Phot valeriamelis
Paella? Galerie 29 CINECITTA Claudia Andujar Marion Tivital Prix Caritas Photo Sociale Vito Nesta Joséphine Nivison Eric Guglielmi Takeiko Mitztutani Les apparences à Perpignan #34 Inke Arns Petra Werlé Les pionnières de la Renaissance Alberto Giacometti Grimaldi Forum Anne Imaho au Palais de Tokyo Les grandes dames de l’impressionisme Caroline Guth Musée Tinguely de Paris à Bâle
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale aPrésident Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Emmerick Door Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance zoupix@gmail.com palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trentedeuxème Année / numéros 07/8 /Juillet/Aout 2021 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros
Photo artension
“Des BB’s, du Monde au Balcon, des Bouquins” Au débotté, une exposition PAELLA? succèdera à celle d’Hélène LHOTE à la Librairie/Galerie l’IMPRIMERIE, jusqu’au Samedi 10 Juillet 2021 pour la clôture avec PAELLA de 16h à 20h Du Mardi au Samedi de 14h à 19h, 10 rue Dusevel 80000 Amiens.
a rédaction de ce numéro de Palazzi A Venezia a été un peu plus laborieuse qua d’habitude et même son cousin italien, SARDONIA, a pris du retard à cause de l’essor des expositions que nous avons lancées, avec l’association Terra Battuta, dans les locaux de Via San Domenico 10, à Cagliari, à deux pas d’une des rues les plus commerçantes de la ville et la plus fréquentée, même en ces temps bizarres et pandémiques où il deviens presque impossible de prévoir à l’avance un événement tel qu’une exposition. Aujourd’hui nous venons d’accrocher les tableaux exquis de Jenny Atzeni et vendredi, samedi et dimanche se seront trois vernissages comme nous avons l’habitude de les organiser soit à Ici, là-bas et ailleurs ou à Sardonia ou à Cagliari je t’aime. Pour le reste nous pouvons déjà circuler dans les rue de Cagliari sans la muserole, ce qui est agréable vue la chaleur ambiante, normale au mois de juin au sud de la Sardaigne. Je sais que les mois passés ont été particulièrement pluvieux en France et surtout à Paris et j’en suis désolé je ne peut que vous proposer de visiter la Sardaigne où bientôt nous pourrions même présenter des artistes français et même d’autres contrées au public sarde. Pour le reste je vous laisse avec une série d’indications que vous pourriez suivre, et découvrir ou retrouver des vielles connaissances en espérant vous être toujours agréable dans nos choix on ne peut plus subjectifs et éclectiques. Nous avons néanmoins d’autres propositions que nous vous réservons pour le supplément qui paraitra dans une quinzaine s’il me reste un peu de temps. Je regrette de ne pas pouvoir être présent à des nombreux vernissages tels ceux des œuvres de Petra Werlé que j’adore et que j’ai découvert et interviewé il y a plus de vingt ans pour SPOUTNIK que je diffusais sur les ondes de canalweb.net. Mais vous pouvez néanmoins continuer à consulter nos vidéos sur vimeo.com/unisvers où certaines images tournées en novembre et décembre dernier à Pariss sont toujours intéressantes d’autant plus que Anna Marchlewska vient d’exposer au Select à Paris. Biens sur pour celles et ceuss qui comprennent l’italien les dernières en date relatent justement les expositions de “Meglio una donna” (Une femme c’est mieux) qui de plus vont voyager en Sardaigne et être présentées dans d’autres villes ainsi que se déplacer jusqu’à Paris pour votre plus grand plaisir. Je vous tiendrais au courant de toutes ces manifestations et je vous prépare une belle surprise dont je vous parlerais dans le supplément. En vous souhaitant des bonnes vacances et un été joyeux, je vous attends en septembre. Vittorio E. Pisu PALAZZI 2 VENEZIA
Photo galerie 29
La Galerie 29 est un espace d’art contemporain situé au centre-ville d’Evian (Haute-Savoie) qui propose toute l’année des expositions temporaires, actions pédagogiques et excursions culturelles. La Galerie 29 est gérée par l’association Espaces MJC Evian et soutenue par la Ville d’Evian. Elle a pour leitmotiv cinq mots : découvrir, sensibiliser, réfléchir, expérimenter, partager. En parallèle des expositions, la Galerie 29 organise des projections, conférences, rencontres littéraires, ateliers d’écritures… permettant d’appréhender l’exposition sous un autre angle, de prolonger la réflexion.
our son exposition estivale, la Galerie 29 espace culturel à Evian, propose exceptionnellement une exposition collective qui présente les oeuvres de quatre artistes ayant fait l’objet d’expositions personnelles à la galerie ces quatre dernières années. Ils ont été invités à présenter leurs visions des croquemitaines. Figures populaires et présentes sur chaque continent, dans chaque pays, parfois spécifiques à certaines régions, les croquemitaines ont fait partie de l’enfance de nombreuses personnes. Mais à quoi ressemblent-ils ? Où vivent-ils ? Sont-ils parfois le reflet de nos peurs intimes ? A découvrir les «anarchitectures» de Sylvain CORENTIN évoquant les habitats des premiers âges, à moins que ce ne soient ceux d’un futur rêvé. Mina MOND et ses toiles et dessins dont les univers sont nourris par l’art populaire, les légendes et le folklore. TIDRU et ses sculptures céramiques où il met à nu la nature humaine, en tentant de faire émerger à la surface de ses sculptures la part «intime» de chacun de ces hommes et femmes. Catherine URSIN et son travail sans concession, engagé et percutant qui ne peut laisser indifférent.
CROQUEMITAINES VISIONS D’ARTISTES 6 JUILLET 2021 25 SEPTEMBRE 2021
Sylvain CORENTIN sculpture Mina MOND peinture, dessin TIDRU sculpture céramique Catherine URSIN peinturee 29, rue Nationale 74500 EVIAN www.galerie29.org
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LES ARTISTES Sylvain CORENTIN Il vit et travaille dans la région de Montpellier. Dans son enfance, il crée des mondes de dessins pour échapper à une scolarité ennuyeuse. Jeune adulte, il découvre les possibilités de la sculpture. Des lors, il n’arrête plus de construire ses habitations rêvées. Son travail parcourt l’Europe et les États-Unis. Ses œuvres sont entrées dans les collections de l’American Folk Art Museum à New York, du Musée d’Art Brut de Montpellier et du Musée des Arts Buissonniers à SaintSever-du-Moustier (suit page 4)
(suit nde la page 3)
Mina MOND
Photo catherineursin
Elle vit et travaille en Alsace et insuffle sa mystique dans ses travaux pour en faire des objets magiques qu’elle voit comme des remparts contre le mal et la mort. Ses sujets sont souvent très actuels, résurgence de ses peurs profondes et de sa difficulté à comprendre l’ambivalence de l’Humain, oscillant toujours entre bien et mauvais. Travail d’une rare densité, il est nécessaire de prendre le temps de contempler ses œuvres. Suivre du regard les lignes et hachures, s’attarder pour découvrir les mille et un détails, et tenter de percer tous les symboles qui font toute la richesse et la complexité de son univers.
TIDRU Il vit et travaille en Ardèche et aime travailler la terre, la triturer, la malaxer, lui donner une forme ronde et brute à la fois, la peindre pour lui donner une couleur plus tendre, plus drôle. Il vous fera voyager dans un univers poétique et sensible, quelquefois inquiétantes, et aux petites touches mélancoliques parfois parsemées d’humour Il met à «nu la nature humaine», en tentant de
faire émerger à la surface de ses sculptures la part « intime » de chacun de ces hommes et femmes. « L’image dégagée par le corps/comportement ou - ce qui est jugé/regardé/écouté/senti par autrui - n’est pas obligatoirement en adéquation avec l’intérieur ». C’est donc au regardeur de décrypter le langage pictural de Tidru et peutêtre, de percer le mystère de ses personnages.
Catherine URSIN Elle vit et travaille à Paris et développe une oeuvre sans concession. C’est un véritable corps à corps qu’elle entretient avec sa peinture. Toutes ses recherches de plasticienne abordent la violence, quelle qu’en soit l’origine , et ses conséquences physiques, morales, intérieures, extérieures, visibles ou invisibles sur l’être humain. La destruction, les blessures, la douleur comme point de départ de réflexion pour atteindre la reconstruction, la réparation et la force de la vie, transcrites sur des papiers tachés. Au delà de ces sujets difficiles, il se dégage de ses oeuvres une incroyable énergie, un mouvement perpétuel où les luttes de ses personnages se transforment en scènes de danses effrénées. Une seule urgence : VIVRE PALAZZI 4 VENEZIA
CINECITTA
VISITES THÉMATIQUES EN ITALIEN POUR LE PUBLIC ADULTE Dimanche 4 juillet à 11h00 Les épreuves de la liberté. Le cinéma italien en huis clos dans les photographies de Riccardo Ghilardi Dimanche 11 juillet à 11h00 Federico Fellini et Cinecittà Visite guidée des expositions et de l’espace vert du parc Dimanche 18 juillet à 11h00 Essais de liberté. Le cinéma italien en huis clos dans les photographies de Riccardo Ghilardi Dimanche 25 juillet à 11h00, je vous présenterai le MIAC Musée de l’audiovisuel et du cinéma italiens Dimanche 1er août à 11h00 Les épreuves de la liberté. Le cinéma italien en huis clos dans les photographies de Riccardo Ghilardi Dimanche 8 août, 11h00 La ville du cinéma et son architecture : le projet architectural de Cinecittà Visite guidée de l’architecture de Cinecittà Dimanche 29 août, 11h00 : les costumes du cinéma italien à Cinecittà si Mostra Dimanche 5 septembre, 11h00 Essais de liberté. Le cinéma italien en huis clos dans les photographies de Riccardo Ghilardi
vec l’arrivée de l’été, à partir du 27 juin jusqu’au 5 septembre 2021, l’Istituto Luce Cinecittà renforcera son offre culturelle avec un nouveau calendrier de visites spéciales, de visites linguistiques et d’itinéraires dédiés aux familles, afin de permettre à son large public de découvrir de nombreuses curiosités sur les célèbres Studios, les décors des grandes productions, les itinéraires d’exposition de Cinecittà si Mostra et du MIAC Museo Italiano dell’Audiovisivo e del Cinema. Un véritable festival d’été, intitulé “À la lumière de l’été”, qui permettra aux visiteurs de découvrir l’histoire et les protagonistes du temple du cinéma, en vivant Cinecittà comme un “musée en plein air”.
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VISITES ANIMÉES ET ATELIERS POUR ENFANTS EN PLEIN AIR Samedi 3 juillet, 11h00 Habillage d’un décor de conte de fées Atelier pour les enfants et les familles Samedi 10 juillet à 11h00 Une plongée dans le Miac : immersions dans l’audiovisuel Samedi 17 juillet à 11h00 clic du clap de fin Samedi 24 juillet, 11h00 Prochain arrêt : la Rome antique ! Samedi 31 juillet à 11h00 Habillage de conte de fées. Samedi 7 août à 11h00 Cinecittà en compagnie de Fellini et de sa Venusia Samedi 28 août, 11h00 Cinecittà en famille : visite animée des plateaux de tournage Samedi 4 septembre 11h00 Une plongée dans le Miac : immersions dans l’audiovisuel VISITES GUIDÉES EN ANGLAIS ET EN FRANÇAIS POUR LES ADULTES Chaque samedi à 11h30 Les décors : Rome Antique le Temple de Jérusalem Florence au quattrocento Visite guidée en français Tous les dimanches à 11h30 Les décors : Rome antique Temple de Jérusalem Florence dans les années 1400 Visite guidée en anglais
Photo claudiaandujar
laudia Andujar s’est engagée auprès des Yanomami, l’un des plus grands groupes indigènes du Brésil, pendant des décennies ; son engagement est double. Elle a commencé par créer des représentations poétiques de l’existence mystérieuse de ce peuple indigène. Mais son approche a évolué, devenant politique: la documentation de leur persécution comme moyen de les protéger. Rétrospective 2020 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, Claudia Andujar : The Yanomami Struggle, organisée à l’occasion de la quatre-vingt-neuvième année d’Andujar, soit près d’une demi-décennie depuis qu’elle a commencé à travailler avec les Yanomami, a permis de réfléchir à l’évolution de sa pratique. Aujourd’hui, l’exposition s’est rendue au Barbican de Londres, où elle sera présentée du 17 juin au 29 août 2021. La relation d’Andujar avec les Yanomami est au cœur de l’exposition, tout comme l’a été sa carrière: d’abord ses expériences photographiques visant à capturer le mode de vie exceptionnel de ce groupe, puis les œuvres qu’elle a créées pour le sauvegarder. La biographie d’Andujar est complexe et son impact sur son travail est au cœur de l’exposition qui
Claudia Andujar
The Yanomami Struggle jusqu’au
29 août 2021 à The Curve
Barbican Art Gallery Silk St, Barbican, London EC2Y 8DS
https://www.barbican.org
a été initialement organisée par Thyago Nogueira pour l’Instituto Moreira Salles, au Brésil, en 2019, et comprend 300 photographies issues des vastes archives de la photographe. Une chronologie de sa vie, et des événements importants qui l’entourent, traverse l’exposition, donnant un contexte aux images exposées. La photographe est née en Suisse en 1931 et a grandi à Oradea, une ville située à la frontière entre la Roumanie et la Hongrie. Ses parents divorcent alors qu’Andujar a neuf ans et la Seconde Guerre mondiale voit son père et sa famille élargie assassinés dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Dachau. La photographe s’est enfuie avec sa mère en Suisse, d’où elle s’est installée à New York pendant plusieurs années avant de rejoindre sa mère à São Paulo, au Brésil, en 1955. C’est là que la relation d’Andujar avec la photographie, et son intérêt pour les communautés marginalisées et vulnérables, de plus en plus les sociétés indigènes, se sont développés alors qu’elle voyageait à travers le pays pour documenter ce qu’elle rencontrait. En 1966, après avoir décidé de se consacrer à la photographie à titre professionnel et travaillé comme photojournaliste pour plusieurs magazines, Andujar rejoint l’équipe de photographes du mensuel Realidade, une publication réputée pour ses reportages de longue haleine.
