Phot venessia.com
Google GoogleArt Art Project Project Lune Lune etetArt Art Sacré Sacré Angela AngelaVettese Vettese Petra Petra On On Line Line Karin Karin Mamma MammaAnderson Anderson Constance Constance etetWilliabellClayton WilliabellClayton Erwin ErwinWurm Wurm Retail RetailApocalypse Apocalypse ETH ETH Zurich Zurich Home Home Stories Stories Lina Lina Bo Bo Bardi Bardi Fondation Fondation Custodia Custodia Anna Anna Metz Metz Studi Studi && Schizzi Schizzi Siemen Siemen Dijkstra Dijkstra La La Joconde Joconde nue nue ?? Joseph Joseph Mallord MallordWilliam WilliamTurner Turner Milliards Milliards àà lala Kultur Kultur L’Expressionisme L’ExpressionismeAllemand Allemand L’Art L’Art au au temps temps du du covid-19 covid-19 Laure Laure Prouvost Prouvost Maria Maria Elisabetta Elisabetta Novello Novello #rinascita2020 #rinascita2020 Mail MailArt Art Epidémies Epidémies dans dans l’Art l’Art en en Italie Italie
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trenteunième Année / numéro 05 Mai 2020 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros
ur www.google. com/artproject 15 galeries photographiques, avec un nombre total de 800 images, rassemblent les plus importantes œuvres d’art des collections des musées de Rome. Un immense patrimoine qui peut être utilisé par les étudiants, les touristes et les simples curieux, désireux de parcourir les œuvres d’art des musées romains, mais aussi de découvrir les trésors cachés. En outre, il est possible d’effectuer une visite virtuelle dans les 12 musées du système grâce à la technologie Street View qui permet de naviguer à 360º et de voir les œuvres d’art de plus près, et de les eximiner de plus près.
Pinacoteca di Brera - Milano
https://pinacotecabrera.org Galleria degli Uffizi - Firenze
https://www.uffizi.it/mostre-virtuali Musei Vaticani - Roma http://www.museivaticani. va/content/museivaticani/ it/collezioni/catalogo-online.html Museo Archeologico - Atene
https://www.namuseum. gr/en/collections/ Prado - Madrid https://www.museodelprado.es/en/the-collection/art-works Louvre - Parigi https://www.louvre.fr/en/ visites-en-ligne https://youtu.be/rS5BCpYRKo8 British Museum - Londra https://www.britishmuseum.org/collection
Le Google Art Project, qui fait partie du Google Art Institute, est une plateforme en ligne qui permet à des personnes du monde entier d’accéd- Metropolitan Museum - New York er aux images en haute résolution des œuvres https://artsandculture.gooles plus importantes mi- gle.com/explore ses à disposition par les Hermitage - San Pietroburgo musées partenaires de cette activité, dans le but https://bit.ly/3cJHdnj d’”accroître” l’accès à la National Gallery of art culture et sa préservation Washington pour les générations futuhttps://www.nga.gov/inres. Les visiteurs de la plateforme peuvent parcourir les œuvres en fonction du nom de l’artiste, du titre, du type d’art, du musée, du pays et de la période. www.google.com/artproject
dex.html
vec ce numéro, entièrement compilé tout en étant confiné et m’aidant uniquement des recherches entreprises sur le web, j’essaye d’entretenir le public qui a la gentillesse de me suivre et de continuer à me lire, bien que certains me reprochent gentiment que c’est un peu long à consulter, qu’est ce qu’il dirons devant ce numéro qui compte bien soixante pages. Je pense que c’est une manifestation de résistance, face au spectacle que la société offre en ce moment, ou l’ignorance et la bêtise les plus crasse semblent vouloir l’emporter sur les constatations résonnées et avisées de ceux qui sont vraiment en mesure de nous protéger dans cette situation. Je remarque qu’aujourd’hui ce sont les sans grades (comme certains politiques ont voulus les appeler (sic et re-sic), en tout cas toutes celles (parce qu’en majorité il s’agit de femmes) et tous ceux qui sont entrain de tenir la société à bras le corps, qu’ils s’agisse d’infirmières et infirmiers, de médecins des deux sexes, de caissière de super marché, de femmes de ménages, d’ébouer et autres dédiés au ramassages des déchets de la société, et j’en oublie certainement. Est ce qu’après cette pandémie terminée on leur saura grès de cet effort et est ce que l’on revalorisera leurs salaires souvent misérables ? Rien n’est moins sur et c’est à nous tous, de nous en rappeler pour que cela advienne enfin. Ce n’est certainement pas les actionnaires des sociétés qui ont reçus les plus importants dividendes jamais versés par des cotées en bourse, qui sont ou qui jamais seront en première ligne dans des moments similaires qui malheureusement risquent de ce répéter, vu la rapidité avec la quelle nous détruisons la biosphère et sa diversité vivante. Les artistes aussi sont les laissés pour compte en ce moment et si des nombreux Musées ont prestement diffusés leurs œuvres en ligne, qui est ce que nous assure que par la suite ce ne sera pas le canal préférentiel qu’ils choisiront, licenciant ainsi nombre d’opérateurs culturels, souvent bénévoles, quand il ne sont pas payés des misères, se consacrant aux artistes du passés, non seulement bien amortis, et souvent plus à même de séduire une clientèle qui comprends difficilement l’Art contemporain, lorsqu’en esbaudissant sur le montants des ventes de certains peintres des siècles passées est dans l’incapacité de reconnaitre le talent de ceux qui sont encore vivant, exceptées bien entendu les grandes fortunes qui trouvent dans le commerce de l’Art, une manière de rehausser leur prestige tout en évitant taxes et autres impôts. J’écris ceci au milieu de la quarantaine et je ne sais pas encore si et quand elle aura fin, mais on se verra en juin, je vous et me le souhaite en tout cas. Vittorio E. Pisu
Photo Artis Aes
1610
est une année décisive pour la révolution culturelle européenne : cette année verra la publication du “Sidereus Nun-
cius”. Galilée, le père de la science moderne, a été le premier à pointer vers la Lune un télescope capable de donner des images nettes et de mettre en évidence les ombres, qu’il a correctement interprétées comme une rugosité de la surface du satellite. Il a correctement distingué les irrégularités concaves et convexes selon l’ombrage qu’elles présentaient par rapport à l’origine de la lumière du soleil, montrant ainsi la capacité du peintre à voir la solidité des formes dans l’ombre (selon Panofsky, cela vient du fait qu’il était un peintre amateur). C’est pourquoi Galilée a trouvé approprié de se confronter à un homme qui faisait de la peinture son métier, qui était un grand amateur de perspective, mais surtout un grand ami à lui : Ludovico Cigoli. Les deux se sont rencontrés à Florence, pratiquant les mêmes études et partageant deux grandes passions : la science et l’art. Pour preuve, plusieurs lettres subsistent, collectées et publiées en 2009 : “Il carteggio Cigoli Galileo : 1609- 1612”. C’est dans ces lettres que l’on trouve des hypothèses, des doutes, des échanges sur le sujet ; et Cigoli,
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étant peintre, n’a pas eu de mal à partager avec son ami l’interprétation donnée aux ombres lunaires, sachant dans la peinture les astuces pour créer l’illusion de profondeur par le clair-obscur. Cigoli lui-même a fait des observations sur les taches solaires avec le télescope galiléen et, sur un dessin spécialement réalisé pour Galilée, a avancé ces hypothèses: “[... ]] qu’ils sont dans le soleil, comme s’ils étaient dans une carrafe, qu’en la parcourant, ils s’approchent maintenant de la circonférence et se rendent visibles, et maintenant ils sont centrés et donc ils partent, je ne le sais pas : mais il me semble plus vrai qu’il y a des étoiles qui passent entre nous et le soleil, si là aussi il y a un doute”. Galileo se tournera en effet à nouveau vers Cigoli pour les gravures en vue de la publication “Istoria e dimostrazioni intorno alle macchie solari”, éditée par l’Accademia dei Lincei. Mais aussi en 1610, nous verrons cette révolution ramenée dans l’art, grâce au courage de Cigoli. C’est en effet l’année de la publication de Sidereus Nuncius que Camillo Borghese, à l’époque du pape Paul V, confie à Ludovico Cigoli la tâche de peindre à fresque la chapelle(suite page 4)
(suite de la page 3) paulinienne, à l’intérieur de la basilique papale de Santa Maria Maggiore à Rome. Le thème iconographique était celui de l’Immaculée Conception, qui voyait la Vierge triompher sur une lune aristotélicienne, lisse, blanche et pure : c’était en fait la seule version acceptée par l’Église. En 1612, lorsque les travaux furent terminés, une Lune apparut dans les yeux des clients, ce qui allait à l’encontre des préceptes de la doctrine, et montrait une surface qui ne rappelait pas la pureté de la Madone, mais était rugueuse et loin d’être parfaite. La Lune de Ludovico Cigoli est la première dans l’histoire de l’Art à être représentée selon la conception galiléenne, qui ne fut adoptée, que bien des années plus tard, par de nombreux autres artistes. C’est un acte de courage qui montre une confiance totale dans la science, mais qui confirme aussi l’énorme importance communicative du travail artistique. Demetra Puddu https://news.artisaes.it/ index.php/it/arte/critica/ item/60-la-luna-che-sconvolse-l-arte-sacra?fbclid=IwAR1vYLWaPjUsR7rHugEghNQhylSMevnIBrCt-mjfjqugFE03QjwwGbiomwA
ous vous épargnons dans l’incipit son curriculum, car Angela Vettese est une figure centrale de la culture, à Venise, comme en Italie. Enseignante, auteur, âme d’aventures artistiques infinies dans le cadre de la ville sur l’eau. Nous avons décidé de regarder Venise avec ses yeux et de découvrir comment :“ooh, this is so contemporary!”! Comment Venise est-elle entrée dans votre vie ? “J’ai forcé ma mère à m’emmener à Venise quand j’avais 16 ans, parce qu’elle y allait secrètement avec mon père quand ils étudiaient à Padoue. D’un point de vue culturel, quelques mois plus tard, en été, je suis revenu avec quelques amis pour voir le spectacle “Einstein on the beach” à la Fenice. Six heures d’illumination, un coup au cœur. Elle m’est immédiatement apparue comme la ville de l’avant-garde culturelle. Le Phénix, parmi les opéras, est encore aujourd’hui le plus expérimental, pas toujours audacieux mais quand il ose, il le fait très bien”. Comment votre présence ici est-elle devenue stable ? “Ils m’ont demandé d’enseigner à l’académie et la première année, j’ai dit non : je ne voulais pas vivre comme une banlieusarde. J’aime Milan où je vis encore. Mais la deuxième année, après un millier d’épreuves à l’Académie de Brera, j’ai dit oui parce que nous projetions la Faculté de design et d’arts de l’IUAV, avec Marco de Michelis, Germano Celant et le recteur de l’époque, Marino Folin. En 2001, nous avons décollé, je pensais que cela ne durerait pas plus de trois ans. Au lieu de cela, les autres sont partis et je suis toujours là”. Où et comment la voyez-vous maintenant ? “En vingt ans, j’ai établi de nombreuses relations avec des artistes, des collègues et d’autres personnes. En particulier, les nombreuses années de présidence de l’institution municipale de Bevilacqua La Masa ont été une expérience totalisante, nous l’avons appelée “Bevilacqua La Casa”. On m’a accusé d’en avoir fait un centre social communiste, avec le visage bourgeois que je me trouve! À Venise, je vis maintenant entre l’université, le bacari et les maisons. Les bacari sont comme les stubes du nord : Venise fait partie de l’axe vertical du froid qui mène à Vienne, Munich, Hambourg. Et ici, en hiver, bien que la mer soit proche, il y a un vent qui appelle le vin ou la bière.
Photo redazione veneta
ANGELA VETTESE
C’est agréable de se réfugier dans la chaleur des quelques tavernes qui restent”. Quel sort et quelle malédiction enveloppe cette ville dans le présent ? “Le sort, en ce qui me concerne, vient de la Biennale, c’est-à-dire de l’attention portée aux arts contemporains, y compris non seulement l’art visuel mais aussi la danse, la musique, le théâtre, l’architecture. C’est une très petite ville avec un programme de classe mondiale, vous pouvez voir les premières sorties de nombreuses productions de haut niveau. Il est facile d’y travailler parce que vous rencontrez des gens sur le pont, il n’y a pas ce sentiment d’asphyxie que l’on peut avoir en travaillant à Milan, où le goût du travail a été sapé par le culte du week-end, même si maintenant vit un grand moment. C’est la magie, mais il y a aussi la malédiction : ici, vous êtes ancré au présent et au passé ; comme dans toute l’Italie, après tout, il n’y a pas de vision de l’avenir. Heureusement, la ville est si forte qu’elle continue à attirer des intellectuels, des artistes, des protagonistes dans tous les domaines. Venise ne survit que grâce aux universités, qui sont capables d’attirer les jeunes, et aux lieux de culture en général : c’est le seul monde qui équilibre l’hyper-présence des touristes. À Milan, il y a plus de touristes qu’à Venise, mais la population est si importante qu’un équilibre soPALAZZI 5 VENEZIA
cial et même visuel se crée. Jusqu’à présent, Venise a réussi à avancer avec un effet d’inertie : la direction de la ville est toujours celle donnée par le comte Volpi et son ami Giorgio Cini, qui dans les années 20 et 30 ont compris que Venise devait fortement évoluer aussi vers la connaissance. La Biennale du cinéma a été inventée en 1934, en faveur de la propagande populiste et fasciste, mais aujourd’hui encore, ce festival a une raison d’être, même dans la sphère expérimentale, et il pourrait et devrait l’accentuer puisque le glamour s’est déplacé à Cannes et au marché de Toronto. Cette capacité à comprendre l’importance de la sphère humaniste, pour Venise, ne reste aujourd’hui présente que de manière inertielle et n’est pas suffisamment comprise par les administrations, et je ne parle pas seulement de ces dernières. A tel point qu’il n’y a pas de conseiller pour la culture. Je peux dire cela, ayant été “conseiller pour le développement du tourisme et des activités culturelles”. Un dictionnaire du cerveau pour un poste qui n’incluait pas les pouvoirs de décision et le portefeuille. (suit page 6)
Photo CEFIMA
(suit de la page 5) Actuellement, il y a l’intérim du maire, qui ne peut certainement pas s’occuper de tout. Il n’y a pas de personne vraiment compétente pour remplir ce rôle ; je comprends que Brugnaro ait voulu garder ce rôle pour lui (la culture est un secteur vaste et stratégique pour la distribution des fonds, la recherche de consensus et les relations internationales) mais l’absence d’une véritable équipe avec des compétences spécifiques est un péché mortel. Le véritable conseiller de Venise pour la culture, jusqu’à présent et depuis 1998 malgré quelques interruptions, a été Paolo Baratta, le président de la Biennale. Maintenant que son mandat touche à sa fin, je me demande avec terreur qui sera là après lui”. Soutenons-nous Vettese ? “Peut-être ! Mon CV ne convient pas à un poste qui a toujours été lié à la politique, même si ce n’est pas nécessairement de manière directe. Je fais un autre travail. Et qu’est-ce que c’est ? Découvrir des artistes ou les former ? “J’ai fait beaucoup, beaucoup trop de métiers, de l’écriture populaire à la conservation de la nourriture en passant par la direction de musées, de fondations, de festivals. Bien sûr, une grande partie de ce que j’ai fait
remonte à la formation, depuis la création du cours Ratti avec Giacinto di Pietrantonio et ANIE Ratti, jusqu’à la naissance de Iuav Arti Visive, le premier cours universitaire avec des professeurs qui sont des artistes ou des critiques internationaux. De Joan Jonas à Muntadas, d’Eliasson à Marta Kuzma, aujourd’hui Dean à Yale. Toujours à Bevilacqua, qui dispose de deux lieux d’exposition et de 14 studios pour les artistes assignés pour un an, le travail de conservateur a été lié à la formation par le biais d’expositions, de catalogues, de mise en réseau pour les artistes en résidence”. Quelle sera l’arrivée future de l’art contemporain? Sommes-nous à la dérive ? “En tant que refuge, l’art adapté au marché sert à la fois en termes économiques et de prestige. Mais elle est maintenant entre les mains de ceux qui l’utilisent, comme c’était le cas à la Renaissance, plus guerriers qu’on ne l’admet habituellement. Peu de choses ont changé depuis lors : nous avons donc les grands magnats appelés Arnaud et Pinault, mais aussi des noms arabes, russes, chinois, coréens, vietnamiens. Lavez votre conscience et achetez en même temps le sens de la charité. Ce que je ne dédaigne pas - beaucoup d’entre eux ont également aidé Iuav Visual Arts - mais qui tend à récompenser un monde de l’art très standardisé, construit par quelques galeries actives dans le monde et loin des réalités locales.
Photo giornalepop.it
Rien de nouveau sous le soleil : pensez à la principale compagnie de tabac Philip Morris, qui a sponsorisé en 1969 l’exposition du gourou anticapitaliste Harald Szeeman : “When Attitudes Become Form”. Intuitivement, nous espérons que Venise, dans les scénarios d’argent et de guerre que nous préférons ne pas voir, restera un peu moins offensée et un peu plus libre : elle a un saint qui la protège et ce saint s’appelle la beauté”. Et l’eau ? “Bon et mauvais de l’endroit, peut-être que ce sera le désastre de Venise tel qu’il a commencé. La lagune est une construction artificielle, si elle existe, c’est parce que l’homme a toujours travaillé pour la protéger. Mais si la montée des mers sur l’ensemble du globe devient importante, comme il ressort de scénarios catastrophiques que nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte. Venise ira sous l’eau, “Venise coule”, disent-ils. Le problème est maintenant autre : à quelle vitesse l’eau montera-t-elle ? Malheureusement, beaucoup d’argent qui aurait pu aider Venise a fini dans la Mose, ce qui sera inutile. Comment l’entretien de cet engin, déjà malade avant d’être terminé, peut-il être fait, trivialement et de manière prévisible, en étant attaqué par des algues, des moules et du sel”. PALAZZI 7 VENEZIA
Si le Mose était une œuvre d’art terrestre, accepteriez-vous de rédiger un texte pour son catalogue ? “Ah, oui. Au moins, elle ne prétendrait pas être autre chose que ce qu’elle est, une chose inerte au milieu de la lagune, qui a promis tant de choses et ne les tiendra pas”. Comment profiter d’une œuvre d’art aujourd’hui, dans cet overclocking d’images, comment retrouver notre concentration sur ce qui nous est proposé par un artiste ? “Je ne sais pas si cette question doit m’être posée, c’est une question à poser aux artistes. Comment retiennent-ils leur attention ? Sont-ils obligés ? Il y a des artistes qui acceptent de travailler sur instagram et qui ont calculé un temps d’attention d’une demi-minute pour leur travail, d’autres qui pensent qu’il peut être considéré et vu comme une écriture ou une décoration, d’autres encore qui veulent être des auteurs au sens traditionnel du terme et le demandent au spectateur pendant longtemps. Comment une œuvre est vue, avec quelle temporalité et quelle concentration, qu’elle soit vivante ou en reproduction, sont des aspects qui font partie de l’œuvre elle-même, qui lui sont inhérents. C’est donc l’artiste qui fixe la perception comme il le souhaite. (suit page 8)
(suit de la page 7) La façon de faire sentir le travail est à l’intérieur du travail”. Que tirez-vous de votre expérience politique en tant que conseiller municipal de la ville de Venise et que préférezvous oublier ?
