Second Supplement au Palazzi A Venezia de Mai 2020

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Dhruvi Acharya « Battle » (Bataille) 2018

ARTS PLASTIQUES OUBLIES ANNE SLACIK JUSQU’A LA PROCHAINE? PEGGY GUGGENHEIM

SEVERINE GAMBIER KEITH SONNIER DHRUVI ACHARYA REOUVERTURE DES MUSEES

Supplement 2 à l’édition de “Palazzi A Venezia “ Mai 2020


PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu

Photo anne slacik

Comité de Rédaction Marie-Amélie Anquetil Arcibaldo de la Cruz Vittorio E. Pisu

Rédacteur Arts Demetra Puddu Second Supplement à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Mai 2020 Textes et documents photographiques publiées ne seront pas rendus Tous droits reservés

Correspondance vittorio.e.pisu@free.fr palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia

Monsieur le Président, Puisque vous lisez les tribunes que le monde de la culture vous adresse, je voudrais vous alerter sur les graves difficultés auxquelles notre secteur, les arts plastiques, est confronté. Face à la peur d’un «oubli de la culture» dans la réponse à la crise, vous avez promis un «plan d’urgence» pour les 1,3 million de personnes qui vivent (ou, pour beaucoup, survivent) dans ce milieu. Quelle déception ; au lieu d’un plan, une unique annonce conséquente. Elle concerne les seuls intermittents, soit 250 000 professionnels de l’audiovisuel et du spectacle vivant. Restent donc 1,05 million de vrais «oubliés» : sont-ils condamnés ? Le secteur des arts visuels compte 350 000 de ces oubliés, pourtant il est peu gourmand : avec 10% du milliard que vous débloquez pour les intermittents, vous pourriez «refonder» (puisque c’est un terme que vous affectionnez) une véritable politique des arts plastiques en France. Il y a vraiment urgence. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas bénéficié des formidables outils inventés par Jack Lang dans les années 80. Logique : l’art, sa diffusion et son commerce étaient alors des activités totalement artisanales. Ainsi, contrairement au livre, à la musique, au cinéma… face à l’industrialisation et son arsenal, la mondialisation, la financiarisation, le numérique, les arts plastiques partent de zéro. Rien. Pas un seul mécanisme de soutien ou de régulation en faveur de la scène française, de la diversité ou des indépendants. L’art est devenu un «Far West» où partout domine la loi du plus fort, et même du plus brutal. Un poète confidentiel peut obtenir le prix Nobel, un film fauché recevoir la palme d’or à Cannes, mais seul un artiste aux enchères millionnaires, représenté par une galerie mastodonte, peut bénéficier d’une rétrospective au Centre Pompidou, à moins qu’il n’en apporte lui-même le financement (!). Pourquoi ? L’appel à candidatures que publient le ministère des Affaires étrangères et celui de la Culture pour le pavillon français à la Biennale de Venise énonce les critères (suite page 14)

Les arts plastiques ont été oubliés des annonces d’Emmanuel Macron sur la culture. Comme d’autres domaines, ils sont pourtant touchés par les logiques d’industrialisation et de financiarisation sans bénéficier de mécanismes de soutien économique. Faire entrer les arts visuels dans l’exception culturelle

Tribune

par Stéphane Corréard critique d’art, co-fondateur de la galerie Loeve&Co et fondateur du salon Galeristes PALAZZI 2 VENEZIA

ANNE SLACIK Les couleurs du blanc

Peintures sur papier 2019 à 2020

du jeudi 28 Mai 2020 au samedi 20 juin 2020 Rencontre-lecture

le samedi 6 juin 2020 à 17 heures avec la poète Claudine BOHI et l’éditeur Thierry CHAUVEAU “L’Enfant de neige” Edition L’herbe qui tremble Galerie PAPIER D’ART 30, rue Pastourelle 75003 Pairs Tél. + 33 (0)1 43 48 78 28 contact@papiersdart.com du mardi au samedi de 12 à 19 heures voir la vidéo vimeo.com/252805137 ovid-19 restera certainement comme une sigle maudite dans notre souvenir, une pandemie qui nous a entre autres revelé la fragilitè pour ne pas dire l’inadequation de notre societè, où ce sont le moins remunerès, les moins considerés, ceux qui effectuent les travaux les plus nécessaires à notre survie que se sont trouvé en première ligne, à tenir à bras le corps à permettre le fonctionnement de l’ensemble, au milieu de déclarations contradictoires, petites batailles d’ego completement déplacées entre soi disant medecins et scientifiques, sans parler des politiques qui se sont revelés complètement incompétents, inéfficaces, à coté de la plaque et prenant uniquement des décisions constrictives et souvent inutiles. Rappelons nous des infirmières bastonnées par des CRS bien équipés, lorsque au lieu de prevoir des achats de materiel médical on pourvois en grenades lacrimogènes et autres matraques des compagnies entères mobilisées pour baillonner quelques milliers de manifestants pacifiques. Jusqu’au sommet de l’Etat où les interventions frisent la farse lorsque’elles ne sont tout simplement tragiques, vu les resultats sur le terrain. Les économies hospitalières se sont revelées donc pour ce qu’elles sont, de vues myopes et à très court termes de soi disant financiers préoccupés uniquement de leurs dividendes. Auront nous appris la leçon ? Sauront nous comprendre que nous faisons partie d’un ensemble vivant, dont nous ne sommes qu’une partie négligeable et le fait d’amener à l’extinction nombre d’espèces vivantes ne laisse aux virus et autres bacteries que nos propres corps pour continuer à se développer, n’ayez craint le virus ne tuera pas l’espèce hunaibe dans son ensemble, il a toujours besoin d’une reserve d’individus pour se reproduire, pour ce qui est de l’extincion de notre propre espèce nous n’avons besoin de personne. Je vous souhaite néanmoins de nous retrouver à la fin de cette clausure forcée pour continuer à profiter de l’Art. Vittorio E. Pisu


Photo Sarah Moon

JUSQU’A LA PROCHAINE FIN DU MONDE ’art de la prestidigitation consiste à orienter l’attention du public afin qu’il ne remarque pas ce qu’il a sous les yeux. Au cœur de l’épidémie de Covid-19, le tour de passe-passe a pris la forme d’un graphique à deux bosses, diffusé par les télévisions du monde entier. En abscisse, le temps ; en ordonnée, le nombre de cas sévères de la maladie. Une première courbe en forme de pic aigu présente l’impact de l’épidémie si rien n’est fait : elle fracasse la droite horizontale qui indique les capacités maximales d’accueil des hôpitaux. La seconde courbe illustre une situation où les mesures de confinement permettent de limiter la propagation. Faiblement bombée, comme une carapace de tortue, elle se glisse sous le seuil fatidique. Exhibé de Washington à Paris, en passant par Séoul, Rome ou Dublin, le graphique pointe l’urgence : étaler dans le temps le rythme des contaminations pour éviter la saturation des services de santé. Attirant le regard sur les deux ondulations, les journalistes éludent un élément important : cette droite, discrète, au milieu du graphique, qui représente le nombre de lits disponibles pour accueillir les cas graves. Présenté comme une donnée tombée du ciel, ce « seuil critique » découle de choix politiques. S’il faut « aplatir la courbe », c’est que depuis des dizaines d’années les politiques d’austérité ont abaissé la toise en dépouillant les services de santé de leurs capacités d’accueil. En 1980, la France disposait de 11 lits d’hôpital (tous services confondus) pour 1 000 habitants. On n’en compte plus que 6, qu’une ministre de la santé macroniste proposait en septembre de livrer aux bons soins de bed managers (« gestionnaires de lits »), chargés d’allouer cette ressource rare. Aux États-Unis, les 7,9 lits pour 1 000 habitants recensés en 1970 se réduisent à 2,8 en 2016 (1). Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Italie comptait 922 lits réservés aux « cas sérieux » pour 100 000 habitants en 1980. Contre 275 trente ans plus tard. Partout, un mot d’ordre : réduire les coûts. L’hôpital fonctionnera comme une usine automobile, en mode « juste à temps ». Résultat, le 6 mars dernier, la Société italienne d’anesthésie, d’analgésie, de réanimation et de thérapie intensive (Siaarti) comparait le travail des urgentistes transalpins à de la « médecine de catastrophe ». Et alertait : étant donné le « manque de ressources », « il pourrait devenir nécessaire d’établir un âge limite pour l’accès aux soins intensifs » (2). « Médecine de guerre » : une expression désormais courante dans la région Grand-Est, en France. Ainsi la crise du coronavirus tient-elle autant à la dangerosité de la maladie qu’à la dégradation organisée du système sanitaire. Éternelles chambres d’écho du credo comptable, les grands médias ont éludé l’examen critique de ces choix pour inviter lecteurs et auditeurs à un vertigineux débat philosophique : comment décider qui sauver et qui laisser mourir ? Cette fois pourtant, il sera difficile de masquer la question politique derrière un dilemme éthique. PALAZZI 3 VENEZIA

