Le Statut du seuil dans l'habitat Balinais - Mémoire de Licence Victorine Leborgne - ENSA Marseille

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Etudiante : Leborgne Victorine Directrice d’étude : Carole Lenoble Profil 08 année 2015-2016

Le statut du seuil dans l’habitat Balinais Mémoire de Licence


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SOMMAIRE

Introduction ………….………………………………………………………………………………………..7 Développement 1/ Présentation de la maison traditionnelle Balinaise et analyse du statut du seuil……………..13 1.1 Les codes culturels et l’organisation des espaces 1.2 La maison traditionnelle (umah) 1.3 Le traitement du seuil 1.4 Bilan 2/ Présentation de la maison contemporaine Balinaise et analyse du statut du seuil….……….23 2.1 L’architecture vernaculaire revisitée 2.2 L’organisation des espaces et le traitement du seuil 2.3 Bilan Conclusion………………………………………………………………………………………….…………35 Bibliographie………………………………………………………………………………………………..…37

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Introduction

Avant toute chose, il convient de se poser la question : qu’est-ce que le seuil dans l’architecture ? Le seuil peut avoir plusieurs fonctions, il peut être utilitaire et permettre le passage d’un lieu à un autre, servir d’aération ou de ventilation et peut permettre le passage de la lumière. Pour Louis I. Khan1, architecte qui s’est intéressé à la vie communautaire entre autre, « l’architecture est le seuil entre silence et lumière ». Le seuil peut être protecteur, protéger de la vue (voir sans être vu) ou permettre la contemplation. Enfin le seuil peut être sémantique, c’est à dire avoir une valeur religieuse, sociale ou culturelle. Nous retrouvons ce point de vue chez Mircea Eliade2 qui nous explique dans un de ses ouvrages que « De nombreux rites accompagnent le passage du seuil domestique. (…) Le seuil a ses « gardiens » : dieux et esprits qui défendent l’entrée aussi bien de la malveillance des hommes que des puissances démoniaques et pestilentielles. C’est sur le seuil qu’on offre des sacrifices aux divinités gardiennes. C’est également là que certaines cultures paléo-orientales (Babylone, Egypte, Israël) situaient le jugement. Le Seuil, la porte montrent, d’une façon immédiate et concrète, la solution de continuité de l’espace; d’où leur grande importance religieuse, car ils sont tout à la fois, les symboles et les véhicules du passage. »

Le seuil peut également être décrit comme une limite entre deux espaces distincts ou au contraire comme une relation entre ces deux espaces, tout dépend de quel point de vue nous nous plaçons. Il peut représenter la limite extérieur/extérieur, la limite intérieur/extérieur (ou inversement) mais aussi la limite intérieur/intérieur. Dans le cas d’une limite extérieur/intérieur, il peut aussi être une limite entre public/privé. Pierre Von Meiss3 nous en fait une description similaire et nous explique que « Bâtir, c’est d’abord créer, définir et limiter une portion de territoire distincte du reste de l’univers et lui assigner un rôle particulier. La limite fait naître l’intérieur et l’extérieur. (…) Les seuils et espaces de transition deviennent « lieu » à leur tour. (…) Ils contrôlent la perméabilité d’une

1 Louis I. Khan, Silence et lumière 2

Mircea Eliade, Le sacré et le profane

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Pierre Von Meiss, De la forme au lieu + de la Tectonique, Une introduction à l’étude de l’architecture

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limite, confirmant la discontinuité spatiale tout en offrant la possibilité de la franchir, physiquement ou par le regard. C’est le seuil qui révèle la nature de la limite. (…) Ils sont signes sociaux et supports d’espoirs et d’images. (…) Ils jouent trois rôles : de commodité, de protection et de sémantique. (…) Historiquement l’espace de transition est probablement lié à l’existence d’un rituel. »

Le seuil, peut se présenter sous différentes formes en architecture. Il peut être une porte ou une fenêtre. Il peut être entrant ou sortant, et il peut également ne pas être visible comme le décrit George Perec4 pour la villa de Franck Llyod Whright : « Il est évidemment difficile d'imaginer une maison qui n'aurait pas de porte. J'en ai vu une un jour, il y a plusieurs années, à Lansing, Michigan, États-Unis d'Amérique. Elle avait été construite par Frank Lloyd Wright : on commençait par suivre un sentier doucement sinueux sur la gauche duquel s'élevait, très progressivement, et même avec une nonchalance extrême, une légère déclivité qui, d'abord oblique, se rapprochait petit à petit de la verticale. Peu à peu, comme par hasard, sans y penser, sans qu'à aucun instant on ait été en droit d'affirmer avoir perçu quelque chose comme une transition, une coupure, un passage, une solution de continuité, le sentier devenait pierreux, c'est-à-dire que d'abord il n'y avait que de l'herbe, puis il se mettait à y avoir des pierres au milieu de l'herbe, puis il y avait un peu plus de pierres et cela devenait comme une allée dallée et herbue, cependant que sur la gauche, la pente du terrain commençait à ressembler, très vaguement, à un muret, puis à un mur en opus incertum. Puis apparaissait quelque chose comme une toiture à claire-voie pratiquement indissociable de la végétation qui l'envahissait. Mais en fait, il était déjà trop tard pour savoir si l'on était dehors ou dedans : au bout du sentier, les dalles étaient 4

