Des projets fragmentés au projet commun, le département, initiateur de l'action collective

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ANDRÉ Viviane - 2019 - Master 2 MECI - Aménagement et Développement local (ADL) - UFR GHES - Université Paris Diderot Directrice de Mémoire : BERROIR Sandrine Maîtres d'apprentissage : LUEZ Amandine (Conseil départemental de l'Essonne) & KAUFFMANN Valérie (CAUE91)

Des projets fragmentés, au projet commun autour du fleuve

LE DÉPARTEMENT INITIATEUR DE « L'ACTION COLLECTIVE » Reflexion autour de la démarche « Baignade en Seine » portée par le Conseil départemental de l'Essonne.

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Je remercie mes deux maîtres d'apprentissage pour leur accompagnement tout au long de cette année. Amandine Luez, pour sa patience, sa rigueur dans le suivi de mon apprentissage et son aide précieuse dans la compréhension du fonctionnement du Conseil départemental. Valérie Kauffmann, pour la transmission au quotidien de son expérience et de ses connaissances ainsi que pour la confiance qu'elle m'a rapidement accordée. Je remercie également l'ensemble des équipes du CAUE et du service de l’eau du Conseil départemental pour leur accueil et leurs conseils, et tout particulièrement Alexis Linge, avec qui j'ai eu la chance de travailler dans la bonne humeur sur ce projet et auprès de qui j’ai également beaucoup appris. Je remercie enfin Sandrine Berroir pour son suivi dans le mémoire et l'ensemble de l'équipe pédagogique et administrative du Master ADL.


Figure 2: Le bassin de la Seine en Essonne

La démarche «Baignade en Seine» s’étend sur 16 communes. Le bassin de la Seine, relie les plateaux très urbanisés de rive gauche, à de plus petites villes de rives droite. Bordée par l’A6, la N7 ainsi que les lignes ferrovières du RER D, la vallée profite de nombreux espaces boisés ainsi que des espaces humides qui la bordent. N7

Aéroport d’Orly

Lac Montalbot

ATHIS MONS

VIGNEUX SUR SEINE Base de loisirs de Draveil

JUVISY SUR ORGE RC

DRAVEIL

RE

VIRY CHÂTILLON

Forêt de Sénart

Lacs de Viry et Grigny

GRIGNY SOISY SUR SEINE

RIS ORANGIS

ETIOLLES

N118

EVRY COURCOURONNES SAINT GERMAIN LES CORBEIL

N118

CORBEIL ESSONNES

Cirque de l’Essonne

SAINT PIERRE DU PERRAY

Fouille Loury SAINTRY SUR SEINE

A6

RD

RE

Vallée de l’Essonne

Forêt de Rougeau

MORSANG SUR SEINE

LE COUDRAY MONTCEAUX

N7

250 M

Réalisée par Viviane ANDRÉ


AVANT-PROPOS Architecte (DE), j'ai choisi d'enrichir mes compétences dans le cadre d'un Master 2 MECI en Aménagement et Développement Local (ADL) au sein de l'Université Paris 7 Diderot. Cette formation complémentaire en apprentissage a également été l'opportunité d'intégrer durant un an le Conseil d'Architecture d'Urbanisme et d'Environnement de l'Essonne (CAUE91) dans le cadre d'un contrat avec le Conseil départemental. Dans le cadre de l’objectif d’ouverture de sites de baignade en Seine en 2024 en Essonne, je participe à l’animation de la démarche avec les principaux partenaires, afin d’identifier et d’associer à la démarche les acteurs pertinents, de déterminer les contraintes à l'implantation de sites de baignade et d’identifier en Essonne des sites potentiels. Parallèlement, la mission consiste à proposer des solutions techniques à l'aménagement des sites en fonction des contextes, en collaboration avec les acteurs locaux. Cette mission, profondément orientée vers les valeurs paysagères de la vallée et sur les jeux d'acteurs du territoire, complète mes expériences précédentes. Cela m'a permis d'expérimenter le rôle d'architecte-urbaniste conseil auprès des collectivités qui, déjà lors de mon projet de fin d'études d'architecture, m'attirait. La position d'intermédiaire, le rôle de conseiller indépendant, au cœur du jeu d'acteurs territorial, le rôle de sensibilisation et de pédagogie, de vulgarisation auprès de tous les publics, enfants, associations comme élus, la diversité des sujets abordés et les multiples méthodes et facettes du métier m'ont réellement passionnée. Cette expérience m'a également permis de découvrir le fonctionnement du Conseil départemental, ses enjeux, sa hiérarchie et son rôle au sein du territoire. Découvrir en un an le fonctionnement de deux structures aussi différentes que le CAUE et le Conseil départemental, tout en étant plongée dans les jeux d'acteurs locaux et nourrie par une formation théorique sur la gouvernance territoriale, était particulièrement enrichissant. J'ai choisi d'orienter ce mémoire de Master sur le rôle du Conseil départemental, bien que j'aie travaillé au quotidien au sein du CAUE. L'avenir de cet échelon territorial intermédiaire, régulièrement contesté, est au cœur de l'actualité, notamment suite aux réorganisations territoriales multiples de la loi MAPTAM et NOTRe. J'ai donc souhaité développer une réflexion sur le sujet à partir de mes observations dans le cadre de la démarche « Baignade en Seine ».

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INTRODUCTION

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MÉTHODOLOGIE

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CHAPITRE 1:

LE PROJET «BAIGNADE EN SEINE» EN ESSONNE, CONTEXTE ET ENJEUX

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1) Présentation du projet et des structures porteuses

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a) Le projet «Baignade en Seine» b) Le Conseil départemental de l’Essonne, porteur du projet c) Le CAUE accompagne le Conseil départemental dans le projet d) La mission

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2) Diagnostic et enjeux de la reconquête de la baignade en Seine en Essonne

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a) Le fleuve porteur d’image urbaine en perpetuelle évolution b) Enjeux politiques et économiques: Au-delà du Département, un territoire en quête d’identité c) Pour la résilience du territoire: environnement santé et cadre de vie

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2

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3) Le bassin de la Seine en Essonne: un mille-feuille territorial complexe à coordonner

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a) Une réorganisation territoriale récente b) Des compétences et propriétés partagées c) Des projets et démarches engagées à mettre en valeur

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CHAPITRE 2:

LE DÉPARTEMENT, UN ACTEUR INSTITUTIONNEL CONTESTÉ, PORTEUR DE COHÉSION TERRITORIALE

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1) Le Département: une structure obsolète?

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a) La constitution des départements et leur évolution récente b) L’Essonne, un département jeune aux capacités d’action limitées c) Une réforme nécessaire du Département?

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2) Un acteur intermédiaire porteur de cohésion territoriale

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a) Le Département, à l’initiative d’un projet pour l’identité du territoire b) Un acteur institutionnel compétent et outillé pour le projet «Baignade en Seine» c) Le Département, porteur de territoire et gardien de «l’inter-territorialité»

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3) Le Conseil départemental et le CAUE, des acteurs complémentaires

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a) Des structures complémentaires dans leurs domaines de compétences et leurs méthodes b) Une relation complémentaire aux communes et aux institutions c) Le CAUE: une indépendance très relative au Conseil départemental


SOMMAIRE 63

CHAPITRE 3: LE DÉPARTEMENT, UNE STRUCTURE INSTUTITIONNELLE

ET TECHNIQUE INITIATRICE DE L’ACTION COLLECTIVE

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1) Un rôle de technicien essentiel

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a ) Créer un savoir commun b) Des arbitrages techniques essentiels, au-delà du politique c) Un réseau professionnel de techniciens accélérateur de projet

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2) Une structure institutionnelle pour organiser la démarche

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a) Un cadre formel pour initier la démarche b) Pérénniser la démarche par des engagements c) Et après? Vers une participation plus active des parties prenantes et la co-construction

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3) Le Conseil départemental initiateur d’une «action collective» autour du fleuve

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a) Définition de «l’action collective» b) Le projet «Baignade en Seine»: une «action collective»? c) L’action collective façonne le territoire: quel avenir pour le territoire de la baignade en Seine?

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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SITOGRAPHIE

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ICONOGRAPHIE

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Figure 3: Document d’illustration de la démarche «Baignade en Seine» réalisée par le CAUE91 Car la démarche «Baignade en Seine» ne s’arrête pas à la reconquête de la baignade fluviale mais ambitionne également de renforcer et de diversifier les usages en bord de Seine, le CAUE réalise dès le début du projet une illustration évoquant le territoire de la Seine en Essonne et ses potentiels.

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Réalisée par Alexis LINGE & Viviane ANDRÉ © CAUE91


INTRODUCTION Le Conseil départemental de l'Essonne a lancé en juin 2018 une démarche d'animation territoriale dans le but de mettre en place des sites de baignade en Seine, en Essonne, ouverts au public, à l'horizon 2024. La métropole du Grand Paris accueillera en 2024 les Jeux Olympiques d'été. Elle prévoit, dans ce cadre, en collaboration avec la région Île-de-France, un programme orienté autour du fleuve, proposant un maximum d'épreuves dans, sur ou au bord de la Seine. Or, ce programme s'arrête aux portes de la Métropole et donc de l'Essonne. Le Département a donc souhaité prolonger la démarche afin d’intégrer la Seine essonnienne et ses communes dans la dynamique olympique, bien qu’aucune épreuve olympique n’y soit programmée. En effet, la dynamique olympique dépasse l’évènement sportif. L’organisation d’évènements d’une telle envergure résonne au-delà des sites directement concernés. Leur influence s’étale dans le temps et dans l’espace. La place importante donnée au fleuve dans les préparatifs de l’évènement resonnera surement également dans les politiques d’aménagement des territoires limitrophes. La thématique de la baignade en Seine est aussi l'occasion de questionner le rapport au fleuve des communes, de leurs habitants et de s'interroger sur ce que signifie aujourd'hui, vivre en bord de Seine en Essonne, englobant des enjeux très larges, allant du développement économique aux enjeux de résilience du territoire face au changement climatique à venir. (DORÉ, 2014,GHIOTTI, 2009, RICHARD, 2013, ROMAIN, 2010) Plus largement, la démarche questionne le rôle du Département dans l’aménagement du territoire. Quelle légitimité-a-t-il aujourd'hui auprès des communes et EPCI1 pour porter une telle démarche ? À quels enjeux le développement de la baignade répond-il pour le Conseil départemental ? Collectivité territoriale née de la Révolution française, d’abord service déconcentré de l’État, puis collectivité territoriale à part entière depuis la loi de décentralisation de 1981, le département est une échelle de gouvernance cycliquement remise en cause, résistant pourtant aux tentatives de suppression. (TESSON, 2006, CHARMES et al, 2015)

1 Etablissement public de coopération intercommunale. «Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des regroupements de communes ayant pour objet l’élaboration de « projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ». Ils sont soumis à des règles communes, homogènes et comparables à celles de collectivités locales. Les communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes, syndicats d’agglomération nouvelle, syndicats de communes et les syndicats mixtes sont des EPCI.» INSEE

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La gestion de l'eau et les stratégies de développement d'un fleuve, l'amélioration de la qualité d'un cours d'eau d'une telle envergure, traversant des paysages et régions multiples, nécessitent une coopération et un partage cohérent des compétences entre les acteurs locaux. La gouvernance et le développement d'un fleuve tel que la Seine sont loin d'être aisés à mettre en place, entre syndicats mixtes, EPCI, Métropole, Départements, Régions, acteurs publics de l’État (tels que AESN, VNF, ARS), acteurs associatifs et acteurs privés. Viennent s'ajouter à la multiplicité des acteurs les complexités juridiques liées à la gestion de l'eau, des cours d'eau et des espaces naturels sensibles ainsi que les rivalités ou affinités politiques régissant les politiques territoriales. Les récentes réorganisations territoriales (Lois MAPTAM, Régions, NOTRe, Métropole du Grand Paris, nouvelles communes, nouvelles EPCI,...) ont bouleversé l'échiquier territorial. Face à cette diversité d'acteurs et de démarches en cours, comment le Département peut-il fédérer ? Quels sont ses outils et stratégies pour rassembler autour du fleuve ? Est-il en mesure de porter une « action collective » (AMBLARD et al., 2015) ? Le Département a-t-il un rôle à jouer dans la coopération territoriale et l'inter-territorialité ? (VANIER, 2004) Ce mémoire vise, dans le cadre du projet «Baignade en Seine», à étudier le rôle que joue le Conseil départemental dans la mise en place d’une cohésion territoriale et ainsi, en filigrane, à interroger la place du département dans le millefeuille territorial et les relations qu’il entretient avec les autres acteurs du territoire. Des projets fragmentés au projet commun, quel rôle peut jouer le Département dans le processus de cohésion territoriale autour du fleuve ? Nous présenterons dans un premier temps le contexte et les enjeux du projet « Baignade en Seine ». Dans un second temps, nous verrons que le Conseil départemental est un acteur institutionnel constesté et pourtant porteur de cohésion et d’identité territoriale favorable à la démarche. Enfin, nous verrons en quoi le Département peut-être un acteur institutionnel pertinent dans la mise en place d’une «action collective» telle que «Baignade en Seine».

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MÉTHODOLOGIE Dans le cadre de ma mission d’apprentissage au sein du Conseil départemental et du CAUE 91 j’ai pu observer au quotidien les rapports qu’entretenaient les différents acteurs du projet et les compétences de chacun. Le mémoire s’appuie donc sur des sources variées de données: - Un état de l’art bibliographique - L’observation quotidienne de terrain En parallèle d’une étude bibliographique sur le sujet, le mémoire s’appuie principalement sur des observations quotidiennes de terrain (analyse des rapports entre les acteurs, éléments de language, extraits de conversations auxquelles j’ai pu assister ou participer). - Les publications de la presse grand public et les éléments de communication des acteurs territoriaux. Qu’ils soient issus des journaux locaux, des réseaux sociaux ou des campagnes publicitaires, les éléments de communication choisis par les différents acteurs sont également des sources d’analyse intéressantes pour comprendre le positionnement et les stratégies mises en place par chacun. - Les données, notamment cartographiques, transmises par le Conseil départemental et produites au CAUE91 Les données produites et recueillies au cours de ma mission sont également très précieuses dans ce mémoire notamment pour le diagnostic du territoire. Le Conseil départemental rassemble une quantité importante de données géographiques, qu’elles portent sur la qualité de l’eau ou l’organisation de la gouvernance du territoire. J’ai également réalisé au sein du CAUE 91 un diagnostic du territoire sur lequel l’étude s’appuie. - L’analyse d’études et de documents réglementaires à ma disposition, réalisés par les différents acteurs du territoire De nombreux documents réglementaires tels que les PLU des communes, le SRCE, le SDRIF, les conventions signées entre les communes, les documents d’engagement aux AMI, les nombreuses études sur la Seine et programmes d’actions réalisés par les syndicats, associations, agences de l’État et collectivités territoriales sont également une source importante d’information.

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Figure 4: Plage à Draveil Les berges de Seine en Essonne offrent des paysages variés et riches. A Draveil, sur la rive droite, de nombreuses petites plages intimes interrompent l’épaisse ripisylve donnant ainsi accès au fleuve bien que la baignade soit encore interdite.

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© Alexis Linge


CHAPITRE 1 LE PROJET «BAIGNADE EN SEINE» EN ESSONNE: CONTEXTE ET ENJEUX

Le projet “baignade en Seine” est initié par le Conseil départemental de l’Essonne à partir de 2018, mais sa réflexion émerge dès 2017. Nous verrons dans un premier temps en quoi consiste le projet et quelles en sont les structures porteuses. Dans un deuxième temps, nous verrons que le projet « Baignade en Seine » répond à des enjeux politiques, économiques et sociaux dépassant le simple objet de la baignade. Enfin, nous verrons que le contexte du bassin de la Seine en Essonne est un territoire complexe à coordonner.

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10 KM 10

* PNR (Parc Naturel Régional)


Figure 5: La Seine, de l’Essonne à l’Estuaire Car la Seine s’étend de Source-Seine, en Côte-d’Or, au port du Havre, les études et démarches la concernant doivent avant tout rappeler la diversité des paysages qu’elle traverse. La Seine en Essonne n’est qu’une séquence d’un fleuve bien plus grand. La valoriser nécessite la prise en compte d’enjeux bien plus vastes et la connaissance des autres territoires qu’elle traverse.

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Réalisée par Viviane ANDRÉ & Alexis LINGE © CAUE91 . BD CARTO 11


Figure 6: Baignade de Corbeil-Essonnes au XXème siècle © Archives départementales de l’Essonne

Figure 7: Bassin de la Villette, inauguré en 2017 © Paris.fr 12


1 PRÉSENTATION DU PROJET ET DES STRUCTURES PORTEUSES Nous verrons dans un premier temps en quoi consiste le projet «Baignade en Seine». Nous présenterons dans un second temps le Conseil départemental de l’Essonne, porteur du projet, et le service de l’eau. Nous présenterons ensuite le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement (CAUE) qui accompagne le Conseil départemental dans la démarche et aborderons enfin les spécificités de la mission qui m’était confiée lors de mon apprentissage.

A. Le projet «Baignade en Seine» Le conseil départemental de l'Essonne (CD91) initie en juin 2018 une démarche d'animation territoriale dans le but de mettre en place des sites de baignade en Seine, ouverts au public, à l'horizon 2024. La métropole du Grand Paris accueillera en 2024 les Jeux Olympiques d'été. Elle prévoit, dans ce cadre, en collaboration avec la région Île-de-France, un programme orienté autour du fleuve, proposant un maximum d'épreuves dans, sur ou au bord de la Seine. Ce programme permettrait de laisser en héritage des JO des sites de baignade naturelle en Seine. Or, il s'arrête aux portes de la Métropole et donc de l'Essonne. Le Département a souhaité mettre en place une démarche, afin d'ouvrir sur son territoire des sites de baignade d'ici 2024. Bien qu'aucune épreuve olympique ne soit prévue en Essonne, le Département souhaite profiter de la dynamique olympique. Au-delà de la baignade, c'est ainsi l'occasion de questionner le rapport au fleuve des communes, de leurs habitants et de s'interroger sur ce que signifie aujourd'hui, vivre en bord de Seine en Essonne. Se baigner dans la Seine en 2024 reste une idée farfelue pour de nombreux Essonniens, techniciens et élus1. Si la baignade est interdite dans la Seine parisienne depuis 19232, elle n’a été que récemment interdite en Essonne. En effet, en raison de la qualité bactériologique de l'eau, du trafic fluvial et de l'enlisement, un arrêté préfectoral interdisant la baignade a été déposé en 2017 sur l'ensemble de la Seine en Essonne3. Pourtant, il y a encore 50 ans, la Seine et ses baignades étaient un lieu de rendez-vous incontournable. Cela ne signifie pas pour autant que la qualité de l’eau s’est dégradée, bien au contraire. La surveillance de la qualité de l’eau y est simplement plus régulière et les réglementations sanitaires plus vigilantes. Cet arrêté vient confirmer administrativement 50 ans d’éloignement progressif de la ville et du fleuve. Il suffit d'observer les cartes postales anciennes pour comprendre que la relation au fleuve a bien changé en quelques décennies. (Figure 6). 1 2 3

D’après les réactions observées au quotidien dans le cadre du projet https://www.apur.org/sites/default/files/documents/Baignade_en_Seine_et_en_Marne_CADRE.pdf

n °ARS91 -2017 -VSS, le 20 juillet 2017

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Figure 8: Site identifié par la Métropole à Viry-Châtillon © Viviane André

Figure 9: Site potentiel de baignade à Soisy-sur-Seine © Viviane André 14


À l'heure actuelle, les obstacles à lever pour retrouver des usages plus variés en lien avec le fleuve sont de trois ordres : sociologiques, réglementaires, et techniques. Le principal obstacle est sociologique. L'image de la Seine a longtemps été malmenée et cantonnée à son rôle économique et industriel. Les villes lui ont progressivement tourné le dos. C'est donc un travail de communication et de sensibilisation qui doit être mené. Ouvrir le champ des possibles et l'imaginaire autour de la Seine, rendre le fleuve visible et lisible par les habitants comme les élus est un véritable chantier. Le second obstacle est réglementaire. La Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement (DRIEA) veille à la sécurité et à la conformité réglementaire des aménagements. Or, la baignade dans la Seine sort du cadre réglementaire habituel. L'expérience du bassin de la Villette, mis en place par la mairie de Paris, est très instructive à ce sujet. Cette structure flottante, classée ERP4, est surveillée 24h/24h. Sa fréquentation est décomptée par des portillons. La piscine ne peut accueillir plus de 300 personnes dans l'eau. La structure flottante est entourée par une barrière de sécurité empêchant aussi bien les visiteurs de plonger à l’extérieur de la structure, que des personnes extérieures et embarcations diverses d'accoster sur la structure (Figure 7). L’ensemble des mesures de prévention imposées par la DRIEA engendrent une structure imposante et coûteuse, bien loin des plages naturelles et des installations légères souhaitées en Essonne. La réglementation est en cours d'adaptation. Un dialogue doit être instauré avec les acteurs du trafic fluvial, notamment VNF5. Des études très précises de la trajectoire empruntée par les divers gabarits d’embarcation autorisés à naviguer sur le fleuve doivent être réalisées avant toute autorisation. Un cadre réglementaire pour la baignade en Seine doit donc être progressivement inventé. Enfin, le projet doit résoudre des contraintes techniques. Elles concernent autant l'amélioration de la qualité de l'eau que l'aménagement des berges. Certaines berges sont laissées à l'abandon et difficiles d'accès. Des aménagements très légers et peu coûteux peuvent parfois suffire. Il est cependant important de veiller à la préservation de la biodiversité. En effet, les berges sont, ou peuvent devenir, un espace de nidification et de biodiversité aquatique particulièrement important. La Seine est d'ailleurs identifiée à ce titre dans le Schéma Directeur Régional d'Îlede-France (SDRIF). De plus, l'aménagement des berges et leur lien avec la ville centre, leur accessibilité et leur visibilité est ainsi encore à améliorer dans certaines communes. (Figures 8 et 9) Pour mener à bien ce projet, le Conseil Départemental a chargé le Service de l'eau (Direction de l'environnement) de piloter la démarche de reconquête de la baignade en Seine. 4 5

