Supplement Palazzi A Venezia Juillet Aout 2020

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Supplement à l’édition de “Palazzi A Venezia “ Juillet Aout 2020

Photo Steve Shapiro 1965

CATHERINE SEHER KATINKA SCHUETT BETHEL WOODS GIO PONTI OUSMANE SOW JULIEN GERARDIN IKB 3, MONOCHROME BLEU WOYTEK KONARZEWSKI GALERIE L’AHAH MARION ZILIO GALERIE CONVERGENCES AGIR POUR LE VIVANT EMMANUEL DRUON ELISABETH VIGE’ LEBRUN A INVENTE’ LE SOURIRE KARINE N’GUYEN VAN THAM MARION BATAILLARD


PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale Président Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Photo paintinghere.com

Comité de Rédaction Marie-Amélie Anquetil Arcibaldo de la Cruz Vittorio E. Pisu

Rédacteur Arts Demetra Puddu Supplement à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Juin 2020 Textes et documents photographiques publiées ne seront pas rendus

atherine SEHER est née en 1958 à Paris, où elle vit et travaille. Elle est diplômée de l’Ecole des Beaux Arts de Paris. Ses peintures ont très vite été remarquées par la presse artistique, Miroir del’Art... et à Mac2005 elle fait partie des « cinq artistes nominés » par le magazine Azart . Artiste d’une grande sensibilité, elle parle ainsi de son travail: “Peindre, c’est se lancer dans l’inconnu, c’est là que commence mon voyage quotidien... la toile devient très vite passage vers des mondes oniriques où des paysages se succèdent, denses puis dépouillés, où des silhouettes surgissent et disparaissent... Au final je garde ce qui s’est imposé après beaucoup de lutte et d’épaisseur de peinture. Ces personnages sans âges, venus souvent à mon insu, semblent détenir quelque secret, témoins nimbés des reflets du monde. L’écrivaine Huguette HérinTravers, qui fait partie de ses collectionneurs s’exprime elle aussi: « Les toiles de Catherine Seher sont peuplées de personnages s’inscrivant de façon évanescente dans un paysage où disparaissent les bornes et les repères. Les silhouettes anonymes nous livrent la vision d’un monde démantelé mais pourvoyeur de sens. Nous sommes dans un face à face troublant. D’étranges personnages nous hèlent, alors que leurs yeux, déjà, nous guident vers ce qui doit advenir. Nous sommes introduits dans un univers de pensées suggérées. Le spectateur est ainsi interrogé puis concerné par ces images évoquant des expressions spontanées, presque magiques. On y retrouve la force des premiers gestes, les formes les plus intimes....”

EXPOSITION CATHERINE SEHER

du 23 juin au 1er aout 2020

Tous droits reservés Correspondance vittorio.e.pisu@free.fr 3, rue Visconti palazziavenezia@gmail.com 75006 Paris https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia 00 33 (0)1 43 26 64 71 https://www.vimeo.com/ galeriegng@wanadoo.fr channels/palazziavenezia http://www.galeriegng.com PALAZZI 2 VENEZIA

a photo en noir et blanc qui illustre la couverture de cette publication remonte à l’année 1965, ce qui signifie que cinquante cinq ans après rien n’a changé. Non seulement aux États Unis d’Amérique, où une guerre civile, la seule que ses habitants aient connue, qu’il me répugne d’appeler Américains, puisque les Américains ce sont les habitants de ce continent qui ont été allègrement massacrés dans l’indifférence générale et avec la bénédiction des Églises de toutes confessions, n’étaient pas des sauvages ? En suite l’importation de millions d’esclaves d’Afrique a permis certainement une accumulation de capital au mois égale à celle de l’appropriation de territoires immenses acquis pour rien. Aujourd’hui l’assassinat, pour ne pas dire les assassinats puisqu’il ne se passe pas de semaine sans que quelques uns des habitants de ce magnifique pays ne se fasse descendre au prétexte qu’il est un peu noir de peau, d’un afro-américain, comme on aime les appeler (sic) bien qu’en France aussi on connaisse les immigrés de la troisième génération, bientôt de la quatrième d’ailleurs, dans de conditions particulièrement ignobles et bien entendus enregistré par un smart(sic)phone, puisqu’aujourd’hui tout se filme et l’histoire de Rodney King n’a rien appris à personne. Alors l’indignation populaire voudrait que l’on déboulonne des statues vieilles de deux cent ans aux lieux de s’attaquer aux problèmes et aux situations qui se déroulent sous nos yeux ou ailleurs lorsque l’on regarde de l’autre coté. Alors l’Art dans tout ça me direz-vous! Justement j’ai le sentiment que l’Art ne regarde pas ailleurs mais bien en face ce qui se passe et essaie de nous le rappeler mais non seulement en nous montrant les cotés les plus odieux des actions humaines, mais aussi tout ce dont nous sommes capables lorsque au lieux de nous détester et de nous haïr nous essayons de nous reconnaitre comme faisant partie de la même fratrie et jusqu’à la pandémie covid-19 qui nous a rappelé à quel point nous sommes aussi des animaux et que lorsque nous détruisons l’habitat naturel de certaines espèces il est tout à fait normal qu’un virus se cherche d’autre support pour se reproduire. Parce que c’est la loi fondamentale de la vie sur terre qui anime depuis les plantes et les animaux et jusqu’à nous, tout être vivant avec une seule raison, celle de se reproduire et de ne pas périr, d’ailleurs n’ayez crainte, le virus ne détruira pas la race humaine, il gardera toujours suffisamment d’individus, faute de chauve souris, serpents, rats et autre cochons d’Inde pour continuer à se reproduire inexorablement. Est ce que nous aurons appris quelques choses pendant ces mois qui nous ont vu terré dans nos maisons, affublé ou pas de masques respiratoires, confrontés aux affirmations les plus contradictoires et jusqu’aux plus farfelues, émis par des soi disant savants bouffis d’orgueil et à l’ego surdimensionné par leur passage sur un écran télévisuel et par des élus du peuple complètement dépassés par les événements et nous affirmant tout et son contraire en l’espace de quelques heures? Le résultat de tout ce cirque est que le futur a disparu. Impossible de prévoir ces vacances, souvent long temps à l’avance, ses sorties au théâtre ou à l’Opéra, ces repas dans les restaurants gastronomiques ou populaires et jusqu’aux diners entre amis et je ne parle pas des bals, discothèque ou même simple gancherie d’après diner le samedi soir. Il ne nous reste que l’Art pour nous donner un semblant d’espoir, un petit rayon de soleil fellinien, l’idée que quoi qu’il arrive (météorite frôlant dangereusement la planète ou interprétation erroné du calendrier Maya) nous arriverons toujours à nous en sortir, peut-être pas tous hélas, mais au moins les femmes et les hommes de bonne volonté, comme nous l’avons appris parfois et vérifié souvent. C’est difficile en ce moment d’écrire un bel éditorial dithyrambique et facétieux et vous convier aux agapes de nombreuses manifestations qui malgré tout refont surface et pointent le bout de leur nez pas rouge du tout. Je vous invite néanmoins à soutenir toutes les activités les manifestations, les spectacles, les concerts et tout ce qui se rapproche de près ou de loin à une vie pleine et productive où les Artistes ont continué à espérer dans leurs actions. N’oublions pas non plus tous les sans grades, les laissé pour comptes qui n’ont eu pour l’instant comme remerciement que quelques claques au balcon au 20 heures de moments les plus sombres et qui paraissent terriblement oubliés aujourd’hui. Il ne faut absolument pas les oublier, tout comme le reste d’ailleurs. Vittorio E. Pisu


Photo Katinka Schuett

KATINKA SCHUETT epuis que Jules Verne a publié ses prophéties littéraires, les rencontres avec l’autre histoire, ainsi que l’étrange et l’infini, sont associés à l’Univers. La question de savoir si l’humanité existe dans sa singularité dans l’espace et si l’Univers contient d’autres formes de vie a déclenché des réflexions philosophiques, religieuses, scientifiques et artistiques depuis plus de deux mille ans. Cet exemple, et bien d’autres encore, montrent que les connaissances de l’astrophysique, des programmes spatiaux et de la biologie sont irréductiblement liées aux images, aux récits et aux films du genre de la science-fiction. Cosmic Drive pose la question de savoir comment rendre visibles ces sphères contradictoires de la fantaisie et de la science pure. L’œuvre se tourne vers les genres ostracisés et spéculatifs, les phénomènes obscurs et un mélange de périphéries et de noyaux épidémiques.

Il localise et expose les potentialités cachées et perdues de l’avenir. La série gagnante de Katinka Schuett examine notre perception de l’espace “Cosmic Drive explore principalement la manière dont les humains gèrent l’ignorance”, explique Katinka Schuett à propos de sa série primée Female in Focus, qui examine les sphères contradictoires de la fantaisie et de la science pure. “Je m’intéresse à nos perceptions de l’espace, et à la question de savoir si la vie peut ou non être trouvée dans l’univers”. Schuett s’intéresse autant à la fantaisie qu’aux faits, fusionnant les deux pour considérer les illusions que nous créons lorsqu’il y a un vide d’information. L’intérêt de la photographe pour l’espace extra-atmosphérique a d’abord été motivé par les gens - elle a commencé le Cosmic Drive en photographiant des personnes qui ont catalogué les observations possibles d’OVNI et les

phénomènes extraterrestres en Allemagne. “Je suis fascinée par la préoccupation des humains pour les choses qui ne sont ni visibles ni tangibles”, explique Mme Schuett. Beaucoup de ses photographies jouent sur les clichés des voyages dans l’espace. Dans une image, un extraterrestre est allongé sur un lit d’hôpital comme s’il subissait un examen médical, son visage est une réplique exacte des extraterrestres des films hollywoodiens et des livres de science-fiction, et dans une autre, un index est rouge vif et éclairé, comme le personnage de science-fiction E.T. “Il est intéressant de voir comment l’apparence et l’aspect d’un corps extraterrestre, ou l’image d’un doigt qui brille, sont universellement compris”, dit-elle. Dans cette œuvre, Schuett joue avec notre conscience collective, en explorant nos concepts pour des choses qui sont intangibles. Elle reconnaît que ces concepts sont contemporains ; PALAZZI 3 VENEZIA

“ils possèdent une apparence scientifique qui est étroitement liée à notre époque”, explique-t-elle. “Je suis sûre que ce projet aurait un aspect complètement différent s’il avait été réalisé il y a 50 ans”. Mais si notre intérêt pour les voyages spatiaux et leur esthétique est souvent associé au présent et à l’histoire récente, l’univers est une source d’intérêt depuis des milliers d’années. “Les gens ont toujours été intéressés par la possibilité de ne pas être seuls dans l’univers”, déclare M. Schuett. “Cette fascination s’est transformée en un désir ardent de prouver toutes ces théories”. Schuett recherche les manifestations physiques de ce désir, comme les vaisseaux spatiaux, les antennes géantes et les télescopes, qui ont été conçus pour communiquer avec des entités extraterrestres inconnues dans l’espoir de recevoir des signaux de l’espace. “Je trouve étonnant de penser que ces théories et cette foi dans la preuve de l’inconnu ont déclenché des inventions réelles et des explorations scientifiques de l’espace extra-atmosphérique”, dit-elle. Katinka Schuett est l’une des deux lauréates de la série Female in Focus. Cosmic Drive a éTé exposé à la galerie United Photo Industries à Brooklyn, New York, du 22 octobre au 15 novembre 2019 (heures d’ouverture : mardi - vendredi 11h - 18h). L’exposition a été encadrée en partenariat avec Larson-Juhl. Le British Journal of Photography défend les photographes depuis 1854. Female in Focus est l’un des six prix destinés à former la prochaine génération de talents. Si vous êtes une photographe qui s’identifie comme une femme ou un photographe non binaire et que vous souhaitez que votre travail soit remarqué par les leaders de l’industrie, posez votre candidature pour Female in Focus dès aujourd’hui. Pour voir les deux séries gagnantes et les 20 images individuelles gagnantes, visitez https://femaleinfocus.com/ winners-2019/. United Photo Industries Adresse : 16 Main St #B, Brooklyn, NY 11201, U.S.A. https://photoville.com/ h t t p s : / / w w w. b j p - o n l i n e . com/2019/09/female-in-focus-cosmic-drive/


Il y a 50 ans, en 1970, plus de 20 millions de personnes se sont mobilisées pour attirer l’attention du public sur l’environnement en organisant la toute première Journée de la Terre. Généralement considérée comme le début du mouvement environnemental moderne, la première Journée de la Terre a été influencée par la prise de conscience croissante des besoins écologiques et le désir de la société de renouer avec la nature, apparus dans les années 1960. La publication du livre de Rachel Carson, Silent Spring, en 1962, a été pour beaucoup d’Américains une dure prise de conscience du fait que notre belle et dynamique planète est une ressource limitée. Nous devons reconnaître et préserver nos environnements naturels. Pour célébrer les 50 ans de la Journée de la Terre, le musée de Bethel Woods, en partenariat avec Photoville, vous propose des images de 21 photographes internationaux qui mettent en valeur la beauté organique de notre planète, des paysages les plus vastes aux détails les plus délicats de la nature. Nous espérons que vous serez inspirés de retrouver la beauté de notre précieuse Terre Mère où que vous alliez, même dans votre propre jardin ou dans un parc local. Nous pouvons tous travailler ensemble pour préserver la beauté de notre environnement ! Le Bethel Woods Center for the Arts croit vraiment que les arts sont une composante essentielle de toute communauté dynamique. Situé sur le site du festival de Woodstock de 1969, Bethel Woods est un centre culturel et un musée à but non lucratif qui utilise sa place unique dans l’histoire pour explorer les thèmes de l’art, de la musique, de l’engagement social et civique façonnés par les années 1960. Grâce à son musée primé, le centre maintient vivant l’esprit de Woodstock afin d’honorer la vision d’un monde meilleur défendue par ceux qui se sont réunis ici en 1969. Bethel Woods cherche à créer des opportunités de partage d’expériences puissantes qui sont désespérément nécessaires à notre époque. Chaque année, Bethel Woods présente une sélection diversifiée de spectacles, d’expositions spéciales et de programmes éducatifs riches en culture, tout en poursuivant ses efforts pour préserver le terrain historique sur lequel vous vous trouvez.

PHOTOS BY

Anya Anti, Guilherme Bergamini, Bill Livingston, Brent Doerzman, Kristofer Dan-Bergman, Linda Detwiler Burner, Julya Hajnoczky, Kathleen Johansen, Claire Powell, Ed Kashi, Sarah Loreth, Martha Tully, Callan Field, Kay Kenny, Maureen Ruddy Burkhart, Maurizio Esposito, Melinda Hurst Frye, Ronan Considine, Skye Conner, Ryan Lips, and Suzy Ro

Eté 2020

Photo Maureen Ruddy Burkhart

Earth In Focus: A Celebration Of Our Dynamic Planet

Bethel Woods Center for the Arts 200 Hurd Road Bethel, New York 12720 PRODUCED AND PRESENTED IN PARTNERSHIP WITH Bethel Woods Center for the Arts GENEROUS SUPPORT FOR THIS EXHIBIT IS PROVIDED BY YO1 Wellness Resort & Spa 20 Jay Street #207, Brooklyn, NY +1 718 801 8099 2020 © Photoville

aureen Ruddy Burkhart a obtenu son BFA en photographie au San Francisco Art Institute en 1976 et a travaillé comme photographe de portrait et de publicité/ stock, cinéaste, vidéaste, documentariste et photographe d’art, y compris des postes de rédaction et de réalisation au sein de Technicolor Gov’t. Svcs, San Diego et à l’Académie navale américaine d’Annapolis, MD. Maureen a eu une éducation unique, passant de pays en pays avec sa famille, faisant des allers-retours entre les États-Unis et des endroits comme le Maroc, la France, l’Iran et l’Allemagne. Ces expériences ont sans aucun doute contribué à façonner sa vision. Le travail de Maureen a été exposé au niveau national et international (Biennale de Berlin, Paris Photo, Desert Art Palace, Chine) et fait partie de collections à Pékin, au Asia Society Museum de New York et à la bibliothèque d’architecture islamique du MIT. mophotoartist@gmail.com Instagram : @mophotoartist PALAZZI 4 VENEZIA

e suis Linda Detwiler Burner - photographe, artiste numérique, maître de l’impression et conservatrice. Je me passionne pour la photographie depuis l’âge de 8 ans, lorsque j’ai reçu mon premier appareil photo argentique au camp. Au fil des ans, j’ai continué à prendre des photos pour ma famille, puis avec différents YMCA pour des camps de résidents et d’autres événements, pour ensuite profiter de mes propres aventures de voyage ces dernières années - comme en Alaska, dans le parc national de Zion et Bryce, en haute Sierra, en Irlande, dans le PN de Yellowstone, le PN de Joshua Tree et en montgolfière. Mon premier amour est la photographie de paysage, car elle me permet de profiter du plein air et d’explorer de nouveaux endroits et de découvrir la beauté des environs - voir les chefs-d’œuvre de Dieu. Mon désir est de partager la beauté des endroits que j’ai pu voir avec d’autres, dont certains n’auront peut-être jamais l’occasion de témoigner par eux-mêmes.