Georges Perec, Espèces d’espace

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jointives et l'on se trouvait dans ce que l'on nomme habituellement une entrée qui ouvrait directement sur une assez gigantesque pièce dont un des prolongement aboutissait d'ailleurs sur une terrasse agrémentée d'une grande piscine. Le reste de la maison n'était pas moins remarquable, pas seulement pour son confort, ni même pour son luxe, mais parce que l'on avait l'impression qu'elle s'était coulée dans sa colline comme un chat qui se pelotonne dans un coussin. »

Exemple de seuil Sortant : O. Niemeyer – Niteroi – Brésil – 1996

Exemple de Seuil Entrant : F. Lloyd Wright – San Francisco – (CA) USA – 1948

Comme l’exprime les architectes Cécile Chanvillard5 et Philippe Bonnin6 dans leurs ouvrages respectifs, le seuil est primordial dans la notion d’habiter et il constitue inconsciemment un rituel du passage, lorsque l’on rentre chez soi chaque jour. Ainsi « « seuil » et « sol » reposent sur la même racine indo-européenne qui indique l’établissement de l’humain. Etablir l’humain, c’est établir la condition humaine, habiter.(…) Dans l’architecture, il faut qu’il y ai un bord, que ce bord se plie sur un sol qu’il mesure. Le seuil est une condition d’habitation du sol mesuré. (…) Il y a une condition à la limite dans l’architecture : le seuil. Il y a une loi du seuil dans le langage : le passage. »(Chanvillard) « On rentre chez soi chaque jour, on franchit le seuil de sa maison ou de son appartement, réalisant un rituel à son insu, sans pour autant changer de statut ou de catégorie sociale. (…) D’une certaine manière le seuil fonde les espaces. Le seuil existe dès lors qu’on a eu l’intention de séparer un lieu du reste du monde. (…) Pour la maison, le premier des seuils est celui qui sépare l’espace extérieur de l’intérieur. Le jardin est construit comme un vestibule, une préparation à la rencontre. (…) Le seuil de la maison, seuil primordial, celui qui définit l’existence même de la demeure et que l’on rencontre dans les formes les plus primitives ou les plus rudimentaires, les plus simples de l’habitat. (…) C’est le rôle de 5 CHANVILLARD Cécile, Au seuil de l’Architecture; le sacré. Ingénieur civil architecte, diplômée de la faculté des sciences

appliquée (FSA) de l'UCL en 2001, titulaire d'un DEA en 2007 et docteur en science de l'ingénieur en 2012. 6 BONNIN Philippe, Dispositifs et rituels du seuil. Architecte et anthropologue français, directeur de recherches au CNRS et

directeur du laboratoire AUS (Architectures, Urbanismes, Société).

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l’architecture que d’établir des frontières stables, durables, de les munir de dispositifs de seuils significatifs et compréhensibles. » (Bonnin)

Enfin, il me semble que l’architecte Herman Hertzberger7 fait une définition du seuil plus pragmatique et précise, et qui convient assez en la circonstance. Il nous décrit le seuil comme « la clé de la transition et de la connexion entre des zones soumises à des prétentions territoriales différentes, et, en tant que lien à part entière, il constitue la condition spatiale de la rencontre et du dialogue entre des espaces de nature différente. La valeur de ce concept apparaît de façon particulièrement explicite dans le seuil par excellence, à savoir l’entrée d’une maison. L’enjeu est ici la rencontre et la réconciliation de la rue et du domaine privé. L’enfant se sent à la fois chez lui et dans le monde extérieur. Cette dualité existe grâce à la qualité spatiale du seuil, qui constitue moins une ligne de démarcation précise qu’une plateforme dotée d’un statut propre, un lieu où deux mondes se chevauchent. (…) Concrétiser le seuil comme un espace de transition signifie avant tout créer un cadre où accueillir et prendre congés des visiteurs, le seuil représentant dès lors la traduction architecturale de l’hospitalité. En outre, le seuil est, en tant qu’aménagement construit, aussi important pour les contacts sociaux que des murs épais le sont pour l’intimité. Les entrées, les auvents et bien d’autres formes d’espaces intermédiaires fournissent l’occasion de concilier des mondes qui se côtoient. (…) Le concept du seuil permet d’abolir la séparation tranchée entre des espaces soumis à des prétentions territoriales différentes. » Nous l’aurons comprit, dans sa définition la plus large, le seuil est avant tout une séparation, une limite statique, qui devient dynamique parce ce qu’elle est faite pour être franchie et instaure le passage. Mais si nous nous attardons un peu plus sur le sujet, nous comprenons qu’en réalité le seuil est bien plus que cela. Il fonde les espaces et les liens sociaux. Il marque les rituels, spirituels ou habituels des usagers et c’est là tout l’intérêt de la définition qu’en fait Herman Hertzberger qui nous parle de « traduction architecturale de l’hospitalité » et « d’aménagement construit pour les contacts sociaux ». Ces deux qualifications du seuil me paraissent être en parfaite adéquation avec la culture Balinaise dont il est question dans ce mémoire.