Établissement recevant du public Voies navigables de France, Établissement Public de l’État 15


Figure 10: François Durovray, président du département de l’Essonne, le 22 mai 2019 dans le hall de la gare de Lyon © Twitter @DUROVRAY

Figure 11: Affiche de communication du département de l’Essonne © Twitter @Epoka_Agency 16


B. Le Conseil départemental de l’Essonne, porteur du projet

Au sein du Conseil départemental de l’Essonne (CD91), le projet « Baignade en Seine » est porté par le service de l’eau, dirigé par Yann Bardet. Amandine Luez, cheffe de secteur eau potable assainissement est en charge du projet. Une apprentie ingénieure en environnement a été recrutée pour l’accompagner dans cette mission : Céline Mancel. Le service de l’eau fait partie de la direction de l’environnement pilotée par Marie Claude Bonin. Présidé depuis 2015 par François Durovray (LR), le Conseil départemental de l’Essonne est une collectivité territoriale décentralisée. L’Essonne est un département d’Île de France d’une superficie de 1 804,4 km² avec une densité de population de 685,8 habitants par km². Situé à 40 km de Paris, le Département est riche par la diversité de ses paysages et de sa population. C’est un département jeune, tant par sa population que par son histoire, puisqu’il naît en 1968 suite à la réorganisation territoriale de 1964. Brigitte Vermillet (LR), 12e vice-présidente déléguée au développement durable et à l’environnement et conseillère départementale de Savigny-sur-Orge, est l’élue en charge du projet « Baignade en Seine », épaulée par Éléonore Di Mario, chargée de mission. Cette démarche s’intègre parfaitement dans les politiques départementales essonniennes axées sur le sport et la nature. Le département est le plus fourni d’Îlede-France en équipements sportifs6. Mais il compte également cent vingt-trois sites touristiques, deux villes royales, cinq musées de France et de nombreux lieux culturels et de loisirs, trois domaines départementaux et vingt deux espaces naturels sensibles. « Des atouts exceptionnels qui méritent qu’on les découvre ! »7, précise François Durovray. En juin 2019, une campagne de communication du Département déploie d’ailleurs jusque dans les gares parisiennes, des affiches portant pour slogan « Sentez-vous loin près de chez vous ». Cette campagne présente trois exemples du patrimoine architectural et paysager de l’Essonne, aux portes de la Métropole. (Figures 10 et 11) Le projet « Baignade en Seine » a donc pour objectif d’aménager et d’ouvrir des sites de baignade dans la Seine en Essonne d’ici 2024. Mais, au-delà de la baignade, l’objectif est de mettre en valeur les atouts naturels et touristiques du Département et d’offrir à tous les Essonniens des espaces de pratique sportive gratuits et accessibles. Si tous les sites ne sont pas « baignables » à cette date, l’objectif est qu’une dynamique de projet se soit mise en place autour de la Seine. Car c’est avant tout un enjeu de reconquête du fleuve et de mise en valeur d’un patrimoine paysager auquel le projet répond. Pour l’accompagner dans la démarche, notamment sur les enjeux liés à l’aménagement, le service de l’eau a fait appel au Conseil d’Architecture et d’Environnement de l’Essonne (CAUE91). 6 http://www.essonne.fr/en/le-departement/lactualite-du-conseil-departemental/news/sentezvous-loin-pres-de-chez-vous/ 7 Ibid. 17


Convention partenariale d’objectifs et de moyens

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ESSONNE

2017-2019

François DUROVRAY Président

Eleonore DI MARIO

Brigitte VERMILLET

Chargée de mission

Vice-présidente

Direction de la communication et de l’information

Direction de l’environnement Marie-Claude BONIN Association d’interêt publlic

François-Gilles Egretier Directeur de la communication et de l’information

Service de l’eau

CAUE

Yann BARDET

Valérie KAUFFMANN

Chef de service

Directrice

Amandine LUEZ

Alexis LINGE

Cheffe de projet

Chargé de mission

Celine MANCEL Apprentie

Viviane ANDRE Apprentie Employée par le service de l’eau, quotidiennement missionnée au sein du CAUE91

Figure 12: Organigramme du projet «Baignade en Seine» en juin 2019 © Viviane ANDRE

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C. Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de l’Essonne, accompagne le Conseil départemental dans le projet Le Conseil départemental a choisi d’associer au projet le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de l’Essonne (CAUE91) afin de compléter l’expertise technique du service de l’eau par une expertise paysagère et urbaine. (Figure 12) Les CAUE sont des organismes associatifs investis d’une mission d’intérêt public. Ils conseillent, forment, informent et sensibilisent tous les publics à l’architecture, l’urbanisme, l’environnement et le paysage. Ils agissent à l’échelle départementale. Créé à l’initiative du Conseil départemental dès 1979 et dans le cadre de la loi sur l’Architecture de 1977, le CAUE de l’Essonne était présidé par Thomas Joly, Maire de Verrière-le-Buisson8. Association de droit privé, ses statuts sont définis par un décret. Son conseil d’administration est composé de représentants de l’État, de collectivités territoriales, de professionnels de l’acte de bâtir et d’aménager et de représentants de la société civile. Le Conseil d’administration est composé de vingt-et-un membres répartis dans quatre collèges, auxquels s’ajoutent quatre invités permanents. - Le collège des collectivités territoriales désigné par le Conseil départemental - Le collège des représentants de l’État - Le collège de personnalités nommées par le préfet - Le collège élu par l’assemblée générale Dirigée par Valérie Kauffmann, l’équipe de chargés de mission est actuellement composée de quatre architectes, d’un urbaniste et d’un paysagisteurbaniste. Le CAUE accueille également régulièrement des stagiaires. Trois salariés complètent l’équipe : une assistante administrative, une comptable et un infographiste-webmaster. Alexis Linge, paysagiste-urbaniste a été chargé de suivre le projet au sein de l’association. Le CAUE91 et le Conseil départemental de l’Essonne sont liés par une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens pour la période 2017-2019. Le partenariat développé entre les deux parties s’articule autour de deux axes : l’appui aux territoires et l’appui aux politiques départementales. Pour l’année 2018, un avenant à cette convention a été rédigé afin d’ajouter l’appui du CAUE au conseil départemental en matière de politique de l’eau, et donc, du projet « Baignade en Seine ».9

8 Le mardi 2 juillet 2019, le CAUE apprend le décès soudain et inattendu de son président Thomas JOLY qui portait avec conviction les ambitions de l’association pour un aménagement plus durable. La structure reste actuellement sans président en attente d’une nouvelle nomination. 9 https://www.caue91.asso.fr/ 19


D. La mission J’ai été engagée au sein du service de l’eau comme seconde apprentie, afin d’accompagner Amandine Luez dans le projet. Missionnée par le Conseil départemental, ma mission était d’animer la mise en place de la baignade en Seine en Essonne avec les principaux partenaires, d’identifier et d’associer les acteurs pertinents, de déterminer les contraintes à l’implantation de sites de baignade et d’identifier en Essonne des sites potentiels. Parallèlement, la mission consiste à proposer des solutions techniques à l’aménagement des sites en fonction des contextes, suite à leur diagnostic et à la réalisation de plans programmes adaptés, en collaboration avec les acteurs locaux. J’ai été pour ce faire, de part mon profil d’architecte, intégrée au sein du CAUE 91, aux côtés d’Alexis Linge, d’octobre 2018 à septembre 2019. Le Conseil départemental réalise à l’été 2019 une campagne de prélèvements d’eau en Seine valant pour la première des quatre années de suivi de qualité de l’eau exigées par l’ARS pour l’ouverture d’un site de baignade. Il était donc indispensable de débuter la campagne de mesure à l’été 2019 pour toute commune espérant ouvrir un site de baignade à l’été 2024. La première partie de la mission consistait à fédérer le plus de communes possible autour du projet. Il s’agissait de les rencontrer et d’identifier, avec elles, les sites de baignade potentiels. La mission était donc multiple : donner envie de participer au projet, fournir des exemples et références démontrant la faisabilité de la démarche, rencontrer les acteurs de la Seine afin de comprendre et retransmettre les contraintes à l’aménagement des berges et des sites de baignade, recenser les projets, études et démarches passées et en cours sur le fleuve et les retransmettre, et enfin, identifier en partenariat avec les communes, ainsi que les autres acteurs de la Seine, les sites de baignade potentiels et les sites de prélèvement. C’est finalement un rôle d’animation de réseau et la fabrique d’une dynamique de projet autour du fleuve qui était au cœur de la mission. Le CAUE a pour objectif d’ouvrir la réflexion au-delà de la baignade, sur le rapport que nous entretenons avec le fleuve aujourd’hui en Essonne. Ouvrir le champ des possibles et l’imaginaire des parties prenantes du projet, puis leur donner à voir la diversité des solutions techniques et des partenariats possibles pour réaliser ses ambitions, telle était principalement la mission. En effet, « le paysage se définit par ses caractéristiques formelles, mais aussi par la lecture qui en est faite » (CORBIN, 198810), il est pour cela nécessaire de faire évoluer le regard que les acteurs du territoire portent sur lui pour le faire évoluer à son tour.

10 20

Cité dans ROMAIN, 2010, §1.


2 DIAGNOSTIC ET ENJEUX DE LA RECONQUÊTE DE LA BAIGNADE EN SEINE EN ESSONNE Au-delà du projet de baignade, la démarche lancée par le Conseil départemental répond à des enjeux multiples. Nous verrons dans un premier temps que le fleuve est une figure territoriale forte, porteuse d’image urbaine, en constante évolution. Nous verrons dans un second temps que le projet répond à des enjeux politiques et économiques. Enfin, nous verrons que le projet s’inscrit dans une démarche d’amélioration du cadre de vie pour la résilience du territoire.

A. Le fleuve porteur d’image urbaine en perpétuelle évolution

La reconquête de la baignade en Seine questionne l’image du fleuve et par là-même, « l’image urbaine » (ROMAIN, 2010, §1). Fanny Romain parle même du fleuve comme « support scénographique du spectacle urbain » (ROMAIN, 2010, §8). Il s’agit alors de «redécouvrir», ou de reconquérir, «les fronts d’eau». (GHIOTTI, 2009, p.75) Cette formulation, « redécouvrir le fleuve » auquel les villes et les habitants auraient « tourné le dos »11, est très régulièrement utilisée par les acteurs du projet de Baignade en Seine. En Essonne, si l’on retrouve des traces préhistoriques, la constitution de la première ville de la vallée se fait à Corbeil-Essonnes. Ville fortifiée dès le IXème siècle, à la confluence entre l’Essonne et la Seine, et point de traversée du fleuve, elle se développe rapidement (Figure 13). La vocation industrielle de la ville se précise au XVIIIème siècle avec l’implantation de tanneries, poudreries et fabriques diverses. Le fleuve est un axe de transport et une ressource en eau particulièrement précieuse pour leur développement. Les carrières de sable et de meulière font rapidement la renommée de la vallée. Le fleuve et ses coteaux boisés attirent également les nobles. Entre Paris et Fontainebleau, la vallée de la Seine devient un lieu de villégiature et symbole de plaisance et de loisirs (Figures 14 et 15). Le visage de la vallée change radicalement avec l’arrivée du chemin de fer en 1840, reliant Paris et Corbeil-Essonnes. C’est le début de la révolution industrielle, la population de la vallée augmente rapidement et d’autres industries se multiplient. La rive droite s’urbanise alors à proximité des gares ferroviaires. Édouard Philippe disait d’ailleurs «Elle [la Seine] est aussi et surtout le premier système logistique français, qui innerve un bassin industriel de premier plan puisqu’il génère plus d’un tiers du PIB national et réunit trois de ses plus grands ports»12. Ce rôle économique est donc toujours valable aujourd’hui.

11 VERMILLET Brigitte, Vice-présidente du Conseil départemenral de l’Essonne, le 15 juillet 2019 lors du Big Jump: https://www.youtube.com/watch?v=tfWjS4EjL6Q 12 PHILIPPE, Édouard, lors de son discours du 7 février 2019 21


Figure 13: La ville de corbeil, gravure de Claude Chastillon, 1610-1640 © Archives départementales de l’Essonne

Dès le IXème siècle, la ville de Corbeil devient un lieu de passage stratégique à la confluence de la Seine et de l’Essonne.

Lieu de plaisance et de villégiature, le bassin de la Seine voit se multiplier les domaines donnant sur le fleuve Figure 14: Evry Petit-bourg, Château des Tourelles © Archives départementales de l’Essonne

Les baignades telles que celles de Ris-Orangis ou Corbeil-Essonnes sont des lieux de rencontre et de loisir très appréciés au XXème siècle. Figure 15: Baignade de Ris-Orangis © Archives départementales de l’Essonne 22


Mais la vallée de la Seine est également réputée au XIXème siècle pour être le berceau des impressionnistes. Entre l’Yerres et la Seine, de Draveil à Morsangsur-Seine, les paysages ont inspiré de nombreux écrivains et peintres comme Alfred Daudet, Émile Zola, Eugène Delacroix, Gustave Caillebotte, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Claude Monet ou encore Georges Clémenceau (Figure 16). Au XXème siècle les baignades de Corbeil-Essonnes et de Ris-Orangis étaient des lieux de rendez-vous prisés. De nombreuses générations d’Essonniens y ont appris à nager. Dans les années 1960, s’esquisse un nouveau pan de l’histoire du territoire. En 1965, le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAURP) projette la construction de villes-nouvelles reliées à Paris par le Réseau Express Régional (RER). En Île-de-France, Évry, Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée et Melun-Sénart voient le jour, afin d’accueillir l’accroissement de la population parisienne et de créer de nouveaux pôles d’emplois. Évry et Sénart s’implantent sur les plateaux agricoles en Essonne afin de préserver la vallée. En 1976, les rives de Seine deviennent un site inscrit et sont ainsi protégées. L’activité économique et le développement urbain se concentrent alors en rive gauche, entre RER, Nationale 7 et Autoroute A6. Les villes du plateau tournent progressivement dos au fleuve (Figure 17). Ce retournement des villes peut également s’expliquer par les crues répétées. La Seine est aussi synonyme de danger (Figure 18). Les habitants ont encore été touchés en 2016 et 2018 par des crues. Ces épisodes jusqu’alors exceptionnels sont pourtant voués à se multiplier avec l’imperméabilisation continue des sols des plateaux et le changement climatique en cours. Le fleuve devient progressivement un espace servant pour le territoire. C’est le bassin de l’industrie, dans lequel sont rejetées les eaux usées et pluviales. Pourtant, de la pêche à l’aviron en passant par la voile, quelques pratiques de loisir persistent. Même la nage, pourtant interdite, attire encore quelques adeptes durant les fortes chaleurs. Cependant, les noyades sont régulières, car, par manque d’information et de culture du risque, certains habitants se mettent en danger. L’activité industrielle de la Seine laisse désormais progressivement place à des polarités urbaines très denses comme à Juvisy et Viry-châtillon. Les paysages de la vallée ont radicalement changé en un siècle, notamment par la disparition des nombreuses carrières de part et d’autre du fleuve: certaines remblayées, d’autres devenues lacs comme ceux de Viry-châtillon et de Grigny. Accueillant des activités nautiques pour l’un, devenu un véritable réservoir de biodiversité pour l’autre, ils offrent aujourd’hui des paysages très appréciés des habitants. Si des usages de loisir persistent, ils ne sont que très peu visibles et peu d’Essonniens en ont connaissance. Le fleuve semble avoir disparu du quotidien. Il est parfois même absent des PADD13 et règlements de PLU14 des communes riveraines. Dangereux, pollué et pourtant attirant, il revient progressivement au cœur du discours de nombreux élus. Brigitte Vermillet parle d’une « réappropriation 13 14

Projet d’aménagement et de développement durable Plan Local d’Urbanisme 23


La Seine et de l’Yerres ont particulièrement inspiré les peintres impressionnistes. Figure 16: La Seine à Champrosay, 1867, Auguste Renoir © Archives départementales de l’Essonne

La ville d’Evry est un véritable symbole de la transformation du territoire par les villes nouvelles à la fin du XXème siècle. Figure 17: Evry, ville nouvelle en construction: les pyramides © Archives départementales de l’Essonne

La crue de 1910 est un évènement historique, repère de la crue centenale. Elle est très régulièrement utilisée comme référence dans le cadre de la sensibilisation au risque que représente le fleuve. Des repères de montée des eaux sont présents dans de nombreuses villes riveraines du fleuve comme à Juvisy-sur-Orge, EvryCourcouronnes et CorbeilEssonnes. Figure 18: Crue de 1910 au pied des moulins de Corbeil © Archives départementales de l’Essonne 24


par les habitants » essentielle pour faire face au réchauffement climatique15. En effet, nous verrons que le fleuve est un atout de cohésion politique et d’attractivité économique, puis dans un second temps qu’il est aussi porteur d’enjeux sanitaires et sociaux ainsi qu’un bien commun essentiel pour la résilience du territoire face aux changements climatiques à venir.

B. Enjeux politiques et économiques : Au delà du département, un territoire en quête d’identité Le projet « Baignade en Seine » répond à une ambition départementale : être intégré dans la dynamique olympique et ne pas être un territoire à la marge de la Métropole. Sans être explicitement exprimée, l’ambition de certains élus d’être, un jour peut-être, finalement désignés pour accueillir une épreuve olympique peut parfois se lire en filigrane16. Jean-François Bel, élu de la commune de CorbeilEssonne, y fait allusion lors du comité de pilotage du 13 février, évoquant la qualité d’eau du fleuve à Corbeil-Essonne, bien meilleure que dans la capitale17, et ne s’interdisant pas à croire à une épreuve olympique sur son territoire, sous le ton de l’humour. Un site de baignade a d’ailleurs été identifié par l’APUR18 à Virychâtillon. En revanche, ce site n’apparait pas pour le moment dans le plan d’action de la Métropole; à la marge de l’étude. Elle n’a pas prévu pour le moment d’y financer des aménagements ou d’imaginer sa transformation. Entre berges urbaines, industrielles et naturelles, l’Essonne, sur ses 25 km de fleuve présente des paysages variés. Depuis Paris, ce sont les premières berges naturelles et coteaux boisés que l’on découvre en remontant le fleuve. La forêt de Sénart et les nombreux lacs sont des atouts majeurs pour le territoire. Tandis que le département du Val de Marne est engagé dans la reconquête de ses fleuves depuis plusieurs années, que la Seine Aval, de Paris au Havre, fait l’objet d’un CPIER19 et que la Métropole accueillera les Jeux Olympiques, s’engager sur le sujet était l’occasion pour le département de ne pas être mis de côté. Le Maire du CoudrayMontceaux, François Gros, définit les habitants de l’agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart (GPS) comme « les grands oubliés de la Métropole »20. À propos de la campagne de communication pour le tourisme en Essonne réalisée en juin 2019, François Durovray expliquait : « Cette campagne affiche un double enjeu : susciter -ou créer !- le sentiment d’appartenance et de fierté pour les Essonniens et servir la notoriété et l’image de l’Essonne, auprès du grand public. Pour, in fine, faire valoir et faire rayonner une identité essonnienne au service de son attractivité, loin des poncifs et reflétant les talents de notre département »21. 15 VERMILLET Brigitte, vice présidente du Conseil départemental de l’Essonne, le 15 juillet 2019 lors du Big Jump: https://www.youtube.com/watch?v=tfWjS4EjL6Q 16 D’après observations de terrain. 17 D’après les prélèvements et études réalisés par le Conseil départemental de l’Essonne 18 Atelier Parisien d’Urbanisme 19 Contrat Plan interrégional État-Région. 20 GROS François, à l’occasion de la présentation de l’atelier « Vivre la Seine au quotidien », le 16 mai 2019. 21 http://www.essonne.fr/en/le-departement/lactualite-du-conseil-departemental/news/sentezvous-loin-pres-de-chez-vous/ 25


Figure 19: Une rupture sociale entre les deux rives

ATHIS MONS

VIGNEUX SUR SEINE

JUVISY SUR ORGE DRAVEIL VIRY CHÂTILLON GRIGNY RIS ORANGIS

Niveau de Niveau devie viemédian: médian par commune en 2015:

SOISY SUR SEINE

Inférieur à 17 000€

ETIOLLES EVRY

17 000 € à 22 000 €

SAINT GERMAIN LES CORBEIL

COURCOURONNES

22 001 € à 27000 €

CORBEIL ESSONNES

27 001 € à 33 000 € SAINTRY SUR SEINE

SAINT PIERRE DU PERRAY

MORSANG SUR SEINE

Supérieur à 33 000 €

Limite départementale Limites communales

LE COUDRAY MONTCEAUX

Seine Affluents

250 M

Réalisée par Viviane André Source: INSEE 2015

Figure 20: Des orientations politiques divergentes entre les deux rives

ATHIS MONS

VIGNEUX SUR SEINE

JUVISY SUR ORGE DRAVEIL VIRY CHÂTILLON GRIGNY RIS ORANGIS

Famille politique du du maire de 2014: Orientation politique maireélu éluau enmunicipales 2014:

SOISY SUR SEINE

Sans étiquette

ETIOLLES EVRY

Extrême gauche (PCF)

SAINT GERMAIN LES CORBEIL

COURCOURONNES

Gauche (PS, EELV, Divers gauche,...)

