins » travaillaient deux fois moins et gagnaient deux fois plus. Ça n’a pas tellement changé.

42 • LES HOMMES Vocation Ils sont maraîchers à Craonne depuis douze ans

«

paysanne©Hélène Guillet

LES HOMMES • 43

«

Le bio, c’est magique ! »

Pour se diversifier, le couple a ajouté au maraîchage un troupeau de 300 brebis qui s’ébattent sur les 68 hectares de l’an cienne ferme familiale remis en herbe. Sous serres ou en plein champ, les plan tations occupent 4 hectares : tomates, asperges, choux, courges, aubergines, poivrons, poireaux… Au total, quarante espèces de légumes et 5 à 6 variétés par espèce. Tous légumes de saison, évidem ment ! C’est assez pour fournir aux fidèles de l’AMAP quelque 200 paniers chaque semaine, et pour tenir, le samedi à Reims, un stand remarqué au marché du Boulin C’estgrin. ici qu’un certain Philippe Mille les avait repéré il y a quelques années. Le chef des prestigieuses Crayères cherchait des producteurs locaux. Un coup de fil a suffi pour nouer un partenariat gourmand et durable. « Je n’aurais pas osé le démar cher », reconnaît Stanislas. Kazu, le chef de « Racine », l’autre double étoilé de Reims a suivi le mouvement. Plus qu’une reconnaissance, c’est la justification d’un engagement « Ce que nous faisons a du sens. Avec le bio, nous sommes dans le concret de la vie et en cohérence avec notre mode de vie », explique Doro thée. « Non seulement, nos choix ont un vrai impact sur notre territoire mais nous sommes aussi capables d’expliquer notre métier à nos enfants ». Pas sûr, en effet, que tout le monde puisse en dire autant. Gilles Grandpierre

Dorothée a un peu de mal à trouver un créneau dans son emploi du temps. La haute saison du maraî chage en rajoute aux problèmes de téléphonie… De toutes parts, ça se bouscule. Rendez-vous est finalement pris aux aurores. Craonne est sous le grand soleil. La nature explose, parfumée et profuse. La ferme des Bon nevals est en bordure de route. Derrière, les grandes serres alignent leur blancheur rectiligne. Le couple arrive, la quaran taine magnifique et vaguement méfiante. Raconter leur métier, leur vie, leurs expé riences. Oui, bon, pourquoi pas… Alors, ils s’assoient et racontent… Ils s’étaient rencontrés il y a une ving taine d’années sur les bancs de l’école d’ingénieurs agronomes de Rouen (Uni LaSalle). Jolie carte de visite. Il venait de région parisienne, elle de l’Aisne, née d’un papa localement fameux. Papa, c’est Noël Genteur, emblématique maire de Craonne pendant 25 ans, mémoire intarissable du Chemin des Dames. Et accessoirement, ex-agriculteur-éleveur. Mais ceci est une autre histoire.

Leurs fruits et légumes ont séduit deux restaurants deux fois étoilés de Reims. Rien que ça ! Dans leur petite ferme de Craonne, Dorothée et Stanislas Caudron voient la vie en vert. Associations pour le maintien d’une agriculture

Quarante espèces de légumes

(1)

Le mode des AMAP était sécurisant » Contrairement à son épouse, Stanis las n’est pas tombé dedans quand il était petit. Après Rouen, il avait choisi la banque de réseau, jusqu’au fond du Loir-et-Cher ! Vers 2008, il avait changé d’enseigne pour travailler à Compiègne et se rapprocher de sa chère et tendre, alors salariée à Beauvais. C’est à ce moment-là que son chemin a croisé celui de Manu, un maraîcher bio de l’Oise qui lui a tout appris ou presque. Stanislas s’est installé en 2010 dans la ferme du beau-père. Dorothée l’a rejoint en 2018, après avoir jusque-là cumulé son activité agricole avec des emplois techniques en chambre d’agriculture puis à la ville de Soissons. Renouant avec la tradition maraîchère de Craonne, le choix s’est imposé. « Avec mon père, j’avais vu la dureté du métier d’éleveur. Au début, le maraîchage était un revenu complémen taire. On s’est vraiment lancé parce que le modèle des AMAP(1), alors en plein essor, était sécurisant. Surtout, le bio avait toute notre sympathie, même s’il ne faisait pas a priori partie de notre culture », raconte NoëlDorothée.aaidé

le couple à monter son pre mier atelier maraîchage. Gros boulot… Construire les serres, installer le réseau d’irrigation, acheter les équipements… Stanislas a appliqué ce que Manu lui avait appris. Sans engrais ni pesticides de synthèse, le bio demande un accom pagnement technique spécifique et un solide prévisionnel. « L’organisation du travail est annuelle. Du printemps à la mise en place des cultures d’hiver fin octobre en passant par les grosses récoltes, d’avril à juillet, on est au taquet ! On retrouve nos trois enfants à la mi-décembre ! ».

Créé en 1976, l’unique marché aux bestiaux du Grand-Est traverse des temps difficiles mais tout le monde veut croire une renaissance possible.

44 • LES HOMMES

De l’histoire ancienne…

Gilles Grandpierre

LES HOMMES • 45

O

« Et de nouveau 80.000 euros cette année ! Avec des factures annuelles d’eau de 22.000 euros, ça grimpe vite », insiste le président du SIVU, Joseph Afribo luimême. Lequel voit d’un bon œil le projet de marché au cadran mené par des éleveurs ardennais (voir par ailleurs). « Tout est mis en œuvre pour que ça marche. ça va booster la fréquentation, même si ça ne sera pas suffisant ». En attendant, éleveurs, négociants et acheteurs prennent leur mal en patience.

Eleveur et président de la FDSEA des Existe-t-ilArdennes.unprojet de redressement du foirail et qui le porte ? Depuis un an et demi, en effet, une quinzaine d’éleveurs ardennais -dont je suis à titre personnel- réfléchit aux moyens de redynamiser l’élevage territorial. La réflexion est en cours.

Son successeur, Joseph Afribo, a mis carrément les pieds dans le plat. Mal gérée, la structure est passée sous la coupe d’un SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique), dont les deux acteurs (Rethel et Sault-lès-Rethel) se sont déjà délestés de 145.000 euros (95.000 + 50.000) pour éponger le déficit « catastrophique » laissé par l’ancienne association gestionnaire.

Quel est l’enjeu ? Tout simplement la survie, du foirail. Les menaces sont réelles. Les charges sont énormes, les collectivités (Rethel et Sault-lès-Rethel) remettent tous les ans au pot. Malgré cela, le potentiel d’animaux diminue. Or moins d’animaux, c’est moins d’acheteurs, des prix moins intéressants et au bout du compte, moins de vendeurs. L’activité baisse depuis dix ans. Deux chiffres pour comprendre : il se vend chaque année dans les Ardennes 100.000 animaux et seulement 15.000 au foirail. Il faut inventer d’autres types de commercialisation.

Il y a dix ans déjà, l’ancien maire Guy Deramaix, avait bataillé pour sauver le foirail.

C’est une démarche qui est menée avec le SIVU, le syndicat qui gère maintenant le foirail. Sur quelle stratégie réfléchissez-vous ? L’idée est de faire du foiral un marché au cadran, un mode de commercialisation par vente aux enchères informatisées anonymes et croissantes : ce sont les acheteurs qui font monter les prix d’achat, alors que dans une négociation en gré à gré, les acheteurs essayent de les faire baisser ! C’est un système simple, confidentiel et transparent avec une gestion sécurisée.

La fermeture de cette table emblématique confirmait surtout un constat fâcheux. Le marché attire de moins en moins les hommes, donc les bêtes… En moyenne 500 à 600 alors qu’il devrait en accueillir 900 pour assurer sa pérennité. Conséquence : les finances ne sont pas au beau fixe. Et ce n’est pas nouveau.

