PALAZZI A VENEZIA
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d’Arts
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Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Emmerick Door Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance zoupix@gmail.com palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trentequatrième Année / numéros 01 / Janvier 2023 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros Photo valeriamelis Le vignoble de Leonardo Federique II Suabe Stupor Mundi L’Imperatore nel suo labirinto Baci Perugina les cent ans Luisa Spagnoli Germaine Richier L’elephant entend les langues Zitkala-Sa/Gertrude Simmons Bonnin Jheronimus Bosch et une autre Renaissance La vita agra di Garibaldi Villes tournantes sur des asteroides Tesla et l’antigravité Marthe de Florian son appart à Paris Roberto Matta sa maison à Paris Louis Pasteur Vivienne Westwood Caffé Florian Marie Anne Lavoisier Yma Sùmac
périodique
et de culture urbaine
l’association homonyme
par la Loi de1901
Paritaire : en cours
Les photographes partecipant
Roby Anedda
Benjamin Audour
Giulio Barrocu Chiara Cossu Sophie Goullieux
Dolores Mancosu
Antonella Marini
Roberto Orlandini
Ignazio Pani
Marina Federica Patteri
Sandro Peddis
Yannick Perrin Jean Sebastian Fabrizio Schirru Marco Sodini Jean Turco
Les vidéos sont consultables ici vimeo.com/channels/ arrubiuartgallerycafe vimeo.com/channels/icilabasetailleurs vimeo.com/channels/ viasandomenico10 vimeo.com/unisvers
‘année nouvelle constitue pour la rédaction de Palazzi A Venezia le moment de célébrer plusieurs anniversaires.
Celui de l’exposition des aquarelles de Pierre André Delpierre à New York City, à l’Anichini Gallery, en 1983, le début de notre expérience de création d’expositions et d’évènements culturels ou prétendus tels.
Et bien entendu la gestation encore secrète et inconnue du concept même de Palazzo A Venezia qui devait se concrétiser l’année suivante par la création du livre éponyme, suivie par celle de l’alphabet, marqué indélébilement sur le parquet de la rue de Turbigo, du service à thé, des expositions et des fêtes fluviales, du coffret à bijoux, de la recette des pates à la Palazzi et pour finir en se matérialisant en tant que salle à manger de l’émission TV Solo Opéra, rendant enfin le palais imaginaire bien réel. L’année dernière Palazzi A Venezia a participé aussi à la présentation de nombreuses expositions, la dernière en date, est encore en cours jusqu’au 15 janvier, avec la présentation du catalogue prévue pour le dimanche 8 janvier avec la présence de la plus part des photographes, en espérant que les français daignent venir passer un weekend en Sardaigne.
Températures primaverile et bonne bouffe assurées. Par la suite l’exposition voyagera en Sardaigne pour aller d’abord à Iglesias (Sulcis Iglesiente au sud-ouest) et finalement à Cagliari, en invitant d’autres photographes et en étoffant la présentation des participants actuels vue l’espace dans lequel nous comptons la présenter et qui fut jadis le lieu où “Cagliari je t’aime” avait invité Camille Revel et Sophie Sainrapt. En regardant devant, nous pensons bien entendu continuer avec nos publications, au travers des quelles nous apprenons toujours quelques chose ou nous révisons nos connaissances passées et peut-être un peu oubliées en espérant vous en faire part agréablement. Et en organisant avec nos association Sardonia et Ici, làbas et ailleurs d’autres expositions en gardant toujours l’idée de retourner à Paris en y transportant des artistes sardes ou des autochtones que nous aimerions vous présenter depuis longtemps et que la pandémie covid avait empeché. Pour le reste en vous souhaitant une bonne consultation de ce numéro et bien entendu tous nos vœux pour cette année en espérant voir la fin de tant de tracas petits et grands, collectifs ou personnels. Nous avons plein de projets et espérons pouvoir les réaliser en temps et en heure, et nous vous en informerons le moment opportun pour vous permettre d’y participer, n’hésitez surtout pas à nous faire part de vos observations, critiques, applaudissement, désir de collaboration, offres de financement et autres gestes de mécénat toujours bien accueillis qui manifesterons de la bonne fortune qui vous a souris cette nouvelle année.
Vittorio E. Pisu
COLLETTIVA
Presentation du catalogue dimanche 8 janvier 2023 à partir de 18 heures visitable jusqu’au 15 janvier 2023 Tous les jours de 10 h à 22 h Arrubiu Art Gallery Café Via Mazzini 88 Oristano Tel.+39 347134 2452
DI FOTOGRAFIA
PALAZZI
Photo jeanturco
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LE VIGNOBLE DE LEONARDO
’inscription “Faire sans dire”, c’est-à-dire “des faits et non des mots”, littéralement “faire sans parler”, une devise très milanaise, est fièrement affichée dans la salle du Zodiaque de la Casa degli Atellani, un joyau architectural du Corso Magenta du XVIe siècle, l’un des bâtiments les plus célèbres de Milan, et même si l’inscription est vieille d’un siècle (elle remonte à la restauration de Piero Portaluppi au XXe siècle), on peut dire que l’architecte était passé à autre chose .
La Casa degli Atellani a en effet changé de mains, passant des descendants de l’entrepreneur et sénateur Ettore Conti (18711972) et Portaluppi (1888-1967) au groupe LVMH du Français Bernard Arnault, l’homme le plus riche du monde (Forbes le confirme) avec ses 169 milliards d’euros, maintenant que les déboires du cours de l’action Tesla et les dépenses de Twitter (qui ont coûté 44 milliards) ont fait reculer Elon Musk. Soixante-treize ans, né à Roubaix, directeur général de LVMH, qui contrôle des marques telles que Vuitton, Bulgari, Dior, Fendi, Givenchy ainsi que le champagne Moët & Chandon, ingénieur diplômé de l’École polytechnique et collectionneur d’art, Monsieur Arnault ajoute un nouveau chef-d’œuvre à sa collection.
La Casa degli Atellani a été donnée en 1490 par Ludovico il Moro (qui l’avait achetée pour 6 000 lires à un noble de Plaisance) à Giacometto di Lucia dell’Atella, qui a décidé de faire de ce qui était alors deux maisons voisines, l’une plus grande et l’autre plus petite, un lieu unique - avec également des fresques de Bernardino Luini.
Huit ans plus tard, le duc de Milan offre à nouveau à Léonard (qui peignait La Cène dans le réfectoire de Santa Maria delle
Le vignoble de Leonardo au magnat Arnault
Photo centrepompidou
Grazie, juste en face) le vignoble situé dans le parc derrière la maison, soit 16 perches (environ 8 000 mètres carrés).
Un vignoble qui a disparu au fil des siècles et qui sera reconstruit avec un travail minutieux (et la collaboration de l’Università degli Studi) en 2014 et inauguré l’année suivante, pour l’Expo 2015.
C’est le seul vignoble au monde existant encore au centre d’une métropole, et il produit la même malvoisie qu’aux temps de Leonardo.
La famille Atellani a quitté la maison au XVIIe siècle, et les propriétaires se sont succédé - les comtes Taverna, la famille Pianca qui a effectué la première rénovation en 1823, et la famille Martini di Cigala - jusqu’en 1919, lorsque le sénateur Ettore Conti l’a achetée (en très mauvais état : sa femme refusait d’y emménager sans l’avoir restaurée au préalable).
Fils de buraliste, ingénieur, entrepreneur visionnaire et pionnier de l’électricité (c’était alors un secteur de haute technologie), Conti avait un gendre brillant, Piero Portaluppi, qui fut chargé de le restaurer.
Après trois ans de travaux, la Casa degli Atellani redessinée par Portaluppi est inaugurée.
Et c’est Portaluppi qui a dû remettre la main sur le bâtiment après le bombardement de 1943 qui a non seulement dévasté Santa Maria delle (à l’exception, miraculeusement, de la Cène) a démoli les célèbres salles de réception du premier étage : la salle des omnibus, la salle de billard (suit paghe 4)
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L’entrepreneur français achète la Casa degli Atellani, joyau du Corso Magenta de Milan
Secret absolu sur le prix et l’usage futur par Matteo Persivale
(suit de la page 3) et la galerie des glaces. L’actuel homme le plus riche du monde, Bernard Arnault, avait déjà acheté un bijou milanais en 2013, la Pasticceria Cova dans la via Montenapoleone, par coïncidence juste à côté - le premier cercle de Milan est minuscule - du siège de la Reale Compagnia Italiana. La négociation Dans la discrétion absolue qui a accompagné les délicates négociations pour la Casa degli Atellani - “Faire sans dire”, pour être précis - on ne sait pas quel usage LVMH fera de la propriété. Il serait certainement bizarre que le collectionneur d’art propriétaire d’institutions telles que le Château d’Yquem (1593), Moët & Chandon (1743) et Hennessy (1765) décide de démanteler le vignoble léonardesque si minutieusement ramené à la vie. Actuellement, la Casa degli Atellani - très appréciée des marques de mode, qui de Dior à Swarovski l’ont choisie pour leurs événements, et il y a quatre ans Dolce & Gabbana y a organisé un mémorable défilé de haute couture - est ouverte au public pour des visites et aussi pour des séjours de courte durée à louer (six appartements, à des prix en rapport avec le lieu). Pour ceux qui craignent la fermeture éventuelle aux visiteurs de l’un des chefs-d’œuvre de Portaluppo, il y a toujours la Villa Necchi Campiglio dans la Via Mozart, que le dernier propriétaire a légué au Fai (Fondo Ambiente Italiano).
Matteo Persivale www.corriere.it/cronache/22_dicembre_22/vigna-leonardo-magnate-arnault
FEDERIQUE II SUABE STUPOR MUNDI
ui parmi vous connaît Frédéric II de Souabe ? Probablement tout le monde.
Appelé le Puer apulie, le stupor mundi ou le Souabe, il fut roi de Sicile et le dernier empereur romain germanique, avant un long et déroutant interrègne.
Sa figure historique était si impressionnante qu’Ovidio Capitani, célèbre médiéviste de la dernière génération, considérait l’année 1216 (année du couronnement de ce souverain extraordinaire) comme la fin du Moyen Âge, du moins pour la péninsule (in Storia dell’Italia Medievale 410-1216, Capitani 2004).
Un personnage aussi prédominant ne pouvait que nourrir son propre mythe, qui a recouvert sa véritable histoire ; les idéologies politiques du siècle dernier ont considérablement influencé son jugement, mais, comme le soutenait Benedetto Croce dans “Théorie et pratiques de l’historiographie”, toute histoire est, bien sûr, une histoire contemporaine, un aspect qu’il semble nécessaire de rappeler, afin de ne pas tomber dans des tentatives bivoques de revendication d’une présumée “vérité historique”.
Le mythe de cet empereur est, en quelque sorte, créé avant même sa naissance.
À cela s’ajoute, bien sûr, la période cruciale que les hommes et les femmes ont vécue entre le 12e et le 13e siècle, pleine d’attentes messianiques.
La construction du mythe s’est poursuivie et intensifiée au plus fort de l’affrontement entre la papauté et l’Empire au cours du XIIIe siècle.
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Photo wikipedia.org
L’image de Frédéric II était entourée d’une série de rumeurs provenant de cercles qui lui étaient favorables, contrairement à la noire, construite avec art sur ordre de l’habile machine de propagande papale qui accusait le Souabe d’hérésie et de se faire passer pour l’Antéchrist.
Le mythe, bien sûr, s’est perpétué, sans interruption, après sa mort, jusqu’au début de l’ère moderne, puis à l’époque des Lumières.
Dans cette phase de notre histoire, caractérisée par des affrontements rationalistes et érudits plutôt qu’eschatologiques comme au XIIIe siècle, le mythe s’est sécularisé.
En effet, au XVIIe siècle, le philosophe et juriste Pietro Giannone (1676-1748) ainsi que l’écrivain et historien Voltaire (1694-1778) considèrent le Souabe comme celui qui a placé un État absolutiste au centre de son projet politique, et le champion de l’anticléricalisme du XVIIIe siècle ; il est donc, selon leur lecture, le champion du juridictionnalisme et le précurseur du souverain éclairé.
Ces penseurs ont donc cherché les prodromes du moderne dans une période considérée comme obscurantiste.
Johann Goffried Herder (1744-1803) était également de cet avis, marquant son engagement culturel (lire l’article “En quête de savoir : la soif de connaissance de Frédéric II”) et affirmant avoir initié de nombreuses universités comme celle de Naples, rappelant celle de Bologne, et entretenu d’excellentes relations avec les
Arabes (il est important de souligner que l’historiographie actuelle ne serait pas tout à fait d’accord avec ces affirmations !)
Mais tout le monde ne cultivait pas un intérêt pour la figure de Frédéric, comme ce fut le cas pour Wolfgang Goethe qui, dans une anecdote rapportée dans son essai Viaggio in Italia (1787), raconte que lorsque, arrivé à Caltanissetta, il se retrouva avec quelques notables locaux et que ceux-ci lui demandèrent de converser sur Frédéric II, il commença à parler de Frédéric le Grand de Prusse, mort peu de temps auparavant.
Cet épisode est important pour comprendre que l’intérêt pour la figure de notre empereur avait déjà changé à l’époque et, pour l’écrivain allemand, il importait peu par rapport au souverain prussien.
Lorsque l’on rencontre un personnage aussi controversé que Frédéric II, les diverses légendes qui circulent à son sujet ne sont pas surprenantes.
En Italie, de nombreux ouvrages lui ont attribué le rôle de l’Antéchrist, en tant que persécuteur apocalyptique de l’Église et de ses évêques.
Mais Frédéric était surtout appelé Stupor Mundi”, en raison de sa grande curiosité intellectuelle, qui le poussait à étudier la philosophie, l’astrologie, les mathématiques(il était l’ami du mathématicien (suit page 6)
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(suit de la page 5) pisan Leonardo Fibonacci), la médecine et les sciences naturelles.
Il a créé un zoo à Palerme, célèbre à son époque pour le nombre d’animaux exotiques qu’il contenait. Passionné de chasse, son passe-temps favori était la chasse au faucon, une activité très coûteuse et élitiste : un faucon dressé coûtait presque autant qu’un domaine entier. Pour Frédéric, il s’agissait d’une véritable science, au point de condenser les nombreux traités d’ornithologie et de chasse recueillis au fil des ans dans le codex “De arte venandi cum avibus”, dont on peut voir une miniature sur l’image à coté.
Apparemment, il ne connaissait pas moins de neuf langues et sa cour était fréquentée par des hommes de grande culture de l’époque tels que Michael Scotus, qui a traduit certaines œuvres d’Aristote, le juif français Jacob Anatoli, traducteur des œuvres d’Averroès, ainsi que des poètes de l’école sicilienne, Pierre de La Vigne et Giacomo da Lentini entre autres.
Il a fondé l’université de Naples pour que ses fonctionnaires puissent y être formés sans avoir à se rendre à Bologne. Il entretient de bonnes relations avec le monde arabe, à tel point qu’il est surnommé le “sultan baptisé” par ses opposants.
Sur le plan privé, Frédéric II a eu plusieurs relations, distinctes des unions
conjugales : comme nous le verrons, l’écart d’âge entre les deux épouses était très important, ce qui a peut-être contribué à empêcher toute implication réelle.
Selon les chroniques de l’époque, lors de son second mariage avec Jolanda de Brienne, âgée d’à peine 13 ans, l’empereur aurait négligé sa très jeune épouse non préparée pour s’amuser avec un harem de beautés orientales, provoquant la réaction outragée de son beau-père.
Après tout, les mariages à cette époque étaient purement politiques.
Parmi ses nombreuses maîtresses, citons Adélaïde d’Urslingen, première maîtresse et mère de ses deux enfants Enzo et Caterina, et Manna da Castanea, de laquelle est né Richard, futur vicaire impérial.
Il semblerait cependant que Bianca Lancia ait été le véritable amour de l’empereur, bien que l’on sache peu de choses à son sujet.
Frédéric l’a rencontrée à son retour d’Israël, selon certains lors d’un séjour en Italie du Nord, selon d’autres lors de son mariage avec Jolanda.
Ce qui est certain, c’est que de cette union, peut-être transformée en mariage dans les dernières années de sa vie, est né Manfred de Sicile, le fils préféré de Frédéric.
Il y a certainement eu beaucoup d’autres maîtresses et toutes n’ont pas laissé de traces de leur passage dans l’histoire ; il en va de même pour le nombre d’enfants recensés, “seulement” 19.
Pour comprendre son impact sur l’histoire, découvrons comment il y évoluait.
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Photo fondettoresottsass
Héritier d’une grande tradition de souverains (son grand-père paternel était Frédéric Barberousse, son grand-père maternel Roger II de Sicile), Frédéric est né en 1194 d’Henri VI et de Constance d’Altavilla, à Jesi, dans la Marche d’Ancône, alors que l’impératrice se rendait à Palerme pour rencontrer son mari.
On raconte - légende ou réalité - que, compte tenu de l’âge avancé de la reine, alors âgée d’une quarantaine d’années, l’accouchement a eu lieu sous un dais installé sur une place de la ville pour démontrer que la grossesse était réelle et non, comme beaucoup l’ont dit, hystérique.
Le 28 septembre 1197, son père Henri meurt. Il a été suivi, environ un an plus tard, par sa femme. Frédéric et le royaume sont confiés à la tutelle du pape Innocent III, qui ne peut toutefois empêcher la rébellion des barons allemands et des Arabes, qui exercent en fait le pouvoir pendant plusieurs années.
Frederick a grandi en Sicile, guidé par plusieurs tuteurs qui se sont relayés pour veiller à son éducation. À seulement quatorze ans, il épouse Constance d’Aragon. Un aspect qui ferait sensation aujourd’hui est la différence d’âge considérable entre les deux époux : on pourrait dire que la jeune femme de 25 ans a été l’épouse d’un enfant.
En réalité, selon la loi sicilienne, quatorze ans équivaut à l’âge de la majorité et cette même année, le jeune homme, désormais libéré de la tutelle papale, prend enfin en main le pouvoir du royaume de Sicile.
Son premier objectif est très ambitieux : devenir em-
pereur du Saint Empire romain germanique. Une opportunité incontournable se présente à lui : prêter allégeance au pape Innocent III, en conflit avec le nouvel empereur Otto IV et, à seulement dix-huit ans, organiser une grande expédition guerrière au-delà des Alpes.
Il ne lui a fallu que six mois pour entrer triomphalement dans l’importante ville de Constance, deux ans pour être couronné empereur, dans la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle.
À partir de 1220, Frédéric retourne en Sicile et entame son plan de vengeance contre les rebelles.
Il soumet les barons allemands, ordonne la destruction des châteaux privés construits après 1189 et rétablit le pouvoir royal.
Un détail assez important est la déportation des musulmans rebelles vers la nouvelle colonie de Lucera.
Nulle part ailleurs dans son empire Frédéric n’est aussi impérieux et autoritaire, car alors qu’en Allemagne il est un souverain féodal, en Sicile il porte les titres de César et d’Auguste et agit en conséquence, allant même jusqu’à frapper des pièces dans le style des Latins.
Lorsqu’il convoque le parlement en 1221, les dés et autres jeux de hasard sont interdits ; les citoyens ont l’obligation de rentrer chez eux avant que la cloche (suit page 8)
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(suit de la page 7)
du soir ne sonne pour la troisième fois, les Juifs de porter des vêtements qui les distinguent des autres, les prostituées de vivre hors des murs de la ville. Alors que Roger Ier avait permis aux Lombards, aux Grecs, aux Arabes et aux Francs d’être chacun jugés selon leur propre loi, Frédéric insiste sur un système plus unifié et, à cette fin, le “Liber Augustalis”, rédigé par le célèbre juriste Pier delle Vigne, est promulgué en 1231.
Au cours de ces années, le pape Honorius III fait pression sur l’empereur pour qu’il participe aux croisades : non seulement Frédéric refuse d’y participer, la paix avec le sultan lui tenant plus à cœur, mais en 1225, il épouse Jolanda de Brienne, âgée de 13 ans, détentrice de la couronne de Jérusalem. Trois ans plus tard, à sa mort, Frédéric se proclame roi, déclenchant la fureur du pape.
C’est alors que, au printemps suivant, Frédéric décide de partir en Terre Sainte.
Il y a réussi sans livrer une seule bataille. Grâce à l’art de la diplomatie, il parvient à un accord avec le sultan ; Jérusalem est ainsi cédée aux chrétiens et le 18 mars 1229, dans la basilique du Saint-Sépulcre, Frédéric II est officiellement couronné roi de Jérusalem. Mais la sérénité n’était pas destinée à durer.
Profitant de son absence,
le pape lance une croisade contre lui, provoquant la rébellion de certaines communes lombardes. De retour en Italie, Frédéric réagit par une dure répression, dont l’exemple le plus cruel est Sora, qui est mise à sac, incendiée et rasée.
En quelques jours, environ 200 villes rebelles sont tombées sous le contrôle impérial.
Le pape et l’empereur finissent par faire la paix et le pape aide même Frédéric dans le conflit avec son fils rebelle Henri, qui est excommunié, arrêté et emprisonné jusqu’à sa mort.
La relation, cependant, restera toujours conflictuelle : le pape excommuniera à nouveau Frédéric et celui-ci, de son côté, n’aura aucun mal à réagir en enlevant ses évêques.
L’empereur meurt en 1250 lors d’un nouveau conflit, à la suite d’une grave affection abdominale. Sa mort est entourée de mystère.
