Phot valeriamelis
Fictions Documentaires Sylvie de Meurville Bertrand Hugues Noriko Fuse François Neveux Prix Carmignac de Photo Journalisme Barbara d’Antuono Luo Li Rong La jeune fille à la perle Fred Forest et A. D. Perrin Valentine de Saint Point Yayoi Kusama Gohar Dashti The Female Side of the Moon Hilma af Klint Katerina Belkina Helen Beard Raimondo Rossi Huang Rong aka Muge Ragnar Axelsson Luciano Ricchetti Bascule Argoat 10 artistes japonais Se ti sabir... Michel Potage La petite danseuse Culture dimenticate (Cultures oubliées) Poulomi Basu Domenico Fontana et Pompei
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Emmerick Door Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance vittorio.e.pisu@free.fr palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trentedeuxème Année / numéro 01 /Janvier 2021 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros
FICTIONS DOCUMENTAIRES
Nathalie Dran / Presse 06 99 41 52 49 nathalie.dran@wanadoo.fr
Photo artension
En raison des mesures de confinement liées à la Covid-19, le festival Fictions Documentaires n’a pas pu se tenir. Toutefois, le GRAPh n’a pas souhaité annuler la manifestation, avec le soutien de ses partenaires et en concertation avec les artistes invités, le festival a été reporté au premier trimestre 2021. Au sein de l’Espace Hamilton, lieu emblématique du centre-ville de Carcassonne, les expositions se succèderont de janvier à avril. Un premier temps d’exposition aura lieu du 8 janvier au 20 février, réunissant l’exposition You Could Even Die For Not Being a Real Couple de Laura Lafon et l’exposition Territoire-Travail de Gilberto Guïza Rojas. Un premier vernissage venant mettre en lumière cette double-exposition aura lieu le vendredi 22 janvier [sous réserve d’évolution des mesures sanitaires en vigueur]. En parallèle, l’exposition Looking Through the Windows, programmée dans le cadre du festival OFF à la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Aude, mettra à l’honneur le travail de la photographe estonienne Eve Kiiler à partir du 29 janvier. https://www.graph-cmi.org/ Communiqué de presse https://drive.google.com/ file/d/1JC1yRbnR4PNDks1aESjfdqknNd77wt4e/ view
vec ce numéro, contrairement à ce que j’annonçais l’année dernière, les années vingt du vingt et unième siècle commencent pour de bon, en laissant derrière nous le souvenir d’une année particulièrement calamiteuse. Mais comme tout a une fin, les vaccins sont arrivés, avec leur lot de polémiques, pour siffler la fin de la pandémie, c’est en tout cas ce que l’on se souhaite et que l’on espère, afin que l’on puisse, peut-être pas revenir à nos habitudes qui se sont révélées bien inadéquates, mais à un fonctionnement plus en harmonie avec notre vrai nature qui n’est pas séparée du monde animale dont nous sommes partie intégrante. Bien sur comme d’habitude mes propositions sont éclectiques et disparates pour ne pas dire extrêmement subjectives, sans compter certains textes qui nous renvoient à une connaissance de notre passé un peu différente de celle communément admise. Il y a toujours de surprises mais elles ne sont pas mauvaises au contraire. Pour le reste, après un long mois passé à Paris à rédiger le dernier numéro et le supplément de Palazzi A Venezia, je retrouve les douceurs sardes avec en cadeau un confinement sévère pour les festivités de fin d’année. Ce qui me permet néanmoins de vous sortir ces quelques pages en espérant vous distraire et vous amuser tout en vous révélant, peut-être, des histoires dont vous ignoriez l’existence. La résistance des Artistes, que cela soit en France, en Italie ou partout ailleurs, est très fort et elle me rassure sur le potentiel qui nous permettra de dépasser ce moment particulièrement pénible qui nous a contraint non seulement à modifier nos habitudes mais surement à nous poser des questions sur notre mode de fonctionnement social, industriel, commercial, et artistique. Je ne crois pas que nous pourrions revenir en arrière comme si de rien n’était et cette pandémie aura alors servis à quelques chose, si nous avons compris que nous devons absolument changer notre rapport à nous même et à la planète qui nous héberge qui se passera très bien de notre extinction et si nous n’y prenons pas garde elle est peut-être plus certaine que nous le pensons. Mais foin de perspectives lugubres, je nous souhaite que cette année, avec l’espoir que le vaccin fait naitre, nous permette de retrouver le plaisir du partage et de l’échange avec les nombreux artistes qui continuent vaille que vaille, de travailler et de préparer les expositions qui ne tarderont pas d’ouvrir dès ce mois de janvier. En attendant la réouverture des Musées et bien entendu des restaurants et des bistrots, je vous souhaite la meilleure des années. V. E. Pisu PALAZZI 2 VENEZIA
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SYLVIE DE MEURVILLE ylvie de Meurville se définit comme sculpteur multimédia. Pour cette 3ème exposition elle nous propose une installation conçue spécifiquement pour l’espace de la galerie. Sculptures de métal et dessins se superposent et jouent les reflets et les transparences. Ce travail récent s’inscrit dans la continuité d’une recherche autour de l’eau, dont la série Veines d’eau a été présentée à la galerie en 2017. Son parcours d’artiste inclut des collaborations avec des danseurs et des musiciens pour des scénographies, performances, créations lyriques ou théâtrales. Vit et travaille à Paris et Friville-Escarbotin (80). Diplômée ENSAAMA, Paris. Depuis 1998, directrice artistique de la FEW (Fête de l’Eau à Wattwiller), parcours d’art contemporain installé pendant deux semaines au printemps à Wattwiller (68). « Dans la continuité de mes travaux sur les analogies entre les phénomènes naturels et le comportement du vivant, j’observe les ondulations et circonvolutions de l’eau quand elle se déplace pour en faire une sorte de paradigme de la vitalité humaine. Je dessine d’après des photos, et je scanne ensuite mes dessins pour les synthétiser dans des fichiers adaptés à des découpes numériques. J’essaie de préserver les aléas du dessin et l’énergie du trait de crayon dans la rigueur des fichiers vectoriels.
Sylvie de Meurville
Cascade du 07 janvier au 06 février 2021
6, Cité de l’Ameublement
Paris 75011 univer@galerieuniver.com tel. + 33 (0) 1 43 67 00 67
www.galerieuniver.com
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Ces traces du flux, après découpe, forment des sortes de dentelles d’eau. Elles sont ensuite superposées aux images qui les ont initiées. Les différents plans jouent ainsi entre profondeur, lumière et mouvement. L’installation Cascade met à profit la vitrine de la Galerie Univer pour ajouter la translucidité, les reflets, les lumières changeantes du jour ou l’éclairage urbain, et produire une perception différente depuis l’extérieur et l’intérieur de la galerie. » RÉALISATIONS 2020 La Falaise (de Muids à Arromanche), commande de Logeo France, Le Havre 2020 Vous êtes ici, commande du PNR de Lorraine pour Itinérances aquatiques, Mittersheim 2020 Corps fleuve, exposition personnelle à La Lune en parachute, Épinal 2018 Résidence en Chine, province de Yunxi, Hubei, Réalisation de la sculpture Chang Jiang 2018 Veines d’eau, Galerie-Musée de la Faïence d’Ancy-le-Franc 2018 Échappée, Annecy paysages, Acquisition par la ville d’Annecy 2017 Les énervés, exposition personnelle, Galerie Univer 2017 Statu quo, MAL de Laon 2016 Cadenza onirica, concert / installation avec le duo Autres voix de piano, Le Cellier, Reims, (suit page 4)
(suit de la page 3) 2016 Tubulures et hypoderme, installation dans la village de Wattwiller pour la FEW. 2015 Épiphanies, Mdina Cathedral contemporary art biennale, automne. 2013 Le Mont d’ici, commande pour la Fondation François Schneider à Wattwiller.
Photo univer
La Galerie Univer / Colette Colla, dédiée à l’art contemporain, propose chaque année au travers d’une dizaine d’expositions la découverte de thématiques, d’artistes reconnus ou de talents à découvrir. Elle s’attache à suivre le travail des artistes au fil du temps. La globalité de l’œuvre, l’évolution et les projets sont au cœur de l’activité de la galerie. L’espace remodelée pour les besoins de chaque exposition permet ainsi une dynamique et des propositions sans cesse renouvelées pour le public. Au-delà des expositions, une grande partie de la galerie est réservée à la découverte de leur travail. Tiroirs, tables, réserves, peintures, dessins, gravures, sculptures, photographies... Toutes les techniques sont ainsi à portée de regard. Depuis 2006, plus d’une centaine d’expositions se sont succédées dont une grande partie en solo. Les plus récentes sont entre autre celles d’artistes comme Marinette Cueco, Monique Tello, Jean Pierre Schneider, Marc Ronet, Gérard Titus-Carmel, Pierre-Marc De Biasi, etc.
Bertrand HUGUES
Noriko FUSE
du 8 janvier du 14 janvier au 6 février 2021 au 6 mars 2021 pour la seconde fois à la galerie Univer.
Il est actuellement présenté à la Galerie Eric Mouchet avec de grands tirages Fresson en lien avec les oeuvres du céramiste Jacques Blin. Cette nouvelle exposition à la galerie est l’occasion de montrer ses derniers tirages Fresson en plus petit format, ainsi que son dernier travail en noir et blanc, toujours autour du végétal.
Noriko FUSE excelle dans la gravure et les monotypes, avec une oeuvre sans cesse réinventée, jouant sur les matières des papiers qu’elle maroufle, les transparences, le jeu du trait et des formes. Elle est parvenue dans sa peinture à retrouver cette même légèreté, avec plus de puissance encore et cette organisation très particulière des formes qui lui appartient. Elles sont en suspens, flottent sur un fond en apparence blanc, extrêmement riche des différentes transparences superposées, la forme s’y pose avec délicatesse et dans un équilibre particulier et inattendu.
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“L’art de Noriko Fuse est clairvoyant et sensible, lucide et émouvant, paradoxal ; il unit les contraires. En 1995, l’artiste intitule une lithographie Volume volatil. Alors le volume serait un vide dense qui s’élève, s’envole ; le vide flotte, monte, tournoie, voltige. Parfois, le vide vacille, luit, scintille. Le vide se répand, se dérobe, se sauve, s’esquive, s’enfuit. Le vide boit les obstacles; le vide traverse les parois de tous les récipients. Le vide rayonne, chatoie. Le vide éblouit avec sa blanche réverbération. Le vide vit. Le vide respire. Le vide persévère. Le vide flamboyant trouve sa voie sacrée. Le vide volatil filtre, sourd, ruisselle. Le vide coule, déborde. Le vide bout, s’exaspère, s’impatiente. Le vide se sublime, subtil. Le vide est une vapeur candide, un brouillard lacté. Le vide primordial anime l’univers originel. Le vide est lointain et proche ; il est envers et endroit ; il est intérieur et extérieur. Le vide serpente et revient à l’incertain.” Gilbert Lascault
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Photo Moses Sawasawa
e 11e Prix Carmignac du photojournalisme – consacré à la République démocratique du Congo (RDC) - a été attribué au photographe canadien et britannique Finbarr O’Reilly. Son reportage a débuté en janvier 2020, avant l’irruption de la pandémie de coronavirus. En raison de l’aggravation rapide de la situation sanitaire mondiale et de la fermeture progressive des frontières internationales, un fonctionnement différent s’est imposé. Finbarr O’Reilly et l’équipe du Prix - en étroite collaboration avec le jury de la 11e édition - ont repensé les contours de ce travail face à la crise. La Fondation Carmignac a ainsi l’honneur de présenter « Congo in Conversation » Par Finbarr O’Reilly, un reportage collaboratif réalisé avec la contribution de journalistes et de photographes locaux qui documentent les défis humains, sociaux et écologiques que le Congo affronte au temps de la Covid-19. Basé sur un site Internet créé pour l’occasion et relayé sur les réseaux sociaux, «Congo in Conversation» propose un flux ininterrompu et inédit d’articles, de reportages photos et de vidéos, que les visiteurs peuvent consulter par thème ou par contributeur. Avec «Congo en conversation», la Fondation Car-
Prix Carmignac du photojournalisme
11e édition République démocratique du Congo
6 — 27 janvier 2021
Finbarr O’Reilly
Congo in Conversation Exposition sur les grilles de la tour Saint-Jacques Square de la Tour St Jacques
Paris 75004
mignac offre à ces voix congolaises de contribuer à la conversation mondiale, de témoigner collectivement de la situation sur le terrain dans cet immense pays et de sensibiliser les opinions publiques. « Congo in Conversation » c’est également une monographie bilingue français anglais, co-éditée par Reliefs Editions et la Fondation Carmignac. Les images sont accompagnées d’une conversation avec Mark Sealy, commissaire et Directeur d’Autograph ABP à Londres, qui s’intéresse aux relations entre la photographie, les questions raciales et les droits humains, Finbarr O’Reilly, et Emeric Glayse, Directeur du Prix Carmignac du photojournalisme. Avec les contributions de : Arlette Bashizi | Dieudonne Dirole | Charly Kasereka | Justin Makangara | Guylain Balume Muhindo | Guerchom Ndebo | Raissa Karama Rwizibuka | Moses Sawasawa | Pamela Tulizo | Ley Uwera | Bernadette Vivuya Nathalie Dran – Paris + 33 (0)6 99 41 52 49 nathalie.dran@wanadoo.fr Myrtille Beauvert - New York +1 (347) 295 7694 presse@prixcarmignac.com www.fondationcarmignac.com/en/photojournalisme Fondation Carmignac Anne Racine Directrice de la communication et du développement Valentine Dolla Directrice adjointe +33 1 7092 3191 www.fondationcarmignac.com
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Photo barbarad’antuono
de l’auteur, les textes sont proposés en version bilingue français/créole haïtien. Barbara d’Antuono, corse d’origine italienne née en 1961, quitte la France dans les années 80 pour les Antilles et la Jamaïque. C’est dans le foisonnement artistique d’Haïti, où elle reste 5 ans, qu’elle s’initie à la peinture et à la sculpture, notamment dans l’atelier du peintre haïtien Ronald Mevs. Se révèlent à elle le magique, ses démons intérieurs et l’esthétique de son travail de plasticienne. Elle commence son parcours artistique par des assemblages de bois et d’ossement, des collages, des totems, des fétiches… Babette El Saieh, fille du grand collectionneur Issa El Saieh, lui donne sa première chance d’exposer à l’hôtel Olofson de Port-au-Prince. Après plusieurs expositions à Haïti, elle quitte l’île à la suite du coup d’état de 1986. Rentrée en France, elle développe sa propre technique alliant sculpture, peinture, graphisme, couture, poésie et musique. Dès 1995, elle expose régulièrement à Paris, en Allemagne... Elle participe à plusieurs expositions collectives, dont une en hommage Wilfredo Lam à L’Unesco. Reconnue par les galeries Art Factory et l’Art de Rien, elle a exposé plusieurs fois au Lavoir moderne Parisien ainsi qu’à la Chapelle du Collège de Carpentras. En 2014, dans l’exposition collective “Suivez mon regard”, qui marquait l’acte de naissance de L’œil de la femme à barbe.
