Supplément La Voix du Nord - 100 000 arbres pour demain

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Supplément au journal du Mercredi 24 mars 2021 - Ne peut être vendu séparément - Directeur de la publication : Gabriel d’Harcourt - Imprimerie : ZI La Pilaterie, rue du Houblon, 59700 Marcq-en-Barœul

PLANTER DES ARBRES POUR RESPIRER PLANTATIONS : ON ATTEND LES ENTREPRISES ! Une haie bocagère à Landrecies. Photo Sami Belloumi

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QUAND L’ARBRE SE MET AU SERVICE DE L’AGRICULTURE PAGE 6

PÉPINIÉRISTE, UN MÉTIER PASSIONNANT MAIS MENACÉ PAGE 8


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100 000 ARBRES POUR QUOI FAIRE ?

Notre engagement se poursuit malgré la crise sanitaire. Les chantiers de plantation d’arbres et d’arbustes apportent des espoirs de nature et de vivre ensemble. Quand les arbres vous appellent… Par Yannick Boucher e Nord et le Pas-deCalais sont les départements les moins boisés de France avec moins de 9 % de leur territoire couvert de bois et de forêts, contre 31 % en moyenne au plan national. C’est pourquoi La Voix du Nord, dans le cadre de son projet « Ensemble, écrire la nouvelle histoire du Nord », avait décidé de s’engager, en juin 2019, dans une opération 100 000 arbres pour demain qu’elle pilote avec les Espaces naturels régionaux (Enrx) et l’association régionale des Planteurs volontaires. Enrx mobilise des projets participatifs pour protéger l’environnement, notamment au sein des parcs naturels régionaux ou à travers les vergers conservatoires qui savent préserver le

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patrimoine des essences locales. Pour leur part, les Planteurs volontaires multiplient les actions citoyennes en faveur d’une renaturation de nos espaces trop minéraux et artificialisés. Quant à nous, nous sentons, dans nos reportages et dans l’esprit de nos lecteurs, la préoccupation de plus en plus urgente de défendre un cadre de vie menacé. Tronc commun Et si l’arbre était la bonne idée d’intérêt général pour relier les habitants, encourager la biodiversité, reconstruire une mémoire souvent altérée de la nature et du monde sauvage ? Les « 3 B » (brique, béton, bitume) qui ont longtemps collé à la peau du Nord et du Pas-de-Calais ne sont pas la seule issue.

UN PIÈGE À CO2 MAIS PAS QUE...

« L’arbre, écrivent les Planteurs volontaires, est un formidable motif à être et à faire ensemble. En plantant un arbre, on fonde l’avenir. Pas seulement le sien ou celui de ses enfants : quand on plante un arbre, on le fait pour tous et toutes. » Notre opération 100 000 arbres pour demain a déjà permis, dans des conditions difficiles (crise sanitaire, canicules), de planter près de 30 000 arbres en moins de deux hivers. Les revenus publicitaires de ce supplément seront dédiés à la plantation dans des projets locaux. Et vos dons sont les bienvenus dans une cagnotte elle aussi entièrement dédiée à des projets de plantation avec les écoles, les entreprises d’insertion, les habitants ou les salariés d’entreprises. Nous vous attendons !

L’arbre est, avec l’océan, le moyen le plus efficace pour stocker le gaz carbonique (CO 2) responsable en grande partie du réchauffement climatique. Il piège les émissions de gaz à effet de serre : pour faire une tonne de bois, les arbres retranchent deux tonnes de gaz carbonique de l’atmosphère. C’est important dans notre région où chaque habitant rejette en moyenne 11 tonnes de CO2 par an, contre 7,7 tonnes en moyenne nationale. En ville, les arbres apportent l’ombre et l’humidité qui rafraîchit pendant les canicules, jusqu’à six degrés de moins, évitant de nombreux décès. Ils améliorent la qualité de l’air en fixant les particules fines, luttent contre l’érosion des sols qu’ils enrichissent en matières organiques, redéploient la nature en faisant revenir l’insecte, l’oiseau ou la hulotte, préservent l’eau qui s’infiltre mieux, capturent l’azote de l’air pour le restituer au sol agricole, un fertilisant essentiel pour les agriculteurs...