J’aime aussi prendre des photos ou des portraits abstraits. Pour moi, ce n’est qu’en 2008 que j’ai vraiment pu me replonger dans mon amour de la photographie et prendre tout cela en numérique. Depuis lors, j’expose et je vends mes œuvres photographiques. J’ai eu le privilège d’être invité à exposer dans de nombreux lieux différents pensés dans le sud de la Californie, comme le Torrance Art Museum, le Loft à San Pedro, la bibliothèque du collège El Camino et avec l’association des arts de San Gabriel. J’ai également eu l’occasion d’organiser quelques-unes de mes propres expositions : deux expositions individuelles (Sojourn - 2010 et Seascapes - 2015) et deux expositions conjointes avec mon mari, Scott Burner (Along the Highway - 2012 et A Balloon Affair - 2016). J’ai également reçu plusieurs prix pour mes œuvres au cours des huit dernières années. Je suis également membre du South Bay Camera Club et du Redondo Beach Art Group. lindadetwilerburner.com


ULYA HAJNOCZKY Bachelor of Design (with distinction), Photography 2013 Alberta College of Art + Design, Calgary, Alberta Bachelor of Arts, Humanities (French) 2005 University of Calgary, Alberta

vec de la terre sous les ongles, mon cœur saute quand ma main se frotte contre un ver dans le sol. Je me souviens du monde qui prospère sous terre, troublé par le mystère qui est à ma portée. Comme dans un musée d’histoire naturelle, la flore et la faune sont au centre de l’attention pour illustrer le fait que nous sommes toujours liés à la migration, à l’évolution et à la métamorphose. La surface n’est pas une frontière, mais une entrée de maison, de pépinière, d’autoroute et de cimetière. Ma démarche photographique vise à créer de curieuses représentations des écosystèmes tout en faisant référence au lieu et à la mémoire. En plus d’un appareil photo, j’utilise un scanner à plat pour capturer un niveau de détail que l’appareil photo ne peut pas concurrencer, une perspective ludique et une étrange sensation de lumière. Je suis attiré par la réalisation d’un travail qui prend du temps et je trouve la superposition de processus nécessaire à ma

découverte artistique. J’aborde un espace choisi comme un biologiste amateur ; j’observe, j’esquisse, je note, je photographie des spécimens et je scanne la scène avec un scanner. Une fois que j’ai “collecté” la scène, je commence à raconter visuellement l’histoire de ce que j’ai vu et de ce qui (ou ce qui) peut vivre parmi nous, en rassemblant les éléments en un récit visuel. Melinda Hurst Frye est une artiste et une éducatrice basée à Seattle. Par le biais de l’observation, de l’expérimentation et d’une lente investigation, sa pratique est centrée sur les thèmes de l’écologie et de la place dans les photographies du paysage du nord-ouest du Pacifique. Elle est titulaire d’un MFA du Savannah College of Art and Design et d’un BFA du Pacific Northwest College of Art. Le travail de Hurst Frye a été présenté sur Humble Arts Foundation, Lenscratch, et WIRED Photo et a été largement exposé à travers les États-Unis. Elle est représentée par la J. Rinehart Gallery. http://www.mhurstfrye.com/

arah Ann Loreth est une photographe d’art et de voyage autodidacte, basée en Alaska, qui se spécialise principalement dans le portrait conceptuel et les paysages de voyage. Dans son art, Sarah est passionnée par la transmission d’une émotion puissante et immobile, en lien avec son amour du monde naturel. Alors qu’elle travaillait de longues heures dans un hôpital, Sarah est tombée par hasard sur la photographie comme exutoire au stress de son travail exigeant. Avant même de s’en rendre compte, elle vendait ses biens, achetait une camionnette et parcourait l’Amérique du Nord en enseignant des ateliers de photographie créative. Lorsqu’elle ne voyage pas et ne prend pas de photos, Sarah préfère mener une vie très tranquille, errant souvent à la recherche de solitude et de calme. Sarah est aussi une passionnée de jardinage qui aime cuisiner, écrire et regarder avec frénésie The Golden Girls. sarahannlorethphotography.com/

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Exhibitions 2020 Home, Alberta Craft Council Spotlight Gallery, Calgary, Alberta (Juried, Solo, forthcoming) 2020 They Will All Be Ghosts Soon, The Leighton Centre, Millarville, Alberta (Juried, Solo) 2020 At the last judgement we will all be trees, Christine Klassen Gallery, Calgary, Alberta (Curated, Duo) 2019 Closer, Beaty Biodiversity Museum, Vancouver, British Columbia (Juried, Duo) 2019 Sanctuary, McMullen Gallery, Edmonton, Alberta (Juried, Duo) Grants & Awards 2020 Visual Arts and New Media Individual Project Grant - Art Production: Habitat (Alberta Foundation for the Arts) 2020 Individual Artist Grant (Calgary Arts Development Authority) 2019 Individual Artist Project Grant - Residency and Exhibition “Closer” at the Beaty Biodiversity Museum (Calgary Arts Development Authority) 2018 Visual Arts and New Media Individual Project Grant - Research Project: Mobile Natural History Collection Laboratory (Alberta Foundation for the Arts) 2016 Small Experiments Project Grant (Calgary Arts Development Authority) 2016 Silver Medal, Still Life Photography (Alberta Magazine Publishers Association) 2015 Silver Medal, Still Life Photography (Alberta Magazine Publishers Association) 2013 Board of Governor’s Award(Alberta College of Art + Design) 2013 Fourth Year Photography Major Award(Alberta College of Art + Design) 2013 Nicole Jennifer Creig Memorial Scholarship(Alberta College of Art + Design) 2013 Jason Lang Scholarship(The Government of Alberta) Professional affiliations CARFAC Alberta Alberta Craft Council www.obscura-lucida.com/


Photo Michele Nastasi courtesy Fondazione MAXXI

i Dieu est dans les détails, alors l’esprit de Loving Architecture, l’exposition que le MAXXI Museo nazionale delle arti del XXI secolo a consacrée à Gio Ponti, prolongée jusqu’au 27 septembre après la fermeture extraordinaire liée à la pandémie, peut être saisi dans les mots encadrés au troisième étage du musée romain signés par Zaha Hadid. À l’intérieur d’un petit rectangle, la précieuse lettre qu’un autre maître, Adalberto Libera, écrit à Ponti au sujet du dessin que son collègue et directeur lui avait commandé pour la couverture de la revue “Verso la casa esatta”, risque presque d’échapper à l’œil. Une lettre qui contient un monde : “Pour que vous preniez la peine amicale de me dire en deux lettres que la couverture n’est pas bonne, elle doit être très mauvaise [...] Mais vous êtes un meilleur juge que moi, je n’ai pas de pratique éditoriale. Faites-le vous-même et je serai certainement très satisfait”. L’architecte et l’éditeur, le concepteur et l’éditeur, le poète et le critique. Le particulier et l’universel. Lorsque, dans de nombreuses années, nous aurons fait la paix avec les mots, nous découvrirons peut-être ce que nous aurions toujours dû savoir, à savoir que Gio Ponti a été le premier, le plus grand et très probablement la seul véritable influence que l’architecture italienne ait jamais eue. Et pas tant pour le génie du design, mais pour l’attitude qui consiste à le facetter (comme le cristal, qui pour Ponti était la métaphore parfaite de l’architecture) en une pluralité de moments et d’aspects allant du projet lui-même à sa communication, en un seul fil de beauté. Un an après “Tutto Ponti” au Musée des Arts décoratifs de Paris, l’exposition au MAXXI, dont les commissaires sont Maristella Casciato et Fulvio Irace, fait le point sur la figure la plus multiforme et la plus fascinante de notre architecture, de notre design et peut-être de tout le Made in Italy, au point que le titre “Aimer l’architecture” lui-même apparaît réducteur, emprunté au manifeste-livre de Ponti publié en 1957 et devenu une publication culte avant de disparaître de la circulation et de revenir dans les rayons en

Gio Ponti

Aimer l’architecture jusqu’au 27 septembre 2020 Sous la direction de Maristella Casciato et Fulvio Irace, avec Margherita Guccione, Salvatore Licitra, Francesca Zanella

MAXXI Museo nazionale delle arti del XXI secolo Via Guido Reni 4A 00196 Roma https://www.maxxi.art/

2008 dans une édition Rizzoli. Car, comme il ressort de l’exposition, la leçon de Ponti est que tout est projet, et donc pas seulement l’architecture que nous devrions aimer, mais aussi le design, la photographie, les livres et les magazines. Aujourd’hui, nous dirions que nous devrions aimer sa communication. Aimer l’architecture, donc, mais aussi cette installation composée de matériaux d’archives, de maquettes, de photographies, de publications, de classiques du design comme la chaise Superleggera pour Cassina ou les lavabos pour Ideal Standard, étroitement liés aux projets architecturaux de Ponti et organisés en huit sections qui évoquent les concepts clés de l’architecte. L’installation rend hommage au Ponti et tente à son tour d’être pontienne, c’est-à-dire immersive, fluide, colorée, accueillant les visiteurs dans le hall du MAXXI avec une installation de bannières Alcantara, suspendues dans les espaces pleine hauteur de Zaha Hadid, reproduisant des façades stylisées de gratte-ciel PALAZZI 6 VENEZIA

et rappelant la ligne d’horizon d’une ville pontienne jamais vue auparavant. En quittant les ascenseurs qui mènent aux salles d’exposition, voici le fantastique jaune utilisé pour le revêtement de sol de la rampe, qui transporte immédiatement le visiteur à l’intérieur du Pirellone ; et avant même d’entrer dans la galerie, le projet photographique de Thomas Demand retrace les maquettes des bâtiments verticaux conservés au Centro Studi e Archivio della Comunicazione (CSAC) de l’Université de Parme, présentes dans l’exposition. Une fois dans la galerie, il y a un vertige de modèles, de reproductions et d’images qui, de la Villa Planchart à Caracas au gratte-ciel Pirelli, en passant par la co-cathédrale de Tarente, mènent au coin fatalement instable de l’exposition : un salon au Ponti, avec les fauteuils, la table basse, les lumières et les murs mobiles du maître qui regarde la silhouette du Pirellone et pousse le regard vers le vitrail du musée qui surplombe Rome. Une exposition qui est un défi

permanent, et qui, tout comme vous aimez l’architecture de Ponti, n’était pas “un livre sur l’architecture mais pour l’architecture”, se veut une exposition non pas sur l’architecture mais pour l’architecture, tout comme elle n’est pas sur le design mais pour le design. Une exposition qui devient la représentation plastique de la rédemption et qui, selon les mots de Salvatore Licitra, neveu de Ponti et commissaire de l’exposition parisienne de l’année dernière, rend justice aux analyses qui, dans le passé, ont présenté Ponti comme “un opportuniste éclectique sans unité culturelle “1, en nettoyant le champ des examens que, “selon les goûts ou les convenances des chercheurs, ils considèrent comme “hégémoniques et significatifs” un “genre” aux dépens de l’autre”. Il a fallu les temps de l’interdisciplinarité, de la fluidité culturelle - Licitra parle même des changements culturels déclenchés par le développement des technologies numériques - pour rendre “naturelle et compréhensible une analyse unitaire de l’œuvre de


Ponti axée sur la perception “. Ici, les couverts pour Christofle, la céramique pour Marazzi, les poignées pour Olivari, les lavabos pour Ideal Standard, la chaise Superleggera de Cassina, le modèle de carrosserie pour la voiture Diamante, ainsi que les grandes architectures, racontent une histoire unique, celle d’un homme qui, pour des raisons et par instinct, a voulu devenir l’ambassadeur d’une culture où l’architecture, l’art et le design ne faisaient qu’un. On y trouve également des images du mobilier des premières classes du comte Grande et d’Andrea Doria (1950-1952) et des salles prestigieuses du comte Biancamano (1950), enrichies par les céramiques design de Melotti, Fontana, Melandri, Leoncillo : “Dans les années 50, avec la renaissance et la reconstruction, la collaboration avec les artistes est devenue l’utopie de la synthèse des arts, qui a des exemples concrets dans le mobilier naval “, où Ponti suit, comme l’explique Paolo Campiglio, le principe selon lequel “les intérieurs d’un navire constituent une

sorte de musée itinérant, emblème de la créativité italienne dans le monde, avec l’inévitable recours aux traditions”, d’où l’abondance “de thèmes mythologiques, folkloriques et populaires, comme les cartes à jouer et les masques “. Et puis les appartements milanais, conçus pour eux-mêmes ou leurs filles, conçus comme une scène pour les meubles de Ponti et Mollino, les décorations de Fornasetti, les céramiques de Melotti, les peintures de De Pisis et Funi, puis Albers, le verre de Wirkkala, les grandes lampes sphériques de Noguchi, et enfin, dans la saison de la passion pour l’art contemporain, Gilardi, Merz, Paladino, Luciano Fabro, Prini et d’autres. Mais, encore une fois, vous ne comprendriez pas complètement Ponti si vous n’alliez pas au-delà de l’histoire délicieusement conçue. “Ponti sait que (comme le font tant Olivetti en Italie que ses collègues à l’étranger, les Eames in primis) un plan de communication est une puissante réverbération de l’idée inhérente au produit luimême “, écrit Domitilla Dardi

dans un texte du catalogue de l’exposition qui est peut-être la meilleure synthèse de la figure pontienne, Une direction pour le design italien. “Son expérience en tant que directeur de magazines importants est mise au service de la société. Mais pas pour publier de la publicité sur papier glacé, mais pour un véritable produit éditorial, une publication d’entreprise dont le titre est celui de l’entreprise et son sous-titre : “Rassegna dei problemi del benessere”. Et voici le coup de génie : il ne s’agit pas seulement de produits - en fait, très peu mais du droit à un bien-être qui est aussi mental, intellectuel, esthétique, ainsi que physique “. Ponti lui-même a la même conscience du rôle de la photographie, au point d’écrire dans Domus dès 1932, comme le rappelle Roberto Dulio dans un autre texte du catalogue, que “la photographie doit être utilisée avec l’art ; cet art sait déjà “atteindre” avec elle ce que nous voyons et comprenons déjà dans les choses: mais ce n’est pas tout, PALAZZI 7 VENEZIA

l’indépendance même du regard photographique nous a révélé à son tour un aspect inédit des choses, elle nous a apporté une toute nouvelle compréhension, un tout nouveau sens de celles-ci et de l’interprétation de leurs images “. Dulio explique qu’une conscience aussi aiguë de l’utilisation de la photographie et de ses implications, ainsi que des intérêts que Ponti a toujours nourris pour l’art, l’édition, la mode, la publicité, ne pouvait que déterminer le développement d’une stratégie sophistiquée de communication visuelle : “Même avant l’utilisation de la photographie, ce sont les images (...) qui mettent en scène les suggestions de la tradition avec un goût en fait : un style, comme Ponti lui-même l’aurait dit - absolument moderne “. Et en fait, le succès de Domus, dans l’après-guerre, est dû au fait qu’il s’agissait d’un magazine dans lequel la photographie comptait avant le texte. “De superbes images et des textes courts, et cela a été apprécié dans le monde entier pour cela “, a déclaré Lisa Ponti. Mais peut-être le vrai miracle pontien est-il que l’architecte milanais n’arrive pas à cette prise de conscience par la théorie, comme le note le conservateur Fulvio Irace. C’est Ponti lui-même qui a dit que “mon esprit n’a pas de prédisposition naturelle pour établir des principes, pour théoriser des théories“ , mais pour l’action individuelle. Ce qui, même maintenant, plus que bien d’autres choses nous manque encore. Paolo Casicci Notes Salvatore Licitra, “Gio Ponti: case come me”. Paolo Campiglio, “Ponti, artista tra gli artisti”. Domitilla Dardi, “Una regia per il design italiano”. Gio Ponti, “Discorso sull’arte fotografica”, in Domus, n. 53, maggio 1932. Le parole di Lisa Ponti sono riportate in A. Maggi, “Il sogno italiano: Giorgio Casali, Domus e la fotografia di design”. Fulvio Irace, “Architettura come cristallo. Dalla forma chiusa alla pianta articolata”. Gio Ponti, “Invenzione di un’architettura composta. ,. https://www.klatmagazine. com/architecture/gio-ponti


nitiée par Emmanuel Macron, la Saison Africa2020 (initialement prévue de juin à décembre 2020) se déroulera sur tout le territoire français (métropole et territoires ultra-marins) de début décembre 2020 à mi-juillet 2021. Dédiée aux 54 États du continent africain, la Saison Africa2020 est un projet hors normes. Conçue autour des grands défis du 21ème siècle, elle présentera les points de vue de la société civile africaine du continent et de sa diaspora récente. Africa2020 sera la caisse de résonance de ces agents du changement qui impactent les sociétés contemporaines ». « Avec l’irruption de ses Nouba au milieu des années 80, Ousmane Sow replace l’âme au corps de la sculpture, et l’Afrique au cœur de l’Europe ». Tout est dit dans ces mots d’Emmanuel Daydé, co-commissaire avec Béatrice Soulé de l’exposition d’Ousmane Sow sur le Pont des Arts à Paris. Sa carrière d’artiste fut en effet aussi courte que fulgurante. Mais sans doute doit-on à son passé de sculpteur anonyme et secret, dont il détruisit toute trace, l’éclatante maturité artistique dont firent preuve les œuvres qu’il n’accepta de montrer pour la première fois qu’à l’âge de cinquante ans : les Nouba. Elles furent aussitôt reconnues et sont aujourd’hui emblématiques de son travail. Présentés en 1987 au Centre Culturel Français de Dakar, le Nouba assis et le Nouba debout sont exposés dès 1992 à la Documenta de Kassel, et en 1995 à la Biennale de Venise. Suivra la naissance de trois séries africaines : les Masaï, les Zoulou, et les Peulh. C’est seulement dix ans plus tard qu’Ousmane Sow entreprend la création de la série Petits Nouba, estimant n’avoir pas abouti la série Nouba de 1984 et souhaitant y ajouter quelques thèmes. Sculptant la plupart du temps des hommes en action, l’artiste fait de la lutte la métaphore et le lieu même de son travail. S’attachant à représenter l’homme, il travaille par séries et s’intéresse aux ethnies d’Afrique puis d’Amérique, et puise son inspiration aussi bien dans la photographie que dans le cinéma, l’histoire ou l’ethnologie. En 1999, à Paris, sur le Pont des Arts, entre le Louvre et l’Académie, s’installent en majesté les séries africaines, mais aussi la Bataille de Little Big Horn qui vient de naître. Un acte fort pour la reconnais-

