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Covid-19 Venezia Musées fermés Palazzo Sacchetti Bourse de Commerce Giardino Valsanzibio Romina de Novellis Frank Korapi Catherine Ludeau Alain Vagh The First Brexit Alfred Stieglitz Kim Tschang-Yeul Bernard Paurd Old Women/Young Men La tablette sumerienne Supplement à l’édition de “Palazzi A Venezia “ Janvier 2021
EDITO Covid-19 : une épidémie révélatrice TRIBUNE
PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Comité de Rédaction Marie-Amélie Anquetil Arcibaldo de la Cruz Vittorio E. Pisu Rédacteur Arts Demetra Puddu Supplement à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Juin 2020 Textes et documents photographiques publiées ne seront pas rendus Tous droits reservés Correspondance vittorio.e.pisu@free.fr palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia
e reproduis ici un article paru dans le journal Libération le 10 janvier dernier. Je ne saurais dire mieux et si vous avez suivi tant ou prou les éditoriaux de Palazzi Venezia ou de son supplement, c’est ce que je ne me lasse pas de répeter. Ceci dit et reconfortè par des personnalitès éminentes, reste toujours l’éternelle question: Que faire ? Pour ma part ce séjour forcé en Sardaigne, pas du tout désagreable, puisqu’il m’a permis entre autre d’assurer l’edition et la pubblication de mes nombreux mensuels qui, si au départ ont l’ambition de traiter de l’Art sous toutes ses formes ne peuvent pas ignorer ce qui la soustends, c’est à dire la politique qui d’ailleurs considère que l’Art est superflue lorsqu’elle (enfin les personne qui devraient l’incarner et l’exercer) ne la considère pas carrèment inutile. Non seulement en Sardaigne mais en Italie et aussi en France et d’en d’autres contrées, on assiste à la dèsertification des centres mineurs qui déperissent rapidemen faute de services primaire et se vident de leurs habitants, y laissant les plus anciens qui souvent ne dépassent pas la centaine d’ames voir moins. J’ai donc imaginè une strategie de reconquete de ses espaces, souvent magnifiques et avec une histoire, une architecture, une culture remarquables, avant qu’ils ne tombent définitivement en ruine, consistant en la création de cooperatives d’artisants et d’artistes qui pourraient s’y installer, en développant non seulement toutes les activités nécessaires à une existence pleine et harmonieuse, mais aussi l’exercice de toutes les manifestations artistiques qui embellissent nos vies, depuis la musique et jusqu’à la litterature en passant par les arts plastiques, mais aussi la photographie, le cinèma, la danse et jusqu’à la gastronomie. Avis aux populations: il existe en Sardaigne une quinzaine de villages dont le plus désert ne compte que soixante dix-huit habitants que l’on aimerait habiter en développant, grace aussi aux techniques des énergies rénouvelables, une autonomie non seulement éléctrique mais aussi alimentaires sans oublier tous les autres artisanats. Si intéressés, vous pouvez commencer per me poser des questions. Je vous répondrais. Bonne Année. Vittorio E. Pisu
d’une crise écologique et sociétale Par Alain Coulombel, porte-parole national EE-LV et Eric Caumes, professeur de maladies infectieuses et tropicales
10 janvier 2021 à 08:58
Libération.fr
’année 2020 aura été marquée par la première traduction épidémique de la crise écologique planétaire. Si nous n’y prenons garde, d’autres épidémies suivront car les mêmes causes produiront les mêmes effets. Nous en connaissons l’impulsion, à savoir la transmission extrêmement rapide d’un coronavirus, virus ayant franchi la barrière des espèces et dont l’émergence est liée, notamment, à l’emprise humaine sur les espaces naturels, à la perte de la biodiversité et au commerce d’animaux sauvages. Le commerce de la faune sauvage a été multiplié par cinq ces quinze dernières années, en dépit de l’avertissement constitué par l’épidémie de Sars en 2002-2003 en Asie. Tout au long de ces douze derniers mois, la Covid-19 a agi (et continue d’agir) comme un immense trou noir absorbant toute la matière informationnelle pour ne laisser place en France qu’au décompte journalier du nombre de morts, de places disponibles en réanimation, de l’hydroxychloroquine ou du vaccin. Plus de Hezbollah, de conflits au Yémen, en Syrie ou en Libye, de camps de réfugiés, de migrants sur leurs frêles embarcations, de réchauffement climatique, de nucléaire iranien, de réforme des retraites, mais une réalité planétaire engloutie dans le champ gravitationnel de la Covid-19. Jusqu’à saturer notre univers mental et spirituel. Plus de sport, plus de culture, plus de bistrot, plus de restaurant. Plus rien d’autre. Que le désarroi et la peur, l’emballement et le basculement dans une réalité terriblement anxiogène et indéterminée jusqu’à l’arrivée d’un vaccin. Aucun espace pour la réflexion et la distance critique. Comme si l’évènement que nous viv(i)ons avait échappé à nos radars et à nos grilles de lecture familières, tout en nous rapprochant de la catastrophe planétaire si chère aux «collapsologues». Qui aurait pu imaginer, en ce début d’année 2020, l’emballement planétaire dont nous allions être les principaux protagonistes hébétés? Qui aurait pu deviner que des territoires entiers seraient confinés, des villes désertées, des activités de toutes sortes interrompues, des élections reportées, des responsables politiques et sanitaires, malades ou déboussolés, improvisant, jour après jour, des réponses trop souvent incohérentes ou inadaptées ? Quelque chose semble s’être déréglé, là, soudain, dans cette belle mécanique des flux mondialisés, des traités de libre-échange et de la division internationale du travail, du tourisme de masse et des voyages low cost. Au cœur d’une époque déjà marquée par tant de soubresauts localisés, de crises à répétition, et d’autres emballements climatiques, boursiers, technologiques, médiatiques ou politiques… Mais avec cette première crise écologique planétaire, c’est comme si l’emballement avait secoué notre petite planète bleue à une échelle et avec une intensité jusque-là jamais observées. De l’emballement des chaînes d’information en continu à celui des défenses immunitaires (orage cytokinique); de la multiplication des articles publiés dans les revues scientifiques autour de la Covid (jusqu’à 292 par jour !) à l’envolée de la dette publique et privée; de l’emballement de la décision politique concernant la mise sur le marché de médicaments (comme le remdisivir, payé au prix fort au laboratoire Gilead, et qui s’avérera inefficace) ou de vaccins (comme le Pfizer/BioNTech, premier arrivé sur le marché) à l’agitation des réseaux sociaux autour de l’hydroxychloroquine ou de Raoult, tout semble converger et s’accélérer pour ne laisser aucun espace à la réflexion et à la distance critique. Paupérisation de notre système de santé publique Nous savons depuis Paul Virilio ou Hartmut Rosa (1) que notre monde s’accélère, de crise en crise, de rupture en rupture, de dégradation en dégradation. Mais avec la Covid-19, nous sommes entrés dans l’ère des phénomènes systémiques globaux et planétaires, l’immédiateté et l’instantanéité du temps réel, à l’échelle du monde, nous plongeant dans un état d’urgence généralisé: urgence sanitaire, sécuritaire, économique, sociale et climatique. Il a suffi d’un virus, pour que notre mégamachine planétaire s’enraye, que la croissance s’effondre, que les cours de la Bourse s’affolent, que la pauvreté et la précarité explosent, que les équilibres géopolitiques soient profondément remaniés et que nous découvrions, ce que nous ne voulions pas savoir, la vulnérabilité de notre système-monde, et la fragilité de nos sociétés occidentales. Quelles leçons provisoires pouvons-nous tirer de ce constat? D’abord, il ne saurait y avoir de solutions pérennes sans la remise en cause de l’idéologie du «zéro stock et des flux tendus», du time management et du pilotage par les indicateurs qui ont largement alimenté la vie de nos institutions (privées ou publiques), depuis les années 80. Avec pour résultat sanitaire, la paupérisation de notre système de santé publique mis en défaut face aux assauts répétés de la pandémie dans ses volets préventif comme curatif. One Health. Or nous continuons, en France, de supprimer des lits, alors que la crise sanitaire a montré l’importance de personnels et de services bien dotés! Le second message est écologique et doit nous faire reconsidérer notre place parmi les vivants. Car il faut bien le reconnaître, notre système n’a eu de cesse de dégrader les conditions de vie sur Terre, sans égard pour l’homme comme pour l’animal, le minéral ou le végétal. Le soin doit devenir l’objet d’une politique générale et le principe de toute action future. L’approche «One Health», qui considère, ensemble, santés humaine, animale et environnementale, est un pas dans la bonne direction. Nous ne pouvons ignorer notre dépendance à la Terre et aux conditions géophysiques de toute existence. La leçon vaut pour aujourd’hui et pour demain. Si nous devions l’oublier, une fois encore, trop pressés de refermer la parenthèse Covid-19, alors les pandémies du futur, associées à la perte de la biodiversité et au réchauffement climatique, pourraient être bien plus dramatiques avec un impact encore plus important sur nos sociétés humaines. (1) “Vitesse et Politique” de Paul Virilio et “Accélération” d’Hartmut Rosa. Alain Coulombel est l’auteur de Chronique d’un emballement planétaire, à paraître mi-janvier, chez Libre & Solidaire. Eric Caumes est l’auteur d’Urgence sanitaire, Robert Laffont, 2020. Alain Coulombel porte-parole national EE-LV , Eric Caumes professeur de maladies infectieuses et tropicales
PALAZZI 2 VENEZIA
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VENEZIA MUSEES FERMES ous ne pouvez pas parler de Venise (ou même penser à l’administrer) sans être pleinement conscient de sa valeur culturelle et artistique. Une offre sans équivalent dans le monde qu’il faut promouvoir et protéger car elle est porteuse de valeurs culturelles, sociales, historiques et économiques étroitement liées à la ville. Des ressources collectives qui ne peuvent être commercialisées de manière superficielle et réductrice. Et pourtant, alors que les gens se demandent quand les musées rouvriront en Italie (et ailleurs), Venise joue en avance et, sans aucune indication nationale, a décidé de maintenir TOUS les Musées Civiques totalement fermés jusqu’en avril. Et nous ne parlons pas seulement d’une fermeture des entrées, mais aussi d’un blocage de toutes les activités connexes : des activités scientifiques aux activités de conservation, jusqu’à
geler également toute programmation et planification de la relance (en hypothéquant, entre autres, la possibilité de profiter des ressources que le Fonds de relance allouera à la culture, donc en renonçant volontairement à des millions d’euros). Une représentation parfaite (et misérable) de la façon dont nos précieux lieux de culture, à Venise (et malheureusement pas seulement), sont considérés comme “inutiles” lorsqu’ils sont privés de leur “seule” fonction économique d’attraction touristique ; accessoires de plaisir gaspillés auxquels on peut facilement renoncer et non ressources fondamentales pour la citoyenneté, ou pour l’accueil, ou la croissance, peut-être pour le développement ou la récupération. Et c’est un problème, car si cette période difficile pour la culture (à Venise et pas seulement) nous a appris quelque chose, c’est combien il est risqué de superpo-
ser, ou pire de subordonner, un secteur complexe comme la culture au tourisme sans définir leurs points de contact et leurs différences. D’autant plus si le “succès” ou non de cette union n’est identifié que par le nombre total d’entrées et de recettes (avec des chiffres et des statistiques non affinés souvent issus du sur-tourisme). Malheureusement, cette situation des Musées Civiques de Venise montre comment même un modèle de gestion qui, sur le papier, est solide et riche en potentiel, né d’un pacte de valeurs entre les institutions publiques, la société civile et en synergie vertueuse avec des sujets privés, s’il est plié à des logiques contingentes, “volatiles”, qui déséquilibrent toute l’offre de services vers la seule “gestion” des flux de trésorerie, liant la structure organisationnelle à la seule billetterie touristique, avant même qu’une accessibilité inclusive plus stable et durable, même saine, ne perde PALAZZI 3 VENEZIA
ALORS QUE LA PLUPART DES INSTITUTIONS CULTURELLES ITALIENNES TENTENT DE RÉFLÉCHIR À LA REPRISE, LES MUSÉES MUNICIPAUX DE VENISE ONT ANNONCÉ QU’ILS RESTERAIENT FERMÉS JUSQU’EN AVRIL. SUGGÉRANT QUE CE CHOIX EST LIÉ À L’ABSENCE DE TOURISME. MAIS QU’ADVIENT-IL DE LEUR VALEUR “CIVIQUE” DE CETTE MANIÈRE ?