Trois questions à Thierry Huet

n cherche les bétaillères, on tend l’oreille, on pense s’être trompé de jour. Mais non… Le foirail de Rethel ouvre bien tous les lundis. Une journée rituelle pour une institution. Mais ce lundi-là (18 juillet), « l’institution » sonne un peu le creux. Sous l’immense et superbe halle, quelques dizaines de veaux et une vingtaine de « maigres » (des vaches destinées à la boucherie) assurent un semblant d’ambiance. On est loin de la frénésie d’antan quand le foirail accueillait chaque semaine la foule des grands jours dans une joyeuse ambiance de barnum agricole…

Ce lundi-là donc, quelques éleveurs et marchands ont bravé la morosité. Beaucoup ont revêtu l’habit classique : longue blouse grise et canne jaune. Il fait vraiment très chaud. Cela donne parfois ces images cocasses de septuagénaires en short arborant leurs guiboles immaculées… Fin juillet, le foirail a un air de vacances. L’extrême chaleur et la priorité aux moissons expliquent en partie la maigre fréquentation. Mais pas seulement. Depuis de longs mois, années peut-être, le seul marché aux bestiaux de la région tire le diable par la queue. La fermeture, au début de l’année, du « Foirail » (le restaurant du site) avait jeté un gros froid. Comme un symbole… Passons sur le bras de fer qui avait opposé l’ex-patron et la mairie…

« Pourquoi on en est là ? Parce que si les prix de la viande augmentent, les coûts de production, aliments en tête, augmentent encore plus vite. Les gens travaillent pour rien et baissent les bras. Voilà pourquoi ! », peste un négociant picard, tandis qu’un éleveur aubois déplore les ventes directes aux abattoirs, qui ont ainsi le loisir de fixer euxmêmes les prix. « Or c’est ici que doivent se déterminer les cours. Si ça lui échappe, ce n’est bon ni pour le foirail, ni pour Rethel, ni pour les Ardennes ».

A Rethel, le foirail au ralenti « Les genspourtravaillentrien»

MOINS D’HOMMES,MOINS DE BÊTES

46 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS 03

LADETECHNOLOGIEAUSERVICENOUVELLESEXIGENCES

Les cinq défis du réchauffement 47 Le désherbage mécanique, pas encore la panacée 56 Des « prouesses technologiques » signées Vico 60

Derrière l’agriculture, il y a des hommes mais aussi des machines. Un seul mot d’ordre : l’innovation. Un progrès qui doit aller de pair avec une recherche constante de la qualité et le respect de notre environnement. C’est ce mariage parfois difficile que le monde agricole s’applique à relever quotidiennement. Quand la mécanique et l’ingénierie permettent de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain !

Des vendanges avancées de trois semaines, un degré alcoolique passé de 9,2° à 10,2° en dix ans : l’impact du bouleversement clima tique sur le champagne est connu. Aujourd’hui engagée dans une ambitieuse stratégie environnementale, la filière vise, notamment, à réduire sa production de CO2 de 75 % d’ici 2050 et a déjà allégé ses bouteilles de 65 grammes ! « Le ré chauffement n’est pas une menace, c’est un fait », résume le Comité Champagne. Et pour cause. car les conséquences du réchauffement sont plutôt positives : si les cycles physiologiques sont boule versés, si les attaques parasitaires et les gels de printemps sont plus fréquents, l’impact sécheresse est largement conte nu grâce au miraculeux effet éponge de la craie. Résultat : trois millésimes ces trois dernières années ! Du presque ja mais vu. Autrement dit, le champagne s’en sort bien. Seule inconnue : le comportement du vignoble s’il advenait que le réchauffement climatique dépasse les 2° d’ici 20 ans. D’autres n’ont pas cette inquiétude. En Thiérache ardennaise, la renaissance du vignoble local fait son miel du réchauf fement depuis 2011 et la création de l’association des vignerons de Servion. Pour 15 euros la part, 844 souscripteurs avaient adhéré à l’initiative de Benoît Richard en échange de 3 bouteilles du vin futur. Lequel a commencé à couler en 2015 après la plantation, les deux années précédentes, de 3.000 pieds de pinot noir, d’auxerrois et de chardonnay. Au total, 5.000 bouteilles d’un blanc honorable (hormis l’imbuvable production de 2017) sont sorties des fûts. Et pour la première fois, cette année, l’as sociation va commercialiser 500 bouteilles de la cuvée 2020. Mais les vins de Servion restent d’abord une affaire d’amitié. A Belleville-sur-Bar, la démarche de l’Ardennais Sylvain Chen est plus pro fessionnelle. Après avoir bourlingué de Pékin à Reykjavik, ce jeune conseiller en viticulture né à Boult-aux-Bois a planté l’an dernier 60 ares de plants entre Bellay et Quatre-Champs. Il envisage de sortir sa première cuvée 100 % ardennaise en 2025. En attendant, il vinifie depuis trois ans des raisins alsaciens et procédera en septembre à sa 4e vinification pour produire 5.000 bouteilles d’un vin blanc de bonne facture. Mais son grand projet est de faire revivre le vin paillet -selon lui proche du rosé des Riceys- qui fit autre fois les beaux jours de l’Argonne. Le nom est déjà trouvé : le domaine de la Bacou lette. Un vin 100 % Ardennes !

Du rosé en Ardenne ?

SYLVAIN CHEN Conseiller en viticulture

LES CINQ DÉFIS DU

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RÉCHAUFFEMENTLescanicules et aléas climatiques bouleversent les habitudes agricoles et dessinent un monde nouveau dont voici quelques pistes.

Dossier Gilles Grandpierre

BENOÏT PIÉTREMENT Président de Novagrain et Vice-président de l’AGPB

L’avènement des tournesols

Les pigeons qui déciment les grandes cultures ne sont pas les seuls à apprécier le tournesol. Les polyculteurs aussi. Si la jolie plante gagne de plus en plus les étendues septentrionales (Champagne, Lorraine et Bourgogne), ce n’est pas pour égayer le paysage, mais parce que la sécheresse ne l’effraie pas. De surcroît, son cycle court et son rapide retour sur investissement séduisent beaucoup. « Il n’a que deux problèmes : il faut toujours être dedans et les pigeons en raffolent », confirme Benoît Piétrement. À la tête d’une exploitation de 188 hectares à Montmirail (sud-ouest marnais), le président de Novagrain et vice-président de l’AGPB (planteurs de blé) fait pourtant du tournesol un supplétif crédible des betteraves ou du maïs qui détestent la chaleur. « J’utilise du tournesol depuis deux ans. Il se plante assez tard, fin avril-début mai, et il résiste bien au sec ». L’exploitant n’en est pas à abandonner ses cultures traditionnelles, mais il réfléchit : « Les féveroles et les pois, très sensibles aux coups de chaud, me posent question. Si les cultures d’hiver (orge, colza) résistent bien, les cultures de printemps souffrent. La solution, c’est de diversifier et de choisir de nouvelles variétés de blé ou de colza plus résistantes aux canicules », explique le patron de Novagrain qui dit voir apparaître sur ses blés de la rouille jaune, « une maladie qu’on retrouve dans le sud mais qui n’existait pas chez nous ». La conséquence la plus visible du réchauffement, c’est bien sûr la précocité des moissons, terminées cette année le 20 juillet au lieu de début août habituellement. « Certains collègues avaient même terminé le 14 juillet ! On a gagné 3 semaines en vingt ans ». Les risques d’échaudage ne sont pas les seules menaces, la qualité des récoltes s’en ressent aussi. « Il y a des inconnus sur les maïs de printemps. En pleine maturation, ils se sont pris deux coups de chaud. Ce n’est pas bon. Les blés, eux, connaissent de grands écarts de rendement selon les terres : pires que prévu sur les terres pierreuses, meilleurs que prévus sur les limons ». Les variations climatiques ont d’autres effets, moins connus. « ça devient compliqué de doser les apports d’azote pour améliorer les rendements de blé. En général, on se base sur les cinq dernières années. Mais comme la météo change tout le temps, on ne sait jamais où on va ».

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Le réchauffement climatique et la guerre en Ukraine renchérissent enfin les matières premières dans des proportions insoupçonnées au début de l’année. « Je dois faire avec une double augmentation du gazole routier (+ 2.000 euros) et des engrais azotés (200 euros de plus à l’hectare). L’engrais est devenu notre principale charge de production. C’est une nouveauté. Pour le moment, c’est compensé par les rendements et la hausse du prix du blé. Mais dans les années qui viennent, si les cours retombent et pas les charges, ce sera la catastrophe ».