On dit qu’on lui a prédit qu’il mourrait sub flore, et que pour cette raison il a toujours évité Florence, pour finalement mourir à Castel Fiorentino.
Certains disent qu’il a été empoisonné, tandis que d’autres répandent la (fausse) nouvelle de sa mort par étouffement par son fils Manfred.
Le corps de Frédéric II se trouve dans la cathédrale de Palerme, dans l’ancienne tombe en porphyre rouge, comme le voulait la tradition normano-souabe.
À côté de lui se trouvent sa mère Constance, son père Henri VI et son grand-père Roger II.
L’empereur normand-souabe Frédéric II porte bien ses
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huit siècles sur ses épaules. Vénéré dans les Pouilles, où il est devenu une idole pour donner de la noblesse aux racines de cette région, au point d’être transformé en une marque commerciale bonne à tout faire, comme un pseudo de Che Guevara ou de Marilyn Monroe à imprimer sur des T-shirts et des gadgets.
Dans le reste de l’Italie méridionale, il est honoré, comme le révèle le nom de la célèbre université de Naples, mais de manière beaucoup plus fade que dans les Pouilles ; il est détesté, en revanche, dans le nord, qui s’est défini comme “padano-leghista”, sur les “santini” duquel est reproduite l’effigie de l’inexistant Alberto da Giussano.
Et encore, il est presque totalement ignoré par les gens ordinaires dans le domaine de la culture germanique (même dans sa Souabe natale, la terre de ses ancêtres allemands Henri VI et Frédéric Barberousse), où les mythes, les archétypes et les symboles ont été collectionnés à l’excès.
Que devient-il finalement dans les pays arabes où il était le protagoniste de la soi-disant “croisade pacifique” ?
Il reste un ennemi, affirment certains médias islamiques, bref, l’un des nombreux “prédateurs” d’une Terre sainte déchirée aujourd’hui encore.
Enquêter sur les usages, les réemplois et les abus qui ont été faits de son image (selon les saisons, la situation géographique, les visées politiques) est un travail de chroniqueur prêté au métier d’historien, qui a ici
Au supermarché des
: comment
rigoureusement utilisé les outils de cette discipline.
Marco Brando, journaliste et écrivain de longue date, s’est lancé sur la piste du “chef” du Saint Empire romain germanique. Comment ?
En tentant de dévoiler l’habit, ou plutôt les habits, qui ont été cousus sur lui au fil des siècles et en examinant l’utilisation idéologique massive de son image.
Le résultat est une affaire judiciaire fascinante “L’empereur dans son labyrinthe. Usages, abus et réutilisations du mythe de Frédéric II de Souabe “ qui, grâce aussi à un style d’écriture très agréable, donne plus qu’un sourire et démonte l’utilisation qui a été faite du soi-disant “puer Apuliae”, le transformant en un mythe capable de “supprimer” le personnage historique.
Un livre qui met en garde contre l’habitude de plus en plus répandue de déformer l’histoire, ou plutôtde la tirer de son côté au point de la nier.
Mi-enquête “journalistique”, mi-recherche d’histoire contemporaine, le livre met également en évidence les nombreuses fausses représentations du Moyen Âge, utilisées pour diaboliser les prétendues “saisons sombres”, pour se rassurer sur son propre présent “lumineux” ou pour se déguiser en protagoniste d’un jeu vidéo se déroulant dans les labyrinthes d’un château octogonal. (suit page 10)
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Photo wikipedia.org
mythes
“utiliser” l’histoire. Un livre dévoile l’usage, l’abus et la réutilisation de la mémoire (positive ou négative) imprégnée autour de Frédéric II de Souabe
9)
Le puzzle reconstitué révèle les us et abus de l’empereur, les dettes anciennes et les préjugés séculaires, la blessure profonde qui lacère l’Italie, l’emprisonnant dans son Sud et son Nord.
Accompagné d’une préface de Giuseppe Sergi et d’une postface de Tommaso di Carpegna Falconieri, tous deux médiévistes renommés, le livre actualise et développe un volume précédent “Lo strano caso di Federico II di Svevia” (Palomar, Bari 2008) aujourd’hui épuisé, en reproduisant en annexe les textes de Raffaele Licinio et Franco Cardini présents dans cette édition, ainsi qu’une riche section iconographique.
À contre-jour, on peut lire, quel que soit le personnage employé, l’usage qui est fait des mythes, en fournissant les outils pour les cultiver, comme cela arrive naturellement, sans être phagocyté par eux au point de perdre la lumière de la raison.
Marco Brando
L’empereur dans son labyrinthe. Usages, abus et réutilisations du mythe de Frédéric II de Souabe, préface de Giuseppe Sergi, postface de Tommaso di Carpegna Falconieri, avec des annexes de Raffaele Licinio et Franco Cardini et une collection d’images. En ouverture un texte de Daniele Pugliese, Florence, TESSERE, 2019, pp. 304.
L ES CENT ANS
BACI PERUGINA
’est en 1922 que Luisa Spagnoli a créé ce qui allait devenir bien plus qu’un simple chocolat : une icône de l’amour universel. Aujourd’hui, Baci Perugina célèbre son 100e anniversaire avec la signature Dolce&Gabbana et consacre l’année aux célébrations, qui commencerent à Pérouse, dans la “Baci Factory”.
L’histoire de Baci Perugina commence en 1922 à Pérouse, grâce à l’esprit d’entreprise de Luisa Spagnoli, l’une des personnalités italiennes les plus influentes du début du XXe siècle.
Visionnaire et génie créatif de Perugina, elle a eu une idée novatrice pour une nouvelle recette spéciale de chocolat : elle a imaginé une combinaison de noisettes hachées, récupérées dans les restes, et de chocolat fondu pour créer un fourrage crémeux, surmonté d’une noisette entière parfaitement grillée, le tout recouvert de chocolat noir de Luisa.
Le résultat était un délicieux chocolat qui ressemblait aux jointures d’un poing, d’où le nom original, “Cazzotto”.
C’est Giovanni Buitoni, un homme d’affaires remarquable, qui a pensé à changer le nom.
En fait, il a estimé qu’il ne convenait pas à la création sucrée de Luisa : au lieu qu’a la vendeuse on demande un “Coup de poing”, il aurait été plus approprié qu’elle vous offre un “Baiser”(Bacio).
Plusieurs années plus tard, Federico Seneca, directeur artistique de Perugina, a eu l’idée d’emballer chaque Bacio dans un message d’amour, en insérant des phra-
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Photo claudiaandujar
(suit de la page
Photo baciperugina
ses romantiques à l’intérieur du légendaire emballage étoilé, inspiré par l’amour secret entre Luisa et Giovanni.
Avec l’ajout des cartouches emblématiques, les Baci Perugina ont cessé d’être de simples chocolats pour devenir une légende intemporelle.
C’est Federico Seneca qui a ensuite conçu le coffret bleu et argent représentant le couple s’embrassant sous une pluie d’étoiles, inspiré par le tableau “Le Baiser” de Hayez.
Depuis lors, chaque détail est devenu une icône. Aujourd’hui, ces chocolats ont 100 ans et continuent d’innover et d’être des messagers d’émotions.
Les mêmes émotions que Dolce&Gabbana a interprétées dans le graphisme des emballages dédiés à ce centenaire, célébrant l’esprit italien, l’amour et la passion qui distinguent les Baci Perugina depuis leur naissance.
En 100 ans, Baci a évolué tout en conservant son essence inimitable.
Le chocolat centenaire a été le protagoniste de campagnes d’avant-garde, il a été aux côtés d’immenses artistes - de Frank Sinatra à Vittorio Gassman -, il a évolué vers de nouvelles saveurs, il a remporté des prix Guinness mondiaux, il a été exporté à l’étranger... mais il n’a jamais cessé d’être un messager d’amour et d’affection et de satisfaire les goûts des amateurs qui, aujourd’hui encore, peuvent savourer le classique Baci Perugina réalisé avec seulement 8 ingrédients comme dans sa recette originale.
Une parabole qui a toujours eu le vent en poupe, celle de Baci, qui arrive aujourd’hui aux côtés de Dolce&Gabbana pour célébrer ses 100 ans d’histoire et d’émotions.
La célèbre marque de mode, qui est aussi une icône du style et de l’excellence italienne, rejoint Baci Perugina en cette année de son centenaire.
Les collections qui feront rêver et enthousiasmeront les gens ont un style qui mêle l’essence de Baci à la créativité inimitable de Dolce&Gabbana.
La première est la Collection Célébration 100 ans, et c’est elle qui habille Baci Classico tout au long de l’année.
La deuxième collection est l’édition limitée, une nouvelle et surprenante recette en édition limitée, dévoilée pour la Saint-Valentin de Baci, l’année du centenaire. Celle de Baci est une histoire d’entreprise typiquement italienne, faite d’amour, de passion, d’engagement, de créativité, de culture.
Une histoire liée à la ville de son origine : Pérouse. D’un petit atelier de chocolat, Baci Perugina est aujourd’hui l’une des réalités industrielles les plus importantes du pays et considérée comme une excellence dans le monde entier. À ce titre, ils ont pu générer de la valeur et du bien-être économique pour l’ensemble du territoire de l’Ombrie.
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L’”usine Baci” fait partie de l’histoire même de la ville de Pérouse : des générations de travailleurs ont transmis leur expérience pour créer un produit qui est resté inchangé depuis sa naissance.
Un produit qui a su innover en permanence, sans jamais renoncer à la recette de son origine et à la magie de sa naissance.
L’”Usine Baci” est aujourd’hui une excellence grâce aussi à l’expérience de tous les travailleurs, engagés dans la production d’un produit unique et spécial.
C’est pourquoi l’ouverture des célébrations du centenaire ne peut commencer qu’à Pérouse, en plaçant les travailleurs des usines au centre.
Comme une véritable équipe, ils ont porté la chemise célébrant les 100 ans de Baci pour être les protagonistes absolus d’un grand merci et d’un souhait d’amour, à travers une photographie prise par un drone.
Les maîtres de l’école de chocolat de Pérouse participeront également aux célébrations, en confectionnant un gâteau spécial célébrant les 100 ans de Baci.
Une œuvre d’art chocolatière à grande échelle, dédiée à tous les travailleurs qui ont fait de Baci un produit au succès mondial.
L’usine elle-même sera le porte-parole des célébrations, grâce à une instal-
lation lumineuse qui enveloppera la “Baci Factory”, envoyant symboliquement un message d’amour véritable et universel au monde entier.
Une lumière tournée vers l’avenir pour indiquer que l’histoire de Baci est éternelle.
À l’occasion des célébrations, le musée du chocolat de Perugina, rénové avec un accent particulier sur l’histoire du centenaire de Baci, ouvrira également ses portes au public pour vivre un passionnant voyage dans le temps à la découverte d’une histoire d’entreprise qui mérite d’être connue et partagée.
Celle de Baci Perugina est une histoire de romance, de passion, d’esprit d’entreprise et d’excellence typiquement italienne et, surtout, une œuvre d’art reconnue dans le monde entier comme une icône et un symbole d’amour et d’affection.
De son emballage étoilé, à ses ingrédients sélectionnés, en passant par ses cartouches excitants, Baci est une expérience inoubliable au goût italien irrésistible.
Barbara Desario
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Rossella Digiacomo Ufficio Stampa Edelman rossella.digiacomo@edelman.com Ornella.degiorgi@edelman.com Giorgia.galperti@edelman.com Canaux sociaux : https://www.instagram.com/baciperugina_it/ https://www.facebook.com/BaciPeruginaIT
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Photo edelman
uisa Spagnoli, née Sargentini (Pérouse, 30 octobre 1877 - Paris, 21 septembre 1935), était une femme d’affaires italienne, surtout connue pour la conception du Bacio Perugina et pour la chaîne de magasins de vêtements qui porte son nom.
Née de Pasquale Sargentini, poissonnier, et de Maria Conti, femme au foyer, elle épouse Annibale Spagnoli à un peu plus de 21 ans.
Les deux reprennent une épicerie et, peu après, se lancent dans la fabrication de dragées.
Trois fils sont nés de leur mariage : Mario, Armando et Aldo.
En 1907, avec Francesco Buitoni et Leone Ascoli, ils ont ouvert une petite entreprise basée dans le centre historique de Pérouse, Perugina, avec quinze employés.
Avec le début de la première guerre mondiale, seuls Mme Spagnoli et ses fils Mario et Aldo sont restés pour diriger l’usine.
À la fin de la guerre, la Perugina était déjà une usine comptant plus de cent employés.
En 1923, Annibale Spagnoli se retire de l’entreprise en raison de frictions internes.
Le début de l’histoire d’amour entre Luisa et Giovanni Buitoni, fils de l’associé Francesco, est daté ici. Quelques témoignages et souvenirs des personnes les plus proches du couple parlent d’un lien profond mais réservé : les deux n’ont jamais emménagé ensemble. Pour Luisa, qui fait désormais partie du conseil d’ad-
LUISA SPAGNOLI
ministration de Perugina, c’est aussi le début de son engagement dans la construction d’équipements sociaux pour améliorer la vie des employés.
Elle a fondé l’école maternelle de l’usine de Fontivegge (considérée comme la plus avancée d’Europe dans le secteur de la confiserie).
Elle a inventé le célèbre chocolat appelé “Bacio Perugina” en 1922.
Dans les années 1930, son fils Aldo (1906-1992) a été le créateur de la campagne publicitaire liée au programme radiophonique en série “Les Quatre Mousquetaires”.
À la fin de la Première Guerre mondiale, il se lance également dans une nouvelle aventure : l’éle vage de volailles et de lapins angoras.
Les lapins ne sont pas tués ni même tondus, mais peignés avec amour pour obtenir de la laine angora pour leurs fils.
L’Angora Spagnoli est né dans la banlieue de Santa Lucia pour la création de châles, de boléros et de vêtements à la mode.
La mention à la Foire de Milan de “produits excellents” incite Luisa à multiplier ses efforts : 8000 éleveurs envoient par la poste à Pérouse les poils peignés d’au moins deux cent cinquante mille lapins ; la production de l’entreprise est alors achevée.
Luisa n’a pas pu voir le véritable décollage de l’entreprise, qui allait (suit page 14)
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(suit de la page 13) commencer environ quatre ans plus tard sous la direction de son fils Mario.
On lui diagnostique un cancer de la gorge. Giovanni Buitoni la transfère à Paris pour lui garantir les meilleurs soins et reste auprès d’elle jusqu’à sa mort en 1935, à l’âge de presque 58 ans.
Elle est enterrée dans la crypte adjacente à l’usine d’angora Luisa Spagnoli à Santa Lucia, Pérouse. Dans les années 1940, à une époque où beaucoup souffraient de la faim et du froid, la famille Spagnoli offrait à ses travailleurs pour Noël des pulls, des chaussettes et de la laine d’une valeur de 4 000 lires, une fortune pour l’époque. L’usine de Santa Lucia disposait d’une piscine pour les employés. Des maisons en terrasse (qui existent encore aujourd’hui) ont été construites pour les employés, des crèches ont été organisées pour leurs enfants, des danses, des matchs de football, des concours et des fêtes ont été encouragés.
Après sa mort, avec son fils Mario (1900-1977) en 1937, l’entreprise créée par Luisa passe du statut d’entreprise artisanale à celui d’entreprise industrielle.
On lui attribue l’invention en 1942 de deux objets brevetés : un peigne pour recueillir la laine et une pince pour tatouer les lapins angoras.
En 1947, Mario construit la nouvelle usine “Angora City”, autour de laquelle est créée une communauté autosuffisante, dans laquelle la partie soins et loisirs est une phase du cycle de production.
Il a également fondé, dans les années 1960, le terrain de jeu de la “Città della Domenica”, appelé à l’origine “Spagnolia” et qui est encore aujourd’hui une destination pour les visiteurs (un grand portrait de Luisa se trouve à l’entrée).
Avec son fils Annibale, dit Lino (1927-1986), entrepreneur et président du Calcio de Pérouse, la production se diversifie et naît le réseau commercial des boutiques et des outlet stores “Luisa Spagnoli”, aujourd’hui présents dans le monde entier, mais toujours basés à Pérouse.
En 1952, la maison Luisa Spagnoli participe en tant que boutique de mode aux côtés d’autres marques de haute couture prestigieuses de l’époque, telles que Vincenzo Ferdinandi, Roberto Capucci, Giovannelli-Sciarra, la Sartoria Antonelli, Germana Marucelli, Polinober...
Sartoria Vanna, Jole Veneziani et d’autres entreprises et maisons de couture dont Emilio Pucci, Mirsa et “La Tessitrice dell’Isola” de Clarette Gallotti, lors du défilé de mode qui a utilisé pour la première fois la célèbre Sala Bianca du palais Pitti de Florence. Une très jeune Oriana Fallaci envoyée par l’hebdomadaire Epoca en a fait un reportage .
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Photo Diluigichiesa
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ermaine Richier, née le 16 septembre 1902 à Grans (Bouches-du-Rhône), et morte le 31 juillet 1959 à Montpellier (Hérault), est une sculptrice française. Ses intimes la surnommaient L’Ouragane du nom d’une de ses sculptures réalisée en 1949.
Car « derrière le paravent de ses bonnes manières, derrière son sourire de Joconde égarée dans un univers qui ne semblait pas être fait pour elle, Germaine Richier n’était que feu, tension, volcan toujours prêt à exploser2. »
Lors de la rétrospective à la Fondation Maeght, Geneviève Breerette souligne en 1996 « qu’elle reste un des talents les plus méconnus car on ne dispose pas de catalogue raisonné. »
Elle annonce la parution de l’ouvrage auquel Françoise Guiter, nièce de l’artiste travaille. On l’annonce toujours. Cadette d’une famille provençale par son père, languedocienne par sa mère, Germaine habite dès 1904 avec sa famille à Castelnau-le-Lez dans la propriété du Prado où elle vit pendant toute sa jeunesse.
À partir de 1920, Germaine Richier entre à l’école supérieure des beaux arts de Montpellier, dans l’atelier de Louis-Jacques Guiguesnote .
Elle y apprend la technique de la taille directe et réalise essentiellement des bustes.
Elle remporte le premier prix de sculpture avec Jeunesse, œuvre aujourd’hui détruite. En octobre 1926, le sculpteur Antoine Bourdelle
GERMAINE RICHIER
l’accueille dans son atelier particulier, avenue du Maine où elle restera jusqu’à la mort de son maître en 1929.
Elle est la seule élève particulière de Bourdelle. Formée, à la « dure école du buste » elle réalise pendant ces années des modelages, moulages, mais travaille aussi la pierre et le bois.
Elle possède un grand métier dont Romuald Dor de la Souchère. écrit « .. qu’elle supporte l’invention la plus infidèle. » Mariée le 12 décembre 1929 au sculpteur suisse Otto Bänninger qui est metteur en place et praticien de Bourdelle, elle travaille à Paris en toute indépendance dans son atelier de l’avenue du Maine.
Dès son arrivée à Paris sa sculpture est remarquée et appréciée.
Elle prend des élèves. À partir de 1933 et jusqu’à la fin de sa vie, elle s’installe avec son mari dans un autre atelier Villa Brune, puis avenue de Châtillon, (aujourd’hui avenue Jean-Moulin dans le XIVe arrondissement). Sa première exposition a lieu en 1934, à la galerie du russe Max Kaganovitch à Paris.
Germaine Richier y montre des bustes, aujourd’hui détruits, et un nu masculin Loretto, bronze patiné foncé en onze exemplaires, première œuvre de grande taille : 159,5 × 55 × 36 cm, exposée ensuite (suit page 16)
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Photo lucjoubert
au Musée du Jeu de Paume en 1937 dans l’exposition Femmes artistes d’Europe.
Après un voyage à Pompéi avec ses élèves en 1935, elle reçoit en 1936 le prix Blumenthal, bourse créée par deux mécènes américains, Florence et Georges Blumenthal, pour récompenser des artistes deux fois par an.
Le prix attribué à Germaine récompense le Buste no 2, portrait du fils du sculpteur Robert Coutin.
À l’Exposition universelle de 1937, Germaine Richier présente Méditerranée au pavillon Languedoc méditerrainéen8, elle obtient la médaille d’honneur pour cette œuvre.
L’année suivante, accompagnée de son mari, elle emmène ses élèves en Tchécoslovaquie, crée le buste de Renée Regodias, appelée couramment “La Regodias”, bronze patiné en douze exemplaires, 185 × 123 × 21 cm (collection famille Germaine Richier).
Elle expose souvent à partir de 1939, à Paris et à Bruxelles.
Elle participe également à l’Exposition internationale de New York.
C’est une période heureuse pour Germaine Richier qui retrouve, boulevard du Montparnasse, la communauté artistique presque tous les soirs à La Coupole ou au Dôme, après avoir travaillé toute
la journée dans son atelier. Dans les brasseries, ou aux expositions, elle est avec ses amis : Marko, Emmanuel Auricoste, Robert Couturier, Fritz Wotruba, Marino Marini, et Alberto Giacometti. « Tout le milieu intellectuel qui gravitait autour de lui se retrouvait là. Après la guerre, ce sera à Saint-Germain-des-prés. » 1939-1946, la période suisse
À la déclaration de guerre, en septembre 1939, Germaine Richier et Otto Bänninger sont en Suisse.