CORBEIL ESSONNES

Centre (UDI) SAINTRY SUR SEINE

SAINT PIERRE DU PERRAY

MORSANG SUR SEINE LE COUDRAY MONTCEAUX 250 M

26

Droite (UMP, PRS, Divers droite,...) Extrême droite (DLF) Limite départementale Limites communales Seine Affluents

Réalisée par Viviane André Source: intérieur.gouv


Le projet porte aussi un enjeu de cohésion politique interne au département, entre les trois nouveaux EPCI et les différentes collectivités territoriales parfois rivales, ainsi qu’entre rive gauche et rive droite, aux contextes politiques et sociaux opposés. En effet, la rive droite concentre des populations bien plus aisées que la rive gauche marquée par une urbanisation dense, une concentration plus importante de logements sociaux et un taux de pauvreté élevé22 (Figures 19). Cette opposition historique se ressent également dans les orientations politiques des communes des deux rives. La rive gauche est historiquement plus socio-démocrate que la rive droite (Figures 20). La Seine est aussi une frontière. Difficile à traverser, elle doit désormais réconcilier les deux rives. Faire projet commun autour du fleuve est un enjeu politique dépassant les limites départementales. Les continuités d’aménagement le long du fleuve sont essentielles afin d’améliorer la qualité de l’eau, de permettre la réalisation de certaines infrastructures telles que l’eurovélo323 et de développer le trafic fluvial. La coopération est donc essentielle, de la source à l’estuaire. Si la Vallée de la Seine aval développe un programme de développement économique et touristique orienté autour de l’augmentation du trafic fluvial, le développement des grands ports et vise un tourisme national et internationnal de croisièristes (VALLEE DE LA SEINE, 2015),

les territoires de Seine amont n’ont pas les mêmes ambitions. Le développement du tourisme national ou même régional, n’est pas encore d’actualité pour de nombreuses communes visant en premier lieu à améliorer le cadre de vie de leurs habitants24. Ainsi, les avis divergent notamment autour de l’aménagement de l’Eurovélo 3. Certaines acteurs comme la commune de Ris-Orangis, les associations de cyclistes ou encore GPS sont plutôt en faveur de l’aménagement de la continuité douce pour le tourisme itinérant, tandisque d’autres communes comme Le CoudrayMontceaux préfèrent limiter l’accès à leur berges afin d’éviter les conflits d’usages. De nombreuses communes n’ont, quant-à-elle, pas exprimé d’ambition sur le développement touristique fluvial. Roncayolo parle d’une « course actuelle à l’identité et à l’image de la ville » (RONCAYOLO, 1990, p.257). La reconquête du fleuve s’y inscrit totalement. Il s’agit désormais de « marketing territorial » (MARGETIC et al., 2016, p.132). Le fleuve pourrait également avoir un rôle unificateur, comme l’évoquait Édouard Philippe : «Comme le Nil féconde l’Égypte, la Seine fédère le bassin parisien, cette terre riche, matrice de croissance, d’emplois et de civilisation, à l’origine de l’unification française.»25 Les fleuves fédèrent de plus en plus car ils sont également un bien commun à protéger et à mieux maîtriser pour la résilience des territoires face aux changements climatiques à venir. 22 INSEE 2018 23 L’eurovélo3 est un itinéraire cyclable européen longeant la Seine en Essonne et reliant Saint-Jacques de Compostelle (Espagne) à Trondheim (Norvège) 24 D’après les observations de terrain, notamment dans le cadre du workshop organisé par les ateliers de Cergy en juillet 2019 et les débats qui ont eu lieu sur le sujet entre les acteurs locaux 25 PHILIPPE, Édouard, Lors de son discours du 7 février 2019 27


Figure 21: Des atouts paysagers et urbains complémentaires

La rive droite profite d’espaces naturels remarquables. Véritable richesse pour le cadre de vie des Essonniens, ils peuvent profiter aux habitants de la rive gauche. Celle-ci est, à l’inverse très bien desservie par les infrastrctures de transport, profite d’importants pôles d’emplois et de services. Ainsi, la vallée de la Seine peut favoriser le partage des atouts complémentaires de chaque rive.

Aéroport d’Orly

N7 ATHIS MONS

JUVISY SUR ORGE

Vallée de l’Yerres

Lac Montalbot VIGNEUX SUR SEINE

Base de loisirs de Draveil

RC

DRAVEIL

RE

VIRY CHÂTILLON

Lacs de Viry et Grigny

Forêt de Sénart

GRIGNY SOISY SUR SEINE

RIS ORANGIS

ETIOLLES

N118

Cité administra�ve

SAINT GERMAIN LES CORBEIL

N118

Atouts paysagers

Espaces boisés

EVRY COURCOURONNES

Espaces humides

Carré Sénart

Génopole

Espaces naturels et agricoles Atouts «urbains»

Cirque de l’Essonne

Polarités urbaines: pôle d’emplois et de services Equipements de transport structurant: Gare, aéroport

CORBEIL ESSONNES

Fouille Loury

SAINT PIERRE DU PERRAY

SAINTRY SUR SEINE

A6

Infrastructures routières structurantes Réseau férré et gares RER

RD

RE

MORSANG SUR SEINE

Forêt de Rougeau

Vallée de l’Essonne LE COUDRAY MONTCEAUX N7

250 M

28

Réalisée par Viviane André, Source: INSEE 2015


C. Pour la résilience du territoire : environnement, santé et cadre de vie Le fleuve est avant tout un bien commun. Contrairement aux montagnes, les fleuves n’ont jamais fait l’objet de loi de protection spécifique. En revanche, on parle de la ressource qu’ils représentent (GHIOTTI, 2009). En 1992, la loi sur l’eau définit cette ressource comme « patrimoine commun de la nation » (GHIOTTI, 2009, p.73). Il paraît donc primordial d’en assurer l’accès et la jouissance par tous et de la protéger. L’ouverture de sites de baignade et l’amélioration de l’accès aux espaces naturels de la vallée de la Seine sont des outils de résilience du territoire face au réchauffement climatique. Elsa Richard démontre le lien étroit entre reconquête des fleuves et changement climatique (RICHARD, 2013). En effet, l’eau est un bien précieux à protéger et une ressource vitale. Les cours d’eau sont également des îlots de fraicheur durant les plus fortes chaleurs. Au-delà du bien rare que représentera l’eau, et donc la préservation nécessaire de sa qualité, les berges de Seine sont aussi de véritables réservoirs de biodiversité. Le fleuve est inscrit dans le SRCE26 et le SDRIF27 comme une continuité écologique à préserver. Certains affluents sont des continuités à restaurer, comme le Ru de l’écoute-s’il-pleut ou encore l’Orge, couverte durant sa traversée de la ville de Juvisy-sur-Orge. Le retour au fleuve porte également des enjeux sanitaires. Au-delà des enjeux de qualité de l’eau, c’est aussi l’accès aux pratiques sportives et aux loisirs, ainsi que l’amélioration du cadre de vie qui sont en jeu, afin d’améliorer le « bien-être » des habitants. L’OMS définit d’ailleurs la santé comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité» (OMS, 1946). Ce constat est d’autant plus valable en Essonne, où les écarts de revenus entre les deux rives sont frappants. Cette opposition sociale se double d’une opposition structurelle : la rive gauche urbaine, dense et industrielle, bien desservie par le réseau ferré, fait face à une rive droite naturelle et boisée, ponctuée de petits villages et de lacs. Cette complémentarité peut devenir un véritable atout. Rendre accessible le fleuve et le patrimoine naturel à tous les habitants est aussi un enjeu social. Donner accès à tous à des espaces de baignade et de loisir, c’est permettre, à des ménages qui n’ont pas les moyens de partir en vacances, de s’évader (Figure 21). Le projet « Baignade en Seine » initié par le département de l’Essonne porte donc en réalité des enjeux bien plus larges que la reconquête de la baignade. Entre enjeux politiques, économiques, sanitaires, sociaux et environnementaux, la reconquête des berges de Seine et l’évolution de ses représentations dans l’imaginaire collectif sont l’affaire de tous. Cependant, le territoire de la Seine en Essonne est complexe et rassemble de nombreux acteurs à coordonner pour espérer faire projet commun. 26 27

Schéma Régional de Cohérence Écologique Schéma Directeur Régional d’Île-de-France

29


Figure 22: Territoire Essonnien du projet «Baignade en Seine» Marne METROPOLE du Grand Paris

VAL DE MARNE

SEINE ET MARNE ESSONNE

Grand Orly Seine Bièvre

Yer re

s

ATHIS-MONS VIGNEUX SUR-SEINE JUVISY

Val d’Yerres Val de Seine

Yv et

te

DRAVEIL

VIRY CHÂTILLON e

Org

SOISY SUR-SEINE

GRIGNY RIS-ORANGIS

ETIOLLES EVRY COURCOURONNES

SAINT-GERMAIN LES-CORBEIL

CORBEIL ESSONNES SAINT-PIERRE DU-PERRAY

Grand Paris Sud

SAINTRY SUR SEINE

ne

MORSANG SUR-SEINE

on

Ess

LE COUDRAY MONTCEAUX

Juine

Seine

1 km

30

Réalisée par Viviane André, Source: Conseil départemental de l’Essonne


3 LE BASSIN DE LA SEINE EN ESSONNE :

UN MILLE-FEUILLE TERRITORIAL COMPLEXE À COORDONNER

La Seine traverse l’Essonne à son extrémité nord-est. Le projet concerne une petite portion du territoire départemental et rassemble pourtant de nombreux acteurs. Nous verrons dans un premier temps que la réorganisation territoriale récente nécessite de reconstruire tout un jeu d’acteurs autour du fleuve. Nous verrons ensuite que les compétences et propriétés autour du fleuve sont complexes et nécessitent la participation de nombreux acteurs. Enfin, nous verrons que le projet départemental n’est pas le premier autour du fleuve et que de nombreuses démarches éparses préexistantes doivent être prises en compte.

A. Une réorganisation territoriale récente

Légende:

EPCI en 2016

EPCI en 2016 2016 EPCI en

Communes Contours Communes riveraines communes riveraines riveraines Seine Seine

Seine Affluents Affluents Affluents Limite Limite Limite départementale départementale départementale

Le territoire du projet correspond au bassin de la Seine en Essonne. Il concerne 16 communes riveraines, pour 25km de linéaire de fleuve. (Figure 22) Suite à la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM28), une importante réorganisation territoriale a eu lieu. Si elle crée en 2016 la Métropole du Grand Paris et ses douze Établissements Publics Territoriaux (EPT), la loi MAPTAM, suivie des lois Régions29 puis NOTRe30, bouleverse également l’organisation territoriale de toute l’Île-de-France (GERBEAU, 2014). Les seize communes riveraines de la Seine en Essonne étaient divisées en six EPCI en 2015. Il n’y en a depuis le 1er janvier 2016 plus que trois : (Figure 23) - Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart (GPS), une communauté d’agglomération de plus de 350 000 habitants, regroupant vingt-trois communes d’Essonne et de Seine-et-Marne. Elle englobe onze communes du projet. - Grand-Orly-Seine-Bièvre, Établissement public territorial de la Métropole (EPT12) dénombrant 700 000 habitants, est à cheval entre le Val de Marne et l’Essonne. Il permet en 2016 à six communes essonniennes d’intégrer la Métropole (dont AthisMons, Juvisy-sur-Orge et Viry-Châtillon). - Val d’Yerres Val de Seine, enfin, est une communauté d’agglomération d’environ 180 000 habitants. Elle comprend neuf communes mais ne concerne que deux communes riveraines de la Seine. Cette réforme permanente des institutions et de leur périmètre n’est pas nouvelle. Cette « grande réforme des territoires toujours recommencée » (BÉHAR et al., 2014, p.1) traduit la tentative de trouver le juste cadrage sans jamais y parvenir. 28 Loi (n°2014-58) du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles 29 Loi (n°2015-29) du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales, et modifiant le calendrier électoral. 30 Loi (n°2015-991) du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République 31


Figure 23: La loi MAPTAM réorganise le territoire de la Seine en Essonne

EPCI essonniens riverains de la Seine 2013 et 2016 ; EPCIen en 2016 2016 EPCI Contour des EPCI en 2013 EPCI en 2013

EPT12

Seine Seine Affluents Affluents

Grand Orly Seine Bièvre

VYVS

Les portes de l’Essonne

Les lacs de l’Essonne

Limite départementale départementale Limite

Val d’Yerres Val de Seine Sénart Val de Seine

Val d’Yerres

Seine Essonne

Evry Centre Essonne

GPS

Grand Paris Sud Seine Essonne Seinart Sénart en Essonne

1 km

32

Réalisée par Viviane André, Sources: APUR, Conseil départemental de l’Essonne


Au 1er janvier 2016, c’est donc de toutes nouvelles structures qui organisent le territoire. En 2015, suite aux élections départementales, le département change de couleur avec l’arrivée à sa tête de François Durovray, membre des Républicains. Le département est repris par la droite pour la première fois depuis 1998. Enfin, au 1er janvier 2019, Évry, préfecture du département, s’associe à Courcouronnes pour former la commune nouvelle d’Évry-Courcouronnes. Les syndicats d’assainissement jouent également un rôle important. On dénombre trois syndicats d’assainissement sur le territoire de projet : le SYAGE, le SIARCE et le Syndicat de l’Orge. Ce dernier est le résultat de la fusion de trois syndicats de rivière et d’assainissement (SIBSO31, SIHA32 et SIVOA33) effective au 1er janvier 2019. (Figure 29) Cette gouvernance jeune et en mouvement impacte fortement les projets du territoire. En effet, la plupart des postes sont nouveaux. Les projets sont, en 2018, à leur stade d’esquisse. Prenons l’exemple de Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart. La plupart des techniciens que nous avons rencontrés venaient de prendre leur poste à l’automne 2018. Le SCOT34 de l’agglomération est par exemple en cours de réalisation. Un vaste projet de reconquête des berges de Seine est prévu, mais la technicienne chargée du projet n’a été recrutée qu’au début de l’année 2019. C’est ainsi tout le réseau d’acteurs qui doit être reconstruit. Cependant la gouvernance récente peut aussi être un véritable atout, car chaque territoire construit ses politiques publiques et cherche à se démarquer des territoires voisins. Entre concurrences et coopération, les relations entre les territoires se réorganisent. L’élargissement des périmètres des EPCI permet de reconsidérer le fleuve comme composante essentielle du territoire. Tant qu’il joue le rôle de limite administrative, le fleuve est mis de côté (ROMAIN, 2010). On observe notamment ce phénomène dans l’évolution de Montpellier. Ce n’est qu’à partir du moment où la ville se développe sur les deux rives, où les limites administratives dépassent le cours d’eau et l’incluent, que le Lez revient au cœur des stratégies d’aménagement. « Le fleuve (…), de frontière, est devenu central dans les stratégies urbaines. » (ROMAIN, 2010, §2). C’est notamment ce qu’on observe dans le cas de Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart (GPS). Cette communauté d’agglomération est aujourd’hui l’assemblage de deux polarités urbaines importantes, de part et d’autre de la Seine, replacée au centre des cartes et des politiques communautaires. Dès la création de GPS, une étude de grande envergure est envisagée sur la place du fleuve dans le territoire. Mais les acteurs de la Seine ne se résument pas aux collectivités territoriales riveraines du fleuve. Nous le verrons, de nombreux acteurs privés, agences de l’État et associations viennent compléter le mille-feuille territorial. 31 32 33 34

Syndicat mixte du Bassin Supérieur de l’Orge Syndicat Intercommunal du Haut de l’Arc Syndicat mixte de la Vallée de l’Orge Aval Schéma de COhérence Territoriale 33


B. Des compétences et propriétés partagées Le projet « Baignade en Seine » est une initiative du Conseil départemental. Celui-ci a cependant peu de compétences en matière d’aménagement et de gestion des berges. Ses compétences en lien avec le projet sont avant tout tournées vers le tourisme, la culture et le sport, ainsi que sur la gestion des Espaces Naturels Sensibles (ENS). Il ne peut donc pas porter seul le projet. Les premiers interlocuteurs du projet sont les 16 communes riveraines. Elles représentent l’administration de proximité et détiennent des compétences très diversifiées. Libre dans l’élaboration des documents réglementaires d’urbanisme et dans la délivrance de permis de construire, la commune crée et gère les équipements sportifs et subventionne des activités sportives. Elle est en charge des aménagements touristiques et de l’entretien de la voirie communale. Elle est cheffe de file dans l’aménagement des espaces publics et de leur entretien. Les EPCI sont depuis la loi MAPTAM responsables de la compétence GEMAPI35. Ils détiennent également des compétences en matière d’aménagement de l’espace, de sport et de culture. Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart (GPS) a souhaité reprendre à sa création le volet « Stratégie Seine ». La Métropole du Grand Paris a quant à elle un pouvoir bien plus fort que le département sur son territoire. Pour les communes appartenant à l’EPT 12, la Métropole est en charge de l’environnement, du cadre de vie, de l’aménagement et du développement économique, social et culturel. Ainsi la répartition des compétences et leur articulations entre les communes et les EPCI est différente pour chaque territoire et répond à des accords entre les parties. Globalement, les EPCI ont des compétences en matière de stratégie d’aménagement, comme c’est le cas pour GPS qui réalise une étude stratégique, mais les aménagements reviennent aux communes. Ils peuvent cependant être en partie financés par l’EPCI selon les accords mis en place. La Région assure le développement économique et l’emploi. Le CPIER36 « Vallée de la Seine » signé entre l’Île-de-France et la Normandie pour le développement du bassin de la Seine, de l’estuaire à la capitale, en est un bon exemple. Elle détient des compétences en matière d’aménagement, d’environnement, de développement économique, de tourisme, de culture et de sport. Le SDRIF et le SRCE identifient quant à eux des orientations et des sites d’intérêt métropolitains pour le développement du territoire. Les Syndicat d’assainissement et de rivières, peuvent reprendre la compétence GEMAPI si les communes et EPCI le souhaitent. Ils sont responsables de la préservation et de la valorisation du patrimoine naturel et de la valorisation des trames vertes et bleues (TVB) ainsi que de tout ou partie de l’assainissement selon les compétences transférées par les agglomérations. Par exemple, le syndicat de l’Orge assure uniquement le transport des eaux usées sur son territoire. Le SYAGE assure la collecte et le transport, tandisque le SIARCE37 a des accords différents selon 35 36 37 34

Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations. Contrat de Plan Interrégional État-Régions Syndicat Intercommunal d’Aménagement, des Rivières et du Cycle de l’Eau


les communes. Ce dernier a également des compétences sur les berges de Seine, comprenant l’aménagement et l’entretien nécessaire à l’accessibilité et à l’ouverture au public des berges, la prévention et la défense contre les inondations ainsi que la protection et la restauration des sites naturels, des écosystèmes aquatiques et des zones naturelles humides ainsi que des formations boisées riveraines. Cependant, les Agglomérations peuvent aussi exercer une compétence en matière d’assainissement, comme c’est pas exemple le cas de GPS et de l’EPT12, tandisque Val d’Yerres Val de Seine a délégué l’ensemble des compétences au SYAGE. Enfin, viennent s’ajouter au jeu d’acteurs les établissements publics de l’État, tels que VNF38, gestionnaire de la plus grande partie des berges de Seine. En effet, le domaine public fluvial (DPF) est une propriété de l’État: « [Ses] limites sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder. (Article L2111-9 du CG3P) : Le domaine public fluvial correspond au lit mineur du cours d’eau. Il s’arrête au niveau le plus haut que peut atteindre l’eau avant son débordement. C’est donc la rive la plus basse qui fixe la limite de propriété (Règle dite du Plenissimum flumen).»39 (Figure 24). VNF est responsable de la gestion, de l’exploitation, de la modernisation et du développement de l’ensemble des rivières et canaux naviguables du territoire français. C’est un acteur incontournable tant pour l’aménagement du domaine public fluvial, que pour la cohabitation des usages avec le trafic fluvial. Pour tout aménagement en bord de Seine, il est nécessaire de consulter VNF. L’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN) est un établissement public de l’État. Elle joue un rôle d’appui technique et de subvention pour préserver la ressource en eau et lutter contre ses pollutions. L’agence a intégré dans son programme « eau & climat 2019-2024 » les objectifs de baignade. Haropa est un établissement public de l’État. Il exerce des missions à caractère administratif, industriel et commercial. Sa première mission est de développer le trafic fluvial en Île-de-France. Responsable des installations portuaires, il est également à consulter sur de nombreux sujets.

