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DELTA N.A. JOHANNES KEPLER ALIN ALEXIS AVILA STURM & DRUNG WAYNE THIEBAUD FLORENCE NIGHTINGALE LEONOR FINI PLACE FURTESMBERG TWO WAYS TO FREEDOM ORLAN DOMENICO GNOLI CAROLE BELLAICHE INFERNO ANDREA KOWCH AU THEATRE LE CAFE DE PARIS CASA BALLA GIACOMO BALLA PIETRO ROMBULO ANTONIO MUZZI MARTYRE DES REVERIES PARIGI ERA VIVA SUZANNE VALADON GUSTAVE FLAUBERT EN ORIENT MUSEE NATIONALE JEAN JACQUES HENNER
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Emmerick Door Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance zoupix@gmail.com palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trentedeuxème Année / numéros 01 / Janvier 2022 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros
a Ancel Gallery de Londres a célébré le redémarrage de la saison artistique 2021/2022 avec une série captivante d’expositions collectives présentant un dialogue sur l’histoire de l’Europe. L’effervescence de la scène contemporaine londonienne en présentant un dialogue sur différents aspects du parcours personnel de chaque artiste. Les thèmes explorés vont des réflexions personnelles aux souvenirs, nostalgie et le deuil, à des déclarations plus intransigeantes sur des questions telles que la technologie moderne et les communications numériques. Les expositions, organisées par le directeur de la galerie, Federico Angelini, comprennent de la peinture, de la sculpture et de la photographie dans une perspective résolument contemporaine et avant-gardiste, et présentent également le duo italien
Delta N.A.
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avec sa sculpture multimédia “La fille qui rêve”. La première exposition d’Ancel Gallery a eu lieu le 25 août avec une exposition pop-up à Dalston, Londres, et se poursuit maintenant avec la foire d’art contemporain d’Esher, dans le paysage bucolique de la campagne anglaise du Surrey. Parmi les artistes représentés par la galerie, en plus de Delta N.A., vous pouvez admirer œuvres de : Alex Prior, Andrea Van Eyck, Anna Sturgeon, Charlotte Wainwright, Ellen Kydd, Ellie Niblock, Hugo Lami, Inês Coelho da Silva, Kinnari Saraiya, Melissa Hartley, Naroa Pérez, Sabrina Choi, Sam van Strien, Samantha Johnston. www.ancelgallery.com www.contemporaryartfairs. co.uk
e numéro de Palazzi A Venezia qui débute l’année 2022 se ressent de la distance de Paris de son Rédacteur, qui, comme touS les exilés se souviens bien plus que de nécessaire du lieu qu’il a quitté et qu’il aspire à retrouver au plus vite, en espérant que cette pandémie qui se transforme, telle un spectacle d’un Brachetti, veuille bien nous laisser continuer notre chemin sans masques et sans précautions. Pourtant que de choses banales sont devenues tout à coup précieuse et ce qui enchantait nos journées et nos soirées, devenu souvent impossible à réaliser, nous manque plus qu’il ne devrait, même les gestes les plus simples comme les embrassades si courantes et tellement usuelles sont devenue des moments d’intimité retrouvée lorsque nous pouvons, en privé of course, nous y adonner, comme s’il s’agissais de quelques chose d’interdit comme il l’est devenue effectivement. Reste l’Art et c’est toujours un enchantement d’aller découvrir des nouvelles manifestations sous n’importe quelle forme, ou d’en résumer des plus classiques que l’on avait en peu délaissé. Pour ma part, en rédigeant ces mots bien en retard par rapport à la date de parution normale de ce mensuel qui d’habitude faisait son apparition le premier de chaque mois, sauf un petit intermède cet automne, je suis sur le point de retrouver les boulevards de la capitale, pour une courte période mais dont je compte bien profiter un maximum. Souvent lorsque l’on habite un lieu on pense avoir toujours le temps de tout voir et de tout connaitre et finalement le quotidien et nos obligations nous empêchent de mener à bien cette exploration, ainsi, lorsque les vicissitudes de la vie nous amènent ailleurs le souvenir de tant de lieux visités et de tant de lieux encore inconnus nous hante. Comme toujours ce que je vous propose ce mois ci c’est une salade russe d’informations nouvelles ou déjà anciennes sur les manifestations culturelles et artistiques que je découvre ou dont je me souviens, aussi énchantè et curieux que j’espère vous le serez à votre tour. Ravis que les manifestations artistiques arrivent malgré tout à perdurer, à être visibles, visitables, consultables, fruibles sous tant de formes différentes je suis reconnaissant à tous les artistes du passé, du présent et aussi à ceux du futur, qui nous enchantent avec leurs ouvres et nous aident à trouver la vie bien plus merveilleuse quelle en a l’aire. Jean-Marie Dort me disait que les œuvres d’Art sont des talismans qui nous protègent et je le crois de plus en plus, ainsi je vous invite à ne pas vous en priver. Achetons les œuvres plastiques des Artistes et faisons en le décor somptueux de notre demeure afin qu’elle nous protègent et rendent notre vie plus agréable et surement plus belle, en nous suggérant aussi de laisser libre cours à notre imagination pour créer à notre tour de la Beauté. Bonne Année. Vittorio E. Pisu PALAZZI 2 VENEZIA
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JOHANNES KEPLER epler était un personnage aux multiples facettes, à la fois philosophe de la nature et mathématicien, astronome et théoricien de la musique, conformément à une coutume assez répandue à son époque, où les “savants” savaient souvent un peu de tout. Et, comme beaucoup de scientifiques de l’époque (dont Galilée, qui était son contemporain), il ne dédaignait pas de pratiquer l’astrologie. D’une part parce qu’à l’époque, l’astronomie et l’astrologie étaient mélangées dans un même limbe avec une dignité presque égale, et d’autre part parce que l’astrologie... gagnait beaucoup d’argent. D’autre part, il venait d’une famille économiquement déshonorée : son père gagnait sa vie comme soldat mercenaire, et quand Johannes avait cinq ans, il est parti et n’est jamais revenu, peut-être tué dans la guerre de quatre-vingts ans menée par les provinces des Pays-Bas contre les souverains espagnols. Et sa mère, qui pratiquait ce que l’on appellerait aujourd’hui la médecine alternative, a été accusée de sorcellerie. Mais en 1577, alors que Johannes n’avait que six ans, elle l’emmena sur un lieu élevé pour observer (à l’œil nu, car le télescope n’avait pas encore été inventé) la brillante comète qui passa cette année-là. La comète a également été observée par l’astronome (et astrologue) danois Tycho Brahe, pour lequel le roi Frédéric II du Danemark fait construire sur l’île de Hven l’un des plus célèbres observatoires de l’Anti-
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quité, Uraniborg. Depuis cet observatoire, Brahe a effectué des mesures précises du mouvement des planètes, notamment de Mars, et a accumulé de précieuses données. Et lorsqu’en 1601, devenu astronome impérial de Rodolphe II de Habsbourg, empereur du Saint-Empire romain germanique, il invite Kepler à Prague pour être son assistant, le monde scientifique est encore en pleine querelle entre le système ptolémaïque (avec la Terre au centre de tout) et le système copernicien (dans lequel le Soleil est au centre). Cette dernière, à laquelle l’Église s’opposait fortement, avait été pleinement développée par Nicolas Copernic, qui l’a illustrée dans son traité De revolutionibus orbium coelestium (Sur les révolutions des corps célestes), imprimé en 1543 au moment où Copernic lui-même mourait. Entre les héliocentristes et les géocentristes, Tycho Brahe se situait au milieu, ayant développé son propre système complexe d’orbites dans lequel le Soleil était placé au centre du système mais tournait autour de la Terre. Ce chaos planétaire a été mis en ordre par Kepler, un copernicien convaincu, qui, après la mort soudaine de Brahe fin 1601, a repris les observations de son maître sur le mouvement des planètes et, en 1609, (suit page 4)
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(suit de la page 3) a libéré ses deux premières lois du mouvement planétaire. LES LOIS DE KEPLER. La première loi, en particulier, a renversé un dogme millénaire selon lequel les orbites des objets célestes devaient être circulaires. Les calculs de Kepler ont toutefois montré que les orbites elliptiques autour du Soleil fonctionnaient beaucoup mieux pour les planètes, et que le Soleil se trouvait dans l’un des foyers de l’ellipse. La deuxième loi, en revanche, a montré que la vitesse à laquelle les planètes se déplacent sur leur orbite n’est pas constante, mais varie en fonction de leur distance au Soleil : elle est plus grande lorsqu’elles sont plus proches de notre étoile, moindre lorsqu’elles en sont plus éloignées. Quelques années plus tard, en 1618, il parvient également à la troisième loi, qui relie la période orbitale d’une planète à sa distance moyenne du Soleil. En 1627, Kepler achève l’œuvre inachevée de Tycho Brahe : les Tables Rudolfines (du nom de Rodolphe II de Habsbourg, décédé entre-temps). Il s’agissait d’un catalogue contenant les positions très précises d’environ 1 400 étoiles, dont 1 005 ont été mesurées par Brahe, ainsi que des cartes permettant de localiser les planètes.
Les Tables, bien que conçues à des fins astrologiques, étaient en fait un formidable outil astronomique, utilisé pendant des siècles. Les dernières années de Kepler sont plutôt troublées. En 1613, il avait été excommunié pour avoir prétendu que la Lune était un corps solide. Et à partir de 1617, il a dû suivre le long procès de sa mère pour sorcellerie, au cours duquel il a usé de son influence pour lui éviter le bûcher. Il s’est également retrouvé dans de graves difficultés financières. Il est mort pauvre en 1630, à l’âge de 58 ans. Après sa mort, le Somnium a été publié à titre posthume. Il s’agit d’une histoire qu’il avait écrite sur un jeune islandais fictif (en réalité lui-même), dont la mère est une sorcière, à qui un démon révèle l’existence d’une île appelée Levania (en réalité la Lune). Et comment les démons peuvent occasionnellement y transporter des humains, sous sédatifs pour éviter le traumatisme du voyage. L’histoire est l’occasion de décrire la Lune en détail, les éclipses, le fait qu’elle tourne toujours la même face vers notre planète. Le Somnium est considéré par beaucoup comme la première véritable histoire de science-fiction. Parmi ses divers intérêts, Kepler cultive celui de la musique, qu’il considère, avec la géométrie, comme un moyen puissant de comprendre le monde qui nous entoure. Peut-être aurait-il été heureux de savoir que, des siècles après sa mort, ses trois lois fondamentales du mouvement planétaire auraient été ironiquement mises en musique. Gianluca Ranzi PALAZZI 4 VENEZIA
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ALIN AVILA
’est depuis le collège au cœur des années soixante à Toulon, qu’Alin Avila débute sa carrière d’éditeur en fondant une revue, lors d’ateliers d’éveil. Sur une vraie presse il apprend à composer et distribue à l’aveugle les caractères dans les casses. Un éditeur serait-il né ? En 1966, Jean-Pierre Charles, professeur de français et poète, lui fait découvrir la poésie et l’art contemporain. Il dirige avec Daniel Biga la revue “Identité” dans laquelle il publiera son tout premier texte. Il découvre Nice, l’ambiance surexcitée de la boutique de Ben et des festivals qu’il organise. L’esprit Fluxus l’habite alors ; c’est celui de penser que l’art, partout est une manière de vivre. À Toulon avec la complicité de Serge Plagnol, il crée la galerie l’Arca. Pour l’ouverture lors une exposition de Pierre Tilman, viennent Denise René, François Morrelet, Dorothéa Tanning, mais exposer et découvrir lui conviennent plus que vendre. Après une vingtaine d’expositions dont la première en galerie d’Ernest Pignon Ernest, il décide de quitter Toulon pour venir à Paris. C’est alors qu’il regarde les faits de l’art dans l’histoire, plutôt que l’art contemporain, comme pour mieux en comprendre les forces et les vanités. Au prisme du recul, il mesure comment le récit historique de l’art est travaillé par le pouvoir et le mar-
Un témoignage sur la scène artistique de la fin du XXème siècle à travers le livre
L’art pense le monde Alin Alexis Avila Écrits, paroles, journal – 1979 – 1999 Éditions Saisons de Culture 276 pages Nombreuses illustrations couleur Prix 22 € + 5€ ( frais de port ) https://www.area-store-paris.com/.../alin-avila-l-art-pense-le-monde
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ché. Influencé par Gilles Deleuze qu’il rencontre de nombreuses fois, il est convaincu de s’intéresser aux marges de la création et crée une revue “Les cahiers de l’art Mineurs”, consacrée à ces non-artistes souvent engagés dans les combats de société (Cham, Jossot, Daumier…). J. J. Grandville est le premier numéro de ces cahiers, c’est Max Ernst à Seillant-la-Cascade où le jeune Alin séjournait fréquemment, qui lui avait fait découvrir son immense talent de penseur plastique. “Les Cahiers de l’art mineur” comptent une cinquantaine de numéros et la collection sera reprise sous le nom des “Cahiers de l’image” par les éditions de la Revue Autrement où il travaillera quelques années. Cet intérêt pour un art engagé, non par les mots, l’idéologie et intentions, mais par le trait, le conduit tout naturellement à réaliser en 1976 le premier livre sur Roman Cieślewicz. Soucieux d’invention graphique, il participe à l’aventure du groupe Elles, d’où sont sortis Bruno Richard et Pascal Doury, dont il est l’éditeur… Et tant d’autres choses qui tiennent de la pensée et du faire. Pour Alin Avila, tout semble question d’espace, celui-ci est toujours imaginé comme une pensée, autant celui du livre que celui des mises en scène ( suit page 6)
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(suit de la page 5) des expositions. C’est la question de l’autre, lecteur ou visiteur, qui est en jeu. Son rôle c’est à la fois de le respecter et de lui délivrer une émotion ou un savoir. C’est ainsi qu’il envisage sa mission d’action culturelle. En 1978 il rejoint l’équipe de La Maison des Arts de Créteil où, durant 14 ans il assurera la programmation des arts plastiques. Sa première exposition, toujours dans la logique de ses préoccupations d’alors, fait l’éloge du trait avec l’univers de Jean Gourmelin. Puis l’année suivante, il monte l’exposition pirate de Robert Malaval. Pour le vernissage seulement de la musique et une performante : sur les murs des toiles vierges que l’artiste réalisera pendant les deux mois de la manifestation. Au terme de cette exposition, Robert Malaval se suicide ce qui affecte gravement Alin Avila. En 1981, pour le Festival d’Avignon, il monte une suite de trois expositions sur la création dans le Sud de la France. Il rejoint Georges Boudaille et la biennale de Paris pour laquelle il assure la présentation donnée au Centre Pompidou en 1982. L’enseignement le tente, de 1983 à 1985, c’est l’École des Beaux-Arts de Reims et l’ENCI et il
intervient dans de nombreuses universités en France et à l’étranger, notamment en Asie. Il travaillera quelques mois à Singapour et à Bangkok et ces récentes années en Chine. Mais c’est sans doute à France Culture où il rejoint Pierre Desargues et les Arts et les gens que son image se forge : là, il défend pendant vingt ans, de son regard libre, souvent à contre-courant. . Publications, interventions critiques et expositions s’alternent, mais s’il réalise tant de choses, c’est qu’il sait depuis toujours s’entourer d’une équipe à qui il fait partager ses visions et passions. Francis Fichot, Alain Pusel, Frédérique Le Graverend, Michèle Meunier et Fumihiko Harada, avec qui il collectionne bijoux et objets Ethnographiques. Alin Avila se dit critique de proposition et se refuse d’être porte-parole des situations établies. Cela le conduit en 1987 à créer une galerie, Area, pour dit-il défendre ceux des artistes qui lui semblent porter un regard essentiel sur le monde, mais que le marché ne reconnaît pas comme participant au goût du jour . La galerie existe toujours, passé du 3e arrondissement à l’immense loft de la rue d’Hauteville, pour aujourd’hui s’être installée au 39 rue Volta. Il faut s’attarder quelques instants sur les 20 ans de la rue d’Hauteville : une véritable ruche où se fabriquent des douzaines de livre et que fréquente le fleuron de l’art contemporain, mais aussi penseurs, économistes, écrivains et philosophes. PALAZZI 6 VENEZIA
Livres et expositions s’enchaînent et se ponctuent de lectures et performances. Arman vient faire de la musique, Pierre Michon lit en avant-première des extraits des Onze, Jean-Didier Vincent présente une topless, François Jullien évoque la nécessité de connivence, Jack Lang débattre de son rôle… Penser, s’émouvoir, rire, vivre. C’est là que, toujours sous le nom d’Area, il va publier sa revue. 34 numéros aujourd’hui, 6 000 pages en tout pour témoigner de ce début de siècle. Essentiellement des entretiens, parce qu’il sait que la parole des créateurs l’emportera toujours sur le commentaire. Comment fait-il cela ? Toujours avec une équipe où des fidèles sont toujours rejoints pas des nouveaux qui font là leurs premières armes. Le choix de laisser la parole à ceux qui créent, s’accompagne bien évidemment de textes plus personnels où les soucis de l’écriture se disputent à la nécessité de témoigner, tant il tient à lier ce qui ressemble à la poésie avec ce qu’il perçoit du réel. Mais c’est sans doute le livre qui lui tient le plus à cœur et la Bibliophilie est depuis toujours une véritable passion qui le pousse dans les retranchements de la qualité, à fortiori, de la difficulté. Difficulté qui jamais ne sera pour lui un obstacle, mais un moteur. Récemment, nous avons vu sortir des mystères de ses bureaux, les précieux ouvrages de Philippe Garel (une seule page, mais de 20 mètres de long…) PALAZZI 7 VENEZIA