énélope ou Parque des temps modernes, Barbara d’Antuono coud à la main comme d’autres récitent des mantras et ne décide rien à l’avance. Elle laisse surgir des images sans cohérence particulière les unes avec les autres, mais auxquelles elle donne corps dans une sorte d’urgence, sous la forme d’une bande non pas dessinée mais cousue. L’exposition, tout comme le livre éponyme, parcourt sept années de ce travail assidu et patient à travers près de 30 œuvres textiles, véritables arrêts sur image faits des émotions et des souvenirs de l’artiste, comme autant de portraits de l’humanité. Sa rencontre en Haïti avec le Baron Samedi et la mythologie liée au vaudou, ainsi que les éclaboussures traumatiques du coup d’état de 1986 et des exactions dont elle a été témoin, l’ont précipitée dans cette nécessité de dire l’indicible. Globe-trotter, elle nourrit son travail de ses voyages, notamment en Afrique où elle retrouve le vaudou, et sur les pentes de tous les volcans du monde. Créatrice d’imaginaire, elle fait ainsi naître sous ses doigts un monde jubilatoire, onirique, ironique, carnavalesque et parfois naïf. Imprégnée de ce savoureux mélange, toute son œuvre se condense dans un syncrétisme baroque flamboyant, où l’humour n’est jamais loin et Haïti toujours présent. Dans le livre, le jeune auteur haïtien Kevin Pierre pose sur ces images intemporelles les mots poétiques d’un engagement contemporain pour la dignité de son pays. Leur échange de fils et de mots parle des choses de la vie et de la mort, du vaudou ancestral et des difficultés d’aujourd’hui. Pour restituer au lecteur la puissance évocatrice de lalangue
ESPRITS VAGABONDS
Barbara d’Antuono tableaux textiles textes de Kevin Pierre
et préface de Daniel Conrod
du 14 janvier 2021 au 27 février 2021 du lundi au samedi de 11h à 19h
Vernissage jeudi 14 janvier à partir de 18h
En partenariat avec la galerie Claire Corcia sur des Inspirations haïtiennes
323 rue Saint Martin, 75003 Paris
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Photo luolinrong
LUO LI RONG
uo li Rong est née en Chine en 1980. Elle a étudié à l’Académie des arts de Changsha, puis en 2000 à l’Académie centrale des arts de Pékin. Une fois diplômée, elle rejoint l’atelier de Zon Jiabao, ce qui lui permet de perfectionner son style figuratif inspiré des sculptures de la Renaissance et du Baroque. Les sculptures de Luo Li Rong dans leur intégralité font partie de la culture chinoise contemporaine tout en offrant une compréhension subtile et pertinente de l’Occident. Luo Li Rong est l’un des rares artistes à avoir bénéficié d’un enseignement rigoureux de la part de maîtres exigeants. L’artiste Xiao Xiao Qiu de l’Académie des Arts de Changsha voit rapidement en elle un réel talent pour percevoir les formes dans l’espace et les traduire en argile. C’est lui qui l’encourage et l’aide à préparer les
examens d’entrée à la CAFA. L’artiste Sun Jia Bo de la CAFA a une grande influence sur son approche sculpturale et amène son élève à porter une attention accrue à la présence du modèle et à ce qui en ressort. Grâce à ces précieuses rencontres et à une recherche personnelle constante, Luo Li Rong trouve peu à peu sa voie et dessine les contours de ses futures sculptures. En 2005, elle s’est installée en France et depuis 2006, elle travaille et vit en permanence à Bruxelles en Belgique. Elle travaille actuellement pour des clients publics et privés et a créé quelques sculptures pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008. Ses œuvres, réalisées principalement en bronze et en grandeur nature, dépeignent des femmes d’une élégance et d’une sensualité innées.’artiste Ses œuvres sont consacrées à la figure féminine dont la beauté du corps est mise en valeur, souvent représentée en grandeur nature avec une touche d’élégance dans les poses et les attitudes. Les cheveux doux mus par une brise légère, le regard fier et le sourire naïf donnent à ces sculptures, qui ressemblent à des fées et à des nymphes des bois, une beauté et une grâce qui laissent l’observateur enchanté. L’incroyable réalisme, riche en détails, enveloppe ces statues également grâce à l’attention que l’artiste porte aux délicats plis des vêtements, qui semblent doucement caressés par le vent. Les vêtements, si serrés et si fins, enveloppent les personnages comme un voile qui, en transparence, met en valeur l’anatomie et la sensualité des formes. L’artiste a étudié en profondeur les sculptures de la Renaissance et de la période baroque dont elle s’est inspirée. www.lemeravigliedellarte.it
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Photo connaissancedesarts
LA JEUNE FILLE A LA PERLE
ela faisait 26 ans que des recherches n’avaient pas été menées sur La Jeune Fille à la perle (vers 1665) de Johannes Vermeer (1632-1675). La semaine dernière, le Mauritshuis de La Haye a partagé les récentes découvertes faites sur le chef-d’œuvre de Vermeer. À l’aide des dernières technologies, la Joconde du musée néerlandais a été photographiée, scannée, passée au microscope et échantillonnée pour être analysée dans ses moindres détails. Et on peut dire que l’opération internationale, intitulée “Girl in the Spotlight” et menée par Abbie Vandivere, conservatrice des peintures du Mauritshuis, aux côtés des chercheurs du Rijksmuseum, des universités d’Amsterdam et d’Anvers, ou encore de la National Gallery of Art de Washington, a largement porté ses fruits. Grâce aux analyses du scanner aux rayons X, les historiens de l’art ont découvert que Vermeer avait peint de délicats cils à son modèle. Invisibles à l’œil nu durant toutes ces années, les cils de La Jeune Fille s’étaient dissipés avec le temps, à l’instar de ceux de La Joconde de Léonard de Vinci. Avec ces nouveaux détails révélés au grand jour, l’œuvre de Vermeer se trouve être beaucoup plus «humaine » que ce qu’on avait pu imaginer auparavant. Et ce n’est pas tout. Les recherches ont également mis en lumière une trouvaille surprenante.
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Alors que l’on ne voyait qu’un fond noir derrière la figure, il s’est avéré que Vermeer L’a en réalité placée devant un rideau vert, visible dans l’angle supérieur droit. Ce fond vert a malheureusement disparu suite aux changements physiques et chimiques de la toile au cours des trois cents années qui se sont écoulées depuis sa création. Au plus proche de la composition de l’œuvre L’examen du tableau a révélé de précieuses informations sur le processus de création du peintre pour réaliser ce chef-d’œuvre. En effet, après une étude aux infrarouges, les chercheurs ont découvert que l’artiste avait commencé son tableau par différentes nuances de brun et de noir déposées par de larges coups de pinceau, avant de tracer les contours du modèle par de fines lignes noires. Les scientifiques ont même retrouvé des poils de pinceau figés sur la toile. Certains repentirs ont également été observés pour la première fois par les chercheurs : les positions de l’oreille, du haut du foulard et de la nuque ont été modifiées par Vermeer. En plus d’en apprendre sur la genèse de l’œuvre, ces études ont mis en avant une des techniques majeures employées par le peintre. (suit page 10)
Photo whiteboxnyc.org
(suit de la page 9) Pour donner du volume à la fameuse perle, l’artiste a créé une illusion de relief en superposant des couches de peinture blanche composées de touches translucides et opaques de pigment blanc. Une précédente restauration de la toile avait écrasé l’épaisseur de la sphère blanche, dissimulant jusqu’à présent la technique du maître de la peinture néerlandaise. Pour la réaliser, le Sphinx de Delft a employé des matériaux venus du monde entier. Le blanc de la perle provient de la région de Peak District (Angleterre), l’ocre des vêtements est originaire d’Europe, les rouges sont issus de cochenilles présentes sur les cactus du Mexique et d’Amérique du Sud et le bleu du turban est fait de lapis-lazuli d’Afghanistan, un minerai qui était au XVIIe siècle «plus précieux que l’or », précise le Mauritshuis. Pour intensifier le bleu, Vermeer aurait chauffé à haute température la pierre semi-précieuse et ainsi faciliter son broyage. Mise à part la joie d’en apprendre plus sur le chef-d’œuvre exposé au Mauritshuis depuis 1903, ces analyses permettent surtout de surveiller son état de conservation. La Jeune Fille à la perle recèle encore de nombreux secrets. Le musée néerlandais souhaiterait poursuivre les recherches. Agathe Hakoun
78 printemps, Alain-Dominique Perrin n’en fait pas un mystère, il a toujours suivi le travail de celui qu’il appelle “Fred” et qu’il collectionne avec passion. S’il reconnait en Fred Forest un artiste de la trempe d’un César qui a innové, inventé un art “avec beaucoup de courage, d’arrogance et de provocation” (cf Artension n°158), A.D. Perrin constate le rendez-vous manqué entre le marché de l’art et un travail “qui a le génie d’etre in-montrable. Lorsque le marché ne comprend pas, il n’achète pas!”. Pourtant le collectionneur admire le génie d’un Fred Forest qui s’est affranchi dudit marché. Il voit déjà dans La Banane Invisible “ un signal d’alerte”. Identique à la Sentinelle du bout du monde - message d’alerte au monde lancé depuis la Terre du Feu : un “phare invisible” qu’il lui acheté en 2007. En marge de la Fondation Cartier - 1500 oeuvres et 15 millions de’euros de budget annuel pour fonctionnement et acquisitions- A.D. Perrin collectionne sans tabou. Par coups de coeur, intellectuels, visuels et affectifs, il vit l’art comme une communauté, où complicité et amitié se nouent entre l’artiste et le collectionneur; avec César, dont il fut l’exécuteur testamentaire, comme avec Fred Forest. Bercé et élevé dans l’art et dans l’amour de l’art, d’une famille de collectionneurs, A. D. Perrin est devenu antiquaire durant ses études, puis il l’est resté. “Quand je suis arrivé chez Cartier (il est devenu présidPALAZZI 10 VENEZIA
ent de Cartier International) j’avais encore deux magasins au Louvre des Antiquaires.” Ironie du sort ce Louvre va abriter la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, qui ouvrira 17 000 m2 d’exposition en 2023 et 2024! “La mission de la Fondation est très claire : cet outil fait la promotion du business de l’Art sans etre dans le business. Car il faut que la création domine l’rt, pas que le marché domine l’Art.” Une revendication à la Forest? Née de l’idée que les entreprises doivent promouvoir et accompagner les artistes et que le bijoutier Cartier, “un créateur qui a toujours vécu et prospéré de la création”, se doit de reverser une partie de sa fortunew pour soutenir la création, cette fondation - crée en 1984 sur une suggestion de César- a donné l’exemple au LVMH, Pinault, Prada et autres Héermes. Fort de cette réussite A.D. Perrin imagine encore d’autres reves pour l’art contemporain et pour la France à présent : le soutien indispensable des grands galeristes. Probablement pour que la France retrouve son autorité perdue sur la vie de l’Art international, et sur un marché de l’art que les grandes fortunes “doivent contribuer à rendre plus éthique.” Que le marché n’ait pas reconnu Fred Forest à sa juste valeur n’est pas si important, car “Fred restera un artiste qui a marqué son temps. C’est un grand artiste!” Et Alain-Dominiaue Perrin est cun grand collectionneur. Avisé et patient. artension n°164 PALAZZI 11VENEZIA
lerte dans le Poitou. La Bovary lit Nietzsche. «Il n’était pas dit qu’elle subirait jusqu’au bout le sort d’une femme de province adultère, à la Emma Bovary», écrit Fawzia Zouari, romancière et journaliste franco-tunisienne qui se fait ici biographe. Elle, c’est Valentine de Saint-Point (1875-1953), femme au destin magnifique et accidenté, arrière-petite-nièce de Lamartine - ascendance brandie comme un drapeau. Pour l’heure, Valentine a une vingtaine d’années, a suivi son mari, enseignant à Niort, s’ennuie et le trompe avec un homme qui s’appelle Charles. Elle écrit, lit donc l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra, ce qui fait naître en elle des pensées sur «la surfemme» et le «surcouple», s’exerce à l’escrime et fait scandale partout où elle passe. Le mari mort subitement, la voilà qui suit son amant, dont la carrière politique est lancée, dans la capitale. Elle devient reine du Tout-Paris, amie et modèle de Rodin, d’Alphonse Mucha. Elle tient salon, fréquente Apollinaire, les futuristes, Satie, Ravel, les Delaunay, écrit dans des revues. Entre-temps elle a quitté l’amant devenu mari pour un poète italien très en vue, Ricciotto Canudo, (suit page 12)
Photo Jean Reutlinger
(suit de la page 11) inventeur de l’expression «septième art». Une vie bien remplie de mondaine de la Belle Epoque qui n’augure pas de la suite, sa seconde vie en Orient, en Egypte, où le scandale continue. Valentine, secrètement convertie à l’islam, initiée au soufisme, se passionne pour le nationalisme arabe contre les Anglais. Voilà donc l’explication du titre Valentine d’Arabie. Etait-elle sympathique cette «nièce de Lamartine», «Al-Martine», qui mourut au Caire après quelques dernières années dans le dénuement et le retrait ? Rien n’est moins sûr, mais elle était fascinante. Par sa beauté déjà, regard clair, chevelure flamboyante et corps de marbre comme on disait alors. Avec cela narcissique comme rarement, ne doutant de rien, écrivant des livres depuis oubliés (la Caravane des chimères, l’Orbe pâle), se produisant dans un spectacle de danse d’avant-garde qui attira le Tout-Paris et déclencha un duel, se lançant dans une tournée de lectures d’un Manifeste de la femme futuriste, en «pionnière de la performance». Une trajectoire multi-météorique, où le désir de liberté, y compris sexuelle, l’idéalisme, l’excentricité forment un cocktail féministe
VALENTINE DE SAINT POINT
détonnant, même si Valentine de Saint-Point n’aimait pas les féministes de son époque, trop terre à terre selon elle. Le livre de Fawzia Zouari rend parfaitement compte de cette vie hors norme. A travers l’existence de la «muse pourpre» - surnom de celle qui ne s’habillait dans sa période parisienne que «d’un coupon transparent parsemé de fleurs rouge sang devenu sa marque de fabrique» - puis celle de «Valentine d’Arabie», les événements historiques, la Grande Guerre, les troubles au Proche-Orient, défilent d’un point de vue décalé et surprenant. A lire ce livre qui lui rend hommage, on finit par trouver très cruelle la seule postérité que lui assura pendant des années le Canard enchaîné, avec la rubrique intitulée «Valentine de Coin-Coin» du journaliste Clément Ledoux, mort en 1977. Frédérique Fanchette https://next.liberation.fr/ Fawzia Zouari (arabe : )يراوزلا ةيزوف, née le 10 septembre 19551 à Dahmani, est une écrivaine et journaliste franco-tunisienne. Son père est un cheikh, propriétaire terrien et juge de paix. Elle est la première des filles à ne pas être mariée adolescente et à pouvoir mener des études. En 1974, elle obtient son baccalauréat. En septembre 1979, elle s’installe à Paris pour son doctorat en littérature française et comparée de la Sorbonne.Elle travaille durant dix ans à l’Institut du monde arabe avant de devenir journaliste à l’hebdomadaire Jeune Afrique en 1996.