Vous vous demandez surement, pourquoi j’ai choisit d’étudier le seuil dans l’habitat Balinais ? Tout simplement parce que ces dernières années la notion de seuil a souvent été

7 HERTZBERGER Herman, Leçons d’Architecture.

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étudiée dans l’habitat Japonais et du Moyen Orient, à travers divers ouvrages tels que « Vocabulaire de la spatialité Japonaise » (Philippe Bonnin) ou « A travers le mur » (JeanCharles Depaule); et plus personnellement, car j’ai découvert une richesse culturelle qui m’a

donné envie de connaître et d’étudier le mode de vie, les coutumes et les traditions perpétués sur cette île. J’ai pu observer, au cour de mes voyages sur place, à quel point les Balinais sont conscients et attentifs aux changements qui s’opèrent autour d’eux, et j’ai découvert que les Balinais font preuve d’une capacité d’adaptation hors du commun. En tant qu’étudiante en architecture, j’ai fais ce choix pour voir l’impact qu’a le seuil sur la forme et l’organisation de l’habitat Balinais.

Dans ce mémoire nous allons donc analyser le statut du seuil dans l’habitat Balinais. Nous allons découvrir les mutations opérées sur la maison Balinaise, « les modèles hérités et les modèles recomposés » (Lancret-Simon8, 2003). Pour cela, nous allons commencer par observer la distribution et l’organisation des espaces dans la maison traditionnelle Balinaise (modèle hérité), à travers des écrits et surtout des plans plus explicites pour la visualisation et la compréhension des espaces. Nous allons ensuite étudier et comparer ces observations à l’organisation de la maison contemporaine Balinaise (modèle recomposé), cette fois en s’appuyant sur quelques projets du célèbre architecte Balinais Popo Danes, dont le travail est basé sur la préservation et l’adaptation de l’habitat vernaculaire dans des projets contemporains. Ainsi, à travers cette analyse nous allons voir : comment est abordé le seuil ? Quel est son statut ? Quelle importance lui est donné dans l’organisation des espaces ?

Nous allons nous appuyer sur les notions définies précédemment dans cette introduction, pour notre analyse du statut du seuil dans l’habitat traditionnel Balinais, et voir son évolution dans l’habitat contemporain. Nous allons constater que les rites et croyances sont nombreux et ont un impact majeur dans ce type d’habitat. Enfin, nous allons déterminer si oui ou non : - Le seuil est une traduction architecturale de l’hospitalité dans l’habitat Balinais ? - Est-il un aménagement construit pour les contacts sociaux ?

8 LANCRET SIMON Nathalie, Espace et Sociétés, Bali : pratiques hérités et modèles recomposés. Architecte, directrice de

recherche au CNRS, chercheure au laboratoire Ipraus et directrice de l'unité mixte de Recherche Architecture, urbanisme, société : savoirs, enseignement, recherche (UMR AUSser 3329), nommée au grade de chevalier dans l'ordre des Arts et des lettres par arrêté de la Ministre de la culture et de la communication, du 17 juillet 2015

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1. PrĂŠsentation de la maison traditionnelle Balinaise et analyse du statut du seuil

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Cette première partie du mémoire est consacrée à la présentation des us et coutumes Balinais, afin de mieux comprendre l’organisation des espaces dans la maison traditionnelle. Nous allons tenter d’analyser ce qui constitue la maison, fait les espaces et délimite les seuils. A travers des illustrations et des exemples d’habitats traditionnels, nous allons essayer de comprendre comment l’habitation est régie, quels sont les principes ou codes constructifs, s’il en existe…

1.1 Les codes culturels et l’organisation des espaces

Tout d’abord il est nécessaire de comprendre que la culture Balinaise est régie selon des codes très particuliers et importants pour le développement et l’évolution des Balinais. Ces codes régissent l’orientation sur l’île, les rituels (offrandes aux dieux) et la vie Balinaise dans son ensemble. Par exemple en ce qui concerne les rituels, il constituent un besoin d’équilibre constant entre le bien et le mal. Les Balinais considèrent que l’être humain est le garant de cet équilibre et qu’il doit autant satisfaire les Dieux que les Démons. Ainsi une organisation d’offrandes est mise en place, à savoir : sur le sol pour les Démons qui vivent sous terre, et dans un écrin suspendu à une branche de roseau, pour les Dieux qui vivent dans le ciel. Ces offrandes se font sur le pas de la porte (à l’entrée) de chaque habitation, commerce ou échoppe de marché.

A gauche une offrande aux Dieux, à droite une offrande aux démons.

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De la même manière ces codes régissent l’orientation sur l’île, selon un axe majeur Nord/ Sud (ou amont/aval), dont les repères sont le Mont Agung (amont) et la mer (aval). « l’organisation et le sens de l’espace, ses directions et ses significations sont données par un système d’orientation composé d’un centre (puseh, ombilic) et de quatre directions principales (amont, aval, est et ouest) qui déterminent une division par quartiers du territoire et imposent des tracés géométriques orthogonaux. A l’amont et à l’est sont associés des significations et des présages favorables; par opposition, l’aval et l’ouest évoquent des mondes inférieurs aux pouvoirs maléfiques.» (Lancret-Simon, 2003).

Système d’orientation de la Nawa Sanga (Lancret-Simon, 2003)

Une fois orientée, la maison est homologuée au modèle cosmique par une même division tripartite de son espace : une partie supérieure positive (utama), un milieu neutre (madya) et une partie inférieure négative (nista). Cette division est appliquée en plan et en élévation, à toutes les constructions de la maison et à toutes les échelles. Des traités d’architecture, tels que, l’Asta Kosali de la Gria taman Sanur Badung (LancretSimon9 1995) fixent les règles à la fois précises et complexes de la construction et

notamment ses rituels. Seulement les traités sont peu souvent utilisés par le commun des Balinais, c’est uniquement en cas d’évènements inexpliqués et récurrents que les habitants peuvent avoir recours à un architecte traditionnel, ou à une personnalité initiée qui fera un diagnostic et prescrira les modifications à apporter sur le cas suivant ces traités.

