H20-2007

Page 1



La science est ce que le père enseigne à son fils. La technologie, c’est ce que le fils enseigne à son papa

Michel Serres

LA REVUE DES SCIENCES & DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE 2007

Editorial Chaque année qui se présente porte sa marque. En Aquitaine, H 20 a capté pour vous les caractéristiques de l’année 2007.

La chimie verte s’impose pour aider à entrer

dans l’ère écologique, les femmes d’Aquitaine

remodèlent le paysage des métiers scientifiques et techniques, la vigne et le vin se dotent d’une organisation pour relever le défi de la compétitivité.

C’est véritablement à une scène mondialisée

et à un développement durable que la recherche et l’industrie de la région se préparent,

en affûtant leurs compétences et en mettant

au point des innovations parfois inattendues. Pour la cinquième fois, H 20 vous offre

un voyage original en Aquitaine, un voyage composé de visites de sites, de rencontres humaines, de chroniques de l’année et de dossiers thématiques.

Pour la première fois, H 20 reçoit

une reconnaissance officielle avec

le prix Jacques Paul de l’Académie nationale

des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. Voilà pour Cap Sciences un encouragement supplémentaire à poursuivre sa production éditoriale.

Nous vous souhaitons une très bonne lecture ! La rédaction


LA REVUE DES SCIENCES & DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE 2007

S O M M A I R E Chronique 7 L’actualité des sciences

et de l’industrie en Aquitaine

Visites 18 Pyrenex

des duvets 100 % nature

22 Bayonne

métamorphose d’un port

20 Exameca

un alliage de savoir-faire et d’innovation

25 Le trésor souterrain du Périgord 28 Esquad 31 Nérac

tisse le jean costaud des fous de moto

c’est ici que tout commence

Portfolio 33 Le CHU à cœur ouvert

Mémoire 39 Des paquebots volants à Biscarrosse 43 La fulgurante ascension

de la sociologie bordelaise

Focus 46 Eaux minérales, eaux de sources

Rencontres 50 Hubert Montagner aux côtés de l’enfant qui grandit 52 Voyage au pays des fractales

55 Nadine Ninin alliance d’idée et d’audace 57 Emeric d’Arcimoles

un assembleur de talents

59 Voyage au bout de la Terre


La chimie verte

Questions d’environnement 62

64 La chimie en mutation

66 La conquête de l’or vert

69 En route vers le bioplastique

70 Vers des solvants plus propres

73 La délicate question des pesticides

Les femmes en Aquitaine Questions de société

78

80 Qui sont-elles ?

81 La démographie féminine en Aquitaine

83 Des emplois féminins concentrés dans le tertiaire 85 La science domaine réservé aux hommes ?

La vigne et le vin

Questions de recherche 90

92 Un vin en mutation

94 Une économie en expansion 96 Le vignoble passé au crible

98 Vin et santé : à consommer avec modération ? 99 Quand le vin se révèle bon pour la mémoire

Références 106 A consulter - A voir 110 A contacter


ANNUEL 2007

E Q U I P E

H 2 0

De gauche à droite : Bernard Alaux, Patrice Brossard, Bernard Favre, Isabelle Julien, Sendra Lejamble-Dubrana, Véronique Le Mao, Jean-Alain Pigearias.

R E D A C T E U R S Claire Moras : Titulaire d’une maîtrise de Sciences de la Terre, et diplômée du DESS de Communication et Information Spécialisées de Bordeaux, elle réalise des piges pour des magazines aquitains. Elle effectue par ailleurs diverses collaborations avec des CCSTI et associations en tant que médiatrice scientifique.

Julie Fraysse : Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Toulouse

et de l’Institut pratique du journalisme (IPJ) à Paris, elle a commencé sa carrière au sein de l’Agence France Presse (AFP) à Paris. Après avoir travaillé dans différents services de l’agence, elle a nommée en 2000 au bureau de l’AFP à Bordeaux. Depuis un an, cette journaliste de 32 ans a quitté provisoirement l’agence et travaille pour différentes publications, dont le quotidien gratuit « 20 Minutes ».

Laure Espieu : Diplômée de l’IUT de journalisme de Tours en 2001, elle débute

comme pigiste à Toulouse, où elle collabore avec divers titres (jeunesse, santé, culture). Installée à Bordeaux depuis deux ans, elle a travaillé pour Sud Ouest en Gironde et pour le journal gratuit 20 Minutes, depuis son implantation. Elle est aujourd’hui correspondante pour Libération.

Marianne Peyri : Titulaire d'un Maîtrise de Lettres modernes, diplômée de l'Ecole

Supérieure de Journalisme de Lille, elle a exercé, durant deux ans, dans la presse quotidienne régionale, au Dauphiné Libéré et à la République du Centre Ouest. Depuis 1999, elle s'est installée dans sa ville natale, Bordeaux, comme journaliste indépendante. Elle collabore, depuis, à divers titres de presse magazine et professionnelle, écrit des guides touristiques et intervient comme formatrice dans le milieu scolaire et social.

Nathalie Mayer : Physicienne de formation, elle est diplômée du DESS de Communication scientifique et technique de Strasbourg. Après avoir été chargée de la communication de l'Observatoire aquitain des sciences de l'univers, elle enseigne les sciences physiques à Floirac (collège Georges Rayet) et travaille à la rédaction de fiches encyclopédiques. Elle fait également partie de l'équipe de bénévoles qui anime le site Internet d'information scientifique Futura-Sciences. Philippe-Henri Martin : Titulaire d’une Maîtrise de droit public, il a effectué un stage de journalisme au CFPJ. Pigiste-rédacteur au Guide du Routard, il a collaboré à un projet de collection de guides de voyage (Les éditions du tourisme), et a été pigiste à l’agence textuel.

P H O T O G R A P H E

Frédéric Desmesure : Diplômé de l'Ecole nationale de photographie d'Arles en 1991, il travaille comme photographe indépendant en région Aquitaine. Pour la presse nationale avec l'agence Editing à Paris ou pour la scène culturelle bordelaise, il cherche à garder une démarche d'auteur, même en dehors des salles d'exposition. Son dernier ouvrage (« Madones ») est un recueil de photographies et de poèmes de Patrick Espagnet.

LA REVUE DES SCIENCES ET DE L’INDUSTRIE EN AQUITAINE

Directeur de la publication Bernard Alaux Comité de rédaction Bernard Favre, Bernard Alaux, Jean-Alain Pigearias, Sendra Lejamble-Dubrana Rédacteurs en chef Bernard Favre / Sendra Lejamble-Dubrana Ont participé à ce numéro Rédaction : Nathalie Mayer, Marianne Peyri, Philippe-Henri Martin, Laure Espieu, Claire Moras, Renaud Persiaux, Yann Kerveno, Julie Fraysse, Daniel Tarnowski, Jean-Luc Eluard Photographie : Frédéric Desmesure, Joackim di Dio, Nicolas Tucat, Conseil Régional, mairie de Bordeaux Documentation et recherche d’information : Véronique Le Mao Maquette et direction artistique Patrice Brossard PAO Isabelle Julien, Serge Lafargue Impression Imprimerie Laplante, Mérignac Contact rédaction et diffusion Sendra Lejamble-Dubrana 05 57 85 51 45 – fax 05 57 85 93 81 mél s.lejamble-dubrana@cap-sciences.net Publication Cap Sciences, association loi 1901, Hangar 20, Quai de Bacalan, 33300 Bordeaux ISSN 1637-9381 Dépôt légal mars 2007

H 2 0 est publié par Cap Sciences, avec le soutien du Conseil régional d’Aquitaine, du ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies et de l’Union européenne. H 2 0 a bénéficié de la coopération active des universités, des organismes de recherche et de soutien technologique, ainsi que du monde industriel d’Aquitaine.

UNION EUROPEENNE

© Tous droits réservés.

4

H20

2007




Chronique•Chronique•Chronique•Chronique Record de puissance pour un rayon « laser blanc » dans le ciel d’Aquitaine

U

ne équipe de chercheurs du CEA, du CNRS et des universités de Lyon 1 et de Genève a battu le record de puissance pour un « flash » laser émis dans l’atmosphère. Avec 30 térawatts (l’équivalent de mille milliards d’ampoules électriques) et une durée de moins d’une picoseconde (un millième de milliardième de seconde soit dix milliards de fois plus courte qu’un flash d’appareil photographique), cette impulsion laser peut se propager jusqu’à la stratosphère à plus de 15 km d’altitude. Au premier contact avec l’air, l’impulsion devient « visible » pour former un rayon « laser blanc » et créer un fil rectiligne

CIRAM : la science au service de l’Art et du Patrimoine

D

epuis deux ans, l’Aquitaine bénéficie d’un nouveau savoirfaire scientifique et technique pour l’analyse et l’expertise des objets d’Art et du Patrimoine. Le Centre d’Innovation et de Recherche pour l’Analyse et le Marquage (CIRAM) a été fondé par deux scientifiques spécialisés en

de l’actualité de la recherche en Aquitaine, découvertes et innovations.

de matière chargée électriquement. Ce fil pourrait agir comme un paratonnerre capable de guider la foudre des nuages vers le sol. Le « laser blanc » permet également de mesurer à distance la pollution atmosphérique. De telles perspectives ont été ouvertes depuis quelques années par la collaboration franco-allemande Téramobile ( le laser 100 fois moins énergétique). Co-financée par la direction générale pour l’armement, cette campagne d’expériences tire parti des performances exceptionnelles du laser Alisé du CEA-Cesta, sur le site du laser Mégajoule du Barp (33). Alisé (Activité Laser ImpulSionnel pour les Études) est un outil unique pour parfaire la compréhension de beaucoup des phénomènes physiques mis en jeu dans les lasers de puissance et améliorer les technologies actuelles. Le récent record de puissance a été possible grâce à une collaboration associant le Département des lasers de puissance du CEA / CESTA, le Laboratoire de spectrométrie ionique et moléculaire (CNRS, Université Lyon 1), le Groupe de physique appliquée de l’Université

Crédit photo : Ciram

physique des Archéomatériaux formés à l’université Bordeaux 1. Soutenu par le Conseil Régional d’Aquitaine, le Conseil général de la Gironde, l’association Aquitaine Entreprendre et l’incubateur d’entreprises Unitec, le CIRAM s’est rapidement fait une place sur le marché de l’art européen.

Crédit photo : CNRS/Lasim/J.Kasparian

c

A tu

Voici une sélection de quelques faits marquants

de Genève et le Département de physique théorique et Appliquée du CEA / DAM Ile-de-France. (source : CEA / Cesta) www.teramobile.org http://www.teramobile.fr

Ce laboratoire propose ses services aux différents acteurs impliqués dans l’expertise, la conservation et la restauration des objets d’art et des monuments historiques, ainsi que la recherche archéologique. Il collabore ainsi avec des marchands d’Art, des antiquaires, des experts, chargés de la sauvegarde du patrimoine architectural. En parallèle, le laboratoire poursuit des travaux innovants de recherche et développement sur le thème du marquage sécuritaire et de la traçabilité des œuvres d’Art. « La quasi-totalité des matériaux (pigments de peintures murale, objets en pierre….) peut être expertisée 2007

H20

à condition que l’on utilise la méthode appropriée » indique Olivier Bobin cofondateurs du centre. Ainsi, la datation du matériau ou l’analyse de sa composition apporte des informations objectives qui complètent l’expertise stylistique des historiens d’Art. Afin de répondre de la manière la plus pertinente aux besoins d’authentification, le CIRAM travaille en collaboration avec des laboratoires de recherche spécialisés et s’attache à innover dans le domaine de l’analyse non destructive in situ (radiographie X portable et numérique). http://www.ciram-art.com

CHRONIQUES

7


L

a qualité des eaux de l’estuaire de la Gironde est dorénavant analysée en continu. Plus encore, des simulations informatiques pour comprendre et prédire l’oxygénation des eaux sont réalisées. En effet, quatre stations de mesure de qualité des eaux sont implantées à Libourne, Portets, Bordeaux et Pauillac depuis près de deux ans. Par un système de capteurs, ces stations mesurent plusieurs paramètres toutes les 10 minutes : température, salinité, turbidité et teneur en oxygène dissous. Le laboratoire EPOC (Environnements et Paléoenvironnements Océaniques) de l’université Bordeaux 1 collecte les données qui sont traitées en profondeur et servent à alimenter deux simulations informatiques sur la dynamique des matières en suspension et sur l’oxygénation des eaux. L’enjeu est de comprendre les processus influençant l’oxygénation de l’estuaire. Effectivement, les courants de marée (alternance de flot et de jusant) provoquent une concentration des matières en suspension fluviales et la formation d’un bouchon vaseux qui fait de la Gironde un des estuaires les plus turbides d’Europe. Cela a pour conséquence la réduction de la pénétration de la lumière dans les eaux de l’estuaire et de façon saisonnière, dans la partie estuarienne amont, l’enregistrement de teneurs très faibles en oxygène des eaux, influençant grandement les cycles du monde vivant, animal ou végétal. L’étude du déplacement de ce bouchon est donc cruciale pour surveiller l’estuaire et sa vie biologique sous toutes ses formes. http://www.epoc.u-bordeaux1.fr

Les risques liés à la somnolence au volant

U

ne étude réalisée auprès de 20 000 volontaires montre que la plupart des conducteurs tentent de lutter contre le sommeil au volant… Près d’un millier de décès seraient dus à la somnolence chaque année et on estime entre 10 000 et 20 000 le nombre de décès évitables. Cette étude a été réalisée par Emmanuel Lagarde et Hermann Nabi de l’unité 687 de l’Inserm (Saint Maurice, 94) et leurs collègues de l’Institut national de

8 CHRONIQUES

recherche sur les transports et leur sécurité de Lyon. Emmanuel Lagarde est lauréat 2006 du programme Avenir de l’Inserm. Il dirige depuis peu la nouvelle équipe « Santé et insécurité routière » basée à l’université Victor Segalen Bordeaux 2. Les personnes qui reconnaissent avoir conduit au cours de l’année passée alors qu’elles avaient sommeil sont des conducteurs qui effectuent un nombre important de kilomètres, qui travaillent la nuit, font des heures supplémentaires ou ont des contraintes horaires dans leur activité professionnelle. La somnolence au volant est également associée à une consommation de médicaments psychotropes et d’alcool. Les risques liés à la somnolence, H20

2007

Un nouveau regard sur les villae romaines d’Aquitaine

P

rès de 200 villae ont été recensées dans le Sud-Ouest, certaines étant parmi les plus abouties de France. Bien que nombre d’entre elles aient été dévoilées et étudiées il y a déjà plusieurs décennies, les dernières techniques de

Crédit photo : GRA

Surveillance en continu des eaux de l’estuaire de la Gironde

observés par les chercheurs, ne concernent pas seulement les personnes présentant une pathologie du sommeil. C’est bien le manque de sommeil « ordinaire » qui conduit souvent à l’accident. « Les conducteurs sont parfaitement capables d’évaluer leur état de somnolence, estiment les chercheurs. Dès qu’ils en ont pris conscience, ils doivent s’arrêter et dormir ou renoncer à prendre le volant. Les mesures préventives mises en place jusqu’à présent en France n’ont pas permis de réduire significativement les accidents dus à la somnolence. L a p r i s e d e conscience de ce risque est restée faible comparée à celle des risques liés à l’alcool et à la vitesse. « Alors que des

progrès importants ont été récemment réalisés en matière de sécurité routière, essentiellement grâce à une réduction de la vitesse, nos résultats devraient inciter à la mise en place de messages de prévention également axés sur la somnolence au volant » concluent les auteurs. Ils proposent la promotion de l’hygiène du sommeil, des « pauses sommeil » au cours des longs trajets, l’installation de bandes résonnantes le long des autoroutes, la création d’aires de repos accueillantes et le développement de systèmes embarqués de détection de l’assoupissement. http://www.bordeaux.inserm.fr


établissements se dessine et grâce à des données plus fines, certaines datations sont révisées. Ainsi la villa sur le chantier de Lalonquette au nord de Pau s’est avérée beaucoup plus ancienne que ce qui avait été déterminé. Dans les années 60, cette villa avait été datée au milieu du premier siècle. Les études de François Réchin et Laurent Callegarin du GRA et de Christian Darles de l’Ecole d’architecture de Toulouse ont permis de déterminer que la villa avait été construite deux générations plus tôt. On a longtemps cru qu’il y avait eu un délai entre le développement romain des villes en Gaule

Crédit photo : GRA

recherche, dont celles du Groupe de recherche archéologique (GRA) de l’université de Pau et des Pays de l’Adour ont incité les archéologues à se pencher à nouveau sur ces constructions complexes. Les villae sont des résidences aristocratiques rurales apparues en France et dans le SudOuest à partir des années 10-15 après JC. A la fin des années 70, les chercheurs se mirent à étudier l’architecture des parties résidentielles de ces villae. Vingt ans après, les techniques et les orientations de recherche ont évolué ; l’environnement des villae se précise, la cartographie des

Accompagner les élèves à l’école. La violence scolaire augmente, les enquêtes le montrent…

S

entiment d’insécurité, tension entre les élèves et les enseignants… la situation ne s’améliore pas en France. L’Observatoire Européen de la Violence Scolaire (OEVS) installé à l’Université Bordeaux 2 depuis 1998 et co-financé par l’Union Européenne, le conseil régional Aquitaine, le ministère de l’Education Nationale et l’université Bordeaux 2, étudie en profondeur cette problématique. Aujourd’hui, son réseau se développe au-delà des frontières européennes et s’étend vers d’autres continents. Les recherches de l’OEVS ne concernent pas uniquement les faits divers éclatants et très médiatisés qui enflamment l’opinion publique, mais surtout les violences répétitives et concentrées, qui sont plus graves et très peu analysées. Selon l’OEVS, ces « microviolences » sont peu déclarées par les victimes. Même si la majorité des chefs

d’établissements signalent aujourd'hui les faits dont ils ont connaissance, les statistiques officielles affichent un chiffre apparent des délinquances, ne pouvant pas tenir compte du chiffre réel. Elles enregistrent le plus souvent les incidents physiques graves qui font sensation. Pour ces raisons, l’OEVS se penche sur l’étude des violences « cachées » sur une longue durée. Il dresse un état des lieux de la violence en milieu scolaire avec une comparaison entre zones (favorisées et défavorisées), entre établissements et à l’intérieur de chaque zone, en France et en Europe. Les enquêtes de l’OEVS reposent sur des questionnaires directement adressés aux élèves et aux personnels dans les collèges et les lycées et sur des entretiens collectifs et individuels avec les victimes. Les résultats montrent que les écoles les plus touchées sont celles situées en zones défavorisées

et les constructions rurales. Il s’avère que beaucoup des constructions urbaines et rurales datent des années 10-15, période où s’est donc produit un gigantesque mouvement de construction en Gaule. Aujourd’hui, ce n’est plus simplement aux villae elles-mêmes que les scientifiques s’intéressent, mais également à leur environnement. Les équipes de recherches intègrent en effet différentes disciplines. Ainsi des chercheurs spécialisés dans les pollens, les charbons ou les graines effectuent des prélèvements dans les couches de terre qu’ils décortiquent à l’aide de pinces à épiler et de loupes. Les informations qu’ils en tirent permettent de déterminer la végétation autour des villae, les types de plantes cultivées, les espèces de bois utilisées pour la cuisine… Autour de la villa de Lalonquette par exemple, l’espace était à l’époque plutôt boisé avec des prairies et de la lande. L’agriculture se portait davantage sur l’élevage que sur les cultures. Autre indication, il existait probablement des troupeaux mixtes pratiquant la transhumance. Ces résultats des recherches sont réunis dans le Hors-série n°2 de la revue Archéologie des Pyrénées Occidentales et des Landes publié en avril 2006. Edité par le GRA, cet ouvrage rassemble 19 contributions de chercheurs français et espagnols sous le titre « Nouveaux regards sur les villae d’Aquitaine : bâtiments de vie et d’exploitation, domaines et postérités médiévales ». http://www.univ-pau.fr/RECHERCHE/GRA et délaissées par les pouvoirs publics. Dans ces écoles, les enseignants n’ont reçu aucune formation initiale centrée sur le relationnel, qui leur permettrait de repérer les difficultés avant que les situations ne dégénèrent. Ils pourraient alors passer le relais aux personnels compétents si nécessaire. Toutefois, au sein même d’une zone défavorisée, la tendance peut être inversée ; les sentiments d’insécurité sont considérablement réduits dans les établissements où les équipes éducatives travaillent ensemble et dans la cohérence. Ces équipes tentent ainsi de favoriser la communication et diminuer les tensions entre élèves et enseignants. En ce qui concerne la délinquance des mineurs, les chercheurs tentent de croiser regards des victimes, regards institutionnels et regards des délinquants L’une des principales recherches de l’Observatoire, menée avec l’université de Sherbrooke au Québec, s’intéresse au phénomène du décrochage scolaire et tente d’analyser les variables interdépendantes qui influencent ce type de situation. http://www.obsviolence.com

2007

H20

CHRONIQUES 9


Crédit photo : CENBG

Un timbre qui vaut cent mammouths !

U

Technologie de pointe au cœur des atomes ne plate-forme unique en France, AIFIRA (Applications Interdisciplinaires de Faisceaux d’Ions en Région Aquitaine) s’est installée fin 2005 au Centre d’Etudes Nucléaires de Bordeaux-Gradignan. Au service de la recherche fondamentale et appliquée, ce nouvel outil utilise les dernières technologies issues de la physique nucléaire. Il permet aussi bien de caractériser la matière vivante et inerte que de modifier ses propriétés physicochimiques. Les domaines concernés sont très divers : médecine, environnement, archéologie, industrie et nanotechnologies. Cette plate-forme est constituée d’un accélérateur de particules délivrant des ions qui se déplacent sous vide dans des tubes appelés lignes de faisceaux. Les applications sont variées… Par exemple, en matière de radiobiologie, l’irradiation ciblée des cellules vivantes permet d’obtenir des informations sur les mécanismes de leur réponse à l’exposition à de faibles

doses de radioactivité. Celles-ci servent à développer de nouveaux traitements par faisceaux d’ions de tumeurs cancéreuses profondes. On parle alors « d’hadronthérapie », une alternative à la radiothérapie. Dans le domaine de l’environnement, la technique des faisceaux d’ions permet de dresser une cartographie des éléments toxiques dans l’atmosphère, les tissus animaux et végétaux. Les faisceaux d’ions sont également employés dans des études sur le traitement des déchets nucléaires. En effet, ils permettent d’obtenir des données physiques précieuses pour mettre au point des méthodes de transformation de ces déchets. Cela donne les moyens de prévoir les risques et de créer des outils pour les contourner… La liste des applications est très longue. La plate-forme AIFIRA promet des découvertes et des innovations inattendues… http://www.cenbg.in2p3.fr

L

La révolution des Nanos es matériaux de demain s’annoncent ultra légers et de plus en plus résistants, grâce à une innovation dans l’infiniment petit : les nanotubes de carbone (NTC). L’Aquitaine se place au coeur des nanotechnologies avec l’émergence d’un pôle de recherche et de développement sur les nanomatériaux. L’aventure commence au Pays de l’Adour, à Lacq près de Pau où le groupe Arkema, spécialiste en chimie des matériaux, a inauguré un pilote de laboratoire unique en Europe capable de produire près de 10 tonnes de NTC par an. Société de chimie de taille mondiale, Arkema produit depuis 2006 près d’une dizaine de tonnes de NTC par an, au prix de 300 à 500 euros le kilo. L’objectif d’Arkema est de produire d’ici 2010, 200 tonnes par an à 100 euros le kilo. Un défi ambitieux que les ingénieurs d’Arkema vont tenter de relever. En Europe, jusqu’ici la production des NTC restait très faible et limitée à quelques start-up. Les principales applications sont dans les domaines de l’aéronautique, de l’aérospatiale et du sport. Chez Arkema, les NTC sont fabriqués

10 CHRONIQUES

H20

2007

U

n timbre commémorant les cinquante ans de la re-découverte de la grotte de Rouffignac, surnommée « la grotte aux cent mammouths », a récemment été mis en vente. A elles seules, les figurations de cet animal dans cette grotte représentent la moitié de celles visibles dans les cavités d’Europe Occidentale. Cette caverne du Périgord noir a été ornée par nos ancêtres Magdaléniens (de 15 000 à 10 000 ans av. JC) d’un bestiaire gravé et peint où domine ce pachyderme (158 représentations). C’est donc en hommage à leur talent que les artistes modernes de l’imprimerie des timbres de Boulazac, située également en Dordogne, ont émis ce timbre gravé en taille-douce et imprimé en feuille de trente exemplaires. Seuls 7 à 8 types de timbres, dont la Marianne, le timbre le plus courant, y sont imprimés selon cette tradition d’impression basée sur le travail d’un artiste graveur. Chaque détail est gravé dans une plaque d’acier par ces virtuoses du burin, rendant l’ensemble d’une part très esthétique (chaque nuance dépendra du relief exact des entailles) et d’autre part impossible à reproduire.

à partir d’éthanol. Son procédé de fabrication breveté consiste à injecter de l’éthanol dans un réacteur chauffé à très haute température. La poudre de NTC est ensuite, soit purifiée pour être utilisée dans les domaines de l'électronique, ou de l'énergie (encore en expérimentation), soit « enrobée » d’un polymère approprié pour une meilleure dispersion en tant qu’additif dans des matériaux composites. En plus de leur légèreté et de leurs performances mécaniques exceptionnelles (résistance, flexibilité, plasticité), ces matériaux composites obtenus avec les NTC ont une très bonne conductivité thermique - c'est le cas du diamant - et possèdent aussi une excellente conductivité électrique, voire se comportent comme semi-conducteurs. Les NTC peuvent être utilisés pour fabriquer des téléphones portables, des piles à combustible faiblement consommatrices d’énergie, des équipements de voitures, des structures d’avions, des éoliennes, ou encore du matériel de sport… Imaginez un vélo ne pesant que quelques kilos et à la résistance des pièces composites nettement améliorée, ou un écran d’ordinateur enroulable que l'on peut glisser dans la poche. Le monde des nanos nous promet des merveilles... http://www.arkema.fr


Partenariat européen sur les biomatériaux pour Rescoll

L

dans les domaines des biomatériaux, traitements de surfaces et fabricants d’implants de 13 pays de l’Union, travailleront donc ensemble pendant les trois prochaines années. Ils mettront au point des implants de remplacement d’os, sur lesquels le tissu osseux pourra se développer, évitant ainsi tout rejet, réduisant les problèmes d’infection … Les caractéristiques mécaniques de ces implants (rigidité, flexibilité, résistance…) permettront d’éviter la décalcification de l’os proche

de l’implant. Rescoll, entreprise issue il y a plus de 10 ans de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie et de Physique de Bordeaux (ENSCPB), apportera au projet son expertise en biomatériaux et polymères. Les matériaux composites sont en effet constitués d’une résine polymère renforcée de fibres. Il faudra donc choisir les résines et fibres adéquates, ainsi que les procédures de polymérisation (solidification de la résine). Le choix n’est pas simple puisqu’une partie de l’implant est amenée à

Crédit photo : CNES/Novespace

a société de recherche contractuelle Rescoll, située à Pessac, et 15 partenaires européens (entreprises et laboratoires de recherche) initient un programme de développement de prothèses partiellement résorbables en matériaux composites. Le projet « Newbone », évalué à 6,6 ME, sera co-financé par l’Union Européenne qui l’a retenu au sein du 6e p r o g r a m m e c a d r e d e recherche et développement. Les plus grands spécialistes européens

27

Première opération en apesanteur septembre 2006. Pour la première fois une intervention chirurgicale sur un être humain est réalisée dans des conditions de quasi-apesanteur, à une altitude située entre 7 600 et 8 500 m. Lors d’un vol dans l’Airbus A300 Zéro G, l’un des deux avions au monde capables de créer des séquences de microgravité, le professeur Dominique Martin, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice du CHU de Bordeauxa ainsi effectué l’opération avec la collaboration de l’anesthésiste Laurent de Conick. Une petite boule graisseuse a été retirée sur l’avant-bras d’un patient volontaire, Philippe Sanchot, qui avait été choisi non seulement en raison de sa pathologie (présence de nodules graisseux), mais également

à cause de sa résistance aux conditions d’apesanteur. Au cours d’une campagne de trois jours, l’avion géré par la société Novespace (filiale du CNES située à Mérignac), a embarqué des groupes d’expériences variées. Pendant chaque vol de trois heures, l’avion a décrit 32 paraboles. Lorsque l’avion s’élève à plus de 45 degrés, la gravité est d’abord augmentée pendant environ 20 secondes. Les passagers se sentent alors presque deux fois plus lourds. Suit une période de 22 secondes de quasi-apesanteur, avant la descente à 42 degrés pendant laquelle la gravité est à nouveau proche de 2 fois celle ressentie sur la Terre. Au total ce sont donc plus de 11 minutes de quasiapesanteur dont les scientifiques ont pu disposer.

se « dissoudre », afin de permettre à l’os de pousser dans la partie résorbée. La partie non-résorbée de l’implant assurera la tenue mécanique. Les partenaires du projet développeront d’abord un implant en forme de tige qui pourra remplacer une partie d’un os long tel un fémur. La technique, une fois au point, pourra être appliquée à des implants plus complexes de type hanche ou genou, qui représentent un marché considérable. http://www.rescoll.fr

En prévision de cette intervention chirurgicale, un bloc opératoire (4m x 2m x 2m) avait été spécifiquement construit par Georges Mérimée, de la société Ascendud, une entreprise au départ spécialisée dans la conception d’ascenseurs sur mesure. Cette chambre chirurgicale de structure aluminium a été conçue pour être légère et résister à des pressions très importantes, ici de l’ordre de 9 g (9 fois la gravité terrestre). Le champ opératoire et le système de filtration d’air ont également été fabriqués sur mesure pour l’opération. Pour des raisons de précision et de sécurité, les mouvements des médecins et des instruments doivent impérativement être maîtrisés lors des phases d’apesanteur. Les uns sont donc sanglés comme des alpinistes, et les autres aimantés à la table. Un petit plomb sert de témoin des séquences d’apesanteur. Ce n’est que lorsqu’il flotte que le chirurgien intervient sur le patient, afin que toute l’opération soit réalisée en conditions d’apesanteur. Dans l’Airbus A300 Zéro G, la difficulté est de saccader l’intervention lors de chaque période d’apesanteur. Le professeur Martin est convaincu que dans l’espace, en apesanteur constante, la plupart des interventions pourraient être réalisées, avec éventuellement des aménagements particuliers en cas de risques de saignements importants. La prochaine étape est d’apprendre à un robot les gestes du chirurgien. Les interventions seraient alors pilotées depuis la Terre par le médecin et réalisées par le robot dans les conditions d’apesanteur. CNES : Centre National d'Etudes Spatiales ESA : European Space Agency.

http://www.chu-bordeaux.fr 2007

H20

CHRONIQUES 11


De la céramique pour protéger les pistes de distributions électriques du tramway

C

’est un travail de fourmi qui a lieu la nuit sur les voies de tramway à Alimentation Par le Sol (APS) de Bordeaux. Penchés sur les sections isolantes des pistes, des ouvriers y collent des petits carreaux de céramique afin de les protéger contre l’usure due à l’abrasion. Cette procédure a été mise au point par le Centre de Ressources Technologiques Rescoll, spécialisé dans les matériaux. Cette jeune société, née de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie et de Physique de Bordeaux est venue en aide à l’entreprise Innorail (filiale d’Alstom) qui est à l’origine du système innovant d’APS. En effet, l’usure constatée (1 mm par an) provoquait des différences de niveaux entre les segments de pistes entraînant le décollement des frotteurs collecteurs de courant sur des distances allant jusqu’à trois mètres. D’où des coupures automatiques répétées du système d'alimentation. Durant six

L

Crédit photo : IXL

La plate-forme ATLAS de l’IXL

e Laboratoire IXL (ENSEIRB Université Bordeaux 1, CNRS) dispose depuis le 17 mars 2006 d’une nouvelle plateforme laser dénommée plate-forme ATLAS dédiée au test et à l’analyse des circuits électroniques

mois, différents matériaux ont été envisagés et testés pour leur résistance à l’abrasion. Le choix s’est finalement arrêté sur une céramique, utilisée principalement dans l’industrie pour recouvrir les fours de cuisson (en raison de sa bonne tenue thermique) et les grosses canalisations. Depuis fin juillet 2006, dès 22 h et jusqu’à 4 h du matin, une équipe de 20 personnes et deux machines spéciales fixent des carreaux de céramique de 2 cm de côté sur les segments isolants des pistes d’alimentation. Ce chantier se déroule toutes les nuits, sauf en cas de pluie, car la colle ne prendrait pas. Les 3 000 zones isolantes du réseau actuel ont toutes été traitées en 2006. En attendant de poser directement des barres isolantes en céramique sur les nouvelles sections de tramway, Innorail compte bien, grâce cette procédure, remédier à ce problème technique et prouver la fiabilité et la durabilité du système APS.

intégrés. Un faisceau laser permet par des mesures sans contact et non destructives de prélever localement à l’échelle d’un circuit intégré (taille minimale de motif élémentaire pour les technologies actuelles 65 nm soit 65 milliardièmes de mètre) des informations sur le fonctionnement du circuit. La plate-forme ATLAS qui utilise deux lasers délivrant des impulsions laser ultracourtes (inférieures à la picoseconde ou au millionième de millionième de seconde) permet de mettre en œuvre des techniques d’analyse des circuits intégrés dans le but d’optimiser leur conception et d’identifier

12 CHRONIQUES

H20

2007

Bordeaux étant la première ville où cette innovation a été mise en place à grande échelle, un certain nombre de problèmes techniques ont dû être résolus par des améliorations successives. Le coût d’un système à alimentation par le sol est bien plus élevé qu’un système classique, cependant à l’échelle globale du projet Tramway le surcoût des tronçons APS est de l’ordre de 1 à 2 % du coût global. Le coût total des aménagements pour le tramway de Bordeaux est d’environ 1 250 millions d’euros. Le tramway a déjà été largement adopté par le public et le système fait maintenant d’autres adeptes : la mise en place du tramway sur Bordeaux a en effet permis à Innorail de vendre le système APS à trois autres villes de France. Et la Communauté Urbaine de Bordeaux touchera des royalties sur la commercialisation du procédé dans d'autres villes.