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ayoi Kusama née dans la Préfecture de Nagano à Matsumoto en 1929; était la plus jeune des quatre enfants de Kamun et Shigeru Kusama. Elle a commencé à faire de l’art dès l’âge de 10 ans, depuis l’enfance elle a toujours peint des points mais il y a un détail derrière. Kusama dit que lorsqu’elle dessinait enfant, sa mère venait par derrière et lui arrachait les dessins des mains et que l’hystérie et la panique influençaient son processus créatif, ce qui l’amenait à terminer rapidement et furieusement le dessin avant qu’il ne puisse lui être arraché comme le faisait alors sa mère. À un moment donné, sa mère lui a dit que si elle allait à l’école de l’étiquette, elle la ferait fréquenter l’école d’art; elle a accepté, mais elle n’a jamais fréquenté l’école de l’étiquette, elle n’a fait que l’école d’art et cela a beaucoup énervé sa mère qui a préféré un rôle différent pour elle. Elle a étudié la peinture nihonga, un style d’une grande rigueur formelle. La famille Kusama avait une usine de semences avec un commerce de gros, elle vendait des légumes, des graines et des plantes ; son entreprise était très bien implantée dans toute la région. Elle dit que tout a commencé lorsqu’elle s’est retrouvée dans un champ de fleurs dans sa ferme, quelque chose s’y est passé qui a causé son traumatisme : “Il y avait une lumière aveuglante, j’étais aveuglée par les fleurs, en regardant autour de moi, il y avait cette image qui persistait, j’avais l’impression de couler comme si ces fleurs allaient m’anéantir”. PALAZZI 13VENEZIA
À partir de ce moment, l’artiste a essayé de reproduire dans ses toiles cette expérience de différentes manières. Dans les toiles, elle est considérée comme une expérience de perte de sa personnalité dans son environnement physique, dans un espace qui se déplace à une vitesse incroyable. Un jour, en passant dans une boutique, Kusama a vu un livre avec les peintures de l’artiste Georgia O’Keeffe, et a décidé une fois vu de lui écrire une lettre car elle la prenait pour une muse inspirante. En 1958, elle s’installe à New York grâce à la réponse à la lettre d’O’Keeffe mais aussi attirée par le potentiel expérimental de la scène artistique de l’époque. À son arrivée à New York, elle commence par réaliser des peintures monochromes de grande taille, pour lesquelles elle attire rapidement l’attention des critiques. Ce n’était pas facile au début car elle se trouvait dans un monde où l’art était dominé par les hommes, mais elle voulait exposer dans des galeries mais ne pouvait pas franchir le seuil, en plus d’être une femme, elle était japonaise et personne dans cette société ne la prenait au sérieux. Elle dit :“Pendant les premiers mois, j’étais très pauvre, j’ai fait beaucoup de peintures, chaque jour je dessinais et peignais pour me sentir vraiment épanouie, (suit page 14)
Photo artslife.com
(suit de la page 13) mon seul but était de faire l’histoire de l’art aux États-Unis, à ce moment-là je ne pouvais penser à rien d’autre. Quand j’étais dans l’avion, je voyais des motifs se refléter dans l’océan et je les recréais dans mon art” À un moment donné, elle a eu l’occasion d’exposer à la galerie Brata où d’autres artistes comme Franz Kline sont nés, c’était l’époque des expressionnistes abstraits mais le travail de Yayoy était très différent. Ses peintures avaient une merveilleuse qualité tactile ; le critique John Donn a fait l’éloge de ces peintures et cela l’a fait mieux connaître. Son travail est basé sur l’art conceptuel et montre certains attributs du féminisme, du minimalisme, du surréalisme, de l’art brut, du pop art et de l’expressionnisme abstrait, tous unis par la technique du point de croix. Dans les années 1960, elle s’est consacrée au développement de nouvelles œuvres d’art, par exemple “Accumulatium” ou “Sex Obsession”. À partir de 1966, Kusama a créé de nombreuses performances provocantes et risquées, en peignant les corps des participants à pois ou en les faisant “entrer” dans ses œuvres. Elle est retournée au Japon en 1973, où elle a commencé à écrire des poèmes et des romans surréalistes. Récemment, elle a conti-
nué à représenter l’infini à travers des sculptures en ronde-bosse et des salles accessibles aux visiteurs. En 1993, elle a réalisé pour la Biennale de Venise une éblouissante galerie des glaces avec des citrouilles insérées, qui est devenue son alter ego. À partir de ce moment, Kusama invente d’autres œuvres sur commande, principalement des fleurs géantes ou des plantes colorées. Ses œuvres sont exposées dans divers musées importants du monde entier dans le cadre d’expositions permanentes, comme le Museum of Modern Art de New York, le Walker Art Center de Minneapolis, la Tate Modern de Londres et le National Museum of Modern Art de Tokyo. Elle s’est fait connaître du grand public grâce à sa collaboration avec Peter Gabriel dans la vidéo “Love Town” (1994), dans laquelle toutes ses obsessions - les points de polka, les grilles, la nourriture et le sexe - se retrouvent dans le monde hypertrophique de l’ancienne chanson de la Genèse. Et une autre occasion d’accroître sa notoriété, elle l’a eue en 2012 grâce à Marc Jacobs, directeur artistique de Louis Vuitton, avec qui elle a réalisé l’une des plus grandes collaborations artistiques pour la maison de couture française. De nombreux vêtements ont été réalisés qui mettent en scène les pois obsédants, très grands et colorés. Il y avait aussi une ligne de sacs Louis Vuitton, où les modèles les plus emblématiques ont été pris où la toile Monogram classique a été remplacée par le cuir MonoPALAZZI 14 VENEZIA
gram Vernis Dots Infinity, beaucoup plus prestigieux. D’autres sacs ont subi un restylage plus imaginatif où les poignées, le haut et le bas sont en cuir vernis “Dots Infinity”, tandis que la partie centrale est en nylon Monogram. Parallèlement aux sacs, de petits articles de maroquinerie ont été créés, tels que des portefeuilles, des pochettes et des sacs à main qui, outre les pois, comportent des citrouilles et des nerfs biomorphiques, autres éléments caractéristiques de l’art de Kusama. Des bracelets, des escarpins et des ballerines ont également été lancés, ainsi que des serviettes de plage, des sarongs et des foulards. Depuis 1977, Kusama vit à l’hôpital psychiatrique de Seiwa au Japon par choix personnel. Elle peint presque quotidiennement dans son atelier à Shinjuku. Oeuvres : 1958 - Océan Pacifique - Une peinture qui, selon Kusama, représente l’origine de cette série de peintures connue sous le nom de “Infinity Net”. En 1959, elle crée ses premières œuvres dans la série “Infinity Net”, de grandes toiles de près de trois mètres de long. Dans les années 1960, l’artiste a produit des peintures, des dessins, des sculptures, des Happenings, des installations, de la mode et des films, pour n’en citer que quelques-uns : En 1964, elle présente “One Thousand Boat Show” à la galerie Gertrude Stein : dans cette œuvre, elle remet en question le patriarcat à travers d’innombrables formes phalliques ; PALAZZI 15 VENEZIA
Les points de polka font également partie de sa première représentation, qui a eu lieu en 1966, alors qu’elle était allongée sur un trottoir de la 14ème rue Est ; Cette même année, une autre performance inoubliable a fait des ravages à la Biennale de Venise. Se présentant sans y être invitée, Yayoi Kusama a commencé à lancer 1 500 sphères flottantes dans les canaux de la ville dans le cadre de son œuvre “Le jardin des jonquilles” ; “Infinity Mirror Room” est un autre chef-d’œuvre: passant de la surface bidimensionnelle des toiles à un environnement de réflexion spéculaire, grâce à l’effet kaléidoscopique des surfaces réfléchissantes, le corps humain est fragmenté puis reproduit un nombre infini de fois ; Enfin, on ne peut manquer de mentionner l’installation “Gleaming lights of the Souls” dans laquelle l’artiste a utilisé une pièce entièrement recouverte de miroirs, en faisant une sorte de boîte optique du plafond de laquelle descendent des dizaines de LED qui émettent une lumière intermittente. En 1969, elle a fondé Kusama Enterprises, un point de vente de vêtements, de sacs à main et même d’automobiles ; ces produits se caractérisaient par son esthétique unique, caractérisée par son utilisation libérale de pois et de motifs denses et répétitifs pour créer un sentiment d’infini. wikipedia.org
PhotoKaterinabelkina
driana Lestido, Elinor Carucci, Nazik Armenakian présentent “The Female Side of the Moon”, parmi lesquelles Gohar Dashti. Gohar Dashti a obtenu une maîtrise en photographie à l’Université d’art de Téhéran en 2005. Au cours des 15 dernières années, elle a fait de la photographie à grande échelle en se concentrant particulièrement sur les questions sociales. Son travail fait référence à l’histoire et à la culture contemporaine, ainsi qu’à la convergence des perspectives anthropologiques et sociologiques ; employant une esthétique unique, quasi théâtrale, elle fait appel à une expérience intellectuelle et culturelle diversifiée pour éclairer et développer sa perception du monde qui l’entoure. Fascinée par les récits humains et géographiques et leur interconnexion avec ses propres expériences personnelles, Gohar Da-
du 23 Janvier 2021 au 27 Mars 2021
The Female Side of the Moon Women photographing Women photography 40 Photographes de 5 Continents Galerie Z22 Berlin 10707 City West
info@galerie-z22.com galerie-z22.com Tél:+49.30.88676722 U7 Konstanzer Str. U7 M19, M29 Adenauerplatz
shti croit que la nature est ce qui la relie aux multiples significations de “foyer” et de “déplacement”, à la fois comme abstractions conceptuelles et comme réalités concrètes qui délimitent et contournent notre existence. Le résultat est une série de paysages et de portraits aussi luxuriants que voûtés, qui suscitent des questions sur l’immense étendue de la nature, variée et repoussant les frontières - à l’abri des divisions culturelles et politiques - et sur la manière dont les immigrants recherchent et reconstruisent inévitablement des topographies familières dans un nouveau pays apparemment étranger. Les œuvres de Gohar Dashti ont trouvé leur place dans les collections permanentes du Victoria and Albert Museum de Londres, du Mori Art Museum de Tokyo, du Museum of Fine Arts de Boston, du Smithsonian Museum de Washington D.C., du Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City, de la National Gallery of Art de Washington D.C., du Museum of Contemporary Photography (MoCP) de Chicago et de la Kadist Art Foundation de Paris. Elle a reçu de nombreuses bourses d’art, dont une bourse MacDowell, Peterborough, NH (2017), une bourse du DAAD, Berlin (2009-2011) et une bourse Visiting Arts (1Mile2 Project), Bradford/Londres (2009). La Galerie Z 22 est une nouveauté dans l’Ouest de Berlin. Fondée en tant que galerie de producteurs en octobre 2014, la galerie se développe en un point chaud qui montre des positions d’artistes idiosyncrasiques et fortes et propose des offres d’accompagnement, telles que des soirées cinéma ou des performances. En plus des originaux, la galerie propose également des éditions spéciales et des multiples. L’art peut également être loué sur demande. La galerie Z22 est membre du Landesverband Berliner Galerien.
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HILMA AF KLINT n des aspects que j’aime de l’humanité est le fait qu’à tout moment de l’histoire et dans n’importe quel coin de la planète, par une coïncidence astrale, des personnes extraordinaires peuvent naître, des artistes (dans notre cas) qui ont le don de saisir pleinement l’esprit du temps dans lequel ils vivent et de pouvoir faire un bond en avant. Nous parlons en particulier aujourd’hui d’une Suédoise, Hilma af Klint, contemporaine de grands maîtres tels que Kandinsky, Malevich et Mondrian et pionnière, au moins autant qu’eux, de cet extraordinaire courant artistique qu’était l’Abstractionnisme. Pourquoi, alors, ce peintre est-il resté presque inconnu de tous et n’apparaît pas dans les livres ? Ce n’est pas une question de genre, mais plutôt un désir de Hilma af Klint elle-même, qui, durant sa vie, a toujours gardé sa production abstraite cachée et a voulu qu’elle ne soit révélée que vingt ans après sa mort en 1944. Entre-temps, le temps a passé et le monde a changé, si bien que ses œuvres des années 1960 n’ont pas suscité l’admiration et la crainte qu’elles auraient méritées. En 1986, elle a finalement organisé une grande exposition qui a fait le tour du monde. Ses peintures peuvent maintenant être vues à Stockholm, à la Fondation Hilma af Klimt, ou au Musée d’art moderne, où une salle lui est consacrée. Mais de quel genre de peintures parlons-nous, et pourquoi je les trouve si intéressantes ?
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Dans ce billet, j’espère vous donner la réponse, mais d’abord, pour mieux comprendre, nous avons besoin de quelques informations biographiques sur cet artiste. Qui était Hilma af Klint (1862-1944) ? Hilma af Klint était une personne tout à fait hors du commun, surtout au vu de l’époque. Tout d’abord, elle fait partie de l’une des premières générations de femmes admises à l’Académie royale des beaux-arts de Stockholm, où elle a étudié entre 1882 et 1887 et a surtout appris le dessin, le portrait et la peinture de paysage. Elle a obtenu son diplôme avec mention et, grâce à une bourse, a reçu un studio à Stockholm dans l’Atelier Building, le centre de la culture suédoise à l’époque. Comme beaucoup d’artistes et d’intellectuels au début du XXe siècle, Hilma af Klint était fascinée par le spiritualisme et la théosophie, à la recherche de quelque chose de plus profond. En 1896, avec quatre autres artistes, elle a fondé le groupe du vendredi, également connu sous le nom de The Five, un groupe qui se réunissait chaque semaine pour des rencontres spirituelles comprenant des prières, de la méditation, des études sur le Nouveau Testament et des séances. Ils pratiquaient également le dessin automatique (suit page 18)
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(suit de la page 17) fait dans des conditions de méditation et inspiré par ce qu’ils appelaient les Hauts, des êtres spirituels avec lesquels ils entraient en contact. Après dix ans d’exercices spiritualistes, Helma af Klint commence une de ses œuvres majeures, la série des Peintures pour le Temple, qui l’occupe de 1906 à 1915. Elle a vécu et travaillé dans cette atmosphère jusqu’en 1908, date à laquelle elle s’est retirée pour s’occuper de sa mère malade jusqu’en 1920, établissant un nouveau studio en 1917 sur une île du lac Mälaren, non loin de Stockholm. Hilma af Klint ne s’est jamais mariée et a changé de résidence plusieurs fois au cours de sa vie, jusqu’à sa mort en 1944. L’abstractionnisme selon Hilma af Klint Comme on peut l’imaginer d’après les intérêts de sa vie, la recherche artistique d’Hilma af Klimt est fortement influencée par son attitude spirituelle, qui la conduit à l’Abstractionnisme d’une manière qui, d’une certaine manière, est très similaire à celle de maîtres tels que Kandinsky, Malevitch, Mondrian ou Kupka (qui étaient également fascinés par le monde spirituel et la théosophie), mais qui conserve sa propre forte individualité. Si l’on prend par exemple sa série la plus importante, les Peintures pour le temple, on découv-
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re qu’elle est composée de 193 tableaux, divisés en séries ou sous-groupes, et qu’elle est destinée à décorer des autels ou des lieux sacrés. Il s’agit de peintures abstraites qui sont peut-être les premières du monde occidental au XXe siècle, mais qui sont destinées à rester inconnues. Nous ne savons pas si Hilma af Klint était au courant ou impliquée dans les recherches de ses collègues sur le continent, mais elle a certainement inventé un langage très similaire, inspiré par les esprits et visant à ouvrir les portes d’une nouvelle dimension au-delà du visible, plus intérieure mais tout aussi réelle. En même temps, elle estimait que ses œuvres devaient rester secrètes car elle ne considérait pas que le public était prêt à les voir, et elle continuait parallèlement à peindre au figuré, dans le style de cet exemple ci-dessous. En bref, Hilma af Klint a jalousement conservé ses œuvres les plus novatrices, imaginant la peinture du futur et venant en collectionner environ 1300 au moment de sa mort. Un raisonnement étrange et fascinant, qui nous fait comprendre le caractère sacré qu’ils avaient pour elle et qui devrait nous faire les voir avec des yeux nouveaux et sans a priori. Et c’est avec cette intention que je vous laisse encore une petite galerie de ses tableaux, pour apprendre à mieux la connaître. Voici le lien vers la fondation qui lui est dédiée: https://www.hilmaafklint.se/en/
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rès tôt, Katerina Belkina a su qu’elle avait un talent exceptionnel pour voir le monde avec des yeux différents. Née à Samara, dans le sud-est de la Russie européenne, elle a été élevée dans une atmosphère créative par sa mère, une artiste visuelle. Sa formation de peintre à l’Académie d’art et, à partir de 2000, à l’école de photographie de Michael Musorin à Samara lui ont donné les outils nécessaires pour visualiser ses idées. Des expositions de ses sublimes autoportraits mystiques ont eu lieu à Moscou et à Paris. En 2007, Katerina Belkina a été nominée pour le prestigieux prix Kandinsky (comparable au prix British Turner) à Moscou. Récemment, elle a reçu le prix Hasselblad Masters. Actuellement, elle vit et travaille près de Berlin, à Werder (Havel). En ce moments certaines de ses oeuvres sont exposées à la Galerie Lilja Zakirova qui nous présente l’exposition collective en ces termes: Cher collectionneur, Permettez-moi d’attirer votre attention sur un bref aperçu cinématographique de la nouvelle exposition, A Midwinter Night’s Dream. Il s’agit d’une exposition collective de 25 œuvres d’art (enrichies de musique et de son) de différents artistes de la galerie. Au fond de notre cœur, mes artistes et moi-même, nous sentons que notre travail est une nécessité de la vie.