Et aussi Akira Inumaru, Gabriela Morawetz, Guillaume Couffignal, Jiang Shanqin et François Jullien, Josette Rispal, Cyb… De la bibliophilie encore, mais bien particulière que cette collection qu’il nomme “Comme Un” (comme un jeu, comme un je, mais ensemble…) est également à son initiative où des artistes sont invités à déchirer des œuvres pour ensemble en construire une autre alors commune. Ces livres qui contiennent tous des originaux sont accueillis et présentés dans sa librairie galerie Area : “Cette étrange idée du beau, rue Volta”. Aujourd’hui il se sent davantage dans un réel besoin de témoigner, d’habiter l’art et le monde poétiquement. Son rôle de critique est de reconnaître et de constater tout en se rappelant que comme un fruit doit mûrir, l’art se regarde dans l’épaisseur du temps. Alin Avila évoque André Malraux : Le temps de l’art n’est pas celui des vivants et me confie que sa pensée va vers toujours plus de spiritualité. Est-ce pour cela qu’il vit entouré d’artefact venus de partout, objets magiques, sacrés, objets des hommes qui interrogent le ciel et qu’on voudrait voir aujourd’hui comme des œuvres d’art, objets intercesseurs entre le présent (suit page 8)
(suit de la page 7) et ce qu’on ignore. Écoutons-le encore : Ce que je peux exiger de l’art, nécessite d’en être digne, car ce qui est en question, c’est “la question même “ comme un chant entendu ailleurs, hors de toutes spéculations, sinon spirituelle, voilà la condition pour que l’art tienne sa place exceptionnelle parmi les hommes . Plongée dans son regard que la passion rend encore plus bleu, encore plus clair, je me réjouis de conclure cet entretien consacré à Saisons de Culture, sur ces paroles empruntées à Charles Baudelaire : La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. … Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. Correspondance (les fleurs du mal). Mylène Vignon www.saisonsdeculture. com/portraits/alin-avila/
e projet d’exposition “Sturm&Drang”, né de la collaboration entre la Fondazione Prada et gta exhibitions, ETH Zurich, se tiens à l’Observatoire de la Fondazione Prada du 9 septembre 2021 au 23 janvier 2022. Organisé par Luigi Alberto Cippini (Armature Globale), Fredi Fischli et Niels Olsen (gta exhibitions, Département d’architecture, ETH Zurich), “Sturm&Drang” explore les applications, les expériences et les environnements liés à l’imagerie générée par ordinateur (CGI) dans le but de révéler la complexité de la modélisation informatique et d’analyser la production actuelle d’images et leur impact sur notre perception quotidienne. L’acronyme CGI désigne une pluralité de contenus visuels statiques ou animés, créés à l’aide de logiciels d’imagerie. Cette production d’images et de vidéos est destinée à divers domaines et activités, notamment les effets spéciaux au cinéma, les jeux vidéo, les salons de discussion virtuels, mais aussi l’armée, la médecine, l’ingénierie, la conception architecturale, les arts visuels, la publicité, la télévision, ainsi que les applications de réalité augmentée (AR) et de réalité virtuelle (VR). Renforcée par la pandémie, la CGI est également de plus en plus présente dans la vie quotidienne grâce aux médias sociaux. L’exposition ne se concentre pas sur le produit PALAZZI 8 VENEZIA
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Photo domus
OSSERVATORIO CGI STURM & DRUNG
final - l’image numérique avancée - ou sur les œuvres qui adoptent cette technique, mais étudie les étapes et les méthodes de production qui sous-tendent cette puissante économie de l’image. Le parcours de l’exposition “Sturm&Drang” réunit quatre environnements - citations d’espaces réels ou imaginaires - qui accueillent le “making of” de la programmation CGI dans des contextes tels que les jeux vidéo, la science-fiction et l’ingénierie high-tech. Au premier étage de l’Observatoire, le visiteur est confronté à deux conditions spatiales distinctes. Le premier est le prototype d’un environnement de jeu de tir à la première personne (FPS). Le Military First Person Shooter (MFPS) est un combat armé à la première personne, largement utilisé dans les jeux vidéo et l’entraînement militaire. Le deuxième environnement est un hommage au roman de science-fiction Neuromancer, écrit en 1984 par l’auteur américano-canadien William Gibson et considéré comme un jalon du genre cyberpunk. Plus précisément, les visiteurs rencontreront une série de loculi/chambres dans le Cheap Hotel de Chiba, inspirés des premiers chapitres du roman, à partir desquels le protagoniste, le cyber-hacker Case, se connecte au cyberespace. Le deuxième étage de l’Observatoire est occupé par des murs recouverts de moniteurs et d’éléme-
nts d’équipement technique, dans le but d’identifier un format possible pour présenter du matériel CGI dans le contexte d’un espace d’exposition. La première partie de l’exposition reproduit des tutoriels en ligne conçus pour apprendre aux utilisateurs à se servir d’un logiciel de production CGI. Les fichiers de didacticiels exposés ont été édités et post-produits afin de déconstruire visuellement l’utilisation prévue de la formation. Un autre environnement se concentre sur la simulation d’espaces architecturaux par des systèmes CGI, et en particulier sur la production de rendus et la création d’environnements 3D. Cet espace est une combinaison de tables optiques technologiques et de zones de repos faciles à assembler, conçues en référence aux heures passées dans les limbes où le graphiste se repose pendant que sa machine-ordinateur effectue son rendu. D’autres écrans montrent le travail des étudiants de “Sturm&Drang Studio”, un cours du département d’architecture de l’ETH Zurich qui s’est déroulé entre février et juin 2021. https://www.fondazioneprada.org/project/ sturmdrang-ita/
Photo claudiaandujar
WAYNE THIEBAUD PEINTRE
ayne Thiebaud, le plus sucré, le plus onctueux, le plus délicieux des peintres pop (bien qu’il ait rejeté le label de pop art), est décédé le jour de Noël, à l’âge de 101 ans. Américain, issu de l’émigration française (son nom se prononce “à la française”), il est célèbre notamment pour ses tableaux de pâtisseries, et plus largement, pour ses représentations colorées de la vie quotidienne, ses paysages urbains, qui allient la sensualité et la joie à un brin de nostalgie. Artiste passionné et remarquable, il a travaillé jusqu’à ses derniers jours. Selon certains critiques, le vrai sujet de Thiebaud est la peinture et l’acte de peindre lui-même : la couleur chatoyante et la texture sensuelle de la peinture à l’huile appliquée dans son épaisseur. Au point que, parfois, il sculptait sa signature au lieu de la mettre au pinceau. Le musée Morandi de Bologne lui avait consacré une grande exposition en 2011, ses œuvres dialoguant avec le maître bolonais des natures mortes. Sa galerie de référence, la centenaire Acquavella Gallery, qui possède des succursales à New York et Palm Springs, l’a annoncé par un post sur Instagram : “C’est avec une grande tristesse que nous célébrons le décès d’un homme vraiment extraordinaire, Wayne Thiebaud”. Icône
américaine, Wayne a mené sa vie avec passion et détermination, inspiré par son amour de l’enseignement, du tennis et, surtout, de l’art. Même à 101 ans, il passait encore la plupart de ses journées dans son atelier, poussé par, comme il l’a décrit avec l’humilité qui le caractérise, “cette fixation presque névrotique d’essayer d’apprendre à peindre”. Né à Mesa, en Arizona, en 1920, dans une famille mormone, Wayne Thiebaud a commencé sa carrière comme artiste publicitaire, travaillant comme peintre d’enseignes et apprenti animateur pour les studios Walt Disney, avant de servir dans l’armée de l’air américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’à ce qu’un collègue, Robert Mallery, l’encourage à envisager sérieusement une carrière dans la peinture. C’est ainsi qu’il commence à peindre des tableaux expressionnistes, un peu comme ceux de John Marin, avec un regard vers l’école de New York, alors en vogue, et vers Willem de Kooning, qu’il rencontre dans les années 1950 lors d’un bref séjour à New York, et dont il apprécie la capacité à “illuminer une image de l’intérieur”. Au début des années 1960, alors qu’il expose à la galerie Allan Stone à New York du galeriste et collectionneur décédé en 2006, dont on se souvient de la clairvoyance et de la passion pour des artistes comme Wayne Thiebaud et Willem de Kooning, Thiebaud réalise ses tableaux les plus célèbres sur le thème de la confiserie comme Bakery Counter, Cakes, Four
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ANNA MARCHLEWSKA ANOTHER WORLD
Photo artribune.com
Pinball Machines : ce dernier sera vendu en 2020 aux enchères par Christie’s pour la somme record de 19 135 000 dollars. Considéré comme une figure clé de l’art contemporain américain, Thiebaud est fréquemment associé au Pop Art, même s’il a toujours refusé de s’inscrire dans un mouvement artistique, à l’instar de Giorgio Morandi. Si le choix des sujets peints - des objets symboliques du consumérisme tels que les bonbons, les sucreries, les chewing-gums, les hot-dogs, les cosmétiques et les jouets - semble le rapprocher des artistes pop, ce qui le différencie, c’est l’absence de critique et la célébration de la culture américaine, la recherche de la technique picturale, les coups de pinceau lents, doux et texturés, l’utilisation d’une lumière modulée et discrète, l’attention minutieuse portée à la disposition de la perspective et aux aspects formels et géométriques de la composition grâce auxquels il fait ressortir l’âme des objets. Comme l’artiste lui-même l’a déclaré dans une interview récente : “Je pense que l’art est probablement notre planche de salut. Il peut presque ignorer nos instincts primaires. Cela vaut la peine d’investir dans le plus grand nombre possible de personnes profondément impliquées, car je pense que c’est là que résident nos espoirs : nous donner une vie de plaisir, de défi, de confort, de joie, toutes ces choses qui font de nous des êtres humains et qui nous permettent d’avoir des relations aimables les uns avec les autres.” Claudia Giraud
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nother World» («Un autre monde») est une vidéo d’art créée par Anna Marchlewska en 2021. Au-delà de sa dimension onirique et quasi chamanique, l’œuvre porte un engagement écologique. À travers ses paroles très poétiques qui s’inspirent des textes de Jim Morrison ou de William Blake, Anna Marchlewska invite le spectateur au changement de ses habitudes par rapport à l’environnement. Elle sème l’espoir. Une évolution ou une alternative sont toujours possibles. L’artiste évoque un nouveau monde où la nature reprend ses droits et trouve son équilibre. L’œuvre permet à l’auteure de se mettre pour la première fois en scène dans sa propre production. Accompagnée par son équipe, Anna Marchlewska exprime son talent de scénariste, d’actrice, de poétesse, de réalisatrice, de monteuse ou encore de créatrice de bande sonore. «Another World» est projeté pour la première fois à Ursa Gallery à Bridgeport, USA à l’occasion de l’exposition Shim Eco qui se tient du 11 novembre 2021 au 15 mars 2022. olonaise d’origine, Anna Marchlewska est aujourd’hui une photographe qui vit et travaille à Paris. (suit page 12)
(suit de la page 11) Mais c’est avant tout une artiste passionnée et pluridisciplinaire. Adolescente, elle dessinait des nus et réalisait des portraits dans l’atelier du peintre Ventzislav Piriankov. Elle entre aux Beaux Arts de Paris en 2000 et travaille notamment dans l’atelier de peinture figurative de Pat Andrea. En 2005, elle passe son diplôme en installation vidéo sous l’aile de Barbara Leisgen. Puis elle démarre sa carrière en tant que graphiste et photographe notamment pour des maisons de luxe et de mode. Au début de l’année 2014, elle lance le projet photographique, “Les Amazones, portrait de la femme du XXIème siècle“ qui compte aujourd’hui plus de 200 participantes et qui a fait l’objet de plusieurs expositions en France et en Pologne. En février 2018, trente cinq de ses photos illustrent le recueil de poésie “Les parties du monde intérieur“, édité en Pologne. Elle y met en scène les auteures de poèmes, deux jeunes femmes handicapées de naissance. Depuis 2018, elle expose régulièrement notamment au Salon Comparaison, au Salon d’Automne, à Tahiti ou aux Etats Unis, ses sé-
«Another World»
Un film de Anna Marchlewska Photographie : Jacques de Chiffon Conception sonore : Patrick Dada Gong et bol tibétain : Vedan’art Guitare spatiale : Jef Guillon Edité par Kamil Olejnik Disponible sur https://youtu.be/auTItxxZ0AM Paris 2021 Copyright © Anna Marchlewska 2021
ries de photos, comme «IdéElle», «EvaNaissance» ou «En suspension». A travers ses montages, elle allie les photos de nature et de paysages aux portraits de nus pris en studio. Ses photographies deviennent uniques, grâce aux traces laissées sur ses tirages à l’aide d’un pinceau. En 2021, elle réalise le film «Another world» où elle se mets pour la première fois en scène dans un univers inspirés par ses propres photos. A travers son œuvre, Anna Marchlewska invite à la prise de conscience face au changement climatique. Très attirée par l’art contemporain, ses références sont Bill Viola, Christian Boltanski, Giuseppe Penone ou Bettina Rheims. Mais elle sait aussi chercher son inspiration auprès des grands peintres classiques comme Caravage, Rubens, Michel-Ange ou Botticelli pour la composition et représentation du corps. Spiritualité, religion, science et rapport à la nature sont aujourd’hui ses principaux sujets de recherche artistique. Attirée par les techniques de l’éveil personnel et la spiritualité, elle s’intéresse au chamanisme, à la méditation, aux énergies et au pouvoir d’esprit. Son imaginaire sensoriel et mystique est complété par son grand intérêt pour la science moderne, la physique quantique et les possibilités qui s’ouvrent à l’humanité grâce aux nouvelles technologies et
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Photo woytekkonarchewski
Hôtel Mercure - Gdansk / Pologne Février 2020 Salon Comparaisons Art Capital - Grand Palais - Paris Décembre 2019 Black and White Parade Atelier Basfroi - Paris Octobre 2019 Salon d’Automne Avenue des Champs Elysées Paris Mars 2019 Les Amazones Exposition personnelle 100 photographies Hôtel Mercure - Gdansk / Pologne Février 2019 Salon Comparaisons Art Capital Grand Palais - Paris Avril 2018 Les Amazones - Constellations Exposition personnelle 200 photographies Maison des Arts et de l’Image - Rueil-Malmaison AM Event est une agence de création visuelle en communication événementielle qui accompagne les professionnels tout au long de leurs événements ou projets. am-event.fr/ Le site web dédié à mon projet photographique «Les Amazones, portrait de la femme du XXIème siècle». www.lesamazones.eu Le blog regroupant plus de 200 portraits de femmes d’exceptions : Les Amazones. lesamazones.tumblr. com annamarchlewska.com
aux découvertes. Son objectif est de pouvoir s’épanouir en tant que plasticienne et d’élargir son spectre de recherches artistiques au sein d’installations. En alliant sa compétence de photographe à celle de peintre et de vidéaste elle aimerait bien investir des espaces en utilisant ces multiples moyens d’expressions, en y associant le cas échéant les technologies 3.0. www.annamarchlewska.com
Exhibitions
Novembre2021/Janvier 2022 Shim Eco Ursa Gallery - Bridgeport / USA Juin/Septembre 2021 A Fleur de Pe S.une galerie Le Select Paris Avril/Mai 2021 Shim Eco Exposition Virtuelle artsy.net Avril 2021 Le Peuple de l’Eau - Bibliothèque de l’Université de la Polynésie française - Tahiti October 2020 Mona Lisa Tapa Tout Dit Bibliothèque de l’Université de la Polynésie française - Tahiti Mars 2020 Les Amazones, portrait de la femme du XXIe siècle Exposition personnelle - 100 photographies PALAZZI 13VENEZIA
Photo gettyimage
urnommée « La Dame à la Lampe », Florence était une infirmière dévouée, attentive non seulement à la souffrance des soldats et autres malades défavorisés sous ses soins, mais aussi aux conditions sanitaires de leur environnement. Passionnée par les mathématiques, elle a contribué au développement de la statistique médicale, en particulier les diagrammes circulaires (pie charts). Florence Nightingale naquit à Florence en 1820, Italie, de parents britanniques très fortunés et activement engagés sur le plan politique. Dès sa plus tendre enfance, elle visitait avec sa mère et sa sœur Parthenope les personnes pauvres du village où elle habitait en Angleterre. Mais pour Florence visiter les familles pauvres n’était pas suffisant. Elle voulait en faire davantage, ce qui l’opposa à sa mère et à sa sœur, davantage préoccupées de bien paraître en société que d’améliorer la condition des personnes défavorisées. Heureusement, son père l’encouragea en dispensant à Florence et à sa sœur une instruction classique à la maison. C’est ainsi que Florence apprit à parler couramment le français, l’allemand, l’italien, le latin et le grec, et s’initia aux mathématiques, à l’histoire
FLORENCE NIGHTINGALE
et à la philosophie. En février 1837, alors qu’elle était âgée de 16 ans, elle dit avoir reçu un appel de Dieu l’enjoignant de s’engager au service de ses semblables. Elle voulut alors devenir infirmière, au grand désespoir de ses parents qui considéraient cette occupation comme l’apanage des classes sociales défavorisées, donc comme non recommandable pour une femme de sa classe sociale. En 1844, elle rencontra un médecin américain qui lui dit d’écouter sa vocation, même si cela ne se faisait pas dans son milieu. Elle annonça alors à sa famille sa décision de devenir infirmière et de fonder un hôpital. Ses parents s’y opposèrent jusqu’en 1852 et l’appuyèrent ensuite en lui versant une confortable pension qui assura son indépendance financière. Dans les années 1840, elle visita des hôpitaux durant plusieurs voyages, notamment en Italie et à l’hôpital luthérien du pasteur Fliedner à Kaiserswerth, en Allemagne où elle apprécia le dévouement et la qualité des soins offerts par les infirmières. Lectrice des rapports sur les soins de santé de cette époque, elle était déjà consciente qu’un nouveau type d’infirmière, mieux formée, s’imposait et qu’une nouvelle structure des soins infirmiers devait être mise en place dans une logique d’efficacité et d’organisation.. Quelque 5 ans plus tard, dans la foulée de cette insubordination et de ce profond intérêt pour les soins infirmiers, elle mit fin à sept ans de sérieuses fréquentations