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Photo claudiaandujar
C’est au cours de son travail sur un numéro spécial de 320 pages, consacré à la région amazonienne encore largement inexplorée et à l’impact du régime militaire sur celle-ci, qu’elle rencontre pour la première fois les Yanomami. C’est à cette époque que l’engagement d’Andujar dans le photojournalisme a également faibli et qu’elle a reçu une bourse de la Fondation John Simon Guggenheim, qui a facilité les projets personnels à long terme qu’elle souhaitait tant. Initialement intéressée par la photographie des Indiens Xikrin, sur la recommandation d’un ami et ethnologue suisse, elle part en 1971 à la recherche des Yanomami vivant le long du fleuve Catrimani, qui s’étend de la chaîne de montagnes Parima, à la frontière entre le Brésil et le Venezuela, jusqu’à Manaus. Les Yanomami seraient originaires de cette région ; aujourd’hui, la communauté, composée de plusieurs tribus et clans, compte environ 36 000 personnes et occupe une zone qui s’étend du nord du Brésil au sud du Venezuela. “Dès le début, il s’agissait d’une relation d’homme à homme”, explique-t-elle dans le catalogue de l’exposition, une affinité sans doute motivée, en partie, par l’histoire personnelle de répression et de déplacement de la photographe. Les deux premières salles de l’exposition donnent l’impression de l’immersion initiale de la photographe. Des images oniriques suspendues au plafond offrent PALAZZI 7 VENEZIA
une fenêtre sur la vie quotidienne des Yanomami et sur l’impression qu’en a Andujar. Floues et abstraites, avec de nombreux rendus en couleurs vives, les photographies respirent le mouvement et la vie : des réponses expressives à l’existence mystique d’un peuple que le photographe commençait tout juste à comprendre. “À l’époque, cela ne me dérangeait pas de ne pas comprendre la langue des Yanomami”, écritelle, “l’échange de mots ne me manquait pas. Je voulais observer, absorber, afin de recréer sous forme d’images ce que je ressentais. Peut-être même que le dialogue pourrait s’en mêler.” De 1971 à 1977, Andujar a fait des allers-retours à la rivière Catrimini pendant des périodes de plus en plus longues. Ici, la communauté Yanomami était encore relativement intacte - ses traditions et rituels étaient isolés de l’influence occidentale. Andujar a participé à des activités quotidiennes : expéditions de chasse, festins funéraires et le “reahu”, à la fois commémoration des alliances entre communautés et rituel funéraire, auquel une section de l’exposition est consacrée avec d’autres cérémonies yanomami. Elle a également photographié à l’intérieur des yano :(suit page 8)
(suit de la page 7) de grandes maisons communales en forme de cône, habitées par des dizaines de familles, qui bourdonnent d’activité. Délaissant une approche journalistique ou anthropologique, Andujar a développé son propre langage visuel, capable de saisir les nuances du monde isolé des Yanomami, et, ce faisant, a plongé au plus profond d’elle-même : “La photographie est le processus de découverte de l’autre et, à travers l’autre, de soi-même”, écrit-elle. “Intrinsèquement, c’est pourquoi le photographe cherche et découvre de nouveaux mondes mais, au final, il montre toujours ce qu’il y a en lui.” C’est là que réside la complexité du projet initial d’Andujar : un étranger blanc documentant une communauté indigène pourrait être lu comme exotique ; certains diront aussi qu’Andujar a passé sous silence les éléments les plus sombres du mode de vie des Yanomami. Un article de la New York Review of Books, consacré à l’exposition précédente d’Andujar à Moreira Salles, mentionne un livre publié en 1968 par l’anthropologue Napoleon Chagnon. Il y décrit les Yanomami comme une culture machiste, avec différents groupes engagés dans une guerre constante, provoquée par le viol et
l’enlèvement de leurs membres féminins. D’autres anthropologues et membres des Yanomami ont contesté ces propos, et Chagnon a probablement exagéré ses affirmations, si tant est qu’elles soient vraies. Mais il faut reconnaître que les images d’Andujar sont profondément subjectives, ce qui les empêche d’être voyeuristes. C’est plutôt l’impulsion qui prévaut - une photographe déterminée à développer un langage visuel qui représenterait fidèlement un groupe dans lequel elle s’investit de plus en plus. Andujar a développé une esthétique résolument abstraite. Elle appliquait souvent de la vaseline sur son appareil photo, ce qui permettait de faire fondre les bords de certaines images. La photographe utilisait des pellicules infrarouges et des filtres colorés pour rehausser les tons de son travail en couleur ; l’obscurité de la forêt dense et des intérieurs des maisons des Yanomami exigeait des pellicules sensibles et des vitesses d’obturation lentes, ce qui rendait certains clichés encore plus flous. Lorsqu’elle documente les différents rituels d’un “reahu”, Andujar utilise des expositions multiples pour transmettre visuellement le rythme et l’étrangeté des événements au cours desquels les chamans invoquent leurs esprits, “xapiri”, tout en s’enivrant de poudre hallucinogène. En 1974, elle a également donné à la communauté PALAZZI 8 VENEZIA
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l’occasion d’exprimer son interprétation de la nature et de l’univers sous forme de dessin, ce qui a donné lieu à des illustrations complexes qui occupent un mur à l’étage inférieur de l’espace d’exposition. Il en résulte une représentation sans précédent de la vie des Yanomami, une réponse artistique à une existence de plus en plus fragile et éthérée, et un témoignage du développement artistique d’Andujar, qui s’éloigne de plus en plus de ses racines photojournalistiques. Mais cela va bientôt changer. En 1977, la Fondation nationale de l’Indien, l’organe du gouvernement brésilien chargé des politiques relatives aux populations indigènes, refuse à Andujar l’autorisation de retourner chez les Yanomami. Au début de la décennie, le gouvernement, une dictature militaire autoritaire, a établi un programme de développement qui allait industrialiser de vastes étendues de l’Amazonie. La construction de l’autoroute Perimetral Norte, un tronçon de la future autoroute transamazonienne qui traversait les terres des populations indigènes, a été lancée en 1973 et a exposé les Yanomami aux maladies et aux conflits, entraînant la mort de milliers de personnes. Le gouvernement a probablement considéré Andujar comme une menace - un témoin et un porte-parole de la situation critique des cultures indigènes, ce qu’elle est devenue dans les décennies qui ont suivi. Dans le temps qu’il lui a fallu pour retrouver l’accès à la justice, elle a publié trois livres, ce qui a permis PALAZZI 9 VENEZIA
de sensibiliser un plus grand nombre de personnes aux difficultés des Yanomami. C’est ainsi qu’a commencé une ère où la photographe a abandonné sa pratique artistique. Au lieu de cela, le médium est devenu un véhicule pour son activisme. Hormis les images d’Andujar, il existait peu de documentation sur les Yanomami. La communauté rejetait ce support, craignant que les images les représentant ne tombent entre de mauvaises mains et ne soient sujettes à la sorcellerie. En outre, la coutume voulait que les photographies existantes soient détruites après la mort de l’individu qu’elles représentaient. Cependant, avec le soutien de Davi Kopenawa, un activiste et chaman yanomami que la photographe a rencontré en 1977 et avec lequel elle a étroitement collaboré, Andujar a pu convaincre la communauté que les documents visuels de leur culture étaient essentiels à la cause. Elle a également reconnu que la photographie seule ne suffisait pas et, en 1978, aux côtés de Kopenawa, de l’anthropologue français Bruce Albert et du missionnaire Carlo Zacquini, Andujar a fondé la Comissão Pro-Yanomami (CCPY), s’engageant dans une campagne de 14 ans (suit page 10)
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(suit de la page 9) pour sauvegarder le mode de vie exceptionnel, mais de plus en plus fragile, des Yanomami. Pendant cette période, Andujar est revenue au photojournalisme pour soutenir ses campagnes politiques et sociales. Dans la série Marcados, dont une sélection d’images est présentée à l’étage inférieur de l’exposition, des portraits en noir et blanc montrent des membres des Yanomami portant de grandes étiquettes numérotées autour du cou. À l’origine, Andujar a pris ces photographies dans le cadre d’un programme de vaccination lancé par le CCPY en 1980, afin d’identifier les membres de la communauté dans leurs dossiers médicaux. Cependant, en revenant sur ce travail quelques années plus tard, la photographe a établi un parallèle entre les étiquettes numérotées et les marques tatouées sur les prisonniers des camps de concentration nazis, son père et sa famille compris. “C’est ce sentiment ambigu qui m’amène, 60 ans plus tard, à transformer le simple registre des Yanomami en condition de “peuple” - marqué pour vivre - dans un travail qui interroge la méthode d’étiquetage des êtres à des fins diverses”, explique-t-elle dans le catalogue de l’exposition.
En 1992, les terres des Yanomami ont finalement été délimitées, mais cela est loin d’avoir mis fin à leur lutte, qui s’est intensifiée aujourd’hui sous l’impulsion de l’actuel président brésilien Jair Messias Bolsonaro. Bolsonaro rejette la démarcation, estimant que les communautés indigènes du Brésil doivent être assimilées à la société occidentale, promettant de légaliser l’exploitation minière, déjà très répandue, et l’agriculture commerciale sur leurs terres. Son élection, à mi-chemin de la conception de l’exposition de Paris, a conféré au projet une urgence et une signification accrues. Et, bien que cela n’ait pas été l’objectif initial d’Andujar, comme l’illustre si bien l’exposition, son œuvre est devenue un témoignage intemporel et puissant de l’histoire mouvementée d’une communauté constamment menacée. Hannah ABEL-HIRSCH A rejoint le British Journal of Photography en 2017, où elle est actuellement rédactrice adjointe. Auparavant, elle a été assistante de rédaction chez Magnum Photos, et assistante de studio pour Susan Meiselas et Mary Ellen Mark à New York. Avant cela, elle a obtenu une licence en histoire de l’art à l’University College de Londres. Ses mots sont également apparus sur Magnum Photos, 1000 Words, et dans le magazine de la Royal Academy of Arts. PALAZZI 10 VENEZIA
Photo mariontivital
es compositions de Marion Tivital sont pour le moins énigmatiques. Des intrigues en soi, pourrait-on dire. Les paysages quelque peu taciturnes n’indiquent pas vraiment s’ils sont inspirés de lieux réels ou s’ils sont le fruit de l’imagination. Les structures industrielles, les édifices compacts et parallélépipédiques, les habitations sommaires, paraissent désertés, voués à eux-mêmes. On n’y perçoit, d’ailleurs, ni fenêtre, ni ouverture, comme s’ils avaient décidé de soustraire aux yeux du monde la réalité de leurs entrailles. Des intrigues visuelles, en effet, car les atmosphères silencieuses sollicitent un sentiment de stase ou d’engourdissement, une sorte de ralentissement du regard propice à la contemplation, mais aussi à la spéculation. Si le temps paraît figé, indéfini, car saisi de forces qui se contractent à mesure qu’elles se dilatent, aussi ce temps enclenche-t-il une conscience de l’inexplicable ; ces bâtisses qui miroitent des étendues nordiques ne semblent pas être à leur place. Ces ciels, chargés de nuages sourds, noircis par des nuits imminentes, possèdent parfois le caractère de ce qui est irréel, peut-être même quelque chose de fantomatique, comme un ordre invisible qui habillerait le monde de sa présence diaphane. Des interrogations, sans doute, mais surtout une impression globale. Celle qu’induit le fait de se mesurer à des univers ir-
MARION TIVITAL du 4 Juillet au 25 Août 2021 Ouvert du mardi au Dimanche, 11h-12h30 et 17h-19h30.
Galerie Picot-Le Roy MORGAT Presqu’île de Crozon Tél.: +33 06 03 34 34 60 http://www.picotleroy.com
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résolus où le bon sens et la logique sont susceptibles de faire défaut. Celle également qui consiste à fusionner un langage éminemment tangible à des réalités immatérielles. Or, on dit de l’inquiétante étrangeté qu’elle se manifeste lorsqu’un sujet se heurte à des situations qu’il croit reconnaître, sans parvenir, pour autant, à les qualifier. À l’échelle de la peinture de Marion Tivital, si l’on peut parler d’inquiétante étrangeté, vraisemblablement est-ce à travers le basculement subreptice qui s’accomplit entre, d’un côté, des physionomies pleines, coutumières, peut-être même rassurantes – à l’image de ces formes géométriques qui s’empilent comme des jeux d’enfants, ou de ces architectures qui s’érigent en abris désinvoltes face à la nature – et, de l’autre, un abrègement des aspérités du réel, de ses détails, de manière à ce que nulle identification ne puisse avoir lieu. Un sentiment de quiétude s’associe donc à celui d’égarement. Peut-être est-il soutenu, autrement, par la prépondérance des volumes et des découpages géométriques. De telles figures, en effet, en plus d’être favorables, dans les peintures de Marion Tivital, à des ombrages indolents, sont aussi porteuses de mystère et de rêveries de toutes sortes, (suit page 12)
(suit de la page 11) ne serait-ce qu’en raison de leur potentiel symbolique, philosophique ou mathématique. Aussi, l’absolu recul de la figure humaine, dans la majorité des compositions, résonne-t-il avec la série des portraits silencieux ; les visages, sereins et dormants, réitèrent la part d’étrangeté entrevue dans les structures inhabitées. Les songes qu’on leur prête s’agrègent inévitablement aux réalités dissimulées derrière les cloisons des édifices. On comprend alors que la prétendue inertie que suggèrent les architectures et les paysages alanguis par les nuits hivernales, masque en réalité un surcroît de sens, un vitalisme, une effervescence, car celui qui a les yeux clos n’est pas forcément celui qui se fige. Au contraire, il est peutêtre le plus voyageur d’entre tous, en renvoyant à des mondes intérieurs foisonnants et volubiles, ouvrant d’innombrables possibles, de façon à dire que le réel ne se livre pas toujours d’un seul tenant. Julien Verhaeghe Marion Tivital voile de souterraine mélancolie les affres de la réalité, les blessures des apparences et les masses cruelles des industrieuses architectures. Dans l’effacement des plaies mondaines, elle enregistre une lente gestation d’univers, une possible espérance. Christian Noorbergen www.mariontivital.com/
Remise du Prix Caritas Photo Sociale le jeudi 8 juillet 2021 à 11 H 30
à Summertime-France PhotoBook Nathalie Dran Attachée de presse Prix Caritas Photo Sociale Tel : +336 99 41 52 49 +339 61 30 19 46 nathalie.dran@wanadoo.fr www.reseaucaritasfrance.org/
ace à l’ampleur de la pauvreté et de l’exclusion en France, les membres du Réseau Caritas France ont décidé de créer en 2020 le Prix Caritas Photo Sociale afin de soutenir les photographes qui s’investissent sur ces questions. Le Prix Caritas Photo Sociale soutient ainsi chaque année un ou une photographe, en lui décernant une dotation de 4 000 €, en produisant une exposition qui a vocation à être itinérante et en éditant un livre qui lui est consacré. Deux photographes finalistes sont aussi mis en avant. La personne lauréate est sélectionnée par un jury de personnalités reconnues pour leur expertise dans le milieu de la photographie ou sur les questions de pauvreté et exclusion. L’appel à candidature pour l’édition 2021 était ouvert aux photographes jusqu’au 16 mai 2021. L’annonce du ou de la lauréate 2021 se fera d’ici début juillet. Le livre “ODYSSEES” consacré à la lauréate du Prix Caritas 2020 édité par Filigranes Editions est disponible en librairie depuis le 20 novembre 2020 L’exposition à la galerie d’agnès b. (prévue en mars 2021) a été reportée à une date ultérieure. FINALISTES : Myr MURATET pour son projet “ Chapelle “ Julie JOUBERT pour sa série “ MIDO “ Le jury a décidé de décerner cette année une mention d’honneur à Pierre FAURE pour la qualité de son travail autour de la “ France Périphérique “.
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Photo (c) Aglaé Bory - Odyssées
n 2021, nous passerons en France le cap des 10 millions de personnes en situation de pauvreté et d’exclusion : mallogement, manque d’accès à un emploi digne, exclusion sociale, illettrisme resteront hélas de grande actualité. Dans ce contexte de tensions et d’inégalités toujours fortes, la deuxième édition du Prix Caritas Photo Sociale trouve une raison supplémentaire d’exister : rendre visible à tous ce qu’il nous est souvent difficile de percevoir avec clarté et nuances. Dans la dynamique de la première édition, nous continuerons de privilégier cette année les formes nouvelles et originales imaginées par les photographes investis sur les questions sociales. En récompensant Aglaé Bory, lauréate 2020, nous avions déjà la conviction qu’une écriture plus contemporaine pouvait permettre d’aller plus loin dans la façon de mieux rendre compte de la réalité des personnes en précarité. Notre nouveau jury 2021 a été constitué dans cette logique. Le choix de Sarah Moon est vite devenu une évidence pour nous, son approche artistique étant résolument novatrice et son investissement personnellement en faveur des plus fragiles, en collaboration avec des associations de solidarité, est probablement moins connu mais tout aussi précieux. Notre choix délibéré de renouvellement annuel d’une partie des experts de la photographie dans le jury vise
L
e Réseau Caritas France a souhaité créer une alliance pérenne entre le monde de la photo et les acteurs experts de la lutte contre la pauvreté que sont les membres du Réseau. Pour la création et la mise en œuvre du Prix, il s’est associé au collectif Fetart, spécialiste de la photographie émergente qui organise notamment le festival CIRCULATION(S). Ce collectif a pour mission notamment d’accompagner le prix sur la dimension artistique (animation du jury, commissariat d’exposition). Il a par ailleurs tissé un partenariat avec la Galerie Le Château d’Eau à Toulouse (exposition fin 2021), La Saif, la Picto Foundation, le magazine POLKA ainsi que les éditions Filigranes (éditeur du livre consacré au lauréat depuis 2020).
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à renforcer peu à peu les liens entre le monde de la photographie et celui du social. Nous favorisons cette année encore la diversité des profils, et donc des regards : en associant des experts de la photo à ceux qui connaissent la réalité de l’accompagnement des exclus. En 2020, nous avons eu la joie, malgré les contraintes sanitaires, de pouvoir présenter «Odyssées » d’Aglaé Bory en avant-première sur l’esplanade de Paris Garede-Lyon ; nous espérons exposer comme prévu en galerie la lauréate et les finalistes de la première édition d’ici cet été. Pour cette année 2021, nous sommes très heureux de pouvoir d’ores et déjà annoncer que l’œuvre des photographes lauréat et finalistes fera l’objet d’un lancement et d’une présentation dès décembre 2021 dans ce lieu emblématique de la photographie qu’est la Galerie Le Château d’Eau à Toulouse, avant de poursuivre par une exposition à Paris. Je suis personnellement très heureux de pouvoir lancer cet appel à candidatures, avec le soutien d’un jury et de partenaires aussi engagés à donner toute la place qu’elle mérite à la photographie sociale contemporaine. Emmanuel Fagnou, Responsable du Prix Caritas Photo Sociale, Coordinateur du Réseau Caritas France
Photo loeildelafemmeabarbe
Le premier mode se fait par le biais d’une installation. été inaugurée Dans la Galerie des Glaces, une table qui est aussi une au Palazzo Remétaphore de la table dressée expose cent plats réalisés ale di Genova pendant les soixante-neuf jours d’isolement passés à la l’exposition maison, en utilisant des céramiques comme s’il s’agis“Diario di un designer”. sait des pages d’un journal intime. “Sessantanove giorni nel Le thème de l’expérience est le point d’appui de la segno di Vito Nesta” narration : dans les plats exposés, dans une multitude (Journal d’un designer. de compositions, dans les images et dans les textes. Soixante-neuf jours sous exposés les sensations et les humeurs de ces jours de le signe de Vito Nesta), solitude, les souvenirs qui refont surface par hasard, organisée par Alessandro SESSANTANOVE GIORNI NEL les petits changements quotidiens observés depuis la Valenti et Luca Parodi, SEGNO DI VITO NESTA fenêtre. première exposition du Une relation forte avec le temps se dessine, d’une part, musée consacrée à un (JOURNAL D’UN DESIGNER. monotone et apparemment immobile, d’autre part, le consacré à un designer temps qui est presque donné comme un cadeau, qui contemporain, en collaSOIXANTE-NEUF JOURS permet de s’engager dans un processus d’introspection. boration avec le départSOUS LE SIGNE DE VITO NESTA) qui permet de se livrer à une introspection qui se maniement d’architecture et de feste dans le projet design. Architecture et du Design Le résultat est un monde figuratif, parfois abstrait, dans de l’Université de Gênes. lequel l’imagination se transforme en réalité et en vice. Le parcours se développe l’imagination se transforme en réalité et vice-versa, un à travers des itinéraires lieu dans lequel les échos des populations lointaines, parallèles qui montrent le de beautés ancestrales, de nature sauvage et de villes travail du designer dans chiaroscurales, la rigueur des prismes et des géométries deux modes d’exposition graphiques et le mystère antique représenté sur les distincts qui retracent, pièces de monnaie et les cartes à jouer. d’une part, l’expérience Le deuxième mode d’exposition est mimétique, et voit vécue pendant les jours le signe de Vito Nesta s’infiltre dans les salles mêmes de fermeture et, d’autre du musée, donnant vie à un jeu subtil de références et part, rendent hommage de mimésis. à la résidence génoise à L’expérience se développe à travers les salles finement travers des objets et des finement décorées de stucs et de fresques, où l’observameubles contemporains qui dialoguent avec les anna.manzitti@beniculturali.it teur se surprend à rechercher et à découvrir inconsciempièces historiques du mu- palge.comunicazione@beniculturali.it ment à la recherche et à la découverte des objets réalisés sée. palazzorealegenova.beniculturali.it/ par le designer.