Crédit photo : Cap Sciences

les origines de certaines défaillances rencontrées en utilisation normale. Cette plate-forme d’instrumentation optique et laser est le résultat d’un effort continu de recherche mené depuis 20 ans au Laboratoire IXL sur le thème de l’étude des circuits intégrés par faisceau laser. Elle a été mise en œuvre dans le cadre d’une collaboration avec la société STMicroelectronics et le Centre national d’études spatiales avec le soutien de la Région Aquitaine. Les techniques de test et d’analyse développées sur la plateforme ATLAS permettent de localiser des défauts submicroniques responsables

de défaillances irréversibles sachant que chercher un tel défaut à l’échelle du circuit intégré revient à chercher un grain de sable dans une pièce de 100 m2. Elles simulent aussi expérimentalement les effets des radiations sur les systèmes et circuits électroniques pour évaluer la sensibilité des systèmes dédiés à des environnements radiatifs (satellites, avions, centrales nucléaires…)... http://www.ixl.fr


L

a piscine de Bègles réouverte depuis septembre 2006 est dotée d’un bassin végétal qui se charge de la déchloration des eaux de rejet. Une technique vieille de plusieurs centaines d'années remise au goût du jour et qui utilise les capacités dites de « phytoremédiation » de certaines plantes qui peuvent nettoyer des eaux ou des sols contaminés par des polluants organiques et inorganiques. Ces éléments sont absorbés par les plantes qui les utilisent ou les évacuent par évaporation. Diverses espèces déterminées pour l’occasion par un protocole scientifique expérimental sont donc utilisées dans un bassin de 1 m 50 de profondeur pour une longueur de 25 mètres sur 2 mètres de large. Iris, joncs, graminées ou encore fougères flottantes fournissent un bel effet esthétique qui permettra d’éviter, les jours d’affluence, le rejet parmi les eaux usées de quelques 500 litres d’eaux chlorées en provenance du bassin. A chaque baigneur rentrant dans une piscine correspondent en effet 30 litres d’eaux rejetées. Les eaux de piscine, riches en chlore, empêchent le développement de germes dangereux pour les baigneurs, mais elles empêcheraient également le développement de toutes autres formes de vie si elles étaient rejetées sans être préalablement traitées… En les retraitant autrement que par les méthodes classiques d’épuration chimique, la municipalité de Bègles propose une alternative innovante et écologique. Le protocole élaboré prévoit l’évaporation rapide du chlore dans le bassin, sa fixation par de la lignine de bois grâce à des écorces, et sa phytoremédiation par les plantes sélectionnées. Les eaux ainsi traitées, d’une pureté équivalente à celle des eaux de pluies, sont ensuite réutilisées pour les toilettes du bâtiment, l’arrosage du jardin botanique des Bains et la balayeuse de la ville. Ce projet novateur a pu voir le jour grâce une initiative de la mairie de Bègles, le « 1 % scientifique », à l’instar du « 1 % culturel ». Un comité scientifique d’une vingtaine de spécialistes et d’acteurs locaux réunis autour de Liliana Motta, artiste-botaniste, le laboratoire EGID (Environnement, GéoIngénierie et Développement) ont participé à la mise en application du projet. http://www.egid.u-bordeaux.fr — http://mairie.begles.fr

u centre de recherche du Cemagref de Bordeaux, Yves Le Gat a conçu, testé et développé un modèle mathématique qui permet de prédire l’état de dégradation des canalisations souterraines qui collectent et transportent les eaux usées. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un projet européen de recherche, CARE-S, sur la réhabilitation assistée par ordinateur des réseaux d’assainissement. L’objectif est d’élaborer un outil informatique d’aide à la décision pour les gestionnaires de réseaux. Le logiciel d’Yves Le Gat permet par exemple de déterminer la probabilité qu’un tuyau en béton armé, d’un mètre de diamètre, installé il y a dix ans, dans un environnement donné, se trouve dans un état de détérioration donné. Il est ensuite possible de simuler son vieillissement en fonction du temps. Les 11 pays européens partenaires de ce grand projet ainsi que l’Australie rassemblent non seulement des centres de recherche, mais également l’expérience pratique de centres de gestion des eaux. L’outil informatique complet regroupe un ensemble de logiciels conçus par différents partenaires. D’ores et déjà, il est possible de calculer les coûts correspondants à différents scénarii de réhabilitation. A terme, des fonctionnalités complémentaires permettront d’intégrer d’autres paramètres de type sociologique, comme l’impact des travaux de réhabilitation et des défaillances techniques sur les réseaux auprès des usagers. L’outil logiciel devrait commencer à être diffusé dès 2007. (source : Cemagref) http://bordeaux.cemagref.fr

Crédit photos : Laure Perrot

A

Un bassin végétal pour traiter les eaux de piscine

Crédit photo :Cemagref

Un logiciel pour prédire l’état des canalisations souterraines

Les compétences régionales en pharmacie et santé s’affichent

L

es industriels et les chercheurs aquitains dans les secteurs de la pharmacie et de la santé présentent leurs compétences sur un site Internet (www.competences-sante.fr). Il est ainsi possible de rechercher de manière très simple des professionnels de l’étude clinique, ou du conditionnement, en passant par l’extraction végétale ou le contrôle qualité, dans les secteurs du médicament humain ou vétérinaire,

des cosmétiques, des dispositifs médicaux… En un an d’existence du portail, plus de 300 compétences ont été répertoriées dans 118 entreprises et 72 laboratoires de recherche. Cette initiative, coordonnée par le Groupement interprofessionnel des industries pharmaceutiques et de santé du sud-ouest (GIPSO) qui a fêté ses 30 ans en 2006, semble répondre à un véritable besoin. En effet, depuis sa mise en ligne en septembre 2005, plus de 26 900 visiteurs se sont connectés sur le site. L’intérêt est loin de n’être que régional avec 60 % des visiteurs venant du reste de la France et 20 % de l’international. Cette nouvelle vitrine va renforcer le Pôle de compétitivité Prod’Innov, valoriser le paysage de compétences du secteur et aider au développement de partenariats. http://www.gipso.org 2007

H20

CHRONIQUES 13


Crédit photos : CTBA

uelles seront les conséquences du changement climatique sur la biodiversité des forêts ? C’est la question à laquelle vont tenter de répondre, au cours des cinq prochaines années, les 25 partenaires scientifiques du réseau Evoltree. Ce projet de 14,3 Millions d’euros, qui touche 15 pays européens, a débuté en avril 2006 et sera coordonné par Antoine Kremer directeur de l'unité mixte de recherche « Biodiversité, gènes et écosystèmes » INRA-Université Bordeaux 1. Quatre disciplines permettront d’aborder la problématique de manière complémentaire : l’écologie, l’évolution, la génomique et la génétique. Les recherches d’Evoltree s’intéressent à la diversité des arbres, à leur évolution en réponse aux changements climatiques, et aux conséquences de cette évolution sur la biodiversité des écosystèmes forestiers. L’intensité des changements climatiques annoncés soulève en effet le problème de la réponse

Protéger ses yeux grâce aux légumes verts ?

L

es légumes verts produisent des molécules de type caroténoïde, dont deux (la zéaxanthine et la lutéine) semblent protéger de certaines maladies oculaires liées à l’âge. C’est l’un des résultats d’une enquête épidémiologique de l’Inserm menée par des équipes de Bordeaux et Montpellier. Les maladies en question sont la cataracte et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Avec le glaucome, ce sont les principales causes de cécité dans le monde. L’enquête épidémiologique a montré que le risque de DMLA et de cataracte était respectivement diminué de 93 % et de 47 % chez les personnes ayant des niveaux élevés de zéaxanthine par rapport aux sujets ayant des niveaux bas. Le risque de DMLA était diminué de 69 % pour les niveaux élevés de lutéine, et de 79 % pour les niveaux élevés de la lutéine et

14 CHRONIQUES

H20

2007

des espèces à longue durée de vie. Les capacités d’adaptation des arbres sont liées à la diversité génétique au sein des forêts. Un des objectifs du projet est de connaître l’ampleur et la distribution de la diversité des gènes impliqués dans l’adaptation au milieu : résistance à la sécheresse, longueur de la saison de végétation… Evoltree prévoit la mise en place d’un centre virtuel qui regroupera sous forme de réseau tous les partenaires impliqués dans les activités de génomique écologique. Un centre physique de ressources génomiques et biologiques, comme des extraits d’ADN de plusieurs forêts européennes, ainsi qu’une plate-forme de modélisation seront mis en place. Plusieurs sites expérimentaux d’observation seront installés pour la gestion de la diversité biologique et des processus évolutifs (flux de gènes, adaptation, colonisation...) sur l’ensemble de l’Europe. Les résultats seront diffusés non seulement

zéaxanthine combinés. En revanche, aucune association statistiquement significative de la lutéine ou de la combinaison de la lutéine et de la zéaxanthine n’a été trouvée pour la cataracte. Cette étude suggère un rôle protecteur important de ces caroténoïdes, et en particulier de la zéaxanthine, vis-àvis de la DMLA et de la cataracte. La DMLA est une dégénérescence du centre visuel de la rétine, appelé macula et la cataracte est une opacification du cristallin, lentille située en avant de l’œil. Si leurs causes biologiques sont encore mal connues, depuis quelques années le rôle des deux caroténoïdes dans ces maladies soulève un grand intérêt. En effet, ces caroténoïdes d’origine alimentaire s’accumulent de manière spécifique dans la rétine et sont particulièrement denses au niveau de la macula, où ils forment le pigment maculaire. Ils sont également les seuls caroténoïdes présents dans le cristallin. Les caroténoïdes filtrent la lumière bleue (la plus énergétique atteignant la rétine) et neutralisent l’oxygène dit singulet, protégeant ainsi la rétine et le cristallin des effets nocifs de l’exposition à la lumière. En effet,

auprès de la communauté scientifique, mais également auprès du grand public par le biais de diverses manifestations, et auprès des utilisateurs (pouvoirs publics…). Les travaux de Antoine Kremer, qui portent sur la diversité génétique des chênes en Europe, s’inscrivent dans l’optique de la gestion raisonnée et durable des chênaies. En collaboration avec de nombreux partenaires européens, Antoine Kremer a réalisé la plus vaste étude de diversité génétique jamais entreprise sur des organismes vivants, avec plus de 2 600 populations de chênes étudiées. Le 15 mars 2006, Antoine Kremer a été officiellement désigné lauréat du prix Marcus Wallenberg 2006. Ce prix, que certains nomment « le prix Nobel de l'industrie forestière », a été créé en 1980 par un groupe papetier suédois. http://www.evoltree.org

Crédit photos : Nicolas Leser

Les forêts face Q au changement climatique

après la peau, l’oeil est l’organe le plus sensible aux radiations solaires. Les derniers résultats concernant le rôle des caroténoïdes semblent mettre en évidence l’influence également protectrice d’une alimentation riche en légumes verts, tels que les brocolis, les épinards ou le chou vert. (source : Inserm) http://www.bordeaux.inserm.fr


C

Premier « bâtiment passif » en Aquitaine

Inauguration de la Plateforme de Génomique Fonctionnelle de Bordeaux

A

près la révolution du séquençage des gènes, une nouvelle ère s’est ouverte, celle de la génomique fonctionnelle, l’étude de la fonction des gènes. Inaugurée en décembre 2006, la Plate-forme de génomique fonctionnelle de Bordeaux se dote de nombreuses technologies de pointe dans le domaine de la génomique afin de les mettre à disposition des équipes de recherche du CNRS, du CHU, de l’Inserm (spécialisé dans la santé), de l’Inra (spécialisé en biologie végétale), des universités Bordeaux 1 et 2, et du Centre de Lutte contre le Cancer (Institut Bergonié). Ces technologies viendront appuyer les axes scientifiques d’excellence dans la Région : les neurosciences, la biologie

en hiver et surchauffe en été. Avec tous ces efforts techniques, le concept maison passive permet de construire des bâtiments ayant un besoin d'énergie inférieur à 15 kWh/m2/an, alors que la moyenne nationale est largement supérieure à 250 kWh/m2/an. Soit en moyenne 95 % de consommation énergétique, et financière, en moins ! http://www.ocean.asso.fr

végétale, le cancer... Ces axes présentent un potentiel important en terme de valorisation et de transfert pour les secteurs de la santé, de l’agroalimentaire ainsi que de l’agronomie et la sylviculture. Ces secteurs correspondent à des priorités régionales en terme de développement économique. Ils représentent des domaines d’activités couverts par les 3 pôles de compétitivité auxquels la Plate-forme est associée : Prod’Innov (Produits et procédés innovants pour la nutrition et la santé), Route des Lasers et Industrie, et Pin Maritime du Futur. « L'originalité du dispositif bordelais est de couvrir différents domaines technologiques, à travers un ensemble de plate-formes qui sont pilotées de façon coordonnée. » explique le directeur de la Plate-forme Antoine de Daruvar. De la séquence et l’analyse de l’ADN à l’étude des protéines qui en découlent, sept pôles scientifiques et technologiques proposent leur expertise. La bioinformatique et les techniques de microscopie complètent le panorama. http://www.pgfb.u-bordeaux2.fr

Un nouveau traitement pour les atmosphères polluées Crédit photo : IRD

’est au printemps 2007, à Bègles, que le bâtiment « passif » de l’association OCEAN devrait voir le jour. Cette association est née en 1995 du souhait d’une dizaine de jeunes universitaires bordelais de permettre au grand public d'accéder à une culture environnementale plus complète en proposant des activités pédagogiques, ludiques et touristiques. En accord avec ses thèmes d’activités culturelles et pédagogiques, ils prennent ici une initiative innovante en matière de bâtiment écologique, très économique en matière de consommation énergétique. Le futur siège de l'association sera donc conforme au « Standard européen maison passive » validé dans le cadre d'un projet financé par l’Union Européenne. Ce concept peut en effet être utilisé dans tous les pays de l'Union, de la Finlande où il permet d'économiser l'énergie pour le chauffage à la Sicile où il permet d'économiser l'énergie pour le rafraîchissement des bâtiments. Les bâtiments « passifs » sont ainsi nommés car ils exploitent, pour les besoins de chauffage, une quantité d'énergie extrêmement faible générée « passivement » par le rayonnement solaire, les appareils électroménagers, l'éclairage et les activités des habitants. Ce concept permet d'assurer aussi bien un confort d'hiver (20-24°C) qu'un confort d'été (16-20°C). Pour ce faire, les édifices doivent être parfaitement isolés et ventilés. Les éléments fondamentaux du bâtiment (plancher, murs, toiture) sont intégralement revêtus d’une enveloppe isolante (en moyenne 40 cm), pour éviter toute perte d’énergie. Portes et fenêtres isolantes sont également indispensables pour éviter tout déperdition de chaleur

E

n combinant deux procédés existants, des chercheurs du Laboratoire de Chimie Théorique et Physico-Chimie Moléculaire de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour ont pu mettre au point un nouveau système de traitement continu de pollutions atmosphériques. Les effluents soufrés reconnaissables à leur odeur, dans les papeteries et les stations d’épurations par exemple, font partie de la famille des Composés Organiques Volatils. Par cette nouvelle méthode, les chercheurs ont pu les piéger et les transformer améliorant ainsi la qualité de l’air. Jusque là, deux technologies distinctes étaient utilisées : l’adsorption* et la photocatalyse ayant chacune leurs inconvénients. 2007

H20

La solution proposée par les chercheurs palois est donc de combiner ces deux procédés. Ils ont synthétisé un matériau d’adsorption microporeux transparent à base de silice. Les dérivés soufrés s’y retrouvent piégés. Une molécule photo-active incorporée au matériau permet alors de les oxyder, en réaction à la lumière. Les polluants ainsi transformés libèrent la place afin que d’autres molécules puissent être piégées et oxydées à leur tour. Ce nouveau système a été primé lors du salon Pollutec-ADEME Energies 2005.

* Phénomène de fixation de molécules à la surface de solides ou de solutions.

http://web.univpau.fr/umr5624

CHRONIQUES 15


L’océanographie L se construit à Arcachon

Crédit photos : CRA / Romain Cintract

e futur Pôle Océanographique Aquitain, ambitieux projet de recherche et de formation à vocation nationale et internationale, devrait être implanté d’ici quelques années à la place de la station marine d’Arcachon. Ses activités seront centrées sur l’étude des environnements littoraux et des échanges continent / océan. La station marine d’Arcachon, crée en 1867, a été rattachée à l’université de Bordeaux en 1948. Elle est aujourd’hui une composante de l’unité « Environnements et Paléoenvironnements Océaniques » (EPOC université Bordeaux 1 / CNRS) et de l’Observatoire aquitain des sciences de l’univers. Le futur Pôle Océanographique regroupera un ensemble de laboratoires issus de différents organismes de recherche. Un investissement particulier sera consacré au littoral aquitain, dont les chantiers « Lagune d’Arcachon » et « Estuaire de la Gironde »

Production de molécules d’ARN pour le secteur médical

G

râce à un apport de 1,6 million d’euros, la jeune société pessacaise MitoProd va franchir une nouvelle étape dans le développement de ses activités de production de molécules ARN (Acide Ribonucléique). Une augmentation de son effectif et de ses capacités de production lui permettra de satisfaire un nouveau marché, celui du diagnostic médical et à plus long terme celui de la thérapeutique. Depuis un an, et grâce à une technologie dont elle a l’usage exclusif, l’entreprise produit et commercialise ces molécules pour les laboratoires de recherche. En effet, ces molécules intermédiaires dans la production naturelle des protéines sont à la fois sujets d’études et outils intéressants pour la recherche. Elles ont maintenant un avenir prometteur dans le domaine du diagnostic (détection de virus par exemple) et même en tant que médicaments. La molécule d’ARN est utilisée dans le domaine de la recherche afin d’étudier les formes qu’elle peut adopter et les fonctions qu’elle remplit au sein de la cellule. Il s’agit aussi d’identifier les protéines

16 CHRONIQUES

H20

2007

sont déjà considérés comme des cas d’étude d’intérêt communautaire par les programmes de l’Union Européenne. Des formations universitaires seront dispensées, avec une capacité d’hébergement d’une cinquantaine d’étudiants. Des stages thématiques, des écoles d’été et des séminaires nationaux et internationaux seront également organisés sur place. Un accueil sera également prévu pour des chercheurs étrangers, qui participeront aux études sur le littoral aquitain et les zones côtières adjacentes. Le site d’Arcachon, doté de moyens analytiques et expérimentaux modernes, a l’ambition de devenir une plateforme de recherche et de formation commune aux pays riverains de « l’Arc atlantique ». La station marine d’Arcachon développe depuis plus d’un siècle des collaborations avec la Société scientifique

d’Arcachon, qui gère sur le même site l’Aquarium et le musée. Celle ci sera directement associée au projet, le but étant de mettre en place au sein du Pôle Océanographique une structure de communication auprès du grand public sur les écosystèmes littoraux aquitains et les travaux de recherche qui leur sont consacrés. Au delà de la recherche académique et de la communication, le Pôle a l’ambition d’être un lieu d’échange entre les différents partenaires du milieu littoral : instituts de recherche, bureaux d’études, professionnels, usagers... D’un coût estimé à 18 millions d’euros, le Pôle Océanographique Aquitain, soutenu par l’Etat et la Région et conçu comme un campus multidisciplinaire d’une capacité d’environ 200 personnes à l’horizon 2010. Les travaux devraient commencer courant 2008. http://www.epoc.ubordeaux1.fr

avec lesquelles elle interagit. Mais si l’ARN intéresse aujourd’hui grand nombre de chercheurs, c’est qu’il pourrait constituer une nouvelle classe de molécules thérapeutiques. Les ARN constituent ainsi des « médicaments » prometteurs dans la lutte contre le cancer, les maladies liées à l’âge et les maladies virales (virus du SIDA ou VIH, virus de l’Hépatite C ou VHC, virus Ebola…). La société MitoProd dont Guillaume Plane est l’actuel PDG, est une société de biotechnologie bordelaise qui a vu le jour à l’Institut de Biochimie et Génétique Cellulaire de Bordeaux 2 en septembre 2004, sur une idée du Dr. Di Rago. Elle repose sur une technologie particulièrement innovante qui consiste à utiliser le processus de fermentation de la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae. Cette nouvelle technologie est la seule à permettre à ce jour une production d’ARN de grande taille (plus de 50 nucléotides et jusqu’à 3 000 nucléotides) et en quantité importante (>1 mg). La production d’ARN par kilos constitue un des objectifs pour 2009. En attendant, le nouvel apport financier, provenant essentiellement d'investisseurs anonymes, ainsi que du groupe Oséo et du fonds Aquitaine création innovation, devrait permettre à MitoProd d’atteindre une production de plusieurs grammes par mois. http://www.mitoprod.com


Mise en place de la chambre d’expériences du Laser Mégajoule (LMJ)

I

Crédit photos : CEA

nstallée fin 2006, cette chambre d’expériences constitue une étape majeure dans la construction du laser mégajoule sur le site du CESTA* au Barp (33). Assemblée et soudée sur le site même du chantier du LMJ, cette sphère de 10 mètres de diamètre et de 140 tonnes permettra dès 2011 la réalisation d’expériences de physique faisant converger l’énergie des faisceaux laser de l’installation. La construction

du LMJ qui a débuté en 2003 se poursuivra jusqu’en 2010. Il permettra d’étudier en laboratoire, à l’échelle microscopique, les propriétés de la matière portée à des températures et des densités extrêmement élevées et de recréer les conditions pour réaliser la fusion thermonucléaire de l’hyd r o g è n e . C e s é t u d e s répondront aux besoins des spécialistes CEA* des armes nucléaires. Le LMJ est en effet un outil expérimental du programme

* Centre d’Etudes Scienctifiques et Techniques d’Aquitaine. * Centre de recherche sur l’énergie nucléaire.

http://www-lmj.cea.fr

L

P

Ils scrutent le cerveau… Crédit photos : INB

Emballages Bio et actifs ourquoi ne pas emballer son fromage ou sa salade de thon dans des boites biodégradables et actives contre les microorganismes ? C’est dans cette voie que le laboratoire de Chimie des Substances Végétales (LCSV) de l’Université Bordeaux 1 s’est notamment engagé. Les emballages biodégradables et actifs sont déjà très utilisés aux États-Unis, au Japon et en Australie. En Europe, ce type d’alternative ne fait que démarrer, intégré à l’Unité des Sciences du Bois et des Biopolymères, le LCSV étudie des matériaux potentiellement bio-dégradables formulés à partir de composés d’origine naturelle pour pouvoir fabriquer des emballages antimicrobiens respectueux de notre environnement. Un emballage dit « biodégradable » est un emballage qui se dégrade tout seul, comme les épluchures de pommes de terre ou les feuilles de châtaigniers. Il peut ainsi être intégré à un compost pour, par exemple, fertiliser les jardins ou les champs. Les emballages biodégradables pourraient être fabriqués à partir de composés naturels extraits de certains végétaux (celluloses et dérivées, amidon, chitosane, etc.), mais leur sensibilité à l’eau pose problème. Le groupe Chimie des Matériaux Lignocellulosiques du LCSV transforme chimiquement ces composés pour réduire les effets nuisibles de l’humidité sur leur structure. En parallèle, pour répondre à la demande croissante d’amélioration de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires, le laboratoire élabore et étudie des emballages bioactifs. Un emballage devient bioactif quand il est doté de propriétés lui permettant de lutter contre les microorganismes. Les scientifiques cherchent ainsi à intégrer des molécules bioactives dans la matrice des emballages. Le nouveau matériau doit pouvoir modifier l’environnement dans lequel l’aliment est conditionné, de façon à prolonger sa durée de vie tout en conservant sa qualité. http://us2b.pierroton.inra.fr

Simulation destiné à garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires sans recourir aux essais auxquels la France a renoncé depuis 1996. Les études faites au LMJ mobiliseront les physiciens de la communauté scientifique internationale (physique de la matière, énergie et astrophysique).

es neurosciences, font partie des domaines d’excellence des scientifiques bordelais, avec le laser, le vin, l’aéronautique… Une nouvelle impulsion a été donnée à ce secteur avec l’ouverture en 2006 d’un centre de recherche spécialisé, qui a pour objectif de devenir « une véritable plaque tournante pour la communauté européenne des neurosciences ». Etudier les mécanismes des maladies du cerveau, telle est la mission du centre « Physiopathologie de la plasticité neuronale », centre mixte de l’Inserm et de l’Université Victor-Segalen Bordeaux 2. Mémoire, douleur, toxicomanie, maladie d’Alzheimer, sont parmi les nombreux sujets sur lesquels se penchent une soixantaine de chercheurs. Depuis plusieurs années déjà, les équipes travaillant sur les neurosciences à Bordeaux étaient structurellement regroupées dans l’Institut des neurosciences de Bordeaux (Université Bordeaux 2, Inserm, Inra, CNRS, CHU). Certaines équipes étaient installées dans l’Institut François Magendie, un bâtiment récent du campus Carreire de l’Université Bordeaux 2 qui abrite aussi des services communs et la direction régionale de l’Inserm. Le nouveau centre de recherche, qui fait toujours partie de l’Institut des neurosciences permet de décloisonner les équipes Inserm / Université Bordeaux 2 qui ont maintenant une direction scientifique commune. Le statut de Centre de recherche permet également d’offrir un espace d’accueil à de nouvelles équipes. Ainsi trois nouvelles équipes ont intégré le centre à sa création, et une autre devrait arriver en 2007. Pier Vincenzo Piazza, qui dirige le nouveau centre, espère ainsi intégrer une à deux équipes par an pendant 4 ans, et créer ainsi une dynamique et entretenir l’excellence. Autres ambitions du nouveau centre de recherche : une plus forte interaction avec l’industrie et le développement de la vulgarisation scientifique vers le grand public. http://www.inb.u-bordeaux2.fr 2007

H20

CHRONIQUES 17


Crédit photos : Pyrenex

Pyrenex,

des duvets 100% nature 4 l JULIE FRAYSSE

900 000 oreillers, 250 000 doudounes, 21 000 sacs de couchage, c’est ce que produit chaque année cette entreprise en pleine expansion. Détour au cœur des Landes. es poulets fermiers ne sont pas les seules vedettes à Saint-Sever. Ce petit village du cœur des Landes est aussi un véritable sanctuaire pour l’élevage traditionnel des palmipèdes gras. Leur doux plumage a d’ailleurs fait le bonheur des fondateurs de Pyrenex. Il y a 150 ans, cette entreprise familiale s’est lancée dans le négoce de plumes et duvets provenant des élevages de canards et oies de la

L

18

VISITES

H20

2007

région. « Au départ, le ramassage se faisait lors des périodes d’abattage, à l’aide de charrettes », explique Eric Bacheré, directeur des départements literie et sport. Mais les méthodes artisanales de la fin du XIXe siècle ont depuis longtemps laissé place à l’industrialisation. Chaque jour quelques 20 tonnes de plumes et duvets sont traitées dans cette vaste usine située au beau milieu de la zone artisanale de cette cité médiévale qui


Crédit photos : Pyrenex

compte nombre de conserveries et d’abattoirs de volailles. Pour arriver à de tels tonnages, des camions font le tour des abattoirs des Landes, du Gers, des Pyrénées-Atlantiques, de Dordogne, de Vendée, poussant parfois même leur périple jusqu’en Europe de l’Est. Le plumage des palmipèdes est en effet une denrée rare et précieuse. « En plus, explique le directeur produits, la Chine, principal pays producteur, connaît actuellement une certaine pénurie en raison de la grippe aviaire et d’une recrudescence de consommation de la plume sur son marché intérieur ». Résultat : c’est devenu un produit cher. L’exportation de ce plumage, sous forme de matière première traitée, constitue, aujourd’hui 50% du chiffre d’affaires de Pyrenex, les Etats-Unis constituant le plus gros marché. Mais depuis 1968, plumes et duvets, qui allient respirabilité, chaleur et légèreté repartent également de l’usine landaise sous forme d’oreillers, couettes, doudounes ou sacs de couchage. Si la France demeure le principal débouché pour ces produits, les Japonais en raffolent également, sous forme de couettes comme de doudounes. Les Suédois sont aussi très friands de ces plumes qui vont de l’argenté au blanc pur. « Environ 60% de notre chiffre d’affaires (22 Me en 2005) a été réalisé à l’export », explique Laetitia Gastellier, la directrice marketing.

Vers de nouveaux horizons C’est en 1968, que pour ajouter une nouvelle corde à son arc, Pyrenex s’est lancée dans la confection d’accessoires de literie. Aujourd’hui, ce sont en moyenne 900 000 oreillers, 250 000 couettes, 220 000 doudounes et 21 000 sacs de couchage qui sortent chaque année de cette usine de 142 salariés. La fabrication de produits confectionnés représente désormais la moitié du chiffre d’affaires de cette entreprise qui appartient à la famille Crabos depuis quatre générations.

« Nous fabriquons des oreillers et des couettes pour des grandes marques spécialisées dans le linge de maison comme Descamps, Carré Blanc ou Alinéa, mais également pour la grande distribution, avec Carrefour et Leclerc », explique Eric Bacheré. Doudounes et sacs de couchages sont fabriqués pour des marques leaders du surf et de la montagne. Mais depuis bientôt trois ans, l’entreprise Pyrenex, dirigée depuis 2004 par Edouard Crabos, 34 ans, a pris une nouvelle dimension. Elle a fait le pari, avec son équipe de stylistes, de donner une nouvelle dimension et à sa propre marque « Pyrenex », qui se positionne à la fois sur le marché du sport et de la literie. « On a misé sur le fait que la plume et le duvet sont des matières premières naturelles et on veut s’imposer comme les spécialistes du couchage 100 % nature», souligne la directrice du marketing. Le packaging est en carton, le coton utilisé biologique et la matière première traitée avec des huiles essentielles et non des produits chimiques. Une manière supplémentaire de se démarquer du garnissage synthétique qui représente aujourd’hui 80 % des ventes de couettes, oreillers et traversins. Du côté du marché du sport, la cible est plutôt celle « du consommateur qui cherche un produit technique dans lequel le côté naturel de la plume transparaît à travers les doudounes et sacs de couchage qu’il nous achète». Parallèlement à cette conquête de nouveaux marchés, la société landaise continue à investir. Elle s’est ainsi engagée, depuis de nombreuses années, dans une démarche qualité. L’obtention en 1996 de la certification ISO 9001 est un gage du suivi rigoureux de son processus de fabrication, de la collecte des plumes et duvets à la fabrication du produit fini. Désormais, c’est à une démarche de qualité environnementale qu’elle travaille afin d’être certifiée ISO 14001. « Aujourd’hui, tous les produits utilisés et rejetés sont contrôlés et nous limitons au maximum l’utilisation de matières polluantes, explique Eric Bacheré, ». A travers les décennies, Pyrenex a su continuer à innover tout en sauvegardant le savoir faire traditionnel sur lequel elle a bâti sa réputation ■

2007

H20

V I S I T E S 19

L’usine traite 20 tonnes de plumes et duvets par jour. La fabrication de produits confectionnés (couettes, doudounes, sacs de couchage) constitue la moitié du chiffre d’affaires.


E

Crédit photos : Frédéric Desmesure

xameca allie savoir-faire et innovation 4 l DANIEL TARNOWSKI

Dans le paysage aéronautique français, Exameca brille par sa réussite. Portrait d’une entreprise en pleine adéquation avec son marché. ne exposition de peinture dans le hall d’accueil, des ateliers équipés de machines blanches, une cabine téléphonique anglaise plantée au milieu de l’aire de détente : l’ambiance qui règne dans les locaux d’Exameca est curieusement décalée, presque “zen”. Mais il ne faut pas s’y tromper. Cette PME basée à SerresCastet, près de Pau, est l’une des plus performantes en aéronautique. Sa croissance en témoigne : 50 % en 2005, 30 % en 2006 et plus de 20 % prévus jusqu’en 2010. Pour Jean-Claude Ganza, son PDG, la recette du succès est simple : «anticiper les besoins du marché». Mais que signifie concrètement cette formule ?

U

Une taille bien proportionn e La première clé de la réussite d’Exameca est sa dimension-même : ni trop grande, ni trop petite. «Notre société existe depuis 1970. Au départ,

20

VISITES

H20

2007

c’était une entreprise de tôlerie et découpe, fondée par un ancien collaborateur de Turbomeca», explique Jean-Claude Ganza. Quatre ans plus tard, lui-même intègre la PME dont il devient directeur technique, directeur adjoint puis président-directeur général en 1986. «A mon arrivée, en 1974, il y avait 26 personnes. Aujourd’hui, nous sommes plus de 340, au sein d’un groupe d’environ 400 collaborateurs». Pour en arriver là, Exameca s’est développé suivant deux axes. Par croissance interne, au rythme moyen de 15 % par an. Et par croissance externe, via des acquisitions de sociétés et créations de filiales. Un bon exemple est celui du bureau d’études : une structure acquise en 2002 et qui compte aujourd’hui une trentaine de personnes. Rebaptisée Exameca Développement, cette filiale assure la conception des produits aéronautiques et des outillages, au sein du groupe. Autre exemple : Exameca Aérotube, filiale créée en 2004 et spécialisée dans la tuyauterie rigide de petit diamètre.


Crédit photos : Frédéric Desmesure

Fournisseur et partenaire des plus grands Résultat : le modeste sous-traitant d’hier est devenu «fournisseur de rang un» des motoristes et des équipementiers dans l’aéronautique. «Cela signifie que nous assurons nous-mêmes l’étude et la conception des produits que nous fabriquons pour nos clients». Ceux-ci ont pour noms Turbomeca, Snecma, Dassault, Messier-Bugatti, Messier-Dowty, Goodrich, Airbus, Thalès, RollsRoyce, etc. Ces donneurs d’ordre veulent avoir à leurs côtés des entreprises capables de les accompagner dans le développement de nouveaux programmes. Exameca conçoit et fabrique pour eux des pièces de moteurs ou d’équipements techniques pour avions et hélicoptères : tuyères, carters, entrées d’air, volutes, trappes de train d’atterissage, etc. 12 000 articles sortent ainsi des ateliers de production de Serres-Castet. Un autre besoin - plus classique mais tout aussi impérieux - du marché concerne le savoir-faire et l’innovation. Là aussi, Exameca est au rendezvous. Sa spécialité est la mécanosoudure. Traduisez : fabrication de pièces en métal, formées de plusieurs éléments usinés et assemblés. «Toute la difficulté est qu’il s’agit d’une activité multi-métiers, faisant appel à des compétences dans la découpe, l’emboutissage, la tôlerie, l’usinage, la soudure, le rivetage, jusqu’à la chimie et la résistance des matériaux», souligne JeanClaude Ganza. L’un des points forts d’Exameca est son savoir-faire en matière de déformation. «Nous sommes capables de déformer un morceau de tôle dans tous les sens, pour en faire ce que nous voulons». De fait, certaines pièces présentent

une architecture incroyable. Autre point fort, l’assemblage par soudure. «Nous arrivons à d’excellents résultats avec des matériaux très difficiles à souder, comme les titanes, par exemple. Des métaux qui ont l’avantage d’être très légers, tout en ayant les mêmes caractéristiques que l’acier».

2010 en ligne de mire Démarche qualité, certifications, développement durable : toutes ces caractéristiques sont devenues incontournables dans l’univers industriel. On les retrouve de ce fait chez Exameca. Depuis trois ans, le site de Serres-Castet est ainsi équipé d’une station de décapage à zéro rejet. «Nous l’avons mise en place dans le cadre de notre certification ISO 14 000», indique Jean-Claude Ganza. A 59 ans, le PDG d’Exameca a les yeux fixés vers l’avenir. En juillet prochain, 6 000 m2 de nouveaux bâtiments viendront s’ajouter aux 15 000 m2 existants. C’est la première tranche du projet «Exameca 2010». Un investissement de 11 millions d’euros, dont 4 pour la construction, qui sera suivi par une deuxième tranche de travaux en 2009. Toujours et encore dans le même but : anticiper les besoins du marché ! ■ 2007

H20

V I S I T E S 21

Exameca fait preuve d’un grand savoir-faire en matière de déformation du métal. Il est le fournisseur numéro un des motoristes et des équipementiers en aéronautique.


Crédit photos : Joackim di Dio

ayonne B métamorphose d’un port

4 l PHILIPPE-HENRI MARTIN

Pivot de l'économie dans le sud aquitain, le port de Bayonne vient de connaître au cours des dernières années d'importants travaux, réalisés grâce à des techniques classiques alliées à la plus haute technologie. es quais sont immenses et les dockers à peine une poignée. L’embouchure de l’Adour semble calme. Pourtant, le port de Bayonne, élément central du développement du PaysBasque, des Pyrénées occidentales et des Landes, vit toute l’année. Historiquement, les productions agricoles et le bois destinés à l'étayage des mines prenaient ici la mer ; le charbon et les marchandises dont avait besoin le territoire étaient débarqués sur ses quais.