Renaud Lambert & Pierre Rimbert

Car l’épidémie de Covid-19 découvre aux yeux de tous une organisation économique encore plus aberrante que chacun le soupçonnait. Pendant que des compagnies aériennes faisaient circuler leurs avions à vide afin de conserver leurs créneaux horaires, un chercheur expliquait comment la bureaucratie libérale avait découragé la recherche fondamentale sur les coronavirus (3). Comme s’il fallait sortir de l’ordinaire pour en saisir le dérèglement, Marshall Burke, enseignant en science des écosystèmes à l’université Stanford, notait ce paradoxe : « La réduction de la pollution de l’air due à l’épidémie de Covid-19 en Chine a sans doute sauvé vingt fois le nombre de vies perdues du fait de la maladie. Il s’agit moins d’en conclure que les pandémies sont bénéfiques, que de mesurer à quel point nos systèmes économiques sont mauvais pour la santé. Même en l’absence de coronavirus (4). » Le clou de ce voyage en Absurdie ne se trouvait ni dans le risque de pénurie de médicaments consécutif à la délocalisation des chaînes de production, ni dans l’obstination des marchés financiers à pénaliser l’Italie lorsque le gouvernement prenait ses premières mesures sanitaires. Mais derrière les portes des hôpitaux. Instituée au milieu des années 2000, la tarification à l’activité (T2A) proportionne le financement des établissements au nombre des actes médicaux effectués, chacun facturé comme dans un magasin, plutôt qu’en fonction d’une planification des besoins. S’il avait été appliqué pendant la crise en cours, ce principe du soin-marchandise importé des États-Unis aurait vite étranglé les établissements recevant les patients les plus touchés, puisque les formes critiques du Covid-19 exigent en premier lieu la mise en place d’une ventilation mécanique, acte coûteux en temps mais moins rémunérateur sur la grille tarifaire que nombre d’examens différés à cause de l’épidémie… Un temps, le microbe à l’origine des plus sévères mesures de confinement jamais imaginées en temps de paix a semblé briser les cloisons de l’espace social : le banquier de Wall Street et le travailleur chinois n’étaient-ils pas soudain soumis à la même menace ? Et puis l’argent a repris ses droits. D’un côté, les confinés des villas, qui télétravaillent un orteil dans la piscine ; de l’autre, les invisibles du quotidien, soignants, agents de surface, (suit page 4)


Phot VODKASTER

(suit de la page 3) caissières de supermarché et salariés de la logistique pour une fois sortis de l’ombre car soumis à un risque que les mieux lotis s’épargnent. Des télétravailleurs cloîtrés dans un appartement exigu où résonnent les braillements des marmots ; des sans-logis qui aimeraient bien pouvoir rester chez eux. Pas d’issue sans une approche collective, coordonnée et large Dans sa « typologie des comportements collectifs en temps de peste » entre les XIVe et XVIIIe siècles, l’historien conservateur Jean Delumeau observe cet invariant : « Quand apparaît le danger de la contagion, on essaie d’abord de ne pas le voir (5). » L’écrivain allemand Heinrich Heine note qu’après l’annonce officielle de l’épidémie de choléra à Paris, en 1832, «les Parisiens se trémoussaient avec d’autant plus de jovialité sur les boulevards » qu’il « faisait beau soleil et un temps charmant »(6). Ensuite, les riches fuient à la campagne. Puis le gouvernement place la ville en quarantaine. Alors, soudain, explique Delumeau, « les cadres familiers sont abolis. L’insécurité ne naît pas seulement de la présence de la maladie, mais aussi d’une déstructuration des éléments qui construisaient l’environnement quotidien. Tout est autre». Les habitants confinés de Wuhan, Rome, Madrid ou Paris l’éprouvent à une échelle inédite. Les grandes pestes du Moyen Âge et de la Renaissance s’interprétaient souvent comme un signe du Jugement dernier, celui de la fureur d’un Dieu vengeur déchaînée sur un monde touchant à sa fin. Alors chacun se tournait alternativement vers le ciel pour implorer grâce et vers le voisinage à la recherche de coupables — les Juifs et les femmes auxquels renvoie le baudet sur lequel on crie haro dans Les Animaux malades de la peste, de Jean de La Fontaine. Dans l’Europe du XXIe siècle, l’épidémie de Covid-19 s’abat sur des sociétés sécularisées mais, depuis la crise financière de 2008, affectées à des degrés divers par le sentiment d’une « perte de contrôle » écologique, politique, financière, démographique, migratoire, etc. Dans cette atmosphère de « fin du monde » où s’emmêlent images de Notre-Dame de Paris en feu et débats sur l’effondrement qui vient, les regards se tournent vers la puissance publique

: l’État, source d’aggravation du problème par son obstination à briser le système de santé et seule instance néanmoins susceptible d’ordonner et de coordonner une réponse à l’épidémie. Mais jusqu’où aller ? Au cours du mois de février, la mise sous cloche pendant plusieurs semaines de cinquante-six millions d’habitants du Hubei en Chine, l’arrêt forcé des usines, le rappel à l’ordre de citadins par des drones équipés de caméras et de mégaphones, provoquent en Europe des commentaires goguenards ou circonspects sur la poigne de fer du Parti communiste. « Aucune leçon ne peut être tirée de l’expérience chinoise sur la durée potentielle de l’épidémie, explique le magazine L’Express, le 5 mars. Elle a ralenti là-bas grâce à des mesures drastiques de confinement, probablement inapplicables dans nos démocraties. » Las, face à des virus insensibles à la supériorité de « nos » valeurs, il faut se résoudre à placer au premier plan la décision centralisée et le libéralisme économique au second. Directeur général de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus précise qu’« il est possible de PALAZZI 4 VENEZIA

repousser l’épidémie, mais uniquement sur la base d’une approche collective, coordonnée et large, qui implique l’ensemble de la machinerie (7) ». Collectif, coordination, État : l’envers du marché. En quelques jours, les cadres d’interprétation du monde social se retournent comme un gant : « Tout est autre. » Les notions de souveraineté, de frontière, de limite et même de dépenses publiques, associées depuis un demi-siècle dans les discours publics au « national-populisme » ou à la Corée du Nord, prennent soudain figure de solution dans un monde jusque-là réglé par le culte des flux et de la rigueur budgétaire. Aiguillonnée par la panique, l’avant-garde éditocratique découvre soudain ce qu’elle s’employait à ignorer. « Ne peut-on pas dire aussi qu’au fond cette crise nous invite à repenser des pans entiers de la mondialisation : notre dépendance à la Chine, au libre-échange, à l’avion ? », interroge sur France Inter, le 9 mars, Nicolas Demorand, au micro duquel les pourfendeurs du protectionnisme, tel Daniel Cohen, se succèdent depuis des années.

« Le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent » Il faut que la raison marchande ait profondément reconfiguré les entendements pour que seule l’irruption d’une pandémie mortelle rende audible au pouvoir les truismes énoncés par le corps médical depuis des décennies : « Oui, il faut disposer d’une structure hospitalière publique assumant d’avoir, en permanence, des lits disponibles, ont résumé les médecins André Grimaldi, Anne Gervais Hasenknopf et Olivier Milleron. Le nouveau coronavirus a le mérite de rappeler des évidences : on ne paie pas des pompiers simplement pour qu’ils aillent au feu, on les souhaite présents et prêts dans leur caserne, même quand ils ne font que briquer leur camion en attendant la sirène (8). » Prévoir ce qui survient sans prévenir (l’incendie, la maladie, le cataclysme, la crise financière) : c’est en incorporant à ses institutions, souvent contre son gré, cette exigence populaire que le capitalisme s’est perpétué et renouvelé entre la crise de 1929 et la fin de la seconde guerre mondiale.


Photo lavigiemarocaine.com

Planifier l’imprévu exigeait de rompre avec la rationalité du marché qui fixe un prix en fonction de l’offre et de la demande, méprise l’improbable et modélise l’avenir au moyen d’équations où les sociétés comptent pour rien. Cette cécité de l’économie standard, portée à son plus haut point dans les salles de marché, a frappé l’ancien courtier et statisticien Nassim Nicholas Taleb. Dans un livre paru quelques mois avant la crise de 2008, il notait à propos des prévisionnistes à court terme : « Le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent (9) » Négliger l’imprévu dans un monde marqué par la multiplication d’événements inopinés, les « cygnes noirs », relève selon lui de l’absurdité. Fin mars 2020, quiconque entendait à sa fenêtre résonner le silence de la ville confinée pouvait méditer sur l’acharnement de l’État à se dépouiller luimême non seulement des lits de réanimation mais de ses instruments de planification, désormais monopolisés par quelques multinationales de l’assurance

et de la réassurance (10). La césure provoquée par la pandémie peut-elle inverser ce cours ? Réencastrer l’éventuel et le fortuit dans la conduite des affaires publiques, voir plus loin que le calcul coût-avantage, mettre en œuvre une planification écologique impliquerait de socialiser la plupart des services indispensables à la vie des sociétés modernes, du nettoyage aux réseaux numériques en passant par la santé : un basculement tel qu’il en survient rarement en temps ordinaire. Un regard d’historien suggère que les changements de régime, de trajectoire, de manière de penser la vie collective et l’égalité demeurent hors de portée des délibérations politiques ordinaires. «De tout temps, écrit l’historien autrichien Walter Scheidel, professeur à Stanford, les plus grandes remises à plat ont résulté des chocs les plus sévères. Quatre types de ruptures violentes sont ainsi parvenues à aplatir les inégalités : la guerre lorsqu’elle implique une mobilisation de masse, les révolutions, les faillites étatiques et les pan-

démies meurtrières (11). » Y serions-nous ? D’un autre côté, le système économique a montré au cours de son histoire une extraordinaire capacité à absorber les chocs de plus en plus fréquents qu’engendre son irrationalité. Si bien que les secousses les plus brutales profitent généralement aux garants du statu quo, qui s’appuient sur la sidération pour étendre l’emprise du marché. Ce capitalisme du désastre décortiqué peu avant la grande récession de 2008 par Naomi Klein se joue de l’épuisement des ressources naturelles et des institutions de protection sociale susceptibles d’amortir les crises. Dans un élan d’optimisme, l’essayiste canadienne notait: « Nous ne réagissons pas toujours aux chocs en régressant. Dans le cadre d’une crise, il nous arrive de grandir vite.» C’est une impression de ce genre qu’a voulu donner le président français Emmanuel Macron en exprimant le 12 mars 2020 sa volonté d’« interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger PALAZZI 5 VENEZIA

