Jean Hatzfeld

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Donner la parole aux autres L’auteur

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Né en 1949 à Madagascar, Jean Hatzfeld est journaliste et écrivain. Au lendemain de Mai 68, il fait la route vers Katmandou et, au retour, travaille en usine et exerce différents métiers de façon militante ou dilettante avant de gagner Paris. En 1976, il commence à travailler pour le quotidien Libération, au service des sports qu’il contribue à créer. Puis il devient grand reporter en France et à l’étranger, et enfin et surtout correspondant de guerre. Pendant vingt-cinq ans, il traverse ainsi de nombreuses guerres, dont celles du Moyen-Orient, d’Afrique et de l’ancienne Yougoslavie, dont il tire un récit, L’Air de la guerre, rédigé en grande partie après avoir été immobilisé à Sarajevo en juin 1992, puis deux romans : La Guerre au bord du fleuve et La Ligne de flottaison, autour des thèmes de la guerre et de l’écriture de la guerre. Reporter au Rwanda à l’époque du génocide, saisi par l’échec collectif des journalistes face à l’évènement, il décide de suspendr son activité dans sa rédaction pour travailler avec des rescapés tutsis. Le premier livre issu de ces récits, Dans le nu de la vie, obtient le prix France Culture en 2001. Il poursuit son travail avec un groupe de Hutus ayant participé au génocide sur les mêmes collines. De ces entretiens naît en 2003 Une Saison de machettes. Un troisième ouvrage consacré au génocide rwandais, La Stratégie des antilopes paraît en 2007 (Prix Médicis). Son expérience de reporter en Afrique marque également son dernier roman, Où en est la nuit. Jean Hatzfeld a par ailleurs collaboré à L’Autre Journal, GEO, L’Équipe magazine, Autrement,Rolling Stone, Les Cahiers du cinéma et participé à d’autres ouvrages collectifs, dont deux documentaires pour la télévision.

Où en est la nuit (Gallimard, 2011) (217 p.)

Ressources http://www.editionsdelolivier.fr/ http://videos.arte.tv/fr/videos/litterature_ou_en_est_la_nuit_ de_jean_hatzfeld-3827168.html

La presse © C. Hélie / Gallimard

Jean Hatzfeld

France

« Ce roman garde la précieuse qualité de capter ou de réinventer les inflexions des voix, de faire défiler les récits de ces personnages rencontrés, rêvés ou reconstitués. Il faut dire que Jean Hatzfeld décrit avec une grande puissance la dramaturgie intense des courses, le marathon de Sydney, de Boston ou d’Athènes. À la manière d’un journaliste sportif ? Plutôt comme un exégète, qui analyse la grâce religieuse des gestes. » Le Magazine Littéraire

Frédéric, journaliste, se retrouve coincé quelques jours dans une oasis à la frontière entre l’Éthiopie et la Somalie, où se déroulent des combats. Là, il partage quelque temps la vie des bédouins et des soldats, en attendant de pouvoir rejoindre Addis-Abeba. Frédéric, passionné de sport, va faire dans ce désert secoué par les tirs d’obus la connaissance d’Ayanleh Makeda, une légende vivante de la course à pied. Marathonien surdoué, enrôlé dans une équipe d’athlètes d’élite montée par un magnat kazakh, Ayanleh a gagné deux médailles d’or aux Jeux Olympiques, et aucun adversaire ne semblait à sa hauteur ; mais aux JO de Pékin, un contrôle antidopage positif a mis fin à sa carrière. Ayanleh est désormais soldat, il évite de parler du passé. Fasciné par la personnalité taciturne et noble de l’ancien coureur, incompatible avec la figure d’un tricheur, Frédéric va tenter de percer le mystère qui l’entoure… Jean Hatzfeld parle remarquablement du sport, dont Ayanleh Makeda incarne les vertus les plus hautes : non pas le courage et la force, mais une sorte de grâce, une tension vers un au-delà du corps qui confère à l’être tout entier une élégance mystérieuse. Le récit est basé sur de longs dialogues qui dévoilent progressivement les subtilités de ce monde, mais aussi les spécificités des mentalités africaines et du parler des Africains francophones. On se laisse captiver par les divers personnages, notamment par Frédéric, qui à travers le récit de sa quête nous fait connaître de l’intérieur, avec sensibilité et justesse, son métier de grand reporter.