L

22

VISITES

H20

2007

Aujourd'hui, les dockers chargent et déchargent près de 900 cargos par an, soit 3 900 000 tonnes de fret, sur les bords de l'Adour. Les hydrocarbures, le soufre, les acides, les potasses, et le méthanol de Lacq embarquent à Bayonne. Tout comme le maïs et le bois des Landes, brut ou transformé, notamment en panneaux de particules. En tête des destinations, l'Espagne, la France, le Maroc et l'Angleterre. Et le port voit débarquer de ces mêmes pays, mais


Crédit photos : Joackim di Dio

Près de 3 900 000 tonnes de frêt passent par le port de Bayonne chaque année.

encore de bien d'autres (Russie, Grèce, Venezuela, Congo…), des engrais, des véhicules neufs, de la pierre, de la tourbe ou, plus récemment, des éoliennes produites dans le nord de l'Europe. Or, de par sa situation et sa configuration, le port de Bayonne présente de multiples contraintes. Marées et courants obligent les navires à entrer ou sortir de l'Adour à des horaires très précis, un vrai casse-tête pour les autorités du port quand les mauvaises conditions météorologiques s'en mêlent. De plus, le port est au coeur de l'agglomération : les terrains disponibles pour son exploitation sont limités, et les contraintes environnementales fortes, aussi bien pour prémunir la population et les plages voisines de la moindre pollution, que pour aménager les accès routiers et ferroviaires. Enfin, et c'est un problème nouveau, il faut désormais sécuriser l'ensemble du port face à l'éventualité d'actes terroristes ou simplement délictueux. Bref, dès 1995, avant que le port n'atteigne la limite de sa capacité, un plan de travaux s'étalant sur douze ans a été lancé. Le premier gros chantier a concerné la zone Saint-Bernard, la plus en amont du port, où les bateaux viennent « éviter » (manoeuvre de demi-tour). En dix-huit mois, un million de tonnes de limon ont été aspirées dans le chenal et redéposées sur la berge. Cette opération a été

menée par une drague classique fonctionnant comme un gigantesque aspirateur, un principe connu depuis un siècle. Le résultat fut le gain de 25 hectares de terrain affectés à la manutention et au stockage, une profondeur du chenal portée à 7 mètres sous le niveau de la basse mer (10 mètres à quai) et un allongement du quai autorisant désormais l'amarrage de deux navires de rang. Un poste ro-ro (embarquement de véhicules et de remorques) a ainsi pu être créé. Quatre autres quais d'accostage ont également été, ou vont être, réaménagés. Le plus gros chantier consiste à aligner deux quais de la rive gauche. Formant initialement un angle obtus, leur alignement permettra d'amarrer trois navires en même temps au lieu de deux, un sérieux gain de capacité et de souplesse pour les exploitants du port. La méthode utilisée est celle du « quai danois » : trois lignes de pieux métalliques, protégés par un casque de battage, sont enfoncés de treize mètres dans le sol à l'aide d'un marteau-pilon piloté par une grue, une dalle de poutres croisées venant couvrir l'ouvrage. Par endroits, on utilise des palplanches d’acier en forme de U. Celles-ci permettent à la « muraille » d'absorber au mieux chocs et flexions, calculés à l'avance par les ingénieurs de la Direction Départementale de l'Equipement des PyrénéesAtlantiques, également chargée de la supervision 2007

H20

V I S I T E S 23


Crédit photos : Joackim di Dio

des travaux. Leur opération la plus « high-tech » fut menée fin 2005 : « le déroctage du redon », autrement dit l'arasement des rochers qui affleuraient, sur un kilomètre, au fond du chenal et présentaient un risque d'échouage. Un sonar couplé à un GPS a permis de relever une bathymétrie extrêmement précise (150 points par m2) de la zone à traiter. Puis est arrivée la drague « d'Artagnan », flambant neuve, construite en Hollande par le leader mondial du dragage. Unique au monde, celle-ci est équipée d'une élinde - un bras articulé au bout duquel tourne une fraise assez comparable à celle d'un dentiste. A ceci près qu'elle pèse plusieurs tonnes, est couverte de dents acérées d'une trentaine de centimètres forgées dans le plus dur des aciers et atteint 3 mètres de diamètre. Réduisant la roche en cailloux, la drague les aspire ensuite à proportion de 15 % de matériau pour 85 % d'eau. Avant la construction de cette drague seuls les explosifs, coûteux, polluants et hasardeux, autorisaient de tels travaux. Une fois achevé son tout premier contrat à Bayonne, la « d'Artagnan » est partie sur des chantiers en Espagne et au Qatar. Le dernier des grands travaux à venir est le renforcement de la digue qui protège l'entrée du port de la houle. Construit dans les années 60, cet ouvrage de 1 152 mètres de long donne des signes de

faiblesse. Un relevé au laser va permettre de réaliser un modèle numérique au millimètre près. L'épaisse dalle qui couvre la digue sera ensuite forée pour intervenir au coeur de l'ouvrage : des roches y seront déposées, puis calées par du béton injecté dans de grandes chaussettes prenant la forme des cavités à combler. Enfin des blocs de béton de 5 à 40 tonnes, charriés sur la digue à l'aide d'une grue, viendront renforcer le tout. La voie étant trop étroite sur la digue, les ingénieurs de la DDE ont mis au point un système de déplacement original consistant à faire avancer la grue comme un culbuto, calée alternativement sur son avant ou sur son arrière. Seul ce chantier sur la digue, pourtant indispensable, n'offrira pas de retour sur investissement. Tous les autres, accomplis pour les trente ou quarante ans à venir, seront amortis en moins de dix ans. Depuis août 2006, le port de Bayonne est le premier port décentralisé en France. Le Conseil régional d'Aquitaine qui est en effet devenue la première collectivité territoriale à s'approprier un port de commerce, dispose donc d'un outil d'aménagement du territoire parfaitement opérationnel. Sa priorité : faire prendre la mer à une partie des poids lourds qui saturent les axes routier de la région. ■

Plus d’un million de tonnes de ferrailles recyclées des 2008

Ouverte en 1996 sur la zone portuaire de Bayonne, l'Aciérie de l'Atlantique, détenue par le groupe espagnol Añon, est l'une des plus modernes d'Europe. Chaque jour, elle réceptionne des milliers de tonnes de déchets métalliques arrivant du monde entier : câbles électriques, voitures, vélos, électroménager, bateaux, t u ya u x … L a g r u e q u i décharge les cargos à quai n'a qu'à pivoter de

24

VISITES

180 degrés pour alimenter l'usine. Là, un panier de 175 tonnes de ferraille est soumis à un arc électrique provoqué par trois électrodes de la taille d'un poteau télégraphique. Les 5 000 degrés Celsius foudroient l'amas de ferraille en quelques secondes. Après ajout de silicium, de manganèse et de carbone, il en sort 155 tonnes d'acier en fusion. La coulée continue produit des rails de douze mètres de long,

H20

2007

stockés sur le quai à peine trois heures après le grutage des déchets dont ils sont issus. Ils reprendront la mer presque aussitôt en direction de la Corogne, où un laminoir du groupe produit des fers à béton. Av e c s a p r o d u c t i o n annuelle de 750 000 tonnes d'acier, cette entreprise de 230 salariés (basques, français et espagnols) assure le tiers du trafic portuaire

bayonnais. En 2008, ce sera près de 50 % de ce trafic, la production devant être amenée à 1 000 000 tonnes. Iñaki Arberas, le directeur de l'usine, voit l'avenir avec optimisme : les cours de l'acier montent, le recyclage a le vent en poupe, et il assure que toutes ses études d'impact sur l'environnement montrent d'excellents résultats.


Crédit photos : CESA

Le trésor Extraite de plusieurs mètres de profondeur dans un gisement de calcaire exceptionnel, la chaux blanche de Saint-Astier fait parler d’elle aux quatre coins du monde. Ses qualités spécifiques en ont fait un produit rare et convoité. Visite d’un site hors du commun, exploité depuis plus de 150 ans.

souterrain du Périgord

4 l CLAIRE MORAS

A

une dizaine de kilomètres de Périgueux, sur le long de l’A89, se détachent les hauts fours d’un site industriel unique en France : l’unité de chaux de Saint-Astier. Depuis 1850, l’entreprise exploite le calcaire du Périgord pour produire de la chaux blanche naturelle. Quarante hectares de carrières s’étendent ainsi sous nos pieds, sur plus de 12 mètres de profondeur. Un labyrinthe souterrain baigné par une humide obscurité. De larges blocs de calcaire viennent entrecouper les 2007

H20

V I S I T E S 25


Les chaux calciques ou aériennes (CL 90) sont issues de calcaire très peu siliceux. Le Château Digoine (Bourgogne) a été rénové il y a près de 3 ans. Les badigeons de la face principale et des deux tours sont issus de la chaux de Saint-Astier.

Crédit photos : CESA

galeries. Ils sont laissés volontairement en guise de piliers de soutènement, et représentent 1/3 de la surface. Datant de 150 millions d’années, la roche est d’une qualité unique en Europe. « On peut faire de la chaux avec n’importe quel calcaire, mais sa qualité dépendra du calcaire utilisé. Ici, la pierre est blanche, homogène, et présente un taux de silice combinable à la cuisson, ce qui lui confère une qualité exceptionnelle », explique Antoine Bastier, un des deux co-directeurs du site. Plus loin, un concasseur à mâchoires broie les blocs de pierres extraits par explosion. Il les entraîne vers un tamis, puis les particules de diamètre supérieur à 15 mm remontent vers l’extérieur. Là, deux grands fours à charbon les attendent. Cuit à 950° C, le calcaire se transforme alors en chaux vive, un produit basique comparable à la soude. Il faut l’arroser et le laisser plusieurs heures dans des silos d’extinction afin de le transformer en chaux éteinte. Après une dernière vérification de la granulométrie, la chaux obtenue est emballée, ou directement expédiée vers la société de mortiers implantée sur le site.

26

VISITES

H20

2007

Un produit naturel en vogue Comme l’argile, la chaux est utilisée depuis plus de 6 000 ans. Les civilisations mésopotamiennes, égyptiennes, les Incas ou les Mayas avaient déjà recours à ce matériau pour bâtir. Toujours d’actualité, la chaux de Saint-Astier sert pour le bâtiment et notamment pour la restauration du patrimoine. « Comme la chaux est plus longue à durcir que le ciment, elle a le temps de se lier avec le matériau de base. Elle est aussi plus résistante à long terme », commente Antoine Bastier. Et si la chaux de Saint-Astier est aussi réputée, c’est parce qu’elle possède un taux de silice naturel qui lui donne à la fois la faculté de durcir sous l'eau et de se recarbonater au contact de l'air. Ces propriétés hydrauliques et aériennes, combinées à sa blancheur naturelle, en font un matériau de plus en plus convoité. « On va progressivement vers un retour aux matières premières naturelles. Le ciment a été un concurrent sérieux au vingtième siècle de par sa rapidité de prise, et beaucoup de chaufourniers ont disparu. Mais aujourd’hui, on se rend


Crédit photos : CESA

Le Pont Neuf est rénové régulièrement, tous les ans une nouvelle arche est en chantier. Le rejointement et le coulinage sont faits avec de la chaux naturelle hydraulique.

compte des avantages de la chaux et son utilisation augmente ». 250 000 tonnes de chaux sont ainsi produites chaque année en France, contre encore 20 millions de tonnes de ciment.

Le d but d une longue histoire Dirigée conjointement par les familles Bastier et Stipal depuis trois générations, l’entreprise est restée familiale avec les deux co-directeurs du même nom. Le site emploie aujourd’hui 120 personnes sur trois usines, deux usines fabriquant exclusivement les chaux naturelles, une autre spécialisée dans la production de liants et mortiers. Un laboratoire y est même rattaché pour concevoir de nouveaux produits en fonction de la demande des clients. Les « chaux de Saint-Astier » sont devenues les premiers producteurs français indépendants avec 70 000 tonnes de chaux et 40 000 tonnes d’enduits, dont 10 % sont destinés à l’export (Europe, Japon, Israël, USA). Mais devant cette demande grandissante,

l’exploitation reste toutefois limitée : « nous sommes évidemment soumis aux procédures d’autorisation, qui quelquefois nous sont refusées à cause d’une rivière, d’une voie ferrée, d’une agglomération, ou plus récemment de l’autoroute A89. Le tracé devait passer au dessus de nos réserves d’exploitation mais nous avons quand même réussi à en dévier une partie », explique Antoine Bastier. Et lorsqu’on lui demande combien de temps il reste avant l’épuisement du calcaire, le directeur sourit. « Le terrain recèle encore de grandes capacités d’extension rien qu’à la profondeur actuelle. Après, il sera possible de faire un deuxième sous-sol, voire plusieurs étages, mais je ne serai plus là pour le voir ». Les chaux de Saint-Astier ont encore un bel avenir devant elles… ■ Le site ouvre ses portes en été pour les particuliers, et toute l’année pour les professionnels.

2007

H20

V I S I T E S 27


Esquad 4 l LAURE ESPIEU

28

Depuis 2005 , la jeune start-up bordelaise commercialise un pantalon ultra résistant, alliance révolutionnaire de coton et de polyéthylène : un atout fashion contre les chocs.

VISITES

H20

2007

Crédit photos : Esquad

tisse le jean costaud des fous de moto


epuis un an, Pierre-Henry Servajean est fidèle à son jean. En toutes circonstances. Il en est devenu à la fois le meilleur testeur et le plus convaincu des ambassadeurs. Toujours en quête d’un avis, il se lève, tourne sur lui-même, détaille le système ergonomique de pliage au niveau des genoux, la découpe sur les fesses… Intarissable. Dix ans qu’il porte le projet. Puis, au milieu de l’été 2005, il démissionne d’un poste de cadre commercial à Castres pour se lancer dans l'aventure de la commercialisation de son invention. Histoire de passion, le jean « Esquad » est né du goût de Pierre-Henry pour la moto. A la suite d’une chute, le jeune homme se brûle une partie des fesses en dérapant sur le bitume. Il décide alors de se protéger, et d’acheter un équipement correct, pour être à l’abri. Tout y passe : gants, blouson, et surtout pantalon. Aucun doute : « J’ai pris ce qui se faisait de mieux ». Malheureusement, peu après, le motard retombe. Et à nouveau, son pantalon s’arrache et il se blesse. « C’est là que j’ai commencé à vraiment ausculter le marché, explique-t-il. Et l’offre est bien maigre. D’un côté les pantalons en cuir, résistants, mais un peu contraignants au niveau du look, et avec un gros problème de confort l’été. De l’autre, les pantalons en nylon renforcé comme celui que j’avais choisi, mais donc pas vraiment fiables ». Entre les deux, aucune alternative.

Crédit photos : Esquad

D

Le jean Esquad est d’une résistance incroyable. Les coutures ne bougent pas même après avoir soulevé un 4X4 de quatre tonnes !

Suspendre un 4x4 Ca tombe bien, à cette époque, Pierre-Henry travaille justement chez un grand marchand de tissus. Le textile, c’est son truc. « J’ai réfléchi, et je me suis mis à visiter les salons spécialisés, afin de trouver une matière adaptée. Elle n’existait pas. Du coup, j’ai voulu chercher les fils. Et là 2007

H20

V I S I T E S 29


Crédit photos : Esquad

d’ailleurs baisser la voix, car les trois copains partagent sur ce point un grand sens du secret, anxieux de se faire copier leurs secrets de fabrication. La fibre spécifique, dont les caractéristiques techniques sont d’habitude plutôt utilisées dans l’armement, le spatial ou l’industrie offshore, est produite aux Etats-Unis, par un grand groupe chimique, réalisant 80 % de son chiffre d'affaires avec le secteur militaire. Elle est assemblée quelque part en France avec le bon vieux coton. Puis expédiée vers des ateliers de confection au Maroc. Une fois terminés, les pantalons réintègrent la plate-forme logistique implantée à Castres.

Un nouveau brevet

L’Armalith® est un textile nouvelle génération qui mêle 66 % de coton à un polyéthylène. Il résiste bien mieux aux abrasions qu’un textile ordinaire.

non plus, rien d’assez technique pour résister à un choc en moto ». Il a le déclic, et après différents tests réalisés par des tisseurs régionaux, c’est la première pierre pour les vêtements Esquad : Pierre-Henry Servajean invente un textile de nouvelle génération, l’Armalith®, mêlant 66 % de coton, à un polyéthylène de forte densité, testé et validé par l’Institut français du textile et de l’habillement. Avec une allure fashion et discrète, ce jean est d’une résistance exceptionnelle à l’abrasion. Au dernier Salon professionnel de la moto il a même servi à suspendre un Hummer (un 4x4 de quatre tonnes) ! Le test a duré un quart d’heure, et les coutures n’ont pas bougé. Révolutionnaire. D’autant qu’une fois le deux-roues garé, il reste aussi portable au travail. Un brevet est déposé en 2003. Et après plusieurs mois de recherche, de tests et de mises au point, la première collection apparaît au printemps 2006. Composée du concepteur et de deux associés -Pascal Montés et Didier Tora-, la toute jeune société s’installe à Bordeaux, accompagnée par la technopôle Bordeaux Unitec. Mais si c’est bien là que l’on rencontre les dirigeants de l'entreprise, l’ensemble de la production est aujourd’hui éparpillée aux quatre coins du monde. Pour en parler, mieux vaut

30

VISITES

H20

2007

Aujourd’hui, la gamme comprend quatre modèles de pantalons en deux versions (classique et technique), chacune déclinée au masculin et au féminin. Ils sont commercialisés dans douze points de vente (des magasins spécialisés dans les accessoires de moto) partout en France. Le démarrage est encourageant avec déjà plus de 1 000 unités vendues. Les associés de la start-up Esquad ne manquent d’ailleurs pas de projets. Ils multiplient les partenariats. Avec le groupe EADS (European Aeronautic Defence & Space Company) qui fait office d’interface, et les oriente vers les acteurs les plus innovants en Aquitaine. Mais aussi avec l’ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d'Arts & Métiers) de Bordeaux, qui travaille depuis quatre ans sur un programme de protecteurs de chocs et vient de mettre au point un brevet qui promet d’être aussi radical que le précédent. En ligne de mire, les trois associés envisagent sérieusement de s’intéresser aux sports urbains de glisse, tels que le skate ou le roller dont les débouchés sont aussi alléchants. Pour Pierre-Henry Servajean, « C’est une aventure palpitante, comme de mettre des coups de bélier dans la porte d’un château fort. On sait qu’avec de l’acharnement, toutes les portes finissent toujours par s’ouvrir. Et là, on pénètre dans le « domaine du rêve ». ■


Crédit photos : Yann Kerveno

Nérac c’est ici que tout commence

4 l YANN KERVENO

Le Néracais et le Lot-et-Garonne sont des terres de prédilection pour la multiplication des semences et leur production commerciale. Micro-climat et savoir-faire justifient l’implantation des grandes entreprises du secteur pour y produire des graines de betteraves, d’espèces potagères ou de céréales.

e Néracais est un pays de transition, comme il en existe tant, un pays dont les paysages se fondent pour nous permettre de passer sans heurts des coteaux de Garonne, qui donneront plus loin naissance aux premiers contreforts modestes mais réels du massif central ou bien aux vastes espaces du Gers qui font le bonheur des céréales ou de la vigne. Le Néracais est donc

L

un pays où le sol se déroule en trois dimensions, comme frappé d’une impatience juvénile, et fort d’une vigueur remarquable. Haut lieu de l’agriculture lot et garonnaise, il abrite l’un des établissements de formation agricole les plus importants du département et peut revendiquer, le titre de « capitale de la semence ». Tous les grands noms de la production de semences 2007

H20

V I S I T E S 31

Le Néracais est un haut lieu de l’agriculture lot et garonnaise. Depuis plusieurs années, des entreprises de renom dans le domaine de la semence s’y sont installées.


végétales sont en effet présents dans cet espace grand comme un mouchoir de poche, de Syngenta à KWS en passant par l’incontournable Vilmorin, référence des jardiniers et de l’histoire de la sélection du blé. « Les premières entreprises se sont installées physiquement dans le secteur autour de 1950, mais on multipliait déjà des semences de betteraves dans le Lot-et-Garonne dans l’entre-deux-guerres » précise Pierre Réau, animateur de l’Association régionale interprofessionnelle des semences d’Aquitaine (ARISA). L’agriculture locale avait plusieurs atouts aux yeux des semenciers pour les pousser à s’installer massivement dans la région.

main d’œuvre, familiale notamment, l’expérience acquise en plus de cinquante ans par les agriculteurs lot et garonnais sont aujourd’hui des atouts incomparables. « Pour un hectare de choux semences par exemple, il faudra compter avec 400 heures de travail, contre 70 heures pour le maïs… » Atouts qui viennent compléter, pour certaines espèces, l’éloignement géographique des grandes zones de production, comme c’est le cas pour la betterave par exemple. Eric Gombert (KWS), précise « L’une de nos productions phares dans le département reste la betterave porte-graines pour laquelle nous passons des contrats de multiplication avec les agriculteurs et menons des expérimentations en faisant produire de petites quantités de graines. » La société allemande, basée principalement à Buzet, compte un peu plus de 200 agriculteurs sous contrats et reste en Lot-et-Garonne pour le climat. « Ici les hivers ne sont pas trop rigoureux et les températures enregistrées au printemps et en été sont très adaptées par exemple au cycle bisannuel de la betterave. Nous pouvons produire des semences en 12 mois au lieu de 18 dans une autre région de France. »

Crédit photos :Yann Kerveno

R serves hydrauliques

Comme Bernard Cavaillé, à Trémons, de nombreux agriculteurs Lot-et-Garonnais multiplient les semences de betterave notamment (photo) mais aussi de céréales, de plantes potagères et d’oléoproétagineux.

12 mois au lieu de 18 « Il existe très certainement un facteur climat important dans les motivations des entreprises de production de semences pour qu’ils viennent s’installer par ici, parce qu’il est justement tempéré, avec des hivers relativement doux » poursuit l’animateur de l’ARISA. Mais le facteur humain est aussi primordial. La taille des exploitations agricoles, la disponibilité en

32

VISITES

H20

2007

En ces époques où les règles du flux tendu s’imposent, l’avantage est considérable. Si la production de semences est très corrélée à l’état du marché, et subit parfois des à-coups brutaux, l’on a ainsi vu fondre les contrats de betteraves portes graines ces deux dernières années, en 2005, 6 300 hectares de terres ont été consacrées à la multiplication de semences dans le département, dont 1 130 pour la multiplication de semences de maïs, 2 670 hectares pour les céréales hors maïs, 1 400 hectares pour les betteraves porte-graines, 600 hectares pour les oléagineux (tournesol essentiellement) et enfin, 500 hectares ont été dévolus à la production de semences potagères. Il est enfin un autre atout d’actualité, qui plaide pour la multiplication commerciale des semences et l’expérimentation en Lot-et-Garonne, département connu pour s’être largement équipé en réserves hydrauliques. Plus de 3 000 lacs collinaires ont été construits par les agriculteurs depuis une trentaine d’années et sont destinés à stocker les eaux de pluies de l’hiver et du printemps pour irriguer les cultures en été. Savoir-faire, main d’œuvre, climat, équipement… Qui pourrait contester au Lot-et-Garonne, et au Néracais en particulier, ce leadership légué par l’histoire de l’agriculture ? ■


L

e CHU à cœur ouvert

4 l Reportage photographique réalisé par Frédéric Desmesure Texte de Jean-Luc Eluard

2007

H20

P O R T F O L I O 33


34 P O R T F O L I O

H20

2007


Pellegrin, principal site du CHU avec 1 515 lits sur les 3 326 des trois pôles, se dote aussi d'une construction neuve, le Pôle Ouest, qui regroupera ORL, ophtalmologie, chirurgie maxilo-faciale, chirurgie plastique et des grands brûlés. Une rationalisation de services éparpillés qui devrait, à terme, permettre d'économiser en proposant des filières de soins mais qui est aussi le plus lourd chantier actuel : 50 millions d'euros pour une architecture en modules centrés autour du bloc opératoire où malades légers et opérés récents ne doivent jamais se croiser.

Les urgences et l'humanisation. Pour tous les hôpitaux publics, ces deux enjeux sont devenus une priorité. Et le CHU de Bordeaux en pleine mutation depuis 5 ans n'échappe pas à la règle commune. Le CHU de Bordeaux, l'un des premiers de France, aborde sa dernière étape de rénovation qui s’insère dans le dispositif national Hôpital 2007. Pour le premier employeur de la région (14 000 salariés), une part importante des 150 millions d'euros de travaux investis entre 2002 et 2008 est ainsi consacrée aux urgences et à l’humanisation. Quatre des sept principaux chantiers actuellement en cours sur ses trois pôles concernent, de près ou de loin, l'amélioration des services d'urgence qui reçoivent actuellement 270 personnes par jour. Exemple, un système de radiologie dédié à l’orthopédie sera bientôt mis en place. fondé sur la technique innovante des « chambres à fils » mise au point par George Charpak, ce système permet d’obtenir des images du patient en trois dimensions, de la tête à pied, en position debout. Il permet en outre de diminuer par 10 la dose de rayons X par rapport à un examen radiologique conventionnel.

2007

H20

P O R T F O L I O 35


Au groupe hospitalier sud, qui comprend les sites de Haut-Lévêque et de XavierArnozan, la place n'est pas le problème central mais les urgences cardiologiques du Haut-Lévêque avaient du mal à répondre à l'augmentation des besoins. Un nouveau service d'urgences (coût : 23 millions d'euros) sera créé prochainement. Sa particularité : il pourra accueillir adultes et enfants. Très technique, le chantier permettra aussi, avec l'adjonction du service imagerie médicale, de diminuer les distances et de répondre à l'évolution des pratiques où le scanner devient un élément essentiel du diagnostic. Xavier-Arnozan, de son côté, répond aussi à l'évolution de la demande en s'équipant d'un bâtiment neuf pour recevoir les personnes âgées en soins de suite et réadaptation. Quarante lits auxquels s'adjoignent vingt autres lits en géronto-psychiatrie, issus d'un partenariat original passé avec l'hôpital psychiatrique Charles-Perrens. Un bâtiment en U qui s'articule autour d'un patio jardiné répondant au besoin d'humaniser la prise en charge de patients très âgés pour lesquels le passage à l'hôpital doit être le plus court possible.

36 P O R T F O L I O

H20

2007


Nouveauté, le caisson hyperbare d’un coût de 1 million d’euros qui permet de traiter tous les accidents liés à la décompression, les embolies gazeuses, les gangrènes gazeuses, d’améliorer la cicatrisation et les intoxications au monoxyde de carbone. Contrairement aux caissons du genre qui ne sont utilisés qu’en plongée sous-marine, celui-ci est médicalisé puisque équipé de capteurs permettant de mesurer les fonctions vitales du patient. Autre nouveauté, un robot de neurochirurgie qui permet un positionnement très précis des instruments chirurgicaux grâce à un bras robotisé piloté par ordinateur selon une trajectoire prédéfinie par le chirurgien à parti d’images en trois dimensions.

La problématique est différente à l'hôpital Saint-André, du fait de son passé : fondé en 1390, sa configuration actuelle date de 1829 et, par conséquent, "on y est toujours en travaux" souligne Patrick Compagnon directeur du plan, des travaux et de l’ingénierie. Mais l'implantation sur place du 4e IRM du CHU de Bordeaux, pour 2007, redonne un coup de neuf au prestigieux bâti et permet de fluidifier la fréquentation

des appareils d'imagerie à résonance magnétique qui est actuellement de 55 actes quotidiens sur l'ensemble des hôpitaux. Le coût de l’IRM s’élève à 2 millions d’euros, soit le même montant que celui de la rénovation du bâtiment qui doit l’accueillir. La remise aux normes des urgences correspond surtout à une réorganisation de l'espace pour éviter les goulets d'étranglement, nombreux lorsqu'il s'agit d'accueillir 20 900 personnes par an.

2007

H20

P O R T F O L I O 37


Symptomatique de cet attachement à mieux recevoir et à mieux traiter rapidement, la rénovation de la maternité de Pellegrin est aussi le chantier le plus délicat. Car il implique des interventions lourdes dans un bâtiment déjà existant et qui ne peut se permettre de "fermer pour travaux". Avec 4 402 naissances en 2005, cette maternité est l’une des premières de France mais n'avait jamais été rénovée aussi profondément, depuis sa création dans les années 70. Elle se dote d'un véritable service d'urgence pour les grossesses

difficiles mais aussi de chambres individuelles avec toilettes et douches. Une modernisation en quatre phases, pour limiter les perturbations et éviter les problèmes d'hygiène, qui coûtera 30 millions d'euros. Mais si ces travaux correspondent aux besoins du jour, Patrick Compagnon veut aussi pouvoir faire face aux exigences de demain. C'est le projet "d'hôpital vert" qui doit permettre de "consommer moins et mieux" avec le souci de respecter l’environnement. Les structures hospitalières sont en effet de véritables gouffres énergétiques avec une consommation

H20 38 F O L I O/ 2005 36 ■ P■O■R TH20

électrique de 170 mégawatts par jour (l’équivalent d'une ville comme Libourne ou Périgueux), une consommation d'eau de 600 litres par jour et par malade, soit 700 000 m3 par an, alors que (la moyenne hors hôpital étant de 150 litres par personne), auxquels s'adjoignent gaz et fuel, une facture qui s'élève au total à 10 millions d'euros annuels. C'est peu par rapport à un budget annuel global de 779 millions d'euros, plus de deux fois celui de la ville de Bordeaux. Mais c'est énorme, d'autant plus que l'établissement est taxé au prorata de sa production de gaz à effet de serre. Dès 2007, le projet sera sur les rails pour économiser au moins 10 % de la consommation actuelle. 2007


Pendant une quinzaine d’années Biscarrosse a été l’un des hauts lieux de l’aéronautique mondiale. De la base de montage et d’essais construite au bord du lac à l’hydrobase bâtie aux Hourtiquets, le petit village de résiniers de la côte landaise a vu passer plus de cent vingt hydravions.

Des paquebots volants à Biscarrosse

4 l MARIANNE PEYRI

2007

H20

M E M O I R E 39

Crédit photo : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse/Bonnot

Latécoère 300


Crédit photo : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse

Une base de montage et d’essais construite près du lac de Biscarosse dans les années 30

Lorsqu’au début des années 30 PierreGeorges Latécoère souhaite développer son activité, il choisit Biscarrosse et l’eau douce de son lac pour y installer une base de montage et d’essais. « On n’a rien inventé avec l’A380 », souligne Sylvie Bergès, directrice du musée de l’hydraviation local. « A l’époque les pièces des appareils sont transportées de l’usine de fabrication toulousaine jusqu’à Biscarrosse. Des ouvriers accompagnent chaque convoi et démontent en chemin tout ce qui gêne le passage. »

Au plus fort de son activité, la base landaise comptera entre 200 et 300 ouvriers monteurs. Elle accueille aussi des pilotes dont la tâche est de mener des essais sur les nouveaux modèles d’hydravions. Des appareils qui pour la plupart

40

MEMOIRE

H20

2007

entreront dans l’histoire. Et à leur tête, un Latécoère 28 baptisé « Comte de La Vaulx » et piloté par Jean Mermoz. Il est le premier à franchir l’Atlantique Sud sans escale en 1930. Six ans plus tard, Jean Mermoz disparaît au-dessus de l’Atlantique à bord d’un autre hydravion mythique, « La Croix du Sud », nom de code Latécoère 300. Quelques mois plus tôt, pour célébrer le tricentenaire des Antilles, le « Lieutenant de Vaisseau PARIS », unique modèle du Latécoère 521 jamais construit est exposé à Fort de France. Le succès est au rendez-vous pour ce véritable paquebot des airs et le « Laté 521 » poursuit sa tournée de démonstration jusqu’à Pensacola (Floride). Là, il fait les frais d’une météo capricieuse. Il est retourné et détruit dans une tempête. Ses pièces récupérées sont alors acheminées en bateau jusqu’au Verdon puis jusqu’à Biscarrosse où il faudra une année entière pour le reconstruire. En 1937, le « Laté 521 » est remis à Air France Atlantique pour son exploitation. Henri Guillaumet devient le pilote de l’hydravion qui transporte à chacun de ces voyages 72 passagers de Biscarrosse à New-York. Parallèlement, Pierre-Georges Latécoère fait construire en seulement trois mois une importante usine pour la fabrication d'hydravions à Anglet. Mais la Seconde Guerre Mondiale va sonner le glas de ces appareils. Malgré l’assemblage de 96 exemplaires d’un nouveau torpilleur, le


Crédit photos : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse

Laté 521 dont le nom de baptême est “Lieutenant de Vaisseau Paris”

« Laté 298 » testé à Biscarrosse, les techniques de l’aviation classique se perfectionnent. Les trains d’atterrissage sont améliorés et les pistes sont goudronnées. « Les heures de gloire de l’hydravion semblent derrière lui pourtant les projets ne manquent pas », précise Sylvie Bergès. Ainsi débute en 1939 la construction d’une hydrobase aux Hourtiquets. Pendant quelques mois, l’estuaire de la Gironde avait été pressenti mais, le lac de Biscarrosse présente

Un rassemblement international d’hydravions

Tous les deux ans depuis 1995, la ville de Biscarrosse et le musée de l’hydraviation organisent un grand rassemblement international d’hydravions. L’occasion pour le public d’admirer des dizaines d’appareils,

au sol et en vol. L’occasion aussi de réutiliser la base des Hourtiquets pour le stockage et d’éventuelles réparations sur les engins. Prochain rendez-vous en juin 2008.

plusieurs avantages. Le premier d’entre eux est qu’il s’agit d’un lac fermé donc d’eau douce. De quoi éviter les problèmes de corrosion des appareils. Le lac est aussi protégé des vents par un cordon dunaire planté de pins et permet des décollages dans toutes les directions. Le chantier qui commence sur la côte landaise à l’aube de la Guerre est le plus grand d’Europe. Et il fait appel à des techniques modernes car il faut bâtir sur un terrain marécageux.

Un musée de l’hydraviation Le Musée de l’hydraviation de Biscarrosse ouvre ses portes en 1982 à l’initiative de Marie-Paule Vié-Klaze. Sur le site historique de la base, les anciennes maisons des ingénieurs et des pilotes Latécoère sont peu à peu réhabilitées et transformées pour accueillir d’anciennes pièces et des documents historiques. Au fil du temps, les collections s’enrichissent. De nombreux débris d’hydravions sont découverts au fond du lac et restaurés. La conservation de ces pièces

2007

H20

en aluminium se révèle délicate mais un mécénat et des recherches menées par EDF permettent de surmonter le problème. La configuration actuelle du musée date de 1996. Il présente des documents historiques, des maquettes, des pièces mécaniques et même quelques exemplaires d’hydravions. Géré par l’association des Amis du musée de l’hydraviation depuis son ouverture, il est passé en régie municipale en 1999.

