MEMOIRE
Le Projet Comment tenir le projet de sa conception à sa mise en œuvre sans faillir devant les obstacles techniques, règlementaires, sociologiques et politiques... d’un point de vue organisationnel et structurel d’une agence d’Architecture ? Quelle place prend le projet au sein de l’agence d’Architecture ? Comment l’Architecte se structure - t -il et s’organise - t - il autour du projet ?
Musée National du Qatar « La Rose des Sables » 2019 par l’Atelier Jean Nouvel, Doha-Qatar. Le projet est synonyme de création, de recherche de sens, d’innovation et d’anticipation opératoire. Il s’adapte au contexte qui l’entoure et au site sur lequel il vient s’implanter. Si j’ai choisi cette illustration du projet c’est parce que pour moi elle symbolise parfaitement les liens étroits qui règnent entre le projet et son contexte, et ce que l’architecte doit toujours garder à l’esprit en matière de recherche d’innovation et de sens; le projet architectural raconte une histoire et elle se doit d’avoir du sens.
Victorine LEBORGNE - Profil 08 - année 2018-2019 HMONP - Directeur d’Etudes Guillaume CALAS
SOMMAIRE
Introduction
Mon parcours, mes attentes
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Développement Première partie :
Comment se défini le projet ?
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Quels sont les besoins du Projet architectural ? 1° Formuler une intension
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2° Esquisser l’intention 3° L’art de gérer la complexité Synthèse : Des besoins temporivores
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Seconde partie :
Quelle place prend le Projet architectural ? 17 1° Quels sont les outils nécessaires à sa composition, sa fabrication ? 2° Quels sont les méthodes et les moyens humains sollicités ? 3° Comment diverses agences d’architecture s’organisent-elles et se structurent-elles autour du projet architectural ?
Conclusion
Quel professionnel du projet ai-je envie de devenir ?
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Echanges et interview
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Bibliographie et références
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INTRODUCTION
Mon parcours, mes attentes Mon parcours en quelques mots : j’ai eu mon brevet de technicien collaborateur d’architecte en 2005 au lycée Léonard de Vinci (06), ce qui, depuis 2006, m’a ouvert les portes d’agences d’architectures et permis d’apprendre le métier auprès d’architectes expérimentés tel que M. Détroyat à Toulon, M. Cano à Hyères, M. Mauduit au Pradet et aujourd’hui M. Giglio à La Valette du Var. Chacun par son expérience et sa spécialité dans un domaine précis m’a apporté de nouvelles connaissances. J’ai également créé ma propre structure en auto-entreprise en décembre 2010, afin de proposer mes services à des particuliers ainsi qu’à des professionnels tels que constructeurs, architectes, agents immobiliers... pour leurs projets de construction. Cela m’a apporté une certaine indépendance et une meilleure organisation dans le travail afin de gérer au mieux mes différentes collaborations. Au cours de ces collaborations avec plusieurs architectes, j’ai pu constater l’extrême diversité de cette profession. Les opportunités que m’offre aujourd’hui ma situation professionnelle telle que les rencontres et les contacts avec divers acteurs du bâtiment : maîtres d’ouvrage publics/privés, bureaux d’études structure/fluides, économistes, géologues, acousticiens, VRD…; ainsi que mon expérience acquise tout au long de mon parcours m’ont donné envie de devenir moi-même architecte. Je suis aujourd’hui titulaire du Diplôme d’Etat en Architecture et je souhaite aller plus loin dans la démarche en obtenant l’Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en Nom Propre (HMONP), car je souhaite pouvoir mettre en pratique l’expérience et les connaissances acquises au cours de ma formation professionnelle (Profil) alliant la théorie à la pratique. Chaque projet est un prototype part sa situation, son terrain, ses intervenants, ses règles d’urbanisme... Il n’y a pas de monotonie dans cette profession. Et nous le savons, l’architecte est le garant d’un projet abouti grâce à son expérience sur le terrain, mais aussi grâce à la réflexion menée en amont, à savoir, la conception de ce projet. L’architecture est une activité intellectuelle et artistique, et j’ai abordé la formation professionnelle il y a un peu plus de quatre ans avec en ligne de mire le fait que la conception des projets est tributaire de la complexité des démarches administratives et des règlementations, mettant de côté les actes les plus intéressants et récréatifs de la profession à savoir : les recherches, les croquis et la projection. J’entend par projection la réflexion que l’on porte sur un sujet donné et l’idée que l’on s’en fait dans notre tête pour aboutir à un projet, un plan, un bâtiment. Cela m’a suivi jusqu’à ma dernière année de Master où dans mon dernier Rapport d’Activité Professionnelle (R.A.P) j’en faisais encore mention. J’ai ainsi pris conscience que si j’ai souhaité devenir moi même Architecte c’est pour pouvoir développer ma propre vision et appréhension du projet. Depuis le début de ma formation, il y a cinq ans mes responsabilités en agence se sont vues valorisées et augmentées en commençant par le suivi de petits chantiers et vers une responsabilité de chef de projet. De ce fait mes rapports avec l’Architecte ont changés. Ils sont devenus plus intenses car ses attentes ont évoluées en même temps que mon expérience pour aujourd’hui avoir trouver une certaine régularité et un certain équilibre dans nos échanges maintenant que je suis diplômée et en préparation de ma HMONP. L’Architecte pour qui je travaille à La Valette du Var m’a confié le suivi de plusieurs petits chantiers d’extension et de construction de maisons individuelles pour lesquels le projet avait été réalisé en amont par les collaborateurs de l’agence. Ces expériences s’étant bien déroulées, je me suis vue confier par la suite un projet beaucoup plus conséquent, celui de la conception et réalisation de 66 logements avec restaurant et salles polyvalentes pour une résidence sénior.