Ils s’installent à Zurich, no 157 Bergstrasse. « Jusqu’à la guerre, Germaine Richier reste un sculpteur bien élevé, dans la tradition du volume et de la statuaire […] C’est en Suisse où elle réside pendant l’Occupation, qu’elle met à mal l’unité de sa statuaire, et défait l’équilibre classique qu’elle sait si bien gérer. » En Suisse, Germaine retrouve ses amis du quartier du Montparnasse : Jean Arp, Giacometti, Marino Marini, Wotruba et elle rencontre l’écrivain Georges Borgeaud qui pose pour la statue Le Poète (1945).
Germaine a déjà un grand succès. Elle a pris des élèves et elle crée Juin 40, hauteur 98 cm, pour illustrer la guerre. C’est dans son atelier de Zurich qu’elle a appris la fin de la Drôle de guerre. « Nul ne sait si Germaine a entendu l’appel du 18 Juin, mais son allégorie de Juin 40 exprime le désarroi de tout un peuple. »
Cette même année, elle réalise Le Crapaud, 1940, 20 × 30,5 × 25,5 cm, actuellement conservé au Kunsmuseum de Berne.
On trouve dans Le Crapaud les premières traces de
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Photo smithsonianmag
(suit de la page 15)
son intérêt pour le monde animal que l’on retrouve dans La Sauterelle (1944). Mais la représentation humaine reste sa préoccupation principale jusqu’en 1946, année où l’on va voir apparaître L’Araignée, La Chauve souris, La Mante, grande et d’autres figures « insectiformes », mi humaines, mi insectes. Cependant, elle n’abandonne pas son étude de la figure humaine. “Le Vieux”, (1944), est le premier buste où elle s’accorde une totale liberté, tout en gardant la rigueur du buste et la ressemblance avec le modèle. Dans ce même style, elle réalise “Femme assise “(1944) et par la suite la figure de la femme assise évolue vers “L’Eau” (1953), 143 × 63 × 101 cm, Tate Gallery, Londres.
Le sculpteur italien Marino Marini, réfugié à Zurich, qui était déjà un de ses amis à la grande époque de la communauté d’artistes de Montparnasse, est si proche de Germaine Richier que la sculptrice n’accepte de participer à une exposition au Kunstmuseum de Bâle qu’à la condition que Marini donne un avis favorable « Que pense Marino de cette exposition? écrit-elle à Marina. Le musée est beau, le public bâlois, intéressant, le conservateur, généreux. Si Marino expose, j’exposerai aussi, sinon, ce sera non pour moi également car je n’ai aucun intérêt d’être avec les autres. »
En 1945, Marino Marini réalise une tête de Germaine Richier conservée à la Galleria d’Arte Moderna de Milan[réf. nécessaire].
En octobre 1946, Germaine Richier revient à Paris car : « Son existence et sa sculpture ne peuvent être que dans son pays, à Paris. »
Avec Otto Bänninger, elle vit entre la France et Zurich elle correspond très régulièrement avec lui: «Au fond, c’est Bänni qui m’a initiée à l’art et c’est à lui que je dois l’émancipation de ma vie bourgeoise. »
Mais à Paris elle retrouve ses anciens amis auxquels s’ajoutent des éléments littéraires dont Marcel Arland, Nathalie Sarraute, Colette, Edmond Humeau, Jean Paulhan.
Elle retrouve son atelier de l’avenue de Châtillon et sa liberté de création explose avec des figures hybrides : L’AraignéeI, La Mante, La Chauve-Souris auxquelles elle ajoute des fils tendus, croisés.
La Chauve souris inaugure une nouvelle technique : celle de la filasse et du plâtre qu’elle poursuit avec La Forêt. Outre La Vierge folle, elle crée des bronzes de petite taille : La Lutte, La Parade, Le Combat, La Tarasque. En novembre 1946, elle rencontre l’écrivain et poète René de Solier qui deviendra son compagnon.
Il communique son enthousiasme à son ami Jean Paulhan, ainsi qu’au poète Francis Ponge et à l’écrivain André Pieyre de Mandiargues : « À mon goût, ce sont presque (suit page 18)
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(suit de la page 17) uniquement quelques femmes qui sauvent aujourd’hui la peinture, et c’est Richier qui sauve la sculpture. »
Solier deviendra son compagnon quelques années plus tard.
En 1947, elle réalise L’Orage, qu’elle achève en 1948, pour lequel elle fait poser un ancien modèle d’Auguste Rodin, Nardone, modèle qui avait posé pour Le Balzac de Rodin à partir de 1903.
C’est avec lui qu’elle crée L’Homme qui marche. Elle utilise ce même modèle en 1948 pour L’Aigle et pour L’Ogre l’année suivante, pour L’Hydre et Le Pentacle en 1954 et encore pour Le Dos de la montagne. L’Orage est présenté à la XXVIe Biennale de Venise en 1952.
Cette même année, elle expose à l’Anglo-French art center de Londres. Le texte du catalogue est de René de Solier.
En 1948, elle est exposée à la galerie Maeght du 22 octobre au 10 novembre.
En même temps, le no 13 de la revue Derrière le miroir lui est consacré avec des textes de Georges Limbour, Francis Ponge et René de Solier En 1949, elle crée Don Quichotte et Don Quichotte à l’aile du moulin, avec sa nouvelle technique de la filasse. Elle commence aussi à travailler à un Christ, commandée par les dominicains pour l’église Notre-Dame-de-Toute-
Grâce du plateau d’Assy et pour lequel elle se passionne. Dès 1945, le père Couturier et le père Régamey de l’ordre des dominicains, souhaitaient rénover l’art sacré19 Ils ont demandé à des artistes contemporains la décoration de l’église d’Assy, parmi lesquels se trouvent Georges Braque, Fernand Léger, Henri Matisse, Marc Chagall. Ayant déjà fait poser Nardone, Germaine le trouve trop corpulent pour un christ et reprend son travail avec Lyrot, un modèle plus mince. Elle réalise le crucifix qui sera placé derrière l’autel. Ce christ fait l’objet d’une grande controverse. En avril 1951, Monseigneur Auguste Cesbron, évêque d’Annecy, fait retirer la sculpture. Il s’agit surtout d’une opposition créée par des ecclésiastiques d’ordre différents, alors que la statue est défendue par beaucoup de chrétiens, des laïques et aussi par les malades du sanatorium d’Assy, mais aussi très largement par la critique française et étrangère20. Après avoir été préservée dans la sacristie, la statue est remise en place sur le maître-autel en 1969 et classée monument historique le 15 mars 197120.
À partir de 1951, Germaine Richier ajoute de la couleur dans ses bronzes. Ainsi pour La Ville (1951), le fond est peint par Vieira da Silva et La Toupie (1952) par Hans Hartung. Elle a également l’idée d’insérer des verres colorés. 1952 est aussi l’année du Griffu qui illustre le mythe provençal de la Tarasque. Germaine Richier s’inspire pour cette réalisation d’une reproduction de la tarasque suspendue au plafond du
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Museon Arlaten. Cette même année, elle réalise le Cheval à six têtes, petit.
Puis elle décide de transporter à Saint-Tropez son atelier avec quelques élèves et sa nièce Françoise. Elle expose au Chili, en Suisse, et à la XXVIe Biennale de Venise20.
Elle illustre les œuvres d’Arthur Rimbaud Illuminations et Une saison en enfer par des eaux-fortes. 1954-1959, de L’Hydre aux œuvres monumentales En 1954, Germaine Richier divorce et se remarie avec René de Solier.
Germaine Richier expose pour la première fois aux États-Unis, à la Allan Frumkin Gallery de Chicago.
Puis elle participe à l’exposition collective The New decade : 22 european painters and sculptors au Museum of Modern Art (MOMA) de New York, où elle présente notamment La Mandoline ou La Cigale.
Le MoMA possède actuellement “Sculpture with background” (sculpture avec arrière-plan), bronze nettoyé doré, 23,5 × 37,3 × 11,8 cm21, don de la fondation Blanchette Hooker Rockefellernote .
Entre 1955 et 1956, Germaine Richier entreprend une œuvre monumentale 185 × 330 × 130 cm “La Montagne” qui sera présentée au public pour la première fois lors de la rétrospective organisée au musée d’art moderne de Paris.
Germaine Richier fait partie des rares artistes qui ont eu une rétrospective de leur vivant au MNAM : le sculpteur Henri Laurens, les peintres Marc Chagall et Joan Miró et le plasticien Alexander Calder notam-
ment.
En 1957, pour des raisons de santé, elle s’installe à Antibes avec son mari René de Solier dont elle illustre le recueil de poèmes “Contre terre”.
La dernière exposition organisée de son vivant a lieu au musée Grimaldi-château d’Antibes en juillet 1959.
Germaine Richier est inhumée au cimetière communal de Mudaison. Style et technique Avec Antoine Bourdelle, elle apprend la technique de la triangulation qui consiste à travailler sur le modèle vivant en marquant chacun des points osseux.
À partir de ces repères qui indiquent la structure du squelette, des lignes quadrillent le corps.
Cette division du corps par un réseau linéaire dense permet d’analyser la forme et de procéder en s’aidant de compas (hauteur et épaisseur) et de fil à plomb, à son report sur le modèle en terre sans études intermédiaires.
Le catalogue de l’exposition de la fondation Maeght de 1996 reproduit une photographie du modèle Nardone entièrement peint de traits.
Le sculpteur Aristide Maillol lui dira un jour : « Vous savez accrocher un nez à un front. »
Cette mise au carreau n’est pas un moyen de copier la nature, mais plutôt d’interpréter la forme, de la déformer en faisant «mentir le compas» (suit page 20)
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(suit de la page 19)
selon son expression fréquemment employée.
« Selon moi, ce qui caractérise une sculpture, c’est la manière dont on renonce à la forme solide et pleine.
Les trous, les perforations éclairent la matière qui devient organique et ouverte, ils sont partout présents, et c’est par là que la lumière passe.
Une forme ne peut exister sans une absence d’expression.
Et l’on ne peut nier l’expression humaine comme faisant partie du drame de notre époque. » Germaine Richier conçoit ses œuvres pleines et complètes.
Elle étire la terre, la superpose en couche, la malaxe et ensuite la déchire à l’aide d’outils à bout tranchant qu’elle appelle épées avec lesquelles elle coupe un plan, accentue un creux, dessine une ligne affirmant la direction d’une jambe ou d’un bras.
Elle incise la surface de la matière pour y inclure des fragments et tracer des scarifications.
Elle veut que « les formes déchiquetées […] aient un aspect changeant et vivant. » Mandiargues y voit une «matière longuement suppliciée […] où, depuis la première glaise, jusqu’au métal enfin, [Germaine Richier] ne cesse de limer, de poindre et de tenailler, d’amputer et puis de greffer. Travail de furieux. »
À partir du Crapaud (1940), elle représente le corps humain en l’intégrant au règne de la nature. Elle pousse l’expérience jusqu’à greffer dans le plâtre des branches d’arbre et des feuilles dans “L’Homme-forêt” (1946) dont Georges Limbour a vu la première version en terre et en bois dans l’atelier de l’artiste.
Il le décrit comme « un Homme-forêt fait de branches d’arbres judicieusement choisies, de glaise, de fil de fer et je crois qu’il y avait encore de la mousse, oui, tout au moins sur la branche. »
Un doute subsiste quant à la description qu’il a fait de cette ébauche. on ne sait pas s’il agit de L’Homme-forêt ou de La Forêt.
Mais en 1948, devant L’Homme-forêt grand, en bronze exposé à la Galerie Maeght il trouve que, passant du bois au bronze, l’objet s’est totalement intégré à l’ensemble de l’œuvre. L’Homme-forêt, grand a été réalisé à partir de végétaux ramassés en Valais, en Suisse, tandis que La Forêt est composé de branches d’arbres ramassées par la famille de Germaine Richier, en Provence, dans les environs de Lapalud : Françoise Guiter, nièce de l’artiste, citée par Jean-Louis Prat. Elle associe le corps d’un homme ou d’une femme à un élément naturel ou un objet usé pour donner naissance à des figures réelles, ou totalement réinterprétées.
Un morceau de brique et de ciment poli par la mer, ramassé sur la plage de Varengeville-sur-mer, devient
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Photo ilgirasole
la tête du Berger des Landes (1951), bronze, sculpture évoquant la silhouette épurée du berger landais. Inversement, un pan de mur ramassé sur la même plage, composé de trois fragments de briques mêlées à du ciment et arrondi par les frottements de la mer, devient une pièce unique voisine de l’art abstrait : Le Berger des Landes, buste n°35, 1951, 17,5 × 15 × 14,2 cm, brique et ciment, collection particulière, sans rapport avec la réalité du sujet. Avec un col d’amphore, ramassé sur une plage près des Saintes-Maries-de-la-Mer, elle forme le cou avec un début de menton et une évocation de cheveux de la sculpture L’Eau (1954), 146 × 63 × 120 cm, Tate Gallery, Londres.
René de Solier, en 1953, parle d’un « répertoire de formes hybrides qui se met en place pendant la Seconde Guerre mondiale pour évoquer les sculptures de Germaine Richier. » ajoutant : « La difficulté vaincue, après quelque exploration aventureuse, nous surprenons l’hybride et le pouvoir d’oublier les origines. » Le répertoire des formes hybrides, inauguré par “Le Crapaud” n’est, dans un premier temps, qu’une rencontre entre un nom d’animal et sa « transposition humaine » avant de s’ouvrir au mélange des règnes humains, végétal et animal.
Le choix parmi les animaux (crapauds, chauves-souris, tarasques, sauterelles, mantes, araignées) puisé dans un registre essentiellement féminin, construit un univers où la femme « est souveraine ».
Et à l’exception du crapaud, ce sont des êtres aux
membres longs et grêles, susceptibles de bonds ou de vols.
Visitant son atelier, Mandiargues remarque des « vitrines noires, poussiéreuses, au long des murs, des boîtes d’insectes fabuleux dont on verra qu’ils jouent un rôle dans la sculpture de Germaine Richier. »
En 1949, Germaine Richier est contactée pour participer à la décoration d’une nouvelle église construite sur le plateau d’Assy.
Les travaux de cette église conçue par l’architecte Maurice Novarina (1907-2002), commencés en 1937, se sont achevés en 1946.
Le projet est né de la volonté des pères dominicains Marie-Alain Couturier (1897-1954) et Pie-Raymond Régamey (1900-1996) et du chanoine Devémy.
Le père Couturier, pour se démarquer du style saint-sulpicien, souhaite faire « appel à la vitalité de l’art profane pour ranimer l’art chrétien.»
Ainsi, il sollicite près d’une vingtaine d’artistes contemporains tels que Jean Bazaine, Georges Braque, Marc Chagall, Fernand Léger, Henri Matisse, Georges Rouault…
En visitant l’atelier de Germaine Richier, Couturier et Devémy lui commandent le crucifix qui sera installé derrière le maître-autel.
Elle réalise très vite une (suit page 22)
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(suit de la page 21)
première esquisse : «[…] je veux le résultat d’une conception, d’un savoir, d’une audace, le tout si possible très vivant […] je n’envisage pas une sculpture de plusieurs mois de travail, je veux aller directement si possible. »
Le corps légèrement concave est décollé de la poutre verticale, les bras démesurés s’ouvrent sur le monde et sont confondus avec ceux de la croix, le visage est raviné et le corps, à peine déterminé, porte des traces de scarifications.
Pour renforcer la pathétique, le bronze sera laissé à l’état naturel, sans patine, accusant les parties creusées et les parties saillantes de la matière qui déchire la forme.
Le projet est accepté sans réserve.
L’église Notre-Damede-Toute-Grâce est inaugurée le 4 août 1950 et consacrée par l’évêque d’Annecy.
L’impression générale est favorable. Dans une lettre à H. Hubacher d’août 1950, Germaine Richier confie sa satisfaction de l’œuvre réalisée : « […] je crois que ma conversation avec le Christ de terre, de bois et de conviction a donné un assez beau résultat. […] L’activité vaut mieux que la rêverie, personnellement je suis heureuse que les montagnes n’aient pas à me regarder d’un œil inquiet. »
Photo ilgirasole
Le 4 janvier 1951, à l’occasion d’une conférence donnée à Angers par Devémy, intitulée “Est-ce que l’église d’Assy peut contribuer au renouveau de l’art sacré ?”, des intégristes catholiques manifestent. Ils font circuler un tract qui oppose la photographie de l’œuvre de Richier à celle d’un crucifix « saint-sulpicien » et dénonce les « artistes (??) athées qui prétendent renouveler l’art chrétien ». S’appuyant sur les déclarations d’un cardinal du Vatican, ce groupe réclame le retrait du crucifix.
Le 1er avril 1951, à la demande du même évêque qui avait consacré l’église, la sculpture est retirée et entreposée dans la chapelle des Morts.
Bernard Dorival, conservateur du musée national d’art moderne, attaque avec virulence cette décision dans une chronique publiée dans le numéro 42 de la revue de La Table ronde en juin 1951 « Épurons nos églises ».
Dans le numéro suivant, Gabriel Marcel critique Bernard Dorival pour défendre la position de la hiérarchie catholique.
La sculpture est réinstallée à sa place d’origine pour les fêtes de Pâques de 1969.
À partir de 1953, Germaine Richier introduit la couleur dans ses sculptures. Cet intérêt pour la couleur semble né des œuvres polychromes de Marino Marini.
« J’ai commencé à introduire la couleur dans mes statues en y incrustant des blocs de verre colorés où la lumière jouait par transparence.
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Ensuite, j’ai demandé à des peintres de peindre sur l’écran qui sert de fond à certaines de mes sculptures. Maintenant, je mets la couleur moi-même. Dans cette affaire de couleurs, j’ai peut-être tort, j’ai peut-être raison.
Je n’en sais rien. Ce que je sais en tous les cas, c’est que ça me plaît. La sculpture est grave, la couleur est gaie. J’ai envie que mes statues soient gaies, actives. Normalement, une couleur sur de la sculpture ça distrait. Mais, après tout, pourquoi pas ? » “L’Échiquier, grand”, composé des cinq personnages du jeu d’échecs est l’aboutissement de ses recherches sur la couleur.
C’est aussi le dernier ensemble de sculptures monumentales qu’elle réalise.
Acheté en 1998 avec l’aide du Fonds du Patrimoine, il a été attribué au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou.
Les cinq statues se trouvent actuellement en dépôt dans le jardin des Tuileries à Paris.
Jean-Louis Prat, Germaine Richier, rétrospective, Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, 1996, 240 p. (ISBN 978-2-900923-13-9), rétrospective du 5 avril au 18 juin 1996 Rétrospective Germaine Richier dans Libération du 18 juin 1996
Valérie Da Costa, Germaine Richier, un art entre deux mondes, 2006, Norma Éditions, Paris, (ISBN 2-915542-01-5).
L’ELEPHANT ENTEND LES LANGUES
ous ses airs de colosse un peu pataud, ce cousin actuel du mammouth cache une profonde intelligence et un cœur au moins aussi grand.
Saviez-vous que le pachyderme connu pour sa mémoire légendaire était aussi capable de comprendre le langage des humains ?
Tu as peut-être déjà entendu l’expression, « avoir une mémoire d’éléphant » ou « se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ». Cette dernière, si tu l’as déjà entendue, c’est peutêtre que toi ou quelqu’un d’autre a fait preuve de... maladresse.
Car oui, laisser entrer un éléphant dans un magasin de porcelaine, c’est risqué, et même, très risqué.
L’éléphant est en effet le plus grand mammifère terrestre.
Il peut mesurer jusqu’à 4 mètres de hauteur et peser jusqu’à 6 tonnes. Herbivore, il se nourrit de plantes, de feuilles, mais raffole également de fruits et d’écorces d’arbres. Ce colosse a une espérance de vie de 60 ans en moyenne, mais une éléphante indienne (affectueusement surnommée Gaja Muthassi, ce qui signifie « Grandmère Éléphant ») a vécu jusqu’à l’âge de 88 ans. Ainsi, tout est possible avec l’éléphant !
Et tu n’es pas au bout de tes surprises.(suit p. 24)
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(suit de la page 23)
Ce drôle d’animal est facilement reconnaissable.
Il a de grandes oreilles, une trompe qui lui sert à respirer, à sentir et à se saisir des objets, et parfois à s’asperger de boue (c’est bon pour sa peau!), ou d’eau, ou encore à asperger les autres !
Eh oui, l’éléphant peut être farceur même si ses grandes défenses, ces longues dents qui surgissent des deux côtés de sa bouche, peuvent parfois lui donner un air... féroce. Ces défenses ne servent pas uniquement à se défendre, comme leur nom l’indique. Elles sont aussi de véritables outils.
Que ce soit pour Loxodonta africana qui habite la savane africaine, ou pour Loxodonta cyclotis, l’autre éléphant d’Afrique qui, lui, préfère les forêts tropicales humides.
Elles lui servent à creuser, à débroussailler, ou encore à arracher l’écorce des arbres pour en atteindre la partie la plus savoureuse.
Et ce n’est pas l’éléphant d’Asie, de son nom latin Elephas maximus, qui peuple les forêts tropicales humides de l’Asie du sud-est, qui dira le contraire !
D’ailleurs, sa relation avec les arbres va plus loin encore, car où qu’il vive, l’éléphant joue un rôle écologique majeur. C’est-à-dire qu’il participe au développement et à la survie des autres
espèces qui l’entourent. Il est en effet un « architecte des paysages » qu’il transforme sur son passage. En cherchant de la nourriture, il abat une partie de la végétation et sème, grâce à ses excréments ! les graines qui feront les plantes et les arbres de demain. Malheureusement l’éléphant, d’Afrique et d’Asie, est à présent menacé d’extinction.