M E M O I R E 41


Crédit photo : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse

Crédit photo : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse/ Paris

Crédit photo : Musée de l’Hydraviation, Biscarosse/ Basque

Laté 631. Des traversées régulières reliant Biscarosse aux Antilles

L’immense hangar principal est construit dans une architecture unique quasiment dépourvue de piliers centraux pour faciliter les manœuvres des avions. De gigantesques treuils sont prévus pour remorquer les hydravions dépourvus de roues. Côté appareils, les programmes se poursuivent également. Rien n’arrête le développement du « Laté 631 ». Ni l’occupation allemande, ni la vente des usines et de la base de Biscarrosse à la Société des Ateliers d’Aviation Breguet. Destiné à devenir le fleuron de la société et à transporter des passagers au-dessus de l’Atlantique, il est le plus grand hydravion de son époque. Sa superficie égale celle d’un terrain de football et il ne pèse pas moins de 72 tonnes. Un premier prototype tombe entre les mains

L’histoire de l’hydraviation

Les prémices de l’hydraviation datent de 1670 et de l’idée saugrenue d’un moine italien de faire voler un bateau. Le succès, est-il besoin de le préciser, n’est pas au rendez-vous. Et, ce n’est qu’en 1910, qu’Henri Fabre, ingénieur marseillais, présente au public un nouvel engin volant et flottant dont il est l’inventeur et le constructeur. Son hydro-aéroplane prend bientôt le nom

42

MEMOIRE

d’hydravion. Lorsque la 1ère Guerre Mondiale éclate, les militaires s’emparent de l’invention et la perfectionnent. En 1918, la France compte 300 hydravions affectés à des missions de reconnaissance, de surveillance et de torpillage. Au retour de la paix, Pierre-Georges Latécoère, ingénieur et industriel fondateur à Toulouse de la Société Industrielle d'Aviation Latécoère,

H20

2007

des allemands. Mais, il sera rapidement détruit par les Alliés. Un second prototype est dissimulé à Toulouse jusqu’à la Libération. Treize exemplaires sont ensuite assemblés mais seulement sept utilisés par Air France pour des traversées qui relient Biscarrosse aux Antilles. Le « Laté 631 » transporte ainsi 40 à 60 passagers une à deux fois par mois. « A cette époque, les gens venaient dans les Landes depuis Paris pour effectuer la traversée et tout était prévu ici pour les recevoir », explique Sylvie Bergès. Très vite malheureusement les accidents se multiplient. Avec le progrès technologique, ils contribueront à mettre un point final au chapitre hydraviation de l’aéronautique landaise, française et mondiale. En 1955, après un ultime crash qui coûte la vie à 16 personnes, le « Laté 631 » est définitivement interdit de vol. Les bases de Biscarrosse et des Hourtiquets fermeront leurs portes en 1956 et 1958. ■

fait le pari d’exploiter les hydravions pour le transport de courrier. Il lance les « Lignes Latécoère » qui deviendront « l’Aéropostale » et qui relient notamment Toulouse à Casablanca et à Santiago du Chili. C’est le début de la grande épopée des hydravions. A cette époque, ils présentent l’atout majeur de pouvoir atterrir sur un plan d’eau un peu partout dans le monde, sans

qu’il y ait besoin de pistes spécialement aménagées. Mais, les progrès technologiques les relèguent assez rapidement aux hangars. Aujourd’hui, certains hydravions, les Canadair, servent à lutter contre les feux de forêt et d’autres aux secours en mer et occasionnellement à des missions d’exploration.


Crédit photos : Frédéric Desmesure

le Département de sociologie de l'Université Victor-Ségalen Bordeaux 2

La fulgurante ascension de la sociologie bordelaise 4 l MARIANNE PEYRI

Courtisés par les médias, sollicités par les institutions, les sociologues bordelais tiennent aujourd’hui le haut du pavé. Cette science n’a pourtant que récemment conquis ses lettres de noblesse. Epopée d’une discipline dont l’histoire a débuté dans les amphis bordelais.

«

Le Département de sociologie de Bordeaux fait partie des quatre meilleurs centres de sociologie en France par la qualité avec laquelle on s’occupe des étudiants, par le nombre important de thèses de qualité, et bien sûr par la présence du très prolifique groupe de chercheurs constitué autour de François Dubet, devenu l’un des meilleurs sur les problèmes d’éducation. La sociologie à Bordeaux, c’est à la fois une vieille tradition et une nouvelle équipe » s’émerveille depuis Paris, Alain Touraine, l’un des plus grands sociologues contemporains. Une vieille tradition, en effet… Tout a commencé, il y a près de cent ans. Le Professeur Emile Durkeim, nommé en 1887, dispense pour la première fois des cours de « Science sociale et pédagogie » à la Faculté de Philosophie du cours Pasteur. Un public nombreux, constitué d’étudiants et de divers bordelais, se presse aux cours de ce jeune et brillant normalien. Son enseignement porte sur la solidarité sociale, la famille, le suicide, 2007

H20

M E M O I R E 43


Dans les années 60, un département consacré à la sociologie est créé. Elle jouit aujourd’hui d’une réputation d’excellence.

l’histoire du socialisme et surprend par ses accents novateurs, en phase avec la réalité sociale. Ses cours, qu’il tiendra pendant quinze ans à Bordeaux, sont le reflet de ses recherches personnelles et constitueront la matière de trois ouvrages essentiels qui marqueront à jamais les débuts et l’histoire même de la sociologie. « Après un travail sur la division du travail social, Durkheim a édicté en 1895 dans « Les règles de la méthode sociologique » les grands principes de ce qui allait devenir une véritable science. Deux ans plus tard, il les a mis en application sur le thème du suicide. Pour la première fois, un phénomène social y était étudié à partir de chiffres et de statistiques, se démarquant des habituelles réflexions générales sur la société » souligne Charles-Henri Cuin, actuel directeur du Département de sociologie de l’ Université Bordeaux 2. En 1902, à son départ pour la Sorbonne, l’intellectuel rationaliste a su imposer une chaire de sociologie à Bordeaux et fait des émules dans d’autres facultés en France. Pourtant, au cours des décennies suivantes, la sociologie vivote et ne réussit pas à acquérir la stature d’une discipline diplômante. Le travail de Durkheim est même critiqué ou volontairement oublié par ses successeurs bordelais tels Gaston Richard, Max Bonnafous professeur

44

MEMOIRE

H20

2007

entre 1930 et 1940 ou Jean Stoetzel, l’homme de la psychologie sociale et créateur des sondages d’opinion qui enseigne durant la période de la libération. Ce n’est qu’en 1958 que la sociologie connaît un réel sursaut : Bordeaux fait alors partie des universités pionnières dans la création d’une licence spéciale dédiée à la sociologie. Il faut ensuite attendre le milieu des années 60 pour qu’un Département autonome voit le jour, sous la tutelle de Raymond Boudon, grand théoricien, connu comme le père de l’individualisme méthodologique et d’un dictionnaire de la sociologie. Près de 80 ans ont été nécessaires pour que la sociologie s’affranchisse enfin de la philosophie et devienne une discipline à part entière.

Une faculté engagée

Durant les années 60, tout juste créé, le Département de sociologie doit faire ses preuves. « Dans cette petite unité, on trouvait surtout des étudiants assez marqués politiquement. C’était une époque idéologique ; on étudiait Marx, on lisait Freud, tout en suivant les cours sur des théoriciens


de la sociologie américaine » se rappelle Charles-Henri Cuin, étudiant à Bordeaux à partir de 1968. Sur fond de querelles avec les philosophes et les historiens qui ne prennent pas au sérieux ces « gauchistes » marchant sur leur plate-bande, le directeur de l’époque, François Chazel doit se battre pour maintenir le Département. Cette quête de reconnaissance, se poursuit dans les années 70, époque où le nombre d’étudiants atteint à peine la soixantaine. Cette décennie, marquée par le déménagement du Département à l’Université de Lettres Bordeaux 3 sur le campus de Talence, voit l’enseignement se consolider et se spécialiser sur les mouvements sociaux, et l’action collective politique. La recherche, elle, démarre doucement en 1975 avec la création par François Chazel du Centre de sociologie politique.

La révolution des années 90

Acceptée enfin dans le giron universitaire, la sociologie attire désormais des étudiants de plus en plus nombreux... A l’aube des années 90, François Dubet, prend la tête du Département. Ce jeune professeur, qui a notamment travaillé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Centre d'analyse et d'intervention sociologique EHSS-CNRS) dans les années 80, va faire de la recherche son cheval de bataille, donnant au Département bordelais une envergure nationale puis internationale. Le LAPSAC, Laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’Action collective, est mis en place en 1991. « L’idée était d’aborder des thèmes aussi divers que l’éducation, l’enseignement, les jeunes, la ville, le travail, la déviance… Ma conviction de l’époque a été que dans une ville de province, il ne fallait pas nous spécialiser mais nous ouvrir pour créer un dynamisme. La seule inflexion a été de s’intéresser à des sujets plus empiriques que théoriques, en prise directe avec la réalité et ayant une utilité sociale » explique François Dubet, qui a dirigé le Département de 1989 à 1994. Toute une nouvelle génération de professeurs talentueux, Georges Felouzis, Didier Lapeyronnie, Joël Zaffran, Agnès Villechaise…, va s’atteler à donner son plein essor au laboratoire. Outre ce renouvellement intellectuel, le Département est désormais rattaché à l'Université Bordeaux 2, l'université des Sciences de l’Homme. Ce déménagement du Campus de Talence dans les locaux de la Victoire en 1993 reste également dans toutes les mémoires comme « une révolution » des conditions matérielles de travail. « On était désormais les rois du monde » se réjouit Charles-Henri Cuin.

Un Département en ébullition

Aujourd’hui, l’unité bordelaise de sociologie jouit d’une réputation d’excellence. Elle compte près de 350 étudiants en première année planchant sur Durkheim bien sûr, Tocqueville, Bourdieu, Marx…. Avec près de 80 maîtrises et cinq thèses soutenues par an, une vingtaine d’enseignantschercheurs, la recherche est en ébullition. Pour preuve, durant ces quatre dernières années, pas moins d’une vingtaine d’ouvrages ont été publiés, certains faisant date dans l’histoire de la sociologie : La galère, Jeunes en survie de François Dubet, L’apartheid scolaire de Georges Felouzis, Histoire de la sociologie de Charles Henri Cuin, L'individu et les minorités de Didier Lapeyronnie… Pour Georges Felouzis, actuel directeur du LAPSAC, « notre force aujourd’hui, c’est notre souci de vulgariser nos travaux, de multiplier les colloques, les ponts avec les chercheurs de Bordeaux 2 et d’avoir intégré des réseaux internationaux. Les équipes mouvantes au sein du LAPSAC créent une vraie masse critique. Mais surtout, c’est d’accompagner les préoccupations actuelles des décideurs politiques locaux et de la société en général en planchant sur des sujets tels que la crise des banlieues, les inégalités sociales, la ségrégation, l’éducation, la santé…». Pour preuve de ce succès : entreprises, médias, collectivités locales s’arrachent les sociologues pour mieux décrypter un monde en pleine mutation. En un siècle, quelle ascension fulgurante ! ■

2007

H20

M E M O I R E 45


Crédit photo : M. Caplet

FOCUS

Eaux minérales, eaux de sources 4 l NATHALIE MAYER

46

FOCUS

H20

2007


Qu’elles soient minérales ou de source, toutes les eaux embouteillées proviennent de nappes souterraines. Pourtant, si les deux appellations existent c’est que les deux types d’eaux ne sont pas rigoureusement identiques.

Crédit photo : Nestlé Waters France

si semblables si différentes

L

’eau minérale naturelle des Abatilles et l’eau de source Aquarel sont toutes deux puisées à Arcachon. La première provient de la source Sainte-Anne, à 472 mètres de profondeur alors que la seconde est issue de la source des Pins à « seulement » 376 mètres. Une plus faible profondeur qui ne remet pas en cause sa pureté originelle. Et heureusement puisque tout traitement de désinfection et de dépollution est interdit aux eaux minérales comme aux eaux de source. Ce qui distingue une eau minérale d’une eau de source c’est en fait sa composition physicochimique. Ainsi, l’eau dite minérale contient des éléments bénéfiques pour la santé et dans des quantités relativement importantes. Des quantités qui nécessitent parfois quelques précautions puisqu’elles peuvent être bien supérieures aux normes imposées aux eaux de consommation humaine. Une eau minérale qui contient plus de 1,5 mg de fluor par litre, par exemple, ne convient pas aux enfants de moins de 7 ans. La composition d’une eau minérale donnée doit également être remarquablement stable dans le temps. « Nous admettons des fluctuations de plus ou moins 10 % », précise Céline Ohayon, responsable du Laboratoire hydrologie environnement de l’Université Bordeaux 2. L’eau de source de son côté n’est pas soumise à d’aussi drastiques conditions de stabilité. Ainsi les bouteilles étiquetées Aquarel par exemple proviennent-elles de différentes sources réparties en France. La composition physico-chimique d’une eau de source se doit malgré tout de respecter certains critères. Les mêmes que l’eau qui coule de nos robinets. A ceci près que les eaux embouteillées ne sont autorisées à subir que très peu de traitements. Seules certaines opérations visant à réduire la concentration de l’un ou l’autre des éléments naturellement présents dans les eaux sont autorisées. Ainsi le fer par exemple peut-il être extrait des eaux de source. Une seule raison à cela : il a la fâcheuse tendance à précipiter, entraînant l’apparition d’un dépôt couleur rouille dans le fond de la bouteille qui deviendrait très difficile à vendre. D’ici quelques mois, les exploitants pourront également agir pour réduire la concentration en fluor. Une nouvelle directive sanitaire fixe en effet la norme autorisée à un maximum de 5 mg par litre. Des traitements spécifiques à la teneur en gaz sont aussi autorisés. Si certaines eaux sont naturellement gazeuses, elles sont toutefois techniquement très difficiles à embouteiller. Les exploitants peuvent donc extraire le gaz avant de le réinjecter ou non en fin de chaîne. Ils ont également l’autorisation de renforcer la teneur en gaz voir même de produire une eau rendue gazeuse par adjonction de gaz carbonique. 2007

H20

FOCUS

47


Aujourd’hui propriété du groupe Nestlé, l’eau minérale de la source Sainte Anne des Abatilles à Arcachon est exploitée depuis 1925.

En 1923, lors de recherches dans le sous-sol

à Arcachon, les sondeurs mettent à jour une source d’eau moyennement chaude (25°C) et extrêmement pure, la source Sainte Anne. Après un parcours de 40 000 ans depuis le Massif central et le Lot et Garonne, elle jaillit aux Abatilles chargée de minéraux. L’autorisation ministérielle d’exploiter la source est donnée en juillet 1925. L’eau minérale naturelle de la source Sainte Anne des Abatilles vient de naître. « Le premier forage a été exploité pendant environ 70 ans et comme il commençait à donner des signes de fatigue, nous en avons creusé un second duquel nous tirons notre eau depuis 1995 », raconte Dominique Labatue, responsable commercial aux Abatilles. Un forage en acier inoxydable qui devrait résister aux attaques du temps. L’eau y remonte naturellement à émergence et est ensuite acheminée par des tuyaux pour l’embouteillage. Car l’eau des Abatilles ne subit aucun traitement. Une fontaine est d’ailleurs ouverte au public tout l’été à proximité de l’usine. Les visiteurs peuvent venir y chercher quelques bouteilles d’une eau provenant directement de la source. Pendant le processus de production, l’eau est orientée vers la sous tireuse chargée de remplir des bouteilles au préalable soufflées et stérilisées. Puis vient le temps du bouchage, de l’étiquetage, du datage laser et du conditionnement. En chemin, la qualité de l’eau aura été contrôlée, toutes les heures, en plusieurs points. Et lorsqu’il arrive qu’une bouteille présente un défaut quelconque, elle est retirée de la chaîne et orientée vers le recyclage. « Nous produisons trois formats de bouteilles. Passer de 50 centilitres à des bouteilles 1,5 litres demande beaucoup de manipulations. Un changement de format dure cinq ou six heures c’est pourquoi nous faisons des campagnes de production d’environ une semaine pour chaque format », précise Vincent Le Roy. Le tout sur une ligne d’embouteillage qui produit 12 000 bouteilles par heure. Mais, pas de quoi tarir la précieuse source. « Des études

48

FOCUS

H20

2007

Des laboratoires pour garantir la qualité des eaux Les limites de potabilité et de qualité des eaux embouteillées sont décrites très précisément dans le Code de la santé publique. Pour veiller au respect de ces règles, l’Etat confie à des laboratoires le soin de mener des analyses.

« La loi impose aux entreprises distributrices

Crédit photo : Agence de l’eau Adour Garonne

Les Abatilles, une histoire d’eau

ont montré que nous pourrions puiser plus d’eau sans que la nappe ne soit mise en danger », assure Dominique Labatue. L’eau des Abatilles semble donc avoir encore de bien beaux jours devant elle.

de réaliser leurs propres contrôles de qualité. Et ils sont en général effectués très sérieusement plusieurs fois par jour. Les grands groupes embouteilleurs d’eaux tiennent à cette rigueur », souligne Céline Ohayon, responsable du Laboratoire hydrologie environnement (LHE) de l’Université Bordeaux 2. « Notre rôle est de mener des tests indépendants tous les deux mois pour le compte de l’Etat. » Et le LHE est plus exactement chargé des analyses sur les eaux minérales. Régulièrement donc, des échantillons sont prélevés à la sortie du forage, à l’entrée dans l’usine, sur la chaîne d’embouteillage et dans les bouteilles elles-mêmes. Pour vérifier la concordance entre l’autorisation délivrée par le Ministère de la santé et l’eau testée, les contrôles portent sur la température, le pH, la conductivité et l’alcalinité de l’eau ainsi que sur deux ou trois éléments caractéristiques


Crédit photo : Nestlé Waters France

de sa composition. Les éventuelles irrégularités ne représentant pas de danger direct pour le consommateur, aucune mesure brutale n’est prise en cas de dérive. « Il convient malgré tout d’enquêter plus profondément afin de déterminer l’origine de l’altération qui peut être due à une pollution et dans ce cas, représenter une menace pour la santé », précise Céline Ohayon. Et pour assurer l’absence de risque sanitaire justement, le LHE mène sur les eaux minérales une série d’analyses bactériologiques. « Pour les eaux embouteillées, les tests sont deux fois et demi plus rigoureux que pour l’eau du robinet », explique Céline Ohayon. De quoi détecter occasionnellement quelques anomalies. Les services compétents de la DDASS (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) ordonnent alors une enquête plus poussée. Tout est mis en oeuvre pour évaluer au plus juste le risque pour le consommateur. S’il est jugé suffisamment important, l’exploitation de la source est au mieux interrompue, au pire interdite. Côté eaux de source, les contrôles sont pris en charge par l’Institut européen de l’environnement de Bordeaux (IEEB), laboratoire de référence national pour le contrôle sanitaire. « Plus le volume d’eau produit est important, plus les analyses sont fréquentes, que ce soit à la ressource, avant soutirage ou après le conditionnement », explique Segunda Garcia-Fouqué, ingénieur à l’IEEB. Là encore, les analyses bactériologiques et de composition de l’eau sont extrêmement strictes. « Il existe non seulement des limites de qualité concernant les éléments susceptibles d’avoir un effet direct sur la santé mais aussi des références de qualité », précise-t-il. Ces dernières sont une sorte de témoins du bon fonctionnement de l’installation. Elles permettent d’identifier des anomalies, préludes à d’éventuels risques sanitaires. « Que ce soit en termes de nombre de molécules à rechercher ou de concentrations limites, les exigences sont de plus en plus importantes », conclut Segunda Garcia-Fouqué.

Des analyses plus strictes pour les eaux embouteillées

Commercialiser de l’eau en bouteille Pour obtenir du Ministère de la santé une autorisation d’exploitation et de conditionnement d’eau, les industriels doivent présenter un dossier extrêmement complet. Examens géologiques et hydrologiques, analyses physico-chimiques et microbiologiques à l’émergence afin d’assurer la pureté originelle de la source, volume d’eau journalier, rien n’est laissé au hasard. Et pour prétendre à l’étiquette « eau minérale », il faut aussi présenter la composition exacte de l’eau et disposer

d’analyses cliniques et pharmacologiques attestant de ses vertus thérapeutiques. Enfin, aucune autorisation n’est délivrée sans étude d’impact environnemental. Le rôle de la DRIRE (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) qui instruit les dossiers de demande d’autorisation pour les eaux minérales, est notamment de veiller à la préservation des nappes souterraines. Les débits proposés doivent ainsi garantir la pérennité de la ressource dans le temps.

Des étiquettes pour informer et séduire Nom de la source, lieu de l’exploitation, composition, traitements éventuels, avertissements concernant les teneurs de certains éléments présentant un danger potentiel pour certaines catégories de consommateurs. Les étiquettes des bouteilles d’eau regorgent d’informations toutes strictement règlementées. Ainsi, une eau puisée en plaine ne sera pas autorisée à faire figurer sur son étiquette, la photo d’un paysage 2007

montagneux. Mais, les publicitaires savent parfois profiter de la crédulité des consommateurs. « Des accroches du style « 0 calorie » sont ridicules. Il n’y a bien entendu pas de calorie dans l’eau, quelle qu’elle soit. Malheureusement, les consommateurs ne sont que trop rarement avertis », regrette Céline Ohayon, du Laboratoire hydrologie environnement (LHE) de l’Université Bordeaux 2.

H20

FOCUS

49


Crédit photo : Frédéric Desmesure

ubert H Montagner aux côtés de l’enfant qui grandit 4 l LAURE ESPIEU

50 RENCONTRES

H20

2007

Spécialiste

de psychophysiologie, il a consacré sa carrière à l’analyse du développement. Chez les animaux, d’abord, puis chez l’enfant. Infatigable, il publiait en septembre 2006 son quatorzième ouvrage.


Pas de barrières. Et pas de chapelles non plus.

« Je me nourris de toutes les approches. Je prends les démarches et techniques sans distinction, du moment qu’elles enrichissent ma compréhension. Je n’ai aucun rejet ». Jeune retraité, fort de plus de quarante années de pratique,

Hubert Montagner

se délecte toujours à souligner combien sa spécialité bouscule les disciplines traditionnelles. Fondateur, dans les années 1960, du troisième laboratoire français de psychophysiologie à Nancy, il est jusqu’en 2004 directeur de recherche à l’INSERM, dirigeant à Bordeaux un groupe intitulé « Psychophysiologie et psychopathologie du développement ». “Nous prenons en considération le comportement global d’un sujet, en faisant appel à la psychologie, la psychiatrie et la physiologie, pour rendre compte de ses conduites. Nous analysons comment un individu se construit par rapport à son environnement, dès sa naissance et même avant. Nous jouons énormément sur les interactions, et nous sommes donc à la croisée de plusieurs sciences ».

La sécurité affective comme tremplin

Son laboratoire, c'est la vie même. Il suffit de se rendre dans une classe pour se rendre compte que l’apprentissage est étroitement lié à l’état émotionnel. « Un enfant arrive avec la peur au ventre après une dispute entre ses parents. Il est sous le poids de cette chape. Il ne pense qu’à ça. Et même s’il est le premier de la classe, même s’il a le meilleur des maîtres, il ne pourra pas apprendre: ses fonctions cognitives sont bloquées ». L’école, l’un des grands thèmes de réflexion du chercheur, sur lequel il n’hésite pas à se montrer très critique. « L’école ne pense qu’à une chose: transmettre le savoir et les connaissances. Comme si c’était possible sans prendre en compte tout ce qui fait la réceptivité de l’enfant. C’est une faute grave. L’école ne profite qu’aux enfants bien installés dans la sécurité affective ». Dans son dernier livre, « L’arbre enfant, une nouvelle approche du développement de l’enfant », Hubert Montagner se penche donc sur le rôle central de la sécurité affective. « Celle qui donne le sentiment de ne pas être abandonné, de ne pas être en danger. Qui apporte confiance et estime de soi ». Dans sa métaphore de l’arbre, elle serait la sève.

Circulante et nourricière. Trois grandes racines en constituent les principaux éléments: une figure d’attachement, à laquelle l’enfant se réfère, ses parents, ou à défaut, un autre adulte. La nécessité d’un rythme, qui soit synchronisé avec l’environnement du petit (familial, social, et biologique). Et enfin, la capacité à s’approprier la troisième dimension, à appréhender la hauteur et la profondeur dans l’espace. « C’est quand le bébé est porté qu’il découvre le sens de son environnement. Quand il est allongé sur sa couche, la majorité de ce qui l’entoure n’existe pas, explique le chercheur. Et s’il ne peut pas s’en imprégner, alors il en aura peur ».

De la branche à la graine

De cette base de développement découlent deux branches maîtresses. L’aptitude à libérer et à contrôler ses émotions et l’acquisition de cinq compétences socles qu’Hubert Montagnier répertorie ainsi : « Il faut apprendre à maintenir le regard sur une cible, une certaine attention visuelle. Le bébé écoute celui qui lui parle les yeux dans les yeux. C’est un signe de bonne santé. Il apprend ainsi à combiner le visuel et l’auditif. C’est d’ailleurs symptomatique des enfants en échec scolaire, ils ne parviennent pas à synchroniser ces deux facultés. Ils regardent ailleurs, ou bien regardent, mais n’écoutent pas. Il y a ensuite l’élan à l’interaction, qui est la clé des rencontres et des relations de proximité. Puis les comportements affiliatifs, interprétés comme une adhésion aux discours et aux projets de l’enfant. Ce sont les sourires, les rires, la jubilation, l’offrande… Les fondements de la socialisation. Le quatrième point est la capacité à imiter et à être imité. Et le cinquième, de parvenir à une organisation structurée du geste ». Dès les premiers jours, et jusqu’à la mort, ces compétences restent fondatrices. Chaque évènement de la vie peut les faire fluctuer. « Mais c’est seulement quand les deux branches maîtresses sont construites, et solides, que les bourgeons apparaissent », insiste le professeur Montagner. Lorsqu’ils vont pouvoir pousser, l’enfant acquiert les valeurs morales, les interdits, les tabous. Il va pouvoir libérer le processus cognitif, pour accéder au savoir et à la connaissance. Puis viendront les graines de la créativité et de l’imaginaire ■

2007

H20

RENCONTRES 51


pays Voyagedesaufractales

4 l RENAUD PERSIAUX

Un peintre, un photographe.

Jean Corrèze et Jean-Pierre Louvet, deux aquitains unis par une passion commune : les fractales, qu’ils utilisent pour créer des œuvres d’art, chacun avec des méthodes très différentes. On retrouve pourtant, chez les deux hommes, la même fascination pour une beauté mêlée d’un sentiment d’infini. François Dress, mathématicien, explique et décortique pour nous ces objets compliqués, ces fractales à l’infini. Histoire. 52 RENCONTRES

H20

2007

Jean Corrèze, peintre fractaliste « Je suis peintre avant tout »

D'où est né votre intérêt pour les fractales ?

Je peins depuis longtemps, mais un certain côté traditionnel ne me convenait pas. J'avais l’impression que certains avaient déjà fait beaucoup mieux que moi. Comme de nombreux artistes, j’ai détruit mes oeuvres de jeunesse. Très tôt, il m’a fallu autre chose : des lignes brisées, des éléments auto-similaires. Je suis donc un des premiers et rares peintres fractalistes. C’est seulement plus tard, dans les années 75/80, que j’ai eu connaissance des travaux de Mandelbrot. Pour autant, je ne m’en suis jamais inspiré. Car la véritable origine


de ma peinture est plus profonde, j’ai toujours vu un monde fractal. Quand je regarde un objet, ce n'est pas lui que je vois ; je vois les éléments qui le composent. En somme, j’ai un ressenti fractal !

Quelle technique employez-vous ?

Chut, c’est un secret ! (Rire) Plus que d’une technique en fait, je parlerais d’une façon de faire, assez complexe, précise et méthodique, lentement élaborée au fil de ma pratique. Si je sais où je veux aller, je n’ai aucune formule mathématique en tête. Je peins par couches successives, chacune dominée par une certaine couleur. Et comme je travaille uniquement à l’huile, chaque couche sèche très lentement, j’ai donc toujours plusieurs toiles en cours. Du coup, le processus complet peut parfois prendre un an. C’est seulement quand je sens que c’est terminé, quand je perçois un équilibre dans la forme, lorsque poursuivre serait de trop, que j’arrête. Pour autant, je ne suis jamais complètement satisfait et comme je n’aime pas me répéter, mon travail et ma méthode se renouvellent sans cesse. Mais je ne suis pas un artiste maudit ! Si je travaille constamment et régulièrement, je ne me relève jamais la nuit pour peindre. Je n’ai jamais de blocage, j’ai toujours des envies nouvelles.

Quel regard portez-vous sur les fractales de synthèse ? Les avezvous essayées ?

Je les aime et les apprécie. Elles sont, d’un certain côté, plus lumineuses et plus parfaites, d’une perfection mathématique impossible à obtenir à la main. Mais j’ai toujours refusé de m’y essayer, de peur de me déstabiliser. C'est le travail de faiseur que j’aime. Je suis peintre avant tout. Même si je dois rester parmi un petit nombre d’artistes à travailler manuellement cette peinture fractale, je ne veux pas abandonner cette spontanéité, cette imperfection, cette créativité.

à l’Institut de mathématiques de Bordeaux (Université Bordeaux 1) « Les fractales, des objets compliqués » Que sont les objets fractals ?

Il est très difficile de les définir en peu de mots : ils sont très variés, car ils peuvent avoir de très nombreuses caractéristiques. Un objet fractal, c’est le contraire d’un objet lisse, au sens mathématique du terme. C’est un objet irrégulier, géométriquement compliqué, qu’on ne peut pas dessiner d’un trait de crayon majestueux ! Un objet compliqué, qui peut-être tortueux, pointu, comme la côte de la Bretagne, enchevêtré, comme un flocon de neige, fragmenté, ou arrondi, comme un nuage. Pour plaisanter, on peut dire que les objets fractals ne peuvent se définir que de façon fractale, avec des caractéristiques s’imbriquant les unes dans les autres.

Qu’en est-il de l’autosimilarité ?

La complication d’un objet fractal est, d'une certaine manière, constante à toutes les échelles (ou dans une gamme d'échelles pour les objets naturels). C’est ce niveau qui est mesuré par la « dimension fractale », nombre non entier. Certains objets fractals, comme la très célèbre courbe de Von Koch, manifestent cette constance par la propriété d'autosimilarité. C'est visuellement très fort, mais ce n'est pas une caractéristique obligatoire.

Votre regard de mathématicien sur les fractales de Jean Corrèze et de Jean-Pierre Louvet ?

De mon point de vue, Louvet fait surtout un travail sur le trait, dont la précision et la « concentricité » traduisent la genèse mathématique. L’aspect fractal de ses productions est cristallisé et amplifié. Corrèze, lui, travaille sur les volumes, les aplats, les dégradés, les nuances de teintes. L’aspect fractal de ses toiles est parfois atténué ou estompé. Ce qui est normal, un artiste qui peint à la main ne cherchant pas à obtenir une dimension fractale exactement constante. Ce sont deux styles différents et intéressants par leur complémentarité d’interprétation de l’objet fractal. 2007

H20

RENCONTRES 53

Jean Corrèze

Jean-Pierre Louvet

François Dress, professeur


Jean-Pierre Louvet, créateur de fractales de synthèse. « Mon travail est un peu celui d’un photographe » D'où est né votre intérêt pour les fractales ?

Quand j’étais enfant, j’étais fasciné par les images que j’obtenais en mettant un objet entre deux miroirs parallèles, et aussi par une boîte d'emballage sur laquelle était dessiné un personnage tenant à la main la même boîte sur laquelle était dessinée le même personnage tenant la même boîte... Je pensais : c'est théoriquement infini, mais en pratique c'est impossible ! Fascination réveillée bien plus tard par les quelques livres d'images fractales qui existaient à l'époque et que je dévorais. Alors, quand j'ai découvert Fractint en 1992, qui fut un programme de référence pour créer des images fractales, j'ai commencé à en fabriquer moi-même. Ces premiers essais me paraissent maintenant si simplistes ! J’étais quelquefois découragé. Heureusement, certains artistes, et pas des moindres, m’ont soutenu !

Benoît Mandelbrot et les fractales divers types en étant connus depuis longtemps par des recherches dispersées. Mais il en a unifié le concept, formalisé la définition, et les a popularisés. La connaissance des fractales a joué un rôle majeur dans la modélisation de certains phénomènes physiques complèxes.

Le terme « fractale » a été créé en 1975, à partir de l'adjectif latin fractus, qui signifie « irrégulier ou brisé », par le mathématicien français Benoît Mandelbrot, pour les besoins de son livre Les objets fractals : forme, hasard et dimension. Mandelbrot n’a pas découvert les premiers objets fractals,

54 RENCONTRES

H20

2007

Jean-Pierre Louvet

Quelle technique employez-vous ?

N'étant pas mathématicien, j'utilise des formules, parfois très complexes, créées par des passionnés et librement disponibles. La formule me permet d'obtenir une image, que je peux modifier en changeant divers paramètres et en utilisant divers « filtres », qui sont autant de formules complémentaires transformant l’image de base. Je joue aussi avec la palette des couleurs, le programme calculant la couleur de chaque pixel. Ensuite, j’explore l’image en zoomant à volonté dans ses diverses parties et en explorant le « paysage » fractal qui se révèle alors. Je sélectionne ainsi une image dont les formes et les couleurs sont plaisantes dans un paysage infini. Cela s'apparente un peu au travail du photographe qui se promène avec son appareil, découvre une scène intéressante, choisit son point de vue et son cadrage. Sauf qu'on peut manipuler à volonté l'image sur laquelle on vient d'arrêter son choix.

Que recherchez-vous dans les tableaux fractals ?

Toujours le caractère très particulier d’autosimilarité qui m'avait frappé dans mon enfance. Les programmes actuels permettent de créer des images qui peuvent comporter plus d'une dizaine de couches qui se combinent entre elles de façon complexe, avec, par exemple des effets de transparence relative, et des jeux sur les interactions de couleurs. L’autosimilarité peut être totalement gommée en jouant sur tous ces paramètres. Ce qui explique que certaines images fractales synthétisées par ordinateur, ne paraissent pas fractales. Elles peuvent être superbes, mais je préfère toujours les images qui aboutissent à un beau résultat auto-similaire, avec une grande économie de moyens ■


Crédit photo : Marie Morizot

alliance d’idée Nadine Ninin et d’audace

4 l MARIE MORIZOT

Directrice de la société

bordelaise NJTEC, spécialisée dans les nouvelles communications et la micro-électronique,

Nadine Ninin

a lancé son entreprise à l’assaut de l’univers de la mode et du textile à travers une collection de vêtements communicants, « Uranium Jeans ».

Tissu de concept

Un peu comme Pénélope avec sa toile, Nadine Ninin, s’est lancée dans l’odyssée du denim, avec juste ce qu’il faut d’audace, de chance et d’alliance pour créer et diffuser la première collection de vêtements personnalisables et doter la gamme dit du « vêtement intelligent » de ses premiers oripeaux. Main de fer dans une mitaine de velours, douce et affirmée, l’expression lui sied comme un gant. Au-delà de la voix, point cette petite note d’exigence propre à ceux qui, au quotidien, agencent des lacis d’ingénieurs, chercheurs, techniciens. « Je coordonne l’équipe, la boutique, je rencontre les fournisseurs, les clients, j’essaie de trouver de nouveaux partenaires. Pour résumer, je dis 2007

H20

RENCONTRES 55


Crédit photo : Bruno Pellerin

que je suis responsable d’une société qui développe du textile intelligent ». Et qui sans cesse entrelace : des fils pour en faire une étoffe, des compétences pour en faire un produit innovant, des relations pour créer une marque et la diffuser. Car, tisser de la fibre optique est une affaire bien plus complexe qu’une simple histoire de chiffons. Une histoire qui passe par la volonté d’entrer l’univers du textile par le biais de ces jeans et tee-shirts sur lesquels défile un message. Une nouvelle façon de communiquer, née au gré de ces petits hasards qui finalement ponctuent puis façonnent les carrières comme la vie.

