EDITO
Lors du célèbre festival de Dour en Belgique, pendant une pause bien méritée dans la zone presse, je feuillette par hasard un livret sur l’actualité de la musique et des festivals d’été et je tombe brusquement sur l’interview d’un programmateur d’un festival français, disant en gros qu’il parcourait toute l’année les SMAC (Salle de Musiques Actuelles Amplifiées) de France et d’ailleurs à la recherche DES perles scéniques, des formations qui vont faire parler de son festival si tout ce passe comme prévu. La personne en question paraissait tellement enthousiaste dans ses dires que j’imaginais réellement sa programmation remplies de superbes découvertes. Si on réfléchit deux secondes, et en comparaison avec la centaine d’artistes que je vois par an sur scène dont au moins la moitié est excellente, je me dis que le gars va bénir son public avec son festival. Résultat des courses, lorsqu’on regarde son travail, il y a comme une grosse incompréhension : 70 groupes sur 4 jours dont peut-être la moitié consacrée aux découvertes, et encore je ne suis pas sûr, on se dit que la marge de manœuvre est moindre. Pourquoi ? Qu’a t-il fait pendant son année ? Et quelles découvertes ! On les connaît tous plus ou moins, des groupes qui marchent plutôt pas mal dans le petit univers du rock indé et qui trouveront chaussures à leur pied parmi le public, c’est certain. L’un des rôles du W-Fenec, et non des moindres, c’est de faire émerger des talents, les mettre en lumière par l’écriture et la lecture. Forcer les mélomanes à aller encore plus loin dans leur découverte de nouveaux artistes et je suis sûr que nos lecteurs sont autant blasés que nous s’agissant du constat de la pauvreté de la programmation de certains festivals français importants en matière de festivaliers et de budget. Et si l’on regarde de plus près, il y a très peu d’artistes “estampillé“ W-Fenec dans leurs planifications. Pourquoi ? A quoi sert-on ? Pourquoi parler d’artistes émergents si “leurs“ festivals ne les programment pas ? Pour prendre un contre-exemple remarquable, le festival de Dour nous choisit depuis plus de 10 ans comme partenaire média. Nous, petit magazine âgé de 15 ans, indépendant jusqu’à l’os. Cet évènement annuel, se déroulant en juillet à quelques dizaines de kilomètres de nos frontières, rameute 220 artistes de tous styles, gros comme petit, sur 7 scènes et ce pendant 4 jours. Oui, tu as bien lu, je pourrai même me contenter d’en rester là tellement cela a du sens. Le gars de la programmation, en toute modestie, est totalement capable d’assimiler et d’assurer la rentabilité économique de son festival avec l’intérêt de sa programmation. Ce festival joue un rôle non négligeable, comme nous à une autre échelle, dans la trouvaille d’artistes à découvrir absolument. Et si ca se trouve, le mec fait moins de bornes que l’autre fameux programmateur pour dénicher ses découvertes. Inutile de dire que Dour (et ce n’est qu’un exemple) fait complet à chaque édition avec cette méthode, cette vision des choses purement respectable. Mais on est en Belgique... A-t-on droit à la prise de risque en France ? Peut-on programmer 220 artistes de styles différents sur nos terres ? Bien sûr, on nous répondra assez facilement que des festivals plus petits proposant “notre“ musique, et c’est presque une insulte de mettre ça entre guillemet tellement nos goûts musicaux sont hétéroclites, trouvent leur public et que l’on peut se contenter de cela. Mais ces derniers ne bénéficient pas d’autant de fonds que ces festivals de la “grande distribution“ et risquent de disparaître plus rapidement de par leur structure. Et si au fond le problème venait de nos concitoyens et de leurs goûts ? On dit toujours qu’on donne aux gens ce qu’ils ont envie de bouffer et qu’on a ce qu’on mérite. A moins que la pression fiscale importante en France oblige les organisateurs à aller dans ce sens ? Toujours est-il que si on reculait le temps d’une dizaine voire une quinzaine d’années, le débat n’existerait pas. Maintenant, il est bel et bien lancé. Ted
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SOMMAIRE
SOMMAIRE 04 Sonisphere 14 Exsonvaldes 18 Hellfest 44 Dour 52 Queens of the Stone Age 53 Alice in Chains 58 Dillinger Escape Plan 82 Sons of Buddha 86 Xtrem Fest 94 En bref 98 Concours 99 Courrier des lecteurs 100 Il y a 10 ans 102 Dans l’ombre
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REVIEW