Figure 24: Schéma de principe de délimitation du Domaine Public Fluvial © VNF 38 39

Voies Naviguables de France http://www.lot.gouv.fr/les-limites-du-domaine-public-fluvial-et-sa-r4040.html 35


Figure 25: À la recherche de cohésion entre les projets des différents acteurs de la Seine Légende: Réflexion EPA ORSA Berges de Seine

Sites de baignade identifiés par la Métropole Sites de baignade identifiés par la Métropole Eurovélo 3: Itinéraire cyclable européen partiellement aménagécyclable européen Eurovélo 3: Itinéraire partiellement aménagé Périmètres de reflexion pour l’aménagement des berges de Seine Périmètres de reflexion pour l’aménagement des berges de Seine EPCI ayant engagé une démarche sur le fleuve EPCI ayant engagé une démarche sur le fleuve Projets ponctuels en lien avec le fleuve Projets ponctuels en lien avec le fleuve Projets communaux de valorisation des berges et de renaturation desdecours d’eau des berges Projets communaux valorisation et de renaturation des cours d’eau Projets départementaux (CD94) Projets départementaux (CD94) Seine Seine Affluents Affluents Limite départementale Limite départementale Communes essonniennes riveraines la Seine Communesdeessonniennes riveraines de la Seine

ATHIS MONS VIGNEUX SUR SEINE

JUVISY SUR ORGE

DRAVEIL VIRY CHÂTILLON

SOISY SUR SEINE

GRIGNY RIS ORANGIS

ETIOLLES

EVRY COURCOURONNES

SAINT GERMAIN LES CORBEIL

CORBEIL ESSONNES SAINT PIERRE DU PERRAY SAINTRY SUR SEINE

MORSANG SUR SEINE

500 M

36

SIARCE: Programme d’aménagement des berges de Seine - 2015

LE COUDRAY MONTCEAUX

Carte réalisée par Viviane André, sources: CAUE91, CD91, APUR, IAU, SIARCE, CD94, EPT12, GPS


Suez, groupe de gestion des eaux et des déchets, gère certaines installations et stations d’épuration en bord de Seine. Nous avons également déjà évoqué les institutions telles que la DRIEA40, la DDT41, la DRIEE42, l’ARS43 et bien d’autres qu’il est nécessaire de consulter. Enfin, de nombreuses associations agissent sur la Seine : des associations environnementales aux associations sportives et clubs nautiques, en passant par les associations culturelles, la liste des acteurs impliqués dans l’avenir de la Seine est encore longue. Travailler sur le fleuve, c’est donc mettre en évidence l’interdépendance entre de nombreux acteurs privés et publics et leurs intérêts respectifs : économiques et touristiques, sanitaires ou environnementaux, et ce, bien au-delà des frontières du département. Un des grands enjeux de ce projet est donc également de clarifier le rôle et les moyens de chacun afin de permettre l’échange et la coordination entre tous ces acteurs. Nous verrons par la suite que le chevauchement des compétences entre les acteurs a produit un nombre important d’études complémentaires mais également parfois redondantes, sans donner lieu à des actions concrètes.

C. Des projets et démarches engagées à mettre en valeur La place de la Seine en Essonne questionne déjà depuis de nombreuses années. La diversité des acteurs, la réorganisation permanente de la gouvernance territoriale et le chevauchement des compétences ont produit une quantité d’études et de projets n’ayant pour certains jamais donné suites. (Figure 25) En 1999, le Conseil général de l’Essonne44 réalise un « Schéma départemental d’aménagement des berges de la Seine dans l’Essonne ». Ce document, nonprescriptif, donne des orientations et démontre la volonté du département de replacer la Seine au cœur des politiques publiques. Créée en 2003, l’AUDESO45 était une agence d’urbanisme départementale aujourd’hui fermée. Elle a produit durant plus de 10 ans d’activité de nombreuses études sur le fleuve qui peuvent aujourd’hui être remobilisées, mais n’a jamais abordé la question de la baignade dans le fleuve. L’État prend quant à lui également la mesure du potentiel du fleuve et déploie de nombreuses études et projets. Cependant, ses actions se concentrent principalement sur la partie aval de Paris : de l’estuaire à la capitale. Les études et investissements nationaux sont plus rares dans la partie amont. VNF réalise à ce propos depuis 2018 un diagnostic du tourisme fluvial en Seine Amont. Les interets de l’Etat principalement concentrés dans un développement économique bénéfique à l’échelle national. De nombreuses associations réalisent également des études, comme La Seine en partage ou encore Maison de Banlieue ayant récemment réalisé une exposition et un livre sur l’histoire de la baignade et sur le point de réaliser une publication sur l’histoire de la Seine en Essonne. Les associations mènent des actions orientées 40 41 42 43 44 45

Direction Régionale et Interdépartementale de l’équipement et de l’Aménagement Direction Départementale des territoires Direction Régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie Agence Régionale de Santé Ancienne dénomination du Conseil départemental Agence d’urbanisme et de développement Essonne Seine Orge

37


autour de thématiques précises. La Métropole du Grand Paris, en collaboration avec la région Île-de-France, prévoyant un véritable programme tourné autour de la Seine pour les JO, a déjà réalisé de nombreuses études pour la mise en place de sites de baignade dans le fleuve. L’APUR et l’IAU ont en effet réalisé depuis 2016 des fiches de sites et identifié les espaces les plus à même d’accueillir la baignade. L’intérêt de la Région et de la Métropole est le developpement économique et la création d’emplois. Les EPCI de la vallée de la Seine en Essonne ne sont pas en reste concernant les études débutées sur le fleuve malgré leur jeune âge. En effet, en 2017, Grand Orly Seine Bièvre (EPT12)46 réalise une étude intitulée « La Seine au cœur de l’EPT », tandis que GPS47 lance en 2019 une étude pour la « Valorisation des berges de Seine » dans le cadre de laquelle elle a notamment fait appel aux ateliers de Cergy pour mettre en place un atelier international « La Seine au quotidien » sur son territoire. Ces EPCI nouvellement créés cherchent donc principalement dans l’aménagement des berges de Seine, à construire une identité et à se démarquer des territoires voisins. La DRIEE48 réalise également en ce moment un diagnostic du site inscrit des berges de Seine en Essonne afin de requestionner la pertinence de son classement et son périmètre. Le SIARCE a réalisé en 2015 une étude de définition d’un programme pluriannuel d’aménagement et de valorisation des berges de Seine. Certains travaux ont déjà été réalisés. Ces structures visent avant tout à la préservation du caractère environnemental et de la valeur patrimoniale des cours d’eau. Enfin, des communes s’engagent pour leurs berges. Ris-Orangis avec son projet « Ris en Seine », entame un grand projet de requalification. La phase de programmation et de concertation arrive à son terme, dans l’objectif de définir une équipe de maîtrise d’œuvre dès 2019. Juvisy-sur-Orge a récemment réaménagé une partie de ses quais et inscrit dans son PLU un projet de réouverture de l’Orge qui permettrait l’amélioration de la qualité du cours d’eau. Le projet départemental « Baignade en Seine » s’intègre donc dans un contexte et une gouvernance complexe. De nombreux projets et études ont été réalisés sur le sujet ou sont en cours, les acteurs du fleuve sont nombreux et leurs intérêts très diversifiés. Ajoutant à cela les récentes réorganisations territoriales ainsi que la diversité des enjeux abordés par le projet, nous comprenons que le premier grand chantier du projet consiste à coordonner et rassembler ces nombreuses parties prenantes autour de la table. Comment, alors, initier un projet commun autour d’enjeux partagés ? Quel rôle le Département peut-il jouer pour créer une cohésion territoriale? Cette démarche autour du fleuve est-elle pertinente à l’echelle départementale? 46 Paris 47 48 38

Grand Orly Seine Bièvre, Établissement public territorial n°12 de la Métropole du Grand Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart Direction Régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie


39


Figure 26: Les quais de Viry-Châtillon Les berges de Seine en Essonne offrent des paysages variés et riches. À Viry-Châtillon, à proximité des quais urbains, l’activité industrielle de la Seine est toujours visible.

40

© Alexis Linge


CHAPITRE 2 LE DÉPARTEMENT, UN ACTEUR INSTITUTIONNEL CONTESTÉ, PORTEUR DE COHÉSION TERRITORIALE Faire projet autour du fleuve en Essonne revêt des enjeux transversaux et nécessite la coordination de nombreux acteurs. Echelon territorial régulièrement contesté depuis de nombreuses années, le Conseil départemental est-il le porteur de projet le plus pertinent pour cette démarche ? Pourquoi le Département en est-il à l’initiative ? Nous poserons dans un premier temps les éléments de la contestation: le département est-il une structure obsolète? Dans un second temps, nous verrons que le département peut être un acteur intermédiaire pertinent dans le cadre du projet “Baignade en Seine” car porteur d’une notion de “territoire”. Enfin, nous verrons que le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement joue un rôle complémentaire enrichissant pour le projet, notamment par sa relation aux communes.

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Figure 27: EPCI et Cantons en Essonne en 2013, des territoires en relation, notamment dans le sud du département

Dans le Sud du Département, on remarque que les contours de la communauté de communes de l’Étampois Sud-Essonne correspondent parfaitement à ceux de trois cantons. Dans le Nord-Essonne, si la correspondance est moins évidente, ont ressent malgré tout une corrélation entre les limites géographiques à quelques communes près. Les relations politiques nouée dans le cadre du fonctionnement départemental semblent avoir joué un rôle dans la définition des limites intercommunales.

CC ÉTAMPOIS SUD-ESSONNE

EPCI et Cantons en 2013 en Essonne: EPCI d’Essonne en 2013 Contours des cantons (éléc�ons cantonales 2008) 5 km

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Seine

Réalisée par Viviane André, Sources: APUR, Conseil départemental de l’Essonne


1 LE DÉPARTEMENT, UNE STRUCTURE OBSOLÈTE? Afin de répondre à cette épineuse question, nous retracerons dans un premier temps l’histoire de la constitution des départements et l’origine de leur contestation. Nous verrons dans un second temps les limites de l’action du Département de l’Essonne dans un projet tel que «Baignade en Seine», pour enfin questionner l’avenir et les potentielles évolutions de l’échelle départementale.

A. La constitution des départements et leur évolution récente « En créant les départements, la Révolution française a su nous réorganiser profondément tout en gardant une grande partie des appartenances et des cadres anciens ». (Jean VIARD, in POLLET, 2015, p.210) Les départements naissent il y a plus de 200 ans, suite à la Révolution française. C’est l’idée d’égalité et d’accessibilité qui prône dans la délimitation du périmètre géographique. C’est la fameuse « journée à cheval pour rejoindre le cheflieu » (TESSON, 2006, p.201) qui détermine une taille limite au département. Mais la création des départements participe également à l’unité de la France. En niant les délimitations de provinces susceptibles de réclamer leur autonomie ou davantage de privilèges, la création des départements prône une organisation rationnelle du territoire donnant un cadre légal, ainsi que des circonscriptions électorales pour élire la future assemblée et récolter des impôts. Le département est ainsi, à l’origine, un service déconcentré de l’État créé pour assurer l’unité nationale. En 1981, cette structure perdure lors de la décentralisation et devient une collectivité territoriale indépendante. Ainsi, aujourd’hui, bien qu’il s’agisse d’une collectivité territoriale, elle porte encore l’image de la centralisation du pouvoir : « un préfet qui dirige et un conseil général qui régule » (CARRIER, 2002, p.79). Cet échelon territorial est contesté et questionné depuis de nombreuses années. Depuis une vingtaine d’années, les évolutions de la gouvernance territoriale se font d’ailleurs en défaveur du département (CHARMES et al., 2015). L’administration déconcentrée de l’État, notamment en matière d’aménagement, s’est réorganisée en faveur des régions. Dès 2008 la question de la suppression du département apparaît dans les débats jusqu’à la création du «Conseiller territorial» en 2010. Élu hybride à la fois dans l’assemblée départementale et régionale il devait rapprocher départements et régions en vue de leur fusion. Mais cette démarche a échouée, rejetée par le Sénat (MANIER, 2015). 43


Figure 28: EPCI et Cantons en Essonne en 2016, des correspondances moins marquées En 2013, le mode de gestion du département évolue. Les éléctions cantonales sont remplacées par des éléctions départementales permettant un principe de parité. Le nombre de canton ruraux diminue par deux afin d’élir un binome homme/ femme pour chaque canton en conservant le même nombre de conseillers. En 2014, la réorganisation des EPCI élargi leur périmètre et réduit leur nombre. La corrélation entre périmetre cantonal et intercommunal disparaît alors en grande partie.

CC ÉTAMPOIS SUD-ESSONNE

EPCI et Cantons en 2016 en Essonne: EPCI d’Essonne en 2016 Limites des cantons (éléc�ons départementales 2015) 5 km

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Seine

Réalisée par Viviane André, Sources: APUR, Conseil départemental de l’Essonne


Depuis les années 1990, les lois, y compris la loi MAPTAM en 2014, « voient les villes depuis leur centre et négligent les spécificités du périurbain (CHARMES et al., 2015, p.3). La région est érigée en cheffe de file de l’aménagement du territoire, du développement économique, de l’aide aux entreprises et de l’agenda 21 (CHARMES et al., 2015, POLLET et al., 2015). Le département devient quant à lui chef de file en matière d’action sociale, de solidarité territoriale et d’aménagement numérique (POLLET et al, 2015). La Loi MAPTAM visait notamment en 2015 à considérablement réduire la poids des département pour aller vers leur suppression totale. Selon le sénateur Jean François Hyest: «La thèse de ces esprits supérieurs, donc, c’est de faire disparaître à terme les départements, (...) au profit des régions et des intercommunalités, tout en dévitalisant les communes, dont le seul tort, avec le département, est d’être une institution qui est enracinée profondément dans notre République.»49. « La question aujourd’hui est de restaurer une citoyenneté vraie, active, aux bonnes échelles et de se doter des instruments de pouvoir économique proches du terrain dans monde de mobilité, d’éducation, de liens entre le plus local et le plus global » (Jean VIARD, in POLLET et al., 2015). Par les multiples réorganisation sterritoriales, l’État recherche finalement un découpage territorial plus en accord avec les modes de vie et les besoins réels des habitants, avec l’identité et le sentiment d’appartenance à un territoire, ce que le département cherchait au contraire à nier à sa création afin d’éviter toute revendication d’autonomie. L’intercommunalité et les pays sont alors vus comme les grands concurrents du département, prêts à l’absorber ou le remplacer. En 2000, le rapport « refonder l’action publique locale » pose l’intercommunalité comme « menace ultime » pour le département (MAUROY, 2000). En effet, si les syndicats de communes et syndicats mixtes apparaissent progressivement à partir de la fin du 19ème siècle - pour permettre aux nombreuses communes du pays de mettre en commun certains services - ce n’est qu’à partir de 1992 que les communautés de communes surgissent comme entités concurrentes aux départements. Les EPCI à fiscalité propre deviennent des structures de projets territoriaux indépendantes créées à l’initiative des communes. En partie libres dans leur délimitation géographique, ils sont compétents en matière de développement économique et d’aménagement de l’espace. En 1995, puis 1999, avec les lois LOADT50 et LOADDT51, les pays entrent dans le jeu complexe de l’organisation territoriale française (TESSON, 2006). Depuis, les intercommunalités n’ont cessé de prendre de l’importance jusqu’à couvrir la quasi-totalité du territoire lorsque la loi MAPTAM définit en 2014 le cadre de la création des métropoles : un EPCI aux compétences telles qu’il remplace le département dans certains territoires, 49 Jean-Jacques Hyest Sénateur de Seine et Marne, Séance du 16 décembre 2014 (compte rendu intégral des débats) https://www.senat.fr/seances/s201412/s20141216/s20141216007.html 50 Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire 51 Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire 45


Figure 29: À la révolution française, l’Île-de-France était divisée en trois départements

Les départements français en 1790. source: www.histoire-image.org

Figure 30: En 1964, les départements d’Île de France sont redivisés

Val d’Oise

Yvelines

Hauts de Seine

Seine Saint-Denis

Paris Val de Marne

Seine et Marne

Essonne

Nouveaux départements (1964) Départements créés à la révolu�on 10 km

46

Seine

Réalisée par Viviane André, source: museedelaresistanceenligne.org


comme à Lyon. Cette loi impose également un seuil de 15000 habitants pour les EPCI qui deviennent alors de plus en plus grands. Si, avant la réorganisation de 2014, les EPCI pouvaient en partie correspondre aux cantons et conservaient de fait un lien avec le département (TESSON, 2006), ce n’est que rarement le cas aujourd’hui (Figures 27 et 28). Les limites des EPCI peuvent totalement nier les limites départementales, comme c’est actuellement le cas en Essonne (Figure 28). Le département conserve donc une image de pouvoir centralisé qui s’oppose à la liberté et l’autodétermination du pays et des intercommunalités. Les plaidoyers anti-départementalistes se multiplient alors et la mort du département est annoncée. Lors de son discours du 8 avril 2014, le premier ministre Manuel Valls propose publiquement leur «suppression à l’horizon 2021» (MANIER, 2015). Cependant, cette contestation cyclique du département n’est pas nouvelle et cet échelon territorial résiste malgré tout (TESSON, 2006). En Île-de-France, et notamment en Essonne, le contexte est cependant assez différent. La création de la Métropole du Grand Paris aux portes de l’Essonne et la jeunesse du Département crée un contexte particulier.

B. L’Essonne, un département jeune aux capacités d’action parfois limitées

Si la plupart des départements sont bicentenaires, l’Essonne ne naît qu’en 1968. Avant la réorganisation territoriale de la région parisienne de 1964, l’Île-deFrance était composée de 3 départements (Figure 29) : Paris (Département de la Seine), la Seine-et-Oise et la Seine-et-Marne. Si la Seine-et-Marne reste inchangée, les deux premiers départements donneront naissance à 7 départements : Paris, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Vald’Oise et l’Essonne (Figure 30). Cette réorganisation avait principalement pour objectif de faire face à l’augmentation de la population francilienne et de simplifier l’organisation administrative de la région. Aujourd’hui, la création de la Métropole du Grand Paris englobant les départements de petite couronne et quelques communes de grande couronne, place l’Essonne en lisière. Ainsi, si les EPCI et notamment la métropole du Grand Paris prennent de l’importance dans la gouvernance territoriale de proximité, le Département de l’Essonne conserve quant à lui un poids particulier pour les communes. En effet, difficile pour les EPCI de faire concurrence avec la Métropole et de se faire entendre à l’échelle régionale. En revanche, les 4 départements de grande couronne restent des interlocuteurs essentiels pour la région. Entre métropole et ruralité, ils sont les représentants des communes et communautés de communes à la marge de la Métropole.

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Cependant, le Département de l’Essonne, bien qu’interlocuteur indispensable aux communes, souffre de l’image de l’institution centralisée et administrative, et d’un manque de connaissance de son rôle et de ses missions.52 Comme de nombreuses grosses structures, son fonctionnement complexe, son formalisme et sa hiérarchie stricte nourrissent l’image d’une institution obsolète et peu réactive. Institution profondément politique, les décisions importantes doivent être prises par les élus. Cependant, la superficie du territoire et la diversité des sujets traités par la collectivité territoriale ralentissent considérablement ses actions. À titre d’exemple, il a fallu presque un an dans le cadre du projet «Baignade en Seine» pour débuter l’organisation d’un événement de lancement de la démarche. Aucune action ne pouvait en effet être lancée, aucun élément de communication diffusé, sans l’aval de la direction de la communication et donc, du cabinet du président. Il est ainsi très difficile pour les techniciens et porteurs du projet au quotidien d’avancer dans le projet et de motiver les communes et différents acteurs du fleuve dans l’attente parfois longue de réponses de la part des élus. Bien que le cadre hiérarchique du fonctionnement départemental engendre une certaine lourdeur de procédure et ralentisse l’action du Département, il est également garant de la légitimité de cette collectivité territoriale. En effet, les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel et représentent les habitants des cantons. Les actions et politiques départementales doivent donc être le reflet de l’engagement pour lequel les conseillers ont été élus et dont ils sont les garants. Si le Département veut conserver son rôle de proximité et être le représentant du territoire, ces procédures sont nécessaires. Il en va de même pour la lourdeur de certaines procédures comme les marchés publics, ralentissant l’action du Département mais garantissant également le bon usage de l’argent public. Pour finir, il est important de noter que dans le cadre du projet « Baignade en Seine », le Département de l’Essonne, contrairement à celui du Val-de-Marne n’a pas la compétence en matière d’assainissement qui est détenue par les EPCI. Ainsi, ses capacités d’intervention sont limitées. S’il est en mesure de participer en partie aux financements de travaux d’assainissement pour l’amélioration de la qualité de l’eau, comme il le fait régulièrement pour l’EPT12, il n’est en revanche pas maitre d’ouvrage. Or ce sont ces travaux qui seront les plus coûteux et nécessiteront le plus grand engagement des parties prenantes du projet. Quelle légitimité pour le Département alors de se présenter comme chef de file et porteur d’un tel projet ? Quel impact sur la politique départementale de l’eau aura le projet «Baignade en Seine»? Quel avenir pour l’échelon départemental en Île-de-France ?