Ses belles défenses et l’ivoire qui les constitue, sont convoités par les braconniers.
Ces chasseurs traquent illégalement les éléphants pour revendre ensuite leur ivoire à prix d’or. Mais le braconnage n’est pas la seule menace qui pèse sur ce pachyderme.
Son habitat est souvent victime de déforestation, c’est-à-dire que l’on y détruit les forêts sauvages pour y faire pousser d’autres plantes que consomment les humains, comme le palmier qui donne l’huile de palme dont tu as peut-être déjà entendu parler.
L’urbanisation - c’est le nom qu’on donne au processus par lequel les villes s’agrandissent en empiétant parfois sur la nature - met également sa survie en péril. Eh oui, bien qu’il soit une force de la nature, l’éléphant est un être vivant dont la survie est fragile.
Et pourtant, malgré ses airs de géant préhistorique un peu pataud, il est doté d’une incroyable intelligence et d’une grande sensibilité.
Pour en apprendre plus, partons à sa rencontre ! Voilà, nous y sommes. En plein cœur de la réserve de Samburu, au nord du Kenya.
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Photo futura
Vivent ici, au milieu des hautes herbes de la savane africaine, parmi les zèbres et les girafes, plusieurs groupes d’éléphants.
On peut les entendre barrir. Car oui, les éléphants barrissent pour s’exprimer. Leurs groupes sont constitués de femelles et de leurs petits.
Tu peux les apercevoir, en file indienne, agripper la queue de leurs mères avec leur trompe !
Les adultes mâles vivent pour leur part seuls, et rejoignent parfois un groupe ou un autre.
Au sein des groupes d’éléphants, c’est la femelle la plus âgée qui prend les décisions importantes et transmet ses connaissances : c’est la matriarche !
Quant aux autres, ils ont chacun leur rôle dans leur communauté : voilà le signe d’une intelligence sociale complexe ! Mais continuons notre enquête !
Car l’organisation sociale des éléphants se base sur leurs capacités de communication extraordinaires ! S’ils communiquent principalement par vocalisations, par des grondements qu’ils émettent, les éléphants sont aussi en mesure de communiquer... avec leurs pieds !
Non non, ce n’est pas une blague, en grondant les éléphants émettent des ondes, des vibrations qui font trembler le sol, et qu’ils captent par les pieds. De par cette faculté, ils peuvent se transmettre des messages sans se voir ni s’entendre, car ce qu’on appelle les infrasons peuvent voyager sur de très grandes distances.
Dans cette réserve de Samburu où nous nous trouvons, leur comportement a également été observé à la suite du décès d’une des matriarches, nommée Victoria.
Lorsqu’elle s’est allongée, pour rendre son dernier souffle, les autres éléphants de son groupe l’ont entourée, ont montré des signes de détresse, de tristesse, et ont tenté de la relever à plusieurs reprises.
L’éléphant ressent donc des émotions et il les exprime, il ressent la détresse de ses congénères et cesse même parfois de boire ou de s’alimenter si l’un d’eux décède.
C’est là la preuve de sa grande intelligence émotionnelle, et d’un cœur au moins aussi gros que lui. Mais ce n’est pas tout, car une expérience, menée au Kenya en pleine nature, a dévoilé une part encore insoupçonnée de son intelligence, cette fois-ci cognitive, c’est-à-dire sa capacité à raisonner et résoudre des problèmes.
Les chercheurs ont fait écouter(s à des éléphants la phrase « Regarde, regarde, un troupeau d’éléphants ! ».
Elle était prononcée par des Massaïs, des bergers qui entrent parfois en conflit avec les éléphants pour protéger leur troupeau, ou alors par des Kambas qui sont des agriculteurs kenyans qui ne représentent pas de menace pour les pachydermes. (suit page 26)
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(suit de la page 25)
Si la phrase était prononcée par un homme massaï, les éléphants montraient des signes de peur et se préparaient à se défendre, ce qui n’était pas le cas lorsque la phrase était prononcée en kamba, par les agriculteurs.
Ainsi, les éléphants arrivent donc à faire la différence entre deux langues humaines !
Et à déterminer laquelle représente pour eux une menace potentielle. Incroyable non ?
Je ne sais pas pour toi, mais moi je ne comprends pas un seul mot d’éléphant !
Plus étonnant encore, lorsque cette même phrase était prononcée en massaï par une femme ou un petit garçon, eh bien, ceuxci ne montraient aucun signe d’inquiétude.
Ils arrivaient donc à déterminer seulement à partir de la voix, si la personne était massaï ou kamba ; un homme ou une femme, ou encore un enfant.
La preuve que ses grandes oreilles ne lui servent pas qu’à se rafraîchir !
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https://www.futura-sciences.com/planete/ actualites/animaux-elephant-comprend-langues-humaines-102181/
ZITKALA-SA GERTRUDE SIMMONS BONNIN
ne vie dont il vaut la peine de se souvenir! Zitkala-Sa (“Oiseau rouge”) est née dans la réserve indienne de Yankton, dans le Dakota du Sud, le 22 février 1876.
Membre des Sioux Dakota de Yankton, elle a été élevée par sa mère après que son père ait abandonné la famille.
Lorsqu’elle avait huit ans, des missionnaires quakers se sont rendus dans la réserve et ont emmené plusieurs enfants (dont Zitkala-Ša) à Wabash, en Indiana, pour qu’ils fréquentent l’Indiana Manual Labor Institute de White.
Zitkala-Ša est parti malgré la désapprobation de sa mère. Dans ce pensionnat, Zitkala-Ša a reçu le nom de missionnaire Gertrude Simmons.
Elle a fréquenté l’Institut jusqu’en 1887.
Elle était en conflit avec cette expérience et a écrit à la fois sa grande joie d’apprendre à lire et à écrire et à jouer du violon, ainsi que son profond chagrin et sa douleur de perdre son héritage en étant forcée de prier en tant que quaker et de se couper les cheveux. Elle est retournée vivre avec sa mère dans la réserve de Yankton en 1887, mais n’est partie que trois ans plus tard.
Elle sentait qu’elle n’était pas à sa place après ses expériences à l’Institut. À quinze ans, elle est retournée à l’Institut pour poursuivre son éducation.
Elle étudie le piano et le violon, ce qui amène l’Institut à l’engager comme professeur de musique.
Elle a obtenu son diplôme en 1895.
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Photo nationalparkservice
Lorsqu’elle a reçu son diplôme, Zitkala-Ša a prononcé un discours en faveur des droits des femmes.
Au lieu de rentrer chez elle, Zitkala-Ša a accepté une bourse d’études qui lui a été offerte au Earlham College de Richmond, dans l’Indiana.
C’est à Earlham qu’elle a commencé à recueillir des histoires de tribus amérindiennes.
Elle a traduit ces histoires en latin et en anglais. En 1897, six semaines seulement avant de recevoir son diplôme, Zitkala-Ša a dû quitter Earlham pour des raisons financières et de santé.
Une fois de plus, elle a choisi de ne pas retourner dans la réserve.Elle s’installe plutôt à Boston, où elle étudie le violon au New England Conservatory of Music. En 1899, elle a accepté un poste de professeur de musique à l’école industrielle indienne de Carlisle, en Pennsylvanie.
De 1879 à 1918, il s’agit du principal pensionnat indien des États-Unis, qui sert de modèle à de nombreux autres.
En 1900, l’école a renvoyé Zitkala-Ša dans la réserve de Yankton pour rassembler d’autres élèves.
Elle a été choquée de trouver la maison familiale en mauvais état, la grande pauvreté et le fait que des colons blancs occupaient des terres données aux Dakotas de Yankton par le gouvernement fédéral.
Elle retourne à Carlisle et commence à écrire sur la vie des Amérindiens.
Ses récits autobiographiques et Lakota présentent son peuple comme généreux et aimant au lieu des
stéréotypes racistes courants qui dépeignent les Amérindiens comme des sauvages ignorants.
Ces stéréotypes étaient utilisés comme arguments pour justifier la nécessité d’assimiler les Amérindiens à la société américaine blanche.
Ses écrits, qui critiquaient profondément le système des pensionnats, ont été publiés dans les magazines nationaux anglais, notamment Atlantic Monthly et Harper’s Monthly.
En 1901, elle écrivit pour Harper’s Monthly un article qui décrivait la profonde perte d’identité ressentie par les Amérindiens et par un élève de l’école indienne de Carlisle.
Elle a été renvoyée. Par la suite, elle est retournée chez elle, dans la réserve, pour s’occuper de sa mère et recueillir des histoires pour son livre intitulé Old Indian Legends.
Elle a également travaillé comme employée au bureau des affaires indiennes (BIA) de la réserve indienne de Standing Rock.
Elle épouse le capitaine Raymond Talefase Bonnin en 1902.
Ils ont été affectés à la réserve Uintah-Ouray dans l’Utah, où ils ont vécu et travaillé pendant les quatorze années suivantes.
Pendant cette période, ils ont eu un fils, Raymond Ohiya Bonnin. (suit page 28)
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En 1910, Zitkala-Ša a rencontré William F. Hanson, professeur à l’Université Brigham Young en Utah.
Ensemble, ils ont collaboré à la création d’un opéra.
L’opéra “Danse du Soleil” a été achevé en 1913.
Basé sur le rituel sacré des Sioux que le gouvernement fédéral avait interdit, Zitkala-Ša a écrit le livret et les chansons. L’opéra “Danse du soleil“ a été le premier opéra amérindien écrit. C’est un symbole de la façon dont Zitkala-Ša a vécu dans son monde traditionnel amérindien et dans le monde de l’Amérique blanche dans lequel elle a été élevée, et a jeté un pont entre les deux.
Alors qu’elle se trouvait dans la réserve Uintah-Ouray, Zitkala-Ša a rejoint la Society of American Indians, un groupe fondé en 1911 dans le but de préserver la culture traditionnelle amérindienne tout en faisant pression pour obtenir la pleine citoyenneté américaine.
À partir de 1916, Zitkala-Ša a été secrétaire de la Société.
À ce poste, elle correspondait avec le BIA.
Elle critique de plus en plus vivement les politiques et pratiques assimilationnistes du Bureau, dénonçant les mauvais traitements infligés aux enfants lorsqu’ils refu-
sent, par exemple, de prier en tant que chrétiens. Son mari Raymond est licencié du bureau du BIA en 1916.
La famille a déménagé à Washington, DC. Zitkala-Ša a poursuivi son travail avec la Society of American Indians, où elle était la collègue de Marie Louise Bottineau Baldwin.
De 1918 à 1919, Zitkala-Ša a édité leur journal, American Indian Magazine.
Elle donne des conférences dans tout le pays pour promouvoir la préservation des identités culturelles et tribales des Amérindiens (bien qu’elle s’oppose catégoriquement à l’utilisation traditionnelle du peyotl, qu’elle compare aux effets destructeurs de l’alcool dans les communautés amérindiennes).
Tout en critiquant vivement l’assimilation, elle était fermement convaincue que les indigènes d’Amérique devaient être des citoyens américains et qu’en tant que tels, ils devaient avoir le droit de vote : “Sur la terre qui était autrefois la sienne - l’Amérique... il n’y a jamais eu de moment plus opportun que maintenant pour les Américains d’émanciper l’homme rouge !” En tant qu’occupants originels de la terre, a-t-elle fait valoir, les Amérindiens doivent être représentés dans le système de gouvernement actuel. historynativeamerican@gmail.com https://www.facebook.com/IndiansAmericans 246 E Colden Ave, Los Angeles, CA, United States +1 833-933-1816
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Photo federalreservebankofminneapolois
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heronimus Bosch (1453 - 1516) est connu dans le monde entier pour son langage de visions oniriques et de mondes curieux, de feux, de créatures monstrueuses et de personnages fantastiques.
Pour la première fois, Milan, sous la direction artistique du Palazzo Reale et du Castello Sforzesco, rend hommage au grand génie flamand et à sa fortune dans le sud de l’Europe avec un projet d’exposition sans précédent qui présente une thèse fascinante : Bosch, selon les commissaires, représente l’emblème d’une Renaissance “alternative”, loin de la Renaissance régie par le mythe du classicisme, et est la preuve de l’existence d’une pluralité de Renaissance, avec des centres artistiques répartis dans toute l’Europe.
Les commissaires de l’exposition sont au nombre de trois : Bernard Aikema, ancien professeur d’histoire de l’art moderne à l’université de Vérone, Fernando Checa Cremades, professeur d’histoire de l’art à l’université Complutense de Madrid et ancien directeur du musée du Prado, et Claudio Salsi, directeur du Castello Sforzesco, des musées archéologiques et des musées historiques et professeur d’histoire de la gravure à l’université catholique de Milan. Ce riche corpus comprend certains des chefs-d’œuvre les plus célèbres de Bosch et des œuvres dérivées des sujets du Maître - jamais encore présentés ensemble dans une seule exposition.
En effet, Bosch est l’auteur de très peu d’œuvres qui lui sont universellement attribuées et conservées dans
Ouverte au public jusqu’au 12 mars 2023, l’exposition
“Bosch et une autre Renaissance” est promue par la Ville de Milan-Cultura, Palazzo Reale et Castello Sforzesco et réalisée par 24 ORE Cultura Gruppo 24 ORE avec le soutien de Gruppo Unipol, principal sponsor du projet.
L’exposition présente une centaine d’œuvres d’art comprenant des peintures, des sculptures, des tapisseries, des gravures, des bronzes et des livres anciens, dont une trentaine d’objets rares et précieux provenant de wunderkammern.
Palazzo Reale P.za del Duomo, 12, 20122 Milano
les musées du monde entier.
C’est précisément parce qu’ils sont si rares et précieux que les chefs-d’œuvre de cet artiste quittent rarement les musées auxquels ils appartiennent, et il est encore plus rare que nous ayons la chance de les voir réunis dans une seule exposition.
C’est précisément en raison de leur fragilité et de leur état de conservation particulier que certaines œuvres devront être renvoyées dans leur musée avant la clôture de l’exposition.
Il s’agit des deux œuvres du Museo Lázaro Galdiano de Madrid (Méditations de Saint Jean Baptiste et La Vision de Tundalo) qui peuvent être visitées par le public jusqu’au 12 février et des deux œuvres prêtées par les Galeries Uffizi (la tapisserie Assaut sur un éléphant toréfié et Scène avec éléphant) qui seront exposées jusqu’au 29 janvier.
L’exposition au Palazzo Reale n’est pas une exposition monographique conventionnelle, mais met en dialogue des chefs-d’œuvre traditionnellement attribués au Maestro avec des œuvres importantes d’autres maîtres flamands, italiens et espagnols, dans une comparaison qui vise à expliquer au visiteur comment l’”autre” Renaissance (pas seulement italienne et pas seulement (suit page 30)
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Photo museomadrid
(suit de la page 29)
celle des Offices) a influencé, à l’époque ou immédiatement après, de grands artistes comme Titien, Raphaël, Gerolamo Savoldo, Dosso Dossi, El Greco et bien d’autres.
Grâce à la collaboration entre les institutions italiennes, en particulier l’ambassade d’Italie au Portugal, mais aussi l’Institut culturel italien de Lisbonne avec le Museu Nacional de Arte Antiga, il sera possible d’admirer au Palais Royal le monumental Triptyque des Tentations de Saint Antoine, une œuvre qui n’a quitté le Portugal qu’à quelques reprises au cours du 20ème siècle et qui vient maintenant en Italie pour la première fois.
Un autre prêt important, fruit d’un échange avec la ville de Bruges, est l’œuvre monumentale du Maître provenant du Groeningemuseum de Bruges, le Triptyque du Jugement dernier, qui faisait initialement partie de la collection du cardinal vénitien Marino Grimani. Le projet d’exposition repose sur le prêt par le musée du Prado de l’œuvre de Bosch, Les tentations de saint Antoine, et sur les chefs-d’œuvre du Museo Lázaro Galdiano, qui a accordé le précieux panneau Saint Jean Baptiste du maestro.
Et toujours de Bosch, le Triptyque des Ermites des Galeries de l’Académie de Venise, prove-
nant de la collection du Cardinal Domenico Grimani, l’un des plus importants collectionneurs de son temps et l’un des très rares propriétaires d’œuvres de Bosch en Italie.
La renommée de Bosch n’a pas commencé en Flandre, où l’artiste est né, mais dans le sud de l’Europe.
En fait, le “phénomène Bosch” est né dans le monde méditerranéen, plus précisément en Espagne et en Italie au XVIe siècle.
C’est précisément en Italie que le langage fantastique et onirique de Bosch et de ses disciples, protagonistes d’une “autre Renaissance”, a trouvé le terrain le plus fertile et le plus mûr pour se développer et devenir un modèle figuratif et culturel pour l’époque et pour
de nombreuses générations d’artistes, même des siècles plus tard. En particulier, une comparaison est proposée entre les quatre tapisseries boisées de l’Escorial et le dessin de l’éléphant, provenant des collections de la Galerie des Offices, modèle de la cinquième tapisserie, aujourd’hui perdue.
La “mode” des images “à la Bosch”, qui s’est établie en Espagne et en Italie, puis dans le reste de l’Europe, s’est traduite par une série d’œuvres d’art spectaculaires créées selon des techniques et des sources diverses.
En particulier, les estampes qui ont diffusé le langage de Bosch, parmi lesquelles se distingue l’œuvre de Pieter Bruegel l’Ancien (le plus important disciple de
Bosch), sont présentes dans l’exposition avec une douzaine de gravures dérivées de ses compositions. Les gravures ont contribué de manière décisive à la diffusion du goût pour les images de feux nocturnes, les scènes de sorcellerie, les visions oniriques et magiques.
C’est ce que confirment des œuvres telles que le Stregozzo de Marcantonio Raimondi ou Agostino Veneziano, le Monstre marin d’Albrecht Dürer et le chef-d’œuvre littéraire-éditorial d’Aldo Manuzio, l’Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna, ainsi que l’Allégorie de la vie humaine de Giorgio Ghisi. La prolifération d’objets rares, bizarres et précieux qui caractérisait les collections éclectiques typiques du goût internatio-
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Photo museomadrid
nal du XVIe siècle est évoquée dans la dernière salle, aménagée comme un original Wunderkammer, grâce à la collaboration du Musée d’histoire naturelle de Milan et des Collections du Castello Sforzesco.
La présence étudiée et calculée d’une trentaine d’objets de la “chambre des merveilles” nous ramène à une confrontation immédiate et directe avec la représentation chaotique et irréaliste de l’un des chefs-d’œuvre les plus difficiles de Bosch : Le Jardin des délices terrestres, présenté dans l’exposition dans la double version d’une peinture contemporaine et d’une tapisserie. Les wunderkammern des derniers souverains habsbourgeois, et en particulier de Rodolphe II de Habsbourg, dont le por-
trait, le célèbre Vertumno peint par l’artiste milanais Arcimboldo (prêt exceptionnel du château de Skokloster, en Suède), est présenté dans l’exposition au sein de la wunderkammer reproduite et représente pleinement l’éclectisme typique de ce goût pour la collection.
À la fin de la visite, une œuvre audiovisuelle de Karmachina, Tríptiko. Une vision inspirée de Hieronymus Bosch, avec la musique de Fernweh, met en scène un voyage dans le monde onirique du peintre flamand.
Le titre rappelle le format de l’œuvre principale dont est issue la performance, le Triptyque du Jardin des délices.
Infoline +39 02 54912 www.palazzorealemilano.it/mostre/e-un-altro-rinascimento
urprenante.
C’est le premier adjectif qui vient à l’esprit à la lecture de ce Garibaldi, un portrait du Héros des Deux Mondes publié pour la première fois, à titre posthume, en 1972, un an seulement après la mort de Luciano Bianciardi, qui n’avait pas encore cinquante ans.
Surprenant parce que de quelqu’un comme lui, anarchiste, rebelle, irréductiblement jamais réconcilié avec une quelconque normalité abstraite de Bello Scrivere, au sommet d’une vie criée, d’une existence “contre”, on s’attendrait à la désacralisation du sacré, à la démythologisation du mythe, à la démolition de la statue, au dessin d’une moustache de Mona Lisa.
En un mot : ce “mal parler de Garibaldi” que cent ans d’Italie post-unification ont érigé en tabou imprononçable.
Au contraire, Bianciardi aime Garibaldi d’un amour intense et respectueux, parfois chargé du transport d’un partisan ardent ; il l’aime sans demi-mesures et sans compromis, au point de dépeindre, dans des pages extrêmement ponctuelles du point de vue de la vérification historique et soutenues par une langue agile, vivante et extrêmement moderne, la même icône parfaite que des générations d’étudiants, avant lui, avaient appris à connaître - avec un désintérêt toujours plus grand - à partir des textes sacrés. (suit page 32)
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Garibaldi à cheval, un héros sans tache ni peur, courageux, tenace, timide et, pourrait-on dire, éternel.
Au point que la conclusion solennelle du livre “Aujourd’hui encore, pour beaucoup de gens, le Garibaldi de la légende est plus confortable que le Garibaldi de la réalité”.
Nous, modestement, nous avons essayé de le faire descendre de son piédestal, de le retrouver en tant qu’homme”, semble involontairement déformer par rapport à ce que nous venons de lire : mais peuton vraiment demander à un héros, pour être considéré comme tel, à un homme pour entrer dans la légende, quelque chose de plus et de différent de ce que Bianciardi nous raconte de “son” Garibaldi ?