SONISPHERE Après une édition «catastrophe» en 2012 avec une programmation indoor amputée de têtes d’affiche et des évènements climatiques ayant obligé l’annulation de certains concerts, le cru 2013 du Sonisphere retrouve ses quartiers d’origine avec deux jours pleins en extérieur. Grosse programmation, météo clémente, bières fraîches, tout est réuni pour passer un bon week-end sous le son du métal. Alors que l’édition 2011 s’était déroulée un vendredi et un samedi, c’est bien le samedi et le dimanche que le festival se déroule. L’équipe de choc du W-Fenec façon Paris Match (composé du duo magique Gui pour le poids des mots et Christian pour le choc des photos) est prête à prendre le plein de décibels du coté de la Moselle. Il faut dire que la prog est assez alléchante, la cerise sur le gâteau étant le retour en terre mosellane d’Iron Maiden pour un show s’annonçant forcément explosif. Mais faisons les choses dans l’ordre et commençons par la journée du samedi (ça serait toutefois marrant de commencer la chronique d’un festival par la fin, tiens faudrait que j’essaye un jour.) Samedi 8 juin 2013 Il est un peu plus de 14 heures 30 quand nous arrivons sur le site du complexe multi activités d’Amneville. Je suis agréablement surpris de ne pas subir de bouchons et le pass parking si gentiment mis à disposition par l’organisation nous permet un parcage dans les meilleurs conditions. Nous récupérons nos bracelets pass (encore une grande énigme, nous disposons avec Christian de deux bracelets chacun, tous de couleurs différentes, permettant notamment au photographe d’accéder à l’espace presse qui m’est refusé. Très étrange.mais bon.). Le festival a déjà démarré, tant sur le camping (avec une scène off et le passage des excellents Peter Pan SpeedRock, grrrrrr) que sur le site principal. Nos plus plates excuses à Dagoba et aux Crucified Barbara que nous avons eu le regret de ne pas voir (ou pas). Je n’y étais pas, je ne peux pas vous dire, n’insistez pas !!! Tout commence pour nous avec le concert (bien entamé il est vrai) de Karnivool, quintet progressif australien,
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dont nous suivons la performance de l’espace VIP. Espace considérablement réduit par rapport à l’avant-dernière édition, avec quelques sièges, un bar et un espace DJ. On y croise déjà du beau monde avec Steph Loudblast et Raph Mass Hysteria, ce dernier n’étant jamais avare de bonnes histoires. On croise aussi de loin des gars de Bukowski. Le temps de discuter et de prendre quelques nouvelles de chacun que le concert de Karnivool touche à sa fin. De mémoire, rien de transcendant, juste du rock. Ce qui n’est déjà pas mal, hein ? Premier gros morceau de la journée avec le set des Polonais de Behemoth. J’ai un souvenir assez précis de ce groupe l’année dernière au Hellfest. En mode flashback on, et après un show ravageur de Refused, je m’étais hasardé à la fin du concert du combo black/death et j’avais été époustouflé par la puissance et l’excellence de leur son. Et, bien que n’étant pas un des fans les plus
Après la claque infligée par Behemoth, il est temps de pivoter de 180 degrés pour avoir les yeux rivés sur la scène Saturn où va s’exécuter le quintet suédois Sabaton. Je ne connais ce groupe que de (bonne) réputation. Et ce que j’ai pu lire ou entendre à propos des lives du groupe n’est pas usurpé, tellement le fun, l’énergie et la qualité sont au rendez-vous. Il faut dire qu’après un «Final coundtown» envoyé dans la sono en guise d’intro, les gars arrivent sur scène avec l’envie d’en découdre et de délivrer un gros set devant un public déjà acquis à sa cause. Les blagues fusent, la communion avec le public est parfaite, et le heavy metal proposé par les Suédois est de bonne qualité. Sourires de circonstance, grosse présence scénique, ça ricane aussi bien sur scène que dans la foule. Les gars savent tenir une scène en sautillant et en courant partout. Et vas-y que je joue avec les caméras et que j’harangue le public à la première occasion venue. Et vas-y que je serre les louches des spectateurs pendant que je chante, et le public semble apprécier ce genre de groupe, quelque peu potache mais carré au plus au point. Car même si le chanteur récite tous les mots de français qu’il connaît et raconte connerie sur connerie, le heavy metal développé par Sabaton est de bon goût (a contrario des tenues de scène en mode «treillis» dégueulasses). Les soli s’enchaînent, chacun fait son taff avec application et détermination, et la voix ultra mélodique de Joakim Brodén est un régal. Un groupe de power metal qui en a, indubitablement. Un confrère croisé au bar VIP résumera de façon sarcas-
tique mais non dénuée de sens la prestation de Sabathon : du choucroute métal. Pas faux. En tout cas, un des meilleurs souvenirs de la journée.