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Pour ce projet nous avons travaillé ensemble sur la conception avec l’Architecte avec pour vision à long terme la construction de l’établissement. Nous avons donc conçu le projet en tenant compte des règles relatives aux établissements recevant du public et nous avons travaillé en collaboration avec divers bureaux d’études et bureaux de contrôle afin d’asseoir notre parti pris architecturalement et techniquement. Cette nouvelle approche du projet en agence est intervenue en même temps que « le pavillon d’exposition introverti » et « le pavé dans la marre » (centre d’art scénique) que nous devions proposer à l’école. Cela m’a ainsi permis de faire le lien entre école/agence, de découvrir et prendre en considération ce qu’est un établissement recevant du public et quelle peut être sa composition dans ma réponse aux exercices demandés en atelier. En revanche, cela m’a permis d’affirmer mes choix et mon parti pris dans mes échanges avec les différents acteurs de mon projet d’agence (l’architecte, les bureaux d’études, le maître d’ouvrage…) L’assurance que j’ai acquise au fur et à mesure de nos présentations devant jury en classe m’a aidé à exprimer mes intentions pour ce projet de résidence sénior, à tenir les réunions avec les équipes techniques en leur rappelant le partis architectural afin qu’ils ne perdent pas de vu le projet conçu avec l’Architecte, ce qui m’a value une totale confiance de sa part et du maître d’ouvrage. L’architecte m’a ainsi laissé mener les entretiens avec le maire de la commune concernée et faire la présentation du projet aux élus avant le dépôt du permis de construire. Par la suite nous avons du réaliser les plans constituant le dossier de consultation des entreprises (DCE) toujours en collaboration avec les bureaux d’études et autres techniciens du bâtiments dont la seule vision est le respect des normes et règlementations. Leurs interventions visaient sans cesse à remettre en question les choix architecturaux que nous faisions et mettaient parfois en péril notre parti pris. J’ai alors pu assister aux prises de décisions, y participer et j’ai pris conscience du rôle de l’architecte en qualité de maître d’œuvre. Chaque décisions prises devaient servir le projet et contrairement à mes à priori de départ les contraintes devaient se plier au projet et non l’inverse. Bien entendu parfois les concessions devaient être faites par l’architecte mais il ne perdait jamais de vue l’intention de départ. Cette phase de conception et d’observation a été primordiale pour moi car par la suite j’ai été amenée à suivre les travaux avec une nouvelle fois la confrontation aux questions techniques et aux remises en cause du projet, mais cette fois par les entreprises. J’ai donc appliqué les enseignements que j’avais pu tirer de mon observation en phase conception avec l’architecte. J’ai écouté et noté toutes les observations et conseils que les hommes de l’art me transmettaient afin d’avoir tous les éléments en mains pour prendre la décision qui servirait le projet tout en répondant aux contraintes et normes techniques. Cet exercice était parfois difficile puisque je n’avait pas l’expérience suffisante du chantier mais il m’a appris à poser les choses et à m’interroger, à peser le pour et le contre, à remettre en question les choix afin de prendre la bonne décision pour le projet. Ce qui m’a également aidé dans mes études, car cela m’a permis de prendre du recul sur mon travail d’étudiante, d’analyser les réponses que je soumettais aux enseignants et à me remettre en question face à leurs observations afin d’affirmer mon parti pris architectural. Tout au long du suivi de ce chantier les échanges entre école et agence n’ont cessé de se mettre en place. Je me servais d’une part des enseignements de la théorie et du droit pour faire comprendre le projet, les intentions et les choix Architecturaux aux différents acteurs de ce projet afin qu’ils puissent les mettre en œuvre dans le respect de la réflexion menée par l’Architecte; et je me servais d’autre part de ma prise de confiance face à mes interlocuteurs sur le chantier pour faire valoir mon projet et mon parti pris Architectural face aux enseignants et jury au cours des diverses soutenances à l’école. En parallèle de la livraison de ce chantier, j’ai essayé de mettre en relation avec mon travail en agence les questionnements suivants : Quelle est ma vision du projet ? Aujourd’hui, avec le recul et les acquis des années entre école et agence, quelle est ma position face au métier d’Architecte ? A quel moment vais je réellement pouvoir mettre mes acquis en pratique ? L’ai-je déjà fait dans ma vie d’agence depuis que j’ai entamé cette formation ? Je pense qu’au cours des deux dernières années de cours j’ai pu commencer à mettre en pratique les acquis théoriques sur le rôle de l’architecte maître d’œuvre tel que cela nous a été présenté en cours de droit. 6
En revanche je ne suis pas certaine d’avoir pu pleinement appliquer la mise en pratique du projet telle que nous le faisions en atelier toutes les semaines. Et cela constitue une volonté majeure de mon futur métier. (#quandjeseraiarchitectejeferai+conception+plus de projet). Arriverai-je à recréer les échanges vécus à l’école avec les collaborateurs de l’agence pour construire et faire évoluer une pensée architecturale ? Paradoxalement je ne « conçois » plus autant depuis quelques temps, comme je l’ai expliqué précédemment cela fait un peu plus de deux ans que je règle des affaires de chantier… pour autant les échanges avec les collaborateurs sur ce que je faisais à l’école et sur les projets sur lesquels eux travaillaient en agence, m’ont permis de continuer à me construire une pensée architecturale et également à me positionner par rapport aux questions posées sur des choix architecturaux. Par exemple sur la composition d’une façade pour un permis de construire. Le collaborateur ayant plusieurs propositions de composition de façades et ne sachant pas laquelle choisir, l’architecte n’étant pas présent, j’ai du me positionner en son nom afin de pouvoir déposer la demande et la faire valider à l’architecte conseil de la commune (avec succès). Quelle est ma posture aujourd’hui avec mes nouveaux acquis ? Ma posture aujourd’hui avec mes nouveaux acquis est que le travail en équipe avec les différents acteurs de l’acte de bâtir est un atout pour l’évolution du projet. En unissant les compétences de chacun le projet peut être transcendé pour voir se construire des bâtiments conçus et pensés en adéquation avec les besoins des usagers et en réponse aux enjeux territoriaux, économiques et sociaux qui se jouent autour d’eux. L’architecture n’est pas que bâtiment objet, comme j’ai pu très souvent le penser, elle répond à un tissus urbain, à un besoin ou une action social et à une mise en valeur des villes et des territoires. Le métier d’Architecte est de savoir analyser le monde qui l’entoure, le site sur lequel il va devoir implanter son projet et identifier les enjeux et les besoins de « son » maître d’ouvrage afin d’avoir une réponse adaptée, avisée et qualitative par le projet. Il doit savoir maîtriser l’acte de bâtir, intellectuellement (conception du projet) et physiquement (suivi de chantier), dans le temps (planification) mais également par la gestion de l’enveloppe budgétaire. Bien entendu il est souvent entouré par une équipe pluridisciplinaire composée d’acteurs qui gèrent parfaitement chacun de ces points, mais l’architecte maître d’œuvre n’en reste pas moins le maître de cérémonie, le chef d’orchestre, dont seule sa responsabilité est engagée. Ce qui soulève aujourd’hui les questions suivantes : Comment tenir le projet de sa conception à sa mise en œuvre sans faillir devant les obstacles techniques, règlementaires, sociologiques et politiques... d’un point de vue organisationnel et structurel d’une agence d’Architecture ? Quelle place prend le projet au sein de l’agence d’Architecture et comment l’Architecte se structure - t -il et s’organise - t - il autour du projet ?