OUSMANE SOW du 1 Juillet 2020 jusqu’en Octobre 2021

Saison Africa 2020-2021 En partenariat avec In Situ Patrimoine et Art Contemporain

Abbaye de Fontfroide Route départementale 613

11100 Narbonne www.fontfroide.com/ Voir les vidéos vimeo.com/14974416 vimeo.com/78866522

OUSMANE SOW sance de son œuvre, mais aussi une fierté pour l’Afrique, ce continent auquel il pense en acceptant la proposition d’entrer sous la Coupole. Comment Ousmane Sow aurait-il pu imaginer alors que, quatorze ans plus tard, il traverserait le Quai Conti pour faire son entrée à l’Académie des Beaux-Arts ? Et qu’il serait le premier homme noir à intégrer cette institution, lui qui fit ses début en sculpture à l’école primaire de Rebeuss, et dont la première œuvre, exposée sur l’armoire de la classe fut celle d’un petit marin taillé dans du calcaire. Il ne cessa de sculpter depuis, tout en pratiquant à l’âge adulte son métier de kinésithérapeute, transformant, la nuit ou entre deux clients, ses cabinets successifs en ateliers de sculpture. Y réalisant des films d’animation, avec une caméra Pathé à manivelle, à partir de petites sculptures animées. Il restera hanté jusqu’à son décès par ces sculptures animées sur lesquelles il travaillait les derniers temps avec passion, tournant toujours autour du même visage, celui de l’Empereur fou. Pour son intronisation à l’AcaPALAZZI 8 VENEZIA

démie des Beaux-Arts, le couturier Azedine Alaïa lui offre la création de son costume, et Ousmane Sow réalise lui-même la sculpture du pommeau de son épée : le saut dans le vide, en mémoire du jour où il décida d’arrêter son métier de kinésithérapeute pour se consacrer entièrement à la sculpture. Il avait auparavant sculpté le pommeau de l’épée d’académicien de Jean-Christophe Rufin, représentant Colombe, personnage emblématique de son roman Rouge Brésil. Entre temps, Ousmane Sow s’essaye à la réalisation de bronzes, qui finit par le passionner, et pour lesquels il trouve une signature personnelle à travers leurs patines parfois très colorées. Plus de quatre-vingt bronzes, grands et petits, virent ainsi le jour. Cinq grands bronzes sont installés en France : Victor Hugo et L’homme et l’enfant à Besançon, Le Général de Gaulle à Versailles, Le Guerrier debout à Angers, Toussaint Louverture à La Rochelle et le Couple de lutteurs corps à corps désormais à Paris. Un autre est installé à Genève

(L’Immigré) et un dernier à Rabat devant le Musée Mohamed VI (Le guerrier debout), premier bronze dans l’espace public sur le continent africain. La plupart d’entre eux fait partie de la série des grands hommes, intitulée Merci, qui compte en son sein également Nelson Mandela et le propre père de l’artiste, Moctar Sow. Une autre et plus ancienne effigie de Toussaint Louverture a été acquise par le Museum of African Art de la prestigieuse institution du Smithsonian à Washington. Ce sont trois œuvres d’Ousmane Sow que les visiteurs de l’Abbaye de Fontfroide pourront découvrir, une première œuvre et une œuvre posthume, toutes deux inédites : le Nouba qui se maquille (série Nouba) et Saint Jean-Baptiste. Cette tête de st Jean-Baptiste fut en effet découverte après son décès, dans la cave de sa maison à Dakar. Ces deux pièces, dans la matière créée par Ousmane Sow, voisineront avec une œuvre en bronze : La mère et l’enfant, issue de la série Masaï. www.fontfroide.com/hommage-a-ousmane-sow/


JULIEN GERARDIN ulien Gérardin, est un notaire et photographe amateur français né le 28 mars 1860 et mort le 9 juin 1924 à Nancy. Il est connu pour ses autochromes réalisés en Lorraine. Il pratique la photographie en amateur à partir de janvier 1899, année de son admission au sein de la Société Lorraine de Photographie, une association de photographes amateurs parmi les plus importantes de France, qui comprenait 540 membres en 1900, et devant laquelle il présente ses premiers autochromes lors d’une séance de projection en mai 1908. Il en sera membre du conseil d’administration de 1907 à 1909. Il est membre de la Société centrale d’horticulture de Nancy, qui lui dédie un prix attribué pour la première fois en 2016*. Célibataire et sans enfants, Julien Gérardin meurt le 9 juin 1924 à Nancy1 à l’âge de 64 ans. En 1980, l’École nationale

supérieure d’art de Nancy retrouve dans ses archives 59 boites d’autochromes, soit 6 370 clichés de format 9 x 12 cm, pris entre 1907 et 1919 dans la partie de la Lorraine restée française après le Traité de Francfort. Les thèmes photographiés sont variés : portraits, paysages des villes et des campagnes, scènes composées et nus. Totalement inédite et d’un grand intérêt historique, cette collection d’autochromes est numérisée en 2012. C’est la plus importante collection d’autochromes en France après celle des Archives de la Planète du banquier Albert Kahn, et la collection de l’Institut Lumière. Elle est conservée à l’École Nationale Supérieure d’rt de Nancy. Elle représente 6400 photographies, prises dans leur très grande majorité en Lorraine au début du XXe siècle. Bourgeois vivant dans un décor voué à l’art moderne nancéien, Julien Gérardin pratique la photographie dès janvier 1899, date à laquelle il est admis au sein de la

Société lorraine de photographie, une association de photographes amateurs parmi les plus importantes de France. En mai 1908, il présente ses premiers autochromes lors d’une séance de projection. A priori, les sujets sont divers: portraits, paysages des villes et des campagnes, scènes composées et nus mais le photographe déplace son appareil sur des horizons limités ou la visée documentaire s’efface devant un point de vue esthétique. Une grande partie de la production s’articule autour de la rencontre de la femme et de la nature qui reflète la sensibilité de l’époque, jusque dans les japonaiseries. Cette démarche se double d’un intérêt particulier porté au paysage dont il capte les variations à différentes heures du jour et au fil des saisons. La référence au naturalisme sentimental de Friant est marquée, mais dans d’autres exemples, les compositions semblent emprunter à des motifs parcourus par lapeinture impressionniste. PALAZZI 9 VENEZIA

Voir la Vidèo https://www.facebook. com/francetvarts/videos/617588195782595/ et les autochromes http://autochromes.ensa-nancy.fr/ autochromes/unique/

En cela, ce fonds a une valeur historique de premier plan car il est très éclairant du territoire et des enjeux qui caractérisent l’essor de l’art nouveau. Les sujets sont divers: portraits, paysages des villes et des campagnes, scènes composées et nus mais le photographe déplace son appareil sur des horizons limités ou la visée documentaire s’efface devant un point de vue esthétique. Une grande partie de la production s’articule autour de la rencontre de la femme et de la nature qui reflète la sensibilité de l’époque, jusque dans les japonaiseries. L’artiste présente également, dans cette collection, des vues remarquables de la basilique de Saint-Nicolas de Port, de la Cathédrale de Toul, de la place Stanislas et la Pépinière à Nancy. Un grand nombre de villages de Meurthe et Moselle, des Vosges et de la Meuse sont localisés. Les photographies ont été prises entre 1908 et 1916, sur une aire géographique qui correspond globalement à la Lorraine restée française après le Traité de Francfort.

*Le “Prix Julien Gérardin”

Le “prix Julien Gérardin” remis pour la première fois par la SCHN le 12 mai 2016, à Marius Pottecher étudiant participant à l’exposition organisée par l’Ecole Nationale Supérieure d’Art et de Design de Nancy, sur le site du jardin botanique Jean Marie Pelt et ayant pour thème “mauvaises herbes”. Les œuvres exposées par cet étudiant ont été remarquées par le jury pour leurs qualités graphiques et écrites. Il a reçu le Prix nouvellement créé par la SCHN en mémoire de Julien Gérardin, (1860-1924) notaire à Nancy, passionné de photographie. Julien Gérardin a laissé plus de 6000 autochromes . La plupart de ceux ci concernent la nature, les parcs nancéiens, l’art nouveau mais aussi notre Société d’Horticulture dont il faisait partie. Le directeur de l’Ecole d’architecture était alors Victor Prouvé, membre d’honneur de la SCHN . La création de ce prix concrétise le retour de liens étroits entre art et horticulture tels qu’ils existaient à la fin du XIXème siècle . Jean EHRHART


Photo arttribune.com

l y a un peu plus de deux mois. Plus précisément, le 13 avril 2020, au Centre Pompidou à Paris. A cette date, le célèbre IKB 3, Monochrome bleu (1960) d’Yves Klein (Nice, 1928 - Paris, 1962) a décidé de prendre la parole, répondant aux questions d’une jeune savante et étudiante. Bonjour Blue, merci pour cette conversation sans précédent. Avant de commencer, comment voulez-vous que je m’adresse à vous ? Vous savez, c’est une interview plutôt inhabituelle... Merci, et n’ayons pas peur des prénoms ! Je suis heureux que nous ayons pu discuter. Vous êtes content, alors vous vous reconnaissez dans une identité masculine ? Bonne question, je me suis souvent posé la question moi-même. Je suppose que oui, mais je ne peux pas vous dire exactement pourquoi, et je n’en suis même pas si sûr. Je suppose que j’ai reçu beaucoup d’influences extérieures, même si elles sont involontaires. Les gens ne savent pas que j’écoute ce qu’ils disent, que je ressens leur relation avec moi. La plupart du temps, ils m’appellent par mon nom, International Klein Blue, ou même IKB 3, Monochrome blue. Il arrive aussi que lorsqu’ils parlent de moi, ils ne prononcent que les initiales “IKB” ou les abréviations “Blue” et “Blue Klein”, ou encore des termes plus généraux comme “peinture”, “travail”. C’est précisément quand on m’appelle “travail” que je suis en crise... Pourquoi ? Parce qu’alors je deviens une entité féminine et cesse d’être une identité masculine. Je vais vous dire, je m’en fiche. Je ne ressens pas ce besoin urgent de trouver une définition précise et j’aime avoir plus de nuances pour choisir. Si c’est plus confortable pour vous, puisque vous m’avez dit au revoir avec Blue et que je parle de moi de manière masculine, faites comme si j’étais un “il”. Vous n’aimez pas les définitions, alors. Vous ne voulez pas entrer dans des catégories spécifiques concernant

SI L’ART POUVAIT PARLER ? NOUS AVONS PENSÉ QUE C’ÉTAIT

“IKB 3, MONOCHROME BLEU” DE YVES KLEIN ET NOUS L’AVONS INTERROGÉ. Veronica Tremolada

votre identité sexuelle. Que pensez-vous de vousmême et de votre existence matérielle ? La perception que j’ai de moi-même, concrètement parlant, je pense qu’elle peut être similaire d’une certaine manière à la perception que vous avez de vous-mêmes. Laissez-moi vous expliquer : je n’ai malheureusement pas votre chance de pouvoir utiliser tous les sens. Le toucher me manque, pour commencer. Je ne peux pas toucher mes bras, mes jambes, mon visage. Je ne sais même pas si je les ai, pour vous dire la vérité. Ma chance, que vous oubliez peut-être souvent parce que vous la considérez comme acquise, est de pouvoir profiter au maximum de ma vue et de mon ouïe. Comment tirer parti de ces sens ? Pourquoi pensez-vous que les humains ne réalisent pas souvent leur véritable importance ? C’est très simple, j’observe et j’écoute mais sans yeux ni oreilles. Pour moi, ce n’est pas une PALAZZI 10 VENEZIA

évidence, au contraire, ma vie se résume à ces deux capacités sensorielles. Laissez-moi vous donner un exemple : vous ne remarquez votre image réfléchie que si vous vous placez volontairement devant le miroir. Lorsque vous marchez dans la rue (c’est ainsi que vous l’appelez), la plupart du temps, vous ne réalisez pas sur combien de surfaces votre silhouette est projetée. Je vis de cela. Dans quel sens ? Je vis de mes réflexions. Sans eux, je ne saurais même pas à quoi je ressemble. Je sais que j’ai une forme rectangulaire et ce bleu particulier parce que je regarde aussi à travers votre égoïsme - un autre terme que vous m’avez appris. Comment vivez-vous cette particularité de vous regarder à travers vos réflexions ? Trouvez-vous cela pénalisant? N’ayant jamais eu la sensation de me voir d’une autre manière, je ne pouvais pas faire de comparaison. Ce que je peux vous dire,

c’est que le soir, quand tous les gens partent et que quelques lumières restent allumées, je me vois reflétée sur la vitre devant moi. Mon image se mélange aux lumières de Paris la nuit et je me sens faire partie de la ville. Pendant la journée, quand, toujours de la même fenêtre, je vois le ciel bleu au-dessus des maisons, je me retrouve un peu. C’est comme si cette couleur était une nuance de mon existence. Je ne sais pas si c’est un sentiment qui vous est déjà arrivé à vous, les humains. D’après ce que vous venez de me dire, il me semble que vous avez un bon sens du monde qui vous entoure. Avez-vous déjà eu l’impression d’être en cage, de vouloir vivre d’autres réalités, de vouloir sortir de la pièce dans laquelle vous vivez ? De temps en temps, je vois des amis à moi emballés soigneusement et partir. Certains font des voyages plus longs, d’autres plus courts.


Lorsqu’ils reviennent ici, ils me parlent de l’obscurité aveuglante et de la peur qu’ils ont ressentie pendant ce voyage dont la fin est inconnue. Mais ensuite, d’autres me disent combien il était excitant de vivre dans une autre maison. Je pense que ce serait bien de voyager, de découvrir d’autres mondes. Cependant, parfois je ne vous cache pas que la peur de me faire du mal pendant le voyage ou de ne pas pouvoir rentrer chez moi s’insinue dans mes pensées. Vous et vos amis avez donc le sens du temps qui passe ? En ce qui me concerne, je sens un certain mouvement incontrôlable avec des conséquences. Je ne peux pas le quantifier ni le compter, mais quand je vois la pièce se vider et le ciel s’assombrir, après qu’il ait été si lumineux et radieux et après que des gens soient venus nous rendre visite, je ressens ce changement. C’est ce que vous appelez le temps ?