NOTES

(1) Source : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (2) « Raccomandazioni di etica clinica per l’ammissione a trattamenti intensivi e per la loro sospensione », Siaarti, Rome, 6 mars 2020. (3) Bruno Canard, « J’ai pensé que nous avions momentanément perdu la partie », déclaration du 5 mars 2020. (4) Twitter, 9 mars 2020. (5) Jean Delumeau, La Peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècle, Fayard, Paris, 1978. (6) Heinrich Heine, De la France, Gallimard, coll. « Tel », Paris, 1994 (1re éd. :1833). (7) The New York Times, 9 mars 2020. (8) Le Monde, 11 mars 2020. (9) Nassim Nicholas Taleb, The Black Swan. The Impact of the Highly Improbable, Random House, New York, 2007. (10) Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, La Découverte, Paris, 2014. (11) Walter Scheidel, The Great Leveler. Violence and the History of Inequality from the Stone Age to the 21st Century, Princeton University Press, 2017. (12) Discours de Toulon, 25 septembre 2008.

les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. » Trois jours plus tard, il reportait une réforme des retraites, une autre des allocations-chômage, puis décrétait la mise en œuvre de mesures réputées jusqu’ici impossibles (imitation des licenciements, abandon de toute contrainte budgétaire). Les circonstances accentueront d’elles-mêmes ce ravalement : avec l’effondrement des valeurs boursières, l’obsession présidentielle d’orienter l’épargne et les retraites des cadres vers les marchés d’actions apparaît comme un coup de génie visionnaire. Pourtant, suspendre le code du travail, restreindre les libertés publiques, financer les entreprises à guichets ouverts, les soustraire aux cotisations sociales sur lesquelles repose le système de santé ne marque pas une rupture radicale avec les politiques précédentes. Ce transfert massif d’argent public vers le secteur privé rappelle le sauvetage des banques par l’État en 2008. L’addition avait pris la forme de l’austérité imposée aux salariés et aux services publics. Moins de lits ? Oui : il fallait renflouer les banques. C’est pourquoi l’épiphanie du chef de l’État évoque celle qui frappa Nicolas Sarkozy un jour de septembre 2008, peu après l’effondrement de Lehman Brothers. Devant ses partisans médusés, le président de la République avait solennellement annoncé : « Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir. (…) L’idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle (12). » Ce qui ne l’empêcha pas, une fois la tempête passée, de reprendre le cours de la folie ordinaire. https://www.monde-diplomatique.fr/


Photo fondation guggenheim

arguerite « Peggy » Guggenheim est une mécène américaine, collectionneuse d’art moderne et galeriste, née le 26 août 1898 à New York dans le quartier Ouest de la 69e avenue1 et morte le 23 décembre 1979 à Camposampiero dans la province de Padoue, près de Venise où elle a passé les dernières années de sa vie. Autodidacte en art moderne, elle a appris, avec des amis comme Marcel Duchamp ou Jean Cocteau, à apprécier l’art abstrait dont elle a ensuite fait la promotion, avec beaucoup de discernement, allant à l’encontre même de son oncle, Solomon Guggenheim, qui mettra un certain temps avant de reconnaître la valeur des acquisitions de Peggy. Elle a ouvert une galerie à Londres sous le nom de « Guggenheim Jeune », encourageant les artistes alors peu connus. Pendant la Seconde Guerre mondiale, usant du prestige de son nom et de sa nationalité américaine, elle a sauvé un grand nombre d’artistes pour lesquels elle a obtenu de faux papiers et elle a financé leur passage aux États-Unis, apportant son aide à Varian Fry. Son nom reste lié au musée qu’elle a fondé à Venise sur le Grand Canal, la Collection Peggy Guggenheim dans le palais Venier dei Leoni, qui a été sa dernière résidence. Sa vie tourmentée de femme légère, « mangeuse d’hommes » a occulté le travail de recherche et le « flair » dont elle a su faire preuve à l’instar de son oncle Solomon R. Guggenheim. Mais de retour à New York, en 1959, pour l’inauguration du musée de son oncle, elle est effarée par la tournure commerciale que le mouvement artistique américain a prise, et dans son autobiographie, elle porte un jugement très sévère sur le nouveau « monde de l’art ». Marguerite Guggenheim, née au sein d’une famille new-yorkaise fortunée, est la fille de Benjamin Guggenheim et de Floretta Seligman, fille d’un riche banquier new-yorkais. L’oncle de Marguerite, Solomon R. Guggenheim, est le créateur de la Fondation Solomon R. Guggenheim. De la 69e rue, la famille passe rapidement à un hôtel particulier à l’est de la 72e rue, là où habitent également les Rockefeller. Son père, qu’elle adore et qui donne à ses deux filles une

PEGGY GUGGENHEIM solide éducation, la désespère cependant du fait de ses nombreuses maîtresses. Entre autres la Comtesse Taverny que Peggy découvre chez Rumpelmeyer et dont la beauté l’éblouit. La comtesse est déjà remplacée par une cantatrice lorsque Benjamin Guggenheim disparaît dans le naufrage du Titanic. On s’aperçoit alors que la fortune de Benjamin a fondu comme peau de chagrin lorsqu’en 1911, il s’est séparé de ses frères pour vivre à Paris où il a des intérêts dans l’entreprise qui construit l’ascenseur de la Tour EiffeL. Il a laissé un grand désordre dans ses affaires et il ne reste pas grand-chose pour sa famille, que les oncles Guggenheim prennent en charge sans les mettre au courant de la situation. Peggy n’est pas une riche héritière contrairement à la légende. Il faudra attendre que les oncles redressent les comptes et que le grand-père laisse un héritage important pour que Peggy, à 21 ans, entre en possession de sa fortune à l’été 1919. La jeune fille entreprend alors un grand voyage à travers les

États-Unis, des chutes du Niagara à la frontière mexicaine. Durant l’hiver 1920, Peggy s’ennuie et décide de subir une intervention de chirurgie esthétique pour modifier son nez. L’opération est un échec et elle se retrouve avec un profil bien pire que le précédent. Employée dans la librairie libérale de son cousin Harold Loeb, elle fait la connaissance d’intellectuels férus d’Europe et d’art moderne : les Fleischman qui lui présentent, chez Alfred Stieglitz, un tableau d’art abstrait qu’elle ne sait dans quel sens regarder. Arrivée à Paris à l’âge de 23 ans, Peggy décide de perdre sa virginité et d’expérimenter diverses positions sexuelles qu’elle a pu observer dans sa collection de photos représentant les fresques de Pompéi. Elle jette son dévolu sur Laurence Vail, un habitué de La Rotonde. Il devient son époux et le père de ses deux enfants : un fils nommé Michael Cedric Sindbad Vail, né en Angleterre et une fille Pegeen, née en Suisse. Peggy est obsédée par l’obligation du service militaire en France, c’est la raison pour laquelle, à chaque naissance,

elle va accoucher dans un autre pays. Pourtant comme elle l’indique elle-même dans sa biographie, elle partageait son temps entre la France et l’Italie. Dès 1920 elle achète un appartement à Paris avenue Reille, et une villa à Pramousquier près du Lavandou. À Paris, elle se lie d’amitié avec Constantin Brâncuşi, et surtout avec Marcel Duchamp qui sera de bon conseil pour la constitution de sa collection et pour ses futures expositions de sa galerie Guggenheim Jeune qu’elle ouvrira à Londres en 1938. En 1928, à Saint-Tropez, elle rencontre John Holms (ou John Ferrar Holms ), écrivain alcoolique, avec lequel elle part vivre à Londres. Holms a une réputation de génie alors qu’il n’a publié que “The Calender of modern letters” en 1925, et un seul poème. Il a orienté Peggy vers la littérature. Elle lit Marcel Proust, Céline, Shakespeare. Leurs rapports seront difficiles, John se détruit à l’alcool et meurt, en 1934, à la suite d’une intervention chirurgicale. Peggy, qu’on disait folle amoureuse de lui, écrit, après


Photo fondation guggenheim

avoir débarrassé l’appartement qu’ils occupaient à Paris, qu’elle se sentit soulagée: rien ne subsistait de sa vie avec John. Deux ans plus tard, en 1936, elle rencontre un autre écrivain, Douglas Garman, qu’elle encourage à abandonner toute activité de journaliste pour se consacrer à son œuvre. Mais Garman est communiste, militant, il participe aux défi- lés revendicatifs des mineurs du Pays de Galles, ce qui effraie Peggy. Elle se sépare rapidement de lui et elle fonde une galerie d’art “Guggenheim Jeune” avec, pour conseillers principaux, Marcel Duchamp et Jean Cocteau. Pour sa première exposition, elle choisit Brâncuşi. Elle avoue qu’à cette époque, elle ne connaissait absolument rien à l’art moderne. “J’étais incapable de faire la différence entre l’art abstrait et le surréalisme”, et que ce sont Jean Cocteau et Duchamp qui lui donnent de véritables cours. Grâce à eux, elle rencontre Jean Arp à qui elle achète une œuvre qui sera la première de sa collection. Peggy raffole du couple Jean et Sophie Arp auxquels elle

rend souvent visite à Meudon. Elle exposera ensuite Jean Cocteau, Vassily Kandinsky. Guggenheim Jeune devient une galerie reconnue pour laquelle Peggy doit d’ailleurs se battre. Notamment avec les douanes pour importer des sculptures de Jean Arp, Henry Moore, Alexander Calder, Brâncuşi, Antoine Pevsner. Très vite, Peggy devient authentiquement « art addict » selon ses propres termes. Elle achète beaucoup d’œuvres parmi celles des artistes qu’elle expose. Kandinsky lui tient particulièrement à cœur. Elle regrettera toujours par la suite de ne pas avoir acquis tous ses tableaux. L’oncle de Peggy, Solomon, avait déjà acheté des Kandinsky, mais quand Peggy lui propose des tableaux de son exposition, Rudolph Bauer, rival de Kandinsky déconseille à Solomon d’en prendre d’autres. Cela n’empêche pas “Guggenheim Jeune” d’avoir un succès énorme et d’excellentes critiques de la presse. La galerie est lancée. Elle expose ensuite Yves Tanguy, qui sera son amant, après une courte aventure avec Roland Penrose.