Recherche appliquée

Originaire des Ardennes, Nadine Ninin s’installe quelques temps à Paris comme documentaliste dans une collectivité territoriale avant de s’en échapper pour venir goûter au terroir bordelais. Elle participe alors à l’aventure du minitel et des premières banques de données juridiques gratuites en mettant à profit son expérience professionnelle parisienne. Puis, de fil en aiguille dans les nouvelles communications et la micro-électronique. Jusqu’au jour où, un ingénieur de la société rencontra un chercheur du Gemtex, le laboratoire de recherche de l’ENSAIT (Ecole nationale supérieure des arts et industrie textile), un labo consacré aux vêtements communicants.

56 RENCONTRES

H20

2007

Déclic : « Le seul créneau intéressant dans le domaine du textile, c’était celui de l’innovation ». Nadine Ninin attelle alors, pendant plus d’un an, une équipe formée du styliste Kenneth Scott Ward, d’universitaires et ingénieurs de la NJTEC, à la conception, la réalisation et la diffusion de ce nouveau type de vêtement. « A la base, c’est un vrai challenge. On voulait se démarquer du textile classique en travaillant dans ce domaine au travers de la technologie. Cela a abouti à l’élaboration d’un vêtement qui apporte une autre fonction que celle de simplement se vêtir. On n’est plus seulement dans l’apparence, on est dans le dire et le fonctionnel ». Dans l’ouverture aussi. De soi, à l’autre. De l’entreprise à l’artiste, de la recherche à l’artisan… Nadine Ninin, semble se délecter des complexités de cette activité, mue par une insatiable curiosité. Loin des univers cloisonnés, où chaque labo développe discrètement ses activités. « Je suis pluridisciplinaire. C’est passionnant de confronter, sur un même projet, des points de vue d’artistes, de scientifiques, d’artisans, tous différents ».

Patchwork des cultures

Recherche, industrie, artisanat, à Bordeaux, dans les Ardennes ou à Paris, la directrice d’« Uranium Jeans » n’en finit plus de tisser. Des liens notamment. « La richesse de la recherche et de l’artisanat n’est pas du tout mise en avant. Des personnes qui fabriquent des ceintures par exemple, travaillent avec passion mais vivent difficilement. Si on veut mettre au point une ceinture lumineuse, il est plus pertinent de s’associer avec un artisan, qui va apporter son savoir faire. C’est le mélange de tout ça qui m’intéresse.» Derrière la caisse du show room parisien, elle s’amuse dans un anglais propret de la stupéfaction d’un client américain : « I have never seen it before ! ». « Yes, because it’s new !». Passé l’effet, Nadine Ninin épluche l’observation : « La plupart des gens sont étonnés que ces vêtements soient français. Pour l’opinion, tout ce qui est nouveau, innovant, vient d’ailleurs, des Etats-Unis par exemple. Je suis fière de montrer qu’on en est capable aussi. » Après une première boutique à Paris et à SaintTropez, la société en ouvrira une autre dans la capitale et la marque devrait être commercialisée par La Redoute. En attendant elle file déjà d’autres technologies, double d’autres communications, bref mélange les genres. ■


Crédit photo : Frédéric Desmesure

Emeric

d’Arcimoles un assembleur de talents

Ce fils d’agriculteur a fait carrière dans l’aéronautique. Pour lui, le succès d'une entreprise vient d'une alchimie de talents humains.

4 l DANIEL TARNOWSKI

«Je suis ce que je suis, ça plaît ou ça ne plaît pas». Avec Emeric d’Arcimoles, on sait tout de suite à quoi s’en tenir. Le PDG de Turbomeca est à l’image de son discours : direct et entier. C’est un homme de conviction, de dialogue et d’action. Chez lui, les trois facettes sont liées. 2007

H20

RENCONTRES 57


Un profil de battant

L’industrie est ce qui l’intéresse avant tout. Il aime être au contact avec les gens et les convaincre d’évoluer. Son credo : l’humain. Ce qu’il n’aime pas : les patrons qui s’imaginent détenir toutes les certitudes. Pour lui, une entreprise est d’abord une alchimie de talents et son succès est celui d’une équipe. « J’ai horreur de ces présentations qui montrent le chef d’entreprise comme un général napoléonien faisant la pluie ou le beau temps. Ce qui compte, c’est l’aptitude de l’entrepreneur à associer des gens de valeur ». Son atout majeur : sa force de persuasion. Son point faible : sa grande disponibilité au service de l’entreprise. Son joker : l’intuition. Sa fierté : être Gascon ! « Quand on me demande si je suis Français, je réponds : Non, je suis Gascon ! Et comme les romans d’Alexandre Dumas ont fait le tour du monde, les gens savent très bien ce qu’est la Gascogne ». Pour le PDG de Turbomeca, c’est aussi un moyen - parfois utile - de se démarquer d’une image franco-française. En fait, il est Gascon par son père et Basque par sa mère, donc 100% Aquitain.

Au contact du monde ouvrier

Emeric d’Arcimoles est né à Agen, en 1948. Ce fils d’agriculteur s’oriente vers des études scientifiques et universitaires, qu’il poursuit jusqu’à un DEA de thermo-aérodynamique. En 1974, il intègre le Groupe Snecma où se déroulera toute sa carrière. Très vite, il s’aperçoit que le domaine de la production est en pleine mutation. « Il y avait là beaucoup à faire, à condition de savoir prendre en charge les hommes ». C’est-à-dire discuter avec eux et les convaincre d’évoluer. Dans les années 1980, il est responsable de gestion, puis patron d’un atelier de près de 900 personnes, à l’usine de Gennevilliers, dans la banlieue Nord de Paris. Une expérience excessivement formatrice. « Les ouvriers sont des gens avec qui vous ne pouvez pas bluffer. Votre crédibilité repose sur votre aptitude à faire ce que vous avez dit. Même s’ils ne sont pas d’accord ». Après Gennevilliers, il est nommé directeur de l’usine d’Hispano-Suiza, à Bois-Colombes. Dans un fief ouvrier, à forte tradition communiste. Puis en 1997, il prend la direction générale de

58 RENCONTRES

H20

2007

Techspace Aero à Liège, en Belgique. « Dans une ville avec un taux de chômage de 27 % et surnommée Palerme-sur-Meuse, en raison de sa forte colonie italienne ». Là aussi, Emeric d’Arcimoles discute « très sérieusement avec les ouvriers et réalise avec eux des changements radicaux ». Résultat : la société est aujourd'hui l’une des plus rentables du Groupe.

Un choc culturel à gérer

En 2001, il devient Président-Directeur Général de Turbomeca, six mois après l’intégration de cette société dans le Groupe Snecma. La consigne de son patron est claire : « Tu te débrouilles, mais tu réussis l’intégration ». Son premier souci est d'établir un respect mutuel entre les équipes techniques et une synergie dans les études et développements. A l’époque, l’entreprise produit environ 600 moteurs d’hélicoptères par an. La vague sécuritaire initiée par le 11 septembre et la multiplication des plateformes pétrolières font exploser son marché. En cinq ans, sa production est multipliée par deux et les projections actuelles ciblent 2 500 moteurs. Pour s’adapter à cette montée en puissance, Turbomeca doit évoluer. Son organisation traditionnelle et artisanale devient industrielle et numérique. « Un choc culturel qu’il a fallu expliquer à tout le monde ». Durant la même période, 50 % de son effectif sont renouvelés, sous l’effet des départs en retraite et des créations de postes. En 2006, Turbomeca a recruté 450 collaborateurs, dont 250 sur de nouveaux emplois. Elle compte aujourd'hui plus de 5 000 personnes, dont 80 % sur les sites de Bordes (PyrénéesAtlantiques) et Tarnos (Landes). Fin 2008, le premier migrera dans un nouvel établissement en construction sur le pôle aéronautique de Bordes-Assat. Montant de l’investissement : 99 millions d’euros. « Vivre tout cela en tant que chef d’entreprise, c’est passionnant ». Mais le week-end, Emeric d’Arcimoles retrouve ses racines agenaises. Il se ressource au volant d’un tracteur en coupant l’herbe autour des arbres qu’il a plantés dans sa propriété familiale. « Le travail de l’agriculture est physique et excessivement pénible. Cela vous rend humble tout de suite. Rien de tel pour garder les pieds sur terre ! » ■


Voyage au bout au bout de la Terre 4 l Marie MORIZOT

Jean-François Narbonne,

professeur de toxicologie à l’Université Bordeaux 1, expert auprès de nombreuses instances nationales et internationales et

Michel Combarnous, ancien

Crédit photos : Marie Morizot

président de l’université Bordeaux 1, professeur d’Ecologie et Energétique générales à l’ENSAM. Deux personnes emblématiques du monde universitaire aux parcours atypiques, se sont impliquées en matière d’environnement, en mettant leurs expertises au service de la société et en jouant le rôle de conseillers auprès de décideurs. Echanges d’idées.

2007

H20

RENCONTRES 59


Comment se porte la planète ?

M. Combarnous : On dit que l’homme consomme de plus en plus d’énergie, mais la consommation moyenne d’énergie dans le monde par habitant n’a pas bougé depuis 1973. Le problème, c’est qu’il y a 200 000 habitants de plus par jour. Le plus frappant dans le système actuel, c’est cette augmentation de la population et ses conséquences sur la vie énergétique. Dans ce contexte, on est condamné à faire feu de tout bois. La problématique est là : comment redevenir raisonnable sans se freiner complètement. J.F. Narbonne : Pour comprendre, il faut connaître les évolutions. Quand on regarde les étapes, il y a eu trois révolutions. Première étape : la société primitive dans laquelle l’homme était en équilibre avec son écosystème. Puis, vient la phase agricole et là, ça commence à déraper, car on bouscule les équilibres, on modifie l’écosystème. M.Combarnous : C’est important de le souligner car la plupart des gens pensent que ça a commencé à se gâter à l’ère industrielle.

Physique et chimie, convergence ou divergence ?

J.F. Narbonne : Après il y a eu la révolution physique, avec la découverte de la machine à vapeur et du moteur à explosion. Puis il y a eu la révolution chimique : à chaque problème, sa solution chimique. Certes, la chimie nous a donné un confort, une évolution hygiénique, mais à chaque fois - on l’a vu avec le DDT, le PCB3 on a crée de nouveaux problèmes, de nouvelles maladies. Dernière révolution, celle de la biologie au moment où on commence, dans les années 60, à recréer in vivo ce qui se passe dans les cellules. On a pris conscience parallèlement, à cette époque

60 RENCONTRES

H20

2007

là, des méfaits de la société industrielle et du cul de sac dans lequel s’enfonçait la société. Le DDT et Minamata3 au Japon, ont été les deux faits à l’origine de la création du ministère de l’environnement en 1972 et de la naissance de l’écotoxicologie…

M. Combarnous : Est-ce que tu irais jusqu’à dire, que la science et la technologie sont neutres vis-à-vis du progrès ? J.F. Narbonne : La connaissance est neutre par rapport à ce qu’on peut en faire. Mais, l’idée de progrès univoque est dépassée. On ne peut plus utiliser la science en sens unique avec l’idée que tout progrès est source de bonheur.

M. Combarnous : La science et la technologie, c’est l’augmentation de l’espace des possibles. Mais il faut une clef supplémentaire, philosophique ou autre. Le vocabulaire militaire définit trois niveaux : la vision, la stratégie et la tactique. Aujourd’hui, on a le discours de la stratégie mais il n’y a plus de vision. Or, la stratégie ne peut pas exister sans vision. C’est ce qui se passe pour l’environnement aujourd’hui.

J.F. Narbonne : Quand j’entends les politiques dire qu’il faut revenir aux Trente glorieuses, au plein emploi etc., c’est aberrant. Les Trente glorieuses, c’est la pollution massive de la planète. Si on y revient, la planète explose ! On paie toujours le prix aujourd’hui de ce pic d’imprégnation des années 1970. Les jeunes qui sont nés entre 1975 et 1985 ont été exposés in utero à 350 produits chimiques…

M. Combarnous : La toxicologie, c’est le problème essentiel parce que c’est ce qui fait souffrir et mourir les gens. C’est une conséquence de ce mode de vie dans lequel on a toujours besoin de plus de bien. Et plus de bien dit plus de consommation d’énergie. Je reprends ces mots de Paul Ariès, professeur à Lyon 1 : « plus de lien, moins de bien ». Ce qui revient à dire : échangeons plus d’information, discutons, cessons


Jean-François Narbonne

d’accumuler les biens. On a fait déraper le bateau, alors qu’est ce qu’on fait maintenant ?

Quelle part de responsabilité a la science ?

J.F. Narbonne : Prenons la symbolique : « polluer la terre, c’est polluer notre mère ». La terre est la mère. Et justement on a pollué nos mères. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Il faut retrouver des choses simples et la science peut y contribuer. La nature a un certain taux d’amortissement, elle est prolifique. Elle ne repose pas sur un équilibre strict. Il y a en permanence des marges très larges sur les différents processus physiques, chimiques qui constituent notre monde. Il faut les étudier.

et de l’UNEP il est aussi membre du Comité scientifique de l’AFSSET. Il est l’auteur de plus de 200 publications dans des revues scientifiques et plus de 200 communications à des congrès. Il est l’auteur de « Toxiques Affaires » aux éditions Ramsay.

Directeur de l’équipe de Toxicologie Biochimique au sein du CNRS, au laboratoire de physico et toxicochimie des systèmes naturels. Il est aussi expert auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFFSA) du Conseil de l’Europe

M. Combarnous : A la base, quand même, le premier gisement d’énergie, c’est l’économie d’énergie. Il y a plein d’usage de substitution du gaz, du pétrole par des déchets de bois par exemple, qui sont intéressants. Il faut réintégrer une vision systémique. Au fond, dès qu’on fait quelque chose, il faut se préoccuper de la chaîne complète de notre décision. Alors bien sûr, ça ne sera jamais parfait. Mais, ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas le faire.

J.F. Narbonne : En tout cas, on ne peut faire la révolution verte à partir de biocarburant, quand on sait qu’il faut 4 litres de pétrole pour en produire un litre ! La production de biocarburant peut être intéressante si elle est produite à partir de la biomasse existante. La nature est généreuse, on peut utiliser les déchets. Il y a des sources d’innovation, des sources d’emploi, de création, de développement terribles. Mais pour ça il faut des lois et une vision ■ DDT : Dichlorodiphényltrichloroéthane PCB3 : Monochlorobiphenol

Michel Combarnous

à usage alimentaire, et, enfin, les potentiels énergétiques et environnementaux des biomasses végétales, en particulier des forêts. Correspondant de l’Académie des Sciences, il est membre fondateur de l’Académie des Technologies.

Professeur émérite à l’université Bordeaux 1 et professeur associé à l’Université de Gabès, dans le sud tunisien. Mécanicien des fluides et énergéticien, il a, ces 40 dernières années, publié divers travaux sur la thermique des milieux poreux, la récupération du pétrole, l’hydrogéologie, le séchage des produits naturels, 2007

H20

RENCONTRES 61


... Q

E

UESTION D’ NVIRONNEMENT

62 Q U E S T I O N S

H20

2007


CrĂŠdit photo :CRA/ Bernard Dupuy

la Chimie verte

2007

H20

Q U E S T I O N S 63


Crédit photo : AGPM

Une chimie alternative qui utilise des matières premières renouvelables

La chimie en mutation Des réglementations environnementales plus strictes, des réserves mondiales de pétrole qui s’épuisent… Le secteur de la chimie est en pleine transformation. Plus propre, plus sûre, plus efficace, l’ère de la « chimie verte » arrive.

D

epuis le vingtième siècle, l’industrie chimique s’est considérablement développée et nous fournit aujourd'hui une grande partie des produits de notre consommation. Mais à quel prix ? Les rendements et la consommation de masse de l’après-guerre ont conduit les entreprises à produire aux dépends de la sécurité et de l’environnement. Des catastrophes

64 Q U E S T I O N S

H20

2007

aux conséquences humaines ou écologiques ont sérieusement contribué à dégrader l’image de la chimie, sans compter les rejets de gaz à effet de serre, le trou de la couche d’ozone, ou les déchets toxiques. Tous ces événements ont amené à une prise de conscience globale pour un développement plus propre. Ainsi, au début des années 90, deux américains établissent les principes nécessaires à l’établissement d’une « chimie verte ». Devant l’épuisement des ressources énergétiques mondiales, cette chimie verte s’impose progressivement au cœur des préoccupations actuelles.

Comment produire plus proprement

La chimie verte propose de traiter les problèmes à la source, en s’insérant dans tous les stades de production. « Nous devons penser plus propre. Il faut rejeter moins de

polluants, mieux exploiter nos ressources, et optimiser les procédures. L'avenir de la chimie est là », commente Hervé Deleuze, chercheur au Laboratoire de Chimie organique et Organométallique de Bordeaux. Cette chimie alternative prévoit une conception utilisant de préférence des matières premières renouvelables. « Quand on peut basculer vers d’autres éléments que les substances toxiques pour effectuer des réactions chimiques, on le fait. On utilise par exemple de l’eau, du CO2 ou des composés naturels comme substances auxiliaires dans certaines réactions », explique Yves Gnanou, directeur du Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques de Bordeaux. De nombreux laboratoires aquitains s’orientent dans cette voie. Les innovations affluent sur les différents axes de recherche afin de remplacer les solvants et catalyseurs par des substances moins toxiques, de diminuer la toxicité des déchets, ou celle des


Crédit photo : Novamont

De nouveaux débouchés pour l’agriculture française

produits fabriqués. À l'INRA (Institut national de recherche agronomique), une vingtaine d'unités de recherche se mobilisent sur la chimie verte, et de nombreux pays financent des programmes de recherche visant à incorporer un ou plusieurs de ces principes.

Vers une chimie végétale Avec près de 2 700 entreprises, le secteur de la chimie en France se situe au 2e rang européen, et au 5e rang mondial. Un secteur en forme, mais qui va connaître un véritable bouleversement avec l’épuisement des ressources pétrolières. Les industries du plastique, textile, carburant et cosmétique, vont devoir s’orienter vers d’autres matières premières. En tête de liste, l’utilisation de ressources renouvelables issues du végétal : céréales, pommes de terre, plantes riches en sucre, bois, paille, oléagineux… Une solution très prometteuse, qui va offrir de nouveaux débouchés à l’agriculture française. Des produits d’entretien aux carburants, en passant par les matériaux, de

nombreux produits sont déjà fabriqués à partir de végétaux. Actuellement, 480 000 tonnes soit 20 % des tensioactifs, tels que les détergents, les agents moussants produits en Europe sont d’origine végétale. Un chiffre encourageant mais loin d’être généralisé à tous les secteurs puisque, en France, encore 97 % des produits chimiques sont d’origine pétrochimique.

De nouvelles perspectives européennes

Si la chimie verte apparaît comme un levier efficace pour lutter contre le changement climatique et contribuer au développement durable, son extension reste effectivement lente. « La chimie est une science qui avance lentement. Il n'y a pas encore de grosse révolution car il est difficile de changer des habitudes de travail vieilles de plusieurs décennies. Tant qu'il n'y aura pas de forte pression au niveau réglementaire ou fiscal, rien ne changera vraiment », précise Hervé

Deleuze. En Novembre 2005, le Parlement européen a approuvé en première lecture une directive marquant une évolution majeure dans ce domaine : ce serait désormais, non plus aux pouvoirs publics, mais aux industriels de prouver et d’évaluer la sûreté toxicologique de leurs produits, et de mettre en place des mesures appropriées de gestion des risques. Cette avancée importante pour la sécurité sanitaire et environnementale devrait pousser les entreprises à s’orienter vers une chimie plus propre. Car le problème actuel de la chimie verte reste son coût. Remplacer les procédés de production implique souvent de lourdes dépenses, ce pourquoi les dirigeants et investisseurs s’en tiennent plutôt aux procédés traditionnels. Compenser les coûts reste donc le principal défi de la chimie verte, dont l’efficacité environnementale est déjà démontrée. L’augmentation du prix du baril devrait cependant aider à accélérer ce mouvement, de même que les réglementations concernant l’industrie et les biocarburants. Claire MORAS 2007

H20

Q U E S T I O N S 65


Crédit photo : AGPM

D

epuis le vingtième siècle, l’industrie chimique s’est considérablement développée et nous fournit aujourd'hui une grande partie des produits de notre consommation. Mais à quel prix ? Les rendements et la consommation de masse de l’après-guerre ont conduit les entreprises à produire aux dépends de la sécurité et de l’environnement. Des catastrophes aux conséquences humaines ou écologiques ont sérieusement contribué à dégrader l’image de la chimie, sans compter les rejets de gaz à effet de serre, le trou de la couche d’ozone, ou les déchets toxiques. Tous ces événements ont amené à une prise de conscience globale pour un développement plus propre. Ainsi, au début des années 90, deux américains établissent les principes nécessaires à l’établissement d’une « chimie verte ». Devant l’épuisement des

La conquête

La France ne produit que 2 % de la production mondiale de biocarburants

de l’or vert

La course mondiale aux biocarburants a commencé. Suite au lancement du plan « biocarburant », la France est partie pour rattraper son retard. En Aquitaine, la recherche et l’industrie relèvent le défi.

Avec plus de 600 millions de véhicules automobiles en circulation dans le monde, chaque habitant de la planète consomme en moyenne plus de 1,7 tonnes d’équivalent pétrole par an. Un chiffre considérable, qui favorise l’effet de serre et

66 Q U E S T I O N S

H20

La course mondiale aux biocarburants a commencé. Suite au lancement du plan « biocarburant », la France est partie pour rattraper son retard. En Aquitaine, la recherche et l’industrie relèvent le défi.

2007

contribue à l’épuisement progressif de l’énergie fossile. Les biocarburants s’imposant comme la meilleure alternative à court terme, leur développement mondial s’accélère. De leur côté, les consommateurs français utilisent déjà des biocarburants sans le savoir. Mélangé au diesel à hauteur de 5 %, le biodiesel sous forme d’EMHV* est aujourd'hui distribué à la pompe sans identification particulière, comme le bioéthanol. « L’utilisation des biocarburants à volume égal permettrait d'envisager une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 60 à 70 % », explique Claude Lacadée, directeur adjoint de l’AGPM, l’Association Générale des Producteurs de Maïs. Mais la France a pris un sérieux retard

avec une production de seulement 460 000 tonnes de biocarburants, soit 2 % de la production mondiale. Le gouvernement a donc décidé d’accélérer les choses en fixant un taux d’incorporation dans les carburants fossiles de 5,75 % (en énergie) en 2008, 7 % en 2010, et 10 % en 2015, dépassant ainsi les objectifs de Bruxelles.

L’aquitaine prend les devants

Actuellement, quatre usines produisent du bioéthanol en France, essentiellement à partir de blé, et quatre autres fabriquent du diester. Une dizaine d’usines supplémentaires devraient voir le


commente Claude Lacadée. 180 000 tonnes de bioéthanol seront ainsi produites chaque année, dont 20 % proviendront d’alcool issu de vins non commercialisés. L’implantation de cette usine dans le bassin de Lacq devrait de plus permettre la réindustrialisation du site, menacé par la fin du gisement gazier d’ici 2013. Mais un problème demeure : si un litre d’essence représente 100 unités d’énergie, un litre de bioéthanol n’en représente que 64. « C’est imperceptible avec un mélange à 5 %, mais cela se ressentira fortement si on passe un jour à 85 %. Comme cela doit rester neutre pour le portefeuille du consommateur, l’état va devoir baisser sensiblement la Taxe Intérieure de Consommation

(TIC) des biocarburants pour compenser cette perte énergétique », explique Claude Lacadée. En attendant, l’Etat s’est engagé à défiscaliser une partie des productions afin de remédier aux coûts élevés d’une fabrication qui rteprésente à ce jour soit à ce jour 100 000 T/an. Claire MORAS

Crédit photo : AGPM

jour d’ici 2010 afin d’atteindre les objectifs d’incorporation français. Prévue opérationnelle pour 2008, l’usine de bioéthanol de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, est la première du genre dans le Sud-Ouest. Avec une production annuelle de 5 millions de tonnes de maïs, le Sud-Ouest va fournir 80 % des besoins de l’usine, soit 500 000 tonnes. « C’est une aubaine pour les producteurs de maïs du SudOuest. Ils ont perdu des débouchés importants ces derniers temps avec la fermeture en 2005 d’une amidonnerie au Royaume-Uni et l’arrivée de la Hongrie sur le marché européen. Cette usine va permettre de rééquilibrer le marché du maïs aquitain et midi-pyrénéen »,

Actuellement leader mondial sur le marché du biodiesel, l’Europe est une des régions leader après les U.S.A. et le Brésil, dans la production et l’usage des biocarburants. *ETBE : Ethyl Tertio Butyl Ether *EMHV : Esters Méthyliques d’Huiles Végétales

« Oléoma », l’alternative industrielle des huiles végétales

Depuis 2004, le programme de recherche « Oléoma », mené en collaboration avec des laboratoires industriels, et partenaires agricoles, vise à transformer les ressources oléaprotéagineuses du SudOuest pour des applications non alimentaires (lubrifiants, revêtements, cosmétiques). Né d’une action interrégionale Midi-Pyrénées et Aquitaine, et lancé par

le Centre Technique Industriel des corps gras de Bordeaux (ITERG) et le Laboratoire de Chimie agro-industrielle de Toulouse (ENSIACET), ce programme permet d’élargir les débouchés de l’agriculture du tournesol, soja, et pastel. « En Aquitaine, la culture du tournesol oléique permet de fabriquer une huile particulièrement

résistante à l’oxydation. C’est une huile très prometteuse pour le secteur des lubrifiants tels que les huiles moteurs, ou les huiles pour chaînes de tronçonneuse », explique Xavier Pages, le responsable du projet à l’ITERG. Déjà, la société Toyal (64) a pu breveter une pâte pigmentaire d’aluminium, utilisée 2007

H20

dans les peintures métalliques, à base de solvant végétal. Et afin de prolonger le programme qui touche à sa fin, un deuxième dossier est déjà déposé au Conseil Régional d’Aquitaine dans le cadre des appels à projet 2006-2007. « Il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin », conclut Xavier Pages.

Q U E S T I O N S 67


Crédit photos : Novamont

Faire du plastique avec des huiles végétales ou des molécules naturelles.

En route vers

le bioplastique En cinquante ans, les plastiques ont envahi notre quotidien et leur utilisation ne fait que progresser. Polystyrène, Polychlorure de vinyle, Polyamide, Polyester, Polyéthylène pour les plus courants, tous ces nouveaux matériaux synthétiques, dits « Polymères », sont constitués d’un assemblage de molécules organiques directement issues du pétrole. Un des grands enjeux du XXIe siècle est de pouvoir réaliser du plastique avec une ressource naturelle autre que le pétrole, soit à partir d’huiles végétales ou animales, soit à partir de molécules naturelles, soit encore, en utilisant des polymères déjà présents dans la nature.

La nature, muse des chimistes Si l’on y regarde de plus près, la nature regorge de polymères. « La cellulose des plantes, l’amidon, la laine, le coton sont des polymères. Mais la nature ne les a pas destinés aux mêmes applications. Si l’on veut les adapter à nos utilisations,

68 Q U E S T I O N S

H20

2007

il faut modifier leur forme », explique Yves Gnanou, directeur du Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques (ENSCPB Ecole nationale supérieure de chimie et de physique, Université Bordeaux 1). Comme c’est la forme d’un polymère qui va déterminer sa fonction, le LCPO travaille à l’adaptation de molécules naturelles, comme le Polysaccharide des plantes, en les coupant, les

remodelant, et en observant leurs comportements. L’avantage de ces bioplastiques ? Ne plus être dépendant du pétrole dont les réserves s’épuisent, mais également, rentrer dans une démarche plus écologique : d’une part, ils nécessitent des modes de fabrication moins polluants, et d’autre part, ils semblent se dégrader beaucoup plus facilement que leurs cousins d’origine pétro-


chimique. Une nouvelle technique semble mobiliser l’intérêt du LCPO : la chimie « bio-inspirée ». On observe la nature et on l’imite. « L’homme fabrique du caoutchouc à partir de l’Isoprène, un dérivé du pétrole. Le but est de s’inspirer de la nature pour copier la fabrication naturelle du caoutchouc », commente Yves Gnanou. Deux chercheurs s’attèlent donc à reproduire du caoutchouc selon les méthodes utilisées par les arbres. Si la structure du polymère obtenu est encore un peu différente de celle du caoutchouc naturel, la démarche semble prometteuse et pourrait ouvrir des pistes pour la fabrication d’autres polymères.

molécules permet de fonctionnaliser le polymère de manière à ce qu’il réponde aux exigences du film plastique : étanchéité, résistance, anti-oxydation… et origine végétale garantie non polluante !

A quand les bioplastiques dans nos foyers?

Tous ces bio-polymères constituent une alternative intéressante pour le secteur de la plasturgie, comme ceux de la construction, alimentation, santé, textile, ou papier. Mais leur production reste encore très faible. Et pour cause. Le coût de fabrication d’un plastique à partir de ressources végétales est environ 1,8 fois plus élevé qu'un plastique d'origine pétrolière. « Tant que le prix du pétrole n’augmentera pas sensiblement et que les réglementations européennes concernant la chimie verte ne se mettront pas en place, les industriels continueront d’utiliser les ressources pétrolières », souligne Yves Gnanou. Actuellement le marché européen des bioplastiques est de 50 000 tonnes, soit moins de 1 % du marché des plastiques. En France, il s’agit surtout de

Les deux voies royales

Claire MORAS * Unité Sciences du Bois et des Bio-polymères de Bordeaux (USBB)

Le marché du bioplastique n’en est qu’à ses balbutiements, avec 1 % du marché des plastiques

Crédit photo : Novamont

Si les recherches parallèles concernant les huiles végétales se développent progressivement, il semble que les fabrications à partir de cellulose (bois, betterave à sucre, tiges de maïs) et d’amidon (de maïs, de pomme de terre) représentent actuellement les méthodes les plus intéressantes. « Leur caractère renouvelable, biodégradable, et la perspective de nouveaux débouchés pour les filières du maïs et du pin maritime en font des ressources naturelles de premier choix », signale Alain Castellan, directeur du Laboratoire de Substances Végétales de l'université Bordeaux 1. Des films plastiques alimentaires ont ainsi pu être synthétisés, non pas à partir de polyéthylène comme dans l’industrie classique, mais à partir de polymères lignocellulosiques, fonctionnalisés par greffage. « Pour éviter qu’un biscuit ne ramollisse et qu’il ne s’oxyde, un film plastique doit réunir à la fois des molécules qui ne laissent passer ni l’eau, ni l’oxygène. Comme les deux ne sont pas compatibles, on réalise un greffage sur le polymère », explique Véronique Coma, chercheur au laboratoire. Ce rajout de bio-

fabrications à partir d’amidon de maïs, commercialisées seulement par quelques entreprises (sacs, paillages agricoles, barquettes d’emballage). Autant dire que le marché n’a pas vraiment décollé. La loi interdisant toute vente de sacs de caisse non biodégradables à partir de 2010 devrait progressivement pousser les industriels dans cette voie. C'est ici que se joue l'avenir des plastiques. Les laboratoires l’ont compris depuis longtemps, si bien qu’en Aquitaine, un pôle de recherche sur les bio-polymères* devrait voir le jour d’ici janvier 2007. Il regroupera diverses compétences autour de la rhéologie du bois et la biochimie végétale, dans le but d’améliorer nos connaissances sur les polymères naturels, et favoriser ainsi leur fabrication industrielle.

2007

H20

Q U E S T I O N S 69


Crédit photos : LPCM

Un solvant vert obtenu grâce au CO2 supercritique

Vers des solvants plus propres D’usage courant, les solvants servent à dissoudre ou à diluer. Ils sont utilisés en particulier dans les peintures, les produits de nettoyage ou l’industrie pharmaceutique. Beaucoup d’entre eux sont dangereux pour la santé et l’environnement.

En matière de solvant vert, les chercheurs du Laboratoire de physico-chimie moléculaire (LPCM) de l’Université Bordeaux 1 ont choisi la voie du CO2 supercritique (CO2 sc). Un état particulier aux propriétés remarquables que le gaz carbonique atteint à une température de 32° C et une pression de 74 bars. La phase supercritique est relativement aisée à obtenir dans l’industrie, même si quelques précautions sont indispensables. «Une pression de 74 bars, c’est tout de même plus de 20 fois celle d’un pneu de voiture. Ca peut faire des dégâts en cas d’explosion », souligne Thierry Tassaing, chercheur au LPCM.

Les atouts du CO2

Le CO2 n’en reste pas moins très répandu, peu coûteux, non

70 Q U E S T I O N S

H20

2007

toxique et ininflammable. De quoi faire de lui un bon candidat solvant vert. Cependant la solubilité de nombreux composés dans le gaz carbonique, même supercritique, est faible. D’où l’idée de l’utiliser en combinaison avec un solvant classique afin d’en améliorer l’efficacité. Un procédé de fabrication de poudres pharmaceutiques s’appuie d’ailleurs sur ce principe. Pour systématiser ces combinaisons, il faut comprendre les phénomènes microscopiques qui entrent en jeu. Par l’analyse spectroscopique de mélanges Naproxène (antiinflammatoire), CO2sc et solvant - éthanol ou acétronitrile, par exemple -. Le LPCM a ainsi pu montrer que les coquilles que forment le solvant autour du Naproxène sont plus stables dans le cas de l’ Ethanol. La modélisation mathématique le confirme : les


deux solvants n’établissent pas le même type de liaison avec le Naproxène. Ainsi mise en évidence, la caractéristique chimique qui fait l’efficacité de l’Ethanol pourra désormais être recherchée dans d’autres molécules moins toxiques. « La recherche fondamentale est indispensable si on veut faire avancer la recherche appliquée », souligne Thierry Tassaing. Un avis que partage Henri Cramail, chercheur au Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO). « Nous travaillons avec le LPCM pour comprendre de quelle façon le CO2 interagit avec nos molécules monomères. Nous avons ainsi pu saisir pourquoi dans certains cas on peut se passer de catalyseurs métalliques toxiques pour la production de polyuréthanes », explique-t-il. Les polyuréthanes sont utilisés dans de nombreuses applications (adhésifs, peintures, etc.) et au LCPO, on cherche à les produire de la façon la plus verte possible, grâce au CO2sc. « Non seulement on utilise un solvant vert mais en plus, une fois la réaction terminée, on récupère un matériau propre qui ne nécessite pas de traitement supplémentaire », précise Henri Cramail.