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DEVELOPPEMENT Première partie Comment se défini le Projet ? Ce mot nous a été présenté dès notre arrivée dans la formation d’Architecte, dès les premiers enseignements théoriques, et ne cesse d’être prononcé depuis. Pour le Petit Robert (édition 1988) le mot projet est définit comme suit : « nom masculin. 1° Image d’une situation, d’un état que l’on pense atteindre. Dessin, intention, plan, résolution, vue (…) 2° Travail, rédaction préparatoire ; premier état. Canevas, ébauche, esquisse (…) Dessin d’un édifice à construire (…) Description, dessin, modèle antérieur à la réalisation. » La définition littéraire faite ici du terme projet décrit « une image », « un dessin », « une intention », ou encore « une esquisse ». Je peux donc présager que le projet est bien une intention traduite par le dessin, une image représentant un état à atteindre. Dans le cas spécifique de l’architecture, le projet est je pense une description par le dessin d’un édifice à construire émanant d’une intention. Pour moi le projet est bien un acte « intellectuel » avant d’être un acte physique. C’est à dire qu’il s’agit d’un acte de la pensée, une idée, une réflexion approfondie développée et inspirée par un imaginaire, par des références, c’est à dire des lectures, des analyses de bâtiments, l’étude de théories sur le projet et de l’acte de bâtir. Le projet est ainsi fondé sur des savoirs, des codes et des règles de compositions établies sur la base d’ouvrages théoriques tels que Vitruves, La Charte d’Atenne… qui vont servir à alimenter ce savoir et donc servir le projet. Jean Pierre Boutinet, dans son ouvrage «Psychologie des conduites à projet», nous rappel d’ailleurs que « c’est par l’architecture qu’a été introduite dans notre culture la pratique du projet ; l’architecte depuis la Renaissance est en effet un professionnel du projet » et que « la méthodologie du projet architectural va de la commande initiale à l’exécution terminale, en passant par l’énoncé du problème, le choix de la solution appropriée, la concrétisation de la solution retenue, pour aboutir à la réalisation qui permet de passer progressivement de l’espace du projet à l’espace de l’objet construit ». Il précise également que «le projet architectural est l’art de gérer la complexité, d’abord en prenant en compte ces trois impératifs formulés par Vitruve : solidité, commodité, beauté, mais aussi les impératifs modernes de la construction (la fameuse trilogie délais, coûts, qualité définissant la qualité totale) ; de ce fait, l’architecture est toujours quelque part un art contradictoire, et pour gérer cette complexité contradictoire, il y a finalement mille manières d’être architecte ». Il n’en reste pas moins que le projet est une idée, une intention en attente d’être développée et qui ne demande qu’à germer, car il est le fruit d’une curiosité spatiale impliquant une démarche d’exploration, menant à une multitude de questionnements. Mais d’où viennent ces questionnements et sur quelle base se fonde le projet ? Voici la question à ne pas oublier je pense et qui d’ailleurs nous a été sans cesse posée au cours des semestres passés en atelier : Sur quelle base faisons nous du projet ? Quel est notre fil conducteur et par la suite, quel est notre parti pris ? A mon sens la réponse à ces questions est propre à chacun de nous et je ne pense pas qu’il existe une seule réponse, universelle. C’est à nous de définir ce qui nous motive, ce qui attise cette curiosité spatiale, comment nous allons explorer et expérimenter le projet, avec quelle approche ou appréhension. C’est cela qui nous définira en tant qu’ Architecte... 9
Quels sont les besoins du Projet ? 1° Formuler une intention La pratique du projet architectural nécessite, dans notre époque moderne, de savoir gérer « la trilogie délais, coûts, qualité », en complément des trois principes fondammentaux Vitruviens : solidité, commodité, beauté. Ces exigences contradictoires mettent en relation le concevoir et le produire. Conception et réalisation sont entièremment liées et dévouées l’une à l’autre et ne peuvent fonctionner l’une sans l’autre : « le projet est le moment fondateur de l’action (...) il est indossociable de l’action qu’il prépare ». (Jean Pierre Boutinet Psychologie des conduites à projet) Mais nous avons également vu que «l’idée projective est toujours exaltée par le dessin qui en est sa première concrétisation. Entre l’intention originelle du dessein et sa première concrétisation dans un dessin, il existe une relation dialectique qui va engendrer des intéractions en chaîne jusqu’au dernier dessin, celui définitif concrétisé dans l’œuvre livrée». C’est à dire que le projet est avant tout une intention de créer, de construire (un bâtiment) par l’intermédiaire du dessin. Alors comment cela-t-il fonctionne dans la vie d’une agence ? Dans le projet architectural, cette intention de créer est initiée par la personne nommée Maître d’ouvrage, celui qui souhaite réaliser l’ouvrage, qui a l’intention de construire mais qui n’en a pas les compétences. Qu’il soit public (municipalité) ou privé, ce maître d’ouvrage va faire la démarche de recourir aux services du « professionnel du projet » à savoir l’Architecte, qualifié comme étant le Maître d’œuvre, celui qui va réaliser l’œuvre pour le compte du maître d’ouvrage. Cette démarche va aboutir dans un premier temps à la formulation de l’intention de projet de la part de ce maître d’ouvrage à l’architecte, qui devra à son tour la mettre en forme, l’esquisser. Avant de pouvoir dessiner ce qui sera considéré comme la première esquisse a présenter au maître d’ouvrage, l’architecte devra se munir de tous les éléments et documents (cadastre, titres de propriété plan de bornage d’un géomètre, règlement de PLU...), nécessaires à son « analyse de la situation préalable susceptible de faire apparaître des contraintes au regard du champs des possibles de l’espace analysé ». (Jean Pierre Boutinet Psychologie des conduites à projet) Cela signifie que de cette formulation d’intention va découler une série de recherches et d’investigations de la part de l’architecte auprès de divers acteurs (tels que services municipaux, urbanisme, cadastre, géomètre et le maître d’ouvrage lui même), afin de rassembler le maximum d’informations lui permettant de mettre en forme le champs des possibles au regard de l’intention formulée, d’examiner et valider la faisabilité du projet architectural souhaité. C’est à ce moment que les premiers questionnements font leur apparition, que ce soit à travers les divers échanges avec le maître d’ouvrage (pour affiner son programme, récupérer les justificatifs montrant qu’il est bien le propriétaire des lieux sur lesquels bâtir) ; ou bien à travers les premiers coups de crayons synthétisant les informations récoltées. Cette première étape nécessite d’ores et déjà du temps (aléatoire) qui dépendra principalement de la réactivité de chaque acteur consulté.
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2° Esquisser l’intention Ce premier contact entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre ayant été établi, les intentions formulées et les investigations maintenant terminées, vient le temps de la synthèse et des premiers dessins. Ceux ci consistent en l’application «bête et méchante» de ce que nous appelons « les prospects», définis dans les textes communaux (PLU, AVAP, ZPPAUP...), à savoir : les distances par rapport aux emprises et voies publiques/privées, par rapport aux limites séparatives, les possibilités maximales d’emprise au sol et de hauteur, les stationnements, les emprises d’espaces libres (verts)... que l’architecte devra également prendre en compte dans l’élaboration du projet et qui vont lui donner sa première forme «possible». C’est à partir de là, une fois que ces tracés sont posés, que la magie du « professionnel du projet » opère ! En reprenant le programme et les intentions de projet formulés par le maître d’ouvrage, mêlés à ces prospects, il va esquisser l’intention et mettre en forme le projet architectural. L’architecte va donner au projet une forme, une organisation spatiale, un parti prit qui en feront un nouveau prototype. Ainsi l’architecte va développer l’idée, la pensée qui a germé dans sa tête depuis la formulation d’intention de projet de la part du maître d’ouvrage, car c’est ce qui fait de lui un professionnel du projet architectural : sa capacité à écouter, analyser, conseiller, interpréter et retranscrire les mots formulés par une personne pour exprimer sa volonté, son intention de projet. L’idée ne vient pas de tatonnements hasardeux, elle est construite au départ à travers une intuition qui s’impose ou un parti arrêté de façon volontariste. Dès le premier entretien avec le maître d’ouvrage l’architecte comprend et est en mesure d’esquisser l’intention de ce dernier. Par ailleurs, le projet est également l’art de faire des choix appropriés et de cette première esquisse, présentée au maître d’ouvrage, va s’enchainer une série d’échanges entre ces deux acteurs principaux, dans lesquels chacun y exprimera sa vision par les mots ou les dessins, afin de définir un idéal à atteindre, c’est à dire ce qui fera que le projet est abouti aux termes des études et pourra passer au stade supérieur. En cela « le projet accomplit deux fonctions : il matérialise une pensée intentionnelle, ce qui donne l’occasion à l’auteur de mieux savoir ce qu’il veut ; il communique cette pensée, ce qui permet à autrui (ici l’architecte) de ne pas rester indifférent face à l’intention qui lui est présentée ». (Jean Pierre Boutinet Psychologie des conduites à projet) Le cycle du projet est alors en marche, la conception est à l’œuvre, le projet est validé du point de vue de sa faisabilité lui permettant d’accéder au niveau supérieur.