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“L’expérience s’est terminée parce qu’ils ont arrêté le maire. C’est dommage. J’avais libéré du temps pour remplir ce rôle, j’ai fermé mes relations avec l’université Bocconi, j’avais commencé à temps partiel à l’université IUAV, j’ai quitté la présidence de Bevilacqua. C’était une arnaque. Mais j’ai pensé, comme les Latins, qu’à un certain moment de la vie, le moment de la “restitution” doit venir : si vous avez de la chance, vous pouvez mettre vos compétences à la disposition de la communauté. C’était un risque que j’aimais prendre, quel que soit le résultat. Mais cela n’avait pas de prix, car comprendre les choses de l’intérieur est toujours une bonne façon d’être au monde. Cela ne se reproduira plus, car je suis identifiée à la gauche, c’està-dire à la DP, mais je ne suis pas du tout organique à la DP et la DP, pour le moment, n’est pas organique à elle-même : elle ne s’est pas encore reconstituée correctement.
De plus, je ne serais plus disposée à être une femme de paille. Lorsque j’ai pu récupérer des ressources, que personne n’aurait attendues de moi, mais que je sais comment faire et que j’ai fait, les “oui” que j’avais recueillis principalement auprès de la surintendance sont soudain devenus des “non”. Je me suis sentie placée là pour que la présidence ne reste pas trop neuve, mais avec la demande implicite de ne rien faire”. Pouvons-nous l’écrire ? “Oui, c’est une vie entière à ruiner ma carrière pour satisfaire ma curiosité. Devenir un grand journaliste, un bon directeur de musée ou un universitaire reconnu est assez facile : il y a des étapes à franchir et des méthodes à suivre. Mais vous ne devez pas perdre de temps et d’énergie derrière d’autres aventures. Chaque entreprise, à sa manière, est monolithique”. Alors comment sauver cette ville ? A-t-elle besoin d’une construction collective du sens ? Est-ce quelque chose qui peut venir d’en bas ? “Ce serait bien. Mais il n’y a pas de fond, Venise est trop petite. La majorité des électeurs vivent en dehors de Venise, et la gestion de l’île de Venise est une tâche qui devrait être déléguée, au moins en partie, à l’État, voire à l’Europe, ce qui devrait aider la ville à ne pas la laisser aux mains des catégories les plus pressantes, celles liées au tourisme de masse.
Photo biennale di venezia
Les autorités locales devraient être poussées doucement vers la seule direction possible de développement, qui, comme nous l’avons dit précédemment, concerne la culture et les industries dites créatives. On ne peut pas penser à créer des emplois, comme on l’espérait entre les années 1930 et 1960, avec un rêve industriel qui a échoué avec l’entreprise pétrochimique de Marghera. Bien sûr, il y a le port, il y a Fincantieri, certaines activités productives restent vivantes. Mais le problème du tourisme non durable est voué à s’aggraver. Je ne prendrais pas en considération la nouvelle selon laquelle les musées civiques seront ouverts une demi-heure de moins chaque jour. Ne pas investir dans ces activités signifie ne pas comprendre que les touristes doivent être envoyés dans les musées, leur montrer les splendides bâtiments qui ont abrité la Sérénissime et qui sont aujourd’hui des centres d’activité qui ne sont pas considérés comme acquis. Le simple fait de déplacer 10 % des touristes en les poussant à ne pas se promener dans les calli et entre San Marco et Rialto serait un bon moyen de faire vivre au mieux ces précieuses structures”. Galeries, associations, fondations : Venise est-elle encore une ville en pleine effervescence ? “Venise a dû se renouveler à chaque siècle de son histoire. Le prix à payer pour ne pas regarder vers l’avenir aurait été la destruction de son agglomératPALAZZI 9 VENEZIA
ion, attaquée par l’eau salée. C’est pourquoi elle a toujours grandi sur elle-même, attiré le meilleur de tous les styles architecturaux et inventé sa propre façon de combiner l’ancien et le nouveau. En bref, c’est une ville habituée à l’avant-garde et au présent au moins depuis sa naissance. C’est dans cet esprit, loin d’être un passant, que la Biennale est née, avec ses nombreuses répercussions. Grâce à elle, en plus d’un siècle, de nombreuses institutions centrées sur le contemporain ont vu le jour. N’oublions pas que trois ans après sa naissance, vient la fondation Bevilacqua La Masa. La biennale est née en 1895 en tant qu’entité internationale. Felicita Bevilacqua La Masa, sœur et épouse de deux misérables dont elle voulait effacer la mauvaise réputation et faire remonter le nom, a quitté Ca’ Pesaro pour la ville afin de faire vivre, travailler et exposer les artistes locaux. “Pour le bénéfice surtout des jeunes artistes qui se voient souvent interdire l’accès aux grandes expositions”, écrit-elle dans son testament de 1898. Fondazione Cini, Peggy Guggenheim Collection, Pinault Foundation, Fondazione Prada, Stanze di Vetro, VAC... (suit page 10)
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(suit de la page 9) pour n’en citer que quelques-uns, sont des réalités à comprendre dans ce sillon, tout comme Querini Stampalia, Marciana, Levi, Ateneo Veneto, Venice International University, ainsi que des espaces moins marécageux comme la Serra dei Giardini ou Punch alla Giudecca. Et bien d’autres ; nous n’aurions jamais pensé à suivre un cours d’arts visuels à l’IUAV s’il n’y avait pas eu de Biennale ici, parce que les professeurs sont les mêmes artistes qui passent par là. Nos étudiants aimeraient rester et essayer. C’est un cercle vertueux qui continue à se nourrir. Victoria Miro a voulu ouvrir ici, où il y a des galeries petites mais actives comme Michela Rizzo, Alberta Pane, Ziva Krauss entre autres. Si nous tournons Venise, nous trouvons aujourd’hui 10 fondations nées au cours des 10 dernières années avec de l’argent public ou privé, mais toujours étrangères : nous devons être très reconnaissants que Venise puisse encore s’offrir. C’est un endroit parfait pour se faire remarquer: si vous êtes un magnat, de n’importe où dans le monde, vous voulez venir ici”. Redazione Veneziana https://zero.eu/it/persone/angela-vettese/
ngela Vettese a enseigné aux Académies des Beaux-Arts de Milan, Venise et Bergame, à l’Université Bocconi de Milan (2000-2007 et 2010-2013) et depuis 2001, elle est directrice du Master en arts visuels et mode à l’Université Iuav, dont elle coordonne l’espace d’exposition à Ca’ Tron. Elle a été présidente de la Fondation Bevilacqua La Masa (2002-2013), directrice de la Galleria Civica à Modène (2005-2008), directrice de la Fondation Arnaldo Pomodoro à Milan (2008-2010), co-commissaire de la Fondation Antonio Ratti à Côme (1995-2004), co-fondatrice du Prix Furla-Querini Stampalia, co-fondatrice du Festival dell’Arte Contemproanea à Faenza (2007-2011). Elle a publié des essais dans des catalogues et des livres internationaux, notamment Capire l’arte contemporanea (Allemandi, Turin, 1996/2006/2013/2018), Artisti si diventa (Carocci, Rome, 1998), Si fa con tutto (Laterza, Rome Bari, 2010 et 2012), Art contemporain entre marché et nouveaux langages (Il Mulino, Bologne 2012 et 2017), Art as a Thinking Process (avec Mara Ambrozic, Sternberg, Francfort 2013), Venezia Vive (il Mulino, Bologne 2017), sortie de Desiderio - Orange Marilyn d’Andy Warhol (Il Mulino, Bologne 2019). En 2009, elle a été présidente du jury de la Biennale de Venise. Depuis 1986, elle écrit pour le supplément “Domenica” de Il Sole 24 Ore. Elle occupe le poste de conseillère pour les activités culturelles et le développement du tourisme de la ville de Venise depuis 2013.
Photo petraonline
AZOVIC PETRA ON LINE
i les murs de la maison dans laquelle nous sommes contraints à cause du coronavirus deviennent insupportables, nous voyageons avec l’esprit mais aussi avec l’ordinateur : Petra, le joyau de la Jordanie, ouvre ses portes en ligne avec un parcours multimédia disponible sur Google Maps. Petra est un fabuleux site archéologique situé à environ 259 km au sud d’Amman, dans le désert du sudouest de la Jordanie, datant de 300 avant J.-C., où l’on trouve les vestiges de ce qui fut la capitale du royau- https://www.greenme. me nabatéen. Le site, découvert au XIXe siècle, est inscrit au patri- it/viaggiare/10-meraviglie-del-mondo-che-possiamoine mondial de l’UNESCO. L’entrée dans le public, en cette période de crise sani- mo-visitare-da-casa-online/ taire mondiale, est en effet impossible et la Jordanie rejoint donc le mouvement #iorestoacasa : Petra suit donc les nombreuses initiatives (dont certaines des https://www.google. nôtres comme la très attendue exposition de Raphaël à Rome) qui permettent de se cultiver (et de se diver- c o m / m a p s / a b o u t / tir) même de chez soi. Naturellement gratuit. behind-the-scenes/ Le Jordan Tourism Board (JTB), en collaboration avec Google Maps, propose désormais une visite vir- streetview/treks/petra/ tuelle de l’un des lieux les plus impressionnants du monde : la ville nabatéenne de Petra. https://www.greEt ce sera Rania Al-Abdulla, la reine jordanienne, qui nous racontera l’histoire de cette merveille du monde. e n m e . i t / v i v e r e / “Il y a plus de 2 000 ans, les Nabatéens ont fondé arte-e-cultura/muPétra, la ville de pierre ( nous lisons sur le site qui ouvre les portes virtuelles de ce spectacle ) sei-tour-virtuale/ PALAZZI 11VENEZIA
Voyagez avec nous pour découvrir ce qui se trouve au-delà de l’entrée unique de la ville et découvrez l’une des plus incroyables merveilles du monde, oubliée par le temps”. Au fait, comme nous l’avons lu dans l’introduction de la visite, beaucoup de gens croient que Pétra commence et se termine à El Tesoro, mais en réalité le site archéologique de la ville a beaucoup plus à offrir. Et avec cette initiative, c’est tout, virtuel oui, mais gratuit. Le site vous invite à utiliser des écouteurs pour vous immerger complètement dans la visite avec une expérience multimédia, en regardant les images et en écoutant la reine raconter l’histoire de cette ancienne ville. Tout le monde est prêt ? Pour visiter Petra, cliquez ici https://www.google. com/maps/about/ behind-the-scenes/streetview/treks/petra/ Mais aussi d’autres visites virtuelles à partir d’autres sites comme celui ci par exemple https://www.greenme. it/viaggiare/10-meraviglie-del-mondo-che-possiamo-visitare-da-casa-online/ Mais aussi celui qui permet de visiter dix des musées les plus connus au monde https://www.greenme. it/vivere/arte-e-cultura/ musei-tour-virtuale/
Photo davidzimmer
aractérisées par une combinaison unique de coups de pinceau texturés, de lavis lâches, de lignes graphiques nettes et de couleurs évocatrices, les œuvres de Mamma Andersson incarnent un nouveau genre de peinture de paysage qui rappelle le romantisme de la fin du XIXe siècle tout en s’inscrivant dans un intérêt contemporain pour les compositions psychologiques en couches. Ses scènes souvent panoramiques s’inspirent d’un large éventail de sources photographiques d’archives, d’images filmiques, de décors de théâtre et d’intérieurs d’époque, ainsi que de la topographie clairsemée du nord de la Suède, où elle a grandi : les arrière-plans montagneux, les arbres, la neige et les cabanes en bois sont des éléments récurrents dans ses œuvres. Cependant, plutôt que de transmettre des points
de référence spatiaux ou temporels spécifiques, elles tournent autour de l’expression d’atmosphères et d’humeurs subjectives, et semblent souvent fusionner le passé, le présent et le futur. Andersson est née en 1962 à Luleå, en Suède. Elle a étudié de 1986 à 1993 au Kungl Konsthögskolan de Stockholm, où elle continue à vivre et à travailler. Depuis 2004, le travail d’Andersson est représenté par David Zwirner. The Lost Paradise, la quatrième exposition individuelle de l’artiste avec la galerie, était présentée à New York jusqu’au 11 avril 2020. Parmi les expositions précédentes figurent “Behind the Curtain” (2015), “Who is sleeping on my pillow” (2010), une exposition pour deux personnes avec Jockum Nordström, et “Rooms Under the Influence” (2006), qui a marqué les débuts de l’artiste aux États-Unis. En 2018-2019, une présentation solo de l’œuvre d’Andersson intitulée “Memory Banks” a été présentée au Contemporary Arts Center de Cincinnati, dans l’Ohio. En 2011, le travail de l’artiste a fait l’objet d’une exposition individuelle au Museum Haus Esters de Krefeld, en Allemagne. Elle a eu sa première exposition individuelle aux États-Unis au Aspen Art Museum, Colorado, en 2010, et sa première exposition individuelle en Irlande à la Douglas Hyde Gallery, Dublin, en 2009. En 2007, une enquête sur son travail, acclamée par la critique et réalisée à mi-carrière, a été organisée par le Moderna Museet de Stockholm, qui s’est rendu à la Kunsthalle d’Helsinki et au Camden Arts Centre de Londres. Pour la 33e Biennale de São Paulo en 2018, Andersson a été le commissaire de la présentation de groupe
Stargazer II, qui a présenté un certain nombre de peintures de l’artiste. En 2006, l’artiste a remporté le Carnegie Art Award, un prix prestigieux pour la peinture nordique contemporaine, et a reçu une exposition correspondante qui a beaucoup voyagé à travers l’Europe. Son travail a également été représenté dans le pavillon nordique lors de la 50e Biennale de Venise, “Rêves et conflits - La dictature du spectateur”, en 2003. Les œuvres de l’artiste sont représentées dans des collections de musées, notamment le Dallas Museum of Art, le Göteborgs Konstmuseum de Göteborg, en Suède, le Hammer Museum de Los Angeles, le Magasin III de Stockholm, le Malmö Konstmuseum de Suède, le Moderna Museet de Stockholm, le Museum of Contemporary Art de Los Angeles, le Museum of Modern Art de New York, le National Public Art Council de Stockholm et le Västerås Konstmuseum de Suède. Publications Mamma Hanna Martina: “ Text Paintings Photos” Mamma Andersson: “Memory Banks” Mamma Andersson & Jockum Nordström: “Who is sleeping on my pillow” David Zwirner: “25 Years” Landscape Painting “Now” Mamma Andersson https://www.davidzwirner.com/artists/mamma-andersson/biography PALAZZI 13VENEZIA
EDUCATION 1986-1993 Kungliga Konsthögskolan/Royal University College of Fine Arts, Stockholm SOLO EXHIBITIONS 2020 Mamma Andersson: The Lost Paradise, David Zwirner, New York 2018 Mamma Andersson: Memory Banks, Contemporary Arts Center, Cincinnati, Ohio [catalogue] 2017 Mamma Andersson, Stephen Friedman Gallery, London [catalogue] 2016 Mamma Andersson & Tal R: Svanesang, Galleri Bo Bjerggaard, Copenhagen and Galleri Magnus Karlsson, Stockholm [two-person and two-part exhibition] 2015 Mamma Andersson: Behind the Curtain, David Zwirner, New York 2013 Mamma Andersson: Gooseberry, Stephen Friedman Gallery, London 2012 Mamma Andersson: Dog Days, Galleri Magnus Karlsson, Stockholm 2011 Mamma Andersson: Dog Days, Museum Haus Esters, Krefeld, Germany [catalogue published in 2012] One Two: Mamma Andersson and Jockum Nordström, House of Sweden, Washington, D.C. [twoperson exhibition] 2010 Mamma Andersson, Aspen Art Museum, Colorado [catalogue] Who is sleeping on my pillow: Mamma Andersson & Jockum Nordström, David Zwirner, New York [catalogue] [two-person exhibition] 2009 Mamma Andersson: Three New Color Etchings, Crown Point Press, San Francisco [itinerary: Grafikens Hus, Mariefred, Sweden] https://www.davidzwirner.com
Photo Pennsylvania Academy of the Fine Arts,
our Constance Clayton, l’art a toujours été une histoire de mère et d’enfant. Cette éducatrice à la retraite se souvient d’avoir visité le Philadelphia Museum of Art (PMA) avec sa propre mère et d’avoir repéré une image saisissante de la mère de l’artiste (1897) d’un autre, celle d’Henry Ossawa Tanner. Dans ce portrait digne, le peintre afro-américain du XIXe siècle célèbre sa mère courageuse, qui a échappé à l’esclavage dans son enfance. “J’ai pris conscience de l’amour que Tanner ressentait clairement pour sa mère et j’ai imaginé l’amour qu’elle devait ressentir pour lui”, écrira plus tard Clayton à propos de l’œuvre, dans un catalogue d’exposition de la PMA. “Moi aussi, j’ai connu l’amour d’une mère. Ma mère, Williabell Clayton, m’a fait découvrir les arts”.
CONSTANCE ET WILLIABELL CLAYTON Le duo mère-fille qui a amassé un incroyable trésor d’art afro-américain
La mère célibataire de Clayton l’a emmenée dans des musées et a suscité une passion de toute une vie pour l’art afro-américain en particulier. Les deux femmes Clayton partageaient un foyer et un appétit de collectionneur, passant près de 50 ans à acheter des œuvres d’artistes noirs dans des ventes aux enchères, des galeries et des friperies. Parfois, elles achetaient directement aux peintres et aux sculpteurs. “Ma mère m’encourageait à faire tout ce que je voulais faire de ma vie, à condition que je le fasse bien”, a déclaré Clayton lors du décès de Williabell en 2004. Dans sa vie et par son exemple, Williabell a démontré que tout le monde pouvait vivre avec l’art et que la culture est une partie essentielle de l’éducation. L’année dernière, octogénaire, Constance Clayton, a mis à profit son amour hérité de l’art afro-américain en faisant don de deux eaux-fortes de Tanner à l’Académie des beaux-arts de Pennsylvanie (PAFA) dans le cadre d’un don de 78 œuvres d’art de la collection commune des femmes Clayton. Elle est maintenant exposée à la PAFA dans le cadre de “Awakened in You” - une exposition consacrée à la mémoire de Williabell, qui présente les œuvres de 42 artistes dont la vie s’étend du milieu du XIXe siècle à aujourd’hui. La liste des artistes comprend Charles White, Augusta Savage, Sam Gilliam, Laura Wheeler Waring, Jacob Lawrence, Romare Bearden et Barbara Chase-Riboud, entre autres. Les œuvres d’art sont principalement des peintures et des paysages figuratifs, avec quelques abstractions: des paysages de la Nouvelle-Angleterre d’Edward Bannister, une composition lyrique de Beauford Delaney, et une image folklorique d’une famille de quatre personnes de William Henry Johnson, par exemple.