KATERINA BELKINA
Un rêve de nuit d’hiver
Et comme vous le savez, je ne suis pas une boutique mais un petit temple de l’art accessible à tout moment. De plus, en tant que citoyen néerlandais, j’ai droit à deux invités, sur rendez-vous, dans un environnement sûr et avec tout le respect dû aux mesures. Le catalogue complet avec plus de détails (titres, tailles et prix) de cette collection ainsi qu’une salle de visionnage virtuelle se trouvent sur la plateforme d’art Artsy
Artists · Anwar Abdoullaev · Katerina Belkina · Efim Deshalit · Marina Iwanova · Raoef Mamedov
jusqu’au 31 Janvier 2021
· Alexander Molev
Galerie Lilja Zakirova Engstraat 6
· Karl Tanpeter
· Lusia Popenko
· Natalya Zaloznaya
5256 BD Heusden a/d Maas
Artist Management Pays-Bas Tél: +31 (0)416 661830 Karsten Meissner +49 (0)172 3466054 Cel: +31 (0)6 51193831 Tmanagement@belkina.art
lilja@zakirova.com https://zakirova.com/
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https://www.belkina.art/
Photo helenbeard
Son travail explore des thèmes qui s’inscrivent dans un contexte plus large de relations et de sexe. Des peintures à l’huile récentes, en grand format et en couleur,
HELEN BEARD
ée à Birmingham en 1971, Helen Beard a étudié l’art au Bournemouth and Poole college of Art and Design. Après avoir obtenu son diplôme, Helen a travaillé comme styliste de costumes et assistante directrice artistique en free-lance dans l’industrie du cinéma pendant 15 ans. Tout en poursuivant sa pratique artistique, elle a travaillé dans divers domaines, dont la peinture, le collage et la broderie. Elle a également réalisé des sculptures et des installations. Elle vit et travaille actuellement à Brighton.
d’images sexuelles étroitement découpées, sont tirées de matériel pornographique, mais subverties en œuvres joyeuses et colorées. Elles reprennent la propriété de l’imagerie sexuelle du regard majoritairement masculin de l’image photographique ou vidéo, et dépeignent le sexe dans une palette technicolore de formes stylisées, texturées avec une myriade de coups de pinceau fluides qui caressent la peau des personnes représentées, comme des doigts sur la peau. Ses travaux de broderie utilisent le même sujet, mais comme il est souvent considéré comme une recherche féminine, il ajoute encore plus de poésie. Sa créativité ne s’arrête pas à une seule forme d’art, mais Helen a expérimenté le collage, la broderie, la sculpture et enfin la peinture. Après des années et des années de pratique, elle a développé une technique et un style de peinture reconnaissables parmi mille autres. Au cœur de son art se trouvent les thèmes de la passion et du sexe capturés d’un point de vue féminin. La représentation de ces sujets prend forme à travers une interprétation personnelle des corps captés dans des moments d’intimité qui se brisent. Chaque partie, chaque membre, presque chaque muscle est considéré comme une forme unique avec sa propre couleur. Vous vous retrouverez devant des images débordantes de couleurs, chaque élément en plus d’être exagéré et exagéré apporte avec lui la puissance de la passion, qui touche le spectateur sans trop de fioritures. https://www.helenbeard.art/
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RAIMONDO ROSSI
Photo raimondorossi
’origine péruvienne, Raimondo, également connu sous le nom de Ray Morrison, est surtout suivi pour sa polyvalence artistique. Grâce à son style personnel, il a été mentionné à plusieurs reprises comme une personnalité à suivre pour la mode masculine, il a collaboré avec plusieurs magazines en tant que rédacteur de mode et directeur artistique et, enfin et surtout, il s’est distingué en tant que photographe. Nous avons voulu nous concentrer sur ce dernier aspect, capturé par ses portraits qui mêlent la photographie de mode à une photographie plus intime et plus profonde. En fait, ne croyez pas que vous êtes devant des clichés classiques, où l’accent est presque toujours mis sur le produit et le style, mais Raimondo Rossi ramène l’attention sur la personne, l’individu. À travers ses photographies et ses portraits, nous redécouvrons la beauté de la diversité. Nous avons eu l’occasion de lui poser quelques questions pour en savoir plus sur son travail. Ne manquez pas l’interview ci-dessous ! Parlez-nous de votre parcours, comment avezvous abordé la photographie et s’il y a un moment particulier dont vous vous souvenez ? J’ai grandi en Ombrie et pendant les vacances d’été, ma famille et moi faisions le tour de l’Europe en camping-car. C’est à ces occasions que ma mère se réjouissait
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de prendre des photos avec le légendaire Rolleiflex, un appareil photo à pellicule. J’ai toujours été témoin du processus de création de souvenirs par la photographie et il y a quelques années seulement, j’ai décidé de m’inscrire à des cours spécialisés. Après la théorie, j’ai commencé à m’entraîner à faire des reportages dans les coulisses des semaines de la mode. Aujourd’hui, ma photographie a tellement évolué que je me consacre davantage aux portraits ou aux éditoriaux de mode. Même en jetant un coup d’œil rapide à votre travail, nous pouvons immédiatement comprendre que vous ne vous fixez aucune limite. Vous allez de la mode, au monde du cinéma, à la photographie. Mais lequel de ces domaines vous semble le plus approprié ? Je suis sincère. e n’ai aucune préférence parce que lorsque je tourne, je me concentre sur la personne que je veux dépeindre ou sur la situation que je veux raconter à ce moment-là. Par conséquent, que la personne ou la situation soit liée à un événement de mode ou de cinéma, cela ne fait aucune différence pour moi car je vais dépeindre un sujet ou réécrire une atmosphère (suit page 22)
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(suit de la page 21) qui me frappe à ce moment. Je ne me limite pas à faire la chronique, mais j’essaie d’aller sur la pointe des pieds dans les coulisses des histoires, en les flairant. Bien que ces trois domaines soient tous très intéressants, j’ai le sentiment d’avoir plus d’expérience dans la mode. Ces derniers temps, vous prenez des photos qui rendent hommage à la diversité, en photographiant les visages d’hommes et de femmes de cultures différentes. Que voulez-vous dire avec ces photos ? La discrimination et l’injustice sont désormais à l’ordre du jour et nous, les artistes, avons le devoir de sensibiliser les gens et de transmettre des messages importants. C’est ce que j’essaie de faire avec ma photographie. Dans mes photos, j’ai souvent parlé de discrimination et de diversité pour comprendre que quelle que soit la couleur de la peau, nous sommes tous égaux. Je souhaite que certaines valeurs puissent être reçues de manière authentique par la société, les institutions, les jeunes et leurs familles. Aujourd’hui, malheureusement, même certains magazines ont tendance à vouloir braquer les projecteurs sur un problème particulier et finissent par faire l’erreur inverse.
Selon vous, quel est l’élément le plus important à prendre en compte lors de la réalisation de portraits ? Chaque photographe a son propre style et sa propre façon de vivre la photographie. Dans mon travail, je ne perds jamais de vue le sujet qui se trouve devant moi. À la fin du tournage, j’explique toujours à la personne représentée que ce qu’elle verra est une image filtrée par mes yeux et réinterprétée dans une optique artistique. Ce sera sa figure, mais aussi la mienne. Quel matériel utilisez-vous pour tourner ? Quels sont les outils que vous emportez avec vous lorsque vous tirez et pourquoi ? J’utilise généralement un 3400, un appareil photo minimal et léger qui offre un bon compromis entre qualité et portabilité. J’ai aussi quelques lumières LED avec lesquelles je peux m’amuser à créer des effets d’ombre et des images spéciales, en mettant en valeur ce qui attire mon regard. Bien sûr, j’ai aussi d’autres équipements, comme les flashes, mais je les abandonne progressivement parce qu’ils ne donnent pas de résultats satisfaisants en portrait. Quels artistes vous inspirent et quels photographes ont influencé votre travail ? Je n’ai pas d’artistes particuliers dont je peux dire que j’ai été le plus inspiré. J’apprécie les photographes d’il y a quelques décennies, comme Arbus ou Bresson, qui avaient théorisé une photographie sans doute plus authentique, réelle et moins polluée par la technologie. PALAZZI 22 VENEZIA
Par exemple, “L’homme aux curleurs” de Diane Arbus est pour moi la photo du siècle. Un véritable chef-d’œuvre. Dernière question, mais nécessaire, surtout compte tenu de votre éventail de domaines dans lesquels l’esthétique joue un rôle fondamental. Qu’est-ce que la beauté pour vous ? Je crois que la beauté, c’est comme porter des lunettes magiques qui vous permettent d’avoir une relation spéciale avec les choses ou les gens qui vous entourent, sans envie ni jalousie. La beauté, c’est la liberté. Dans cette perspective, nous pourrions rompre avec les canons esthétiques établis au fil des ans et nous pourrions parler de véritables révolutions. C’est ce qui s’est passé récemment avec les modèles courbes. Un corps plus grand peut être amélioré et devenir harmonieux, et il en va de même pour un visage plus anguleux. L’esthétique de David n’est plus considérée comme une vérité absolue mais devient l’une des nombreuses formes dans lesquelles le corps s’exprime. Les canons esthétiques ont connu une évolution depuis quelque temps déjà et non sans controverse. Il suffit de penser à Armine, un modèle utilisé par Gucci à des fins commerciales et victime de la honte corporelle par le biais d’insultes sur les réseaux sociaux. www.collater.al/raimondo-rossi-ray-morrison-photography/
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’énorme barrage hydroélectrique, pris en sandwich entre des falaises à couper le souffle dans la province du Hubei, en Chine centrale, est l’un des projets d’ingénierie les plus ambitieux au monde. Il a la capacité de produire 22 500 mégawatts d’électricité et permet aux navires de transport maritime de naviguer sur 2250 km à l’intérieur des terres, de Shanghai à Chongqing. Les responsables ont longtemps défendu ce projet de 24 milliards de dollars comme une source importante d’énergie renouvelable pour une nation avide d’énergie. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. Le monolithe en béton est construit dans une zone très peuplée, qui abrite des espèces animales et végétales menacées, et se trouve de part et d’autre de deux grandes lignes de faille : le Jiuwanxi et le Zigui-Badong. Sa construction était vouée à l’échec, les géologues, biologistes et environnementalistes ayant lancé des appels urgents bien avant l’achèvement du barrage - et du réservoir voisin des Trois Gorges. En 2020, les craintes croissantes d’une éventuelle rupture du Yangtsé ont été aggravées par trois mois d’inondations extrêmes dans les provinces du sud, atteignant des niveaux jamais vus depuis 1981, (suit page 24)
Photo huangrongmuge
HUANG RONG MUGE
(suit de la page 23) année où le pays a connu ses pires inondations depuis un siècle. La montée en flèche des niveaux d’eau a exercé une pression énorme sur le processeur du barrage, qui est passé très près de sa capacité maximale. Une brèche pourrait être catastrophique pour le pays, créant une vague semblable à un tsunami. Suite à un flot continu d’événements écologiques, notamment des tremblements de terre, des glissements de terrain, une hausse du niveau de l’eau, des maladies d’origine hydrique et la modification d’écosystèmes entiers, Going Home soulève également des questions éthiques quant à savoir jusqu’où les humains iront pour sacrifier l’environnement en échange d’un gain économique temporaire. Connu sous le nom de Muge (qui signifie “homme sauvage” en tibétain, un surnom que lui donnent affectueusement ses amis parce qu’il se déplace très vite), Huang Rong s’est longtemps intéressé aux relations complexes entre l’homme et la nature. “Il y a eu d’innombrables exemples de la façon dont l’homme a essayé de transformer et de conquérir la nature dans l’histoire chinoise”, explique-t-il. Dans “Going Home”, le photographe parle de cette lutte de pouvoir innée tout en ponctuant la réalité émotionnelle et spiri-
tuelle de l’absence de lieu. Il est confronté à des questions telles que : Qu’est-ce que cela signifie de ne plus vivre sur sa propre terre? Comment faire face lorsque l’endroit qui était votre maison est soudainement effacé ? Muge cherche à agir comme un traducteur dans la cacophonie du chaos tout en utilisant simultanément le récit pour assimiler les traumatismes. Depuis l’installation complète de la structure en 2012, plus de 1,3 million de personnes - des familles qui avaient vécu sur les rives du fleuve pendant des siècles - ont été déplacées. Ayant grandi dans le comté montagneux de Wuxi à Chongqing, à 280 km du barrage, Muge a été le témoin direct de la perte inévitable et de la déconnexion de son passé. “Il a coupé des millions de villageois comme moi de trois décennies, voire de milliers d’années, de mémoire historique”, explique-t-il. “Ce n’est pas comme l’état d’amnésie, car nous connaissons notre passé, mais nous ne pouvons pas en être personnellement témoins à nouveau. Il semble que nous ayons été exilés de notre patrie”. Going Home met l’accent sur le coût humain de l’inertie économique. Muge appelle le projet une “autobiographie introspective”. A l’origine, la série a été conçue comme un moyen pour Muge, aujourd’hui basé à Chengdu, de préserver ses souvenirs d’enfance.