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3° L’art de gérer la complexité Arrive le temps de la concrétisation du projet, celui de la planification des étapes, de la mise en place des moyens et de la détermination des procédures, en passant pas l’ultime étude préalable de la conception pour l’architecte, celle du dossier de consultation des entreprises. Ce dossier va permettre à l’Architecte d’affiner et spécifier avec le maître d’ouvrage et les Bureaux d’Etudes Techniques (économiste/structure/fluides...) le cahier des charges, l’estimation et les modalités d’exécution, suivant lesquelles les entrerpises vont d’une part proposer leurs offres et d’autre part (une fois sélectionnées) mettre en œuvre le projet et concrétiser l’œuvre. Bien entendu l’architecte en bon professionnel du projet a d’ores et déjà esquissé l’intention avec toutes ces notions et impératifs en tête. Il a en amont réalisé sa propre estimation, analyse des coûts et réfléchi à la structure et aux matériaux qu’il envisageait pour la mise en œuvre du projet ; car « on peut considérer que les décisions prises au stade de l’esquisse déterminent le coût final à plus de 70% (...) la maîtrise de l’économie du projet se décide donc dès la phase esquisse et pendant le développement de l’avant projet.» (Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau) De plus la maîtrise de l’économie permet de prendre des décisions au bon moment, quand il est encore possible de transformer des contraintes en architecture.
A ce stade la conception architecturale est une activité complexe, à la fois technique et sociale, comportant de nombreuses formes d’instrumentation et de d’intéractions entre des acteurs aux logiques différentes, et nécessite également une vision stratégique dans laquelle l’économie tient une place importante. Art de gérer la com C’est pourquoi cette étape revêt une certaine capacité à gérer la complexité, à lier l’ensemble des impératifs du projet (Viruviens et modernes) afin de pouvoir anticiper et lancer le démarrage du chantier. compléments techniques Solidité Le maître d’œuvre va devoir composer avec le planning, l’estimation, l’apport des de manière à s’assurer que le programme est complet, le parti architectural respecté et le budgetImpératif tenu. VITRUVIENS Comidité La difficulté réside dans la capacité à pouvoir hiérarchiser les éléments du parti qui sont essentiels au projet et ceux qui le sont Beauté moins.
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car il est toujours L’architecte doit ici apréhender le projet sur le mode de l’incertitude et de la complexité, confronté à un impossible, à une pluralité de solutions parmis lesquelles il s’agit de trouver la moins mauvaise, pour ensuite en faire la synthèse Délais et l’exposé au maître d’ouvrage, qui reste seul juge des choix finaux et de la validité des études servant à la concrétisation de l’œuvre. Impératifs MODERNES Coûts Qualité La collaboration est en marche et de nouveaux échanges vont alimenter le projet avec toujours comme objectif l’idéal à atteindre.
Art de gérer la complexité
Termes du XXIe siècle (notes personnelles)
Solidité
Développement durable
Impératif VITRUVIENS
Comidité
Confort et ergonomie
Beauté
Proportions
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Délais
Anticipation
Impératifs MODERNES
Coûts
Ajustements évolutifs (ESQ -> DET)
Qualité
Détails EXE & choix des matériaux
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Art contradictoire
Le Cycle du projet
Analyse de situation (exploration des disponibilités)
CONCEPTION
Explicitation du projet (identification des opportunités)
Faisabilité du projet (concrétisation)
Validation du projet
Planification des étapes
REALISATION
Détermination des procédures
Gestion des écarts
Mis en place des moyens
Cycle du projet = durée de vie du projet qui tient compte des impondérables dans le travail de réalisation du projet, de manière à opérer des correctifs à l’intention originelle.
Les types d’appréciation des conduites à projet
Analyse de situation ou diagnostic initial
Validation sociale du projet élaboré
Audit
Evaluation du projet réalisé/bilan
Analyse du projet
Conception Amont du projet
Réalisation Aval du projet
Conduite à projet = exprimer le volontarisme d’un acteur.
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Schémas issus du livre de Jean Pierre Boutinet « Psychologie des conduites à projet », éditions Puf.
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Synthèse : Des besoins temporivores J’ai détaillé ici en trois étapes ce que j’ai appelé les besoins du projet, mais il faut être conscient qu’un bon projet est celui qui a eu le temps de mûrir lors des différentes phases de conception, car ce qui fait la maturité du projet c’est sa capacité à relativiser le recours à l’improvisation parfois inévitable au niveau de la phase de recherche de solutions. Certes la première étape reste la formulation de l’intention, l’énoncé du problème et la volonté de faire le projet, mais il ne faut pas perdre de vue les divers aller retour qui doivent s’opérer entre les différentes phases de conception. Dès la seconde étape entammée, une relecture des intentions est nécessaire afin de ne pas perdre le fil, de pouvoir tenir le projet et de garder en mémoire la volonté de départ. Il en va de même tout au long de la fabrication du projet architectural, de sa conception à sa réalisation. Ces différents besoins, pour se développer et se mettre en forme, nécessitent du temps qui peut être plus ou moins long suivant que les enjeux et le contexte qui entourent le projet sont plus ou moins compliqués et demandent d’approfondir les démarches et/ou les investigations; et selon que les études révèlent des incapacités qu’il faudra contourner ou adapter. L’humanité du projet réside dans la prise de conscience que l’œuvre inclut ses propres limites : - dans la conception face à trop d’idéalisme - dans la réalisation faces aux imprévus qui demandent d’improviser les détails de mise en œuvre. Un projet par définition est toujours possible mais il est plus ou moins accessible et difficile à mettre en œuvre, c’est pourquoi nous parlons d’un art de gérer la complexité, car chaque projet est un prototype qui nécessite que l’architecte y porte toute son attention et qui par définition dispose de ces propres caractéristiques, contraintes et spécificités. Il n’y a pas de modèle pré-établi que l’architecte pourrai dupliquer pour un maître d’ouvrage ou un autre, il peut certes s’inspirer des prototypes déjà réalisés et en réinterpréter certaines parties mais il a le devoir de répondre à chaque problématique posée de la manière la plus adaptée et pour cela de travailler au cas par cas. C’est en cela que j’estime les besoins du projet comme étant temporivores, cela relève d’un constat personnel où pour moi si nous souhaitons réaliser un projet abouti, en pleine conscience et dans les meilleures conditions, nous devons en tant qu’architecte nous donner les moyens de pousser les études à leur maximum, nous ne devons pas être avares en temps passé à la réflexion, à l’analyse et à la recherche (de l’organisation spaciale, des matériaux adaptés à la fois à la forme et au porte feuille du maître d’ouvrage) et à tout ce qui servira et trenscendra le projet, pour aboutir à ce fameux idéal à atteindre. Bien entendu il ne faut pas être naïf et garder en mémoire que tout ceci ne peut voir le jour sans une bonne entente entre le maîre d’ouvrage et le maître d’œuvre, sans une confiance mutuelle qui fera que les deux acteurs se soutiendront dans les moments cruciaux des prises de décisions et d’évolution du projet, notamment au moment de sa mise en œuvre, car la réalisation comporte son lot d’aléas qui s’ils ne sont pas suffisament pensés et anticipés en amont risqueraient de mettre à mal cette confiance indispensable. Il y a trop souvent une dissension entre le maître d’ouvrage et son maître d’œuvre accusé, de tous les maux car n’ayant pas agit en bon professionnel du projet, sans parlé de la division technique et sociale du travail entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. Cela pose de fait la question que prend la place du projet dans une agence d’architecture et de la manière dont celle ci s’organise et se structure autour du projet, afin de gérer au mieux la complexité, parer à l’improvisation au moment de la phase conception et anticiper au mieux la phase de la réalisation.