rapidement son élan. Un modèle qui, à l’époque de l’abondance, semblait fonctionner à merveille (il semblait), mais qui aujourd’hui montre malheureusement toutes ses limites (à Venise comme dans les grandes réalités du reste de l’Italie), en en venant à considérer/faire de ces précieux lieux de culture (infrastructures identitaires fondamentales de proximité) de beaux (non)lieux pratiquement “inutiles” puisqu’ils sont privés de leur “seule” fonction reconnue (celle économique d’attraction) en les mortifiant. Car l’”excuse” de cette situation est que, comme il n’y a pas de touristes, il n’y a pas d’argent. Par conséquent, tout d’abord, il est clair que l’administration ne considère nos sites culturels que comme des “stations touristiques”, à l’usage exclusif des visiteurs venant de l’extérieur du territoire ; ensuite, en ce qui concerne ce que dit la Fondation sur le manque à gagner de 7 millions d’euros, il faut rappeler que la Fondation elle-même a bénéficié du grand soutien direct aux musées non étatiques qui est venu de l’État : un total de 50 millions d’euros sous forme de remboursements sur l’absence de billetterie pour garantir le secteur avec ses milliers de réalités encore en proie à la crise (et avec des milliers de travailleurs sans certitude pour l’avenir), ce qui a grandement favorisé précisément des réalités comme Venise, avec une dotation d’un peu plus de 7 millions d’euros versés directement dans les caisses de la Fondazione Musei Civici. Et alors ? “La réforme de la gouvernance culturelle de la ville de Venise n’est donc plus seulement une opportunité mais une nécessité si nous voulons vraiment sortir de l’impasse imposée par la pandémie”. La situation de la réouverture des musées civiques montre simplement que la réforme de la gouvernance culturelle de la ville de Venise n’est plus seulement une opportunité mais une nécessité. Nous devons changer et nous devons le faire maintenant. Nous devons comprendre comment intercepter de nouveaux visiteurs en
suivant de nouvelles trajectoires dans l’offre, également culturelle. Nous devons revenir à la création de principes de communauté muséale, puis de centres de citoyenneté temporaire, ce qui ne signifie pas seulement garantir l’accès comme une fin en soi, mais offrir des services différents et intégrés, comme ceux fournis par les musées eux-mêmes. (suit page 4) (suit de la page 3) Maintenir nos lieux de culture dans un régime d’incertitude/fermeture pour je ne sais combien de temps ne signifie que perpétuer une image (même internationale) d’une ville sans identité. Les musées sont une représentation de la relation étroite entre la communauté et son territoire et, en tant que tels, sont au service de la communauté, tant des ressources économiques que sociales. C’est une honte et un gaspillage de ressources qui risquent de conduire rapidement à la désertification du secteur, en particulier dans sa composante civique. Sans parler des dommages causés tant du côté de la production et de la conception que du côté des sponsors et des supporters. Le risque est “simplement” de prolonger le délai de récupération (déjà probablement long). Et pourtant, à ce jour, il n’existe aucun projet ou plan public efficace pour relancer, et encore moins pour développer et planifier non seulement la reconnaissance de la “valeur culturelle” mais aussi le renouvellement de l’expérience offerte par nos musées. Et quel avenir peut avoir une ville (Venise) quand en septembre, espérant une réouverture rapide, elle a investi 6 000 000 € pour financer son casino, et seulement 600 000 € pour les interventions et la restauration de ses musées ? (600 000 euros : 11 musées = 54 5454 euros par musée). Tirons donc les leçons de tout cela et révisons ces dynamiques autant que le modèle lui-même, afin de sauvegarder ses objectifs, en le renouvelant, en repartant de l’esprit de partage et de valorisation du patrimoine qui
constituait ce même pacte à l’époque, surtout maintenant que nous sommes proches de la récupération, surtout maintenant que nous avons l’occasion de le faire. Poursuivre la vieille logique, les mêmes schémas, signifie ne pas considérer la culture comme un atout pour la citoyenneté ou comme un véritable atout pour le développement, mais seulement comme un ornement pour elle-même. En ce sens, réformer la gouvernance culturelle de la ville de Venise n’est plus seulement une opportunité mais une nécessité si nous voulons vraiment sortir de l’impasse imposée par la pandémie. Partant du nœud non résolu de ne pas avoir (encore) un “vrai” conseiller pour la culture, une condition qui sape toute possibilité concrète de planification stratégique. Parce que rouvrir la culture, aujourd’hui, ne signifie pas seulement revenir à la “billetterie”, cela signifie (devrait signifier) aussi redessiner un modèle d’accueil et d’accessibilité qui, en temps d’abondance, semblait fonctionner (semblait), mais qui aujourd’hui montre malheureusement toutes ses limites (à Venise comme dans les grandes réalités du reste de l’Italie). Poursuivre les vieilles logiques, les mêmes schémas, ou pire, attendre paresseusement que la tempête passe, c’est considérer la culture comme un bel objet seulement comme une fin en soi. Exactement comme avant la pandémie, poursuivant ainsi une fois de plus la politique touristique pré-Covid d’”exploitation de notre pétrole”, à la tranquillité d’esprit des citoyens, mais surtout en oubliant que les musées ne sont pas seulement des attractions touristiques, mais des principes culturels civiques, d’appartenance, fondamentaux pour la récupération du tissu social et de ses relations plus humaines.
PALAZZO SA
Massimiliano Zane https://www.artribune.com/ professioni-e-professionisti/politica-e-pubblica-amministrazione/2020/12/musei-civici-venezia-chiusura-aprile/ PALAZZI 4 VENEZIA
i vous tombez sur le site web de Sotheby’s Realty Italia, la division immobilière italienne du géant international des ventes aux enchères, un chat vous accueillera pour vous demander si le compte en service peut faire quelque chose pour vous. Vous pourrez alors vous régaler des plus beaux (et des plus chers) bâtiments du monde, sous le slogan affectueux “Your Home, Your Story”. Parmi les propriétés en vente sur le site, on trouve aussi, curieusement, un des joyaux de la capitale, le Palazzo Sacchetti, la perle de la Via Giulia, une rue conçue pour le pape Jules II (d’où le nom) par Bramante au début du XVIe siècle comme nouveau centre de représentation de la ville. Conçu par Antonio da Sangallo Il Giovane - un architecte connu pour avoir également conçu Palazzo Farnese et pour avoir aidé Raphaël dans la construction de Saint-Pierre - Palazzo Sacchetti a été construit à partir de 1542. On connaît les origines du palais grâce à quelques croquis actuellement aux Offices,
mais aussi à un passage du Vitedel de Vasari : “il a refait sa maison dans la Strada Giulia à Rome, pour se défendre des inondations lorsque le Tibre a gonflé. Et non seulement il a commencé, mais il a mené à bien le palais qu’il habitait près de San Biagio, qui appartient aujourd’hui au cardinal Riccio da Montepulciano, qui l’a terminé avec beaucoup de frais et avec des pièces très ornées, au-delà de celles qu’Antonio avait dépensées, qui avaient été des milliers de scudi”. Né pour être la résidence de Sangallo lui-même (à l’époque, la Via Giulia était très à la mode et des architectes célèbres y résidaient), il a ensuite été acheté après sa mort par les Ricci di Montepulciano (il est en fait également connu sous le nom de Palazzo Ricci); en 1608 par l’archevêque de Naples (il est responsable de la réalisation de la chapelle peinte à fresque par Agostino Ciampelli), jusqu’à ce qu’il devienne la résidence des marquis florentins Sacchetti (la zone où se trouve le palais est le “quartier florentin” de Rome), dont il tire
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ACCHETTI son nom, au XVIIe siècle. Il est resté entièrement entre les mains de la famille Sacchetti jusqu’en 2015, lorsque le dernier héritier a vendu une partie du palais à l’entrepreneur français Robert De Balkany (à Rome pour une série d’investissements dans le domaine des grands centres commerciaux, comme le complexe Euroma2), qui est décédé la même année. Le palais a également captivé les publics du monde entier pour avoir été le décor de certaines scènes de “La Grande Bellezza”, le célèbre film réalisé par Paolo Sorrentino en 2013. Le rez-de-chaussée, comme l’explique l’annonce sur Sotheby’s Realty, a une très grande surface, “avec une splendide terrasse de 275 mètres carrés plus quatre petits balcons, tandis que la cour intérieure bénéficie d’un merveilleux jardin de 688 mètres carrés plus le splendide nymphée de 70 mètres carrés”. pour ceux qui rêvent d’une vie à la Couronne, il y a 12 salons, équipés de statues en marbre, de plafonds décorés, stuqués et peints à fresque, de verre et
de tout ce qu’une résidence de ce type, joyau du maniérisme, peut offrir non seulement sur le papier. L’heureux acheteur pourra notamment apprécier la beauté des œuvres de Francesco Salviati, Pietro da Cortona et Jacopino del Conte et bien sûr la chapelle Ciampelli déjà mentionnée, le tout réparti sur 2025 mètres carrés de l’étage principal. Mais en plus du palais, il y a aussi une série de dépendances, de petits bâtiments à l’arrière, des entrepôts, des places de parking, une cour de copropriété, un bâtiment de trois étages avec cinq appartements et divers services, un autre appartement avec entrée indépendante sur la Via Giulia, un bâtiment de deux étages avec accès sur Vicolo del Cefalo, un bureau de trois étages pour un total de plus de 32.000 mètres carrés. Sans oublier le magnifique jardin italien et le petit pavillon qui surplombe aujourd’hui le Lungotevere (autrefois directement sur la rivière). Les négociations sont confidentielles (selon les personnes bien informées, un marché
de 30 millions d’euros est un marché conclu), mais nous ne gardons pas notre souhait de voir cet espace ouvert au public. Bien sûr, il serait également utilisable comme hôtel, mais quelle serait la bonne nouvelle pour cette année 2021 en particulier si l’achat était réalisé par une fondation, une grande entreprise ou un mécène qui voulait y ouvrir un musée ou un espace culturel ? En attendant, espérons pour la propriété et pour les intermédiaires que la vente ne durera pas aussi longtemps que celle (une décennie d’agonie) du Palazzo Medici Clarelli adjacent (les familles toscanes y avaient toutes leur maison!) qui (également conçu par Sangallo) a finalement été restauré il y a quelques mois seulement. Santa Nastro https://www.italy-sothebysrealty.com/ https://www.artribune.com/ arti-visive/2021/01/palazzo-sacchetti-roma-in-vendita/ PALAZZI 5 VENEZIA
endez-vous au 23 janvier 2021 : c’est la date à laquelle, si tout se passe comme prévu, un nouveau grand musée d’art contemporain verra le jour à Paris, la Bourse de Commerce, le nouveau siège de la Collection Pinault. L’inauguration intervient après quatre années de travaux, au cours desquelles le grand monument a été restauré pour accueillir la collection. L’histoire de la Bourse de commerce remonte au XVIe siècle, lorsque la résidence de Catherine de Médicis a été construite à l’emplacement actuel du bâtiment (dont la seule trace subsiste est la colonne dite des Médicis, une colonne isolée de 31 mètres de haut). La résidence a été démolie au XVIIIe siècle pour faire place à la “halle aux blés”, un bâtiment dédié au commerce des céréales, tandis que l’actuelle Bourse de commerce date de 1889 (conçue par Henri Blondel). La Bourse est un bâtiment classé depuis 1986, et la négociation s’y est déroulée jusqu’en 1998. Le bâtiment devient alors le siège de la Chambre de commerce de Paris, subit quelques travaux de restauration en 1989 et 1997, et enfin, en 2016, la Ville de Paris et le collectionneur François Pinault annoncent la présentation d’un nouveau projet de transfert d’une partie de la collection d’art contemporain du magnat français à la Bourse : la Ville acquiert la Bourse pour la somme de 86 millions d’euros et en confie la gestion, pour cinquante ans, à la société Artémis, une des filiales de la holding Financière Pinault. Le projet de restauration de la Bourse de Commerce a été confié à l’architecte japonais Tadao Ando, avec l’agence NeM / Niney & Marca Architectes, Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques de France, et SETEC Bâtiment. Les restaurations ont concerné à la fois le bâtiment et les peintures qui ornent son grand hall : les interventions ont porté sur la façade, les toits, la grande coupole, les décorations et les vitraux. “L’histoire de la Bourse de Commerce”, a déclaré Pierre-Antoine Gatier, “révèle un bâtiment en transformation permanente, qui conserve fidèlement le modèle d’un bâtiment circulaire couronné par un grand dôme. (suit page 6)
(suit de la page 5) Le projet de la Collection Pinault suit cette histoire de l’architecture en préservant la mémoire du bâtiment historique et en faisant une intervention contemporaine qui s’inscrit dans une démarche de dialogue”. Les peintures qui ornent la base du dôme, réalisées avec la technique du marouflage, ont également été restaurées: il s’agit d’une grande œuvre représentant le “panorama du commerce”, une célébration de la modernité de la France datant de 1889. Les tableaux, hauts de dix mètres et longs de 140 mètres, occupent 1 400 mètres carrés et ont été exécutés par différents artistes (Evariste Vital Luminais, Désiré François Laugée, Georges Clairin, Marie-Félix Hippolyte Lucas, Alexis-Joseph Mazerolle. Dans ce cas, l’intervention était nécessaire en raison des dépôts de saleté qui avaient provoqué de graves altérations chromatiques des œuvres, sans parler du fait que les œuvres réalisées avec du marouflage sont très délicates et donc sujettes à une détérioration facile (c’est pourquoi il y a également plusieurs lacunes). Les ouvrages ont donc été nettoyés, consolidés et réparés afin de rétablir leur lisibilité pour le public. “Un soin particulier, rendu nécessaire par le pragmatisme imposé par les contraintes d’un bâtiment historique”, déclare Martin Bethenod, directeur général délégué de la Bourse de Commerce - Collection Pinault, “aux conditions climatiques et d’éclairage, tant artificielles que naturelles, aux aspects techniques des installations, et à la dimension de lisibilité, de continuité et de confort du parcours des visiteurs. L’esprit qui a animé le projet architectural et muséographique est celui d’un dialogue serein, bienveillant et non-autoritaire avec le contexte historique et patrimonial, avec les œuvres et avec le public”. Le projet culturel de François Pinault se déploie, depuis 2006, selon un triple principe. Celui, d’une part, d’un réseau de musées permanents, installés à Venise : le Palazzo Grassi, complété en 2013 de son auditorium, le Teatrino, et la Punta della Dogana, tous trois conçus ou réhabilités par Tadao Ando. Celui, d’autre part, d’un pro-
BOURSE DE COMMERCE gramme d’expositions hors les murs, en partenariat avec de nombreuses institutions en France et à l’étranger, qui permet de confronter les œuvres de la collection à des contextes et à des publics renouvelés. Celui, enfin, du développement d’initiatives en faveur du soutien à la création et de l’histoire de l’art, comme la résidence d’artistes de Lens ou le Prix Pierre Daix. Avec la Bourse de Commerce, à Paris, la Collection Pinault change ainsi d’échelle. Elle renforce son réseau de sites culturels permanents, tout en préservant l’identité de chacune de ses composantes. La Bourse de Commerce occupera une place centrale dans ce dispositif original, en entretenant avec le Palazzo Grassi, la Punta della Dogana et le Teatrino des relations de collaboration, de complémentarité et de synergie. La Bourse de Commerce aura vocation à présenter une programmation conçue à partir d’accrochages thématiques d’œuvres de la Collection Pinault, de monographies consacrées à ses artistes majeurs, de commandes spécifiques, de PALAZZI 6 VENEZIA
cartes blanches, et de projets in situ. Ces expositions, de durées variables, s’articuleront dans les différents espaces de manière à proposer au public une offre permanente tout au long de l’année. Celle-ci s’accompagnera d’une dense programmation culturelle et éducative, dotée d’espaces dédiés. Le projet architectural de la Bourse de Commerce consacre à la programmation et à l’accueil du public le plus d’espace possible, les bureaux, espaces techniques ou de réserves étant réduits au minimum, et presque entièrement localisés à l’extérieur du site. Il propose ainsi environ 6 800 m2 d’espaces d’expositions, aux surfaces variées (modules de 100 à 600 m2), utilisables de manière autonome ou combinée pour pouvoir, le cas échéant, accueillir des projets nécessitant un déploiement de grande ampleur. Les volumes allant de l’intime au monumental, sont pensés pour accueillir le plus justement possible des œuvres de techniques et de formats divers, de la photographie aux
grandes installations en passant par la peinture, la sculpture ou la vidéo. Les espaces d’expositions sont complétés par un auditorium de 284 places, susceptible d’accueillir dans les meilleures conditions conférences, colloques, projections ou encore concerts, ainsi qu’un vaste foyer et une « boîte noire » propice à la présentation d’installations vidéo, de performances et de formes expérimentales. Un soin particulier, assorti du nécessaire pragmatisme qu’imposent les contraintes d’un bâtiment historique, est apporté aux conditions de climat et de lumière, tant artificielle que naturelle, aux aspects techniques des installations (charge au sol, accès, monte-charges…) ainsi qu’à la dimension de lisibilité, de continuité et de confort du parcours du visiteur. L’état d’esprit qui préside au projet architectural et muséographique est celui d’un dialogue serein, bienveillant et non autoritaire avec le contexte historique et patrimonial, avec les œuvres et avec le public.