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Photo gettyimage avec un populaire politicien et poète, afin, disait-elle, de mieux servir Dieu et l’humanité. Son insubordination s’étendait aussi au rôle d’épouse et de mère alors réservé aux femmes de son rang. Elle commença sa véritable formation à l’hôpital de Kaiserswerth pendant un mois en 1851, qu’elle raconta dans un livre. Florence considérait cette expérience comme un tournant dans sa vie. De 1853 à 1854, elle occupa le poste de directrice de l’Institute for the Care of Sick Gentlewomen, à Londres. C’est ainsi que vers l’âge de 34 ans, sans formation officielle et munie seulement d’informations recueillies, sur une base personnelle, auprès d’amis de sa famille bien en vue (politiciens, médecins), elle devint l’une des personnes s’y connaissant le plus dans le domaine hospitalier, qu’il s’agisse de construction d’hôpitaux ou de soins à y dispenser. C’est de 1854 à 1856, lors de la Guerre de Crimée que se situe sa contribution la plus marquante aux sciences infirmières. Il y avait alors davantage de décès causés par la maladie que par la guerre. Florence Nightingale, devenue directrice des soins infirmiers au Scutari Hospital, Turquie, s’affaira à améliorer la condition des soldats blessés. Dix-huit mois après son arrivée, elle réussit à faire passer le taux de mortalité de 40 à 2 %, notamment en améliorant les conditions d’hygiène. PALAZZI 15 VENEZIA
Répondant à sa demande, le Gouvernement britannique envoya en mars 1855 à Scutari une Commission sanitaire qui fit nettoyer les égouts et améliora la ventilation. C’est pendant cette Guerre de Crimée que Florence hérita du surnom de « La Dame à la Lampe ». En effet, munie d’une lampe à pétrole, elle avait l’habitude, la nuit, de faire sa ronde auprès des soldats blessés et alités, dispensant ici des encouragements, là rajustant un oreiller. Bien que périodiquement confinée à sa chambre et à son lit, et souffrant de dépression à son retour de la Guerre de Crimée, Florence lutta en 1857, aux côtés de Lord Panmure, le ministre de la Guerre, pour que soit instaurée une Commission royale visant à investiguer le taux de mortalité dans l’armée en temps de paix et en temps de guerre. Mise sur pied en 1858, cette Commission, sous son leadership, produisit un rapport de plus de 1000 pages qui transforma le système de santé britannique. Soutenue par le Dr William Farr, éminent statisticien médical, Florence mit au point une version améliorée des diagrammes circulaires (pie charts), équivalant aux histogrammes circulaires (polar area charts) de maintenant, malencontreusement appelés coxcombs (crêtes de coq). (Suit page 16)
Photo assocarenews
(suit de la page 15) La réorganisation des statistiques militaires, qui sont réputées les meilleures d’Europe, constitue l’une des retombées importantes de la Commission royale. Dans les années suivantes, en plus d’œuvrer au développement des soins infirmiers en créant une école d’infirmières, elle appliqua ses méthodes statistiques aux hôpitaux civils, à la profession de sage-femme, à la santé publique de l’Inde et aux écoles publiques coloniales, et ce, dans le but d’influencer les politiques et les pratiques. À partir de 1857, Florence souffrit d’une fièvre probablement due à une forme chronique de brucellose contractée pendant la Guerre de Crimée. Elle fut alors confinée à sa chambre et à son lit, et souffrit de dépression de façon intermittente. Complètement alitée en 1896, elle mourut en 1910. En plus de ces contributions à la médecine et aux mathématiques, Florence Nightingale s’est illustrée dans le mouvement féministe anglais. Son essai «Cassandra», entre autres, publié en 1928, s’avère être une protestation contre la féminisation excessive des femmes rendues ainsi incapables de se débrouiller seules. www.florence-nighttingale-fondation.org.uk
Œuvres principales Notes on Nursing : What It Is And What It Is Not, London, Harrison (1859); Suggestions for Thought to Searchers after Religious Truth, London, George E. Eyre and William Spottiswoode. (1860) Cassandra, Feminist Press at CUNY, 34 p. (1928) “Sick-Nursing and Health- Nursing”, in I. Hampton (éd.), Nursing the sick-1893, New York, NY: (1949) Hommages et décorations 1859 : Première femme membre de la Royal Statistical Society, et par la suite, membre honoraire de l’American Statistical Association. 1883 : Royal Red Cross par la Reine Victoria 1907 : Première femme décorée de l’Order of Merit 1908 : Honorary Freedom of the City of London Une médaille Florence Nightingale est décernée par le comité international de la Croix-Rouge pour récompenser les infirmiers et les infirmières ainsi que les auxiliaires volontaires qui se sont distingués, en temps de guerre ou en temps de paix. Son nom a également été donné à diverses institutions et à différents lieux. http://www.florence-nightingale-foundation.org.uk PALAZZI 16 VENEZIA
eonor Fini est née à Buenos Aires le 30 Août 1907. Elle passe son enfance à Trieste auprès de sa mère, de ses grands-parents et de son oncle. La famille Braun est très liée à l’intelligentsia triestine: Italo Svevo, Umberto Saba et James Joyce. Elle ne fréquente aucune école d’art et sa formation est entièrement autodidacte. D’où, sans doute, la difficulté de l’identifier à un courant particulier de l’art contemporain, son évolution ayant surtout été marquée par des affinités électives et par son propre « musée imaginaire ». Elle expose pour la première fois à l’âge de dix-sept ans, à Trieste, lors d’une exposition collective et, à cette même époque, au cours d’un séjour à Milan, elle rencontre les peintres Funi, Carra, Tosi et découvre l’École de Ferrare, Lombarde, ainsi que les maniéristes italiens. En 1931, Leonor quitte sa famille et s’établit à Paris où elle présente, l’année suivante, sa première exposition personnelle à la Galerie Bonjean, dont Christian Dior est le directeur. Elle se lie d’amitié avec Henri Cartier-Bresson, André Pieyre de Mandiargues, Georges Bataille, Max Jacob, Paul Eluard, Max Ernst, sans jamais cependant appartenir au groupe surréaliste. En 1936, elle effectue son premier voyage à New York où elle expose à la Julien Levy Gallery et participe à la célèbre exposition « Fantastic Art, Dada and Surrealism », au Museum of Modern Art et en 1939 elle or-
LEONOR FINI
Foto maxernst
ganise pour son ami Leo Castelli une exposition de meubles d’artistes surréalistes tels qu’elle-même, Dali, Meret Oppenheim, Max Ernst à la galerie René Drouin, Place Vendôme. À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, elle quitte Paris avec son ami Mandiargues, passe une partie de l’été 1939 en compagnie de Max Ernst et de Leonora Carrington dans leur maison en Ardèche, puis part vivre à Arcachon auprès de Salvador et Gala Dali. En 1940, elle vit à Monte-Carlo où elle peint principalement des portraits, activité qu’elle poursuivra jusqu’au début des années soixante. Ses portraits préférés sont ceux de ses amis : Anna Magnani, Maria Felix, Suzanne Flon, André Pieyre de Mandiargues, Leonora Carrington, Meret Oppenheim, Jean Genet, Jacques Audiberti, Alberto Moravia, Elsa Morante. En 1941, elle fait la connaissance de Stanislao Lepri, consul d’Italie à Monaco, qu’elle incite à devenir peintre. Lors de la libération de Rome, en 1943, elle s’installe avec lui. De retour à Paris, en 1946, elle retrouve son ancien appartement de la rue Payenne. En 1952, une rencontre primordiale : celle de l’écrivain polonais Constantin Jelenski avec qui elle partagera désormais sa vie.(suit page 18)
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Photo ghaleriemaubert
(suit de la page 17) Les années d’après-guerre resteront pour le grand public celles de l’entrée en scène de Leonor Fini : création de masques, participation à de nombreux bals costumés, décors et costumes pour Le Palais de Cristal de Georges Balanchine, à l’Opéra de Paris, Les Demoiselles de la Nuit de Roland Petit, au théâtre Marigny, L’Enlèvement au Sérail, à la Scala de Milan ainsi que pour des pièces en collaboration avec Jean Mercure, Jacques Audiberti, Albert Camus, Jean Genet, Jean Le Poulain. L’été 1954, elle éprouve un véritable coup de foudre pour un lieu très sauvage, dans lequel elle se sent en parfaite harmonie. Proche de Nonza, en Corse, elle s’y installe dans un ancien monastère franciscain en ruine où désormais elle peint chaque été. Passionnée de littérature et de poésie, Leonor illustra plus d’une cinquantaine d’ouvrages, dont les œuvres de Charles Baudelaire, qu’elle admirait profondément, celles de Paul Verlaine, de Gérard de Nerval, d’Edgar Allan Poe. Parallèlement, elle continua de créer décors et costumes pour l’opéra et le théâtre : « Tannhaüser », à l’Opéra de Paris (1963), « Le Concile d’Amour » d’Oscar Panizza, au Théâtre de Paris (1969) et également pour le cinéma : «Roméo and Juliet » de Renato Castel-
lani (1953), « A Walk with Love and Death »de John Huston (1968). De nombreux écrivains et peintres lui ont consacré des monographies, des essais, des poèmes : Paul Eluard, Giorgio de Chirico, Mario Praz, Max Ernst, Yves Bonnefoy, Constantin Jelenski, Jean-Claude Dedieu. Debut 1960, Leonor Fini s’installe à Paris, dans un appartement, rue de la Vrillière, entre le Palais Royal et la Place des Victoires. Elle y vécut, entourée de ses amis et de ses chats, ainsi que dans sa maison de Saint-Dyé-sur-Loire, en Loiret-Cher, jusqu’à sa disparition le 18 janvier 1996. D’importantes expositions rétrospectives ont été consacrées à Leonor Fini et à son œuvre : en Belgique (1965), en Italie (1983,2005), au Japon (1972-73, 198586, 2005), aux Etats-Unis (Weinstein Gallery, San Francisco, 2001-2002, 2006, 2008 ; CFM Gallery, New York, 1997, 1999), en France, au Musée du Luxembourg, Paris (1986), à la Galerie Dionne (1997), à la Galerie Minsky (1998, 1999-2000, 2001, 2002, 2004, 2007, 2008), ainsi qu’en Allemagne, au Musée Panorama, Bad Frankenhausen (1997-98). Le Musée d’Hospice Saint-Roch, à Issoudun, présente, depuis 2008, une exposition permanente et l’installation du « Salon de Leonor Fini ». En 2007 paraît la première biographie consacrée à Leonor Fini et à son œuvre : Leonor Fini, Métamorphose d’un art, Peter Webb, éditions Imprimerie Nationale – Actes Sud. https://www.leonor-fini.com/fr/bio/ PALAZZI 18 VENEZIA
Photo parisladouce.com
PLACE FURSTEMBERG
a place de Furstemberg, ces airs délicieux de calme province à l’ombre des paulownias, n’existe pas. La placette que tous les Parisiens désignent sous ce nom est en réalité un tronçon élargi de la rue établie sur l’ancienne avant-cour du palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés. Le pittoresque du lieu a inspiré photographes, peintres et cinéastes tous séduits par son atmosphère à part. Le flottement au sujet de l’orthographe de Furstemberg, Fürstenberg, Furstenberg est le fruit de la mondialisation. Selon la nomenclature de la ville de Paris, la graphie francisée du nom prévaut. Mais dans l’usage commun la rue de Furstemberg est plutôt désignée à l’allemande, Fürstenberg, un n et un tréma. Ou pas de tréma d’ailleurs car ce sont les touristes anglophones plus familiers avec cette orthographe qui la diffusent largement. Ainsi parée de mystères, de dénominations multiples, voire même absente de tout registre officiel, la place de Furstemberg n’existe pas. En 1697, le cardinal Guillaume-Egon de Fürstenberg (1629-1704) devient abbé de Saint-Germain-desPrés. Deux ans plus tard, il entreprend d’aménager les abords du palais abbatial en créant notamment deux nouveaux accès indépendants de l’abbaye. Il fait ouvrir les rues de la Paroisse, future Furstemberg en son hommage, et Cardinale sur les terrains de l’enclos dans la perspective du palais.
Bibliographie Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet Editions Rivages Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments - Louis et Félix Lazare
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La rue de la Paroisse, brièvement rue de Wertingen sous l’Empire, apparaît sur le plan général de l’abbaye dressé par Sanvy en 1723 sous la dénomination de Furstemberg. A ce moment, la placette désignée sous la mention de cour des Ecuries ne fait pas encore partie de la voie. Elle prolonge en avantcour le palais dont le portail donne alors sur la rue du Colombier, notre actuelle rue Jacob. A l’angle de la place, au numéro 4 de la rue de Furstemberg se trouve un vestige du décor de celle-ci, un pot à feu du XVIIème siècle. Le petit carré arboré s’il n’est pas officiellement la place Furstemberg attire depuis longtemps les artistes par sa sérénité très picturale. Au numéro 4, dans les années 1960, se trouve l’un des ateliers du peintre Balthus. Aux numéros 6 et 8, les anciennes dépendances du palais abbatial parées de leurs façades de briques rouges et de pierre conservent dans leur structure même le souvenir de leur vocation première. Dans les anciens communs du palais, au rezde-chaussée, se trouvaient les écuries et les remises tandis que les domestiques logés dans les étages. Au numéro 6, la voûte à grande arcade charretière (suit page 20)
(suit de la page 19) rappelle qu’elle laissait passait de vastes attelages. Eugène Delacroix y tient son atelier de 1857 à 1863, date de sa mort. Le peintre choisit ce lieu afin de se rapprocher d’un chantier d’envergure. Il a reçu commande de trois fresques pour la chapelle des Anges de l’église Saint Sulpice en 1849 et le travail se prolonge jusqu’en 1861. Son appartement sur cour au premier étage jouxte son atelier au rez-dechaussée sur jardin. Un temps menacé de destruction, le lieu est préservé grâce à la mobilisation de Paul Signac grand admirateur de Delacroix. Dans les années 1920, un musée voit le jour à l’initiative de Société des Amis d’Eugène Delacroix. Il ouvre pour la première fois au public en 1932 à l’occasion d’une exposition et devient musée national en 1971. Dans cette même bâtisse de 1865 à 1866, Frédéric Bazille et Claude Monet partagent un atelier Le dramaturge Jean Anouilh emménage sur la place en 1914 et le compositeur russo-américain Alexandre Tcherepnine, éminent élément de l’Ecole de Paris, y réside lors de son séjour en France jusqu’à la Second Guerre Mondiale. Rue et Place de Furstemberg - Paris 6 Accès 3 rue Jacob / 4 rue de l’Abbaye
e projet Galeria de Rua ou galerie de rue s’adresse aux artistes internationaux talentueux qui transmettent de l’espoir et des émotions positives à travers leur art. Les commissaires du projet ont invité les artistes italiens de Delta N.A. à participer à l’exposition publique qui a lieu à Montemor-o-novo, au Portugal, à la Galeria Brevemente située dans le site de l’Unesco “Oficinas do Conviento”. Des reproductions de six œuvres du duo seront exposées dans les deux vitrines donnant sur la rue, dans le but de suggérer aux passants une réalité alternative dans laquelle se plonger, dans le cas de Delta N.A. une réalité faite d’introspection, de croissance intérieure et de liberté. Le parcours proposé par Delta N.A. s’intitule : “Deux chemins vers la liberté” et attire le regard du passant, le stimulant à explorer les contenus émotionnels et inconscients pour atteindre une plus grande compréhension et conscience de soi et trouver ainsi la liberté spirituelle. Puis le regard réapparaît et, allégé des charges intérieures, il cède au désir d’échapper à la réalité du quotidien en explorant le monde et en ouvrant enfin les yeux et le cœur à la beauté qui nous entoure, s’enrichissant au PALAZZI 20 VENEZIA
contact de la nature. L’exposition d’art public a été inaugurée le 22 décembre et sera visible pendant deux mois, au terme desquels les reproductions des œuvres feront partie de la collection publique permanente de l’Oficinas do Convento. Le projet est une initiative de Oficinas Do Convento, en collaboration avec le groupe União Sport de Montemor-o-Novo, créé dans l’intention d’ouvrir un nouveau canal de communication et de réflexion collective dans la ville à travers l’espace d’installation graphique. La proposition est née à la suite de l’attente au feu rouge... un moment où je ressens le besoin d’envahir, et d’inviter à envahir, ces vitrines vides avec des idées, des sentiments, des illusions, des poétiques, qui transforment cette attente en un moment d’évasion de la vie quotidienne à travers des réflexions provoquées par ce qui se trouve dans cette “galerie”. (Tiago Fróis) Pour plus d’informations ou pour voir des images de cette installation et des précédentes, veuillez consulter le site www.oficinasdoconvento.com ou instagram.com/galeriabrevemente .
TWO WAYS TO FREEDOM
Photo gettyimages
Avec les Delta N.A. nous trouvons l’italienne Alessandra Breviario et les artistes internationaux :
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Aline Part, Ana Béjar, Antonia Blanco, Arden Oluk, Aslı Tinç, Betina Fidel, BIOS Team-Alina Tofan, Georgiana Vlahbei, Alexandru Claudiu Maxim, Teo Rudulescu, Charo Corrales, Emily Puetter, Emir Furkan Tekkalmaz, Eren Erkan, A tres voces- Mónica Gómez Vesga, Cristian Gómez Bermúdez, Esther Pardo Herrero, Funda Sisci, Gonca Göde, Hülya Karaçalı Annepçioglu, Imanol Marrodán, Inma Flor (Mujer Corteza), Ita Raskin, Janire Etxabe, Jarek Lustych, Javier Seco, Johanna Speidel ,June Calsor, Kardo Kosta, Kübra Sert, Lisa Lotte Giebel, Marco Mosquera, Belén Robeda, María José Mayanquer, Mariela Beker, Melike Nur Mucuk, Melisa Schmitz, Mingyi Chou, Nadia Gativa, Nujen Ataç, Pilar Blanco Pérez-Longares, Rabia Basa, Rafael Romero, Sara Mastral, Selin Göksel, Serap Kökten, Sevval Konyalı, Tamara Ablameiko, Tània Poberezhna, Ünsal Görücü, Xavier Sis, Yolanda Villajos.