DIARIO DI UN DESIGNER
jusqu’au 26 septembre 2021 Museo di Palazzo Reale di Genova Via Balbi 10, Gênes T. +39 010.2705218
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Photo rota&porfida
Sont exposés la table conçue pour l’exposition et réalisée par le Studio F, le pouf en édition limitée et les deux poufs simples, pièces uniques, produites par Tappezzerie Druetta et revêtus de tissus hors collection de RUBELLI, qui font partie de l’ameublement du Musée, le tapis Turquerie conçu pour “LesOttomans”, les vases en céramique “Grand Tour” réalisés pour l’exposition “Travelling Music” Vito Nesta dans les salles de Giuseppe Verdi à partir de 2019, les vases en verre présentés cette année avec l’entreprise Effetto Vetro. JOURNAL D’UN DESIGNER. SOIXANTE-NEUF JOURS SOUS LE SIGNE DE VITO NESTA. commissariat d’Alessandro Valenti et Luca Parodi Jusqu’au 26 septembre 2021 Du mercredi au samedi, de 13h30 à 19h00 (dernière entrée 18h30) L’entrée à l’exposition est incluse dans le billet d’entrée au musée. Réservations : customerservice@wingsoft.it Tél.: +39 0105921 Bureau de presse international Rota&Jorfida | Communication et PR Via Fabio Filzi 33, Milano T. +39 02 39 29 76 76 press@rotajorfida.com rotajorfida.com http://palazzorealegenova.beniculturali.it/
voir les vidéos https://youtu.be/ zyRFI32RaGw https://youtu.be/ Jt6fsVav9rw
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ito Nesta est un designer originaire des Pouilles, né en 1987. Après avoir obtenu un diplôme de design d’intérieur à Florence, il s’est installé à Milan, où il vit et travaille toujours. Designer, directeur artistique, décorateur d’intérieur et artisan à la première personne, son art va du graphisme à l’architecture, en passant par la photographie et la peinture. L’inspiration de ses œuvres provient de ses fréquents voyages à travers le monde, qui l’amènent à découvrir des lieux, des cultures et des personnes stimulant sa créativité. En janvier 2018, à l’occasion de Maison&Objet, Vito Nesta présente Grand Tour à Paris, son nouveau projet d’éditions, l’histoire d’un long voyage, parfois réel et parfois imaginé, inspiré des itinéraires que les jeunes du XVIIIe siècle, dès leur majorité, faisaient pour voir de leurs propres yeux la beauté et la culture que le monde pouvait offrir. Vito Nesta a fait du voyage une condition naturelle de lui-même : une enfance aux suggestions vénézuéliennes ramenée dans une ferme des Pouilles, une jeunesse à la recherche de couleurs, d’odeurs et de visions lointaines, trouvées ailleurs comme dans la vie quotidienne. Le résultat de cette recherche incessante et vagabonde est l’émergence d’une imagerie de symboles et d’histoires qui suggèrent des mondes lointains, parfois hybrides entre différentes cultures.
Josephine Nivison est née à Manhattan le 18 mars 1883 de Eldorado, pianiste et professeur de musique, et de Mary Ann McGrath. Elle a fréquenté le Normal College de New York pour devenir enseignante. Étant donné sa grande passion pour l’art, et pour la peinture en particulier, elle décide de s’inscrire également à la School of Art, l’une des institutions les plus importantes de New York dans ce domaine.
L’étudiant en art. Portrait de Joséphine Nivision par Robert Henri. 1906
a seule fois où Edward Hopper a représenté sa femme, la peintre Josephine Verstille Nivison, au travail, il n’a pas inclus de toile, de palette et de pinceaux dans le tableau. Dans le tableau Jo, en effet, elle est raccourcie de telle manière qu’on peut à peine voir son bras levé dans l’acte de peindre, mais, en substance, seul le titre permet de comprendre l’action qu’elle accomplit. Hopper - célèbre pour les tableaux dans lesquels il montre la solitude et l’aliénation urbaine de la société américaine contemporaine (comme dans le célèbre Nighthawks de 1942, dans lequel il montre les quelques clients d’un diner la nuit) - ne supportait pas que sa femme ait les mêmes aspirations et les mêmes capacités artistiques que lui. La femme a fini par sacrifier son identité d’artiste pour lui.
Joséphine Nivison, le peintre qui a sacrifié l’art pour son mari. Épouse du peintre américain Edward Hopper, elle avait devant elle une brillante carrière de peintre mais a fini par tout abandonner car elle n’a jamais été soutenue par son mari égoïste et très compétitif.
En 1906, elle commence à enseigner dans les écoles publiques, tout en poursuivant son rêve de devenir un peintre accompli. Ainsi, après un voyage en Europe pour en connaître les ferments artistiques et culturels, elle expose pour la première fois en 1914 dans une exposition collective aux côtés d’artistes de la trempe de Man Ray, ce qui lui vaut également une mention dans le New York Times. Joséphine, dite “Jo”, était pourtant une femme aux intérêts multiples : dans les années qui entourent la Première Guerre mondiale, elle fait du théâtre, devient infirmière pour s’occuper des vétérans et commence à travailler avec “The Masses”, un magazine d’inspiration socialiste. En 1920, elle quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à l’art, participant à plusieurs expositions et suscitant un vif intérêt de la part du public. À l’été 1923, alors qu’il avait environ quarante ans, il s’est rendu à Gloucester, dans le Massachusetts, dans une sorte de colonie d’artistes, où il a rencontré Edward Hopper. Tous deux avaient été étudiants à l’école d’art de New York mais n’étaient jamais sortis ensemble auparavant. L’homme n’était pas encore un peintre établi, mais elle a immédiatement décidé de le soutenir dans sa carrière. Par exemple, un jour, elle a été invitée à participer à une exposition collective d’artistes américains et européens au musée de Brooklyn et elle a réussi à convaincre les organisateurs de faire exposer également son partenaire.
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Photo Courtesy Everett Collection / Cordon Press
Finalement, Hopper a attiré l’attention des critiques, tandis que l’œuvre de Joséphine est passée au second plan. Ils se sont mariés le 9 juillet 1924 et les conflits ont immédiatement commencé. L’une des premières concernait Arthur, un chat que Jo traitait comme un fils. Hopper, en revanche, ne le supportait pas, car il pensait que la femme accordait plus d’attention à l’animal qu’à son mari. Dans Statu quo, une caricature connue sous le nom du Grand Dieu Arthur, par exemple, la femme est assise à la table avec un énorme chat à l’autre bout, devant un rôti fumant, tandis que l’homme est accroupi sous la table. En fin de compte, Hopper est sorti vainqueur et Arthur a dû rester dans l’ancienne maison de sa maîtresse après qu’elle ait emménagé avec lui à Washington Square. Puis c’est le tour de l’automobile : le couple décide d’acheter une voiture, mais seul Hopper prend des leçons de conduite, tandis qu’il empêche sa femme de faire de même. Entre-temps, la célébrité de Hopper s’est accrue et celle de Joséphine n’a pas progressé : elle a perdu le vernis qu’elle avait autrefois, également parce que son mari ne l’a jamais encouragée. En effet, dans ses journaux intimes, la principale plainte de Jo était que son mari ne soutenait pas son travail (“N’est-ce pas agréable d’avoir une femme qui peint ?” lui a-t-elle demandé une fois, de manière rhétorique. “Ça craint”, a-t-il répondu). PALAZZI 17 VENEZIA
Un jour, un galeriste, qui était un vieil ami de Nivison, est venu chez eux pour voir certaines de ses aquarelles. Hopper (qui était notoirement taciturne et apathique, au point qu’elle a dit un jour qu’il était “comme un chiffon sans aucune conscience du passage des heures, des jours, des semaines, de la vie”) s’est mis en travers du chemin en bavardant et en distrayant l’hôte tout le temps : “Dès qu’une légère brise souffle dans ma direction, il doit agir immédiatement, l’éteindre pour toujours”, a écrit Joséphine dans son journal. Ce soir-là, le couple finit par se disputer violemment, ce qui est fréquent dans leur relation. Il est probable que Jo, une femme libre et pleine d’intérêts, ne correspondait pas à l’idéal d’épouse d’Edward, du moins à en juger par certaines caricatures centrées sur leur vie conjugale : dans l’une d’elles, par exemple, il est réduit à la peau et aux os alors qu’il mendie auprès de la femme qui, occupée à lire, l’ignore. Le titre est très éloquent: L’heure des repas. Au fil du temps, elle est devenue de moins en moins sûre de son talent, alimentée par son mari qui ne manquait jamais une occasion de lui montrer sa supériorité artistique en dépréciant son travail. D’autre part, elle a continué à le soutenir : (suit page 18)
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Photo ghaleriemaubert
(suit de la page 17) elle l’a encouragé lorsqu’il était en crise d’idées, a invité des gens à ses expositions, a suggéré des titres pour ses œuvres. Son rôle a donc été déterminant dans la carrière de Hopper et c’est à son influence que l’on doit la décision de l’artiste de se consacrer sérieusement à la technique de l’aquarelle à l’été 1923. En outre, les plus de soixante journaux qu’elle a tenus tout au long de sa vie constituent aujourd’hui la principale source pour l’étude de Hopper, l’un des grands interprètes de la scène américaine moderne. Elle fut également son modèle, posant dans pratiquement toutes les œuvres de l’homme où apparaissent des figures féminines, même si la plupart du temps Hopper modifie ses traits pour la rendre plus proche de l’image qu’il avait en tête. Edward Hopper est mort en 1967, elle est morte le 6 mars 1968. Leur mariage a certainement été “difficile”, mais ils sont restés ensemble pendant plus de quarante ans. “Nous méritons la croix de guerre, une médaille pour nous être distingués au combat”, a-t-elle écrit dans une carte adressée à son mari à l’occasion de leurs noces d’argent. https://www.storicang. it/a/josephine-nivison-pittrice-che-sacrifico-larte-per-suo-marito_15240/
’est avec une infinie tristesse que nous vous annonçons le décès du photographe Éric Guglielmi, âgé de 51 ans. Éric fut l’un des tout premiers artistes de la galerie, présentant ses clichés du fleuve Niger dès la troisième exposition, il y a 10 ans. Il laisse une œuvre monumentale, passant plus de 30 ans à sillonner le monde : en Europe, en Amérique du Sud et surtout en Afrique. Artiste bouleversant et bouleversé, il quitte le photojournalisme en 2002 pour construire une réflexion de long cour, à revers de l’actualité, nous permettant de “voir différemment”. Fidèle à ses origines ardennaises, il signe deux séries cultes autour du poète Rimbaud et de la forêt ardennaise. Sa dernière série Paradis Perdu nous amène dans la forêt du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la terre, auprès des tribus Baka, victimes de la déforestation. Au delà de son rôle de photographe, Éric marque d’une empreinte inoubliable la Galerie Maubert, lui permettant de découvrir, dans son atelier, le travail caché de Payram, ou nous présentant, toujours bienveillant, le travail d’Arnaud Lesage via la sublime édition d’Anatopée aux Éditions GANG, qu’Éric avait fondées en 2010. Puriste du tirage, il n’hésitait pas à accompagner les autres artistes de la galerie, Laurent Goldring, Jonas Delhaye, Nicolas Floc’h, qui lui seront éternellement reconnaissants.
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Photo ericguglielmi
Nos pensées vont à ses trois enfants, sa compagne, ses parents, ses fidèles amis, tous les jeunes photographes qu’il a formés et aidés, sans hésitation, notamment Franck et Louis, tous ses admirateurs du Doc, où il a créé le laboratoire argentique pour tous les artistes qui souhaitaient s’y essayer (du tirage aux sels d’argent au Platine palladium ou bien à la gomme bichromate qu’il venait tout juste de dompter), tous les collectionneurs, directeurs d’institution, amis de musée qui venaient l’écouter avec passion. Franc, engagé, honnête, passionné, généreux, Éric était un ami. C’est en sa compagnie que nous avons passé les plus beaux moments à l’écouter refaire le (son) monde. Son amour de l’autre, son engagement et sa lutte contre l’indifférence resteront à jamais gravés dans sa magnifique oeuvre que nous continuerons à faire vivre grâce à vous.
Galerie Maubert 20 rue Saint-Gilles 75003 Paris T/ +33(0)1 44 78 01 79 galeriemaubert@galeriemaubert.com www.galeriemaubert.com Membre du Comité Professionnel des Galeries d’Art, de Paris Gallery MAP et de Marais guide
voir la vidéo h t t p s : / / w w w. arte.tv/fr/videos/094929-007-A/ eric-guglielmi/
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ric Guglielmi s’appuie sur une démarche organisée autour de la marche, l’attente et de l’observation. Ses photographies donnent à voir un ailleurs palpable et oppressant, rendant accessible au spectateur ce léger décalage, cette vision de biais qui permet de voir différemment, de voir mieux. Sa connaissance approfondie des réalités sociales et politiques lui permet de se tenir dans une posture attentive et vigilante face au réel et ses incohérences. Son art interroge frontalement les angles morts de l’attention médiatique. Il juxtapose et croise les points de vue (Bangladesh, Mali, Ukraine) et présente d’autres constructions du monde. Il prend le contre-pied de la pratique du reportage, privilégiant, contre le dogme de « l’instant décisif », « une lenteur du regard ». Eric Guglielmi fait partie de collections publiques (CNAP, BNF, Musée Rimbaud…) et privées (Neuflize OBC). En 2015, il est nominé au Prix AIMIA/AGO ainsi qu’au Prix Pictet et reçoit l’Aide à la photographie documentaire du Centre national des arts plastiques (CNAP) pour son projet Ardenne. Ce projet a fait l’objet d’une résidence de 18 mois dans les Ardennes (Belges, Luxembourgeoises et Françaises) ainsi que d’une publication et d’une exposition personnelle à la Maison de la photographie Robert Doisneau en 2018. Eric Guglielmi est lauréat de la commande photographique nationale « Flux, une société en mouvement» 2018. En 2020, deux expositions ont montré ses séries “Paradis Perdus” au CRP (Centre régional de la photographie Hauts-de-France) et Touba à l’Institut des Cultures d’Islam. galeriemaubert.com
Photo rominadenovellis
TAKEIKO MITZUTANI
itzutani est célèbre pour avoir été l’un des rares étudiants japonais du Bauhaus. Son nom apparaît pour la première fois dans les listes d’étudiants du Bauhaus au cours de l’été 1927. Takehiko Mizutani et Iwao Yamawaki ont été les premiers étudiants japonais du Bauhaus. Les travaux d’étudiants de Mizutani ont laissé une trace très profonde dans le cours préliminaire dirigé par Josef Albers. Mizutani est rentré au Japon avant la guerre et a commencé à enseigner au Tokyo College of Fine Arts, son ancienne école, où il a été nommé professeur adjoint d’architecture. Au milieu des années 50, Mizutani et Yamawaki ont conçu l’exposition “Gropius et le Bauhaus” pour le Musée national d’art moderne de Tokyo.