CONSTANCE CLAYTON ET L’ART AFRO-AMERICAIN
Photo Courtesy of Pennsylvania Academy of the Fine Arts, Philadelphia.
resque tout un mur est rempli de portraits de jeunes Afro-Américains. “[Il y a] un véritable aspect familial dans la collection, un aspect générationnel dans la collection, une transmission de la passion et du respect de la voix noire”, a déclaré Brooke Anderson, directrice du musée de la PAFA et co-commissaire de l’exposition. “C’est quelque chose qui leur a apporté énormément de joie”. La vie professionnelle de Clayton n’était pas liée à l’art, malgré l’impressionnante collection d’art afro-américain qu’elle a rassemblée après la guerre civile. Son premier emploi a été celui de professeur de quatrième année à North Philly. Elle a ensuite occupé une série de postes de conception de classes d’études sociales et de culture afro-américaine, ainsi que de programmes d’éducation de la petite enfance. À la fin de sa carrière, en 1982, elle est nommée directrice de l’ensemble du district scolaire de Philadelphie (la première femme Afro-Américaine à occuper ce poste), responsable de l’éducation de plus de 200 000 enfants. “Les enfants passent avant tout”, a déclaré Mme Clayton lors de sa nomination. “Ils ont été la pièce maîtresse de ma vie et seront la pièce maîtresse de mon administration.” Son héritage comprend le lancement de programmes d’aide aux étudiants pauvres et sans abri, l’améliorPALAZZI 15 VENEZIA
ation de l’éducation sexuelle, le soutien aux étudiantes enceintes pour l’obtention de leur diplôme d’études secondaires et la tentative de déségrégation du district scolaire. Lorsqu’elle a pris sa retraite une décennie plus tard, l’engagement de Clayton à améliorer l’éducation s’est étendu à l’extérieur du campus. Elle a travaillé avec plusieurs institutions culturelles de Philadelphie, a déclaré Anderson, “pour s’assurer qu’il y avait des œuvres d’artistes afro-américains dans les galeries, sur les murs, dans les bibliothèques, dans nos sites culturels”. Au Philadelphia Museum of Art, le musée qu’elle a visité enfant avec sa mère, Clayton a fondé le Comité des collections afro-américaines en 2000 pour que davantage de jeunes puissent se voir refléter sur les murs de la galerie. Le comité a collecté des fonds pour les acquisitions et a organisé une exposition de grande envergure, “Represent : 200 Years of African American Art” (2015), présentant des œuvres de la collection du musée. L’influence de Clayton ne se limite pas non plus à sa ville natale de Philadelphie. En 2015, elle a confié à un conservateur du Schomburg Center for Research in Black Culture - une branche historique de la biblio- (suite page 16)
Photo Adrian Cubillas.
(suite de la page 15) thèque publique de New York ayant des liens avec le règne de la Renaissance de Harlem - le soin de sélectionner des pièces de ses murs pour une exposition spéciale, intitulée “A Labor of Love”. “Connie m’a gracieusement permis de venir chez elle et de choisir ce que je voulais dans sa collection”, se souvient Tammi Lawson, conservatrice de la division art et artefacts du Schomburg Center. “ [Elle] comble les lacunes dans les collections des grands musées qui cherchent maintenant à ajouter de la diversité en rassemblant des artistes afro-américains qui ne faisaient pas partie de leurs collections “, a ajouté Mme Lawson. Quelques années après que Clayton ait ouvert sa collection au Schomburg Center, elle a invité le directeur et le président du musée de la PAFA à venir chez elle et à choisir des œuvres pour embellir la collection de l’académie d’art. “Il s’agit d’une sélection. Elle comprend 78 œuvres d’art, mais nous n’avons pas dégagé ses murs”, a déclaré Anderson à propos des œuvres qui se trouvent maintenant à la PAFA. “Elle a toujours des œuvres d’art chez elle, et je suis sûr qu’elle en achètera encore, en fait.” Clayton a également prôné la diversité des conservateurs, en créant
une bourse Clayton Curatorial Fellowship en 2016 pour soutenir les jeunes professionnels de couleur dans l’exercice de leurs fonctions dans les musées. “Les gens me demandaient : “Qu’est-ce que cela ferait pour les enfants de voir un Afro-Américain comme conservateur ? Clayton l’a dit au Philadelphia Tribune. “Nous avons pensé qu’il était important pour nos enfants de voir quelqu’un qui leur ressemble et qui s’intéresse à l’art - et qui se rendrait compte qu’ils pourraient un jour faire la même chose et être le même genre de personne”. L’élargissement de la portée de ce que les enfants peuvent voir a été une caractéristique de la vie de Clayton, de son travail et de sa collection. En se débarrassant de la collection qu’elle et sa mère ont constituée, en faisant don d’œuvres d’art à des institutions publiques à vocation éducative, elle contribue activement à recréer l’expérience qu’elle a vécue lorsqu’elle a vu le portrait de la mère de Tanner. “J’espère que les visiteurs de notre ville en profiteront”, a déclaré Clayton à propos de son don à la PAFA. “Cela inspirera certainement les artistes en herbe à continuer à faire leur travail et c’est important pour moi.” Karen Chernick “How to Decide Where to Consign Your Art” “How Arthur Lewis Built a Dynamic Collection of Black Art” h t t p s : / / w w w. a r t s y. n e t / a r t i c l e / a r t s y - e d i t o rial-mother-daughter-duo-amassed-incredible-trove-african-american-art
Photo erwin wurm
ERWIN WURM près avoir étudié l’histoire de l’art, les langues et la littérature, Wurm approfondit sa connaissance en théorie de l’art à l’école d’art appliqué de Vienne dans les années
1980. S’inspirant des traditions de l’art conceptuel et de l’art minimal, les premiers travaux de Wurm sont une recherche sur la définition de la sculpture. Ils s’inscrivent dans cette filiation et développent une réflexion autour de notions comme « le volume, les trois dimensions, le rapport à l’espace, l’enveloppe ». En 1990 apparaissent les premières œuvres de Wurm. Dans ces Dust Sculptures3,4, de la poussière sur des socles et dans des vitrines vides. Ces vitrines vides reflétaient l’absence des objets. Quatre ans après, en 1993 une modification décisive apparaît dans son travail avec une nouvelle idée de remplissage de l’espace. Volume, poids, statique et forme étaient alors exposés de façon originale. Le mélange de ces éléments faisait apparaître le rapport du corps à l’intime. C’est après la mort de ses deux parents que Wurm donne à son travail un tour entièrement nouveau. Contrairement à l’art conceptuel, la dématérialisation de la sculpture ne conduit pas simplement à des textes et des phrases. Les paramètres de la sculpture n’étant plus respectés, il introduit par le biais de la photographie la notion de temps. PALAZZI 17 VENEZIA
Dans des espaces privés ou publics des personnages se retrouvaient dans des positions et des situations arrangées et souvent drôles avec ou sans objets. C’est ainsi qu’apparaissent les One Minute Sculptures en 1997 qui prennent la forme d’un protocole dessiné ou rédigé en termes laconiques invitant à prendre diverses postures comme « se tenir debout sur deux melons le plus longtemps possible, rester cinq minutes les pieds dans un seau avec un autre sur la tête, garder deux champignons fichés dans les narines ou se coucher sur des balles de tennis ». « J’avais gardé jusqu’alors, séparées par une paroi étanche, les problématiques de l’art et de la vie. C’est alors que j’ai brisé cette frontière. J’ai également donné une place et une valeur à ce que l’on rejette ou ce que l’on cache habituellement : le ridicule, l’échec. Le jeu possède à mon sens une grande force, un vrai pouvoir de subversion. L’humour et le jeu permettent vraiment de soulever beaucoup de questions, de faire passer beaucoup de choses sans se montrer blessant ou doctrinaire. » Les instructions très présentes dans les œuvres de Wurm, sont souvent directement retranscrites sur l’objet à utiliser, si bien (suit page 18)
Photo erwinwurm
(suit de la page 17) que l’utilisateur peut entrer en contact avec la sculpture. À partir de 1999, le travail de Wurm sort des musées et des galeries d’art pour investir la rue. En cette même année au Printemps de Cahors, il recrute par voie de presse des volontaires qui exécutent, sous sa direction, diverses facéties. Le résultat est enregistré par la photographie et présenté dans la ville sur des caissons publicitaires lumineux. Lors de la Biennale de Bienne en Suisse en 2000, il place un socle en pleine rue avec l’inscription “Be a dog for one minute”. Il présente ensuite, en 2001, “Instruction for Idleness”, indiquant photographies à l’appui comment être oisif , caricaturant l’image populaire de l’artiste rêveur. En 2002, Instructions on How to Be Politically Incorrect, indiquant photographies à l’appui comment « cracher dans la soupe du voisin à table, faire pipi sur le tapis du salon au beau milieu d’une réunion mondaine ou cacher une bombe dans son pantalon » Ses œuvres plus récentes interrogent la société de consommation mais aussi les apparences et la réalité qu’elles masquent, montrent des personnages difformes, des voitures ou des maisons boursouflées. Toutes rappellent de près ou de loin les premiers travaux de Wurm.
Mais celles- ci sont plus mystérieuses, jouent davantage avec les échelles et sont « remplies » de questions et peut-être de critiques. La recherche plastique semble avoir laissé la place à la recherche métaphysique. La Fat House (2003) filmée en vidéo s’interroge : «Suis-je de l’art parce que je suis grosse ? ». « Malgré une apparence de démocratie, déclare l’artiste, nous vivons sous une forme de dictature économique de plus en plus forte. Les inégalités se creusent et nous vivons les uns les autres dans des réalités de plus en plus éloignées. Mon travail est très lié à ce constat. J’ai été élevé dans les années 1960-1970 et le monde d’aujourd’hui est de plus en plus dominé par l’argent, que ce soit le monde du travail, celui de la mode ou même de l’art... J’en fais partie et par conséquent je pose des questions.» L’œuvre de Wurm s’inscrit dans la transformation des objets banals en sculptures ayant une apparence absurde. La création d’une œuvre est alors pour Wurm une procédure d’émancipation : c’est libérer les objets de leur contexte familier et leur donner un sens hors de commun. C’est aussi un processus de remise en question des objets du quotidien. Son travail conserve l’inspiration majeure de ce mouvement, qui nous sollicite à explorer l’« art » dans le déroulement du quotidien et dans les conditions de l’existence singulière de l’objet banal. Wikipedia
Photo gtazurich
a recherche pour l’exposition a été motivée par la prise de conscience que le “shopping” est historique - qu’il ne s’agit pas simplement d’une pratique qui peut être historisée (pour quelle pratique ne le peut pas ?), mais que les pratiques physiques, commerciales et sociales qui ont convergé pour en faire un domaine unifié se sont maintenant séparées, peut-être de façon irréversible. Nous connaissons tous les prédictions concernant la disparition de l’arcade urbaine au profit du centre commercial de banlieue au XXe siècle, et du flaneur dans le sillage de l’automobile. Plus récemment, cependant, nous nous trouvons dans les affres d’un changement encore plus radical. Alors que le gros des achats se fait en ligne, la “Bahnhofstrasse”, la “High Street” anglaise et la “Main Street” des petites villes américaines entrent dans ce que l’on pourrait appeler une phase terminale. L’exposition “Retail Apocalypse” étudie l’histoire de l’architecture commerciale. Elle fait appel à la thèse de Frederic Jameson selon laquelle le postmodernisme n’est rien d’autre que la logique culturelle du capitalisme tardif. Elle explore comment le début des années 1970 a marqué une nouvelle ère dans laquelle la culture s’est intégrée à la production de marchandises en général. L’exposition se penche sur “Le Bon Marché” tel que le décrivait Félix Vallotton à la fin du XIXe siècle, sur la publication de Friedrich Kiesler “Contemporary Art
Due to current developments regarding the spread of the coronavirus, the exhibition has to close prematurely En raison des développements actuels concernant la propagation du coronavirus, l’exposition doit fermer prématurément
ETH Zurich
Institute for the History and Theory of Architecture
Stefano-Franscini-Platz 5 8093 Zurich Switzerland
HIL D 62.1 +41 (0) 44 633 28 97 (secretarial office) https://www.gta.arch.ethz.ch
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Applied to the Store and Its Display” de 1930, sur l’exposition oblique de Gae Aulenti pour Fiat à Zurich ou sur les magasins SITE pour Best, autant d’exemples de l’ère postmoderne. Le shopping est devenu, comme l’a soutenu Rem Koolhaas dans le Harvard Guide to Shopping, la dernière forme d’activité publique qui subsiste. Cette étude fondamentale a été publiée il y a près de deux décennies et, entre-temps, le shopping a connu des changements encore plus radicaux. Au XXe siècle, le shopping a été un catalyseur majeur dans l’aménagement des villes. Mais quel est le rôle du shopping dans les villes d’aujourd’hui ? Pour être polémique, on pourrait commencer par le “dead mall” (le centre commercial en faillite ou le magasin à grande surface) d’une part, et le “flagship store” d’autre part. Quelle est la valeur du fait matériel brut du dead mall pour les architectes contemporains ? Quel potentiel offre la condition d’inutilité ? L’obsolescence du centre commercial, impitoyablement définie par son programme, offre des degrés de liberté à l’architecture qui ressemblent à une sorte d’autonomie, voire la constituent. En revanche, les “magasins phares” restent vitaux, mais pas nécessairement pour le shopping en tant que tel. (suit p 20)
(suit de la page 19) Ils servent de marque pour les produits de luxe. Leur fonction sémiotique en tant que signifiants alimente une différenciation toujours plus grande, même s’ils contribuent à une sorte de culture générique de la richesse mondiale. Nombre des architectes les plus renommés d’aujourd’hui ont investi leur expertise architecturale dans le commerce de détail. Pensez aux liens entre Herzog & de Meuron et Rem Koolhaas et Prada, aux nombreuses boutiques de luxe de David Chipperfield, aux défilés de Smiljan Radić pour Céline ou à son récent design pour Alexander McQueen, et au centre commercial de luxe de David Adjaye à Beyrouth, pour n’en citer que quelques-uns. À plus petite échelle, les beaux-arts font une percée dans l’architecture des magasins, notamment avec des formes d’affichage. Franco Albini et Franca Helg ainsi que Carlo Scarpa ont appliqué ce qu’ils avaient appris dans ces deux domaines dans leurs commandes pour Olivetti, et ont été des pionniers dans l’établissement d’une histoire de collaboration dans la conception de magasins entre artistes, architectes et designers. Un autre exemple impressionnant, bien que peu connu, est celui des
cent et quelques intérieurs de Dominique Gonzalez Foerster pour Balenciaga - une sorte d’œuvre cachée de l’artiste. Les pratiques contemporaines organisées en collectifs ou en marques, telles que Telfar ou Hood By Air, utilisent le domaine commercial et surtout la mode comme un espace de discours politique en dehors de l’institution artistique, où elles abordent et remettent en question les notions de genre, de classe et de valeur. Étant donné la commercialisation croissante de l’espace institutionnel, l’espace réel de vente au détail promet un potentiel de subversion “The Store of Claes Oldenburg” de Turtevant en 1967 sert de modèle historique pour cette forme de pratique dans l’exposition. L’exposition réfléchira à la question de savoir comment la valeur de la surface architecturale ou du langage est déterminée. La forme architecturale fait partie d’une réalité économique et elle crée une plus-value. L’expression artistique - la surface essentiellement n’est donc certainement pas commercialement innocente, comme le démontrent les applications dans le commerce de détail. L’architecture s’avère être un moteur de séduction qui vise à stimuler la consommation et à faire avancer la logique du capital. Plusieurs écrivains qui ont abordé la relation entre l’architecture et la valeur forment un pendant littéraire à l’exposition : Le roman de JG Ballard, “Kingdom Come on violence and consumerism” ; les enquêtes de Natasha Stagg, dans lesquelles la protagoniste quitte son travail au centre commercial pour devenir un influenceur numérique ; ou encore l’étude de Janina Gosseye et Tom Avermaete sur l’influence du centre commercial sur la haute culture et la culture pop. Sous la direction de Fredi Fischli et Niels Olsen (ETH Zurich) en collaboration avec Mark Lee (Harvard University Graduate School of Design)
L’Institut pour l’Histoire et la Théorie de l’Architecture qui, depuis sa fondation en 1967, est connu sous le nom de “GTA”, propose un large éventail de cours, allant des conférences axées sur l’information pour les programmes de licence et de master à des cours optionnels spécialisés et à des travaux ciblés, à la discipline intégrée de l’enseignement de la conception et à la supervision orientée vers les problèmes des examens jusqu’aux thèses de doctorat. https://www.gta.arch.ethz.ch/about
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Photo vitra design museum
itra/Vitra Campus/Vitra Design Museum Le Vitra Design Museum se consacre à l’étude et à la présentation des évolutions historiques et contemporaines du design, les mettant en corrélation avec l’architecture, l’art et la culture quotidienne. Chaque année, le Vitra Design Museum organise jusqu’à dix expositions sur une grande diversité de thèmes concernant le design et l’architecture, qui sont présentées dans le bâtiment principal de Frank Gehry, dans le Schaudepot de Herzog & de Meuron et dans d’autres lieux sur le Vitra Campus. De nombreuses expositions du musée sont itinérantes et présentées dans des musées partenaires à travers le monde entier. Le travail du Vitra Design Museum est basé sur sa collection unique de mobilier, de luminaires et de design d’intérieur. WWW.DESIGN-MUSEUM.
Home Stories 100 years 20 Visionary Interiors jusqu’au 23 AOUT 2020 Vitra Design Museum Charles-Eames-Straße 2
79576 Weil am Rhein Allemagne T+49 7621 7023200 https://www.vitra.com/fr/ campus/vitra-designmuseum
os maisons sont l’expression de notre mode de vie, elles façonnent notre routine quotidienne et affectent fondamentalement notre bien-être. Avec la grande exposition “Histoires de maison : 100 ans, 20 intérieurs visionnaires”, le Vitra Design Museum entend rouvrir la conversation sur l’intérieur privé contemporain et son évolution. Dans un récit captivant qui entraîne les visiteurs dans le passé, l’exposition mettra en lumière les changements sociétaux, politiques, urbains et techniques importants qui ont façonné la conception et l’utilisation de l’intérieur occidental au cours des 100 dernières années. Des problèmes actuels du domaine domestique - tels que l’utilisation efficace de l’espace urbain en déclin à l’effacement des frontières entre travail et vie privée - le voyage inclut notre fascination pour les lofts dans les années 1970, le passage de l’habitat formel à l’habitat informel dans les années 1960, l’essor des appareils électroménagers dans les années 1950 et l’introduction de l’aménagement des espaces ouverts dans les années 1920. L’exposition est organisée autour de 20 intérieurs emblématiques d’architectes tels qu’Adolf Loos, Finn Juhl, Lina Bo Bardi et Assemble, d’artistes comme Andy Warhol ou Cecil Beaton, ainsi que de la décoratrice d’intérieur Elsie de Wolfe. Aujourd’hui, la conception d’intérieurs pour la maison soutient une économie mondiale géante de meubles, de textiles, de décoration et d’accessoires de style de vie. Les tendances passées et présentes du monde de la décoration intérieure alimentent toute une branche des médias, notamment les magazines, les programmes de télévision, les blogs et les chaînes de médias sociaux. Cependant, alors que la question du logement est devenue le sujet de débats publics animés, on constate que l’intérieur domestique manque de plus en plus de discours sérieux. Il est temps de revoir l’aménagement intérieur de nos maisons. Vitra/Vitra Campus/Vitra Design Museum
Photo casati gallery
LINA BO BARDI ina Bo Bardi, née Achillina Bo le 5 décembre 1914 à Rome, et morte le 20 mars 1992 à São Paulo, est considérée comme une architecte brésilienne majeure du Mouvement Moderne. En associant au rationalisme du Mouvement Moderne la plasticité de l’art vernaculaire sud-américain, elle privilégia une architecture de la spontanéité, empreinte d’un profond sentiment social. Une architecture conçue comme un organisme adapté à la vie, qui associe l’usage quotidien et l’énergie de ses habitants. Elle utilisa le terme de substances au lieu de matériaux pour exprimer la composition de son architecture. Ces substances sont l’air, la lumière, la nature et l’art. Après des études à la Faculté d’Architecture de l’Université de Rome, elle commença sa carrière au sein de l’agence de Gio Ponti à Milan, éditeur de la revue Domus. Elle fut rédactrice de la revue jusqu’à ce que celle-ci ne soit interdite en 1944 pour des motifs politiques. Sympathisante du Parti Communiste Italien, comme beaucoup d’intellectuels de l’époque, elle recensa après-guerre les destructions en Italie et s’impliqua dans le Congrès National pour la Reconstruction. Elle participa également à la fondation, aux côtés de Bruno Zevi, de l’hebdomadaire A Cultura della Vita. Après leur mariage en 1946, Lina Bo et Pietro Maria Bardi s’embarquèrent pour le Brésil, un pays neuf qui les attira par ses perspectives de prospérité et la vitalité de sa scène architecturale. Cette situation était à l’opposé d’une Europe exsangue qui
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cherchait à se reconstruire après le second conflit mondial. Ils embarquèrent à Gênes sur l’Almirante Jaceguay, emportant avec eux, dans la cale spécialement louée, la collection et le stock d’œuvres d’art de Pietro Bardi ainsi que sa vaste bibliothèque. C’est lors de l’exposition de ces pièces, « Exposition de peinture moderne Italienne » que le couple rencontra Oscar Niemeyer, Lucio Costa et Assis Chateaubriand, riche propriétaire d’un groupe de presse qui rêvait de construire un musée. De 1947 à 1996, Bardi a été le conservateur du MASP à Sao Paulo (Musée d’Art de São Paulo) conçu et dessiné par Lina Bo Bardi et qui est devenu le plus novateur et le plus important musée d’art moderne d’Amérique latine. Lina prit la nationalité brésilienne en 1951. La même année, elle termina la Maison de verre - sa propre habitation- dans les nouveaux quartiers du parc de Morumbi. Elle devint célèbre par l’ampleur et la fluidité des espaces créés. En 1957, dans une conférence à Bahia, Lina Bo Bardi affirme que les intellectuels doivent être à la source d’un nouvel humanisme, en utilisant les machines pour créer de la poésie. Pour Lina il n’y a pas de distinction en art populaire, qu’elle collectionne et qui la fascine, et art des élites. . Au-delà de son travail d’architecte, ses productions touchent le mobilier, les bijoux, la scène et la mode.