Dans le même temps, elle se lie d’« une drôle d’amitié » avec Samuel Beckett et elle découvre Victor Brauner, Bram Van Velde, ami de Beckett. Peggy devient une collectionneuse « ivre d’art moderne ». Sa collection grossit démesurément au point qu’elle envisage de la transférer à la campagne après les accords de Munich, craignant déjà les bombardements de Londres. Mais elle se ravise peu après et ramène tout dans la galerie. En août 1939, Peggy retourne en France et elle cherche un château à acheter pour installer une « communauté d’artistes ». Elle ne trouve ni le château, ni les artistes volontaires. Elle offre pourtant un toit et une petite indemnité en échange de quelques tableaux, mais le projet échoue. Lorsque la « drôle de guerre » éclate, Peggy est soudain saisie d’une « fièvre acheteuse » réunissant les tableaux invendus de sa galerie, complétant la collection avec de nouvelles acquisitions. Elle court d’atelier d’artiste en atelier d’artiste et elle cherche tout ce qui lui paraît intéressant. PALAZZI 7 VENEZIA

Son œil maintenant exercé déniche des chefs-d’œuvre, les artistes, qui savent qu’elle achète, viennent aussi lui proposer leur travail. Ainsi commence une des plus grandes collections d’œuvres d’art du xxe siècle, constituée par une jeune femme qui ignorait tout quelques années auparavant et qui est devenue une véritable experte. Son acquisition la plus difficile est “L’Oiseau dans l’espace” de Brâncuşi qui en demande 4 000 dollars. Malgré leur grande amitié, Brâncuşi, qui a par ailleurs la manie de la persécution, qui se sent espionné et traqué, ne cède pas d’un pouce. C’est par la sœur du couturier Paul Poiret qu’elle finit par obtenir Maiastra, son tout premier oiseau exécuté en 1912. Désormais, Giacometti voisine avec Dali, Jean Hélion avec Max Ernst dont elle vient de faire la connaissance. C’est dans l’atelier de Fernand Léger qu’elle apprend la nouvelle : Hitler vient d’envahir la Norvège. Dès ce moment, Peggy cherche à mettre sa collection à l’abri. Elle propose au Louvre de la conserver. Mais les œuvres sont jugées trop modernes et refusées par le musée. C’est finalement à SaintGérand-le-Puy, près de Vichy, dans un château loué par son amie Maria Jolas, que la collection sera entreposée dans une grange, sous des bottes de foin. Ensuite, et jusqu’à son retour aux États-Unis, c’est le musée de Grenoble qui va conserver et sauver la collection de Peggy jusqu’au printemps 1941. Le visa de Peggy ayant expiré, elle ne parvient pas à le renouveler et part vers la Suisse. Elle assiste, terrifiée, à l’exode de 1940 en France, avec les routes encombrées et les gens qui fuient la capitale. En Suisse, elle retrouve ses enfants, et les Arp (Jean envisage de fuir vers les États-Unis et d’y fonder une variante de Bauhaus). Sachant que la France risque d’être occupée dans sa totalité, Peggy retourne à Vichy pour demander à l’ambassadeur des États-Unis, William Leahy, de l’aider à embarquer sa collection. Pour cela, elle commence à rédiger un catalogue qu’elle tape elle-même à la machine avec l’aide de Jean Arp et d’André Breton. (suit page 8)


Photo Oswald Kofler

(segue dalla pagina 7) L’autorisation lui est finalement donnée grâce au subterfuge de René Lebebvre-Foinet (un des associés d’une firme parisienne qui avait expédié ses peintures à Londres du temps de Guggenheim Jeune). Lefebvre décide d’envoyer la collection de Grenoble aux États-Unis, en nommant les œuvres d’art « articles mobiliers », auxquels Peggy rajoute des objets personnels. À Grenoble, elle reçoit un télégramme désespéré de Kay Sage, épouse de Yves Tanguy, qui la supplie de financer le passage en Amérique d’artistes et de leur entourage. Il est question alors d’André Breton, sa femme, sa fille, de Max Ernst, et du docteur Mabille, le médecin des surréalistes, ainsi que de Victor Brauner, alors caché dans la montagne, près de Marseille. Peggy se rend à Marseille et elle prend contact avec le comité d’urgence dirigé par Varian Fry. Fry rassemble de l’argent qu’il distribue aux réfugiés qui fuient la Gestapo. Ses activités embarrassent d’ailleurs le gouvernement américain qui souhaite lui faire quitter la France pour éviter des problèmes avec le gouvernement de Vichy. Peggy ignore tout de la Résistance et des dangereuses activités de Varian Fry. Elle retourne à Grenoble, épouvantée par l’atmosphère qui règne à Marseille, après avoir fait à Fry le don d’une somme importante. Elle promet également de payer le passage en Amérique de Max Ernst qui vient d’être libéré d’un camp d’internement et qui lui offre une de ses peintures en compensation. Peggy retourne alors une seconde fois à Marseille où commence son aventure avec l’artiste qui va devenir son mari. Dans le « château » où s’est réfugié André Breton, désormais parti aux États-Unis, elle retrouve Ernst qu’elle avait déjà rencontré du temps de Guggenheim Jeune, et dont elle avait exposé les œuvres. Pour lui, elle va au consulat des États-Unis où les citoyens américains sont dispensés de file d’attente. Elle renouvelle son visa. Peggy étant elle-même juive, Max lui conseille de se réclamer de sa nationalité américaine et de ne pas admettre qu’elle est juive. À cette époque, Ernst est encore très lié à Leonora Car-

rington qu’il quitte pour partir aux États-Unis le 13 juillet 1941 avec Peggy Guggenheim qui devient sa femme l’année suivante. Le Musée d’Art Moderne de New York avait, par le passé, entrepris des démarches pour faire venir Max Ernst aux États-Unis. Peggy espère donc beaucoup d’Alfred Barr, qui se montre en effet très enthousiaste devant les travaux de Ernst. Peggy en profite pour échanger un tableau de Max contre un Malevitch. Le couple s’installe dans une maison où Max a son atelier et Peggy son « musée ». Elle complète sa collection en achetant les tableaux qu’elle voulait exposer à Londres pour l’inauguration de Guggenheim Jeune et elle réunit ses acquisitions dans une anthologie qu’elle fait publier chez Madame Ferren avec des textes des artistes : Mondrian, Picasso, Chirico. Elle épouse ensuite Max Ernst et, peu après, elle fait la connaissance d’Amédée Ozenfant qui devient un de leurs amis PALAZZI 8 VENEZIA

proche, tout comme le peintre Matta qui était soupçonné d’espionnage par le FBI. Max Ernst est alors inquiété aussi par le FBI puis arrêté, malmené et surveillé de très près avant d’être libéré grâce à l’intervention d’un procureur. Le 20 octobre 1942, Peggy ouvre sa galerie Art of this Century (L’art de ce siècle) à New York. Pour sa première exposition, elle présente Paul Klee. L’inauguration est un véritable événement : Les éclairages rendaient les gens complètement fous. Une foule imposante arpentait les lieux (...) poussant, généralement en français, de grands cris d’admiration. On s’extasiait surtout devant la mise en scène de Kiesler le décorateur, et on regardait peu les tableaux. Sa deuxième exposition est consacrée notamment à Joseph Cornell et à Marcel Duchamp. Un journaliste du Time écrit “Elle fait pratiquement vivre le groupe (d’exilés surréalis-

tes aux USA) en achetant ses toiles”. Elle expose également Mondrian. Dans cette galerie à but non-commercial, elle avait donc commencé en exposant les surréalistes européens. Sa rupture avec Max Ernst en mars 1943 et ses empoignades avec André Breton accélèrent son désamour pour l’avant-garde européenne. Elle cherche désespérément une autre voie. Sur les conseils de James Johnson Sweeney, qui allait devenir le directeur de la section peinture et sculpture du Museum of Modern Art, et de Howard Putzel, son secrétaire, elle se tourne vers les jeunes artistes américains. Elle décide au printemps 1943 de défendre les peintres de l’avant-garde américaine, que le critique du New Yorker Robert Coates qualifia d’expressionnisme abstrait. Mark Rothko et Jackson Pollock font partie de cette nouvelle tendance. Poussée par Putzel, Sweeney et Soby, elle décide donc d’organiser, sept mois après l’ou-


verture de sa galerie, et après l’épisode surréaliste, un « salon de printemps des jeunes artistes » qui n’accueillerait quasiment que des artistes américains. Pourtant, elle n’est pas sûre de cet artiste que Sweeney et Putzel ont repéré : Jackson Pollock. “Stenographic figure” lui paraît atroce. Mais Mondrian lui aurait répondu en disant «J’essaie de comprendre ce qui se passe... Je crois que c’est la chose la plus intéressante que j’aie vue jusqu’à présent en Amérique. Il faudra surveiller cet homme» Robert Coates écrit dans sa chronique de l’exposition que Pollock est l’hybride le plus prometteur du lot, avec des réminiscences de Henri Matisse et Joan Miró. Quand elle retourne en Europe, en 1946, Peggy possède la plus belle collection de Pollock au monde, avec notamment ses premiers drippings. Dès 1945, grâce à l’intervention de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, alors atta-

ché culturel français, Peggy obtient auprès du consul général de France, un visa pour aller étudier le mouvement artistique en France et en Europe, ce qui lui permet d’aller à Paris, puis à Venise. Quand elle retourne à New York, elle ferme définitivement les portes de la galerie le 31 mai 1946 après une dernière exposition consacrée notamment à Jackson Pollock, Hans Richter, David Hare. À Venise, où elle arrive en compagnie de Mary McCarthy et de son mari, Peggy souhaite s’installer avec ses tableaux, sa collection étant restée à New York. Grâce à l’appui du peintre Giuseppe Santomaso, elle est invitée à présenter sa collection à la XXIVe Biennale de Venise où elle est exposée dans le pavillon de la Grèce, local vide puisque la Grèce était alors en guerre. Mais après la biennale, Peggy ne sait toujours pas où entreposer ses tableaux qu’elle prête, en attendant, au musée Correr. C’est en 1949 que Flavia Pau-

lon, secrétaire du comte Zorzi, lui trouve le fameux « palais inachevé », le palais Venier Dei Leoni. Commencé en 1749 par l’architecte Lorenzo Boschetti, ce palais était resté inachevé à la suite des revers de fortune de la famille Venier. Seul le rez-de-chaussée à bossages avait été élevé. Il reste une maquette du projet au musée Correr. Sa première exposition au Palazzo dei leoni est composée pour l’essentiel de sculptures de Jean Arp, de Brancusi, d’un mobile de Alexander Calder et, plus particulièrement, du cavalier nu qui trône actuellement sur le parvis du musée, face au Grand Canal. C’est une sculpture de Marino Marini où l’homme présente un énorme phallus. Peggy a demandé que ce phallus soit amovible pour qu’on puisse l’ôter en cas d’interdit, ce qu’elle faisait chaque fois que des religieuses passaient en bateau devant le palais. Herbert Read a salué cette initiative comme un excellent défi. PALAZZI 9 VENEZIA