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Les voyages étaient une nécessité de la vie le long du Yangtsé. Les voyages épiques du comté de Wuxi au comté de Yunyang pour les marchandises domestiques étaient une habitude de jeunesse. “Il nous fallait deux jours pour acheter un téléviseur, mais chaque voyage était une aventure, une expérience géographique à travers les montagnes”, dit-il. “Le projet des Trois Gorges a eu le plus grand impact sur moi en 1999, lorsque je suis retourné dans la ville de Yunyang pour assister à une démolition à grande échelle. Mes souvenirs avaient disparu, et mes yeux étaient pleins de ruines. C’est seulement à ce moment que j’ai commencé à comprendre l’influence du barrage, et en 2004 j’ai commencé à tirer”. D’un point de vue stylistique, les premiers travaux sont des réponses directes et descriptives aux conséquences immédiates de la construction du barrage, car les gens sont obligés de quitter leurs maisons et de s’installer en territoire inconnu. “Il y a eu de grands changements autour de moi”, dit M. Muge. “Tous ceux que j’ai photographiés étaient dans un état de nostalgie, comme moi.” Dans ces photographies, le temps s’arrête. La perte des gens est palpable, non seulement de leur terre, mais aussi des souvenirs, des histoires, des lignées de culture qui ont vécu en harmonie avec la nature pendant si longtemps. PALAZZI 25 VENEZIA
Ce qui distingue ce travail, c’est le regard critique d’un initié. Sa relation est intime et tendre, utilisant la photographie pour retenir et valider leur expérience. Pour les vies qu’il documente, le foyer est maintenant ailleurs. Des millions de personnes ont été déplacées dans d’autres provinces, tandis que d’autres ont été déplacées sur des terrains plus élevés, placées dans de nouvelles villes qui ont pris le nom de villes submergées. Beaucoup d’entre elles sont restées bloquées après l’échec des tentatives de relocalisation des campagnes vers les villes. “Le gouvernement a promis un avenir meilleur, mais des années plus tard, on ne sait toujours pas ce qu’il en est”, déclare M. Muge. “De nombreux agriculteurs ont perdu leurs terres et ont lutté pour gagner leur vie en ville. Certains n’ont pas pu s’intégrer dans leur nouvel environnement et ont choisi de retourner dans les Trois Gorges. Il n’y a toujours pas de logement, de terre, d’identité, et la vie est très difficile”. Si les intentions de Muge sont tout sauf politiques, le projet fait écho à une codépendance compliquée entre les citoyens et l’État. Le projet de barrage des Trois Gorges est considéré comme un exemple de la grandeur (suit p. 26)
Photo huangrongmuge
(suit de la page 25) de la Chine, un symbole de prouesse technologique et un point brûlant de fierté nationale. Ce profond patriotisme culturel évoque une sorte de devoir moral, un contrat social dans lequel un bon citoyen accepte des destins incertains pour le bien du pays, même ceux qui ont tout perdu. “En Chine, nous avons tendance à être membres du collectif”, explique le photographe. “Dans la vie et le travail, nous mettons l’accent sur le groupe d’une famille, d’une école, d’une unité de travail, d’un pays, mais nous avons tendance à ignorer l’existence fait l’expérience de la répétition de différentes histoiet les besoins de chaque res personnelles, comme si je regardais plusieurs fragindividu”. ments de films en même temps”, explique M. Muge. Cette dissonance comLorsque l’exploitation de la terre se comprime avec la plique encore un état perte de la maison, une fragilité sociale apparaît, laispsychologique déjà épuissant les communautés absorber silencieusement les é.L’œuvre cherche à démconséquences. anteler notre notion colLa forme et le concept évoluent tout au long du projet, lective de la maîtrise de la mais l’intimité et la vulnérabilité maintiennent le traterre. vail ensemble. Muge illustre discrètemL’accent mis sur le temps et le lieu se déplace vers ent la réalité désespérée l’expérience et la sensation, révélant comment le pasde la coexistence avec sage du temps a un impact égal sur le photographe auun système, alors que tant que la photographie. nous, en tant qu’espèce, “Le sentiment d’impuissance est devenu extrêmement sommes conscients de frustrant. notre impact colossal, Il n’y avait aucun espoir en vue”, explique Muge. potentiellement irrévers“La naissance de ma fille et sa curiosité innocente enible, sur la planète et son vers le monde ont déclenché une volonté renouvelée écosystème. d’explorer la vie à nouveau. La lecture est une acReconnaître la trace que le temps laisse sur la nature cumulation constante m’a ouvert une fenêtre pour comprendre la réalité d’ud’effets humains et envine nouvelle manière”. ronnementaux, illustrant Dans ses travaux récents, Muge enveloppe ses sujets comment la surface sendans le paysage, liés par leur traumatisme commun sible de la photographie https://www.1854.pho- alors qu’ils commencent à accepter et à intégrer leur peut contenir des multitography/2020/12/muge nouvelle réalité. ples. L’accent devient métaphysique, une manifestation plus “Chaque fois que je suis sensorielle de la suspension émerge. allé photographier, j’ai Son langage visuel tente d’engager notre être tout enPALAZZI 26 VENEZIA
tier, non seulement comme une réaction cognitive à l’injustice, mais aussi comme une invitation plus viscérale au rôle vivant de la mémoire et à sa relation avec l’individu. Il revisite les lieux qui revêtent une grande importance pour ses proches, notamment le jardin d’enfants de son père et le champ de légumes de sa mère. Ensemble, ces fragments de vie rendent hommage à la terre et à la façon dont elle a influencé leur vie. En près de 20 ans, Muge a créé une immense archive de milliers d’images. Par une pratique d’accumulation et de distillation, il dessine des chemins, des voyages et des connexions, tant physiques qu’émotionnelles, sur la façon dont les communautés se forment et sont liées aux espaces qu’elles habitent. “Je vise à témoigner et à préserver les souvenirs individuels. J’espère que ces images pourront servir de plate-forme aux villages pour qu’ils puissent témoigner de la façon dont le projet des Trois Gorges a façonné leur vie. Ils peuvent à la fois observer et comprendre cette ère du temps à travers de multiples phases et expériences”. À bien des égards, ces archives sont devenues le début du processus de guérison. La photographie de Muge, qui a commencé comme un acte de contrôle au sein du chaos, se transforme en un outil pour construire la résilience, un mécanisme de transformation. “J’ai hâte de vivre à nouveau en harmonie”, dit-il. PALAZZI 27 VENEZIA
’est un chasseur qui m’a appris qu’on peut voir dans les yeux d’un chien si c’est un bon ou un mauvais chien. C’est ce que j’ai essayé de faire. Parfois j’ai raison, parfois j’ai tort - et puis on se fait mordre”. Ragnar Axelsson a rencontré de nombreux chiens dans l’Arctique. Le chien de traîneau du Groenland, qui ressemble à un husky, fait partie intégrante de la culture arctique et constitue le moyen de transport des chasseurs inuits. Au cours des quatre dernières décennies, le photographe islandais s’est aventuré dans le Groenland inuit, documentant une société et un environnement au bord d’un changement majeur et d’une possible extinction. Le résultat est son dernier livre, Arctic Heroes, publié par Kehrer Verlag. Arctic Heroes n’a pas commencé comme un projet centré sur le chien de traîneau du Groenland. À la fin des années 1970, Axelsson a commencé à se rendre au Groenland, la plus grande île du monde recouverte d’une couche de glace permanente, avec des amis qui travaillaient comme pilotes d’avions ambulances. Finalement, Axelsson a appris à voler lui-même et a pu visiter la région encore et encore, équipé d’une caméra et d’une sélection de biographies d’explorateurs de l’Arctique. (suit page 28)
Photo ragnaraxelsson
(suit de la page 27) Dans ses images, les mêmes visages apparaissent, à la fois humains et canins. Ils se déplacent, grandissent et se développent tout au long de la série, un processus qu’Axelsson décrit comme “une petite histoire, un film ou quelque chose de ce genre. C’est une histoire que les gens peuvent voir et penser. Il y a une belle vie làbas, mais elle change”. Avec des archives couvrant plusieurs décennies, Axelsson montre les effets évidents à long terme du réchauffement de l’Arctique. En plus des portraits, le livre montre également les paysages du Groenland qui fondent. “Je ne pensais pas au changement climatique quand j’ai commencé, il gelait tout le temps. Mais ensuite, deux, cinq, six ans plus tard, je l’ai vu et les chasseurs m’ont raconté ce qui se passait. J’ai voulu essayer de suivre cela pendant des années”, explique Axelsson. “Il est difficile de photographier les changements, mais j’ai des photos du même endroit avec 20 ans d’intervalle ; tout était gelé, et maintenant c’est un océan ouvert”. Les paysages fondus ne sont pas les seuls changements qui se produisent au Groenland. Les nouvelles technologies et la migration des Inuits ont conduit à un déclin rapide de la com-
munauté des chasseurs, ce qui entraîne une menace d’extinction pour le chien de traîneau. Sans les mêmes exigences pour les traîneaux à chiens, la population canine a chuté de 30 000 à 12 000 personnes au cours de la dernière décennie. “Une vieille femme m’a dit un jour que sans le chien de traîneau, il n’y aurait pas de Groenlandais”, remarque Axelsson. Il est clair qu’Axelsson ne cherche pas seulement à créer un documentaire objectif sur la diminution de la chasse dans l’Arctique ; il exprime sa profonde inquiétude et sa compassion pour le mode de vie des Inuits. “Certains des chasseurs que j’ai suivis sont décédés”, dit-il. La pauvreté, l’alcoolisme, la dépression saisonnière et l’isolement ont tous contribué au taux de suicide très élevé du Groenland, en particulier chez les chasseurs. “C’est très triste. Certains d’entre eux se battent encore pour devenir chasseurs et s’inquiètent de la suite des événements. Je reviens encore et encore, pour photographier les expressions au fil des ans. Je continue à collectionner, et je continue à photographier la vie. C’est une excellente relation. Ils sont devenus de très bons amis”. Le chien de traîneau et le chasseur sont tous deux essentiels à la vie des Inuits depuis 4000 ans. Il reste à voir ce que deviendra le Groenland sans eux. https://www.1854.photography/2020/12/greenlands-future-rests-on-thin-ice/ PALAZZI 28 VENEZIA
Photo outsiders
LUCIANO RICCHETTI
uciano Ricchetti était un peintre italien. Influencé par le mouvement Novecentista, il remporte le prix du portrait à la Biennale de Venise en 1932 et avec l’œuvre Modèles au repos en 1934 la “Première exposition régionale de l’Union d’Émilie”. Il acquiert une renommée nationale en remportant le prix de Crémone en 1939, succès qu’il renouvelle en 1941 ex aequo. Il est né le 27 avril 1897 à Piacenza, dans la rue Garibaldi, de Cesare, un marchand avec un magasin de vêtements, et d’Elvira Balduzzi. En 1908, il commence à fréquenter l’école d’art de l’Institut Gazzola, montrant cependant de l’impatience pour les enseignements du maître de figure Francesco Ghittoni, ancrés dans la tradition académique. Déjà à douze ans, il se distingue en exposant deux dessins dans une boutique de Plaisance, salués par le journal local, “Libertà”, qui trois ans plus tard, en 1912, le qualifie de “bel espoir” pour l’art local (1er janvier 1912). Son activité de 1913, année où il a cessé de fréquenter la Gazzola, à 1917 reste obscure. Du 15 novembre 1917 au 4 novembre 1918, il participe à la guerre en servant dans le 24e régiment d’infanterie, puis dans les 13e et 21e, stationnés à Piacenza. Il a eu une approche fugace du futurisme, exposant six caricatures en 1919 à l’exposition des futuristes au Teatro Municipale de Piacenza. Son talent de dessinateur l’amène à travailler, dans les années 1920 et 1930, comme illustrateur pour les magazines La Lettura, Romanzo mensile, Fantasie d’Italia, Dome-
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nica del Corriere, Corriere della sera, Corriere dei piccoli, Il falco, Piacenza. Il a également fourni des dessins pour les Poèmes de Valente Faustini, publiés à Plaisance en 1926. En 1920, il présente quatre-vingts œuvres à l’exposition organisée par l’association Amici dell’arte, mais il n’est pas acclamé par la critique. Sa participation à la deuxième exposition organisée l’année suivante par l’association Piacenza a été plus positive. L’un des sujets qu’il a le plus étudiés est celui des femmes, souvent représentées sans voile, dans des poses ambiguës et dans des vêtements exotiques, en rébellion ouverte contre le maître Ghittoni. Après s’être installé au château de Montechiaro durant l’été 1922 pour peindre la salle des armoiries, il a également travaillé dur sur les œuvres qui seront présentées à la 3e exposition des Amis de l’art, qui s’est avérée être une excellente vitrine grâce à l’écho de la visite d’Ugo Ojetti le 17 septembre. Ricchetti a exposé des paysages, des peintures d’animaux dans le style de Bruzzi, des scènes de genre, des nus et des portraits, qui ont été appréciés tant par le marché que par la critique, grâce à un style plus cohérent et plus solide, capable de passer par différents thèmes et solutions formelles, mais restant fidèle à la réalité. https://www.treccani.it/enciclopedia/luciano-ricchetti
Photo artprice
n an déjà à Plouray!! Mais “concrètement” vous faites quoi ici?! Voici donc un récap’ de notre année divisée en quatre grands axes de travail: 1. Nous avons créé et consolidé le collectif. Cela nous demande du temps pour se comprendre, se connaître intérieurement et créer un espace de vie et de travail commun, qui corresponde à tous. Nous continuons à éprouver et découvrir des outils d’intelligence collective. 2. Les travaux dans la maison ont bien avancé. Voici une liste non exhaustive des travaux que nous avons faits : dépose du doublage béton sur les pierres au RDC pour les faire sécher, réparations des fuites du toit, installation d’un drain pour empêcher les infiltrations d’eau dans les murs, assainissement et aménagement des pièces, aménagement d’une cuisine et
d’une salle de plonge, installation d’un atelier au rdc, réparation de vélos, installation d’une chaudière bois, réparation des fenêtres. Le jardin a été apprivoisé, nous y avons installé un keyhole Garden (pour le compost), un composteur toilettes sèches, et une serre pour nos premières plantations. Le terrain a été observé et un design est en cours de construction pour avoir une ligne directrice sur nos espaces extérieurs. Le bâtiment se transforme et devient de plus en plus résilient et confortable! 3. Depuis un an, nous nous intégrons dans l’écosystème local. Nous y avons développé un système d’approvisionnement où nous fonctionnons grâce au troc, à la récup ou à l’achat groupé. Nous sommes investis dans différents projets de transition du territoire et sommes maintenant reconnus comme interlocuteur Tél.:+33 2 97 23 50 65 par d’autres acteurs, le Conseil de développement du Pays Centre Ouest Bretagne notamment. plouray@la-bascule.org Le chemin est encore long et nous découvrons de jour http://argoat.la-bascule.org/ en jour plus d’initiatives dans ce territoire en pleine mutation. Nous envisageons d’être de plus en plus actif dans cet écosystème ! 4. Plus d’une soixantaine de personnes nous ont rendu visite cette année. Des amis, des curieux, des futurs habitants... Certains pour visiter et découvrir notre projet quelques jours, d’autres en participant à nos voir la vidéo premiers séjours d’accueil. Des séjours hauts en couleurs et intenses dans leur contenu ! Ces trois séjours de 10 jours, Riri, Fifi et Loulou, nous ont permis d’ahttps:// vancer les travaux de la maison, d’apprendre grâce à www.facebook.com/ nos visiteurs, de présenter et former nos invités à des outils d’engagements ainsi qu’à nos outils de travail BasculeArgoat/ collectif et de vivre ensemble. videos/ C’est dans ce cadre que nous avons eu la visite de 382604166352566 Vivi au Pays des Alternatives, qui a concocté cette petite vidéo pour expliquer au mieux notre projet. PALAZZI 30 VENEZIA
BASCULE ARGOAT
Photo bascule argoat
Il est bien sûr très difficile de résumer notre projet en cinq minutes et de voir le travail que nous y consacrons. Nous sommes actuellement en train de travailler notre communication pour vous permettre de mieux comprendre ce que nous faisons et suivre au mieux notre aventure ! Bascule Argoat a maintenant un an et nous continuerons de travailler pour créer cet espace d’expérimentation de vie en collectif et d’engagement pour les transitions dont nous rêvons. Vous êtes aujourd’hui 3000 à nous suivre, merci pour votre soutien. Merci Vivi au Pays des Alternatives, RECutopia et vincent pour ce super reportage. Merci Mr Mondialisation pour le partage. Bonne semaine à tout.e.s ! PS : Si vous souhaitez nous aider financièrement vous pouvez le faire à travers des dons mensuels ou des dons ponctuels via le lien ci-dessous. Les dons sont défiscalisables, à 66% de déduction d’impôts (dans la limite de 20% du revenu imposable), pour les particuliers et à 60 % (dans la limite de 5 pour mille) pour les entreprises. Si tu es un particulier imposable et que tu donnes 100 euros, cela ne te coûte que 34. https://www.helloasso.com/.../bascule-argoat/formulaires/1 PALAZZI 31 VENEZIA