9 LANCRET SIMON Nathalie, L’espace domestique contemporain à Bali : quelques maisons de Denpasar

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Quadrillage hiérarchique TnkiUkmnamfinatgamnuUm H

+

++

X ++

nista madya

Quadrillage hiérarchique,

Répartition des espaces, vue en plan

montrant la cours centrale

des constructions (Lancret-Simon, 2003)

et la répartition tripartite des espaces (positif, neutre et négatif) (Lancret-Simon, 2000)

Un autre code entre dans l’organisation de la construction Balinaise : la mesure de l’espace domestique. Les règles, qui fixent la mesure de l’espace domestique Balinais, sont également décrites dans les traités d’architecture. « Ces règles varient d’un village à l’autre en fonction du principe balinais du « desa, kala, patra » qui veut que toute chose soit adaptée « au lieu, au moment et aux circonstances. » » (Lancret-Simon10, 2000). Suivant ce principe du « desa, kala, patra » les mesures s’adaptent donc et sont fonction des mensurations du propriétaire, créant des maisons faites sur mesure. Les pieds, la main et le bras droit, fournissent la majorité des unités de mesure, et permettent de comptabiliser une trentaine de modules courants. « Les traités précisent que chaque cote est composée d’une dimension de base qui peut être agrandie à volonté et d’une « mesure ajoutée » (pelebih) sans laquelle l’existence des habitants et de l’architecte seraient menacées. » (Lancret-Simon 2000) Il en va de même pour tous les éléments qui composent l’habitation, comme la porte implantée dans le mur d’enceinte, et le mur d’enceinte lui même. Ils sont construits selon la taille du propriétaire, garantissant une échelle du seuil adaptée aux humains qui le pratique.

10 LANCRET Nathalie, La mesure de l'espace domestique balinais.

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Nathalie Lancret

triadnyam

«ni

mutl

padurakM sirang 3. Les(Lancret-Simon, unités de mesure 2000) Les unités de mesures calées sur la stature du Planche propriétaire

Les dimensions de la cour, l’implantation des bâtiments dans cette cour, ainsi que les Archipel 60, Paris, 2000

dimensions des différents espaces (longueur, largeur, hauteur) sont fonction de ces unités de mesure, avec plus ou moins un module.

Nous constatons ainsi, à travers cette brève présentation des coutumes Balinaises, que les croyances et les rituels ont une importance capitale dans l’organisation des espaces de la maison traditionnelle Balinaise, ainsi que dans la vie de ses habitants. En effet, si un défaut de l’espace bâti, quel qu’il soit, vient compromettre l’équilibre harmonieux de la construction entre les forces divines, humaines et démoniaques, la pérennité de la lignée et l’intégration de la famille dans la société coutumière est compromise.

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1.2 La maison traditionnelle (umah) La maison traditionnelle (umah) est un enclos d’environ 1000m2, entouré d’un mur d’enceinte maçonné percé à l’Ouest par une porte ouverte sur la rue; ainsi l’intimité des habitants de la maison est préservée et un seul accès n’est possible. A l'intérieur de l’enclos, la vie s’organise autour d’une cour centrale, plusieurs pavillons qui constituent le quartier d’habitation, encadrent cette cours. En amont se trouve le temple familiale, espace le plus pure de l’enclos, en aval sont implantés les espaces de services.

1.

Le mur protecteur (aling-aling), il barre le chemin aux esprits malins qui ne savent qu’aller tout droit.

2.

La cuisine (paon), espace impure donc implanter vers la mer (en aval)

3.

Le grenier à riz (lumbung),

4.

Le pavillon annexe, généralement construit lorsque la famille s’agrandit

5.

Le pavillon cérémoniel (balé dangin), semi-fermé avec une plateforme, il permet le repos, le dépôt d’offrandes…

6.

L’enceinte du temple domestique, il abrite les autels des ancêtres

7.

Le pavillon fermé d’amont, chambre du doyen ou chef de famille

8.

Le pavillon de l’ouest (balé dauh), pavillon composé d’une chambre souvent occupé par un membre de la famille.

Comme nous le montre l’illustration ci-dessus, la maison traditionnelle Balinaise est différente des maisons occidentales. Elle est composée de différents pavillons (ou constructions), dans lesquels s’organise la vie au sein de l’habitation, là où nous, nous n’avons qu’une seule construction dans laquelle sont aménagés plusieurs pièces. L’habitation est alors définie comme telle, par le groupement de de pavillons autour d’une cours centrale, le tout ceinturé par un mur maçonné. Ainsi, la vie au sein de la maison traditionnelle s’organise dans et autour des différentes constructions.

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De plus nous constatons que la maison est fermée au reste du monde par le mur d’enceinte et qu’une unique porte permet le franchissement de ce mur et l’accès à l’habitation. Nous pouvons donc d’ores et déjà relever une limite entre public/privé, fortement marquée par ce mur périphérique; ainsi qu’un premier seuil (seuil fondateur, qui sépare l’espace extérieur/intérieur) créé par l’unique ouverture dans le mur.

1.3 Le traitement du seuil Comme décrit précédemment une première limite, un premier seuil, se démarque fortement dans la composition de la maison traditionnelle Balinaise. Ce seuil apparaît au niveau de l’unique porte (à l’ouest) qui perce le mur d’enceinte de l’habitation et permet ainsi un franchissement depuis l’espace public (la rue) vers l’espace privé (la maison).