Le saviez-vous ? Perspectives : Les prévisionnistes tablent d’ici 2030 sur une augmentation des sécheresses de 10 %, des inondations de 15 % et des tempêtes de 10 %.

EMMANUEL FOISSY Responsable du « marché de l’agriculture » au Crédit Agricole du Nord Est.

IL EST PRIMORDIAL DE LE FAIRE DÈS L’IMPLANTATION. »

La multiplication des aléas climatiques a un impact croissant sur les récoltes. Jusqu’à aujourd’hui, il existait deux régimes parallèles de protection contre les aléas : les calamités agricoles qui excluaient la viticulture et les grandes cultures et l’assurance multirisque. Créée en 2005, avec le soutien public d’une subvention d’assurance, l’assurance récolte était efficace mais elle ne protégeait que 30 % des surfaces agricoles hors prairies. Sa pérennité était engagée en raison d’un rapport sinistre sur cotisation à 110 %. Depuis 2016, la fréquence et l’intensité des aléas ont eu raison de ce système.

ACTUELLEMENT, SEULS 30 %DES AGRICULTEURS SONT ASSURÉS.

UN EXEMPLE… Pour comprendre l’intérêt de s’assurer, voici l’exemple d’un céréalier exploitant 100 hectares pour 300.000 euros de production. S’il perd les 2/3 tiers de sa récolte (200.000 euros) après un événement l’indemnisationclimatique,del’Etatpar le fonds de solidarité nationale (FSN), s’élèvera à 22.500 euros (11 % de sa perte). En prenant une assurance et une franchise à 25 %, il sera indemnisé à hauteur de 125.000 euros.

QUEL EST L’ESPRIT DE CETTE RÉFORME ?

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Il s’agit d’instaurer un système universel et surtout incitatif pour encourager les exploitants à souscrire une assurance récolte. Actuellement, seuls 30 % sont assurés. Il est primordial de le faire dès l’implantation. Dès à présent, nos équipes sont mobilisées pour présenter la réforme à nos clients et chiffrer les coûts en fonction des futurs assolements.

UNE RÉFORME DE L’ASSURANCE RÉCOLTE ENTRE EN VIGUEUR LE 1er JANVIER PROCHAIN. POURQUOI ?

« Un régime d’assurance récolte universel » “

«

TROIS QUESTIONS À EMMANUEL FOISSY

À PARTIR DE JANVIER, QU’EST-CE QUI VA CHANGER ?

Les risques seront mieux partagés entre l’État, les exploitants et les assureurs. Tout n’est pas encore arrêté, mais toutes les cultures bénéficieront d’une couverture minimum. L’assureur sera l’interlocuteur unique. En résumé, la réforme comporte trois étages : les pertes « mineures » seront couvertes par les exploitants ; les aléas d’intensité moyenne seront pris en charge par les assureurs dans le cadre de la nouvelle assurance climatique au-delà de la franchise ; les risques majeurs seront couverts par l’État, pour toutes les cultures, avec un doublement de l’indemnisation si l’exploitant est assuré par une multirisque climatique.

Des oranges dans la Marne ?

JACQUES ROUCHAUSSÉ Président du interprofessionnelCentredesfruitsetlégumes

lement, Marne et Ardennes comptent une cinquantaine de maraîchers, l’Aisne une vingtaine, l’Aube une quinzaine.

C’était un fantasme il y a encore dix ou quinze ans. Ça l’est de moins en moins. Le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, que préside le Marnais Jacques Rouchaussé, mène actuellement des recherches sur la migration d’es pèces variétales de fruits et légumes du Sud au Nord. « Des agrumes, notamment des oranges, ont déjà été plantés dans le Bordelais. On peut imaginer d’autres va riétés de fruits dans nos contrées. Mais les études demandent du temps et de l’argent ». Le centre travaille aussi sur l’ins tallation d’ombrières photovoltaïques pour protéger les cultures des excès du soleil. Maraîcher à Mardeuil, M. Rouchaussé, qui préside également les producteurs de « Légumes de France », dresse de l’an née maraîchère un bilan catastrophique. « Jusqu’à présent, nous avions une année très chaude de temps en temps. Mainte nant, c’est plusieurs fois par an. On bat tous les records. Les plantes à vie courte, les salades, radis, carottes, sont en stress hydrique. Elles sont arrosées en perma nence mais ça permet tout au plus de les maintenir en vie. La chaleur agit sur les ren dements et la qualité ».

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L’effet cumulé des différents épisodes de grande chaleur aboutirait en effet à des baisses de rendement records, de l’ordre de 30 à 40 %. « Les canicules se conjuguent avec l’augmentation colossale des charges générée par la situation inter nationale : +130 % sur l’énergie, +45 % sur les coûts d’emballage, +110 % sur les frais ! A ce rythme, je ne sais pas quel secteur pourrait résister », déplore le pré sident de « Légumes de France » selon qui la situation « menace sérieusement » la survie de beaucoup d’entreprises. Actuel

Pour le moment, elles mangent en core de l’herbe des champs, la vraie, qui pousse naturellement depuis des siècles sans rien de mander à personne. Pour nourrir les vaches de Thiérache, il faudra peutêtre un jour semer des herbes nouvelles, riches en trèfle, aussi vertes mais plus ré sistantes aux aléas climatiques, donc plus abondantes en période de sécheresse. Les éleveurs n’en sont pas encore là, mais l’hypothèse n’est pas folle. En attendant, tandis que les prairies jaunissent à vue d’œil, les agriculteurs puisent dans les rations d’hiver, herbe enrubannée, stocks d’ensilage ou méteil, pour nourrir leur troupeaux. Rien de dra matique certes mais recours désormais récurrents. « Depuis cinq ans, on passe d’un été très sec à un été mouillé, comme l’an dernier, lorsque les bêtes pataugeaient dans des prairies gorgées d’eau. Dans les deux cas, il faut puiser dans les stocks d’hi ver », explique Régis Tricoteaux, éleveur à Clairfontaine et maire de sa commune.

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« Parfois, nous devons acheter du foin. A 100 euros la tonne, c’est toujours une dépense supplémentaire ». Mais même lorsqu’elles ont de quoi assouvir leur faim, par temps de canicule, les vaches mangent moins. Et une vache qui mange moins, forcément, produit moins. « Quand il fait très chaud, on peut perdre de 10 à 15 % de lait ». L’équivalent de 3 litres par vache. Sur un troupeau de 80 bêtes, c’est un manque à gagner d’une centaine d’euros par jour. En plus de ces dépenses, par nature imprévisibles, les éleveurs doivent aussi faire face à la hausse du coût des intrants, fuel, engrais, aliments (pulpes sèches ou déshydratées)… « Autrefois, les anciens disaient qu’il faut toujours avoir la moitié d’un hiver d’avance en fourrage. Désor mais, j’applique tous les ans cette règle ». Les dépenses contraintes générées par les canicules s’augmentent des investis sements engagés par certains exploitants pour mieux ventiler leurs bâtiments. Entre caprices climatiques et hausse des matières premières, les éleveurs doivent surtout faire avec les variations du prix du lait. « Il est plus hétérogène qu’avant. Mais la hausse actuelle est absorbée par le poids grandissant des charges. Au final, c’est toujours l’incertitude ».

De l’herbe de culture en Thiérache ?

RÉGIS TRICOTEAUX Éleveur à Clairfontaine et maire de sa commune

Quand elles ne provoquent d’incendies, comme celui qui a détruit cinq hectares de forêt fin juin à Mussy-sur-Seine (Aube), les canicules contrarient la croissance des arbres et augmentent leur taux de mortalité. Pour contrer les effets du manque d’eau, dont la funeste invasion de scolytes, l’ONF réfléchit aux moyens d’adapter les forêts du Grand Est en jouant sur leur densité, leur composition et leur structure. Est ainsi envisagée l’introduction d’espèces réputées plus résistantes à la sécheresse : pins maritimes et méditerranéens, cèdres, essences venues de Turquie et de Grèce.

Une dizaine d’espèces nouvelles peuplent ainsi l’ex-Champagne-Ardenne dont des séquoias géants en Argonne ou des chênes zéen originaires de Méditerranée dans la forêt de Trois-Fontaines dans la Marne, la Haute-Marne et la Meuse. « Pour la Marne, il nous faut penser à des essences qui s’accommodent à des sols calcaires, certains chênes pubescents venant de la Vallée du Rhône ou certains pins méridionaux notamment. Pour les Ardennes, le choix est plus limité en raison de sols très acides et hydromorphes qui limitent la croissance ».