ar rapport aux artistes des pays asiatiques voisins, les artistes japonais, dit-on souvent, ont tendance à cultiver leur créativité au sein d’un écosystème fermé (et relativement plus petit). Travaillant sous l’oppression et la stagnation sociales, les artistes japonais ont développé des scènes artistiques distinctes dans tout le pays. Bien que l’art contemporain japonais, en particulier celui de l’après-guerre, ait attiré l’attention du monde entier et ait fait l’objet de recherches et d’une contextualisation dans le cadre de l’histoire de l’art mondiale et des expositions internationales, il semble que les récits récents soient encore limités. Les projecteurs sont souvent braqués sur six “artistes vedettes” seulement (Yayoi Kusama, Lee Ufan, Tatsuo Miyajima, Takashi Murakami, Yoshitomo Nara et Hiroshi Sugimoto) qui connaissent un succès international (et sont actuellement célébrés dans une exposition au Musée d’art Mori à Tokyo). Par conséquent, la liste suivante, bien qu’elle ne couvre pas encore de nombreuses pratiques artistiques de premier plan, vise à esquisser les courants divergents de l’art contemporain japonais. Au Japon, les secteurs culturels font face à la censure latente de l’expression politique et sexuelle. (suit page 32)
Photo yasumasamorimura
(suit de la page 31) C’est le cas de la Triennale Aichi 2019 à Nagoya, qui a permis de mettre au jour des discussions sur les questions liées au genre dans les institutions, bien qu’une partie de l’exposition, qui présentait des œuvres qui avaient été censurées par des institutions publiques, ait été fermée en raison de leurs références critiques à l’histoire de l’impérialisme et du nationalisme japonais. Les artistes japonais doivent également faire face à la violence de la tendance révisionniste et à l’amnésie de l’histoire au sein de la société homogénéisée du pays. Aujourd’hui plus que jamais, les artistes véhiculent les charges et les désirs historiques, économiques et sociaux qui existent dans la société contemporaine. Et ils remettent en question les identités et les conditions à plusieurs niveaux façonnées par les échanges transculturels, qui ne sont pas évidents dans les discussions publiques. Les artistes figurant dans cette liste réfléchissent à ces conditions spécifiques et évoquent une image plus large de la fluidité culturelle et artistique. Ils sont estimés pour leurs approches innovantes de la représentation culturelle et leurs méthodologies artistiques. Yurie Nagashima (1973) Tokyo. Vit et travaille à Tokyo. En tant que photographe,
10 artistes japonais qui façonnent l’art contemporain
10 Japanese Artists Who Are Shaping Contemporary Art https://www.artsy. net/article/artsy-editorial-10-japanese-artists-shaping-contemporary-art?
artiste et écrivain, Yurie Nagashima s’est représenté elle-même et ses proches, plaçant le concept de la famille au cœur de son travail. Ses premiers autoportraits et ceux de ses proches nus - qui remettent en question les rôles et les fonctions des membres de la famille - ont fait d’elle une figure de proue d’un groupe de femmes photographes documentant la vie quotidienne par le portrait et la nudité au milieu des années 1990. La pratique de Nagashima s’est étendue à des travaux intergénérationnels et collaboratifs, qui impliquent sa mère et sa grand-mère. Ces œuvres mettent en lumière le travail invisible des femmes à la maison, tout en reflétant l’histoire de ses sujets. L’écriture de Nagashima est indissociable de sa pra-
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tique ; son livre récemment publié, From Their Onnanoko Shashin To Our Girly Photo (2020), critique le regard masculin hétéronome japonais et raconte le mouvement des femmes photographes d’un point de vue féministe. Son travail est urgent au sein du discours culturel japonais, qui est encore loin derrière les débats internationaux sur les questions de genre. Yasumasa Morimura (1951) Osaka. Vit et travaille à Osaka. Depuis le début des années 1980, Yasumasa Morimura s’est transformé en un personnage historique remarquable grâce à ses nombreux accessoires, ses costumes, son maquillage et, depuis peu, ses manipulations numériques. Il produit des recréations
Photo chikakoyamashiro
utilisent souvent les histoires, la nature et la mythologie obsédantes de l’île, ainsi que la sensualité et la performance du folklore oral, pour invoquer avec humour l’oubli historique et politique.
étonnantes et satiriques d’images d’icônes, souvent issues du canon de l’histoire de l’art occidental, ainsi que des portraits de célébrités et de personnalités politiques de la société japonaise d’après-guerre. Ces autoportraits remettent en question et pervertissent les codes rigides du corps, de l’identité et du désir en s’attaquant à un certain nombre d’images et de questions enchevêtrées concernant la race, la sexualité et le sexe.
nants des occupations japonaises et américaines de l’île. En même temps, elle met l’accent sur les aspects récurrents de la réalité contemporaine d’Okinawa et sur la vie des habitants indigènes. Tout en utilisant parfois son propre corps dans des performances et des vidéos, ses installations immersives dramatisent le colonialisme historique, la mondialisation et l’exploitation des ressources naturelles. Ces sujets recoupent des Chikako Yamashiro questions d’ethnicité, de (1976) Okinawa. genre, de sexualité et d’iVit/Travaille à Okinawa. dentité qui sont cultivées La pratique artistique de et intériorisées par les Chikako Yamashiro am- récits historiques. plifie l’espace transcul- Yamashiro transmet des turel et politique de son souvenirs géopolitiques Okinawa natal. politiques et subversifs Ses œuvres sont centrées d’Okinawa et au-delà en sur la complexité des Asie de l’Est. récits historiques domi- Ses installations vidéo PALAZZI 33 VENEZIA
Meiro Koizumi (1976) Gunma. Vit/travaille à Yokohama. Les œuvres vidéo de Meiro Koizumi, basées sur la performance, explorent la relation entre la nation et la communauté, ainsi que le groupe et l’individu. Il aborde souvent l’histoire politique et militaire de l’impérialisme japonais et son impact sur la réalité culturelle et sociale du présent. Par la répétition, la perturbation et la manipulation ou le gros plan de certaines actions, ses œuvres génèrent une tension et des émotions intenses qui s’accumulent entre les corps des interprètes, ainsi que des spectateurs. Parfois, il explore les nuances du confort en plaçant les interprètes dans des situations gênantes et parfois douloureuses. La dynamique cruelle de sa pratique, qui trouve une certaine résonance dans la société japonaise contemporaine, fait éclater les images banales de la vie quotidienne. Son travail englobe les thèmes de l’héroïsme et de l’abnégation pour l’identité nationale collective, montrant ainsi les relations et les idéologies (suit page 34)
Photo chim+pom
(suit de la page 33) différentes et multiples qui existent côte à côte en “temps de paix” dans la psyché japonaise de l’après-guerre. Chim↑Pom Tokyo. Fondé en 2005 avec six membres - Ryuta Ushiro, Yasutaka Hayashi, Ellie, Masataka Okada, Motomu Inaoka et Toshinori Mizuno-, le collectif d’artistes Chim↑Pom a vu sa pratique artistique et ses projets intervenir directement dans la société contemporaine. Les artistes ont ouvert des discussions provocatrices et des dialogues sociaux concernant l’espace public, l’urbanisme, la consommation et la pauvreté dans la mondialisation, ainsi que les traumatismes historiques et les différentes “frontières” présentes dans la société. En travaillant avec divers collaborateurs locaux et internationaux et avec une manière humoristique et ironique d’aborder les sujets, Chim↑Pom a élargi la portée de leurs interventions de guérilla et en direct, qui sont souvent documentées sous forme d’œuvres vidéo et montrées comme des installations. Repoussant les limites du domaine de l’art, ils initient et collaborent également à des événements et des projets, tels que l’exposition internationale “Don’t Follow the Wind”, lancée le 11 mars 2015 à Fukushima, à l’intérieur de la zone d’exclusion nu-
cléaire, à laquelle on peut accéder et qu’on peut voir si le règlement d’évacuation est levé. Tadasu Takamine (1968) Kagoshima. Vit et travaille à Akita. Les installations multimédia de Tadasu Takamine (principalement des vidéos, des sculptures et des performances) abordent des questions enfouies et souvent problématiques dans la société japonaise, telles que l’histoire et le racisme subtil à l’encontre des Coréens Zainichi et des immigrants au Japon, ainsi que l’homogénéité auto-infligée. Ses œuvres englobent des récits allant des histoires familiales à la marginalisation de la sexualité et du corps, en passant par les produits commerciaux et la communauté, dévoilant l’oppression cachée et le contrôle de la vie quotiPALAZZI 34 VENEZIA
dienne. Par son engagement ironique envers son propre corps et ses propres sensibilités, et par l’acceptation des expériences personnelles de ses collaborateurs, Takamine partage une diversité d’émotions (frustration, douleur et conflit dans des situations inconfortables) qui sont souvent rejetées par l’accent culturel mis sur “l’empathie”. Koki Tanaka (1975) Tochigi. Vit et travaille à Kyoto. À travers divers moyens de présentation (vidéo de style documentaire, installation, écriture critique, ateliers, rassemblements et conférences ) Koki Tanaka pose la question de la manière dont nous vivons ensemble dans la société. Il explore la possibilité de l’acte de partage, de la
Photo tadasutakamine
coexistence et de la compréhension mutuelle, ou de l’incompréhension et de la méfiance dans le cadre culturel, social, historique et institutionnel de l’activité humaine. L’ensemble du travail de Tanaka tend à enquêter sur les cadres et les institutions existants entourant l’art contemporain, et tente de les redéfinir et de les déplacer par une réflexion sur le comportement humain. Parallèlement à la montée mondiale actuelle du nationalisme, du populisme de droite et de la xénophobie, l’artiste a également abordé les sentiments racistes et la discrimination à l’encontre des Coréens Zainichi et des personnes multiraciales vivant au Japon. Il ouvre des conversations pour développer un échange d’expériences et
de politiques derrière la construction de l’identité culturelle et nationale. Yutaka Sone ( 1965) Shizuoka. Vit et travaille en Chine, au Mexique, en Belgique et au Japon. À travers un large éventail de médias, dont la peinture, le dessin, la vidéo, la performance et la sculpture, Yutaka Sone démontre son profond intérêt pour les paysages, tant naturels qu’architecturaux. Ses œuvres explorent l’existence et la présence des paysages en tant que formes et phénomènes, avec des frontières toujours floues ; ses sujets vont des microscopiques flocons de neige à l’ingénierie urbaine. Il considère les aspects incertains et éphémères des paysages, ainsi que l’impact de l’intervention humaine. PALAZZI 35 VENEZIA
Alors que ses premières œuvres se concentrent sur l’impossibilité et l’échec en tant que méthodologies de production artistique, ses œuvres sculpturales et installations en marbre montrent les aspects collaboratifs et le travail de production. Il s’intéresse à la nature sociale de la création artistique et embrasse différents types de technologies qui donnent forme au processus artistique. Yuko Mohri (1980) Kanagawa. Vit et travaille à Tokyo. Les sculptures cinétiques de Yuko Mohri véhiculent un mécanisme contemplatif, parfois animiste ; elle utilise un écosystème de mouvements et de circuits d’énergies. Ses œuvres font souvent appel à des objets et des assemblages trouvés, ainsi qu’à des conditions immatérielles de l’espace, comme la gravité, le vent, la lumière, le son ou la température. Mohri crée des réseaux d’objets, travaillant parfois avec divers collaborateurs, qui vibrent avec différentes frictions et résistances, ce qui donne des paysages auditifs et chargés d’objets. Les œuvres suscitent des phénomènes éphémères dans leur façon de se déplacer et de se déplacer, toujours sous l’influence de rencontres inattendues, de forces incontrôlables et de conditions environnementales en constante évolution, échappant au contrôle de l’homme. (suit page 36)
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Photo balarm.it/news
Chiharu Shiota (1972) Osaka. Vit et travaille à Berlin. Les installations web de Chiharu Shiota, de grande envergure et parfois performatives, sont composées de milliers de fils noirs, rouges ou blancs, soigneusement enfilés les uns aux autres dans des espaces entiers. Ces installations sont souvent intégrées à des objets communs ou personnels qui transmettent et traitent de “la présence en l’absence”. Les œuvres de Shiota présentent souvent une sélection d’objets, dont un cadre de fenêtre, une chaise, un lit, une valise et des objets-clés qui permettent aux gens d’accéder à différents univers internes et externes par le biais de souvenirs. Parfois, une accumulation d’objets comme des coquillages ou des récipients dans ses installations en laine se prête à une lecture symbolique des relations humaines. Ses installations monumentales, dans lesquelles le spectateur peut entrer, évoquent des sentiments d’anxiété, de silence et d’oubli, tout en mettant l’acte de se souvenir au premier plan. Mika Maruyama https://www.artsy.net/ article/artsy-editorial
ssis à la table du local Sabìr , entre un narguilé et un thé turc et la lecture agréable d’un intéressant essai de Roberto Sottile et Francesco Scaglione, dans ce lieu idéal de rencontre entre différents peuples, j’ai été inspiré pour écrire ce court article sur une langue utilisée il y a de nombreux siècles par les peuples de la Méditerranée pour se rencontrer et se comprendre. De nombreux chercheurs du passé ont considéré comme période de naissance de la nouvelle langue celle des Croisades, c’est-à-dire comme une langue d’origine “franque” qui pouvait être “commune” pour permettre des échanges entre les différents groupes ethniques de manière simple et rapide, mais en réalité il n’en a pas été ainsi tant du point de vue historique que linguistique. La vérité est que la première phase de la langue sabìr est née d’une série de contacts conventionnels entre les peuples européens et arabes au Moyen Age, poussés par la présence de commerçants, de marins, de pirates, de forteresses européennes au Maghreb et de groupes d’Européens installés dans ces territoires qui ont importé une forte présence de langues romanes (italien et espagnol en particulier) et qui se sont installés, (suite comme un code conventionnel, vers le XVIe siècle pour survivre, avec quelques changements dus à la domination française dans les zones berbères, jusqu’au XIXe siècle. En confirmation de ce qui a été écrit ci-dessus, en référence à la présence espagnole, entre le XVIe et le XVIIe siècle, il y a une forte présence ibérique dans la langue sabìr à cause des morisques qui ont été expulsés des territoires andalous PALAZZI 36 VENEZIA
lors de la Reconquista vers 1492 et qui ont importé dans les régions du Maghreb la langue espagnole, qu’ils connaissaient assez bien, influencés par leur langue d’origine. En outre, la conquête espagnole d’Oran en 1509 et d’autres villes de la côte algérienne, ainsi que la présence de groupes d’intérêts économiques et politiques d’origine ibérique à Tunis et à Alger, ont certainement favorisé la diffusion de ce nouveau type de communication surtout pour leurs intérêts. Et parlant des Espagnols et des Sabìr, l’essai rapporte une nouvelle intéressante qui concerne directement la ville de Palerme, puisque dans l’ouvrage “Topographia e historia general de Argel” de 1621, un certain frère Diego de Haedo, au chapitre XXIX, sur la base des rapports réunis par l’archevêque de Palerme, son homonyme et parent, rapporte la présence à Alger d’une troisième langue en plus du turc et du mauresque : le Sabìr ! C’est un fait très important qui confirme ce qui a déjà été dit sur la diffusion de cet idiome à forte empreinte espagnole, différent de celui de la Tunisie, et qui nous fait comprendre les altérations et les différenciations entre les différentes zones de l’Afrique du Nord. Ainsi, la naissance et le développement du premier Sabìr, dans ses différentes facettes, sont dus avant tout à une nécessité commerciale et diplomatique, puisque la Méditerranée est le principal pivot du commerce et le lieu de rencontre et de syncrétisation des différentes réalités culturelles et religieuses de ce bassin, mais aussi pour réconcilier ceux qui sont nés hors du Maghreb et les réintégrer dans leur société d’origine.