Il a dessiné une table qui n’a jamais fait partie d’aucune production à son époque ; le projet a été conçu à l’origine avec des pieds en bois et a été présenté avec des photos de modèles et des dessins dans diverses publications consacrées au mobilier du Bauhaus. Par la suite la table a été réalisée et commercialisée par ItalianDesign mais avec un pietment en acier, il est encore disponible à la vente : Table Mitzutani avec structure en tube d’acier chromé avec articulation centrale en fonte d’aluminium peinte en noir ou laquée dans d’autres couleurs, plan en verre d’une épaisseur de 15 mm, disponible également avec plan en verre trempé et plan en verre laqué blanc ou noir. Dimensions : A72 Ø120 Quelques pièces de sculpture réalisées dans le cadre d’un atelier dirigé par Joseph Albers ont été publiées. Une photographie prise par Lotte Burkhardt montre Mitzutani, le plus petit étudiant du Bauhaus, à côté du plus grand. Il est retourné au Japon avant la guerre et a enseigné dans l’établissement où il avait étudié, le Tokyo College of Fine Arts (aujourd’hui la faculté des beaux-arts de l’université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo). Il est resté professeur adjoint d’architecture jusqu’en 1944, après quoi il a été chargé de cours à temps partiel. Il est décédé en 1969. http://www.bauhaus.de/en/ausstellungen/sammlung/204_unterricht/561 https://www.italiandesigncontract.com/it/prodotti-lista/bauhaus-classici/takehiko-mizutani/
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Photo centredartacentmetreducentredumonde
ette exposition est d’abord l’occasion de concrétiser une situation : l’extraordinaire vitalité de la peinture de la scène française contemporaine. Non exhaustive, j’ai pris le parti de présenter des peintres gardant pour référence le monde des apparences. Dans une grande variété de thème, de style et d’ambition, tous ces peintres questionnent le réel avec ce médium si particulier qui joue au visible avec les matériaux du visible: des pigments, des surfaces, le côté sculptural du tableau. De peintre dit abstrait comme Jean-Baptiste Bernardet ou Claire Chesnier, s’intéressant pourtant au spectre lumineux à un entre deux inquiétant comme chez Maude Maris ou Eugène Leroy, d’une figuration iconographique à la Eric Corne ou Françoise Petrovitch au réalisme muet de Mireille Blanc ou Grégory Derenne, d’une manière très affirmée comme Eva Nielsen ou Mathieu Cherkit à l’effacement de la présence du peintre comme chez Damien Cadio ou Katia Bourdarel, de l’élégance du style efficace de Gilles Aillaud ou Jean-Philippe Delhomme à la touche fragile de Nathanëlle Herbelin ou de Jérémy Liron, l’inspiration commune reste le monde muet qui est le notre pour paraphraser Francis Ponge. Une génération entre 35 et 45 ans est particulièrement mise en avant dans l’exposition : elle a été découragée en école d’art mais ces nombreux artistes ont persévéré dans leur pratique patiente au milieu d’une époque de l’avalanche des images. 100 millions de photos et vidéos sont postées sur Instagram par jour. Alors qu’on a pu parler de retour de la peinture, elle a découvert des générations plus ancienne, il y a bien toujours
“Les apparences” 50 peintres contemporains de la scène française Du 20 juin au 12 septembre 2021 Une exposition associée au FILAF (Festival International du Livre d’Art et du Film) du 21 au 27 juin 2021
Centre d’Art
à Cent Mètres du Centre du Monde à Perpignan 3 Avenue de Grande Bretagne,
66000 Perpignan
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eu des peintres et maintenant une génération plus jeune : le médium prend une place exponentielle dans les écoles aujourd’hui. Avec un regard assumé vers l’Histoire de l’Art, un intérêt technique pour la touche et les qualités de surface, une certaine froideur dans la représentation, la variété des peintres de l’exposition se retrouve dans leur confiance dans le médium qu’est le tableau : ce besoin immémorial de représenter l’innommable des apparences par la présence d’une peinture. Thomas Lévy-Lasne Avec Gilles Aillaud, Henni Alftan, Marion Bataillard, Julien Beneyton, Jean-Baptiste Bernadet, Romain Bernini, Mireille Blanc, François Boisrond, Katia Bourdarel, Jean-Baptiste Boyer, Guillaume Bresson, Benjamin Bruneau, Damien Cadio, Antoine Carbonne, Mathieu Cherkit, Claire Chesnier, Jean Claracq, Philippe Cognée, Eric Corne, Gaël Davrinche, Jean-Philippe Delhomme, Grégory Derenne, Cyril Duret, Bruno Gadenne, Gérard Gasiorowski, Cécilia Granara, Cyrielle Gulacsy, Bilal Hamdad, Nathanaëlle Herbelin, Youcef Korichi, Jürg Kreienbühl, Iris Legendre, Eugène Leroy, Thomas Lévy-Lasne, Jérémy Liron, François Malingrëy, Maude Maris, Olivier Masmonteil, Audrey Nervi, Eva Nielsen, Simon Pasieka, Françoise Petrovitch, Nazanin Pouyandeh, Laurent Proux, Antoine Roegiers, Lou Ros, Vassilis Salpistis, Paul Vergier, Anthony Verot, Marine Wallon.
Photo arambartholl
ouse of Mirrors (STFU) réunit quatre artistes berlinois qui travaillent tous depuis longtemps avec les médias numériques. Aram Bartholl, Nadja Buttendorf, Constant Dullaart et Sebastian Schmieg nous entraînent devant des boîtes et des miroirs inquiétants ornés de mots de passe “Walter Benjamin Nightmare” (Bartholl), nous nous retrouvons sur le bureau de l’artiste qui expose un pull rose inhabituel et d’autres objets de joaillerie performatifs (Buttendorf), ils nous mettent face à face avec “Loudly Crying Face”, l’emoji le plus populaire sur Twitter, et insèrent l’exposition dans d’étranges boucles de rétroaction des médias sociaux (Dullaart), et ils nous envoient dans des voyages délirants de recherche d’images sur Google qui nous font réaliser que l’algorithme voit des modèles là où nous n’en voyons pas
(Schmieg). Le titre “House of Mirrors” est évidemment de mauvais goût, car il fait référence à une attraction traditionnelle des fêtes foraines et des parcs d’attractions. Selon Wikipédia, le concept de base d’une maison des miroirs est “d’être un puzzle en forme de labyrinthe” où “les participants reçoivent également des miroirs comme obstacles, et des vitres pour les parties du labyrinthe qu’ils ne peuvent pas encore atteindre. Parfois, les miroirs peuvent être déformés en raison des différentes courbes, convexes ou concaves du verre pour donner aux participants des reflets inhabituels et déroutants d’eux-mêmes, certains humoristiques et d’autres effrayants.” STFU (“Shut The F*** Up”), enfin, est l’une des nombreuses abréviations que l’on trouve en ligne et qui est utilisée pour mettre fin abruptement à une conversation. House of Mirrors (STFU), cependant, a pour but d’ouvrir un dialogue entre nous et les machines et algorithmes qui existent - avec beaucoup d’humour et quelques moments effrayants. LOL. L’exposition numérique d’Aram Bartholl, intitulée “walter_200 b3njamin’s Nightmare!!!111”, se compose de deux éléments différents, apparemment sim: des miroirs et des boîtes. Galerie Barbara Thumm ples Les trois miroirs une pièce collective avec Geraldine Markgrafenstr. 68 Juárez affichent une collection de mots de passe, intitulée “walter benjamin nightmare”, provenant de la (Passage) “Breech Collection #1-5” constituée d’ensembles de 10969 Berlin milliards d’adresses électroniques et de mots de passe librement téléchargeables sur le dark web depuis Germany 2019. +49-30-28390347 Aram Bartholl et Geraldine Juárez ont recherché l’énorme collection de mots de passe “walter”, info@newviewings.de dans “benjamin” et “nightmare”, et ont filtré ceux qui conwww.newviewings.de tenaient ces termes. PALAZZI 22 VENEZIA
#34 Inke Arns House of Mirrors (STFU) Constant Dullaart, Aram Bartholl, Nadja Buttendorf, Sebastian Schmieg
Photo arambartholl
Cette sélection de termes est basée sur un message Twitter que Geraldine Juárez a publié en 2017, faisant référence à Blockchain comme étant le cauchemar de Walter Benjamin. Il s’agit du premier jeu de mots, car Walter Benjamin, auteur du célèbre essai “ L’œuvre d’art à l’ère de la reproduction mécanique “ (1935), contrairement aux idées reçues, s’intéressait moins à la question de l’aura (lire : l’unicité ou l’authenticité) qu’à celle de la reproductibilité. Les miroirs reproduisent habituellement une “unicité” - ici, cependant, le spectateur est absent du reflet. Les mots de passe - ici imprimés sur les miroirs - sont censés être uniques afin d’être sûrs ; or, ici, nous constatons qu’ils sont tout le contraire. En portant le nom de Benjamin en eux, ils invoquent leur inévitable et inévitable reproduction cauchemardesque (numérique) (un jeu de mots sur l’actuelle hype NFT). En outre, Aram Bartholl et Geraldine Juárez installeront dans la (vraie) galerie un Deaddrop USB à partir duquel la liste des mots de passe “Walter Benjamin Nightmare” pourra être librement téléchargée. En face du triptyque miroir, trois caisses du jeu vidéo Counterstrike (ca. 2000) sont placées sur le sol de la galerie. Leur texture fortement pixelisée, qui rappelle les premiers jeux vidéo, ne se révèle qu’en y regardant de plus près. Dans le jeu, ces boîtes ont pour seul but de compliPALAZZI 23 VENEZIA
quer l’espace et d’offrir des cachettes aux joueurs du jeu de tir à la première personne. En même temps, ces boîtes pixellisées de faible résolution font référence à l’un des premiers projets de Bartholl, réalisé il y a environ dix ans. Le projet consistait à transférer les boîtes de Counterstrike dans l’espace réel et à installer 20 de ces boîtes “en acier” et “en bois” dans une ancienne cour de prison à Sheerbrooke, au Québec (“Dust - Winter Prison”, 2013). Ce n’est pas sans ironie (troisième jeu de mots !) que les sculptures analogiques initialement sorties de Counterstrike reviennent dans l’espace numérique - cette fois celui de la galerie virtuelle 3D. Ce sont des objets hybrides portant en eux le détour par l’espace analogique, reflétant dans le miroir l’état précaire de l’authenticité : Le cauchemar de Walter Benjamin. Le “Show Desktop Show” de Nadja Buttendorf prend comme point de départ le bureau de l’artiste qui - surprise ! - affiche une image de l’espace de la galerie de Barbara Thumm. Les œuvres de Buttendorf sont présentées sous forme d’icônes de bureau dispersées sur l’écran et en même temps accrochées dans la “galerie”. (suit page 24)
Photo nadjabuttendorf
(suit de la page 23) L’icône de la poubelle n’est pas une œuvre d’art, mais l’icône portant le nom “RPReplay_ Final1620655064.MP4” qui représente la pièce vidéo “Stay Home !”. Cette œuvre vidéo remet en question l’image de l’espace vide de la galerie en tant que site de production artistique. À chaque diapositive, des filtres de story Instagram avec des noms de villes typiques comme “Lagos”, “Oslo”, “Los Angeles”, “Melbourne” et “Jakarta” appliquent différentes atmosphères à l’espace de la galerie, sans arrêt. Tout en impliquant un style artistique international jet set que nous connaissons tous, la plupart des galeries ont été fermées en raison des restrictions Covid-19 l’année dernière et elles n’étaient visibles que sur des plateformes en ligne telles qu’Instagram. Cependant, le centre d’attraction de “Show Desktop Show” est sans aucun doute la vidéo de la nageuse portant un pull rose à trois bras. * Le troisième bras du pull peut être utilisé comme une écharpe ou comme un bijou (comme une broche). En proposant un pull à trois bras, Nadja Buttendorf remet en question notre idée de l’apparence d’un corps. Un T-shirt a la forme d’un T parce que nous avons deux bras, mais à
quoi ressemblerait un T-shirt B ? La manche tire généralement sa fonction du bras qui s’y trouve. Un pull à trois manches laisse une manche “inutilisée” dans la plupart des cas. La manche est ainsi libérée de sa finalité et s’ouvre à de nouveaux usages et fonctions, détachée de la logique d’amélioration constante. Pour l’instant, le pull à trois manches de Nadja Buttendorf existe en deux tailles : Nadja et Schicki. L’œuvre Green Screen To Edit After Effects Photoshop Key Square Uni-sex Clothing fait référence aux images de found footage “redirect-4377.jpg” et “redirect-4373.jpg” que Buttendorf a trouvées en cherchant en ligne des vêtements à écran vert pour ses live streams. L’écran vert qui devient transparent en post-production peut être remplacé par n’importe quel motif, image, arrière-plan, etc. et porte également l’espace de la galerie en lui-même. Le carré vert est imprimé à la demande dans l’atelier de l’artiste sur du textile apporté. *Ceci pourrait être lu comme une référence ironique à une création de 1985 du styliste japonais Issey Miyake. Mais il est plus probable qu’il s’agisse d’une référence au cousin Imar, un parent de la famille Addams. Imar avait apparemment trois bras, dont un devant. Lorsque Morticia Addams lui a tricoté un nouveau pull, Gomez Addams a fait remarquer que la couleur PALAZZI 24 VENEZIA
Photo costantdullaart
violette du pull correspondrait à l’œil d’Imar. Constant Dullaart expose un énorme émoticône “Loudly Crying Face” dans l’espace de la galerie. Selon Emojipedia, est, depuis mars 2021, l’émoji le plus populaire sur Twitter. Il montre un visage (généralement jaune) avec une bouche ouverte qui gémit et des flots de lourdes larmes coulant des yeux fermés. Il peut traduire un chagrin inconsolable mais aussi d’autres sentiments intenses, comme un rire incontrôlable, la fierté ou une joie débordante. Le “Loudly Crying Face” de Constant Dullaart est un projet performatif qui se déroule comme suit : Une fois qu’une des vues de l’installation est publiée sur les médias sociaux, l’image recevra généralement des commentaires dans la section des commentaires ci-dessous. Mais cette fois, elle sera aimée par des centaines de comptes Instagram différents et recevra des quantités massives du même emoji dans la section des commentaires. Ce retour sera documenté dans une capture d’écran qui sera à son tour réinsérée dans l’espace de la galerie. Une autre vue de l’installation est publiée sur les médias sociaux. L’image sera à nouveau aimée par des centaines de comptes Instagram différents et recevra des quantités massives du même emoji dans la section des commentaires. PALAZZI 25 VENEZIA
Ce retour sera documenté dans une capture d’écran qui sera à son tour réinsérée dans l’espace de la galerie. Et ainsi de suite. L’idée est que l’œuvre évolue dans une boucle de rétroaction constante entre l’espace de la galerie et les médias sociaux. L’accumulation ultime de capital symbolique. L’exposition “Search by Image, Recursively” de Sebastian Schmieg se compose de cinq vidéos montrant une multiplicité d’images qui se succèdent à grande vitesse. Chacune des vidéos est le résultat d’une recherche d’images sur Google qui a été effectuée comme un processus de recherche récursif en centaines d’étapes. Ce processus a permis de créer des vidéos dans lesquelles la deuxième image ressemble le plus à la première, la troisième ressemble le plus à la deuxième, et ainsi de suite. Sebastian Schmieg a déterminé cette similarité image par image à l’aide de la fonction “Recherche par image” de Google : Au lieu de chercher avec des mots, on télécharge une image et on reçoit des images similaires en résultat. En utilisant cette méthode, deux photos de la galerie vide ont été interprétées par Google comme une question, placées dans l’archive des images en circulation et remplies d’un “chemin” (suit page 26)
Photo sebastienschmieg
(suit de la page 25) à travers cette archive. De la même manière que les photos de la galerie sont transformées et manipulées à plusieurs reprises par différents artistes, l’archive apparaît également sous des formes toujours nouvelles, et les images de l’archive de Google deviennent ainsi visibles comme des copies de copies de copies. Les utilisateurs de la fonction de recherche par image de Google peuvent également spécifier la couleur des images trouvées. En utilisant cette limitation, Sebastian Schmieg a créé trois vidéos qui prennent respectivement une image noire, blanche et transparente comme point de départ. Chacune des images suivantes est ensuite extraite d’un sous-ensemble des archives de Google, composé uniquement d’images noires, blanches et transparentes. Les trois vidéos qui en résultent donnent une impression étrange et troublante. C’est comme si nous étions à l’intérieur de la machine, de l’algorithme, et que nous assistions de l’intérieur à l’exécution de sa logique. Parfois, cependant, les méandres affichés dans les vidéos sont également amusants : du carré noir à un ballon de football, à des panneaux indiquant des activités sportives, des loisirs et des prières,
https://newviewings.de/ shows/new-viewings-34/
au logo du comté de King menant au logo d’un bouledogue, puis à des natures mortes hollandaises du 17e siècle à la décoration intérieure (“Starting with a Black PNG”). La deuxième vidéo (“Transparent”) commence par des éléments architecturaux en noir et blanc, puis passe à des tasses à café kitsch (utilisées dans les bureaux d’architectes ?) avant de se transformer en un défilé coloré d’émoticônes, d’icônes de calendrier, de symboles solaires, de runes, d’avertissements de risques biologiques, de badges de police, de logos d’associations de karaté, du Conseil des affaires d’Afrique de l’Est et de “100% off ! - des montagnes russes émotionnelles. Le troisième (“Blanc”) affiche des bijoux, des bijoux, des bijoux, puis du papier blanc, du papier peint, des pierres, des haricots, des pois, des barrières de délimitation, des cheminées phalliques, des obélisques et des clochers d’église, et se poursuit avec des machines de boulangerie et de meunerie, des générateurs diesel et des diagrammes cryptiques. L’algorithme voit des modèles là où nous n’en voyons pas. Un titre alternatif pour cet ouvrage pourrait donc être : “Inside machine vision”. Inke Arns Galerie Barbara Thumm Markgrafenstr. 68 (Passage) 10969 Berlin +49-30-28390347 info@newviewings.de www.newviewings.de
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Photo philippechardon
our conclure la première année d’activités en ces lieux, en novembre-décembre 2018, nous avions proposé une exposition intitulée “La photographie et ses dérives”. Dans le catalogue de cette manifestation, nous soulignions le caractère non exhaustif de la vision proposée par les huit photographes alors exposés. Ce deuxième volet se propose de poursuivre ce voyage dans l’univers de la création photographique, en empruntant des chemins de traverse, sans pour autant épuiser le sujet. Cette fois-ci, nous présentons les travaux de six photographes qui ont une pratique non conventionnelle de leur médium, qui le détournent de son usage habituel. Ce sont quelques-unes de ces nouvelles dérives – toujours non exhaustives – que les visiteurs sont invités à découvrir à travers des travaux dont la diversité devrait les surprendre et les convaincre de la richesse d’un médium trop souvent méprisé ou sous-estimé. Comme nous l’écrivions en 2018, c’est la présence de sens dans les œuvres qui nous a fait choisir les six plasticiens dont les travaux sont exposés. Chacun d’entre eux, à sa manière, réussit à arracher le médium photographique à son ghetto traditionnel de représentation prétendument objective de faits visuels, à en finir avec cette fatalité d’aliénation historique et sociale, pour, à l’instar des autres médiums plastiques, en faire un outil d’investigation et de remise en cause de notre monde.