Des séquoias en Argonne

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En 2020, un groupe de travail a été constitué à l’échelle régionale. « La migration des essences est une des pistes à explorer pour permettre aux gestionnaires de choisir les options de renouvellement les plus adaptés », explique Jean-Claude Tissaux, chargé de mission à l’ONF Grand Est. Soixante-quinze sites de 1 à 2 hectares ont été plantés d’essences nouvelles (feuillus et résineux) à raison de 2.000 arbres par hectare.

cettelesEnsemble,AGRICULTEURSanticiponsconséquencesdevolatilité www.cder.fr Conseils aux chefs d’entreprise Droit & PaieExpertisefiscalitécomptableRH Vous n’en croyez pas vos yeux sur les prix des intrants ?

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Parasites

A défaut de tous les tuer, comment détourner les courses destructrices des sangliers dans les cultures ? Quelques solutions existent. Efficacité plus ou moins garantie…

QUELQUES CHIFFRES La France dénombre plus de 2 millions de sangliers. Cette population a été multipliée par 20 en 40 ans ! Les prélève ments augmentent au rythme de cet accroissement continu. Actuellement, près de 800.000 bêtes sont prélevées chaque année (30.000 dans les années 70). Ce nombre est de 8.000 dans les Ardennes, près de 15.200 dans l’Aisne, 16.000 dans la Marne, 11.000 dans l’Aube. Les dégâts causés par les sangliers sont indemnisés par les fédéra tions de chasse. Par exemple, elles s’élevaient l’an dernier à 500.000 euros dans les Ardennes où les sangliers ont tendance à se calmer. Rien de tel dans la Meuse voisine où ces indemnités s’élevaient en 2021 à 3 millions d’euros ! Désormais, l’Aisne et les Ardennes, notamment, sont autant sinon davantage préoccupées par les dégâts causés par les corbeaux et les pigeons ramiers sédentarisés !

REPOUSSER ?COMMENTSANGLIERS :LES

« A ce moment-là je croise les doigts », dit Sébastien Loriette. Ça ne marche pas toujours…

LA CLÔTURE RIGIDE

C’est la bonne vieille méthode de papa. Une condition : adopter une clôture rigide. C’est souvent plus cher. S’il s’agit d’une clôture métallique, on choisira un maillage soudé et indéformable, et des poteaux solidement fichés dans le sol. Sans quoi, au premier assaut, le beau dis positif risque de connaître le sort des châteaux de cartes par grand vent. Gilles Grandpierre

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LE RÉPULSIF À BASE DE SILICE

Est-ce un produit miracle ? Ses utilisateurs l’assurent, mais l’honnêteté oblige à dire qu’il vaut surtout pour les jardins domestiques, c’est-à-dire les surfaces réduites. Le produit en question a été mis au point par un profes sionnel du sud de la France. Il s’agit d’un répulsif 100 % naturel à base de silice transformée en talc. Inodore et sans danger pour l’homme et l’environnement, il est aussi bon marché. Heureusement d’ailleurs car (c’est son défaut), il nécessite un emploi fréquent. Une solu tion transitoire en attendant mieux.

TIRÉ PAR LES CHEVEUX A priori, cela ressemble à un gag tiré par les cheveux… Comme tous les animaux sauvages, les sangliers craignent l’odeur de l’homme. En Espagne, des pro ducteurs d’olives ont eu l’idée de répandre au pied de leurs arbres des kilos de cheveux récupérés dans les salons de coiffure. Gros succès ! L’astuce a gagné d’autres secteurs agricoles dans d’autres régions. Dis posés sur les endroits stratégiques de l’exploitation, les cheveux obstruent le groin de l‘animal qui n’arrive pas à s’en défaire. Le vent fait le reste… Problème : plus l’ex ploitation est grande, plus le système est gourmand en cheveux, plusieurs centaines de kilos parfois ! Un bon réseau de coiffeurs est recommandé.

A part ce remède très capilotracté, une autre méthode consiste à enterrer au ras du sol, à quinze mètres l’une de l’autre, des boites de conserve remplies d’urine et d’eau. Plus difficile à pratiquer sur les grandes étendues…

DU PIMENT DANS LES SEMENCES

La hantise des pêcheurs à la ligne reste le dispositif le plus efficace pour refouler les assauts du robuste ani mal. « On n’a rien trouvé de mieux même si ce n’est pas la panacée », estime Etienne Lanoue, de la confé dération paysanne des Ardennes, éleveur de chèvres à Autruche. « On installe un fil à 25 centimètres à hau teur de groin, l’autre à 60, un troisième éventuellement à 75 cm ». Un courant de 3.000 à 6.000 volts suffit. Ce n’est pas le voltage qui fait l’efficacité de la clôture mais l’intensité. L’avantage du système est de n’être dangereux pour personne, même pour le sanglier qu’il dissuade, au risque d’une bonne décharge, de s’appro cher. « Evidemment, si un petit s’est faufilé de l’autre côté de la clôture, rien ne retiendra la mère ! ».

LA CLÔTURE ÉLECTRIQUE

Le système adopté par l’Ardennais Sébastien Loriette, céréalier à Banogne-Recouvrance, est l’un des plus pra tiqué. L’enrobage des semences de maïs dans un bain liquide de piment (ou d’harissa) protège la plante pen dant les premières semaines de croissance. On trouve ces doses de répulsif dans des magasins spécialisés (pas à l’épicerie du coin !).

A raison d’une bouteille par hectare et de 24 euros la bouteille, l’investissement est raisonnable. Semences et liquide d’enrobage sont mélangés 24 heures avant le semis. Attention à ne pas oublier le masque et les gants ! La technique a fait ses preuves mais au moment de la récolte, naturellement, il n’a plus aucune utilité.

DES SELONOPPOSANTS,LESCHOIX CULTURAUX

PAS ENCORE

Le désherbage mécanique, a priori salu taire puisqu’il limite l’usage de la chimie, vient pourtant contrebalancer d’autres méthodes culturales tout aussi valables mais plus dépendantes, c’est vrai, du glyphosate. Le semis direct, par exemple, en agriculture de conservation des sols, a la cote et s’oppose ainsi au travail méca nique, qui vient en perturber l’équilibre et la Defaune.nouveaux semoirs émergent donc sur le marché, notamment ceux à double trémie qui permettent de semer l’engrais solide en même temps et surtout au plus

EXEMPLE

LE DÉSHERBAGE MÉCANIQUE, LA PANACÉE

Il peut ainsi s’agir d’une bineuse ou d’une herse étrille, mais la technologie n’a rien de nouveau. Il y a quelques mois justement, un groupe d’agriculteurs en Argonne ardennaise avait testé une herse étrille et ses 9 mètres de long, dont les dents souples, en vibrant, sont censées arracher les jeunes pousses de vulpin et de coquelicots tout en aérant la terre. Des plantules capables, si on les laisse croître, de rapidement étouffer les cultures en «place. Un coquelicot, ce n’est pas grave. Mais très vite, ça devient un champ de coque licots sur lequel on ne peut plus rien semer », détaillait l’un des participants. La condition ? Une céréale bien implan tée mais des mauvaises herbes jeunes et fraîches, facile à déloger. « Si on laisse faire naturellement la concurrence grami nées-semis, le rendement en prend un coup. Au lieu de faire 70 quintaux à l’hec tare, ça pourrait vite baisser à 40, voire moins. » Ce sont les chiffres duplicables en agri culture biologique. Jusqu’ici, seule la pulvérisation d’herbicide pouvait empê cher la croissance de ces adventices. Avec l’achat éventuel de ce nouvel outil, la dose pourrait diminuer. Bilan : après quelques réglages et plusieurs passages en tracteur, les mauvaises herbes ont bien été « bousculées ». « Mais il aurait peutêtre fallu passer juste après la pluie », dit l’un d’eux. « Il faudra surtout repasser la semaine prochaine », enchérit un autre. Car les plantules, désormais, vont soit mourir, soir végéter avant de reprendre vie. Le hic (et le mot de la fin) sera donc quelque peu ironique : « C’est bien, mais il faudra passer plus souvent en tracteur. Et donc, utiliser plus de carburant. »

Si les feux de champs se sont emparés des surfaces agricoles au cours de cet été brûlant, constituant une excellente technique de destruction des graines d’adventices, la méthode reste fantaisiste et surtout, inter dite. Or, avec la réduction voire l’inefficacité programmée des herbicides sur de nom breuses cultures, la solution mécanique devient imparable. Objectifs affichés : économiser les intrants, supprimer les in désirables les plus résistants, aérer le sol en favorisant les décomposeurs (insectes, bactéries, champignons...), apporter des nutriments à la terre en enterrant des ma tières organiques et faciliter la circulation de l’eau dans le sol. AU CHAMP

Utilisé en agriculture biologique, le désherbage mécanique ne parvient que rarement à produire un résultat parfait. Il s’oppose, par ailleurs, à des méthodes également reconnues d’utilité environnementale.