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SECONDE PARTIE Quelle place prend le projet architectural ? 1° Quels sont les outils nécessaires à sa composition, à sa fabrication ? Cela nous amène a nous intéresser à la place que prend le projet architectural, et quels sont les outils que manipule l’architecte au quotidien pour la composition du projet architectural. Composer «consiste dans l’action d’embrasser non seulement l’idée générale, mais tous les développements, tant dans la recherche de leurs détails, de leur convenance, de leur rapport avec le tout, que dans les moyens qui doivent assurer l’exécution du tout et de ses parties». (Composition, non-composition Architecture et théories, XIXe-XX,e siècles, Jacques Lucan) Cela signifie devoir organiser les volumes, les pièces selon leurs formes, leurs d’usages… Cela nécessite d’explorer les enchaînements de ces volumes et cela implique de maîtriser le contexte, le site assiette du projet, aussi bien du point de vue de sa situation géographique (orientation) que du point de vue de sa topographie. Cette maîtrise est indispensable afin de pouvoir optimiser et penser au mieux le rapport au sol, au ciel et aux éléments de la future construction, développés à travers le dessin. Pour se faire, la première chose que nous avons apprise en atelier pour expérimenter et explorer le projet, est le dessin, par le biais de plans, de coupes et de façades. Calques, crayons, Rotring (…) sont les outils indispensables pour commencer à s’immerger dans le projet architectural. Mais la composition passe également par l’expérimentation des volumes et pour cela, l’outil nécessaire est celui de la maquette. Cette dernière permet à elle seule de tester l’assemblage des volumes, les jeux de lumière, le rapport au sol et donc le prototype dans sa globalité. Malheureusement comme le décrit très bien Jacques Lucan dans son ouvrage Composition, Non-Composition, «le recours au concept de composition s’érode à mesure que l’on avance dans le XXe siècle. La composition ne peut plus satisfaire les architectes qui cherchent à se défaire de ce qu’ils jugent ne plus pouvoir rendre compte d’un projet architectural, de ce qu’ils jugent être un obstacle à l’énonciation de réponse adéquate. Il n’empêche que beaucoup de leurs réflexions ont encore besoin du concept de composition, ne serait-ce que pour si opposer, comme un passage obligé vers de nouveaux principes, de nouvelles exigences». «Lorsque l’on compose, on doit commencer par l’ensemble, continuer par les parties et finir par les détails». (Le précis des leçons d’architecture, Durand) car la composition n’est pas l’objet d’un savoir, elle est le résultat d’un apprentissage. Cela nous ramènent à la notion de temps qui est bien souvent le facteur manquant des agences au regard des délais impartis. Cette méthode patiente des croquis de recherche, des maquettes à moitié terminées pour n’explorer qu’un thème à la fois est souvent reléguée à la simple transcription sur logiciel CAO et volumétrie numérique 3D ; ce qui est dommage car cet exercice peut apporter une réelle valeur ajoutée au projet architectural vis-à-vis du maître d’ouvrage lui donnant de l’importance et la sensation d’être unique. De plus cela permet d’exprimer le cheminement qui a conduit à l’idée « finale » au moment de la présentation au maître d’ouvrage. Cela permet de lui faire prendre conscience qu’il s’agit d’un réel processus de recherche et d’expérimentation pour répondre au mieux à ses attentes et non pas qu’il s’agit d’une simple curiosité ou lubie trouvées au hasard. Guadet disait que «la composition ne s’enseigne pas, elle ne s’apprend que par les essais multiples» mais comment une agence peut elle se permettre ces essais multiples au regard de sa rentabilité ? Comment s’en donne-t-elle les moyens et arrive-t-telle à s’organiser pour se laisser le temps de ces essais ?
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2° Quels sont les méthodes et les moyens humains sollicités ? Ce constat pose la question des moyens humains et des méthodes sollicités pour employer ces outils de la composition du projet architectural. Car maîtriser un projet architectural nécessite de maîtriser à la fois son contexte, sa composition (organisation programmation), sa présentation physique mais également orale face au maître d’ouvrage. Il sollicite la capacité à organiser les volumes, synthétiser les besoins et les enjeux pour en faire la programmation. La capacité de pouvoir mettre en valeur ce projet par le dessin dans une présentation soignée (numérique ou papier), donnant l’occasion au maître d’ouvrage de se projeter, de s’imaginer dans le contexte des lieux. Enfin le projet nécessite la capacité de présenter et synthétiser ces enjeux, cette volonté et le parti pris proposé, et de justifier en quoi celui-ci en particulier constitue le meilleur « choix » possible. En somme l’architecte doit être structuré/organisé, il doit être un technicien du dessin, un infographiste, un commercial et enfin un technicien du bâtiment. Cela l’oblige à se maintenir à la pointe de l’évolution des techniques, des technologies et des savoir-faire, tel que le recommande le code de déontologie du métier d’architecte (Code Guadet). L’architecte doit connaître un peu de tout sur tout. Comment peut-il y arriver seul, si nous ajoutons à toutes ses compétences celle de diriger une entreprise quelque soit sa taille et son capital ? Est-il seul ou doit-il s’entourer ? Quelle structure et organisation implique la maîtrise de toutes ses compétences ? Nous comprenons ici, qu’il ne s’agit pas seulement de porter le titre d’Architecte pour pouvoir faire de l’Architecture, mais que cela requiert un certain savoir faire et une certaine maîtrise du projet architectural qui font que ce métier est reconnu socialement et ce depuis des décénnies. Afin de pouvoir faire du projet il faut savoir se poser les bonnes questions, savoir analyser le problème donné par le maître d’ouvrage, analyser le contexte et surtout savoir manipuler tous les éléments du projet, les assembler pour pouvoir composer, concevoir un espace dimensionné, sensible et adapté à ses futurs usagers. Le secret ne réside pas uniquement dans la maîtrise des principes fondamentaux et modernes (beauté, commodité, solidité, coût, délais, qualité) mais également dans la maîtrise des outils qui feront, et composeront le projet (la forme, l’organisation et la fonctionnalité du programme, le paysage structuré et pensé). A mon sens, le métier a considérablement évolué ces dernières décénnies. Exit le temps de l’Architecte solitaire de la Renaissance, sorte de savant fou (d’expériences toujours plus risquées) et concepteur de nouvelles innovations. Une nouvelle approche est à l’œuvre, à l’image du Bauhaus, où compétences de l’architecture, de l’art, du design et de la photographie sont mutualisées pour révéler toute la qualité et la beauté culturelle de ces savoirs faire. L’innovation allie aujourd’hui les compétences de l’ingénierie, de l’urbanisme et du paysage à une nouvelle forme d’architecture toujours plus gournmande de démesure, d’optimisation et de rentabilité. De plus, l’histoire nous a également montré que « l’ apparition de l’agence d’architecture, comme lieu où l’on organise du travail en fonction d’objectifs fixés est allée de pair avec une profonde transformation de la société et l’évolution du rôle de l’Etat. Au XIXeme siècle, les architectes entendent ne plus souvent servir sous son autorité. Ils tentent de former un groupe social organisé et affirment progressivement leur identité de chef d’entreprise. Avec la rédaction du Code Guadet en 1895, on comprend que ce mouvement n’est pas uniquement guidé par la volonté de faire des affaires et que les architectes entendent aussi défendre au sein de leur agence une conception de l’architecture et de leur rôle social.» (Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau)
Ainsi, une nouvelle volonté est en marche avec cette entreprise dans laquelle sont quotidiennement prises des décisions au service d’une stratégie générale. 18