Porte d’entrée : Kori apit lawang (Lancret-Simon 2000)

Dans cette illustration, le passage s’opère par le franchissement d’une rampe, qui symbolise une élévation du corps et de l’esprit. Cette représentation ne se veut pas exhaustive mais permet de montrer une manière de franchir le premier seuil auquel le visiteur est confronté.

Une fois entrés, si nous effectuons un zoom sur les constructions qui composent la maison traditionnelle de type umah, nous constatons que le seuil est à nouveau parfaitement marqué. La surélévation du plancher de chaque bâtiment, ainsi que la couverture légèrement prolongée et alignée à la surface de ce plancher, délimitent l’espace de vie et marquent également la séparation entre les espaces intérieurs et extérieurs (voir dessins ci-après).

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Les bâtiments d’une maison de type umah (Lancret-Simon 2000)

Chaque pavillon dispose de son « EN », de son propre plancher, plus ou moins surélevé du sol. Le terme « en » venant du bouddhisme et exprimant la notion de relation, de lien entre le dedans et le dehors (qui peut être la plate forme planchéiée). Nous noterons que pour se rendre d’un pavillon à l’autre, il faut franchir trois seuils, à savoir : le premier par la descente du plancher de départ (point A), le second par la traversée de la cour qui sépare les deux pavillons, et qui à elle seule constitue un seuil, une liaison entre deux espaces distincts que sont les pavillons et enfin le troisième, par la monter du plancher du second pavillon. De ce cheminement résulte à la fois un déplacement horizontal du corps (du point A au point B) mais également un déplacement vertical par le franchissement de plusieurs paliers. A la manière « des pierres plates qui constituent le sentier menant de l’entrée du jardin à la cabane à thé », le corps et l’esprit effectuent « une progression du monde profane (extérieur) vers la terre pure (l’intérieur) ». (Berque11 , 2010)

11 BERQUE Augustin, Histoire de l’habitat idéal : de l’Orient vers l’Occident. Géographe, orientaliste et philosophe Français,

directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de 1979 à 2011.

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1.4 Bilan Pour conclure cette première partie, nous avons pu constater que l’architecture Balinaise est régie par de très fortes croyances. Nous avons observé que la maison traditionnelle Balinaise est fermée au monde extérieur et qu’il existe plusieurs seuils au sein de cette habitation. Le seuil principal (seuil fondateur), celui de la porte du mur d’enceinte, qui constitue un lien écoumène/érème (intérieur/extérieur), mais également et surtout une mise à distance des esprits malins et démoniaques, afin de protéger et préserver la famille qui vit dans ces murs de tout malheur. Ce même seuil servant aussi aux offrandes pour ces mêmes démons et dieux, afin de préserver l’équilibre entre le bien et le mal. Ce seuil a donc un statut sacré et culturel, plus que fonctionnel et structurel. Pour autant il ne constitue pas un lien social comme nous avons pu le lire dans les citations en introduction, du fait que ce seuil soit implanté dans un mur protecteur, et de la taille d’une porte. De plus en étant éloigné du cœur de l’habitation, il ne constitue pas un lieu d’échange, mais plutôt un lieu de passage.

Les seuils de chaque pavillon, qui eux ont pour but la matérialisation physique entre un extérieur (jardin, cour) et un intérieur (pièces à vivre); sont donc beaucoup plus fonctionnels. Ils répondent aux trois fonctions de Pierre Von Meiss : « la commodité, la protection et la sémantique ». Le nombre de ces seuils variant en fonction du nombre de pavillons. Pour reprendre les propos de Cécile Chanvillard, la maison traditionnelle Balinaise répond donc à la notion de « seuil comme condition d’habitation du sol mesuré ». Elle matérialise « la loi du seuil dans le langage : le passage ». Le sol mesuré étant matérialisé par les planchers en bois surélevés qui délimitent la condition d’habitation. Il ne me semble pas que l’on puisse parler du seuil Balinais comme « la traduction architecturale de l’hospitalité » et encore moins « d’aménagement construit pour les contacts sociaux ». Dans mon introduction, ces propos d’Herman Hertzberger me paraissaient en parfaite adéquation avec la culture Balinaise, ce qui est le cas, mais pas avec l’architecture Balinaise, qui se veut beaucoup plus introvertie qu’il n’y paraît et beaucoup plus centrée sur les croyances envers les dieux et démons.

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2. PrĂŠsentation de la maison contemporaine Balinaise et analyse du statut du seuil

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Cette seconde partie du mémoire va nous permettre d’analyser les transformations opérées sur la maison traditionnelle Balinaise dans l’habitat contemporain, et notamment sur le seuil. Nous allons pouvoir confronter les modèles hérités, aux modèles recomposés de l’architecture Balinaise. Nous allons pour cela, nous appuyer sur des plans et illustrations de l’architecte Balinais Popo Danes, dont le travail est axé sur la préservation et l’adaptation de l’habitat vernaculaire12 dans des projets contemporains.