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fervants de ce style, je dois reconnaître que j’avais été soufflé. Mode flashback off, retour au présent. Behemoth investit la scène Appolo avec la flagrante intention de tout dévaster sur son passage. Le groupe n’a pas ressorti tout l’attirail visuel dont il a l’habitude, estimant probablement que les quelque quarante minutes allouées au groupe en pleine journée ne valait pas le coup de sortir l’artillerie lourde. Par contre, le combo polonais mené par le revenant Nergal ne lésine pas sur les moyens côté son, délivrant un set puissant et carrément flippant. Tous les ingrédients sont réunis pour rendre de concert aux allures de messe noire un des moments les plus forts du festival. Je reste de nouveau pantois devant le charisme et la violence de ce groupe, même si c’est bien le genre de formation qu’il convient de faire jouer en pleine nuit. En même temps, un concert en plein après-midi évite de faire de mauvais cauchemars.
Je retrouve l’ami Christian peu après le début du set de Bring Me The Horizon. Plus du coté de la buvette que du pit si vous voyez ce que je veux dire. Ce n’est pas que mon compagnon de route le temps d’un week-end et votre serviteur soient portés sur la boisson fraîche et houblonnée (et chère, 4 euros le demi, bien joué les gars), mais nous portons plus d’intérêt sur ce désaltérant que sur le hardcore machin truc des Anglais de Sheffield. Et ceux qui connaissent ma propension à boire ont tout de suite compris la passion que je porte à Bring Me The Horizon. Je n’ai pas vu grand chose, j’ai entendu et c’est déjà pas mal.ça braille, ça dépote, ça ne m’intéresse pas. Comme en 2011 sur la même scène. Next one. Le death métal mélodique ne tient pas une place de choix dans ma rockothèque mais je porte un intérêt particulier à Amon Amarth. Il faut dire que leur Surtur rising m’avait pas mal retourné à l’époque de sa sortie (pas si lointaine). Si bien qu’après un show tardif l’année passée au Hellfest (trop tardif pour moi en tout cas), je n’aurai pas l’excuse des yeux qui piquent cette année, car les Vikings envoient à 18 heures ! Amon Amarth n’a pas fait semblant et a sorti la grosse artillerie ! Le fond de scène est en effet recouvert d’un backdrop assez impressionnant tandis qu’un drakkar (oui oui, un drakkar) est planté au beau milieu de la scène. Et alors que le groupe va fouler les planches, je me gratte la barbichette en me posant une question existentielle : les gars ont-il un flight case aux dimensions exactes du bateau, ou alors le tourneur doit-il se creuser la tête à faire jouer le groupe dans des festos ou des salles à proximité d’une rivière ou autre point d’eau ? Va savoir. Toujours est-il que le quintet ne fait pas les choses à moitié, et balance la purée façon «virile». Même si je perçois une certaine lenteur en début de set, les gars ne font pas semblant et la carrure imposante des musiciens va de paire avec la puissance développée sur scène. Le groupe abat ses meilleures cartes pour le plus grand plaisir des furieux amassés devant la scène, et Amon Amarth est aujourd’hui un synonyme de
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«Dieu du métal». Bon dieu, ça barde (parfait pour des vickings, hein ?). Le groupe tire sa référence sous les acclamations méritées et soutenues du public. Et moi je me prépare à aller voir Motörhead. «Good evening ! We are Motörhead, and we play rock ‘n’ roll !!!». Vous connaissez mon amour pour le trio anglais, et je me fais une joie de les revoir une nouvelle fois sur scène. En considérant que Lemmy est immortel (des événements quelques semaines plus tard viendront remettre en cause cette théorie), je considère toujours un