52 D’après plusieurs propos rapportés lors de l’apprentissage, notamment par Yann Bardet, chef du service de l’eau du Conseil départemental de l’Essonne. 48


C. Une réforme nécessaire de l’echelon départemental? Si le rapport Mauroy questionne le rôle du département, il conclut que « la suppression de ce niveau comporterait plus de risques que de bénéfices réels. Le département reste irremplaçable en matière d’action de proximité notamment en ce qui concerne le social, la culture ou les équipements » (MAUROY, 2000). En 2003, une loi constitutionnelle donne d’ailleurs plus de compétences et renforce le rôle de proximité géographique du département et du canton. Un « sursis qui se prolonge » (TESSON, 2006, p.201). En 2014, l’association des départements de France dépose une motion sur le projet de réforme territoriale pour défendre la pertinence de l’échelon départemental affirmant qu’il est «une collectivité moderne et innovante», capable d’évoluer. A la fin de l’année 2014, l’éxécutif change de position et réaffirme le caractère indispensable de cet échelon territorial aux «compétences de proximité, de solidarité tout à fait essentielles» selon Manuel Valls. La loi NOTRe vient finalement affirmer le rôle du département dans les solidarités terrtioriales et humaines. (MANIER, 2015, p.87) La complexité du mille-feuille territorial est-elle un défaut ou une richesse? Gilles Pollet plaide à ce propos davantage pour un réajustement des périmètres et un renforcement des liens entre les différents échelons plutôt que pour la suppression des strates. Le département a un rôle à jouer et doit « rester une instance de gouvernance proche et efficace, en relation avec les intercommunalités plus ou moins fédérées » (POLLET et al., 2015, p.213) C’est donc l’emboîtement et la complémentarité des échelles et des compétences qui doit être visée. Ainsi, le département reste une collectivité territoriale essentielle, mais la réforme de son fonctionnement reste au cœur des débats. Jean Viard affirme à ce propos qu’ « une transformation de ce maillage intermédiaire » est « la nécessité première » (Jean VIARD, in POLLET et al., 2015) La question des modes de suffrage revient souvent comme possible solution. Et si les liens entre EPCI et département étaient renforcés par la correspondance entre canton et communauté de communes ? Le président des intercommunalités est d’ailleurs souvent lui-même conseiller départemental. Le président du département de l’Essonne, François Durovray, est par exemple conseiller du canton de Vigneuxsur-Seine et président de la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine. Cette concordance se fait donc parfois naturellement. Cette hypothèse se heurte cependant à plusieurs obstacles. La réduction du nombre d’acteurs peut également créer des tensions et des blocages. En effet, le cumul des postes par François Durovray serait mal vu par d’autres communes rivales, rendant les échanges plus difficiles pour l’intercommunalité et le département à la fois. De plus, les cantons ne correspondent aujourd’hui pas au périmètre des intercommunalités qui sont parfois même à cheval entre plusieurs départements. Remplacer le département par une 49


assemblée de présidents d’intercommunalité n’engendrerait pas le même rapport au territoire et le même positionnement que celui des conseillers départementaux au service de la solidarité territoriale (DORÉ, 2014). Éric Charmes souligne à propos du système d’élection, la grande différence entre le département et la Région. En effet, le système d’élection place davantage les intérêts des régions dans les centres-villes, et celui des départements dans le territoire, indépendamment de la démographie. Le cadre de vie et la ruralité prennent alors plus de poids dans les politiques départementales que la productivité et les centresvilles (CHARMES et al., 2015). En ce sens, le système d’élection permet déjà une complémentarité entre certains échelons territoriaux. Cependant, le mode de gestion du département a évolué en 2013. Les éléctions cantonales sont remplacées par des éléctions départementales permettant un principe de parité. Le nombre de canton ruraux a ainsi diminué par deux afin d’élir un binome homme / femme pour chaque canton en conservant le même nombre de conseillers53 (Figure 28). Ainsi, cette logique territoriale au profit des espaces ruraux s’est atténuée puisque les nouveaux cantons ont été réalisés dans une logique de nombre d’habitants minimum. Le département reste cependant encore une échelle indispensable, identifiée et complémentaire aux autres échelons. «Les départements existent toujours en l’état et bien qu’un débat sur leur suppression persiste, ils ont été confirmés par la dernière réforme, leur existence étant au demeurant constitutionelle» (SIERRA et al., 2016, §5). La complexité du mille-feuille territorial français serait alors une richesse et l’assurance d’une représentation équitable des territoires. Quel rôle pour le département face à montée en compétences des intercommunalités et des métropoles ? Dans le cadre de la réforme territoriale récente, Martin Vanier parle de territoires « sans pouvoir, mais au cœur de la coordination, (…) des territoires faibles, en somme, mais avec toute la force des rotules qu’ils sont » (BEHAR et al., 2014, p.2). Est-ce l’avenir du département en Île-de-France ?

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loi n° 2013-403 du 17 mai 2013


2 UN ACTEUR INTERMÉDIAIRE, PORTEUR DE COHÉSION TERRITORIALE Le département, malgré ses contestations, semble incarner une échelle de territoire pertinente. Nous verrons dans un premier temps ce que révèle l’initiative du Conseil départemental de l’Essonne de porter un projet tel que «Baignade en Seine». Dans un second temps, nous verrons que le département dispose en réalité de nombreux outils, compétences et politiques pour répondre aux enjeux du projet «Baignade en Seine». Enfin, nous verrons que le Conseil départemental est un acteur de l’inter-territorialité essentiel à toute démarche autour du fleuve.

A. Le département, à l’initiative d’un projet pour l’identité du territoire «Menacer les communes, mes chers collègues, c’est renier la Révolution ! Menacer le département, c’est renier la République ! Ouvrir la voie à la création, sur le sol même de la métropole, de collectivités à statut particulier et chambouler notre organisation en départements et en régions en vertu de référendums locaux, c’est porter atteinte à l’unité du peuple français !» affirmait le sénateur Jean-Pierre Chevenement en 2010.54 Si le département est perçu comme une collectivité territoriale obsolète menacée de disparition par les EPCI et les Métropoles, de nombreux chercheurs voient à l’inverse dans le département le futur représentant de la ruralité et du périurbain face aux métropoles (CHARMES et al., 2015). La décentralisation lui a en réalité permis de prendre une certaine indépendance et de se construire politiquement (TESSON, 2006). Souvent synonyme de « proximité » et de « péréquation » (DORÉ, 2014), il devient alors le représentant de la ruralité et du périurbain. En effet, malgré les réformes, de la loi MAPTAM à la loi NOTRe, le département reste la collectivité compétente pour promouvoir la solidarité et la cohésion territoriale. Il peut participer à de nombreux financements en milieu rural.55 La réorganisation territoriale actuelle ne fait que renforcer ce constat. Le cas du département du Rhône, évidé en son centre par la Métropole lyonnaise est particulièrement intéressant à ce sujet. En effet, le département se retrouve aujourd’hui uniquement représentant des communes périurbaines, leur redonnant à ce titre une visibilité et supprimant la superposition des structures et compétences entre département et métropole lyonnaise (ARAB et al., 2015). Jean VIARD voit le département comme acteur du local et du périurbain, notamment dans les territoires à faible densité démographique. « Les territoires verts 54 Séance du 20 janvier 2010 (compte rendu intégral des débats) https://www.senat.fr/seances/ s201001/s20100120/s20100120010.html 55 https://www.elueslocales.fr/actualites/collectivites/loi-notre-pourquoi/ 51


doivent compter en kilomètres carrés plus qu’en hommes mais non disparaître. » (Jean VIARD, in POLLET et al., 2015) Dans le cas de l’Île-de-France, si le contexte est bien différent, le rôle des départements de grande couronne paraît d’autant plus important à ce sujet. En effet, à la lisière des métropoles, les communes et EPCI expriment un sentiment de relégation d’une structure territoriale à laquelle ils n’ont en réalité pas particulièrement envie d’appartenir. Le périurbain, trop longtemps relégué aux franges de la ville comme un espace dépendant du centre sans totalement lui appartenir cherche une identité. Or, « le périurbain n’est pas un espace de transition en attente de devenir pleinement urbain » (CHARMES et al., 2015, p.2) Un des enjeux centraux du projet « Baignade en Seine » est le renforcement d’une identité territoriale propre, indépendante de la Métropole. L’objet du département est de faire valoir les qualités du département et ses spécificités, comme celles d’un territoire autonome sans oublier pour autant ses liens avec la Métropole. « Mais nous aussi nous avons un fleuve et des rivières ! (…) Donnons-nous les moyens de permettre un retour à la baignade ! »56 affirme Brigitte Vermillet. La Seine en Essonne ne prétend pas être celle du centre de Paris. Le projet de «Baignade en Seine» en Essonne, s’il souhaite s’intégrer dans la dynamique olympique, ne cherche pas à reproduire la démarche ni les ambitions parisiennes. L’Essonne est dotée d’espaces naturels et paysagers remarquables, d’espaces de loisirs et de détente quotidiens aux fréquentations modérées, parfois intimes. Cette ambiance, ce mode de vie n’est pas le même que celui vendu par la métropole ou encore par la Seine aval. L’identité et l’image du fleuve en Essonne sont à transformer et à réinventer. Le périurbain a en effet une identité et un mode de vie qui lui sont propres (CHARMES et al., 2015). Affirmer son appartenance au département plutôt que de chercher à intégrer la Métropole est une position politique forte. L’échelle départementale est identifiée par les Français, c’est un territoire d’appartenance essentiel. Ce constat est d’autant plus vrai dans le périurbain, entre centre-ville et ruralité, à la recherche de reconnaissance. Ce n’est pas par hasard si Roncayolo évoque le département dans ses « lieux de mémoire » (TESSON, 2006). Cet échelon territorial, auquel la référence est souvent faite comme symbole d’appartenance, notamment par des marques, est particulièrement pertinent pour le développement d’un « marketing territorial » (MARGETIC et al., p.132). De nombreuses marques ou associations utilisent le numéro de leur département comme marqueur d’ancrage local. François Durovray affirme à ce propos lors du big jump le 15 juillet « La Seine (…) est un fleuve qui a une histoire et qui fait partie de l’identité de notre territoire »57. Il n’est donc pas anodin que le département soit porteur d’un tel 56 VERMILLET Brigitte, le 15 juillet lors du big jump, https://www.youtube.com/ watch?v=tfWjS4EjL6Q 57 DUROVRAY François, le 15 juillet, lors du big jump, https://www.youtube.com/ 52


projet, porteur d’un projet au service de l’image du territoire, d’un projet ayant pour objectif d’affirmer ses richesses et ses spécificités face à une métropole écrasante. À cet égard, le Conseil départemental semble effectivement l’échelon territorial le plus pertinent pour porter une telle démarche et rassembler les acteurs autour d’un projet commun.

B. Un acteur institutionnel compétent et outillé pour le projet «Baignade en Seine»

Bien que le département ne soit pas chef de file en matière d’assainissement ni d’aménagement, il reste un acteur important pouvant mettre en place des politiques publiques en la matière. Nous l’avons vu, le projet « Baignade en Seine » porte des enjeux au-delà de l’aménagement et de la qualité de l’eau. Il est aussi affaire de bienêtre, de santé, de sport, d’environnement et de cadre de vie. Dans ces domaines, le département détient bon nombre de compétences et d’outils. La politique de l’eau du département et ses nouvelles orientations pour la période 2017-2021 visent à : - Renforcer la solidarité territoriale pour permettre à tous les Essonniens une alimentation en eau et un accès à l’assainissement à coût maîtrisé - Accompagner le territoire vers plus de sobriété en matière de consommation de ressources, - Accompagner le territoire vers plus de résilience face au risque d’inondation, - Valoriser auprès des Essonniens le patrimoine des cours d’eau et zones humides, - Engager la reconquête de la baignade en Seine. À ce titre, le département finance et aide les communes dans de nombreux domaines en partenariat avec l’agence de l’eau Seine Normandie et la Région. Parallèlement, le département développe une politique sport et nature, répondant parfaitement aux atouts du territoire ainsi qu’aux besoins des habitants. En effet, le sport est un outil de cohésion sociale très utilisé dans les villes nouvelles marquées par une population précaire. La force des politiques de sport nature a également été reconnue dans le développement territorial. Il peut être une véritable « ressource territoriale » (FALAIX, 2014, p.15). L’exemple de la politique menée dans le département des Landes est très instructif à ce sujet. Le rapport, établi en 2002 par le Conseil National des Activités Physiques et Sportives (CNAPS), précise que « les sports de nature, (...) représentent une composante essentielle des politiques publiques d’aménagement et de développement des territoires ». Plus encore, « vecteurs de développement touristique et de valorisation du milieu naturel, les sports de nature représentent en outre un enjeu local important en raison des retombées économiques

watch?v=tfWjS4EjL6Q 53


et de la dimension éducative qu’ils sont susceptibles d’encourager et de générer ». (MJSVA, 2008, p.1) Le développement des sports de nature ne répond donc pas uniquement à des besoins de visibilité du territoire et de tourisme mais également à une dimension éducative forte. Ces politiques départementales peuvent donner lieu à des Plans Départementaux dans différents domaines. Le département de l’Essonne envisagerait de développer le « Plan Baignade », comme il existe d’ores et déjà un plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées ou encore un plan départemental d’insertion. Dans les landes, un PDESI (Plan départemental des espaces sites et itinéraires) a été développé pour les sports de nature, qui doit permettre « d’inscrire de nouveaux Espaces, Sites et Itinéraires afin de pérenniser les pratiques existantes, de développer de nouvelles pratiques en garantissant une gestion concertée des espaces ainsi qu’une valorisation environnementale et une accessibilité des lieux et des pratiques pour tous » (FALAIX, 2014, p.9). En effet, la loi n°84-610 de juillet 1984, modifiée en 2000, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, confie la responsabilité aux départements de mettre en place une commission et un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature. La loi précise que « le département favorise le développement maîtrisé des sports de nature» (FALAIX, 2014, p.6). En Essonne, les itinéraires de randonnée et de promenade sont particulièrement développés, des applications existent d’ailleurs pour guider les sportifs. Le service Espace Naturels Sensibles (ENS) est particulièrement actif sur ces sujets. Le département possède en effet la compétence relative aux ENS, nombreux en bord de Seine. Le Plan Départemental des Itinéraires de Promenade et de Randonnée (PDIPR) est également bien développé, car « Les chemins et sentiers ruraux contribuent à la cohésion des territoires qu’ils irriguent. Ils matérialisent notamment des liens sociaux entre les populations rurales et citadines. »58 Dans le cadre de la démarche «Baignade en Seine», le département peut également investir et agir concrètement dans certaines actions. Par exemple, le développement de mobilier urbain ou de modules de type «guinguettes», pourrait être porté par le département afin de développer une identité visuelle sur l’ensemble des berges. Bien que la région soit compétente en matière de transports, le département peut également être un interlocuteur intermédiaire interessant avec la SNCF afin de redonner à voir la proximité du fleuve depuis les gares RER de la vallée. En effet, dans certaines gares, la Seine n’est qu’à quelques mètres et pourtant invisible. Si les communes en sont conscientes, il reste parfois difficile pour elles de communiquer avec la SNCF. C’est une action qui doit être menée à échelle plus large, du département. 58 http://www.essonne.fr/cadre-de-vie-environnement/patrimoine-naturel/la-politiquedepartementale-de-protection-de-la-nature/le-plan-departemental-des-itineraires-de-promenade-etde-randonnee-pdipr/ 54


Le département n’est certes pas compétent en matière d’aménagement et d’assainissement, mais les politiques de développement des pratiques sportives de nature, la préservation des espaces naturels et la cohésion et solidarité territoriale lui reviennent. Il est donc un acteur des politiques locales particulièrement bien outillé dans le cadre d’un projet de reconquête de la baignade. Au-delà des compétences internes au territoire et de ses capacités à porter une identité locale, le département peut également jouer un rôle d’articulation important entre les différentes échelles.

C. Le département, porteur de territoire et gardien de «l’interterritorialité» Si le territoire est le « lieu d’articulation entre les politiques publiques et les initiatives locales » (LARDON et al., 2008), le « lieu de coordination entre acteurs multiples, atomisés, en situation d’asymétrie, aux intérêts divergents et lieu de mise en cohérence d’objectifs divers s’exprimant à des niveaux d’organisation enchâssés » (GUMUCHIAN et al., 2003, p.91), alors le département semble parfaitement le représenter. En effet, le département est avant tout un acteur du niveau intermédiaire, entre le local et le global (LARDON et al., 2008). Rassemblant les multiples acteurs autour d’une vision commune, il vise à donner cohérence, à créer une direction commune entre les projets atomisés et intérêts parfois divergents. Au-delà de la cohésion interne, il est aussi le porte-voix des communes et EPCI au-delà de ses frontières, auprès des départements limitrophes, de la Métropole et de la Région, ou encore des Agences de l’État comme AESN ou VNF, des organisations régionales telles que l’ARS, la DRIEA, DRIEE, ou encore la DRAC. À titre d’exemple, le service de l’eau du département organise des rencontres entre AESN et les communes afin de présenter les évolutions des subventions. Fin juin, AESN a ainsi présenté à de nombreux élus essonniens son 11ème programme d’intervention « Eau&Climat » pour la période 2019-2024. Le département serait-il, alors, le garant de l’inter-territorialité, telle que la définit Martin Vanier ? (VANIER, 2004) Car « il ne s’agit plus [aujourd’hui] de fusionner des territoires dans un ensemble au gouvernement naissant (...) mais au contraire de partager des stratégies, des responsabilités et des efforts d’action, tout en continuant à les exercer par soi-même. (…) la souveraineté est à partager (…) mais les territoires demeurent, (…) tel s’annonce le troisième âge de l’interterritorialité. » (VANIER, 2004, §38). En effet, les enjeux du projet et de l’aménagement du fleuve dépassent les limites départementales et nécessitent une approche transversale au-delà des cadres de compétences de chacun. Lorsqu’il est question de fleuve, s’appliquent souvent des principes et logiques d’intérêt commun planétaire : enjeux de santé publique, de biosphère, et d’usage raisonné et durable de la ressource, allant bien au-delà des enjeux locaux (BELAIDI, 2004). Francois Durovray annonce, le 15 juillet 2019, la tenue avant la fin de l’année 2019 d’assises interdépartementales de l’eau pour les départements de Seine amont 55


francilienne. L’objectif serait de se réunir avec le département du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne pour échanger sur l’avenir du fleuve en amont de la Métropole, tout comme l’ont déjà fait les départements de la Seine Aval dans le cadre de l’ADAS (Association départementale de l’Axe Seine, réunissant les départements des Hautsde-Seine, des Yvelines, du Val-d’Oise, du Calvados et de Seine-Maritime autour des enjeux de tourisme et d’attractivité économique de la vallée de la Seine). Il ne s’agit pas pour le département de prendre aux autres collectivités territoriales leurs compétences en matière de stratégie, d’aménagement ou d’assainissement, ni de prendre des décisions à leur place, mais de donner cohérence à l’ensemble, de s’assurer que tous les acteurs impliqués et nécessaires aux débats sont présents, reconnus et entendus. Ainsi, il s’assure que chacun reconnaît être pris dans un territoire plus vaste et comprend son « devoir d’articulation » (VANIER, 2004, §39). L’idée est de mettre en place par l’action collective, non plus un système de contractualisation inter-territoriale du haut vers le bas mais autour d’un objet commun. « Ainsi, la politique départementale devient un défi permanent de construction territoriale à la fois dans ses limites extérieures et dans ses découpages intérieurs. » (TESSON, 2006, p.209) Acteur contesté, et pourtant porteur d’identité territoriale et gardien de l’inter-territorialité, le Conseil Départemental de l’Essonne s’associe à d’autres acteurs complémentaires tels que le CAUE pour compenser ses faiblesses et enrichir le projet.

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3 LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL ET LE CAUE, DES ACTEURS COMPLÉMENTAIRES Le service de l’eau du Département s’est épaulé du CAUE 91 pour l’accompagner dans le projet. Nous verrons dans un premier temps que les champs de compétence et les méthodes des deux structures permettent d’englober une grande partie des besoins du projet. Mais nous verrons également que la relation aux communes entretenue par le CAUE peut devenir un véritable atout pour le Conseil départemental. Enfin, nous relativiserons l’indépendance du CAUE vis-à-vis du Département.

A. Des structures complémentaires dans leurs domaines de compétence et leurs méthodes Le CAUE est un acteur associatif. Son équipe pluridisciplinaire de salariés est composée d’architectes, urbanistes et paysagistes. Il joue un rôle important en matière de pédagogie et de sensibilisation. Ses actions se décomposent en quatre axes de travail : « L’appui aux territoires » , « Le logement et l’habitat » , « L’éducation » , et enfin, « Les espaces naturels et le cadre de vie », cadre du projet «Baignade en Seine». Ainsi ses actions et domaines de compétence sont vastes. Il a été associé au projet pour ses compétences en matière d’aménagement. Chargé d’accompagner et de conseiller les communes comme le Conseil départemental dans le choix des sites, il joue également un rôle « d’ouverture du champ des possibles ». C’est le CAUE qui a, dès le début de la démarche, soulevé la nécessité d’ouvrir la réflexion au-delà de la baignade. Quels usages avons-nous du fleuve, dans, sur et au bord de l’eau ? Quelle représentation en avant nous ? Le CAUE apporte également une expertise en matière de lecture des paysages et de leurs composantes. Il offre au Conseil départemental une lecture du territoire différente, permettant de révéler certains atouts ou d’alerter sur les effets néfastes de l’implantation de certains usages. Il joue aussi, aux côtés du service de l’eau un rôle d’apport d’exemples et de références pour nourrir la réflexion, proposer des orientations de projet qui ne seraient pas envisagées par les collectivités territoriales. Ses méthodes et outils de travail sont également un apport pour le Conseil départemental. Son engagement pédagogique auprès des plus jeunes et de sensibilisation de tous les publics en fait également un acteur habitué des ateliers et de la communication grand public. Il est ainsi plus outillé en matière de communication simple et efficace, habitué à se détacher des données techniques, pour impliquer et faire rêver les parties prenantes.