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Les surfentmachinistessurlavague

« Avec ce travail superficiel, on ne dilue pas la matière organique.

TECHNOLOGIES • 57 WWW.FERTILUX.LU0372880546 PROMOTEURS DE LA FERTILITÉ DES SOLS ET DE LA SANTÉ DES PLANTES FERTILISANTS GRANULES D’ORIGINE NATURELLE ET COMPLÉMENTS DE FERTILISATION ACTIVATEURS DE LA VIE DES SOLS LA SYMBIOSE AGRICULTURE ENVIRONNEMENT AMENDEMENTS CALCAIRES ET COMPLÉMENTS FOLIAIRES D’ORIGINE VÉGÉTALE FCA FERTILISANTS FERTILUX WWW.FCA-FERTILISANTS.COM0324415530 TÉLÉCHARGEZ VOTRE APPLICATION FERTIL INFO près de la graine. « Le but d’un semoir direct est d’implanter la graine sans aucun travail préalable de la terre », explique Christophe Lemal, basé à Possesse dans la Marne et importateur exclusif du semois Mzuri en France depuis 2019 (société Greenpower). Pas de déchaumage après moisson, pas de labour, pas de combiné de préparation mais un semis opéré à même la paille, sans assèchement de la terre ni érosion. Cette technique est éco nomique : moins d’engrais, moins de passage en tracteur, moins d’usure et de carburant (on passe alors de 25 litres/hec tares à 6...). « On parvient quand même à limiter la levée des adventices puisqu’on ne crée pas pour elles un lit de semence optimale. La recherche est désormais tour née vers la façon d’opérer un traitement herbicide localisé. »

« On apprend dans les écoles à arrêter de labourer mais dans la réalité, beaucoup de paysans ressortent la charrue quand ils n’ont pas d’autre choix », dit-on chez le concessionnaire Primault. Car rien ne vaut un bon travail de la terre pour mettre fin à cette éternelle guerre des mauvaises Chezherbes.Charlier, à Vitry-la-Ville, on développe également de nouveaux outils hybrides, entre la charrue et le déchaumeur, pratiquant un labour peu profond à 6-8 centimètres de profondeur.

C’est idéal notamment en bio. » Pauline Godart

Robin Philippot

D’un côté, Vincent Ballu sur son invention phare, l’enjambeur. De l’autre, Traxx, enjambeur robot développé par l’une des filiales d’Exel Industries. Entre les deux, plus de 70 ans d’innovation.

DES INVENTIONS MAJEURES À l’époque, de retour de son service militaire, le Sparnacien crée un tracteur capable d’évo luer dans les vignes étroites qui caractérisent la Champagne : l’enjambeur. Il présente son invention en 1947 au concours de l’Associa tion viticole champenoise. Qu’il remporte, évidemment. Reste à le fabriquer, et c’est vers Moët et Chandon que Vincent Ballu se tourne.

@Crédit : DR 58 • TECHNOLOGIES

EXEL L’INNOVATIONINDUSTRIES,DANS

L’ADN «En 1946, mon père pen sait que travailler la vigne à dos d’homme ou de cheval n’était plus normal. » Ce constat, posé par Vincent Ballu et exposé par son fils Patrick, aujourd’hui président d’Exel Indus tries, est le point de départ de l’histoire d’un groupe faisant désormais partie des leaders mondiaux de la pulvérisation.

« Robert-Jean de Vogüé (alors à la tête de la maison, NDLR) lui a dit : Je vais te l’acheter. S’il ne fonctionne pas, tant pis. S’il fonctionne, on va mécaniser le vignoble champenois », poursuit Patrick Ballu. Un pari gagnant. En 1952 naît ainsi, à Épernay, l’entreprise Tecnoma, avec pour vocation de commer cialiser et assurer le service après-vente de la C’estmachine.ledébut d’une longue tradition d’inno vation. « Tecnoma a toujours été en pointe », souligne Patrick Ballu. Au départ, les enjam beurs sont équipés de pulvérisateurs faits de pièces Vincentmétalliques.Ballucrée des pompes à pistons membranes « qui fonctionnent comme un cœur » et utilise des raccords en résine de synthèse et des cuves en polyester. « Tout le monde rigolait », rappelle Patrick Ballu. Pourtant, le principe de la pompe à pistons membranes « est aujourd’hui retenu pour C’est l’un groupe.d’innovationlaintimementd’Exelsuràsonetviticole,despécialistesprincipauxdesmondiauxlapulvérisationagricoleindustrielle,etsiègesetrouveÉpernay.RetourlacroissanceIndustries,liéeàlonguetraditiondu

L’usine de Tecnoma à Épernay, inau gurée en 1963, « se spécialise dans la plasturgie, reprend M. Mestrude. L’objectif était d’avoir des pulvérisateurs plus pérennes, plus faciles à réparer, et de baisser les coûts. » Cette nou velle technologie, Vincent Ballu la propose « à tous les fabricants, qui refusent, raconte Patrick Ballu. Mais après quelques années, tout le monde l’a copiée, ce qui a donné lieu à des procès. »

LA DIFFUSION DE L’ENJAMBEUR

CROISSANCE DU GROUPE FAMILIAL À partir du milieu des années 1980, la croissance d’Exel Industries explose. « On a multiplié notre taille par deux tous les six ans, six fois de suite », expose Patrick Ballu. Le groupe compte aujourd’hui plus de 3.500 salariés, contre 300 en 1980. Exel Industries est entré en bourse en 1997, mais reste une entreprise familiale : « On conserve environ 80 % de son capital. »

« On a grandi en respectant les entreprises qu’on a rachetées, en leur laissant leur âme », assure Patrick Ballu. Cette grande fédération d’entreprises permet « un gain de temps considé rable » du point de vue de l’innovation, observe Frédéric Lamarche, en charge de la R-I-D (recherche, innovation, déve loppement) pour France Pulvé, entité qui regroupe les sociétés françaises d’Exel Industries spécialisées dans la pulvéri sation agricole. « Quand on attaque un problème, on sait qu’on trouvera la tech nologie quelque part dans le groupe » apprécie-t-il. De quoi alimenter les nombreuses avancées auxquelles les entreprises du groupe ont contribué. « La racine de tout ça, c’est l’innovation par l’usage », poursuit Frédéric Lamarche. Patrick Ballu abonde : « On essaye de répondre aux besoins du marché en se mettant à la place des clients. »

En 2019, une nouvelle filiale, Exxact Ro botics, a été créée pour développer la robotique et l’intelligence artificielle et les intégrer aux produits du groupe. « Le savoir-faire humain, viser la mauvaise herbe, déterminer l’état de santé d’une plante, l’homogénéité d’une parcelle, on peut l’intégrer aux machines », explique Frédéric Lamarche. Traxx, un enjambeur autonome, vient par exemple d’être mis sur le marché. Preuve de son dynamisme, « Exel Industries est la 3e ETI (entreprise de taille intermé diaire) française en termes de dépôt de brevets », souligne M. Lamarche. Le groupe dépose « cinq à dix brevets par an, et même 20 ces dernières années, s’enthousiasme Patrick Ballu. Depuis toujours, nous essayons de faire diffé remment et mieux qu’avant. »

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L’ÉVOLUTION À l’heure actuelle, « on est en train de dé velopper des technologies d’application ultra-localisée, basées sur l’utilisation de caméras. On arrive à réduire les volumes de produits phytosanitaires entre 20 et 90 % », illustre Frédéric Lamarche. Ou comment répondre par la technologie aux impératifs écologiques.