POUR NOUS REJOINDRE : 100000ARBRES.FR NOTRE CAGNOTTE EN LIGNE : LEETCHI.COM/C/100-000-ARBRES-POUR-DEMAIN-2020-2021

100 000 arbres pour demain

Calais

Ruminghem

Cassel

Roubaix

Les plantations 2020-2021 et les projets pour le deuxième semestre 2021

Villeneuve-d’Ascq

Tourcoing 2 Le Wast

Mons-en-Pévèle

Lambersart

Ronchin Nomain

Arques Houplin-Ancoisne

Radinghem

Landas

Bersée Fresnes-sur-Escaut

Wavrin

Gondecourt Marchiennes Quarouble

Liévin Bousignies

Valenciennes

Vred

Hon-Hergnies Vieux-Condé

Maubeuge

Vicq Monchy-le-Preux 2

Vergers

Raismes Le Quesnoy Jolimetz

Arbres et arbustes, haies et boisements x Nombre de projets dans la ville

Bertry Arbres déjà plantés

Arbres à planter

Hargnies Beaudignies Marbaix Fourmies Infographie

Syl. LEFEBVRE



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PLANTATIONS ON ATTEND VITE LES ENTREPRISES ! Elles savent dégager rapidement des ressources et mobiliser leurs salariés dans des actions d’intérêt général. Les entreprises peuvent devenir de belles planteuses et nous les attendons le pied sur la bêche. Par Yannick Boucher

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l sont une quarantaine de salariés à fond la forme de Decathlon à être venus, les 9 et 10 mars derniers, pour planter 400 arbres et arbustes au bord du lac du Héron à Villeneuve-d’Ascq. Rien de tel pour se réchauffer dans ces petits matins frais que de faire reluire la bêche.

Courbé sur l’ouvrage, Nicolas Pelletier y met du cœur. « Ce chemin, on le connaît bien, on y vient souvent pour courir », confie le directeur régional de Decathlon dont le magasin Campus – le plus grand de l’enseigne et qui abrite aussi son siège international – ne se situe qu’à quelques kilomètres du lac.

Les 500 000 visiteurs annuels du plus grand espace vert de la métropole lilloise croiseront donc bientôt des baies d’arbustes qui feront le régal des passereaux et offriront une zone refuge au martin-pêcheur qui niche à deux battements d’ailes du lieu de plantation. Ils pourront goûter – dans deux

ou trois ans – des pommes Cabarette, Saint-Martin, Reinette de France ou Belle Fleur double face aux érables champêtres, aux charmes ou aux chênes pédonculés, des arbres venus d’une pépinière de Tortefontaine, près d’Hesdin, dans le Pas-de-Calais. Les arbustes sont quant à eux issus de la pé-

pinière de la Cluse à Wimille, près de Boulogne-sur-Mer. À fond la bêche En attendant, il faut assurer ce beau chantier dans le cadre de l’opération 100 000 arbres pour demain. Quatre îlots de plantation sont financés par Decathlon autour du lac du Héron et un cin-

TROIS QUESTIONS À FRÉDÉRIC MOTTE, NOTRE AMBASSADEUR AUPRÈS DES ENTREPRISES

« PLANTER NE COÛTE RIEN, IL FAUT Y ALLER ! » C

hef d’entreprises industrielles et ancien président régional du Medef, Frédéric Motte active ses réseaux pour sensibiliser le monde économique à la cause de l’arbre dont il est un fervent défenseur. Il y aurait, semble-t-il, une prise de conscience des acteurs privés à devoir planter des arbres. En effet, cette idée se répand de plus en plus, mais le compte n’y est toujours pas. Combien d’espaces de pelouse trop tondue pourraient-ils accueillir des haies ou des arbres dans les zones d’activités ? Planter ne coûte rien, il faut y aller ! Un petit bout de terrain suffit pour une petite haie bocagère.

«

L’entreprise est-elle un bon levier pour accélérer les plantations ? Un patron, par essence, est dans l’opérationnalité. Il sait agir vite, sans être encombré par les procédures qui peuvent freiner les acteurs publics. L’entreprise est aussi un pilier de sta-

bilité. Elle dure et pourra donc entretenir ce qu’elle aura planté. Quelles sont les conditions de réussite d’un projet de plantation par une entreprise ? Il doit surtout être partagé. Un patron qui agit en engageant sa propre personne sera souvent suivi par ses collaborateurs, ce qui renforcera la cohésion des équipes. La vie d’une entreprise, c’est compliqué, il y a trop de choses à gérer. Il faut donc savoir demander aide et conseil à des spécialistes de l’arbre – et ils existent dans la région, entre Enrx (les Espaces naturels régionaux) et les associations de planteurs. Ils peuvent même se former à la gestion forestière avec, par exemple, le FOGEFOR (1). » PROPOS RECUEILLIS PAR Y.B.

(1) Il existe cinq FOGEFOR (formation à la gestion forestière) dans la région (une par département). Plus d’infos sur hautsdefrance.cnpf.fr, le site du centre régional de la propriété forestière.