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Le CAUE est également très attaché à la connaissance du terrain. Pour pouvoir conseiller les communes, il est indispensable de connaître le terrain et les sites dont il est question. Ainsi, ayant arpenté l’ensemble des berges de Seine en Essonne et les centres-villes des communes riveraines, ayant également observé les caractéristiques des autres séquences de la Seine, les conseillers du CAUE ont acquis une véritable connaissance du terrain qui permet d’entrer avec précision dans l’analyse des enjeux des sites. La diversité des actions du CAUE lui permet de nourrir le projet. À titre d’exemple, l’association a accueilli 7 stagiaires de troisième durant le premier trimestre 2019. L’accueil de ces collégiens fut l’occasion de mettre en place une promenade urbaine et des carnets de bord permettant de transmettre aux élèves des connaissances sur la fabrique de la ville tout en collectant des témoignages sur le rapport au fleuve des plus jeunes. Cette expérience a démontré que de nombreux Essonniens, n’entretenaient aucun rapport avec le fleuve, totalement absent de leur territoire de vie quotidienne. Cette action parallèle du CAUE, a finalement permis d’enrichir la connaissance et la réflexion sur le projet. L’association est également un moyen pour le Département d’élargir son réseau d’acteurs et d’interlocuteurs potentiels et de faire connaître la démarche. Entretenant des liens étroits avec l’association « maison de banlieue », le CAUE s’est par exemple associé à la création d’un livre sur la Seine en Essonne ainsi qu’à une exposition et réalisera dans le cadre des « journée nationales de l’architecture » une visite commentée en péniche sur les bords de Seine à destination du grand public. Enfin, la connaissance du CAUE en matière d’ateliers et de mise en place d’actions concertées pourra être un véritable atout pour la suite du projet. Pour illustrer notre propos, nous pouvons citer l’expérience du jeu de territoire (LARDON, 2013), mis en place par des chercheurs. Cet outil permet de mieux intégrer les élus et acteurs locaux dans la construction d’un projet de territoire partagé. Associant chercheurs et acteurs locaux, il vise à la co-construction d’une vision partagée du territoire, par la prise de recul, la formalisation d’intentions, la production de connaissances et la mise en commun du savoir entre acteurs du territoire et chercheurs. Cette année, le CAUE a de son coté mis en place une offre de « formations pratiques » à destination des élus et techniciens des communes. L’objectif ? Rassembler les élus et techniciens d’une ou plusieurs communes afin de construire une vision partagée de leur territoire. Le CAUE met tous les acteurs autour de la table et leur offre un cadre d’échange et de réflexion propice à la résolution de conflits et à l’émergence de projets. Le jeu, le rêve et l’imaginaire sont les outils privilégiés du CAUE, bien loin des structures de projet habituelles des collectivités territoriales permettant la co-construction et l’évolution d’un projet d’autant plus riche. Ces méthodes 58


permettent également l’« apprentissage de l’expression de points de vue et de la confrontation d’idées, gages d’une meilleure appropriation collective d’un projet de développement territorial. » (LARDON, 2013, p.4) Le CAUE et le service de l’eau du Conseil départemental sont donc des acteurs complémentaires tant par leurs champs d’expertise que par leur méthode. Mais leur profonde différence de statut (Collectivité territoriale et association d’intérêt public) peut également être un atout pour le projet.

B. Une relation complémentaire aux communes et aux institutions Le Conseil départemental et le CAUE entretiennent des rapports très complémentaires avec les communes. En effet, le CAUE est une association d’intérêt public. Ainsi, tous « les CAUE fondent leurs actions sur la base des quatre principes fondamentaux : un conseil donné en toute indépendance, la recherche d’innovation dans les méthodes et les démarches, la pluridisciplinarité dans l’approche, l’analyse et le traitement des problèmes, la volonté d’animer un partenariat entre tous les acteurs de l’aménagement des territoires. »59 Ainsi, en dehors de l’originalité des méthodes et l’approche pluridisciplinaire, c’est la notion d’indépendance qui guide les actions du CAUE. Structure apolitique, elle n’est ni représentante de l’État, ni collectivité territoriale, ni bureau d’étude. Elle donne ainsi aux particuliers un conseil gratuit et ne peut en aucun cas orienter les bénéficiaires de ses conseils vers un maître d’œuvre spécifique. Le CAUE ne fait pas de maîtrise d’œuvre afin de ne pas faire concurrence aux architectes et paysagistes du territoire. Les conseillers, s’ils sont en parallèle praticiens à leur compte, ne peuvent être maître d’œuvre sur le Département afin d’éviter tout conflit d’intérêt. L’association n’a également pas de rapport client/prestataire avec les collectivités territoriales puisque les conseils ne sont pas des prestations. Ils sont donnés dans le cadre de conventions. Les communes doivent adhérer à l’association (le montant de l’adhésion étant symbolique pour les communes) et peuvent mettre en place une convention avec le CAUE pour un accompagnement plus poussé et plus spécifique sur un sujet. Mais ce ne sont ni les conventions ni les adhésions qui permettent réellement au CAUE de fonctionner. Ainsi, il n’a pas d’intérêt financier dans l’accompagnement des communes et conserve un rôle de conseil libre. Contrairement à la complexité hiérarchique du Département, le CAUE est bien plus libre dans ses propos et plus rapide dans ses actions. La structure est plus petite et ainsi plus réactive. Elle est également plus libre que le Département dans sa communication. L’association permet parfois d’accélérer certaines prises de décisions. En effet, s’il doit respecter le fonctionnement du département, il peut également parfois mettre de côté les principes hierarchique pour accélérer la 59 https://www.caue91.asso.fr/votre-caue 59


communication. Les entretiens réguliers entre Valérie Kauffmann, sa directrice, et Brigitte Vermillet, vice présidente du département en charge du projet «Baignade en Seine» sont souvent l’occasion de faire remonter les problèmes. La relation aux communes n’est pas du tout la même que celle du Département. Ce dernier est souvent reçu avec davantage de prudence par les élus communaux. En effet, il est marqué par une couleur politique et représente encore pour certain un service déconcentré de l’État, une structure politique supérieure et contraignante. C’est également régulièrement un partenaire financier pour les collectivités territoriales. Les communes attendent donc souvent de sa part un engagement financier. A l’inverse, le CAUE a plus de facilité à échanger avec certaines communes. Il apparaît comme conseiller technique gratuit et apolitique. Bien qu’ils aient des méthodes et des postures différentes, le CAUE et le Conseil départemental remplissent donc à eux deux un rôle complet d’ « acteur intermédiaire » du territoire (AMBLARD et al., 2015). Ils participent à la mise en place d’un réseau avec une orientation propre, lui prêtent les moyens techniques de fonctionner, limitent les coût associés à l’action collective, travaillent à la diffusion d’information et peuvent jouer un rôle d’arbitre en cas de litige (AMBLARD et al., 2015). Cependant, l’apparente indépendance du CAUE vis-à-vis du Département doit être relativisée.

C. Le CAUE: une indépendance très relative au Conseil départemental Si le CAUE est un acteur associatif apolitique et indépendant, il n’est pas totalement autonome vis-à-vis du Département. Il n’est pas tenu de respecter les politiques départementales à la lettre et ne dépend pas totalement du Département dans ses communications grand public, cependant, il est important de rappeler que la majeure partie de son financement est d’origine départementale. Le CAUE de l’Essonne a trois principales sources de financement : - Une partie de la part départementale de la Taxe d’Aménagement perçue sur les permis de construire et autres autorisations d’urbanisme. - Des contributions liées à des conventions d’objectifs partenariales, conclues avec des collectivités ou partenaires publics. - Les cotisations de ses adhérents. Le Département est libre de fixer la part de la Taxe d’Aménagement allouée au CAUE. De plus, la convention d’objectifs partenariale signée avec le Conseil départemental représente une grande partie de son budget à l’heure actuelle. Il n’est donc pas réellement indépendant financièrement. Apolitique, le CAUE est pourtant également un acteur profondément politisé. En effet, son collège des collectivités territoriales, appartenant au conseil d’administration, est désigné par le Conseil départemental et est composé d’élus locaux. Il est également présidé par des élus locaux. Des représentants des collectivités territoriales ont donc des voix importantes dans les décisions de fonctionnement de l’association. 60


Le décès récent et inattendu de son président, Thomas Joly, en juillet 2019 a remis en lumière l’enjeu profondément politique que revêt le CAUE pour le Conseil départemental. Ce dernier nomme le président de l’association. La nomination des représentants du collège d’élu et du président de l’association est alors l’occasion pour le Conseil départemental de renforcer certains liens politiques et peut être un véritable outil politique. Le CAUE souffre également d’un manque de visibilité et de reconnaissance. En effet, contrairement au Conseil départemental, le CAUE n’est pas un acteur institutionnel connu par l’ensemble des communes. Sa position est parfois complexe à expliquer. Si sa posture peut être un véritable atout auprès de certaines communes, il peut également brouiller la lecture de ses actions, comme ce fut par exemple le cas lors d’un rendez-vous avec une élue du Coudray-Montceaux qui pensait que le CAUE était un bureau d’études. Ce manque de visibilité et de reconnaissance peut faire perdre du temps et empécher certaines collectivités territoriales de profiter de ses conseils. La collaboration dans certains projets avec le Conseil départemental est donc également l’occasion pour l’association de se faire connaître et de réaliser des missions qu’il n’aurait pu mener seul. Dans le cadre du projet « Baignade en Seine », le CAUE accompagne le Département. Il n’est pas porteur du projet et dépend donc du Département dans ses décisions. Il est resté très limité dans sa communication durant plusieurs mois au début du projet, faute d’arbitrage du Conseil départemental sur le stratégie de communication à mettre en place. Ainsi, si le CAUE complète bien les compétences et méthodes du Conseil départemental et facilite parfois les relations avec les communes grâce à son rôle intermédiaire apolitique et en partie indépendant, il reste profondément lié au Département et à ses politiques.

Le Conseil départemental de l’Essonne, épaulé par le CAUE, a souhaité se porter à l’initiative d’une démarche autour du fleuve, bien qu’il ne soit pas, en théorie, l’échelon territorial le plus compétent en matière de planification, d’aménagement ou encore d’assainissement. Ainsi, bien que l’échelon départemental est particulièrement critiqué depuis de nombreuses années et même menacé de suppression ou de fusion, concurrencé par l’émergence des EPCI et des métropoles, le département se retrouve, dans la démarche «Baignade en Seine», chef de file dans la planification et l’organisation d’une démarche autour du fleuve. Cette position semble finalement parfaitement logique compte-tenu de son rôle important dans la constitution et le maintien d’une identité territoriale. Mais quelles sont alors ses stratégies pour mettre en place l’«action collective» autour du fleuve? Comment se positionne-t-il dans le projet?

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Figure 31: Écluse du Coudray-Montceaux Les berges de Seine en Essonne offrent des paysages variés et riches. Au Coudray-Montceaux ainsi qu’à EvryCourcouronnes et Athis-Mons des écluses jalonnent le fleuve, rappellant son rôle logistique, essentiel pour l’économie nationale.

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Figure 31: Ecluse du Coudray-Montceaux gérée par VNF © Viviane André


CHAPITRE 3 LE DÉPARTEMENT, UNE STRUCTURE INSTITUTIONNELLE ET TECHNIQUE INITIATRICE DE «L’ACTION COLLECTIVE»

Le Conseil départemental, echelon territorial contesté, est porteur d’une démarche autour du fleuve, dans le but de renforcer l’identité territoriale et d’affirmer son rôle d’acteur intermédiaire. Parvient-il, pour autant, dans le cadre de la démarche «Baignade en Seine» initiée il y a un an, à mettre en place une véritable «action collective»? Comment fédère-t-il les acteurs autour du fleuve? Quel le rôle joue-t-il dans le projet? Nous verrons dans un premier temps que le Conseil départemental joue dans le projet un rôle d’appui technique essentiel pour les communes et EPCI. Nous verrons dans un second temps qu’il est aussi une structure institutionnelle permettant de structurer la démarche. Enfin, nous verrons dans quelles mesures il peut être porteur d’une «action collective» et fédérer autour d’un projet commun.

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Figure 32: Contraintes à la baignade et à l’aménagement des berges de Seine en Essonne

Vigneux-sur-Seine

Athis-Mons

Juvisy

Draveil Viry-Châtillon

Soisy-sur-Seine Etiolles

Grigny

Ris-Orangis

Prévention des risques PPRI

Prévention des risques

Evry Saint-Germain lès-Corbeil

Site SEVESO PPRI PPRT Site SEVESO Transport de Matières Dangeureuses PPRT

Saint-Pierre du Perray

Ecluse Transport de Matières Dangeureuses Station d’épuration Ecluse Point de captage d’eau potable Station d’épuration Périmètre de protection des points de Point ded’eau captage d’eau potable captage potable Périmètre de protection des points de captage d’eau potable

Corbeil-Essonnes

Saintry sur-Seine

Description du territoire Seine et d’eau Description duplans territoire

Morsang-sur-Seine

Limites communales Seine et plans d’eau Limites communales

Le Coudray-Montceaux

250 M

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Réalisée par Viviane ANDRE , Données CD91


1 UN RÔLE DE TECHNICIEN ESSENTIEL Le Département est, dans le cadre du projet « Baignade en Seine » un atout technique pour le communes. Nous verrons que la démarche consiste avant tout à créer un savoir commun et partagé entre tous les acteurs. Dans un second temps nous verrons que les techniciens jouent parfois un rôle d’arbitrage au-delà du politique. Enfin, nous verrons en quoi le réseau professionnel des techniciens peut aussi être un atout informel essentiel au projet.

A. Créer un savoir commun Avant de s’engager dans un projet de «Baignade en Seine», les services du Conseil départemental devaient préparer le sujet. Est-il envisageable de se baigner dans le fleuve ? Quelle est la qualité actuelle de l’eau ? Quelles sont les contraintes réglementaires à l’ouverture d’un site de baignade ? Le Conseil départemental et le CAUE sont en effet un appui technique pour les communes. Ils ont pour vocation de créer un savoir commun à l’ensemble des parties prenantes du projet, afin de pouvoir engager un véritable travail collectif. Les données à prendre en compte pour le développement du projet sont en effet nombreuses. Le service de l’eau a réalisé durant l’été 2018 une campagne de prélèvements afin d’avoir un premier aperçu de la qualité de l’eau. Les résultats ont conforté la faisabilité du projet. La directive baignade60 prend en compte deux paramètres bactériologiques pour autoriser l’ouverture d’un site de baignade. La présence de deux bactéries - Entérocoques intestinaux et Escherichia coli - est utilisée comme marqueur. Leur présence, au-delà d’un certain seuil, témoigne d’une contamination fécale des eaux. L’origine de cette contamination est, en Essonne, principalement due aux problématiques d’assainissement. On observe donc une bonne qualité d’eau par temps sec durant l’été et des pics de contamination après les épisodes de pluie, ou durant l’hiver. En effet, les UV61 ont également une action bénéfique pour l’amélioration de la qualité de l’eau. Cette irrégularité des résultats est problématique pour obtenir l’autorisation de baignade. Un important travail de mise en conformité des assainissements est donc nécessaire. Afin de réduire les débits d’eaux pluviales se déversant dans les réseaux, la réduction des surfaces imperméabilisées, empêchant l’absorption de l’eau par le sol, est également un important chantier à mener. La renaturation des cours d’eau, l’amélioration des branchements, ou encore la mise en place de bassins de phyto-épuration sont quelques exemples des travaux potentiels à mener pour atteindre une qualité d’eau 60 Réglementation de l’Agence Régionale de Santé pour l’ouverture des sites de baignade. 61 Ultra-Violets 65


« baignable » d’ici 2024. À ces réglementations en matière de qualité de l’eau s’ajoutent des périmètres de sécurité interdisant la baignade à proximité des écluses et des points de captage d’eau potable (Figures 32). Autant d’informations qui ont pu être récoltées durant cette première année de projet. Les données à maîtriser dans le projet sont donc nombreuses, diverses et issues de sources variées. Le Conseil départemental joue donc un rôle essentiel d’expertise technique et de vulgarisation. Un document « DATA » a donc été constitué par le CAUE. Voué à évoluer et à être régulièrement enrichi par l’ensemble des acteurs du projet, ce document de travail est en permanente évolution et accessible à tous. Il rassemble l’ensemble des projets recensés en bord de Seine, ainsi qu’une liste des acteurs du fleuve, synthétisant leurs compétences réciproques. Il résume les orientations des documents supra-locaux tels que le SRCE ou le SDRIF. Il a également pour vocation de rassembler les résultats des prélèvements et l’évolution de la qualité de l’eau et recenser les contraintes et réglementations pour la baignade en Seine en Essonne (Écluse, Plan de prévention des risques technologiques, protection des points de captage d’eau potable, etc.). Les deux structures réalisent également des fiches d’analyse et de prospective pour chaque commune ayant répondu à l’AMI, présentant les sites à enjeux en lien avec le fleuve sur leur territoire et donnant les premières pistes d’évolution. Ce document présentera également les éléments essentiels recueillis dans le cadre des rencontres avec VNF, Haropa, ou encore l’AESN62 ou la DRIEA. Le rôle du Conseil départemental et du CAUE est donc d’outiller les communes, de synthétiser et de simplifier les informations techniques nécessaires au développement du projet.

B. Des arbitrages techniques essentiels, au-delà du politique Le Conseil départemental et le CAUE, forts de leur position de techniciens, maîtrisent les données techniques liées au projet et les transmettent aux corps d’élus chargés de prendre les décisions. C’est le rôle de l’ingénierie territoriale définie comme « l’ensemble des concepts, méthodes, outils et dispositifs mis à la disposition des acteurs des territoires pour accompagner la conception, la réalisation et l’évaluation de leur projet » (LARDON et al., 2005, §102). Ainsi, les techniciens et experts de l’aménagement, de l’environnement, ou de l’assainissement sont autant acteurs de la gouvernance territoriale. Confrontés au quotidien aux enjeux du projet, ils sont les plus à même d’arbitrer certaines décisions, les plus à même de définir les besoins du projet. Ces acteurs techniques essentiels au développement d’un territoire en sont aussi la richesse. Ils participeraient d’ailleurs à ce titre au déséquilibre entre les territoires (PIVETEAU, 2011), car l’expertise a un coût et les territoires en sont inégalement dotés. 62 66

Agence de l’Eau Seine Normandie


Mais si les techniciens prennent une place très importante dans les projets, « à travers le couple système d’acteur/gouvernance, ce sont les questions et les débats sur la confiscation technique de la décision» qui émergent (PIVETEAU, 2011, p.163). En effet, les techniciens assurent eux-mêmes certains arbitrages sans solliciter le niveau politique parfois complexe et long. Dans le cadre du projet «Baignade en Seine», c’est par exemple le service de l’eau et le CAUE qui rédigent les grandes orientations du projet, proposent un calendrier et priorisent les sites de baignade. Les techniciens sont directement en lien avec les élus des communes et négocient avec eux l’emplacement des points de prélèvement, incitent à l’élargissement du projet audelà de la baignade. On parle alors de « marges de manœuvre inter-organisationnelles par rapport à la hiérarchie formelle de sa propre institution » (ARAB et al., 2015, p.197). Si cette prise de décision par les techniciens peut faire débat d’un point de vue philosophique et démocratique, elle est pourtant essentielle à l’avancée des projets. Car le système hiérarchique départemental engendre des temps de prise de décision particulièrement longs. L’exemple le plus frappant dans le cadre du projet « Baignade en Seine » est celui de l’organisation d’un événement départemental pour lancer la démarche et engager l’ensemble des acteurs. L’idée d’un événement et les modalités de son organisation ont été évoquées dès le début du projet, à l’automne 2018. En revanche, il n’a été pris en main par les directions ressources (communication et logistique) qu’après validation politique, au printemps. Si l’événement a fini par avoir lieu, son organisation a été particulièrement complexe, de par la nécessaire hiérarchie dans les prises de décisions institutionnelles. Il arrive donc que ce soit aux techniciens de prendre des décisions, d’arbitrer, d’ajuster, sur le vif. Les élus ne sont après tout pas toujours qualifiés pour arbitrer et ont un nombre important d’actions et de projets à suivre en parallèle. De plus, certains intérêts sanitaires et sociaux dépassent les intérêts politiques locaux (BELAIDI, 2004). Cependant, les agents ont le devoir d’incarner au quotidien les politiques départementales. Cet arbitrage technique quotidien est encadré par les politiques départementales dont les directeurs et chefs de service sont les garants au quotidien. Il faut donc avoir conscience que le Département, au-delà de l’institution politique, est aussi une structure à forte expertise technique. Les techniciens et leur réseau professionnel sont également de véritables atouts pour les projets.