C’était un des plus proches amis de la mécène qui appellera un de ses chiens Sir Herbert en l’honneur de Read. L’installation de la collection ne se fait pas sans mal, avec d’incessantes tracasseries avec les douanes, à tel point que Peggy envisage de renoncer à Venise et de partir s’installer à Amsterdam, au Stedelijk Museum comme le lui propose son conservateur. Ce n’est qu’en 1952 que le musée Peggy Guggenheim ouvrira finalement ses portes Peggy reste absente de New York pendant douze ans au cours desquels elle voyage en Inde, au Maroc, en Turquie. Lorsqu’elle y retourne pour l’inauguration du Musée Solomon R. Guggenheim, elle est d’abord très choquée par l’architecture du bâtiment et par son emplacement qu’elle considère comme une erreur car il est « écrasé par les immeubles voisins et il ressemble à un énorme garage. » Elle est aussi très choquée par la tournure qu’a pris le mouvement artistique américain qui semble être devenu, selon ses propres termes, une énorme aventure commerciale. « Seuls subsistaient quelques rares amateurs. Le reste achetait par snobisme, ou bien, pour éviter des impôts, offrait des toiles aux musées en conservant le droit d’en jouir jusqu’à leur mort. Ce qui est une manière d’avoir le beurre et l’argent du beurre. » Toujours selon Peggy, les prix deviennent ahurissants, les gens n’achetant que ce qui est le plus cher, n’ayant confiance en rien d’autre. L’art est alors utilisé comme un placement, les acheteurs passent des ordres sans même regarder les tableaux et s’informent par téléphone des cours et cotations. « Les peintres que j’avais péniblement vendus 600 dollars en touchaient 12 000. » Très déçue, Peggy s’aperçoit qu’il lui est impossible d’acheter un Brâncuşi à 45 000 dollars et que Lee Pollock refuse de vendre les œuvres de son mari. C’est la raison pour laquelle elle se tourne vers une autre forme d’art : l’art précolombien et l’art africain que lui avait fait découvrir Max Ernst. « On me blâme pour ce que l’on peint de nos jours parce que j’ai aidé le mouvement artistique moderne lorsqu’il est né. Je ne suis absolument pas responsable. (suite page 10)


(suite de la page 9) Dans les années 1940, il régnait aux États-Unis un esprit pionnier : l’expressionnisme abstrait. Je l’ai parrainé et ne le regrette pas. J’ai lancé Pollock, ou plutôt Pollock a lancé le mouvement. Cela suffit à justifier mes efforts.” Peggy établit définitivement son lieu de résidence et ses appartements dans le palais Venier. Elle y reçoit beaucoup d’amis aux noms célèbres : Paul Bowles, Truman Capote, Pablo Casals, ainsi que des artistes, des gens de plume ou du spectacle. Elle vit là jusqu’à sa mort le 23 décembre 1979. Ses cendres sont alors enterrées dans le jardin de son palais, aux côtés des sépultures de ses nombreux chiens et non loin d’un arbre planté par Yoko Ono. Après son décès, la fondation Guggenheim englobe le palais Venier dei Leoni et la collection Peggy Guggenheim qui y est exposée dans ce lieu ouvert au public. Il y accueille régulièrement des expositions temporaires d’art moderne ou d’art contemporain, en moyenne, deux à trois par an. Peggy Guggenheim a joué au cinéma son propre rôle dans “Eva” de Joseph Losey avec Jeanne Moreau. Le film, tourné en 1962, se passe à Venise. Son personnage a aussi inspiré plusieurs metteurs en scène de théâtre : Aux États-Unis, en 2005, sa vie a été mise en scène par Lanie Robertson dans une pièce de théâtre, “Woman before a Glass” (Femme devant son miroir ), où le personnage de Peggy est interprété par Mercedes Ruehl. À New York, la pièce est reprise au Abington Theater Arts Complex en mai 2011. Le spectacle est joué pour la première fois en France du 17 mai au 25 juin 2011 au théâtre de la Huchette à Paris. Adapté par Michael Stampe, le personnage de Peggy Guggenheim est interprété par Stéphanie Bataille, dans une mise en scène de Christophe Lidon. On retrouve Peggy encore au cinéma dans le film Pollock, réalisé par Ed Harris, d’après la biographie de Jackson Pollock. Elle apparaît sous les traits de Amy Madigan. Dans la bande dessinée Blake et Mortimer : Le Testament de William S. (2017), les auteurs Yves Sente et André Juillard rendent hommage à la mécène américaine Peggy Guggenheim et son musée vénitien d’art moderne avec la milliardaire américaine Peggy Newgols. Wikipedia

SEVERINE GAMBIER éverine Gambier est née en 1956 à Paris. Sa mère, historienne du livre alimente son éducation intellectuelle, son père, avocat originaire du nord de la France, très proche de Jacques Doucet est le défenseur et l’ami de nombreux artistes. Collectionneur, il fédère un entourage animé par Poliakoff, César, Yves Klein, Roger Edgar Gillet, entre autres. Dans cette ambiance singulière, Séverine développe, au cours de son enfance, une attirance pour le bizarre. Elle dessine et pratique des expériences d’apparition, lui permettant « d’observer les choses en train de se faire », le processus de fabrication qui la fascine. Ses parents se séparent en 1968. Séverine a 13 ans. Au cours de sa scolarité, sa personnalité rebelle s’aiguise en regard des événements et de l’éveil de consciences engagées dans le contexte de 1968. Elle intègre à partir de 1973, après l’obtention du bac à lauréat, le milieu du cinéma PALAZZI 10 VENEZIA

faisant initialement toute une série de petits boulots (figuration, bon de commandes pour la BPI, dessins de projecteurs pour le cinéma, maquettes, scripte, notamment pour un film sur le Crazy Horse). Elle rêve de devenir réalisatrice. Poursuivant une œuvre à la fois écrite et dessinée, elle découvre l’œuvre de Wölfli et d’Aloïse Corbaz dans le cadres des expositions consacrées à l’art brut dans les années 1970, notamment “Les Singuliers de l’Art” (1978, MAMVP). A ce moment-là, elle écrit des poèmes. La lettre a toujours, dans son œuvre, une place essentielle. Ses ex-votos délivrant souvent des bribes littéraires, complétées par les titres qu’elle donne chacun. A cette époque, elle occupe une chambre à Maubert, dans le 5e arrondissement et intègre les Beaux-Arts, inscrite dans l’atelier de François Matthey. Elle n’y reste que six mois, travaillant le nu et le modèle vivant, puis réalise des œuvres en peignant des petits carre-

aux colorés qui la rapproche d’Hundertwasser auquel elle adressait des lettres dans son enfance. Elle pratique toujours la peinture et le collage qui portent en eux la genèse de la mosaïque à venir. Elle rencontre le photographe Yan Rocher à l’âge de 25 ans, en 1981. De leur union naîtront deux enfants, aujourd’hui acteurs, Angel (également réalisateur) et Nino. Treize ans plus tard, Yan décède prématurément. Cet événement la marque profondément. Ils occupaient une maison dans la proximité de laquelle elle avait un atelier. Un beau jour, elle couvre les murs d’un pilonne de la cave de tessons de vaisselle brisée. La maison devient essentielle dans son processus créateur. Elle débute une mosaïque sur un des murs de la salle de bain et réalise petit à petit sur des supports de bois des ex-votos composés de bris de vaisselles, en général des assiettes historiques sur lesquels sont imprimés des motifs décorat-


ifs, des figures référentielles et toute une dimension décorative, essentiellement florale. Elle approfondit son travail au fur et à mesure des années, un travail qui lui permet de « recoller les morceaux » d’une vie qui s’est elle-même brisée. Elle intègre des fèves, des perles, des poissons dans des compositions qui permettent à son âme de murmurer des mots « doux » à l’esprit de son amoureux disparu, même si au fil des années, son œuvre a transfiguré la stricte dimension autobiographique, par des aphorismes réemployés avec une certaine dérision, fonctionnant comme un journal fabuleux au caractère sacrée. Séverine définit ainsi sa propre démarche : « Nul, sans ailes, n’a le pouvoir de voler »… « Aiuto ! », parce que tout commence en Italie, Aiuto, les enfants, les amours, les Putti, je me raccroche aux miettes laissées des grands continents dévastés La somme des impuissances/ Ravauder des ailes non avenues/Petites mains en points de suspension/Fil mal bâti/

Ce n’est pas cousu de fil blanc/C’est complexe, les échecs/ Ca brise le coeur/Ca fendille le cerveau/Les lésions t’envolent mieux que les ailes/ Te chuchotent l’intranquillité mais c’est sussuré, fissuré, filmé dans le vif, à ta portée de silencieuse emportée par les flots. Tu reviens. Tu déchires les papiers jaunis-Tu tailles le froid de la porcelaine-Tu agglutines les perles de pacotille. Faut se crever les yeux pour sauter dans le vide. Le vertige te poursuit/Ni tapis rouge, ni échelle de cordes comme dans les images entrevues/Des passerelles/ Des chemins au point de croix/ Micro-dallages et pavements de fleurs artificielles/Se faufiler dans les fragments/Les relier/Quelque chose de solide/Tu fais face au vertige, par instant/Mais les temps s’entremêlent/Très confus/Tu saisis la confusion comme tu peux/Mains écorchées, tu saisis. Il y a urgence. Le labeur est un contre-poison, mes enfants, mes amours, mes Putti.