a Fondation Custodia compte parmi ses vocations celle de faire découvrir au public français l’œuvre d’artistes contemporains. Au printemps 2020, elle présente, dans deux expositions distinctes, les créations graphiques d’Anna Metz et de Siemen Dijkstra qui consacrèrent leur carrière à explorer les possibilités offertes par la technique de l’estampe. L’exposition d’Anna Metz (née à Rotterdam en 1939) retrace l’ensemble de son œuvre, de ses premières gravures dans les années soixante aux eaux-fortes polychromes de paysages arborés qu’elle a réalisées l’été dernier après un séjour en Espagne. La présentation s’intéresse plus particulièrement à son travail des vingt-cinq dernières années, car l’artiste a connu une évolution tardive. Devant subvenir financièrement aux besoins d’une famille de trois enfants, Metz n’a véritablement trouvé sa voie que dans les années 1990, après l’âge de 50 ans. Quand ses enfants ont pris leur indépendance, elle a pu expérimenter davantage la technique de l’eau-forte. Son œuvre est alors devenu plus graphique qu’autobiographique. Anna Metz explore l’eau-forte d’une manière remarquablement libre et peu ortho-
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doxe, qui rappelle l’approche de son modèle Hercules Segers au XVIIe siècle. Elle peut laisser volontairement l’acide mordre une plaque de métal jusqu’à sa rupture. En outre, elle ajoute des bouts de papier, de textile et de feuille d’aluminium sur ses matrices, cherchant à obtenir des impressions uniques. De ce fait, les différences au sein d’un même tirage sont parfois telles qu’on ne saurait deviner que les épreuves proviennent d’une même plaque. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, Anna Metz imprime des « tirages d’exemplaires uniques ». Ce qui au départ est un paysage ou une nature morte suit bien vite son propre chemin lors de l’impression, se transformant en un ensemble délicat de formes, de couleurs et de textures. Anna Metz aime que le hasard s’en mêle. Mais bien sûr, c’est elle qui choisit quels éléments accidentels garder ou supprimer. Ceux qu’elle conserve dans son œuvre, elle les « met en scène ». Et curieusement, après toutes les étapes de morsure et d’impression, après toutes les expérimentations et les mises en scène du hasard, la plupart des eaux-fortes évoquent encore (ou à nouveau) le paysage ou la nature morte qui a poussé Anna Metz à se lancer. « Je pense qu’il faut être pleinement imprégné d’un sujet pour pouvoir s’en détacher, dit-elle. Toutefois, je ne mets pas vraiment en scène ce que j’ai prévu, mais plutôt les possibilités que m’offre l’image. Ce peut être plus vaste que mon idée de départ.»
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STUDI&SCHIZZI
’est à Florence, au XVe siècle, que les premiers traités artistiques virent le jour. Dès le siècle suivant, les théoriciens tels que Giorgio Vasari (1511 – 1574) affirmèrent la primauté du dessin, essentiel dans le processus de création, autant que dans la formation des artistes. En italien, disegno désignait aussi bien le projet intellectuel d’une œuvre (dessein) que son exécution formelle (dessin). Federico Zuccari (v. 1540 – 1609) distinguait ainsi le disegno interno, image mentale, et le disegno esterno, image matérialisée. La représentation de la figure humaine fut une préoccupation majeure de la Renaissance et fit l’objet d’un intérêt constant dans l’art italien au cours des siècles. Cherchant à atteindre une narration idéale dans une image qui, par nature, est immobile, les peintres s’attachèrent à représenter des personnages dans des proportions et des attitudes éloquentes. Transcription la plus immédiate et spontanée de l’inspiration des artistes, le dessin leur permettait d’explorer différentes solutions formelles. Du premier geste des esquisses – schizzi – rapidement tracées sur le papier, aux études – studi – plus soignées, les dessins sont de précieux témoignages du cheminement de l’esprit de l’artiste. En 1962, Frits Lugt présentait l’acte de dessiner comme une « confession involontaire », par laquelle nous surprenons le peintre dans ses réflexions. « On partage ses pensées, on se heurte avec lui aux difficultés, on admire la manière dont il parvient à les vaincre. »
voir la video de l’expo https://www.fondationcustodia.fr/Studi-Schizzi-155
PALAZZI 25 VENEZIA
Comment définir la position des modèles et les liens qui les unissent ? Comment disposer ces figures dans un espace correspondant à celui de l’œuvre future ? Comment traduire les effets d’ombre et de lumière sur les corps ? Grâce aux œuvres issues des collections de la Fondation Custodia, l’exposition invite à observer les dessins, y déceler les indices révélateurs des recherches et des intentions des maîtres italiens. La figure humaine a toujours occupé une position privilégiée dans l’esprit des artistes. À la Renaissance, quand l’Humanisme plaça l’homme au centre du monde, sa représentation devint un enjeu majeur de la création artistique. Les artistes cherchèrent à comprendre la façon dont un corps se meut et agit, pour donner aux personnages de leurs œuvres un caractère plus réaliste et éloquent. Les traités et les académies artistiques qui se développaient en Italie au XVIe siècle prônèrent l’étude des figures d’après nature, c’est-à-dire basée sur l’observation d’un modèle vivant, qui devint une pratique centrale au sein des ateliers. Dessiner chaque figure de manière particulière constituait aussi bien l’une des étapes préliminaires à la réalisation d’une peinture qu’un exercice pour entraîner l’œil et la main. (suit à la page 26)
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(segue de la page 25) Les pentimenti (repentirs), le dédoublement des lignes, les reprises et les variations de tout ou partie d’un corps, juxtaposées sur un même support ou répétées d’une feuille à l’autre, sont autant de signes montrant le dessinateur qui s’évertue à perfectionner l’anatomie et à expérimenter l’expressivité d’une attitude ou d’un mouvement. Esquisse (s) : sont ainsi appelés par les peintres les très légers tracés de plumes ou de crayons avec lesquels ils évoquent leurs concepts sans en perfectionner les parties ; ce qu’ils appellent esquisser Étude (s) : terme des peintres et des sculpteurs par lequel ils désignent tous les dessins ou modèles tirés de la nature, avec lesquels ils se préparent à faire leurs œuvres ; car par l’intermédiaire de ce qu’ils appellent études, ils parviennent à déterminer et à perfectionner l’Idée de ce qu’ils veulent, avec le pinceau ou le ciseau, représenter en peinture ou en sculpture Filippo Baldinucci, Vocabolario Toscano dell’Arte del Disegno, Florence, 1681 Voir le catalogue en ligne! Vous y trouverez les photos des dessins, de courtes notices et des liens vers notre Collection Online pour des informations par exemple sur la provenance des oeuvres. https://www.fondationcustodia.fr/Studi-Schizzi-155
iemen Dijkstra (Den Helder, 1968) vit et travaille dans le village de Dwingeloo, dans la Drenthe aux Pays-Bas, où il réalise de spectaculaires gravures sur bois en couleurs. Ce sont des estampes en fisheye, saturées de plantes et de branches, de vaguelettes et d’herbe. Mais à côté de tous ces détails, Dijkstra ne perd jamais de vue l’image globale : la lumière perçant à travers la végétation, les couleurs qui s’harmonisent, l’atmosphère légèrement brumeuse au loin. Le procédé de gravure à bois perdu qu’il utilise implique que chaque aplat de couleur est taillé individuellement dans une matrice de bois unique, et imprimé successivement sur le papier. Avec ses grands tirages qui se composent parfois de 10 à 18 couches de couleurs, l’artiste évoque, depuis son atelier, un monde extérieur éloquent. « Ce que j’aimerais vraiment, c’est de pouvoir rendre les odeurs de l’extérieur », dit-il. Ses gravures sentent bien sûr l’encre d’imprimerie, mais avec les formes creusées et les couleurs imprimées, il sait suggérer de façon magistrale la lumière et le ciel, la terre et la verdure. Dans les sept salles d’exposition qui lui sont consacrées à la Fondation Custodia, outre une sélection des meilleures gravures sur bois en couleurs de Dijkstra, datant de ces vingt-cinq dernières années, le visiteur peut admirer un nombre important de dessins, gouaches et aquarelles de la main de l’artiste.
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SIEMEN DIJKSTRA Le travail de Dijkstra repose sur son sens aigu de l’histoire du paysage qu’il représente. Selon lui, les organisations de protection de la nature se fourvoient en voulant créer un paysage idéalisé : celui de la Drenthe est unique parce que les landes et les tourbières authentiques jouxtent les terres agricoles et boisées du vingtième siècle — qui sont devenues à présent, elles aussi, un genre de nature. Siemen Dijkstra illustre cette diversité. « Mon travail est sous-tendu par mon amour de la nature et du paysage », explique-t-il. Le paysage de la Drenthe est le principal sujet de Dijkstra, mais à Paris, sont montrées également des représentations d’autres paysages néerlandais, ainsi que des dessins et estampes qu’il a réalisés pendant (ou suite à) des voyages à travers la Scandinavie, l’Inde et la France. Au centre de l’exposition, en guise d’intermezzo, se trouvent des dessins d’animaux, car outre des paysages, l’artiste a toujours dessiné des animaux morts : des oiseaux qui se sont tués en se cognant contre une fenêtre ou un pare-brise, des souris et des rats attrapés par un chat, des belettes, des taupes, des hérissons et, plus rarement, une fouine ou un écureuil. Dès son plus jeune âge, il a accompagné son père, archéologue amateur, dans des expéditions à la recherche d’outils archéologiques en pierre. Ce qui a commencé comme des expéditions passionnantes s’est transformé plus tard en une source d’inspiration dans sa vie d’artiste. Au début, ce monde de découvertes était visible dans ses
voir les vidèos https://youtu.be/ KOhkcgcHc5Y https://youtu.be/ Pz0QK9-kuN8 https://youtu.be/ yo9g_yf9aQQ
PALAZZI 27 VENEZIA
dessins et ses aquarelles, plus tard il est apparu dans ses gravures sur bois en couleur. La grande qualité de ces gravures sur bois l’a fait connaître à un large public peu après la fin de sa formation. Entre 1986 et 1991, Dijkstra a suivi une formation d’artiste à l’Académie des Beaux-Arts Minerva de Groningue. Dijkstra s’inspire non seulement de son propre environnement dans la Drenthe, mais aussi des paysages de Scandinavie. La mer Baltique danoise et la mer de Barents norvégienne, par exemple, sont des paysages anciens dans lesquels Siemen Dijkstra se sent chez lui. Ses exemples sont, entre autres, les peintres danois Johannes Larsen (1867-1961) et Vilhelm Hammershøi (1864-1916). . Dans certains endroits, le “genius loci”, l’esprit du lieu, est une grande source d’inspiration pour l’artiste. Son travail est une recherche du genius loci, et en fait une recherche de l’essence du paysage, sans restriction de l’aspect du temps. Il souhaite pénétrer dans le monde invisible et métaphysique du lieu qui suscite cette émotion. Il s’agit toujours de lieux dans lesquels l’activité humaine s’est déroulée au cours des siècles, tels que des routes anciennes ou des sites funéraires (préhistoriques) à caractère presque sacré. www.fondationcustodia.fr/
Photo musée condé
LA JOCONDE NUE ?
Photo archide
a Joconde nue ou Monna Vanna, «double dénudé» de La Joconde, parfois qualifiée de «double érotique », est un dessin au charbon de bois avec rehauts de blanc sur une double feuille encollée de 72 × 54 cm. Elle est conservée au musée Condé, dans le château de Chantilly dans l’Oise. L’attribution du dessin à l’entourage de Léonard de Vinci se fonde à l’origine sur le témoignage d’Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d’Aragon. Selon lui, le peintre aurait présenté au prélat napolitain, lors d’une visite au château du Clos Lucé le 10 octobre 1517, une peinture représentant « une certaine dame florentine faite au naturel sur les instances de feu le Magnifique Julien de Médicis ». Cette représentation remonterait alors aux années 1513-1516, alors que Léonard travaillait au service de Julien à Rome. Le dessin serait directement inspiré de ce tableau aujourd’hui disparu. Ce même tableau aurait inspiré La Fornarina à Raphaël, peu de temps plus tard. Cette hypothèse peut être remise en cause si on voit dans le tableau évoqué par Antonio de Beatis plutôt La Joconde du Louvre : ce dernier représente bien une florentine, il pourrait avoir été achevé à la demande de Julien de Médicis et l’expression « au naturel » peut tout aussi bien désigner un portrait habillé.
a seconde source plus précise permettant d’attribuer le dessin à l’entourage de Léonard vient de son élève Salai: un inventaire après décès de ce dernier daté du 21 avril 1525 mentionne une image représentant une Joconde à moitié nue. La somme estimée de cette œuvre est très importante ce qui a fait penser un temps qu’il s’agissait d’un original de Léonard de Vinci. Cependant, les œuvres du maître en possession de son élève sont probablement acquises par François Ier dès 1518, alors que le duché de Milan est en possession du roi de France. Par ailleurs, aucune liste précise des œuvres achetées par le roi n’est connue et aucun inventaire royal par la suite ne fait mention d’une Joconde nue. Sa présence a été présumée par des œuvres qui auraient pu en être inspirées, telles que le portrait de Joos van Cleve ou La Dame au bain de François Clouet. Mais ces derniers ont très bien pu avoir accès à d’autres copies anciennes2. Ce très grand nombre de copies anciennes, qui prouvent le succès du modèle et la mention dans l’inventaire de Salai incitent à penser selon les historiens de l’art que Léonard a bien été l’auteur d’une Joconde nue, peut-être entre 1513 et 1516 et que le dessin pourrait en être une copie3. L’œuvre est acquise par Henri d’Orléans, duc d’Aumale en 1862, pour la somme, déjà très élevée à l’époque, de 7 000 francs auprès de M. Thibaud. Ce dernier l’avait acquis à Rome une quinzaine d’année auparavant.
Photo wikipedia
Le duc pense alors acheter un dessin original de Léonard de Vinci, préparatoire à une peinture aujourd’hui conservée au Musée de l’Ermitage et considérée elle-aussi à l’époque comme un original du maître. Le dessin est légué avec l’ensemble de la collection du duc à l’Institut de France qui ouvre le musée Condé en 1897 au sein du château de Chantilly. Dès la fin du xixe siècle, les historiens de l’art ne voient plus dans le dessin et la peinture la main de Léonard et préfèrent y voir des copies. Le dessin présente de nombreuses similitudes avec la Joconde du Louvre comme les traits du visage, la position de trois-quarts et les mains croisées. Il reproduit aussi le tableau dans ses proportions originales. Il présente plusieurs traces de repentirs qui font qu’il ne s’agit pas d’une simple copie : ils sont visibles dans l’index et le majeur de la main droite, repentirs identiques à ceux de la Joconde. Il présente des traces de piquage utilisé pour le report d’un dessin. Il pourrait s’agir de la copie d’un tableau alors inachevé au sein d’un atelier. Il copie en effet le bras droit sous le drapé qui n’est normalement pas visible sur une version peinte définitive. La qualité des modelés incitent à penser que le maître est intervenu directement sur ce dessin. Il a subi cependant des dommages qui réduisent sa qualité : outre des taches d’humidité et des traces d’usure, des interventions postérieurs ont accentué certains traits et son fond a été entièrement recouvert toujours a posteriori
voire la vidéo Musée du Condé Chantilly https://youtu.be/ o98uVDO0hGU
PALAZZI 29 VENEZIA
d’une gouache grisâtre. Le dessin est un portrait mais possède des traits beaucoup plus idéalisés que ceux de la Joconde du Louvre et la coiffure représentée incite aussi à cette idéalisation. Afin de résoudre l’énigme de l’attribution, le dessin se trouve depuis début septembre 2017 au Centre de recherche et de restauration des musées de France, où il est soumis à des analyses complètes de réflectographie infrarouge, lumière rasante, radiographie, fluorescence X. La datation par le carbone 14 semble attester que le dessin a été réalisé entre 1485 et 16384. Répliques et copies Il existe une vingtaine de versions datant du xvie siècle, dont celle de Salai, élève de Léonard4. Ces copies peuvent être classées en deux catégories : la première représente le buste aux trois-quarts, comme la Joconde du Louvre, et la seconde le présente presque de face. C’est cette dernière version qui est le plus souvent représentée dans les copies françaises ou nordiques. Bibliographie Deldicque, Delieuvin, Kazerouni, La Joconde nue, In Fine Editions D’art, 2019 Lanfranc de Panthou, Peronnet, Dessins italiens du Musée Condé à Chantilly. I, éd. RMN, Laclotte et Volle (dir.), Fra Angelico, Botticelli... chefs-d’œuvre retrouvés, Cercles d’art - domaine de Chantilly, 2014,
Photo Wikipedia
n 2020, le musée Jacquemart-André présente une rétrospective de Joseph Mallord William Turner (1775-1851). Incontestablement le plus grand représentant de l’âge d’or de l’aquarelle anglaise, il en exploita les effets de lumière et de transparence sur les paysages anglais ou les lagunes vénitiennes. Cette exposition révèle le rôle qu’ont joué les aquarelles dans la vie et l’art de Turner, des oeuvres de jeunesse qu’il envoya à la Royal Academy aux fascinantes expérimentations lumineuses et colorées de sa maturité. Pour un public moderne, ces dernières comptent parmi ses oeuvres les plus radicales et accomplies. Grâce aux prêts exceptionnels de la Tate Britain de Londres, qui abrite la plus grande collection de Turner au monde, le musée Jacquemart-André accueille une exposition de 60 aquarelles et quelque 10 peintures à l’huile, dont certaines n’ont jamais été présentées en France.