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C. Un réseau professionnel de techniciens accélérateur de projet La présence importante de techniciens au sein des agents du Département est également un véritable atout. En effet, la « communauté technique » (ARAB et al., 2015, p.199) dépasse les limites de l’institution. Les réseaux de connaissances tissés par chaque agent au cours de sa carrière permettent de simplifier les relations entre les institutions. Si le réseau d’acteurs a été bouleversé dans le département par la réorganisation territoriale, la communauté professionnelle permet souvent de tisser de nouvelles collaborations. Pour ne citer que quelques exemples, Amandine Luez, cheffe du projet « Baignade en Seine » au sein du Service de l’eau a très rapidement pu prendre contact avec les responsables de cette même thématique au sein du conseil départemental du Val de Marne car Jean-Paul Robin, chargé de projets d’aménagement, avait précédemment travaillé pour le conseil départemental de l’Essonne. Le réseau professionnel du CAUE est tout aussi fourni à ce sujet. Alexis Linge, paysagiste et urbaniste conseil, a pu obtenir de nombreux rendezvous ou informations grâce à d’autres paysagistes qu’il avait côtoyés lors de sa formation. Les exemples ne manquent pas à ce sujet. Ainsi, le réseau professionnel peut être un véritable accélérateur pour le projet. Il permet parfois des raccourcis et l’obtention d’informations essentielles. Cette communauté et les liens tissés entre les professionnels d’un même domaine permet également des échanges plus rapides et plus complets entre des acteurs qui partagent un vocabulaire et une culture professionnelle similaires. À l’inverse, l’échange quotidien de connaissances entre des techniciens de domaines différents peut également être bénéfique au projet. Par exemple, la collaboration quotidienne entre le service de l’eau du Département et le CAUE permet un échange de connaissance essentiel. Le CAUE devient alors en mesure d’expliquer les enjeux liés à la qualité de l’eau et d’expliciter les résultats des prélèvements tandis que le service de l’eau est tout autant en mesure de transmettre aux communes les enjeux de revalorisation des berges du fleuve au-delà de la baignade. On parle de la formation d’un « milieu », voire d’une « communauté technique » (ARAB et al., 2015) bénéfique pour le projet au quotidien. Le Conseil départemental joue donc un rôle de technicien essentiel dans le projet, notamment pour les communes et EPCI. Il rassemble et produit les données essentielles, les synthétise et les diffuse à l’ensemble des parties prenantes de la démarche. Les techniciens sont une véritable richesse pour les territoires et sont créateurs de réseaux au-delà du politique. Nous verrons que le Département est aussi une structure institutionnelle forte et structurée qui permet d’organiser la démarche entre tous les acteurs. 68


2 UNE STRUCTURE INSTITUTIONNELLE POUR ORGANISER LA DÉMARCHE Le Département est aussi et avant tout une structure institutionnelle qui permet de structurer en partie une démarche de projet. C’est du moins la stratégie mise en place pour la baignade en Seine. Nous verrons que le Département de l’Essonne a dans un premier temps choisi de mettre en place un cadre formel pour structurer le processus. Il pérennise seulement dans un second temps la démarche par des engagements politiques et des événements. Enfin, nous verrons l’évolution de la démarche en cours après une première année de projet.

A. Un cadre formel pour initier la démarche La stratégie du Conseil départemental de l’Essonne pour initier la démarche et rassembler rapidement les acteurs du territoire autour du fleuve est assez intéressante dans le cadre d’un projet transversal pour être analysée. En effet, afin de rattraper son retard vis-à-vis de la Métropole ou encore du Département du Val de Marne sur la reconquête de la Baignade en Seine, le Département a choisi de mettre en place dès le début un système de gouvernance ; un cadre formel pour organiser la démarche. L’idée du projet émerge durant l’année 2017. Une campagne de mesure de la qualité de l’eau a donc été réalisée par le service de l’eau à l’été 2018 afin de s’assurer de la faisabilité du projet et de rassembler quelques données techniques pour débuter la démarche. Une fois les premiers résultats recensés, il a été jugé que l’objectif de baignade d’ici 2024 était envisageable et que la démarche valait le coup d’être engagée. Afin de lancer la démarche et d’initier une dynamique de projet commun autour de la Seine en Essonne, le Département a choisi de créer un structure de gouvernance pour mener le projet. Ainsi, dès le début de la démarche, si le projet et ses objectifs n’étaient pas encore clairement définis et voués à évoluer, la structure en charge de le mener à terme était en place. Un comité de pilotage et plusieurs comités techniques seront en charge de mettre en œuvre les actions nécessaires à la réalisation de l’objectif de baignade en Seine à l’horizon 2024. Un premier comité de pilotage a lieu le 16 juin 2018 en amont de la campagne de prélèvement. Il rassemble les élus de toutes les communes riveraines ainsi que les multiples acteurs du fleuve dans la vallée de la Seine en Essonne. De VNF à l’agence de l’eau Seine Normandie en passant par les directions sport et urbanisme du Département, l’objectif de ces comités est de formuler une stratégie commune 69


pour l’avenir de la Seine en Essonne. Le conseil départemental a également mis en place deux comités techniques se réunissant plus régulièrement. L’un aborde les enjeux liés à la qualité de l’eau, l’autre les enjeux plus larges liés au développement de la baignade en Seine et la définition des sites. Le 9 septembre 2018, le premier comité technique « Qualité de l’eau » se réunit. Ce comité très technique rassemble les différents acteurs de l’eau sur le territoire de la vallée de la Seine en Essonne. Y sont alors présentés les premiers résultats sur la campagne de qualité de l’eau de l’été 2018. Le premier comité technique « enjeux et sites » a lieu le 16 septembre 2018. Il rassemble l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire, ainsi que les communes. Il a pour vocation d’entrer dans les détails des sites de baignade, leur localisation et leurs enjeux, leur programmation au-delà de la baignade et leurs relations aux espaces habités. Il doit outiller les communes dans l’aménagement des sites et leur permettre d’agir. Par la suite, un second comité de pilotage a eu lieu en février 2019 afin de clarifier la démarche. Un comité technique « qualité de l’eau » s’est également réuni en avril. Cette organisation de projet a permis aux acteurs en charge de chacune de ces thématiques de se rencontrer, de s’identifier, et de fédérer les acteurs du territoire dans la démarche, de convaincre de l’intérêt de travailler sur la réappropriation du fleuve pour le territoire. À l’inverse, le Conseil départemental du Val-de-Marne, bien avancé sur le projet, n’avait aucune structure de gouvernance claire pour organiser le projet. Le service aménagement du Conseil départemental du Val-de-Marne a hérité de la démarche suite à l’abandon de la candidature du Département pour l’exposition universelle de 2025 qui devait se dérouler autour du fleuve. En effet, si le Département a finalement retiré sa candidature pour des raisons de faisabilité, le processus engagé durant plusieurs années pour cette exposition universelle a servi de socle de réflexion au rapport que les villes entretenaient avec le cours d’eau. Une étude fine et un diagnostic précis avaient été réalisés. Ils ont ainsi poursuivi une étude portant davantage sur la baignade. Parallèlement, les services et directions départementales se rencontrent régulièrement pour faire le point. À l’image également du projet du Réseau grand express de Lyon (REAL) (ARAB et al., 2015), ces systèmes de projet fonctionnent par l’interdépendance des différentes instances techniques, sans être liées par des rapports hiérarchiques, maîtrisant chacun un segment du projet. Aucune structure de gouvernance n’a été mise en place car chaque acteur a conscience de sa dépendance aux autres et ne peut avancer sans se concerter avec les autres. (ARAB et al., 2015). En Essonne, le projet « Baignade en Seine » aurait pu voir le jour dans cette logique, mais ce processus aurait nécessité bien plus de temps. Nous l’avons vu, les structures institutionnelles sont pour la plupart jeunes. Le réseau d’acteurs n’est pas encore solidement tenu. La structure institutionnelle mise en place permet donc de créer des liens entre acteurs et d’initier des échanges sur les projets de chacun. 70


Ce processus a donc permis de lancer une démarche et de fédérer les acteurs. Les engagements concrêts mis en place par le Conseil départemental concluent par la suite cette première phase de projet.

B. Pérenniser la démarche par des engagements La structure formelle mise en place par le Conseil départemental permet donc de rassembler les différents acteurs du territoire, techniciens et élus, afin de les convaincre de l’intérêt du projet. Dans un premier temps, la démarche semble donc très descendante : le Département organise une démarche dont il est le chef de file. Cependant, n’étant compétent en matière ni d’assainissement, ni d’aménagement, l’objectif est d’obtenir un engagement de la part des autres acteurs et une dynamique de projet. Un premier engagement officiel est demandé aux participants par la mise en place d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la réalisation de prélèvements et d’analyse de l’eau de la Seine sur les communes. Ainsi, il propose une première action : prendre en charge la démarche d’analyse de la qualité de l’eau. L’ARS demandant 4 ans de mesures pour ouvrir un site de baignade, les prélèvements doivent commencer dès l’été 2019 pour espérer ouvrir des sites de baignade en 2024. Pour la suite, le Département espère que les autres acteurs s’engagent à leur échelle dans le projet. Inciter à l’engagement par la réponse à un AMI accélère le processus et force les communes et différents acteurs à s’exprimer sur le projet s’ils veulent en faire partie. Ainsi, les réponses à l’AMI devaient avoir été exprimées avant le comité de pilotage du 12 février. Cependant, de nombreuses communes ne l’avaient pas encore fait pour des raisons diverses (manque de visibilité du projet par rapport à de nombreux autres dossiers, oubli,...). Il est également important de noter que l’affirmation publique de la volonté politique du département de reconquérir les berges de Seine n’a été faite qu’en juillet 2019, bien après la signature de l’AMI par les communes. Avant cela, le département s’était engagé à financer les campagnes de prélèvements mais n’avait pas précisé d’avantage ses ambitions sur le projet, son engagement financier éventuel dans les aménagements et dans l’assainissement. La démarche était alors parfois difficile durant les premiers temps du projet à présenter par les techniciens aux communes. Certaines attendaient d’avantage de précisions avant de s’engager. Malgré tout, le fait que quelques communes aient signé l’AMI et soit officielement engagées dans la démarche a permis d’en motiver de nouvelles. Ce rapport de concurrence et la mise en place de deadlines, ont permis une légère accélération. Ainsi, sur les seize communes riveraines, neuf sont officiellement inscrites dans la démarche près d’un an après le premier comité de pilotage (Figure 33). Cela peut sembler peu, mais ce nombre est bien suffisant pour développer le projet et reste une réussite aux vues du chemin qu’il reste à parcourir pour faire de la Seine en véritable sujet pour l’avenir dans certaines collectivités. De plus, l’AMI visant avant tout à réaliser des prélèvements en vue de l’ouverture de sites de 71


Figure 33: Communes engagées dans la démarche et points de prélèvements de la campagne de mesures 2019 Marne

Collectivitésengagées engagéesdans dansla la démarche: démarche: Collectivités Prélèvements pour suivi de la qualité des affluents Prélèvements pour sites de baignade EPCI participant aux comités techniques Communes ayant répondu à l’AMI Grand Orly Seine Bièvre

Seine Affluents Limite départementale

Yer re

s

ATHIS-MONS

Val d’Yerres Val de Seine

JUVISY Yv et

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VIRY CHÂTILLON e

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SOISY SUR-SEINE RIS-ORANGIS ETIOLLES EVRY COURCOURONNES CORBEIL ESSONNES

Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart

ne

on

Ess

LE COUDRAY MONTCEAUX

Juine

Seine

1 km

72

Réalisée par Viviane ANDRE © CAUE91 . Données CD91


baignade, il ne semble pas nécessaire de démultiplier les prélèvements, qui seraient alors trop coûteux pour le département. L’organisation d’un événement départemental lançant la démarche était également un objectif de cette première année de projet. Le 15 juillet 2019 a eu lieu le premier « Big jump » départemental. « Le Big Jump France est une fête des rivières et fleuves qui se traduit par des événements simultanés le long des cours d’eau, des sources jusqu’à l’embouchure. »63 Véritable «Journée européenne de la baignade», ces événements grand public, sont accompagnés par des actions de sensibilisation notamment à la qualité de l’eau et à la restauration de rivières. Ce mouvement européen de reconquête de la baignade et des cours d’eau est initié par l’European Rivers Network, dans le cadre de la directive cadre sur l’eau. En 2019, tous les événements devaient avoir lieu le 14 juillet. Objectif : un saut simultané d’un maximum d’européens dans les cours d’eau à 15h00 précise. Le réseau s’occupe ensuite de recenser l’action et les événements. En raison de la fête nationale du 14 juillet, le « Big jump » a eu lieu le lendemain en Essonne mais a tout de même été recensé. En raison de l’interdiction actuelle de baignade en Seine, le saut à proprement parler ne pouvait pas avoir lieu. À 11h, François Durovray a réalisé un discours présentant les engagements du Département, et les élus et partenaires présents se sont symboliquement engagés en soulevant une banderole intitulée « L’Essonne se jette à l’eau ». Durant toute la journée des animations et initiations aux sports aquatiques ont eu lieu à destination des centres de loisirs. Cet événement portait une valeur symbolique de lancement de la démarche et d’engagement de l’ensemble des acteurs. Ainsi, le Département est en mesure de structurer une démarche et de lui donner corps par des engagements concrets. Il peut être initiateur et moteur dans une démarche collective. Cependant, dans le cadre de la démarche «Baignade en Seine» le Conseil départemental a souhaité mettre en place un projet collectif. L’ensemble de la programmation, la stratégie de développement, les actions concrètes sont encore à définir avec l’ensemble des acteurs. Durant la première année, le Département, laissait donc parfois un flou dans la démarche, difficile à gérer pour les techniciens durant les premières réunions avec les collectivités territoriales. Une question récurrente était formulée: Le département finance-t-il les travaux d’assainissement ou d’aménagement? Quel financement est prévu? Questions auxquelles les réponses étaient encore difficiles à apporter. En effet, le projet doit se construire d’ici 2024, or, en 2021, les élections départementales risquant de rebattre les cartes, difficile pour le département de s’engager sur un programme pluriannuel de subventions dès 2019. Après avoir mis en place une structure de gouvernance pour le projet et formulé des engagements, l’heure est donc, un an plus tard, à la construction du projet et du plan d’action. Le défi du Conseil départemental et du CAUE est donc désormais de mettre en place une structure de projet claire et réellement participative, permettant à tous de participer au projet et de se sentir pleinement impliqué dans la démarche. 63

https://www.rivernet.org/bigjump/bigjump_f.htm 73


C. Et après? Vers une participation plus active des parties prenantes et la co-construction La démarche « Baignade en Seine » était encore à ses prémices durant l’année 2018 et 2019. La première année visait avant tout à mettre en place une dynamique collective, à rassembler les acteurs et à obtenir des engagements motivés de leur part pour débuter un projet concret. Ainsi, la première année a également permis de faire évoluer la structure de gouvernance initialement mise en place. En effet, le comité technique « enjeux et sites » est aujourd’hui voué à évoluer vers une forme moins formelle. Il aura davantage vocation à faire intervenir des acteurs extérieurs pour partager des retours d’expériences ou présenter des solutions spécifiques. Il pourra être l’occasion de visiter des sites où la baignade a déjà été aménagée, comme à la Villette ou à Meaux, et surtout, être l’occasion d’organiser des ateliers de travail avec les différentes communes. Un troisième comité technique doit être formé avec les acteurs de la communication des différentes collectivités territoriales. En effet, il est apparu au fil de la première année de projet que la communication grand public et la construction d’une image claire pour le projet étaient essentielles. Ce comité aura pour objectif de coordonner les actions de communication et les événements. Ainsi, il est apparu au fil de la première année que si la strcture formelle de projet avait été mise en place, et qu’une partie des acteurs s’étaient engagés, il restait à construire une démarche réellement participative autour de la démarche. Les premiers comités techniques étaient en effet très descendants, présentant les resultats des prélèvements, le champs des possible et la méthode envisagée par la suite. Une véritable co-construction du projet avec les communes est à mettre en place. De plus, l’importance de la communication et de la participation des habitants a été sous-estimée dans la première année du projet. Qu’il s’agisse de la participation des habitants ou des acteurs institutionnels, quelle part de participation a-t-elle été initiée dans le projet, et quelle ambition de participation le projet «Baignade en Seine» doit-il porter dans les phases à venir du projet? Il existe plusieurs degrés d’implication des acteurs dans les démarches de projet. Plusieurs échelles de participation du citoyen ont été mises en place, la plus connue étant celle de celle de Sherry Arnstein (1969), complétée par Roger Hart en 1992. Cependant, nous nous intéressons ici également à la démarche de coconstruction d’un projet avec les acteurs locaux. Pour l’illustrer, les travaux d’André Torre (TORRE, 2011) sont assez pertinents. « La communication vise à faire passer un message et à obtenir l’adhésion du public à une proposition : elle peut faire partie de démarches participatives» (TORRE, 2011, p.119). Cette première forme d’échange est totalement prise en compte dans le projet et constitue la première étape auprès des élus et techniciens. 74


« L’information vise à transmettre des données qui permettront aux individus ou groupes cibles de se construire une opinion et de participer au débat » (TORRE, 2011, p.119). Cette deuxième forme est l’enjeu des comités techniques et de l’information aux communes, ainsi que du rôle de conseil et d’accompagnement des techniciens, de la création d’un savoir commun (livret « DATA »): Outiller les acteurs pour qu’ils puissent participer pleinement au projet. « La consultation vise à collecter les avis des acteurs, sans apporter de garanties quant à la prise en compte des avis exprimés » (TORRE, 2011, p.119). Les premiers rendez-vous individuels organisés entre le Conseil départemental, le CAUE et les communes visaient à recueillir les besoins et intentions, dans une posture d’écoute et d’ouverture totale. En effet, « les participants arrivent parfois avec relativement peu de choses en commun dans les phases de prémices d’une action collective. Partant de là, il est crucial de pouvoir permettre une expression des idées, des intentions, des insatisfactions, qui favorise peu à peu une co-construction sur des bases davantage partagées. » (AMBLARD et al., 2015, p.12) « Le dialogue vise à permettre des rapprochements entre les parties prenantes et la construction de langages et références communs » (TORRE, 2011, p.119). Cette part de la participation est permise dans le projet par la mise en réseau des acteurs et la construction d’un savoir commun et partagé. « La concertation vise la construction collective de visions, d’objectifs, de projets communs, en vue d’agir ou de décider ensemble » (TORRE, 2011, p.119). C’est ici l’objectif à atteindre dans la suite du projet. Si les acteurs dialoguent librement et partagent leurs aspirations et projets réciproques, il n’y a pas encore de dynamique de construction collective. Les comités techniques « enjeux et sites » seront l’occasion de mettre en place de véritables espaces de co-construction. Enfin, « la négociation vise à l’obtention d’une décision acceptée par l’ensemble des parties prenantes. » (TORRE, 2011, p.119) elle peut prendre place dans le cadre de ces ateliers et faire l’objet, lors de comités de pilotage, de prise de décision concrète et conjointe pour l’avenir du territoire. Cependant, si la plupart de ces éléments de communication et de participation est prise en compte dans le projet vis-à-vis des élus et des acteurs du territoire, ce n’est pas le cas en ce qui concerne le grand public et les habitants. À titre d’exemple, le « Big jump » était le premier événement de lancement de la démarche auprès du grand public. La presse a relayé l’information et le Département a fait connaître sa démarche et ses engagements publiquement. À cette occasion, lors de l’événement à Corbeil-Essonnes, les premières inquiétudes de la part du grand public se sont faites sentir. Une représentante d’association de quartier est venue se renseigner sur le projet, inquiète du devenir du site et de l’impact d’un site de baignade sur le quartier. Ainsi, la volonté d’être associé à la démarche et consulté dans la prise de décision a été exprimée. La communication et la participation grand public sont une part du 75


projet essentielle à développer et qui ne doivent pas être négligées dans la suite de la démarche. Le CAUE peut-être, par ses méthodes, nous l’avons vu, un allier précieux pour le département dans le mise en place d’une démarche participative. D’autant plus que le fleuve revêt des enjeux multiples pour lesquels la sensibilisation du grand public est nécessaire, or, nous pouvons voir le débat public comme un « processus de formation citoyenne » (POLLET, 2015) pouvant être particulièrement bénéfique à l’avenir des sites. En effet, la construction conjointe d’une démarche doit prendre en compte dès le début la multiplicité des besoins, l’entente entre les acteurs peut tenir « parce qu’aura été créé un monde devenu plus compliqué, doté d’assez de dimensions supplémentaires pour que ce qui était contradictoire puisse coexister » (STENGERS, 2006, p. 252). « À l’inverse lorsque cette vision assembliste est imposée par un monde extérieur à celui des acteurs partie prenante de [l’action collective], cette dernière peut peiner à se mettre en place être mal reçue voire détournée » (AMBLARD et al., 2015, p.11). Ainsi, afin de ne pas s’imposer comme une entité organisatrice imposant une démarche aux acteurs du territoire et bloquer l’engagement des acteurs locaux, le Conseil départemental doit veiller à assurer un cadre pour la participation de tous, élus comme citoyens, et l’échange de bonnes pratiques avec les autres territoires. « L’intelligence collective pour arriver à la bonne proposition, l’écoute des chercheurs, des intellectuels et des associations, le rôle de veille de nombre de structures et l’observation de ce qui marche ailleurs... Tout cela doit renouveler le cheminement de la décision publique » (Jean VIARD in POLLET et al., 2015, p.2173) Ainsi, le Conseil Départemental cherche à mettre en place une démarche collective autour du fleuve. Si la premère année du projet a principalement consisté à rassembler les acteurs autour du fleuve, leur présentant la variété des possibles et les incitant à prendre en compte le fleuve dans leur planification territoriale, la participation et la co-construction, notamment avec les habitants, n’était pas encore mise en place et seront au programme de la seconde année de projet. Peut-on malgré tout, alors, parler d’ «action collective» pour la démarche initiée par le Conseil départemental?