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E COLLECTION PINAULT Amateur d’art, François Pinault est l’un des plus grands collectionneurs d’art contemporain. Sa collection réunit un ensemble de plus de 5 000 œuvres couvrant aussi bien le 20e siècle que le siècle présent. Sa démarche se nourrit d’une volonté de partager sa passion avec le plus grand nombre, d’un engagement durable envers les artistes et d’une exploration permanente des nouveaux territoires de la création. Depuis 2006, le projet culturel de François Pinault s’oriente autour de trois axes : une activité muséale à Venise, un programme d’expositions hors les murs, et des initiatives de soutien aux créateurs et de promotion de l’histoire de l’art. L’activité muséale se déploie sur deux sites d’exception à Venise : le Palazzo Grassi d’une part, acquis en 2005 et inauguré en 2006, et la Punta della Dogana d’autre part, ouverte en 2009. Ces espaces ont été restaurés et aménagés par l’architecte japonais Tadao Ando, lauréat du Prix Pritzker.
Dans ces deux musées, les œuvres de la Collection Pinault font l’objet d’accrochages régulièrement renouvelés et toutes les expositions donnent lieu à l’implication active des artistes, invités à créer des œuvres in situ ou à réaliser des commandes spécifiques. Le Teatrino, réalisé par Tadao Ando et ouvert en 2013, propose un important programme culturel et pédagogique dans le cadre de partenariats noués avec les institutions et les universités vénitiennes, italiennes et internationales. Au-delà de Venise, les œuvres de la collection font régulièrement l’objet d’expositions à travers le monde. Elles ont ainsi été présentées à Paris, Moscou, Monaco, Séoul, Lille, Dinard, Dunkerque, Essen, Stockholm, Beyrouth et Rennes. Sollicitée par des institutions publiques et privées du monde entier, la Collection Pinault mène également une politique soutenue de prêts de ses œuvres. Parallèlement, la Collection Pinault est à l’origine d’initiatives de soutien aux artistes contemporains d’une part, et
de promotion de l’histoire de l’art moderne et contemporain d’autre part. François Pinault s’est ainsi associé à la Ville de Lens et à la région Hauts-de-France pour créer une résidence d’artistes dans une ancienne cité minière. Située dans un presbytère désaffecté, réaménagée par l’agence NeM / Niney & Marca Architectes, elle a été inaugurée en décembre 2015. Le choix des résidents se fait en étroite concertation entre la Collection Pinault, la DRAC et le FRAC Hauts-de-France, le Fresnoy – Studio national des arts contemporains et le Louvre-Lens. Après Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson, Edith Dekyndt, Lucas Arruda ou encore Hicham Berrada, Enrique Ramirez occupe la résidence jusqu’en juillet 2021. En hommage à son ami l’historien Pierre Daix, disparu en 2014, François Pinault a créé le Prix Pierre Daix qui distingue chaque année un ouvrage d’histoire de l’art moderne ou contemporain. En 2019, pour la quatrième édition, c’est Préhistoire. PALAZZI 7 VENEZIA
“L’envers du temps de Rémi Labrusse”, paru aux éditions Hazan qui a été primé. François Pinault a déclaré: “À la faveur de l’installation d’un nouveau site de présentation de ma collection à la Bourse de Commerce, au cœur même de Paris, une nouvelle étape est franchie dans la mise en œuvre de mon projet culturel: partager ma passion pour l’art de mon temps avec le plus grand nombre. ” Tadao Ando (1941) est reconnu comme l’un des principaux architectes japonais et l’un des plus grands représentants du mouvement minimaliste en architecture contemporaine. Architecte de la renovation Tadao Ando (TAAA) avec Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments Historiques, l’agence NeM Lucie Niney et Thibault Marca, et la SETEC bâtiment. a déclaré “En hommage à la mémoire de la ville, gravée dans les murs de la Bourse de Commerce, j’ai créé un nouvel espace qui s’emboîte à l’intérieur de l’existant pour revitaliser l’ensemble du volume qui sera dédié à l’art contemporain. L’architecture comme trait d’union entre le passé, le présent et le futur.” Jean Jacques Aillagon a été directeur des affaires culturelles de la Mairie de Paris (1993-1996), président du Centre Georges-Pompidou (1996-2002), ministre de la culture et de la communication (2002-2004), président de TV5 Monde (2004-2005), et président de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (2007-2011). Le 14 février 2013, Jean-Jacques Aillagon est élu à la présidence des Arts décoratifs, dont il démissionne le 9 septembre 2013. Jean-Jacques Aillagon est, depuis 2011, le conseiller de François Pinault dans ses activités artistiques et culturelles. Jean-Jacques Aillagon est l’artisan de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon, a pur sa part affirmé “La Bourse de Commerce, refermée sur son cercle parfait, coiffée de son impeccable coupole, sera le lieu où l’imprévisible peut devenir évident, l’inimaginable réel et l’inespéré possible. Un révélateur de la création en train de se faire et, de ce fait, un miroir du monde.” Martin Bethenod
Photo lagazettedrouot
réée grâce à un vœu solennel qu’un noble vénitien a fait à Dieu au début de 1600, alors que la peste faisait rage, faisant des centaines de milliers de victimes, aujourd’hui encore, c’est l’un des plus beaux jardins d’époque d’Italie et d’Europe. Valsanzibio est situé dans les collines Euganéennes et son histoire est un conte mystique de fascination. Alors que la ville de Venise, comme toutes les autres villes européennes, luttait contre le fléau, avec chaque jour davantage de morts et de contagions, les nobles vénitiens, pour se sauver, ont poursuivi la stratégie de la distanciation. Beaucoup ont quitté la ville pour s’installer dans leurs maisons isolées sur le continent. Parmi eux se trouvait le sénateur Zuane Francesco Barbarigo, qui s’installa dans sa propriété des Collines Euganéennes en 1631 après avoir perdu sa femme bien-aimée, elle aussi tuée par la terrible maladie. Il s’enfuit, emmenant avec lui ses fils Gregory (le fils aîné qui deviendra plus tard cardinal, évêque de Padoue et futur saint) et Antonio. Lorsqu’il est arrivé chez lui, il a fait la promesse solennelle à Dieu que si sa famille était sauvée, il lui dédierait une œuvre grandiose: le jardin de Valsanzibio. Qui sait si Luigi Bernini, l’architecte et fontainier du Pape, aurait trouvé difficile la proposition de créer le jardin Barbarigo. Le fait est que, alors que les travaux commencent à cette époque dans les jardins du château de Versailles, il dessine sur papier les esquisses de ce qui deviendra une merveille de l’art baroque. Il a fallu 31 ans pour l’achever, mais le résultat a été un jardin capable de fasciner le monde entier. Une concentration de beauté enfermée dans une dizaine d’hectares où l’on trouve des fontaines, des dizaines et des dizaines de statues en pierre d’Istrie, des pièces d’eau, des étangs, des bassins, des haies aux symétries parfaites, un labyrinthe, des centaines d’espèces de plantes de tous les continents, et même une “rue vénitienne” faite d’espaliers en buis. Ne pensez pas que c’est le jardin classique plein de fleurs, de parterres parfumés et de plantes ornementales.
GIARDINO VALSANZIBIO Il a certes été conçu comme un lieu d’amusement et de plaisir et comme une représentation terrestre de la grandeur de la famille Barbarigo, mais le Jardin du Valsanzibio devait être avant tout un lieu de méditation, capable de parler à ses hôtes à travers des allégories et des symboles. C’est grâce au cardinal Gregorio Barbarigo, le fils aîné de Zuane Francesco, que le jardin a pris une signification spirituelle et salvatrice. Aussi spectaculaire que tous les chefs-d’œuvre du baroque, le Jardin était l’emblème du chemin qui mène l’homme de l’Erreur à la Vérité, de l’Ignorance à la Révélation. Il y a quatre siècles, la porte de ce monde magique était le majestueux Pavillon de Diane qui surplombe la vallée de pêche de Sant’Eusebio (d’où le Valsanzibio), aujourd’hui réduite à un petit lac. Ceux qui sont venus au domaine ont commencé leur voyage de purification sous les yeux attentifs de Diana-Moon, la déesse de la nature sauvage mais aussi des merveilles et des changements. Il est impossible de retracer PALAZZI 8 VENEZIA
ici la signification de toutes les allégories présentes mais les plus significatives sont certainement le Labyrinthe de Boîtes, la Statue de Kronos (le Temps), la Grotte de l’Hermite, l’Escalier du Sonnet et la Fontaine de l’Apocalypse. Dans ce jardin symbolique, le labyrinthe, également conçu par Luigi Bernini et créé entre 1664-1669 avec six mille buis à feuilles persistantes, ne pouvait pas manquer. Le Labyrinthe de Valsanzibio est l’emblème du voyage incertain de la vie humaine, où l’on prend des chemins sans issue et où l’on se perd, où l’on médite sur ses erreurs et où l’on trouve enfin le bon chemin et la rédemption comme but final. Le Labyrinthe de Valsanzibio couvre une distance d’environ 1500 mètres avec des murs en buis d’environ 5 mètres de haut, et est le plus vieux labyrinthe du monde. Le chemin du salut se termine, aujourd’hui comme hier, devant un escalier de sept marches (nombre de perfection) qui sépare le Jardin de la Villa Barbarigo, aujourd’hui Barbarigo Pizzoni Ardemani.