Stratégie qui renvoie à différentes manières d’envisager la dimmension commerciale d’une prestation intellectuelle dans le domaine de l’architecture, par la proposition d’une compétence spécifique (Idée, conseil ou produit spécifique). «Les agences d’architecture ne se différencient pas seulement les unes des autres en occupant des positions différentes sur certains marchés, mais elles se distinguent également en rassemblant des compétences qui vont les différencier les unes des autres». La compétence est devenue indissociable de l’accès à la commande, la compétence spécifique d’une agence constitue sa valeur ajoutée et ce qu’elle propose au maître d’ouvrage. Tout ceci faisant le lien entre processus de projet et logique d’entreprise car la façon dont une agence d’architecture va concevoir et la manière dont elle va s’impliquer dans la réalisation des ouvrages engageront chez l’architecte plus que l’action de produire des dessins à savoir un style de vie et une manière d’être. Tout ceci démontre bien que des méthodes très différentes pour diriger une structure peuvent avoir cours, sans que l’on puisse affirmer que l’une soit meilleure que l’autre. « L’approche d’une agence sur le processus de projet influe profondément sur les choix organisationnels et opérationnels de cette agence (...) Penser un processus de projet ne s’improvise pas et nécessite une réflexion en amont de la part du dirigeant d’entreprise, de façon à ce que ces choix d’organisation soient réellement appropriés à l’architecture qu’il a envie d’exprimer (...) De plus désigner une organisation de travail par les termes d’«atelier», de «studio», d’«agence», de «cabinet», de «bureau», de «société», d’«entreprise» ou de «maison», ne traduit pas la même conception du travail architectural». (Profession Architecte, sous la direction d’Isabelle Chesneau)
Le tableau ci dessous, tiré de l’ouvrage de Weld Coxe (consultant en management pour les agences d’architecture aux EtatsUnis dans les années 1960) identifie trois familles de conduite de projet n’impliquant pas les mêmes organisations de travail et distingant les différentes attentes des maître d’ouvrages à savoir : - La «sphère du produit» dans laquelle les clients souhaitent obtenir un produit plus qu’un service. - La «sphère du service» c’est la qualité du conseil qui est ici attendue, demandée. - La «sphère de l’idée» l’agence fournit une expertise singulière et innovante pour des projets uniques. En règle général la plupart des agences d’architecture réunissent ces trois familles dans chacun de leur projet, cette classification permet de mieux apréhender certains profils d’agences mais ne reflète pas exactement la réalité du métier. L’objectif de Weld Coxe dans son ouvrage étant de démontrer que «tout l’enjeu d’un dirigeant d’agence d’architecture est de faire concorder «un style de vie» avec «les moyens de la gagner».
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Idée
Service
Produit
Structure d’exécution du projet
Equipes flexibles organisées autour de chaque projet, obéissant au principe de brainstorming ininterrompu
Service ou équipe conduite par des chefs de projet expérimentés
Equipe spécialisées par type de projet
Prise de décision dans les projets
Autorité unique (gourou ?)
Chaque chef de projet est responsable
La plupart des décisions sont standardisées pour chaque type de projet
Ressources humaines
Recruter les meilleurs, les plus brillants pour peu de temps (turnover élevé)
Former et maintenir l’expérience et les compétences
Attirer des professionnels expérimentés et les rétribuer en conséquence
Droit social du travail
Entorses fréquentes
Le surpasser et tendre vers la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) ?
Respecté
Niveau de rémunération des salariés
Fort écart de salaires, les plus jeunes étant souvent mal rémunérés
Faible écart de salaires entre salariés et niveau de rémunération moyen
Niveau de salaire élevé
Ce que l’agence vend
Innovation
Expérience, qualité du service (ISO 9001)
Expertise spécialisée
Les meilleurs marchés
N’importe qui avec un problème unique
Institutions, commanditaires publics et grands groupes
Promoteurs, services de l’Etat
Bénéfice recherché
Obtenir les plus hautes distinctions (Pritzker)
Satisfaction du maître d’ouvrage et de l’usager (Prix AMO, prix régionaux, etc.)
Etre le plus efficace
Caractéristiques organisationnelles des différents processus de projet selon Weld Coxe (Success strategies for design professionals : superpositioning for architecture & engineering firms) 1987.
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3° Comment diverses agences d’architecture s’organisent-elles et se structurent-elles autour du projet architectural ? Prenons à présent quelques exemples d’agences afin de nous faire une idée de leur fonctionnement au regard du tableau de Weld Cox. OBRAS : Marc Bigarnet et Frédéric Bonnet, nés en 1965, ont fait ensemble leurs études d’architecture à Saint-Etienne. Ils gagnent en 1994 le concours Europan 3 à Alicante, pour une aventure de dix ans qui fonde leur expérience commune : paysage, architecture, urbanisme. L’agence « Obras » née de ce projet est créée en 2003, année où elle est lauréate du parc portuaire des docks du Havre (Grand prix Auguste Perret 2009). Les deux associés enseignent depuis 1998. Huit architectes collaborent aujourd’hui à l’agence Obras qui est implantée à Paris et à Bourg en Bresse. Leur travail porte sur des études stratégiques sur des grands territoires, des espaces publics, des logements, de l’urbanisme opérationnel sur plusieurs quartiers. Pour avoir étudié des projets de cette agence durant mon PFE dans l’atelier Architecture, villes et territoires (AVT) de Messieurs Savignat-Gimmig et Dussol, j’ai pu constater qu’elle se place plutôt dans une démarche de décision collégiale entre les différents acteurs du projet. Il y a une volonté de recherche mais elle se place dans la famille « produit » car leurs compétences sont requises pour des études d’envergure plutôt spécifiques telles que des projets du littoral avec la montée des eaux à l’horizon 2100 ou bien d’éco quartiers responsables et indépendants. Ils travaillent toujours avec des collectivtés locales et des associations pour intégrer le plus grand nombre aux décisions qui impacteront leur quotidien. Peter Zumthor : Né en avril 1943, il commence sa carrière par un apprentissage d’ébéniste auprès de son père, puis devient charpentier, en passant par l’École d’arts appliqués de Bâle, sa ville natale. L’architecture vient plus tard, après une formation de design industriel à New York, au Pratt Institute. Rentré sans diplôme, Peter Zumthor acquiert alors les bases de son art et de sa sensibilité d’architecte grâce à ses années passées en tant que conservateur du patrimoine auprès des Monuments historiques du canton des Grisons. En presque quarante ans d’activité, il crée son agence en 1979 à Haldenstein où elle se trouve toujours. Peter Zumthor a su créer un véritable langage architectural, un savoir-faire qui se concentre autour d’une architecture anatomique. Trente personnes travaillent dans son agence de Haldenstein, ce qui en fait un studio plutôt modeste malgré son succès. Les enseignements de la théorie en licence d’architecture ainsi que mes recherches sur le personnage, m’ont amené à classer Peter Zumthor dans la famille du « service ». Il a pour leitmotiv de tisser une relation avec son client, de créer avant tout de l’émotion et de pouvoir offrir un projet réfléchi. Adepte de la « slow architecture » il nous a prouvé qu’il savait peser chaque décision et se laisser le temps de la réflexion (10 ans pour les Thermes de Vals). Mais Peter Zumthor est devenu en une vingtaine de réalisations seulement un mythe vivant, courtisé par les stars de cinéma et les grandes fortunes mondiales, se laissant le choix de n’accepter que des projets faisant sens pour lui, par leur dimension sociale, culturelle ou par leur intégration dans le paysage. Zaha Hadid : Née en Irak, en octobre 1950, Zaha Hadid étudie tout d’abord à Beyrouth (Liban), en mathématiques, avant de déménager à Londres pour se vouer à l’architecture. Elle participe, depuis les années 1980, au mouvement du déconstructivisme, qui cherche à rompre avec la société, l’histoire et les traditions techniques, avec des designs non-linéaires, qui défient toujours l’imagination, et parfois même la gravité. Cela lui a valu un début de carrière lent et tortueux, ses projets souvent classés comme difficiles, voire impossibles à construire. Diplôme en main, après avoir travaillé quelques années pour l’Office for Metropolitan Architecture de Londres (OMA), elle fonde son propre bureau d’architectes, Zaha Hadid Architects, et commence à enseigner dans diverses écoles de prestige, en Europe et aux États-Unis. 21