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3 LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL INITIATEUR D’UNE «ACTION COLLECTIVE» AUTOUR DU FLEUVE Peut-on dire que le Conseil départemental de l’Essonne parvient à mettre en place une action collective dans le cadre du projet « Baignade en Seine » ? Nous définirons dans un premier temps la notion d’ « action collective ». Puis nous verrons en quoi le projet «Baignade en Seine» peut être défini comme tel. Enfin, si l’action collective façonne le territoire, nous nous demanderons quel effet l’action « Baignade en Seine » peut avoir sur son territoire de projet?

A. Défintion de «l’action collective» « L’action collective » (AMBLARD et al., 2015) est une notion qui fédère et divise de nombreux domaines : les sciences de gestion, la sociologie, les sciences politiques, les sciences économiques ou encore la géographie. Si les définitions varient selon les domaines d’application, elle correspond globalement à « l’action commune ou concertée des membres d’un groupe en vue d’atteindre des objectifs communs » (LORINO, 1989). Elle remplace selon certains chercheurs le processus de marché ou de réglementation étatique pour gérer durablement un bien commun. (AMBLARD et al., 2015) Dans le domaine de l’aménagement de l’espace, elle est souvent perçue comme un « mouvement d’essence plus ou moins spontanée, aux frontières incertaines et avec des structures fluides, émergentes et informelles, un mouvement qui représente le devenir, le surgissement du nouveau et de l’historicité » (AMBLARD et al., 2015, p.3). En somme, une dynamique spontanée entre différents acteurs locaux, sans aucune obligation réglementaire ou étatique à s’organiser pour le devenir d’un bien commun. Profondément inscrite dans un idéal de gouvernance du bas vers le haut, « l’action collective » serait donc avant tout la collaboration spontanée d’acteurs. Cependant, il existe un gradient de l’action collective allant du « mouvement diffus et spontané qui progressivement fédère plusieurs acteurs sans qu’il y ait eu concertation collective préalable » (AMBLARD et al., 2015, p.3). Amblard et al.. prennent pour illustrer cette forme d’action collective l’exemple du développement d’une pratique agricole biologique sur un territoire. À l’opposé du gradient se trouverait « l’action collective institutionnalisée » (AMBLARD et al., 2015) avec l’exemple de la mise en place d’un comité de bassin. Si l’idée d’un gradient allant de l’action spontanée qui progressivement s’organise, à la mise en place d’un cadre institutionnel préalable permet de clarifier l’idée, ce gradient et les exemples choisis sont nuançables. En effet, le développement de l’agriculture biologique de ces dernières années, s’il émerge d’un engagement d’un grand nombre d’agriculteurs 77


et qu’il nécessite souvent beaucoup de volonté, a aussi été propulsé par des financements européens et des incitations nationales voire parfois locales. Difficile donc de restreindre l’évolution des pratiques agricoles à un mouvement spontané et non-institutionalisé. À l’inverse, la mise en place d’un comité de bassin, s’il est bien une décision institutionnelle nécessite de fédérer des acteurs multiples et sous-entend répondre à des besoins de collaboration. Nous pouvons donc supposer que des collaborations informelles préexistaient à l’organisation d’une structure institutionnelle. Enfin, « l’action collective », se diviserait en trois types (AMBLARD et al., 2015). L’« action collective territoriale » et transversale est une action limitée à un territoire abordant de multiples filières et domaines. L’« action territoriale et sectorielle » est une action territorialisée rassemblant les acteurs d’un secteur sur une thématique ou un enjeu commun. Enfin, l’« action collective supraterritoriale » aborde des sujets dépassant les enjeux d’un territoire. Elle nécessite donc la coordination d’acteurs supra-territoriaux. Elle peut avoir des retombées et conséquences sur le territoire mais n’en est pas l’objet premier. Lorsque l’on parle d’ « action collective », plusieurs questions émergent : Tisse-t-elle une certaine forme de lien entre les acteurs du territoire ? Que partagentils ? Qui fait partie de cette action ? Quelle place est faite au conflit, au secret et aux intérêts individuels ? Quel en est le produit, l’objectif ? Est-il le même pour tous les acteurs, quel rapport entretiennent-ils alors avec la décision, l’aboutissement ? Nous tenterons de répondre à ces questions dans le cadre du projet « Baignade en Seine ».

B. Le projet Baignade en Seine une «action collective»? Le projet « Baignade en Seine » semble répondre en partie à la définition de l’action collective. Il s’agit bien de « l’action commune ou concertée des membres d’un groupe en vue d’atteindre des objectifs communs ». Ce projet s’intéresse avant tout au devenir et à la gestion durable d’un bien commun : la Seine. Cet enjeu nécessite en effet la collaboration de l’ensemble des acteurs du territoire, profondément interdépendants, dans l’objectif commun d’amélioration de la qualité de l’eau pour la rendre « baignable » à l’horizon 2024. La démarche est en revanche une action initiée par le Conseil départemental, et, nous l’avons vu, une démarche avant tout institutionnellement cadrée et organisée. Ce ne sont pas les acteurs locaux qui se sont progressivement et spontanément organisés autour de la question. Cependant, de nombreux projets autour du fleuve émergeaient bien avant l’intervention du Conseil départemental qui a simplement souhaité offrir un cadre pour rendre l’action plus efficace, plus cohérente et plus durable. Son action vise également à donner une meilleure visibilité à la démarche et à fédérer davantage d’acteurs autour de ces questions. 78


L’action deviendrait-elle pleinement « collective » si les acteurs de sa mise en œuvre étaient pleinement et également concertés et intégrés au processus de décision ? Les étapes à venir du projet nous éclairerons peut-être à ce sujet. La démarche n’en est qu’à ses premiers pas, aucun processus de prise de décision commune n’a encore été initié. Viennent alors les questions de l’inclusion des parties prenantes, de la gestion des tensions et divergences d’opinion, et du rapport à la prise de décision des acteurs de l’action collective. Qu’en est-il du projet « Baignade en Seine » ? Que nous apprend-il sur le processus de mise en place d’une « action collective » ? À propos de l’inclusion, la définition des limites du corps des acteurs de l’action collective ne fait pas l’unanimité. Considère-t-on comme actifs, uniquement les acteurs dont l’action est décisive ? (AMBLARD et al., 2015) Considère-ton tous les acteurs impliqués à un moment ou un autre dans la démarche, ou à l’inverse, uniquement les initiateurs ? Considèrent-on de la même façon les élus et les techniciens, les institutionnels ayant la capacité d’agir ainsi que ceux qui financent les actions ? Dans le cadre de la «Baignade en Seine», c’est un nuage large et complexe d’acteurs, de filières et aux positions diverses qui participent au projet et le rendent possible à l’heure actuelle. Nous pouvons considérer comme pleinement acteurs de la démarche uniquement le Conseil départemental, le CAUE et les communes ayant répondu à l’AMI, mais ce serait mettre de coté un nombre important de partenaires associatifs, financiers, et techniques rendant l’action possible. La question s’est posée suite à la réception des réponses à l’AMI. Les comités techniques et comités de pilotage devaient-ils être restreints aux communes ayant exprimé un intérêt et aux acteurs ayant répondu présents durant la première année de projet ? La décision a rapidement été prise de poursuivre les invitations et incitations à la participation, car c’est en permettant à tout acteur intéressé d’intégrer la démarche à tout moment que l’action devient réellement collective. Le groupe d’acteurs de l’action reste donc ouvert. À propos de la gestion des conflits et des intérêts individuels opposés, « aux niveaux technique et politique, la construction de l’action collective consiste moins à poursuivre des intérêts communs qu’à gérer le jeu concurrentiel » (ARAB et al., 2015, p.196). En effet, la construction d’une action collective vise avant tout à fédérer des intérêts individuels autour d’une action commune. La prise en compte de la diversité des attentes et besoins est essentielle. Dans le projet, un certain flou, une marge de manœuvre a d’ailleurs été laissée dès le début afin de permettre à chacun d’exprimer son regard sur le projet et ses possibles. Les divergences, voire les tensions, peuvent aussi permettre d’aller encore plus loin dans le projet et le processus. Le Conseil départemental et le CAUE savent d’ailleurs en jouer. Pour reprendre l’exemple de la signature de l’AMI, certaines communes ne l’avaient pas signé le jour du comité de pilotage de février 2019 et n’avaient d’ailleurs jamais 79


participé à la démarche ainsi qu’aux réunions. En revanche, apprenant qu’une démarche était en cours et que d’autres communes avaient répondu présentes, le jeu concurrentiel a permis d’inclure de nouvelles communes dans le projet. De la même façon, lors de ce comité de pilotage, il a été proposé à la commune de Viry-châtillon de présenter leurs projets et leur approche vis-à-vis du fleuve, jugée originale et pouvant inspirer les autres acteurs de l’action. La mise en lumière d’une commune et de ses actions a permis de faire réagir d’autres élus qui ont alors partagé leur approche et donné envie à certains acteurs d’aller plus loin, de faire leur part, afin de faire partie du projet. Enfin, le rapport à la prise de décision et à l’objectif commun pose aujourd’hui encore question. Le projet « Baignade en Seine » n’ayant pas encore donné lieu à des mises en œuvre et décisions effectives il est encore difficile de se prononcer. En revanche, nous pouvons, au regard de nos observations, affirmer qu’une action collective est en train de naître autour de ce projet. Si la participation et l’implication pleine et entière de tous les acteurs doit être permise afin que la prise de décision soit partagée, le Conseil départemental semble, par la mise en place d’un cadre institutionnel, avoir réussi à fédérer les acteurs locaux autour d’un objectif commun : la reconquête et la revalorisation du fleuve.

C. L’action collective façonne le territoire: quel avenir pour le territoire de la baignade en Seine ? Si « l’action collection façonne le territoire » (AMBLARD et al., 2015, p.14), quel impact aura le projet « Baignade en Seine » sur la Vallée de la Seine en Essonne et sa gouvernance ? L’action « Baignade en Seine » était à l’origine une « action collective territoriale sectorielle », centrée autour de l’objectif de «Baignade en Seine», rassemblant principalement les acteurs de la qualité de l’eau, de l’aménagement de l’espace et les élus. Elle s’est cependant progressivement transformée en une « action collective territoriale transversale ». Elle aborde en effet aujourd’hui de manière transversale l’ensemble des enjeux liés au fleuve. Reconquérir le fleuve, retourner les villes vers la Seine semble une opportunité pour l’ensemble du territoire et pour la construction d’une identité partagée. Parallèlement, nous pouvons également dire qu’une certaine « action collective supra-territoriale » est en train de naître autour du fleuve. En effet, les départements de la Seine Amont, de Paris, ainsi que de la Seine Aval travaillent autour des ressources et richesses du fleuve, à sa valorisation et à sa gestion durable. Ce fleuve est un enjeu national dépassant largement le projet de « Baignade en Seine » en Essonne. Quel effet cette collaboration autour du fleuve aura-t-elle sur le territoire ? 80


Elle peut avoir des retombées sur l’image et l’identité du territoire à une échelle bien plus large que le sentiment d’appartenance de ses habitants. Mettre en valeur le territoire dans une action collective et conjointe c’est lui donner d’avantage de lisibilité. C’est donc aussi un véritable atout économique. La collaboration de multiples acteurs, de filières et d’institutions diverses, des techniciens comme du corps d’élu, va profondément influencer les partenariats à venir. En effet, l’action collective crée un vivier de ressources activables pour de nouvelles actions collectives. En effet l’ensemble des acteurs auront déjà travaillé ensemble, à cette échelle, et seront alors en mesure de communiquer avec beaucoup plus de rapidité et d’efficacité par la suite, car des relations préexistantes auront été établies, un « capital social » (BOURDIEU, 1980) aura été composé autour du fleuve. C’est ce que nous enseigne l’expérience de la mise en place du Réseau Express de l’Aire de la Métropole Lyonnaise (REAL). Les actions antérieures au REAL ont permis aux techniciens et élus de travailler ensemble dans des cadres plus ou moins formalisés. Cet « apprentissage de l’interdépendance stratégique » (ARAB et al., 2015, p.200) a permis une coopération interinstitutionnelle très efficace dans le projet. C’est également une des raisons principales de l’avancée très rapide du département du Val de Marne sur le sujet, puisque suite à la candidature à l’exposition universelle, une structure et un réseau d’acteurs préexistant a permis très rapidement de mettre en place une nouvelle démarche. La prise en compte du fleuve comme structure territoriale essentielle dans le cadre de projet, peut-elle avoir un effet à long terme sur les découpages territoriaux ? Les conséquences de la modification du périmètre des EPCI pour la prise en compte du fleuve dans l’aménagement de la Seine sont indéniables. Le cas de GPS est particulièrement intéressant à ce sujet. La Seine en Essonne concerne aujourd’hui trois EPCI, dont une appartenant à la Métropole. Les études et partenariats sur le sujet ont permis de mettre en valeur des enjeux et potentiels très similaires ou complémentaires entre ces territoires. Une véritable « action collective » autour du fleuve mènera-t-elle à une évolution à long terme de la gouvernance et de la gestion du fleuve ?

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CONCLUSION La démarche « Baignade en Seine », portée par le département s’inscrit dans un contexte complexe, où la gouvernance territoriale est en pleine réorganisation. Porteur d’enjeux bien plus larges que le simple développement de la baignade, le projet s’inscrit pleinement dans les politiques départementales en matière de préservation des espaces naturels, de résilience du territoire face aux changements climatiques, de préservation de la santé et d’égalité sociale. Mais cette démarche revêt aussi pour le Conseil départemental un véritable enjeu politique. Entre cohésion interne et concurrence supra-territoriale, le département joue dans le projet «Baignade en Seine» un rôle d’ initiateur et d’« assemblier »64. Ce rôle d’assembler littéralement les acteurs et leurs actions autour d’un projet commun, de créer l’échange et la cohérence est notamment définit par ce terme par les services en charge de la baignade au sein du Conseil départemental du Val de Marne. Perpétuellement remis en question, l’échelon intermédiaire que représente le département serait-il le porte-voix du périurbain et de la ruralité, là où les Régions, métropoles et EPCI peinent à maintenir une véritable équité territoriale ? (CHARMES et al., 2015, TESSON, 2006) Les maires de petites communes se disent « oubliés » et démunis. La multiplication des « communes nouvelles » est particulièrement représentative à ce sujet. Les petites communes rurales, noyées dans de grandes EPCI, se rassemblent pour faire basculer les rapports de forces. En Île-de-France, les rapports de forces sont également en pleine redéfinition avec la création de la Métropole du Grand Paris aux portes de l’Essonne. Si intégrer la Métropole peut sembler une opportunité pour certaines communes, il s’avère également que cela peut être synonyme de perte de pouvoir. L’exemple de Juvisysur-Orge, Viry-Châtillon et Athis-Mons est assez intéressant à ce sujet. Situées en Essonne, mais englobées dans l’EPT12 de la Métropole, soit Grand Orly Seine Bièvre, ces communes sont pleinement intégrées aux études de la Métropole, mais pas nécessairement aux plans d’action. Le SIAAP65, en charge de l’amélioration de la qualité de l’eau pour l’ouverture des sites de baignade au sein de la Métropole affirme en effet «nous n’avons pas les données». Leur «modèle de modélisation» s’arrête en effet à Ablon et «ne va pas en Amont»66. Si leurs compétences et champ d’action est effectivement restreint, le choix de ne pas élargir le cadrage dans le cadre du projet est assez révélateur des relations entretenues entre métropole et 64 Terme utilisé par Lucie Bignon, cheffe de service aménagement de développement territorial, Service aménagement, Conseil Départemental du Val de Marne, lors d’une rencontre le 25.03.2019 65 Syndicat Interdépartemental d’Assainissment de l’agglomération Parisienne 66 Propos rapportés par Amandine Luez, lors des groupes de travail sur la qualité de l’eau. 83


périphérie. Au sein du département, et de la vallée de la Seine, les rapports de force sont différents. Juvisy-sur-orge et Orly sont même des polarités fortes et essentielles pour l’ensemble du département, au cœur des enjeux de développement du territoire. À l’inverse, au sein de la Métropole, ils ne sont qu’un pôle à la marge. Le département a donc également un rôle à jouer pour le périurbain, cet entre-deux qui ne souhaite pas appartenir aux grandes métropoles mais n’est pas pour autant confronté aux mêmes enjeux que les territoires ruraux. Cet espace confronté à une pression foncière et à un devoir de densification de plus en plus important, manquant pourtant parfois de compétences et d’accompagnement pour y faire face. Le projet « Baignade en Seine » peut-être une véritable occasion pour le périurbain et les territoires de la Seine Amont de donner à voir un cadre de vie et un mode de vie qui leur est propre, de construire une identité forte et indépendante de la Métropole, afin de ne pas être uniquement un espace servant de la capitale. Le département se retrouve ainsi, dans la démarche «Baignade en Seine», chef de file dans la planification et l’organisation d’une démarche autour du fleuve, une compétence qu’il exerce alors, bien qu’elle ne lui soit pas attribuée. Le Conseil départemental parvient-il à mettre en place une véritable action collective autour du fleuve ? Les projets tels que « Baignade en Seine » sont profondément politiques et dépendants des relations entretenues entre les acteurs politiques et techniques. La démarche sera probablement bouleversée dès 2020, par les élections municipales, puis 2021 par les élections départementales. Que restera-t-il alors de l’action collective initiée par le département ? L’avenir du projet nécessite l’appropriation de la démarche par l’ensemble des acteurs. Si le projet perdure et que l’action se poursuit, nous saurons alors que le Conseil départemental est parvenu à construire une véritable «action collective» autour du fleuve.

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SITOGRAPHIE Site du CAUE de l'Essonne https://www.caue91.asso.fr/ Site du Conseil départemental de l'Essonne http://www.essonne.fr/ archives départementales en ligne http://portailweb.cg91.mnesys.fr/?id=recherche_web_fi https://www.youtube.com Vidéo du Big JUMP par latitude91 : https://www.youtube.com/watch?v=tfWjS4EjL6Q https://www.elueslocales.fr https://www.lagazettedescommunes.com/ http://www.apur.org

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ICONOGRAPHIE Page de garde et de couverture Figure 1: La Seine, de l’Essonne à l’Estuaire © CAUE91 CHAPITRE 1: Figure 2: Le bassin de la Seine en Essonne © Viviane André Figure 3: Affiche «Baignade en Seine» © CAUE91 p.4 Figure 4: Plage à Draveil © Alexis Linge p.8 Figure 5: La Seine, de l’Essonne à l’Estuaire © CAUE91 p.10-11 Figure 6: Baignade de Corbeil-Essonne au XXème siècle © Archives départementales de l’Essonne p.12 Figure 7: Bassin de la Villette inauguré en 2017, p.18 © Paris.fr p.12 Figure 8: Site identifié par la Métropole à Viry-Châtillon © Viviane André p.14 Figure 9: Site potentiel de baignade à Soisy-sur-Seine © Viviane André p.14 Figure 10: François Durovray, président du département de l’Essonne, le 22 mai 2019 dans le hall de la gare de Lyon © Twitter @DUROVRAY p.16 Figure 11: Affiche de communication du département de l’Essonne © Twitter @Epoka_Agency p.16 Figure 12: Organigramme du projet «Baignade en Seine» en juin 2019 © Viviane ANDRE p.18 Figure 13: La ville de corbeil, gravure de Claude Chastillon, 1610-1640 © Archives départementales de l’Essonne p.22 Figure 14: Evry Petit-bourg, Château des Tourelles © Archives départementales de l’Essonne p.22 Figure 15: Baignade de Ris-Orangis © Archives départementales de l’Essonne p.22 Figure 16: La Seine à Champrosay, 1867, Auguste Renoir © Archives départementales de l’Essonne p.24 Figure 17: Evry, ville nouvelle en construction: les pyramides © Archives départementales de l’Essonne p.24 Figure 18: Crue de 1910 au pied des moulins de Corbeil © Archives départementales de l’Essonne p.24 Figure 19: Une rupture sociale entre les deux rives, © Viviane André p.26 Figure 20: Des orientations politiques divergentes entre les deux rives © Viviane André p.26 Figure 21: Des atouts paysagers et urbains complémentaires © Viviane André p.28 Figure 22: Territoire Essonnien du projet «Baignade en Seine» © Viviane André p.30 Figure 23: La loi MAPTAM réorganise le territoire de la Seine en Essonne © Viviane André p.32 Figure 24: Schéma de principe de délimitation du Domaine Public Fluvial © VNF p.35 Figure 25: À la recherche de cohésion entre les projets des différents acteurs de la Seine © Viviane André p.36 CHAPITRE 2: Figure 26: Quais de Viry-Châtillon © Alexis Linge p.40 Figure 27: EPCI et cantons en Essonne en 2013 © Viviane André p.42 Figure 28: EPCI et cantons en Essonne en 2016 © Viviane André p.44 Figure 29: Les départements français en 1790 © www.histoire-image.org p.46 Figure 30: En 1964, les départements d’Île-de-France sont redivisés © Viviane André p.46 CHAPITRE 3: Figure 31: Ecluse du Coudray-Montceaux gérée par VNF © Viviane André p.62 Figure 32: Contraintes à la baignade et à l’aménagement des berges de Seine en Essonne © Viviane André p.64 Figure 33: Communes engagées dans la démarche et points de prélèvements de la campagne de mesures 2019 © CAUE91 p.72

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92 Réalisée par Viviane ANDRÉ & Alexis LINGE © CAUE91 . BD CARTO


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