Sur les contremarches sont gravés les vers d’un sonnet expliquant les significations du jardin et se terminant par les mots “I”, comme pour dire: “là, à Venise, il y a encore des tourments et des tourments, ici au contraire, la joie et le plaisir”. L’apothéose de la nature Le jardin de Valsanzibio est un véritable Eden sur terre avec environ 800 arbres de plus de cent espèces différentes (plus de la moitié sont des arbres centenaires plantés entre 1664 et 1669, mais il y a aussi des chênes verts de 600 ans, des ifs de 800 ans et l’un des plus vieux cèdres de Californie d’Europe, dont l’âge est estimé à environ 360 ans). Cependant, c’est le buis à feuilles persistantes qui domine, couvrant une surface totale de plus de 60 000 mètres carrés avec des plantes qui ont environ quatre siècles et atteignent une hauteur de cinq mètres. En raison de sa signification symbolique, le jardin de Valsanzibio a été récompensé en 2003 comme le plus beau jardin d’Italie et en 20. https://www.metropolitano.it/ giardino-valsanzibio
Photo galeriealbertapane
e nouveau spectacle s’inspire des cultures paysannes du sud de l’Italie, dans lesquelles les femmes couvraient les oreilles des poules avant de pratiquer tout geste violent qui aurait pu les choquer et provoquer leur stérilité. La femme avait l’habitude de prendre la poule à genoux et de protéger ses oreilles du bruit. Romina De Novellis transforme complètement l’espace de la galerie en créant une installation à fort impact émotionnel, dans laquelle elle reproduira les gestes de protection des animaux. Dans cette performance, Romina De Novellis propose une réflexion où l’éco-féminisme devient la clé de lecture des soins, comme vision de la vie et comme respect du corps des humains et des animaux tant dans la vie que dans la mort. C’est une invitation à penser l’écoféminisme comme une clé pour sortir de notre logique productiviste et consumériste actuelle.
a galerie Alberta Pane est heureuse de présenter dans son espace parisien, le 22 et le 23 janvier 2021, la nouvelle performance “Si tu m’aimes, protège-moi” de l’artiste Romina De Novellis. Romina De Novellis est performer, plasticienne et chercheuse, le corps qu’elle étudie d’un point de vue de l’anthropologie et des cultures de la Méditerranée est au centre de son travail. L’artiste se sert des théoriesécoféministes1,comme paramètre pour analyser et dénoncer les rapports d’oppression de nos sociétés et les dichotomies : nature/humanité, féminins/masculins, nord/ sud, scientifque/intuitif, pouvoirs/corps, establishment/ cultures. Son intention est celle de metre en valeur la réappropriation du pôle féminin aussi bien pour les femmes que pour les hommes, avec l’objectif de questionner les modèles dominants. Cete nouvelle performance est inspirée des cultures paysannes du sud de l’Italie, dans lesquelles les femmes
couvraient les oreilles des poules avant de pratiquer tout geste violent qui aurait pu les choquer et causer leur infertilité. Soigneusement, la femme prenait la poule sur ses genoux et elle lui protégeait les oreilles du bruit. Aujourd’hui, dans les abatoirs d’élevage intensif, des millions de volailles sont exposées à des méthodes d’étourdissement afin de leur faire perdre conscience et devenir insensibles à la douleur. L’étourdissement par des bains d’eau électriques est la façon la plus répandue dans l’Union européenne pour l’abatement des volailles destinées à l’alimentation : les oiseaux sont placés dans des conteneurs servant au transport, ensuite ils sont suspendus par les deux pates, au niveau du jarret et acheminés vers un bain d’eau électrifé. Romina De Novellis pose un regard critique envers toute forme de rituel. Les fêtes populaires, les luminaires2, les traditions liées aux cérémonies religieuses encagent souvent le rôle de la femme dans une position PALAZZI I VENEZIA
SI TU M’AIMES, PROTÈGE-MOI Romina De Novellis 22 janvier 2021 6 février 2021 Performance : 22 et 23 janvier 2021 de 17h à 19h / Installation vidéo jusqu’au 6 février GALERIE ALBERTA PANE 47 rue de Montmorency 75003 Paris Calle dei Guardiani 2403/h Dorsoduro 30123 Venezia
info@albertapane.com albertapane.com
secondaire et de soumission. C’est pourquoi le travail de cete artiste s’adresse aux corps, aux gestes de soin et aux moments intimes de prise en charge de l’autre. Car c’est dans ces moments d’intimité, de silence, de soin, que le féminin peut réussir à s’afrmer et à montrer une autre façon de se rapporter à la nature, à l’animal et à l’autre. « Les femmes font les enfants et les morts, mais elles font aussi les animaux »3. Elles « font » dans la mesure où elles s’occupent de la famille et de leurs proches et elles donnent une autre vision aux usages sociaux du corps. Dans la performance “Si tu m’aimes, protège-moi”, Romina De Novellis transforme complètement l’espace de la galerie en créant une installation à fort impact émotionnel, dans laquelle elle va reproduire les gestes de protection de l’animal. Romina De Novellis propose dans cette performance une réfexion où l’écoféminisme devient la clé de lecture du care, comme une autre modalité de soin, comme une vision de la vie et du respect du corps des humains et des animaux aussi bien dans la vie que dans la mort. C’est une invitation à réféchir à l’écoféminisme comme une clé pour sortir de la logique productiviste et consumériste actuelle. Notes 1 L’écoféminisme est un courant philosophique, éthique et politique né de la conjonction des pensées féministes et écologistes. 2 Grandes installations lumineuses colorées créées dans le sud de l’Italie pendant les vacances, les événements et les célébrations des saints patrons des villes. 3 Dans certains études anthropologiques sur les cultures paysannes, on trouve l’expression : « Les femmes font les enfants et elles font les morts » (Caforio Antonella, Figure Femminili Protetrici della Nascita, Milan, 2002). Notamment dans des textes français et italiens, où l’expression « faire des enfants » est utilisée de façon courante pour décrire la spécifcité physique ou la volonté d’une femme d’accoucher des enfants. Cette expression explique aussi le rôle des femmes des cultures paysannes de s’occuper et protéger aussi bien les enfants que les morts. Laver ces corps, habiller les bébés mais aussi les cadavres, préparer les lits, accompagner les instants donnant naissance à la vie comme à la mort.
Frank Korapi,
pseudonyme de Franco Corapi, est un créateur et un photographe qui s’occupe de photographie et d’autres disciplines artistiques depuis plus de 40 ans. Le portrait est son genre préféré, même si sa production photographique va de la publicité au reportage. Trouvant un équilibre entre le devoir de reportage et la recherche formelle, il parvient à saisir les moments les plus spontanés et sincères de ses sujets, ce qui a un fort impact émotionnel et social. A étudié à Politecnico di Milano Facoltà di Architettura Civile A étudié à Accademia di Belle Arti di Brera A étudié à Liceo Artistico Catanzaro. Vit et travaille en Sardaigne Instagram frank.korapi areashoot.net
FRANK KORAPI
FRANK KORAPI
PALAZZI IV VENEZIA
Photo artsy
lain Vagh-Weinmann est le petit fils de Maurice Va g h - We i n m a n n (1899-1983) et le fils de Tihamer (dit Tim) Vagh-Weinmann (1925- 2009). Durant la guerre, Tihamer Vagh-Weinmann rencontre Jacqueline Langreney, la fille d'un riche parisien installé en Provence, et partisan du Régime de Vichy. Ils se marieront à la fin de la guerre et ce en dépit des divergences politiques qui subsistent entre le père de la jeune femme et Tihamer. De cette union naîtront six enfants ; Jean-Pierre, Alain, Vincent, Dominique, Laurent et Frederic. Alain est le second de la fratrie. En 1957, Alain Vagh Weinmann entre au lycée Mignet à Aix-en-Provence. Adolescent il se lie d'amitié avec Mirabelle Jouve, la fille du céramiste Georges Jouve (en) qui deviendra, plus tard, une source d’inspiration pour Alain dans la réalisation des ses céramiques. Pas très bon élève, il quitte le lycée à 16 ans pour aller travailler dans une boite de nuit
« La Grange aux Loups » que son père avait bâti sur la colline du village de Ventabren, ainsi baptisée en hommage à la chanteuse Barbara. Il rencontre en 1964 à Ventabren, sa future épouse, Jacqueline Emphoux (dite Jacotte), originaire de Salernes (Var). En 1966 le père d’Alain Vagh ferme la « Grange aux Loups», et part avec son épouse, ses enfants et ses beaux enfants dans le Massif du Luberon pour y créer un ranch, cadastré sous l’appellation d'Éden Val (la vallée du bonheur). En mai 1968, Alain Vagh-Weinmann et Jaqueline Emphoux se marient. En 1968, Jacotte, l’épouse d’Alain Vagh, hérite de son père d’une usine de céramique située à Salernes. Alain Vagh se lance dans l’aventure. Il commence tout d’abord son apprentissage[ sur des tomettes ; l’engobage, le séchage naturel au soleil, la cuisson au four à bois, l’émaillage et la recherche de nouvelles formes. Il fabrique des céramiques aux teintes dans la ligne de Jouve. Il choisit aussi de raccourcir
son nom de famille, préférant se faire appeler Alain Vagh. Toujours en 1968, Sylvain Floirat, le fondateur du Groupe Floirat, rachète « le Byblos» de Saint-Tropez et demande à Alain Vagh de lui fabriquer un décor en brique de style babylonien. « Je n’y arrivais pas, et un jour j’en ai jeté une par terre de colère, elle n’était pas encore sèche alors cela a donné une forme différente qui m’a plu, et je l’ai appelé les terres arrachées» explique Alain Vagh. En mai 1969, il est sollicité pour refaire, dans le Fort de Brégançon, toute une pièce en tomettes de style du XVIIIe siècle. La même année il reçoit un courrier du marchand d’art du sculpteur César, lui demandant s’il serait d’accord pour compresser de la poterie afin d’en faire une œuvre dans la ligne du sculpteur. Pour compresser la terre il faut qu’elle soit molle, et César voulait le faire lui-même et n’est jamais venu au rendez-vous. Alain Vagh décide, malgré tout, de tenter de faire la compression lui-même, et apporte PALAZZI 9 VENEZIA
Il y a des rencontres qui sont des évidences. Celle des œuvres d’Alain Vagh-Weinmann et de Catherine Ludeau en est une. À l’origine, Éther est un dieu primordial de la mythologie grecque, personnifiant les parties supérieures du ciel, ainsi que sa brillance ; resté aujourd’hui par la poésie, où l’on parle d’éther pour un ciel pur. Tout a commencé pour l’un il y a plus de 30 ans (...) Pour l’autre, il y a une vingtaine d’années (...) De celui dont les œuvres tendent vers le ciel à toucher les étoiles De celle qui tente de décrocher les étoiles et les semer sur ses toiles Leurs œuvres se rejoignent Et nous entrainent De la terre à l’éther Les œuvres d’Alain Vagh-Weinmann et de Catherine Ludeau s’offrent à notre regard pour le guider vers l’Ether Là où l’air y est plus pur et plus chaud Et qui est celui respiré par les dieux.
le résultat à César qui n’apprécie pas du tout l’initiative d’Alain. Alain ne reverra plus jamais César après cette histoire. En parallèle il propose de construire des cuisines, des salles de bains... et toutes sortes de décors qu’il peut réaliser avec ses céramiques qu’il fabrique dans son usine à Salernes. Dans les années quatre vingt, parce qu’il en avait assez de démolir ses stands de démonstration à chaque fin de salon d’exposition. Il décide de fabriquer un showroom mobile, en habillant un véhicule tout-terrain de céramique et en le transformant en salle de bain. C’est depuis lors que la presse et ses collègues lui attribuèrent le surnom de « Céramiste fou». Après la voiture, il se mit à recouvrir un piano à queue, une télévision, un sidecar, des poteaux EDF… Ensuite il se mit à créer ses propres œuvres, des totems, les yeux de Pablo Picasso, des chaises… Des chaises ont d’ailleurs été utilisées durant plusieurs mois sur le plateau de télévision de l’émission « Le Cercle de minuit» animée par Michel Field car en 1994 c’est Alain Vagh qui a la charge de la décoration. Ses chaises colorées et biscornues plaisent et intriguent les invité(e)s. Dès lors, Michel Field, décide d’inviter Alain sur son plateau. Ce jour là, le pianiste géorgien Irakli Avaliani, invité lui aussi de l’émission joua la Mazurka de Chopin sur le piano grand queue décoré en céramique par Alain Vagh plusieurs années auparavant. Sacha Distel a également joué sur le piano d’Alain durant un festival à Ramatuelle, ainsi que le pianiste François-René Duchâble lors d’un concert au château de la Moutte à Saint-Tropez. En 1992 Alain Vagh rencontre l’architecte Albert Caviezel, avec qui il réalisera plusieurs chantiers en céramique ; de Engelberg en Suisse, puis États-Unis, au Japon, et au Canada… En 1993 il arrive à Paris à bord d’une péniche qu’il avait recouverte de céramique pour deux amis ; Olivier Baussan et Hazel une jeune femme passionnée de péniche. Toujours avec Olivier Baussant, ensemble ils créent, en 1992, la première boutique située rue Vavin dans le sixième arrondissement de Paris. (suit page 10)
https://everybodywiki.com/ Alain_Vagh
Photo annamarchlewska
(suit de la page 9) C’est à cette époque qu’il découvre, entre la Place de la Contrescarpe et les quais où il avait accosté, sa future boutique parisienne – dans le quartier de Jussieu, au 24 rue des Fossés saint-Bernard, dans le cinquième arrondissement de Paris. Il s’y installera en 1994 pour y vendre ses céramiques. Toujours en 1994, il ouvre une seconde boutique sur l’Île de Ré, puis en 1996 une troisième à Ramatuelle. Alain Vagh-Weinmann a grandi dans un univers de peintres. Enfant, il passait des heures à regarder travailler son grandpère, Maurice Vagh-Weinmann. Il prenait grand plaisir à nettoyer les pinceaux et la palette du maître. Bien qu’Alain ait peint son premier tableau à huit ans, il ne se sentait pas à la hauteur face au talent de son aïeul. Dans les années soixante dix, il reprend le pinceau, et peint un tableau représentant un poteau en béton entouré d’un arc en ciel, qu’il intitula « Horreur Boréale triphasée ». Alain repose à nouveau les pinceaux pour un temps, et se remet à temps plein à la céramique. Mais dans les années 2000, alors qu’il est en visite à la Galerie Garnier avec son ami Nicolas fils de Bernard Buffet, il remarque le creux poplité d’une charmante jeune femme. À peine rentré chez lui il se met à peindre l’arrière du genou de la jolie dame. Et depuis il n’a plus jamais cessé de peindre ce joli petit creux, si féminin, « J’ai toujours trouvé cela sexy et mignon. La plupart des artistes aiment peindre des fesses, des seins, des visages... moi je préfère peindre cette partie là. Je ne suis pas le seul à m’y intéresser d’ailleurs. Je me souviens d’une planche de dessins de Claire Bretécher, où elle parlait aussi de cet endroit là du corps, elle l’avait appelé le « Cropoplité.» explique t-il. En mai 2018, il expose pour la première fois, dans sa boutique parisienne située au 24, rue des Fossés-Saint-Bernard, dans le cinquième arrondissement sa collection intitulée “Émoi pictural pour le creux poplité”.