Une recherche indispensable Autres recherches menées en matière de solvants, celles du département de Lipochimie de l’ITERG dans le cadre du programme collectif solvants en Aquitaine. Principal objectif : remplacer les solvants pétrochimiques toxiques par des agrosolvants, notamment dans le secteur des bitumes, des peintures et des encres. Ces derniers présentent les avantages d’être peu volatiles, non inflammables, biodégradables et non écotoxiques. Pour produire ses pigments aluminium, par exemple, Toyal Europe utilise du White Spirit, source potentielle de pollution. Le

travail des équipes de l’ITERG a démontré la possibilité d’employer un solvant « vert », le Laurate de méthyle sans modification profonde de la méthode de production. « Jusqu’à récemment, les industriels pouvaient hésiter à utiliser des solvants verts pour des raisons de coût mais, avec la constante hausse du prix du pétrole, nos méthodes vont peut-être bientôt devenir compétitives en plus d’être neutres vis-à-vis de l’environnement », conclut Carine Alfos, responsable du département Lipochimie de l’ITERG. Nathalie MAYER

Crédit photo : Iterg

Utilisés quotidiennement, les solvants pétrochimiques doivent être remplacés par des solvants « propres ».

2007

H20

Q U E S T I O N S 71


72 Q U E S T I O N S

H20

2007

CrĂŠdit photo : CRA/Burdin/ Michel Geney


question En France, la vigne occupe à peine plus de 3 % de la surface agricole et représente 20 % de la consommation de pesticides. Des chiffres qui expliquent que la question d’une alternative aux pesticides se pose de façon particulièrement aiguë en Aquitaine.

des pesticides « La mise en place d’une agriculture durable est le premier objectif des recherches menées à l’INRA », explique Serge Savary, responsable du Laboratoire Santé Végétale de l’Institut National de Recherche Agronomique de Bordeaux. L’INRA a d’ailleurs lancé en 2005 un réseau d’excellence regroupant 7 pays européens. Son ambition : réorganiser la recherche en matière de protection des cultures afin d’assurer la durabilité de l’agriculture communautaire. Et pour qu’une agriculture soit durable, elle doit pouvoir produire suffisamment tout en respectant l’environnement. Il est donc indispensable de réduire au maximum les pollutions dues aux pesticides et la dépendance de l’agriculture vis-à-vis des méthodes chimiques, malgré leur efficacité. L’INRA oriente ainsi depuis plusieurs années ses recherches en la matière selon trois grands axes. D’une part, les scientifiques travaillent à l’amélioration de l’efficacité des pesticides afin de réduire les quantités de produits utilisés. Parallèlement, l’innocuité de ces produits fait l’objet de tests approfondis supervisés par une commission nationale.

« Même si nous n’avons pas de solution idéale à proposer, d’énormes progrès ont été accomplis », souligne Serge Savary. Des progrès qui revêtent une importance toute particulière en Aquitaine. « Car, dans le contexte actuel de la viticulture, l’usage de pesticides ne peut pas être évité, seulement limité », précise-t-il. Autre solution explorée à l’INRA, celle de la lutte biologique contre les insectes ravageurs. Là encore, d’importantes avancées permettant de réduire l’emploi d’insecticides ont été réalisées. Enfin, les chercheurs étudient, par le biais de croisements et de sélections naturelles, la production de variétés plus résistantes aux maladies. Les résultats obtenus sont très encourageants. Mais, « pour que l’on puisse les exploiter, il faudra attendre que la législation française évolue à l’image de celle de nombre de nos voisins européens », conclut Serge Savary. Nathalie MAYER

Crédit photo : Conseil régional d’Aquitaine/CRA

La délicate

Priorité en matière agricole : réduire au maximum la pollution due à l’usage des pesticides

2007

H20

Q U E S T I O N S 73


Crédit photos : Iterg

Des encres végétales utilisées pour le packaging alimentaire

Des encres végétales En Europe, le marché des encres destinées au packaging est estimé à 14 000 tonnes dont la moitié concerne l’emballage alimentaire. Un domaine dans lequel il est capital que les encres soient les plus neutres possible vis-à-vis du produit. Trois composants essentiels sont pris en compte dans la fabrication d'une encre : la résine, le pigment et le diluant constitué d’un mélange d'huiles minérales et végétales. Dans certaines conditions, l’élaboration des encres peut conduire à des modifications de la qualité olfactive du produit fini. C’est le cas d’encres dites « 100% végétales » apparues

74 Q U E S T I O N S

H20

2007

dans le Nord de l’Europe il y a environ cinq ans. Elles sont issues d’une matière première renouvelable et biodégradable, les Esters méthyliques d'acides gras (EMAG) que l’on trouve dans les huiles végétales. Un produit respectant l’environnement que l’équipe de lipochimie de l’ITERG s’est attachée à améliorer. Objectif : formuler une encre à base exclusivement

végétale et sans odeur qui pourrait être utilisée dans le packaging alimentaire. Leurs travaux ont d’ailleurs été couronnés de succès puisqu’ils ont permis de sélectionner un couple EMAG / huile végétale et des conditions optimales de mise en œuvre donnant des résultats très satisfaisants. Nathalie MAYER


L’un des principes de la chimie verte repose sur l’utilisation de catalyseurs. Ils permettent de réduire l’énergie et le temps nécessaire au déroulement d’une réaction. Inconvénient majeur, les catalyseurs sont souvent toxiques et polluants.

Au Laboratoire de chimie organique et organométallique (LCOO) de l’Université Bordeaux 1, les chercheurs se concentrent sur la mise au point de techniques de recyclage des catalyseurs utilisés dans les réactions de la chimie organique. « Le catalyseur peut être polluant mais si on arrive à le récupérer après la réaction il ne présente plus de danger, ni pour l’environnement ni pour l’homme », explique Jean-Marc Vincent, chercheur au LCOO. Une première solution consiste à accrocher le catalyseur à la périphérie d’une molécule de grande taille, un dendrimère (*) par exemple. « On sait très bien contrôler la synthèse de ces molécules et leur taille les rend relativement aisées à manipuler », explique Karine Heuzé, chargée de recherche au LCOO. La difficulté du recyclage repose sur le fait de devoir séparer produit et catalyseur une fois la réaction terminée. « Les grosses molécules ont une tendance naturelle à précipiter et on peut donc espérer récupérer sans trop

Crédit photo : Iterg

Des catalyseurs

recyclables

Recycler un catalyseur tout de suite après sa réaction afin de le dépolluer

de peine les catalyseurs couplés aux dendrimères », poursuit Karine Heuzé. Mais il s’avère que le procédé est plutôt agressif pour le catalyseur qui finit par se dégrader. C'est pourquoi une nouvelle voie se développe qui consiste à associer catalyseur et dendrimère à une nanoparticule magnétique. Il ne resterait plus alors qu’à récupérer le catalyseur à l’aide d’un simple aimant. Une autre idée propose d’exploiter le thermomorphisme des catalyseurs. Leur solubilité dans les milieux réactionnels peut varier fortement avec la température. Lorsqu’un catalyseur n’est pas soluble dans un milieu à température ambiante, il arrive qu’il le soit une fois le mélange chauffé. Le catalyseur tient alors son rôle et, une fois la réaction terminée, il ne reste plus qu’à refroidir le mélange et à le récupérer par filtration. « Et lorsque l’on greffe certains groupements aux catalyseurs, comme de longues chaînes alkyles (**) par exemple, la stabilité du système est améliorée et le catalyseur peut être réutilisé

plus souvent », précise JeanMarc Vincent. La catalyse hétérogène enfin permet de fixer des catalyseurs sur un support. Alors que les réactifs ne font que passer, les catalyseurs restent solidement accrochés, « un peu comme des moules à leur rocher », explique Hervé Deleuze, maître de conférence au LCOO. Le principe est simple mais délicat à mettre en œuvre. « Toute la difficulté réside dans le fait de fixer un catalyseur sur un support sans qu’il perdre ses propriétés. » Nathalie MAYER

(*) Un dendrimère est une macro-molécule constituée de monomères qui s'associent selon une construction arborescente, de taille nanoscopique (de l'ordre d'un milliardième de m). (**) Groupements hydrocarbonés saturés, hydrophobes.

2007

H20

Q U E S T I O N S 75


76 Q U E S T I O N S

H20

Crédit photo : Raguet, Hubert/CNRS Photothèque

2007


De nouveaux outils pour

une chimie plus verte La miniaturisation est à la mode dans de nombreux domaines et la chimie ne fait pas exception. D’autant que miniaturiser les outils du chimiste, c’est aussi réduire la quantité de produits toxiques utilisée. un bécher », explique Jean-Baptiste Salmon. Autre avantage de ces puces : elle permettent de visualiser simultanément plusieurs stades de la réaction. « Il suffit de regarder en différents points du réseau. » Enfin, l’injection des produits à l’aide de seringues reliées à des ordinateurs améliore la précision du travail. Tout comme c’est le cas avec la robotique, elle aussi étudiée au LOF. Un robot enfermé dans une enceinte hermétique munie d’une hotte, s’acquitte des tâches qui incombaient autrefois au chimiste, sans risque pour l’environnement. « Il travaille

même de nuit », précise JeanBaptiste Salmon. Dernière méthode explorée au LOF, le jet d’encre qui consiste à propulser de petites gouttes des différents produits sur une plaque de verre. De quoi obtenir là encore de nombreux sites réactionnels miniatures. « Pour travailler plus, plus vite et mieux », conclut Mathieu Joanicot, directeur du LOF. Nathalie MAYER * L’épaisseur approximative d’un cheveu

Crédit photos : Raguet, Hubert/CNRS Photothèque

Le Laboratoire du futur (LOF) créé à Pessac par Rhodia et le CNRS développe les outils microscopiques du chimiste de demain. « Utiliser de très faibles quantités de réactifs c’est travailler sans risque avec des produits toxiques, dangereux et chers », explique Jean-Baptiste Salmon, chercheur CNRS au LOF. L’une des solutions de miniaturisation proposée repose sur l’étude de la microfluidique. « C’est faire de la plomberie avec des tuyaux de quelques dizaines de micromètres* de diamètre », remarque JeanBaptiste Salmon. A ces échelles, il faut travailler en salle blanche. Galettes de silicium, résine, masques portant les dessins des réseaux désirés, PDMS, un matériau transparent qui durcit à la chaleur, et plaquette de verre. Il n’en faut pas plus aux chercheurs du LOF pour préparer des puces qui serviront notamment de microréacteurs chimiques. Deux produits injectés immiscibles dans deux canaux microscopiques distincts forment à la jonction, une centaine de petites gouttes par seconde. Autant de lieux où se déroulent des réactions chimiques. Car pour peu que le réseau comporte des virages, les produits sont naturellement et très rapidement mélangés. « Le touillage se fait mille fois plus vite que dans

2007

H20

Q U E S T I O N S 77


... Q

UESTION DE

78 Q U E S T I O N S

H20

2007

Crédit photo : Thomas Sanson-Mairie de Bordeaux

S OCIÉTÉ Crédit photo : Thomas Sanson-Mairie de Bordeaux


Crédit photo : Nicolas Leser

Crédit photo : CRA/Burdin/Alain Benoît

les Femmes en Aquitaine

2007

H20

Q U E S T I O N S 79


Crédit photo : CRA/Burdin/Michel Geney Crédit photos : CRA/Burdin/Michel Geney

Qui sont-elles ? Elles représentent 52 % de la population régionale, se marient moins et ont de moins en moins d’enfants. Pour les études scientifiques, elles sont 47,3 % à être en terminale S et s’orientent ensuite vers la médecine, la pharmacie plutôt que vers les écoles d’ingénieurs. Dans les organismes de recherche, seules 20 % d’entre elles sont des chercheuses !

80 Q U E S T I O N S

H20

2007

a place des femmes en Aquitaine, leur horizon et leur mode de vie, suit globalement les grandes tendances identifiées en France. Elles représentent un peu plus de la moitié de la population. Quelle est leur répartition dans la région ? Leur moyenne d’âge va en augmentant, et du fait d’études de plus en plus longues, elles tardent à se mettre en couple, et ont de moins en moins d’enfants. Ces points, assez communs dans les pays industrialisés, semblent même légèrement accentués à l’échelle de la région. Dans quels secteurs précisément ? De même, leur domaine d’activité reste très largement concentré dans les emplois tertiaires et la diversification des métiers est très difficile à percevoir sur le terrain. Les filières scientifiques, sont toujours parmi les moins dotées en jeunes filles, malgré un gros effort d’incitation pour tenter d’infléchir

L

le poids de l’influence sociale. En Aquitaine comme ailleurs on constate aussi d’importantes disparités de salaires. Le chômage féminin serait légèrement plus élevé que dans le reste du pays. Cependant, une réflexion semble s’amorcer afin de faire évoluer les modèles. Avec la difficulté majeure de devoir concilier vie de famille et vie professionnelle, les femmes cherchent aujourd’hui à inventer des solutions sur mesure. Elles se dirigent notamment en nombre croissant vers la création d’entreprise. Comment évoluent ces secteurs professionnels en Aquitaine ? Un bilan socioéconomique indispensable. Laure ESPIEU


Les femmes en Aquitaine présentent une moyenne d’âge plus élevée que sur le plan national. Elles ont aussi pour particularité d’avoir une espérance de vie plus élevée d’un mois par rapport au reste de la France.

‘Aquitaine compte actuellement 3 045 000 habitants, parmi lesquels 1 577 000 femmes. Soit un peu moins de 52 % de la population de la région. L'une des caractéristiques remarquables est leur moyenne d'âge, relativement élevée, puisqu'elle atteint 42 ans et demi. Un écart fort avec la moyenne nationale qui se situe à 39 ans et quatre mois, mais aussi avec la population masculine régionale estimée à 39 ans et 3 mois. Ce constat a bien sûr plusieurs répercussions sur les autres indicateurs démographiques. Et en particulier sur la faible natalité en Aquitaine. Bien que la baisse du nombre des naissances ait été enrayée en 2003, et qu'on enregistre même une légère hausse en 2004 (+ 1,3 %), les taux régionaux restent structurellement inférieurs à la moyenne nationale. Seulement 10,7 naissances pour mille habitants, contre 12,7 pour la

L

France métropolitaine. Le directeur de l'Institut d'Etudes démographiques de l'université Montesquieu Bordeaux IV, Christophe Bergouignan, y voit « une donnée assez historique ». « Il y a sans doute une part de tradition régionale, explique-t-il, car le célibat définitif était plus important en Aquitaine. C'est le cas dans toutes les zones conservatrices ».

Un taux de fécondité relativement bas

Cependant, le rôle des traditions régionales tend à s'amoindrir, et ce sont désormais des facteurs plus modernes qui expliquent cette faible natalité. En particulier la baisse de la fécondité définitive, c’est-à-dire du nombre d’enfants que la jeune génération de femmes aura dans sa vie, couplée

2007

H20

Q U E S T I O N S 81

Crédit photo : Thomas Sanson-Mairie de Bordeaux

La démographie féminine en Aquitaine


Crédit photo : Dörte Gröning

Les femmes en Aquitaine ont une espérance de vie plus grande que la moyenne française.

avec une arrivée de plus en plus tardive du premier enfant. « Ces indices sont probablement liés au fait de se mettre plus tard en ménage, analyse le chercheur, mais aussi à une tendance qu’on retrouve dans toute la France, mais qui apparaît encore plus marquée en Aquitaine : la place prépondérante de la scolarité et de la vie professionnelle, dont le calendrier influence de plus en plus la vie familiale ». Ainsi, parmi les femmes âgées de 25 ans aujourd’hui et habitant le SudOuest, seules 19 % ont un enfant, contre 25 % pour la France entière. Globalement, bien que basse, la fécondité régionale reste stable. Avec trois départements moteurs, les Landes, la Dordogne, et le Lotet-Garonne, qui oscillent 1,82 et 1,9 enfants par femme (soit quasiment le niveau national). En matière de décès, le taux de mortalité féminin global était en 2004 de 9,6 pour mille, soit le plus bas jamais atteint. Et la mortalité infantile reste aussi extrêmement faible, à peine quatre décès pour mille pour les nourrissons de zéro à douze mois. En matière d’espérance de vie, les femmes d’Aquitaine conservent un sérieux avantage. Les Aquitaines nées en 2004 gagnent un mois sur le reste des françaises. Elles culminent à 83 ans et onze mois (contre 76 ans et 10 mois

82 Q U E S T I O N S

H20

2007

pour les hommes). Mais l’écart pourrait se réduire. Depuis les années 90, les hommes ont gagné deux ans et demi d’espérance de vie, contre seulement deux ans pour les femmes.

Les Aquitains vivent moins en couple

Avec 12 400 mariages en 2004, la nuptialité en Aquitaine repart à la baisse (-1,8 %), emmenée par son peloton de tête : la Dordogne (-3 %), les Landes et les Pyrénées-Atlantiques (-2,9 %) pour les plus fortes diminutions. Bien qu’encore marginal, le PACS connaît par contre une nette avancée : une hausse de 41% en un an, avec 2 340 pactes civils conclus dans la région. Le chercheur Christophe Bergouignan constate cependant que les Aquitains vivent moins en couple que les autres français. En effet, dans la tranche 45 – 60 ans, 83 % des personnes ont connu une première union (plus de six mois de vie commune, quelle qu'en soit la forme) contre quasiment 90 % sur la France entière. Et le phénomène ne cesse de s’accentuer, puisque aujourd’hui, elles ne sont que 68 % parmi les femmes de 30 ans dans la région à s’être unies. Il y a tout juste cinq ans, au même âge, on

en recensait 10 % de plus. Comme par ailleurs le nombre de ruptures est en augmentation, et que les séparations interviennent de plus en plus tôt, le chercheur fait un constat simple : « On n’agrandit pas la famille ». En effet, actuellement une famille sur deux n’a aucun enfant de moins de 25 ans. Et à peine 8 % ont trois enfants ou plus (11 % en France). En 2004, le nombre de divorces a grimpé à 6 900 (+ 7 %), soit 56 séparations pour 100 mariages. Lors du dernier recensement, l’Aquitaine enregistrait 101 342 familles monoparentales, dont 85 % composées de femmes. Ce chiffre a connu un hausse spectaculaire de 24 % en 9 ans. D’où la préoccupation de Dominique Collin, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité, qui constate le manque de places en crèches, et souligne: « Aujourd’hui, il faudrait des horaires de garde plus souples, car les femmes ont de plus en plus des temps de travail atypiques, notamment dans les entreprises et les grandes surfaces ». Julie FRAYSSE


Les femmes sont plus présentes dans le secteur tertiaire et leurs salaires sont inférieurs de plus de 26 % à ceux des hommes. Un espoir cependant dans la création d’entreprise : un créateur sur trois est une femme.

i depuis un demi-siècle, les femmes ont réalisé, en Aquitaine comme en France, une formidable percée sur le marché du travail, les différences avec les hommes subsistent. Si elles sont plus nombreuses que leurs homologues masculins dans la population en âge de travailler, elles sont moins nombreuses à occuper un emploi. Selon l’INSEE, elles représentaient, en 1962, 34,3 % de la population active aquitaine contre 46,8 % en 1999. Cette forte poussée de l’activité féminine a coïncidé avec le développement des emplois salariés dans le secteur tertiaire. « Malheureusement, elles sont trop concentrées dans les métiers de ce secteur et il n’y a pas assez de diversification », regrette Dominique Collin, déléguée régionale aux droits

S

des femmes et à l’égalité pour l'Aquitaine. Les activités y sont en effet peu qualifiées et moins bien rémunérées que dans les autres secteurs de l’économie.

Une plus grande précarité

Le travail y est également très précaire, les contrats à durée déterminée sont légion et le recours au temps partiel et aux contrats aidés, monnaie courante. Pourtant 87 % des femmes ayant un emploi salarié travaillent dans le tertiaire. Elles sont ainsi particulièrement présentes, par ordre décroissant, dans les domaines de la santé et de l’action sociale, de l’administration publique, de l’éducation et des services 2007

H20

Q U E S T I O N S 83

Crédit photo : Thomas Sanson-Mairie de Bordeaux

Des emplois féminins concentrés dans le tertiaire

Des secteurs professionnels encore trop peu diversifiés


Crédit photo : CRA/Romain Cintract

Moins de 10 % de femmes dans l’industrie

domestiques aux personnes. En dehors du tertiaire, qui connaît une croissance de 2,3 % par an, les femmes sont moins présentes dans les autres secteurs d’activité. L’industrie ne pèse ainsi que 9,4 % dans les emplois féminins salariés et l’agriculture moins de 3 %. Pendant longtemps, elles ont été nombreuses à travailler notamment dans l’habillement en cuir et dans l’industrie textile ; malheureusement, ces domaines ont été frappés par la crise économique et la mondialisation. « L’industrie ne se porte pas bien et continue à perdre des emplois », souligne Christian Bergé, chef du service des études à la direction régionale aquitaine du travail et de l’emploi. En revanche, « le secteur du bâtiment, qui est actuellement le plus gros créateur d’emploi, avec une croissance annuelle de 5 % par an, ne recrute pas de femmes », regrette Christian Bergé. « Il faut que les femmes osent davantage venir vers le bâtiment », souligne Dominique Collin. Mais aussi que les employeurs soient prêts arrivent à dépasser certains préjugés.

Des inégalités salariales

Au niveau des salaires, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle, les salaires des femmes sont toujours inférieurs à ceux des hommes. En Aquitaine, en 2002, les salaires des femmes étaient inférieurs de 26 %

84 Q U E S T I O N S

H20

2007

voire de 30 % pour les cadres, selon l’INSEE. Cet écart grandit quand l’âge progresse ou quand la catégorie socioprofessionnelle s’élève. Une des spécificités de la région est que si le taux d‘activité des femmes est plus élevé que dans le reste du pays, elle compte moins de femmes cadres ou appartenant aux professions intermédiaires. Les ouvrières y sont en revanche plus nombreuses alors que le nombre d’employées se situe dans la moyenne, remarque Christophe Bergouignan, directeur de l’Institut d’études démographiques de l'Université Montesquieu Bordeaux IV.

Les Landes plus touchées par le chômage féminin

En Aquitaine, le taux de chômage féminin est plus important qu’au niveau national. Les femmes représentent 53 % des demandeurs d’emplois et ont une moyenne d’âge de 36-37 ans. « Ce taux est encore aggravé dans les Landes (56 %)», selon le chef du service des études à la direction régionale du travail et de l’emploi. Une étude est actuellement menée afin d’en connaître les causes. Par ailleurs, le chômage de longue durée, c’est-à-dire de plus d’un an, touche particulièrement les femmes. « Le marché de l’emploi devient très difficile, car il y a plus de demandes que d’offres donc les

employeurs se montrent de plus en plus exigeants et veulent des personnes de plus en plus qualifiées » regrette Isabelle Masdoumier, conseillère emploi au CDIF (Centre d’information des droits de la femme). Les femmes ont pourtant, en général, un niveau de formation plus élevé que les hommes. Par ailleurs, l’Aquitaine est une région de forte migration pour de jeunes couples actifs, ce qui expliquerait le perte d'emploi de femmes accompagnant leur compagnon ayant obtenu une mutation dans la région.

Un créateur d’entreprise sur trois est une créatrice

Parfois, à défaut de trouver un emploi, de plus en plus de femmes choisissent de se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise. « Souvent, elles viennent présenter un projet après une période d’inactivité, soit après avoir élevé leurs enfants ou soit après une perte d'emploi et l'impossibilité d'en retrouver un qui corresponde à leur niveau de compétences », remarque Marie-Françoise Raybaud, responsable création d’entreprises pour le CDIF. Désormais, environ un créateur d’entreprise sur trois est une créatrice. Les origines professionnelles de ces nouvelles chefs d’entreprises sont très variées. Elles étaient employées, artisans, commerçantes... « Contrairement aux hommes, leur création n’a souvent aucun lien avec leurs expériences professionnelles ; elles créent souvent dans un secteur où elles ont ressenti un manque » pointe Marie-Françoise Raybaud. Ainsi, elles montent des entreprises dans des secteurs tels que l’aide aux personnes, aux entreprises mais également des commerces de détail ou d’artisanat d’art. Malheureusement, leurs structures sont souvent moins pérennes que lorsque le créateur est un homme. Julie FRAYSSE


Crédit photo : CRA/Burdin/Michel Geney

La science, domaine réservé aux hommes ? i la mixité est quasiment atteinte en terminale scientifique avec 47,3 % de filles, la majorité préfère s’orienter après le bac vers la médecine, la pharmacie ou les formations paramédicales. Il ne reste plus que 25 % de filles dans les sciences fondamentales et appliquées, dont environ 15 % dans les écoles d’ingénieurs d’Aquitaine (dont l’ENSAM* et l’ENSEIRB**). Enfin, elles restent très minoritaires dans les filières technologiques industrielles. De façon générale, et ce n’est pas une surprise, les filles préfèrent plu-

S

tôt les lettres, les langues, et le droit. Mais pourquoi ? Les filles seraientelles moins douées pour les sciences ? C’est sûrement ce que l’on a essayé de leur faire croire depuis trop longtemps, car dans l’académie de Bordeaux, elles réussissent nettement mieux que les garçons (86,6% de réussite au bac S, contre 83,3% chez les garçons). C’est que, contrairement aux garçons, les filles hésitent souvent à aborder les filières longues et sélectives. « Les formations scientifiques sont perçues comme longues, abstraites, les débouchés sont souvent mal

Crédit photo : CRA/Romain Cintract

Bilan peu réjouissant en Aquitaine pour la place des femmes dans les sciences. Les filles sont davantage concernées par le phénomène de désaffection pour les filières scientifiques que les garçons. Explication.

connus ou mal garantis », explique Josée Dubois, chargée de mission pour l’égalité des chances entre les filles et garçons au Rectorat de Bordeaux. « Et puis il existe une forte influence sociale, par persistance de préjugés et de stéréotypes : l’image des hommes, scientifiques et rigoureux, et celle des femmes, sensibles et dévouées », rajoute Josée Dubois. Les filles auraient besoin de se sentir directement utiles dans la société, ce qui 2007

H20

Q U E S T I O N S 85


Crédit photo : CRA/Burdin/Michel Geney

En Aquitaine un des objectifs prioritaires de l’éducation est de promouvoir les filières scientifiques auprès des femmes

expliquerait leur goût prononcé en sciences pour les filières médicales plutôt que pour les sciences fondamentales. Cette persistance de stéréotype a la dent dure et est le plus souvent véhiculée par l’éducation parentale et scolaire. Des études ont été faites sur des tests de mathématiques proposés à des femmes. Le seul fait de croire que le test proposé implique des compétences en mathématique, suffit à entraver la performance des femmes sur ces tests. Les femmes ont elles-mêmes du mal à sortir de ces stéréotypes et doivent surmonter cet handicap psychosocial. Imagerie cérébrale à l’appui, il n’y a pas de différence significative de mode de fonctionnement du cerveau entre les sexes. Selon une étude récente faite par la neurobiologiste Catherine Vidal à l’Institut Pasteur, l’imagerie cérébrale montre l’importance de la variabilité individuelle qui dépasse largement la variabilité entre les sexes. * Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers de Bordeaux.

86 Q U E S T I O N S

H20

Prendre le problème à la source

La promotion de l’égalité entre les filles et les garçons est devenue un des objectifs premiers du projet de la loi d’orientation de 2005. De nombreuses actions sont menées en Aquitaine pour promouvoir les filières scientifiques. Le prix annuel de la vocation scientifique et technique des filles, mis en oeuvre par la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité (DRDFE), permet d’encourager les filles à s’orienter vers des formations supérieures scientifiques ou technologiques. Des cafés sciences, rencontres avec des ingénieures et techniciennes sont organisés pour les collégiens et lycéens, et même à l’IUFM*** d'Aquitaine. Les représentations se modelant

** Ecole Nationale Supérieure d’Electronique, Informatique, et Radio-communications de Bordeaux.

2007

souvent dès le plus jeune âge, sensibiliser les futurs professeurs des écoles à ces questions est de première importance. Des associations sont également engagées pour la valorisation et le soutien des femmes en Aquitaine, telles que Femmes et Sciences ou l’AFFDU.**** Malgré toutes ces actions, il reste encore un gros travail pour faire évoluer les mentalités. « L’entreprise doit aussi changer ses représentations. Il ne faut pas parachuter une femme dans un milieu masculin. C’est pourquoi nous travaillons avec les employeurs pour intégrer les femmes dans les milieux peu féminisés », commente Dominique Collin, responsable de la DRDFE. « Avec les avancées de la robotisation et des normes sécuritaires, les femmes peuvent exercer n’importe quel métier, même physique ». Claire MORAS

*** Institut Universitaire de Formation des Maîtres **** Association Française des Femmes Diplômées des Universités


Les femmes dans la recherche, un véritable défi !

Avec seulement 11 femmes prix Nobel contre 457 hommes, la recherche souffre désespérément d’une carence féminine. En Aquitaine, les femmes représentent 32 % des effectifs du CNRS. Et malheureusement, plus les métiers sont qualifiés, plus elles se font rares : seulement 20 % des femmes sont chercheuses, alors que 50 % font partie du personnel ingénieur, technicien, et administratif. Et, ce phénomène de « plafond de verre » est encore plus marqué chez

les directrices de recherche de classe exceptionnelle… Face à ce problème majeur, le CNRS est le premier organisme de recherche à s’être doté en 2001 d’une mission pour la place des femmes. Son rôle est d’analyser statistiquement et qualitativement le statut des femmes au CNRS, et de mettre en place des actions de sensibilisation (forums, colloques, remises de prix, expositions, ou éditions de livres). « Pour monter les échelons, un chercheur est jugé sur

ses publications. De par leur manque de temps lié aux obligations familiales, les femmes en ont moins et restent sur la touche », explique Geneviève Hatet-Najar, directrice de la mission. De fait, elles accèdent plus tardivement aux postes à responsabilité, induisant une différence de salaire conséquente par rapport aux hommes ». Afin d’abolir ces avantages masculins, sans féminisme pour autant, la mission du CNRS cherche sans cesse

à élaborer de nouveaux projets en collaboration avec le ministère de la recherche, l’éducation nationale, et les associations. Communiquer en direction des jeunes, sensibiliser, et valoriser la place des femmes sont les maîtres mots de cette vaste mission. Le chemin de la parité est encore bien long. C’est un sujet sensible, voire dérangeant : « pour un pas en avant, nous en faisons trois en arrière… », conclut la directrice.

Etre minoritaire, c’est confortable : inserb Crédit photo

Sylvie Renaud, directrice et professeur à l’ENSEIRB (Ecole Nationale Supérieure d’Electronique, Informatique, et Radiocommunications de Bordeaux), endosse trois rôles : chercheuse, directrice, et mère de famille. Rencontre avec une femme scientifique de notre temps. remière femme nommée enseignantchercheur à l'ENSEIRB, Sylvie Renaud dirige aujourd’hui une équipe de recherche rattachée à l’ENSEIRB, au CNRS et à l'université Bordeaux 1, sur l’ingénierie des systèmes neuromorphiques. « On fait des circuits intégrés qui simulent des neurones biologiques afin d’essayer de comprendre comment fonctionnent certaines parties du cerveau ». A 42 ans, deux enfants, Sylvie Renaud, est aussi depuis quatre ans directrice d’Etudes de l’ENSEIRB. Cette fonction lui permet de prendre du recul, de mieux appréhender l’enseignement supérieur en France. « Etre directrice m’a fait mûrir », dit-elle. Mais après son mandat de cinq ans, Sylvie veut à nouveau se concentrer pleinement à la recherche. « Les hauts postes de direction ne me font pas rêver. A partir d’un certain

P

niveau, il faut faire de la politique, des relations extérieures, des grands discours. Très franchement, je pense que les hommes gèrent mieux ce genre de chose », se confie-t-elle. « Il faut un équilibre entre les deux ». Entourée d’hommes, elle avoue trouver cette situation confortable au quotidien, mais reconnaît volontiers qu’être une femme dans le milieu de la recherche pose des problèmes pour les évolutions de carrière. Un homme peut se permettre de travailler tard, pas une femme quand elle a des enfants. C’est souvent un frein dans sa carrière, même si l’on voit de plus en plus d’hommes jouer un rôle important dans la vie de famille. Si elle semble aujourd’hui satisfaite de son parcours professionnel, Sylvie ambitionne tout de même de poursuivre sa carrière à l’étranger. Mais pas avant six ans, dit-elle, quand ses enfants seront plus grands. Claire MORAS

2007

H20

Q U E S T I O N S 87


: CELM Crédit photo

Profession : lanceuse de missile

Julie Serrier, 27 ans, est ingénieur de l’armement au Centre d’Essais de Lancement de Missiles (CELM) dans les Landes. Son métier : tester les nouveaux missiles !

rrivée en 2002 au CELM, tout juste après l’obtention de son diplôme d’ingénieur à l’ENSTA (Ecole Nationale Supérieure de Techniques Avancées de Paris), Julie Serrier est aujourd’hui directrice d’essai. Son rôle est d’assurer l’acquisition des mesures concernant le missile en vol (trajectoire issue des radars…), mais également d’assurer la sécurité des personnes extérieures à l’essai. « Je m’occupe surtout des missiles balistiques c’est-à-dire des missiles longue portée de type M45, qui sont les armes des sous-marins. Nous testons actuellement le M51, une arme de sous-marin à but dissuasif, qui est plus gros, plus précis, avec une portée plus importante, de l’ordre de 1000 kilomètres. Il devrait être opérationnel pour 2010 ». Naturellement, lancer des missiles n’a pas été un rêve de petite fille. Le choix d’intégrer la Délégation

uem : Château Yq Crédit photo

A

Générale pour l’Armement (DGA) s’est imposé progressivement, au fil des rencontres. « J’avais plus ou moins un pied dedans car l’ENSTA est placée sous la tutelle de la DGA. Mais c’est surtout la possibilité d’acquérir des responsabilités très tôt qui m’a convaincue. Les débuts de carrière sont très intéressants : en deux ans, je suis passée d’ingénieur d’essai temps réel au poste de directeur d’essai ». Julie anime aujourd’hui une équipe d’une quinzaine d’ingénieurs, et ambitionne de devenir directrice de programme à Paris. « C’est la suite logique de ma carrière. Mais pour l’instant, j’aime être proche du terrain pour voir se matérialiser mon travail ». Depuis la salle de contrôle, elle supervise la réalisation des essais avec déjà plus d’une centaine de tirs de missiles à son actif. Claire MORAS

Sandrine Garbay , maître de chai au Château Yquem Diplômée de la faculté d’oenologie, Sandrine Garbay travaille tout d’abord au laboratoire Yquem avant de devenir maître de chai

e déclic se produit durant son année de terminale. Sandrine Garbay se promène sur les quais de Bordeaux et tombe sur la plaque dorée d’un oenologue. « Je ne connaissais pas ce métier explique-t-elle. J’ai appris que c’était un mélange de science et d’applications à l’agriculture. Je me suis dit : c’est ma voie ! » Férue de chimie, la jeune femme n’est pas issue du monde du vin, mais évoque avec tendresse son père, amateur éclairé. « Il a sans doute participé à ma vocation en me dessinant un univers noble ». En 1989, Sandrine Garbay est diplômée de la faculté d’œnologie, et choisit de débuter par la recherche. Cinq ans de thèse dans les labos universitaires : « A la sortie j’avais vraiment envie de découvrir le terrain ». Elle aimerait travailler dans le Sauternes. Et de manière inattendue, un ami la présente à Yquem. « Je n’aurais jamais

L

88 Q U E S T I O N S

H20

2007

imaginé trouver un poste aussi prestigieux », reconnaît-elle. On lui donne pourtant sa chance, et elle est embauchée pour s’occuper du laboratoire. C’est là, au contact de l’ancien maître de chai, qu’elle apprendra le métier, les secrets et les traditions du plus prestigieux des blancs. Trois ans plus tard, la place se libère, et la jeune-femme s’y installe tout naturellement. A 39 ans, et avec deux enfants, elle est toujours dans l’émerveillement : « C’est le poste dont je rêvais, être au cœur du vin, participer intimement à sa création. Si les femmes sont encore peu nombreuses dans la profession, Sandrine souligne que leur présence tend à se démocratiser. « Le métier est devenu beaucoup moins physique. Grâce aux chariots élévateurs, on ne porte plus les caisses à dos d’homme ». Laure ESPIEU


cat : Nicolas Tu Crédit photo

Une ostréicultrice à l’âme paysanne

Sylvie Latrille est ostréicultrice sur le Bassin d’Arcachon, à Piraillan et vice-présidente de la section régionale conchylicole

’est en 2000 que Sylvie Latrille a troqué son microscope pour enfiler des cuissardes d’ostréicultrice. Au départ, l’arrivée de cette biologiste dans ce métier peu féminin et qui se transmet généralement de génération en génération en a fait sourire certains. Mais c’était sans compter sur la pugnacité de cette brune au regard vif. « Je voulais faire de l’agriculture et cela m’a semblé économiquement jouable de me lancer dans l’ostréiculture », raconte cette fille d’agriculteurs lot-et-garonnais. A 34 ans, elle quitte donc son laboratoire pour se lancer à corps perdu dans l’aventure. Après avoir obtenu son brevet professionnel et passé son permis bateau, c’est dans le port ostréicole de Piraillan qu’elle s’établit. Un choix que, six ans après, elle ne regrette pas. « Ici, je suis comblée », affirme cette mère de trois enfants, âgés de 11 à 15

C

ans. Ce métier, elle l’aime et le défend avec rage et passion même si le quotidien est souvent difficile. Il faut supporter le froid et endurer les grosses chaleurs, pousser des charges, marcher dans l’eau. « Les femmes, si elles veulent tenir, doivent réfléchir plus que les hommes afin de s’économiser physiquement », lance-t-elle amusée. Les crises à répétition que connaît la profession depuis quelques années ont pourtant parfois un peu entamé son moral. « Cela casse tout : le rythme, les projets, le moral et le chiffre d’affaires », explique celle qui est aujourd’hui vice-présidente de la section régionale conchylicole. Elle met d’ailleurs toutes ses connaissances de biologiste au service de cette profession qui l’a désormais adoptée et la respecte comme une des siens. Julie FRAYSSE

Un prix, des rencontres

haque année, la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité distribue le Prix de la vocation scientifique et technique à 24 jeunes filles en Aquitaine. Cap Sciences contribue à cette action et permet à chacune des lauréates d’être accompagnée par une marraine ou un parrain, issu du monde de l’industrie ou de la recherche. Les jeunes collégiens et lycéens de la région aquitaine peuvent aussi travailler sur un cédérom interactif comportant un quiz sur les sciences et la mixité et des dossiers pédagogiques, dialoguer avec des chercheurs et des ingénieurs. Le site Internet de Cap Sciences présente les portraits de toutes les lauréates du Prix ainsi que ceux des marraines et des parrains. Cette action rassemble aujourd’hui près de 70 professionnels du monde des entreprises et de la recherche au sein du Réseau des parrains et des marraines. Le 13 mars 2006, une centaine de représentants de l’Economie, de l’Education et de la Recherche se sont réunis pour réfléchir ensemble à la thématique « Sciences, techniques et mixité : comment mobiliser les talents de demain ? »

C

2007

H20

Q U E S T I O N S 89


... Q

RECHERCHE

Crédit photo : CRA/Patrick Somelet/deepix

UESTION DE

90 Q U E S T I O N S

H20

2007


la Vigne et le Vin

2007

H20

Q U E S T I O N S 91


Crédit photo : CRA/ Burdin/Alain Benoît

De la cuverie à la chaîne d’embouteillage, la viticulture a une importance fondamentale en Aquitaine.