Pour trouver l’égratignure de la Vita Agra ou du travail culturel de Bianciardi, il faut donc emprunter un tout autre chemin.
Tenir pour acquis que l’altérité (pour l’auteur, certainement pas une habitude, mais plutôt une raison d’être) réside dans un “ ailleurs “ qui promet de rendre justice à une antirhétorique qui, à force de s’attaquer au mythe, s’est transformée en la pire des rhétoriques. (...) C’était le tout début des années 1970, après tout. Quant à la démythologisation, le soixante-huit venait (du moins à cet égard) de changer le monde.
Tout ce qui a survécu du Risorgimento est une collection défraîchie de bustes en plâtre mal cadrés (et ce
LA VITA AGRA DI GARIBALDI
sera encore pire pour le 150e anniversaire de 2011, confronté à un sentiment presque incompréhensible de culpabilité collective).
L’idée que l’unification n’avait pas été une si grande affaire avait déjà pris racine chez beaucoup.
L’Italie regardait ailleurs.
Le passé était en cours de révision, comme cela arrive périodiquement.
Mythes, sinon carrément vilipendés, figés.
Le Risorgimento ? Nous avons donné, merci. Exactement la même motion de suffisance hautaine avec laquelle, plus tard, la Résistance serait rejetée. Bianciardi, par contre, a un long “feeling” avec le Risorgimento.
Garibaldi est la suite idéale de Da Quarto a Torino et Antistoria del Risorgimento : des récits parfois didactiques où la figure de Garibaldi est centrale.
Et toujours lumineux.
Croire en cette saison héroïque et en sa persistance dans le temps est l’acte de foi d’un profane qui, bien que désenchanté, a identifié un drapeau dans lequel se reconnaître et persiste à le brandir malgré le scepticisme général.
Il s’agit, une fois de plus, d’un geste “contre”.
(...) Mais qu’est-ce que Bianciardi aimait tant dans le Risorgimento ?
L’impulsion, pourrait-on dire : l’élan utopique pour changer les choses par la révolution, et ce goût aigre-doux, que le natif de Grosseto, en tant qu’amoureux du beau et des perdants, a dû adorer, qui donne la conscience du travail laissé à moitié fait : que l’Unification soit bénie, mais il
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fallait faire mieux et plus. Nous sommes les héritiers de cette imperfection, et nous ne devons pas en avoir honte. Garibaldi est donc la figure emblématique de toute cette saison épique.
Lorsqu’il décrit l’homme de la mer, on sent l’écume tyrrhénienne dans les mots de Bianciardi ; lorsqu’il esquisse les passages les plus audacieux de ses exploits guerriers avec une passion convaincue, on ressent l’enthousiasme du garçon agité par son prochain, l’envie de frapper les mains parce que, sans coup férir, on ne peut parfois rien changer.
Il va sans dire que l’affection pour Garibaldi ne sera jamais séparée, chez quelqu’un comme Bianciardi, de la méfiance pour Cavour.
On l’appelle souvent “le comte diabolique”.
L’homme des complots, des accords sous la table, des raisonnements et des petits pas.
L’homme qui a transformé un petit État insignifiant en une puissance de classe mondiale.
En fin de compte (et même Bianciardi ne peut le nier) le “tisserand” sera le véritable architecte, le metteur en scène, le triomphateur, s’il est vrai que le Piémont deviendra l’Italie, ou, comme beaucoup le disent, que l’Italie deviendra une extension du Piémont.
Mais s’il est vrai que sans Cavour nous aurions eu tant de braves et malheureux frères Bandiera, que serait devenu le projet du comte diabolique sans l’utopie de Mazzini et la force perturbatrice de Garibaldi ?
Eh bien, dans ces années-là, l’Italie calculatrice, raisonnante, quelque peu bornée mais ouverte aux influences de
Garibaldi par Luciano Bianciardi.
Le texte que nous publions est un extrait de la postface de Giancarlo De Cataldo.
la bourgeoisie européenne naissante, l’Italie de Cavour, et l’Italie passionnée, audacieuse, progressiste, mais querelleuse et déchirée par des tensions et des rivalités, l’Italie de la gauche de Mazzini, sont parvenues à un accord miraculeux et unique.
Garibaldi incarne la figure centrale de ce vaste mouvement.
Le héros.
Si l’on veut savourer dans son intégralité ce précieux petit morceau d’écriture, il faut donc s’abandonner à la fascination du personnage historique, comme l’a sans doute fait le Bianciardi fatigué et désabusé de sa dernière période.
Revivre une époque qui ne reviendra jamais, se prendre d’affection pour un héros qui, certes, aura eu, comme tout le monde, ses moments d’ombre, mais auquel nous devons tenir, comme Bianciardi, et comme il convient à tout héros, pour la plus grande force de la lumière qu’il a su apporter, par son exemple et ses actions.
Car si les mythes et les héros ont un sens, écrivait Joseph Campbell, c’est de nous aider à mieux vivre. Et l’époque où l’exercice favori consiste à anéantir les premiers et à détrôner les seconds est une époque grise et triste. Banal et rhétorique.
Deux adjectifs que Bianciardi détestait profondément.
Giancarlo De Cataldo www.repubblica.it/robinson/2020/09/22/news/la_ vita_agra
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our l’instant, les villes spatiales n’existent que dans la science-fiction, mais quelqu’un a déjà préparé le projet de construire des établissements humains non pas sur des planètes lointaines, mais sur des astéroïdes : il a été développé “de manière totalement théorique”, comme le soulignent les auteurs de la recherche, de l’université américaine de Rochester. L’article décrivant ces villes imaginaires est publié dans la revue “Frontiers in Astronomy and Space Sciences”.
Si le projet relève de la science-fiction, les technologies décrites par les chercheurs sont déjà disponibles ou en cours de développement : “D’après nos calculs, un astéroïde de 300 mètres de diamètre pourrait se transformer en un
habitat spatial d’environ 35 kilomètres carrés”, explique Adam Frank, l’un des auteurs de l’étude : “C’est à peu près la taille de Manhattan”.
La clé de la technologie réside dans une énorme “poche” en forme d’anneau, constituée d’un réseau de nanofibres de carbone ultra légères, super solides et ultra souples, qui devrait contenir l’astéroïde et servir de support, sur sa surface interne, à une ville cylindrique en rotation. Outre leur abondance dans le système solaire, les astéroïdes présentent de nombreux avantages pour une éventuelle implantation humaine: par exemple, ils sont constitués de roche, qui constitue un bouclier naturel contre les rayonnements cosmiques.
Cependant, les inconvénients sont tout aussi importants : les roches de ces corps célestes ne sont pas assez solides pour résister à une rotation rapide, qui serait nécessaire pour recréer une force de gravité artificielle. Selon les chercheurs dirigés par Peter Miklavčič, la solution résiderait dans une couverture de carbone géante : après avoir mis l’astéroïde en rotation, ses roches se briseraient, se dilatant et tirant le “ sac “ qui les contient, qui finirait par devenir rigide.
Cela créerait une structure cylindrique tournante, dont la surface intérieure abriterait la ville et où la couche de roches concassées agirait comme un bouclier contre les radiations.
Redazione ANSA https://www.ansa.it/canale_scienza_tecnica/ notizie/spazio_astronomia/2022/12/18/pronto-il-piano-per-costruire-citta-rotanti-sugli-asteroidi
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Photo Michael Osadciw/ University of Rochester
des villes tournantes sur des astéroïdes est prêt. Développé par une université américaine, projet “entièrement théorique”.
Le plan pour construire
ous avons souvent parlé sur notre site de ce génie oublié des manuels scolaires, qui s’appelle Nikola Tesla.
Un esprit brillant, une personne qui semblait venir du futur (et qui sait, peut-être venait-il vraiment du futur).
Il y a plus de 100 ans, Nikola Tesla a compris des technologies que nous ne pouvons toujours pas comprendre aujourd’hui.
À la fin du XIXe siècle, Nikola Tesla parlait de technologie anti-gravité, de soucoupes volantes alimentées par des bobines Tesla spécifiques et de l’”éther” qui donnait naissance à la force créatrice vitale.
“
J’ai élaboré une théorie dynamique de la gravité dans tous ses détails et j’espère la présenter au monde très bientôt.”
La plupart des choses que vous voyez autour de vous aujourd’hui, qu’il s’agisse de l’électricité, de la radio, des drones, de l’éclairage fluorescent, des néons, des radars, des micro-ondes et de dizaines d’autres inventions étonnantes, sont le résultat d’un seul esprit: Nikola Tesla.
Nikola Tesla est un homme absent des livres d’histoire, mais responsable de la technologie futuriste dont nous bénéficions aujourd’hui, qui a été prédite par ce génie il y a plus de cent ans.
Mais l’esprit de Tesla allait au-delà des technologies conventionnelles.
En fait, Nikola Tesla a déposé un brevet intéressant
TESLA ET L’ANTIGRAVITE’
en 1928.
Le brevet numéro 1,655,144 décrit une machine volante qui ressemble étrangement à la fois à un avion et à un hélicoptère.
Un brevet pour un véhicule, qui nécessitait un système de propulsion. Avant de mourir, Nikola Tesla a mis au point ce qu’il a appelé le “Space Drive” ou système de propulsion par champ anti-électromagnétique.
Photo sculpturenature
En 1897, lorsque Tesla a présenté sa théorie dynamique de la gravité, il a déclaré que tous les corps émettent des micro-ondes dont la tension et la fréquence sont déterminées par leur contenu électrique et leur mouvement relatif. Il y a plus de cent ans, Nikola Tesla a pu mesurer le rayonnement micro-ondes de notre planète et a conclu qu’il n’avait qu’une longueur d’onde de quelques centimètres.
Tesla a poursuivi en disant que la fréquence et le voltage du rayonnement micro-ondes de la terre étaient fortement influencés par la vitesse et la masse de notre planète. L’interaction gravitationnelle avec d’autres corps célestes tels que le soleil a été déterminée par l’interaction des micro-ondes entre les corps célestes. Tesla l’a confirmé en plaçant deux plaques de métal à une certaine distance l’une de l’autre (suit page 36)
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(suit de la page 35) et en les électrifiant avec des courants à haute tension et à haute fréquence (les “courants Tesla” ou “micro-ondes”).
À une tension et une fréquence suffisamment élevées, l’espace entre eux est devenu “solide”. Il a également travaillé avec une seule plaque, en suspendant la plaque de zinc (1/8” d’épaisseur x 12” de côté, pesant environ deux livres) dans l’air.
Mais Tesla ne s’est pas contenté de connaître des technologies “d’un autre monde”, il est allé plus loin, s’aventurant dans d’autres sujets fascinants qui l’ont finalement conduit à l’éther.
En parlant de ses études, dans un article non publié de Man’s Greatest Achievement, Tesla expose sa théorie dynamique de la gravité en disant que “l’éther lumineux remplit tout l’espace”.
Tesla disait que l’éther agit sur la force créatrice de vie. L’éther est projeté dans des “tourbillons infinitésimaux” (“micro-hélices”) à une vitesse proche de celle de la lumière, devenant ainsi de la matière pondérable.
Puis la force s’atténue et le mouvement cesse, la matière retourne à l’éther (sous forme de “désintégration atomique”).
L’humanité peut exploiter ces processus, a : - La matière, “précipit-
ée” de l’éther.
- Créer ce qu’il veut avec de la matière et de l’énergie dérivée.
- Autres dimensions de la Terre
- Contrôle des saisons de la Terre (contrôle du temps)
- En traversant l’Univers, la Terre est comme un vaisseau spatial.
- Cause des collisions de planètes pour produire de nouveaux soleils et de nouvelles étoiles, de la chaleur et de la lumière.
- Origine et développement de la vie sous des formes infinies
Il est intéressant de noter que Tesla est allé audelà des inventions pour réaliser quelque chose de grand.
En fait, lorsque nous lisons des articles sur l’”éther” de Nikola Tesla, nous réalisons à
quel point cet esprit génial était en avance sur le reste du monde.
“J’ai travaillé dans tous les détails avec l’espoir de le donner au monde très bientôt.
J’explique les causes de cette force et le mouvement des corps célestes sous son influence d’une manière satisfaisante qui mettra fin à la moindre spéculation et aux fausses conceptions, comme celle de l’espace courbe. Seule l’existence d’une soudure de force peut expliquer les mouvements des corps tels qu’observés, et son hypothèse dispense de la courbure de l’espace. Toute la littérature sur le sujet est inutile et vouée à l’oubli. Il en va de même pour toutes les tentatives d’explication du fonctionnement de l’univers
qui ne reconnaissent pas l’existence de l’éther et la fonction indispensable qu’il joue dans le phénomène.”
Tout ce qui précède pourrait être interprété comme une affirmation de Tesla selon laquelle, grâce à la science, l’humanité pourrait réellement ne faire qu’un avec le créateur.
Les pouvoirs illimités sont déjà là, nous n’avons pas besoin de les inventer, nous devons juste trouver un moyen de les voir, de les ressentir et d’en tirer le meilleur parti pour l’humanité.
Tesla a peut-être trouvé un moyen, mais le reste de l’humanité n’était pas prêt pour ça.
Comité de rédaction de Hackthematrix https://www.hackthematrix.it/
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Photo hacvkthematrix.it
a porte grince à peine, l’air qui s’échappe de l’appartement est saturé de poussière lorsqu’un rayon de lumière provenant des rideaux ouverts frappe les yeux d’Oliver. Son travail est ennuyeux, en tant que fonctionnaire qui ne fait qu’exécuter des peines, mais il est aussi l’un des plus grands commissaires-priseurs de Paris et il est très minutieux.
Il ne peut retenir l’adrénaline qui, comme souvent lorsqu’il s’approche d’une découverte, lui coupe le souffle.
Oui, parce que cette fois, c’est différent. Le cœur d’Oliver bat la chamade lorsqu’il retire la clé de la vieille serrure rouillée et fait un premier pas dans la pénombre du hall d’entrée.
Les anciennes planches de bois craquent sous ses pas incertains, une lenteur qui lui est propre, contenant les battements de son cœur, accélérés par une agitation silencieuse.
L’appartement est plongé dans une immobilité secrète, et comme un tunnel spatio-temporel poussiéreux qui sent le vieux, il catapulte Oliver et les deux policiers dans le Paris de la fin du XIXe siècle.
Directement dans la Belle Époque.
On est en 2010 quand Oliver entre dans l’appartement, nous sommes au Square La Bruyère, une rue privée située entre Montmartre et Pigalle, deux des plus charmants quartiers de Paris.
C’est ici que se trouvaient autrefois les plus beaux clubs de la ville, des cabarets tels que le célèbre “Chat
MARTHE DE FLORIAN APPART A PARIS
Noir”, “Les Folies Bergères” et l’intemporel “Moulin Rouge”.
C’est dans ces rues qu’ont vécu des artistes comme Renoir, Modigliani, Picasso et Henri de Toulouse-Lautrec, fidèles à une vie de bohème vécue intensément, pour certains dans l’alcool et la drogue, pour tous dans la contemplation religieuse de l’art. Une époque irrévérencieuse, une brève période de paix et de prospérité au cours de laquelle les inventions et les progrès étaient inégalés par rapport aux époques précédentes.
Oliver a été informé par téléphone qu’une dame de 90 ans était décédée en laissant un appartement à vider dans l’un des plus beaux quartiers de Paris.
En 2010, Solange Beaugiron, la matriarche d’une riche famille française, décède.
Alors que ses enfants et petits-enfants triaient ses affaires, ils ont réalisé que sa grand-mère payait les frais de copropriété d’un appartement depuis des années.
Cela les surprend au plus haut point : personne ne sait que Solange possédait une maison à Paris, et encore moins qu’elle en a payé les frais.
Oliver doit donc s’y rendre pour faire un simple inventaire des biens qui reviendront ensuite aux héritiers.
Il n’avait aucune idée qu’en tournant cette clé, il entrerait dans une capsule temporelle.(suitp 38)
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Photo wikipedia.org
Comme un étrange conte de fées moderne, l’appartement situé sur la rive droite de la Seine est resté fermé et intact pendant 68 ans.
Même la vieille Solange n’y est plus jamais entrée après s’être échappée en fermant l’appartement à clé en 1941, lorsque les troupes nazies occupaient Paris, et être partie sans se retourner.
Solange est la petite-fille d’une des femmes les plus courtisées du Paris de la fin du XIXe siècle, célèbre pour sa beauté captivante, qui était toujours entourée de rumeurs tourbillonnantes selon lesquelles elle était la maîtresse de plusieurs grands hommes, dont Georges Clemenceau, futur Premier ministre, et Gaston Doumergue, le 13e président de la France.
Elle s’appelait Marthe de Florian, née Mathilde Héloïse Beaugiron en 1864 et morte en 1939 à Paris.
À l’âge de 18 ans, elle était couturière, mais s’est rapidement créé un meilleur avenir.
Comédienne et soubrette à la Folie Berger, à l’âge de 20 ans, elle avait un grand nombre d’amants, tous riches et célèbres.
Marthe était une demi-mondaine, un terme utilisé exclusivement à la Belle Époque pour définir les courtisanes, dérivé d’une pièce de Dumas.
Pour les hommes, l’autre vie du demi-monde était isolée du monde des
épouses et des familles auxquelles ils devaient correspondre.
Devenue un phénomène social condamné par la morale mais accepté par tous, la cocotte fait rage avec légèreté et insolence chez les bourgeois et les aristocrates. Un style de vie extravagant et luxueux dans un mélange éclectique de beaux vêtements, de nourriture chère et de promiscuité sexuelle. Dans un journal de l’époque daté du 10 janvier 1894, on trouve une “annonce” décrivant Madame De Florian : “Une caillette blonde à la peau charnue et rose comme les fleurs. Taille 5, chaussures taille 34 ; taille 45 ; fond rose et mauve, qui aime délicieusement se mêler aux bavardages et bruissements confus. [...] Caractéristique : une loyauté inébranlable.”
Il parle ensuite de son appartement : “Elle vit dans un bel appartement où le luxe le mieux compris est combiné au meilleur confort”.
Il n’y avait pas un homme riche qui ne se promenait pas avec une demi-mondaine à son bras, car s’il pouvait s’offrir une cocotte, il pouvait avoir beaucoup plus. Marthe vivait dans ce magnifique appartement, pudique et excentrique, surchargée de bijoux et de bibelots, recevant des amants et passant son temps à lire les journaux.
Avec elle se trouvait son fils unique Henri. Bien que la paternité soit inconnue, on suppose que son père était le banquier marié Auguste Albert Gaston Florian Mollard, dont Marthe a tiré son nom de scène. Les salons des résidences demi-mondaines étaient ou-
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37)
trageusement riches et attiraient écrivains, peintres, philosophes et musiciens, et ont vu naître de nombreux chefs-d’œuvre de l’art, tout comme l’appartement du Square La Bruyère.
Ainsi s’écoule le temps de la perle parisienne, entre spectacles, hommes et bonne vie, tandis que l’histoire se niche lentement entre les murs de sa maison.
Marthe est morte dans l’appartement en 1939, au seuil de la Grande Guerre.
Son certificat de décès a été signé par son fils, qui a continué à y vivre, pendant un certain temps avec sa fille Solange.
Mais la guerre, comme toujours, gâche tout et, à l’été 1940, les Allemands entrent dans Paris. Solange quitte son domicile parisien pour se rendre dans le sud, en zone libre, où elle achète une maison, laissant derrière elle des pans entiers de sa vie. C’est dans cette maison bourgeoise de l’Ardèche qu’elle s’est éteinte en 2010, sans jamais avoir regagné son appartement du Square La Bruyère.
La raison de ce non-retour est encore inconnue. Le père a continué à y vivre jusqu’en 1966, date à laquelle il a légué la maison à sa fille, qui a continué à payer les frais, mais n’est jamais revenue.
Olivier Choppin de Janvry, commissaire-priseur à Drouot, la célèbre maison de vente aux enchères parisienne, inhale la poussière de bienfaiteur qui s’est formée en une épaisse couche pendant soixante-dix ans, préservant ainsi chaque objet trouvé.
Il emprunte le couloir bordé de papiers peints délavés
et usés, décollés aux extrémités par l’humidité et le temps.
Elle entre dans le salon de style rococo, dans une atmosphère chargée de Belle Époque, où tout est figé sur ce jour de 1940 où Solange claque la porte pour ne plus jamais revenir.
Une autruche en peluche, une vieille poupée Mickey Mouse, un écran peint à la main, des gravures, des bustes en marbre. De l’autre côté, des vases de Chine, des liasses de journaux froissés, des rideaux à volants aux fenêtres, des fauteuils Louis XVI, des fleurs séchées, des tapis orientaux, un miroir à trois faces : nul doute qu’il s’agit de la maison d’une célèbre courtisane des années 1900.
Dans sa lente déambulation, Oliver s’arrête soudain devant une toile qui orne le mur de la salle à manger.
Le tableau représente une femme, sylphide majestueuse et sublime dans sa robe de mousseline rose vaporeuse, posée de profil, avec un collier de perles autour du cou.
Ce n’est pas tant l’identité du modèle qui l’intrigue que le style du peintre, qui lui semble familier. Il a immédiatement appelé son collègue Marc Ottavi, un expert en peinture qui, peu après, frappe à la porte de l’appartement.
Pour lui, pas de doute : il s’agit d’une œuvre de Boldini, le maître italien du Gilded Age, comme (suit page 40)
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(suit de la page 39)
les Américains appellent la Belle Époque, dont les rencontres mondaines ont inspiré de sublimes tableaux.