CATHERINE LUDEAU atherine Ludeau est née à Paris, diplômée de l’école supérieure des Arts Appliqués Duperré, elle part vivre à New York en 1978, et travaille comme illustratrice pour la presse et l’édition. Elle revient en France en 1981, et poursuit son parcours artistique par l’aquarelle et le dessin à la sanguine. 1999 est le début de la peinture à l’huile. À partir de 2000 et durant 4 années, Elle va transmettre son savoir en donnant des cours de dessin, de peinture et d’aquarelle. Les premiers tableaux avec de la résine apparaissent en 2011. Comme lovée dans un repli du temps oublié des hommes, dans un recoin de l’histoire ignoré par les urgentistes du rien consumériste – quelque part entre le moyen âge japonais et le XXIème siècle mondialisé – Catherine Ludeau occupe un espace, une alcôve de paix, où l’on se sent chez soi sans y avoir été invité. Tel un volcan sous-marin sublime, matériel et tellurique, l’œuvre de Catherine Ludeau PALAZZI 10 VENEZIA
explose en silence. La douleur ici n’est pas dans l’enfantement, mais dans la genèse. Seul un long processus, invisible à l’œil, a pu rendre possible l’éclosion de son travail si abouti, si simplement beau. Catherine, en vieux sage séculaire qu’elle n’est pourtant pas, fait naître la matière étrange qui contient une finitude évidente, sans appel, où tout est dit, avec le geste pour mot, la quête pour trame. Contempler et se laisser porter par cette ballade au cœur des jardins de son âme mystérieuse, apaisée, guérie d’on ne sait quelle traversée douloureuse, est un bain dont on sort enrichi, reposé, presque neuf. C’est bien de naissance et de matière qu’il s’agit : la résine ne se laisse jamais totalement apprivoiser, elle détourne l’intention première de l’artiste et laisse place à la surprise, celle que contient toute œuvre dont l’essentiel reste enfoui au ventre du créateur, jusqu’à l’enfantement. Dès le premier regard, les tableaux de Catherine Ludeau font leur ouvrage d’apaisement, d’émerveillement et
l’on désire les avoir auprès de soi pour puiser chaque jour l’énergie sereine qu’ils délivrent. Des tableaux du matin pour un réveil sans heurt, une douce transition entre le monde du sommeil et celui de l’affairement pressé. Des tableaux de pleine lumière à la chaleur desquels on vient chercher réconfort et confiance. Des tableaux de clair-obscur qui invitent à la méditation. Sous des airs de Yoko Tsuno*, Catherine cache involontairement les clefs de son trésor dont on ne désire d’ailleurs rien connaître pour n’en rien altérer. Dans son univers d’épure, il semble le temps s’est arrêté, l’on vit en apesanteur. Le voyageur que nous sommes y rencontre un miroir révélateur qui évoque la réintégration des contraires, le yin et le yang, le tout réunifié, l’équilibre de l’univers, la résine sans le vernis. Nicolas Lepeu *l’héroine de bande dessinée japonaise née sous le crayon de Roger Leloup
e matin du Nouvel An 2021, un lourd ciel gris planait sur Londres : c’était un jour d’hiver froid et sombre. C’est un jour d’hiver froid et sombre. Le temps ne fait pas de différence pour le calendrier: c’est le même que le 31 décembre, la veille. Mais le 1er janvier est une date historique pour le calendrier. Après 47 ans, le pays a quitté l’Union européenne : le Brexit, qui a duré 4 longues années de profonds déchirements, d’incertitudes, de rebondissements et de psychodrames, est maintenant une réalité. En l’an de grâce 2021, ce sont les sujets de Sa Majesté qui disent adieu à l’Europe, avec un certain soulagement de leur part et une lividité tout aussi mal dissimulée et des accusations d’avoir fait un choix désastreux. Il y a mille six cents ans, ce sont les anciens Romains, les “Européens” de l’époque, qui ont abandonné la Grande-Bretagne à son sort. Des flux et reflux historiques.
La date du calendrier n’est pas connue mais un matin de l’an 410 après J.-C., l’Empire romain a mis l’île à la dérive. Ce n’est même pas le 410 de l’ère chrétienne (qui ne sera introduit qu’un siècle plus tard), mais l’année 1163 ab Urbe Condita, de la fondation de Rome, une date qui a été utilisée dans tout l’empire, de la Mauritanie à la Macédoine, pour compter les années. Après plus d’un millénaire de vie et de leadership, Rome pourrait bien s’appeler l’Urbs Aeterna, la Ville éternelle. Mais depuis un certain temps, depuis au moins un siècle et demi, l’empire était en déclin lent mais régulier. Sur le Palatin, le palais de l’empereur construit par Octave Auguste trois siècles plus tôt, s’était installé Honorius, l’un des nombreux empereurs-soldats anonymes, des généraux qui, dès que la nouvelle parvint dans les provinces les plus reculées que Rome était en proie à des troubles, prirent la tête de leur légion, marchèrent sur la ville et furent proclamés Imperator par un Sénat réduit à l’état de larve.
Contrairement à ses autres “collègues”, Honorius prit la décision de retirer toutes les légions qui y étaient stationnées : elles étaient au nombre de 4 et elles étaient toutes réparties le long du mur d’Hadrien, la puissante fortification construite près de 3 siècles plus tôt pour défendre la frontière la plus septentrionale de l’empire. Après presque 400 ans de domination et de civilisation, l’ère romaine de la Grande-Bretagne est terminée. Et cela a pris fin parce que par décret, Rome, qui contrôlait toute l’Europe du Portugal à la Pologne, a décidé d’abandonner l’île. Un Brexit à l’envers : ce ne sont pas les Britanniques qui ont fait leurs adieux à l’UE, l’héritière de l’Empire romain, mais c’est Rome, l’Union européenne de l’époque, qui a fait ses adieux aux Britanniques, les laissant à leur (amer) destin. Après la Seconde Guerre mondiale, qui avait consacré le Royaume-Uni et Winston Churchill comme vainqueurs, le gouvernement a décidé de construire un nouvel aéroport PALAZZI 11 VENEZIA
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THE FIRST BREXIT
pour Londres, dans le sillage du boom économique. On a choisi Heathrow, une zone marécageuse et inhabitée à l’ouest de Londres, à 30 kilomètres du centre, où les courbes de la Tamise ont créé des dizaines de marais au cours des millénaires et suffisamment loin pour ne pas créer de problèmes. Les constructeurs imaginaient qu’ils trouveraient tout sauf des trouvailles étranges. Dans une zone qui a toujours été déserte, les archéologues appelés à résoudre le mystère sont stupéfaits : les vestiges qui sont progressivement mis au jour ressemblent de plus en plus à ceux d’un castrum, le camp militaire romain typique. Et les différentes pièces de monnaie, armes et restes sont de l’époque dite “républicaine”. Celui qui se trouve sous le futur aéroport ne pouvait donc être que le camp de Jules César. Le leader avait débarqué sur l’île en face de la Gaule en 54 avant J.-C. : le seul Romain, ou si vous préférez, le seul Européen, à avoir mis le pied sur l’île avant que la province ne soit officiellement établie. Celui de Jules César n’a été guère plus qu’un “raid” : il a débarqué de Gaule, effectué quelques patrouilles et pris contact avec les tribus locales. Mais rien d’autre : le futur “dictateur” n’avait pas l’intention de se lancer dans une campagne de conquête. Une fois de retour en Gaule, aucune autre armée romaine n’a mis les pieds sur l’île pendant les cent années suivantes. Mais au moins, César a eu un mérite : c’est lui qui a baptisé la terre de l’autre côté de la Manche, en face de la Gaule, Britannia. Ce faisant, il a inventé un terme destiné à la gloire éternelle. Des siècles plus tard, lorsque le Royaume-Uni a battu le Pays de Galles et l’Écosse, pour donner un sentiment d’unité politique et historique, il a déterré le nom latin et a inventé l’expression Grande-Bretagne. Noms mis à part, un siècle après le raid rapide de Jules César, Rome, devenue entre-temps un empire, décide de la colonisation de l’île : en 43 après J.-C., l’empereur Claude annonce la naissance de la province de Grande-Bretagne. (suit page 12)
Photo pariscityvision
(suit de la page 11) Là où le grand fleuve appelé Thamesis par les Latins (l’actuelle Tamise) offrait un lieu de débarquement naturel lorsque les navires remontaient de son embouchure, les Romains ont fondé la colonie de Londinium. Au sommet d’une petite colline (la future colline Ludgate), ils ont construit une basilique à l’endroit où se trouve aujourd’hui la cathédrale SaintPaul. Londinium deviendra l’une des villes les plus prospères de l’empire, avec des équipements dignes de Rome, des bains aux villas avec mosaïques. Mais la coexistence des Romains avec les habitants de l’île a toujours été problématique, tout comme la permanence des Britanniques au sein de l’UE, depuis leur entrée en 1973, en passant par le rejet de l’euro comme monnaie unique jusqu’au fameux référendum de 2016. La géographie, d’ailleurs, n’a pas aidé les “conquérants” romains. La province de Britannia était une terre inhospitalière : un climat hostile qui, dans le nord du pays, devenait même insupportable et invivable. La terre n’était pas facile à cultiver. Ou du moins, ce n’était pas facile pour les besoins alimentaires des Romains : le régime était basé sur des produits farineux, il fallait du blé, que Rome importait en fait en grande quantité d’Égypte et de Syrie. Mais le climat atlantique de l’île de Britannia, trop pluvieux et froid, avec peu de lumière, a empêché des récoltes de blé décentes. Les ressources naturelles qui ont enrichi la Grande-Bretagne, le charbon et le pétrole, ne seront découvertes que plusieurs siècles plus tard. Pour les empereurs romains, la Grande-Bretagne était plus un coût qu’un bénéfice. La province n’était pas non plus en paix. Les Romains ont toujours eu un problème de frontières : ils n’ont jamais pu soumettre les tribus des Scotii (Écossais) et donc prendre toute l’île, qui serait défendue depuis la mer, mais ils ont été obligés de construire le mur d’Hadrien, qui divise le pays en deux. Rome avait le leadership militaire de l’époque, ils étaient ce que sont les États-Unis aujourd’hui pour le monde de 2021 : mais même l’armée la
plus nombreuse, la plus organisée et la plus avancée de l’époque ne pouvait pas prendre le dessus sur les tribus écossaises, des géants robustes et immenses qui dominaient les légionnaires romains bien équipés. Surtout, ces géants étaient habitués à vivre dans des conditions extrêmes. Leurs attaques à la frontière de l’empire étaient mortelles et invincibles. Au cours des siècles, la Grande-Bretagne est donc devenue l’objet de raids de pirates venus de la mer et qui pillent périodiquement les côtes : les futurs habitants de l’île sont des tribus tout aussi féroces d’Angles et de Saxons. Le départ de Rome de la Grande-Bretagne est un adieu froid, étudié à table : l’amputation volontaire et cynique d’un membre déjà destiné à devenir mauvais tôt ou tard. Le choix d’Honorius a été dicté par un grand bon sens et aussi par une vision stratégique : abandonner la province, même à un coût politique et social énorme. PALAZZI 12 VENEZIA
Ayant quitté l’île, la frontière de l’Empire était à nouveau celle, naturelle et plus facilement défendable, de la Manche et de la mer du Nord : les milliers de kilomètres de côtes des provinces de Gaule (France) et d’Allemagne (Belgique, Hollande et Allemagne elle-même). Avec un front de garnison en moins, Rome pouvait se concentrer sur un autre, tout aussi problématique : le limes germanicus, la frontière du Rhin où les tribus celtes erraient, et où les Romains étaient de plus en plus faibles. Si c’était le cas, Rome serait soufflée. Comme d’ailleurs, 70 ans après Honorius, ce serait le cas. Le Brexit de Rome fut un choc pour l’île : les colons, citoyens romains qui s’étaient mélangés avec les locaux au fil du temps, furent simplement laissés à la merci des barbares qui, plus féroces et violents, les massacrèrent. Les Angles et les Saxons envahissent le pays et en prennent le contrôle, à l’exception du nord habité par les Écoss-
ais, toujours invincibles. Les villes romaines ont été saccagées et détruites par les barbares, la langue latine a disparu (elle n’a survécu que dans les monastères), tout le système socio-économique, des pièces de monnaie aux commerces ; des routes aux thermes, s’est effondré. Les nouveaux envahisseurs n’ont pas été capables de gérer une société aussi complexe. Le Brexit d’il y a un millénaire et demi a mis fin à la prospérité de la Grande-Bretagne romaine. De ces cendres est née une nouvelle nation, appelée Angleterre, la terre des Anges. Mais il a fallu au moins six cents ans : ce n’est que vers l’an mille que la Grande-Bretagne est revenue à un niveau de prospérité et de progrès. Le Brexit inversé de l’Europe romaine a donné lieu au “Dark Ages” : déclin, famine et guerre. Où le Brexit de Boris Johnson va-t-il emmener le pays des Angles ? www.ilsole24ore.com/art/ quella-brexit-all-incontrario
é à Hoboken, dans le New Jersey, en 1864, et ayant fait ses études d’ingénieur en Allemagne, Alfred Stieglitz est retourné à New York en 1890, déterminé à prouver que la photographie était un médium aussi capable d’expression artistique que la peinture ou la sculpture. En tant que rédacteur de Camera Notes, le journal du Camera Club de New York (une association d’amateurs passionnés de photographie) Stieglitz a épousé sa croyance dans le potentiel esthétique du médium et a publié des travaux de photographes qui partageaient sa conviction. Lorsque les membres du Camera Club ont commencé à s’opposer à sa politique éditoriale restrictive, Stieglitz et plusieurs photographes partageant les mêmes idées se sont séparés du groupe en 1902 pour former la Photo-Secession, qui prônait la mise en valeur du savoir-faire des photographes. La plupart des membres du groupe utilisaient des techni-