»

L’agriculture de précision est par exemple au cœur des innovations dès les années 80 et jusqu’à aujourd’hui. Objectif : pulvériser la juste dose de matières actives, uniquement à l’endroit voulu. Ces régulations sont d’abord mécaniques, hydrauliques puis électro niques.

« En moins d’un an, le chiffre d’affaires est multiplié par 3,5 et le groupe devient leader européen de la pulvérisation agri cole », souligne Patrick Ballu. En 1990, Préciculture, basé à Fère-Cham penoise, rejoint le giron d’Exel pour produire les châssis des tracteurs en jambeurs des différentes marques du machiniste agricole.

Pour Jérôme Mestrude, c’est « l’un des plus beaux exemples de synergie au sein du groupe ». Son extension se poursuivra avec les acquisitions d’autres entreprises spécialisées dans la pulvérisation agricole, couplées à une grande diversi fication dans la pulvérisation industrielle, la pulvérisation de jardin, l’arrachage de betteraves ou, en 2021, la fabrication de voiliers.

Les enjambeurs font d’abord le bonheur de grandes maisons. « Des coopératives d’utilisation du matériel agricole se constituent ensuite, et permettent à des vignerons de mettre en commun les machines », détaille M. Wolikow. plus de 90 % des pompes en Europe, explique Jérôme Mestrude, responsable produits et marketing chez Exel Indus tries. Les pièces en résine et en polyester sont beaucoup moins sensibles aux produits, qui étaient bien plus agressifs qu’aujourd’hui.

Les enjambeurs n’ont pas envahi le vignoble champenois en un jour. « Le processus a été assez long, rappelle Serge Wolikow, historien aubois. La diffusion de l’enjambeur en Champagne se fait dans les années 50, au début de la décennie dans la Marne, plutôt à la fin dans l’Aube. » Se posent avant cela plusieurs problèmes, à commencer par la construction du vignoble champenois. « Il y avait beaucoup de petites parcelles, explique l’historien. La difficulté, c’était leur enchevêtrement. Un vigneron pouvait avoir 20 ou 30 parcelles dispersées. » Va donc s’opérer, au cours de cette période, une sorte de « remembrement spontané », avec des échanges de parcelles pour aboutir à des exploitations plus uniformes. La question des moyens financiers entre également en compte.

CROISSANCE EXTERNE L’entreprise, elle, se développe : en 1966, Tecnoma rachète Vermorel, fabri cant historique de pulvérisateurs. Il s’agit de la première croissance externe de l’entreprise, qui va se poursuivre et forte ment s’accélérer au cours des décennies suivantes. En 1980, Vincent Ballu dispa raît et son fils Patrick lui succède. En quelques années, la gamme des produits Tecnoma est retravaillée et les rachats d’entreprises concurrentes commencent. Caruelle et Nicolas, spé cialistes de la pulvérisation agricole, sont acquis en 1986, puis Berthoud en 1987 : le groupe Exel Industries est né.

Et le président du groupe l’assure, c’est loin d’être terminé : « On a toujours d’autres idées qui vont arriver sur le marché. »

DESAisne « PROUESSES TECHNOLOGIQUES » SIGNÉES VICO

Cinquième employeur pri vé de l’Aisne, l’usine Vico jongle entre le sérieux in dustriel et le plaisir de ses produits, la fidélité de ses producteurs de pommes de terre et l’in novation de ses chercheurs portés vers de nouveaux goûts.

Ces dernières années, Sébastien Carteau, jeune directeur de l’usine située à Monti gny-Lengrain, à côté de Vic-sur-Aisne, a mis en musique les ambitions du groupe allemand Intersnack, propriétaire de Vico depuis 1998. « Dix à quinze millions d’eu ros » ont été investis, chaque année depuis quatre ans, pour être « plus compétitif », chiffre le directeur. Dans le même temps, ce dernier a embauché une soixantaine de per sonnes, portant l’effectif à 370 salariés (CDI et CDD), plus une centaine d’intérimaires et une cinquantaine de sous-traitants.

30.000 TONNES DE PRODUITS D’ICI DEUX ANS

Cette croissance suit celle du marché du gâteau apéritif, en plein essor depuis une décennie. Vico, qui produit déjà 28.500 tonnes de chips et autres par an, vise les « 30.000 tonnes d’ici deux ans », table Sébastien Carteau, grâce à l’arrivée de nouvelles lignes de production. Numéro 1 de la chips en France, Vico compte une centaine de produits, dont certains font figure de référence (Curly, Monster Munch, Kettle…), et propose une dizaine de nouveautés par an. Celle du moment s’appelle la tuile Monster Munch, baptisée « Crazy » et déclinée en trois par fums : nature, crème oignon et paprika. Directrice générale de Vico, Geneviève Louis-Hooper parle d’elle comme d’une « prouesse technologique », tant il est de la

QUATRE ÉCORESPONSABLESENGAGEMENTS Fin 2022 : réduire de 10 % la quantité d’emballage et faire rouler la moitié

flotte en biocarburant. 2023 : Passer à 100 % d’éclairage LED dans les usines. 2025 : atteindre 100 % de packaging recyclables. 60 • TECHNOLOGIES ©Remi Wafflart

« difficile de reproduire les trous (du petit fantôme Monster Munch, ndlr) sur une tuile très craquante ». Plus largement, elle salue « l’innovation locale à Vic-sur-Aisne : le ser vice R&D est très inventif, on n’a pas du tout à rougir car beaucoup de produits sont imaginés et conçus ici. » « LE PLUS SAIN POSSIBLE »

Selon le groupe, « 99 % des produits sont sans colorant, sans conservateur, sans arôme artificiel, sans exhausteur de goût et sans huile de palme ». L’objectif est d’at teindre 100 % l’an prochain. Quelque soit la famille de produits (chips, graines et snacks), Vico obtient d’ailleurs des Nutri-Scores plutôt rassurants et ambi tionne que 95 % de ses produits soient classés entre A et C d’ici la fin de l’année. C’est déjà le cas de deux tiers d’entre eux : la nouvelle tuile Monster Munch a ainsi un Nutri-Score C. Bon appétit ! Guillaume Levy Chips, Curly, Monster Munch (décliné désormais en tuiles)…

Ces produits phares de l’apéritif voient le jour près de Vic-surAisne, grâce à un partenariat fidèle avec les agriculteurs axonais et un service Recherche et développement inventif.

Innovation rime aussi avec tradition. Depuis la création de la coopérative de Vic-sur-Aisne, qui a donné le nom « Vico », l’entreprise travaille toujours avec les producteurs locaux de pommes de terre. Soulignant son ancrage local, Vico met en avant « plus de 60 ans de collaboration avec la même coopérative picarde, qui donnent à l’entreprise française une valeur patrimoniale chère aux consommateurs ». La directrice générale, Genevière Louis-Hooper, apprécie que les chips et autres produits réalisés soient élaborés « en circuit court, avec 45 producteurs situés dans un rayon de 100 kilomètres autour de Vic-sur-Aisne ». Elle loue leur « fidélité », car quinze d’entre eux sont des enfants ou même petits-enfants des fondateurs de la coopérative d’origine. « Ce partenariat a vu trois généra tions approvisionner notre usine », souligne la directrice. Si Vico est le leader français de la chips nature, avec 33 % de parts de marché, l’entreprise le doit aussi à la qualité de ces « patates ». Que ce soit des Lady Claire, Lady Rosetta, Opal, Heraclea ou encore Rumba, les variétés livrées à l’usine ont les particularités nécessaires pour faire de bonnes chips, à commencer par une faible teneur en sucre. Frédéric Manable, directeur R&D et Qualité de Vico, résume l’équation : « On ne fait de bonnes chips qu’avec de bonnes pommes de terre. »

©Remi Wafflart

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« ON NE FAIT DE BONNES CHIPS QU’AVEC DE BONNES POMMES DE TERRE. »

Sur le marché des « produits plaisir », Geneviève Louis-Hooper savoure aussi les efforts de sa marque pour réduire leur impact calorique. « On fait le maximum pour qu’ils soient le plus sain possible. »