J’ancre mes morts, mes peines, mes désillusions, la tête à l’envers, reliés par l’ombre de la terre et l’or factice du couchant. Et voici mon coeur qui ne bat… mes enfants, mes amours, mes Putti.» Séverine Gambier travaille presque toujours en série. Depuis deux ans, les figures de Nicolas II et de l’impératrice Alexandra Feodorovna, couple impériale et historique au destin tragique, sont « canonisés » par les moyens qui sont les siens, intégrés dans des compositions et sur des supports de bois qui rappellent immanquablement l’art de l’icône. La dimension décorative de ses mosaïques de plus en plus délicates et sofistiquées enserre chaque figure, ou le motif récurrent de la croix, en agissant peut-être, parfois, comme des vanités contemporaines. Sa première exposition eut lieu en 1987. Elle expose depuis 2004 à la galerie Béatrice Soulié. Texte et propos recueillis par Charlotte Waligòra PALAZZI 11 VENEZIA

SEVERINE GAMBIER Inauguration de la Galerie Béatrice Soulié à Marseille « Les Singulières accostent Place aux Huiles »

Honneur aux Dames, l’exposition inaugurale de la galerie sera consacrée aux artistes singulières que nous exposons à Paris depuis bientôt 30 ans ainsi qu’à Marseille dans notre ancienne galerie rue Glandevès.…

à partir du 12 Mai 2020 GALERIE BEATRICE SOULIE’ CABINET DE CURIOSITES CONTEMPORAINES 11, Place aux Huiles 13001 Marseilles Tél.+336 63 64 22 81 beatricesoulie@free.fr www.galeriebeatricesoulie.com/

adame, Monsieur, Nous sommes très heureux de vous annoncer l’ouverture très prochaine, à Marseille, de notre galerie d’art, en fait un C.C.C. « Cabinet de Curiosités Contemporain ». Depuis trente ans, nous sommes spécialisés à Paris dans l’art singulier ou Outsider-Art, ce mouvement artistique contemporain qui regroupe un certain nombre de créateurs autodidactes ayant volontairement ou non établi une distance avec l’art offi ciel. Initié par Jean Dubuffet, les artistes singuliers revendiquent une spontanéité face à l’intellectualisme des artistes établis. Le terme de « Singulier » serait apparu lors de la Manifestation « Les singuliers de l’Art » en 1978 au Musée d’Art Moderne de Paris. Après Saint Germain des Près, il nous a paru judicieux et malicieux d’ouvrir un lieu d’exposition dans le Sud. En 2012, nous avions avec bonheur découvert une galerie dans la petite rue Glandevès, près du Vieux Port. Nous avons été très bien accueillis tant par le public que par les médias (regardez « Galerie Béatrice Soulié, Marseille » sur Internet…). Nous nous rendions souvent pour réparer notre barquette aux Etablissements Maglione, sis 11, Place aux Huiles. Nous étions fascinés par « Le Mur aux tiroirs », photo en annexe… Je me souviens d’avoir dit au propriétaire, «si un jour, vous prenez votre retraite, je vous achète le mur!!! » Il se moquait de moi et de mon insistance jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite. Le local, avec son mur, était donc disponible pour notre plus grand bonheur…. En effet, bon nombre de nos artistes sont nés ou vivent autour de la Méditerranée… Louis Pons, né en 1927 aux Chartreux, Kamel Khélif né en Algérie mais qui vit à Noailles depuis ses 7 ans, Sabrina Gruss près d’Avignon, Christelle Lenci à Cavaillon, Alain Boggero à Marseille, Sylvain Corentin à Montpelier, etc… Nous aimerions les associer à nos coups de cœurs depuis de nombreuses années tant en art populaire qu’en art ethnographique.... Dans cette attente, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de nos meilleurs sentiments. Béatrice Soulié Rey Bernard Rey


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eith Sonnier est né à Mamou, en Louisiane, en 1941. Il vit et travaille entre New York et Bridgehampton (New York). Après avoir obtenu un diplôme de l’université du sud-ouest de la Louisiane en 1963 et une maîtrise en beaux-arts de l’université Rutgers en 1966, il a commencé à expérimenter avec des matériaux industriels et éphémères allant du latex au satin, des objets trouvés aux émetteurs et aux vidéos. En 1968, il réalise ses premières sculptures en utilisant la lumière incandescente puis le néon, qui devient rapidement l’élément caractéristique de son travail, dans le but de donner une nouvelle forme à la lumière et une nouvelle signification à la matière. L’artiste a souvent travaillé en série, dont certaines ont continué à se développer tout au long de sa carrière. Des éléments de ses premières œuvres expérimentales sont souvent reconnaissables dans les sculptures et les interventions architecturales ultérieures. Ses expositions personnelles les plus récentes comprennent NOMA, Nouvelle-Orléans (2019), DIA/ Dan Flavin Art Institute, Bridgehampton NY et Parrish Art Museum, Water Mill NY (2018), Wadsworth Atheneum, Hartford (2017), Musee d’Art Moderne et d’Art Contemporain, Nice (2015), BMW Museum, Munich (2012), Louisiana Art and Science Museum, Baton Rouge (2010), Rathausgalerie, Munich et Neue Nationalgalerie, Berlin (2002). Sonnier a participé à plus de 360 expositions de groupe, dont la Biennale de Venise (1982, 1976, 1972) et la Documenta de Kassel (1972). En 1969, l’artiste a participé à l’exposition iconique Live in Your Head : When Attitudes Become Form à la Kunsthalle de Berne, sous la direction de Harald Szeemann, qui a réuni 69 artistes européens et américains, dont Carl Andre, Joseph Beuys, Marinus Boezem, Jannis Kounellis, Sol LeWitt, Richard Long, Mario Merz, Bruce Nauman, Dennis Oppenheim, Gilberto Zorio,

GALLERIA FUMAGALLI Via Bonaventura Cavalieri 6 20121 Milano du mardi au samedi de 11 à 19 heures Info: +39 02 36799285 | info@galleriafumagalli.com www.galleriafumagalli.com Ufficio stampa PCM Studio Tél +39 02 36769480 | press@paolamanfredi.com

KEITH SONNIER et bien d’autres pionniers de l’art contemporain : une exposition historique clé, dont on se souvient pour l’approche radicale du commissaire à la pratique d’exposition conçue comme un support linguistique, qui a marqué le début de nombreuses nouvelles perspectives et de nouvelles recherches dans le domaine artistique, marquant la production artistique jusqu’à nos jours : du Body Art, du Minimalisme, de la Terre, de l’Arte Povera, à l’Art Conceptuel. Depuis le début de sa carrière, Keith Sonnier a abandonné les matériaux de la sculpture conventionnelle au profit de ceux capables d’offrir une expérience sensorielle plus immédiate. Au milieu des années 60, il a commencé à expérimenter avec des matériaux industriels et éphémères pour créer des compositions innovantes. Utilisant le tissu, le satin, la gaze et divers types de matériaux peu coûteux, PALAZZI 12 VENEZIA

Sonnier, ainsi que ses contemporains, Eva Hesse, Barry Le Va, Bruce Nauman, Richard Serra, Joel Shapiro, Richard Tuttle et Jackie Winsor, ont remis en question les principes de la sculpture. Sa façon de manipuler les matériaux attire à la fois la vue et le toucher du spectateur. La première série de compositions stimule la perception tactile et visuelle du volume, de la profondeur et, surtout, de la superposition des objets. “Avant de faire un travail basé sur la lumière et la technologie, je me suis concentré sur les cinq sens ; sur la façon dont les choses sont perçues par le toucher, par l’odorat, sur la façon dont elles peuvent être entendues”. En plus d’étudier des matériaux non conventionnels, Keith Sonnier s’intéresse également à la manière dont les gens interagissent physiquement avec l’œuvre d’art et perçoivent l’e-

space dans des conditions d’éclairage extrêmes. Il crée des installations environnementales de caoutchouc mousse, de poudre fluorescente, de lumière stroboscopique, de lumière noire et de néon, dans lesquelles le spectateur devient partie intégrante de l’œuvre : en marchant dans l’espace sombre entre les éléments de mousse fluorescente, sa perception de la couleur, de l’espace et du corps change sous l’effet de la lumière noire combinée à la poudre réfléchissante. Dans ce type d’installation, l’artiste utilise également le support télévisuel pour enregistrer différents aspects de l’œuvre dans différentes conditions d’éclairage, et surtout pour filmer les personnes qui se déplacent dans la sculpture, comme si elles étaient un prolongement naturel de l’œuvre. Il utilise également des miroirs placés les uns en face des autres pour créer une “chambre infinie” : une façon de montrer comment