ques élaborées et à forte intensité de main-d’œuvre qui soulignaient le rôle de la main du photographe dans la réalisation des tirages photographiques, mais Stieglitz favorisait une approche légèrement différente dans son propre travail. Bien qu’il ait pris grand soin de produire ses tirages, souvent au platine - un procédé réputé pour donner des images à l’échelle tonale riche et subtilement variée - il a atteint l’affiliation souhaitée avec la peinture grâce à des choix de composition et à l’utilisation d’éléments naturels comme la pluie, la neige et la vapeur (58.577.11) pour unifier les composantes d’une scène en un ensemble pictural visuellement agréable. Stieglitz a édité la luxueuse publication de l’association Camera Work de 1903 à 1917, et a organisé des expositions avec l’aide d’Edward J. Steichen - qui a fait don d’un espace de studio qui est devenu en 1905 les Petites Galeries de la Sécession Photographique, familièrement connues sous le
nom de “291” pour son adresse sur la Cinquième Avenue. Grâce à ces entreprises, Stieglitz a soutenu des photographes et d’autres artistes américains modernes, tout en informant les artistes des dernières évolutions du modernisme européen du début du XXe siècle (avec l’aide des fréquents reportages de Steichen depuis Paris), notamment les œuvres d’Auguste Rodin, de Pablo Picasso, de Constantin Brancusi et de Francis Picabia. Sa connaissance de ce nouveau type d’art est évidente dans les photographies de ces années-là, comme The Steerage (33.43.419), dans laquelle la disposition des formes et des tons dément sa familiarité avec le cubisme, et From the Back Window-291 (49.55.35), dans laquelle l’internalisation de l’art d’avant-garde par Stieglitz se combine avec sa propre expertise dans l’extraction du sens esthétique de l’atmosphère urbaine. En 1917, la réflexion de Stieglitz sur la photographie a commencé à changer. Alors PALAZZI 13 VENEZIA
Photo alfredstieglitz
ALFRED STIEGLITZ
qu’au début du siècle, la meilleure méthode pour prouver la légitimité de la photographie en tant que médium créatif semblait suggérer de s’approprier l’apparence du dessin, des tirages ou de l’aquarelle dans les tirages photographiques finis, de telles pratiques ont commencé à sembler malavisées à la fin de la Première Guerre mondiale. La transparence des moyens et le respect des matériaux étaient les principes fondamentaux de l’art moderne, qui tiraient leur sens des éphémères de la vie contemporaine. La photographie était naturellement adaptée à la représentation de la cacophonie rapide qui définissait de plus en plus la vie moderne, et tenter de masquer les forces naturelles du médium en manipulant fortement le tirage final n’a pas eu la faveur de Stieglitz et de ses associés. Le soutien de Stieglitz à la photographie de Paul Strand et de Charles Sheeler cristallise la nouvelle approche du médium, et le changement peut également être observé dans ses propres photographies. Son célèbre portrait de Georgia O’Keeffe (1997.61.19) a été l’une de ses principales occupations entre 1917 et 1925, période durant laquelle il a réalisé plusieurs centaines de photographies du peintre (qui est devenu sa femme en 1924). Son refus d’encapsuler sa personnalité dans une seule image était conforme à plusieurs idées modernistes : l’idée du sentiment fragmenté de soi, provoqué par le rythme rapide de la vie moderne ; l’idée qu’une personnalité, comme le monde extérieur, est en constante évolution et peut être interrompue mais non arrêtée par l’intervention de l’appareil photo ; et, enfin, la prise de conscience que la vérité dans le monde moderne est relative et que les photographies sont autant l’expression des sentiments du photographe pour le sujet qu’un reflet du sujet représenté. La série de photographies de nuages de Stieglitz, qu’il a appelée Equivalents (49.55.29), a été réalisée dans un esprit similaire, incarnant parfaitement cette dernière idée. Les photos de nuages étaient des portraits du ciel non manipulés qui fonctionnaient comme des analogues de l’expérience émotionnelle de Stieglitz au moment où il prenait l’obturateur. (suit page 14)
Kin Tschang-Yeul voir la vidéo https://youtu.be/s1m99puZ_uU
KIM TSCHANG-YEUL
Photo galeriealminerech
(suit de page 13) Dans les dernières décennies de sa vie, Stieglitz se consacre principalement à la gestion de sa galerie (Anderson Galleries, 1921-25 ; The Intimate Gallery, 1925-29 ; An American Place, 1929-46), et il fait des photographies de moins en moins fréquemment à mesure que sa santé et son énergie déclinent. Lorsqu’il prenait des photos, il le faisait souvent par la fenêtre de sa galerie. Ces dernières photographies, telles que From My Window at the Shelton, North (1987.1100.11), sont des réalisations impressionnantes qui à la fois synthétisent les différentes étapes de son développement photographique et consolident sa position de figure la plus significative de la photographie américaine. Ces images, compositions virtuoses qui mettent en valeur les formes géométriques de la ville vue d’un étage supérieur d’un gratte-ciel moderne, sont également exquisément construites et imprimées et de nature sérielle, soulignant à nouveau la nature fragmentée de la vie contemporaine. Enfin, cette dernière série de sa carrière décrit implicitement sa propre retraite de l’agitation de la vie new-yorkaise et incarne la contraction entre la nature représentative de la photographie et son potentiel expressif, ce qui en fait des codas appropriés dans l’œuvre de l’un des plus grands défenseurs de la photographie.
Photo edourdsteichen
Lisa Hostetler Citation L’hôte, Lisa. “Alfred Stieglitz (1864-1946) et la photographie américaine”. In Heilbrunn : Chronologie de l’histoire de l’art. New York : The Metropolitan Museum of Art, 2000-. http://www.metmuseum.org/ toah/hd/stgp/hd_stgp.htm (octobre 2004)
Demetra Puddu h t t p s : / / w w w. f a c e b o o k . com/demetra.puddu.5
é à Maengsa, dans l’actuelle Corée du Nord, en 1929, Kim Tschang-Yeul a consacré les cinquante dernières années de sa carrière de peintre à la représentation hyperréaliste de gouttes d’eau, de toutes tailles, sur des supports variés. Cette obsession de la pureté et de la légèreté, que symbolisent le motif de la goutte autant que la quête de perfection dans sa représentation, est devenue un moyen pour l’artiste de surmonter les traumatismes de la guerre de Corée (1950-1953) à laquelle il a été obligé de prendre part en tant que soldat. Ses tableaux font partie des œuvres coréennes les plus connues au monde. Après avoir fui sa région natale, occupée par l’armée japonaise, dont les nombreuses exactions sont toujours un point de crispation entre les deux pays aujourd’hui, puis par l’armée soviétique, Kim TschangYeul traverse la ligne de démarcation entre Nord et Sud. Il commence à étudier les arts à l’Université de Séoul. Il participe à la guerre qui éclate quelques années plus tard, des deux côtés du conflit qui plus est. PALAZZI 14 VENEZIA
Il a en effet été forcé de se battre aux côtés du Nord après que les soldats ont pris Séoul en juin 1950, puis s’engage au Sud après avoir déserté. Après la fin du conflit, il entreprend de se replonger dans l’art. Il rejoint le mouvement de l’Art Informel coréen au milieu des années 1960 en réalisant quelques peintures abstraites. Ce mouvement est considéré comme étant celui des « enfants de la guerre de Corée » ou encore comme un « expressionnisme abstrait» par Lee Yil, célèbre critique d’art coréen. Il part ensuite étudier à New York où il assiste, dubitatif, à l’émergence du Pop Art. Malgré lui ou non, l’influence Pop se ressent par la suite dans ses tableaux. Kim Tschang-Yeul s’installe finalement en France, dans l’Essonne, où il demeure plus de quarante ans et où il réalise un nombre impressionnant de tableaux figurant de manière hyperréaliste des gouttes d’eau. Les scènes traumatisantes auxquelles il a assisté toute sa jeunesse resteront toujours gravées en lui et dans ses œuvres. Ce passé traumatique va être le moteur de son obsession pour les gouttes.
Ces gouttes, ce sont les blessures, toujours à vif, que la guerre a laissées. Il se perd entre elles, dans la répétition machinale et pourtant toujours différente de cette même forme. Ce motif, qui lui permet de s’évader, il l’étudie minutieusement à force de photographies prises sous tous les angles, toutes les lumières et dans tous les environnements. Les œuvres de Kim Tschang-Yeul, peintre hyperprolifique, font partie des premières œuvres coréennes exposées à la Biennale de Paris en 1961. Il a également été fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2012. Devenu un artiste incontournable de la péninsule coréenne, il s’est vu dédier un musée à son nom à Jeju, en Corée du Sud, en 2016. La galerie Almine Rech qui le représentait, entre autres, lui consacrera une exposition à Londres en 2021, trois ans après une première monographie présentée à New York. Celui que la galerie Tina Kim décrivait comme un « pont culturel entre les valeurs occidentales et orientales » n’est donc pas près de tomber dans l’oubli. Antoine Bourdon www.connaissancedesarts.com/
Photo berbardpaurd
ingt siècles & vin- Chartres, sur l’oppidum des les cadastrations romaines
gt et un ans Par hasard, j’habite une rue à Ivry sur Seine, sa trame urbaine courante regarde le soleil se lever le jour du 21 juin...et s’y coucher le 21 décembre. Elle n’est pas orthogonale à la droite voie romaine d’Italie (où passera bientôt la ligne de tramway T9) qui se prolonge toujours jusqu’à voir le Panthéon. La rue Losserand, ancienne rue de Vanves (F. Fromonot tira le regard sur elle), dès lors qu’on la regarde depuis la banlieue, s’avère aller vers lui, et, depuis la côte de Clamart, dans sa direction, on voit le soleil s’élever de l’archaïque montagne Sainte Geneviève au solstice d’été. Puis, se retournant de l’autre côté où le soleil se couche au solstice d’hiver, laissant sur sa gauche le promontoire porte avions de VillaCoublay, après avoir passé devant St Rémy de Chevreuse et traversé la forêt de Rambouillet, il reste trente kilomètres de plaine de Beauce pour arriver à...la cathédrale de
Carnutes. Ma rue est donc parallèle à cela. La ligne du T9 pourrait aller à Melun presque tout droit, si, sautant la Seine, on la prolongeait avec un casse par la RN6 le long de la forêt de Sénart. Or, si l’on tire une ligne Montagne Sainte Geneviève Melun, celle-ci est, cette fois, perpendiculaire à la trame solsticielle d’Ivry, passe devant l’église Saint Pierre Saint Paul, et un peu plus loin devant l’ermitage de saint Frambourg. Cette ligne forme au Panthéon avec celle qui va à Chartres, un ANGLE DROIT. On sait l’angle droit employé à cadastrer dans les Gaules à l’époque d’Alexandre deux cent ans avant l’invasion romaine: (Nanterre fouilles archéologiques A86). Cette «Co-Incidence» angulaire pourrait interroger les savoirs néolithiques sur le grand territoire. Ils furent à mon avis pour les gallo-celtes les structures élémentaires que furent
aux mérovingiens: nous ne la contestons pas, nous sommes dedans, l’oubliant comme Clovis son titre de général de l’armée romaine. Aussi, je risque l’hypothèse que dès le néolithique les sites de Melun et Chartres soient liés par un angle droit lisible depuis le Mont Sacré origine du plan romain de Lutèce, dédié plus tard à Geneviève. Bien lisible au flanc des côtes d’Ivry sur Seine, perpendiculaire au solstice, la ligne tabou archaïque des néolithiques qui allait à Melun pourrait avoir été mise sous le regard de Pierre et Paul et de l’ermite Frambourg par les chrétiens. Les romains ayant préféré tirer une route, partant aussi du mont sacré, en contrehaut, sur les sables de l’ancien lit de la Seine, entre les blocs de grès. Je vous souhaite que cette vingt et unième année du troisième millénaire, forte des questions du biologique, soit une année de réflexion. Bernard PAURD PALAZZI 15 VENEZIA
ette année, l’Etat Bonapartiste promu ultralibéral, allié à des communistes convertis aux méthodes chinoises, ont cassé en choeur, sans laisser une ruine, le sens de mon travail en banlieue, bouché la vue que je voulais dans l’axe de la basilique de Saint Denis, détruit les huit hautes tours que j’avais fait construire pour agrandir les logements des barres et les mettre en contexte à La Courneuve, abattu à Ivry sur Seine la Cité Gagarine et ma tour qui disait: l’avenue de France doit aller en banlieue. L’architecture a pu se réduire, au mépris de l’écologie, à cinquante mille tonnes de ballast pour les chaussées, expulsant-relogeant sept cent familles. Tunneliers, promoteurs, politiques de mèche, font régner un «far-west» de «mutabilité foncière» sans vergogne sur les banlieues. Les maîtres d’ouvrages «sociaux», regroupés, promus barons (Haussmann), imprégnés de cette idéologie, saccagent non seulement leur patrimoine, mais rendent illisibles les territoires sur lesquels ils interviennent, dont l’opération de vol de vue sur la basilique de Saint Denis à la Porte de Paris par le siège social de l’un d’eux, est un exemple violent. Les jeux Olympiques n’ont pas à être joués contre les grands édifices gothiques dont les charpentes brûlent par manque de précautions. Les événements ne sont pas des structures.