La photographie et ses dérives II Philippe Chardon Évelyne Coutas Georges Dumas Aline Isoard Catherine Larré Pilar du Breuil
jusqu’au 17 juillet 2021 Espace d’art Chaillioux Centre d’arts 7 rue Louise Bourgeois 94260 FRESNES +33 1 78 68 28 37 / +33 1 72 04 55 14 www.art-fresnes94.fr contact@art-fresnes94.fr
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Pour reprendre les mots de Barthes : « il s’agit de produire (par une recherche difficile) un signifiant qui soit à la fois étranger à l’art (comme forme codée de la culture) et au naturel illusoire du référent. » Signifier plutôt que représenter… Les six artistes que nous présentons illustrent un spectre très large des pratiques photographiques contemporaines : photocollage chez Philippe Chardon, imbrication de la photographie et de la peinture chez Georges Dumas, création d’univers oniriques par détourage et superpositions d’images chez Catherine Larré, dépigmentation par grattage de la surface du tirage chez Aline Isoard, volonté de contrer le caractère multiple de la photographie chez Pilar du Breuil, recours aux techniques de la préhistoire de la photographie chez Évelyne Coutas. Les photocollages de Philippe Chardon exhalent la bonne humeur et une vision positive, ludique et souvent hilarante du monde. Là où d’autres ne voient que tourments et souffrance, il apporte sa vision exprimée avec des couleurs et des images qui pourraient servir d’illustrations pour les aventures d’Alice de l’autre côté du miroir ou pour les explorations d’autres fureteurs de rêves colorés qui, (suit page 28)
Photo evelynecoutas
(suit de la page 27) s’ils ont les pieds sur terre, ont souvent la tête dans les nuages. Mais il ne faut pas se leurrer, s’il procède ainsi ce n’est pas par inconscience. Bien au contraire, son pseudonyme est là pour nous rappeler qu’il veut nous piquer, nous rappeler que les plus belles choses peuvent irriter et contenir une dimension tragique. Il développe ainsi une pédagogie à l’opposé du dolorisme, visant à nous faire prendre conscience des aspects douloureux de notre monde par des voies dénuées de toute emphase, de tout pathos. Évelyne Coutas ne cesse d’expérimenter les frontières de la pratique photographique et ses relations avec la peinture et le dessin. Pour ce faire, elle n’hésite pas à revenir à la préhistoire de la photographie, aux clichés pris sans caméra ni objectif. Ses photogrammes sont réalisés à la lumière pure, que ce soit celle de la pleine lune ou des étoiles, plus ou moins parcimonieusement mêlée à l’éclairage artificiel résultant de l’industrie humaine. Elle peut aussi recourir au miel comme support sensible, tout comme ses ancêtres utilisaient le bitume. Elle pratique aussi l’anthotype – plus rudimentaire que le cyanotype, ces deux techniques da-
tant de 1842 – en créant des images à partir de matériel photosensible de plantes. Devant ses travaux, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les Anthropométries d’Yves Klein, réalisées avec des pinceaux vivants. La technique est réduite à son essentiel. L’éphémère et la transformation incessante sont au cœur des préoccupations d’Évelyne Coutas. Elle cultive le flou et l’indétermination comme méthode pour susciter des interrogations chez le spectateur, provoquer le doute, donner le vertige… Les travaux de Georges Dumas échappent à toute classification. Dans ses paintographies, son matériau de départ est une prise de vue numérique qu’il traite informatiquement. Il pétrifie ses sujets dont les poses sont le plus souvent inspirées par la statuaire antique ou classique. Il leur appose aussi des petites marques carrées qui font penser aux repères que certains sculpteurs sur pierre ménagent sur leurs ébauches ou aux traces laissées par des échafaudages sur des ouvrages monumentaux. Les images retravaillées sont alors imprimées sur toile puis reprises à la peinture acrylique avec des glacis qui évoquent le travail de la laque. Les petits carrés sont alors complétés avec des ajouts de pigment qui leur donnent du relief. Les images de Georges Dumas matérialisent plusieurs ambiguïtés paradoxales. PALAZZI 28 VENEZIA
Photo alineisoard
ion dynamique en contrepoint au déplacement du véhicule, pour construire une narration dont la clé d’interprétation lui appartient.
Tout d’abord l’opposition entre l’instantané, habituellement associé à la prise de vue photographique, et le long processus mis en œuvre pour aboutir au résultat souhaité. Mais aussi entre la vitalité des sujets saisis dans un présent fugitif et leur traitement qui les pétrifie, les monumentalise et leur confère cette immuabilité atemporelle que Sartre développe dans L’Être et le néant. Aline Isoard se définit ironiquement en tant que photographe gratteuse. Sa technique est complexe et minutieuse. Elle prend des clichés photographiques, les travaille sur son ordinateur, puis les imprime en haute résolution avant de se livrer à un travail de dépigmentation de certaines plages en ôtant l’encre des parties qu’elle juge inintéressantes ou de nature à nuire à l’équilibre de sa composition. Les photographies sont prises depuis le siège du passager à l’avant d’une automobile à l’arrêt ou roulant. La position dans l’habitacle d’un véhicule offre plusieurs points de vue, en avant, en arrière ou latéralement, à travers les fenêtres que sont le pare-brise, la lunette arrière, les rétroviseurs et les portières. Le travail de grattage élimine l’essentiel des autres détails, ne laissant subsister que quelques traces du tableau de bord, du monogramme, des vignettes ou du volant, juste pour rappeler le contexte de la prise de vue. Dans ces prises de vue, les apparitions fugaces et inattendues cherchent à être des témoins et non des voyeurs. La présentation linéaire des images incite aussi le visiteur à une déambulat-
voir la vidéo https://youtu.be/ y-Rsf5fYQ4I
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Les productions de Catherine Larré se situent aux antipodes de la grandiloquence de certains courants de la photographie contemporaine qui veulent faire de cet art un digne successeur du genre de la grande peinture d’histoire. Catherine Larré collecte des images, souvent de sujets insignifiants, qu’elle archive pour former un catalogue dans lequel elle puise la matière première pour ses compositions. Elle y choisit des clichés, les détoure, les découpe, les altère, les colle, les superpose, les projette, les suspend pour constituer de fragiles et subtiles constructions qu’elle photographie. Dans les œuvres résultantes, baignées dans une atmosphère simultanément onirique et menaçante, il est souvent question d’enfance, de fluides, de dissolution des images, de perméabilité entre la réalité et la fiction. Elles illustrent pleinement le concept freudien d’Unheimliche, cette inquiétante étrangeté, ce malaise né d’une rupture dans la rationalité rassurante de la vie quotidienne. Au-delà de l’apparente joliesse de ses clichés, Catherine Larré laboure des terres plus profondes, nous parle de mort et de résurrection,
de disparition et de réapparition, de transformation, de destruction et de reconstruction, de renouvellement et de perpétuation… Tous thèmes relatifs au cycle de la vie et de la mort qui sont au cœur de la réflexion des grands mystiques…
Photo stefanrappo
Après s’être intéressée à des sujets à caractère social – prostitution, solitude, souffrance, racisme, féminisme, lieux désaffectés, peur de l’avenir… –, Pilar du Breuil s’est récemment penchée sur des peintres majeurs de l’histoire de l’art : Caravage, Rembrandt et Goya. Il ne s’agit pas de relectures des travaux de ces grands maîtres, mais d’une immersion dans leur art. Dans ces séries, elle abandonne la notion de tirages multiples pour faire de chacune de ses œuvres une pièce unique, intervenant avec des dentelles, du crochet, des tulles, des fils de laine et de la peinture acrylique… Elle remet ainsi en cause la notion, développée par Walter Benjamin, de reproductibilité technique qui a longtemps prévalu dans le domaine de la photographie afin de lui redonner toute son aura perdue.
Espace d’art Chaillioux Centre d’arts 7 rue Louise Bourgeois 94260 FRESNES +33 1 78 68 28 37 +33 1 72 04 55 14 www.art-fresnes94.fr contact@art-fresnes94.fr
PETRA WERLE’ du 15 juillet 2021 au 12 septembre 2021 l’Artiste sera présente le 24/25 juillet - le 21/22 août - le 11/12 septembre en duo avec
Claude Bernhart Galerie Philippe Decorde 5, rue de Molsheim 67000 Strasbourg Tél.: +33 038 8100 066 Cell.: +336 7811 7198 galeriedecorde@gmail.com www.galeriedecorde.com
ille de marinier, Pétra Werlé naît en 1956 à Strasbourg et passe ses premières années entre Bâle et Rotterdam sur le bateau familial, avant de regagner la terre ferme et de gagner son pain comme caissière au Cinéma Star. C’est là qu’elle commence à pétrir cette goûteuse mie, par ennui sans doute et parce qu’elle y voit déjà matière à rêveries. Elle part d’une petite idée, souvent d’une des illustrations qui tapissent les murs de son bureau-atelier et « l’instinct et le hasard font le reste », assure-t-elle. Face au succès remportés par ses elfes, fées, démons et autres lutins, elle se lance dans des séries, Constellations (1995), Scènes érotiques (1998), Entomologie (1999)… À partir de cette époque, elle habille tous ses personnages avec dame nature, les couvrant de carapaces d’étrilles, d’ailes de papillons, d’élytres de libellules, de coquillages, de cocons de chrysalides, de phasmes et de plumes. Un défilé haute couture qui atteint des sommets dans la série De la nature des choses (2007-2010). Si l’ensemble de son oeuvre a pour principal matériau le pain, elle s’offre malgré tout une parenthèse avec “Histoire(s) naturelle(s)” et “De la nature des choses” constituées d’éléments tels que papillons, scarabées, Parenthèse fermée, depuis 2010 elle continue inlassablement et passionnément à travailler uniquement le pain pour donner à voir de nouveaux mondes. 1992 Signe l’affiche du festival Musica 1985 Achat du FRAC Alsace 1994 Lauréate du Prix Robert Beltz
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Photo prado
ubliés, leur nom et leur talent l’ont été pendant plusieurs siècles. Pourtant, la Renaissance italienne a aussi vu naître et s’épanouir des génies fémin-
ins. Des femmes artistes, qui ont réussi à s’affirmer sur une scène artistique dominée par les hommes et à acquérir une renommée auprès des puissants de toute l’Europe. Dans cette époque d’intenses bouleversements, les arts font eux aussi leur révolution. Le statut de l’artiste, notamment, change complètement : naguère associé au technicien, il est désormais considéré comme un inventeur. On voit alors l’avènement de grandes figures artistiques masculines, dont les noms éclipseront bientôt ceux de leurs consœurs, et ce même si dès le début du XVIe siècle l’Italie célébrait déjà le talent de femmes à l’image de Properzia de’ Rossi (1490–1530), première sculptrice de la Renaissance et première femme à figurer dans les fameuses “Vies d’artistes” de Giorgio Vasari. À la Renaissance, les femmes ne peuvent ni accéder aux académies de peinture, ni aux botteghe, ces ateliers d’artistes où les jeunes peintres se forment auprès de leurs maîtres. Elle peuvent exercer dans un atelier si, et seulement si, leur père ou un frère y travaille ! Privées pour ainsi dire d’éducation artistique, les aspirantes artistes doivent pour certaines leur entrée
Les pionnières de la Renaissance, de l’ombre à la lumière Elles ont été filles, sœurs, épouses, mères, muses mais surtout… artistes. Et l’histoire de l’art les a longtemps au mieux négligées, au pire carrément oubliées. Plein phare sur la Renaissance italienne et ses créatrices, qui se sont hissées jusqu’aux plus hautes sphères à la seule force de leur talent. Inès Boittiaux
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dans le monde de l’art au soutien sans faille de leur père. C’est le cas par exemple de Sofonisba Anguissola (vers 1532–1625), dont le paternel, esprit libre de la Renaissance, s’emploie activement à la réussite de sa fille. Après lui avoir trouvé un maître auprès de qui se former, Amilcare Anguissola, convaincu du talent de sa fille, envoie à des personnes influentes de toute l’Italie les œuvres de Sofonisba. On compte parmi elles Michel-Ange, qui après avoir reçu deux dessins de la jeune femme, salue le talent de cette dernière! Une vingtaine d’années plus tard, Prospero Fontana, le père de Lavinia Fontana (1552–1614), repère bien lui aussi le talent précoce de sa fille. Lavinia ne peut pas fréquenter l’académie ? Qu’importe, elle apprendra auprès de son père, également peintre ! Et une fois venue l’heure de marier sa fille, il fait établir un contrat de mariage des plus singuliers : son mari, en l’occurrence le peintre Gian Paolo Zappi, doit abandonner sa carrière artistique pour se consacrer entièrement à celle de Lavinia ! Si le statut d’artiste apporte à ces femmes une certaine émancipation, elles n’en restent pas moins cantonnées à une typologie de sujets précis. La Milanaise Fede Galizia (1578–1630), par exemple, (suit page 32)
Photo natiuonalgallery
(suit de la page 31) se consacre à un genre alors nouveau : la natura in posa, soit la nature morte. Ses images silencieuses témoignent d’un regard rigoureux porté sur son sujet – sans doute hérité de son apprentissage auprès de son père miniaturiste. Galizia a recours au sfumato, qui confère à ses coupes de fruits une aura singulière, quasi christique. Sofonisba Anguissola, quant à elle, se consacre au portrait. La jeune peintre puise d’abord l’inspiration dans son entourage proche. Pour La Partie d’échecs [voir page 31], elle fait par exemple poser ses sœurs et leur gouvernante, dans le jardin familial bordé de chênes. Outre des portraits réalisés pour des notables de Crémone, Anguissola réalise également de nombreux autoportraits, où elle se représente en tenue austère et l’air grave : une façon de montrer qu’elle est non seulement noble (bien que sa famille soit plutôt de la petite noblesse), mais également cultivée. Appelée en Espagne en 1559 auprès de Marguerite de Valois, épouse de Philippe II, l’artiste mettra son talent au service du couple royal. Elle devient ainsi peintre officielle de la cour et enseigne à la Reine le dessin.