Innovation JUNGLE

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Jungle, c’est une avant tout une ferme, où l’on produit des plantes aromatiques, des fleurs ou des légumes pour la grande distribution, la parfumerie ou la cosmétique. Mais cette ferme est d’un autre genre. Au sein d’une installation à l’atmosphère contrôlée, sur un large plateau métallique, des pots de ba silic sont alignés sous une lumière entre le rose/violet. Au-dessus, on trouve de la Cen tella Asiatica (herbes des tigres), connue pour ses propriétés cicatrisante. Leurs graines ont été semées par des robots. Sur 9 mètres de haut, des plateaux du même type sont étagés au sein d’une « tour ». Les plantes poussent hors sol et sans lumière Dansnaturelle.legrand hangar situé à proximité de Château-Thierry où s’est implanté Jungle, nous sommes dans la ferme du futur. Celle où l’on fait pousser les plantes nécessaires à l’homme dans un minimum d’espace et avec juste ce qu’il leur faut. La start-up éta blie dans l’Aisne approvisionne les grandes marques en produits frais grâce à une nou velle technique agricole. « Nous avons des méthodes pour atteindre la souveraineté ali mentaire, pour nourrir une planète, qui aura de plus en plus d’habitants, sans la détruire. Nous serons un complément de l’agricul ture traditionnelle », explique Gilles Dreyfus, l’un des co-fondateurs de Jungle. Venu du secteur de la finance, il a changé de métier il y a 7 ans pour se consacrer avec le reste de l’équipe à ce défi. Le défi est faire pousser d’une manière complètement différente. Au sommet la fameuse « tour », un automate permet descendre les plateaux où se trouvent les plantes, mais aussi à prendre des photos pour s’assurer que les plantes poussent parfaitement. « Il remplit aussi le plateau d’eau. Elle est recyclée et contrôlée (niveau de pH, nutriments). On en perd très peu. On récupère aussi 400 a 500 litres issus quotidiennement de la transpiration des plantes », décrit Mickael Mitterrand, res DÉFRICHE LES NOUVELLES FAÇONS DE FAIRE POUSSER LES PLANTES L’entreprise Jungle a installé la première ferme verticale de l’Aisne à ChâteauThierry en 2020. Pour produire des salades, des herbes aromatiques ou des fleurs pour la parfumerie, elle utilise peu d’eau, aucun pesticide. Ses fondateurs visent également l’autonomie en électricité à terme. La société Jungle, s’est implantée dans la zone de l’Omois, dans le sud de l’Aisne au bord de l’A4. Sur 9 mètres de haut, des plateaux de culture sont étagés au sein une « tour ». ©Julien Assailly

Basilic, ciboulette, salades ou fleurs sont vendues non coupées, dans le substrat où elles ont poussé. Leur fraîcheur est ainsi conservée.

Outre les machines et les automates, deux technologies sont utilisées chez Jungle. La première est l’hydroponie, autrement dit la culture de plante dans l’eau. Une méthode employée depuis plusieurs milliers d’années. La seconde est beaucoup plus récente : il s’agit des lampes à LED. Sans elles, impossible de recréer les conditions lumineuses nécessaires au développement de la plante. Et surtout, impossible de le faire sans consommer des quantités énormes d’énergie. En effet, les autres types de lampes (lampe à sodium, etc.) s’avèrent beaucoup trop énergivores.

GrandSoissons Agglomération a vendu récemment une parcelle de 31.000 m² à la société Jungle France. La start-up, qui a levé récemment 42 millions d’euros, veut se développer et elle a choisi pour cela un terrain en bordure de RN2, entre Soissons et Paris, dans la zone du Plateau. L’entreprise veut acquérir une parcelle située juste à côté de l’usine de tri et de recyclage des vêtements du Relais pour y ériger un site trois fois plus grand que celui de Château-Thierry (environ 15.000 m² de surface bâtiment). La construction de cette nouvelle installation devrait durer 18 mois et vise à répondre à la demande croissante de la grande distribution pour les plantes four nies par Jungle.

• Ces produits sont livrés ultrafrais dans des enseignes de la grande distribution. Monoprix et Intermarché comptent parmi les clients de Jungle.

UNE PROCHAINEIMPLANTATIONÀSOISSONS

©Julien Assailly

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• 8 millions d’euros ont été investis à Château-Thierry. La localisation a été choisie pour sa proximité avec la capitale.

ponsable recherche et développement de Jungle. L’eau contient les nutriments nécessaires à chaque type de plante. Les membres de l’équipe de recherche de Jungle ont pensé à tout et pour recréer des conditions favorables aux pousses. Ils ont mis au point des recettes lumineuses, en choississant les couleurs du spectre lumineux dont chaque espèce à besoin. Ensuite, le climat (température, concentra tion en CO2) est aussi automatisé.

A SAVOIR • Jungle fait pousser des herbes aromatiques (basilic, persil, coriandre, ciboulette) mais aussi des micro-pousses (moutarde, radis pourpre, shiso, wasabi) et des salades (laitue, roquette).

Julien Assailly

UNE TECHNOLOGIE POSSIBLE GRÂCE AUX LAMPES LED

• Jungle commercialise une douzaine de références dans l’alimentaire, mais aussi une douzaine pour la cosmétiques et la parfumerie.

• La mise au point de chaque culture demande énormément de recherche. Jungle a pu lancer l’élevage de muguet. Les premiers brins sont sortis fin juillet du site de Château-Thierry.

Cette culture de l’impact « 0 » sur l’environ nement est l’un des fondements de cette start-up : consommation d’eau ultra limitée, pas de produits chimiques, et, à terme, des énergies renouvelabes pour faire tourner les installations. Sans négliger le goût. Gilles Dreyfus souligne : « On répond aux usages des consommateurs avec des plantes sans pesticides, insecticides ou fongicides. Mais elles ont du goût, elles sont vivantes, et sur tout produites très près de là où elles sont vendues et consommées ». Actuellement, Jungle est en pleine crois sance. Au printemps 2022, ses capacités de production ont triplé sur le site de Châ teau-Thierry (près de 100 tonnes de plantes par an désormais). Actuellement, la société prépare son implantation sur un site trois fois plus grand à Soissons (lire ci-contre).

«Le nombre d’exploi tations anecdotiquetalementpartiellementconvertiesoutoenbiorestesurle

LE BIO PRÉSENT PARTOUT Laurent Cousin, président de bio en Grand Est indique dans le dernier rapport de l’observatoire régional de l’agriculture biologique que, dans la région, « toutes les filières sont concernées par un déve Dans le Grand Est, seulement 8 % des exploitations sont en bio soit 3.600 fermes. Pourquoi une telle frilosité ? d’explications.Eléments

Les freins au passage au bio sont multi ples : « Les aides tardent à être touchées. Elles arrivent parfois un an et demi plus tard et en termes de trésorerie ça peut donc être compliqué. On a moins le droit à l’erreur en bio, plus sujet aux aléas climatiques et aux nuisibles. Il faut avoir des compétences techniques très importantes. Les cultures bio nécessitent aussi beaucoup plus de travail, car on doit davantage travailler le sol. Le passage total et définitif au bio se fait surtout par conviction. »

64 • TECHNOLOGIES LE BIO TERRES D’AVENIR

territoire mais est en progression depuis pratiquement dix ans » Alexandre Fouge doire est ingénieur conseil au sein du CDER. Il accompagne des agriculteurs basés dans la Marne, les Ardennes et l’Aisne dans la gestion de leur exploitation. La région Grand Est n’est que la 7e sur les 13 régions en nombre d’exploitations engagées dans le bio. « Est-il intéressant de passer au bio ? La question est souvent posée », reconnaît Alexandre Fougedoire. « Il y a des effets d’opportunités comme par exemple les aides à la conversion. Mais le bio est un engagement sur 5 ans. D’ail leurs, beaucoup d’agriculteurs optent pour une conversion partielle et temporaire. » La conversion totale sur le long terme nécessite un vrai temps de réflexion. « Il faut que ce soit mûrement réfléchi. Depuis peu, la mise en place de débouchés concernant la betterave bio sur le secteur a facilité les conversions. » Les conseillers CDER réalisent un profil de l’exploitation, et évaluent l’impact économique de la tran sition. En collaboration avec la Chambre d’Agriculture, ils établissent un schéma agronomique, autrement dit un plan de conversion détaillé, adapté aux carac téristiques du sol et de la production sur l’exploitation, et peuvent assurer un suivi après l’obtention de la certification.