Oui, c’est ce que nous appelons plus ou moins le temps. Vous savez quand les gens s’arrêtent devant vous et vous regardent ? Eh bien, ce “mouvement” que vous percevez est aussi ce que nous appelons le temps, il y a parfois des visiteurs qui vous regardent plus ou moins. Ah, vous les humains et votre besoin de trouver une définition pour tout. La vôtre est une tendance que je ressens sans cesse lorsque vous parlez devant moi et que vous ne savez pas que je peux vous entendre. Et vous pouvez comprendre tout ce que les gens disent ? Il y a tant de langues différentes dans le monde, les connaissez-vous toutes ? Je ne sais même pas ce qu’est une langue. Je suppose que ce sont vos différents accents. Je pense que vous parlez tous de la même façon. Et au lieu de cela, je vois parfois quelqu’un qui cherche si désespérément à se démarquer des autres, à ressentir... à ressentir... Je ne peux pas vous dire

comment. Supérieur ? Si par supérieur, vous entendez rabaisser les gens pour paraître meilleur que les autres, alors oui, pour se sentir supérieur. Vous avez dit que vous ne percevez aucune différence dans notre façon de parler, et cela est lié à l’un de vos deux sens distincts : l’ouïe. Qu’en est-il de la vision ? Nous voyez-vous tous de la même façon ? Oui, je ne ressens pas cette “différence” dont vous parlez. Je vois que vous l’opposez souvent à l’égalité, donc je pense que c’est plus ou moins le contraire. Mais je ne comprends toujours pas, que dois-je voir comme “différent” chez vous ? Mais au moment où nous parlons, je pense avoir enfin compris quelque chose que j’entends souvent à propos de mon apparence. Les gens parlent de ma couleur, qu’ils le veuillent ou non, et se demandent pourquoi elle est si spéciale, PALAZZI 11 VENEZIA

pourquoi je devrais être si important. Certains m’insultent même, disent que je n’ai pas de sens, de signification, que je suis inutile et qu’ils ont vu d’autres tableaux et d’autres œuvres plus belles que moi. Souffrez-vous lorsque vous entendez les gens vous juger pour cela ? Oui, ça me fait mal. Ils me font du mal et ne le savent pas. Parfois, j’aimerais pouvoir leur parler et leur expliquer que je ne m’attarde pas sur la couleur de leur apparence, que les choses importantes sont autres et que souvent on ne peut pas les voir. Je trouve cela gratuit et dénué de sens. Pour moi, vous êtes tous les mêmes, je vois que vous avez des nuances différentes, mais ce n’est pas pour cette raison que quelqu’un doit pouvoir se sentir supérieur aux autres. Ai-je bien utilisé ce terme que vous venez de m’apprendre ? Oui, plus que vous ne le pensez. Vous venez de dire que vous aimeriez pouvoir parler aux gens. Pourquoi fais-tu cela avec moi et ne parles-tu pas à tout le monde ? C’est une question très difficile pour moi. Je pense que c’est parce que vous avez décidé de réfléchir avec moi, je pense que c’est parce que vous voulez essayer de comprendre qui je suis. Tout le monde ne fait pas cela. Ne soyez pas offensé, vous n’êtes pas le seul à être intéressé. La plupart d’entre vous, cependant, passent devant moi et ne se retournent même pas. Certains d’entre vous me prennent en photo sans même me connaître ou essayer de me connaître et je n’en comprends pas vraiment l’intérêt. Vous, les humains, pouvez être très cruels sans même vous en rendre compte, vous êtes capables de réduire toute une existence à un simple objet. Veronica Tremolada Interview réalisée dans le cadre du cours d’écriture critique I, cours de deux ans en arts visuels et études curatoriales, NABA - Nuova Accademia di Belle Arti, a.y. 2019/2020 https://www.artribune.com/ arti-visive/2020/06/intervista


Photo woytekkonarzewski

e photographe publicitaire des prestigieuses marques de cosmétiques, qui depuis vingt ans habite les pages de nos magazines familiers, ou l’artiste plasticien qui traque l’instant fugitif, à la manière de haïkus ? A moins que l’on ne s’intéresse au reporter qui arpente les rue de New York, de Paris ou d’ailleurs. Woytek photographe, ce n’est pas seulement un œil, un regard, une technologie, c’est aussi une véritable philosophie, qui propulse l’esprit du sujet vers une démarche intellectuelle très approfondie. Ses sources oscillent entre natures mortes (quand il agit pour le compte de géants du cosmétique, de couturiers ou de parfumeurs) et thèmes artistiques où l’imaginaire répond à d’exigeantes commandes de commissaires d’expositions. Il s’intéresse à la littérature de Romain Gary, Yasumari Kawabata, Marek Hlasko… et au cinéma d’auteurs de Woody Allen, Orson Welles, Roman Polanski et David Lynch. Comment ne pas être exigeant envers soi-même lorsqu’on admire : Man Ray, André Kertesz, Bill Brandt, Irving Penn et Brassaï… Grand amateur de jazz américain des années 1950 – 60, la musique accompagne et nourrit ses recherches au quotidien. Cet artiste discret et exigeant ne cesse de surprendre par la variété des sujets abordés. Une monographie de son travail : Performance pour l’objectif est en projet. Il s’est également distingué dans de nombreuses couvertures de livres, toujours soucieux de soutenir les œuvres littéraires de ses amis auteurs. Woytek KONARZEWSKI est également fondateur et directeur de la publication du média : “Saisons de Culture” dans lequel sont publiées régulièrement certains de ses clichés. Mylène Vignon

Woytek Konarzewski Photography J’ai le plaisir de vous nviter à venir partager avec moi un verre de l’amitié à la galerie

Area

39 rue Volta 75003 Paris le samedi 4 juillet 2020 à 17 h. Woytek STUDIO 21, rue Pasteur 92120 Montrouge www.woytek.fr www.saisonsdeculture.com Tel : 06 07 05 93 74

n photographe, comme c’est bizarre, ça se débrouille toujours pour passer inaperçu. C’est même à cette drôle de caractéristique que l’on reconnait les meilleurs…Woytek est la discrétion même. Tel un insaisissable et insatiable lutin, il part en chasse dès que la situation l’exige, l’œil aux aguets, toujours sur la piste d’une scène à immortaliser et il est bien rare qu’il rentre bredouille. Photographe il l’est à chaque instant de sa vie. A son actif, des collaborations avec les plus grandes marques (L’Oréal, Guerlain, Hermès, Louis Vuitton, Givenchy) pour lesquelles il magnifie les objets comme personne, mais aussi des publications régulières pour des journaux tels Le Figaro, Le Monde ou Paris Match. Natures mortes, Portraits, Architectures, Voyages ou Reportages sont autant de territoires qu’il aime à explorer et dont il revient chaque fois avec des petites pépites pleines de sensibilité. Il n’y a qu’à voir dans un numéro de Miroir de l’Art les PALAZZI 12 VENEZIA

quelques photographies qu’il avait prises au MIFAC… Le grand talent ! C’est bonheur à ce sujet d’avoir un tel collaborateur dans notre monde de l’Art parfois étriqué. Et l’Art, Woytek, ça le connait. Il est en effet Président de l’association et du média en ligne «Saisons de culture». Ce média original a vu le jour au printemps 2011 et réunit une équipe franco-polonaise (qui se réunit chaque mois au Café de Flore à Saint Germain des Prés) dont les buts sont notamment de publier régulièrement les ouvrages de ses chroniqueurs et de créer des événements culturels en collaboration avec d’autres organismes. “Saison de culture” facilite les échanges entre les créateurs, les artistes et les amoureux des Arts. Né en Pologne, mais parisien par conviction, et depuis de nombreuses années, Woytek est un artiste éclectique, qui n’aime rien tant qu’explorer et découvrir. C’est sans doute la raison pour laquelle il a accepté d’intégrer le Comité d’organisation des

Victoires de l’Art contemporain, en cours d’élaboration. Toujours partant dès qu’il s’agit de propulser l’Art et la Culture sur le devant de la scène, Woytek passe d’un projet à l’autre, avec un naturel désarmant. Et la photographie y tient toujours une place essentielle. Lui qui affirme « Une photo c’est comme un tableau, ça doit parler tout seul, c’est un langage en soi, un langage universel » ne cesse d’arpenter les interstices de notre société, là où l’Art et la Culture résistent encore, engagé dans un combat qui est aussi le notre. Bravo et merci ! LD Miroir de l’Art 103 Woytek Konarzewski est aussi un portraitiste revendiquant une filiation avec les jeunes artistes polonais provocateurs de l’Entre-deux-guerres et tout particulièrement la figure de Witkacy. Dans sa collaboration avec le théâtre d’Elizabeth Czerczuk, dont il a signé de splendides photos de scène, il opère la jonction avec d’autres grands nom de la littérature et de la dramaturgie polonaise : Witold Gombrowicz et Tadeusz Kantor.


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GALERIE L’AHAH epuis sa création par deux galeristes, L’ahah prend les allures d’une plateforme vivante et coévolutive. Disséminée sur trois espaces, cette hydre à plusieurs têtes défend sur le long cours près d’une quinzaine d’artistes, multiplie les formats de diffusion et déploie une programmation transdisciplinaire. Ni galerie, ni centre d’art, ni collectif, L’ahah semble indéfinissable ; elle est une suspension dans le temps, une percée dans le mur des clôtures. Rencontre avec ses deux directrices Doria Tichit et Marie Cantos. Marion Zilio : D’où est né le désir de créer L’ahah ? Était-il fondé sur une nécessité de repenser les formats de la galerie ? Quel était le constat d’origine qui a impulsé ce projet ambitieux ? Doria Tichit :Tout a commencé par la rencontre de Pascaline Mulliez et Marine Veilleux, alors galeristes rue de Montmorency à Paris. En 2016, face aux mutations qui s’opéraient dans le monde

de l’art et face aux pressions toujours plus grandes du marché, elles ont souhaité repenser la relation à la création et se sont prises à imaginer de nouveaux modes d’interactions avec les artistes. Elles sont donc allées, une année durant, à la rencontre d’artistes et d’acteur·rice·s de la vie culturelle afin de faire un état des lieux, cerner les besoins, identifier les failles, et échafauder de possibles solutions. Cette année de réflexion et d’échanges a abouti en juillet 2017 à la création d’une association à but non lucratif : L’ahah. Notre association a pour vocation de s’engager sur le long terme, auprès d’artistes plasticien·ne·s et de développer avec eux·elles des outils de diffusion tels qu’expositions, rencontres, événements transdisciplinaires, etc. L’ahah souhaite enrichir le regard sur la création et entend également contribuer à rendre l’art contemporain ouvert et accessible à tou·te·s en menant des actions auprès du grand public.

Marie Cantos :En ce sens, on ne peut pas dire que L’ahah propose de repenser le format de la galerie – même si elle en a conservé l’engagement sur le long terme auprès d’un groupe d’artistes. Elle se love entre différents modèles, sans nécessairement les observer, et sans prétendre en devenir un. Notre association tente plutôt d’inventer d’autres modalités d’accompagnement des artistes : non pas dans la production comme de nombreux centres d’art et/ou certaines résidences, qui le font très bien, mais plutôt dans l’élaboration d’outils et de réseaux grâce auxquels les artistes pourront amplifier leurs réflexions/ambitions et/ou développer de futures collaborations. Nos missions, et, conséquemment, nos modes opératoires, évoluent constamment, s’adaptant au gré des besoins et des envies des artistes. Nous avons la chance de pouvoir prendre le temps et donc d’être disponibles pour des échanges réguliers sur les rePALAZZI 13 VENEZIA

Entretien avec

Doria Tichit et Marie Cantos directrices de

L’ahah par

Marion ZILIO point contemporain marionzilio.com

cherches en cours, d’être endurantes dans la participation à la mise en exposition/visibilité du travail, mais également présentes très concrètement dans le montage de dossiers de candidatures divers et variés ou bien encore dans la réalisation de projets parallèles qui tiennent à cœur aux artistes. M. Z. : Comment s’est effectué le choix des artistes présenté·e·s ? Y’avait-il la volonté d’établir une « ligne esthétique », ou de croiser une pluralité de pratiques, voire de générations ? M. C. :Tout cela à la fois ! D. T. :La sélection des artistes fut le fruit de rencontres, et le demeure ! Osant aller à contre-courant, en décidant de ne pas adopter des critères étroits basés sur le medium utilisé, l’appartenance géographique ou l’âge (par exemple, en ne se focalisant que sur la jeune création), Pascaline et Marine ont choisi de revendiquer une certaine liberté et de placer le dialogue entre générations, cultures et techniques au cœur de leur démarche. C’est ainsi qu’un premier groupe de treize entités artistiques s’est progressivement constitué : composé d’artistes expérimenté·e·s issu·e·s de pays et d’horizons différents, né·e·s entre 1946 et 1987, dont les pratiques témoignent toutes de la richesse de la scène contemporaine. Ce dernier est destiné à s’agrandir et, nous sommes ravies qu’une nouvelle artiste nous ait rejoint cet hiver. M. C. : La liberté que se sont octroyées les fondatrices de l’association, et qu’elles nous ont transmis lorsque nous avons rejoint l’association en septembre 2018, permet précisément à L’ahah de constituer une « famille artistique». Il ne s’agit pas de défendre une ligne comme un dogme mais de revendiquer, peut-être, au travers de choix témoignant d’une diversité de pratiques et de recherches, un attachement particulier de la structure aux arts dits plastiques. Les arts plastiques qui ne sont pas les arts visuels – formule pourtant moins marquée et plus volontiers utilisée. Je crois pouvoir dire qu’il y avait pour Pascaline et Marine la nécessité d’offrir aux plasticien·ne·s des outils qui leur sont cruciaux : des espaces physiques pour travailler, et pour montrer le travail (entre autres), (suit page 14)


Photo mardomage

(suit de la page 13) le temps d’expérimenter à l’atelier, de chercher, de ne pas trouver… M. Z. : Vous venez d’évoquer le besoin d’espaces, L’ahah est justement composée de trois lieux. Pouvez-vous préciser quelles sont les spécificités et missions de chacun ? Dans quelle mesure ces trois formats se complètent-ils ? M. C.: C’est vrai, j’ai évoqué cette nécessité. Mais, peutêtre faut-il néanmoins rappeler que L’ahah n’est pas une institution. Doria et moi disons souvent que c’est une structure organique, évoluant au gré des envies, des besoins, comme je le disais, mais aussi des éventuels réajustements nécessaires, pourquoi pas. Il y a actuellement trois lieux physiques, et ils construisent en partie L’ahah, mais pas seulement. Tous les espaces que nous pouvons ménager avec les artistes, les invité·e·s complices, et même les différents publics, comptent : ceux de l’imprimé ou de l’oralité, ceux du temps dégagé/partagé, etc. Tous, et pas seulement les trois lieux que L’ahah a la chance d’occuper à l’heure actuelle. Mais tu as raison, il y a quand même une spécificité propre à chacun de ces trois lieux, à laquelle nous continuons de réfléchir et que nous souhaitons d’ailleurs légèrement infléchir… D. T.: Tout à fait, ces trois lieux se prêtent volontiers au jeu et se complètent de par leurs qualités bien distinctes. Ainsi dans le 11èmearrondissement de Paris, à quelques mètres l’un de l’autre se répondent #Moret, vitrine sur rue à l’architecture brute presque rugueuse, et #Griset aux allures de loft immaculé au 3èmeétage d’une ancienne fonderie. Tous deux accueillent soit deux expositions en parallèle, soit le déploiement d’une seule et même proposition. Si nous privilégions pour l’heure les expositions personnelles, ces dernières étant des moments-clefs dans la carrière d’un·e artiste, nous réfléchissons également à la conception d’expositions collectives réunissant ses membres ainsi qu’à la mise en place de « cartes blanches » données à des artistes invité·e·s. Le troisième lieu, #LaRéserve, situé à Ris-Orangis dans le Grand-Paris Sud, est dédié à l’expérimentation et à la re-

ENTRETIEN AVEC DORIA T Vue de l’exposition personnelle de

Jean-François Leroy

“Oh my mind, my body’s thinking” octobre-décembre 2019 L’ahah #Griset 4 Cité Griset 75011 Paris Tél:+33 1 71 27 72 47