Photo artsy.net
lex Logsdail, directeur international de la galerie Lisson, se souvient de la première fois où son père a rencontré l’œuvre de Carmen Herrera. C’était en 2008, et le peintre Tony Bechara avait apporté certaines de ses toiles à Londres pour la foire d’art Pinta. Aucune ne s’est vendue, dit Logsdail, mais son père, Nicholas Logsdail, le fondateur de la Lisson Gallery, a été séduit. Nous avons dit : “Laissez-les ici”, dit Logsdail en parlant des toiles invendues. “Il semblait évident qu’il fallait les montrer, et cela comble une lacune dans l’histoire”. La demande d’artistes féminines plus âgées comme Herrera, qui était célèbre pour ses 89 ans lorsqu’elle a vendu sa première œuvre et qui en a maintenant 102, a fortement augmenté ces dernières années, résultat d’une parfaite tempête dans le monde de l’art. Alors que les institutions tentent de réviser le canon de l’histoire de l’art, des marchands et des conservateurs passionnés voient des années de promotion se concrétiser, et des galeries de premier ordre cherchent de nouveaux artistes à représenter parmi ceux qui étaient initialement négligés, les prix et la reconnaissance institutionnelle pour des artistes comme Carol Rama. Au cours de ses décennies de pratique, Carol Rama a exploré la sexualité et le désir à travers différents matériaux et supports. Autodidacte, Rama a commencé...Irma Blank, Geta Brătescu, et Herrera sont montés en flèche. “Elle n’a pas été découverte” Il est certain que beaucoup de ces artistes sont connus depuis longtemps des initiés du monde de l’art. Fergus McCaffrey, fondateur et président de sa galerie éponyme, collectionne les œuvres de Rama depuis qu’il les a vues pour la première fois dans une foire d’art à Berlin, il y a plus de dix ans. Depuis, il a accumulé plus d’une vingtaine d’œuvres. Manuela Wirth, co-fondatrice avec son mari Iwan de Hauser & Wirth, collectionne depuis longtemps l’artiste roumaine Brătescu, bien que la galerie n’ait commencé à la représenter qu’en avril. La directrice de la Phillips
Why Old Women Have Replaced You Collection, Dorothy Kosinski, et son mari, l’architecte Thomas Krahenbuhl, suivent le travail de Blank depuis des années, regardant malheureusement ses prix s’éloigner toujours plus de leur portée. Isabella Bortolozzi note que Rama a reçu le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2003. “Elles ont toujours été visibles et exposantes, mais la plupart d’entre elles ont eu des carrières qui n’étaient pas au centre du monde de l’art”, déclare Mary Sabbatino, vice-présidente de la Galerie Lelong, qui a commencé à représenter l’artiste libanais Etel Adnan, basé à Paris, en 2014. Adnan, par exemple, était depuis longtemps représenté par la galerie Sfeir-Semler, basée à Beyrouth et à Hambourg. Lorsqu’elle a été choisie pour la Documenta [en 2012], tout le monde l’a soudainement “découverte””, explique M. Sabbatino. “Mais elle n’a pas été découverte ; le lieu de la Documenta a finalement été à la hauteur de ses réalisations”. PALAZZI 16 VENEZIA
Considérez la trajectoire de Rama. Malgré sa reconnaissance à la Biennale de Venise, elle était peu connue aux États-Unis et est morte sans le sou en 2015, selon McCaffrey. Il y a dix ans, Isabella Bortolozzi, qui l’avait rencontrée dans les années 1990 grâce à un ami commun et collectionneur d’art, a organisé une exposition personnelle des œuvres de Rama dans sa galerie à Berlin, dans le but de réaliser une rétrospective majeure ; une exposition de plus de 200 œuvres couvrant sept décennies a finalement été montée en 2014 au MACBA de Barcelone, et s’est ensuite rendue au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au Musée EMMA en Finlande, à l’IMMA à Dublin et au GAM de Turin, la ville natale de Rama. “Cette rétrospective a permis de faire connaître le travail de Carol au niveau international”, a déclaré Mme Bortolozzi, ce qui a conduit à l’exposition actuelle du Nouveau Musée, dont le commissaire est Massimiliano
Gioni, qu’elle a contribué à réaliser avec la galerie Lévy Gorvy, basée à New York et à Londres. Dominique Lévy avait rejoint Bortolozzi pour représenter l’Archivo Carol Rama en septembre 2016 avant d’être rejointe par l’ancien chef de l’art d’après-guerre et contemporain de Christie’s pour former Lévy Gorvy en décembre. En voyant la rétrospective à Paris, McCaffrey, collectionneur et galeriste de longue date, a été convaincu qu’il devait apporter son travail sur le marché américain. En septembre 2016, il a monté une exposition de près de 50 œuvres datant de 1938 à 1945. “À moins d’être reconnu aux États-Unis, vous n’avez pas vraiment de marché”, dit-il. “Nous avons montré Ramas à la même époque l’année dernière à Bâle et les Américains n’en ont pas eu conscience.” Cette année, son stand à Art Basel à Bâle a placé Rama aux côtés de l’artiste Gutai Kazuo Shiraga, car les œuvres des deux artistes aborda-
ung Men as the Art World’s Darlings ient la vie sous le totalitarisme en cherchant à libérer le corps et ses fonctions. A la date de jeudi, il avait vendu cinq de ses œuvres, dont trois à des collectionneurs asiatiques. La demande des collectionneurs haut de gamme pour des œuvres de qualité est un autre facteur clé qui stimule le marché, selon l’écrivain et conseillère artistique Marta Gnyp, basée à Berlin. Dans un article qu’elle a rédigé au début de l’année sur l’essor de la représentation commerciale des femmes artistes nées dans les années 1910 et 1940, elle soutient que leur travail alimente l’appétit des collectionneurs pour quelque chose de “nouveau”, sans compter le risque associé à certains diplômés récents d’écoles d’art qui sont présentés comme les prochains grands noms. “Les artistes féminines plus âgées sont devenues le choix naturel des galeries, surtout après 2013 et 2014, quand il est devenu évident que tous les artistes émergents ne sont pas les prochains Warhol”, dit-elle, notant qu’elles of-
frent le pedigree d’être connectées aux principaux mouvements artistiques de leur temps. “Le monde de l’art est toujours à la recherche de quelque chose qu’il ne connaît pas et qu’il connaît”, dit Sabbatino. “Ce sont des artistes confirmés, des artistes matures, des artistes sérieux. Ils ne vont pas s’épuiser comme cela arrive parfois avec les jeunes artistes... et normalement les prix sont bien inférieurs à ceux des autres artistes de leur génération, donc vous offrez une valeur à quelqu’un”. Cette “valeur” vient en grande partie de la qualité pure du travail, disent les marchands et les conservateurs. “Lorsque vous comparez le travail de Rama à celui de ses pairs masculins, rien ne justifie un statut inférieur et une reconnaissance moindre”, déclare McCaffrey. “C’est juste un écart historique, et nous n’en sommes qu’au début de ce processus [de correction]”. Compte tenu de la qualité indéniable du travail de
ces femmes, pourquoi l’at-on négligé pendant si longtemps? Une partie de la réponse comme dans de nombreux autres secteurs du marché du travail et de la société en général - est le simple sexisme. Les hommes ont longtemps dominé de nombreuses facettes du monde de l’art, des galeries aux musées en passant par la critique. Ces femmes travaillaient bien avant que le mouvement de libération des femmes ne fasse des percées en Occident ; même des galeristes comme Rose Fried, souligne Logsdail, ne souhaitaient pas montrer les œuvres de Herrera au milieu du XXe siècle. Sabbatino fait remarquer que Louise Bourgeois n’a pas eu sa première rétrospective avant 1982 (la première fois que le Musée d’art moderne a donné une exposition à une femme), alors qu’elle avait déjà soixante-dix ans. Elle se souvient que dans les années 1990, elle a vendu une importante sculpture sur bois des années 1940 de BourgePALAZZI 17 VENEZIA
ois à un collectionneur qui était extrêmement réticent à l’égard de son prix, alors d’environ 250 000 dollars. Si une œuvre similaire était mise sur le marché aujourd’hui, estimait Mme Sabbatino, elle rapporterait près de 10 millions de dollars. Il y a aussi ce que Marian Ivan, directeur de la galerie Ivan à Bucarest, appelle “la paresse du monde de l’art”. Il décrit avoir été réprimandé il y a dix ans, lorsqu’il a commencé à travailler avec Brătescu, alors qu’il était octogénaire. Je me souviens qu’un collectionneur m’a dit : “Pourquoi continuez-vous à travailler avec cette vieille dame ? Elle n’a pas d’avenir. Elle a quatre-vingts ans et plus, vous devriez vous concentrer sur les artistes qui ont vingt ans et plus”, dit Ivan. Mais il croyait en son travail, qui va de la photographie à la peinture en passant par des collages délicats et colorés. En 2013, la Galerie Barbara Weiss de Berlin a commencé à la représenter ; Hauser & Wirth a commencé à la représenter en avril dernier. À Art Basel, sa première foire d’art en tant que galerie, Hauser & Wirth a vendu cinq œuvres entre 15 000 et 70 000 euros. “Le monde de l’art en général est assez superficiel et paresseux et ne fait pas attention”, dit Ivan à propos des longues années de travail sans reconnaissance de Brătescu. “Mais si un artiste est vraiment bon, les gens finiront par le remarquer”. Idéalement, ce serait le cas, mais malheureusement, de nombreuses femmes artistes douées dont la carrière a débuté au milieu du 20e siècle attendent probablement encore d’être reconnues. Les personnes interrogées dans le cadre de ce reportage se sont empressées de désigner d’autres artistes dont la renommée n’était pas encore à la hauteur de leur talent. Pourtant, ces années de relative obscurité sont souvent devenues une source de force, dit Mme Sabbatino, permettant à ces femmes artistes d’affiner leur vision et leur estime de soi tout en continuant à produire des œuvres sans avoir besoin d’être reconnues, (suit page 18)
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(suit de la page 17) L’artiste sud-africaine Sue Williamson dit avoir constaté une augmentation notable de l’intérêt des collectionneurs privés au cours des trois dernières années, même si elle a travaillé sans interruption depuis sa première exposition personnelle en 1984. Elle attribue en partie cette évolution à l’acceptation croissante du travail socialement engagé, qui était auparavant plutôt le domaine des musées. Mais elle dit aussi que cela pourrait être une fonction de l’âge. “Les femmes plus âgées mettent souvent de côté leur anxiété de satisfaire le marché et de rivaliser avec leurs collègues masculins pour attirer l’attention, et font simplement un travail qui leur plaît avant tout”, observe-t-elle. “Ce travail sans peur, fruit de leurs années d’expérience, peut être extraordinaire. Les critiques constatent souvent alors que le travail précédent était également très fort... ils ne l’avaient tout simplement pas remarqué à l’époque”. Williamson a fait sa première apparition cette année à Art Basel dans le secteur Unlimited de Bâle, avec une installation de grande envergure, “Messages from the Atlantic Passage”. Elle présente des bouteilles en verre gravées à la main portant des informations sur les esclaves africains accrochées à des filets et a été l’un des projets les mieux accueillis à la foire. Des artistes “laissés de côté”. La demande de femmes artistes plus âgées a été soutenue par les efforts des institutions pour combler les lacunes de leurs collections et les déséquilibres dans la programmation, parfois sous l’impulsion de femmes qui ont récemment occupé des postes de pouvoir dans des institutions ou en tant que collectionneurs ayant une influence sur les conseils d’administration de musées ou d’organisations à but non lucratif. Cette année, par exemple, Maria Balshaw est devenue la première femme à diriger la Tate Britain et Frances Morris la première femme à diriger la Tate Modern. Anne Pasternak est devenue la première femme à diriger l’un des deux musées encyclopéd-