La presse (suite) « La qualité du récit de Jean Hatzfeld vient de sa composition en mouvements variés, en décors contrastés, en rencontres séduisantes ou inquiétantes, en atmosphères empestées ou aériennes. Mais l’essentiel nous a paru en ceci que le personnage central du livre, le marathonien abandonné, autour duquel on tourne dans le but de percer les secrets de sa gloire et de son malheur, est l’homme universel. L’homme, né dans cette matrice de l’humanité, étouffante et bénie, et qui, depuis des millions d’années, court en se cherchant. En se dopant de mille et une façons, mais toujours oscillant entre l’amour et la guerre. » La Croix

6es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 28 mai au 3 juin 2012 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net

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L’œuvre > Romans Où en est la nuit (Gallimard, 2011) (217 p.) La Ligne de flottaison (Seuil, 2005 ; Seuil, coll. « Points », 2007) (281 p.) La Guerre au bord du fleuve (L’Olivier, 1999 – 2002) (269 p.) > Récits La Stratégie des antilopes (Seuil, 2007 ; Seuil, coll. « Points », 2008) (301 p.) Prix Médicis Une saison de machettes (Seuil, 2003 ÉPUISÉ ; Seuil, coll. « Points », 2005) Prix Femina Essai et Prix Joseph Kessel Dans le nu de la vie (Seuil, 2000) (233 p.) Prix France Culture L’Air de la guerre (L’Olivier,1994 ; Seuil, 1995) Prix Novembre

> Romans La Ligne de flottaison (Seuil, 2005 ; Seuil, coll. « Points », 2007) (281 p.)

La Guerre au bord du fleuve (L’Olivier, 1999 – 2002) (269 p.)

> Récits La Stratégie des antilopes (Seuil, 2007 ; Seuil, coll. « Points », 2008) (301 p.) Prix Médicis

À la suite d’un long séjour en Tchétchénie, Frédéric, un grand reporter, revient à Paris où l’attend Emese, sa jeune compagne hongroise, dont il partage l’appartement et la vie. Il se demande s’il n’a pas atteint un point de non-retour. S’établir, faire un enfant ? Renoncer aux lignes de front ? Il retrouve les plaisirs de la vie quotidienne, les lectures, les cafés, les amis, le journal, mais aussi les situations mondaines où l’on ne peut se faire comprendre. Les soucis liés au passé et au futur ne manquent pas de resurgir. Emese supporte mal ses obsessions. Il n’arrive pas à être là. Seuls ceux qui partagent un même destin, habités par la guerre et par le désir d’écrire à son propos, semblent capables de s’entendre, en tentant de répondre aux même interrogations, ou en échangeant les mêmes sensations. Frédéric continue à chercher sa place. Et ce qu’Emese interprète d’abord comme un abandon n’est peut-être qu’une sincérité à son égard et une fidélité à lui-même, étranger parmi les siens.

Quelque part près de Vukovar, Nico pénètre par erreur dans un village en ruine. Dans une maison, un garçon de son âge agonise. Nico recueille ses dernières paroles. Il s’appelle Josué, et devient le fil conducteur d’un périple insolite qui le mène au cœur d’un « paysage après la bataille » - ou plutôt entre deux batailles. Car toute la singularité du livre de Jean Hatzfeld tient dans ce pari : écrire non pas le roman de la guerre, mais le roman des « blancs » de la guerre, de ses interstices. Le roman de l’attente. Sur les petites routes de campagne, les bosquets, les fermes nichées au creux des vallons, pèse une menace. Dans le lointain, on entend des bombardements. Nico, fasciné, se fond dans le paysage dévasté. À Vikoti Mara, Nico rencontre Siena. Elle tient un café de l’autre côté de la rivière, près d’un parking encombré d’épaves. Elle a été autrefois la fiancée d’un célèbre joueur de football, un ami de Josué, qui a disparu subitement de la ville et qu’elle aimerait retrouver. Le vrai voyage commence. Jean Hatzfeld nous donne un roman d’amour surprenant sur cette période étrange où la ligne de front disparaît pour se dissoudre dans le quotidien. C’est aussi une élégie à une civilisation du fleuve aujourd’hui disparue.