Photo ceysson&bénétière
ous qui lisez ces lignes, que faisiez-vous quand vous aviez seize ou dix-sept ans ? Selon toute vraisemblance, vous conformant aux injonctions tant sociales que familiales, vous étiez alors simplement élève. A cet âge-là, manifestant une précocité peu commune, ORLAN, qui est née en 1947, n’avait certes pas encore adopté le nom qu’elle allait créer quelques années plus tard pour se présenter et s’auto-désigner, mais elle était déjà artiste. Il convient ici de rappeler qu’à l’époque des premières œuvres plastiques d’ORLAN, l’âge de la majorité, en France, était alors de vingt-et-un ans et qu’il ne fut abaissé à dix-huit ans qu’en 1974. Rappelons aussi que c’est seulement en 1965 que les femmes françaises ont obtenu le droit de détenir un compte bancaire en leur nom et de travailler sans le consentement de leur mari ! Pourtant, dès 1964, cinq ou six ans avant d’être majeure civiquement et socialement, la toute jeune fille était adulte artistiquement. Elle accouchait ainsi «d’elle m’aime » dans une œuvre à la précocité sidérante. Dès cette époque, à un moment de leur vie où presque toutes les personnes se cherchent et se forment encore, en se laissant porter par les
“ORLAN telle qu’en elle m’aime” L’expo d’ORLAN à Lyon revient notamment sur les débuts de l’artiste au milieu des années 1960 à SaintÉtienne. Dans son atelier, le jeune femme s’y met en scène pour des photographies (série des Corps-sculptures) en déjouant les normes des identités de genre, de classe sociale, et en y relisant (avec provocation) certaines figures de l’histoire de l’art. Jusqu’au
15 janvier 2022
du mar au ven de 11h à 18h entrée libre
Ceysson & Bénétière Galerie d’art 21 rue Longue 69001 Lyon 1er
décisions d’autrui, ORLAN, elle, s’affirmait pleinement. Elle prenait en main sa vie d’alors et son destin. Age biologique, âge social et génération (nous évoquerons aussi l’assignation genrée) font bien apparaître comment ORLAN a su se libérer de nombreux déterminismes pour s’affirmer comme artiste. Elle a, de surcroît, posé les bases de son œuvre qui, plus d’un demi-siècle plus tard, tout en se renouvelant de façon impressionnante, s’est déployée avec une cohérence et une force peu communes. Il faudra donc bien accepter un jour de considérer qu’il existe un mystère ORLAN : comment la toute jeune fille née à Saint-Etienne, loin de tout foyer de création (a fortiori à une époque à laquelle l’art contemporain restait encore largement à inventer) a-t-elle pu s’emparer aussi précocement de son destin - tant de femme que d’artiste - et poser les fondements d’une œuvre dont les premières manifestations ont immédiatement été fulgurantes ? Les œuvres de (toute) jeunesse saisissent par leur intensité plastique, qui n’est en rien amoindrie par le passage du temps, bien au contraire. Leur contextualisation, tant par rapport à la biographie de l’artiste que par le contexte social qui les a vu naître, ne peut manquer de fasciner et leur confère encore plus de profondeur. Qu’il s’agisse de l’œuvre séminale ORLAN accouche d’elle m’aime, des séries des “Corps-sculptures”, des “Tentatives de sortir du cadre” ou de l’iconique
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Photo arambartholl
Nu descendant l’escalier avec talons compensés, ORLAN, bien qu’encore mineure, construisait déjà une œuvre majeure. Si, en 1977, Le baiser de l’artiste a révélé l’artiste au grand public et constitue à ce titre un tournant dans sa carrière, il ne s’agit nullement d’une rupture. La réinterprétation, la même année, de La grande odalisque d’Ingres poursuivait les recherches sur les draps du trousseau. Ceux-ci devaient accompagner la jeune fille dans son destin tout tracé d’épouse et de mère. C’est à ce seul avenir que le statut de femme prédestinait si ce n’est condamnait alors chacune d’elles. Pourtant, détournés avec une mordante ironie par l’artiste, ces mêmes draps donnaient naissance à l’exubérante série des Drapés baroques. Bien sûr, étant donné la richesse de l’œuvre d’ORLAN, ses emprunts récurrents à l’histoire de l’art et vu la contribution majeure de la créatrice à l’art contemporain, il se révèle aisé de situer l’artiste dans une longue filiation et de faire état de nombreuses parentés. Les œuvres rassemblées dans l’exposition ne manquent pas d’évoquer les plus grands artistes, outre Ingres déjà nommé et Duchamp évoqué à travers son Nu descendant un escalier totalement réinterprété : qu’il s’agisse notamment de Caravage, maître du clair-obscur, ou du Bernin, génie de la sculpture baroque. Pourtant, c’est aussi et surtout chez ORLAN elle-même, et dès ses tout débuts, que l’on trouvera PALAZZI 23 VENEZIA
les clefs principales pour comprendre comment s’est construite toute sa création ; celle-ci s’est, en effet, largement auto-engendrée. C’est en ce sens que les deux séries de Self-hybridations, précolombiennes à la toute fin des années 1990, puis africaine au commencement de la décennie suivante, trouvent toute leur place dans l’exposition. Outillée des nouvelles technologies alors disponibles, l’artiste a donné naissance à des autoportraits dont elle a pu déterminer librement les traits, se façonnant de nouvelles identités. Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, mais en tirant parti de la diversité et de la grande richesse des œuvres présentées, l’exposition permet de mieux comprendre comment, en plus d’un demi-siècle de création ininterrompue, ORLAN, tout comme son œuvre, s’est constamment créée. Et emparée d’elle m’aime. Alain Quemin
Contemporainement ORLAN LES FEMMES QUI PLEURENT SONT EN COLÈRE Jusqu’au 15 janvier 2022
GALERIE EVA VAUTIER 2 RUE VERNIER, NICE
Photo fondazioneprada
’exposition est une rétrospective qui rassemble plus de 100 œuvres réalisées par Domenico Gnoli (Rome, 1933 - New York, 1970) de 1949 à 1969 et un nombre égal de dessins. Une section chronologique et documentaire avec des matériaux historiques, des photographies et d’autres preuves permet de reconstituer le parcours biographique et artistique de Gnoli plus de cinquante ans après sa mort. La recherche à l’origine du projet conçu par Germano Celant a été développée en collaboration avec les archives de l’artiste à Rome et à Majorque, dépositaires de l’histoire personnelle et professionnelle de Gnoli. Cette rétrospective fait partie d’une séquence d’expositions de recherche que la Fondazione Prada a consacrée à
“J’utilise toujours des éléments donnés et simples, je ne veux rien ajouter ou retrancher. Je ne veux jamais non plus déformer : j’isole et je représente.
Domenico Gnoli Jusqu’au
27 Feb 2022 FONDAZIONE PRADA LARGO ISARCO, 2 20139 MILANO T. +39 02 5666 2611
des figures outsiders telles que Edward Kienholz, Leon Golub et William Copley, qui peuvent difficilement être assimilées aux principaux courants artistiques de la seconde moitié du XXe siècle. L’objectif est d’explorer la pratique de Gnoli et de lire son activité comme un discours unitaire libre d’étiquettes, documentant les connexions avec la scène culturelle internationale de son époque et suggérant des résonances avec la recherche visuelle contemporaine. “Domenico Gnoli” développe également les intuitions de ceux qui, par le passé, ont interprété l’artiste d’un point de vue historique et critique de manière originale, en reconnaissant l’inspiration que Gnoli a trouvée dans la Renaissance et en soulignant la valeur narrative de ses œuvres. Le plan conçu par le studio new-yorkais 2×4 pour les deux étages du Podium évoque la disposition et les caractéristiques des espaces muséaux du XXe siècle, traçant des perspectives linéaires qui divisent l’espace d’exposition en une séquence de noyaux monographiques. Les œuvres de l’artiste sont regroupées en séries thématiques, grâce auxquelles il est possible de reconnaître comment chaque œuvre a généré d’autres de ses œuvres dans une direction expressive cohérente. Les détails chargés de sens peints par Gnoli suggèrent des biographies énigmatiques des objets représentés dans l’exposition et témoignent de la conviction de l’artiste à poursuivre ses propres recherches dans une réinterprétation radicale de la représentation classique.
INFO@FONDAZIONEPRADA.OR https://www.fondazioneprada.org/project/domenico-gnoli/ PALAZZI 24 VENEZIA
Photo carolebellaiche
CAROLE BELLAICHE
orsque Pullman m’a contacté pour la première fois, j’ai naturellement pensé à la réputation de la marque en matière de trains et à son identification avec la belle époque du voyage, les années 1930. Mais lorsque j’ai commencé à travailler sur l’iconographie de la marque Pullman, j’ai découvert quelque chose de très contemporain, de très dynamique. J’ai pris l’avion de Paris pour me rendre au Pullman Bangkok King Power et au Pullman Bangkok Hotel G. J’ai photographié des personnes, des espaces architecturaux, des détails, les références typiques dont une chaîne hôtelière a besoin pour son identité visuelle. En même temps, je prenais des photos pour moimême. J’ai été inspirée par l’espace, qui était moderne mais élégant, avec de belles références architecturales. Le travail est devenu progressivement plus personnel. J’ai joué avec l’éclairage, en privilégiant la lumière naturelle. J’ai joué avec les tons, les couleurs et la mise au point. Je voulais capturer l’ambiance, l’élégance, l’intemporalité de l’espace. J’ai pris le personnel et je l’ai placé dans différentes situations. Je voulais montrer l’âme de l’espace. J’ai laissé libre cours à mon imagination et j’ai été très inspiré. Nous avons fini par obtenir des photos qui ne ressemblent en rien aux images typiques des chaînes d’hôtels. La vision de Pullman consiste à vivre son propre voya-
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ge, et c’est exactement ce qu’ils m’ont laissé faire. Le voyage a continué quand ils m’ont demandé de participer à l’événement Pullman Artnight au Pullman London St Pancras. J’ai exposé un projet personnel sur lequel je venais de commencer à travailler, une série de portraits de couples surpris dans un moment intime. Ce que j’apprécie le plus dans les hôtels et centres de villégiature Pullman, c’est leur vision du confort, l’harmonie des couleurs, les choix géographiques qu’ils font, comme l’emplacement d’une fenêtre et la vue sur l’extérieur. Ils font attention aux petites choses qui comptent quand on voyage, comme les grands lits et les merveilleux oreillers en mousse à mémoire de forme. J’ai grandi à Paris, près de la Bastille, dans un grand appartement aux merveilleux détails architecturaux haussmanniens. Adolescente, j’adorais me promener dans ma maison et analyser les éléments individuels (comment la lumière frappait telle porte, ou la vue depuis telle fenêtre à un moment précis de la journée). Mon oncle était peintre, j’ai donc peut-être hérité de ce sens visuel. J’aimais aussi le cinéma, une passion que je partageais avec mon père. J’ai été très influencé par Hollywood. (suit page 26)
Photo tv5monde
(suit de la page 25) Je regardais certaines séquences, puis je rentrais chez moi et je reconstituais les scènes. Ou bien j’inventais mes propres histoires et je demandais à mes amies de m’aider à les jouer. On se réunissait le week-end, on créait des décors et on jouait les scènes. Je prenais des photos. Le week-end suivant, nous nous réunissions et disparaissions dans la chambre noire pour développer les photos. Nous regardions les images apparaître. La magie de la chambre noire ! C’est là que j’ai compris la magie de l’image. Je ne voulais pas voir le travail d’autres photographes, parce que je ne voulais pas être influencé par eux, alors je faisais juste mon propre travail. Mais à l’âge de 14 ans, j’ai rencontré la photographe Dominique Issermann. Elle m’a beaucoup soutenu dans mon travail et m’a encouragé à continuer. Deux ans plus tard, elle m’a demandé si je voulais bien faire des portraits d’acteurs. Elle était devenue trop occupée et devait se concentrer sur d’autres choses. J’étais très intimidée, mais j’ai dit oui. Je me suis donc retrouvé à 16 ans, en dernière
année de lycée, à étudier pour mon baccalauréat pendant la semaine et à faire des photos d’acteurs le week-end. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à étudier le cinéma. J’ai rencontré des agents qui m’ont envoyé d’autres acteurs à filmer. Lorsque j’ai eu 20 ans, il fallait attendre six semaines pour avoir un portrait. S’était une époque fantastique. Les acteurs passaient le soir pour récupérer leurs photos. On prenait un verre, et ça se transformait généralement en fête. Les gens étaient toujours là. J’ai toujours voulu faire du cinéma. Récemment, l’actrice Fanny Ardant m’a approché avec une nouvelle de Pouchkine. Elle se déroule à la fin du 19e siècle, dans la Russie enneigée, et parle d’amour. Tout ce que j’aime. Nous venons d’en faire un court métrage et j’ai adoré cette expérience. C’est comme si mes photos prenaient vie. Carole Bellaiche D’APRÈS UN ENTRETIEN AVEC TANIS KMETYK https://pullman.accor.com/gb/discovering-pullman-hotel/portraits/carole-bellaiche.shtml PALAZZI 26 VENEZIA
i vous voulez être ébranlé ; si vous voulez savoir jusqu’où peut s’étendre l’imagination de la douleur ; si vous voulez connaître la poésie de la torture et les hymnes de la chair et du sang, descendez dans l’Enfer de Dante “, écrivait François-René de Chateaubriand. Compris comme un lieu de perdition et de punition éternelle, l’iconographie de l’enfer dérive de l’Hadès grec et du Sheol juif et s’est répandue à partir du Xe siècle, dans le cadre de la représentation du jugement dernier, dans le but de terrifier les fidèles et de les inciter à se repentir. Si cela est vrai pour l’ensemble du Moyen Âge, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, les fils narratifs du royaume des ténèbres proviennent non seulement de l’Ancien Testament, mais sont aussi clairement inspirés par Dante. Mais l’exposition puissante et extraordinaire de Jean Clair n’est pas seulement une célébration en bonne et due forme du poète suprême, c’est aussi un voyage visionnaire dans les méandres du mal, dans la damnation de l’existence humaine, dans les mille tourments de l’âme et du corps. L’exposition est introduite par la somptueuse sculpture de Francesco Bertos, un enchevêtrement tourbillonnant de corps s’accrochant les uns aux autres alors qu’ils plongent dans l’abîme, une transposition de la Chute des anges rebelles sculptée dans un seul bloc de marbre.
Photo museodelprado
INFERNO
235 ŒUVRES DE PEINTURE, SCULPTURE, ILLUSTRATION, GRAVURE ET DESSIN PROVENANT DE 87 MUSÉES ET COLLECTIONS PUBLIQUES ET PRIVÉES DE 15 PAYS EUROPÉENS RECONSTITUENT L’ÉVOLUTION DU CONCEPT DU MAL DANS UNE EXPOSITION EXTRAORDINAIRE ET VISIONNAIRE ORGANISÉE PAR JEAN CLAIR Jusqu’au
23 janvier 2022 SCUDERIE DEL QUIRINALE.