Joseph Mallord William Turner
peintures et aquarelles Collections de la Tate
Du 13 mars au 20 juillet 2020 Exposition organisée en collaboration avec la Tate, Royaume-Uni
Musée Jacquemart-André 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris Tél : 01 45 62 11 59 http://bit.ly/turner-tate
Outre ses oeuvres achevées destinées à la vente, Turner conservait pour lui-même un fonds considérable d’oeuvres, laissé à sa mort dans sa maison et dans son atelier. Avec leur caractère propre, ces esquisses, plus expressives et expérimentales, sont certainement plus proches de sa vraie nature que celles peintes pour le public. Au total, après la mort de l’artiste, la nation britannique en 1856 reçoit un legs immense comprenant une centaine de peintures à l’huile, des études inachevées et des ébauches, ainsi que des milliers d’oeuvres sur papier : aquarelles, dessins et carnets de croquis. L’écrivain John Ruskin, l’un des premiers à avoir étudié l’ensemble de ce legs, observa que Turner avait réalisé la plupart de ces oeuvres « pour son propre plaisir ». Aujourd’hui conservé à la Tate Britain, ce fonds révèle toute la modernité de ce grand peintre romantique. L’exposition dévoile une partie de ce fonds intime qui offre des points de vue uniques sur l’esprit, l’imagination et la pratique privée de Turner. Cette monographie évoque le jeune Turner, issu d’un milieu modeste. D’abord autodidacte, il travaille chez un architecte, prend des cours de perspective et de topographie, puis entre à l’école de la Royal Academy à l’âge de quatorze ans. Insatiable voyageur, il s’affranchit progressivement des conventions du genre pictural et met au point sa propre technique. Un parcours chronologique permet de suivre pas à pas son évolution artistique : de ses oeuvres de jeunesse d’un certain réalisme topographique aux oeuvres de sa maturité, plus radicales et accomplies, fascinantes expérimentations lumineuses et colorées. Associées ici à quelques aquarelles achevées et peintures à l’huile pour illustrer leur influence sur la production publique de Turner, ces oeuvres très personnelles demeurent aussi fraîches et spontanées que lorsqu’elles sont nées sur le papier. https://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/turner
Photowikipedia St John’s Church, Margate
oseph Mallord William Turner, plus connu sous le nom de William Turner ou de ses initiales J. M. W. Turner (1775-1851), est un peintre, aquarelliste et graveur britannique. Initialement de la veine romantique anglaise, son œuvre est marquée par une recherche novatrice audacieuse qui le fait considérer, avec son contemporain John Constable, comme un précurseur de l’impressionnisme. Renommé pour ses huiles, Turner est également un des plus grands maîtres anglais de paysages à l’aquarelle. Il y gagnera le surnom de « peintre de la lumière ». La plus grande partie des œuvres de Turner est conservée à la Tate Britain. William Turner serait né le 23 avril 1775, la date précise reste inconnue. Lui-même revendique cette date qui est le jour de la fête de saint Georges et l’anniversaire supposé de William Shakespeare, mais cette affirmation n’a jamais pu être vérifiée. Son testament indique aussi le souhait qu’à cette date un dîner commémoratif soit donné à la Royal Academy. La première date dont les historiens sont sûrs est donc son baptême le 14 mai 1775 à l’église Saint-Paul dans PALAZZI 31 VENEZIA
le quartier de Covent Garden à Londres. Il est né au 21 Maiden Lane à Covent Garden7 et ses trois prénoms sont ceux de son oncle maternel. William Turner est le fils d’un barbier-perruquier8, William Gay Turner (1745-1829), qui a sa boutique près de l’église Saint-Paul, au rez-dechaussée de sa maison au n° 21 d’une sombre venelle appelée Maiden Lane6. Sa mère, Mary Marshall, est issue d’une famille de bouchers. Neurasthénique, elle perd progressivement la raison et entre en 1799 au St Luke’s Hospital for Lunatics, puis au Bethlem Royal Hospital l’année suivante. Elle y meurt en 1849. L’une des raisons de sa folie est probablement le décès de la jeune sœur de William, Mary Ann, née en septembre 1778 et morte en août 1784 avant ses six ans10. Si les relations avec sa mère sont difficiles, il semble que malgré ce contexte, l’enfance de Turner est décrite comme « chaleureuse ». Il observe les bateaux qui accostent sur la Tamise, et côtoie les nombreux artistes qui vivent dans le quartier populaire de Covent Garden. Parce qu’on lui suppose une santé fragile dans la famille à la suite du décès de sa sœur Mary Anne, et parce que la maladie de sa mère (suite page 32)
Photo wikipedia Palais de l’Archevéque
(suite de la page 31) s’aggrave, le jeune Turner est envoyé à ses dix ans en 1785 chez un de ses oncles maternels à Brentford, petite ville sur les rives de la Tamise, dans le Middlesex, à l’ouest de Londres. Il y va à l’école. C’est probablement à Brentford que son intérêt pour le dessin et la peinture s’éveille. L’exercice artistique connu le plus ancien de Turner est de cette époque ; il s’agit d’une série de coloriages simples de gravures issues du livre Picturesque View of the Antiquities of England and Wales d’Henry Boswell. L’année suivante, en 1786, il suit son oncle et est envoyé à Margate, dans le Kent, à l’estuaire de la Tamise. Il y est également scolarisé. À partir de cette époque, il commence à produire des dessins que son père expose à la vitrine de son commerce et vend pour quelques shillings. C’est aussi à partir de ce moment qu’il signe ses œuvres. À Margate, il produit une série de dessins de la ville et de la zone environnante préfigurant son travail plus tardif. En 1789, Turner habite de nouveau chez son oncle, lequel a pris sa retraite à Sunningwell, à l’époque dans le Berkshire. Un carnet de croquis de cette période ainsi qu’une aquarelle d’Oxford attestent de sa poursuite artistique.
L’utilisation de croquis au crayon sur place, comme le fondement préliminaire de peintures achevées plus tard, constitue la base de la manière de travailler que Turner conservera toute sa carrière. Grâce au soutien de son père, il a l’occasion de travailler à Covent Garden comme coloriste d’estampes chez le graveur John Raphael Smith et l’éditeur Colnaghi. Son père est étonnamment fier des facultés artistiques de son fils. Il se vante même à l’artiste Thomas Stothard que son « […] fils, monsieur, va être un peintre ». Cependant, ses centres d’intérêts se fixent sur l’architecture puis le paysage. À presque quatorze ans, il obtient son premier emploi de dessinateur chez l’architecte Thomas Hardwick. Il y réalise notamment des aquarelles de la reconstruction de l’église Saint-Marie de Wanstead. Marquant un vif intérêt pour l’architecture, il prend également des cours de perspective et de topographie auprès du dessinateur en architecture Thomas Malton le Jeune, son « véritable maître » selon lui. Il se passionne alors pour le « paysage topographique» qui est en vogue en Grande-Bretagne et il en fait le cœur de sa technique. Incité par l’artiste John Francis Rigaud, il entre le 11 décembre 1789 — âgé de quatorze ans seulement — à l’école de la Royal Academy après un essai et une épreuve technique. Ce parcours est classique pour les artistes de son
Photo wikipedia Pecheurs en mer temps, même s’il se démarque par la suite par la précocité de l’ascension de l’artiste. La Royal Academy offre un enseignement gratuit et de haute qualité. Il y côtoie Joshua Reynolds, premier président de la Royal Academy, et son influence, au moins théorique, est telle qu’il en fera mention dans son testament. Turner réside alors avec sa famille, qui occupe un logement au 26 Maiden Lane, à Covent Garden, à quelques numéros de sa maison natale. Il est autorisé à présenter des aquarelles à l’exposition d’été de la Royal Academy — notamment Le Palais de l’archevêque à Lambeth — alors qu’il n’y est élève que depuis un an. C’est à cette période, au cours de premiers voyages hors de Londres comme chez l’ami de son père John Narraway à Bristol en 1791, puis à Bath et à Malmesbury, qu’il réalise l’importance de dessiner des croquis préliminaires avant de poursuivre ses œuvres en atelier. Il développe ainsi l’habitude de prendre des idées à l’extérieur en été pour travailler en atelier en hiver. En 1792, Turner rend de nouveau à la famille Narraway et dans le Sud du pays de Galles. En 1792, il rencontre l’architecte John Soane et W. F. Wells, deux hommes qui resteront proches de l’artiste7. En 1793, Turner reçoit le prix de la Greater Silver Palette par la Royal Academy. Il profite de l’été pour visiter Hereford et Tintern et de PALAZZI 33 VENEZIA
l’automne pour visiter le Kent et le Sussex. En 1794, il visite les Midlands et le Nord du pays de Galles7. La même année, il fait la rencontre de l’artiste Thomas Girtin9. En 1795, il visite le Sud du pays de Galles et l’île de Wight. Il reçoit la même année une commission de John Landseer et de Richard Colt Hoare. D’un style alors plutôt rigoureux, il expose en 1796 sa première peinture à l’huile, “Pêcheurs en mer”, à la Royal Academy. (ici à coté) Cette peinture de marine d’une scène nocturne au large des Needles de l’île de Wight est à la fois réaliste par l’effet de Lune et de ses reflets sur la mer et romantique par son atmosphère. Elle marque également par son fort contraste. Selon le conservateur Andrew Wilton, ce tableau est « un résumé de tout ce qui avait été dit à propos de la mer par les artistes du xviiie siècle » et montre une forte influence d’artistes tels que Horace Vernet, Philippe-Jacques de Loutherbourg, Peter Monamy ou encore Francis Swaine. L’huile sur toile est saluée par les critiques contemporaines et installe la réputation de Turner, à la fois comme un peintre à l’huile et peintre de marine. C’est aussi à partir de cette année, 1796, qu’il expose chaque année à la Royal (suit page 34)
Photo wikipedia Hannibal traversant les alpes
(suit de la page 31) Academy, et ce jusqu’à la fin de sa vie. En tout, 260 aquarelles et peintures seront exposés par Turner à cet événement. Toujours en 1796, il se rend à Brighton. En 1797, il visite le Nord de l’Angleterre, le Lake District et Harewood dans le Yorkshire pour travailler pour Edward Lascelles. En 1798, il visite le Kent avec le révérend Robert Nixon et Stephen Peter Rigaud, puis le pays de Galles. Toujours en 1798, il décide de tout faire pour intégrer la Royal Academy comme membre. Si son talent est déjà reconnu, sa jeunesse est un frein. Il doit alors faire une véritable campagne pour obtenir les faveurs des membres de l’institution. En 1799, il est recommandé au diplomate Thomas Bruce comme son dessinateur en Grèce, mais Turner n’accepte pas les conditions et l’Italien Giovanni Battista Lusieri est pris à la place. En août et septembre, il travaille pour l’écrivain William Thomas Beckford qui lui achète plusieurs œuvres topographiques de son abbaye de Fonthill, puis en octobre, il visite de nouveau le Nord du pays de Galles, puis le village de Knockholt. En novembre de la même année, il est finalement élu membre associé le 4 novembre 1799, à 24 ans.
Au-delà du prestige, c’est l’opportunité pour lui de donner ses lettres de noblesses à la peinture de paysage, alors un courant mineur, à l’inverse de la tradition de la peinture d’histoire. Au fil du temps, il rencontre ses premiers mécènes comme Thomas Monro — médecin au Bethlem Royal Hospital, il s’occupera de la mère de Turner9 — et Richard Colt Hoare5 et à la fin du siècle, il dispose d’une clientèle abondante et établie. Un appui important pour son travail vient de Walter Fawkes, de Farnley Hall près d’Otley dans le Yorkshire, dont il devient un ami proche. Turner visite Otley en 1797, à 22 ans, alors qu’il est chargé de peindre des aquarelles de la région. Il est tellement attiré par Otley et la région environnante qu’il y reviendra régulièrement tout au long de sa carrière. La toile de fond de “Hannibal traversant les Alpes” ( ci dessus) est réputée comme ayant été inspirée par une tempête sur le Chevin à Otley, alors qu’il se trouve à Farnley Hall. Les années 1790 ayant été marquées par l’influence du travail sur le paysage de Richard Wilson, luimême inspiré par Claude Gellée. Le tableau “Château de Dolbadarn, Nord du pays de Galles”, utilisé pour son diplôme, ou encore “Paysage avec le père de Psyché sacrifiant à Apollon” en reprennent des caractéristiques. À partir de 1799-1800, il partage un studio avec le peintre John Thomas Serres.
Photo wikipedia la cinquième plaie d’egypte
En 1800, George Dance le Jeune dessine le portrait de Turner. La même année, Turner expose La Cinquième Plaie d’Égypte à la Royal Academy. Il s’agit d’une œuvre entre la peinture d’histoire et la peinture de paysage. Le premier propriétaire du tableau est l’ancien client William Thomas Beckford et la somme déboursée — 150 guinées — participe à établir la renommée de Turner. “La Cinquième Plaie d’Égypte”(ci dessus) marque des influences du peintre français Nicolas Poussin. Le duc de Bridgewater Francis Egerton commissionne en 18007 à Turner Bateaux hollandais dans la tempête comme pendant à Bateaux sur une mer tempétueuse de Willem van de Velde le Jeune. En Angleterre, Turner est souvent l’hôte de George Wyndham, 3e comte d’Egremont, à Petworth House dans le Sussex, ce qui donne naissance à une série de peintures. En 1801, il visite le Nord de l’Écosse, le Lake District et Chester. Ses tableaux, paysages et marines d’Angleterre, permettent à Turner d’avoir obtenu rapidement une grande réputation et donc cette consécration. Le 10 février 18027, Turner obtient le titre d’académicien royal et son talent lui apporte une reconnaissance et un confort. De juillet à octobre 1802, après la paix d’Amiens, il est financé pour visiter la France, la Savoie et la Suisse. PALAZZI 35 VENEZIA
À Paris, il visite le musée du Louvre9 et étudie de nombreuses toiles de maîtres dont Claude Gellée et Nicolas Poussin. En 1803, l’influent critique et peintre amateur George Beaumont défend une peinture académique et donc devient l’un des critiques les plus véhéments du style de Turner. À partir d’avril 1804, il ouvre sa propre galerie, au coin de Harley Street et de Queen Anne Street. Il y place un judas lui permettant d’observer les réactions du public devant ses œuvres. Quelques jours avant l’ouverture, sa mère meurt à l’asile. L’année suivante, il séjourne à la Syon Park House Estate d’Isleworth, en grande banlieue de Londres, et visite par bateau la Tamise, esquissant des aquarelles et huiles de la nature environnante. En décembre, il travaille sur une esquisse du HMS Victory quand il revient dans le Medway après la bataille de Trafalgar. Cette dernière oppose la flotte franco-espagnole sous les ordres du vice-amiral Pierre Charles Silvestre de Villeneuve, à la flotte britannique commandée par le vice admiral Horatio Nelson. Nelson y trouve la mort, mais la tactique qu’il a mise en œuvre vaut aux Britanniques une victoire totale malgré leur infériorité numérique et, (suit à la page 36)
Photo wikipedia la bataille de trafalgar
(suite de la page 35) avec les deux tiers des navires franco-espagnols détruits, Napoléon Ier doit renoncer à tout espoir de conquête du Royaume-Uni. Il s’agit donc d’un des tournants des guerres napoléoniennes qui conforte également la suprématie britannique sur les mers. L’artiste traitera de cette bataille dans plusieurs œuvres restées célèbres. En 1806, il se rend à Knockholt dans le Kent et travaille, en collaboration avec le graveur en manière noire Charles Turner (avec qui il n’entretient aucun lien de parenté), sur un recueil d’estampes, Liber Studiorum, duquel les premières planches sont publiées en 1807. Impliqué dans l’institution de la Royal Academy, de 1807 à 1828, il y enseigne la perspective et présente plusieurs conférences par an. Il recherche notamment à transmettre son goût pour les peintures de paysage aux élèves. Turner achète un terrain à Twickenham en 1807 et y fait construire la Sandycombe Lodge à partir de 181. Entretemps, en 1810, il déménage dans une maison qu’il fait construire au 47 Queen Anne Street26. Maison, studio et galerie, il y habite jusqu’en 1846. Vers les dernières années, la maison (désormais détruite) est remarquée pour être dans un état particulièrement vétuste.
En 1808, Turner peint dans le parc Cassiobury (en) à Watford puis à Spithead pour le retour de la flotte ayant participé à la bataille de Copenhague. La même année, il est élu professeur de perspective à la Royal Academy. En 1809, il visite Petworth, le château de Cockermouth (en), Oxford, ainsi que le château de Lowther (en) et le château de Whitehaven9. À partir de 1810 jusqu’en 1827, il se rend chaque année à Farnley Hall. En 1819, il intègre le conseil d’administration de l’institution. La même année, il visite l’Italie, il étudie des œuvres de Titien, Raphaël ou encore Canaletto. La ville italienne de Venise, où il séjourne à trois reprises (en 1819, 1829 et 1840), lui est une importante source d’inspiration. Ses expositions se transforment en performance où il n’est pas rare de le voir peindre et reprendre ses tableaux alors même qu’ils sont exposés, le tout devant un public médusé. Entre 1822 et 1824, Turner peint La Bataille de Trafalgar dont le format est inhabituellement grand. Ce tableau, commande de George IV pour le Painted Hall du Greenwich Hospital, a pour thème la bataille de Trafalgar et mêle plusieurs moments du combat comme la levée du célèbre signal par pavillons “England expects that every man will do his duty” d’Horatio Nelson depuis son navire amiral, le HMS Victory, la casse d’un des mâts du navire britannique
Photo wikipedia the burning of Lords Chambers
(allusion probable à la mort de Nelson), L’Achille français en feu ou encore Le Redoutable qui coule. La toile s’inspire du tableau Lord Howe lors de la bataille du 13 prairial an II peint par Philippe-Jacques de Loutherbourg en 1795. À l’époque, la peinture suscite des critiques « pour son approche non chronologique de la victoire de Nelson » et « ses puissantes allusions au prix humain [de ce] triomphe britannique ». La nuit du 6 octobre 1834, Turner est témoin de l’Incendie du Parlement à Londres où le Palais de Westminster, le palais utilisé comme siège du Parlement du Royaume-Uni, est en grande partie détruit par un incendie. Entre horreur et fascination pour cette catastrophe, des milliers de spectateurs assistent à la scène, ainsi que des peintres comme Turner ou Constable. Turner, lui, loue un bateau pour réaliser une série d’aquarelles dont il tirera deux tableaux, notamment L’Incendie de la Chambre des Lords et des Communes, le 16 octobre 1834. En 1838, Turner réalise sa peinture la plus célèbre : “Le Dernier Voyage du Téméraire”. Le tableau, exposé pour la première fois à la Royal Academy en 183932, dépeint l’un des derniers navires de ligne de deuxième rang qui a joué un rôle capital dans la bataille de Trafalgar, le HMS Temeraire, tracté par un remorqueur à vapeur muni de roues à aubes vers Rotherhithe pour y être détruit. Ici, Turner peint la fin d’une ère, celle de ce navire de PALAZZI 37 VENEZIA
ligne vétéran des guerres napoléoniennes. Cette œuvre, avec d’autres, témoigne de la fascination de Turner pour le monde moderne et la révolution industrielle tout en montrant son talent pour la mise en scène, puisqu’il n’assiste pas lui-même au remorquage du Temeraire. La peinture de Turner, qui pourrait également représenter le déclin de la marine britannique, est saluée par la critique et reçoit les honneurs de John Ruskin et William Makepeace Thackeray. C’est aussi l’une des œuvres préférées du peintre : il la prête une fois puis refuse de le faire à nouveau et refuse de la vendre pour, à sa mort, la léguer à la nation britannique. Turner peint en 1840 l’un de ses tableaux les plus engagés : “Le Négrier”, lequel traite du sort des esclaves et la façon dont ils étaient traités à cette époque. Le thème de l’œuvre s’inspire du massacre du Zong et est un pendant artistique possible à l’autre peinture “Fusées et signaux bleus”. En 1842, Turner réalise “Paix - Funérailles en mer” dont le sujet est «l’enterrement » en mer d’un de ses amis, l’artiste David Wilkie. Le tableau contraste avec sa palette de noirs saturés avec son pendant, “Guerre. L’Exilé et l’Arapède”. (suit à la page 38)
Photo wikipedia le dernier voyage du temeraire
(suite de la page 37) Les deux œuvres sont à l’époque critiquées pour leur manque de finition. “Pluie, Vapeur et Vitesse” est peint en 1844 et montre une autre image du progrès et de l’industrie moderne. La toile représente en effet une locomotive passant sur le Maidenhead Railway Bridge, un pont de chemin de fer enjambant la Tamise, à Maidenhead. Turner est à l’époque l’un des rares artistes à s’intéresser au train. En 1845, il devient président de la Royal Academy mais son enthousiasme est freiné par la charge qui accompagne cette nouvelle fonction. En 1846, il se retire de la vie publique, vivant discrètement à Cheyne Walk sous le pseudonyme de « Mr Booth » ou « amiral Booth », du nom de sa compagne Sophia Caroline Booth (1798–1875), alors que ses amis pensent qu’il habite toujours dans sa maison au 47, Queen Ann Street. Il expose une dernière fois à la Royal Academy en 1850, un an avant sa mort. L’homme. Turner demeure attaché à son identité londonienne, et conservera l’accent cockney toute sa vie. Il est décrit comme rustre ou avare et, avec l’âge, devient de plus en plus excentrique et taciturne. Il est aussi un grand buveur et un amateur de chats.