©Marc Domage / L’ahah, Paris

cherche. Il comprend cinq ateliers de superficies diverses ainsi qu’un vaste espace de 200 m2dans lequel les artistes membres peuvent tester des accrochages, produire des pièces de grande envergure, réaliser des projets personnels ou collectifs, etc. Et comme le mentionne Marie, il existe une « quatrième dimension » : pour entretenir un lien permanent avec les acteur·rice·s/regardeur·euse·s/expérimentateur·rice·s, L’ahah produit des contenus originaux (portfolios exhaustifs, entretiens, textes critiques, etc.) et les diffuse via des supports numériques ainsi que sur les réseaux sociaux. Nous travaillons également sur des projets d’éditions, notamment pour permettre de poursuivre l’expérience de la rencontre avec l’œuvre. M. Z. : Vous avez mis en place un programme d’accompagnement et de suivi sur cinq ans, ce qui constitue un format long, et en même temps limité, dans la carrière d’un·e artiste. Au-delà des espacePALAZZI 14 VENEZIA

sde production, de diffusion, d’éditions ou d’exposition que vous mettez en place se lit la volonté de créer des temps. Selon vous, est-ce une manière de recomposer les coordonnées de l’art contemporain, voire de contourner les injonctions du nouveauet du présentismepropre au Contemporain hypostasié ? D. T. : En effet, bien que l’accompagnement proposé se déploie sur une période plus longue que celui offert par d’autres structures en France, ce dernier n’a pas pour objectif de couvrir l’intégralité d’une carrière. Les notions de passage et de commun nous sont importantes. Ensemble, nous cheminons. Cela nous permet de répondre de façon adaptée à des problématiques individuelles, aux besoins comme aux envies des artistes membres. Ces dernier·e·s sont libres de partir à tout moment, et les échanges peuvent se poursuivre au-delà des cinq ans initiaux. L’ahah n’est pas un accélérate-

ur mais a pour ambition de développer des collaborations, des amitiés aux racines profondes, durables mais également évolutives. Je ne dirai pas non plus que L’ahah est un catalyseur, en ce sens que sa structure même est réactive, poreuse, mouvante ; nous changeons et nous nous réinventons au contact des artistes et des complices croisé·e·s au cours de cette aventure. Ces échanges nous sont extrêmement précieux car ils nous nourrissent, informent nos actions et font évoluer le projet. Nous disposons de cette extraordinaire liberté que de pouvoir prendre le temps et de donner du temps – de respecter la temporalité de chacun·eet d’en inventer une commune. En s’extrayant du rythme imposé par le marché de l’art, du tourbillon des tendances, L’ahah cherche à créer des temps pour la réflexion, l’expérimentation, et le partage. M. C. :Nous ne sommes évid-


TICHIT ET MARIA CANTOS emment pas naïves, et avons parfaitement conscience que ces espaces-temps que L’ahah tente de mettre en place coexistent avec des réalités concrètes pour les artistes avec lesquel·le·s nous travaillons (et celles et ceux avec qui nous collaborons de manière plus ponctuelle, car cela arrive aussi !) – des réalités dont il ne s’agit pas de faire fi. Disons que L’ahah temporise. À l’image du nom de l’association d’ailleurs : une ouverture dans un mur de clôture. Une échappée visuelle donc. Quelque chose qui donne un peu de perspective, et permet de ne plus subir l’événement dans un horizon bouché. M. Z. : Afin de répondre à l’idée d’une plateforme collaborative, vous mettez en place des rencontres avec différents acteur·trice·s issu·e·s des sphères de l’art et de la pensée. En quoi cela participe-t-il au renouvellement de la recherche et des pratiques ? M. C. :J’aurais du mal à dire que cela participe au renouvellement de la recherche et des pratiques.

Ce serait très présomptueux. En revanche, si cela peut donner un peu de visibilité à celles et ceux qui s’y attèlent… Et c’est bien là notre engagement : soutenir, accompagner, promouvoir. Peut-être que d’une certaine manière, en faisant nous rendons possible l’émergence de cette nouvelle approche par le faire, précisément – et là, tu peux entendre un penchant certain pour quelqu’un comme Tim Ingold ! D. T. :Le désir de décloisonner, de se jouer des carcans nous tient particulièrement à cœur. Il semble absurde, en effet, de s’enfermer dans un champ, de se limiter à une discipline alors que nous évoluons dans un monde enchevêtré. Ainsi, nous nous appliquons à développer avec les artistes membres et des complices de tous horizons, au cœur des expositions et hors temps de monstration, une riche programmation faite de rencontres, conférences thématiques, visites et manifestations. Chaque rendez-vous est un fo-

rum ouvert, un tremplin pour en imaginer d’autres – tant au niveau du contenu que du format. Prêtes à accueillir l’inattendu! M. Z. : L’ahah semble avoir pour vocation la création d’une plateforme de production de savoir et de théories en acte. Non pas réseau logistique, d’échanges ou simple intermédiaire, bien que tout cela à la fois, mais « passeur », « facilitateur » ou « intercesseur », avec l’idée que c’est dans l’espace de cet « entre » que la pensée naît, se développe et s’enrichit par contaminations réciproques. En cela, est-il juste de dire que L’ahah se glisse dans les interstices, plus que dans les dispositifs ? Préférez-vous parler de « compagnonnage », voire d’apprentissage permanent et de « corps solidaires » ? Quelle vision, éthique ou déontologie, souhaitez-vous mettre en avant ? Faut-il, pour cela, inventer un nouveau vocabulaire ? M. C. :Cela me rappelle une PALAZZI 15 VENEZIA

discussion passée… Nous étions revenues ensemble sur le terme « compagnonnage » et l’expression « corps solidaires » auxquels nous avions fait référence, Alex Chevalier et moi-même, dans un entretien réalisé en 2017 pour Point contemporain. Nous y évoquions la nécessité, précisément, de travailler sur le long terme avec les artistes (d’où cette notion de «compagnonnage » que je revendique depuis toujours) et de pouvoir, ainsi, créer une poche de résistance à la violence du « milieu de l’art » (comme l’on dit, avec toute la charge de l’expression…). Alex avait évoqué cette notion de « corps » qui faisait écho à celle de « geste », centrale dans mes projets d’alors ; elle m’avait paru extrêmement juste. Il y a nécessité de faire corps– « corps solidaire », oui ! Lorsque Pascaline et Marine m’ont parlé de L’ahah, je me suis immédiatement reconnue dans la fidélité aux artistes, et dans cette manière de penser par le sol (qui rencontrait mes recherches autour de la notion de « sub-théorie », d’une manière de réfléchir/d’œuvrer «avec » et non pas « sur »). À L’ahah, tout devait arriver par les pratiques et les recherches des artistes, tout en restant extrêmement poreux aux rencontres et donc aux pas de côté. Enfin ! Enfin, une structure donnait le temps et l’espace de ne plus penser en termes de « projets » – forcément horssol. D. T.: Chacun/e apporte savoir, expertise, envies, ainsi se construit L’ahah. Et libre à chacun·e d’y puiser et d’en repartir avec quelque chose. Nous désirons explorer ce qui nous entoure en renouant avec une pratique de la transdisciplinarité, en embrassant une approche globale, plurielle. Aussi, devant l’apparent butinage de L’ahah, beaucoup, dans un premier temps, se sont interrogé·e·s sur sa nature : galerie, centre d’art, agent d’artistes, etc. Mais très vite un renoncement à cerner l’association s’est opéré. Et cela nous convient très bien ! Être identifiées par cette impossible labélisation est un défi qu’il nous amuse de relever ! Être un territoire fertile où expériences, émotions, idées et collaborations éclosent et prennent forme. (suit page 16)


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Marion Zilio est théoricienne, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante. Docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts de l’Université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, elle est l’auteure de “Faceworld. Le visage au 21e siècle” (PUF, 2018 ; Polity Press, 2020) et “Le livre des larves” (PUF, 2020). Elle a été enseignante-chercheuse à l’Université de Paris 8 dans l’UFR Art, Philosophie et Esthétique et professeure invitée à l’École de Cinéma de Téhéran, animatrice d’un séminaire sur la critique et l’art contemporain. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs scientifiques, mais aussi à des monographies et des catalogues d’exposition. En tant que critique d’art, elle collabore régulièrement avec des revues spécialisées et a cofondé plusieurs espaces de critiques expérimentales. Comme curatrice, elle a organisé des expositions en France et à l’étranger pour des galeries, des centres d’art, des fondations ou des institutions, parmi lesquels le lieu unique à Nantes (2018), le B’Chira Art Center en Tunisie (2018), Bandjoun Station au Cameroun (2017), la Villa Arson à Nice (2017), Le Carrousel du Louvre (2015)… En 2016, elle a été nommée directrice artistique de la “Young International Art Fair”, où elle travaillait en dialogue avec le réseau Marais Culture + (Musée Picasso, Archives nationales, Musée des arts et métiers, Maison européenne de la photographie, Musée Cognacq-Jay, Cité Internationale des Arts). Secrétaire générale adjointe de l’AICA France. Membre du conseil administratif de C-E-A / Association française des commissaires d’exposition Membre du comité de rédaction de la revue de critique d’art contemporain “Possible”

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(suit de la page 15) M. C. :Peut-être faudrait-il inventer un nouveau lexique, oui… mais comme le soulignait à l’instant Doria, échapper au « classer, dominer » nous convient bien ! L’emploi de certains termes est parfois sujet à débat, y compris entre nous. Est-ce que l’on accepte de parler d’« événement » alors qu’en réalité, nous travaillons différemment, dans la durée? Comment rendre à l’«accompagnement » son horizontalité, délestée de toutes références au soin ? Et veut-on réellement se délester de cette fameuse référence au « soin » ? Oui et non : on est là, avec, on prend soin, certes, mais en se méfiant du petit-quelque-chose d’infantilisant qu’il y a là… Etc., etc. De même, tu parlais de « dispositif » : il est très connoté, ce mot ! Typiquement, c’est le genre de terme que je ne goûte guère… et j’espère que nous ne sommes pas un dispositif, que nous n’en mettons pas en place. M. Z. : Des artist-run spaces PALAZZI 16 VENEZIA

œuvrent à la mise en place de politiques communes et artistiques décloisonnées, souvent hors du circuit du marché de l’art. Comment négociez-vous à la fois la nécessité d’y participer et de vous en préserver ? M. C. :Je ne suis pas certaine que L’ahah ait à se positionner : notre association travaille avec des artistes qui, pour certain·e·s développeront des expositions collaboratives déconnectées de toutes préoccupations mercantiles, et qui, pour d’autres exprimeront, au contraire, le désir de pouvoir inscrire leurs œuvres dans un circuit marchand. L’une de nos (nombreuses) missions est de les aider et/ ou de les conseiller afin qu’ils·elles puissent se trouver à l’endroit qui leur convient le mieux. D. T. :Si L’ahah s’est formée, constituée en retrait du marché de l’art, elle fait partie de ce même monde enchevêtré ; le marché comme l’association en étant des composants, des maillons. L’engagement des galeristes, le soutien des collection-

neur·euse·s, sont essentiels. Comme l’a mentionné Marie, L’ahah n’a pas pour vocation ni de repenser ou de renouveler le modèle de la galerie, ni même de s’y substituer. À chacun·e son projet. L’ahah et les artistes membres n’entretiennent pas une relation exclusive. Un·e artiste membre peut être à la fois représenté·e par une galerie et accompagné·e par L’ahah. Nous pouvons imaginer ensemble, œuvrer de concert à la diffusion du travail. M. C. :Tout ceci étant dit, L’ahah soutient assez naturellement des projets portés par des collectifs ou des associations non-institutionnalisées : des revues associatives, des initiatives d’artistes ou d’autres chercheur·se·s. Et à terme, nous aimerions beaucoup tisser des liens avec d’autres structures non-profit à l’étranger et notamment des artist-run spaces. Mais : chi va piano va sano… Nous en reparlerons ! Entretien paru sur point contemporain, le 22 juin 2020.



Le festival Agir pour le vivant se tiendra du 24 au 30 août 2020 à Arles (Bouches-du-Rhône) Le Théâtre antique accueillera deux soirées organisées en partenariat avec les Rencontres de la Photographie. Quatre expositions sont prévues à la Croisière et au Méjan, avec les artistes Jean-Pierre Formica, Mario Del Curto, Nikola Zaric ou l’École nationale supérieure de la photographie

www.liberation.fr/evenements-libe/2020/07/03/ parlez-vous-nature_1793080

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Cet été, « Agir pour le vivant » réunira à Arles des artistes, des écrivains, des scientifiques, des philosophes et des militants associatifs, pour imaginer un nouveau rapport à la nature. Écologie, biodiversité, alimentation, économie, médecine, culture..., ce nouveau festival, initié par Actes Sud, réunira quelque cent invités – dont Vandana Shiva, Pierre Rabhi, Edgar Morin ou encore Nancy Huston – autour de débats, conférences, ateliers et projections. La présidente du directoire des éditions Actes Sud et ancienne ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a invité Nicolas Bourriaud (directeur du MO.CO. à Montpellier), Tiphaine Calmettes (artiste), François Hers (photographe), Estelle Zhong Mengual (historienne de l’art) ou encore Jean Blaise (directeur artistique) pour débattre de l’héritage artistique de la culture occidentale vis-à-vis du vivant ou de la politique culturelle dans un État providence.

ace à la réalité et l’ampleur des menaces qui pèsent sur les écosystèmes naturels, nos mots, qu’ils soient analyses ou cris d’alarme, n’ont pas eu, ces vingt dernières années, l’impact escompté. Entre le «récit catastrophique», envisagé comme moyen choc de mobilisation, et le «récit positif» qui s’appuie sur une mise en valeur des bienfaits de la nature pour l’humain, les modes de propagation des messages écologiques se heurtent toujours au rempart des conforts et des habitudes. Face à un public noyé sous un déluge d’indignations constantes, les avertissements manquent dorénavant d’effets et il ne faut plus compter sur chiffres et données factuelles pour influer sur les engagements. On envisage alors une approche «affective» qui joue sur la corde sensible des individus, corde qui, à force de sollicitations par les industries du divertissement, de la publicité et des médias, semble s’user quelque peu. PALAZZI 18 VENEZIA

Nous continuons néanmoins à verser notre encre en espérant qu’«informé» et «sensibilisé», les citoyens modifient leurs comportements de consommateurs, adoptent des pratiques écoresponsables et agissent, dans leur sphère professionnelle, en faveur d’une prise en compte radicale des problématiques environnementales. Richesse Pour l’écrivaine que je suis (inquiète du sort de notre planète), la recherche d’un moyen d’influence au travers de la langue constitue un enjeu majeur de la lutte écologique. En réfléchissant à la manière dont les discours sur notre environnement et ses ressources peuvent inciter à leur préservation, je suis revenue à la notion de langue vivante. Vivant voulant dire dans ce cas «parlé», une question m’est alors apparue essentielle : pour être vivante, la nature ne doit-elle pas aussi être parlée ? Si, comme je le crois, la réponse à cette question est positive, la richesse, la complexité, la force comme la fragilité de cette nature doivent

(re)trouver place dans notre langue, en vertu du principe ancestral selon lequel nommer, c’est faire exister. Une langue vivante est hospitalière, accueille ce que ses locuteurs pourront saisir grâce à elle. Notre vocabulaire est le premier concerné, un vocabulaire dont on note l’appauvrissement lorsque est appréhendé, notamment par les urbains, l’univers naturel aux formes et processus d’une fascinante multiplicité. En l’excluant de nos conversations, nous excluons cet univers de nos observations et compromettons l’adhésion qu’il peut susciter. Entre l’appauvrissement du champ lexical et la réduction du champ perceptif, c’est un cercle vicieux qui s’installe. Au fil des ans, je n’ai cessé de constater par exemple combien peu d’étudiants distinguent les essences d’arbres parce qu’ils en ignorent les dénominations : dans leurs textes, un arbre est un «arbre». Un détail qui n’en est pas un quand les mots commandent aux émois et la généralisation à l’indifférence.