L’histoire de la création d’une langue, aujourd’hui perdue mais récupérable, et unique en son genre capable d’unir la Méditerranée : «Avutru ca Inglese! Se ti Sabìr…»
Gianluca Pipitò https://www.balarm. it/news/quando-il-mediterraneo-parlava-una-sola-lingua-all-infinito-se-ti-sabir-ti-rispondir
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Mais d’où vient la formulation Sabìr ? Cette langue interculturelle était si commune et si connue que même les grands écrivains, romanciers et dramaturges du passé connaissaient Sabìr et en témoignaient, comme Molièr l’a fait dans son “Le Bourgeois Gentilhomme” dans lequel il a fait chanter le personnage du Mufti : “Se ti Sabìr, ti rispondir, se no Sabìr, tazir, tazir”. Ce mélange de divers idiomes fut immédiatement connu avec le terme Sabìr qui, comme le précise l’essai, fut considéré comme une langue “pauvre” qui a comme aspect fondamental l’emploi presque caricatural et caractérisant de l’infinitif, donc, on lui donna presque une indication dénigrante, mais en réalité il eut un développement notable et donna l’impulsion aux divers peuples du bassin méditerranéen pour tisser un vaste et important réseau commercial. Comme il est évident dans la première phase du Sabìr comme base de la langue il y a principalement l’italien, à cette époque très connu et utilisé en Méditerranée, avec quelques contaminations provenant d’autres langues et dialectes du lieu comme l’espagnol, l’arabe, le berbère, le turc, le sicilien, etc... tandis que la deuxième phase du Sabìr est influencée par la langue française, due aux colonisations du XIXème siècle. Le professeur Cifoletti, comme le souligne l’essai, donne une indication très précise (suit page 38)
Gianluca Pipitò
https://www.researchgate. net/publication/326466005_ Tanti_popoli_una_lingua_ comune_Aspetti_socio-linguistici_della_lingua_franca_del_Mediterraneo
Photo telerama.fr
(suite de la page 37) de la diffusion du Sabìr, en l’identifiant comme une lingua franca barbare, puisqu’avec le temps il se stabilise et se sédimente dans certaines zones géographiques précises comme Alger, Tunis et Tripoli ; une définition très intéressante, surtout pour nous, Siciliens, compte tenu de notre lien avec l’Afrique du Nord, c’est-àdire dans ces zones (surtout Tunis) d’où est partie la domination arabe en Sicile et qui a donné ensuite le début du style berbère-normand. Ainsi, pour conclure cet article, imaginez un commerçant vénitien mais un citoyen de Palerme et un marin de la Kalsa de Palerme qui ont embarqué ensemble pour rejoindre l’Afrique du Nord, l’un pour conclure des transactions commerciales et l’autre à la recherche de travail. Le marchand un peu érudit et le marin ignorant mais tous deux capables de discuter tranquillement avec un moriscos, un arabe ou un turc créant, en fait, des liens d’amitié, de respect et d’harmonie dans une période turbulente mais stimulante pour la création d’une langue, aujourd’hui perdue mais récupérable et proposable, mais unique en son genre capable d’unir la Méditerranée :“avutru ca Inglese ! Se ti Sabìr...”.
eu de gens connaissent Michel Potage , c’est un peintre pour peintres comme on dit pudiquement d’un peintre qui n’est pas sous les feux de la rampe , ni carriériste ,ni surtout le “représentant de commerce” de luimême, reproduisant sans cesse “le style “ venu de la répétition, du désir de plaire par une image facilement reconnaissable et identifiable . Il ne faisait pas partie des “pros” de la peinture ,habillés comme des chefs d’entreprise au discours bien rodé ,gérant la peinture comme un produit, qui sont de tous les vernissages, diners de collectionneurs et autres “commissaires” et critiques officiels .. Rares sont ces vrais peintres , Paul Rebeyrolle , Jean Pierre Pincemin en étaient , la liste n’est pas longue . Ce sont ces rares peintres qui éclairent la route de la création , et non de la fabrication . Longue vie à eux et à leur peinture immortelle, elle ... Philippe Charpentier PALAZZI 38 VENEZIA
MICHEL POTAGE
u’est devenu Michel Potage ? L’oeuvre de ce peintre français, aujourd’hui âgé de 65 ans, a disparu des cimaises il y a une dizaine d’années. L’un de ses tableaux parfois ressort d’une obscure réserve pour figurer dans une exposition de groupe réunissant quelques oeuvres autour d’un thème plus ou moins convaincant. Mais il s’agit toujours d’un tableau ancien. Michel Potage ne peint plus. Une santé trop fragile l’en empêche, dit-on. Michel Potage est un artiste conforme à une certaine idée romantique du genre : un (long) temps alcoolique, foutraque, décalé, imprévisible, parfois délirant, et surtout vivant dans un espace poétique chaotique mais d’une rare ampleur. Qu’il joue de la musique (guitare) avec ses amis, le trompettiste Jac Berrocal ou le guitariste Jean-François Pauvros, qu’il écrive quelques mots spontanés sur ses vieux cahiers d’écolier, qu’il dessine ou qu’il peigne, une même grâce l’accompagnait.
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Mais ce type de comportement romantique, dont l’art moderne longtemps perpétua l’image jusqu’à la caricature, n’est plus de mode. Le marché actuel aime les artistes qui lui ressemblent: fréquentables, raisonnables, carriéristes, compatibles avec le capitalisme financier et prêts à oeuvrer pour la gloire de l’industrie du luxe. Alors vous pensez, Potage... Pour ceux qui n’auraient pas encore compris le mode d’emploi, un entrepreneur et collectionneur, Frédéric Brière, a même édité en 2011 un Guide de l’artiste afin que ce dernier sache tout ce qu’il lui faut comprendre et faire pour « émerger dans l’art ». Et puisque l’époque encourage l’arrivisme, le guide vient d’être (un peu) actualisé et publié chez un autre éditeur (1) . Outre ce qu’il contient (conseils, statistiques, informations, interviews de personnalités de l’art...), sa pertinence se remarque dès la couverture. Celle de la première édition représentait une installation du jeune (et peu connu) artiste niçois Benjamin Bichard et celle de la seconde une autre installation, mais de l’artiste (international) allemand Carsten Höller. Entre les deux se mesure le chemin parcouru par l’auteur. C’est peu dire que Michel Potage est hermétique aux conseils avisés des techniciens de l’art et autres coachs culturels. En 1974, lorsque le pop envahissait la planète, il se consacrait à la performance (suit page 40)
Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) René-GabrielOjeda
LA PETITE DANSEUSE
(suit de la page 39) (« Tôles », au Festival d’Avignon). Dix ans plus tard, lorsque la peinture dominait le marché, il préférait l’installation (« Sols », au Centre national d’art contemporain). Et lorsque naissait l’art contemporain et sa foultitude d’installateurs et de performeurs, il y a vingt ans, il peignait des arbres (la série « Greenyard Pieces », en hommage à James Joyce). Si l’on s’en tient à une vision carriériste, Michel Potage a tout faux. Mais si l’on regarde attentivement certains de ses tableaux et dessins, c’est une autre histoire. Celui-ci, par exemple : un arbre, un simple dessin à la peinture noire sur une toile grossièrement et partiellement recouverte d’un enduit blanc. L’arbre est schématique et le trait, juste. Si le dessin de Potage est souvent hasardeux, son trait est toujours d’une justesse poétique remarquable. Son arbre existe. Il existe à la fois comme arbre et comme dessin de l’arbre. Il existe et émerveille. Il est, comme l’arbre que le cinéaste russe Andreï Tarkovski place au centre du deuxième plan de son film Nostalghia, l’axe du monde. C’est l’une des facultés de la justesse : elle dote le trait (ou le son, ou la voix, ou le geste, ou le plan) d’une force symbolique singulière, suscitant une émotion parfois bouleversante. Olivier Cena telerama.fr (1) Chez Archibooks pour la première édition et chez Pyramyd pour la seconde.
plus d’un titre, La Petite Danseuse de quatorze ans, réalisée en cire entre 1875 et 1880, se distingue dans la production de Degas. Alors que la majeure partie des 150 sculptures en cire et en terre qu’il a réalisées sont restées quasiment inconnues de son vivant, celle-ci en effet a été montrée à la 6e exposition impressionniste de 1881, organisée à la galerie Durand-Ruel, boulevard des Capucines à Paris. Elle n’y est guère passée inaperçue. C’est que l’artiste a poussé ici la recherche du vrai à un degré inédit : la jeune danseuse, dont on a identifié le modèle (Marie van Goethem, une élève de l’Opéra de Paris), est représentée dans une posture habituelle de repos,
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le menton relevé, les bras tendus et les mains croisées dans le dos, les pieds en quatrième position. À l’origine, elle fut modelée en cire, avec une coloration et des effets de texture visant à imiter la peau humaine, tandis qu’elle portait des accessoires en tissu (tutu en tulle, bustier en satin, chaussons de danse, ruban) et même une perruque en cheveux. L’étonnante mention de son âge dans le titre participe à n’en pas douter de ce vérisme, cause du « malaise » que l’écrivain et critique Joris-Karl Huysmans a éprouvé en la découvrant. Au milieu des éloges de ses confrères artistes, certaines critiques furent remarquablement acerbes, dont celle de Paul Mantz qui, dans « Le Temps », l’a alors jugée
« troublante », « redoutable parce qu’elle est sans pensée », avançant « avec une bestiale effroterie son visage ou plutôt son petit museau ». Et de s’interroger : « Pourquoi est-elle si laide ? Pourquoi son front, que ses cheveux couvrent à demi, est-il déjà, comme ses lèvres, marqué d’un caractère si profondément vicieux ? » Degas projette là les nombreux préjugés ayant alors cours au sujet des ballerines et de l’univers du spectacle en général, où les mondes se mélangent, prétendument au détriment des mœurs. L’artiste repousse ici toute idéalisation, privilégiant la présence physique de la figure – en cela réside toute l’effronterie – et tendant ainsi à la société de son temps un miroir sans complaisance.