le corps interagit dans ce canal d’espace infini. Au fil des ans, Sonnier a exploré les possibilités du néon en créant également des projets architecturaux de grande envergure. En 2002, il a créé une installation extérieure temporaire pour la Neue Nationalgalerie de Mies van der Rohe à Berlin, intitulée BA-O-BA Berlin. Tirant son nom d’un terme familier du dialecte cajun, traduisible par “clair de lune” ou “baigné de lumière”, le projet fait partie de la série Ba-O-Ba, commencée en 1969 et poursuivie sous diverses formes jusqu’à aujourd’hui. La triade brillante de lumière rouge, jaune et bleue joue sur la translucidité de l’architecture de Mies van der Rohe, se répandant à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. La lumière circule librement dans les espaces, traçant la grille rectangulaire du complexe architectural et produisant, surtout au

crépuscule, un dialogue fascinant entre l’architecture d’acier pur et les couleurs brillantes du néon. Parmi les diverses interventions architecturales, il convient également de mentionner la première commande publique de Sonnier pour un client religieux. Dans la tour de la chapelle Saint-François de Steyr-Resthof (Autriche), l’artiste place douze spirales de néon de trois couleurs différentes qui parcourent tout le cube de verre comme les traces libres et flottantes d’un dessin dans l’air. L’installation lumineuse évoque un sentiment subtil d’ouverture et de spiritualité et, en même temps, devient un point de repère, un monument. Dans sa pratique, Sonnier commence toujours par un projet dessiné sur papier, puis reproduit par ordinateur pour obtenir une simulation réelle de l’œuvre dans le contexte architectural. Les dessins sont le témoignage le plus sincère de l’idée initiale et montrent une

poétique unique dans leurs formes organiques et courbes raffinées que Sonnier préfère également en sculpture. Les dessins de la série Cat Doucet (dont il tire une série de sculptures en néon) sont inspirés du surnom d’un shérif légendaire de la paroisse de Saint Landry, contemporain du père de Sonnier, qui, pour sa campagne de réélection en 1952, voyageait dans un break avec quatre grands haut-parleurs montés sur le toit ainsi qu’une silhouette découpée d’un chat arborant un sourire de dessin animé et une longue queue recourbée. Comme dans d’autres cas, l’œuvre fait référence à la culture franco-américaine, mais aussi caribéenne de Mamou, la ville natale de Sonnier en Louisiane, habitée par une communauté bilingue qui parle le dialecte cajun des Français d’Acadie ainsi que l’anglais américain. “J’ai toujours eu un sens très différent de l’Amérique, car même si j’étais américain, mon héritage cajun m’a un peu laissé de côté ; et je voyais PALAZZI 13 VENEZIA

l’Amérique sous un angle différent”. Depuis 2010, Keith Sonnier récupère des matériaux tels que la mousse de caoutchouc, le bois et le flocage déjà utilisés dans ses toutes premières œuvres. Parmi ses œuvres les plus récentes, la série Bois et Encaustique montre des blocs de couleur solides réalisés à l’aide de flocage et de peinture à l’encaustique sur une ou plusieurs formes en bois, évoquant des profils naturels, zoomorphes et anthropomorphes. Les éléments en bois sont assemblés, articulés ou superposés pour créer des formes organiques animées qui collent parfois à la surface du mur et s’étendent parfois dans les airs comme un papillon. À l’occasion de cette étude approfondie, la Galleria Fumagalli partage un extrait de la vidéo Positive-Negative, réalisée en 1970 au Medical Studio de l’Université de Californie à San Diego, et projetée lors d’une performance en direct dans son département artistique. C’est la première cassette enregistrée par Sonnier dans un studio de télévision avec l’aide de techniciens et d’un matériel de mixage élaboré. Deux grandes caméras de studio encadrent la tête de l’artiste qui tourne sur 360 degrés pour générer des vues complémentaires qui sont projetées simultanément sur chaque moitié de l’écran, l’une en positif et l’autre en négatif. Lorsque l’interprète tourne, les caméras capturent indépendamment le visage et l’arrière de la tête, ou ses profils gauche et droit, tout en maintenant une relation binaire constante. La solarisation de la caméra dissout l’image et, au final, les chevauchements modifient la perception de la figure en arrière-plan. La vidéo, jamais montrée auparavant en Italie, a été présentée en janvier 2019 par la Fondation Converso à Milan dans les salles du rez-dechaussée de la Tour Velasca, avec six autres courts métrages de Sonnier.

vimeo.com/180949388 info@galleriafumagalli.com www.galleriafumagalli.com

http://keithsonnier.net/


Photo alberto pozzoli

auxquels l’artiste et son commissaire devront correspondre, et se termine par celui-ci: «Capacité à y associer des partenaires financiers extérieurs.» Au nom de quoi ? Le fondement de cette «exception culturelle», que vous ne cessez d’invoquer, est pourtant que le plus puissant, le plus riche, le plus spectaculaire, n’est pas forcément le meilleur. L’artiste Ernest Pignon-Ernest vient de déplorer que «cela fait plusieurs décennies que les institutions, les musées, le ministère de la Culture, dans le domaine des arts plastiques, n’a pas joué son rôle, qui devrait être de favoriser la diversité des sensibilités, des courants, des propositions artistiques. 90% de l’art qui se fait aujourd’hui est ignoré par les institutions» : qu’en pensez-vous ? Aveugle à cette dérive, l’Etat abonde ce système prédateur qui broie la majeure partie de notre écosystème. Il condamne ses musées ou ses écoles d’art à courir après l’argent privé, alors que sous couvert de «mécénat» la seule Fondation Louis Vuitton a coûté 600 millions d’euros d’argent public ! Dans quelle mesure les artistes vivants, les professionnels et le public français en bénéficient-ils ? En quoi participe-t-elle à vos priorités affichées, démocratisation et éducation artistique? Vous, votre ministre, visitez uniquement les méga-foires, emmenez les méga-galeristes en voyages officiels ; votre précédente Ministre s’est battue en faveur des Tulipes de Koons, symbole d’un art industriel et financiarisé ; vos rares sorties auprès d’artistes sont réservées à des stars du marché, vos visites pour des expositions blockbusters, etc. Le marché, encore le marché, toujours le marché ! En envoyant ces signaux, en bradant notre souveraineté scientifique, en laissant l’argent arbitrer à la place des conservateurs, des historiens et des critiques, l’Etat manque à ses devoirs fondamentaux.

«Nous ne pouvons pas penser la défense de la culture sans inclure ceux qui ont été passés sous silence» Bien sûr, notre secteur manque de moyens à court terme, pour ne pas mourir, tout simplement. Mais nous manquons bien plus encore d’une politique publique ambitieuse, favorisant l’indépendance, la diversité, la parité, l’écologie, au service de tous. C’est le moment ou jamais : le marchand Kamel Mennour a reconnu, à propos de la course planétaire aux méga-foires :

Photo Simon Gillespie Studio

(suite de la page 2)

ARTS PLASTIQUES OUBLIES «Force est de se dire que nous avions tout faux.» Tirons-en toutes les conséquences ! Les moyens sont là, dans un plan de relance dont nous sommes les parents pauvres, et demain, de façon pérenne, dans la mise en place d’un système parafiscal redistributif, et dans la réappropriation d’une part d’un mécénat largement détourné de l’intérêt général. Nous devons placer la diversité en boussole de tout le système, imaginer un financement de toutes les pratiques, notamment en démocratisant la collection, mais aussi en encourageant les scènes locales, pour permettre aux artistes de vivre et travailler partout en France. Nous avons besoin de plus de solidarité, d’inventer des outils de protection, de reconnaissance et de visibilité pour les petites galeries et tous les travailleurs indépendants qui rendent possible l’art et sa diffusion, financés par de la redistribution, et d’accompagner les industriels du monde l’art, mais par des aides automatiques, suivant des critères objectifs. Il est impérieux d’assumer notre responsabilité particulière envers la scène artistique française, ouverte aux créat-

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eurs du monde entier, dont l’histoire comme l’actualité ne peuvent plus se passer de lieux de diffusion et de transmission. Les artistes en milieu de carrière sont abandonnés, toutes les nuances de la scène française des cinquante dernières années sont en train de sombrer progressivement dans l’oubli. Nous devons encourager la sobriété, car la course à l’événementiel, au spectaculaire, au marché international, contribue à la généralisation de pratiques écocides. Chacun doit être traité avec équité et percevoir une juste rémunération. Les artistes doivent aussi être payés pour leurs activités non directement créatives (expositions, médiation, communication, etc.), mais aussi les commissaires d’expositions, les critiques d’art… car les rémunérations insuffisantes favorisent cumul, concentration et endogamie, et excluent de la protection sociale. Or l’Etat est le premier à user de ces mauvaises pratiques. Il faut encore imaginer un vrai service public de l’émergence, qui ne soit pas uniquement fondé comme aujourd’hui sur la mise en compétition, le mar-

ché et les grandes écoles d’art, qui ne précarise pas toujours plus les plus précaires. Les autodidactes ou les «mauvais élèves» aussi ont le droit de devenir artistes ! Ce sont même généralement les meilleurs ! Ne l’oubliez pas, au moment de concrétiser le programme de commandes publiques que vous avez annoncé pour les moins de trente ans… Enfin, la relation à l’art doit débuter dès l’école : à partir de Diderot, Baudelaire ou Apollinaire, nos enfants doivent apprendre à formuler et transmettre leur propre regard sur les œuvres, et vivre entourés d’art, grâce à des dépôts et commandes de collection d’œuvres originales et multiples dans chaque établissement d’enseignement. Il est urgent, monsieur le Président, de faire entrer les arts visuels dans l’exception culturelle. Vous réparerez ainsi une anomalie historique aux conséquences terribles, et vous fédérerez – enfin – l’ensemble des acteurs publics et privés dans un système plus vertueux, plus inclusif et plus solidaire.