Il a peu d’amis et de proches, à l’exception de son père qui, travaillant pour son fils comme assistant, habite avec lui jusqu’à sa mort en 1829. Son décès affecte beaucoup Turner qui est, dès lors, sujet à des accès de dépression. Il ne se mariera jamais mais a une relation avec la veuve d’un musicien, Sarah Danby, plus âgée que lui. Il est soupçonné d’être le père de ses deux filles, Evelina et Georgiana, nées en 1801 et 18119, même si des recherches plus récentes indiqueraient qu’elles sont les filles de son père, et donc ses demi-sœurs. Plus tard, à partir de 1833, il a une relation avec Sophia Caroline Booth, après la mort du second mari de celle-ci et vit pendant environ dix-huit ans dans sa maison à Chelsea. Turner voyage beaucoup tout au long de sa carrière, d’abord en Angleterre et en Écosse, puis en 1802, en France, en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas, dans l’Empire d’Autriche (Prague et Vienne). Cette vie de voyage le démarque d’un peintre comme John Constable, plus sédentaire. Dans ce Grand Tour qui culmine avec les voyage en Italie en 1819, 1828, 1833 et 1840, il se « confronte à l’Antiquité et à un héritage culturel dont il n’a eu jusque-là qu’une approche indirecte ». Comme beaucoup de ses contemporains, Turner est un amateur de tabac à priser. En 1838, le roi des Français Louis-Philippe Ier lui offre une boîte de tabac à priser en or.
Photo wikipedia le pont des soupirs a venise
Le 19 décembre 1851, Turner meurt du choléra au domicile de sa compagne Sophia Caroline Booth à Cheyne Walk, dans le quartier de Chelsea, où il mène une double vie depuis 1846 avec cette veuve. Ses derniers mots auraient été « Le soleil est Dieu ». Un masque mortuaire est réalisé4 et une cérémonie religieuse a lieu à la cathédrale Saint-Paul de Londres le 30 décembre. À sa demande, il est enterré dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul de Londres où il repose aux côtés du peintre Joshua Reynolds. L’architecte Philip Hardwick, fils de son tuteur Thomas Hardwick, est chargé des arrangements funéraires4. Une statue de marbre du sculpteur Patrick MacDowell y est érigée en 18629, la même année de la publication de la première biographie de l’artiste par George Walter Thornbury. Turner lègue dans son testament la totalité de ses œuvres à l’État britannique. Un de ses exécuteurs testamentaires, le poète et critique d’art John Ruskin qu’il a rencontré en 1840 (Ruskin est à l’origine d’un travail de recensement, de classement et de sauvegarde qui a beaucoup fait pour la postérité de l’artiste) donnera ainsi la majeure partie du legs (le fond de son atelier ainsi que toutes les huiles, dessins, aquarelles et gravures dans cet atelier, pour la plupart encore inconnues) à la National Gallery, future Tate Britain. Le musée a pour charge de les exposer en créant des salles. PALAZZI 39 VENEZIA
Il souhaite aussi qu’une grande partie de sa fortune soit utilisée pour la construction d’un hospice pour les peintres âgés4, projet qui ne verra pas le jour. Une somme est aussi prévue pour un monument. Il donne une rente annuelle à sa gouvernante et une autre pour la création d’une chaire d’enseignement de l’art paysager à la Royal Academy. Ses autres biens sont partagés entre les membres de sa famille. Sa générosité tranche ainsi avec sa personnalité supposée d’avare. Turner fixe les prix de ses œuvres lui-même, mais poursuit le fonctionnement en place à la Royal Academy qui fixe le prix en fonction de la taille de la toile. Ainsi vers 1800, une œuvre type, de 91 × 122 cm, vaut 200 guinées. La renommée de Turner évoluant, le prix de ses œuvres s’adapte mais il conserve certaines malgré des prix très élevés à l’exemple de “Lever de soleil dans la brume”(vers 1844) ou du Dernier “Voyage du Téméraire”(vers 1838) . Du vivant de l’artiste, ce sont les toiles Pas de Calais et Bateaux de pêcheurs avec des négociants qui sont les mieux vendus avec 1 260 livres en 1851, soit 6 000 euros actuels. L’inflation importante du prix des œuvres de Turner est aujourd’hui liée au fait que l’essentiel d’entre elles sont invendables, puisque propriétés de l’État britannique. Wikipedia
Photo Olaf Kosynsky
e suis consciente que cette situation met les industries culturelles et créatives à rude épreuve, particulièrement les plus petites institutions et les artistes indépendant.e.s», expliquait jeudi la ministre de la Culture allemande, Monika Grütters, dans un communiqué. Comptant à l’heure où nous écrivons ces lignes 1567 personnes atteintes du Covid-19, l’Allemagne a été contrainte d’annuler de nombreux spectacles et représentations, de fermer temporairement plusieurs institutions culturelles comme le Museum Barberini de Potsdam ou d’en réduire le nombre de visiteurs et visiteuses. Dans les musées de la ville de Berlin, tous les vernissages, conférences et symposiums ont été annulés tandis que la foire Art Cologne, qui doit se tenir du 23 au 26 avril, n’a toujours pas fait part d’un potentiel report.
Dans ce contexte de « situation d’urgence exceptionnelle », Monika Grütters a affirmé que les artistes et établissements culturels allemands ne seraient pas abandonnés et comme l’avaient proposé des personnalités du Parti des Verts, elle serait favorable à la mise en place d’une aide d’urgence sous forme de prêts, microcrédits ou indemnisations. Le sujet, qui devrait faire l’objet d’une discussion mercredi 25 mars au Bundestag lors de la commission de la culture et des médias, fait écho, en France, aux revendications des professionnel.le.s du cinéma qui demandent que les salles ne soient pas fermées (mais le public réduit), ainsi qu’une aide financière le temps de l’épidémie. « Les artistes ne sont pas seulement indispensables, ils sont vitaux, surtout en ce moment », a affirmé la ministre de la Culture allemande, Monika Grütters, dans un communiqué publié le 25 mars. Deux semaines après une première allocution dans laquelle elle promettait un soutien financier au secteur culturel. Comme partout, le secteur culturel en Allemagne est durement touché par la crise du coronavirus. Les théâtres et les cinémas, les musées et les galeries ont dû fermer, les foires et les événements ont été annulés. Le problème à l’échelle nationale est énorme : le secteur de la création compte environ 260 000 entreprises en Allemagne, contribuant davantage au produit intérieur brut que le secteur de l’énergie, par exemple. Même si de nombreuses galeries tentent de développer leur activité en ligne, le marché de l’art est gelé. Dans une enquête menée auprès de plus de 2 000 artistes à Berlin par l’association locale des artistes
Photo ingo joseph
MILLIARDS A LA KULTUR visuels, plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu’elles s’attendaient à perdre 75 % de leurs revenus au cours des prochaines semaines. L’impact de la crise sur la classe vulnérable des travailleurs de l’art, dont beaucoup sont indépendants, à faibles revenus et sans épargne, a été discuté très tôt. Plusieurs lobbys ont demandé avec succès de les inclure explicitement dans les plans du gouvernement pour aider l’économie. « La culture n’est pas un luxe pour les bons moments, elle est indispensable à notre société », a déclaré Monika Grütters, ministre allemande de la Culture et des Médias, qui a lancé une aide massive de 50 milliards d’euros pour les indépendants et petites entreprises de la culture. L’aide publique intervient à différents niveaux. Le secteur culturel est encouragé à solliciter les fonds nationaux, généralement mis en place pour toutes les entreprises et les travailleurs indépendants. Des crédits spéciaux sont accordés, les impôts sont différés, les entreprises de toutes tailles peuvent solliciter des emplois de courte durée, et le gouvernement compense au moins 60 % de la perte de salaire. Les petites entreprises (jusqu’à cinq salariés) ou les travailleurs indépendants ayant des problèmes de liquidités peuvent demander des subventions de fonctionnement jusqu’à 9 000 euros pour une période de trois mois.
PALAZZI 41 VENEZIA
Les propriétaires ne sont plus autorisés à expulser les locataires qui ne paient pas leur loyer. Et ceux qui doivent faire une demande de protection sociale dans les prochains mois en raison de la perte de leurs revenus peuvent conserver un certain capital et n’ont pas besoin de vendre leur propriété. Cependant, ils doivent prouver que leur famille ou leurs partenaires ne peuvent pas les aider. Grâce au fédéralisme allemand, le programme national est complété par ceux des länder. Les travailleurs indépendants peuvent demander des aides immédiates de 2 500 à 5 000 euros. Celles-ci semblent plus faciles à obtenir que les programmes nationaux d’aide, critiqués pour leur lourdeur bureaucratique. Ainsi à Berlin, 500 millions d’euros ont été distribués en quatre jours, et nombreux sont les artistes qui déclarent déjà avoir reçu une indemnisation de 5 000 euros, quelques jours seulement après en avoir fait la requête. Mais une chose semble sans alternative : les semaines et les mois à venir exigeront un art très avancé du remplissage de formulaire – et d’attente en ligne pour les consigner. https://www.lequotidiendelart.com/arti cles/17461
Photo emil nolde
e qu’il y a de grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but », écrit Nietzsche. À Dresde, des étudiants emmenés par Kirchner se souviennent de la pensée du philosophe lorsqu’il s’agit de donner un nom à leur groupe : Die Brücke, « le pont » en français. Leur art s’inspire de la peinture de Van Gogh, de Munch et de celles de maîtres anciens comme Grünewald. L’expressionnisme allemand, ce mouvement qui accorde plus d’importance à la vision subjective de l’artiste qu’au sujet lui-même, naît ainsi en 1905. Au début du XXe siècle, en Allemagne, la révolte couve chez les intellectuels et les artistes. À Dresde, à 150 km de Berlin, quatre étudiants décident de jeter les bases d’un nouvel art où l’expression des émotions prime sur le métier et l’esthétique.
REVISER QU’EST CE QUE C’EST L’EXPRESSIONISME ALLEMAND https://www.marmottan.fr/wp-content/ uploads/2020/03/ PILOTE-04-sous-titresBD.mp4
Ils s’appellent Kirchner, Bleyl, Schmidt-Rottluff et Heckel, et deviennent les quatre mousquetaires de Die Brücke. Tant de contre-vérités historiques sont si souvent dites et écrites sur Die Brücke (« Le Pont ») et Der blaue Reiter (« Le Cavalier bleu »), les deux mouvements fondateurs de l’expressionnisme en Allemagne ! La révolte couve chez les intellectuels et les artistes depuis les années 1890. L’esprit de la Sécession, une radicale remise en question des canons esthétiques dominants, agite les milieux culturels tant les contraintes de l’art officiel du pouvoir impérial de Guillaume II pèsent lourdement sur la vie artistique. L’histoire de Die Brücke commence à Dresde, une ville agitée par ces énergies contestataires, située à 150 km au sud de Berlin. À proximité de la ville, sur les hauteurs de Hellerau, une cité-jardin expérimentale propose des alternatives à la vie sociale et des réflexions sur le travail et l’habitat, en lien avec les mouvements architecturaux qui seront les précurseurs du Bauhaus, les Deutsche Werkstätten et le Deutscher Werkunst. Marqués par ces débats, et animés d’un intense désir d’œuvrer ensemble à mettre à bas les règles de l’académisme, quatre étudiants en architecture à l’école technique supérieure de Dresde, Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), Fritz Bleyl (1881-1966), Karl Schmidt-Rottluff (1884-1976) et Erich Heckel (1883-1970), décident de travailler ensemble afin de jeter les bases d’un art où l’expression brutale et spontanée des émotions prime sur le métier et l’esthétique. Ils baptisent leur groupe « Die Brücke » le 7 juin 1905. Heckel raconte ce moment historique : « Nous avons bien sûr réfléchi à la manière dont nous pouvions apparaître publiquement.
Photo khanacademy
Un soir où nous reparlions en rentrant chez nous, Schmidt-Rottluff proposa que nous nous appelions Die Brücke ( c’était un mot aux significations multiples, qui n’annonçait pas de programme, mais, d’une certaine façon, conduirait d’une rive à une autre. Ce qu’il nous fallait quitter, c’était clair pour nous ) où cela mènerait-il, voilà qui l’était, il est vrai, beaucoup moins. » Rapidement, Kirchner écrit un programme, véritable manifeste nietzschéen contre la vacuité et l’hypocrisie de la culture bourgeoise. Dès la fondation du groupe, les quatre jeunes gens – le plus jeune n’a pas vingt-deux ans, le plus âgé vient d’en avoir vingt-cinq – intensifient le travail collectif. Animés par une révolte contre l’ordre établi et ses conventions castratrices, ils réalisent des œuvres radicalement spontanées, caractérisées par une violence formelle et l’impétuosité des couleurs. Ils amplifient ensemble l’idée que l’art doit être l’expression d’une totale liberté, mettant en jeu des puissances créatrices non contrôlées, instinctives et exaltées. La gravure sur bois et sur métal prend alors de plus en plus d’importance, jusqu’à devenir déterminante dans l’évolution formelle des artistes de Die Brücke. Die Brücke, à la conquête de la lumière et de la forme À la recherche d’artistes partageant les mêmes idéaux, le groupe contacte Emil Nolde, qui les rejoint en 1906, puis qui jette l’éponge un an et demi plus tard en raison de désaccords personnels et artistiques avec PALAZZI 43 VENEZIA
des peintres plus jeunes que lui d’une génération. Entre autres peintres, Max Pechstein en 1906 et le peintre hambourgeois Franz Nölken en 1908, adhèrent à Die Brücke. Les tableaux de l’été 1909, réalisés au bord des étangs de Moritzburg, au nord de Dresde, où les artistes se rendent ensemble pour peindre, témoignent de l’intensité lumineuse et formelle qu’ils viennent de conquérir. Pour la première fois émerge un style collectif. Il est souvent difficile de distinguer au premier regard quel artiste est l’auteur de telle ou telle toile. Le groupe fait une première exposition à Berlin en mai 1910, puis rejoint la capitale peu après. Dans les années 19121914, des divergences apparaissent. L’expressionnisme de Die Brücke entre dans une deuxième phase moins homogène, chaque artiste s’individualise. À Berlin, l’art de Heckel connaît un profond changement de style. Il se dégage maintenant de ses tableaux un sentiment de mélancolie parfois tragique. Le primitivisme et la sensualité sauvage de Kirchner se muent au contact de la grande ville. Ses lignes de force fiévreuses et ses formes puissantes en font le plus intense visionnaire de l’expressionnisme allemand d’avant la Première Guerre mondiale. (suit à la page 44)
Photo Franz Marc
(suite de la page 43) Les personnalités, les intérêts et les styles des artistes trentenaires de Die Brücke, parvenus à maturité à la veille de la guerre, divergent de plus en plus dans des directions inconciliables. Le groupe se dissout le 27 mai 1913 dans une ambiance de rivalités, de controverses et d’incompréhension. La Grande Guerre qui suivra provoquera une réévaluation de toutes les valeurs, entraînant nécessairement de nouvelles évolutions parfois douloureuses. De nombreuses revues voient le jour dans l’effervescence sociale et culturelle qui règne en Allemagne durant les années précédant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’une d’elles, Der Sturm (« la tempête »), créée à Berlin en 1910 par Herwarth Walden (18781941), va se distinguer par sa longévité et occuper une place centrale dans l’histoire mouvementée des avant-gardes européennes. Animé par un puissant désir d’en découdre avec les poncifs académiques, proche du peintre Oskar Kokoschka et des membres de Die Brücke, particulièrement de Pechstein, Kirchner et Heckel, Herwarth Walden décide d’ouvrir en 1912, toujours à Berlin, une galerie qu’il baptise également « Der Sturm ». Elle devient rapidement
le centre incontournable de la modernité la plus audacieuse, accueillant d’impétueuses expositions, des concerts de musique expérimentale et des lectures de poésie. La liste exhaustive des artistes présentés dans la galerie serait fastidieuse à énumérer. Citons le compositeur Arnold Schoenberg, les poètes Alfred Döblin et Theodore Daübler et des peintres aussi différents que Kandinsky, Macke, Marc, Chagall, Moholy-Nagy, Delaunay, Max Ernst ou le Douanier Rousseau, sans oublier les cubistes de Prague, les constructivistes belges et hongrois et les futuristes italiens. L’aventure prend fin brutalement en 1932. Confronté à la montée du nazisme, Walden décide d’émigrer en URSS. En 1911, à Munich, deux jeunes peintres décident de créer un almanach. Celui-ci sera publié en 1912 sous le titre « Der Blaue Reiter », autrement dit : le Cavalier bleu. À la différence de Die Brücke, Blaue Reiter n’est pas un mouvement esthétique fondé autour d’une communauté d’artistes, mais une réunion de sensibilités aussi diverses que celles de Vassily Kandinsky et Franz Marc (les deux initiateurs de l’almanach), mais aussi de Macke, Münter, Campendonk, Jawlensky, Klee, Kubin et le compositeur Schönberg. « Nous avons trouvé le nom Der Blaue Reiter en prenant le café sous une tonnelle de Sindelsdorf, a confié un jour Kandinsky.