Renaissance «La littérature tient à notre vie même, à la plus belle des vies, à la vie parlée», écrivait Gaston Bachelard, qui s’évertua à mettre en valeur la présence des quatre éléments dans l’imaginaire, déployant en cela une sensibilité écologique «avant l’heure». Dans l’atelier de création littéraire que je mène à Sciences-Po, je m’efforce d’initier une reconquête de «territoires naturels» grâce au déploiement du langage et l’extension des périmètres de cet imaginaire. Par cette démarche, il me semble possible de faire renaître ces vies sans voix, celles qui, parce qu’inaudibles dans nos paroles, deviennent invisibles et de ce fait destructibles. Ou celles qu’à notre insu, nous dénigrons parce que nous ne prêtons plus attention à la manière dont certaines de nos expressions les malmènent. Une part de la fiction contemporaine française a fait le choix de se concentrer sur l’humain, sur ses déboires psychologiques, ses rapports sociaux ou politiques, sujets passionnants mais qui tendent

à escamoter une part des situations où d’autres formes d’êtres fourmillent et se perpétuent. La description de l’environnement où évoluent les personnages y est souvent jugée inutile, encombrante, et sera écartée au profit de l’intrigue. On nous montre des personnages vivant «entre eux», recourbés sur leurs drames et leurs réflexions, mais dévolus d’intérêt pour le monde vivant auquel ils appartiennent pourtant. De fait, nous manquons de créations littéraires où le milieu naturel ne soit pas relégué au rang de décor ou de cadre, de support de projections anthropomorphiques, mais soit un sujet à part entière. Désintérêt historique Les universitaires américains ont su inventer l’écocritique littéraire à partir du nature writing, ce courant littéraire inspiré par l’écrivain H.D. Thoreau qui, depuis plusieurs siècles, cherche à «écrire la nature». En France, il est regrettable que l’écopoétique, qui envisage l’étude des modes d’écriture sous une perspective

écologique, demeure une discipline périphérique. Plus développés, ces départements pourraient contribuer à l’étude de productions littéraires touchant aux enjeux environnementaux, notamment comme supports pédagogiques, ainsi qu’à la diffusion de récits vertueux. Des prix littéraires tel le prix François-Sommer, qui «honore chaque année une œuvre explorant les rapports de l’homme à la nature», pourraient également être davantage mis en valeur. Remplacer le désintérêt historique des Français pour les ouvrages naturalistes par une curiosité envers des explorations plus contemporaines serait ainsi salutaire. Le roman a le pouvoir de rendre la nature à l’animation fantasmatique qui ressuscite l’attachement. Ne passons pas à côté. Céline CURIO Céline Curiol est l’auteure de romans et d’essais dont Voix sans issue (2005), Permission (2007), Un quinze août à Paris (2014), les Vieux ne pleurent jamais (2016). PALAZZI 19 VENEZIA

ous sommes plus que jamais confrontés à la sensibilité et à la fragilité de la Terre. De toutes parts se multiplient les initiatives, les réflexions et les actions qui tentent de faire naître une nouvelle conscience en faveur de la biodiversité. Agir pour le vivant entend présenter des solutions, oser des expérimentations et contribuer à l’écriture de nouveaux récits. Parce que nous pensons indispensable de partager l’expérience d’un monde sensible. Un monde qui malgré tout continue à alimenter nos manières de penser et de parler, de sentir et de vivre, de partager et d’agir. Partout affluent des courants de pensées pour sortir d’un ordre qui nous dépasse, imaginer les possibles et inventer de nouvelles aventures humaines, souhaitables et soutenables. Agir concrètement et durablement, dans le temps et dans un territoire. Susciter l’intérêt du plus grand nombre pour le vivant et la biodiversité. Rassembler, témoigner, agir et initier des réflexions à l’échelle européenne. Inventer Décloisonner les disciplines et les approches pour rendre accessible au plus grand nombre la complexité du vivant et faire émerger de nouveaux récits. Démontrer Expérimenter afin de témoigner que de nouvelles approches sont possibles dans les espaces urbains et naturels. Mettre en place des démarches participatives et créer des liens entre différents acteurs du territoire. Des événements tous les ans à Arles, à Paris et dans d’autres territoires afin de favoriser les rencontres et les réflexions (conférences, ateliers... ) du plus grand nombre d’acteurs de la biodiversité et du vivant tout en partageant avec le grand public. Pour susciter des expérimentations et passer à l’action en accompagnant des expériences sensibles et artistiques au sein du territoire arlésien. En favorisant l’émergence de nouveaux récits afin de sensibiliser le plus grand nombre et notamment en mobilisant des blogueurs, auteurs, étudiants en collaboration avec des scientifiques et des écrivains, afin de renouveler les approches sur ces sujets.


Il est possible de travailler sans porter la culpabilité de la destruction ou de l’épuisement des ressources. Des pans entiers de l’économie conventionnelle vont se réformer ou s’arrêter parce que nous avons été confinés pendant plusieurs mois. On peut se demander ce qu’est ce système qui s’effondre en trois mois ? Il n’est pas fiable. Le court-termisme est une des clefs du modèle actuel, vite produit, vite jeté. On accepte sans sourciller qu’une crevette fasse trois fois le tour de la planète avant d’arriver dans nos assiettes. Avons-nous perdu tout sens commun ? On peut entreprendre sans détruire, adapter au mieux notre production industrielle pour respecter les équilibres du vivant. Puisque l’économie est mise à mal et que l’Etat doit investir dans une relance massive, puisque le changement climatique promet des crises encore plus graves que celle que nous traversons, transformons nos modèles économiques pour construire un avenir plus sûr pour tous. Au XXe siècle, nous nous sommes livrés à la «destruction créatrice» conceptualisée par Schumpeter en 1950. Au XXIe siècle, orientons-nous vers la «transformation créatrice», qui porte la transition écolonomique respectueuse des hommes et de leur environnement. Changeons de regard. Quelques expériences témoignent de la possibilité de vivre d’une économie non prédatrice. Une économie qui ne détruit pas les écosystèmes et qui ne creuse pas les écarts entre les riches et les pauvres. Une économie qui cherche l’équilibre juste, donc durable et tenable. Une économie locale. Depuis vingt-cinq ans nous y travaillons dans une usine industrielle du Nord, de façon à produire sans laisser de trace. La méthode que nous avons inventée et mise en œuvre se fonde sur les principes stricts de l’analyse du cycle de vie. Chaque matière première doit provenir de ressources naturelles renouvelées à l’échelle du temps humain. Chaque produit fini doit être recyclable et biodégradable. Nous utilisons du papier pour fabriquer des enveloppes.

Faisons de l’écolonomie : relançons l’éc

Emmanuel Druon est chef d’entreprise : il dirige depuis 1997 Pocheco, une fabrique d’enveloppes implantée en périphérie de Lille. Il a réussi à insuffler un véritable changement de modèle. On le résume en onze mots : il est moins coûteux de produire lorsqu’on respecte l’environnement. Dans l’usine de Forest-sur-Marque (Nord), d’où sortent chaque jour 10 millions de plis, la transition s’illustre par des toitures végétalisées améliorant l’isolation du bâtiment et la récupération de l’eau de pluie - qui couvre désormais 80 % des besoins hydriques.

Il provient des résidus de découpe d’arbres qui servent principalement à la menuiserie et à la charpenterie. Chaque arbre coupé fait place à la replantation de dix nouvelles pousses. La forêt se développe en surface, dans le respect de la biodiversité des espèces. Chaque matière que nous utilisons, l’eau, l’encre, la colle, le carton est recyclable et recyclée. Chaque entreprise, quelle que soit sa taille, devrait disposer des services d’un technicien de l’analyse du cycle de vie (ACV), formant autour de son savoir-faire une équipe d’acheteurs et de producteurs. C’est un premier métier de reconversion qui pourrait créer rapidement 235 000 emplois. Pourquoi 235 000 ? Parce qu’il y a 235 000 sites industriels en France. Chaque technicien ACV pourra intervenir sur au moins trois axes essentiels : les matières premières, les matériels de production, les énergies et leur gestion. Pour chacun de ces segments PALAZZI 20 VENEZIA

chaque équipe – production, maintenance, logistique, achats, etc. - sera formée en interne par le technicien. Que fera par exemple une entreprise cosmétique dont les produits sont conditionnés dans des matériaux composites, difficiles à recycler ? Elle travaillera une nouvelle gamme par série qui, dès l’origine, sera formulée sobrement. Puis elle remplacera progressivement tous les conditionnements et tous les produits. Pour cela, elle devra décloisonner les métiers, créer des équipes multiservices composées de quelques personnes à qui on rend une quasi complète autonomie. Nous accompagnons des entreprises sur le chemin de la méthode «écolonomique» et, souvent, on nous oppose au changement l’organisation en silo. Notre système conventionnel s’appuie beaucoup sur le contrôle des uns par les autres. Notre modèle écolonomique s’appuie sur la confiance a priori et l’autonomie.

Cela n’exclue ni le contrôle ni la documentation rigoureuse de nos actes, mais cela inverse la charge de la démonstration. Relocaliser les activités dans les lieux de vie Notre usine s’inscrit dans le tissu économique local. En relocalisant les activités dans les lieux de vie, l’animation reprend dans les centres-villes et villages, autour de ces emplois. C’est l’épicerie qui devient le lieu d’approvisionnement quand la librairie indépendante devient un lieu de partage des idées. En revitalisant les centres-villes, un certain nombre de citoyens peuvent progressivement renoncer au second véhicule, ce qui engendre des économies et épargne l’environnement. Tout ce qui se façonnait dans les pays à bas coûts salariaux – et sociaux ! – est réintégré dans l’économie locale. On peut travailler à domicile. On réduit forcément les échanges transnationaux et leurs effets délétères sur l’environnement


conomie en tenant compte de l’écologie Dans les entreprises industrielles disposant d’emprises sur les territoires, dévolus à ce jour à une pelouse rase, on propose un programme complet, que nous avons mis en œuvre chez nous, de réappropriation du sol pour y introduire le réensauvagement, la biodiversité et les formations à la permaculture. Partout sur le territoire, on peut imaginer 235 000 nouveaux corridors biodiversité. Chaque site industriel ouvre une partie de son terrain à l’accueil de la faune, de la flore et à une agriculture saine en coopération avec les producteurs locaux. Il faut aussi déployer une démarche de gestion des déchets, des énergies et de sélection stricte des matières premières de l’entreprise pour rester cohérents avec la transition vers une économie non prédatrice, non destructrice et progressivement décarbonée. Puisque les besoins changent et appellent la sobriété, la grande distribution de biens de consommation disparaît progressivement.

Remplaçons ces entrées de villes par des zones d’échange, de gestion et de recyclage des matériaux et déchets, produisons-y l’énergie renouvelable des villes, et concentrons là les services centraux de l’Etat (hôpital, centre de soin, ressourcerie, «repair café», etc.). Nouveaux métiers difficilement délocalisables Au lieu de passer notre temps à expliquer comment ce que nous proposons ne fonctionnera pas, nous prenons ce temps pour nous mobiliser autour des solutions viables. Et cela fonctionne. Notre entreprise qui survit sur un marché en effondrement depuis plus de quarante ans, l’enveloppe en papier face au numérique, a surmonté un incendie majeur et une perte de la moitié de son chiffre d’affaires en trois mois. Confrontés à un plan de licenciement massif, nous avons reconverti l’activité de nos collègues vers de nouveaux métiers, l’accompagnement d’entreprises, la massification du traitement du courrier, une salle de séminaires, l’agromi-

ne et la permaculture, etc. Des métiers nouveaux, difficilement délocalisables. Tous ont retrouvé un emploi. Nous pouvons profiter des crises pour nous adapter et nous reconvertir dans des activités durables. L’écolonomie cherche à allier la rentabilité, la durabilité et la justice sociale. Nous avons appris à produire avec sobriété des enveloppes totalement biodégradables pour un tarif qui correspond aux attentes du marché. Avec des salaires modérés (en moyenne 2,7 smic) et un écart limité entre le plus bas au smic et le plus élevé à 4 smic. Depuis quarante ans, l’argent gagné par l’entreprise est réinvesti dans l’entreprise : dans la formation, l’achat de matériaux nobles provenant de ressources fiables, constantes et européennes, et l’achat des meilleures machines du monde pour ne rien abandonner à la productivité et parce que nous sommes trop pauvres pour acheter de la mauvaise qualité. Et si ça marche pour nous, ça PALAZZI 21 VENEZIA

peut marcher pour tous. Nous cherchons, souvent nous trouvons et partageons cela avec nos clients partout dans le monde, grâce à un bureau d’études que nous avons créé. L’an passé, en Chine, une équipe d’une usine agroalimentaire nous fait intervenir. Six mois après notre intervention, on nous annonce qu’en prenant attache avec l’usine mitoyenne dont le process rejette de la vapeur, un tuyau a été connecté et le déchet des uns est devenu la ressource énergétique principale des autres. Écolonomie réalisée ? 224 000 dollars (199 000 euros) en six mois. En fait, tous les secteurs doivent se réinventer si nous voulons modérer les effets du réchauffement du climat. Nous sommes des entrepreneurs. Nous savons bien que si le climat se réchauffe de 5 °C, aucune condition ne sera plus réunie pour entreprendre et pour vivre. Le danger de relancer sans rien changer, alors que le système est fragile, laisse de côté une part grandissante de la population et épuise les ressources. Moment décisif de questionner d’autres modèles et de les mettre en pratique à grande échelle. En quelques années nous pourrions relancer, réorienter et reconvertir massivement l’économie vers des métiers qui répondent aux besoins humains. Et créer, avec les costumiers, les régisseurs, les comédiens, les metteurs en scène, les artistes qui dessinent le monde d’après et portent le possible en convoquant l’imaginaire. Apprendre et transmettre, partager la connaissance. Coopérer mieux que combattre. Par Emmanuel Druon Emmanuel Druon est chef d’entreprise, auteur et conférencier. Il a créé le bureau Ouvert pour développer l’écolonomie. Il est l’auteur de trois livres dans la collection «Domaine du possible» d’Actes Sud, dont “Ecolonomie 2”, la transformation créatrice, paru le 3 juin. https://www.agirpourlevivant. fr/blog https://www.agirpourlevivant. fr/post/faisons-de-l’écolonomie-relançons-l’économie-en-tenant-compte-de-l’écologie


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lisabeth Vigée Le Brun, aussi appelée Élisabeth Vigée, Élisabeth Le Brun ou Élisabeth Lebrun, née Louise-Élisabeth Vigée le 16 avril 1755 à Paris, et morte dans la même ville le 30 mars 1842, est une artiste peintre française, considérée comme une grande portraitiste de son temps. Elle a été comparée à Quentin de La Tour ou Jean-Baptiste Greuze. Son art et sa carrière exceptionnelle en font un témoin privilégié des bouleversements de la fin du xviiie siècle, de la Révolution Française et de la Restauration. Fervente royaliste, elle sera successivement peintre de la cour de France, de Marie-Antoinette et de Louis XVI, du Royaume de Naples, de la Cour de l’empereur de Vienne, de l’empereur de Russie et de la Restauration. On lui connaît aussi plusieurs autoportraits, dont deux avec sa fille. Ses parents, Louis Vigée, pastelliste et membre de l’Académie de Saint-Luc et Jeanne Maissin, d’origine paysanne, se marient en 1750. Élisabeth-Louise voit le jour en 1755 ; un frère cadet, Étienne Vigée, qui deviendra un auteur dramatique à succès, naît deux ans plus tard. Née rue Coquillière à Paris, Élisabeth est baptisée à l’église Saint-Eustache de Paris, puis mise en nourrice. Dans la bourgeoisie et l’aristocratie, il n’est pas encore dans les habitudes d’élever ses enfants soi-même, aussi l’enfant est-elle confiée à des paysans des environs d’Épernon. Son père vient la rechercher six ans plus tard, la ramène à Paris dans l’appartement familial rue de Cléry. Élisabeth-Louise entre comme pensionnaire à l’école du couvent de la Trinité, rue de Charonne dans le faubourg Saint-Antoine, afin de recevoir la meilleure éducation possible. Dès cet âge, son talent précoce pour le dessin s’exprime : dans ses cahiers, sur les murs de son école. C’est à cette époque que Louis Vigée s’extasie un jour devant un dessin de sa petite fille prodige, dessin représentant un homme barbu. Il prophétise dès lors qu’elle sera peintre. En 1766, Élisabeth-Louise quitte le couvent et vient vivre aux côtés de ses parents. Son père meurt accidentelle-

ELLE A INVENTE’ LE S ment d’une septicémie après avoir avalé une arête de poisson, le 9 mai 1767. Élisabeth-Louise, qui n’a que douze ans, mettra longtemps à faire son deuil puis décide de s’adonner à ses passions, la peinture, le dessin et le pastel. Sa mère se remarie dès le 26 décembre 1767 avec un joaillier fortuné mais avare, Jacques-François Le Sèvre (1724-1810) ; les relations d’Élisabeth-Louise avec son beau-père sont difficiles. Le premier professeur d’Élisabeth fut son père, Louis Vigée. Après le décès de ce dernier, c’est un autre peintre, Gabriel-François Doyen, meilleur ami de la famille et célèbre en son temps comme peintre d’histoire, qui l’encourage à persévérer dans le pastel et dans l’huile ; conseil qu’elle suivra. C’est certainement conseillée par Doyen, qu’en 1769 Élisabeth Vigée se rend chez le peintre Gabriel Briard, une connaissance de ce dernier (pour avoir eu le même maître, Carl van Loo). Briard est membre de l’Académie royale de peinture, et PALAZZI 22 VENEZIA

donne volontiers des leçons, bien qu’il ne soit pas encore professeur. Peintre médiocre, il a surtout la réputation d’être un bon dessinateur et possède en plus un atelier au palais du Louvre; Élisabeth fait de rapides progrès et, déjà, commence à faire parler d’elle. C’est au Louvre qu’elle fait la connaissance de Joseph Vernet, artiste célèbre dans toute l’Europe. Il est l’un des peintres les plus courus de Paris, ses conseils font autorité, et il ne manquera pas de lui en prodiguer. « J’ai constamment suivi ses avis ; car je n’ai jamais eu de maître proprement dit », écritelle dans ses mémoires. Quoi qu’il en soit, Vernet, qui consacrera de son temps à la formation de « Mlle Vigée », et Jean-Baptiste Greuze la remarquent et la conseillent. La jeune fille peint de nombreuses copies d’après les maîtres. Elle va admirer les chefs-d’œuvre du palais du Luxembourg ; de plus, la renommée de ces peintres lui ouvre toutes les portes des collections d’art privées prin-

cières et aristocratiques à Paris où elle peut étudier à loisir les grands maîtres, copier des têtes de Rembrandt, Van Dyck ou Greuze, étudier les semi-tons ainsi que les dégradations sur les parties saillantes d’une tête. Elle écrit : « On pouvait exactement me comparer à l’abeille, tant j’y récoltais de connaissances…». Toute sa vie, ce besoin d’apprendre ne la quittera pas, car elle a compris qu’un don se travaille. Déjà, on lui commande des portraits et elle commence à gagner sa vie. Elle peint son premier tableau reconnu en 1770, un portrait de sa mère (Madame Le Sèvre, née Jeanne Maissin, collection particulière)6. Ayant à son âge peu d’espoir d’intégrer l’Académie royale de peinture et de sculpture, institution prestigieuse mais conservatrice, elle présente plusieurs de ses tableaux à l’Académie de Saint-Luc dont elle devient officiellement membre le 25 octobre 1774. En 1770, le dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI, pe-