UNE ENVIE DE DIFFÉREMMENTTRAVAILLER

DANS LES ARDENNES, 247 fermes engagées en bio soit 8,3 % des fermes ardennaises. Le bio a bondi (+ 7,4 % en 1 an soit + 17 fermes). Une augmentation constante : + 95 fermes en 5 ans, + 163 fermes en 10 ans. Le bio concerne 18.674 ha (+ 16,7 % en 1 an). Orientation principale des fermes bio des Ardennes : 32 % grandes cultures, 22 % bovins lait, 17 % bovins viande.

LES CHIFFRES-CLÉS DU BIO SUR LE TERRITOIRE

On a passé toute l’exploitation en bio » C’est la quatrième saison. Il faut compter 2 années de conversion avant d’obtenir la certification Agriculture Biologique : « Les semences bio coûtent plus chères, l’en grais organique aussi. On a dû aussi pas mal investir dans du matériel pour mieux travailler le sol. On est passé de 4 cultures principales à 8. On produit 40 à 60 % de moins mais on vend plus cher. Il y a moins de variations de prix dans le bio. Nous sommes satisfait du choix du passage en AB, facilité par les évolutions techno logiques de désherbage qui n’existaient pas il y a 10 ans. Le challenge technique et agronomique demeure important, et doit être bien réfléchi pour maximiser les chances de réussites. » Benoit Vachez le dit sans détour : « Oui, nous conseillerons aux agriculteurs qui recherchent à remettre plus d’agronomie dans leur quotidien de passer au bio. » Il ajoute : « Le bio, ça cor respond totalement à nos valeurs. C’est un vrai challenge, c’est une vraie remise en question de notre métier. » Aurélie Beaussart

DANS LA MARNE, 561 fermes engagées en bio soit 4 % des fermes auboises. Le bio a bondi (+ 49,6 % en 1 an soit + 191 fermes). Une augmentation constante : + 357 fermes en 5 ans + 449 fermes en 10 ans. Le bio concerne 14.227 ha (+ 31,3 % en 1 an). Orientation principale des fermes bio de la Marne : 58 % viticulture, 26 % grande culture. (Source : observatoire régional de l’agriculture biologique en Grand Est. Chiffres 2020.)

A Loivre, dans la Marne, les frères Vachez tiennent une exploitation passée en bio, en 2019. « Avec mon frère Martin, on a fait un premier essai en 2010, sur une petite surface, pendant 5 ans, avant de revenir totalement en conventionnel, parce que notamment notre culture principale était la betterave sucrière et qu’il n’y avait alors aucun débouché bio. En décembre 2018, lorsque l’on a appris que notre coopérative Cristal Union se lançait dans le bio, on a sérieusement réfléchi », explique Benoit Vachez. « Avec mon frère, on avait l’impres sion d’être arrivés au bout d’un système.

DANS LE GRAND EST, en 2020, 664 exploitations se sont engagées en bio. Avec plus de 3600 fermes, cela correspond à 8 % des exploitations de la région pour une surface de 210.000 hectares soit 7 % de la surface agricole utile de la région.

TECHNOLOGIES • 65 loppement des fermes et des surfaces en conversion. Mais c’est surtout en pro ductions végétales qu’il y a eu le plus de nouveaux engagements et tout particuliè rement en viticulture (+ de 317 nouveaux producteurs). Des engagements ont éga lement eu lieu en grandes cultures et fruits et légumes. En élevage, ce sont essentiel lement des fermes de bovins allaitants qui se sont engagées et quelques fermes en volailles, caprins et ovins »

DANS L’AUBE, 264 fermes engagées en bio soit 5,1 % des fermes auboises. Le bio a bondi (+ 34,7 % en 1 an soit +68 fermes). Une augmentation constante : + 179 fermes en 5 ans + 201 fermes en 10 ans. Le bio concerne 14.927 ha (+ 28,8 % en 1 an). Orientation principale des fermes bio de l’Aube : 43 % grande culture, 32 % viticulture.

Les frères Vachez tiennent une exploitation passée en bio, en 2019.

TROIS ÉTHIQUES

On en parle vraiment de puis quinze, vingt ans, sans forcément savoir comment elle se décline ou à qui elle s’adresse. Une simple mode potagère ? Une dé marche politique ? Un besoin de cultiver autrement ? « La permaculture s’inspire des principes de la nature », résume le spécialiste axonais Damien Paris. Jardiner oui, mais jardiner plus durable ment. Pas seulement. « La permaculture dépasse le simple cadre du jardinage. C’est en fait un mode de vie, une méthode de conception qui prend en compte tous nos gestes du quotidien, pour créer des projets avec le moins d’impact sur l’en vironnement pour régénérer les sols et créer des paysages résilients », expose Damien Paris. Ce professionnel de 39 ans est le fondateur de « Ma vraie nature », un organisme de formation, d’anima tion et de conseil en permaculture, implanté à Jumencourt, dans l’Aisne. Il a aussi fondé l’association Perm’api, est diplômé de l’université populaire de permaculture, dispense des cours... Il n’a d’autre objectif que de rendre accessible la permaculture au plus grand nombre. D’ailleurs, beaucoup de jardiniers la pra tiquent déjà naturellement, ne serait-ce qu’en étalant sur les sols du BRF (bois raméal fragmenté, obtenu par exemple en broyant des jeunes rameaux), ou en les garnissant de tontes d’herbe, de feuilles mortes, de compost fait maison, de paille... pour les entretenir, les faire vivre et les enrichir.

L’évolution de nos sociétés, le réchauf fement climatique imposent d’adopter à large échelle des comportements alliés de la nature qui rime si bien avec perma culture. Chacun peut y contribuer à sa mesure.

« Le premier grand principe est d’obser ver et d’interagir », expose le spécialiste. Il convient de prendre en compte les spécificités de la parcelle à cultiver, en l’intégrant dans son milieu de façon cli matique, géologique... et en utilisant autant que possible les moyens du bord. D’innombrables tutos sont disponibles sur Internet ! On apprend, si on ne le savait déjà, que certaines plantes éloignent les ravageurs, comme le basilic qui repousse les mous tiques et les pucerons qui est à planter près des tomates, que d’autres attirent les butineurs, que des haies apportent

Permaculture, l’arbre qui annonce la forêt Mode de vie

ombre et fraîcheur, que planter des graines de moutarde, notamment, sert d’engrais vert pour fertiliser les sols...

LA NAISSANCE DU CONCEPT

Permaculture peut se traduire par culture permanente ou agriculture durable. Le mot a été inventé dans les années 1970 par deux Australiens, Bill Mollison et David Holgrem, dont l’idée était de parvenir à une autre façon de voir l’agriculture en l’associant à l’écologie et à l’aménagement paysager. Les deux Australiens ne partaient pas de rien. Dès le début du XXe siècle, un agronome américain évoquait déjà la « permanent agriculture ». De fil en aiguille, l’idée d’imiter le fonctionnement des écosystèmes naturels pour les reproduire a été formalisée en un concept qui s’applique autant au jardinage qu’à l’agriculture, l’habitat humain, les modes de vie, les relations sociales.

Damien Paris en plein travail dans le potager de Jumencourt (Aisne). Observez la diversité des plantations. Il s’agit d’une parcelle cultivée en « lasagne ».

De façon plus large, le concept de perma culture repose sur trois éthiques à partir desquelles découlent ou reposent moult principes et pratiques. « Ces éthiques visent à prendre soin de la terre, prendre soin de l’humain et à partager équitable ment », développe Damien Paris. Il ne dit pas que tous les projets ne s’appuyant pas sur cette trilogie ne seraient pas bons par définition, mais qu’ils ne seraient pas considérés comme « permacoles ». Si l’on focalise sur le jardinage, rendre le plus autonome possible un potager, le faire foisonner en abondance et en qualité, ne requiert pas tant de moyens mais surtout du sens de l’observation.

66 • TECHNOLOGIES

Jean-Michel François

68 • LES PRODUITS DE NOS RÉGIONS

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