Pour l’amateur ou le professionnel du vin, la période est enivrante : sur une courte décennie, le monde du vin a connu une évolution aussi considérable que lors des grandes périodes, qui ont fait son histoire millénaire.

92 Q U E S T I O N S

H20

2007

Un vin en mutation C

rise commerciale ? A y regarder de plus près, c’est tout le monde du vin, à commencer par le vin lui-même, qui bouge, craque, foisonne. En dix ans - la décennie est retenue par les spécialistes, oenologues, chercheurs en sciences humaines ou analystes du marché - les vins de Bordeaux ont évolué, parfois de façon radicale, et presque toujours vers une meilleure qualité. De nouvelles méthodes de vinification se sont généralisées. Le système des appellations, périmé, est sur le point d’être totalement refondu. En dix ans, la surproduction,

comme la concurrence, s’est mondialisée. Vignerons, industriels, consommateurs, marketing : un nouvel équilibre se met en place autour d’un breuvage ancestral qui aura toujours une autre valeur que simplement marchande. Aucune mutation profonde ne peut s’accomplir sans douleur. A Bordeaux, on est aux premières loges. Une récente thèse de doctorat - Carole Doucet (université Montesquieu Bordeaux IV) - a montré qu’en bordelais, la plus grande partie de la valeur ajoutée du travail de la vigne reste sur le territoire local, sans évasion forcée vers la métropole


Crédit photo : CRA/ Burdin/Alain Benoît

Crédit photo : CRA/ Romain Cintract

économie. Les paysages viticoles, ensuite, avec la collaboration de l'ENSAP (Ecole Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux). Le rôle du paysage dans l’image d’une appellation et son développement a déjà été cerné. La réflexion sur la gouvernance concerne la gestion des terroirs et de la filière : dans la réforme des organismes professionnels, quelle sera la bonne échelle et pour quelle prise de décision ? Enfin, en 2007, le Cervin va aborder la construction sociale de l’image des vins de Bordeaux. « La part subjective liée aux représentations est aussi importante, dans l’appréciation

d’un vin, que la part organoleptique. Il y a autant d’histoire - la culture, que de géographie – le terroir, dans une bouteille ».

régionale ou l’économie nationale. Jean-Claude Hinnewinckel, professeur de géographie à l’université Michel de Montaigne Bordeaux 3, décrit l’importance de la viticulture dans notre région : « les produits de traitement, la tonnellerie, les banques… tout cela constitue une économie et une vie locale ». Cadillac, par exemple, ne compte que 2 500 habitants, mais toutes les banques y ont une agence. Avec le Cervin, le centre de recherche qu’il dirige, JeanClaude Hinnewinckel travaille dans trois domaines. L’étude du patrimoine viticole, d’abord et de sa représentation dans les arts. La visée en est la préservation du vignoble et de son

Histoires de vin

L'histoire, justement, nous apprend ce qui a fait le vin de Bordeaux, et ce qu'il a lui-même accompli. Le point de départ est plus géopolitique que géophysique. La vigne est présente dès l'antiquité, mais le grand essor du vignoble date du Moyen-Âge, lorsque l'Aquitaine était anglaise. Le clairet prendra durablement le chemin de l'Angleterre. Le vin est déjà international. Le succès est tel que le vignoble quasi urbain de Bordeaux ne suffit plus : Cahors, Gaillac et Bergerac alimentent bientôt le port. En échange de leur soutien aux anglais contre la couronne française,

les bordelais obtiennent des avantages fiscaux : les privilèges. Le vin devient un instrument politique. Et c'est l'église qui plantera le plus. Après la bataille de Castillon (1453), les anglais se tournent vers la péninsule ibérique. Première et longue crise... Mais arrivent les hollandais, grands marchands. Ils développent la distillation du vin blanc. On s'oriente ensuite vers des vins puissants, vieillissant mieux. Au XVIIe siècle, l'aristocratie refait le succès de Bordeaux, un affront fait à la Bourgogne, à la Toscane. Les échanges s'intensifient et Bordeaux est sur la carte du monde. Le vin se fait humanisme. Les guerres napoléoniennes brisent l'élan. Puis, après 1850, les échanges reprennent, surtout vers les Etats-Unis. Et la qualité devient une vraie préoccupation, le classement de 1855 en témoigne. La fin du XIXe siècle verra la mort du vignoble, décimé par le phylloxera. La renaissance, s'accompagne de mutations techniques, de sélection des cépages. A l'aube du XXe siècle, on connaît déjà la surproduction et les fraudes, que viendra combattre la loi. Les AOC sont créées en 1936. Elles sont aujourd'hui à bout de souffle, entre des grands crus qui ont augmenté de 500 % en dix ans et des appellation en surproduction. Philippe-Henri MARTIN

2007

H20

Q U E S T I O N S 93


Une économie

Crédit photo : CRA/Patrick Somelet/deepix

en expansion

94 Q U E S T I O N S

H20

2007


«

En règle générale, le consommateur connaît mal le vin », estime Pascal Loridon, directeur marketing du CIVB*. Il n’a pas d’attente très précise et finalement, il y gagne puisque la qualité, au niveau mondial, s’est considérablement améliorée ces dix dernières années. A Bordeaux, les vins que l’on pouvait qualifier de « verts » il y a dix ans sont aujourd’hui très rares ». Françoise Langlade, œnologue et professeur d'oenologie, ne dit pas autre chose : « On a résolu le problème en vendangeant une semaine à dix jours plus tard qu’il y a dix ans ».

Une vendange mûre, saine et bien concentrée

Cependant, les vendanges étant plus tardives, l'acidité est plus faible et des levures d'altération peuvent se développer. On surveille donc le vin de très près, presque d'heure en heure. C'est aussi au cours de cette décennie que s'est imposé l'intérêt pour la maturité phénolique des anthocyanes, qui donnent sa couleur au vin et des tannins que l'on trouve dans la peau du raisin (la « pellicule »), pour les meilleurs, dans les pépins, voire dans la rafle, où ils sont plus vulgaires. Cette maturité est étudiée par la chimie, mais aussi par la dégustation du raisin : on l'observe, on le goûte, on évalue son fruité et son astringence. « La dégustation est un excellent outil, relève Françoise Langlade, et le moins cher de tous ! ». On prend aujourd'hui grand soin des baies, les machines sont moins agressives et on les « foule » (sans les écraser) désormais après avoir éraflé (soustraction de la « rafle »). L'usage des tables de tri s'est généralisé, pour obtenir une vendange la plus saine possible. Et surtout, on cherche aujourd’hui à optimiser l'extraction des composés phénoliques. Première méthode : la macération pré-fermentaire, qui libère anthocyanes et arômes avant la fermentation alcoolique. Puis la macération fermentaire, qui permet de poursuivre l'extraction, en pratiquant

des « remontages », qui étaient autrefois le seul moyen d'extraction utilisé. On peut aussi « délester », sortir du jus pendant la fermentation puis le renvoyer sur le chapeau de marc pour le mouiller et extraire un peu plus. La « saignée », elle, consiste à soustraire définitivement du moût, toujours dans le but de concentrer le vin. Le pigeage, technique bourguignonne, consiste à enfoncer le chapeau de marc dans la cuve. Et certains vont jusqu'à ajouter des tannins de façon artificielle. Pour les grands vins rouges, la fermentation malolactique (deuxième fermentation, découverte par Ribéreau-Gayon dans les années 1920), se fait de plus en plus souvent en barriques. La raison est surtout stratégique et commerciale : ces vins se goûteront mieux pour la vente en primeurs, alors que la différence est insensible après quelque temps passé en bouteilles. L'élevage sur lies, lui aussi, se développe, à juste titre pour les vins de garde : les lies, ces impuretés du vin, apportent au début de l'élevage des éléments aromatiques, de la richesse, du « gras », de la rondeur. Il suffit d'agiter le contenu des barriques (« batonnage ») pour les faire agir, ce qui est excellent pour les rouges comme pour les blancs de garde. De plus en plus souvent encore, on apporte de l'oxygène au vin, par différentes techniques, « microbullage » ou « cliquage », selon les fournisseurs de ces techniques. L'usage de la barrique, pour sa part, s'est considérablement développé. C'est le chêne américain, moins cher et très aromatique, qui a la cote aujourd'hui. Il donne ces notes de vanille et de toasté, parfois excessives, aux vins de moyenne garde qui se vendent aujourd'hui. Ce type de goût, inspiré par celui d'œnologues ou dégustateurs influents en matière de grands vins, est dans la lignée des productions du « nouveau monde » : des vins bien fabriqués, mais un peu lourds, sucrés et boisés, souvent éloignés de toute notion de terroir. « Il est vrai que les vins ont parfois tendance à se ressembler, mais dans la qualité, alors qu'ils pouvaient se ressembler autrefois dans leurs défauts,

explique Françoise Langlade. Cependant, le terroir fera toujours la différence ». A Bordeaux, comme ailleurs en France, le retour du terroir, du fruit, de la complexité, de l'élégance, bref de la personnalité du vin, est en train de s'amorcer, avec en prime les acquis techniques et qualitatifs de ces dernières années, affirment aussi bien Pascal Loridon que Françoise Langlade. C'est une vraie carte à jouer pour les vins du vieux continent, à commencer par ceux de Bordeaux. Et même le bouchon fait sa révolution : le bouchon de liège, qui laisse encore 3 % de bouteilles altérées, perd du terrain face à la capsule à vis ou au bouchon synthétique, avec des recherches pour en améliorer les propriétés.

Eduquer le public

Si la dégustation, en dix ans, s'est imposée dans toutes les formations liées au vin, le consommateur, qu'il soit français, américain ou chinois, devra apprendre à ne pas se contenter de breuvages flatteurs, faciles. C'est dans cet esprit que le CIVB a lancé son Ecole du Vin, avec déjà plus de cent formateurs à l'étranger. Et c'est aussi pour aider et sécuriser le consommateur que l'on va réformer appellations et syndicats viticoles. Car on s'y perd : des viticulteurs, surtout en Languedoc, vendent près de 100 e une bouteille de vin de table, pour la raison qu'ils ont choisi de s'affranchir, avec succès, des contraintes de l'AOC, et des vins d'appellations réputées sont vendus dans des volumes considérables alors qu'ils n'ont pour eux qu'une ronflante étiquette. Dès 2007, les AOC pourraient donc être scindées en AOC « d'exception » et en AO aux rendements supérieurs et aux vinifications plus communes, à des prix attractifs. A l'appui de cette révolution, devrait déboucher prochainement le dossier « pôle de compétitivité » initié par les viticulteurs et la Région Aquitaine pour dynamiser le secteur. Philippe-Henri MARTIN

* Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux

2007

H20

Q U E S T I O N S 95


Crédit photo : B PhR/DR

Le vignoble passé au crible

Sans intervention humaine, la vigne privilégie sa propre croissance à la production de fruits. Les pratiques viticoles s’opposent donc à ce fonctionnement naturel. Pour assister le travail des viticulteurs, les scientifiques cherchent à comprendre les processus mis en jeu et à élucider les mécanismes moléculaires de la vinification et de l'élevage des vins.

A

l’INRA de Bordeaux, les scientifiques de l’unité Ecophysiologie et génomique fonctionnelle de la vigne travaillent à l’optimisation de la conduite du vignoble. Premier facteur étudié : l’eau. « Nous avons découvert qu’en introduisant une contrainte hydrique raisonnée en été, la vigne produisait un meilleur fruit », explique Jean-Pierre Gaudillère, directeur de recherche. La compréhension du fonctionnement d’une vigne dans son environnement permet de définir les choix architecturaux optimaux car les besoins en eau sont directement liés au feuillage de la vigne et à l’enherbement du sol. Autre élément important, la présence dans le sol de nutriments et notamment d’azote. Les scientifiques travaillent donc à la modélisation des besoins et des ressources. « Dans certains cas, il est intéressant de pouvoir freiner la nutrition de la vigne pour faciliter la

96 Q U E S T I O N S

H20

2006

maturation des raisins. Il faut cependant assurer une alimentation en azote suffisante pour éviter des problèmes pour la fermentation des vins blancs notamment », précise Jean-Pierre Gaudillère. Enfin, dernier aspect pris en compte, celui de l’ensoleillement. C’est le rayonnement solaire qui apporte à la vigne l’énergie nécessaire à l’alimentation des raisins en sucres et en acides aminés. Au niveau des grappes, il existe des microclimats qui ont des incidences majeures sur la qualité du raisin. Et par conséquent sur celle de la vendange qui rassemble des raisins ayant connu des microclimats différents. Le défi est ici de déterminer la combinaison optimale et de préconiser des interventions raisonnées afin d’obtenir le meilleur raisin. Car, après les vendanges, vient le temps de la vinification. « Nous étudions les phénomènes microbio-

logiques et chimiques qui interviennent dans la transformation du moût en vin », explique Aline Lonvaud, professeur à la Faculté d’œnologie de Bordeaux. Objectif : exprimer au mieux les qualités du raisin puis stabiliser le vin dans le temps. Pour y parvenir, plusieurs spécialités travaillent en collaboration. Les chimistes analysent les substances à l’origine des arômes et de la couleur du vin, les microbiologistes étudient les génomes des levures et des bactéries intervenant dans les fermentations. Des travaux directement profitables aux professionnels. En effet, « l'étude de l'écosystème permet de mieux utiliser la biodiversité des levures et des bactéries » précise Aline Lonvaud. Une meilleure connaissance des levures et de leurs métabolismes permet, par exemple, de croiser certaines d’entre elles et de donner naissance à de nouvelles levures présentant des propriétés œnologiques plus intéressantes. Des bactéries lactiques sont également sélectionnées pour leur qualité œnologique. De quoi, espèrent les scientifiques, produire des vins plus aromatiques et présentant moins de défauts mais aussi améliorer les traitements physiques. « Nous cherchons aussi à réduire l'impact de la viticulture et de l'œnologie sur l'environnement grâce au traitement des effluents », conclut Aline Lonvaud. Nathalie MAYER


La protection intégrée

Les travaux menés par l'INRA portent sur la réalisation de règles de décision permettant de mettre en place des stratégies de traitement dans les limites des risques pour la récolte, la qualité

de la vinification ou des contraintes esthétiques (exemple des chutes de feuilles en fin de saison). Les observations climatiques (température, pluviométrie, hygrométrie : constats et prévisions)

Traitements Mildiou

Oïdium

Botrytis TOTAL

L'intérêt de l'expérimentation de ces modes de culture est de proposer des alternatives aux traitements systématiques, donc de diminuer la part des intrants et de mesurer, en aval, les impacts significatifs sur la qualité de la récolte.

et des symptômes ou de la présence d'insectes et les analyses qui en découlent permettent, sur les parcelles de référence concernées par la protection intégrée, de diviser

Parcelle Protection intégrée Nombre de traitements 5 2

1

8 Par exemple, des analyses ont montré que le taux d'oïdium tolérable (dont les conséquences sont détectables dans les dégustations) est plus élevé que prévu ou couramment admis, ce qui permet de proposer une réduction des traitements

par deux le nombre de traitements de la vigne par rapport à la moyenne des traitements apportés à un vignoble standard.

Parcelle Standard Nombre de traitements 10 5

2

17 de cette maladie. Des démarches parallèles vont dans le même sens, même si les différents paramètres ne sont pas pris en considération de la même façon. Parmi ces pratiques culturale, l'agriculture

raisonnée et l'association "Terra vitis" qui propose à ses adhérents un cahier des charges pour un respect de l'environnement et une agriculture durable ou des contrats de culture proposés par des négociants.

Des développements existent sous forme de Systèmes d'Information Géographique permettant la compilation d'informations détaillées comme les réserves utiles du sol, le poids des bois de taille –vigueur de la vigne-, le stress hydrique, les rendements, les données climatiques (rayonnement solaire, température, hygrométrie…).

sont commercialisés et permettent de représenter des blocs homogènes de structures via des mesures de résistivité.

La cartographie des parcelles Il s'agit d'une autre retombée des activités de recherches présentes à l’INRA Domaine de Couhins. Elle permet de constituer, sur des parcelles de l'ordre de 30 ares, de recenser avec précision des données pédologiques, les caractéristiques des porte-greffes –par exemple les capacités de résistance aux maladies, les rendements quantitatifs et qualitatifs des ceps… soit l'ensemble des paramètres du système plante-sol. La cartographie prend en compte l'analyse des sols (sondage tous les 12 m, mesure de la résistivité électrique

pour caractériser la texture des sols et leur teneur en eau…).

Cette mise en mémoire des paramètres de production permet par exemple de soumettre à l'ensemble des partenaires de la viticulture (œnologues, courtiers…) une échelle de tolérance à la présence de maladies de la vigne. Ce type d'action est rendu possible par une connaissance fine des relations entre vigueur de la vigne et développement des symptômes parasitaires.

Des modèles 3D sont en cours de formalisation (Jean-Pierre Gaudillère, INRA) et des logiciels

2007

H20

D'autres étapes permettront d'intégrer ces différentes approches et pour les faire converger vers des cartes de synthèses, permettant à terme une véritable viticulture de précision, ce qui rejoint les travaux réalisés par le Centre INRA de Pech Rouge. Jean-Alain PIGEARIAS

Q U E S T I O N S 97


L

a consommation de vin ou l’utilisation de pesticides a des conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement. Les scientifiques cherchent à les inventorier pour les combattre ou les exploiter. Qui dit effet du vin sur la santé pense en premier lieu aux conséquences de la consommation d’alcool. Ainsi les chercheurs souhaitent préciser la toxicité de l’éthanol contenu dans les vins. Celle-ci dépend de la quantité absorbée. Les scientifiques de l’Unité de nutrition et de signalisation cellulaire de l’Institut des Sciences et techniques des aliments de Bordeaux s’intéressent par exemple aux effets cognitifs de l’éthanol. Et ils se sont aperçus qu’à faible dose, la consommation d’alcool permet d’améliorer les performances mémorielles des souris de laboratoires. Moins connus du grand public mais possédant d’intéressantes propriétés biologiques, les polyphénols. Ces molécules contenues dans le vin sont les principales responsables de ses propriétés organoleptiques. « On les trouve en fait dans toutes les parties de la vigne », précise Jean-Michel Mérillon, responsable du Groupe d’études des substances actives végétales à l’Université Bordeaux 2. Avec son équipe, il s’attache à isoler les différents polyphénols du vin. « Une fois extraits et identifiés, nous pouvons étudier la biodisponibilité de chaque type de molécules de polyphénols », explique-t-il. Il s’agit de comprendre comment les polyphénols passent dans le sang et de préciser dans quels organes on les retrouve. Après avoir travaillé sur des cellules cultivées in vitro et sur des souris

98 Q U E S T I O N S

H20

2007

Crédit photo : Frédéric Desmesure

Vin et santé : à consommer avec modération ?

cobayes, les chercheurs bordelais viennent de lancer une étude sur l’Homme. Fin 2006, le groupe étudié a consommé, au cours d’un repas, un vin contenant des polyphénols marqués au carbone 13. Des prélèvements sanguins et analyses d’urines ont ensuite été effectués pendant quelques heures afin de déterminer quels polyphénols initialement présents dans le vin se retrouvaient ensuite dans les organismes. Des travaux justifiés par les nombreuses propriétés que les chercheurs attribuent à ces molécules. Des actions anti-oxydantes utiles pour lutter contre les maladies cardiovasculaires aux propriétés anti-inflammatoires en passant par les effets positifs sur les cancers. Certains polyphénols agissent aussi comme stimulant des défenses naturelles de la vigne. « Il semble qu’ils soient particulièrement efficaces contre le mildiou », précise JeanMichel Mérillon. Peut-être de quoi réduire l’utilisation de pesticides.

Préserver la qualité

« Pour produire du vin, il faut protéger la vigne », prévient Philippe Reulet, expert « pesticides, eau, environnement » à la Direction générale de l’alimentation. Son travail : évaluer le risque de l’emploi de produits phytosanitaires sur les consommateurs, les opérateurs et l’environnement. « Tous les produits utilisés présentent un danger potentiel qui doit obligatoirement être mis en relation avec l’exposition », explique-t-il. Ainsi, le risque pour

l'opérateur est-il de très loin le plus important, le viticulteur étant en contact direct avec les pesticides. Concernant la problématique de la qualité des eaux, le Ministère de l’agriculture a mis en place en l’an 2000 des Groupes régionaux phytosanitaires (GRAP). Leur première mission a été d’établir un zonage des risques. « Et en Aquitaine, pas de grande surprise, ce sont les zones viticoles qui ressortent », précise Philippe Reulet. Autres objectifs des GRAP : l’optimisation des réseaux d’observation de la qualité des eaux et la réalisation d’études sur des bassins versants pilotes. Ces dernières permettent d’apprécier la pertinence des plans d’action visant à améliorer la qualité des eaux et d’identifier les produits phytosanitaires effectivement transférés. Des résultats confirmés par des travaux menés sur des parcelles expérimentales en pente. « Nous avons défini une liste de plans d’actions en cohérence avec ce que préconise l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytosanitaires. La pollution ponctuelle, due aux manipulations hasardeuses des opérateurs, devrait être assez facile à combattre. Par contre, limiter la pollution diffuse, due par exemple au ruissellement ou à l’infiltration, est plus compliqué et surtout plus coûteux », conclut Philippe Reulet. Nathalie MAYER


Crédit photo : CRA/ Burdin/Michel Geney

Crédit photo : CRA/ Patrick Somelet/deepix

Boire quatre verres de vin par jour réduirait notablement les risques de vieillissements cellulaires et de développement de la maladie d’Alzheimer. Mais, pour le moment, les connaissances s’arrêtent là.

Quand le vin se révèle bon pour la mémoire C

onsommer un à deux verres de vin par jour aide à protéger l’organisme contre les maladies cardio-vasculaires. Il y a près de vingt ans déjà, des chercheurs aquitains se sont ainsi posés la question du prix à payer pour le cerveau. « Ce que nous avons découvert après huit ans de suivi allait à l’encontre de bien d’idées reçues », se souvient Jean-Marc Orgogozo, neurologue à l’Université Bordeaux 2. L’étude épidémiologique menée par l’équipe de Jean-François Dartigues sur 4 000 personnes âgées de plus de 65 ans vivant en Gironde et en Dordogne a non seulement montré l’innocuité d’une faible consommation d’alcool sur le vieillissement cérébral mais encore

une réduction considérable du nombre de démences, cinq fois moindre, et de maladie d’Alzheimer, quatre fois moindre, chez les personnes buvant jusqu’à quatre verres de vin par jour. « Mais à de telles quantités, on est aussi proche de la limite à ne pas franchir pour éviter de tomber dans une consommation dangereuse », prévient le neurologue. Et ces résultats ont depuis été confirmés par d’autres études un peu partout dans le monde, concernant la consommation de vin et d’alcool en général. « Faute de financements pour de nouvelles recherches, nos connaissances s’arrêtent à peu près là », regrette Jean-Marc Orgogozo. Ainsi les scientifiques ne savent toujours pas

aujourd’hui quels sont les mécanismes biologiques à l’œuvre dans cette protection apparente. Quelques hypothèses sont toutefois envisagées parmi lesquelles celle d’une vie généralement plus saine menée par les consommateurs de vin avec notamment un meilleur régime alimentaire. « L’enjeu est important car il n’y a pour l’heure aucun traitement satisfaisant pour prévenir ou arrêter la maladie d’Alzheimer. Peut-être qu’en travaillant avec les nutritionnistes nous arriverons à des résultats intéressants », conclut Jean-Marc Orgogozo. Nathalie MAYER

2007

H20

Q U E S T I O N S 99


Crédit photos : CRA/Patrick Somelet/deepix

Il n’y a pas que le vin dans la vigne

L

e raisin regorge de sels minéraux, de vitamines et d’oligo-éléments. C'est un fruit nutritif, détoxiquant, stimulant, diurétique… De quoi lui trouver bien d’autres utilisations que la production de vin ! La cosmétologie est peut-être la première d’entre elles. Elle exploite les multiples propriétés de la vigne et plus précisément des polyphénols, même si ceux-ci sont extrêmement fragiles et leur coût de production élevé. Une tonne de pépins de raisin donne seulement un kilogramme

de polyphénols ! Des études ont mis en évidence leur efficacité dans la lutte contre les rides –sur ce terrain, ils sont dix mille fois plus actifs que la vitamine E. Ils sont donc intégrés dans les produits les plus divers (poudres, crèmes, huiles essentielles). Dans le concept de vinothérapie développé à Martillac par Les Sources de Caudalie ® l’actif vedette est le raisin sous toutes ses formes. Bain au marc de raisin pour la circulation, enveloppement à la levure de vin, etc. Toutes les

potentialités de la vigne sont exploitées. A table, les feuilles de vigne fraîches ou séchées servent parfois à la préparation d’excellentes spécialités culinaires ou encore d’infusions contre toutes sortes de troubles passagers. Le moût de raisin rouge peut quant à lui servir à l’élaboration de vinaigres et ses pépins à l’extraction d’huiles. Nathalie MAYER

Un Institut pour les sciences de la vigne et du vin

L’idée de la création en Aquitaine d’un Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) a germé lors de l’élaboration de l’actuel contrat plan Etat-Région. En quelques mois seulement, politiques, professionnels et scientifiques se sont mobilisés pour faire aboutir le projet de regrouper sous une même bannière toutes les compétences existantes en matière de recherche et de technologies liées à la vigne et au vin. « Des recherches en sciences

100 Q U E S T I O N S

dites dures avec des équipes de l’INRA et des Universités Bordeaux 1 et 2 mais aussi en sciences humaines avec les participations des Universités Bordeaux 3 et IV et de Bordeaux Ecole de Management », explique Serge Delrot, professeur et directeur de l’ISVV depuis avril 2006. Au programme par exemple, des études sur les maladies bactériennes de la vigne ou des travaux de caractérisation des composés à l’origine

H20

2007

des arômes des vins mais aussi des recherches visant à cibler l’impact de la viticulture sur le paysage local, des travaux concernant la législation liée à la production des vins ou encore des tentatives de compréhension de l’acte d’achat et de consommation. Dès mars 2008, une partie des équipes de l’ISVV s’installera dans un bâtiment spécialement dédié

en cours de construction sur le site de l’INRA à Villenave d’Ornon. Ils seront au total près de 250 chercheurs et étudiants à collaborer sous l’enseigne de l’Institut. S’ajouteront à eux les cellules de transfert technologique qui émaneront de leurs travaux et les quelques 250 étudiants de la Faculté d’œnologie.