iques de New York lorsqu’elle a été nommée directrice du Brooklyn Museum en 2015, et Nancy Spector a rejoint le Guggenheim de New York en tant que conservateur en chef et directeur artistique au début de cette année. “Carmen Herrera : Lines of Sight” au Whitney Museum of American Art, New York Selon Barbara Haskell, conservatrice au Whitney Museum de New York, les musées du monde entier se rendent compte que “l’histoire de l’art a mis l’accent sur l’expérience des hommes blancs” et s’efforcent de corriger cette situation. “Il y a un effort généralisé dans tout le pays de la part des musées pour rechercher les artistes qui ont été laissés en dehors de l’histoire”, dit-elle, notant que cela s’étend aux artistes de couleur, aux artistes queer, aux artistes latinos, et autres. Au Whitney, ce processus d’”introspection” a commencé lorsque le musée a déménagé dans son nouveau centre ville, et elle et d’autres membres du personnel du musée ont fait des recherPALAZZI 18 VENEZIA
ches et des inventaires approfondis de sa collection. L’enquête menée par le musée sur sa collection et ses lacunes a mis en évidence l’absence de toute œuvre de Herrera, ce qui a finalement conduit à l’acquisition d’un de ses tableaux pour l’exposition d’ouverture de sa rétrospective de 2016, “Carmen Herrera” : Lignes de vue”. “Elle a manifestement créé cet ensemble d’œuvres fortes et riches, et nous n’avions pas d’exemple dans la collection”, dit Haskell. Gnyp observe que montrer des œuvres de femmes artistes, ou d’autres artistes marginalisés, est aussi une façon pour les conservateurs de se distinguer aujourd’hui, et de “gagner des points” en étant inclusifs. “Il est plus facile d’attirer l’attention si vous montrez une femme plus âgée et oubliée ou un artiste afro-américain”, dit-elle. Valeria Napoleone, une collectionneuse londonienne qui soutient vocalement les femmes artistes, espère que cette attention institution-
nelle conduira à l’écriture et à la critique - la documentation, en d’autres termes - qui établiront fermement ces artistes comme faisant partie du canon de l’histoire de l’art. “C’est vraiment la critique autour de l’œuvre, la pensée analytique et l’écriture autour de la pratique des femmes artistes et la documentation qui entreront dans l’histoire de l’art”, dit Napoleone. De cette façon, “Personne ne peut dire, oh nous ne pouvions pas le voir parce que rien n’a été écrit à ce sujet.... Il n’y aura pas d’excuse”. Elle espère également que ce n’est pas seulement une tendance. Bien que le progrès social évolue par à-coups (et souvent en recul), le mouvement vers l’inclusion coïncide avec un enthousiasme plus large pour les voix et les histoires des femmes, visible dans d’autres domaines culturels, notamment la télévision, le cinéma, la littérature et la musique. Des femmes de plus de 70 ans, telles que l’écrivain
Joan Didion, l’icône de la mode Iris Apfel et la députée Maxine Waters, sont devenues des icônes branchées pour les jeunes femmes. C’est dans la tendance de ce que nous appelons la “parité””, déclare Frank Elbaz, fondateur de la Galerie Frank Elbaz à Dallas et à Paris, qui représente l’artiste Sheila Hicks, née en 1934. “Je pense que cette tendance touche le monde de l’art, et nous redécouvrons des femmes importantes”. Bortolozzi attribue l’adoption tardive de l’œuvre de Rama par le monde de l’art à “une convergence de positions sociales, esthétiques et politiques”. “La position des femmes artistes du passé a suscité un intérêt croissant, et le fait que Carol Rama ait combiné les questions de sexualité et d’abstraction dans ce qui était et reste dans une large mesure un domaine culturel dominé par les hommes doit être reconnu comme étant d’une grande importance pour la production culturelle d’aujourd’hui”, dit-elle. “Tout simplement, un travail
de grande qualité a sa propre échelle de temps, [et] engage les esprits selon ses propres termes”, ajoute Bortolozzi. “Cela se produit parfois à grande vitesse, au cours de la vie d’un artiste, parfois plus lentement, et à un niveau plus profond, son influence est prolongée et durable. C’est particulièrement vrai pour Carol Rama. C’est comme si vous réalisiez soudain que cette œuvre était là tout le temps, mais que vous n’étiez tout simplement pas équipé pour la voir”. L’appréciation d’un artiste est aussi le fruit des relations intimes autour desquelles tourne le monde de l’art. Alison Jacques, une galeriste londonienne qui représente notamment Blank, Hicks, Maria Bartuszová et Lygia Clark, déclare que susciter l’intérêt pour ces artistes est un processus stratégique, qu’elle explique aux successions et aux familles des artistes avec lesquels elle travaille lorsqu’elle demande certaines œuvres. “Il s’agit de semer des
graines”, dit-elle, en commençant par quelques œuvres clés qu’elle peut offrir à des prix modestes à des collectionneurs dont elle sait qu’ils siègent au conseil d’administration des musées et dont les maisons sont fréquentées par des conservateurs. Elle engagera également les bons conservateurs qui, selon elle, reconnaîtront les talents de l’artiste, et le marché se développera à partir de là. “Si vous faites votre travail, le marché suivra”, dit-elle, citant l’exemple de Clark, qui était peu connue en dehors de son Brésil natal lorsque Jacques a commencé à la représenter en 2010. Elle a fait l’objet d’une rétrospective du MoMA en 2014, et avait atteint un prix de vente aux enchères de 2,2 millions de dollars l’année précédente. À Art Basel, à Bâle, elle a vendu plusieurs œuvres de Blank, dont un tableau de la fin des années 1990 pour 150 000 euros, deux œuvres de Clark pour 190 000 et 250 000 dollars, et deux œuvres de Hicks pour un montant PALAZZI 19 VENEZIA
compris entre 30 000 et 35 000 dollars. Bien sûr, ce genre de chiffres fait venir les gros chiens. Dans son article, Gnyp cite plus d’une douzaine d’exemples de galeries de premier plan qui ont ajouté des femmes de 70 ans et plus (ou décédées) à leurs listes depuis 2010, notamment Mira Schendel, représentée par Hauser & Wirth depuis 2014; Ruth Asawa, avec David Zwirner depuis 2017; Senga Nengudi, avec Dominique Lévy (aujourd’hui Lévy Gorvy) depuis 2015 ; et Phyllida Barlow, avec Hauser & Wirth depuis 2010. Leur accès aux institutions du monde entier, ainsi qu’une base mondiale des plus riches collectionneurs, a contribué à propulser davantage ces femmes sur le devant de la scène et à faire monter leurs prix en flèche. En 2009, un article du New York Times sur Herrera indiquait que ses peintures de grand format se vendaient entre 30 000 et 44 000 dollars, ce qui est “inimaginable” ; Herrera a déclaré au journal: “J’ai plus d’argent maintenant que je n’en ai jamais eu dans ma vie”. Ses peintures se sont récemment vendues aux enchères à des prix allant de six à six chiffres ; à l’automne 2016, Cerulean (1965) s’est vendue à 970 000 dollars lors d’une vente du soir de Phillips. La semaine dernière, à Art Basel, la galerie Lisson a annoncé avoir vendu une huile sur toile de jute de 1949 de Herrera pour 750 000 dollars, plusieurs œuvres de Rama de McCaffrey pour 50 000 à 800 000 dollars, et cinq œuvres de Rama de Lévy Gorvy, chacune d’entre elles se situant entre 300 000 et 600 000 dollars. McCaffrey note qu’elles sont “encore complètement sous-évaluées” par rapport à ses contemporains italiens tels que Lucio Fontana, Piero Manzoni et Alberto Burri, dont les œuvres se vendent couramment par millions. Ces œuvres étant hors de portée de tous les collectionneurs, sauf des plus sensibles au prix, ces femmes âgées représentent une opportunité de posséder des œuvres de la plus haute qualité pour des sommes qui ne feront pas pleurer. “Quand les gens ne peuvent pas acheter... (suit page 20)
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(suit de la page 19) ce qui était considéré comme un chef-d’œuvre par une autre génération ou un autre canon d’artistes, ils regardent ailleurs et sont prêts à payer plus cher pour cela aussi”, dit Sabbatino. Pour certains, la reconnaissance tardive, et parfois posthume, de ces femmes est inquiétante, surtout lorsque l’argent, pour beaucoup d’entre elles, était rare. “C’est cette disparité entre la façon dont elle a vécu sa vie, en échangeant de l’art contre des repas, et ce qui est arrivé” à son marché, dit McCaffrey de Rama. “L’injustice de cette situation est assez choquante... il y a une certaine colère - pourquoi me le donnez-vous maintenant, alors que j’ai à peine 70 ou 80 ans?” Mais Bortolozzi dit que les accolades étaient “quelque chose qui ne préoccupait pas Carol”. Ivan dit que Brătescu n’a pas non plus été touché par l’attention récente, regrettant seulement qu’elle soit trop vieille pour installer ses spectacles en personne. “Ce qui est triste, c’est qu’elle ne peut pas voyager”, ditil. “Et elle a toujours aimé voyager.” Pour certains artistes, le moment est bien choisi. Barlow, la sculptrice britannique représentant le Royaume-Uni à la Biennale de Venise de cette année, a déclaré au Guardian qu’elle n’aurait probablement pas pu supporter la pression d’exposer à Venise à un stade plus précoce de sa carrière. En attendant, pour Williamson, être à Bâle cette année est “totalement exaltant”, dit-elle. Neil Dundas, conservateur en chef de la Goodman Gallery, se réjouit lui aussi du succès de Williamson. Il le résume simplement : “Ce sont des femmes dont le temps est venu”. Anna Louie Sussman “Why Old Women Have Replaced Young Men as the Art World’s Darlings” https://www.artsy.net/article/ artsy-editorial-women-replaced-young-men-art-worlds-darlings?
TABLETTE SUMERIENNE ela semble impossible, mais... Une tablette antique payée 10 dollars révèle un mystère de l’antiquité, réécrit une mauvaise page des livres d’histoire et ouvre de nouvelles possibilités pour la recherche mathématique moderne. Au début du XXe siècle, l’archéologue et antiquaire américain Edgar Banks, l’homme qui a inspiré le personnage d’Indiana Jones, trouve, lors d’une campagne de fouilles en Irak, une tablette d’argile qu’il vend à George Plimpton pour seulement 10 dollars. La trouvaille, donnée plus tard à l’université de Columbia dans les années 1930, sera connue sous le nom de Plimpton 322. Datée entre 1822 et 1762 avant J.-C., elle trouve son origine dans l’ancienne ville sumérienne de Larsa. Mais les inscriptions qui y figurent, 4 colonnes et 15 lignes en caractères cunéifPALAZZI 20 VENEZIA
ormes, restent un mystère depuis plus d’un siècle, même pour les signes du temps qui, dans certaines parties, ont rendu les caractères illisibles. Au final, c’est de l’histoire récente, la solution vient des chercheurs australiens de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud : ce sont des chiffres, des formules de base de la trigonométrie. Selon toute probabilité, la tablette a été utilisée pour calculer comment construire des bâtiments, des temples, des pyramides, des canaux d’irrigation. Jusqu’à présent, l’invention de la trigonométrie était attribuée au Grec Hipparque de Nicée, qui a vécu entre 190 et 120 av. Nous savons maintenant que ce ne sont pas les Grecs qui l’ont inventé, mais les Babyloniens, 1500 ans auparavant. Mais il y a plus. Laissons la parole aux auteurs de la découverte. “La tablette suit un système
de numérotation sexagésimale, c’est-à-dire en base 60, qui permet des fractions beaucoup plus exactes que la nôtre. Il s’agit d’une trigonométrie plus simple et plus précise que la nôtre. Une solution de grand génie qui ouvre de nouvelles possibilités pour la recherche et l’enseignement des mathématiques modernes. Les avantages qui en résultent seront utilisables à l’avenir, par exemple dans les graphiques numériques”. Grâce à un “message dans une bouteille” vieux de 3700 ans. Luciano Donzella https://sembraimpossibile. blogspot.com/2020/03/366-la -tavoletta-di-indiana-jones. html
Voir aussi les vidéos https://youtu.be/-sajLDiqIZE https://youtu.be/i9-ZPGp1AJE https://youtu.be/B0RhqmnLEcI