Giovanni Boldini, artiste surtout connu pour son portrait de Robert de Montesquiou conservé au musée d’Orsay, était un portraitiste de talent qui savait mettre sur la toile le dynamisme et l’élégance des sujets qu’il représentait.
Né à Ferrare, il s’est rapidement constitué un dense réseau de contacts qui l’a beaucoup aidé dans son travail.
Il entre en contact avec de nombreuses personnalités aristocratiques qui gravitent à Florence, notamment des nobles étrangers, qui non seulement lui commandent plusieurs œuvres bien payées, mais le font aussi vivre dans le confort et le luxe de l’époque.
Amené à Paris par le mari de sa maîtresse Isabella Falconer, avec qui il s’était lié d’amitié, il se rendit compte qu’il y avait d’autres cultures à connaître, de sorte que l’Italie commença à devenir de plus en plus exiguë pour lui.
La France, à cette époque, était à l’aube de la Troisième République et Paris, en particulier, prenait les contours d’une ville moderne, dynamique et pleine d’inspiration, avec des cafés littéraires, des musées et des clubs.
Ainsi, Boldini s’y installe définitivement en 1871.
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Son art, qui a grandi au contact des Macchiaioli, sans toutefois y adhérer complètement, adopte des solutions audacieuses et dynamiques de lignes et de couleurs. Dans ses tableaux, en effet, le sujet n’est jamais statique, mais est comme saisi au moment où il fait un geste, lève la main, se tourne, sourit, respire.
Comme dans une photographie, l’espace environnant est “vivant”, dynamique et réel, mais ce qui frappe, ce sont les expressions des visages, comme dans le portrait de Giuseppe Verdi, que tout le monde s’est sûrement arrêté pour observer au moins une fois.
Oliver et son collègue fixent le tableau pendant ce qui semble être un moment interminable, se demandant qui pourrait être la femme représentée.
Pendant ce temps, le tableau doit rester dans un endroit sûr, tandis qu’Oliver cherche des indices pour découvrir son identité.
Parmi les bijoux, les brosses, les flacons de maquillage et de parfum posés sur la coiffeuse, Oliver trouve des lettres.
Il s’agit de la correspondance de Marthe avec ses nombreux amants, soigneusement divisée en paquets attachés par des rubans et enfermée dans du papier de soie de différentes couleurs.
“Calme et passionné”, voilà comment il décrit les lettres.
C’est à travers cet échange de missives que l’identité de la femme vêtue de rose est trouvée : il s’agit de Marthe De Florian, amante du peintre Boldini qui lui a dédié l’un de ses plus beaux tableaux.
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Une carte postale autographiée par Boldini a été trouvée dans le lot, ainsi que de nombreuses lettres d’admirateurs.
Personne n’a jamais eu connaissance de l’existence de cette œuvre, car elle a été créée par le peintre comme cadeau pour Marthe en 1898, alors que la muse avait 24 ans.
Cette nouvelle a surpris de nombreux amateurs d’art et la valeur du tableau a atteint 2,1 millions d’euros.
Il a été vendu aux enchères pour cette somme et est considéré comme l’une des plus belles découvertes artistiques de ce siècle.
Il a été acheté par un Italien et se trouve maintenant dans une collection privée, on ne sait pas où.
Cette affaire, empreinte de fascination et de mystère, a inspiré de nombreux articles et quelques livres qui reprennent, en partie, l’histoire.
“A Paris Apartment” de Michelle Gable, dans l’édition italienne traduite par “Un favoloso appartamento a Parigi” et “The Velvet Hours” de l’écrivain américain Alyson Richman.
Dernièrement, je viens de terminer la lecture de “The House by the Lake” de l’auteure australienne Ella Carey, qui entremêle les événements vécus pendant la Seconde Guerre mondiale par la petite-fille de Madame Florian et un secret révélé à l’époque actuelle par le grand-père d’Anna, une jeune fille de San Francisco.
Il s’agit de l’histoire vécue en Allemagne à la naissance du nazisme et de la découverte, soixante-dix ans plus tard, d’une maison historique, d’une bague et du
lien avec l’appartement à Paris.
À ce jour, personne ne peut expliquer pourquoi Solange n’est jamais retournée à l’appartement, abandonnant toutes ces merveilles, le splendide tableau de Boldini, et, plus mystérieux encore, le fait qu’elle n’en ait jamais parlé à sa famille.
Ainsi, en septembre 2010, l’appartement de 140 m2 du Square La Bruyère, à Paris, a été vidé, rénové et vendu.
Les biens de Marthe ont également été vendus, mais le mystère et la magie qui avaient enveloppé le lieu pendant tant d’années n’ont pas disparu.
Chaque maison a une âme, elle absorbe les énergies et les émotions de ses habitants, c’est certain.
Les murs plats, repeints et rénovés, sont sûrement encore imprégnés de ces événements, amours, intrigues et ragots que le temps n’a pas effacés.
Comme des fantômes du passé, je suis convaincue que ces histoires sont toujours là, attendant la prochaine fille vêtue de mousseline rose, rêvant peut-être d’une vie meilleure, d’indépendance et peut-être d’amour, pour elle et son enfant.
Lara Uguccioni lesenquetesdesimon.com wikipedia.org
https://www.aletes.it/ marthe-de-florian/ https://lavaligiagialla.it/ marthe-de-florian-e-lappartamento-di-parigi/
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e tantra, dans ses variantes hindoue et bouddhiste, est une voie religieuse par laquelle les hommes et les femmes peuvent accéder ensemble à la dimension spirituelle et à l’illumination à travers une série d’expressions ritualisées de l’intimité qui transforment la passion physique en extase divine.
Le bouddhisme tantrique diffère des autres traditions bouddhistes en ce qu’il est unique en ce qu’il considère le corps et les expériences sensorielles comme un moyen de puiser dans la source originelle de la connaissance et du pouvoir spirituel.
En entrant dans un temple du Ladakh, terre du bouddhisme tantrique, nous sommes frappés par les représentations spectaculaires de déesses-femmes chevauchant un tigre ou dansant sur l’eau, leurs corps sinueux flottant dans l’air, leurs cheveux flottant au vent...
Des femmes au regard
MIRANDA SHAW ILLUMINAZIONE APPASSIONATA
GIAL HISTORICAL JOURNAL / LIVRS
perdu dans l’infini, s’envolant accrochées à leur partenaire masculin, le visage rayonnant de passion et d’extase alors qu’elles s’envolent dans les espaces sans limites des paysages surréalistes du bouddhisme tantrique... et nous pouvons presque entendre le balancier de leurs étranges ornements osseux alors qu’elles combattent l’ego dans la colère : Lorsqu’ils apparaissent sous une forme paisible, les dãkinĩ se reposent au sommet d’une fleur de lotus dans une félicité tranquille, lorsqu’ils apparaissent sous une forme furieuse, ils piétinent les cadavres de leur propre égocentrisme.
Selon Miranda Shaw, dans son livre Passionate Enlightenment (Venexia Publishing House, Rome, 2010), les chercheurs qui n’appartiennent pas à la tradition culturelle du tantrisme ont tendance à se concentrer sur les formes extérieures des rituels et à nier un lien possible entre les images féminines représentées dans les temples et les femmes qui ont réellement vécu. Selon les interprétations occidentales de l’art et de la littérature tantriques, généralement d’origine jungienne ou freudienne, ces images féminines sont des symboles des processus psychiques de l’âme masculine qui émergent dans la conscience et ne sont en aucun cas liées au vécu des yoginis tantriques ou à leurs qualités spirituelles.
L’hypothèse selon laquelle ces femmes magnifiquement représentées auraient pu être des femmes d’une grande profondeur spirituelle, voire des femmes éclairées, n’est jamais envisagée.
Au contraire : les femmes adeptes du tantra sont généralement décrites comme n’étant rien de plus qu’un moyen d’atteindre une fin, une fin qui est atteinte par le yogi masculin.
Le bouddhisme tantrique est considéré comme un mouvement oppressif à l’égard des femmes qui oc-
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Miranda Shaw Illumination passionnée Giornale Storico del Centro Studi di Psicologia e Letteratura, Giovanni Fioriti Editore, Rome 2012
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cupent des positions subalternes et marginales au sein des rituels, des femmes qui sont souvent humiliées et même maltraitées.
En effet, selon ce point de vue, plus la femme est corrompue, plus elle est adaptée aux rituels tantriques : une interprétation qui nous rappelle les définitions des devadas indiennes de l’époque coloniale, qui étaient également considérées en termes péjoratifs et méprisants comme les “prostituées du temple”, véritables “femmes dépravées”.
La conclusion à laquelle sont parvenus les chercheurs occidentaux est que, dans le tantrisme, ce sont les hommes qui sont les véritables chercheurs spirituels, les femmes étant leurs “contreparties passives” et étant utilisées comme “objets rituels” pour que l’homme atteigne l’illumination.
Miranda Shaw expose dans son livre une recherche approfondie et bien documentée sur les femmes qui ont inspiré et contribué à la création des images féminines évocatrices représentées dans l’iconographie tantrique traditionnelle.
Elle offre un compte rendu important de la présence participative et créative des femmes dans le bouddhisme tantrique, de leur existence historique, de leur conception religieuse et de leur libération spirituelle, et écrit un nouveau chapitre sur le tantrisme. L’objectif principal de ce livre est de rendre aux yoginis leur dignité de chercheuses spirituelles et de femmes éclairées qui ont grandement influencé l’histoire culturelle et spirituelle de l’Orient.
Des biographies et des textes écrits par les femmes adeptes du tantra examinées par Shaw émerge tout un panthéon de bouddhas féminins, des figures de femmes exceptionnelles connues sous le nom de dãkinĩ : des femmes courageuses, libres, d’une grande profondeur spirituelle et d’un grand pouvoir qui guident les hommes vers l’illumination.
La vision indienne qui émerge des écrits et des biographies de ces femmes ne confirme pas les interprétations dévalorisantes envers les yoginis tantriques des textes occidentaux les plus accrédités, mais exprime, au contraire, un grand respect et une profonde vénération du pouvoir spirituel-magique intrinsèque à la condition de Femme.
Les descriptions de Shaw des femmes du bouddhisme tantrique comme étant corrompues ou dépravées, prostituées, etc., avec leur coloration typiquement androcentrique, trahissent un résidu de l’indignation victorienne non seulement envers l’activité sexuelle des femmes en dehors du mariage, mais aussi envers la vénération et l’exaltation religieuses de la femme en tant que telle. La vénération religieuse pour les femmes qui caractérise le tantrisme est tellement contraire aux valeurs et aux préceptes transmis par nos religions traditionnelles, affirme Shaw, (suit page 44)
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(suit de la page 43)
qu’elle constitue l’un des plus grands obstacles à l’acceptation et à la compréhension de la philosophie tantrique.
Ce qui ressort de la lecture d’un texte tantrique, c’est le culte incontournable de la femme comme principe de vie.
Dans le tantrisme, la relation entre les sexes est comparable à celle entre un dévot et une déesse, et c’est d’ailleurs avec le Féminin divin présent dans la femme que l’adepte entre en relation.
Les textes prescrivent en détail les différents rituels par lesquels la femme doit être vénérée, servie et adorée rituellement.
Les expressions de ce culte ne se limitent pas à la sphère rituelle, mais imprègnent également la vie quotidienne.
Le texte ordonne, par exemple, qu’avant et après l’union rituelle, l’homme se prosterne devant la femme, lui frotte les pieds, lui fasse la cuisine, lui serve la nourriture et attende qu’elle ait fini pour se nourrir de ses restes (“manger les restes”, ainsi que “toucher les pieds”, sont dans la culture indienne des expressions d’infériorité de rang spirituel et représentent une forme profonde de soin et d’attention envers l’autre).
Même les substances rejetées par le corps de la femme, les fluides sexuels, le sang menstruel et même les substances scatologiques sont consi-
dérés comme purs et sont vénérés, touchés et parfois même ingérés en signe de profonde vénération.
Selon l’auteur, les expériences vécues par les partenaires tantriques lors de l’union rituelle ne sont en aucun cas compatibles avec le mépris et l’exploitation des femmes décrits dans les textes occidentaux. Dans le contexte traditionnel du bouddhisme monastique, les participants sont encouragés à mettre en valeur leur intellect et leur dialectique philosophique au détriment de la dynamique corporelle, des sensations et des émotions.
La philosophie tantrique, en revanche, souligne que l’esprit seul ne suffit pas à ouvrir les portes de la connaissance ; au contraire, c’est surtout la subjectivité et les composantes relationnelles et sensorielles qui animent les rituels qui sont mises en avant : l’interdépendance de la dissolution et de l’apothéose des deux partenaires ainsi que la passion et le plaisir comme sources premières de connaissance et de puissance spirituelle - une sorte de réaction complémentaire et correctrice à l’unilatéralité monastique.
Les textes tantriques exposent, étape par étape, un programme bouddhiste de déconstruction du soi en même temps que de déconstruction de l’autre, suivi de la recréation d’une nouvelle identité subjective intégrée : l’union d’un bouddha et d’un bouddha.
Ce n’est qu’en suivant notre passion jusqu’à son origine que nous pouvons, selon la philosophie tantrique, entrer en contact avec notre noyau intérieur de félicité, la source originelle du Plaisir, qui en tant que tel n’a pas
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de cause immédiate, mais appartient à la nature même de la psyché, à son “essence divine primordiale”.
C’est la félicité sensorielle, le “plaisir humain”, le catalyseur de cette voie, le mouvement dynamique qui conduit les partenaires yogiques à franchir le seuil du royaume terrestre vers les sphères transcendantes de l’existence.
L’expérience érotique contient déjà en elle le germe de cette conscience éclairée : le plaisir extrême, l’effondrement des barrières de l’ego, l’oubli de soi qui culmine dans l’extase et la consommation de la pensée conceptuelle dans le feu de la passion.
Dans son aspect de fusion de la forme et du contenu, l’union tantrique échappe à toute description en termes purement physiques et devient l’exemple typique de l’expérience spirituelle de la “dissolution dans la lumière pure”, cet état de non-dualité dans lequel le sujet et l’objet se dissolvent et fusionnent : la sagesse et la compassion, la félicité et le vide, ainsi que l’union physique des organes sexuels féminins et masculins et de nombreux autres éléments physiques et spirituels qui sont intégrés sur le chemin de l’illumination.
L’anatomie interne de l’organe sexuel féminin luimême, par exemple, est perçue comme un mandala, au centre duquel se dresse un palais constellé de pierres précieuses, la demeure d’un Bouddha.
Michel Foucault oppose l’objectivation et la manipulation occidentales de la sexualité (qu’il définit comme scientia sexualis) à ce qu’il appelle l’ars erotica de l’Orient (le tantra en est un exemple), une sexualité
vécue et explorée pour elle-même, pour le plaisir qui mène à la source intérieure de la Vie et de la transcendance.
Le bouddhisme tantrique ne propose pas un modèle relationnel d’exploitation, mais de complémentarité et de réciprocité, et fait référence à une variante des relations humaines qui transcende même le dualisme des sexes.
Tout cela semble pour le moins inhabituel aux yeux d’un lecteur occidental qui suppose que les relations en général, et celles entre les sexes en particulier, impliquent toujours une forme de pouvoir ou de revendication égoïque. Les philosophes tantriques nous disent qu’au moment de la conception, une étincelle de félicité s’unit à une goutte de fluide génératif féminin et masculin, formant une étincelle de Plaisir qui est le noyau du nouvel être. Dans toute la genèse de l’être humain, il y a donc un élément de plaisir métaphysique : le Moi ou l’Essence intérieure.
Cette félicité qui est présente au moment de la conception de l’être humain reste là, au plus profond de lui, dans son cœur, pour toujours, comme un pont qui lui montre le chemin du retour, un pont qui peut le ramener à la Réalité Première et Ultime. Virginia Salles http://centrostudipsicologiaeletteratura. org/2014/01/miranda-shaw-illuminazione-appassionata/
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lisée Matta se souvient encore de ces feuilles d’automne.
Son père, Roberto Sebastián Matta, avait l’habitude de les collecter lors de ses promenades quotidiennes dans les parcs de Londres, et lorsqu’il rentrait à la maison, il disait : “Les murs du hall d’entrée seront de cette couleur, mon bureau de celle-ci, la salle à manger de celle-là”.
D’un coup de vent, les feuilles s’envolent vers Paris et suggèrent les teintes d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle, rue de Lille, au cœur de la rive gauche.
Là, où la haute bourgeoisie aimait le blanc et l’or, l’un des artistes les plus révolutionnaires du XXe siècle, le dernier des surréalistes, avait imaginé une maison de terre cuite, d’ocre, de brun, de gris, une maison ancestrale, somptueusement primitive.
C’est entre ces murs, à
L’eclectique démeure du XVII siècle de Roberto Matta
le dernier des surrealistes
La fille Alisée nous ouvre les portes de l’onirique maison de Roberto Matta. Un écran de créations, histoires et voix qui ont généré la culture du XXième siècle et qui encore murmurent au coeur de la Rive Gauche. par Laura Leonelli Photos de Simon Watson https://www.ad-italia.it/article/ eclettica-dimora-settecentesca-di-roberto-matta-ultimo-dei-surrealisti/
deux pas de l’atelier de Jacques Lacan, qui habitait au numéro 5 de la même rue, et du numéro 19, où vivait Max Ernst, que Matta a réalisé quelques-unes des immenses toiles qui l’ont rendu célèbre ; c’est ici qu’il a amassé une étonnante collection d’art africain et autre ; c’est aussi ici qu’il collectionnait ses livres, où chaque auteur, de Lorca à Neruda, était un ami ; et c’est ici que vit aujourd’hui sa fille Alisée, qui alterne de longs séjours en Italie, entre Milan et La Bandita, un monastère-fondation près de Tarquinia. C’est dans cette maison, qui a appartenu à Nicolas de Condorcet, mathématicien, encyclopédiste, révolutionnaire, et où Victor Hugo était un invité régulier, que la famille Matta a commencé à vivre en 1982. Alisée, née à Londres, a douze ans lorsqu’elle arrive à Paris, et du monde de son père, régi par la somme créative de l’imagination et de l’hallucination, elle a toujours été une spectatrice et une complice privilégiée, “même si lorsqu’il m’accompagnait à l’école, je lui demandais, comme toutes les petites filles, de se tenir à huit mètres de moi”.
Cette proximité est une affaire privée, entre les pièces domestiques : “J’étais la seul à regarder mon père pendant qu’il peignait dans son atelier, trois, quatre toiles en même temps posées sur le chevalet ou sur le sol, tellement elles étaient grandes.
Il sifflait toujours quand il créait, Mozart, la Flûte enchantée.
Ma mère venait au studio le soir, elle se changeait comme si elle sortait, elle était très élégante”, se souvient Alisée.
Puis tout le monde est allé dîner, à huit heures précises, cuisine chilienne-italienne-française-serbe. Chilienne parce que Matta est né à Santiago du Chili le 11 novembre 1911, italienne parce que c’était sa
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femme Germana, française comme le très apprécié gigot d’agneau, et serbe parce que Liliana, l’esprit de conte de fées qui veille sur cette maison depuis trente ans, vient de là. Aujourd’hui encore, une lampe d’Alberto Giacometti éclaire la table, un totem esquimau bénit la nourriture et une chaise Ming attend l’arrivée d’un invité supplémentaire.
Il y en a eu tant au fil des ans, et mon père demandait à ses invités de rapporter les événements du jour, car il ne lisait pas les journaux.
Il disait, ‘Je préfère avoir les nouvelles de première main”, poursuit sa fille. Parmi les auteurs de ce “journal télévisé” élitiste figuraient Joyce Mansour, Emil Cioran, Jean-Claude Carrière, le scénariste de Luis Buñuel, Dorothy Tanning, Chris Marker, Victoria Chaplin et Elisa Breton, chilienne, dernière épouse d’André, pianiste, peintre et amie de longue date.
Même lorsque Roberto Matta, un jeune architecte, entre dans l’atelier de Le Corbusier en 1933, il est à la recherche des “dernières nouvelles” du jour.
Dommage, ou heureusement, qu’il n’y ait pas grand-chose à faire chez Corbu, “et c’est ainsi que mon père, qui avait une main étonnante même lorsqu’il était enfant, a commencé à dessiner des espaces en dehors de toute construction logique”.
Le hasard, que Matta adore parce qu’il est toujours en mouvement, pure énergie créatrice, conduit l’artiste chez une tante à Madrid, où il rencontre Federico García Lorca qui le présente à Salvador Dalí, lequel
voir la vidéo https://youtu.be/ go68njNnNKk
lui écrit à son tour une lettre d’introduction à André Breton.
Et Breton a reconnu dans ces “morphologies psychologiques”, comme Matta avait baptisé ses premières œuvres, le regard intérieur d’un véritable surréaliste, et l’a invité en 1938 à participer à l’Exposition internationale du surréalisme.
Titres des quatre “scénarios” de l’exposition, Succion panique du soleil, Pulsions infusoires du soleil, Le sperme du temps collé aux déchirures du jour, Elasticité des intervalles.
L’invitation à l’exposition, protégée par une chemise bleue, repose aujourd’hui sur le coussin en cuir d’un Bastiano, et en vérité le canapé deTobia Scarpa, surélevé d’un demi-mètre, plus confortable, revient dans chaque pièce.