Stéphane Corréard


Photo dhruvi acharya

DHRUVI ACHARYA hruvi Acharya est née en 1971 en Inde et a grandi à Mumbai. Elle a fréquenté la Walsingham House School, une école privée pour filles à Mumbai. A reçu son diplôme de premier cycle en 1993 en arts appliqués au Sophia College for Women à Mumbai. Elle a ensuite obtenu une maîtrise en Beaux-Arts (MFA) en 1998 à la Hoffberger School of Painting du Maryland Institute College of Art (MICA) à Baltimore, dans le Maryland, où elle a étudié avec la peintre Grace Hartigan. Acharya a commencé en tant qu’artiste professionnelle à exposer ses œuvres en 1998 aux États-Unis, où elle a passé dix ans. Acharya a organisé des expositions personnelles avec Chemould Prescott Road à Mumbai, Nature Morte à New Delhi, Gomez Gallery à Baltimore et Kravets/Wehby à New York. Parmi ses participations figurent des expositions au San Jose Museum of Art, à l'Uni-

versité Griffith de Brisbane, à BosePacia Modern à New York, à la National Gallery of Modern Art de Mumbai et au Queens Museum of Art de New York. Acharya a reçu le prix FICCI Young Woman Achievers en 2013, et a fait la couverture de India Today en 2005. Le travail de Dhruvi Acharya se concentre sur les aspects psychologiques et émotionnels de la vie d'une femme urbaine, dans un monde où règnent la discorde, la violence et la pollution. Avec un humour subtil, sombre et ironique, l'œuvre entraîne le spectateur dans un monde où les pensées sont aussi visibles que la "réalité", et où les protagonistes vivent et se métamorphosent selon la logique de ce monde. Dans son monde luxueusement peint, les formes humaines se métamorphosent en fonction de leur état mental, les pensées vides inspirées des bandes dessinées et les bulles de discours véhiculent des émotions ineffables, et les dessins de mémoire s'effacent dans les

couches de peinture, fusionnant le passé, le présent et les futurs imaginés. Les peintures sont basées sur ses dessins qui sont comme un journal quotidien, une chronique de pensées, d'observations, d'émotions et d'expériences. Influencées par les miniatures indiennes, les bandes dessinées et le street art contemporain, les peintures ont une surface physique lisse mais sont visuellement et psychologiquement superposées. La myriade de détails visuels dans le travail d'Acharya attire les spectateurs à réfléchir sur leurs propres expériences et sentiments, rendant les détails des histoires et la signification de chaque image sans importance, et permettant la contemplation de notre existence humaine commune. L’artiste vit et travaille à Mumbai. Expositions 2016 “Après la chute” Chemould Prescott Road, Mumbai 2015 Chitra Ganesh & Dhruvi Acharya : “La peinture comme performance”, India Art Fair, New Delhi PALAZZI 15 VENEZIA

https://dhruvi.com/

2010 “Gasp !” Galerie Kravets/Wehby, New York 2008 “One Life on Earth” Chemould Prescott Road, Mumbai & Nature Morte, New Delhi 2006 “Two plus Two equals” Gallery Chemould, Mumbai 2004 “Figment” Gallery Chemould, Mumbai 2002 “Femme, mère, déesse” exposition individuelle, Jehangir Art Gallery, Mumbai 2001 Exposition individuelle, Gomez Art Gallery, Baltimore 2001 Trois peintres contemporains : Nilima Sheikh, Manisha Parekh, Dhruvi Acharya, BosePacia Modern, New York 2000 Exposition de trois personnes, Galerie Bachelier Cardonsky, Kent 1999 East Meets West : Bari Kumar & Dhruvi Acharya, sous la direction de M. A Greenstein, École 33, Baltimore 1998 Exposition de trois personnes, Galerie Gomez, Baltimore 1998 Exposition de la thèse de maîtrise en beaux-arts, exposition personnelle, galerie MICA, Baltimore Projets spéciaux 2013 JSW, murale de 7x32 pieds pour le centre sidérurgique de Jindal, Mumbai 2009 Mumbai City, œuvre d’art pour le projet artistique de l’aéroport international de Mumbai, Mumbai Discussions et présentations Projets/processus 2016 : #01, La Fondation G5A pour la culture contemporaine, Mumbai 2016 V-IDEO idées à partager, Centre Mohile Parikh pour les arts visuels 2016 Artiste invité, Space 118, Mumbai 2009 Atelier de peinture, Kala Ghoda Arts Festival, Mumbai 2005 Présentation des travaux, Centre Mohile Parikh pour les arts visuels, Centre national pour les arts du spectacle, Mumbai Honneurs et récompenses Prix d’excellence FICCI YFLO 2014, Inde Prix Aditya Vikram Birla Kala Kiran Puraskar 2006, Inde 2006 Nominé pour le prix de la Fondation Joan Mitchell, États-Unis 2005 Inclus parmi les leaders de leur génération, India Today (couverture), janvier 1996 Bourse d’études pour les étudiants internationaux, Maryland Institute College of Art, Baltimore 1992, 91, 89 Prix de l’étudiant de l’année, Sophia Polytechnic, Mumbai 1992 Médaille d’or pour la meilleure exposition annuelle, Sophia Polytechnic, Mumbai


Photo arttribune.it

i les conditions sanitaires sont suffisantes, les visites de musées reprendront le 18 Mai, mais sous une forme très différente de celle à laquelle nous étions habitués. Alors que les expositions et les institutions culturelles sont en cours de réorganisation, faisant face à une situation jamais vécue auparavant, le Comité technico-scientifique a défini les protocoles nécessaires à la réouverture. Si de nombreuses règles seront étendues indistinctement à chaque site culturel, une première différenciation est donnée par le type d’espaces (site de plein air, site en espace confiné, site hybride), l’importance et la concentration des flux de visiteurs. Ces derniers sont considérés comme les plus critiques (indiqués dans un tableau, en premier lieu nous trouvons le Colisée à Rome, avec plus de 7 millions de visiteurs par an) et sont ceux qui devront se préparer à suivre les règles d’une manière plus scrupuleuse ; cependant, étant donné l’absence de tourisme international qui persistera pendant longtemps, même cet aspect pourrait devoir être reconsidéré. Voici donc la liste exhaustive des règles que nous devrons suivre dans les mois à venir pour pouvoir à nouveau profiter de nos musées. LES NOUVELLES NORMES DE SÉCURITÉ Gestion des intrants et des extrants. Visites avec un nombre limité de visiteurs et de créneaux horaires, afin de ne pas grever les “heures de pointe” et la mobilité par rapport aux déplacements domicile-travail (avec l’invitation à se coordonner avec l’infrastructure territoriale). Obligation de porter un masque pour les visiteurs et le personnel du musée. Les espaces communs tels que les services de rafraîchissement et les services commerciaux dédiés au merchandising et à la vente de livres doivent être adaptés aux règles de quotas de visiteurs et de distanciation sociale. Utilisation de la signalisation pour faire respecter la distance physique d’au moins 1 mètre également aux guichets et bureaux d’information, dans les magasins, etc. ainsi qu’à l’extérieur des sites.

REOUVERTURE DES MUSEES

Ces règles s’appliquent aux Musées en Italie

Installation des itinéraires à sens unique. Ajuster les toilettes de manière à assurer la distanciation sociale. Veiller à la propreté quotidienne des pièces, des postes de travail et des espaces communs en accordant une attention particulière aux surfaces de contact fréquemment utilisées. Positionnement des distributeurs de désinfectant pour les mains en plusieurs endroits. Limiter l’utilisation des écrans tactiles. Limiter l’utilisation des paiements en espèces. Éviter les files d’attente aux guichets en encourageant l’achat de billets par le biais d’applications et de sites web. Il n’est pas recommandé, surtout au début, d’utiliser des audioguides (qui, dans ce cas, devront être aseptisés à chaque fois), en les remplaçant par du matériel d’information imprimé. Positionnement des vidéos explicatives des règles à suivre dans les espaces. STATUT DU PERSONNEL Dès la réouverture des musées, le personnel devra également suivre un protocole réglementaire strict PALAZZI 16 VENEZIA

qui empêche la propagation de la contagion, avec certaines conditions garanties par l’employeur. En général, beaucoup de ces réglementations sont communes à d’autres environnements de travail et peuvent être trouvées dans les textes publiés précédemment, comme les réglementations spécifiques sur la santé et la sécurité au travail (décret législatif 81/08 et modifications et ajouts ultérieurs) ou le “Protocole partagé avec les partenaires sociaux” réglementant les mesures pour combattre et contenir la propagation du virus Covid-19 dans les environnements de travail du 24 avril 2020. Le personnel doit avoir la garantie d’un approvisionnement stable de masques, qui doivent être portés correctement dans les espaces. L’état de santé des employés doit être vérifié une fois qu’ils sont sortis du confinement social. Le travail intelligent doit être permis, aux figures professionnelles pour lesquelles cela est possible, en donnant la priorité à celles qui résident dans une municipalité ou dans une autre région. En général, une réouverture pro-

gressive, voire expérimentale, est préconisée (Milan a déjà commencé avec un plan stratégique, représentant un modèle possible), en donnant la priorité aux lieux de plein air et aux musées qui, en 2018 et 2019, n’ont jamais enregistré de hautes fréquences. Enfin, il convient de rappeler que le protocole doit être strictement appliqué aux sites à forte concentration de public, c’est-à-dire ceux qui dépassent les 100 000 visiteurs par an. Pour les petites structures qui ne reçoivent des visiteurs que sur rendez-vous ou qui ont un accès limité au public, ces règles peuvent être simplifiées, tout en gardant toujours à l’esprit la prévention du risque de contagion en assurant l’éloignement social, le port de masques et les mesures d’hygiène. Il n’est pas encore clair si et quand les petits et grands musées pourront s’organiser. Une chose est sûre : tout le monde ne sera pas là au début de la semaine prochaine, comme le prévoyait le calendrier du gouvernement. Julia Ronchi https://www.artribune.com/


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