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quième à Wavrin pour 10 000 € au total. « Ce parc, c’est notre terrain de jeu, on y vient pour tester nos produits », explique Olivier Laboussole, responsable du trail pour l’ensigne et à l’origine du projet. Un autre chantier en cours reliera par des arbres la ville de Lambersart à la Citadelle boisée de Lille. Avec l’idée

de permettre à l’écureuil roux de mieux se déplacer grâce à ce nouveau corridor écologique. La course aux « arbrements » « On ne plante jamais au hasard. Il y a toujours un objectif et les entreprises sont de plus en plus concernées », affirme Yannick Mas, chef d’équipe Val de

Marque à la MEL, partenaire du projet villeneuvois, comme Enrx (Espaces naturels régionaux), via son verger conservatoire. « La demande de plantation est forte aujourd’hui et c’est nouveau », selon Michel Marchyllie, son directeur. Les acteurs privés sont de plus en plus tentés de s’investir à travers l’arbre. Avec

lui, on rapproche les équipes, on travaille leur cohésion, on s’engage pour l’intérêt général, on donne du sens à une bonne action qui renvoie une image positive des entreprises... qui sont les bienvenues dans notre ambition de planter 100 000 arbres dans la région dès que possible. Il suffit de se manifester !

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Les 9 et 10 mars derniers, une quarantaine de salariés de Decathlon ont planté 400 arbres et arbustes sur les bords du lac du Héron à Villeneuve-d’Ascq. Photos Pib


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LE MONDE DE L’ARBRE VEUT FAIRE TRONC COMMUN

Par l’agroforesterie, l’arbre devient un outil au service de l’agriculture, qu’il soit seul dans le pré ou en haies au bord des champs. Un nouveau collectif se met en ordre de marche pour mieux accompagner les agriculteurs de la région. Par Yannick Boucher

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Association française des arbres et haies champêtres dispose, depuis le 4 mars, d’un levier régional prometteur avec l’Afac des Hauts-de-France. Plusieurs acteurs du végétal se sont regroupés pour faire connaître les savoir-faire locaux à des élus ou des institutions s’égarant parfois à faire appel à des prestataires extérieurs à notre région. Ainsi s’annoncent, pour eux, le Civam (centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) pour une agriculture maraîchère, les Jardins du Cygne, Lys-Deûle Environnement, Initiatives paysannes, la fédération des chasseurs du Pas-de-Calais, EnrX (Espaces naturels régionaux), les Planteurs volontaires (administrateurs de l’Afac nationale) et l’Atelier Agriculture Avesnois Thiérache (AAAT) dont sa présidente, Françoise Gion, va diriger l’antenne de l’Afac dans la région. L’énergie du bocage Cette pionnière engagée de l’agroforesterie incarne à elle seule une vision technique de l’arbre depuis La Capelle, à la frontière axonaise du Nord. « La haie du bocage doit être gérée comme une autre activité agricole. Elle doit être utile et non subie par l’agriculteur qui doit l’intégrer dans son exploita-

tion », affirme Françoise Gion. Aujourd’hui, la haie fournit ainsi le bois à 90 chaudières qui chauffent les exploitations en

Thiérache de l’Aisne mais aussi du Nord. L’AAAT considère la haie comme une ressource et permet de planter plus de dix ki-

À Bas-Lieu, près d’Avesnes-sur-Helpe. L’Avesnois compte 10 000 km de haies bocagères. Il y en avait plus de 2 millions de km au début du XXe siècle. Photo Sami Belloumi

lomètres de linéaire chaque année. « L’Afac permettra des collaborations nouvelles et nous allons tous progresser en compétences pour mieux répondre à toutes les demandes agroforestières », estime sa présidente. Conseils et financements partagés, appels d’offres européens : les premières pistes d’actions se précisent déjà. « L’Afac est un réseau unique d’acteurs qu’il était grand temps de constituer (dans notre région) pour démultiplier la reconquête de l’arbre champêtre », ajoute Alan Guillou, président des Planteurs volontaires à Lille. Il évoque une course contre la montre pour freiner l’arrachage des haies que la création d’une filière bois pourrait même endiguer. Le bocage de l’Avesnois est l’un des derniers de France avec 10 000 km de linéaires (contre plus de 2 millions de km au début du XXe siècle). « On peut redonner un usage aux haies, aux vergers, aux arbres dans les champs, estime Michel Marchyllies, le directeur d’Enrx. L’AFAC est une force de frappe plurielle, portée par une ambition collective. » La chambre d’agriculture et les associations environnementales sont invitées à rejoindre officiellement le mouvement. afac-agroforesteries.fr