Architecte au talent immense, Zaha Hadid est également une figure importante dans le mouvement d’émancipation de la femme de la 2e moitié du 20e siècle : en 2004, elle est la première femme à obtenir le prix Pritzker, remis à un architecte vivant qui a apporté une révolution significative au monde de l’architecture en 2006, elle renouvèle son titre en étant cette fois le sujet d’une exposition rétrospective au musée Guggenheim de New-York, honneur dont seul un autre architecte avant elle, Frank Gehry, a bénéficié. en 2016, son agence compte environ 430 employés, son siège étant situé à Londres, dans le quartier de Clerkenwell, Zaha Hadid est alors assistée de quatre associés : Patrik Schumacher, Gianluca Racana, Jim Heverin et Charles Walker. Je pense qu’au regard de cette bio, Zaha Hadid se classe sans conteste dans la famille de l’idée, son but recherché ayant été d’obtenir les plus hautes distinctions (tel que le décrit le tableau de Weld Cox) avec une volonté d’aller toujours plus loin. Ces «laboratoires d’exploration» ont su se forger de solides réputations dépassant les frontières de leurs «sièges réspectifs». Ces agences ont su miser sur leur «compétence spécifique» leur permettant par la suite un plus large champ d’action allant du design d’objet au design de bâtiment et inversement. En analysant de plus prêt chacune de ces agences, nous constatons qu’elles ont développé au fur et a mesure de leur évolution, une approche collaborative du travail d’architecture, que ce soit d’un point de vue de la mutualisation des compétences dans des domaines variés (urbanisme, design, paysage, ingenierie...), des nationnalités (en moyenne plus d’une vingtaine de nationalités différentes au sein des studios et ateliers) ou bien des échelles de travail (du plus petit objet de design comme les bijoux en passant par le mobilier, au plus gros à savoir les bâtiments). Elles se sont «donné les moyens» d’étendre leurs compétences à différentes échelles ce qui en a fait leur «valeur ajoutée». Malheureusement, malgré mes recherches je n’ai pas su trouver des exemples plus modestes, de jeunes agences qui se lancent et démarrent leur activité. Mais les exemples pré-cités, abstraction faite de leur notoriété montrent « le style de vie choisi pour la gagner » tel que l’exprimait Weld Cox. Ces exemples me permettent de comprendre que c’est en sachant quel Architecte Maître d’œuvre (quelle professionnelle du projet) je souhaite devenir, que je saurai et pourrai me structurer, m’organiser et me donner les moyens de parvenir à mon objectif, à savoir faire du projet architectural, composer, concevoir et construire «mon» style architectural. C’est à ce moment que je serai amenée à faire les choix qui s’imposent en fonction de mes convictions architecturales, car finalement un projet professionnel ou de création d’agence, n’en reste pas moins un projet…
Parque de la Ereta, OBRAS, Alicante 1994, Composer à l’échelle territoriale - Paysage architecture urbanisme.
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Thermes de Vals, Peter Zumthor, Suisse 1996, slow architecture - Contemplation et émotion
Tour CMA CGM, Zaha Hadid, Marseille 2004, Déconstructivisme
CONCLUSION Quel professionnel du projet ai-je envie de devenir ? Ce qui fait souvent défaut dans les agences d’architecture, c’est cette notion de projet temporivore et le manque de temps donné à la réflexion en conception. Bien souvent elle n’est pas suffisamment mise en avant alors qu’elle est primordiale pour pouvoir anticiper la future mise en œuvre du projet et parer aux éventuels aléas que génèrent les tracés (mauvaise compréhension ou interprétation de la part des acteurs du chantier). Ce temps et cette énergie sont malheureusement trop souvent peut prit au sérieux alors que tout se joue dès les premiers tracés et dès les premières réfléxions. Ils sont concrétisés par la phase du permis qui s’il n’est pas suffisamment explicite peut conduire à une mauvaise interprétation et réalisation néfaste pour l’architecte qui engage sa responsabilité et ce même s’il n’a pas la mission complète. Ce qui m’interpelle aujourd’hui dans mon travail, dans l’exercice de mon métier, c’est que nous avons perdu de vue cette notion d’expérimentation au sein de l’agence. Du fait d’un carnet de commandes qui ne désempli pas, nous nous convaincons en nous disant que nous pourrons y revenir plus tard et que cela n’est qu’un détail, alors qu’en réalité c’est justement lorsque nous sommes sur le projet en cours que nous devons prendre le temps nécessaire pour réellement n’avoir que des ajustements à produire au moment des phases ultérieures. Sans cela nous risquons de devoir remettre en question l’ensemble du projet par faute d’inattentions avec des conséquences bien plus dramatiques. De ce fait je m’interroge : ne vaut il pas mieux privilégier la qualité plutôt que la quantité ? Je suis consciente que cette question effraie car elle suppose de faire moins de projet et donc moins de rentabilité par la masse. Mais nous l’avons vu le projet entre en contradiction avec la précipitation et l’improvisation et malgré le dicton le temps c’est de l’argent je pense que nous pouvons avoir une autre approche de cette affirmation, laissant de côté la quantité au profit de la qualité. Le temps passé à la recherche d’un idéal dans l’opitmisation des coûts, des matériaux de la structure, peuvent apporter une identité, une notoriété à l’architecte qui emploi cette pratique du projet. Ainsi son carnet de commande sera composé de personnes ayant la même vision du projet archietctural lui assurant du travail régulièrement. Il est vrai cependant que l’architecte ne peut réaliser des études sans rémunération et que pendant qu’il recherche il ne produit pas au sens des recettes, mais le travail fait à la hâte pour respecter des délais toujours plus fous et le risque de devoir refaire encore et encore par manque de temps ne revient-il finalement pas au même ? N’est-il pas mieux de pouvoir travailler dans une certaine sérénité ? En tant que jeune diplômée je pense sincèrement que la question se doit d’être posée et que l’architecte doit sérieusement y réfléchir dans son oraganisation au quotidien, au regard de cette époque moderne dans laquelle il faut tout et tout de suite, et qui est incompatible avec un métier de recherches, d’investigations et d’explorations (nécessitant du temps) qu’est le métier d’architecte. N’est ce pas à lui de redéfinir ses besoins en terme de conception ? Dans la mesure où il engage par la suite sa responsabilité, n’est il pas de son ressort en temps que sachant de ne pas se laisser maltraité par les impératifs du projet mais de les intégrer pleinement dans sa structure en refusant d’avoir trop de commandes ? Cela posera également la question de savoir quelle est la bonne quantité pour ne pas se laisser submerger ? Mais j’ai pris conscience au cours de ces années alternant école/agence, d’une part que nous ne pouvons pas être productifs dans un climat de «stress» et de précipitation, que le projet est un processus de réflexion, de recherches, d’analyse et de questionnement qui ne peut pas se faire en un claquement de doigts. Cela m’a également confortée dans le fait que je ne souhaitais plus être sous l’autorité d’un architecte, que ce n’est pas l’avenir professionnel que je souhaite et que j’aimerai pouvoir faire le choix de mes priorités dans mes futurs projets d’agence. Je n’ai pas la prétention de vouloir choisir mes projets, comme je le disais en introduction, chaque projet est un prototype et est enrichissant mais ce que je veux exprimer ici c’est que je souhaite pouvoir fixer les échéances en concertation et en accord 23
avec les maîtres d’ouvrages, instaurer un dialogue et travailler en équipe afin de mieux gérer le temps pour la conception, la réflexion et la pratique du projet. Mes recherches m’ont conforté dans ce choix me montrant que la plupart des agences travaillent en collaboration avec les différents acteurs du projet. Je souhaiterai pouvoir planifier et organiser mon travail pour me permettre de continuer la démarche que nous a enseigné l’école et ainsi poser mes intentions et un parti pris sur mes futurs projets, générer des échanges avec les collaborateurs et affuter une pensée architecturale. Je pense qu’il s’agit là d’un réel avantage du métier d’architecte que celui de prendre le temps de réfléchir à un projet, d’en prendre toute la mesure pour le mener à bien. Ce n’est pas pour rien que la plupart des projets d’envergure durent plusieurs années avant de voir se poser la première pierre. Je souhaite également par la même occasion prendre le temps nécessaire pour accompagner «mes» futurs maîtres d’ouvrages dans leurs réalisations, exercer pleinement «mon» rôle de conseil, qui est en réalité le devoir de l’Architecte pour voir aboutir leurs projets. Pour la plupart cela représente l’enjeu d’une vie et des sacrifices pour constituer les économies nécessaires à la concrétisation de ce projet. Je ne souhaite pas bâcler mon intervention et ma participation à la réalisation de leur «rêve». Cela peut paraître utopique mais j’ai la conviction que le métier d’architecte apporte une réelle plus value dans la société. Quand je vois certains projet d’espaces publics réalisés ou programmes de logements et d’équipements qui n’ont que pour seul objectif le bien-être des usagers, cela me donne envie de faire de même.