Quant à Artemisia Gentileschi (1593–1656) la Romaine, elle fait des scènes bibliques et de la peinture d’histoire sa marque de fabrique. Son œuvre ténébreuse et empreinte de caravagisme, traversée par la violence et le meurtre, met en scène la toute-puissance du féminin : dans sa fameuse toile Judith et Holopherne, Gentileschi prête ses traits à Judith qui, aidée de sa servante, décapite d’un geste ferme et assuré Holopherne, faisant jaillir le sang de part et d’autre de la toile. Pour beaucoup d’historiens de l’art, la peintre exorcise ainsi le viol dont elle a été victime à l’âge de 17 ans ainsi que l’humiliant procès qui suivit. Admise à l’Académie de dessin de Florence (un fait exceptionnel pour l’époque !), elle s’imposera comme l’une des plus grandes artistes baroques de son temps, « l’unique femme en Italie qui ait jamais su ce qu’est la peinture… » écrira, près de quatre siècles plus tard, le grand historien de l’art Roberto Longhi. Sofonisba Anguissola, Lavinia Fontana, Artemisia Gentileschi mais aussi Virginia Vezzi, Orsola Maddalena Caccia, Giovanna Garzoni… Nombreuses sont donc les femmes peintres à s’être frayé un chemin au cœur de l’effervescence artistique et culturelle de la Renaissance ! Si beaucoup d’entre elles ont œuvré anonymement dans les ateliers de leur maître, celles dont les noms (et les œuvres) nous sont parvenus ont su mettre leur talent au service de leur liberté. Mais de grandes zones d’ombre demeurent encore : PALAZZI 32 VENEZIA
Photo artnewspaper.com
difficile en effet d’authentifier des œuvres ou des documents datant d’une époque où les femmes ne pouvaient rien signer de leur nom… Grâce au travail de chercheurs passionnés, ces artistes trop longtemps oubliées sont désormais célébrées par les musées : le musée des Beaux-Arts de Gand consacrait ainsi en 2018 une grande exposition aux « Dames du baroque » et en 2020 dans le cadre de la célébration de son Bicentenaire, le Museo del Prado présente Sofonisba Anguissola et Lavinia Fontana. Avec un total de 65 œuvres, dont 56 peintures, prêtées par plus de 20 collections européennes et américaines, le Museo del Prado présente un aperçu de la carrière de ces deux peintres, qui ont atteint la célébrité et la renommée parmi leurs contemporains mais dont les personnalités artistiques se sont obscurcies au fil du temps. Presque en meme temps la National Gallery de Londres mettait en lumière Artemisia Gentileschi avec une première grande exposition de son œuvre au Royaume-Uni, avec ses peintures les plus connues, ainsi que ses autoportraits, ses héroïnes de l’histoire et de la Bible, et des lettres personnelles récemment découvertes, vues au Royaume-Uni pour la première fois. Leur Renaissance ne fait que commencer ! Inès Boittiaux https://www.beauxarts.com/grand-format/ep-1les-pionnieres-de-la-renaissance-de-lombre-a-lalumiere/ PALAZZI 33 VENEZIA
lberto Giacometti est un sculpteur et un peintre suisse, né à Borgonovo, dans le val Bregaglia, le 10 octobre 1901, et mort à Coire, le 11 janvier 1966. Son père, Giovanni Giacometti, et sa mère, Annetta Stampa, née en 1871, se sont mariés l’année précédente. Il est l’aîné de quatre enfants. Son frère Diego nait en 1902, sa sœur Ottilia en 1904, et son dernier frère, Bruno, en 1907. La famille s’installe à Stampa dans le val Bregaglia en 1906 où son père transforme la grange de la maison en atelier. Celui-ci, lui-même peintre, le pousse à s’intéresser à l’art. Il peint ses premières œuvres dans le domicile familial dès 1913, essentiellement des portraits des membres de sa famille ou de ses condisciples, reprenant le style postimpressionniste paternel. Sa première sculpture, exécutée dans les années 1913-14, est un buste de son frère Diego. De 1915 à 1919, il poursuit ses études au collège de Schiens, à côté de Coire, où il profite d’un petit atelier. Au terme de son cursus scolaire obligatoire, en 1919, Alberto part étudier à Genève à l’École des beaux-arts et à l’École des arts et métiers où il s’inscrit dans la classe de sculpture. (suit page 34)
Foto fondationgiacometti
(suit de la page 33) En 1920 et 1921, Alberto Giacometti voyage en Italie. Il découvre des villes, Venise, Padoue, Rome, Florence et Assise, mais aussi des peintres, Le Tintoret, Giotto et Cimabue, qui le marquent pour le restant de sa vie. C’est lors d’un de ces voyages qu’il fait la connaissance d’un vieil Hollandais qui mourra sous ses yeux. Il dira que cette expérience a transformé son rapport au monde. Décidé à quitter la Suisse, il arrive à Paris le 7 janvier 1922. Il loge dans l’atelier d’Archipenko et fréquente l’atelier d’Antoine Bourdelle avec qui il travaille jusqu’en 1927, à l’Académie de la Grande Chaumière, à Montparnasse. Il vit très seul et visite le Louvre. Il découvre le cubisme, l’art africain et la statuaire grecque et s’en inspire dans ses premières œuvres. Ses sculptures sont en plâtre, parfois peintes ou coulées en bronze, technique qu’il pratiquera jusqu’à la fin de sa vie. Il emménage en décembre 1926, au no 46, rue Hippolyte-Maindron (14e arrondissement), dans « la caverne-atelier» qu’il ne quittera plus, malgré la petite taille et l’inconfort des lieux. Son frère Diego le rejoint de façon permanente en 1930. (suit page 35)
ALBERTO GIACOMETTI
UNE RETROSPECTIVE
Le réel merveilleux
du 3 Juillet au 29 Aout 2021 de 10:00 à 20:00
voir la vidéo https://youtu.be/ OZFWN8lrwG0 GRIMALDI FORUM 10 avenue Princesse Grace 98000 Monaco Tél.: +37799992000 www.grimaldiforum.com
l’été 2021, le Grimaldi Forum présentera pour la première fois à Monaco une grande rétrospective de l’œuvre du sculpteur et peintre Alberto Giacometti, la plus importante de ces dernières années. Organisée en association avec la Fondation Giacometti qui accorde ici un prêt exceptionnel, cette exposition fera la part belle à toutes les périodes de l’artiste et à tous les media auxquels il a eu recours. Elle offrira une vue complète de la création d’Alberto Giacometti, des œuvres de jeunesse à la période surréaliste, du retour à la figuration à l’invention des icônes de l’après-guerre. Rassemblant plus de 230 œuvres, jalonnée de chefs d’œuvres et accompagnée de photographies et de films, cette rétrospective proposera aux visiteurs de merveilleuses découvertes dans le cadre d’un parcours orchestré par la commissaire Émilie Bouvard, directrice scientifique et des collections de la Fondation Giacometti. Commissaire de l’exposition: Emilie Bouvard, directrice scientifique et des collections de la Fondation Giacometti.
https://www.fondation-giacometti.fr/fr/evenement/168/alberto-giacometti-une-retrospective-le-reel-merveilleux
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Photo fondationgiacometti
Bien que l’essentiel de sa production soit fait à Paris, Giacometti retourne régulièrement en Suisse où il travaille dans l’atelier de son père à Maloja, hameau de Stampa. Et, en 1925-1926, il fréquente Henri Laurens et Jacques Lipchitz. En 1926, 1927 et 1928, Giacometti expose ses premières œuvres au Salon des Tuileries (en 1927, Giacometti crée “Femme cuillère” en s’inspirant des cuillères à riz Dan dont la partie creuse symbolise l’organe féminin qui est vu comme un réceptacle, selon Rosalind Krauss). En 1929, il travaille avec Diego pour le décorateur Jean-Michel Franck. Alberto décore la boutique d’Elsa Schiaparelli pour qui il crée des bijoux et signe un contrat avec Pierre Loeb, un des plus importants marchands de l’avant-garde. Après avoir réalisé des sculptures considérées comme apparentées au cubisme, Giacometti crée des sculptures « plates » (Femme, 1929) et « ouvertes » (Homme et Femme, 1929), dont deux sont exposées par la galerie Jeanne Bucher, marquant ainsi le début de sa notoriété comme sculpteur. Giacometti se rapproche des surréalistes et expose, à partir de 1930, aux côtés de Joan Miró et Jean Arp, à la galerie Pierre avec laquelle il a passé un contrat en 1929. Il rencontre Tristan Tzara, René Crevel, Louis Aragon, André Breton, Salvador Dalí, André Masson. PALAZZI 35 VENEZIA
Il adhère officiellement au groupe surréaliste parisien en 1931. Il crée des gravures et des dessins pour illustrer des livres de René Crevel, Tristan Tzara et André Breton. Il participe à la rédaction des revues du groupe, notamment à la revue le Surréalisme au service de la révolution entre 1931 et 1933 (pour les numéros 3, 5 et 6). Avec le groupe, il participe d’octobre à novembre 1933 au 6e Salon des surindépendants en compagnie de Man Ray, Yves Tanguy, Salvador Dali, Max Ernst, Victor Brauner, Joan Miró, Vassily Kandinsky, Jean Arp et Meret Oppenheim. C’est au cours de ce salon qu’il présente son œuvre “L’oiseau silence”. Avec “La Boule suspendue” présentée à la galerie Pierre, Giacometti réalise le premier « objet à fonctionnement symbolique» (1930) et une série de sculptures surréalistes qui enchantent Breton : “L’Objet invisible” (1934), “Le Palais à 4 heures du matin” à propos duquel il publie un texte capital. « Depuis des années, je n’ai réalisé que des sculptures qui se sont offertes tout achevées à mon esprit ; je me suis borné à les reproduire dans l’espace sans y rien changer, sans me demander ce qu’elles pouvaient signifier. […] Rien ne m’est jamais apparu (suit page 36)
Photo fondationgiacometti
(suit de la page 35) sous la forme de tableau, je vois rarement sous la forme de dessin. Les tentatives auxquelles je me suis livré quelquefois, de réalisation consciente d’une table ou même d’une sculpture ont toujours échoué. […] L’objet une fois construit, j’ai tendance à y retrouver transformés et déplacés des images, des impressions, des faits qui m’ont profondément ému (souvent à mon insu), des formes que je sens m’être très proches, bien que je sois souvent incapable de les identifier, ce qui me les rend toujours plus troublantes… » (Minotaure, 1933). L’inquiétude, l’onirisme, l’incertitude, la violence sont les caractéristiques des sculptures de cette époque : Cube, Femme qui marche, Femme couchée qui rêve, Femme égorgée, Cage, Fleur en danger, Objet désagréable à jeter, Table, Tête crâne, Pointe à l’œil, Le palais à quatre heures du matin. La plupart de ses œuvres de jeunesse ou surréalistes sont connues par leur édition en bronze faite dans les dix dernières années de la vie de l’artiste. Il expose aux galeries Pierre Loeb et Georges Petit. sa première exposition personnelle à lieu en mai 1932 à la galerie Pierre Colle. Son père, Giovanni Giacometti, décède le 25 juin 1933 à Glion, près de Montreux.
Accablé de chagrin, Alberto ne peut conduire les funérailles. L’année suivante il organisera une grande exposition en souvenir de son père. 1934 est aussi marquée par sa première exposition aux États-Unis qui se tient chez Julien Lévy à New-York1. Exclu du groupe surréaliste en 1935, Giacometti garde toutefois des relations amicales avec Michel Leiris et Georges Limbour, et ses sculptures ne cesseront d’être présentées dans les diverses expositions surréalistes. À partir de 1935, Giacometti délaisse l’anecdote et les titres littéraires pour poursuivre une quête de la représentation de la réalité, produisant des séries de têtes pour lesquelles posent son frère et un modèle. Pendant l’été 1937, il peint “la Pomme sur le buffet“et “la Mère de l’artiste”, œuvres importantes qui annoncent sa création d’après-guerre. Il réalise la tombe de Gerda Taro (1910-1937) au Père-Lachaise. Dès 1939, les figures sculptées deviennent très petites. En décembre 1941, il quitte Paris pour Genève. Parti rendre visite à sa mère, Annetta, il ne peut pas rentrer en France, les Allemands ayant supprimé les visas. Diego surveillera l’atelier pendant son absence. Il travaille dans une chambre d’hôtel, poursuivant la production des sculptures minuscules commencée à Paris. L’impossibilité de réaliser une sculpture de grande taille le hante, et ce n’est qu’après avoir vaincu cet PALAZZI 36 VENEZIA
obstacle avec la Femme au chariot, en 1944-1945, qu’il quitte la Suisse. En septembre 1945, Giacometti revient à Paris où il est rejoint, en 1946, par Annette Arm, rencontrée à Genève en 1943 et qu’il épouse le 19 juillet 1949 à la mairie du 14e arrondissement.. Selon Albert Skira, il rapporte toutes ses sculptures dans une grosse boîte d’allumettes. Il a alors des relations suivies avec Picasso. En octobre 1946, André Breton, de retour des États-Unis, déclare à la presse : « Au terme de ses nouvelles recherches, j’ai vérifié avec enthousiasme qu’en sculpture, Giacometti était parvenu à faire la synthèse de ses préoccupations antérieures de laquelle m’a toujours paru dépendre la création du style de notre époque. » Néanmoins, Giacometti décline la proposition de Breton de le rejoindre et de participer activement à l’exposition que Breton prépare à la galerie Maeght : Le Surréalisme en 1947. Certaines de ses œuvres font néanmoins écho au surréalisme (Le Nez, 1947-1949, et La Main, 1947). Son important témoignage autobiographique, “Le Rêve, le Sphinx et la mort de T.”, est publié dans le n°22-23 de Labyrinthe le 15 décembre 19461. C’est pendant cette période (1946-1947) que s’affirme le nouveau style de Giacometti, caractérisé par de hautes figures filiformes. Sa production est stimulée par les relations qu’il renoue avec le marchand new-yorkais Pierre Matisse PALAZZI 37 VENEZIA
qui accueille sa première exposition personnelle d’après-guerre en janvier 1948. Grâce à la reconduction des accords passés en 1936 avec le galeriste, Giacometti peut faire fondre en bronze, en 1947, huit de ses nouvelles sculptures dont “L’Homme qui pointe” et un premier “Homme qui marche”. Suivent, en 1948, Les Trois Hommes qui marchent et les Places. Mais c’est pour l’exposition à la galerie Pierre Matisse de décembre 1950 que Giacometti produit quelques-unes de ses plus fameuses sculptures dont commence l’édition en bronze : Quatre femmes sur socle, Quatre figurines sur piédestal, La Forêt, La Clairière, La Cage, Le Chariot, La Femme qui marche entre deux boîtes qui sont des maisons. L’Homme qui marche, Le Nez, l’Homme au doigt et la Tête sur tige, toutes des œuvres de grande taille, sont devenues des bronzes par les soins de Diego. Une première rétrospective a lieu en 1950 à la Kunsthalle de Bâle. La même année, La Place, achetée par le Kunstmuseum de Bâle, est la première des œuvres d’Alberto Giacometti à entrer dans une collection publique. En novembre, il expose pour la seconde fois chez Pierre Matisse à NewYork.(suit page 38)
Photo paolomonti
(suit de la page 37) C’est seulement en juin 1951, qu’a lieu sa première exposition d’après-guerre à Paris, à la galerie Maeght, où son ami Louis Clayeux l’a convaincu d’entrer. Il y présente des œuvres déjà montrées à la galerie Matisse et plusieurs œuvres nouvelles, toutes en plâtre, dont Le Chat et Le Chien. Contrairement à la légende qui veut qu’Aimé Maeght ait permis à Giacometti de faire fondre ses œuvres en bronze, Giacometti peut faire fondre ce qu’il veut, depuis 1947, grâce à Pierre Matisse. En 1948, Jean-Paul Sartre avait signé la préface de sa première exposition à New York, « La Recherche de l’absolu ». En 1951, ce sont Leiris et Ponge qui accompagnent l’exposition chez Maeght. En 1954, Sartre écrit un autre texte de référence sur l’artiste. La même année, Giacometti rencontre Jean Genet dont il fait le portrait et c’est pour la publication de la galerie Maeght, Derrière le miroir, que Genet écrit en 1957 un des plus brillants essais sur l’artiste, “L’Atelier d’Alberto Giacometti”. À partir du milieu des années 1950, Giacometti réduit ses motifs à des têtes, des bustes et des figures. En 1955, des rétrospectives ont lieu à l’Arts Council England à Lon-
dres et au musée Guggenheim de New-York, ainsi qu’une exposition itinérante en Allemagne dans les villes de Krefeld, Düsseldorf et Stuttgart1. Représentant la France à la Biennale de Venise, en 1956, Giacometti expose une série de figures féminines réalisées entre janvier et mai1, un peu moins grandes que nature, connues par la suite sous l’appellation de Femmes de Venise, même si certaines furent montrées pour la première fois à Berne la même année. En juin, il expose pour la troisième fois à la galerie Maeght, avec un essai de Jean Genet. Il rencontre le professeur japonais Isaku Yanaihara dont il réalisera de nombreux portraits1. À la fin de 1958, il obtient, grâce à Pierre Matisse, une commande pour une place à New York devant la Chase Manhattan Bank, projet qu’il abandonnera. Pour ce monument, il crée trois éléments : une grande femme, un homme qui marche, une grande tête, poursuivant ses recherches antérieures en grande taille. Ce monument ne sera installé finalement que dans la cour de la Fondation Maeght. Il comprend alors deux Hommes qui marchent, deux Grandes Femmes et une tête monumentale. En 19606, il crée la sculpture la plus importante de toute son œuvre, Homme qui marche I. Cette sculpture est considérée en ce début de XXIe comme un chef-d’œuvre dans l’histoire de l’art7 Il rencontre Caroline en octobre 1959 dont il réalise des portraits peints et sculptés à partir de 1960 et jusqu’à la fin de sa vie. PALAZZI 38 VENEZIA
À la fin de sa vie, Giacometti est comblé d’honneurs. Il remporte le prix Carnegie en 1961, le grand prix de sculpture de la Biennale de Venise en 1962 où une salle entière lui est consacrée, le prix Guggenheim en 1964 et le grand prix international des arts décerné par la France en 1965. En 1962, Jacques Dupin publie la première monographie consacrée à son œuvre. La même année, une grande rétrospective réunissant plus de 100 sculptures et 85 tableaux a lieu au Kunsthaus de Zurich. Opéré d’un cancer de l’estomac, en février 1963, Giacometti en guérit. À cette époque, il participe activement au projet de la Fondation Maeght en faisant cadeau pour le prix de la fonte d’un nombre important de bronzes. « Il y a un certain intérêt à ce que ces sculptures existent groupées ensemble », écrit-il à Pierre Matisse. Dans ses dernières années, il suit attentivement le projet de la Fondation à son nom qui est créée en Suisse le 16 décembre 1965 pour recueillir la collection de G. David Thompson, un industriel de Pittsburgh qui avait le projet d’ouvrir un musée aux États-Unis. Annetta Giacometti décède le 25 janvier 1964. Alberto commence à travailler sur des bustes du photographe Eli Lotar. En juillet-aout, la Tate Gallery expose plus de 200 de ses œuvres1. Hospitalisé le 5 décembre 1965 à l’hôpital cantonal de Coire, en Suisse, Alberto Giacometti y meurt le 11 janPALAZZI 39 VENEZIA
vier 1966. Son corps est transféré à Borgonovo et inhumé le 15 janvier auprès de la tombe de ses parents. Sa veuve, qui lui survit jusqu’au 19 septembre 1993, se consacre à la défense de son œuvre et a créé par testament la Fondation Alberto et Annette Giacometti, reconnue d’utilité publique en 2003, dont le siège est à Paris. Elle comprend un grand nombre de tableaux et de sculptures de l’artiste, ainsi qu’un centre de recherche et de documentation9. Il est connu essentiellement pour ses portraits, même s’il a fait quelques paysages ou natures mortes dans sa jeunesse. Il a également peint des tableaux abstraits dans les années 1920 et 1930. Ses portraits sont faits soit d’après modèle, soit de mémoire. Le nombre de ses modèles est relativement limité. Les plus connus sont son frère Diego et sa femme Annette. Il a également utilisé des modèles professionnels, ainsi que certains de ses amis (dont le professeur de philosophie Yanaihara, à partir de 1955). Les portraits de Giacometti se caractérisent par l’absence de décor, le caractère quasi monochrome et sombre de la palette, l’attitude figée du modèle, toujours de face, qui contraste avec l’abondance des retouches au niveau du visage, jusqu’à en effacer l’esquisse initiale. wikipedia.org
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ANNE IMAHO AU PALAIS DE TOKYO
arement une artiste aura aussi bien incarné son époque. Depuis ses premières performances jusqu’à sa consécration à la Biennale de Venise en 2017, Anne Imhof n’a cessé de faire du XXIe siècle exsangue sa matière première, créant de captivants poèmes radicaux. L’artiste allemande en couverture de Numéro art a ainsi offert au monde ses plus beaux “opéras” contemporains, des œuvres totales mêlant corps, sculptures, peintures, installations... et mode, comme en témoigne sa récente collaboration avec Riccardo Tisci chez Burberry. Invitée jusqu’au 24 octobre par le Palais de Tokyo à investir tous ses espaces, elle réalise à Paris un coup de maître, une exposition-matrice de son travail, qui restera comme l’un des premiers chefs-d’œuvre des années 2020. En janvier 2020, Anne Imhof était de passage à Paris. Déjà, l’artiste avait été annoncée pour la prochaine carte blanche du Palais de Tokyo, l’actuelle “Natures Mortes”, avec laquelle elle se préparait à investir l’intégralité des espaces. En repérage au centre de création parisien, elle s’avançait auréolée de la consécration institutionnelle.