LE LABEL « VÉGÉTAL LOCAL »

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a marque « Végétal local » est appréciée des récoltants de graines et des pépiniéristes soucieux de garantir une origine sauvage des végétaux, ce qui induit un certain nombre d’avantages : adaptation aux conditions climatiques de la région, grande diversité génétique, interactions avec la faune et la flore sauvages, grande résilience... Le déploiement du label « Végétal local » sera l’un des objectifs de l’Association française des arbres et haies champêtres dans la région. « Nous voulons approvisionner les pépinières locales en graines afin d’avoir toujours plus de végétaux disponibles à l’achat », explique Jennifer Charon aux Planteurs volontaires à Lille, chargés de l’animation en faveur du label. Des formations seront bientôt organisées avec le Conservatoire botanique national de Bailleul à destination des récoltants de graines sauvages qui, par ailleurs, devraient bientôt disposer d’une application pour signaler les lieux de récolte. Objectif : augmenter le nombre de récoltants pour mieux alimenter les pépiniéristes de la région. Y.B. Plus d’infos sur vegetal-local.fr.

Cueillette de graines avec les jeunes de l’institut d’Hazebrouck dans le parc MargueriteYourcenar à Saint-Jans-Cappel. Photo La Voix du Nord


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Des glands dans la forêt domaniale de Desvres. Il ne suffit pas de les enfouir pour obtenir de beaux chênes... Photo Sébastien Jarry

est tentant de le penser ces jours-ci alors que les graines de légumes poussent déjà dans les endroits chauds de la maison. Pour multiplier les arbres, le semis est une bonne solution pour disposer de nombreux plants à moindre coût, voire gratuitement si les graines ont été récoltées par vos soins. Mais attention : c’est à l’automne – et si possible en novembre – qu’il faut semer les graines d’arbre qui ont besoin d’être fraîches pour lever à la belle saison. Plus l’hiver sera froid, plus la levée des semences sera régulière et il suffira, l’année suivante, de mettre en terre les plants issus de votre semis pour obtenir (avec de la patience) de beaux arbres sains à pousse plus rapide.

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Le décor est planté « Il y a des règles à observer pour bien semer les graines d’arbre. Cela reste une affaire de spécialistes », explique Frédéric Coquelet, expert technique de l’opération Plantons le décor pilotée dans les Hautsde-France par Enrx (les Espaces naturels régionaux). Ses fournisseurs de plants sont les pépiniéristes partenaires qui, chaque année, récoltent des graines de pieds-mères, des arbres historiquement identifiés comme étant d’essence locale, indigène, afin de respecter le patrimoine génétique de l’espèce – et donc sa meilleure adaptation et sa meilleure croissance dans son environnement naturel.

« Nous récoltons les graines du 15 août au 15 novembre », illustre Stéphane Jougleux, des pépinières de la Cluse à Wimille, près de Boulogne-sur-Mer, quasiment la seule pépinière « naisseur » de la région. Des glands récoltés au pied des chênes ou des graines dans les haies devront passer l’hiver à 0°C ou 1°C, pas davantage. « Un gland sec sera incapable de germer au printemps, il va noircir. Beaucoup de gens se risquent à semer en ce moment mais c’est très risqué, sauf si les graines sont restées bien fraîches et humides », explique-t-il.

SEMER DES ARBRES UNE AFFAIRE DE SPÉCIALISTES Les graines de hêtre et les glands du chêne de la forêt voisine étaient bien blottis au creux de la petite boîte. Le printemps arrive-t-il pour les semer directement en terre ? Attention danger. Par Yannick Boucher

Enedis s’engage pour la biodiversité en organisant des plantations d’arbres d’origine locale en Hauts-de-France.

Bien au chaud au frigo À la pépinière, toutes les graines n’ont pas été plantées à l’automne dernier et quelques-unes sont restées au frigo. Il est temps de les ressortir pour des chataîgniers, des chênes ou des hêtres. Compliqué, le semis ? La graine humide doit être plantée au bon moment, dans un sol sec. « Nous avons environ 650 000 plants à semer chaque année, ajoute Stéphane Jougleux. Il faut espérer un printemps relativement humide et pas de canicule cet été pour de belles plantes à l’automne. » Alors, semer une forêt ? « Impossible ou alors avec beaucoup de chance, ajoute le pépiniériste. Nos glands sont récoltés en forêt de Compiègne et on doit les tremper deux heures en eau très chaude pour tuer le champignon qui les attaque toujours lorsqu’ils tombent au sol en automne. » On le répète, une affaire de spécialistes.