OURIRE EN PEINTURE tit-fils du roi Louis XV, épouse Marie-Antoinette d’Autriche à Versailles, fille de l’impératrice Marie-Thérèse. À la même époque, la famille Le Sèvre-Vigée s’installe rue Saint-Honoré, face au Palais-Royal, dans l’hôtel de Lubert. Louise-Élisabeth Vigée commence à réaliser des portraits de commande, mais son beau-père accapare ses revenus. Elle prend l’habitude de dresser la liste des portraits qu’elle a peints dans l’année. Ainsi, il est possible de savoir qu’en 1773, elle en a peint vingt sept. Elle commence à peindre de nombreux autoportraits. Elle est membre de l’Académie de Saint-Luc dès 17748. En 1775, elle offre à l’Académie royale deux portraits ; en récompense, elle reçoit une lettre signée par d’Alembert l’informant qu’elle est admise à participer aux séances publiques de l’Académie. Lorsque son beau-père se retire des affaires en 1775, la famille s’installe rue de Cléry, dans l’hôtel Lubert, dont le principal locataire est Jean-Baptiste-Pierre Lebrun qui

exerce les professions de marchand et restaurateur de tableaux, d’antiquaire et de peintre. Il est un spécialiste de peinture hollandaise dont il a publié des catalogues. Elle visite avec le plus vif intérêt la galerie de tableaux de Lebrun et y parfait ses connaissances picturales. Ce dernier devient son agent, s’occupe de ses affaires. Déjà marié une première fois en Hollande, il la demande en mariage. Libertin et joueur, il a mauvaise réputation, et le mariage est formellement déconseillé à la jeune artiste. Cependant, désireuse d’échapper à sa famille, elle l’épouse le 11 janvier 1776 dans l’intimité, avec la dispense de deux bans, en l’église Saint-Eustache. Élisabeth Vigée devient Élisabeth Vigée Le Brun. Elle reçoit cette même année sa première commande de la Cour du comte de Provence, le frère du roi puis, le 30 novembre 1776, Élisabeth Vigée Le Brun est admise à travailler pour la Cour de Louis XVI. En 1778, elle devient peintre officiel de la reine et est donc

appelée pour réaliser le premier portrait de la reine Marie-Antoinette d’après nature. C’est également à cette époque qu’elle peint le portrait de Jean-Antoine Gros enfant à sept ans et qu’elle ouvre une académie et enseigne. Son hôtel particulier devient un lieu à la mode, Élisabeth Vigée Le Brun traverse une période de succès et son mari y ouvre une salle des ventes dans laquelle il vend des antiquités et des tableaux de Greuze, Fragonard, etc. Elle vend ses portraits pour 12 000 francs sur lesquels elle ne touche que 6 francs, son mari empochant le reste, comme elle le dit dans ses Souvenirs: « J’avais sur l’argent une telle insouciance, que je n’en connaissais presque pas la valeur.» Le 12 février 1780, Élisabeth Vigée Le Brun donne naissance à sa fille Jeanne-Julie-Louise. Elle continue à peindre pendant les premières contractions et, dit-on, lâche à peine ses pinceaux pendant l’accouchement1. Sa fille Julie sera le sujet de nombreux portraits. PALAZZI 23 VENEZIA

Une seconde grossesse quelques années plus tard donnera un enfant mort en bas âge. En 1781, elle voyage à Bruxelles avec son mari pour assister et acheter à la vente de la collection du défunt gouverneur Charles-Alexandre de Lorraine ; elle y rencontre le prince de Ligne. Inspirée par Rubens qu’elle admire, elle peint son Autoportrait au chapeau de paille en 1782 (Londres, National Gallery). Ses portraits de femmes lui attirent la sympathie de la duchesse de Chartres, princesse du sang, qui la présente à la reine, sa contemporaine exacte, cette dernière faisant d’elle son peintre officiel et favori en 1778. Elle multiplie les originaux et les copies. Certaines toiles restent la propriété du roi, d’autres sont offertes aux familiers, aux ambassadeurs et aux cours étrangères. Alors qu’elle n’arrivait pas à y être admise, elle est reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 31 mai 1783 en même temps que sa concurrente Adélaïde Labille-Guiard et contre la volonté

de Jean-Baptiste Marie Pierre, premier peintre du roi. Son sexe et la profession de son mari marchand de tableaux sont pourtant de fortes oppositions à son entrée, mais l’intervention protectrice de Marie-Antoinette lui permet d’obtenir ce privilège de Louis XVI. Vigée Le Brun présente une peinture de réception (alors qu’on ne lui en demandait pas), “La Paix ramenant l’Abondance” réalisée en 1783 (Paris, musée du Louvre), pour être admise en qualité de peintre d’Histoire. Forte de l’appui de la reine, elle se permet l’impertinence d’y montrer un sein découvert, alors que les nus académiques étaient réservés aux hommes. Elle est reçue sans qu’aucune catégorie soit précisée. Vigée Le Brun atténue les défauts physiques de la reine peinte avec des traits plus fins dans Marie-Antoinette dit « à la Rose » (1783), musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. En septembre de la même année, elle participe au Salon pour la première fois et y présente Marie-Antoinette dit « à la Rose » : initialement, elle a l’audace de présenter la reine dans une robe en gaule, mousseline de coton qui est généralement utilisée en linge de corps ou d’intérieur, mais les critiques se scandalisent du fait que la reine s’est fait peindre en chemise, si bien qu’au bout de quelques jours, Vigée Le Brun doit le retirer et le remplacer par un portrait identique mais avec une robe plus conventionnelle. Dès lors, les prix de ses tableaux s’envolent. Le 19 octobre 1785, son jeune frère Étienne épouse Suzanne Rivière, dont le frère sera le compagnon d’exil d’Élisabeth Vigée Le Brun entre 1792 et 1801. Elle peint le portrait du ministre des Finances Charles Alexandre de Calonne qui lui est payé 800 000 francs. (Le salaire d’un domestique était de 150 francs par an, on peut estimer la transaction équivalant à 800 000 à dix million d’euros.) Faisant partie des intimes de la Cour, elle est l’objet comme le roi et la reine de critiques et médisances. Des rumeurs plus ou moins fondées accusent notamment Vigée Le Brun d’entretenir une liaison avec le ministre Calonne, mais également avec le comte de Vaudreuil (dont elle a une mèche dans sa ta-


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LA PAIX AMENANT L’ABONDANCE

batière et dont les Correspondances avec lui sont publiées) ou le peintre Ménageot. Avant 1789, l’œuvre d’Élisabeth Vigée Le Brun est composé de portraits, genre à la mode dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, pour les clients fortunés et aristocratiques qui constituent sa clientèle. Vigée Le Brun était, au dire de sa biographe Geneviève Haroche-Bouzinac : « une belle femme, d’un abord agréable, d’une conversation enjouée, elle jouait d’un instrument, était une bonne actrice, avait des talents de société qui lui ont facilité son intégration dans les milieux mondains et un grand talent de portraitiste qui possédait l’art de flatter ses modèles… ». Pour Marc Fumaroli, l’art du portrait de Vigée Le Brun est un prolongement de l’art de la conversation des salons, où on se présente sous son meilleur jour, écoute et fait société dans un monde féminin à l’écart du bruit du monde. Les tableaux de Vigée Le Brun sont un des summums de l’art de peindre « au naturel ». Parmi ses portraits de femmes, on peut citer notamment les portraits de Marie-Antoinette (une vingtaine sans compter ceux des enfants) ; Catherine Noël Worlee (la future princesse de Talleyrand) qu’elle réalisa en 1783 et qui fut exposé au Salon de peinture de Paris de cette même année 1783 ; la sœur de Louis XVI, Mme Élisabeth ; l’épouse du comte d’Artois ; deux amies de la reine : la princesse de Lamballe et la comtesse de Polignac. En 1786, elle peint (simultanément ?) son premier autoportrait avec sa fille et le portrait de Marie-Antoinette et ses enfants. Les deux tableaux sont exposés au Salon de peinture de Paris de la même année et c’est l’autoportrait avec sa fille qui est encensé par le public. En 1788, elle peint ce qu’elle considère comme son chef-d’œuvre : Le Portrait du peintre Hubert Robert. Au sommet de sa gloire, dans son hôtel particulier parisien, rue de Cléry, où elle reçoit une fois par semaine la haute société, elle donne un « souper grec », qui défraye la chronique par l’ostentation qui s’y déploie et pour laquelle on la soupçonne d’avoir dépensé une fortune. Des lettres et des libelles circulent dans Paris, pour prou-

ver sa relation avec Calonne. On l’accuse d’avoir des lambris d’or, d’allumer son feu avec des billets de caisse, de brûler du bois d’aloès dans sa cheminée. Le coût du dîner de 20 000 francs fut rapporté au roi Louis XVI qui s’emporta contre l’artiste. À l’été 1789, Élisabeth Vigée Le Brun se trouve à Louveciennes chez la comtesse du Barry, la dernière maîtresse de Louis XV, dont elle a commencé le portrait, lorsque les deux femmes entendent le canon tonner dans Paris. L’ancienne favorite se serait écriée : « Si Louis XV vivait, sûrement tout cela n’aurait pas été ainsi. ». Son hôtel particulier est saccagé, des sans-culottes déversent du soufre dans ses caves et tentent d’y mettre le feu. Elle se réfugie chez l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart. Dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789, alors que la famille royale est ramenée de force à Paris, Élisabeth quitte la capitale avec sa fille, Julie, sa gouvernante et cent louis, laissant PALAZZI 24 VENEZIA

derrière elle son époux qui l’encourage à fuir, ses peintures et le million de francs qu’elle a gagné à son mari, n’emportant que 20 francs, écrit-elle dans ses Souvenirs. Elle dit plus tard de la fin de l’Ancien Régime : « Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées. ». Elle quitte Paris pour Lyon, déguisée en ouvrière, puis traverse le mont Cenis vers la Savoie (alors possession du Royaume de Sardaigne), où elle est reconnue par un postillon qui lui propose un mulet : « Ah ! reprit-il en riant, madame n’est pas une ouvrière, on sait qui elle est. - Eh bien, qui suis-je donc ? demandai-je. - Vous êtes madame Lebrun, qui peint dans la perfection ». Elle arrive à Rome en novembre 1789. En 1790, elle est reçue à la Galerie des Offices en réalisant son Autoportrait, qui obtient un grand succès. Elle envoie des œuvres à Paris au Salon. L’artiste effectue son Grand Tour et vit entre Florence, Rome où elle retrouve Ménag-

eot, et Naples avec Talleyrand et Lady Hamilton, puis Vivant Denon, le premier directeur du Louvre, à Venise. Elle veut rentrer en France, mais elle est inscrite, en 1792, sur la liste des émigrés et perd ainsi ses droits civiques. Le 14 février 1792, elle quitte Rome pour Venise. Alors que l’Armée du midi rentre en Savoie et au Piémont, elle se rend à Vienne en Autriche, d’où elle ne pense pas partir et où, en tant qu’ancienne peintre de la reine Marie-Antoinette, elle bénéficie de la protection de la famille impériale. À Paris, Jean-Baptiste Pierre Lebrun a vendu tout son fonds de commerce en 1791 pour éviter la faillite, alors que le marché de l’art s’est effondré et a perdu la moitié de sa valeur. Proche de Jacques-Louis David, il demande en 1793, sans succès, que le nom de sa femme soit retiré de la liste des émigrés. Il publie un opuscule : Précis Historique de la Citoyenne Lebrun. Comme son be-


au-frère Étienne, Jean-Baptiste-Pierre est emprisonné quelques mois. Invoquant la désertion de sa femme, Jean-Baptiste-Pierre demande et obtient le divorce en 1794 pour se protéger et préserver leurs biens. Dans le même temps, il expertise les collections saisies par la Révolution à l’aristocratie dont il dresse les inventaires et publie les Observations sur le Muséum National préfigurant les collections et l’organisation du musée du Louvre, dont il devient le commissaire-expert. Puis comme adjoint à la commission des arts, An III (1795), il publie “Essai sur les moyens d’encourager la peinture, la sculpture, l’architecture et la gravure”. Ainsi le tableau de maternité de Madame Vigée Le Brun et sa fille (v.1789), commandé par le comte d’Angivillier, directeur des Bâtiments du roi, saisi par Le Brun intègre les collections du Louvre. Quant à Elisabeth-Louise, elle parcourt l’Europe en triomphe.

À l’invitation de l’ambassadeur de Russie, Élisabeth Vigée Le Brun se rend en Russie, pays qu’elle considèrera comme sa seconde patrie. En 1795, elle est à Saint-Pétersbourg où elle fait un séjour de plusieurs années favorisé par des commandes de la haute société russe et des appuis de Gabriel-François Doyen, proche de l’impératrice et de son fils. Elle demeure en particulier chez la comtesse Saltykoff en 1801. Invitée par les grandes cours d’Europe et devant subvenir à ses moyens, elle peint sans cesse. Elle se refuse à lire les nouvelles, car elle y apprend l’exécution de ses amis guillotinés pendant la Terreur. Elle apprend entre autres la mort de son amant Doyen, cousin de Gabriel-François, né en 1759 à Versailles, qui fut cuisinier de Marie-Antoinette pendant dix ans. En 1799, une pétition de deux cent cinquante-cinq artistes, littérateurs et scientifiques demandent au Directoire le re-

trait de son nom de la liste des émigrés. En 1800, son retour est précipité par le décès de sa mère à Neuilly et le mariage, qu’elle n’approuve pas, de sa fille Julie avec Gaëtan Bertrand Nigris, directeur des Théâtres impériaux à Saint-Pétersbourg. C’est pour elle un déchirement. Déçue par son mari, elle avait fondé tout son univers affectif sur sa fille. Les deux femmes ne se réconcilieront jamais totalement. Après un bref séjour à Moscou en 1801, puis en Allemagne, elle peut rentrer à Paris en toute sécurité depuis qu’elle a été rayée de la liste des émigrés en 1800. Elle est accueillie à Paris le 18 janvier 1802, où elle retrouve son mari, avec qui elle revit sous le même toit. Si le retour d’Élisabeth est salué par la presse, elle a du mal à retrouver sa place dans la nouvelle société née de la Révolution et de l’Empire. « Je n’essaierai point de peindre ce qui se passa en moi lorsque je touchai cette terre PALAZZI 25 VENEZIA

de France que j’avais quittée depuis douze ans : la douleur, l’effroi, la joie qui m’agitaient tour à tour […] Je pleurais les amis que j’avais perdus sur l’échafaud ; mais j’allais revoir ceux qui me restaient encore.[…] Mais ce qui me déplaisait bien davantage, c’était de voir encore écrit sur les murs : liberté, fraternité ou la mort... » Quelques mois plus tard, elle quitte la France pour l’Angleterre, où elle s’installe à Londres pour trois ans. Là, elle rencontre Lord Byron, le peintre Benjamin West, retrouve Lady Hamilton, la maîtresse de l’amiral Nelson qu’elle avait connue à Naples, et admire la peinture de Joshua Reynolds. Elle vit avec la Cour de Louis XVIII et du comte d’Artois en exil entre Londres, Bath et Douvres. Après un passage par la Hollande, elle retrouve Paris en juillet 1805, et sa fille Julie qui a quitté la Russie en 1804. En 1805, elle reçoit la commande du portrait de Caroline Murat, épouse du général Murat, une des sœurs de Napoléon devenue reine de Naples, et cela se passe mal : « J’ai peint de véritables princesses qui ne m’ont jamais tourmentée et ne m’ont pas fait attendre », dira l’artiste quinquagénaire à cette jeune reine parvenue. Le 14 janvier 1807, elle rachète à son mari endetté son hôtel particulier parisien et sa salle des ventes. Mais en butte au pouvoir impérial, Vigée Le Brun quitte la France pour la Suisse, où elle rencontre Madame de Staël en 1807. En 1809, Élisabeth Vigée Le Brun revient en France et s’installe à Louveciennes, dans une maison de campagne voisine du château ayant appartenu à la comtesse du Barry (guillotinée en 1793) dont elle avait peint trois portraits avant la Révolution. Elle vit alors entre Louveciennes et Paris, où elle tient salon et croise les artistes en renom. Son mari, dont elle avait divorcé, meurt en 1813. En 1814, elle se réjouit du retour de Louis XVIII, « Le monarque qui convenait à l’époque », écrit-elle dans ses mémoires. Après 1815 et la Restauration, ses tableaux, en particulier les portraits de Marie-Antoinette, sont restaurés et ré-accrochés au Louvre, à Fontainebleau et à Versailles. Sa fille finit sa vie dans la misère en 1819, et son frère,