Aucun peintre n’a représenté de façon aussi profondément originale le motif de l’Opéra. Retour sur cette célèbre danseuse de d’Edgar Degas (18341917), jugée tantôt laide, tantôt troublante par ses contemporains. Edgar Degas (18341917), Petite danseuse de 14 ans entre 1921 et 1931, modèle entre 1865 et 1881, statue en bronze avec patine aux diverses colorations, tutu en tulle, ruban de satin rose dans les cheveux, socle en bois, H. 98 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm, Paris, musée d’Orsay. https://www.connaissancedesarts.com/musees/ musee-orsay/focus-oeuvre-la-petite-danseuse-de-degasPALAZZI 41 VENEZIA
tait donc déjà la puissante Toscane, pleine de religion et de vertu, avait ses coutumes et sa langue maternelle : tout cela a été éteint par le pouvoir romain. De sorte que, comme on l’a dit, il ne reste que le souvenir de son nom”. Ainsi Machiavel, sur la fin de la civilisation étrusque, disparue dans le néant d’où elle était venue. Pendant les années où Machiavel faisait la navette entre Florence et la cour papale de Rome et travaillait encore à ces Discours sur Livie qu’il n’aurait jamais publiés de son vivant, un autre homme réfléchissait au même problème : pourquoi les civilisations, dans son cas celles d’Afrique, disparaissent-elles sans laisser de traces ? “Il ne fait aucun doute - c’est sa réponse - que lorsque les Romains, qui étaient leurs ennemis, ont dominé ces lieux, ils ont, comme c’est la coutume des vainqueurs et pour accroître leur mépris, enlevé tous leurs titres et leurs lettres et mis les leurs, pour enlever ensemble avec la dignité des Africains tout souvenir et seul celui du peuple romain y est resté. Cet homme était, comme Machiavel, un diplomate, mais pas de la République Florentine, mais du Sultan Wattaside du Maroc. Il s’appelait al-Hasan ibn Muhammad al-Wazzan al-Fasi, (suit page 42)
foto Göbekli Tepe il manifesto.it Göbekli Tepe
(suit de la page 41) mais comme des pirates chrétiens l’avaient capturé et offert en cadeau au pape Léon X, il avait pris le nom de son nouveau maître et parrain. Nous ne savons pas si Léon Africanus et Machiavel, qui fréquentaient les mêmes cercles dans les mêmes années et avaient de nombreuses connaissances en commun (comme le grand Paolo Giovio), se sont jamais parlés ; ni si le premier a intercepté le manuscrit des Discorsi et le second celui des Descrittione dell’Africa. Certes, ils auraient tous deux lu avec curiosité un livre comme celui-ci du linguiste allemand Harald Haarmann, Cultures oubliées vingt-cinq chemins perdus de l’humanité (Bollati Boringhieri, pp. 290, e 22,00). Cultures oubliées n’est pas une version révisée et corrigée des anciennes civilisations enfouies de Ceram, ce “roman d’archéologie” qui racontait les extraordinaires découvertes de Troie et de la Vallée des Rois, de Pompéi et de Tenochtitlan. Alors qu’en fait les civilisations racontées par Ceram, une fois mises en lumière, étaient lentement devenues un patrimoine commun, celles décrites par Haarmann ne sont jamais entrées dans notre mémoire culturelle, même pas dans le cas de civilisations encore vivantes aujourd’hui. Beaucoup d’entre nous
The Mystery of the Danube Civilisation HARALD HAARMANN
ont entendu parler de la reine de Saba, ou du moai de l’île de Pâques (chapitres 19-20), mais qui connaissait l’existence des chachapoyas (chap. 17), des Péruviens aux cheveux blonds et aux yeux bleus, qui émerveillaient les conquistadors par leurs traits familiers, résultat de leur descendance de peuples européens (peut-être celtes) arrivés en Amérique du Sud bien avant les Espagnols ? Et, maintenant que nous connaissons leur existence, comment et où insérer ces gringuitos - comme les Péruviens les appellent avec mépris - dans l’histoire des civilisations ? Combinant archéologie et linguistique, anthropologie et génétique, Haarmann nous aide à répondre à ces questions, en nous emmenant dans un voyage de plus de trois cent mille ans, marqué par vingt-cinq cultures effacées de l’histoire. Dix pages par civilisation : pas beaucoup, même pour les amateurs de résumés concis, mais toutes expliquées avec un flair pour les détails vraiment révélateurs de chacun de ces petits mondes. Cultures oubliées est une lecture salutaire pour les chercheurs de toute période historique, car elle nous montre comment la nécessité d’adopter une approche moins eurocentrique et linéaire s’applique non seulement aux périodes les plus proches de nous, comme l’histoire du début de l’ère moderne, désormais considérée non plus comme la marche triomphale de l’Europe, mais comme un moment de confrontation égale avec des empires qui auraient capitulé oui, mais seulement trois siècles plus
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tard, avec la révolution industrielle. Ici, il en va de même pour la préhistoire : “Les histoires de l’Europe ou du monde partent souvent de l’Égypte et de la Mésopotamie, car des inventions importantes comme l’État et l’écriture viennent de là. Le petit Israël n’est jamais oublié car les racines du christianisme européen y sont fondées, et même la petite Grèce se voit accorder un large espace en raison de sa démocratie, de sa philosophie et de son théâtre”. L’isolement de ces racines, et pas d’autres, de notre histoire commune a cependant eu des raisons et des conséquences très précises : nos sociétés, organisées selon une hiérarchie plus ou moins rigide des rôles et des sexes, encadrées par des États-nations, bureaucratiques mais caractérisées par un pluralisme démocratique plus ou moins marqué, sont le fruit de ce passé, et pas des autres. Comme tout bon livre d’histoire, celui de Haarmann parle aussi, sinon surtout, de l’homme actuel, même lorsque, comme dans le premier chapitre, le discours porte sur l’Homo heidelbergensis, l’une des trois espèces qui vivaient en Europe avant l’arrivée des sapiens. En 1994, des lances appartenant à des individus de cette espèce ont été retrouvées (à toutes fins utiles les plus anciennes armes de chasse jamais trouvées). Ces lances étaient placées non pas au hasard, comme si elles avaient été oubliées, mais à côté de crânes de chevaux probablement sacrifiés rituellement. “Ainsi”, commente Haarmann, “les débuts de la religiosité remontent loin dans l’histoire de l’évolution, bien avant notre espèce.
Europe ancienne Dès le début de l’agriculture all’antiquité classique Stuart Piggott
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La revanche de Vico sur Darwin ? Certes, un recul considérable des premières traces de contact avec le surnaturel, même lorsque le sentiment religieux s’exprime dans les premiers temples : non pas les temples urbains de Mésopotamie et d’Égypte, mais ceux - remontant au dixième millénaire avant J.-C. - du site mésolithique de Göbekli Tepe, en Anatolie (chap. 4). Les cultures oubliées de Haarmann ne réservent cependant pas d’agréables surprises aux seuls assoiffés de sacré, mais aussi à ceux qui croient en une société plus égalitaire dans l’au-delà. C’est le cas de la civilisation dite danubienne (ou “ancienne Europe”), découverte dans les années 1870 par la baronne hongroise Zsófia Torma (à laquelle personne à l’époque n’accordait le moindre crédit, sauf à un autre génie amateur comme un certain Heinrich Schliemann), et par une autre femme, l’archéologue lituanienne Maria Gimbutas, qui l’a portée à l’attention de ses collègues. Avec l’Europe ancienne - une civilisation de haut niveau économique et culturel, développée entre le sixième et le troisième millénaire avant J.-C. nous n’avons pas affaire à une société patriarcale ou même matriarcale (comme il y en avait), mais à une société dans laquelle “les relations entre les sexes (suit page 42)
Lucio Biasiori ilmanifesto.it
POULOMI BASU
Photo fondazionezabarella
(suit de la page 41) étaient équilibrées” et qui “nous donne un savoir très important : il est possible d’atteindre des normes socio-économiques et technologiques élevées, même si la société n’est pas organisée de manière hiérarchique”. Pourquoi, alors, continuons-nous à considérer les modèles civilisationnels du Proche-Orient et de l’Égypte ancienne comme la voie royale qui a conduit aux sociétés complexes que nous connaissons et dans lesquelles nous vivons ? Il se peut que la raison soit - bien que sous la forme plus douce de l’enlèvement que sous la forme violente de la destruction - la même qui a conduit le chef des salafistes de Bahreïn à cimenter les ruines de Dilmun, une métropole cosmopolite du Golfe Persique du 3ème millénaire avant J.C, afin de construire des maisons sordides pour des familles de musulmans vertueux (ch. 10) ; ou le même motif qui a poussé les fonctionnaires chinois (et les archéologues) à dissimuler la découverte de momies aux cheveux blonds dans le Xinjiang afin de freiner leur réappropriation idéologique par les Ouïgours (ch. 10). Le livre d’Harald Haarmann nous invite à nous interroger sur ce déplacement et à imaginer un avenir différent pour notre passé, et donc aussi pour notre présent.
n cette fin d’année, l’artiste sélectionnée par la Deutsche Börse partage ses moments forts et ses expériences L’artiste, photographe et activiste Pouloumi Basu défend les droits des femmes à travers son art depuis plus de dix ans. Élevée à Kolkata, en Inde, Pouloumi Basu a produit des œuvres allant des armées de guérilla aux familles divisées de l’Alaska. Elle a exposé à Paris Photo 2020, aux Rencontres Arles 2020 et dans de nombreuses autres expositions à travers le monde. Basu’s Centralia - un docu-fiction qui retrace les conflits de l’Inde centrale pour la terre et les ressources - a remporté la bourse principale du PH Museum en 2018, ainsi que le prix National Geographic Explorer de cette année. Il est maintenant en lice pour le prestigieux prix de la Fondation de la photographie de la Deutsche Börse. Après une année de reconnaissance générale, Basu revient ici sur ses expériences et partage les points forts de l’année. “Si je devais choisir cinq mots pour décrire l’année, ce serait : Art, dépression, anxiété, courage et maison. J’ai passé la plupart de mon temps à travailler dans mon studio à la maison. Je suis allée en forêt tous les jours avec mes trois chiens de sauvetage pour me détendre.
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Ma couverture de magazine préférée était celle de Michaela Coel pour le New York Magazine.” Le numéro de juillet 2020 met en scène Michaela Cole. New York Magazine. Une chanson qui m’a fait passer l’année 2020 doit être Wildfires by SAULT. En fait, tout l’album Black Is était un go-to. Un livre qui m’a permis de tenir le coup est probablement “The Body keeps the Score” de Bessel van der Kolk. La meilleure exposition que j’ai vue était celle de Zanele Muholi à la Tate Modern, et je regrette d’avoir manqué Cao Fei Blueprints dans Serpentine Galleries. Zanele Muholi. Zanele Muholi à la Tate Modern sera exposée jusqu’au 31 mars 2021, date de la réouverture de la galerie. © Zanele Muholi. Une photographie qui résume l’année 2020 pour moi serait cette image ci-dessous, de Dylan Thomas Healy Hausthor. Une leçon que j’ai apprise : La maladie mentale est un véritable handicap. La créativité me portera jusqu’en 2021. Je vais essayer de laisser derrière moi la négativité. poulomibasu.com Isaac Huxtable https://www.1854.photography/2020/12/poulomibasu-reflects-on-2020-art-depression-anxiety-courage-home/ PALAZZI 45 VENEZIA
omenico Fontana, l’un des architectes suisses les plus célèbres au monde, a découvert Pompéi à son insu, 200 ans avant sa découverte officielle. Et pourtant, c’est étrange: les montagnes lointaines et enneigées de la Suisse semblent avoir très peu de choses en commun avec les doux rivages de la mer Tyrrhénienne. Ce n’est tout simplement pas vrai. Au contraire, malgré leur splendide isolement dans les montagnes, les Suisses ont toujours eu un grand intérêt pour la mer, et c’est à Naples que s’est établie, dès la Renaissance, l’une des colonies suisses les plus riches et les plus vivantes d’Europe : un partenariat entre les peuples qui alliait le flair des entrepreneurs alpins pour les affaires et la richesse de l’Italie du Sud. Mais si les très puissants banquiers, les frères Meuricoffre, ont affronté l’oubli de leurs souvenirs avec le calme silencieux du peuple suisse, il n’en a pas été de même pour Domenico Fontana, qui a laissé des traces de ses œuvres extraordinaires dans toute la ville. Fontana est né dans le petit Melide au XVIe siècle, un petit village d’environ 500 habitants dans le canton du Tessin, à une époque très particulière : la Suisse était en effet confrontée à la plus grande émigration de jeunes de son histoire. (suit p. 46)
Photo storienapoli.it
(suit de la page 45) Sans autre avenir que celui de modestes agriculteurs, les Alpes se sont en effet spécialisées dans l’art et l’artisanat militaires jusqu’à devenir les meilleurs et les plus célèbres soldats et artisans d’Europe, dans un flux migratoire qui a amené des mercenaires et des travailleurs suisses dans tous les pays du Vieux Continent. Dans ce contexte, Domenico Fontana a été dès son plus jeune âge un grand amoureux de la culture et de l’histoire ancienne, il s’est donné très tôt à l’étude de l’architecture et, comme beaucoup de ses pairs, il est parti en Italie à l’âge de vingt ans avec le rêve de pouvoir concevoir de l’art. Et il est devenu architecte. Des rives du lac Ceresio, il est ensuite passé à celles du Tibre et, après avoir obtenu des succès et d’énormes fortunes grâce à ses projets (il a réussi à concevoir la machine capable de soulever le très lourd obélisque au centre de Saint-Pierre ! Il a également élevé trois autres obélisques, suscitant l’étonnement dans toute l’Europe pour son habileté), il a ensuite été accueilli sur le golfe de Naples en tant qu’architecte des vice-rois. Au départ, son expertise a été demandée pour des travaux hydrauliques, puis on lui a confié la conception du Palais Royal. Nous sommes en 1594 et Domenico Fontana ne quittera plus jamais Naples.
DOMENICO FONT A cette époque, Muzio Tuttavilla, comte de Sarno, achète le fief de Torre Annunziata pour exploiter ses terres agricoles. Le Suisse Domenico Fontana, considéré comme le plus grand expert en ingénierie hydraulique, a donc été engagé pour construire un aqueduc moderne qui garantirait l’approvisionnement en eau du nouveau fief. Avec une poignée de main et un paiement très généreux, l’accord a été conclu et le travail a commencé. Cependant, lorsque les fouilles ont commencé à toucher les sols noirs et cendrés de l’ancienne Pompéi, des pièces d’or, des pierres tombales et des inscriptions latines ont commencé à émerger du sol sur des murs rouges qui abritaient des mosaïques et des sols en marbre parfaitement conservés : Fontana lui-même a été informé des découvertes et, étant arrivé parmi les fouilles, a commencé à voir les trouvailles par lui-même. Il s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas et qu’il y avait quelque chose de très important sous ses pieds. Il ne pouvait même pas imaginer que c’était Pompéi : car à l’époque, la connaissance de la cité perdue n’était pas suffisante. Comme dans une machine à remonter le temps impossible, ces murs rouges faisaient apparaître dans son esprit les images étudiées dans les livres anciens et rongés des bibliothèques romaines où il avait appris l’art de l’architecture. Ces écrits, ces murs, ne devaient être que le début de quelque chose de très grand, d’immense, de trop im-
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TANA ET POMPEI portant pour être détruit comme c’était le cas de toutes les ruines romaines de Naples juste à cette époque, dévastées pour faire place aux magnifiques palais nobles de la vieille ville. Fontana a décidé de ne pas poursuivre l’enquête. Cette brève expérience souterraine n’était que la pointe d’un iceberg qui sera découvert 150 ans plus tard par l’Espagnol Joaquin de Aucubierre, au nom du roi Charles de Bourbon. Mais même le premier directeur des fouilles a d’abord pris le mauvais bout du bâton : il croyait avoir trouvé les ruines de Stabiae. Le monde, la société, les puissants du XVIIème siècle n’étaient probablement pas encore prêts à affronter la magnificence du peuple romain : Fontana a donc décidé d’enlever à sa courte vie humaine la curiosité de découvrir ce qui se trouvait sous la terre qu’il commençait à explorer. D’autres, en revanche, affirment que l’architecte suisse était simplement très ignorant, ce qui est assez déroutant compte tenu de la stature culturelle du personnage. Ce qui est très probable, c’est que si ces pierres anciennes avaient été découvertes dans ces années-là, elles auraient probablement été rapidement démontées pour construire des ornements et des bijoux qui auraient enrichi les maisons des riches familles napolitaines et vésuviennes. Fontana ordonne l’interruption des fouilles et va s’entretenir personnellement avec Don Tuttavilla, dans l’espoir de le convaincre de changer le dessin de l’a-
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queduc, mais le noble, ne comprenant pas les véritables raisons de cette demande, croit que l’architecte n’est venu là que pour demander une augmentation de salaire : il le renvoie en disant de continuer les travaux et de ne plus le déranger. Il a été extrêmement critiqué par le client pour le gaspillage d’argent apparemment inutile, mais Fontana n’a jamais révélé la raison de ses choix, qui semblaient insensés. Aucun document n’atteste avec certitude les raisons qui ont motivé la décision de Fontana de ne pas poursuivre les fouilles. Parmi les théories avancées par de nombreux universitaires, on pense aussi que pour l’époque, déterrer une ville enterrée était un sacrilège. Ou, tout simplement, que l’architecte suisse a préféré finir son travail proprement, car la construction d’une structure sur un terrain hypothétiquement vide pourrait compromettre la stabilité de l’aqueduc. Et entre-temps, le jeune Domenico Fontana ne se doutait pas qu’il venait de découvrir les premières découvertes de Pompéi. Le génie de l’architecture, inconscient, a consigné un don ancien au futur avec le silence digne du peuple suisse. Federico Quagliuolo h t t p s : / / w w w. p ro gettostoriadellarte. it/2020/07/08/storia-degli-studi-su-pompei/