2.1 L’architecture vernaculaire revisitée Au cours de ces dernières années, l’architecture vernaculaire Balinaise, a subi de nombreuses transformations et adaptations. Ces mutations sont apparues au moment où le gouvernement Balinais a exposé sa volonté d’ouvrir davantage son île au tourisme. Du fait de cette population supplémentaire et afin de rendre cela possible, des opérations de transformation des réseaux viaires ont été réalisées, permettant l’élargissement des voies et l’accueil d’une circulation plus dense. Le gouvernement a également autorisé des promoteurs et des particuliers étrangers, à investir sur ses terres. Sachant que le système foncier Balinais correspond à nos baux emphytéotiques Français, cette prise de décision a eu pour effet d’offrir aux Balinais détenteurs de terrains à bâtir, le statut de propriétaire, alors réservé à une élite. Les propriétaires des terrains vendant le droit à construire et à habiter les lieux pour quinze ans minimum aux investisseurs étrangers, leur a procuré en retour une rente (pour le loyer versé chaque mois) et un statut de sponsor vis à vis de l’investisseur. Ainsi la propriété est préservée et les terres restent aux Balinais. De fait, avec l’arrivée de ces nouveaux locataires étrangers, l’architecture des pavillons traditionnels s’est vue enrichie et les codes, modénatures et le « design » occidentaux se sont peu à peu immiscés dans l’organisation des espaces. Fort heureusement pour la culture Balinaise, des architectes tels que Popo Danes, y ont vu la possibilité de rendre leur habitat plus confortable et fonctionnel, d’accueillir des touristes du monde entier dans de luxueux hôtels ou villas résidence, tout cela dans le respect des codes culturels et des traditions.

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qui est propre à une région, un pays ou à ses habitants.

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2.2 L’organisation des espaces et le traitement du seuil Observons maintenant plus attentivement les modifications apportées à l’organisation des espaces de la maison traditionnelle, dans l’habitat contemporain.

The Long House, Plan masse Tiara Nusa Estate, Goa Gong, Bukit Jimbaran, 2006-2007 (Popo Danes, 2011)

Si nous regardons le plan de masse de cette villa contemporaine, nous retrouvons les différents pavillons qui constituent la maison traditionnelle Balinaise, ainsi que le mur d’enceinte qui délimite l’habitation. Le premier seuil est donc conservé. Nous remarquons qu’à la différence de la maison de type umah, la cour centrale n’est plus et les différentes constructions sont reliées entre elles par des terrasses ou des toits terrasses. L’habitation devient alors un seul et même bâtiment. L’entrée se fait à l'ouest, respectant ainsi les codes traditionnels d’orientation, mais la seconde modification que nous pouvons noter, est le franchissement d’un escalier menant au rez-de-chaussée de l’habitation depuis le niveau de la rue. Dans ce cas de figure, la maison contemporaine se veut à étage là où la maison traditionnelle est normalement en rez-de-chaussée et accessible de plein pied depuis la rue. Le premier seuil, seuil fondateur (érème/écoumène, public/privé) est donc conservé et accentué par le franchissement de l’unique porte Ouest, puis d’un escalier menant au niveau des chambres de l’habitation.

The Long House, Escalier et porte d’entrée Tiara Nusa Estate, Goa Gong, Bukit Jimbaran, 2006-2007 (Popo Danes, 2011)

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The Long House, Plan du rez-de-chaussée Tiara Nusa Estate, Goa Gong, Bukit Jimbaran, 2006-2007 (Popo Danes, 2011)

En analysant le plan du rez de chaussée (lower floor plan), nous nous apercevons que tous les espaces (pavillons) sont connectés, il n’y a pas de rupture de plancher, entre chaque pavillon il semble que la déambulation s’effectue constamment dans un espace intérieur. Intérieur et extérieur se confondent par la continuité du sol. En revanche, un nouvel espace de transition est mis en place, et découle de la topographie du terrain, il s’agit de l’escalier.

The Long House, Escaliers intérieurs

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En observant les coupes sur le terrain et sur la construction (site section, buildings section) nous prenons l’ampleur du dénivelé et de l’adaptation de l’organisation des espaces en fonction de celui-ci. Les pavillons ne sont plus séparés horizontalement par la cour mais verticalement par les escaliers.

The Long House, Coupes, (Popo Danes, 2011)

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Dans la villa Cemara l’entrée s’effectue au Nord Ouest, par le franchissement du mur d’enceinte par une seule et unique porte, conformément à la maison traditionnelle umah et comme nous pouvons le voir sur le plan de masse ci-dessous.

Villa Cemara, Plan masse - Pantai Cemara, Semawang, Sanur, 2000 - (Popo Danes 2011)

Villa Cemara, Porte d’entrée Pantai Cemara, Semawang, Sanur, 2000 (Popo Danes 2011)

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Villa Cemara, Plan niveau RDC - Pantai Cemara, Semawang, Sanur, 2000 - (Popo Danes 2011)

Les pavillons sont détachés les uns des autres (1,2 et 3 étant les pavillons privés, 4 et 5 le balé danguin et la cuisine); et la délimitation des espaces ainsi que le marquage du seuil par la surélévation des planchers, sont respectés. De même, le pavillon de repos, plus communément appelé balé danguin, est également préservé servant ici de coin repas, au farniente sur transat ou de coin lecture, la cuisine se trouvant implantée au Nord de ce balé.

Villa Cemara, Traitement du sol Pantai Cemara, Semawang, Sanur, 2000 - (Popo Danes 2011)

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Villa Cemara, Coupe - Pantai Cemara, Semawang, Sanur, 2000 - (Popo Danes 2011)

La coupe nous montre que le système constructif traditionnel est conservé, à savoir une structure faite de poteaux sur lesquels vient reposer la charpente. Les espaces intérieurs étant réalisés en cloisonnement et en retrait par rapport au poteaux, nous retrouvons l’espace de transition extérieur, couvert par la toiture mais non clos. Le seuil des pavillons traditionnels de la maison umah sont respectés.