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Étienne Vigée, meurt en 1820. Elle effectue un dernier voyage à Bordeaux au cours duquel elle effectue de nombreux dessins de ruines. Elle peint encore quelques couchers de soleils, des études de ciel ou la montagne, dont la vallée de Chamonix au pastel (Le Mont blanc, L’Aiguille du Goûter, musée de Grenoble). À Louveciennes, où elle vit huit mois de l’année, le reste en hiver à Paris, elle reçoit le dimanche des amis et des artistes dont son ami le peintre Antoine-Jean Gros, qu’elle connaît depuis 1778, et elle est très affectée par son suicide en 1835. En 1829, elle écrit une courte autobiographie qu’elle envoie à la princesse Nathalie Kourakine, et rédige son testament. En 1835, elle publie ses Souvenirs avec l’aide de ses nièces Caroline Rivière, venue vivre avec elle, et d’Eugénie Tripier Le Franc, peintre portraitiste et dernière élève. C’est cette dernière qui écrit de sa main une partie des souvenirs du peintre, d’où les doutes émis par certains historiens quant à leur authenticité. À la fin de sa vie, l’artiste en proie à des attaques cérébrales, perd la vue. Elle meurt à Paris à son domicile de la rue Saint-Lazare le 30 mars 1842 et est enterrée au cimetière de Louveciennes40. Sur la pierre tombale, privée de sa grille d’entourage, se dresse la stèle de marbre blanc portant l’épitaphe « Ici, enfin, je repose… », ornée d’un médaillon représentant une palette sur un socle et surmontée d’une croix. La majorité de son œuvre, 660 sur 900 tableaux, est composée de portraits. La seule exception notable est son tableau “La Paix ramenant l’Abondance” de 1780, constituant sa pièce de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture, qui avait été très sévèrement critiquée par les membres de l’Académie pour ses fautes de dessin et son manque d’idéalisation6. Elle semble renoncer à ce genre pour des raisons financières. Elle utilise l’huile, ne se réservant le pastel que pour des esquisses. Elle s’inspire des anciens maîtres. Ainsi le style du Portrait de femme de Pierre Paul Rubens (1622-1625, Londres, National Gallery) se retrouve dans plusieurs de ses tableaux, dont son Autoportrait au chapeau de paille (1782-

1783, Londres, National Gallery) ou sa Gabrielle Yolande Claude Martine de Polastron, duchesse de Polignac (1782, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon)44. On peut également retrouver l’influence de Raphaël et de sa Madonna della seggiola (1513-1514, Florence, Palazzo Pitti) dans son Autoportrait avec sa fille Julie (1789, Paris, musée du Louvre). Élisabeth Vigée Le Brun peindra une cinquantaine d’autoportraits faisant d’elle-même son sujet de prédilection. Un autre de ses thèmes de prédilection est la représentation de l’enfant, soit comme sujet isolé, soit en compagnie de la mère, tentant de peindre la « tendresse maternelle », surnom d’ailleurs donné à son premier autoportrait avec sa fille (Autoportrait de Madame Le Brun tenant sa fille Julie sur ses genoux, 1786, Paris, musée du Louvre). On retrouve ces mêmes tendresse et amour maternels, cette même proximité entre la mère et la fille, dans son second autoportrait avec sa fille. Son œuvre développe un premier style avant 1789, et un PALAZZI 26 VENEZIA

second après cette date. La première partie de son œuvre est composée de portraits féminins dans le style « au naturel » propre au rococo. Elle privilégie progressivement les étoffes simples et flottantes, non empesées, les cheveux non poudrés et laissés au nature. La seconde partie est plus sévère, le style a changé dans les portraits, mais aussi avec les paysages qui y apparaissent alors (200 environ). Sa palette devient plus sombre comparée à l’allégresse virtuose de l’œuvre pré-révolutionnaire. Si son œuvre exécuté sous l’Ancien Régime a été très commenté, apprécié ou critiqué, la seconde partie qui va de 1789 à 1842 est peu connue. Pour sa biographe Nancy Heller dans Women Artists : “An Illustrated History, les meilleurs portraits de Vigée Le Brun sont autant une évocation vibrante de personnalités que l’expression d’un art de vivre qui disparaissait, alors même qu’elle peignait”. La première exposition rétrospective de son œuvre, en

France, a lieu à Paris au Grand Palais en 2015. Élisabeth Vigée Le Brun fut célèbre de son vivant, mais son œuvre associée à Marie-Antoinette et Louis XVI va être oubliée jusqu’au xxie siècle. Si en 1845, elle apparaît encore dans la Biographie Universelle de tous les hommes célèbres qui se sont fait remarquer par leurs écrits; leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes comme l’épouse de Jean-Baptiste Le Brun, en 1970 son nom n’apparaît même plus dans le Grand Larousse illustré. Accroché au Louvre, son autoportrait avec sa fille Julie est jugé mièvre. La critique la plus sévère de la conception de la maternité (et de la peinture) selon Vigée Le Brun sera celle formulée par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe en 1949, qui écrit : « Au lieu de se donner généreusement à l’œuvre qu’elle entreprend, la femme la considère comme un simple ornement de sa vie ; le livre et le tableau ne sont qu’un intermédiaire inessentiel, lui permettant d’exhiber cette


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essentielle réalité : sa propre personne. Aussi est-ce sa personne qui est le principal — parfois l’unique — sujet qui l’intéresse : Mme Vigée-Lebrun ne se lasse pas de fixer sur ses toiles sa souriante maternité ». À la fin du xxe siècle, l’œuvre d’Élisabeth Vigée Le Brun est très commentée et étudiée par les féministes américaines dans une analyse de la politique culturelle des arts à travers les questions que pose sa carrière exceptionnelle, le parallélisme entre le lien qui l’unit à Marie-Antoinette et celui de Apelle et Alexandre le Grand, l’établissement de sa réputation, les relations avec ses pairs masculins, la société courtisane qui fonde sa clientèle royaliste, son attitude face à la Révolution, puis l’interdiction faite aux femmes d’étudier aux Beaux-Arts par la Constituante, son narcissisme et la maternité comme identité féminine prolongeant la remarque de Simone de Beauvoir. L’historien anglais Colin Jones (en) considère que le premier autoportrait de la peintre Élisabeth Vigée Le Brun avec

sa fille (1786) est le premier vrai sourire représenté de l’art occidental où les dents sont apparentes. Lors de sa présentation, il est jugé scandaleux. En effet, depuis l’Antiquité, les représentations de bouches avec les dents existent mais elles concernent des personnages connotés négativement, comme le peuple ou des sujets ne maîtrisant pas leurs émotions (peur, rage, extase, etc.), par exemple sur les toiles flamandes du XVIIe siècle avec des ivrognes ou encore des enfants comme sur “La Marchande de crevettes” de William Hogarth. Rarement, des artistes font d’eux des autoportraits où on les voit sourire avec leurs dents (Rembrandt, Antoine Watteau, Georges de La Tour) mais Colin Jones considère cela comme un hommage à Démocrite, où le rire furieux fait écho à la folie du monde (comme sur la toile d’Antoine Coypel représentant le philosophe antique). Il convient également de noter que l’hygiène déficiente de l’époque gâte les dents et les fait souvent perdre avant l’âge

de 40 ans : garder la bouche fermée et contrôler son sourire répond donc à une certaine nécessité pratique. Néanmoins, sous la houlette de Pierre Fauchard, la dentisterie progresse au XVIIIe siècle. La toile de Vigée Le Brun choque ainsi car elle transgresse les conventions sociales de son temps, qui demandent une maîtrise de son corps, l’art n’en étant que le reflet. Par la suite, la démocratisation de la médecine et la possibilité de conserver des dents saines et blanches permet au sourire de s’afficher. La première rétrospective de son œuvre en France a lieu de septembre 2015 au 11 janvier 2016 au Grand Palais de Paris. Accompagnée de films, de documentaires, la peintre de Marie-Antoinette apparaît alors dans toute sa complexité. Notes et références Élisabeth Louise Vigée Le Brun 1755-1842 Grandpalais.fr Colin Jones, « L’invention du sourire », Vanity Fair n°22, avril 2015, pages 82-84. www.amisdulouvre.fr. PALAZZI 27 VENEZIA

En 1787, la célèbre portraitiste Élisabeth Louise Vigée Le Brun expose un autoportrait au salon de peinture du Louvre. Sa fille sur les genoux, elle se représente esquissant un sourire gracieux, un rien charmeur, qui révèle de délicates dents blanches. Ne serait-ce pas là le premier sourire de l’art occidental ? Aujourd’hui, ce genre de sourire est partout : publicités, affiches de campagne électorale, clichés personnels, photos de famille, réseaux sociaux et dans la plupart de nos échanges quotidiens. Il s’est imposé comme la norme de la représentation de soi, le symbole de notre être-aumonde. Les publicités agressives pour soins dentaires, le boom des solutions blanchissantes et l’apparition de « bars à sourire » à tous les coins de rue : il est clair que ce ­sourire « à la Vigée Le Brun » n’a jamais été aussi couru. Mais étonnamment, au XVIIIe siècle, ce sourire avait été jugé scandaleux et déplacé par les contemporains de la peintre. Il laissait entrevoir des dents blanches et c’est précisément ce qui choquait.

Depuis l’Antiquité, on n’avait jamais vu ça. Quiconque s’amuserait à parcourir les galeries et musées du monde entier ne trouverait pas une seule représentation d’un sourire éclatant avant 1787. On y voit des bouches entrouvertes et des dents, bien sûr, mais toujours connotées de façon négative. Cela suggère soit l’appartenance à la plèbe, soit la folie du sujet représenté, l’absence totale de contrôle de ses émotions. C’est ainsi, par exemple, que sont peints, dans la plupart des toiles flamandes du XVIIe siècle, les ivrognes qui peuplent auberges et tavernes. Il en va de même pour les portraits d’enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de raison, comme La Marchande de crevettes de William Hogarth. Quelques rares artistes, comme Rembrandt, Antoine Watteau ou Georges de La Tour se sont représentés avec un large sourire, sans craindre de laisser entrevoir leurs (très vilaines) dents. Mais c’était un hommage délibéré à Démocrite, le philosophe grec dont le rire furieux renvoyait à la folie du monde. Quoi qu’il en soit, Démocrite reste l’exception qui confirme la règle. Et si la Joconde avait entrouvert ses lèvres d’un tout petit centimètre, on l’aurait prise pour une putain, une gueuse ou une folle. À cette époque, on gardait la bouche fermée et le sourire sous contrôle, pour des raisons essentiellement pratiques. L’hygiène bucco-dentaire était on ne peut plus rudimentaire. On commençait à perdre ses dents vers l’âge de 40 ans, voire bien avant. Se frotter les quenottes avec un tissu et se passer un cure-dent entre les molaires étaient ce qui se faisait de mieux en termes d’hygiène dentaire. Quant aux médecins, ils n’avaient aucun intérêt pour la dentisterie, donc aucun traitement à proposer. Louis XIV, l’homme le plus puissant d’Europe, n’était pas mieux loti que le plus pauvre de ses sujets. Son sort était peut-être même bien pire car il raffolait de douceurs et de confiseries qui gâtèrent ses dents très tôt. Dans les années 1680, confié aux soins d’un enthousiaste arracheur de dents, le roi Soleil perdit le peu de ­ratiches qu’il lui restait sur la mâchoire supérieure ainsi qu’un morceau de palais. Pendant plusieurs semaines, alors qu’il mangeait en public à Versailles, les soupes et boissons qu’il avalait rejaillissaient par son nez dans l’assiette. Son chirurgien dut cautériser la plaie et lui ressouder le p­ alais au fer rouge. vanityfair.fr


Des mots à la matière, de la matière aux maux

Karine N’Guyen Van Tham

Passée par les Beaux-Arts de Marseille en design d’espace, elle suit ensuite une formation en Tapisserie d’Ameublement. Un fois son diplôme obtenu,elle fait ses armes en 2013 en créant ses propres lignes de linge de maison, avant de se décider, en 2017, à concevoir ses propres textiles. Aujourd’hui, dans le claquement des lisses de son métier à tisser japonais Saori, elle réalise des oeuvres textiles murales pensées comme des

héritages.

Jusqu’ au 30 Juillet 2020

Viviane Zenner commissaire de l’exposition Anne Lenglet en tête d’affiche

du 8 juillet au 30 aout 2020

Eglise des Trinitaires La galerie vous accueille du mardi au samedi, de 11h à 19h au 40 rue Notre Dame de Nazareth - 75003 Paris +33 1 43 70 21 04 www.thefibery.fr

1 Rue des Trinitaires, 57000 Metz Tél.: +33 800 89 18 91

Nel 1561, i Trinitari ricevettero una casa sulla collina di Sainte-Croix dal Cardinale Carlo di Lorena, l’Abate di Gorze, nel luogo in cui si trova l’attuale chiesa. Costruirono un primo edificio sul sito nel 1566. Il monastero e la chiesa furono ricostruiti dal 1720, la stessa chiesa che ora possiamo ammirare in rue des Trinitaires. Le ghirlande di vegetazione e conchiglie di conchiglia, che costituiscono quasi tutta la decorazione della chiesa, sono tipiche del periodo in cui è stata costruita. La chiesa è stata oggetto di numerosi usi nel corso della storia. Dal 1804 fu dedicato al culto protestante fino al completamento del Tempio Neuf in Place de la Comédie. Successivamente, il resto del convento fu distrutto e la chiesa divenne una caserma dei pompieri. Oggi è usato come luogo per mostre e spettacoli artistici.

PALAZZI 28 VENEZIA

Une scansion, un rire, le bruit de pas. Des volumes qui s’étrange.nt, des couleurs et le sol que l’on travaille, où tout ancrer. Le sol et les ombres en portée, pour les chairs, asseoir les pieds, les bras, les fesses. L’histoire de chaque modèle, le temps qu’il faut pour peindre qui on aime, les lignes qui structurent, la matière et ce que personne ne peut voir. Ce que personne. Dans l’atelier de Marion Bataillard un jeu d’accroches, le bruit du bois, sa densité et une grande toile sur roues temporaires qui glisse d’un coin à l’autre. Une mezzanine sous laquelle se reposent les œuvres en dehors du présent. Un atelier, les ateliers, l’atelier propre à chacun qui ici sent la lavande, dont les tubes et les pinceaux sont bien ordonnés, chacun son bac. Le peintre est grand, est sage, mythique. À priori banal, l’humilité d’une main qui s’adresse au regard, qui figure ou non le détail fonction de ce qui vient. C’est dans l’absence du pinceau que l’autoportrait tient, dans le détail d’abricots ou d’un chat rouge, violent, que le réel nous agresse. Le format dit qu’il sait qu’il y eut des stèles avant l’histoire et qu’il y avait déjà, comme il y a toujours, le regard d’un être humain qui part du sol pour monter, parfois aux cieux, puis redescendre, oser le loin. Nous sommes légèrement dilatés, la matière du monde est autre. Au premier plan très velouté d’une toile qui, peinte dehors, dans trois dehors, adresse le paysage : la terre, l’empreinte, le passage de la machine qui dit je suis. La machine, son empreinte de caoutchouc, sa roue qui écrase, qui strie la terre, qui la marque comme rien et le duvet des jolis arbres au loin, la délicatesse des tiges, le blé mûr et sec qui parce qu’il est mûr est mort, moins gorgé que l’herbe. Des tiges qui ne peuvent que chanter sous la caresse ou se briser entre les doigts. Et tout au centre sous le ventre, le visage de Pompéi. Marion Bataillard parle en plans, l’espace est un passage, le miroir une évidence où l’on ne saisit rien. Qui d’autre, quoi d’autre, où dire l’importance ? Ce qu’est la clairière, elle ne l’est que dans un bois. Clare Mary Puyfoulhoux


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