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PÉPINIÉRISTE UN MÉTIER PASSIONNANT MAIS MENACÉ Ils disparaissent mais ils sont pourtant débordés par le nouvel engouement des chantiers de plantations. Les solutions existent pour sauver les pépiniéristes. Encore faudrait-il les mettre en œuvre, et vite. Par Yannick Boucher l s’appelle Christian Delsert, cinquante et un ans de pépinière au compteur. À 69 ans, un ancien comme diraient les jeunes. Mais à son âge, toujours personne pour reprendre ses huit hectares à Bourlon. « Je forme moi-même un “jeune” de 45 ans en reconversion : il est ébéniste », dit-il. Il n’y a pas, il n’y a plus d’école de formation au métier de pépiniériste dans la région : la plus proche est à Gembloux, près de Namur... en Belgique. Les jeunes tentés par cette filière suivent donc un enseignement intégré dans un BTS horticulture-arboriculture-pépiniériste-maraîchage dans les instituts agricoles et les candidats à des stages en pépinières sont denrées rares. « Ils vont tous chez mes collègues maraîchers », s’amuse presque Sylvain Duthoo, 27 ans le jour de notre visite sur ses petites parcelles de la nouvelle zone maraîchère installée par la Métropole européenne de Lille à Wavrin. En voilà, un jeune qui s’installe ! Une denrée encore plus rare dans la région. Sylvain raconte sa vocation – la vie à l’air libre, l’amour des végétaux –, témoigne de sa peine à trouver un terrain – « j’ai sillonné la région pour trouver du bon limon ». Installé en fruitiers depuis deux ans, il ne regrette rien et commence à vivre de son travail.

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Merci, le Covid La crise sanitaire est bonne fille, autant le dire. La fermeture de la frontière belge a relancé le commerce lo-

cal au moment où tout le monde veut planter, comme si les confinements avaient réveillé un certain goût pour les joies simples et utiles des services rendus par la nature. Christian Delsert, lui, travaille 80 heures par semaine. Il est bien à sa place, répète qu’« il faut vingt ans pour se faire connaître dans le métier », mais consent devoir ralentir le rythme à présent. Trop de travail... À Wimille, près de Boulogne-sur-Mer, on ne ralentit pas. « C’est de la folie, on n’a jamais connu une telle situation ces vingt-cinq dernières années », explique Stéphane Jougleux aux pépinières de la Cluse, l’un des partenaires de l’opération Plantons le décor pilotée par Enrx (Espaces naturels régionaux) : 16 pépiniéristes qui produisent ou seront bientôt en mesure de commercialiser des arbres fruitiers dans la région. À Wimille, le travail est en tension. Aucun répit pour les quatre employés et les deux apprentis soutenant les trois associés. Ici, on est passé de 500 000 plants à semer à plus de 650 000 aujourd’hui. Besoin de temps À Wavrin, Sylvain Duthoo se penche, caresse le porte-greffe d’un pommier Court Pendu rouge. L’arbre n’est encore qu’une tige. Il faudra deux ans avant de voir sa première pomme et, en général, il faut six ans pour une production correcte. « Donc un jeune qui veut s’installer doit se débrouiller pour patienter », estime Christian Delsert. Créer une vraie formation dé-

Sylvain Duthoo est l’un des rares jeunes à lancer une pépinière dans la région. Une activité qui commence à donner ses premiers fruits après deux ans de travail acharné à Wavrin. Photo Florent Moreau

diée pour un métier hyper technique ? Oui, selon lui. Mieux soutenir les jeunes motivés ? Encore oui. Acheter en pépinières locales plutôt que dans les grandes jardineries belges ? Toujours oui. « Les collègues belges nous ont tués avec leurs prix trop bas. Les jardineries belges achètent souvent leurs fonds de carré, leurs invendus... Bonjour, la qualité. Notre métier disparaît mais on pourrait créer beaucoup d’emplois avec les arbres », dit-il. Christian, Sylvain, Stéphane. S’accrocher aux branches.

TOUT LE MONDE VEUT DES ARBRES... La demande d’arbres et d’arbustes n’a sans doute jamais été aussi forte. Le plan régional pour un million d’arbres, notre opération 100 000 arbres pour demain, les particuliers avec Plantons le décor, le projet de planter 200 000 arbres dans le Dunkerquois ou ces collectivités qui, aux quatre coins de la région, souhaitent rejoindre celles qui sont déjà bien engagées pour planter (communauté de communes des Hauts de Flandre, celle du Pays Cœur de Flandre, celle de Pévèle-Carembault...).


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