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La villa Ombak Luwung est incontestablement la villa qui se rapproche le plus du modele traditionnel. Elle reprend l’intégralité des codes des modèles hérités et en fait une démonstration évidente d’adaptation et de modèle recomposé. En observant attentivement la coupe ainsi que le plan de niveau, nous pourrons apprécier l’habileté et la délicatesse du traitement du sol. Le travail de dénivelé, de surélévation des espaces suivant leur fonction et leur degré d’importance, est parfaitement intégré.

Villa Ombak Luwung, Coupe, plan et traitement du sol Canggu, 2002, (Popo Danes, 2011)

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Ainsi on pénètre dans l’enceinte de la maison par le mur protecteur aling-aling, on traverse, en son centre, le balé réservé au stationnement des véhicules pour déboucher sur une succession de pavés rectangulaires , à la manière des pas japonais. Ce pavage délimitant le chemin à parcourir jusqu’aux pavillons, débouche sur une large cours rectangulaire. Delà partent plusieurs autre chemins pavés, qui distribuent chaque pavillon constituant l’habitation. L’entrée dans chacun d’eux est matérialisée par le franchissement d’une à trois marches et permet de faire comprendre à l’usager qu’il s’apprête à entrer dans un espace intérieur. Les Espaces couverts extérieurs, « ces plateformes dotées d’un statut propre, un lieu où deux mondes se chevauchent13 »; et périmétriques à chaque pavillon, sont également travaillés pour permettre la détente, la pause et le repos de l’usagers.

13 Herman Hertzberger, Leçons d’architecture

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2.3 Bilan Dans cette seconde partie, nous avons pu observé que, comme la maison traditionnelle umah, la maison contemporaine Balinaise est fermée au monde extérieur par un mur d’enceinte avec pour seul passage une porte. En revanche, nous avons également constaté que le traitement des seuils peut varier selon la configuration des lieux : avec marches, changement de revêtement de sol, pavement… En effet, dans le premier, The Long House, projet de Popo Danes qui nous a été présenté, nous relevons une absence de seuil dans l’organisation des espaces, et une difficulté à voir quel est le parcours à suivre dans cette habitation. Le seul indice que nous ayons est l’enfilade d’escaliers au Sud, qui pour le coup marque parfaitement un déplacement vertical. Cette nouvelle configuration est sans doute la conséquence de l’augmentation des constructions dû à l’afflux de touristes, qui a nécessité d’avantage de maisons dans des zones plus escarpées. Ce phénomène a sans doute entrainé une modification sensible des règles de l’habitat Balinais. Dans les deux autres projets (Cemara et Ombak Luwung), en revanche, les seuils sont parfaitement visibles. L’organisation de la villa Cémara sépare les pavillons et rehausse les planchers, venant créer une cour entre ces différents espaces et une mise à distance du sol (la terre). Ainsi nous retrouvons le parcours à la fois horizontal et vertical de la maison traditionnelle avec le franchissement des trois seuils : le premier par la descente du plancher de départ (point A), le second par la traversée de la cour qui sépare les deux pavillons, et qui à elle seule constitue un seuil, et le troisième, par la monter du plancher du second pavillon (point B). La villa Ombak Luwung, employe la même organisation que la villa Cémara, avec cependant une petite variante dans le traitement du sol. Celui-ci lie les pavillons entre eux aux moyens de cheminements pavés, créant de nouveaux sous espaces de jardin sans autre fonction apparente que celui du traitement paysager.

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Conclusion

A la lecture de cette analyse, il apparaît que le sentiment d’hospitalité et de générosité que j’ai éprouvé au travers de la culture Balinaise ne soit pas du tout retranscrit dans leur architecture. En effet, tous les exemples d’habitat, à la fois traditionnels et contemporains, présentés dans ce mémoire, font ressortir une volonté de protection et d’introversion vis à vis du monde extérieur, à la manière d’un cocon, que l’on se langui de retrouver après une folle journée passée au milieu des klaxons et des bruits de moteur des scooters, et de la marée humaine. La porte, que j’ai nommée le premier seuil (seuil fondateur) en est l’illustration. Il marque la séparation tranchée entre l’espace public de la rue et l’espace privé de la maison. Il a pour seul communication avec « le monde extérieur » les offrandes faites sur le pas de cette porte. Ainsi, de prime abord le seuil, n’apparaît pas comme « un aménagement construit pour les contacts sociaux », comme nous l’a dit Herman Hertzberger dans Leçons d’architecture, bien au contraire.

Dans ce mémoire, nous avons comparé la maison traditionnelle de type umah à la maison contemporaine, et que cela soit dans l’une comme dans l’autre, nous pouvons affirmer sans trop de difficulté que la fonction première du seuil dans l’habitat Balinais est d’ordre culturel et religieux. Il sert aux offrandes des divinités gardiennes des lieux et il permet d’élever les corps et les esprits humains, par la mise à distance du sol (de la terre), lorsqu’il y a soulèvement des planchers. En revanche une fois passé le mur d’enceinte les seuils que j’ai nommé secondaires, ont eux pour but la matérialisation physique entre un extérieur (jardin, cour) et un intérieur (pièces à vivre). Ils sont beaucoup plus fonctionnels et reprennent les trois fonctions de Pierre Von Meiss à savoir : « commodité, protection et sémantique ». Ils permettent le passage d’un lieu à l’autre, de voir sans être vue et bien souvent d’avoir un cadrage sur la mer (n’oublions pas que nous sommes sur une île), et pour finir une élévation du corps et de l’esprit par rapport à la terre.