Crédit photo : Pistolet bleu

HISTOIRES VECUES

C

ertains professionnels bordelais, encore peu nombreux, ont fait preuve d’initiative depuis quelques années pour améliorer le look de leurs bouteilles, en particulier le style des étiquettes. Il était encore très rare, il y a dix ans, de sortir du rectangle blanc ou crème avec illustration du château et lettres romaines ou anglaises. « Bordeaux a péché par facilité, relève Philippe Mathurin, graphiste associé chez Pistolet Bleu, le principal studio tourné vers le secteur viticole à Bordeaux. C’est la concurrence du nouveau monde, avec des étiquettes au graphisme plus libre, plus contemporain, qui a réveillé d’abord les négociants, pour leurs vins de marque, puis les producteurs ». Gabriel Despagne, autre graphiste

Un vent de jeunesse sur les étiquettes spécialisé dans les vins, va dans le même sens et ajoute que « en rayon, si les Bordeaux sont très reconnaissables à l’étranger, ils ne le sont pas entre eux, sur un marché pourtant pléthorique (15 000 marques en Bordeaux). C’est pourquoi dans mon travail, je conserve des éléments ou des codes classiques, que je détourne pour les faire évoluer ». Son confrère Guillaume Chavanne a un discours semblable envers ses clients viticulteurs : « Ne changeons pas tout, évoluons mais conservons l’esprit, la finesse et la volupté des vins. Etudions simplement ses nouveaux habits ». Les graphistes cherchent aujourd’hui l’esthétique, la lisibilité (d’où l’usage désormais répandu des contre-étiquettes), la cohérence avec le marché visé et

vont jusqu’à garantir, dans le cas du londonien Kevin Shaw, un retour sur investissement. Un investissement raisonnable puisqu’une belle étiquette exécutée par l’un de ces spécialistes expérimentés se paie entre 2 000 et 5 000 t, pour une durée de vie de 5 à 10 ans. Philippe-Henri MARTIN

2007

H20

Q U E S T I O N S 101


HISTOIRES VECUES

Quand un père des Etats-Unis se penchait sur le berceau des grands crus Crédit photo : USA library of Congress

T

homas Jefferson, troisième président des Etats-Unis d'Amérique (1800-1807), fut l'un des premiers amateurs éclairés de vins français, avec un penchant aussi prononcé qu'avoué pour les vins de Bordeaux. Cet homme politique brillant, humaniste, fin lettré, mondain, gastronome, grand admirateur de la France, rédacteur de la Déclaration d'Indépendance de 1776 et, à ce titre, « révolutionnaire sophistiqué », selon la formule de Bernard Ginestet*, est ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique à Paris de 1784 à 1789. Lorsqu'il parcourt

102 Q U E S T I O N S

H20

2007

la France, ce sont avant tout ses vignobles. Et c'est en Gironde, de Bordeaux à Blaye, sans pour autant s'attarder plus d'une semaine, qu'il reste le plus longtemps. C'est que dans les salons des Chartrons, l'aristocratie parle encore l'anglais... Il devient l'un des tout premiers amateurs à se lancer dans l'élaboration de fiches de dégustation. Il sélectionne un peu partout les meilleurs vins, pour sa cave personnelle et pour ses amis du nouveau continent. Il rédige même un petit traité de viticulture, cherchant à tout connaître sur le vin, la hiérarchie

des crus, leurs prix ; et surtout les techniques de culture de la vigne, lui qui se passionne pour la technologie autant que pour l'économie, les deux pierres de touche de l'agriculture de l'époque, en pleine croissance dans son pays. En septembre 1789, lorsqu'il embarque au Havre vers son destin, ses vins voyagent avec lui. Et 41 boutures de cabernet bordelais, qu'il plantera chez lui, à Monticello, en Virginie. Philippe-Henri MARTIN *Thomas Jefferson à Bordeaux, Bernard Ginestet, Mollat éditeur, 1996


Crédit photo : Paetzold

HISTOIRES VECUES

Lir, un nouveau label pour la viticulture D’un côté, des vins de plus en

plus alcooleux. De l’autre, des clients de plus en plus sensibles aux problèmes liés à la consommation d’alcool. Il n’en a pas fallu plus pour que germe de l’esprit fertile de Michael Paetzold, gérant de la société éponyme, l’idée de développer la désalcoolisation du vin. « C’est plus compliqué qu’il n’y parait car il ne s’agit pas seulement de réduire le taux d’alcool mais aussi de trouver de nouveaux équilibres aromatiques », explique Fabrice Delaveau, œnologue et responsable Re c h e r c h e & Développement chez Paetzold. Un savoir-faire indissociable de la technologie en elle-même. Par filtration

membranaire l’eau et l’alcool contenus dans le vin sont séparés de la matière noble (tanins, molécules aromatiques, etc.). Alors que les molécules d’alcool sont ensuite extraites de « l’eau de raisin » dans une colonne de distillation, la matière noble elle, ne subit aucun traitement. De quoi réduire le taux d’alcool sans altérer les particularités du vin. Une méthode désormais rôdée mais qui reste uniquement applicable à des vins de pays. « Le système des AOC interdit ce type de traitement », précise Fabrice Delaveau. Du côté de la société Paetzold, on a décidé d’aller un peu plus loin en donnant naissance à une nouvelle

« boisson fermentée à base de raisin » labellisée Lir et ne contenant que 6° d’alcool. « Les débuts ont été difficiles », confie Audrey Hantiu, chef de projet. En cause, une erreur marketing. « Les consommateurs de vins n’étaient pas prêts à accueillir notre produit alors, nous avons changé de cible », poursuit-elle. Ainsi, en octobre dernier, Ensô, « le demi de la viticulture », un Lir gazeux à base de Chardonnay et de Sauvignon, a été lancé au Salon international de l’alimentation de Paris. « Il allie le côté terroir du vin et la légèreté recherchée par ceux qui n’ont pas l’habitude d’en boire », conclut Audrey Hantiu. Nathalie MAYER

2007

H20

Q U E S T I O N S 103


Crédit photo : Abdelhadi Darouiche

HISTOIRES VECUES

Un thé made in Bordeaux C

’est parce qu’il voue une véritable passion aux thés qu’Abdelhadi Darouiche a eu l’idée il y a quelques années déjà de se lancer dans la fabrication d’un thé d’un genre nouveau. Des dizaines, des centaines d’essais plus tard son goûteur, un enfant d’une dizaine d’années, donne enfin son aval. « C’est trop bon, tu devrais le garder comme ça ! » Aujourd’hui, « le thé de Bordeaux est le premier d’appellation « thé de France » », précise fièrement Abdelhadi Darouiche. Préparée à base de feuilles de vigne et de pépins de raisin séchés et selon une recette qui reste bien sûr secrète, la boisson a rapidement trouvé sa

104 Q U E S T I O N S

H20

2007

petite place. Petite essentiellement car le jeune franco-marocain tient au côté artisanal de son produit. « Les vignes sont traitées alors, je suis obligé d’acheter les feuilles dans des tisaneries mais, en ce qui concerne les pépins, je profite toujours des vendanges pour faire des réserves », raconte-t-il. Une fois les mélanges réalisés, Abdelhadi Darouiche livre sa production à l’office de tourisme de Bordeaux. Et, comme pour un vin digne de ce nom, les arômes du thé de Bordeaux changent avec les années. Le millésime 2006 sera un Saint-Emilion ! Gageons qu’il séduira quelques touristes curieux

de découvrir ce nouveau produit de la vigne. Curieux et attirés aussi par un packaging tout spécialement pensé pour les séduire : des boîtes métalliques aux couleurs de la région décorées à la main. Pourtant, loin du jeune homme l’idée de s’enrichir aux dépens de son produit. « Ce qui me motive, c’est le plaisir que le gens prennent à boire mon thé. Quelque soit son succès futur, il n’est pas question d’industrialiser sa production », assure-t-il en conclusion. Nathalie MAYER


Organisée par Cap Sciences, la dixième édition du Théâtre de la science, des mots à la langue, a lieu de décembre 2006 à mai 2007 sur le thème de la parole et du langage. Rencontres avec certains des intervenants. Comment évolue le Théâtre de la science ? Je suis ravi que Cap Sciences se charge de l’organisation du Théâtre de la science. Cap Sciences a réussi à mettre en place des conférences élargies à toute l’Aquitaine. Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue Université Paris 5, président-fondateur du Théâtre de la science. Peut-on vivre sans parler ? En général, les gens qui ne parlent pas ne vivent pas très bien. Sans jamais parler, il doit être possible de vivre, mais difficile de s'épanouir. Nicole Fabre, psychanalyste et co-fondatrice du Groupe international du rêve éveillé en psychanalyse (Girep). Le silence : de la non-communication ? Avant de dire « je t'aime », ne l'avez-vous pas déjà dit plusieurs fois à travers des regards, des gestes ? Le silence est déjà une forme de parole. Comme en musique, il donne du rythme. Sans les silences, ça deviendrait insupportable. Patrick Baudry, sociologue à l'Université Michel-de-Montaigne Bordeaux 3. Comment évolue la parole dans le jeu politique ? Le discours politique a fondamentalement changé ces dix dernières années. Dans les années 90, il a été beaucoup évité, attaqué. En 2002, les médias se sont donnés le devoir de réhabiliter ce message mais ils se limitent souvent à une critique des jeux politiciens. Ludovic Renard, enseignant à Sciences Po Bordeaux. Pourquoi avoir choisi l’Himalaya pour étudier les traditions orales ? J'avais prévu de travailler sur la religion. C'est un concours de circonstances si j'étudie leurs traditions orales. La société de l'Ouest du Népal a une littérature orale très développée et peu connue. Le pays ne s'étant ouvert à l'étranger qu'en 1951, peu d'anthropologues ont pu travailler là bas. Rémi Bordes, ethnologue à l'Université VictorSegalen Bordeaux 2. Propos recueillis par Laëtitia Garlantézec

Retrouvez le résumé des rencontres, ou écoutez l’intégralité des rencontres sur www.cap-sciences.net

004

3/2

200

05 2004 / 20

2005 / 2 006

Chaque année vous pouvez échanger, discuter avec nos invités Boris Cyrulnik • Philippe Brenot • Dominique Dallay • Anne-Laure Sutter • Marcel Rufo • Michel Suffran • Philippe Greig • Claire Meljac • Pascal Acot • Hervé Le treut • Bernard Conte • Pierre-Henri Gouyon • Simon Charbonneau • Jean-François Narbonne • André Cicollela • Rodolphe Bocquet • Roger Cans • Jean-Marie Pelt • Michel Lamy • Christophe André • Patrick Baudry • Gérard Mermet • Claude Lacour • Michel Minard • Patrick Rodel • Patrick Chastenet • Alain Brun • Jean Tignol • Paul Coudray • Joël Zaffran • Pier-Vincenzo • Piazza Henriette Walter • Michel Ducom • Henri Portine • Nicole Fabre • Isabelle Hesling

Rencontres, Cinéma, Conférence, Spectacle Ouvert à tous Chaque année un nouveau thème Tout le programme sur le site de Cap Sciences


REFERENCES Au cours de l’année, nous avons été sensibles à quelques publications : elles transmettent une recherche menée en Aquitaine, elles portent un regard sur l’Aquitaine ou tout simplement leurs auteurs sont aquitains.

A CONSULTER

LIVRES

pages proprement lumineuses sur son pouvoir) sous de Gaulle et utilisons le terme de communication ; on verra bien alors que sous des vocables différents, gît une même réalité. Bernard Daguerre (Arpel)

A CONSULTER

LIVRES

ce qui est normal et ce qui doit inquiéter, distinguer les signes du mal-être et savoir les interpréter. Des conseils sont aussi donnés aux ados qui vont mal. Un livre qui accompagne intelligemment parents et ados !

Ado à fleur de peau Ce que révèle son apparence Xavier Pommereau, Albin Michel La puberté bouleverse profondément l’adolescent physiquement et psychiquement. Plus vraiment enfant, pas vraiment adulte, il se cherche au travers de comportements souvent excessifs et de remises en cause quelques fois brutales. L’enfant est « à fleur de peau », au sens propre comme au sens figuré. Pour se sentir exister il doit éprouver ses propres contours, mieux percevoir en quoi ces derniers se distinguent des uns des autres. Les délimitations de ces espaces psychiques et physiques sont accompagnées la plupart du temps de heurts, de conflits avec l’environnement le plus proche de l’adolescent. La famille, les amis le voient se métamorphoser. Car il s’agit bien là d’une métamorphose que Xavier Pommereau décrit avec précision dans son ouvrage. Le look vestimentaire, les marques physiques qui lui permettent de se distinguer telles le piercing ou le tatouage, toutes ces transformations qui témoignent de l’évolution de l’adolescent sont détaillées et expliquées avec précision. Xavier Pommereau énumère et explique les différents langages de la peau et de l’apparence afin que l’on puisse discerner

106 REFERENCES

Xavier Pommereau est psychiatre, chef de service au Pôle aquitain de l’adolescent (centre Abadie) du CHU de Bordeaux. Il est notamment l’auteur de « Quand l’adolescent va mal » (Lattès, 1997), L’Adolescent suicidaire (Dunod, 2001). Sendra Lejamble-Dubrana

Arts et secrets d’humanité Didier Dubrana, Jean-Pierre Mohen, Calmann-Lévy Voici un livre qui se présente comme un musée intelligent. Une trentaine d’objets parmi les 300 000 du Musée du Quai Branly font l’objet d’une présentation détaillée, disséquée par le triple regard de l’archéologue historien des arts, celui des instruments d’analyse des matériaux du Centre de recherche et de restauration des Musées de France au Louvre et celui de l’enquêteur. A chaque objet une histoire, celle de sa création et celle de son usage. C’est aussi pour le lecteur une exploration qui se construit comme une enquête policière à la recherche des clés de compréhension d’œuvres d’art qui furent souvent bien plus que des œuvres d’art… Bernard Favre H20

2007

La propagande : Commu nication et propagande Cahiers Jacques Ellul n°4, sous la direction de Patrick Troude-Chastenet, L’Esprit du Temps La propagande est une expression ancienne, si ce n’est désuète, tant en ce début du 21e siècle, et depuis quelque temps déjà, on lui préfère le mot plus moderne de communication. Ce numéro des cahiers Jacques Ellul présente 5 articles que l’universitaire bordelais écrivit sur ce thème. Ces écrits sont encadrés par des commentaires sur son œuvre, qui mettent en perspective des évènements forts contemporains- la deuxième guerre d’Irak, l’inondation de la ville de La NouvelleOrléans- avec la pensée ellulienne, que commente principalement Patrick Troude- Chastenet. Que retenir de ces articles en dehors de leur densité, du poids des mots et du caractère simple, dense et implacable des raisonnements présentés ? Que le régime des démocraties contemporaines utilise la propagande, une nécessité pour expliquer son action, qu’elle est au fond presque consubstantielle à son essence même. Encore une fois, remplaçons le mot propagande qui au fond s’appliquerait bien à la cinquième république naissante, et à l’utilisation par exemple de la télévision (à laquelle Ellul consacre quelques

Comprendre les épidémies La coévolution des microbes et des hommes Norbert Gualde, Les empêcheurs de penser en rond Immunologiste et Professeur à l'Université Bordeaux 2, Norbert Gualde donne dans cet ouvrage une vision systémique des interactions microbe-homme, conforme à son sous-titre : "la coévolution des microbes et des hommes".

Outre une présentation complète et détaillée sur les origines, les modes de transmission, les manifestations, les traitements des virus et bactéries à l'origine des épidémies et pandémies, depuis la peste noire jusqu'au SRAS, l'intérêt de ce livre et de montrer que les épidémies affectent non seulement la démographie mais génèrent peurs et dysfonctionnements sociaux, voire remettent en cause les références morales et éthiques qui fondent coutumes, croyances et règles de vie. Norbert Gualde nous rappelle que l'homme, dès son origine, est un intrus dans un monde de microorganismes : "la planète appartient aux bactéries". Il nous accompagne au cours des différentes transitions épidémiques, toutes liées aux activités des hommes et à leurs déplacements. On le suit dans des récits surprenants, comme celui de ces "croisières microbiennes


dans l'eau des ballasts des pétroliers" ou du voyage de agents pathogènes nichés au creux de pneus usagés, objets d'un trafic international. Multipliant les exemples historiques ou contemporains, il nous montre combien "l'épidémie, c'est l'homme" car celle-ci prospère toujours sur le terreau des guerres, de la misère ou des désastres écologiques provoqués par l'homme guerrier, ignorant, arrogant ou cupide. Si l'homme "possède des microbes qui le possèdent", "l'immense majorité des microorganismes de notre environnement n'est pas pathogène pour des hommes en bonne santé". Pourtant nous avons des raisons d'être inquiets : Gaïa, notre planète, pourrait bien être "menée au chaos par le microbe" sauf peut-être si l'on tourne son regard "vers les sages", des penseurs qui peuvent nous aider à mieux prendre en compte la complexité de la situation de l'humanité face au "danger épidémique, un danger répandu par l'homme" : René Dubos et Paul Farmer, microbiologistes ; Jean Ziegler, sociologue ; Hans Jonas, philosophe de la responsabilité de chacun vis à vis de l'environnement ou Jacques Ellul, pour sa réflexion radicale sur l'autonomie de l'univers technique. Un livre qui transcende les disciplines et les met au service d'une compréhension d'une véritable "écologie humaine" car, "au rêve d'éradication s'est substitué celui d'une surveillance globale" Jean-Alain Pigearias

Troglodytes du Sud-Ouest Laurent Triolet, Editions Alan Sutton Du Quercy à l’estuaire de la Gironde, de l’Agenais à la Saintonge, des ouvertures sombres apparaissent au cœur des calcaires qui construisent le paysage. Ce livre est le premier à présenter toute l’étendue et la richesse du monde troglodytique dans le sud-ouest, véritable patrimoine largement méconnu. Tout public

Voyage chez les empereurs romains Jean-Claude Golvin, Catherine Salles, Actes Sud-Errance La plupart des empereurs romains se firent bâtir des palais qui rivalisaient de luxe et de démesure. Les aquarelles de Jean-Claude Golvin, architecte et directeur de recherche au CNRS, nous entraînent dans un voyage extraordinaire parmi les constructions les plus originales de l’Antiquité. Tout public

La journée de l’écocitoyen Un guide pour préserver l’environnement Sabine de Lisle, Editions Sud Ouest Sabine de Lisle montre comment, du réveil au coucher, à l’école ou au travail, en vacances ou sur la route, on peut grâce à des gestes très simples, contribuer à sauver notre planète. Auteur, journaliste, traductrice, Sabine de Lisle engage en particulier sa plume sur des sujets liés à la préservation de l’environnement. Tout public

L’arbre enfant Une nouvelle approche du développement de l’enfant Hubert Montagner, Odile Jacob Comment le petit homme se développe-t-il dans le ventre de sa mère ? De quoi a-t-il besoin pour aller au bout de son développement optimal ? De quels échanges ? Selon quel rythme ? Le meilleur spécialiste du développement, après plus de trente ans de recherches, propose les clés d’un développement individuel plus accompli et d’une éducation mieux pensée. Pour mieux élever nos enfants, un préalable essentiel : comprendre leurs besoins, leurs compétences, leurs rythmes ! Hubert Montagner est Professeur des universités et directeur de recherches à l’Inserm. Tout public

La table et les ports Cuisine et société à Bordeaux et dans les villes portuaires Annie Hubert, Michel Figeac, Presses Universitaires de Bordeaux A Bordeaux, à Buenos Aires, à Porto ou à Hambourg, existe-t-il vraiment une gastronomie portuaire ? Un port est un carrefour où se croisent et se rencontrent des influences diverses notamment dans le domaine de l’alimentation. Véritable voyage gustatif de plus de trois siècles. Annie Hubert est anthropologue de l’alimentation et Michel Figeac est Professeur d’Histoire Moderne à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3. Tout public

Quand Bordeaux construisait des navires… Histoire de la construction navale à Bordeaux Roger et Christian Bernadat, Les Editions de l’Entre-deux-Mers Qui se souvient que c’est à Bordeaux que furent construits le premier quatre-mâts , le plus rapide de tous les corsaires ou le plus grand voilier ? Qui se souvient que les Chantiers de la Gironde furent un pôle industriel et technologique de premier plan et que Bordeaux fut la capitale européenne de la construction de plaisance ? C’est cette mémoire du fleuve que les auteurs nous font partager dans cet ouvrage richement illustré. Tout public

L’art des ponts Homo pontifex Michel Serres, Le Pommier Michel Serres rend hommage aux ponts de toutes natures, aussi bien matériels qu’immatériels, qui relient les hommes les uns aux autres. Magnifique ouvrage qui nous émerveille autant qu’il nous enrichit. Tout public

La préhistoire en Périgord Alain Roussot, Pascal Rémy, Editions Sud Ouest Alain Roussot, spécialiste d’archéologie préhistorique vit en Périgord depuis 1940 et s’est inspiré des sites de cette région pour raconter la préhistoire aux enfants. Pascal Rémy se consacre à l’illustration d’ouvrages pour les enfants sur des thèmes qui vont de la préhistoire à la Seconde Guerre mondiale. Jeune public

2007

H20

REFE-


Les premiers hommes du Sud-Ouest Préhistoire dans le Pays Basque, le Béarn, les Landes Marc Large, éditions Cairn Les premiers habitants de l’Aquitaine ont parsemé le territoire de pierres dressées, mégalithes en tout genre et de pierres taillées. Ce guide nous fait découvrir plus d’une trentaine de sites évocateurs de leurs modes de vie. Tout public

Pyrénées : moisson de rêves Régis Faustin, Monhélios Régis Faustin nous invite dans ce livre magnifiquement illustré à la rencontre des beautés naturelles et animales des Pyrénées. La nature dans toute sa splendeur ! Tout public

Paysans : mémoires vives 1900-2000 Récits d’un monde disparu Bernard Stephan, Editions Autrement Collection Mémoires/ Histoire Que reste-t-il des paysans dans notre mémoire ? Désormais l’agriculture est industrielle, marchande et scientifique. Elle a tourné le dos à un très vieil héritage de gestes, de rites, de savoirs, d’usages, de liens à la terre et au paysage. Bernard Stéphan nous raconte la fin d’une communauté du Périgord, emblématique de la paysannerie française. Tout public

108 REFERENCES

Le sexe au temps des cro-magnons Gilles Delluc et Brigitte Delluc, Pilote 24 Le sexe a occupé et préoccupé les hommes et les femmes de la Préhistoire autant que nous. Depuis 35 000 ans, les Cro-Magnons ont laissé des milliers de statuettes et de dessins dans les grottes et les abris sous roches. Gilles Delluc, spécialiste de l’art paléolithique, nous en livre les secrets. Public averti

Les défauts physiques imaginaires Jean Tignol, Odile Jacob Savez-vous que près de 10 % des personnes qui consultent un chirurgien esthétique le font pour corriger un problème qui n’existe pas ? Quand on est obsédé par un défaut qui n’existe pas, que personne ne voit et qui empêche de vivre, quelles sont les solutions ? Psychiatre, psychothérapeute, le docteur Jean Tignol est professeur à l’Université Victor Segalen Bordeaux 2 et chef de service au CHU à Bordeaux.Public averti

Histoire et éthique des sciences et des techniques Cahiers d’Epistémé n°1, Laboratoire Epistémé (EA 2971) Université Bordeaux 1 Ce premier numéro des H20

2007

Cahiers d’Epistémé réunit 12 contributions d’enseignantschercheurs ou de doctorants spécialistes des enjeux éthiques de la découverte scientifique. Par exemple « La place de la technique dans les sociétés anciennes », « Quel usage peut-on faire des modèles prédisant un réchauffement climatique ? » « L’histoire du risque nucléaire en France : les ingénieurs face au risque et à l’opinion » … et bien d’autres sujets encore ! Public averti

Cap sur le Ferret Voyage au bout du monde : les secrets de la biodiversité Christophe Deliveyne, Photographies Gilles d’Auzac de Lamartinie, Maison d’édition l’Edune Balade découverte naturaliste guidée par un passionné du Cap Ferret. Ce livre riche en images nous fait découvrir et comprendre l’histoire, les influences, les secrets, les échanges , les équilibres et autres interactions propres au Bassin d’Arcachon. Tout public

Mon carnet de rugby CRDP Aquitaine Le rugby, c’est quoi ? c’est qui ? c’est où et comment ? Ce carnet d’activités pédagogiques propose sous forme ludique des informations, des jeux, des devinettes sur le monde du rugby. Voyage initiatique en Ovalie. Tout public

La langue basque dans tous ses états Sociolinguistique du Pays Basque Eguzki Urteaga, L’Harmattan La situation de la langue basque se caractérise par sa diversité selon les zones sociolinguistiques et les réalités politico-administratives. L’ambition de ce livre est d’offrir des éléments de compréhension pour mieux appréhender cette réalité complexe. Public averti Eguzki Urteaga est docteur en sociologie de l’Université Victor Segalen Bordeaux 2 et licencié en histoire mention géographie de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Public averti

CEDEROMS

Sur les traces de l’homme en Aquitaine Enquête sur la préhistoire Exposition virtuelle interactive de CAP SCIENCES, avec le soutien du Conseil Régional d’Aquitaine. Il y a environ 18 000 ans au Paléolithique Supérieur sous un climat glaciaire, l’Aquitaine a représenté un refuge pour les animaux et les hommes préhistoriques. Nous sommes les héritiers de ces chasseurs-cueilleurs. Véritable enquête sur la préhistoire, « Sur les traces de l’homme en Aquitaine » offre la possibilité de visionner des reconstitutions, d’écouter des témoignages, de faire le plein de connaissances et d’images pour la plupart inédites. Tout public Cette exposition est consultable sur le site Internet de CAP SCIENCES www.capsciences.net



A CONTACTER VISITES

■ Pyrenex, des duvets 100 % nature T : 05 58 76 03 40 I : www.pyrenex.com

■ Bayonne : métamorphose d’un port Port de Bayonne I : www.ports-basques.com/ports/ bayonne ■ Conseil régional d’Aquitaine T : 05 57 57 80 00 I : www.aquitaine.fr ■ Direction départementale de l’équipement des Pyrénées Atlantiques T : 05 59 80 86 07 I : www.pyrenees-atlantiques. equipement.gouv.fr

■ Nérac, c’est ici que tout commence Association Régionale interprofessionnelle des Semences d’Aquitaine (Arisa) T : 05 53 77 83 88 I : www.aquitainagri.org/ Aquitaine_agricole/productions/ semences/index.html Nérac T : 05 53 97 63 53 I : www.ville-nerac.fr

■ Le trésor souterrain du Périgord Chaux et enduits de Saint-Austier T : 05 53 54 11 25 I : www.c-e-s-a.fr ■ Exameca allie savoir-faire et innovation T : 05 59 33 36 60 I : www.exameca.fr

■ Esquad tisse le jean costaud des fous de moto Esquad T : 05 63 73 51 51 I : www.esquad.fr Technopole Bordeaux Unitec T : 05 56 15 80 00 I : www.bordeauxunitec.com European aeronautic defense and space company T : 01 42 24 24 24 I : www.eads.net

Ecole nationale supérieure des arts et métiers T : 05 56 84 53 33 I : www.bordeaux.ensam.fr Jean Corrèze I : www.jeancorreze.com

Jean-Pierre Louvet I : www.fractals.iut-bordeaux1.fr

PORTFOLIO

■ Le CHU à cœur ouvert T : 05 56 79 56 79 (direction générale) I : www.chu-bordeaux.fr

MÉMOIRE

■ Des paquebots volants à Biscarosse T : 05 58 78 00 65 I : www.asso-hydraviation.com

■ Sociologie La fulgurante ascension de la sociologie bordelaise Département de sociologie de l’Université de Bordeaux 2 T : 05 57 57 18 00 I : www.sociologie.u-bordeaux2.fr

Lapsac (laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’action collective) T : 05 57 57 71 22 I : www.lapsac.u-bordeaux2.fr

110 REFERENCES

FOCUS

■ Eaux minérales, eaux de sources : si semblables si différentes Nestlé T : 01 41 23 38 26 (presse) I : www.nestle.waters.com

Laboratoire d’hydrologie et environnement (Bordeaux2) T : 05 57 57 12 04 I : www.pharmacie.u-bordeaux2.fr Ministère de la santé T : 01 40 56 60 00 I : www.sante.gouv.fr

Direction départementale de l’action sanitaire et sociale T : 05 57 01 91 00

Institut européen de l’environnement de Bordeaux (IEEB) T : 05 56 01 84 00 I : www.clabo.fr/ieeb Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement T : 05 59 14 30 40 I : www.aquitaine.drire.gouv.fr

RENCONTRES

■ Emeric d’Arcimoles, un assembleur de talents Turbomeca T : 05 59 12 50 00 I : www.turbomeca.com

■ Hubert Montagner, aux côtés de l’enfant qui grandit Laboratoire de psychophysiologie et psychopathologie du développement, UMR-CNRS 5543 (maintenant LPP de la signalisation moléculaire) T : 05 57 57 15 51 I : www.umrnp.u-bordeaux2.fr ■ Nadine Ninin, alliance d’idée et d’audace Uranium jeans T : 01 45 48 52 73 I : www.uranium-jeans.fr

École nationale supérieure des arts et industries textiles (ENSAIT) T : 03 20 25 64 64 I : www.ensait.fr

■ Narbonne/Combanous Laboratoire de physico-toxicochimie des systèmes naturels (LPTC) T : 05 40 00 69 98 I : www.lptc.u-bordeaux1.fr Laboratoire Trèfle (unité d’écologie et énergétique générale) T : 05 56 84 53 33 I : www.trefle.u-bordeaux1.fr

QUESTION D’ENVIRONNEMENT La chimie verte

■ La chimie en mutation Laboratoire de chimie organique et organométallique de Bordeaux (LCOO) T : 05 40 00 62 82 I : www.u-bordeaux1.fr/lcoo

Laboratoire de chimie des polymères organiques de Bordeaux (LCPO) T : 05 40 00 84 36 I : www.enscpb.fr/lcpo INRA Bordeaux T : 05 57 12 23 00 I : www.bordeaux.inra.fr

■ La conquête de l’or vert Association générale des producteurs du maïs (AGPM) T : 05 59 12 67 00 I : www.agpm.com

H20

2007

Bassin du Lacq (Usine de Bio-éthanol) T : 05 59 60 03 46 I : www.lacqplus.asso.fr

DGA - Centre d’essais de lancement des missiles I : www.defense.gouv.fr/dga

■ Oléoma Laboratoire de chimie agro-industrielle de Toulouse (ENSIACET) T : 05 62 88 57 20 I : www.inp.toulouse.fr/recherche/ laboratoire/lca/lca.shtml

Château d’Yquem I : www.yquem.fr

Institut des Corps Gras (Iterg) T : 05 56 36 00 44 I : www.iterg.com

Société Toyal T : 05 59 98 35 36 I : www.toyal-europe.com

■ En route vers le bioplastique Unité Sciences du bois et des bio-polymères de Bordeaux (US2B) T : 05 40 00 64 31 I : www.us2b.u-bordeaux1.fr

■ Vers des solvants plus propres Laboratoire de physico-chimie moléculaire (LCPM) UB1 T : 05 40 00 63 16 I : www.lcpm.u-bordeaux1.fr ■ La délicate question des pesticides Laboratoire santé végétale T : 05 57 12 25 25 I : www.enitab.fr/recherche/ sante_vegetale.asp

■ De nouveaux outils pour une chimie plus verte Rhodia - Laboratoire du futur (LOF) T : 05 56 46 47 48 I : www.rhodia.com

QUESTION DE SOCIÉTÉ Les femmes en Aquitaine

Institut démographique de l’université Montesquieu Bordeaux 4 (IEDUB) T : 05 56 84 86 99 Délégation régionale aux droits des femmes à l’égalité T : 01 40 56 60 00 I : www.femmes-egalite.gouv.fr

■ La démographie féminine en Aquitaine Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnel T : 05 56 99 96 00 I : www.aquitaine.travail.gouv.fr

Centre d’information sur les droits de la femme T : 05 56 44 30 30 I : www.infofemmes.com

■ La science, domaine réservé aux hommes ? Rectorat de bordeaux T : 05 57 57 38 00 I : www.ac-bordeaux.fr Institut pasteur T : 01 45 68 80 00 I : www.pasteur.fr

Association Femmes et sciences T : 01 47 70 85 35 I : www.int-evry.fr/femmes_et_ sciences

Association française des femmes diplômées des universités (AFFDU) T : 01 43 20 01 32 I : www.int-evry.fr/affdu

École nationale supérieure d’électronique, informatique et radiocommunication de Bordeaux (ENSEIRB) T : 05 56 84 65 00 I : www.enseirb.fr

Section régionale conchylicole Arcachon aquitaine T : 05 56 82 41 28 I : www.huîtres-arcachoncapferret.com

CNRS – Mission pour la place des femmes T : 01 44 96 47 08 I : www.cnrs.fr/mpdf/sommaire. php3

QUESTION DE RECHERCHE La Vigne et le vin ■ Un vin en mutation MSHA - CERVIN T : 05 56 84 68 00 I : www.msha.fr/cervin

École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux T : 05 57 35 11 00 I : www.bordeaux.archi.fr ■ Une économie en expansion Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux T : 05 56 00 22 66 I : www.vins-bordeaux.fr

■ Le vignoble passé au crible Unité d’écophysiologie et génomique fonctionnelle de la vigne T : 05 57 12 23 00 I : www.bordeaux.inra.fr Faculté d’œnologie de Bordeaux T : 05 40 00 64 58 I : www.œnologie.u-bordeaux2.fr

■ Vin et santé Unité de nutrition et de signalisation cellulaire (ISTAB) T : 05 40 00 87 53 I : www.istab.u-bordeaux1.fr Direction générale de l’alimentation T : 01 49 55 59 85 I : www.vie-publique.fr/documentsvp/dgal.shtml Groupe régional phytosanitaire I : www.observatoire-pesticides. gouv.fr

ISPED (institut de santé publique d’épidémiologie et de développement) T : 05 57 57 13 93 I : wwww.isped.u-bordeaux2.fr Sources Caudalie - Martillac (vinothérapie) T : 05 57 83 83 83 I : www.sources-caudalie.com

Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) I aquitaine.fr/contenu.asp?Id=188 Bordeaux école de Management T : 05 56 84 55 55 I : www.bordeaux-bs.edu

Histoires vécues

■ Graphisme Pistolet bleu T : 05 56 69 22 90 I : www.pistoletbleu.com

■ Lir Paetzold T : 05 57 83 85 85 I : www.michaelpaetzold.com

■ Thé Abdelhadi Darouiche I : mailto:teabdelhadi@hotmail.com


LA REVUE

n o i t c e l l o C

Les quatre dernières publications de la revue H 20 Numéros disponibles à Cap Sciences Chroniques

Rencontres

Dix pages de faits marquants de l’actualité de la recherche en Aquitaine, découvertes et innovations

Mission Polar Observer Francis Tassaux Pierre Meyrand L’homme qui fait vivre l’Antiquité Scientifique « sans frontières » Visages de sciences Quand la science se met en scène La foi d’un entrepreneur Regards de chercheurs étrangers Lascaux, de l’ombre à la lumière Contre toutes les maladies, même l’injustice Le musée de la mer à Biarritz Ces sangsues qui soignent Une planète faite de vagues Annie Hubert, une femme de passion Lorsque ingéniosité et science moderne s’allient L’homme des oringines de l’art Traquer le mercure au cœur de l’Amazonie Voyage au bout de la Terre

Visites Site de la colline de Gaztelu La grotte de Cussac Bordeaux dans tous ses états Les logiciels du grand large Emballage Popnat Neurobit IECB des chercheurs en synergie Semer les tabacs demain Recyclage brûlant Musée basque et de l’histoire de Bayonne Le lac Mouriscot Les dessous de l’estuaire Un pavillon pour la génomique Gardiens de la qualité alimentaire Sur les traces des polluants Patrimoine industriel L’exposition phare du Cap-Ferret Construire le plus grand laser du monde L’harmonie retrouvée du parc bordelais Port Médoc, une ouverture sur l’Atlantique Un centre où le fruit est roi La chirurgie en apesanteur Les étangs à monstres de Jean Rostand Grottes de Sare, entre mémoire et modernité Le traité de la perspective Pour le meilleur des plantes Une table trois étoiles avec vue sur le ciel L’imprimerie des timbres-poste Sokoa assoit son authenticité

Mémoire Patrimoine industriel Astronomie d’hier Le chevalier de Borda Des pierres précieuses en Aquitaine Les ailes d’un géant Les pionniers de la recherche La maison des sciences de l’homme d’Aquitaine Bassin de Lacq, la ruée vers le gaz Dans le fief des arithméticiens Mise en perspective historique du « voyage en industrie »

Portfolio

Focus

Le Pont d’Aquitaine Yachts, créations haute-couture L’aéroport de Bordeaux Destin de déchets

Les Lasers ont rendez-vous avec l’Aquitaine Créateurs d’images Un monde de polymères Des systèmes embarqués plein le ciel

Question d’environnement Aquitaine : les ressources en eau sont-elles menacées ? Aquitaine Océan, un univers en conquête Le bois de la forêt Le climat en Aquitaine, demain il fera chaud

Question de société Vieillissement de la population Les Aquitains pour mieux les connaître Les Aquitains au travail La santé des Aquitains

Question de recherche Sur les traces de nos ancêtres Chercheurs-entrepreneurs La pratique du design Les matériaux de demain

Souhaitez-vous commander ? Nom ……………………………………………………………………………… Prénom ………………………………………………………………………… Adresse …………………………………………………………………………

Code postal …………………… Ville ………………………………………

JE COMMANDE : H20 2007 : 7 € Port offert

2007 Quantité…………x 7 € =…………… €

Editions précédentes : 5 €

2006 Quantité…………x 5 € =…………… € 2005 Quantité…………x 5 € =…………… € 2004 Quantité…………x 5 € =…………… € 2003 Quantité…………x 5 € =…………… €

Total de la commande : …………… €

(tarif de 1 à 5 ex. Au-delà, voir site de Cap-Sciences) Adressez votre chèque à l’ordre de CAP SCIENCES et renvoyez-le avec le coupon et vos coordonnées à : Info Sciences Aquitaine, CAP SCIENCES, Hangar 20, Quai de Bacalan, 33300 Bordeaux


En 20n0o7uveau site

un ES C N E I C S P pour CA

us claires, rté Plus de cla gn épuré, des rubriques pl rée Un desi page plus aé une mise en

nomie des images Plus d'ergo rmation plus accessible, tation

Partager l’esprit découverte Au cœur de la métropole bordelaise,

CAP SCIENCES offre un lieu pour explorer les sciences et l’industrie : expositions, animations, manifestations. Toute l’année, une programmation variée,

consul Une info ent et inviter à la pour illustrer , un menu toujours prés is rc ou cc ra es le D ci rage plus fa pour un repé rmations accessibles fo in Toutes les t ics seulemen en 1 ou 2 cl nts léchargemements entièrement Plus de té cu déo… do s e de es, audio, vi Au 3 clic, : textes, imag s le ab ge ar téléch s ons virtuelle ux expositi a t n e n a rm L'accès pe

pour une visite en famille ou en groupe,

Mise en ligne : avril 2007

et des laboratoires de recherche,

des ateliers éducatifs pour les établissements scolaires.

Un équipement culturel Au cœur du réseau aquitain, en partenariat avec des collectivités, des institutions, des entreprises

CAP SCIENCES coordonne les grandes opérations de culture scientifique, technique et industrielle et va à la rencontre des publics. En Aquitaine et au-delà,

CAP SCIENCES propose un catalogue d’expositions itinérantes, d’ateliers découverte, de malettes pédagogiques et d’animations ludiques.

Un pôle de compétences Concevoir et réaliser des produits culturels,

La revue des sciences & de l’industrie en Aquitaine

accompagner des projets éducatifs, organiser des événements. Accueillir et animer, gérer et distribuer, éditer et diffuser, autant de savoir-faire que CAP SCIENCES met au service de ses partenaires. C D E

E

N

T

R

H a n g a r

E

Q u a i

C U L T U R E

3 3 3 0 0

SCIENTIFIQUE

UNE PUBLICATION DE CAP SCIENCES

d e

2 0

B a c a l a n

B o r d e a u x

Tél. (33) 05 56 01 07 07

T E C H N I Q U E

Fax (33) 05 57 85 93 81

I N D U S T R I E L L E

mél : contact@cap-sciences.net

R E G I O N A Q U I TA I N E

AVEC LE SOUTIEN DU

UNION EUROPEENNE





Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.