Via Ventiquattro Maggio, 16 00186 Roma Tél.:+39 02 9289 7722 www.scuderiequirinale.it/
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L’exposition est flanquée du retable restauré et inhabituel de Beato Angelico, Le Jugement dernier ; du modèle en plâtre à l’échelle 1:1 de la monumentale Porte de l’enfer d’Auguste Rodin et du grotesque Démon en bois polychrome de Valladolid. La section suivante est consacrée à la Catabasis, ou descente d’un être vivant aux enfers, où émerge avec force l’œuvre la plus photographiée de l’exposition : Dante et Virgile de William-Adolphe Bouguereau. Confinés dans la pénombre du huitième cercle réservé aux faussaires, ils assistent avec horreur à un combat sauvage entre Capocchio et Gianni Schicchi, damnés par leur évidente musculature sculpturale, tandis qu’un démon ricane en vol avec satisfaction. Vient ensuite une section consacrée aux amants Paolo et Francesca, tourbillonnant dans la tempête infernale ; le tableau monumental de Gustave Courtois où Dante rencontre le comte Ugolino coincé dans la glace et malmenant son fier repas; l’Enfer du Flamand Pieter Huys avec sa spectaculaire bataille entre anges et démons; le célèbre Lucifer de Franz von Stuck avec son regard magnétique pénétrant ; et le Charon de José Benliure Gil, le vieil homme blanc aux cheveux anciens. (suit page 28)
Photo mentelocale
(suit de la page 27) La Tentation de Saint Antoine d’Antonio Morelli, représentée dans une tentative de lutte contre la séduction de la chair, entre réalisme et romantisme tardif, est le point fort de l’espace dédié à la tentation, les mêmes tentations que l’on retrouve dans le Teatrino napoletano animé par des marionnettes siciliennes et dans l’œuvre inquiétante de Salvator Rosa qui culmine avec le monstre horrifiant qui semble sortir tout droit du film Alien. “Et enfin, on sait qu’ils sont là en passant, et que dans quelques semaines il ne restera plus qu’une poignée de cendres dans quelque champ non loin de là, et sur un registre un chiffre émoussé. Bien qu’engloutis et entraînés par la foule innombrable de leurs semblables, ils souffrent et se traînent dans une solitude opaque et intime, et dans la solitude ils meurent ou disparaissent, sans laisser de trace dans la mémoire de personne. À l’étage supérieur, le brouillon original de Si c’est un homme de Primo Levi ouvre l’enquête sur la complexité de la violence humaine et la dégénérescence progressive de l’existence dans ses aspects les plus brutaux, c’est-à-dire les multiples visages inquiétants de l’enfer sur terre. En commençant par la férocité de la Première Guerre mondiale à travers
le regard impitoyable du plus grand représentant de la Nouvelle Objectivité, Otto Dix, qui, avec un réalisme cru, sculpte des corps mutilés et décomposés ainsi que des moulages de visages si déchirés qu’on se demande comment et combien de temps les victimes ont pu survivre dans ces conditions désespérées. Et si Piranèse, avec ses visions claustrophobes des Prisons, construit des perspectives trompeuses et des atmosphères cauchemardesques, Giacomo Balla, avec sa technique divisionniste qui anticipe le dynamisme futuriste, Giacomo Balla, avec une technique divisionniste qui anticipe le dynamisme futuriste, représente bien l’aliénation avec sa Pazza (Madwoman) à la posture désarticulée et aux gestes
convulsifs, qui rejoint l’œuvre de l’artiste de Macchiaioli Telemaco Signorini, où un silence fantomatique plane dans l’espace étranger et intemporel de La sala delle agitate (La chambre des agités), une œuvre dénonçant la marginalisation sociale et l’abandon. L’exposition se termine par des œuvres plus récentes, des horreurs du théâtre de guerre des frères Chapman aux sublimes galaxies de Gérard Richter et aux étoiles filantes d’Anselm Kiefer, qui nous rappellent combien l’humanité est minuscule face à l’immensité du cosmos et combien les abîmes de la conscience s’ouvrent devant l’infini. Inferno n’est pas seulement une exposition, c’est un voyage complexe dans les méandres de l’exi-
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stence humaine qui vous laisse sans souffle, étonné par son puissant impact scénique et visuel et terrifié et désorienté par sa férocité. Œuvre d’art totale, même si elle est en partie pénalisée par un éclairage insuffisant, elle est le fruit du génie du grand historien de l’art français Jean Clair, dans une époque alarmante et menaçante où règne une civilisation fécale, où chaque individu croit ne plus rien devoir à la société mais pouvoir tout exiger d’elle. Et la question devient maintenant urgente : reverrons-nous jamais les étoiles ? Roberta Vanali https://www.artribune. com/arti-visive/2021/12/ mostra-inferno-scuderie-quirinale-roma/
Photo http://www.andreakowch.com/
ANDREA KOWCH
’artiste amérindienne du Michigan Andrea Kowch s’inspire des paysages du Midwest dans ses œuvres. Les scènes fascinantes et obsédantes de Kowch sont influencées par le travail d’Andrew Wyeth et d’Alfred Hitchcock. Kowch décrit son art comme un “réalisme magique, narratif et onirique”. Comme Wyeth, Kowch peint dans un style réaliste, utilisant des décors ruraux comme métaphores des états intérieurs de ses sujets féminins. Et comme les films d’Hitchcock, les scènes de Kowch ne dépeignent pas seulement ce qu’elles semblent être, mais aussi des intrigues mystérieuses. Le monde fictif de Kowch est composé d’animaux domestiques et sauvages : même lorsque ses personnages sont à l’intérieur de la maison, le monde naturel s’immisce. Kowch a reçu de nombreux prix et distinctions au cours de sa jeune carrière, dont le prestigieux National Visual Arts Award de la National Foundation for the Advancement of the Arts (aujourd’hui la National Young Arts Foundation) en 2005. Ses œuvres ont été exposées dans des musées, des galeries et des salons dans tout le pays et ont fait la couverture de nombreuses publications artistiques. Andrea Kowch a été décrite comme “une voix puissante qui émerge, démontrant une conscience hautement sensible qui informe un symbolisme culturellement chargé”. http://www.andreakowch.com/54396/bio/
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Née à Détroit, dans le Michigan, en 1986, elle a fréquenté le College for Creative Studies grâce à une bourse Walter B. Ford II, et a obtenu son diplôme Summa Cum Laude avec un BFA en 2009, avec une double spécialisation en illustration et en éducation artistique. Ses peintures et ses œuvres sur papier sont riches en ambiance, en allégorie et en précision du support, reflétant une multitude d’influences allant de la Renaissance du Nord et de l’art américain aux paysages ruraux et à l’architecture vernaculaire de son Michigan natal. Les histoires et l’inspiration qui sous-tendent ses peintures “découlent des émotions et des expériences de la vie, ce qui donne lieu à une imagerie narrative et allégorique qui illustre les parallèles entre l’expérience humaine et les mystères du monde naturel. Les paysages américains solitaires et désolés qui entourent les sujets des peintures servent à explorer le caractère sacré de la nature et à refléter l’âme humaine, symbolisant tout ce qui est puissant, fragile et éternel. Des scénarios à la fois réels et oniriques transforment des idées personnelles en métaphores universelles de la condition humaine, tout en conservant un sentiment d’imprécision pour encourager le dialogue entre l’art et le spectateur.” (suit page 30)
Photo http://www.andreakowch.com/
(suit de la page 29 ) Elle a reçu de nombreux honneurs dès le début de sa jeune carrière, en commençant en 2003, à l’âge de 17 ans, par sept prix régionaux Gold Key et deux prix nationaux Gold Medal décernés par les prestigieux Scholastic Art and Writing Awards. Son acceptation dans ces expositions nationales avec jury lui a valu d’être représentée à la Corcoran Gallery of Art de Washington, D.C. en 2003 et à la Diane von Furstenberg Gallery de New York en 2004. En 2005, elle a reçu le National ARTS in the Visual Arts Award de la National Foundation for Advancement in the Arts (aujourd’hui la National Young Arts Foundation), un honneur qui classe les lauréats parmi les 2 % les plus talentueux d’Amérique. Les œuvres gagnantes ont été exposées à la Margulies Collection au Warehouse, à Miami. En 2008, Kowch a reçu le Best of Show Purchase Award de l’exposition internationale annuelle de la Northbrook Library, et la même année, il a reçu un Illustration Faculty Award du College for Creative Studies. Depuis, Kowch a reçu de nombreux autres prix Best of Show dans diverses expositions avec jury de calibre régional, national et international, et a participé à plusieurs expositions individuelles et collectives dans des
musées et galeries, notamment la RJD Gallery de New York, le Muskegon Museum of Art, où sa rétrospective solo “Dream Fields” a débuté en 2013, le Museum of Contemporary Art (MOCA) de Jacksonville, le Grand Rapids Art Museum, ArtPrize, Art Basel Miami, le Los Angeles Art Show, ArtHamptons, et SCOPE NYC, qui, en 2012, a désigné Kowch comme l’un des 100 meilleurs artistes émergents au monde. Elle a également fait l’objet d’articles et de couvertures dans plusieurs publications nationales et internationales, notamment Spectrum, Direct Art, American Art Collector, CMYK, Revue, Womankind (AU), .Cent Magazine (UK), Hestitika (ITA), Hi-Fructose et le concours annuel de Southwest Art, dont les gagnants sont mis en vedette dans leur numéro consacré aux artistes émergents. Les œuvres de Kowch se trouvent dans des collections publiques, dont le Muskegon Museum of Art, le Grand Rapids Art Museum, la Northbrook Library, Northbrook, Illinois, et la Brooklyn Art Library, Brooklyn, New York, ainsi que dans de nombreuses collections privées importantes dans le monde entier. Kowch réside et travaille dans le Michigan, où elle peint à plein temps, et est professeur adjoint au College for Creative Studies. Elle est représentée exclusivement par RJD Gallery à New York. http://www.andreakowch.com/ PALAZZI 30 VENEZIA
Photo beauxarts.com
’eau est le protagoniste du court-métrage “A teatro si respira la vita” réalisé par Livermore&Cucco sur un sujet de Davide Livermore, Paolo Gep Cucco et Sax Nicosia. La vidéo, produite en collaboration avec le Teatro Nazionale di Genova et réalisée avec le soutien du ministère de la Culture, d’Agis et de l’Istituto Luce Cinecittà, fera partie d’une campagne de communication institutionnelle visant à promouvoir le retour en toute sécurité du public au théâtre. L’élément fluide dans lequel sont immergés les acteurs et actrices, les musiciens, les chefs d’orchestre, les danseurs et les techniciens de scène ralentit leurs mouvements, limite leurs sens, perturbe leurs vêtements et leurs coiffures, suspend leurs corps dans un moment infini, mais ne peut qu’étouffer le son du spectacle. Les voix et les notes ne semblent pas être retenues par la diffusion différente du son dans l’eau, et viennent presque comme par magie éveiller nos sens. Un dialogue suspendu entre le public et les acteurs est maintenu en vie non seulement par le son, mais aussi par les regards intenses que nous recevons. Une lumière de scène illumine les abysses, un violoniste triture un caprice de Paganini, un Arlequin serviteur de deux maîtres effectue ses évolutions aquatiques, Titania et Bottom transformés en âne flottent emportés par leur amour, la Reine de la
voir la vidéo https://youtu.be/ 86sDCRXGR74
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Nuit chante son célèbre air dans une Flûte enchantée sous-marine, tandis qu’Agamemnon lutte en flottant contre ses fantômes. Et encore de la musique, avec Otello de Verdi, Norma de Bellini et la neuvième symphonie de Beethoven, tandis qu’une danseuse du Lac des cygnes cherche, suivie de toutes les autres, la surface. Et elle finit par reprendre son souffle, comme le monde du théâtre après dix-huit longs mois d’apnée symbolique, tel que décrit ici. La vidéo a été présentée dans le foyer de la Scala de Milan par le ministre de la culture, Dario Franceschini, ainsi que par le président d’Agis, Carlo Fontana, et le surintendant Dominique Meyer. Le clip est disponible dans la version complète de 4’05” et dans la version courte de 29”. La vidéo, produite par D-Wok, peut être vue sur cette page en format complet et en format court. La version courte sera diffusée sur les chaînes de la RAI et sur d’autres plateformes télévisées dans le cadre de la communication institutionnelle de la présidence du Conseil des ministres. Bureau de presse du MiC https://media.beniculturali.it/mibac/
Photo cafè de paris
ausmann, un réverbère dans le paysage et juste en face de l’hôtel Napoléon, de charmants bâtiments et un ancien cercle littéraire qui a vu passer Hemingway, Steinbeck, Dali... A quelques pas des Champs Elysées seulement, mais à l’écart de la foule, des vues Café de Paris Friedland, magiques, l’Arc de Triomphe, comme une carte postale. Tenu par la délicieuse Ludivine Cazoul et dirigé par la designer Sylvie Hakim, le bistrot s’ouvre d’abord sur une grande terrasse, élégante, au style rétro avec ses enseignes anciennes, ses tables en marbre avec impressions, et ses chaises en rotin. Sans oublier sa talentueuse directrice artistique, Florence Leoni, jeune et belle femme aux talents plus que nombreux dont le curriculum vitae nous impressionne tel un couteaux de l’armée suisse à cause de ses multiples
Bonne Année 2022
fonctionalitès qui vont de son role de Founder, à French Romance, sans oublier ses talents d’Écrivain, mais aussi d’Artiste, à Maison contemporain. La musique n’est pas en reste puisque Singer-song writer, à Museum Studio elle nous a éblouis avec ses interpretations des classiques et ses productions propres. Voire https://soundcloud.com/louve-musique Auparavant Auteur à Jungle Juice - Revue a aussi été Writer à Les cahiers européens de l’imaginaire. Avec la fondation et direction de la Galerie Florence Leoni, elle nous a permis de découvrir un nombre impressionant d’artistes qui furent d’ailleur amplement documentés par la série vidéos et aussi par la pubblication omonyme. Voir https://vimeo.com/search?q=florence%20leoni N’oublions pas le Theatre à Cours Cochet, puisque au paravant elle a étudié au Cours Florent. Sa programmation musicale est un des atouts de cet etablissement qui per ailleurs dans la partie restaurant rompt avec la tradition. Salles de confession, tables rondes et chaises rouges de la tête aux pieds, le Café de Paris Friedland reflète aussi le Paris d’aujourd’hui. A l’instar de la série du jeune photographe Vic, le français Vic s’est installé à New York et expose ici une vision décalée et poétique du bistrot moderne. On vient pour manger des œufs brouillés au petit-déjeuner, des côtes de bœuf, une salade César ou Le Cafè de Paris des frites de hamburger, pour partager, semble-t-il, un 45 Av. de Friedland, Magnum rosé, siroter des Mojitos, du champagne à la framboise ou apprendre à vaper des cocktails à la 75008 Paris James Bond ; l’essentiel ici est de gagner sa vie. Tél.:+33 1 45 63 76 28 L’accueil, le service souriant, le tablier noir discret et poétique du lieu sont la nouvelle adresrestaurant-lecafedeparis.com l’atmosphère se de l’élégant Triangle d’Or. PALAZZI 32 VENEZIA
Photo beka/lemoine Photo maxxi/casaballa
Ila Bêka & Louise Lemoine. La grotta del futuro Anteriore
CASA BALLA
our la première fois, l’extraordinaire maison futuriste de Rome dans laquelle Giacomo Balla a vécu et travaillé de 1929 à sa mort est ouverte au public. Pendant trente ans, Giacomo Balla (1871-1958) a transformé toute la maison familiale en une véritable œuvre d’art, un laboratoire d’expérimentation composé de murs peints, d’une myriade de meubles, d’objets d’ameublement, d’ustensiles décorés, de nombreuses peintures et sculptures, de vêtements conçus par lui et de nombreux autres objets qui, ensemble, ont créé un projet total unique et kaléidoscopique. Outre l’ouverture de la Maison romaine au public, le projet comprend une grande exposition thématique accueillie dans la spectaculaire Galerie 5 du MAXXI. Sont exposées ici de nouvelles œuvres conçues et réalisées pour l’occasion, qui réfléchissent aux nombreuses suggestions de Casa Balla, une œuvre d’art totale, mettant en évidence la profonde actualité de la pensée du maître aux multiples facettes. Des artistes et créatifs internationaux ont été invités à enquêter sur la Casa Balla - Ila Bêka & Louise Lemoine, Carlo Benvenuto, Alex Cecchetti, Jim Lambie, Emiliano Maggi, Leonardo Sonnoli, Space Popular et Cassina avec Patricia Urquiola - dont les productions rencontrent certains des prêts importants de Giacomo Balla dans l’espace de la galerie. Le projet est produit et réalisé par le MAXXI en collaboration avec la Soprintendenza Speciale di Roma Archeologia Belle Arti e Paesaggio, avec le soutien de la Direzione Generale Creatività Contemporanea du ministère de la Culture et la contribution de Banca d’Italia et des sponsors Laura Biagiotti, Mastercard et Cassina. https://www.maxxi.art/events/casa-balla/
casa d’artista
Casa Balla Via Oslavia, Roma da giovedì a domenica 10 h – 19 h visita guidata max 12 persone
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Les recherches cinématographiques d’Ila Bêka et Louise Lemoine (elles travaillent ensemble depuis 2005) interrogent l’architecture contemporaine dans sa dimension socio-anthropologique de lieu de vie et d’espace vécu. Vidéastes et cinéastes, Bêka et Lemoine réalisent des œuvres qui explorent l’ordinaire, le quotidien dans l’environnement bâti pour explorer l’aspect humain de l’architecture et de ses formes et construire de nouveaux récits de vie : les protagonistes de leurs histoires sont les bâtiments et ceux qui les habitent au quotidien. C’est donc l’expérience de l’habitat, passé et présent, qui est au cœur de l’intérêt du duo d’artistes architectes - dont la filmographie a été acquise en 2016 par le MoMA de New York - dans des œuvres comme Koolhaas Houselife (2008) se déroulant dans la Maison à Bordeaux, une maison conçue par Rem Koolhaas en 1998 et lue à travers les récits de la femme de chambre Guadalupe Acedo, The Infinite Happiness (2015)(suit page 34)
Photo carlo benvenuto
(suit de la page 33) centré sur le complexe résidentiel 8 House à Copenhague, construit par Bjarke Ingels et raconté par les personnes qui y vivent, ou encore Homo Urbanus (2017-2019), un exemple de cinéma d’observation dédié à l’espace public de diverses métropoles comme scène de nos sociétés urbaines sur la relation entre les espaces et les corps dans différentes villes du monde. La Casa Balla vue par Bêka et Lemoine est une découverte de ce qui était l’hortus conclusus de la famille Balla, un voyage dans une maison petite-bourgeoise qui était à la fois une maison, un atelier, un atelier, un salon culturel, une exploration pièce par pièce jusqu’au cœur de l’appartement. En se référant à des films tels que “Roma” de Federico Fellini et la découverte des fresques lors des fouilles du sous-sol ou “La caverne des rêves oubliés” de Werner Herzog sur la grotte Chauvet en Ardèche, à la Casa Balla les artistes se déplacent dans les espaces interstitiels, reconstruisant les pièces comme dans un puzzle composé de coins, d’objets, de meubles, de détails, de couleurs et de sons.
Carlo Benvenuto. Senza titolo
Carlo Benvenuto (1966) a choisi la photographie comme médium dès le départ. Il représente principalement des objets du quotidien à l’échelle 1:1 sur un fond neutre, créant ainsi une atmosphère d’attente raréfiée et délicate. Les natures mortes que l’artiste compose, dans sa maison et en utilisant ses affaires, ouvrent des dimensions visuelles aliénantes et métaphysiques, dans lesquelles une suspension de la réalité est clairement perçue, où l’habituel et le quotidien deviennent autre chose et où le temps suspendu crée l’espace de l’image. L’absence d’éléments environnants transforme les choses ordinaires en un mystère ; tout est enveloppé d’une lumière douce aux qualités picturales, grâce aussi à l’utilisation exclusive de la caméra. Avec une quête qui frôle la perfection, la forme, la composition et la relation entre les objets sont au centre du regard de l’artiste, ainsi qu’un équilibre de la lumière et de la couleur qui rend la plus simple PALAZZI 34 VENEZIA
de ses compositions irréelle et absolue. Dans le corpus d’œuvres que Benvenuto réalise pour la Casa Balla, le numéro du Figaro qui, en 1909, accueille le Manifeste du Futurisme de Filippo Tommaso Marinetti devient “une nature morte classique qui cite le retour à l’ordre de l’avant-garde, un peu de Severini post-cubiste, un peu de réalisme magique” ; le papier d’aluminium, matériau déjà présent dans l’atelier de Giacomo Balla, est “une zone de lumière dans laquelle apparaît une nature morte lunaire [...] et le citron est comme un citron, un peu de citron, un peu de citron”. ] et le citron est comme une planète jaune, immobile dans le cosmos minimal du plan en aluminium” ; le plastique rouge-orange des lunettes est “le futur imaginé, indestructible, incassable. Les verres sont empilables, peu encombrants, industriels, légers...” ; une nappe de sol rappelle une sculpture toute faite de la mémoire duchampienne ; une table de jeu au goût oriental affichée deux fois crée un décalage, “un effet de mouvement, de dessin technique à partir d’un mode d’emploi vintage”. Ici, la feuille de verre devient une aile qui rend la composition plus dynamique et métaphysique”.
Dans le cadre de ses activités de promotion de la culture, d’exploration des thèmes de l’habitat et de valorisation des auteurs de sa collection, Cassina a conçu La Table Communale, dessinée par Patricia Urquiola, pour célébrer l’œuvre de Giacomo Balla. Dans ses recherches sur les espaces et les objets, Patricia Urquiola (1961), directrice artistique de Cassina depuis 2015, étudie le concept d’hospitalité autour duquel s’articule sa vision humaniste de l’architecture et du design. Le processus créatif d’Urquiola est mené en dialogue étroit avec le client et repose sur une relation forte avec le lieu, l’espace et les personnes qui l’habitent, ce qui permet d’étudier des questions actuelles et urgentes telles que la durabilité environnementale, le sens du temps et l’héritage de l’histoire. C’est précisément de l’échange humain et sorquiola, la sensibilité artisanale de l’homo faber, la tradition de la fabrication et celle du lieu dialoguent avec la recherche de matériaux et l’expérimentat-
narrations de la réalité. Le jeu, l’imagination et la possibilité de donner vie à l’impensable sont les moyens par lesquels l’artiste explore le monde et ses relations. L’action performative est ressentie comme un moment où la forme et le processus se manifestent dans leur relation réciproque et inattendue. Intéressé par les ruptures de sens et proche d’une idée de l’art comme espace d’inclusion et de partage, Cecchetti crée des lieux de créativité interconnectés. C’est ce qui se passe dans “Come la luna si vede a volte in pieno giorno” (Comment la lune est parfois vue en plein jour), un projet conçu et présenté en 2020 au SEMA - Seoul Museum of Art et au Bâtiment d’Art Contemporain de Genève, qui se concrétise à cette occasion comme une création de l’esprit de la danse qui voit dans l’œuvre d’art totale la fusion du corps, de l’esprit, du théâtre, de la sculpture, de la mode, Alex Cecchetti. Come la luna si de la danse, de la muvede a volte in pieno giorno sique et de l’artisanat. Artiste, poète et N’appelez pas cela des chorégraphe, la prati- performances, dit l’arque d’Alex Cecchetti tiste, les miennes sont (1977) est multimédia des enchantements. et mêle performance, Les spectateurs sont danse, sculpture, vi- invités à prendre leur déo, dessin et poés- place au centre de la ie pour construire de vision, à devenir des nouvelles visions et visionnaires. PALAZZI 35 VENEZIA Photo Alex Cecchetti
Photo cassina/urquiola
Cassina con Patricia Urquiola. The Communal Table
ion. Dans une rencontre entre design, technologie et sensibilité humaniste, la Table Communale conçue par Urquiola et produite par Cassina pour Casa Balla se veut un lieu de partage et d’échange entre les personnes et les arts, proche de la pensée de Balla et du futurisme en général. La Table Communale est composée d’éléments modulaires constitués de plans symétriques emboîtés à la Balla. Comme dans ses Compenetrazioni iridescenti des années 1910 - les recherches analytiques de l’artiste sur la couleur - la couleur et les transparences sont les protagonistes de la table : un objet qui démontre que la poétique artisanale de Balla est non seulement actuelle, mais aussi traduisible avec les techniques et les matériaux d’aujourd’hui et de demain.