Ainsi la constante qui traverse chacun de ces projets, est celle du respect des croyances et des codes; par l’orientation de l’accès à l’habitation (toujours à l’ouest), la hiérarchie de

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l’implantation des bâtiments sur la parcelle (au sud pour ce qui est de l’ordre des commodités ou profane, au nord pour ce qui est plus sacré et noble), et le caractère emblématique et nécessaire au bon fonctionnement de la vie à l’intérieur du mur d’enceinte aling-aling. Tous ces éléments dans l’organisation spatiale de l’habitat Balinais sont les garant de l’équilibre entre les divinités (démons et dieux) et les humains.

Seule la situation du terrain fait évoluer l’aménagement des bâtiments donc des seuils qui seront adaptés en conséquence, comme nous l’avons vu dans l’exemple de Long House et ses escaliers. Nous pouvons donc conclure que le seuil Balinais dans les maisons traditionnelles ou contemporaines, malgré l’afflux et la diversité de sa population, garde son statut sacré.

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Bibliographie

BERQUE Augustin, Le sens de l’espace au Japon : vivre, penser, bâtir, Arguments éditions 1999 BERQUE Augustin, Histoire de l’habitat idéal : de l’Orient vers l’Occident, Le Félin éditions 2010 BONNIN Philippe, Dispositifs et rituels du seuil (année de publication 2000), disponible sur le site www.persee.fr BONNIN Philippe,Vocabulaire de la spatialité Japonaise, CNRS éditions 2014 CALVINO Italo, Les villes invisibles, Folio éditions 2013 CHANVILLARD Cécile, Au seuil de l’Architecture; le sacré (année d’édition 2011), disponible sur le site www.lelaa.be DEPAULE Jean-Charles, A travers le mur, Parenthèses éditions 2014 ELIADE Mireca, Le Sacré et le profane, Gallimard éditions 1988 HERTZBERGER Herman, Leçons d’Architecture, Infolio éditions 2010 JONES DONA, Tout sur l’Architecture, Panoramas des styles, courants et des chefs d’œuvres, Flammarion éditions 2014 LANCRET SIMON Nathalie, L’espace domestique contemporain à Bali : quelques maisons de Denpasar, Archipel volume 49 numéro 1, Année 1995 pp. 137-159, disponible sur le site www.persee.fr LANCRET Nathalie, La mesure de l'espace domestique balinais, Archipel volume 60, Année 2000, disponible sur le site www.persee.fr LANCRET SIMON Nathalie, Espace et Sociétés, Bali : pratiques hérités et modèles recomposés, n 113-114, 2, 2003-06-01, pp.47-66, disponible sur le site www.gallica.bnf.fr PAULY Danièle, Barragàn, l’espace et l’ombre, le mur et la couleur, Birkhauser éditions 2008 PEREC Georges, Espèces d’espaces, Galilée éditions 2000

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SAUZET Maurice, Entre Japon et Méditerranée, Architecture et présence au monde, Maurice Sauzet éditions 2000 SEGAUD Marion, Anthropologie de l’espace : habiter, fonder, distribuer, transformer, Armand Colin éditions 2010 VON MEISS Pierre, De la forme au lieu + de la Tectonique, Une introduction à l’étude de l’architecture, Revue et augmentée éditions septembre 2012 Construction sociale et architecturale des limites : territoire, seuil, articulation entre privé et public, IPRAUS 1998-2001, disponible sur le site de l’école d’architecture de Paris-Belleville www.paris-belleville.archi.fr Architecture de la ville Asiatique : patrimoine et développement urbain, IPRAUS 1998-2001, disponible sur le site de l’école d’architecture de Paris-Belleville www.paris-belleville.archi.fr La maison Balinaise : microcosme de l’univers Hindo-Balinais, disponible sur le site www.baliauthentique.com

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V ictor ine L e b o r gne A r chitecte D E - H M O N P conta ct@v la r chite cte .f r vlar chitecte


Résumé Ce mémoire est consacré à l’étude du seuil dans l’habitat Balinais, avec à la fois une analyse de la maison traditionnelle de type « umah », et l’analyse de la maison contemporaine. Vous découvrirez la culture Balinaise et les codes traditionnels qui régissent la construction et la vie sur l’île. Pour reprendre les thermes de Nathalie Lancret Simon (architecte et directrice de recherche au CNRS), vous comprendrez comment fonctionne l’organisation de l’espace, et quel statut est donné au seuil dans l’architecture Balinaise où les « principes hérités » et « les modèles recomposés » sont mis en opposition. Cette analyse est faite en s’appuyant sur des définitions rédigées par de célèbres architectes, chercheurs et anthropologues; mais également à travers des schémas, des photos et des plans, le tout récupérés dans les divers ouvrages étudiés pour la rédaction de ce mémoire. Des documents tels que plans, coupes, façades et photos, de l’architecte Balinais Popo Danes sont également présentés dans cet ouvrage, afin de permettre la compréhension et la lecture de l’organisation de l’espace dans l’habitat contemporain.

Cet ouvrage contient 42 206 caractères


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