Mais, chose rare pour une artiste, c’était avant tout comme une partie prenante de la trame visuelle et sonore de l’époque (celle de ces années 2010 finissantes) qu’elle aura contribué à la doter de sa texture affective : par la documentation 2.0 de ces performances circulant sur Instagram, par leurs bandes-son chargées d’une énergie abrasive et primale, désormais accessibles sous forme d’album via le label PAN. Anne Imhof était partout, mais l’était à la manière d’une rumeur insaisissable, d’une onde souterraine arrimée à quelques infimes pixels. On en captait les indices de surface, ce sportswear âpre que d’autres auraient qualifié de health goth, en vérité simplement l’attirail quotidien de la génération de créatifs partageant son temps entre clubs et laptops. On en ressentait l’énergie ambiguë, ces basses sévères entrecoupées d’envolées élégiaques traduisant quelque chose d’une recherche de liberté malgré tout arrachée au post-capitalisme globalisé contraignant les corps désirants tout autant que l’attention parcellaire. Mais en vérité, Anne Imhof s’avançait encore par le manque et la déception : on pressentait la tension vibratoire, on devinait l’acmé extatique, mais tout cela se dérobait. En janvier 2020 donc, Anne Imhof était à Paris. Elle n’y montrait pas de performance, ni même d’exposition. Invitée aux Beaux-Arts, malgré sa réticence à appa-
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Photo nadinefraczkowski
raître en public, elle intervenait dans un workshop destiné aux étudiants pour témoigner de sa propre expérience d’étudiante. Elle-même, insistait-elle, avait toujours voulu faire de l’art, tout en ne s’étant jamais vraiment sentie légitime. Née en 1978 à Giessen au sein une famille catholique, elle avait passé sa jeunesse à Francfort, à 70 km de là. Ses études, elle les avait d’abord initiées en communication visuelle, à l’école d’arts appliqués d’Offenbach, près de Francfort, au début des années 2000. Quelques présentations locales suivirent, quelques rencontres marquantes également, à l’instar d’une première collaboration avec Nadine Fraczkowski qui, à ce jour, réalise encore les photos de ses portraits, performances et expositions. Puis c’est un club qui lui servira de première base élective : le Robert Johnson, à Francfort toujours, épicentre de la scène techno de l’époque – dont Berlin n’eut pas la prérogative. Ce creuset, elle en sera partie intégrante. Elle officiera d’abord comme physio à la porte. Puis elle passera derrière les platines. Intimidée, elle s’entoure alors de ses amis et leur demande de venir devant le DJ booth. Les performances, d’une certaine manière, commencent ainsi. À 28 ans, elle envoie sa candidature à la Städelschule de Francfort, l’une des plus prestigieuses écoles d’art du monde, mais, pour elle, plus simplement l’école
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d’art locale. Elle intègre la classe de Willem De Rooij, assiste aux séminaires sur la peinture d’Isabelle Graw, écrit son mémoire sous la direction de Judith Hopf, tout en disant n’y avoir été que peu présente: l’art, ou du moins son cœur institutionnel, ses codes et ses murs consacrés, l’intimidait, elle qui s’était faite spontanément, en marge et par le collectif. Ses débuts pourtant s’enclenchent rapidement. En 2012, elle obtient son diplôme, et l’année suivante, elle réalise sa première exposition au centre d’art Portikus : déjà, avec Parade, ce sont des performances. Au nombre de trois, School of Seven Bells, Ähjeii et Aqua Leo prennent place dans une scénographie de projections vidéo et de dessins. La première repose sur une chorégraphie élaborée, la deuxième est un reenactment en vidéo et bande-son en live d’une pièce de son diplôme, la troisième transpose les rituels secrets des videurs du Robert Johnson. Ses thématiques sont en place, ses modes opératoires aussi. La presse commence à s’intéresser à elle, et les premières photos de son travail se mettent à circuler, notamment celle d’un groupe de jeunes femmes – et d’un âne – dressées frontalement face au regardeur. (suit page 42)
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(suit de la page 41) Le visuel, tiré de la pièce Aqua Leo (2013) ornera par la suite l’ouvrage de référence Performance in Contemporary Art, publié en 2018 par Catherine Wood. Dès ces prémices, l’histoire du contemporain est en train de s’écrire. Mais ce serait anticiper, et brûler les étapes. Entre- temps, Anne Imhof opère encore dans un relatif anonymat hors des frontières de son pays natal. En 2014, elle réalise une première perfor- mance en France au Carré d’art de Nîmes, Rage III, Sotsb, Foster-Variation, qui passera relativement inaperçue. En 2015, elle présente DEAL, au MoMA PS1 à New York, dans le cadre des Sunday Sessions, puis au Palais de Tokyo lors du festival Do Disturb. La même année, elle remporte le prix de la Nationalgalerie, qui la mènera alors à réaliser un solo au musée d’art contemporain de Berlin, le Hamburger Bahnhof. Ce sera Angst, soit “angoisse” en allemand, prolongeant l’affection de l’artiste pour des titres courts et coups-de-poing. Le titre désigne une trilogie de performances entreprise à la Kunsthalle de Bâle et prolongée lors de la Biennale de Montréal. À Berlin, Angst II, montré en septembre 2016 durant dix soirées, de
voir la vidéo https://youtu.be/ 6POd2nxXag8
20 heures à minuit, anticipe l’engouement de Venise. Une foule dense s’y presse, massée dans la halle. Dans la nuit et le brouillard, sur une bande-son stridente, un opéra postindustriel laisse les nerfs à vif. On n’y voit rien, ou presque. Les drones planent bas, les faucons leur disputent l’espace aérien, et les performeurs, ceux que l’on commence à identifier comme la garde rapprochée de l’artiste – dont sa compagne et muse, la musicienne et peintre Eliza Douglas, le musicien Billy Bultheel et la théoricienne Franziska Aigner – évoluent, comme imperméables aux regards. Ils sont possédés, habités, magnétisés. Téléguidés, même, selon une logique qui, à nous, corps extérieurs médusés, nous échappe tout en nous retenant captivés. Ou plutôt captifs. Soumis. Pieds et poings liés. À Berlin comme à Venise, l’expérience n’a rien d’agréable. Ce n’est pas qu’elle soit désagréable, mais plutôt que tous les réflexes ordinaires, et diurnes, sont grippés. Il n’y a pas de distance possible. Si la foule tente frénétiquement de tout photographier, de tout filmer, de tout capter, c’est aussi pour mettre une certaine distance entre soi et l’événement, pour se protéger derrière un écran, pour cadrer le mouvant proliférant et figer l’événement qui submerge chacun et réveille des affects enfouis, hors de toute maîtrise policée. À Venise, au pavillon allemand, de l’intérieur de l’év-
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énement mondialisé et mondain, le plus codifié des rituels du monde de l’art, chacun se retrouve désaxé. Rush d’adrénaline et montées extatiques. Par la suite, Anne Imhof continuera les performances, bien que distillées au compte-gouttes. Il y aura le cycle Sex, à la Tate Modern à Londres et à l’Art Institute de Chicago en 2019, puis au Castello di Rivoli à Turin cet été. On en vient alors à “Natures Mortes”. Pour sa carte blanche cocuratée par la directrice du Palais de Tokyo Emma Lavigne et Vittoria Matarrese, l’artiste a d’emblée conçu son intervention sans performance. À rebours de ce qui la précède, ces signes qui nous sont connus, les corps, les codes vestimentaires et les marqueurs d’époques en général, ont été retirés. Tout comme l’artiste est venue escamoter, à l’échelle des quelque 15 000 m2 du musée, les architectures temporaires pour laisser brute la structure de béton. On y lit, plus fondamentalement, le développement d’un principe qui a toujours été présent dans ses œuvres. Une réflexion en acte sur les structures sociales qui contraignent les subjectivités, individuelles ou de groupe, et au sein desquelles s’opèrent, en retour, les stratégies émancipatoires circonstancielles. Opérant par soustraction, son geste dicte un parcours. C’est une sculpture déployée à l’échelle du bâtiment en une longue courbe de verre et de fer, vestiges d’un bâtiment turinois en déshérence. On pense à la bureaucratie mondialisée tout autant
voir la vidéo https://youtu.be/ J6NDtP5yRZo
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qu’à Francfort, place forte du capitalisme financier. Taguées, griffées, les parois portent les stigmates de cette existence résiliente qui, malgré tout, semi-vive, palpite. Accueillant les peintures de l’artiste, ces panneaux de verre teinté opaques laissant apparaître des pulvérulences orageuses, écho au cycle naturel du lever et du coucher du soleil, initient une temporalité cyclique, tout en introduisant à quelque chose comme la survivance du sublime romantique à l’ère de la froideur algorithmique. En transparence, on aperçoit les œuvres d’autres artistes. Au nombre d’une vingtaine, ils sont la source d’une histoire de l’art élective, du XIXe siècle à nos jours, des grands maîtres aux collaborateurs et amis. Se lève aussi la mélopée ferrailleuse qui reliera l’ensemble, la bande-son composée par Eliza Douglas et l’installation sonore réalisée par les deux femmes. L’exposition “Natures Mortes” opère une entreprise de recontextualisation, d’une précision acérée, de la méthode de travail de l’artiste. C’est une matrice, qui devient œuvre totale. Un système référentiel qui produira une nouvelle tonalité affective élargie, fondée sur l’expérience d’un ici et maintenant tout en demeurant éternelle. (suit page 44)
Photo nadinefraczkowski
(suit de la page 43) L’éternité des nerfs à vif, celle, aussi, des sujets rejetés à travers l’histoire par les grands centres du pouvoir quels qu’ils soient. La proposition est aussi dense que sa forme reste tapie aux confins du visible. Feuilletée et polyphonique. Parmi les pistes entrecroisées, il en va d’une certaine histoire de la peinture, peu vue en France, alchimique, matiériste, bouillonnante, qui relie Jutta Koether à Sigmar Polke, Cy Twombly à Joan Mitchell. D’une manière de décomposer le mouvement, des écorchés de lation de visible et de sensations, l’exposition produit Théodore Géricault aux le même investissement sensoriel par la soustraction chronophotographies et la déception. d’Eadweard Muybridge, C’est un pari, sur les parcelles d’attention et de résisen passant par des dessins tance, sur les sens endormis par la facilité de la surméconnus d’Anne Imhof, stimulation visuelle, et un cri lancé pour faire jaillir groupes de corps d’une en chacun les germes résistants face aux dispositifs transparence hiératique. carcéraux. Il en va, enfin, d’une Des dispositifs carcéraux visibles, comme sur les conception décloisonnestampes des Prisons imaginaires de Giovanni Batée de l’art, de tous ceux tista Piranèse du XVIIIe siècle, ou bien, comme auqui, comme elle, ont jourd’hui en grande partie invisibles, comme en est toujours voulu créer sans bien consciente Anne Imhof, elle qui faisait déjà se vraiment se sentir à l’aimouvoir ses performeurs par ordres WhatsApp interse face aux positions posés. établies, préférant alors À la fin des années 2010 et à l’apogée de son cycle de opérer dans la rue, les performances, il était possible de recevoir les œuvclubs, de manière nocturres d’Anne Imhof comme une time-capsule, archives ne et furtive, où l’on red’un présent dont elle aura, comme personne, révélé trouverait alors, plus larles lignes de force sensorielles. gement, Alvin Baltrop, Désormais, à l’orée d’une nouvelle décennie, tout Cyprien Gaillard, David autant qu’un approfondissement intimé à la réflexion Hammons, Wolfgang Tilde l’artiste, quelque chose de plus profond s’élève, se lmans ou Paul Thek. matérialise et se cristallise. “Natures Mortes” est l’uArrimée au sublime et au lyrique, à l’extase et à la ne des cartes blanches les spiritualité, il en va d’une relecture de concepts philoplus réussies du Palais de sophiques transhistoriques dont elle traque, depuis le Tokyo. Là où les perforprésent toujours, les incarnations renouvelées. mances impliquaient le https://naturesmortes-palaisde- Celles-ci sont contraintes, circonstancielles, en despectateur par l’accumu- tokyo.com/fr mi-teintes, mais leur possible survivance est à ce prix. PALAZZI 44 VENEZIA
près avoir assiégé le pavillon allemand avec son exposition et performance Faust, récompensée par le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2017, Anne Imhof prend possession de l’ensemble du Palais de Tokyo pour composer une oeuvre totale et polyphonique. Elle y fait fusionner l’espace et les corps, la musique et la peinture, ses oeuvres et celles de ses complices dont l’artiste plasticienne et compositrice Eliza Douglas, et de la trentaine d’artistes invités. Formée à la Hochschule für Bildende Künste–Städelschule à Francfort, l’une des plus prestigieuses écoles d’art en Allemagne, et immergée dans la scène musicale et nocturne de la ville, l’artiste s’est imposée en une dizaine d’années comme une fi gure majeure de l’art contemporain au travers d’une oeuvre radicale. Au sein de l’architecture du Palais de Tokyo mise à nu, dont elle exhume la fragile ossature et dont elle révèle la topographie, elle inscrit un labyrinthe de verre qui fragmente l’espace tout en générant de nouvelles perspectives. Hantée par la peinture, le cycle fugace de la vie et les défl agrations du temps présent, elle y compose ses Natures mortes, memento mori de l’ici et maintenant. Elle invite à parcourir l’intervalle entre le vivant et le non vivant, l’ombre et la lumière, le passé et le présent, l’immobilité et l’action, l’intensité et le désenchantement, et à inventer sa libre trajectoire au sein de cette vaste scène ouverte et hors-limite. www.palaisdetokyo.com/fr/evenement/carte-blanche-anne-imhof
Artistes : Anne Imhof, Alvin Baltrop, Mohamed Bourouissa, Eugène Delacroix, Trisha Donnelly, Eliza Douglas, Cyprien Gaillard, Théodore Géricault, David Hammons, Eva Hesse, Mike Kelley, Jutta Koether, Carte blanche Klara Lidén, Joan Mitchell, Oscar à Anne Imhof Murillo, Eadweard Muybridge, Cady Natures Mortes Noland, Precious Commissaires : Okoyomon, Francis Emma Lavigne et Vittoria Matarrese Picabia, Giovanni Musique : Eliza Douglas Installation sonore : Eliza Battista Piranesi, Douglas, Anne Imhof Sigmar Polke, Paul B. Preciado, Bunny Du 22/05/2021 au Rogers, Sturtevant, 24/10/2021 Yung Tatu, Paul Palais de Tokyo 13, avenue du Président Wilson Thek, Wolfgang Til75116 Paris www.palaisdetokyo.com/ lmans, Rosemarie voir la vidéo Trockel, Cy Twombly, https://youtu.be/-BWIAdrián Villar Rojas. 9i0P50w
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Photo pubblicodominio
n feuilletant la plupart des manuels d’histoire de l’art, les artistes féminines se comptent sur le bout des doigts. Au fil des siècles, les rares connues sont aussi exceptionnelles qu’isolées, presque toujours “filles de”. Dans le passé, en effet, il était impensable - à quelques rares exceptions près - qu’une femme puisse vivre de son art, comme le faisaient les hommes. Faire partie d’une association artistique, alors, même pas en parler. Avec l’impressionnisme, pour la première fois, les femmes peintres forment un groupe, partageant avec leurs collègues l’aspiration à un art nouveau, loin de la logique et des goûts des salons officiels. Le journaliste et critique Gustave Geoffroy les a appelées “Les grandes dames de l’Impressionnisme”.