Pour ce faire, vous avez besoin d’un enchantement. C’est mon métier, je suis un enchanteur”. Les enregistrements de la NASA sur les planètes de notre système solaire, les danses de derviches de la tradition soufie qui atteignent l’extase mystique, le champignon Trametes versicolor comme régénérateur de vie : Ce sont quelques-uns des éléments et des suggestions de l’œuvre “Come la luna si vede a volte in pieno giorno”, dans laquelle on peut également lire l’intérêt de Balla et de Cecchetti pour une dimension mystique et ésotérique du monde et qui réunit la musique et la danse dans un seul espace-temps où le public est invité à entrer et à devenir lui-même des œuvres d’art. Un chœur chante a cappella les sons du cosmos, en interprétant une pièce composée par Cecchetti avec le compositeur new-yorkais Brian Shank; le public danse en portant des jupes de derviches sur lesquelles l’artiste a peint les formes hypnotiques du champignon ; dans l’œuvre d’art se déroule un processus transformateur de création et de régénération : “A quoi sert de connaître l’univers quand on est l’univers”.(suit page 36)
Les grandes interventions in situ de Jim Lambie (1964) réinterprètent l’espace par des interactions et interpénétrations kaléidoscopiques entre formes géométriques et couleurs vives. Dans ses environnements, l’artiste incorpore des éléments de la culture pop et de la musique (Lambie est également musicien et DJ), empruntant des objets de la vie quotidienne : chaises, vêtements, portes, affiches, le tout dans le cadre d’une recherche approfondie sur l’esthétique du contemporain. Grâce à une imagerie ludique et imaginative, Lambie étudie la psychologie de l’espace. L’artiste travaille sur le sol avec des motifs qui ont un fort impact visuel, altérant les lieux et tout ce qu’ils contiennent et ouvrant des visions psychédéliques et émotionnelles, allant jusqu’à bouleverser notre perception de la réalité. Dans les lignes tracées
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Photo emilianomaggi
Photo Robert Apa
Jim Lambie. The Strokes (Surround Sound)
au sol avec du ruban adhésif en vinyle, un geste artisanal aux qualités synesthésiques et cinétiques qui met en évidence “comment faire disparaître le côté dur des choses et s’ouvrir au paysage de l’onirisme”, Lambie révèle les idiosyncrasies intrinsèques à l’architecture des espaces. The Strokes (Surround Sound), dont le titre est un hommage au groupe de rock indie new-yorkais des années 1990 mais aussi aux coups de pinceau de la couleur sur la toile, est une installation conçue par Lambie spécifiquement pour les ascenseurs du MAXXI qui mènent du hall d’entrée à la Galerie 5 : des espaces de passage, comme les nombreux dans lesquels l’artiste est déjà intervenu. Les lignes courbes en vinyle noir et blanc qui recouvrent les surfaces des deux cabines créent une désorientation visuelle et sensorielle qui, comme dans le couloir de Via Oslavia, transforme un espace de service en une œuvre d’art totale et omniprésente. À l’instar de la Casa Balla, les environnements de Lambie sont déconstructifs et immersifs, offrant au visiteur une nouvelle expérience spatio-temporelle.
Emiliano Maggi. Notturni
L’œuvre d’Emiliano Maggi (1977) est kaléidoscopique et alimentée par un fort symbolisme, des références mythologiques et des visions imaginatives. Ses œuvres font de nombreuses références à l’iconographie populaire et à la nature ancestrale, que l’artiste explore à travers une recherche qui entremêle différents langages, comme la performance, la sculpture, la peinture, l’expérimentation sonore et l’art des textiles et de l’orfèvrerie. Le corps de l’artiste, en particulier, se transforme en un territoire d’expérimentation de visions infinies de soi qui se manifestent dans la mutabilité des vêtements et des masques. La céramique est un élément central de la recherche plastique avec laquelle l’artiste crée de nouveaux paysages de l’esprit, immersifs et intemporels. Pour la Casa Balla, Maggi a créé trois sculptures en bois, bronze, céramique et miroir, chacune intitulée Notturno (Nuit), comme l’ensemble des œuvres de Luce Balla. Les Notturni évoquent les célèbres paravents
Photo leonardosonnoli
Leonardo Sonnoli. Lettere a Balla
Pendant des années, les recherches de Leonardo Sonnoli (1962) se sont concentrées sur l’écrit, sur l’écriture manuscrite qui se formalise dans la typographie, sur le lettrage. Dans ses projets, Sonnoli conçoit un alphabet visuel à la frontière entre la lisibilité de ce qui est écrit et la création d’un nouveau langage graphique. L’idée de l’alphabet compris comme une forme est au cœur de ses productions, qui ont vu la collaboration de nombreuses institutions internationales telles que le Château de Versailles pour le graphisme environnemental des espaces de réception, la Biennale d’art de Venise en 2003 pour l’identité visuelle de l’exposition internationale Sogni e Conflitti. La Dictature du Spectateur et Palazzo Grassi pour la communication de ses activités. Les éléments alphabétiques de Sonnoli s’interpénètrent dans des compositions spatiales, entre surface bidimensionnelle et espace tridimensionnel. Pour ce projet, Sonnoli a PALAZZI 37 VENEZIA
choisi cinq mots et concepts chers à la pensée de Balla : non vedere doppio, non dirlo, tik tak, universo et lettura modificante (lecture modificatrice). Dans l’intervention de Sonnoli, ces mots deviennent des graphèmes ouverts à de nouvelles significations et interprétations et qui, comme dans les œuvres du maître turinois, “approfondissent et problématisent la dynamique structurelle des processus communicatifs “1. Les textes réécrits par Sonnoli deviennent ainsi des présences physiques, les caractères acquièrent une troisième dimension et, grâce aux technologies numériques (gifs, etc.), conquièrent le mouvement, comme cela se produit dans l’identité visuelle conçue par Sonnoli lui-même pour l’ensemble du projet Casa Balla.
Photo spacepopular
de Giacomo Balla, dont ceux conçus pour la maison de la Via Oslavia, des objets d’ameublement artisanaux et des œuvres d’art. Les paravents de Maggi évoquent le thème ancestral des rêves et renferment le monde de la nuit et du sommeil, le domaine de l’imaginaire et de la fantaisie, thèmes centraux de toute l’œuvre de l’artiste. Sa sculpture en céramique Autoritratto all’alba (Autoportrait à l’aube) (2021) est également onirique, tout comme l’Autoportrait nocturne de Balla de 1909 et le miroir du paravant, dans l’expérience déformante duquel le visiteur se trouve plongé en observant les Nocturnes. Les couleurs choisies pour le bois, le bleu profond d’une nuit sans étoiles et le bleu intense de l’aube, sont des nuances de ciel nocturne semblables à celles que Balla a réalisées au début du siècle dernier lorsque, de sa maison de Parioli, il a vu Les Tours du Musée Borghèse illuminées par la pleine lune (1905). La couleur et la lumière, éléments centraux des recherches du maître futuriste, fascinent également Maggi : la lumière n’est pas seulement “fonctionnelle”, comme l’écrivait Maurizio Fagiolo dell’Arco pour Balla, mais c’est aussi une lumière “dont le but est l’émerveillement”.
Space Popular. Camera Balla
Le travail de Space Popular, un studio de design et d’architecture fondé par Lara Lesmes et Fredrik Hellberg en 2013, chevauche la ligne entre l’espace réel et l’espace virtuel, l’un étant constamment intégré à l’autre. (suit page 38)
(suit de la page 37) Leur expérimentation permanente de la technologie traduit des styles et des modèles visuels dans chaque domaine de recherche, dans un flux éclectique qui passe du physique au numérique, créant des univers mixtes comme lieux d’interaction et de partage. Space Popular étudie l’architecture du réel, en collaborant avec des entreprises pour concevoir des bâtiments, des meubles et des intérieurs, et l’architecture du virtuel, en imaginant de nouveaux espaces expérientiels à l’occasion d’invitations à des expositions, festivals et biennales internationaux. Space Popular’s est une exploration fluide et complète de l’Internet immersif (également connu sous le nom de Metaverse) qui dialogue de manière futuriste avec l’ensemble de l’œuvre de Giacomo Balla : avec ses expériences sur le dynamisme et la simultanéité des espaces et des événements, son intérêt pour le populaire, son utilisation de la décoration et de la couleur, et son imagination futuriste dans la création de nouveaux mondes. Basé sur la pratique du jeu, Space Popular crée des expériences spatiales interactives qui “explosent dans toute
leur richesse et leur variété”. Camera Balla est à la fois une œuvre d’art virtuelle et un film. Le titre fait référence aux pièces de la via Oslavia, que Balla a conçues pour y vivre et y stocker des œuvres d’art, mais aussi à l’appareil photo en tant qu’instrument de documentation d’informations visuelles bidimensionnelles : avec Camera Balla, le visiteur entreprend un voyage virtuel à l’intérieur de la Maison, où le regard de la photographie sténoscopique, que Balla utilisait pour étudier le mouvement, crée un paysage visuel composé de pièces sphériques et de planètes en devenir. La Casa Balla de la nouvelle œuvre de Space Popular est un espace à découvrir de manière voyeuriste avec d’autres visiteurs, un lieu où l’expérience collective du cosmos de Balla est multipliée. Il progetto è prodotto e realizzato dal MAXXI in collaborazione con la Soprintendenza Speciale di Roma Archeologia Belle Arti e Paesaggio, con il supporto della Direzione Generale Creatività Contemporanea del Ministero della Cultura e il contributo di Banca d’Italia e degli sponsor Laura Biagiotti, Mastercard e Cassina. Voir le vidéo https://youtu.be/lNPnvAE3ino https://www.maxxi.art/events/casa-balla/ PALAZZI 38 VENEZIA
GIACOMO BALLA
iacomo Balla (Torino, 18 luglio 1871 – Roma, 1º marzo 1958) è stato un pittore, scultore, scenografo e autore di “paroliberi” italiano. Fu un esponente di spicco del Futurismo firmando assieme agli altri futuristi italiani i manifesti che ne sancivano gli aspetti teorici. Balla nasce da Lucia Giannotti, sarta, e da Giovanni, chimico industriale, appassionato fotografo dilettante. Figlio unico, resta orfano di padre a nove anni; deve la sua ascesa sociale alla determinazione della madre che investe tutti i propri guadagni nell’educazione del figlio. Fin da adolescente mostra interesse per l’arte: inizia a studiare il violino, ma abbandona presto la musica per dedicarsi alla pittura e al disegno. Dopo gli studi superiori si iscrive all’Accademia Albertina, dove studia prospettiva, anatomia e composizione geometrica, sotto l’insegnamento di Giacomo Grosso. A seguire frequenta le lezioni di psichiatria e di antropologia criminale di Cesare Lombroso. Come il padre, si appassiona alla fotografia e frequenta lo studio del pittore e fotografo Oreste Bertieri. Nel 1891 esordisce come pittore presso la Società promotrice di Belle Arti di Torino, ambiente frequentato dall’aristocrazia e dall’alta borghesia torinese; in questo contesto conosce Edmondo De Amicis e Pellizza da Volpedo. Nel 1895 lascia Torino per stabilirsi con la madre a Roma dove rimarrà tutta la vita.
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Qui si avvicina alla nuova tecnica divisionista, diventandone promotore e trovando subito un buon seguito di allievi (tra loro Boccioni, Severini, Sironi). Nel 1904 in Campidoglio sposa Elisa Marcucci, anche lei sarta, conosciuta grazie all’amico Duilio Cambellotti. Dal matrimonio nascono due figlie, Luce Balla (Lucia) (1904-1994) ed Elica Balla (1914-1992), (entrambe diverranno artiste futuriste). Nel 1903 espone alla V Biennale di Venezia; è la prima di numerose successive partecipazioni postume. La sua attività creativa è molto intensa nei primi anni dieci, ispirata dallo stile divisionista, ma a partire dal 1911 esprime nuovi interessi stilistici, entra in una nuova fase di ricerca pittorica tesa a rappresentare il dinamismo, il movimento; traccia su foglio o su tela linee di auto in corsa e altre figure in movimento. Negli anni della prima guerra mondiale persegue l’idea di un’arte totale, definita Arte-azione futurista. Specialmente dopo il 1916, alla morte di Boccioni (a cui nel 1925 dedicherà l’opera Il pugno di Boccioni Foto), è il protagonista indiscusso del movimento. Totalmente convertito al futurismo, vende tutte le proprie opere figurative all’asta e inizia a firmare le successive con lo pseudonimo FuturBalla. (suit page 40)
(suit de la page 39) Nel 1914 firma il manifesto futurista Le vêtement masculin futuriste a cui segue qualche mese dopo l’edizione italiana intitolata “Il vestito antineutrale”, pubblicazione corredata con figurini e modelli. È un invito ad adottare l’estetica futurista attraverso l’abbigliamento; teorizza e propone di sostituire il vecchio, cupo e soffocante abbigliamento maschile con uno più dinamico, più audace e variopinto, asimmetrico, che rompa con la tradizione e si adegui al concetto futurista di modernità e progresso; un abito che inoltre faccia riferimento alla guerra e renda l’uomo più aggressivo e festoso. Sempre inseguendo l’estetica futurista, trasforma la propria abitazione decorando pareti e mobili in un tripudio di forme dai colori smaglianti. Ancora nel 1914 realizza i fiori futuristi nel giardino di Casa Cuseni a Taormina; qui, insieme a Depero, è autore anche di molte decorazioni murali. Nel 1915, ancora con Depero, firma il manifesto Ricostruzione futurista dell’Universo dove teorizza come il dinamismo pittorico e il dinamismo plastico ben si collegano alle parole in libertà e all’arte dei rumori: «Noi futuristi, Balla e Depero, vogliamo realizzare questa fusione totale per ricostruire l’universo rallegrandolo, cioè ricreandolo integralmente»
Inizia a lavorare sull’onomatopea, a comporre tavole parolibere e a progettare scenografie mettendo in evidenza i collegamenti tra l’immagine e la dimensione fonetico-rumorista. Dal manifesto scaturiscono le idee del “giocattolo futurista”, del “paesaggio artificiale”, dell’”animale metallico”, del “vestito trasformabile”, del “concerto plastico-motorumorista nello spazio”, della “réclame fono-monoplastica”. Nel 1917 progetta le scene per “Feu d’artifice”, balletto senza danzatori che va in scena al Teatro Costanzi di Roma, prodotto da i Ballets Russes di Diaghilev, con musiche di Igor’ Fëdorovič Stravinskij. Nello stesso periodo crea arredi, mobili, suppellettili e partecipa alle sequenze del film “Vita futurista” (1916), presenziando con Marinetti alle riprese. Nell’ottobre del 1918 pubblica il Manifesto del colore, un’analisi del ruolo del colore nella pittura d’avanguardia. Nel 1921 dipinge le pareti del Bal Tic Tac, locale di cabaret romano dove si suona Jazz; ambiente alla moda per tutti gli anni venti, poi decaduto e chiuso, è stato recentemente riscoperto durante la ristrutturazione di una palazzina sede della Banca d’Italia. Nell’ambito della sua adesione al futurismo, che Balla porta avanti senza sosta, nel 1926 scolpisce una statuetta raffigurante Mussolini, con alla base la scritta: “Sono venuto a dare un governo all’Italia”. L’opera sarà consegnata direttamente al duce. Negli anni trenta diventa l’artista del fascismo per eccelPALAZZI 40 VENEZIA
PIETRO ROMBULO L’EXPLORATEUR OUBLIE’
lenza, apprezzatissimo dalla critica. Tra 1932 e 1935 realizza Marcia su Roma, dipinto realizzato sul retro di un’altra tela, “Velocità astratta” del 1913; l’opera mostra un richiamo a “Il quarto stato” di Pellizza da Volpedo. In tarda età farà ritorno al figurativismo. Nel 1937 scrive una lettera al giornale Perseo: quindicinale di vita italiana con la quale si dichiara ormai estraneo alle attività futuriste: «Avevo dedicato con fede sincera tutte le mie energie alle ricerche rinnovatrici, ma a un certo punto mi sono trovato insieme a individui opportunisti e arrivisti dalle tendenze più affaristiche che artistiche; e nella convinzione che l’arte pura è nell’assoluto realismo, senza il quale si cade in forme decorative ornamentali, perciò ho ripreso la mia arte di prima: interpretazione della realtà nuda e sana» Da questo momento Balla viene accantonato dalla cultura ufficiale, sino alla rivalutazione delle sue opere, e di quelle futuriste in genere, avvenuta nel dopoguerra. Nel 1949 alcune sue opere, tra cui il famoso dipinto “Dinamismo di un cane al guinzaglio” del 1912, vengono esposte al MoMa alla mostra: Twentieth-Century Italian Art. Muore a Roma il 1º marzo 1958 all’età di 86 anni. Viene sepolto al Cimitero del Verano. Nel 1959 due sue opere (Ragazza con il cerchio e Colpo di fucile) sono esposte alla mostra 50 anni d’arte a Milano. Dal divisionismo ad oggi, organizzata dalla Permanente
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ietro Rombulo, le plus grand navigateur italien de tous les temps, a exploré entre 1416 et 1448 toute l’Asie jusqu’à la Chine, et toute l’Afrique jusqu’à l’archipel des Comores et au-delà. Il a été effacé des livres d’histoire italiens parce que sa renommée, ses voyages et ses conquêtes ont occulté la mémoire de tous les autres, de Marco Polo à Christophe Colomb, de Giovanni Caboto à Amerigo Vespucci. Car se souvenir d’un terrone aurait exalté ses compatriotes de son époque à nos jours. Et comme tout le sud est une colonie italienne, il ne faut pas exalter les figures positives qui pourraient montrer ces terres sous un jour différent aux Italiens. Le théorème des méridionaux qui se proclament esclaves de l’Italie semble aux yeux de beaucoup une plaisanterie, une excuse car l’Italie reste la mère de tous ses enfants. La nation se souvient de ses grands hommes, tirant d’eux et de leur contribution à l’histoire de l’humanité, une fierté à montrer aux générations futures. Cacher l’excellence de son sud n’est pas l’affaire de quelques malfaiteurs, de fous à ligoter, d’exaltés. Rombulo représente, comme en mathématiques, l’épreuve décisive. (suit page 42)