Photo Franz Marc
Nous aimions tous les deux le bleu. Marc aimait les chevaux, moi les cavaliers.» Der Blaue Reiter, « Le cavalier bleu » en français, est né de l’amitié entre Franz Marc (1880-1916) et Vassily Kandinsky (1866-1944). Il ne s’agit pas à proprement parler d’un groupe d’artistes, mais d’une aventure commune, une somme d’artistes internationaux réunis autour d’un Almanach, recueil de textes ambitieux commencé dès 1911, à Munich, par deux peintres alliés. Du spirituel dans l’art de Marc Au milieu de ces individualités, Franz Marc apparaît comme une sensibilité à part, exacerbée. Né à Munich en 1880 dans une famille protestante cultivée, l’homme a étudié la philologie à l’université et la théologie. S’il envisage un temps de devenir pasteur, il choisit toutefois la peinture en 1900 et décide d’entrer, pour un temps, à l’Académie des beaux-arts de Munich. Dans ses premiers paysages, Marc montre déjà son intérêt pour la figure animale. Et c’est d’ailleurs en donnant des cours de dessin d’anatomie animalière qu’il commence par gagner un peu sa vie. Lors d’un séjour à Paris en 1907, le deuxième, le jeune artiste découvre la peinture de Van Gogh et de Gauguin, qui sont pour lui une révélation. En 1908, il réalise un premier grand tableau équestre qu’il finira par détruire, mais dont la composition marque le début d’une série qui occupera le peintre jusqu’à la guerre. Il fait la connaissance d’August Macke en 1910 et PALAZZI 45VENEZIA
de Vassily Kandinsky un an plus tard, avec lequel il partage un intérêt commun pour la spiritualité, avec une nuance toutefois: quand le peintre russe est tout entier tourné vers la nécessité intérieure, Marc, lui, veut traduire la vérité intérieure des choses. «L’esprit vainc des châteaux forts », écrit Marc dans un aphorisme devenu célèbre. Au printemps 1913, l’artiste peint deux œuvres importantes, “La Tour des chevaux bleus” et “Les Premiers Animaux”. Ce dernier tableau est alors exposé à la Galerie Walden en septembre 1913, sélectionné par l’artiste lui-même pour voisiner à côté de plus de trois cent soixante œuvres signées Macke, Kandinsky, Delaunay, Rousseau, etc. Malheureusement, ces Premiers Animaux ont aujourd’hui disparu. Subsiste, en mains privées, cette superbe gouache et crayon sur papier, actuellement visible au Musée de l’Orangerie, pour témoigner de la perte importante pour l’histoire de l’art que fut la disparition du chef-d’œuvre. « C’est une chance inouïe d’avoir rencontré un collègue aux convictions artistiques si fortes et intimes», écrit un jour Franz Marc à son ami August Macke. “Le Journal des Arts” commentait en ces termes…(suit à la page 46)
Photo emilnolde
(suite de la page 45) « Marc et Macke, destins parallèles » Même si Macke contribue à l’Almanach avec un essai sur les masques, sa participation à l’aventure reste marginale. Pour Marc, en revanche, la collaboration étroite qu’il développe avec Kandinsky s’accorde à sa quête esthétique. De fait, les deux peintres, à l’instar des romantiques et des symbolistes, préfèrent la métaphysique au réel et développent un discours et un art visionnaire, voire messianique. Toutefois, à la différence des images d’apocalypse de Kandinsky (le Déluge, le Jugement dernier), c’est dans l’anatomie animale que Marc prétend déceler les lois immuables de la nature. Pour lui, l’animal est le symbole de la pureté absolue, à l’opposé de la laideur et de l’impureté de la réalité à laquelle l’homme est associé. Une des plus belles images ici est “Chien couché dans la neige” (1911), où le corps de l’animal épouse parfaitement le contour de la nature. On regrette l’absence des images iconiques de Marc, telles ses représentations de chevaux figurés de dos, qui permettent au spectateur de se projeter dans la toile dans une sorte de symbiose panthéiste. Celui que l’on catalogue rapidement parmi les expressionnistes rhénans
s’affirme ici comme un coloriste hors pair. Dans “Trois jeunes filles avec des chapeaux de paille jaunes” (1913) ou “Deux figures à la rivière” (1913), les figures, pratiquement transparentes, semblent se fondre imperceptiblement dans les couleurs voisines du fond. Inévitablement, on songe à l’orphisme de Robert Delaunay, admiré par Macke, ou à Sonia Delaunay et à La Prose du Transsibérien, le poème de Blaise Cendrars qu’elle enlumine en 1913. Avec Paul Klee, autre artiste proche,Macke fait le fameux voyage en Tunisie. Kairouan III (1914) est un paysage d’une formidable légèreté où le réel et l’imaginaire ne font qu’un. Nul ne saura dire quelle direction ces peintres auraient choisie si la guerre ne les avait pas emportés. On n’en reste pas moins troublé face à une impressionnante toile de Marc, “Les Loups” (1913), où les animaux retrouvent toute leur agressivité. Son sous-titre est Guerre des Balkans, épisode annonciateur de la Grande Guerre. Deux ans après Macke, Marc perd la vie en 1916 à Verdun. En 1910, Emil Nolde (1867-1956) loue un petit appartement à Berlin. Avec la régularité d’un métronome, il y passera désormais tous ses hivers avec celle qui est devenue sa femme, la musicienne et comédienne danoise Ada Vilstrup. Comme nombre d’artistes d’alors, Nolde nourrit à l’égard de la métropole une fascination complexe, mélange tendu d’attraction et d’angoisse.
Photo danseuses aux bougies nolde
Danse, théâtre, cabaret, bordels, durant l’hiver 1910, les bruyantes secousses de la vie nocturne berlinoise seront pour lui une intense source d’inspiration. Il peint des visages grimaçants et anonymes, des corps tristes, sommairement évoqués par de lourdes masses colorées contrastées, engoncés dans des espaces à peine définis. « Je dessinais et dessinais, la lumière des intérieurs, l’épiderme superficiel, tous les êtres, les bons et les mauvais, le demi-monde et les bas-fonds, écrit-il à la manière d’un relevé clinique, je dessinais le revers de la vie, le maquillage, la boue glissante, la déchéance.» Les Danseuses aux bougies, composition incandescente de 1912, jettent ainsi deux corps féminins dévêtus dans une danse infernale et sauvage teintée de primitivisme, dont les couleurs, poussées à leur paroxysme, semblent brutalement déposées sur la toile en une sorte de lutte chromatique. Loin de toute considération imitative. Quelque chose comme la vérité crue accouchée par la peinture, un expressionnisme ulcéré. Comme si le pinceau s’ajustait pleinement au motif et dansait avec lui, comme si la danse inventait la touche. Berlin fut un motif, mais Berlin fut aussi une épreuve. Nolde s’y sentait stimulé, mais sans gaieté. Ses séjours dans la capitale seront ceux qui viendront nourrir son caractère méfiant et âpre au conflit. Conflits qui culmineront avec la lutte publique livrée contre le peintre Max Liebermann, le président de la Berliner Secession, dont le comité lui refusa une série d’œuvres. PALAZZI 47 VENEZIA
Jusqu’à la rupture en décembre 1910 et son renvoi définitif. Au fond, Nolde le mutique, le rugueux solitaire, Nolde l’enraciné passe le plus clair de son temps sur son territoire balte, à la frontière germano-danoise. Au point de troquer, en 1902, son patronyme – Hansen (contre le nom de son village natal) aujourd’hui au Danemark. « Nolde est plus que lié à la terre, il en est aussi le démon », écrira Klee. Il fut incontestablement celui des « expressionnistes » pour qui le sentiment d’appartenance au « heimat » (foyer, terre et mère patrie) fut l’élément crucial dans la construction picturale. Il y adossera même l’exaltation – parfois douteuse – de sa germanité et du renouveau de la peinture nordique. En fils de paysans du Schleswig-Holstein, Nolde n’abandonnera jamais ces paysages déserts et intacts, ces rudes et austères étendues de marais. Il finira même par se fixer définitivement en 1926 dans la froide région de Seebüll. Natures mortes, crépuscules, scènes champêtres, marines, Nolde y puise ses premiers motifs, en ébéniste autodidacte, puis guidé par un séjour parisien et une parenthèse danoise. D’abord de souche impressionniste, puis lentement infiltrée d’une nette facture (suite à page 48)
Photo Wikipedia nolde
(suite de la page 47) nordique, sa peinture assimile dès 1905 la violence chromatique de Van Gogh sans pour autant abandonner la pâte épaisse, la touche courte et vibrante. La couleur s’impose progressivement comme élément structurant. Et bientôt la toile tempête. C’est là que la fiévreuse garde de Dresde prend contact avec lui. L’attelage sera de courte durée, mais c’est celui que retiendra l’Histoire. On est en 1906. Nolde n’a pas loin de 40 ans, et les jeunes étudiants exaltés qui composent Die Brücke voient en lui un guide possible, capable par sa touche explosive de nourrir la soif radicale de rupture qui les anime. Quant à Nolde, il y surprend un souffle sanguin et y voit un possible moyen de renouveler son auditoire. Les jeunes membres de Die Brücke, Schmidt-Rottluff, Kirchner, Heckel, partagent avec lui une même nécessité de libérer subjectivité et instinct. « Une figure semblable à s’y méprendre à son modèle n’inspire que du dégoût, écrit Nolde. Éprouver la nature en y insufflant sa propre âme, son esprit, transforme à l’inverse le travail du peintre en art. » À leur contact, le peintre étend sa touche, évacue la perspective, intensifie le chromatisme furieux de ses toiles et schémat-
ise les corps, devenus agressifs, comme taillés à la serpe. En retour, il transmet cette profonde et intime vision expressionniste du paysage, cette mystique de la terre. Mais très vite, le caractère difficile du peintre, ses espoirs déçus et la relative désorganisation du groupe rendent la rupture inévitable. Elle se fait sans bruit. Reste que désormais, Nolde met un peu plus de sacrilège dans sa peinture et semble s’être trouvé. Au début des années 1930, il est « le » peintre allemand. Avec l’arrivée des nazis au pouvoir, il adhère sans tapage au parti national-socialiste. Ne dit-on pas que Goebbels expose quelques aquarelles dans ses appartements privés ? Les marines tempétueuses, la germanité professée de sa peinture, la quête idéaliste d’un paradis perdu, la puissance expressive des paysages pourraient bien ne pas avoir gêné l’ambition de renouveau de la culture allemande défendu alors. Un cercle minoritaire de l’appareil nazi aurait cru voir chez certains artistes de l’expressionnisme – Heckel, Schmidt-Rottluff – une possible construction autonome de la culture allemande. Classé parmi les « dégénérés », il est interdit de peindre en 1941 Ses toiles sont rapidement décrochées des musées, et il figure à la meilleure place de l’exposition d’art dégénéré en 1937 et 1938, essentiellement pour ses peintures religieuses jugées blasphématoires.
Photo Ungemalte Bilder nolde
chi le Rhin pour s’exporter en France, patrie du « fauvisme ». En témoigne le peintre Max Beckmann, immense peintre allemand décédé en 1950 dont l’œuvre reste largement méconnu du public (et des musées– français). C’est bien dommage, car Max Beckmann comme Otto Dix, font partie de ces acteurs de la vie artistique allemande à redécouvrir. Par les Français en particulier, qui ont eu tant de mal à reconnaître que l’histoire de l’art pouvait exister hors leurs frontières. L’expressionnisme, qui sert de berceau à toutes les tendances de l’avant-garde germanique, a été oblitéré jusqu’à ces dernières décennies par le bref épisode du fauvisme, qui en éloignait la part de violence. Les sécessionnistes de Munich ont eu droit à un traitement particulier (Kandinsky, Marc, Macke…), dans la mesure où ils ont ouvert la voie de l’aventure moderne de l’abstraction mais peutêtre aussi pour leur goût décoratif de la couleur, plus proche de l’esprit français. Quand le Centre Pompidou a consacré une exposition à Kandinsky, il a ainsi pris bien soin de le désincarner, en le séparant du foisonnement créatif qui l’entourait et de l’élan mystique qui portait ses recherches.
Saisi d’incompréhension devant la disgrâce dont son œuvre est alors frappée, il écrira au chef de la propagande pour que l’ensemble de ses œuvres en dépôt dans les musées allemands lui soient rendues. Goebbels lui fait adresser les tableaux. « Le monde ne m’aime pas, dira le peintre. Il me semble que je vais toujours à contre-courant, toujours rejeté dans une réclusion, toujours plus solitaire. » En 1941, il est frappé d’interdiction de peindre. En guise de réponse, Nolde se plonge dans l’exécution accablée et frénétique des « Peintures non peintes» (Ungemalte Bilder) extraordinaires bijoux rageurs et aquarellés. Petits formats d’une vingtaine de centimètres, ces tableaux fulgurants reprennent les motifs toujours recommencés du peintre, paysages dramatiques, scènes de danse, scènes bibliques, marines, nus, visages grimaçants et visions fantasmagoriques. En dépit du médium fluide et translucide, c’est encore aux couleurs, éclatantes, contrastées et vivement antinaturalistes, qu’il revient de se charger des sujets. Les couches légères se superposent, jusqu’à saturer la feuille d’une vision dense et spectrale proche de l’abstraction. Sans l’ombre d’un espoir, si ce n’est pictural, Nolde envisageant de reprendre ultérieurement ces petits tableaux secrets à usage privé. Jusqu’au bout et sans trembler n’est resté que le jaillissement de la peinture. L’expressionnisme n’aura jamais véritablement fran-
www.lejournaldesarts.fr/ campus/revisez-vos-classiques-en-histoire-de-lart-lexpressionnisme-allemand
PALAZZI 49 VENEZIA
Photo marie rerrieux
a Fondation située dans le village de Wattwiller, en Alsace, a fermé plus tôt que d’autres lieux en France. Dès le 7 mars, nous avons commencé par limiter les jauges suite aux directives prises dans la région, car nous avons été les premiers touchés. Notre exposition « L’eau dessinée » devait se terminer fin mars, des dizaines de classes avaient prévu des visites guidées, elles n’auront pas la possibilité de venir. Nous étions en train de terminer des ateliers avec un scénariste et 15 patients d’un hôpital psychiatrique de la région, l’œuvre en cours est inachevée… Depuis un an, je prépare une grosse exposition avec le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, «Les territoires de l’eau», faisant dialoguer notre fonds d’art contemporain avec des objets et œuvres extra-européens, qui devait se monter début avril
Marie Terrieux, directrice de la Fondation François Schneider à Wattwiller (Haut-Rhin)
et ouvrir mi-mai. Nous avons tout de suite décidé de la reporter à septembre. En soi, reporter une exposition n’est pas catastrophique, mais ça l’est pour toute la chaîne de collaboration, car nous produisons entièrement toutes nos expositions in situ. Beaucoup des intervenants sont des indépendants ou des petites entreprises, certains des artistes. Cela met à mal leur économie. Pour nous, le manque à gagner viendra de la billetterie. L’été dernier, les 8000 visiteurs de l’exposition de Céleste Boursier-Mougenot avaient généré 15 000 euros de recettes ; cet été, je tablais sur plus de 10 000 visiteurs… La Fondation emploie huit personnes, dont une partie est au chômage partiel. La Fondation a la chance de ne pas être dépendante de subventions, mais nous devons rester prudents. Fondation philanthropique reconnue d’utilité publique, elle est autonome grâce aux revenus financiers et immobiliers générés par la donation initiale faite par François Schneider. Avec l’effondrement des marchés et le report de paiement de certains loyers, notre trésorerie courante sera sans doute fragilisée, il faudra revoir l’envergure des projets. Je suis très triste pour notre environnement et pour la situation sanitaire à Mulhouse, où je vis. Psychologiquement, c’est difficile pour certains de mes collaborateurs, qui sont isolés chez eux. Mais nous trouvons des solutions, avançons, prenons des nouvelles les uns des autres et programmons de superbes expositions et projets pour les trois prochaines années ! »
Photo guillaume barth
ART & COVID-19
ès la semaine qui a précédé l’annonce de toutes les restrictions gouvernementales, nous nous étions organisés avec mon équipe pour bénéficier de tous les outils nécessaires pour aborder le confinement en télétravail. Dès 10 h chaque matin, chacun derrière son ordinateur ou à la manœuvre avec tous les outils sophistiqués comme WhatsApp et les vidéoconférences, nous faisons le point sur les dossiers en cours et tenons un planning très précis des activités, comme le contenu des réseaux sociaux, la finalisation de la monographie de Wang Keping ou les préparations des prochaines expositions. Cette période inédite où la perception de la notion de « temps » est différente permet d’échanger plus fréquemment avec les artistes. Ils sont des leçons de sagesse, comme Sarkis qui regarde son atelier avec sa webcam et dessine chez lui, ou Laure Prouvost qui met à profit cette période pour travailler avec ses enfants à ses côtés. Mais mon objectif principal consiste à préparer le retour au travail « pour de vrai » : retour à la galerie, vernissages des nouvelles expositions et des foires avant la période estivale. Paris a tous les atouts pour être la ville du réveil de la scène artistique en Europe, avec nombre de galeries dynamiques, dont certaines étrangères seront heureuses de reprendre une activité. C’est en ayant une attitude positive que l’envie d’art se fera sentir. » Nathalie Obadia, galeriste https://www.noto-revue.fr/ PALAZZI 51 VENEZIA
vec le prochain numéro de NOTO, nous célébrons nos cinq ans. Nous venons de suspendre la production, car notre annonceur principal reporte son engagement en raison du Covid-19. Par conséquent, nous avons annulé notre commande de papier auprès de notre imprimeur français, pour pouvoir payer notamment nos graphistes et l’illustratrice invitée ; pour elles, l’impact est direct et sévère. La situation nous oblige à repousser le lancement de notre nouveau projet éditorial, La Nuit, mais aussi à différer, en raison de la fermeture des librairies, la sortie des livres que nous nous apprêtions à publier, alors que cette nouvelle activité est un souffle économique pour l’indépendance et la pérennité de la revue NOTO, qui reste accessible en ligne librement, conformément à son action solidaire et son modèle dit “lyber”. Les visiteurs impatients découvriront sans doute NOTO et deviendront, nous l’espérons, de futurs abonnés. Notre modèle économique, c’est les lecteurs. Il faut rester confiant.» Alexandre Curnier, fondateur de la revue NOTO par Roxane Aimi www.lequotidiendelart. com/arti cles/17424-lart-au-temps-du-coronavirus.html
Photo Laure Prouvost
aure Prouvost est une plasticienne et vidéaste française née à Croix en 1978. Elle s’installe à Londres en 1999 et étudie au Central Saint Martins College of Art and Design, puis au Goldsmiths College. En 2011, elle remporte le Max Mara Art Prize for Women (en). Le prix Turner lui est attribué en 2013. Laure Prouvost est née à Croix, près de Lille, en 1978. Après son Baccalauréat, elle décide d’étudier les arts plastiques et intègre une école d’art, l’institut Saint Luc de Tournai, en Belgique. En 1999, elle part à Londres afin d’étudier au Central Saint Martins College of Art and Design (CSM), et s’établit dans la capitale britannique. Elle devient l’assistante de l’artiste conceptuel John Latham (en), qui a lui-même enseigné à Saint Martins jusqu’en
Voir aussi https://youtu.be/ B1fJo7ndmE0 https://youtu.be/ qB17Pm_QNrg https://youtu.be/ zsYLtPpLvOI
1966, et poursuit ses études au Goldsmiths College. Ses œuvres ont été exposées à l’Institute of Contemporary Arts et à la Tate Britain. En 2011, elle remporte le Max Mara Art Prize for Women (en), grâce auquel elle effectue une résidence à la British School at Rome et à la fondation Pistoletto de Biella. Peu connue en France, elle expose en 2013 à la Biennale d’art contemporain de Lyon. Son installation Wantee, présentée dans le cadre de l’exposition « Schwitters in Britain », est sélectionnée par le jury du prix Turner. Celui-ci est organisé par la Tate Britain et récompense chaque année un artiste contemporain de moins de cinquante ans, né ou travaillant au Royaume-Uni. À la surprise des critiques, il lui est décerné en décembre 20134,9. En 2014, le New Museum of Contemporary Art de New York accueille l’exposition « Laure Prouvost: For Forgetting », présentant une œuvre inédite, qui mêle un collage mural, des sculptures, des installations vidéo et un film, intitulé “How to Make Money Religiously”. En 2015, le musée départemental d’art contemporain de Rochechouart accueille sa première exposition monographique française, “On ira loin”. Elle y présente notamment une création The Smoking Image où elle met en scène des adolescents de la région confrontés au désœuvrement, à l’âge des premiers désirs et au souhait d’indépendance. En 2018, une exposition monographique lui est consacrée au Palais de Tokyo. En 2019, elle représente la France à la Biennale de Venise avec l’installation “Vois ce Bleu profond te Fondre” (Deep See Blue Surrounding You). Au centre d’un espace sculptural, liquide et tentacu-
Photo laureprouvost
LAURE PROUVOST laire, un film de fiction retrace le voyage d’un groupe de personnes à travers la France, en passant par Nanterre, Roubaix et le Palais idéal du Facteur Cheval, pour aboutir au pavillon français de la Biennale de Venise. L’artiste illustre la quête sensorielle d’un ailleurs idéal, d’un monde globalisé et une réflexion sur qui nous sommes à travers des personnages aux profils diversifiés. A l’occasion de sa sélection pour la partecipation à la Biennale de Venise de 2019, Le Journal des Arts écrivait: “L’artiste française Laure Prouvost, qui travaille à Londres et Anvers, représentera le France à la 58e Biennale internationale d’art contemporain de Venise en 2019, a annoncé vendredi le ministère de la Culture.“Le comité d’experts a particulièrement retenu sa capacité à se saisir de sujets aussi intimes qu’universels qu’elle déploie dans l’espace en usant de médiums extrêmement divers”, a indiqué le communiqué du ministère. L’oeuvre présenté s’intitule “Deep See Blue Surrounding You / Vois Ce Bleu Profond Te Fondre.” Laure Prouvost a imaginé un pavillon liquide et tentaculaire qui s’articule autour d’une réflexion sur ce que nous sommes, d’où nous venons et où nous allons. Il révèle un voyage d’évasion vers un idéal d’ailleurs, et remet en cause la représentation d’un monde fluide et globalisé, où se mêlent diverses réalités dévoilées et partagées.