Berthe Morisot est née à Bourges, en France, en 1841, dans une famille de la haute bourgeoisie. Son père était fonctionnaire, tandis que sa mère Marie-Joséphine-Cornélie Thomas était une femme élégante et cultivée, nièce du peintre rococo Honoré Fragonard. Berthe a découvert l’art à l’âge de seize ans, lorsqu’elle a réalisé avec ses deux sœurs un dessin pour l’anniversaire de leur père. Remarquant les aptitudes de sa fille, Marie-Joséphine lui permet de suivre les cours de Joseph-Benoit Guichard, un maître d’art qui avait été un disciple de Delacroix. Edma, la sœur aînée de Berthe, a également suivi les cours, mais bien qu’elle ait également d’excellentes aptitudes artistiques, elle a cessé de peindre après son mariage. Guichard emmène souvent les filles au Louvre pour s’entraîner à copier les chefs-d’œuvre des grands maîtres du passé. C’est là, en 1867, après avoir eu d’autres expériences artistiques avec le paysagiste Corot, que Berthe rencontre Édouard Manet. Entre eux naît une amitié qui se transforme bientôt en collaboration, en partage d’idéaux et enfin en parenté, puisqu’en 1874 elle épouse son frère Eugène. Peut-être dans le but d’affirmer davantage son indépendance, elle n’a pas acquis le nom de famille de son mari, comme il était d’usage, et a continué à signer ses œuvres sous son nom de jeune fille. Berthe Morisot a participé à toutes les expositions impressionnistes, sauf la quatrième, car elle attendait sa fille Julie. L’enfant était souvent un modèle pour sa mère, qui l’a immortalisée dans de nombreux tableaux. Les sujets familiers et domestiques sont les plus couPALAZZI 46 VENEZIA
Les trois grandes dames de l’impressionnisme Alessandra Pagano
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rants dans son catalogue, qui compte plus de 850 œuvres. Dans sa maturité, elle a également abordé le nu féminin. Elle est décédée à l’âge de cinquante-quatre ans au cours de l’hiver 1895 des suites d’une forme grave de pneumonie. Elle a été enterrée dans la chapelle de la famille Manet, mais sa pierre tombale ne fait malheureusement aucune référence à sa carrière. Eva Gonzalès est née à Paris en 1849. Son père était Louis Jean Emmanuel, un homme de lettres d’origine espagnole, tandis que sa mère Marie-Céline Ragout était une mezzo soprano. À seize ans, la famille l’envoie prendre des cours auprès du peintre Charles Chaplin, mais Eva le quitte deux ans plus tard, car elle juge son style trop conventionnel et traditionaliste. En 1869, elle rencontre Manet, qui devient son professeur et son mentor. Peut-être y avait-il aussi une implication sentimentale entre les deux. En 1879, elle épouse Henri Guérard, également artiste. Certaines de ses œuvres ont été exposées au Salon (une exposition périodique de peinture et de sculpture qui se tenait au Louvre, d’abord tous les deux ans, puis tous les ans du XVIIe au XIXe siècle) et elle a même réussi à vendre l’un de ses tableaux à l’État français, ce que Manet n’a jamais réussi à faire. En 1880, son pastel “La demoiselle d’honneur” a reçu de nombreux éloges. En fait, à cette époque, il avait commencé à maîtriser les techniques du pastel PALAZZI 47 VENEZIA
et de l’aquarelle avec une grande habileté. Le 19 avril 1883, quelques jours après la mort de Manet, elle donne naissance à un petit garçon, mais meurt en couches le 6 mai, à l’âge de trente-quatre ans, alors que sa carrière artistique bat son plein. Mary Cassatt est née à Pittsburgh, en Pennsylvanie, en 1844, dans une famille aisée d’origine européenne. À l’âge de quinze ans, elle s’inscrit à l’Académie d’art de Pennsylvanie, puis en 1865, contre la volonté de son père, elle s’installe à Paris pour parfaire son éducation. Peu de temps après, elle est rejointe par Eliza, une amie proche qui reste avec elle en France pendant environ trois ans. En 1868, elle retourne en Amérique pour une courte période mais, en partie à cause de conflits familiaux internes, elle décide de retourner en Europe. L’occasion propice était une demande de l’évêque de sa ville pour faire des copies de deux œuvres du peintre de la Renaissance italienne Correggio. C’est ainsi que Cassatt arrive à Parme à la fin de 1871. De là, il a beaucoup voyagé à travers l’Europe, peignant principalement des œuvres d’inspiration contemporaine. À l’exception de quelques occasions, il n’a pas réussi à faire accepter ses œuvres au Salon. (suit page 48)
(suit de la page 47) Le tournant se produit en 1877 lorsqu’Edgar Degas, un autre des “pères” de l’impressionnisme, l’invite à rejoindre l’association des indépendants. Comme cela s’était produit avec Morisot et Gonzalès avec Manet, Degas a été une sorte de mentor pour la peintre. Elle participe à l’exposition impressionniste de 1879 et aux suivantes, à l’exception de la septième en 1872. Mary préférait également les thèmes domestiques, notamment les enfants. Dans les dix premières années du vingtième siècle, elle s’intéresse au mouvement suffragiste (créant diverses frictions avec sa famille d’origine, dont les positions sont contraires aux siennes). Souffrant de diabète, elle commence vers 1915 à manifester de sérieux problèmes de vue qui l’amènent à arrêter de peindre. Elle est décédée en France en 1926. Ce ne sont là que trois exemples de grands artistes, mais ils ne sont certainement pas les seuls peintres impressionnistes: il faudrait aussi ajouter Marie Bracquemond ou, à certains égards, Suzanne Valadon. Ils ont tous contribué, comme leurs collègues, à la naissance et à la croissance de l’impressionnisme. Alessandra Pagano www.storicang.it/a/le-tre-grandi-dame-dellimpressionismo
CAROLINE GUTH à partir du 5 JUILLET 2021 jusqu’en OCTOBRE 2021
voir la vidéo vimeo.com/492303992 www.carolineguth.com/ Mots Arts 3 Rue du Léman Pâquis 1201 Genève espaceculture3@gmail.com motsartsgeneve.wixsite.com/
Tel: +41 78 758 15 69
«L’artiste peintre Caroline Guth, guidée par le désir d’allier sa pratique artistique de peintre et sa formation de philosophe, inscrit son travail dans une réflexion sur l’existence, le corps vécu, le genre et sur ce que peut la peinture au cœur de la postmodernité. Cette recherche la conduit à explorer sous divers aspects le corps et les manifestations toujours singulières de la pensée qui désire. Ses œuvres témoignent ainsi principalement d’une recherche sur la subjectivité corporelle et l’image de la chair, ainsi qu’une réflexion sur le regard, la nudité, l’iconologie, le contemporain, la posture, le désir et la quête d’identité. » ée le 20 octobre 1975, au sein d’une famille d’artistes, Caroline fut initiée très jeune au dessin et à la peinture par sa mère et son cousin couturier. De façon plus indirecte mais pas moindre, elle subit l’influence de la peinture de son oncle artiste peintre dont les tableaux peuplaient les murs de la maison familiale. Caroline pratiqua régulièrement le portrait depuis l’âge de 9 ans et découvrit, à la fin de l’adolescence, les maîtres de la Renaissance, notamment le Titien. Toutefois, l’influence la plus déterminante lui vient des Caravagistes dont elle ne cesse d’admirer l’esthétique violente, la mise en scène et les effets de clair-obscur exaltant les corps et procurant aux volumes une intensité singulière.
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Jeune adulte, Caroline fut également très sensible à l’esthétique des peintres de la modernité viennoise tels que Schiele et Klimt, en particulier l’ambiguïté de l’érotisme et l’exaltation de la féminité qui s’en dégage. Bien que tout semblait la conduire à des études artistiques, elle renonça et préféra, devant sa perplexité à embrasser les dogmes de son époque, suivre des études de philosophie qu’elle acheva en 2002 avec l’obtention d’un DEA. Toutefois, elle n’oublia jamais son amour premier pour le dessin et la peinture. C’est en 2007, après une longue maturation, qu’elle décida de ne plus enseigner la philosophie et de se consacrer à la peinture. Le travail de Caroline Guth se nourrit en partie de son enfance marquée par une identité familiale complexe. Proche de sa grand-mère maternelle (descendante métisse d’esclaves martiniquais), elle fut très jeune sensibilisée aux drames de l’existence, à la mort, l’injustice, au racisme, au déracinement, au sens problématique d’une identité métisse. Qui plus est, issue d’une famille dont les hommes furent absents, manquant donc de repères différenciants, elle s’interrogea précocement sur le décalage entre l’être femme et le devenir femme ainsi que sur la signification de l’idée de féminité, la perception du corps comme objet de désir, de plaisir esthétique et érotique, puis sur l’aliénation sous-jacente à cette condition de corps désiré. www.carolineguth.com/ PALAZZI 49 VENEZIA
adek Neaimi Je suis égyptien, originaire de la Basse-Egypte, spécialiste de la littérature et historien des idées au XVIIIème siècle, le fameux siècle des Lumières, qui a compté parmi ses principaux auteurs Beaumarchais, D’Alembert, Diderot, Marivaux, Montesquieu, Rousseau et bien sûr le grand Voltaire. Ma langue maternelle est l’arabe et j’ai commencé mon apprentissage de la langue française à l’âge de douze ans. Après un baccalauréat littéraire je suis entré à la faculté des lettres de l’université de Zagazig où j’ai choisi l’étude de la langue française. J’y ai été nommé assistant en lettres et j’ai eu l’occasion de voyager plusieurs fois en France.Grâce à une bourse égyptienne j’ai pu venir étudier à Genève où j’ai obtenu le diplôme des études supérieures (D.E. S) sur le Siècle des Lumières, avec le professeur Alain Grosrichard. Puis j’ai fait ma thèse à La Sorbonne Paris IV, avec le professeur Jacques Berchtold, qui dirige actuellement la Fondation Martin Bodmer. J’ai publié L’Islam au Siècle des Lumières, L’Harmattan, Paris (2003). Dans cet ouvrage, j’ai cherché à comprendre les bases intellectuelles de la réception de la civilisation islamique dans la mentalité occidentale (suit page 50)
(suit de la page 49) de l’Europe moderne, la philosophie du siècle des Lumières étant le fondement intellectuel de l’Occident contemporain. Il y a deux ans j’ai publié la superstition raisonnable: la mythologie pharaonique au siècle des Lumières, Classiques Garnier (2016) dans lequel je fais voir que les philosophes et les écrivains du XVIIIème siècle considèrent l’Egypte ancienne comme étant le berceau des arts et des sciences, mais aussi l’origine de cultes irrationnels. Ce qui m’intéressait était de montrer comment les philosophes comme Boulanger ou Voltaire voyaient le berceau de la religion monothéiste ; comment les Juifs, ou plutôt les anciens hébreux qui vivaient dans l’Egypte antique, ont acquis nombre de principes religieux de ce pays, qui sont ensuite passés dans le christianisme et dans l’Islam ; comment les francs-maçons se sont inspirés de l’Egypte ancienne pour porter un nouveau regard sur la vie, comme chez Mozart dans La Flûte enchantée ; et comment utiliser la mythologie comme source d’inspiration en littérature, comme dans certains romans, tel Le Taureau blanc de Voltaire. Et puis, après avoir enseigné en Egypte durant quelque vingt années, j’ai pris une retraite anticipée. Mais j’ai toujours des doctorants et j’anime toujours des séminaires en Egypte.
Et j’ai récemment créé Mots Arts, ici, à Genève, qui est en quelque sorte mon violon d’Ingres Comme l’a écrit Voltaire dans la conclusion de Candide: « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Et j’ajouterai: la monotonie. Je fais donc comme Candide, je cultive mon jardin. Avant Mots Arts, j’avais créé un salon littéraire à Chêne-Bougeries, que j’ai animé durant quinze ans. Dans le cadre de ce salon, j’ai eu le plaisir d’inviter de nombreux écrivains de Suisse romande comme Sylviane Dupuis, Daniel de Roulet, Vahé Godel, Mathilde Fischer, Laurent Cennamon qui a d’ailleurs fait sa première lecture publique à Chêne-Bougeries il y a onze ans. Je viens d’exposer deux peintres, Grégoire Murith, bien connu à Genève pour ses travaux, et Momar Seck qui vient de Dakar, Sénégal, et enseigne les arts plastiques à l’Ecole Internationale, la photographe Christelle Villégier. Je vais également exposer cette année une artiste-peintre parisienne, Caroline Guth. Et nous allons projeter « Le voleur de bicyclette », le chef d’œuvre de Vittorio de Sica, avec un débat sur le thème « engagement et esthétique ». Comme je l’ai déjà dit, nous venons de débuter et nous sommes en train de nous constituer un public. On ne peut pas être plus optimiste que ça ! Extrait de AD MAJOREM DEI GLORIAM https://www.sainte-clotilde.ch/fr/culture/mots-arts-un-nouvel-espace-culturel-geneve PALAZZI 50 VENEZIA
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e Musée Tinguely fête ses 25 ans cet été sur un bateau avec une exposition itinérante dans une dizaine de villes européennes, de Paris à Bâle. La présentation retrace la carrière de Jean Tinguely (1925-1991) et contient la copie d’une de ses oeuvres précoces. Au début de ce périple fluvial, Paris accueillera la péniche cargo transformée “MS Evolutie” dès la mi-juillet. L’exposition y sera inaugurée le 17 juillet. La capitale française fut le premier grand lieu de création de l’artiste bâlois né à Fribourg. Le bâtisseur de machines a vécu sur les bords de la Seine dans les années 1950. Le Grand Palais lui consacrera une rétrospective en 2022. Les étapes suivantes de l’exposition itinérante au fil de l’eau auront lieu dans d’autres villes marquantes dans la carrière de Jean Tinguely, dont Anvers (B), Amsterdam, Düsseldorf (D) et Francfort-sur-le-Main (D). L’arrivée du bateau à Bâle à la fin de son voyage lancera un week-end de festivités du jubilé du musée, du 24 au 26 septembre, indique l’institution. L’exposition documentaire est disposée sur 100m2 dans le ventre du bateau d’une longueur de 40 mètres. Elle comprend aussi la réplique d’une oeuvre précoce de l’artiste. Le clou du spectacle est toutefois représenté par une sculpture aquatique originale qui projette de l’eau sur
Musée Tinguely de Paris à Bâle du 17 juillet 2021 jusqu’au 26 septembre 2021
Museum Tinguely Paul Sacher-Anlage 2 4002 Basel Tél.:061 681 93 20 infos@tinguely.ch www.tinguely.ch
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des fontaines. Le service de promotion économique de Bâle-Ville, Bâle Tourisme et le gouvernement du canton se joignent à l’aventure. Après l’échec de l’accord-cadre avec l’Union européenne, le Conseil d’Etat entend profiter du voyage pour lancer une offensive à travers des rencontres avec des ambassadeurs et diverses actions de réseautage. Le Musée Tinguely (conçu par l’architecte tessinois Mario Botta) se trouve à Bâle et rassemble la plus grande concentration d’oeuvres de Jean Tinguely (19251991), l’un des artistes suisses les plus innovants et les plus importants du XXe siècle. Régulièrement, des expositions temporaires, correspondant aux idées de Tinguely, proposent un spectre élargi d’artistes et de sujets du XXe et XXIe siècle: y sont notamment présentés Marcel Duchamp et Kurt Schwitters, des modèles de Tinguely, des artistes contemporains comme Arman, Niki de Saint Phalle, Yves Klein, ainsi que les tendances actuelles. www.tinguely.ch Il a été inauguré en 1996. Sa femme, Niki de Saint Phalle, a fait don au musée d’une de ses Nana : Gwendolyn ainsi que le dessin d’un projet réalisé en commun : Hon, une nana géante habitable et détruite ensuite. www.tinguely.ch