Un matin brûlant de mai 2003, une file de prisonniers franchit les portes du pénitencier de Rilima, en chantant des alléluias. Ces anciens tueurs rwandais viennent d’être libérés, à la surprise de tous, notamment des rescapés qui les regardent s’installer à nouveau sur leurs parcelles, à Nyamata et sur les collines de Kibungo ou Kanzenze. Que peuvent désormais se dire Pio et Eugénie, le chasseur et le gibier à l’époque des tueries dans la forêt de Kayumba, lorsqu’ils se croisent sur le chemin ? Comment Berthe et le vieil Ignace peuvent-ils se parler au marché puisque toute vérité est trop risquante ? Quels sont les maléfices qui les frappent ? De quelle façon partager Dieu, la Primus, la justice, l’équipe de foot ? Et revivre avec la mort et les morts ? Que ramènet-on de là-bas ? « Moi aussi je me sens menacée de marcher derrière la destinée qui m’était proposée... De quoi ? Je ne sais le dire. Une personne, si son esprit a acquiescé à sa fin, si elle s’est vue ne plus survivre à une étape, si elle s’est regardée vide en son for intérieur, elle ne l’oublie pas. Au fond, si son âme l’a abandonnée un petit moment, c’est très délicat pour elle de retrouver une existence.»

« La justesse de son propos tient à la réussite du pari romanesque, touchant dans la fébrilité même d’une écriture sur le vif et distanciée, agitée et triste à la fois. » Les Inrockuptibles

6es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 28 mai au 3 juin 2012 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net

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Une saison de machettes (Seuil, 2003 ÉPUISÉ ; Seuil, coll. « Points », 2005) Prix Femina Essai et Prix Joseph Kessel

Dans le nu de la vie (Seuil, 2000) (233 p.) Prix France Culture

L’Air de la guerre (L’Olivier,1994 ; Seuil, 1995) Prix Novembre

Avec Dans le nu de la vie, récits des marais rwandais, Jean Hatzfeld avait recueilli les récits des rescapés tutsis du génocide rwandais. Après de longs séjours sur place, dans la prison où ils étaient enfermés et jugés, il fait maintenant parler les acteurs hutus de ce génocide des mêmes collines. En l’occurrence une bande d’amis : cultivateurs, instituteurs, commerçants, qui, comme ils disent, sont allés « au boulot » ensemble, à horaires réguliers. Des hommes qui ont, pendant plusieurs semaines, systématiquement « coupé » leurs « avoisinants », avec la claire idée de les faire totalement disparaître. Ils parlent ici de façon directe, sans souci d’atténuer leurs actes, même s’ils ne peuvent comprendre leurs responsabilités. Ils racontent les monstres qu’ils ont été et, de façon ahurissante, les hommes ordinaires qu’ils étaient avant et qu’ils espèrent nous faire croire être redevenus. Jamais aucun « génocidaire » du siècle n’a témoigné ainsi, ce qui fait d’Une saison de machettes un livre exceptionnel, unique, d’une force sans exemple.

« On fuyait sans répit au moindre bruit, on fouinait la terre à plat ventre en quête de manioc, on était bouffé de poux, on mourait coupé à la machette comme des chèvres au marché. On ressemblait à des animaux, puisqu’on ressemblait plus aux humains qu’on était auparavant, et eux, ils avaient pris l’habitude de nous voir comme des animaux. Ils avaient enlevé l’humanité aux Tutsis pour les tuer plus à l’aise, mais ils étaient devenus pires que des animaux de la brousse, parce qu’ils ne savaient plus pourquoi ils tuaient. »

Jelena est Serbe. Mariana, Croate. Cela fait maintenant deux mois qu’elles vivent dans ce couloir, sur un tas de couvertures. Dehors, le bombardement de Vukovar fait rage. Sur la ligne de front, un bouilleur de cru a installé son alambic. Au milieu du vacarme, il surveille du coin de l’œil la fabrication de l’alcool. Est-il fou ou simplement indiférent ? Jean Hatzfeld s’interroge. Pendant deux ans, il a silloné l’ex-Yougoslavie en guerre, avant d’être touché par une rafale de Kalachnikov, un jour de juin 92. Grièvement blessé, il a été rapatrié en France. Il écrit alors ces récits de guerre, admirables de précision et de lucidité.

6es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 28 mai au 3 juin 2012 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net

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