Voir aussi https://youtu.be/ T37S7183660 https://youtu be/_ WEo8qH38-I
PALAZZI 53 VENEZIA
Un film de fiction a été produit au cours d’un voyage à cheval à travers la France, avec des performances de personnages d’âges et de milieux différents, avec des compétences d’acteur spécifiques. Une installation sculpturale in situ enrichit et développe le film dans l’espace et le contexte de Venise - une ville flottante construite sur l’eau et par l’eau, une ville de façade et de coulisses - et la Biennale avec sa notion de représentation apparaissent toutes deux comme des sources d’inspiration. Lâchons les chevaux ! La ministre de la Culture Françoise Nyssen “salue le travail de Laure Prouvost dont la carrière internationale est à l’image du dynamisme de la scène artistique française”, a précisé le communiqué. Le Palais de Tokyo à Paris consacrera à cette artiste une exposition intitulée “Ring, Sing and Drink for Trespassing”. Laure Prouvost succède au plasticien Xavier Veilhan qui avait proposé un dispositif musical immersif baptisé “Studio Venezia”, lors de la Biennale de Venise 2017. Venise accueille en alternance une Biennale d’art contemporain les années impaires et une Biennale d’architecture les années paires. Créé en 1893, l’événement est une des plus prestigieuses manifestations artistiques en Europe et dans le monde. AFP
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aria Elisabetta Novello est née à Vicenza en 1974, elle vit et travaille à Udine. Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Venise et une thèse en peinture, elle a obtenu en 1999 une bourse de la Fondation Bevilacqua La Masa, ce qui lui a permis de commencer sa carrière artistique. Dès le début, il a expérimenté et alterné avec les pratiques de la sculpture, du dessin, de l’installation, de la photographie et de la performance. Ses recherches sont menées principalement par l’utilisation de matériaux inhabituels tels que la cendre, la suie et la poussière, signes tangibles du passage du temps, de la fragilité de l’existence et du changement radical que peut subir la matière dans un monde en création continue et, par conséquent, en transformation. La pratique de Maria Elisabetta Novello
MARIE ELISABETTA
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20121 Milano du mardi au samedi de 11 à 19 heures Tél +39 02 36799285 info@galleriafumagalli.com
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commence par le choix et la collecte du matériau (souvent des éléments éphémères et impalpables comme la cendre et la poussière) qui est ensuite manipulé et assemblé : parfois l’action de la collecte devient partie intégrante de l’œuvre elle-même, l’action performative se traduit en une œuvre. Ce choix de matériaux vise à rechercher les signes tangibles du passage de l’existence et de la fragilité des choses. La recherche prend différentes formes : avec les cendres, l’artiste crée, par exemple, les Paysages et Horizons réalisés en contenant la matière à l’intérieur de caisses ou de plaques de plexiglas ; ou il crée de grands dessins au sol, des écrits ou des broderies similaires; tandis qu’avec les archives de poudre, recueillies avec d’autres trouvailles urbaines, il crée des images métaphoriques des espaces étudiés ; enfin, avec le projet “Sursum Corda”, né dans le cadre de l’action performative, il enregistre le rythme des actions fondamentales de l’existence (souffle, battements de cœur, émotions). L’un des supports privilégiés par l’artiste est la cendre : traitée de manière sculpturale, elle est enfermée dans des vitrines ou accrochée à des plaques de plexiglas pour créer des images plastiques et vibrantes, contenant toutes les nuances de couleur - du blanc au noir - des Paysages et des Horizons ; mais elle est aussi utilisée pour générer des broderies ou des écritures intenses et poétiques sur le sol. Les cendres sont par nature en mouvement et en transformation constante, à travers la mémoire, la mémoire anthropologique, privée et publique, sociale et relationnelle. L’artiste cherche plutôt à l’immobiliser dans une simulation de solidité qui contraste avec la nature même de la matière, avec son être léger et éphémère. Traditionnellement associé à la fin des choses terre-
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MARIA ELISABETTA NOVELLO stres, le puits de cendres représente le drame existentiel suspendu entre la vie et la mort. “La mort, la vie, / la mort dans la vie ; / la vie, la mort, / la vie dans la mort”. Les vers tirés de “Il canto delle crisalidi” de Carlo Michelstaedter, prennent forme dans les œuvres de Maria Elisabetta Novello. Pour Maria Elisabetta Novello, la cendre est aussi une couleur : les différents résidus de combustion sont en effet caractérisés par des nuances chromatiques, du noir de la suie au gris très clair (presque blanc) de la poussière de cendre. Elle procède par variations minimales, par nuances, en travaillant sur l’absence, sur ce qui n’existe plus sous sa forme originale mais qui a pris une nouvelle vie grâce à l’intervention artistique. Les œuvres réalisées avec ces poudres impalpables contiennent un sentiment d’incertitude, un passage d’une condition à une autre, entre le matériel et l’immatériel. Ils évoquent la poussière de la terre ainsi que les nuages de débris fins dispersés dans le cosmos. En 2014, Maria Elisabetta Novello commence la série “Sopralluoghi”, une véritable enquête sur les lieux dont l’artiste prend la poussière, armée de pinceaux et de pelle à poussière comme un archéologue du monde contemporain. Elle collecte la poussière et d’autres résidus et les conserve dans de véritables archives. Ce sont des matériaux qui sont produits dans la nature sans la contribution de l’action humaine.
L’action Sursum Corda a eu lieu pour la première fois à la Galleria Fumagalli de Milan le 19 janvier 2017, avec la collaboration des danseurs Roberto Cocconi et Luca Zampar, et a été répétée les 20 et 21 janvier.
Dans les jours qui ont suivi, la vidéo de l’action a été projetée dans les espaces de la galerie, qui est devenue un conteneur de mémoire abritant le matériel de documentation du projet et de son processus d’élaboration.
voir la vidéo vimeo.com/402917150 passeword Sursum
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La poussière, par exemple, symbole d’abandon et d’oubli, se dépose naturellement sur les surfaces, et même si elle est éliminée par l’action humaine, elle se régénère sans cesse pour témoigner du passage éphémère du temps. La pratique de Maria Elisabetta Novello se manifeste également dans l’œuvre Sursum Corda, un projet complexe basé sur la sensation du rythme de la vie (respiration, battements du cœur, émotions), présenté pour la première fois à la Galleria Fumagalli en 2017. Sursum Corda est un autre outil de réflexion sur le thème du passage et du seuil : dans ce cas, l’œuvre explore la frontière entre l’espace public et privé, entre le monde de l’observateur et celui de l’artiste qui ouvre ses frontières intérieures, à partir de la conscience de l’être et des actions fondamentales qui le maintiennent en vie. Le projet consiste en une action, “unique, comme tout moment de la vie”, au cours de laquelle l’artiste s’ouvre au dialogue avec l’autre grâce à l’auscultation amplifiée de son propre rythme cardiaque et de sa respiration. L’action est accompagnée de représentations graphiques, de photographies, d’enregistrements audio qui constituent le matériel collecté lors de la phase de préparation. www.galleriafumagalli.com
Photo Ryosuke Cohen - Moriguchi City, Giappone
inascita2020 est le thème du projet MailArt lancé il y a quelques jours par la Casa dell’Artista di Portacomaro (Asti - Italie). A quoi ressemblera la couronne de virus de post-émergence ? Comment serons-nous ? À quoi ressemblera le monde dans lequel nous apprendrons à vivre ? L’association People & Countries / House of the Artist a lancé dès 2009 un appel auquel de nombreux artistes ont répondu en riant. Merci aux artistes qui ont répondu à notre premier appel et à tous ceux qui décideront de participer au nouveau projet. Ensemble, même si nous sommes loin, nous y arriverons ! Du monde des mailartistes, nous attendons de nombreux messages de confiance et d’espoir.
#rinascita2020
MailArt
#Rinascita2020 Mail Art Project Casa dell’ Artista Gente & Paesi
Piazza Roggero, 3 14037 Portocomaro (At) Italie Tél : +39 335 719 9359
www.rinascita2020.it
’invitation consiste à nous envoyer par courrier postal une carte postale auto-produite et/ou artistiquement retravaillée sans contraintes techniques. Les œuvres d’art postal doivent arriver à notre siège avant le 31 juillet 2020. Ils seront d’abord publiés sur les chaînes sociales, puis exposés dans le cadre d’une exposition, qui sera montée après l’appel, dans les espaces de la Casa dell’Artista à Portacomaro d’Asti #Monferrato #Italie. La participation est libre, dans l’esprit de liberté absolue et de coopération typique du phénomène mondial de l’art postal. - Pas de nouvelle présentation : les œuvres ne seront pas rendues aux auteurs et seront conservées dans les archives de la Casa dell’Artista à Portacomaro. - Pas de frais de participation : aucun frais de participation n’est exigé ; - Pas de sélection, pas de jury : toutes les contributions seront exposées ; - Technique libre : vous pouvez utiliser la technique et le matériel que vous préférez pour la réalisation de votre travail (photographie, illustration, collage, médias mixtes, etc. etc.). - Format carte postale : les dimensions des œuvres doivent être dans les limites du courrier ordinaire, du format minimum de carte postale 10×15 cm au format maximum A4 ; - Seul le courrier ordinaire, pas le courrier électronique : seules les œuvres envoyées par courrier ordinaire seront acceptées ; - Chaque artiste peut envoyer plus d’une œuvre ; - Date limite : les œuvres doivent être reçues avant le 31 juillet 2020 ; - Envoi : les œuvres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ici.
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orsque les événements actuels se mêlent à l’histoire, des correspondances surgissent que nous n’aurions jamais imaginées à des époques non suspectes, comme semble en témoigner l’une des œuvres les plus célèbres de Giambattista Tiepolo (Venise,1696-Madrid,1770), “Santa Tecla libera Este dalla pestilenza”, exécutée en 1758 pour célébrer la fin de l’épidémie qui a frappé Venise et les territoires voisins dans la période de deux annés 1630-31. Le grand retable est encore conservé aujourd’hui dans la cathédrale de la ville de Padoue, à 16 kilomètres de la petite ville de Vò Euganeo, qui a fait l’objet d’un reportage national il y a un peu plus d’un mois pour avoir pleuré la première mort de Covid-19 en Italie. L’histoire rappelle donc la douleur de la maladie et de la perte, rendue immortelle par le pinceau tiède qui traverse le camaïeu de son chef-d’œuvre : une petite fille en larmes, inconsolable, couchée sur le cadavre de sa mère dans une tentative désespérée de la réveiller, en vain. Dans cette poignante métaphore de la mort, on peut peut-être plus que jamais se reconnaître dans une sorte d’immersion émotionnelle qui risque d’effacer le reste de la représentation, beaucoup plus importante dans les intentions de l’artiste. Les personnages dominants de la scène sont, en fait, les personnages à l’autre bout de la toile : Sainte Thécla à genoux et Jésus-Christ ordonnant aux anges de mettre fin à l’épidémie. PALAZZI 57 VENEZIA
Cela s’était produit, dans l’imagination des Vénitiens, dans ces années tragiques du début du XVIIe siècle et dans le troisième quart du siècle précédent (1575-76), lorsque la “maladie incurable” frappa la ville décimant un tiers de la population (46 mille sur 142 mille habitants) et changeant radicalement son visage et son âme. Malgré le fait que la Sérénissime avait déjà connu la maladie à l’époque médiévale (la première peste de grande ampleur remonte à 1348) et qu’elle était équipée d’installations hospitalières pour le traitement et la quarantaine sur deux îles de la lagune, le Lazzaretto Vecchio et le Lazzaretto Nuovo, elle n’a pas pu empêcher sa propagation sur le territoire. Quelques erreurs, dont une résolument vénielle, ont contribué à l’explosion de l’épidémie en très peu de temps. Nous faisons allusion à une circonstance tout à fait prévisible et de bon sens, gérée au contraire par le Doge avec une extrême naïveté, afin de ne pas défigurer aux yeux du “voisinage”, en l’occurrence, le duc de Mantoue. En 1630, il avait envoyé comme ambassadeur à Venise le marquis de Strigis, qui arriva dans la ville émacié et sans force, ou plutôt avec des symptômes très suspects de la peste, d’autant plus que la maladie était déjà répandue (suit page 58)
EPIDEMIES DANS L’ARTE EN ITALIE
(suit de la page 57) en Basse-Lombardie. Jugé “personne de trop grande considération” pour être transféré au Lazzaretto, il s’installe sur l’île de San Clemente qui, afin de la rendre plus confortable pour l’hôte, subit des travaux de modernisation effectués par un menuisier de Castello; ce dernier, ayant terminé son travail, rentre chez lui, déclenchant la contagion à grande échelle. La deuxième erreur, dramatique, a au contraire affecté le plan de la politique, selon un complot que nous connaissons tous tristement et lié à la crainte de compromettre le bien-être économique de l’État par des mesures restrictives. Et c’est précisément la conscience d’avoir interrompu le trafic commercial et les activités normales de la ville qui a poussé les organes de l’État à nier la preuve de la maladie, en ordonnant au Proveditor Giambattista Fuoli, déterminé à proclamer l’état d’urgence, de se contenir “dans des concepts si librement professés, préjudiciables aux négociations et au commerce public et privé et à la liberté de la patrie”. La peste a donc pu se répandre très rapidement parmi la population inerte, complètement sans défense et terrifiée, dont les cadavres étaient abandonnés dans les rues, sans enterrement, faute de monatti; c’est pourquoi le Sénat, le 2 novembre
1630, proposa aux prisonniers en attente de rembourser les frais de justice, de commuer l’amende financière en faisant office de pompes funèbres. Il est difficile d’imaginer un tel scénario apocalyptique dans la ville de la beauté et du plaisir, qui a tenté de se défendre par le silence et la solitude dans les maisons barricadées, se cachant presque de la mort. Il ne restait plus que la foi, la même foi qui avait déjà sauvé le lion de Saint-Marc et ses fils de la peste au siècle précédent et à laquelle la République avait confié la construction de la Basilique du Rédempteur (1577-92) sur le canal de la Giudecca, où aujourd’hui encore, le troisième dimanche de juillet, l’épidémie est commémorée par une procession votive. Le 22 octobre 1630, au plus fort de la virulence, le Sénat décide de réitérer le vœu fait au Très-Haut et transmis à la postérité à travers les éblouissants marbres palladiens, en s’adressant cette fois-ci à la Vierge, à qui l’on a commandé la construction de la Basilique de la Salute selon un projet de Baldassarre Longhena (Venise, 1598-1682) : une église “magnifique... en grande pompe”, où les Vénitiens se rendraient le 21 novembre de chaque année à l’occasion de la fête du même nom, en marchant sur un pont flottant mis en place pour commémorer la fin de l’épidémie. En décembre de l’”annus terribilis”, le nombre de personnes infectées a été réduit de moitié, puis a progressivement diminué jusqu’à l’extinction de la maladie. Cette fois encore, le vœu a fonctionné, offrant à Venise un monument de grand charme, qui aurait été le protagoniste d’innombrables vues du siècle d’or en raison de sa taille imposante et de ses riches décorations, parmi lesquelles se détache la statue de la Madone avec le bâton de “capitaine de mar” placé au sommet de la plus petite coupole. Du tourment le plus profond, que les chroniques racontent en transformant des hommes et des femmes en fantômes errant dans les rues “rien de plus pour guérir la vie”, ou entassés dans l’attente d’atteindre les lazarets, où les attendait un destin funeste qui nourrissait des légendes macabres de créatures semblables à des vampires, le peuple vénitien a su se relever non seulement avec une extraordinaire dignité, mais avec un optimisme capable de transformer la douleur en œuvre d’art. Au lieu de désespérer pour leurs proches disparus à jamais, pour la pauvreté et pour la reconstruction de l’économie, les enfants du lion se sont réjouis d’avoir survécu grâce à la bienveillance de Dieu et de la Vierge, qu’il fallait remercier avec ce que Venise avait de mieux à offrir : la beauté, précisément. L’art est donc devenu un instrument de foi et de cérémonies religieuses et de rassemblement du peuple, où la prière laisse place à la joie de vivre, le sceau
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“maschereri” : peut-être inconscient de ses origines, peut-être seulement méprisant d’un danger désormais échappé et dont on peut se moquer. Federica Spadotto www.ilgiornaledellarte.com/articoli/epidemie-nell-arte-in-italia-
le plus authentique de Venise dont l’apothéose est atteinte au Carnaval. C’est précisément pendant la fête de la légèreté, où chaque souci et chaque différence sociale sont mis de côté, que même la peste a été exorcisée avec l’arme de la profanation. Parmi les déguisements du célèbre événement, nous en avons en effet trouvé un très inhabituel, appelé “docteur de la peste”, absolument identique à l’uniforme de protection imposé par le Dr Charles de Lomar aux agents de santé en visite chez les déportés, comme en témoigne une aquarelle de Giovanni Grevenbroch. L’uniforme, qui comprenait des gants, des lunettes et un masque avec un bec crochu où étaient placées les épices et les herbes médicinales pour éviter la contagion, est minutieusement décrit dans les textes de l’époque : “Leurs chapeaux et leurs manteaux, de conception nouvelle, sont en bâche noire. Leurs masques ont des lentilles de verre Leurs becs sont remplis d’antidotes. L’air malsain ne peut leur faire aucun mal, ou les alarmer. Le bâton dans la main doit montrer La noblesse de leur métier, où qu’ils aillent”. Noblesse complètement perdue, ou du moins oubliée pour ceux qui, enveloppés dans ces vêtements, se sont joints aux festivités dans les calli et campielli vénitiens, se mêlant aux dames, aux cicisbei et aux tabarri. Le charme de ce faux visage au bec crochu reste intact jusqu’à nos jours, s’exhibant dans les vitrines des PALAZZI 59 VENEZIA
omme nous pouvons le constater, à partir de ce récit saisissant, nous n’avons rien appris et nous continuons à commettre les même erreurs, dictées par l’appât du gain, la cupidité, l’idée que le commerce ne peut s’arrêter à cause d’une maladie dont nous croyons pouvoir nous défaire aisément. Mais il n’est rien. Un ami psychiatre, Gilberto Di Petta, a écrit au cours d’une nuit de premiers secours en ce mois de mars : “Au cas où nous serions en phase terminale, bien que lucides, la plus grande “damnatio mortis” serait de quitter le monde dans une solitude totale, sans même un regard ou un contact, car nous ne pourrions même pas dire au revoir pour la dernière fois aux personnes qui nous sont chères, si ce n’est dans notre imagination. Et il en serait de même pour eux. Même la mort de Covid-19 est une disparition impitoyable. Une mort clandestine, tout comme la vie qu’il nous reste à mener est clandestine”.