La Casa da Mùsica, l’espace public vecteur de multiples usages, Rem Koolhaas, Porto
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The Blox, l’espace public récréatif, Rem Koolhaas, Copenhague
Tea House, le parcours comme nouveau rituel du thé ? Alvaro Siza, Porto
ECHANGES & INTERVIEW Interview mail réalisée auprès de M. SFEIR Michel (directeur de la gestion de la construction pour Qatar Museums) et M. RAKEM Hafid (Directeur régional et représentant local de l’Atelier Jean Nouvel au Qatar) pour le projet du Musée National du Qatar «la Rose des Sables» (livré en Mars 2019) : ADE Victorine Leborgne : Je souhaite aborder la problématique suivante : Comment tenir le projet de sa conception à sa réalisation sans faillir devant les obstacles que constituent les contraintes et règles techniques, budgétaires urbanistiques, politiques et sociales ? et financières (note de M. SFEIR) Réponse de M. RAKEM Hafid : En premier lieu, il faut que la demande émanant du client soit précise et détaillée. Une demande claire avec un programme exhaustif constituent une étape cruciale pour la réussite d’un projet. En second lieu le rôle de l’architecte est de présenter une vision d’une problématique de réflexion. L’adhésion complète du client (sans ambiguïté) à cette vision est importante car ça fixera l’objectif à atteindre. A partir de cette étape, la détermination, par l’architecte, des compétences requises pour la matérialisation du projet est prédéterminant pour sa formalisation. Réponse de M. SFEIR Michel : Du côté du client, il est important que tous les utilisateurs finaux du projet soient désignés (souvent ce n’est pas le cas) et qu’ils puissent définir leurs besoins. Souvent il n’y a qu’une petite équipe côté client, et qui demande à l’architecte de faire des hypothèses, et en général ces hypothèses sont modifiées au cours de la construction par les utilisateurs finaux qui n’arrivent qu’à ce moment là. Tout dépend comment le maître d’ouvrage est organisé. VL : Quelle est la place et le temps consacré aux réflexions sur le projet dans une agence ? RH : La réflexion dans un projet n’a pas de limite temporelle. C’est un processus continuel et obligatoire jusqu’à l’achèvement de l’acte architectural. Cette réflexion est ascendante durant la phase concept car elle établira l’ordre philosophique du projet, ce qui facilitera l’adhésion de la part du client. La phase du développement du projet permettra de mettre en exergue les différentes compétences mise en place. La phase de construction est la concrétisation de ce processus de réflexion. SM : Si le client est un client public, je ne pense pas que son temps de travail soit quelque chose d’important pour lui. Il s’agit d’une équipe de fonctionnaires qui dirigent les architectes . Le principal soucis du client est de sécuriser le budget du projet dans un premier temps, et également d’obtenir les terrains/les autorisations. VL : Comment l’agence, l’architecte Maître d’œuvre arrive-t-il à s’organiser, se structurer autour du projet ? RH : L’organisation de l’architecte dépend principalement du mode opératoire préétabli avec le client (phasage des rendus). La multiplicité des disciplines transversales est cruciale dans une organisation. 25
SM : Je rajouterai a ce qui est dit ci dessus : qu’en fonction de la mission qui est donné au MOE par le client, le MOE s’organisera avec d’autres consultants spécialisés. Est-ce un concours ? etc, etc. VL : Quel temps arrive-t-il à consacrer à l’expérimentation, à l’analyse d’un contexte, à la connaissance des procédés constructifs et à la maîtrise de la mise en œuvre des matériaux qui permettent de réellement maîtriser un projet ? RH : Le temps nécessaire suivant les impératifs du client… SM : Mon expérience avec les différents architectes avec lesquels j’ai travaillé est la suivante : certains architectes utilisent déjà des techniques de construction reconnues, ils n’ont donc pas trop recours à diverses expérimentations; d’autres architectes veulent créer de nouvelles techniques pour leurs projet, dans ce cas l’expérimentation joue un rôle important, elle commence avec les fabricants qui innovent un produit (suivi de tests/mock up) et là cela prend du temps. Cela peut commencer au moment de la conception et ensuite demander à l’entreprise de continuer à faire d’autres tests. VL : Comment arrive-t-il à valoriser ce temps au regard de la rentabilité de son agence ? RH : Dans le cas d’une agence comme celle de Jean Nouvel c’est assez difficile… c’est un laboratoire de réflexion, antistandardisation de l’architecture. SM : Il n’est pas rare pour un client de recevoir des réclamations de la part d’architectes qui demandent un complément d’honoraires parce qu’ils ont passé plus de temps que prévus sur le projet. Ils justifient cela par des changements opérés par le client, par des hésitations du client… qui font que l’architecte a du refaire 2, 3, 4 versions du projet. Il existe dans les contrats clients/architectes des prix unitaires qui s’utilisent pour estimer les variations de services supplémentaires. VL : Comment arrive-t-il à préserver et développer une identité et une qualité architecturale tout en faisant face aux contraintes règlementaires et aux tâches administratives ? RH : Les contraintes réglementaires ne sont pas en contradiction avec la qualité architecturale. Elles font parties du contexte. SM : C’est vrai que les contraintes règlementaires ne sont pas une difficulté pour l’architecte, il en tient compte dès le début. Il reste les contraintes financières… Le client donne à l’architecte un budget de construction et l’architecte doit concevoir un bâtiment qui ne doit pas couter plus que le budget… Bien souvent c’est LE grand problème…
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BIBLIOGRAPHIE & REFERENCES
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V ictor ine L e b o r gne A r chitecte D E - H M O N P conta ct@v la r chite cte .f r vlar chitecte
L’architecture est le témoin de l’évolution de l’humanité, de ses échecs, de ses prouesses, elle inspire, émeut, transende, subjugue. Elle est un art et comme tout art elle ne laisse personne indifférent.
Merci pour votre attention