éclaireurs Inspiration / Nos aventurières
L’étoffe des
héroïnes Alexandra, Isabelle, Ella, Amelia, Anne-France… Elles ont bravé le monde et les conventions, accompli les plus folles épopées au temps où le voyage se passait de GPS et nécessitait plus d’audace que d’énergie fossile. La liberté qui leur a servi de guide inspire plus que jamais les voyageurs d’aujourd’hui et inspire même l’univers du style.
Une saharienne de cuir fauve, un foulard noué dans le cou, les cheveux au vent… Cette silhouette dessinée par la styliste Clare Waight Keller pour la collection automne-hiver 2016-2017 de la maison Chloé ne doit rien au hasard. Elle s’inspire trait pour trait d’une belle aventurière nommée Anne-France Dautheville, jeune fille de bonne famille partie en 1973 au guidon de sa moto. Beauté solaire et solitaire sur la route de l’Afghanistan, elle a finalement passé dix ans à parcourir le monde pour en rapporter le récit de sa course libre. Quarante-trois ans plus tard, la Petite Bibliothèque Payot vient d’ailleurs de rééditer Et j’ai suivi le vent. Une vraie surprise pour l’intéressée, qui vit dans sa campagne où elle écrit des livres sur la vie des plantes. “L’histoire de Chloé est tombée de la cheminée comme le Père Noël. Je me pensais oubliée, et puis non ! Jamais la maison n’a eu une telle presse pour aucune de ses collections. En me tirant de l’oubli, Clare a mis le doigt sur un désir profond de notre société qui n’en peut plus des haines et des violences. Neuf fois sur dix, je me conduisais exactement à l’inverse de la bonne éducation locale. Femme jeune et seule, j’ai toujours été accueillie et respectée”, témoigne celle qui s’est toujours revendiquée “cambouis et collier de perles”. Autre hommage à une grande aventurière du XXe siècle, celui rendu en février dernier par le magazine américain Harper’s Bazaar. Pour ses 150 ans, il a confié à Rihanna le soin d’incarner le style de l’aviatrice américaine Amelia Earhart, première femme à avoir traversé seule l’Atlantique aux commandes de son Lockheed Vega en 1932, disparue cinq ans plus tard au milieu du Pacifique lors de sa tentative de tour du
monde par l’est. Un rôle que la chanteuse de la Barbade à l’ego conséquent a pourtant endossé avec enthousiasme dans sa version prêt-à-porter de luxe : “Ce fut pour moi une évidence tant Amelia a eu la grâce et l’intelligence de s’imposer dans un monde d’hommes, et de ne jamais entendre ‘non’ comme une réponse.” À l’heure où les femmes peuvent tout imaginer, tout tenter, les exploits de ces pionnières de l’exploration inspirent. Elles ont osé quitter un monde régi par et pour les hommes pour se confronter à l’inconnu du monde. Elles ont tourné le dos à leur rôle sacré de mère pour prendre en main leur vie, “avec le monde pour maison”, comme le dit Anne-France Dautheville. Il faut songer qu’en France
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