Photo wikipedia
Ses panneaux sont la preuve que les soi-disant Terroni ne sont pas des tricheurs. Cacher ses mémoires aux Italiens représente la preuve avérée que nous sommes des esclaves dans notre propre maison. “C’était un Italien, Pietro Rombulo, qui séjourna dans la corne de l’Afrique jusqu’en 1444. En 1427, le roi Yeshaq le dépêcha auprès du roi Alphonse V d’Aragon pour obtenir son aide”. Jean-michel Sallman, Medieval Ethiopian Kingship, Craft, and Diplomacy with Latin Europe. ietro Rombulo est né à Messine, probablement en 1385, dans une famille de marchands. Il n’y a aucune information sur ses parents. En 1400, il part pour l’Espagne et la Provence, d’où il retourne en Italie pour visiter les villes les plus importantes et décide, en 1403, d’em-
barquer à Venise sur un navire de guerre à destination de Tunis. Il rejoint un marchand génois sur un cargo et se rend en Égypte, vivant pendant trois ans à Alexandrie et un an au Caire. Après la mort du marchand, qui lui légua deux mille pièces d’or, il décida de retourner en Sicile mais, averti par certains Italiens que les Sarrasins voulaient le tuer, il se laissa convaincre en 1407 de se rendre en Éthiopie, alors gouvernée par un roi chrétien, où il épousa une noble et riche Éthiopienne, dont il eut huit enfants à la peau claire (bien que leur mère fût noire) qu’il éduqua dans la religion catholique, leur apprenant l’italien. Protégé et respecté par les dignitaires de la cour et par les monarques éthiopiens, qui ont souvent eu recours à ses conseils pour l’administration de leur royaume, il a pu, au cours des trente-sept années qu’il a vécues en Éthiopie, visiter presque tout le territoire, allant même jusqu’à Madagascar par la mer. En 1444, l’empereur Zara Yaqub (1434-50) l’envoie comme ambassadeur à Catai, dans les régions de Palibotri et de Gangaridi en Inde et dans l’île de Ceylan pour acheter des pierres précieuses. Selon son récit (Trasselli, 1941), Rombulo partit de Dire (aujourd’hui Raheita) avec deux cents compagnons et atteignit après trente jours l’embouchure du golfe Persique puis Armuza, où il resta dix jours. Après dix autres jours de navigation, il atteint le port de Cyrae, en Carmanie, où la population s’habille de peaux de poisson et ne mange que de la viande de tortue : la langue parlée est un mélange d’indien, d’arabe et de persan et il y a beaucoup de chrétiens de rite nestorien. Après deux jours, il affale ses voiles et atteint l’embouchure du fleuve Arbi, en Gedrosia, en vingt jours, PALAZZI 42 VENEZIA
Photo historiaregni
et après un nouveau séjour de quatre jours, il atteint l’embouchure de l’Indus en douze autres jours, ayant perdu trente hommes de maladie pendant tout le voyage. Ayant accompli la mission pour laquelle il avait été mandaté, il retourna en Éthiopie par voie terrestre en 1448, après avoir visité la Chine et une grande partie de l’Inde. Il traversa l’Indus et atteignit Arbi en vingt jours, en passant par la Gedrosia, voyageant de nuit à cause de la chaleur et de la sécheresse. Après dix-huit jours supplémentaires, au cours desquels il a perdu son fils John, âgé de 23 ans, à cause de la maladie, il a atteint Armira en Carmanie. Après avoir attendu vingt-trois jours un vent favorable, il traverse le golfe Persique et débarque en “Arabie heureuse”, au pays des Ichthyophages. En un peu plus de vingt-cinq jours, il atteint d’abord Saba puis Palidrome, nom classique du promontoire occidental de l’Arabie sur le détroit de Bab el-Mandeb, d’où il retourne à Dire, au pays des Troglodytes, avec cinquante compagnons et une cargaison de pierres précieuses d’une valeur d’un million et demi de pièces non spécifiées. La même année, il est placé à la tête, par le roi éthiopien Zara Yaqub, d’une ambassade (composée également de Michel, moine de Sainte-Marie de Gualbert dans le désert égyptien, et du “Maure” Abou Omar al-Zendi) envoyée au pape Nicolas V, probablement pour lui demander de l’aide contre les musulmans et PALAZZI 43 VENEZIA
pour négocier l’union de l’Église éthiopienne avec l’Église romaine. Il n’existe cependant aucune trace de cette expédition, mais on sait que les trois ambassadeurs ont pu assister à la canonisation de Bernardin de Sienne dans la basilique Saint-Pierre avant de rejoindre Alphonse d’Aragon, roi de Naples, à qui ils ont apporté de belles perles de la taille d’une noisette en cadeau du roi d’Éthiopie. À cette occasion, ils rencontrèrent également Pietro Ranzano, un frère dominicain de grande culture, qui eut l’occasion de voir et de lire un livre offert au roi et à sa cour par Rombulo, contenant une myriade d’informations sur les peuples qu’il avait rencontrés au cours de ses voyages en Égypte, en Inde et en Éthiopie, que Ranzano, en leur racontant toutes les vieilles légendes sur la pittoresque teratologie et les pays d’or et de merveilles situés au bout du monde, aurait été largement reproduit dans plusieurs chapitres du huitième livre de ses Annales omnium temporum, écrites entre 1450 et 1480, une imposante source historico-géographique en sept volumes de près de 3500 feuillets, jamais achevée, qui fait partie de l’encyclopédisme didactique dominicain et est conservée à la Bibliothèque publique de Palerme en état de mutilation.(suit page 44)
Photo nadinefraczkowski
(suit de la page 43) Compte tenu de son long séjour dans ce territoire, les informations de Rombulo sur l’Éthiopie sont plus précises : elle est présentée comme un empire composé de douze royaumes, dont la structure sociale extrêmement hiérarchisée était dominée par des princes, des prêtres et des marchands, qui utilisaient la langue chaldéenne : les chrétiens étaient baptisés à l’eau et marqués au fer chaud pour les distinguer des infidèles. les habitants vivaient dans des grottes ou sous des tentes en cuir. L’armée de l’empereur était puissante, notamment sa cavalerie et une troupe de six mille éléphants. Le livre de Rombulo, qui énumère les richesses minérales du pays et l’abondance du coton, indiquait aussi en détail plusieurs itinéraires que pouvaient emprunter ceux qui voulaient se rendre en Éthiopie depuis Alexandrie ou Jérusalem, et contenait également des informations utiles pour la reconstitution de la biographie de son auteur, dont Ranzano se souvient et qu’il décrit comme “un homme dont la peau était brunâtre, comme celle des Égyptiens, mais qui ne montrait rien d’éthiopien”. Son visage était celui d’une personne civilisée et sérieuse, sa barbe était longue, son corps grand, ses vêtements décents et
très semblables à la toge italienne” (cité dans Trasselli, 1941, p. 175). Rombulo retourne en Éthiopie en 1450 avec quelques artisans sollicités par l’empereur, à qui Alphonse d’Aragon demande de placer des garnisons aux portes de l’Égypte et de se préparer à l’aider dans une expédition qu’il prépare contre les infidèles. Depuis lors, on est sans nouvelles de Rombulo et la date et le lieu de sa mort sont inconnus.
Sources et Bibl. : Palerme, Biblioteca comunale, Mss. 3QC55 : P. Ranzano, Annales omnium temporum ; F. Cerone, La politica orientale di Alfonso di Aragona, in Archivio storico per le province napoletane, XXVII (1902), pp. 3-93 (en particulier pp. 64 ss.), 380-456, 555-634, 774-852 ; ibid, XXVIII (1903), pp. 154-212 (il contient également le texte de deux lettres de la Chancellerie aragonaise concernant la charge d’ambassadeur de Pietro Rombulo, parues sous le même titre dans un volume séparé, Naples 1903) ; C. Trasselli, Un italiano in Etiopia nel XV secolo : P. R. da Messina, in Rassegna di studi etiopici, I-II (1941), pp. 173-202 ; M. De Witte, o.s.b., Une ambassade éthiopienne à Rome en 1450, in Orientalia Christiana Periodica, XXII (1956), pp. 286-298 (sur la base de documents des archives du Vatican, dans lesquels il est fait explicitement référence à R.) ; A. Barilaro, Pietro Ranzano vescovo di Lucera humanista domenicano di Palermo, in Memorie domenicane, n.s., VIII-IX (1977-1978), pp. 1-197 ; M. Mollat, Les explorateurs de XIIIe au XVIe siècle. Premiers regards sur des mondes nouveaux, Paris 1984, pp. 42-44 ; B. Figliuolo, Europa, Oriente, Mediterraneo nell’opera dell’umanista palermitano Pietro Ranzano, in Europa e Mediterraneo tra medioevo e prima età moderna : l’osservatorio italiano, édité par S. Gensini, San Miniato 1992, pp. 315352 ; C. Marinescu, La politique orientale d’Alfonse V d’Aragon, roi de Naples, Barcelona 1994, pp. 198-200 ; B. Figliuolo, La cultura a Napoli nel secondo Quattrocento. Ritratti di protagonisti, Udine 1997, ad ind ; Id., Ranzano Pietro, in Dizionario biografico degli Italiani, LXXXVI, Rome 2016, pp. 472-475 ; M. Salvadore, The African prester John and the birth of Ethiopian-European relations, 1402-1555, Londres 2016, ad indicem.
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Photo pinacotecanazionalebologna
l s’agit vraiment d’un tableau très peu connu d’un peintre tout aussi peu connu. Mais pour ceux qui ont la patience de me suivre, je vais vous dire à quel point je trouve ce tableau exceptionnel. Pour mon mémoire de fin d’études, je suis tombé sur l’atelier d’Antonio Muzzi, un peintre qui avait un profond bagage académique d’études et de références précieuses, donc pas un peintre non initié ou improvisé. Il connaissait les techniques de la peinture, de la gravure et de la fresque et, au cours de sa carrière, il a produit de nombreuses œuvres, dont certaines étaient très fines. Mais vous comprendrez que lorsque j’ai vu ce tableau, j’ai été très surpris par son audace. Le titre est : “Femme allongée nue”. Jusqu’ici tout est normal, mais ensuite l’inscription manuscrite suivante est apparue sur le tableau : “peint la nuit 1843. Modèle Rita Lolli”. Entre-temps, nous voyons comment Rita Lolli était un beau modèle. Puis la spécification qu’il a été peint la nuit. À l’époque, les modèles ne jouissaient pas d’une considération morale particulière, et si l’on ajoute que nous sommes à Bologne, la deuxième ville la plus importante du royaume pontifical, et que l’artiste a voulu souligner que le portrait a été peint la nuit, lorsque les femmes moroses étaient censées être à la maison, on comprend le message explicite que l’artiste a vou-
ANTONIO MUZZI 1815 1894 BOLOGNE
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lu transmettre et le défi qu’il a posé. Mais la surprise ultime vient de la date d’exécution : 1843. Nous étions encore à cinq ans des révoltes indépendantistes de 1848 qui ont secoué l’Europe entière et aussi Bologne, une ville impatiente du contrôle et de la domination totalitaire de l’Église. Une Église qui, dans la ville et en Romagne, en particulier, a souvent montré son visage le plus dur et le plus réactionnaire. Dans ce contexte, Muzzi a décidé de peindre une femme nue avec des poils pubiens visibles : un détail sans précédent pour l’époque. Il suffit de dire que la première exposition de Modigliani a été fermée par un policier zélé parce que des poils pubiens étaient visibles dans ses tableaux de femmes nues allongées, mais nous sommes à Paris, à la Ville Lumière et non à Bologne, et qui plus est en 1917. Un nu de femme beaucoup, beaucoup plus modeste que celui-ci, l’Olympia de Manet, dans lequel le modèle se couvre de sa main, a provoqué un grand scandale et un tollé dans tout Paris et dans le monde de l’art en général. Cela s’est passé en 1865, c’est-à-dire vingt-deux ans après le tableau de Muzzi. Ne pensez pas qu’un tel ouvrage (suit page 44)
Antonio Muzzi (18151894) Nu féminin, Rita Lolli, 1843, huile sur toile, 39 x 52 cm. Dépôt à la Pinacoteca Nazionale, Bologne. https://www.facebook. com/groups/aspassonellarte
Photo palomakuns
(suit de la page 43) n’était pas connu des autorités papales. Les autorités papales disposaient d’un appareil de contrôle, de police et de renseignement efficace et étendu. D’ailleurs, aucun peintre n’est à l’abri de la tentation de montrer son travail tôt ou tard. Enfin, Muzzi occupait une position publique, c’est-à-dire qu’il était un universitaire de 1841 à 1848, et donc facilement exposé à des représailles. Il n’a certainement pas exposé le tableau en public, ce qui aurait été un suicide, mais il a certainement fait preuve d’audace et de droiture. En pratique, il a eu le courage d’exécuter une œuvre sans références mythologiques pour justifier un nu explicite, anticipant en réalisme l’avant-garde picturale parisienne. Pas mal pour une ville opprimée comme Bologne, qui a toujours nourri et aspiré à un esprit de liberté. Je dirais donc : vive le courage d’Antonio Muzzi et surtout celui de la belle et intrépide Rita Lolli. Roberto Cafarotti
PALOMA KUNS
’ai l’inmense plaisir de vous partager le bulletin de souscription de mon 3ème reccueil de poésie “Martyre des Rêveries” sortie prévue en février 2022 avec la Maison d’édition Rafael de Surtis. Préfacé par l’écrivain Michel Cand :
“Dans le recueil “Martyre des Rêveries”, Paloma Kuns ne fait pas de la littérature comme on fait de la broderie, elle prévient le lecteur : Tu lis mon âme dans / chacun de mes poèmes. Elle y paraît en déracinée du bonheur insouciant et des ombres effarantes de l’enfance, de la généreuse nature tropicale et du douloureux manque d’amour. Elle était à sauver : « ma mémoire se pétrifie / des oiseaux nagent /sur des fleuves de pierres ». Heureusement Paloma Kuns croit en l’amour charnel, rédempteur, fougueux, où l’amant est le sauveteur, celui qui donne vie, qui révèle à soi-même, éveille au bonheur : « Ta voix / rendait l’impossible / possible ». Déjà un grand merci à ceux et celles qui ont commencé à souscrire pour offrir mon reccueil ou pour le plaisir de se l’offrir. Si vous êtes intéressés en découvrir ce nouveau reccueil je vous invite donc à le pre-commander avec le bon ci-joint. https://www.facebook.com/PalomaKunsArtist/ https://www.rafaeldesurtis.fr/ PALAZZI 46 VENEZIA
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’exposition recrée le climat artistique proactif, dialoguant et provocateur d’un carrefour spatio-temporel unique et unique : à travers environ soixante-dix œuvres, nous pouvons redécouvrir la tension européiste qui s’est développée entre la fin des années 1920 et le début des années 1930, une période qui a vu Paris devenir le cadre d’une culture cosmopolite et interactive, anti-traditionnelle, dans laquelle la confrontation avec les mouvements d’avant-garde a mûri. Giorgio de Chirico, Alberto Savinio, Massimo Campigli, Filippo de Pisis, René Paresce, Gino Severini et Mario Tozzi sont les artistes qui ont redessiné le destin de la peinture italienne au XXe siècle, dans cette période dorée de cinq ans, de 1928 à 1933, où se déroule l’aventure française des Italiens de
PARIGI ERA VIVA DE CHIRICO, SAVINIO E LES ITALIENS DE PARIS (1928-1933) Curatrices Nicoletta Colombo et Giuliana Godio JUSQU’AU 30 JANVIER 2022 Museo di arti Decorative Accorsi - Ometto Via Po, 55 Torino + 39 011.837.688 int. 3 info@fondazioneaccorsi-ometto.it www.fondazioneaccorsi-ometto.it/
Paris. Giorgio de Chirico, Alberto Savinio, Massimo Campigli, Filippo de Pisis, René Paresce, Gino Severini et Mario Tozzi n’étaient pas seulement de grands peintres mais aussi des auteurs prolifiques de livres, romans, articles journalistiques et mémoires. Le livre homonyme, publié par Garzanti en 1948 (Prix Bagutta Opera Prima 1949) et par Mondadori en 1966, est aujourd’hui un précieux témoignage d’un climat culturel et de ses protagonistes, raconté par un témoin direct et participatif. Voici réimprimée l’édition modifiée et augmentée par l’auteur lui-même en 1966 Il s’agit de la longue autobiographie, racontée “à la troisième personne” sous le pseudonyme de Silvio, d’un célèbre éditeur et critique d’art, ainsi que d’un galeriste, une coupe transversale de sa vie parisienne vue sous un angle particulier, dans laquelle les raisons esthétiques se mêlent aux anecdotes et même aux descriptions humaines des artistes dans leur contexte (l’atelier de Kandinsky, les visites à Picasso, les conversations avec Matisse et Alberto Magnelli, les malentendus avec de Chirico). Gualtieri di San Lazzaro (né Giuseppe Papa, 1904-1974) a fondé et dirigé la revue “XXe Siècle”, publiée à Paris à partir de 1938, consacrant chaque numéro à un thème différent de l’art contemporain et l’illustrant de graphiques originaux de maîtres tels que Arp, Henri Laurens, Miró, Klee, Moore, Marino Marini, Magnelli et Picasso. VISITE GUIDÉE AVEC LE CONSERVATEUR Nicoletta Colombo, commissaire de l’exposition, explorera les figures des sept artistes qui, entre 1928 et 1933, ont remodelé le destin de la peinture italienne au XXe siècle. 12 janvier 2022, à 15h30. COÛT : 8,00 € plus droits d’entrée
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a respiration légère suivait le rythme de la douleur : plus que ce qu’elle avait jamais enduré jusqu’à ce jour, et ce n’était certainement pas peu. Mais cette fois, il lui est arrivé quelque chose à laquelle elle n’était pas préparée, quelque chose qui allait bouleverser tout son monde. Qu’allait-elle faire maintenant ? Cet “accident” n’avait rien à voir avec la méchante chute de trapèze qui l’avait obligée à changer de vie pour toujours quelques années plus tôt, mais, outre la souffrance physique, ce que Suzanne a trouvé en commun avec cette expérience, c’est le besoin d’un changement radical, une fois de plus non choisi ou non voulu. A l’époque, elle s’était levée et avait réagi comme seul un guerrier peut le faire, mais maintenant ? Elle se demandait à nouveau, perdue dans les vapeurs des substances fortes qu’ils lui avaient administrées pour émousser ses sens : qu’allait-elle faire ? Maurice Utrillo est né le 26 décembre 1883, le lendemain de Noël d’une mère qui n’avait aucune idée de la signification du mot “mère”. Elle avait élevé les siens à l’eau, à la dureté et au vin, entre une escapade chez une lavandière et des journées entières passées à coudre des tissus, dans cette petite Bessines-sur-Gartempe qu’elle avait décidé de quitter alors qu’elle n’était qu’une enfant. C’est ainsi qu’elle arriva, pauvre et en haillons, sur la Butte de Montmartre, à l’époque un lieu très différent PALAZZI 49 VENEZIA