En ouvrant le dossier, d’autres trésors apparaissent, comme la lettre dactylographiée par laquelle Breton, en 1925, invite à s’abonner à La Révolution Surréaliste, ou une missive autographe de Robert Desnos à Francis Picabia dans laquelle il présente un jeune peintre espagnol, Miró, ou encore un manifeste de 1931 où le groupe surréaliste, uni, exhorte à “Ne visitez pas l’Exposition Coloniale”, rebaptisée Brigandage Coloniale.
Au fil des ans, la salle à manger a vu passer d’illustres invités (suite p 48)
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de la scène culturelle du XXe siècle. Parmi les plus...
La salle à manger, qui a vu passer au fil des ans d’illustres invités de la scène culturelle du XXe siècle.
Parmi les pièces les plus importantes de la salle : un totem esquimau haïda, un cheval Ane en terre cuite polychrome du nord de l’Inde, une chaise Ming.
Sur la table console en bois, le vase japonais Jōmon.
À côté, sur l’accoudoir du canapé, se trouve le passeport de Matta, dont la photographie a été prise par Henri Cartier-Bresson.
Un peu plus loin, un petit volume de dessins et de poèmes de Georges Hugnet et Hans Bellmer, dont la dédicace est la suivante : “To Matta, the lost equation”.
Lorsque l’Europe est “l’équation perdue” de la guerre en 1939, Roberto Matta se réfugie à New York et sa présence, si féconde, change le destin de la peinture américaine, de Jackson Pollock à Robert Motherwell.
“Mais pour Pollock, mon père disait qu’il fallait aller au-delà des coulures, car ‘on dirait que tu mâches un chewing-gum devant un sourd-muet, il croit que tu parles, et au lieu de cela, tu ne fais que mâcher’”, et Alisée sourit.
De l’obscurité cosmique de Matta, peintre einstei-
nien de la quatrième dimension et d’un espace qui continue à évoluer, sont nés, en plus de soixante ans de peinture, des mots qui racontent le temps intérieur et en même temps le mystère d’un temps plus grand. Avec cette chevelure fuchsia que l’on retrouve dans tant de tableaux de son père, Alisée est bien orientée dans cet univers.
Peut-être parce qu’elle porte le nom d’un vent qui traverse les océans et favorise la navigation. Et aussi de cette maison-navire, base d’origine qui voyage jusqu’aux galaxies les plus lointaines.
Laura Leonelli
Roberto Matta Echaurren, qui aimait se présenter comme « Roberto Sebastián Antonio Matta Echaurren »[réf. nécessaire], connu sous le nom de Roberto Matta, est un artiste peintre surréaliste chilien, né le 11 novembre 1911, à Santiago du Chili, et mort à Civitavecchia (Italie), le 23 novembre 2002.
Matta commence des études d’architecture à Santiago du Chili. En 1933, il abandonne sa carrière pour s’installer en France. Il travaille un premier temps dans l’atelier de Le Corbusier1 puis voyage en Espagne, où il se lie avec les poètes Rafael Alberti et Federico Garcia Lorca. Il voyage également en Scandinavie, où il rencontre Alvar Aalto, et à Londres, où il fait la connaissance de Henry Moore, Roland Penrose et René Magritte.
À la demande de Salvador Dalí, il va voir André Breton qui l’adopte aussitôt. Ils me dirent : « Tu es surréaliste ! Je ne savais même pas ce que cela voulait dire... »
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e 27 décembre 1822 naissait à Dôle, dans l’est de la France, le chimiste et biologiste Louis Pasteur, considéré comme le père de la microbiologie et également connu pour ses études sur la fermentation, l’introduction de nouvelles techniques de vaccination et l’invention de la méthode permettant d’augmenter la durée de conservation des aliments connue sous le nom de “pasteurisation”.
Fils de Jean-Joseph (un tanneur de cuir qui avait été sous-officier dans les armées napoléoniennes) et de Jeanne-Etenniette Roquy, une paysanne, le petit Louis grandit dans un environnement familial serein et dans une modeste aisance. Le jeune Pasteur est un étudiant assidu mais pas particulièrement brillant.
L’une de ses premières passions est la peinture : les portraits conservés au Musée Pasteur de Paris, réalisés avec des craies de pastel, révèlent un talent remarquable.
Il se consacre ensuite aux disciplines scientifiques : en 1843, il entre à l’École normale supérieure de Paris pour y étudier la chimie et la physique, et obtient son diplôme en 1847 avec une thèse sur les propriétés optiques des sels d’acide tartrique contenus dans le vin (les “diamants du vin”).
Dans ce travail, Pasteur a présenté la première d’une longue série de découvertes extraordinaires : la chiralité. Par chiralité, un mot dérivé du grec “cheír”, qui signifie “main”, on entend la propriété de certains
LOUIS PASTEUR
objets de ne pas être superposables à leur propre image miroir.
Tout comme nos mains, qui sont l’image miroir l’une de l’autre, les objets chiraux et leurs formes miroir respectives sont différents et distinguables.
En étudiant les résidus qui se forment à l’intérieur des tonneaux de vin, Pasteur découvre qu’il existe deux types de cristaux tartriques : ceux qui font tourner le plan de la lumière polarisée dans le sens des aiguilles d’une montre et ceux qui le font tourner dans le sens inverse.
Bien que la composition chimique des deux types de cristaux soit la même, ils se distinguent par la structure spatiale différente des molécules : elles peuvent être droites ou gauches, comme une vis.
En 1848, Pasteur est nommé professeur de physique au lycée de Dijon et, en 1849, il épouse Marie Laurent, fille du recteur de l’université de Strasbourg, qui se révélera une compagne inséparable et une précieuse collaboratrice scientifique.
Le couple a eu cinq enfants : Jeanne, Jean Baptiste, Cécile, Marie-Louise et Camille.
En 1854, Louis Pasteur est nommé professeur de sciences naturelles à l’université de Lille.
C’est dans cette ville que le scientifique a fait des découvertes qui allaient avoir (suit page 50)
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des répercussions sur l’avenir de toute la recherche biologique et au-delà. Interrogé par certains brasseurs, qui se plaignaient que certains lots étaient acides et troubles, le scientifique s’est rendu dans quelques brasseries, armé d’un microscope, et a découvert que la “bonne” bière contenait des organismes ronds (levures), tandis que la “mauvaise” bière contenait des corps effilés qu’il a appelés vibrions.
À partir de ces observations, Pasteur a déduit que la fermentation était un processus déclenché par des organismes vivants microscopiques, qu’il a appelés “ferments” : les levures transformaient les sucres en alcool éthylique tandis que les vibrions rendaient la bière acide par d’autres processus métaboliques. Pendant plus de quinze ans, Pasteur a étudié différents types de fermentation, comme celle du lait, du vin, de la bière et du vinaigre, et a conclu que chacune était due à des micro-organismes spécifiques, qu’il a classés en aérobies et anaérobies. Le métabolisme des premiers nécessite la présence d’oxygène, contrairement aux seconds, qui sont capables de vivre même en l’absence d’oxygène grâce à différents processus métaboliques.
À la même époque, Pasteur a introduit une innovation importante dans
le domaine de la conservation des aliments : la “pasteurisation”. Cette technique consiste à éliminer une partie des micro-organismes présents dans les aliments en les portant à une température élevée pendant une courte période.
Bien qu’aujourd’hui la pasteurisation soit appliquée à de nombreux aliments et notamment au lait, elle était à l’origine utilisée pour limiter la détérioration du vin, ce qui permettait de le transporter sur de longues distances avec des avantages évidents pour les exportations françaises.
Les recherches de Pasteur l’ont inévitablement amené à s’interroger sur l’origine des micro-organismes qu’il étudiait.
Depuis l’époque d’Aristote (4e siècle avant J.-C.), on pensait que la vie pouvait se générer spontanément à partir d’éléments inanimés, par exemple des moustiques dans les marais et des vers dans la nourriture ou les carcasses en décomposition.
Bien que Francesco Redi et Lazzaro Spallanzani aient réfuté depuis longtemps la “théorie de la génération spontanée”, de nombreux chercheurs n’ont pas trouvé leurs arguments satisfaisants et le débat est resté ouvert jusqu’au milieu du 19e siècle. Pasteur s’intéresse à la question et met au point une expérience qui donnera le coup de grâce à la théorie de la génération spontanée.
Il a personnellement construit des récipients en verre spéciaux avec un long col incurvé, appelés “flacons à col de cygne”, dont la forme particulière agit
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comme un filtre, permettant à l’oxygène d’entrer et empêchant le liquide à l’intérieur d’entrer en contact avec des spores ou des bactéries. Après avoir fait bouillir le contenu des flacons, éliminant ainsi toute vie à l’intérieur, il a montré que les micro-organismes ne réapparaissaient que si le goulot des récipients était brisé, permettant aux contaminants d’entrer.
La théorie de la génération spontanée, qui avait perduré pendant plus de deux mille ans, a donc été définitivement abandonnée au profit de la théorie de la biogenèse, qui peut être résumée par la devise latine “Omne vivum ex vivo”, c’est-à-dire “tout être vivant est engendré par d’autres êtres vivants”.
À l’âge de quarante-six ans, Pasteur subit une grave attaque cérébrale dont il se remet lentement. Malgré la paralysie du côté gauche de son corps et les difficultés de mouvement qui en résultent, le scientifique continue à se consacrer à la recherche et à faire des découvertes importantes, aidé par sa femme Marie et d’autres collaborateurs comme Émile Roux, Jules Joubert, Edmond Nocard et Louis Thuillier. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’origine des maladies était expliquée par la théorie des miasmes, qui remonte à Hippocrate.
Selon cette doctrine, les maladies étaient causées par la diffusion dans l’air de ce que l’on appelle les “miasmes” (du grec “míasma”, qui signifie “saleté”), c’està-dire des exhalaisons d’eau de marais, d’excréments et de carcasses d’animaux.
Beaucoup croyaient également à l’influence des étoiles et des planètes sur l’apparition de certaines maladies.
Au contraire, Pasteur a émis l’hypothèse que la contagion était causée par des organismes microscopiques, invisibles à l’œil nu, qui pouvaient être transportés par l’air ou d’autres objets contaminés.
Lorsque le savant a présenté sa “théorie des germes”, il a révolutionné la médecine et la pensée scientifique.
Dans un discours devant les membres de l’Académie française de médecine, il a déclaré : “Si j’avais l’honneur d’être chirurgien, non seulement je n’utiliserais que des instruments parfaitement propres, mais je me laverais les mains avec le plus grand soin.”
La théorie des germes de Pasteur, en un mot, affirme que les microbes sont la cause principale de nombreuses maladies.
Le chirurgien écossais Joseph Lister, en lisant les travaux de Pasteur, a acquis la conviction que les infections des plaies chirurgicales étaient causées par des bactéries contaminantes et a réussi à les traiter en utilisant le phénol comme antiseptique, confirmant ainsi l’hypothèse de Pasteur et révolutionnant l’approche des chirurgiens en matière de pratique chirurgicale.
Plus tard, Pasteur est interrogé (suit page 52)
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(suit de la page 51) sur une épidémie qui touche les vers à soie dans le sud de la France et met en péril toute l’industrie française de la soie.
Le scientifique s’est rendu à Alès en Occitanie, a reconnu deux maladies différentes, causées par des microbes différents, et a proposé une prophylaxie efficace basée sur la sélection d’œufs non infectés par examen microscopique.
La théorie des germes a eu des conséquences essentielles pour la médecine.
Elle a déclenché une véritable chasse aux agents pathogènes : en vingt ans, les bactéries responsables des principales maladies infectieuses telles que la tuberculose, la lèpre, la diphtérie, le choléra et la peste bubonique ont été identifiées. En outre, les habitudes de la population en matière d’hygiène ont radicalement changé.
Les études des dernières années de la vie de Pasteur ont été consacrées aux vaccins.
Inspiré par les travaux d’Edward Jenner, un médecin de campagne anglais qui, en 1796, avait appliqué le premier vaccin efficace jamais mis au point (celui contre la variole), Pasteur s’est efforcé d’étendre le procédé à d’autres maladies, comme le choléra des poules (1880), le charbon bovin, ovin et équin (1881), l’érysipèle du porc (1883) et la rage
Detail d’un tableau peint par Louis Pasteur
A l’adolescence, le jeune Louis aimait dessiner. Un don qu’il tenait de son père.
Le célèbre scientifique a même esquissé plusieurs croquis.
C’est le musée d’art d’Arbois, la ville où Pasteur passa son enfance et sa scolarité, qui conserve certains de ses pastels.
Des portraits très académiques. La maison Pasteur conserve également des fusains comme cette héroïne de Chateaubriand qu’il a dessinée à l’âge de 14 ans.
(1885).
C’est Pasteur lui-même qui a commencé à utiliser le mot “vaccination”, en l’honneur de Jenner, pour désigner toute administration visant à protéger les enfants de la maladie.
Le terme “vaccin”, inventé par Jenner lui-même, était en fait dérivé de “cowpox” et désignait initialement une substance provenant de personnes infectées par le cowpox et administrée aux personnes à immuniser. Contrairement à Jenner, qui a utilisé du matériel provenant de pustules de variole de vache pour induire une résistance à la variole humaine, Pasteur a utilisé les mêmes antigènes de maladie atténués par un traitement physique ou chimique.
Pour créer le vaccin contre la rage, il a utilisé une partie de la moelle d’un lapin infecté et l’a exposée au soleil pendant des semaines : de cette manière, l’agent pathogène de la rage n’était plus en mesure de provoquer la maladie, mais parvenait tout de même à générer la “mémoire immunitaire”.
C’est précisément le vaccin contre la rage qui a donné à Pasteur une gloire impérissable et fait du scientifique français un véritable mythe.
C’est le 6 juillet 1885, lorsque Joseph Meister, un garçon de 9 ans, est accompagné par sa mère de l’Alsace à Paris pour consulter le Dr Joseph Grancher à l’Hôpital Necker-Enfants malades de Paris. Joseph avait été mordu aux mains, aux jambes et aux hanches par un chien enragé et serait sûrement mort si le Dr Grancher n’avait pas réussi à convaincre Pasteur
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de le vacciner.
Le chimiste, qui n’avait jusqu’alors testé son vaccin que sur des animaux, était réticent mais savait aussi que c’était le seul moyen de donner une chance de survie à l’enfant.
Le traitement a commencé le 7 juillet, soit une soixantaine d’heures après l’accident, et a consisté en douze inoculations d’extraits de moelle épinière d’un lapin mort de la rage atténués par une procédure de séchage de 14 jours.
Heureusement, Joseph s’est rétabli, et comme lui, des milliers de personnes seront sauvées dans les années suivantes grâce au vaccin antirabique de Pasteur. Cependant, le chimiste n’a jamais pu observer la “bactérie” de la rage : il ne s’agissait en fait pas d’une bactérie, mais d’un virus, comme l’Italien Alfonso Di Vestea et le Français Paul Remlinger ont pu le démontrer de manière indépendante plusieurs années plus tard.
Quoi qu’il en soit, ce succès a conféré à Pasteur une énorme notoriété et a contribué à la création de l’Institut Pasteur, ouvert en 1888 et toujours actif aujourd’hui dans la recherche biologique et la préservation de la mémoire de son fondateur.
En effet, l’aile la plus ancienne abrite un musée où sont rassemblés, entre autres, les instruments scientifiques utilisés par Pasteur.
Le 28 septembre 1895, le scientifique subit une nouvelle attaque, cette fois-ci fatale. Il repose aujourd’hui dans une crypte de marbre à
l’intérieur de l’Institut Pasteur et restera dans les mémoires comme “le chimiste qui, sans être médecin, a illuminé la médecine et dissipé, à la lumière de ses expériences, des ténèbres jusqu’alors impénétrables”.
Image : Louis Pasteur dans un portrait photographique de Paul Nadar Bibliographie :
René Vallery-Radot, La vie de Pasteur, Doubleday, Page & Company, 1920 ; S. Y. Tan, L. Rogers, Louis Pasteur (18221895) : the germ theorist, Singapore Medical Journal, 2007 ; Patrick Berche, Louis Pasteur, des cristaux de vie à la vaccination, Microbiologie clinique et infection, 2012 ; Filippo Peschiera, Louis Pasteur. Lavoro scientifico e domanda di senso, Emmeciquadro, 2012 ; Kendall A. Smith, Louis Pasteur, le père de l’immunologie, Frontiers in Immunology, 2012 ; Federico E. Perozziello, Louis Pasteur, i vaccini e la nascita della medicina moderna, Medical Humanities and Pneumology, 2018 ; Jean-Marc Cavaillon, Sandra Legout, Louis Pasteur : entre mythe et réalité, Biomolécules, 2022.
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‘est qu’ils ont également vendu des poppers dans la première boutique de Vivienne Westwood à Londres.
Une substance narcotique contenue dans de petites bouteilles en verre.
Si tu le reniflais, tu te défonçais. C’était légal et ça sentait un peu la colle. C’était en 1980 et, des fenêtres de King’s Road du premier magasin du créateur, sortaient des clous en cuir, des bottes, des jambières en laine trouées, des chapeaux rigolos et des gants sans doigts comme la vieille dame qui mendie dans le film Mary Poppins. Ou comme ceux que la main de la famille Addams porterait.
A l’intérieur, c’était le chaos : pas comme aujourd’hui.
Apparemment sans élégance, des couleurs sombres et, pour ceux
VIVIENNE WESTWOOD
qui y sont entrés, le sentiment de faire quelque chose de transgressif. Pourquoi? Le punk a infecté tout le monde ou presque. Partout. Même ma sœur. Cheveux bicolores, mini-jupe en cuir, bas résille cassés, boucles d’oreilles en pointe de lance, T-shirt déchiré avec une inscription dessus, regard furieux (les religieuses de l’auberge nous ont mis dehors parce qu’elle et son amie tachaient les oreillers avec des résidus de spray fuchsia et vert sur leurs cheveux).
Qu’est-ce qu’on faisait là ? Nous y allions l’été pour apprendre l’anglais en travaillant dans des restaurants. En tant que mineure, j’avais trouvé du travail comme femme de chambre dans un hôtel putride, puis comme serveuse à Pucci Pizza sur la même King’s Road, une destination populaire pour les gens du spectacle. J’avais même servi des agnolotti congelés à Simon Le Bon et il avait tellement aimé qu’il m’avait laissé un pourboire.
Dès que nous avions fini de travailler, nous prenions le taxi collectif, en lui faisant signe de nous indiquer le chemin, et nous allions à l’Hippodrome, la discothèque de Leicester Square où d’autres Italiens nous laissaient entrer et nous offraient des boissons gratuites.
Dans les salles de concert punk, les Clash chantaient “London Calling” et les Sex Pistols “God Save the Queen”.
Qu’est-ce que tout cela a à voir avec Vivienne Westwood ? Et quel est le rapport?
Londres était pleine de garçons et de filles punk et le style qu’elle lançait était symbolique de cette réflexion, de ce cri, de cette rébellion.
Son partenaire était le manager des Sex Pistols,
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Malcolm McLaren.
Parmi les nombreux Italiens qui arrivent dans la capitale britannique, la plupart sont habillés de la sorte et ont le ricanement et l’agitation de ceux qui n’acceptent pas les règles imposées d’en haut.
Certains jeunes gens de notre peninsule, en age de “naja” se sont enfuis à Londres pour y rester quelques années et éviter le service militaire. Les appartements bon marché à partager se trouvaient en banlieue, avec des moquettes sales et usées, des douches communes et des téléphones à pièces dans les escaliers.
Pauvreté temporaire ? Pour ceux qui n’étaient là que pour quelques semaines et qui travaillaient là où ils se trouvaient, oui. Il restait toutefois quelques livres pour de petits bibelots au marché de Portobello, un vinyle introuvable en Italie et un accessoire de Westwood.
Pour ceux qui étaient là depuis longtemps, jusqu’à ce qu’un emploi soit trouvé par le biais des agences pour l’emploi (efficaces et fonctionnelles), une mesure de revenu social était disponible, une sorte de revenu de citoyenneté. L’atmosphère de ce Londres pluvieux meme en été? Folle : l’impression d’avoir débarqué dans un monde à raconter immédiatement. Immédiatement, sinon il disparaîtrait. Parmi les détails de style les plus amusants ?
Les filles de la “tube“ avec le trench-coat et les collants couleur chair portés avec des sandales à talons.
C’est tout ? Il y a plus. Et ce n’est pas un détail.
C’était en 1980 et la manifestation de la Gay Pride ressemblait à un défilé calme et posé, bien sûr.
Au milieu de toutes les quelques personnes marchaient les flics.
Ils passaient juste à côté de King’s Road et au premier rang, des hommes en vêtements féminins historiques m’ont demandé de les rejoindre : “Hé, viens avec nous !”.
Très gentils.
Contrairement à ma sœur et à son amie, qui étaient habillées à la Westwood, je portais une jupe ballon vert gazon achetée dans les soldes de la boutique Fiorucci qui venait d’ouvrir à Londres. Mes cheveux étaient longs et rouges avec un bandeau.
Je ressemblais à Alice au pays des merveilles.
Parfaite entre les punks et les hommes déguisés en reines.
Simona Grigio
https://www.ilfattoquotidiano. it/2022/12/30/i-mieianni-80-con-vivienne-westwood-e-gliagnolotti-surgelatiserviti-a-simon-lebon/6921515/
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e Caffè Florian est le plus ancien, célèbre et luxueux café de la place Saint-Marc de Venise, en Italie, fondé en 1720 par Floriano Francesconi.