de ce qu’il apparaît aujourd’hui aux milliers de touristes qui le visitent : à mi-chemin entre la ville et la banlieue rurale, la colline des artistes n’était qu’une colline rebelle et vigoureuse, de l’air frais de laquelle les voix et les pensées des nouveaux artistes sauvages du XIXe siècle français essayaient de se faire entendre. Ils n’étaient pas riches, aucun d’entre eux, mais qui sait comment ils trouvaient toujours quelques sous pour prendre un verre tard le soir au bistrot “Au lapin agile”, ou parfois (s’ils voulaient descendre dans le quartier animé de Saint-Germain) au “Procope”, le plus vieux café de France, aujourd’hui transformé en restaurant. C’est dans cet environnement que Suzanne (de son vrai nom Marie-Clémentine) grandit et devient une femme, sans attendre trop longtemps avant de montrer le caractère entreprenant et révolutionnaire qui la distingue : dès l’école primaire, elle réussit à se faire renvoyer pour mauvais comportement ; dès lors, elle va de travail en travail (pâtissière, fleuriste, couturière, etc.) dans le seul but de gagner quelques sous et de s’amuser ensuite comme elle peut. L’intermède en tant qu’acrobate de cirque et cavalière était peut-être le seul travail qui pouvait la distraire de ce qui l’intéressait le plus : les garçons,(suit page 50)
(suit de la page 51) la fougue sensuelle, la bohème quand ce terme signifiait encore beaucoup, la liberté, par-dessus tout. Et pourtant, à seulement dix-huit ans, elle donnait déjà naissance au petit et malheureux Utrillo. Était-il temps de dire adieu à cette liberté bienaimée ? Suzanne a été modèle avant d’être peintre ; Utrillo s’est retrouvé alcoolique avant même d’être adolescent. Suzanne s’est donnée à mille amants, avec passion et sentiment, privilégiant les peintres pour lesquels elle posait ; Utrillo a attendu pendant des heures sous la pluie que sa mère termine ses activités ludiques avec un homme pour pouvoir entrer dans la maison. Deux personnalités aussi éloignées l’une de l’autre que liées par un amour fou et inconditionnel, au-delà de tout scrupule qu’ils pourraient tous deux accomplir ; étroitement complices aussi dans ce besoin de peindre qui le conduirait un jour, lui, l’élève, “le fou de la butte”, à surpasser son maître en créativité et en technique. Mais avant cela, Suzanne a trouvé le moyen, la force et l’obstination de faire connaître ses œuvres au monde entier. Sa fréquentation de Renoir, Toulouse-Lautrec, Rodin, Degas et bien d’autres (pour qui elle n’était pas seulement un
modèle et une maitresse, mais aussi une muse inspiratrice, une voleuse de cœur et une enchanteresse) lui a permis, avec le temps et la patience, de devenir autodidacte dans les bases de la peinture, notamment le style impressionniste alors en vogue à l’ombre du Sacré-Cœur. Degas, en particulier, lui a fourni les rudiments et les possibilités, l’encourageant à cultiver une activité qui avait commencé dans les années de cirque mais qui a explosé dans la période de grande liberté. Finalement, même la naissance de son fils n’a pas pu enlever à Marie-Suzanne sa liberté, si chère à ses yeux comme un aspect essentiel d’elle-même. Le confiant aux soins de sa mère peu recommandable, elle continue à sautiller de salon en salon, de champ en vignoble, observant les natures mortes, les êtres vivants, les gens, les animaux, les mouvements, les couleurs et, bien sûr, les impressions. C’est ainsi qu’en 1894, Suzanne Valadon est la première femme peintre de l’histoire à être admise à la Société Nationale des Beaux-Arts, tandis qu’en 1912 elle est exceptionnellement autorisée à participer au Salon des Indépendants et en 1919 au Salon d’Automne. Aujourd’hui, la réputation de peintre de Valadon dépasse rapidement celle d’un modèle, d’une libertine et d’une mère insouciante, reconnaissant en elle un talent rare, un perfectionnisme extrême lorsqu’il s’agit de terminer une toile, un élan intérieur déversé sur ses tableaux, et un fort sentiment de réussite puiPALAZZI 50 VENEZIA
Photo nationalgallery
squ’ils sont de plus en plus souvent présentés dans des expositions ou des galeries d’art. Par exemple, il y a quelques années, le Palazzo Reale a consacré une magnifique exposition à Modigliani, dans laquelle une salle entière était exclusivement consacrée aux œuvres et à la figure de Valadon. La dernière partie de sa vie a été le corollaire de ce qui l’avait toujours caractérisée en tant que femme et en tant qu’artiste. À l’âge avancé de 44 ans, elle fait la folie de quitter son mari, un agent de change qui lui garantissait une sérénité financière et quotidienne, parce qu’elle est tombée amoureuse du bel André Utter, un peintre bohème de 23 ans son cadet. Avec lui, elle alla vivre dans une maison beaucoup plus modeste avec son fils, gagnant son pain en vendant ses œuvres et celles d’Utrillo ; entre alcool, absinthe, térébenthine et sexe, le trio fut malicieusement surnommé “La trinidé maudite” par tout Montmartre, peut-être même dans un accès de rage contre l’André qui l’avait enlevée à tous. Elle s’éteint finalement à l’âge de 73 ans devant son chevalet, le pinceau à la main. Un peintre libre jusqu’à son dernier souffle. Chiara Giacobelli https://www.huffingtonpost.it/chiara-giacobelli/suzanne-valadon-la-pittrice-madre-di-utrillo-che-incanto-l-intera-montmartre PALAZZI 51 VENEZIA
arie-Clémentine Valadon, la future Suzanne Valadon, est née en 1865 à Bessines/ Gartempe. Le nom de son père est inconnu, et sa mère est préposée au vestiaire. Vers 1870, sa mère Madeleine s’installe à Paris et devient serveuse. La fille est indisciplinée et fréquentera plusieurs écoles. De 1875 à 1880, Marie-Clémentine fait des petits boulots comme fleuriste, tailleur... Elle se passionne pour le cirque et s’essaye à la “piste”. Elle devient un modèle pour les peintres ; dans les années 1880, sous le nom de Marie, elle pose pour Puvis de Chavannes, Renoir et Toulouse-Lautrec, entre autres. Le 26 décembre 1883, elle donne naissance à son fils Maurice (Maurice Utrillo), de père inconnu, mais reconnu en 1891 par le peintre et journaliste espagnol Miguel Utrillo y Molinas. Les premières œuvres connues de l’artiste datent de cette période. Entre 1983 et 1993, en tant qu’artiste autodidacte, elle réalise des dessins (au fusain, au crayon, à la sanguine et au pastel), où l’influence de Degas, qui l’a initiée à la gravure et qui fut l’un de ses premiers clients, est manifeste. Elle a dépeint ceux qui l’entourent, ses amis, sa famille (suit page 52)
GUSTAVE FLAUBERT A ISTANBUL
(suit de la page 52) et ses enfants. Elle a peint des scènes de genre et des portraits de manière réaliste. Les grands maîtres ont rapidement reconnu son talent. En 1894, cinq de ses dessins ont été exposés au Salon de la Nationale. En 1996, elle épouse Paul Moussis, un riche bourgeois ; la situation financière prospère de son mari lui permet de se consacrer entièrement à l’art sous le nom de Suzanne Valadon. L’artiste a créé sa propre synthèse personnelle du fauvisme et de l’expressionnisme. En 1909, elle rencontre André Utter, un ami de son fils, et va vivre avec lui après son divorce. Utter exerce sur elle une influence stimulante et à partir de 1910, Suzanne Valadon participe à de nombreuses expositions (Salon d’Automne, Salon des Indépendants etc...), et notamment à celle de Berthe Weill en 1915. Suzanne Valadon peint beaucoup et le public comme la presse lui accordent une attention croissante. En 1935, elle tombe malade, atteinte de diabète et d’urémie. En 1936 et 1937, l’État français achète plusieurs de ses œuvres importantes. Malade, elle est morte à Paris en 1938. https://parigimeravigliosa.it/articoli/il-trio-infernale-la-terribile-suzanne/
é le 12 décembre 1821 à Rouen, Gustave Flaubert, comme de nombreux écrivains de cette époque, est animé dès l’enfance par le désir de partir en Orient. C’est l’année de ses vingt-huit ans qu’il réalise son rêve, car, si le voyage en Orient faisait partie de ses grands mythes personnels, il obéit aussi à une nécessité plus profonde. Flaubert a perdu son père, sa sœur, son meilleur ami, son livre “La Tentation de Saint-Antoine” a été jugé impubliable et il vient de vivre une rupture douloureuse avec sa maîtresse, “la Muse”, Louise Colet. “J’ai en moi, au fond de moi, un embêtement radical, intime, âcre et incessant, qui m’empêche de rien goûter et qui me remplit l’âme à la faire crever”, se plaint-il. C’est pourquoi, au grand dam de sa mère, avec laquelle il vit, il décide, pour oublier, de partir avec Maxime du Camp : “Je vais faire un voyage dans tout l’Orient. J’étais né pour y vivre…” écrit-il peu avant son départ. Après avoir traversé l’Egypte, la Palestine, le Liban et la Syrie, Flaubert arrive à Istanbul le 13 novembre 1849 et, d’après son journal, y reste jusqu’au 16 décembre. Ses visites touristiques suivent les sentiers battus des voyageurs français : derviches hurleurs de Scutari, derviches tourneurs de Galata, Eaux-Douces d’Asie, grandes mosquées d’Istanbul, spectacles en français, séances de narguilé, voyage en caïque à la résidence
d’été des ambassadeurs de France à Tarabya. Mais s’il aime les cimetières dans lesquels il se promène à cheval, trouve “charmante” la mosquée de Soliman et s’extasie sur les murailles de Constantinople, “les murailles de Constantinople ne sont pas assez vantées, c’est énorme !”, peu de lieux trouvent vraiment grâce à ses yeux. Il décrit Sainte-Sophie comme un “amalgame disgracieux de bâtiments” et le palais de Topkapi comme un magasin de brocante : “c’est enfantin et caduc, on y sent l’influence de je ne sais quel Versailles éloigné, apporté là par je ne sais quel ambassadeur à perruque.” En réalité, les sites touristiques ne sont pas ce qui intéresse le plus Flaubert. La lecture en parallèle de son journal et de ses lettres est édifiante car il ne raconte pas dans le premier (dont il destine peut-être la lecture à de tierces personnes), ce qu’il confie dans ses missives à son ami intime, Louis Bouilhet. Les lettres montrent que, comme dans les autres pays qu’il a traversés, Flaubert cherche surtout à se perdre dans les bas-fonds de Constantinople, pour s’y encanailler le plus possible, en écumant tous les bouges de Galata, alors quartier des maisons closes. Ce qu’il raconte est choquant pour une sensibilité moderne car, bien que fils de médecin ayant grandi dans l’hôpital de Rouen, il n’hésite pas à avoir des relations sexuelles avec des filles de quinze ans sans jamais de soucier de leur transmettre sa syphilis (il décrit
soigneusement l’évolution de ses chancres), ou d’assister à d’équivoques spectacles de danse du ventre donnés, selon sa propre expression, par des “bambins” travestis; comme si le fait de se trouver loin de sa Normandie natale rendait licite ce qui ne l’était pas dans son propre pays. On sait bien que littérature et morale n’ont jamais fait bon ménage… mais ses écrits d’Orient couraient aujourd’hui le risque d’être frappés d’anathème… En ce qui concerne les femmes turques, Flaubert est fasciné par leur voile. “Comme leurs yeux brillent !” dit-il et il aimerait bien “vivre avec une odalisque ravie”. En bon misogyne de son époque, il n’hésite pas à écrire : “Dans cent ans, le harem sera aboli en Orient, l’exemple des femmes européennes est contagieux, un de ces jours, elles vont se mettre à lire des romans. Adieu, la tranquillité turque !”… Gisèle Durero-Köseoglu Native de Cannes, professeur de Lettres à Istanbul depuis trente ans, elle est l’auteur de plusieurs livres sur Istanbul et de romans historiques sur la Turquie médiévale. https://lepetitjournal. com/istanbul/communaute/bicentenaire-flaubert-les-frasques-de-gustave-istanbul
es élégants bâtiments due la Plaine Monceau, sur lequel se trouve le beau parc du même nom (XVIIe arrondissement), ont de nombreuses histoires à raconter. La première concerne leur construction, qui a eu lieu lors de l’expansion vers l’ouest de la Ville Lumière à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Ces costructions amputère d’ailleurs la surface du Parc existant de près de la moitié, ce qui d’ailleurs fut essayè avec le Parc du Lexembourg mais heureusement sans succès, à cause de l’oppostition du Sénat: À cette époque, le quartier dans lequel nous nous trouvons devenu presque exclusivement résidentiel, flambant neuf et au goût éclectique de l’époque, il a donc été immédiatement envahi par la riche bourgeoisie de la ville, suivie de près par les artistes les plus en vogue et les plus prospères qui étaient en mesure de payer les loyers élevés. Le Musée national Jean-Jacques Henner (43, avenue de Villiers, XVIIe arrondissement) est un petit bijou, tout comme son écrin, un bâtiment parfaitement en phase avec l’époque à laquelle il a été construit, la fameuse Belle Époque, plus précisément entre 1876 et 1878. Cet hôtel particulier est
MUSEE NATIONALE JE un témoignage du style éclectique de l’architecture privée typique de la pèriode. Il a été conçu par l’architecte Nicolas-Félix Escalier, ce qui n’est pas un détail mineur si l’on considère qu’Escalier était l’auteur de la conception d’un autre bâtiment situé juste à côté (35, rue Fortuny), qui appartenait à nulle autre que la “Divine” Sarah Bernhardt (la star du théâtre français aux goûts extravagants). Ce lieu était déjà consacré à l’art avant d’être transformé en musée : l’artiste-décorateur Guillaume Dubufe (1853-1909) l’a occupé et agrandi selon ses besoins (il a ajouté un atelier au troisième étage, où sont exposées aujourd’hui les œuvres de Henner). En 1921, Marie Henner, veuve du neveu du peintre, Jean-Jacques Henner (1829-1905), rachète le bâtiment aux héritiers de Dubufe afin d’y exposer les œuvres de son oncle, et fait don du musée à l’État. Ce musée est souvent laissé de côté dans les circuits touristiques les plus populaires, mais ct article ne pouvait pas ne pas accorder une mention spéciale à Jean-Jacques Henner, le peintre des créatures à la frontière entre le monde réel et immatériel. Les paysages de Henner, comme ses portraits, sont caractérisés par la prédominance du sfumato, une technique habilement employée pour donner à ses sujets une sorte d’incorporealité, comme s’ils émergeaient des brumes d’un rêve. La délicatesse et la lumière très originale de ses portraits valent à Henner un certain succès auprès de la bourgeoisie parisienne, avide de reconnaissance et
AN JACQUES HENNER désireuse d’immortaliser son image, comme le faisait la noblesse. L’une des plus troublantes (celle de Madame Paul Duchesne-Fournet) ne fait pas partie de la collection du musée parisien et je l’ai découverte par hasard dans les galeries du LACMA à Los Angeles. L’œuvre a été achevée en dix séances seulement pour la somme exorbitante de 10 000 francs, soit bien plus de 30 000 euros aujourd’hui. Dans ses portraits, Henner utilise habilement les ombres de l’arrière-plan et sa palette dominée par les tons rougeâtres pour accentuer la pâleur du teint, une caractéristique qui, aux yeux de ses contemporains, conférait une sensualité marquée et qui, aujourd’hui, nous laisse sans voix, comme
en présence d’une apparition mystérieuse et éthérée. Dans les dessins de Henner, on remarque immédiatement l’importance accordée aux notes rougeâtres et aux ombres. Resté en marge de toutes les révolutions artistiques de son temps, Henner est resté un artiste solitaire, un chercheur guidé par son inclination très personnelle à représenter les présences subtiles de la nature, des présences essentiellement féminines, pâles, aux cheveux ou aux vêtements roux. Dans l’Antiquité, les eaux douces étaient considérées comme sacrées, inviolables et donc confiées à des gardiens surnaturels : les Naïades ou les Nymphes. À un pas des sirènes de mer mortelles de la tradition homérique, les
Naïades de Henner ont été façonnées par la lumière et les ombres d’une nature troublante, sensuelle et irrésistible. Qui a dit que les esprits sont insaisissables ? L’art de Henner sait les invoquer et les façonner sur la toile, les laissant suspendus, flous, pas encore chair mais déjà hors du domaine du rêve. L’une des plus grandes toiles de Henner, “Les Naïades” (1877), a été peinte pour la salle à manger de M. et Mme Soyer qui vivaient au 43, rue du Faubourg Siant-Honoré. Henner connaît le gendre du couple, Paul Sédille, l’architecte du grand magasin Printemps. Ses Naïades peuvent-elles être considérées comme nostalgiques d’une nature sans maîtres ? Henner craignait-il l’avancée irrépressible de
l’ère industrielle comme beaucoup d’autres artistes de son époque ? Ayant fréquenté les cercles impressionnistes, il est facile d’imaginer que le peintre a fréquemment débattu du sujet, étant donné que le rôle de l’artiste par rapport à la nature était l’une des questions saillantes de l’époque, de même que le détachement des préceptes de l’art officiel - dit “académique”. Cependant, je le répète pour que les choses soient claires : Henner ne s’est jamais complètement mêlé au mouvement qui révolutionnait l’art du XIXe siècle, mais s’est plutôt tenu à ses côtés. En ce qui concerne la conception de la nature de Henner, j’oserais dire qu’il ne craignait pas l’avancée de la technologie froide et du progrès. Des créatures qui semblent sourire aux nouveaux dieux du futur habitent ses tableaux, comme si Henner percevait des pouvoirs primordiaux que même toute l’industrie du monde ne pourra jamais annihiler ou contrôler. Si vous vous promenez dans les élégants immeubles du 17e arrondissement, faites un tour dans ce coin charmant et tranquille, habité par des créatures d’une autre dimension et définitivement hors du temps. Bonne visite ! Musée Jean-Jacques Henner 43, avenue de Villiers, 75017 Paris