Il est situé du côté du campanile de SaintMarc.
Le 29 décembre 1720, Floriano Francesconi, ami de tous les notables de Venise, inaugure son célèbre café sous le nom de Venezia Trionfante (Venise Triomphante, en italien) sous les arcades des procuraties neuves de la place Saint-Marc, avec vue sur la basilique Saint-Marc et sur son campanile.
Les clients le rebaptisent rapidement par le nom de son propriétaire : Caffè Florian. Aristocrates, ambassadeurs, riches marchands, artistes, hommes de lettres comme Goethe, Alfred de Musset, George Sand, Giuseppe Verdi, Lord Byron, Giacomo Casanova, etc., sont des habitués.
CAFFE’ FLORIAN
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Le Florian n’est pas seulement le café le plus ancien et le plus durable d’Italie, c’est aussi le plus chargé d’histoire et de charme, animé par cet esprit unique et mystérieux qui caractérise la “ville Anadiomène”. Une vitalité dionysiaque et carnavalesque se mêle aux sons et aux couleurs de ce café devenu au fil des siècles le salon du monde. Malgré le passage du temps, le Florian est toujours là, épargné par les grands changements de l’histoire et les épuisantes guerres de la Sala delle Stagioni qui l’ont dépassé, enveloppé d’un charme magique capable de projeter l’esprit vers des jours lointains. Des visions poétiques, presque oniriques et parfois mélancoliques de danses masquées, de costumes somptueux et élégants, d’amours et de passions ensanglantées, d’actes héroïques et de conversations érudites, remontent comme une bobine de film jusqu’à la lointaine année 1720.
Le carnaval s’est réjoui le jour de sa fondation. Depuis lors, les splendides fenêtres donnant sur la grande et solennelle Piazza montrent le cœur de la tradition vénitienne et ses masques les plus gracieux. Entrer dans le Caffè Florian, c’est plonger ses pieds dans un mythe intemporel dont les origines et les causes sont souvent inconnues.
Pourtant, ils sont bien là, au milieu de ses salles qui sentent le café et les infusions orientales ; au milieu des guirlandes de fleurs de la Liberty Room et des longues robes qui enveloppent les femmes du Four Seasons ; au milieu des regards des plus glorieux Vénitiens qui tapissent la salle des hommes illustres ; sur les tables de marbre de la Senate Room, autrefois réservée aux plus hauts rangs de la culture et de la politique.
C’est dans cette même salle, sous les yeux de l’Ange illuminé de Giacomo Casa, qu’a été conçue la Bien-
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nale de Venise, à laquelle Gabriele d’Annunzio a rendu hommage en 1895 avec son célèbre discours de clôture du Ridotto du Teatro la Fenice, L’Allégorie de l’automne.
Reliées par des portes ouvertes, ces précieuses petites boîtes créent l’illusion d’un labyrinthe de frises et de brocarts, d’où il est possible d’entrevoir les merveilles des salons voisins.
Des images exotiques et des cadres dorés prennent vie dans les deux salles consacrées à l’Orient.
Le poète français Henri de Régnier a été séduit par le célèbre Chinois d’Antonio Pascutti au point de faire d’une rencontre au Florian un rituel incontournable.
“Le crépuscule s’annonce, l’heure du Chinois approche. Nous sommes déjà assis à ses pieds. Sous son regard ironique, la conversation perd son ton sérieux et devient confidentielle... Comment est-il possible d’être ailleurs si ici c’est si bien ?”
Henri de Régnier
Sous les arches du Florian, les mots des illustres mécènes résonnent encore, discutant sur les canapés de velours rouge en sirotant un café et un rosolio ; peintres et spécialistes de l’art, diplomates et aristocrates, patriotes et conspirateurs italiens, visionnaires romantiques et extravagants.
Casanova a courtisé les charmantes dames qui n’avaient accès qu’à cet endroit et Goldoni a conçu “La bottega del Caffè’” au milieu des notes enivrantes de la célèbre boisson noire.
Lorsque la “Gazzetta Veneta” de Gasparo Gozzi s’est
installée sur les tables du Florian, son succès s’est accru de façon incommensurable et, sous l’impulsion du maître d’art Cadorin, au milieu du XIXe siècle, le Florian est devenu le joyau de l’Europe.
C’était un lieu de méditation et de débat culturel, tonitruant la nuit et accueillant le jour.
Le Florian est une bourse, un foyer de théâtre, une salle de lecture, un club, un confessionnal, et il est tellement adapté à la transaction de toutes les affaires quotidiennes que les femmes vénitiennes ne savent rien de ce que font leurs maris, qui vont dans ce café ne serait-ce que pour écrire une lettre...
Honoré de Balzac Avec l’épanouissement de la Belle Époque, le Florian s’est plongé dans l’atmosphère typique du café littéraire, il était agréablement paresseux et, l’un étant avant tout, il y trouvait un état particulier de paix et d’incitation intellectuelle ; l’écrivain, qui passait de nombreuses heures à créer des mots parmi les fresques silencieuses et le bois précieux des plafonds, noircis par les nombreuses cigarettes qui fumaient dans la pièce ; célèbres furent celles de George Sand, qui attendait ici son amant Alfred de Musset.
Le charme irrésistible de Venise a également enchanté l’aventurier et (suit page 58)
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amoureux insatiable Lord Byron, qui s’y est arrêté lors de son pèlerinage européen.
Il avait l’habitude de prendre son petit-déjeuner au Florian, en compagnie de l’écrivain Henry James.
Venise était pour lui une ville grouillante d’instincts sexuels ; il se laissa séduire par sa beauté, coulant ses plaisirs dans la luxure et les passions ferventes avec la comtesse Guiccioli.
Tout le monde était impatient de visiter le Café Florian et de faire savoir au monde qu’il y était allé, afin d’entrer dans le cercle exclusif des salons qui s’étaient installés dans la Venise de la fin du siècle.
Madame de La Baume habitait dans l’un des palais vénitiens les plus fascinants et les plus séduisants, Ca’ Dario, comparé à “une courtisane décrépite, ployant sous le poids de ses bijoux”.
Lors de ses séjours d’automne, elle s’entoure d’une étroite coterie d’intellectuels et de personnalités, dont l’artiste Mariano Fortuny et le prince Fritz Hohenlohe, qui met en avant la ville lagunaire et les soirées lugubres passées au Caffè Florian.
Le Palazzo Venier dei Leoni était la demeure de l’histrionique Marchesa Luisa Casati, que l’on voyait souvent dans les salons du Florian en compagnie du poète à la vie inimitable, Gabriele
d’Annunzio ; lui aussi se jetait dans les “bras de marbre et les mille ceintures vertes” de la lagune. Ce fut pour lui une expérience riche en émotions et en sensations inconnues, qui donna à Venise un nouveau visage, palpitant de vie et d’éclairs puissants, loin de la Venise funèbre et décadente de Percy Shelley, Hippolyte Taine et Maurice Barrès. Il se promenait sans cesse parmi les merveilleux palais de la lagune, le jardin d’Eden de la Giudecca, le palais des Doges, le Casino degli Spiriti de la Misericordia et la fameuse Casetta Rossa, sa résidence pendant les années de la guerre de la Grande Guerre et souvent un lieu de rencontre avec la “Divina”, Eleonora Duse. Le soir, au Florian, il était entouré d’admirateurs et d’hommes d’esprit, dont le maire de Venise luimême et de nombreux autres hommes de lettres qui vénéraient sa haute intelligence. Nous passions presque toutes nos soirées sur la place Saint-Marc, au café Florian, où d’Annunzio rencontrait diverses personnes qu’il connaissait, presque toutes des jeunes gens qui s’intéressaient à l’art et à la littérature et, de nuit en nuit, le nombre de ces amis augmentait. Le dernier soir, ils étaient au moins quinze ou vingt, formant une petite cour autour de l’homme déjà célèbre.
Ces sessions se sont poursuivies jusqu’à minuit et audelà.
Hérelle G., la Notolette de D’Annunzio De l’opulence du XVIIIe siècle à la mondanité de la Dolce Vita, la liste des grands noms qui sont passés
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Photo ucca.org
par la Florian pourrait être longue : Canova, Parini, Pellico, Tommaseo et Manin, Proust, Wagner et bien d’autres ; séparés par le temps, mais s’additionnant, ils donnent une vision délicieuse et énigmatique de Venise.
Sur ce terreau fertile de la beauté et de l’art, le Caffè Florian n’a cessé de germer jusqu’à ce jour. Le quatuor vénitien continue de divertir les nuées de touristes qui envahissent le Florian.
Ce qui reste de ces douces atmosphères du passé, ce sont les souvenirs de tasses vides, de cigares éteints et l’esprit que ces visages familiers ont laissé derrière eux en sortant du Caffè Florian, qui est, comme l’a écrit l’Allemand Karl Hernold “le plus beau lieu de rencontre de la place Saint-Marc, le plus bel endroit du monde.”
Et aussi un lieu de perfectionnement du service dans un caffè voir par example : “Aux prises avec le service de plateau” le livre d’Igor Battistin
Le manuel d’Igor Battistin est certainement un ouvrage nouveau car il codifie la technique du service avec un plateau, un enseignement très souvent négligé même par les programmes des instituts de gestion hôtelière.
Les générations futures qui décideront de se lancer dans cette tâche pourront conserver précieusement les enseignements d’Igor.
Au Caffè Florian, les commandes sont toujours prises de gauche à droite en respectant l’ordre de service
afin que chaque convive puisse recevoir ce qu’il a commandé à la bonne place.
En outre, le plateau est toujours laissé à la table, une coutume désormais peu courante, sauf dans les milieux chics.
Les six salles du Caffè Florian présentent de petits espaces qui exigent du personnel une grande dextérité dans le service à table où les plateaux sont les protagonistes incontestés et d’authentiques pièces uniques ; réalisés en laiton pour leur donner légèreté et résistance, ils sont ensuite traités au nickel et à l’argent.
Le bord de chaque plateau est réalisé dans le style classique de San Marco et est dessiné à la main, à la fois pour des raisons esthétiques et pour lui conférer une plus grande solidité.
Ces pièces uniques, personnalisées avec le logo de Florian, le Lion en Moeca, sont réalisées par l’entreprise Rossi & Arcandi Lab ; elles pèsent entre 200 grammes et deux kilos et ont reçu des noms : 1, 2, 3, 4, 5 selon le nombre de personnes à servir, ou “mezzo Paese”, “Paese” et “Quadrato” pour les plateaux plus grands.
En particulier, le “Paese” est le plus grand plateau, de forme circulaire, qui nécessite deux personnes pour sa fabrication et, très souvent, deux personnes pour être utilisé par le personnel de service.
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Chaque plateau requiert des compétences particulières de la part du serveur car il doit être manipulé, ou plutôt, saisi selon des techniques qui doivent garantir, d’une part, l’efficacité du service et, d’autre part, l’élégance et le style en tant que caractéristiques distinctives du service de table.
A cette fin, Maître Battistin a voulu codifier les six prises les plus importantes du plateau.
Les 6 “poignées” du plateau, selon Igor Battistin Pour les plateaux plus petits, on utilise la prise “Pinza”, où le pouce agit comme un levier et les quatre doigts soutiennent la base du plateau ; cette prise est souvent utilisée lorsque deux autres plateaux sont portés dans la deuxième main.
Lors d’un cocktail ou pour se débarrasser d’un plateau, on utilise la “paume plate”, une prise pour les mains expérimentées, où la paume ouverte de la main est placée au centre de la base du plateau.
Très élégante, mais aussi stable et efficace, la prise “paume fermée”, où ce sont les bouts des doigts qui assurent la prise à la base du plateau.
La poignée “Change Hand” permet de faire passer le plateau d’une main à l’autre avec élégance et, en même temps, de l’utiliser facilement dans les espaces confinés et sur les tables rapprochées.
La prise en paume fermée rapprochera la deuxième main, embrassant effectivement les doigts de la première, qui, une fois rétractés, permettront de déplacer le plateau d’une main à l’autre.
Pour transporter des plateaux lourds sur de longues distances, on utilise le “soulèvement”, effectué avec la main et le bras formant un “L”. Parfois, pour des raisons d’équilibre et de sécurité lors du transport de plateaux particulièrement lourds, il peut être utile d’aider avec le pouce et l’index de la deuxième main. Pour les charges de travail importantes, la poignée “Crossing” permet de transporter trois plateaux en même temps, en les faisant se chevaucher, puis en les croisant sur le bord.
Enfin, une poignée supplémentaire est recommandée par Igor lorsque quatre personnes doivent être servies mais que l’espace de la table ne permet pas l’utilisation d’un seul grand plateau.
La prise en “croix d’Igor” avec deux plateaux rectangulaires se chevauchant sur le bord permet une mise en place complète et ordonnée.
Dans le manuel, toutes les prises ont été immortalisées par les photographies de Marco Tortato, et un petit film sur l’exécution des différentes techniques peut également être visionné à l’aide du QRcode.
Le livre “At the grips with tray service” est utile pour les étudiants.
Igor Battistin, qui aime se définir comme un professionnel en formation continue, s’adresse avant tout aux élèves de l’école hôtelière qui se destinent à la
Photo © Marc De Tollenaere
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restauration, afin qu’ils puissent assimiler les règles fondamentales d’une discipline qui exige des compétences techniques, mais aussi l’élégance et la connaissance de l’étiquette, qui font corps avec le style de l’établissement dans lequel on est appelé à travailler et en même temps des éléments distinctifs qui flattent et satisfont la clientèle la plus exigeante. Pour acheter le livre : igorbattistin.gumroad.com Le café se divise en six salons : la Salle des Grands Hommes, qui tire son nom des nombreux portraits de célèbres Vénitiens peints par Giulio Carlini (Carlo Goldoni, Francesco Morosini, Titien, Marco Polo, Andrea Palladio, Enrico Dandolo…) ; la Salle des Saisons ou des Miroirs, décorée par Cesare Rota ; la Salle du Sénat, qui expose des allégories des arts et des sciences, par Giacomo Casa ; la Salle Liberty, aux voûtes décorées, lambris et miroirs peints du début des années 1900 ; la Salle Orientale et la Salle Chinoise, décorées par Giacomo Casa et Antonio Pascuti, rappellent l’époque où l’on consommait du malvasia et des vins d’Orient.
La terrasse sur la place Saint-Marc, accueille un orchestre de chambre permanent à la belle saison. Des pièces de la collection d’œuvres d’art contemporain du Caffè Florian sont souvent prêtées aux musées internationaux, comme le Centre Pompidou de Paris et du musée Guggenheim, de New York.
La “femme” du tableau dans lequel le célèbre peintre Jacques-Louis David a représenté “Antoine Lavoisier et sa femme” a également un nom !
Elle s’appelle en effet Marie-Anne Paulze et son histoire mérite d’être connue, non seulement pour la façon extatique dont son mari, assis à une table couverte de papiers et d’alambics, la regarde avec amour.
Née le 20 janvier 1758, fille de Jacques, membre influent de la Ferme Générale (commission chargée de percevoir les impôts indirects du royaume de France), Marie-Anne est demandée en mariage à l’âge de 13 ans par le comte d’Amerval, un veuf de 50 ans connu pour être “un ogre imbécile, grossier et insensible” avec lequel elle refuse de se marier alors qu’elle n’est encore qu’une enfant.
Son père, pour éviter la gêne et résister ainsi à l’insistance de la brute de service, s’empresse d’arranger pour elle un mariage de substitution avec son collègue Antoine Lavoisier, également expert “Fermier”.
Enfant unique et orphelin de mère comme Marie-Anne, Lavoisier avait 28 ans, c’est-à-dire exactement le double de son âge, mais au moins c’était un beau jeune homme prometteur, déjà connu (suit page 62)
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ui !
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pour ses études dans le domaine de la chimie.
Le ménage du couple fonctionne malgré tout, tant sur le plan affectif que professionnel, si bien que Marie-Anne, pour la chimie, devient cette “mère”, certes inconnue du plus grand nombre, dont le mari Antoine Lavoisier est “le père”, universellement connu pour la célèbre phrase “les éléments ne sont ni créés ni détruits, mais seulement transformés”.
Douée d’une vive intelligence et d’une grande volonté, curieuse de tout, Marie-Anne prend des cours de dessin avec le peintre David et se passionne pour la chimie grâce à l’enthousiasme que lui transmet son mari et aux leçons de Jean-Baptiste Bucquet, ami et collègue de Lavoisier. Pour son homme, Marie-Anne a traduit du latin et de l’anglais - matières dans lesquelles elle excellait - de nombreux articles et des livres entiers, participant toujours de première main aux expériences que Lavoisier réalisait dans le laboratoire familial à l’Arsenal à Paris.
Ainsi, les traités de son mari n’auraient pu être publiés sans l’accompagnement indispensable de ses illustrations et dessins techniques ou de la bibliographie qu’elle a recueillie et cataloguée.
Les archives de l’Académie des sciences conservent encore une ver-
MARIE ANNE LAVOISIER
sion originale de la longue préface qu’elle a écrite pour la traduction française de l’ouvrage de R. Kirwan intitulé “An Essay on Phlogiston and the Constitution of Acids”, un ouvrage d’une importance capitale pour la connaissance de la chimie et une base nécessaire pour la compréhension du “Traité de chimie” publié en 1789 (l’année de la Révolution française) et de la “Summa” des études de Lavoisier. C’est précisément la Révolution qui aura des conséquences douloureuses et inquiétantes pour Marie-Anne, car le 8 mai 1794, au plus fort de la période de terreur, son mari Antoine Lavoisier, ainsi que son vieux père Jacques et une vingtaine d’autres misérables, ont été guillotinés avec l’étiquette infamante de “traîtres au peuple”, simplement parce qu’ils avaient agi comme collecteurs d’impôts pour le compte de l’”Ancien Régime”, et ce malgré les supplications désespérées de la pauvre Marie-Anne. Mariée en 1804 au physicien anglais Benjamin Thompson, Marie-Anne n’en continuera pas moins toute sa vie à cultiver la mémoire de son premier mari, dont elle met en ordre les écrits et les mémoires, le rejoignant bien des années plus tard, selon sa volonté expresse, dans le tombeau familial du cimetière parisien du Père-Lachaise, lorsqu’elle s’éteint le 10 février 1836.
Ce texte est accompagné du tableau “Antoine-Laurent Lavoisier et sa femme”, de Jacques-Louis David, 1788, Metropolitan Museum of Art, New York, (Texte d’Anselmo Pagani)
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Photo Michael Ochs Archives/Getty Images
ée il y a un siècle et disparue en 2008, Yma Súmac, née Zoila Augusta Emperatriz Chávarri del Castillo le 13 septembre 1922 descendante du dernier empereur inca, a poussé très haut les prouesses vocales.
Elle est venue au chant enfant, en essayant d’imiter les trilles perçants des oiseaux lorsqu’elle sillonnait la montagne autour de l’hacienda de ses parents. De la cordillère des Andes, où elle a été repérée à 20 ans lors d’une grande fête traditionnelle, aux collines de Hollywood, où elle a percé dans les années 1950, la diva péruvienne Yma Súmac (1922-2008) a grimpé des sommets dans tous les sens du terme.
Car, vocalement, elle était quasi sans limites. Son chant de rossignol tombé dans la marmite de potion magique, son personnage de belle plante tropicale (Ymma Sumack, nom de scène qu’elle s’était choisi à l’origine, c’est la « jolie fille » en quechua), ainsi que sa prestigieuse filiation, ont valu à cette descendante d’Atahualpa, dernier empereur inca, une carrière haute en couleur.
Entre folklore andin et délires lyriques, mambo incantatoire et rock psychédélique, elle s’est imposée en Occident comme une déesse de l’exotica, icône underground kitsch et majestueuse que le grand public a fini par oublier mais qui continue de fasciner les rockeurs et quelques collectionneurs éclairés.
À l’occasion du centenaire de sa naissance, on retraverse sa discographie, la presque-totalité des enregistrements d’Yma Sumac est disponible en CD.
YMA SUMAC
Voice of the Xtabay & Inca Taqui, chez EMI - The Right Stuff - T291217 - 1996 (USA)
Flahooley, chez DRG Records (label EMI) 2004 (USA)
Legend of the Sun Virgin, chez EMI - The Right Stuff - 1996 (USA)
Le single Wimoweh, voir la compilation The Ultimate Yma Sumac ou Queen of Exotica Mambo, chez EMI - The Right Stuff - 1996 (USA)
Legend of the Jivaro, chez EMI -1999 (France) Fuego del Ande, chez EMI - The Right StuffT2-32681 - 1996 (USA) Yma Sumac - Récital, ESP-DISK’-2006 (USA) Yma Rocks !, Shamlys Production - JOM - 1998 (USA)
Stay Awake, chez A&M Records - 1988 (USA) Mambo ConFusion, GALA DSB - 1991 (Allemagne)
YMA SUMAC La Princesa India edicion remasterizada, PLAY MUSIC & VIDEO (PERU)
The Ultimate Yma Sumac, compilation Capitol Records n ° 7243521434-2-9 - 2000
Voice of the Xtabay and Others Exotic Delights, réalisée par Rev – Ola sous la référence CREVO34CD - 1995 (Angleterre)
The Ultimate Yma Sumac, compilation Capitol Records n ° 7243521434-2-9 - 2000
www.playmusicv.com, mailbox@playmusicv. com tel: +5112615173 tel: +51998228835
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