concert de Mo t ö r head comme le dernier auquel j’assisterai. Et la joie n’est que plus grande quand j’ai l’occasion de retrouver le trio sur les planches d’une salle ou d’un festival. Ca démarre très fort avec «I know how to die», excellent extrait de The world is yours. D’emblée, la mécanique est bien huilée et ça sent le grand concert ! Le groupe ne relâche pas la pression en envoyant «Damage case» (repris de nombreuse fois sur scène par Metallica) et «Stay clean», deux vieilleries du deuxième album studio du groupe. Lemmy en profite même pour introduire un des titres de la plus belle des manières : «Vous n’étiez pas nés quand on a écrit celle là». La set-list est digne d’un best of sans fausse note. En même temps, et au vu de la discographie fournie du band, que demander de plus ? Le son est massif, Mickey Dee (malgré une crève carabinée) donne tout ce qu’il a, Phil Campbel fait le boulot (même s’il ferait bien de mettre des lunettes pour choisir ses guitares de plus en plus moches, nonobstant un sticker No One Is Innocent sur une de ses arbalètes !), et Lemmy par sa droiture et sa stature en impose. Le gars crève l’écran et même si on a parfois l’impression que le groupe n’est pas au tip top de sa forme (les pauses entre les morceaux histoire de reprendre leur respiration se font de plus en plus longues), le groupe fait le boulot à la perfection. La légende
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n’est pas près de s’éteindre et l’auditeur/festivalier ne peut qu’être soufflé quand le groupe enchaîne avec perfection «Killed by death», «Ace of spades» et «Overkill». Si c’est ce soir que j’ai assisté sans le savoir à mon dernier concert de Motörhead, j’en garderai un excellent souvenir... mais non, c’est des conneries ! A l’année prochaine les gars !!! Pas évident de passer après le groupe le plus fort du monde, mais ça serait bien mal connaître In Flames de ne pas relever le défi ! Le métal moderne du groupe venu de G ö te b o r g est un peu rude après le rock ‘n roll d é pou i l l é de la bande de Lemmy, mais finalement ça se laisse é c o u ter d’une oreille. La fanbase qui a fait le déplacement est aux anges, mais mes yeux sont déjà rivés sur la scène Apollo pour le show de Slayer. Slayer avait sublimé le Big 4 lors de la première édition du Sonisphere français, mais les circonstances ont malheureusement changé. Jeff Anneham nous a quitté il y a quelques semaines, et même si Gary Holt d’Exodus tenait déjà la six cordes il y a deux ans sur la même scène en guise de remplaçant temporaire, on sait que cette fois ci, c’est (malheureusement) pour de bon. Le gars fait le boulot, pas de souci de ce côté là, mais l’amertume de la perte d’un grand monsieur du thrash métal donne un goût particulier à ce concert. Et quand on sait que Dave Lombardo a quitté les fûts (et donc la bar-re, ok, c’est pas drôle) pour une sombre histoire de business, il ne reste plus que 50% de la formation originale. Alors oui, Slayer fait toujours aussi peur. Oui, Slayer est toujours cette machine de guerre hallucinante, mais sans Jeff (pour toujours) et Dave (pour toujours ?), ce n’est plus forcément pareil. Et la musique dans tout ça ? Tout roule ma poule !!! Le niveau sonore est monté
Et voici le moment pénible de la journée. Faire la queue pour boire une bière fraîche ? Non. Attendre deux heures pour manger un bout de viande pas cuit ? Vous n’y êtes pas du tout. Une averse se transformant en tornade s’abattant sur le festival ? Mais non !!! C’est tout simplement l’heure de Korn. Le moment tant redouté est enfin arrivé. Personnellement, je n’ai jamais compris l’intérêt suscité par ce groupe. C’est certainement bien, mais je n’y arrive pas. Inventeurs du néo métal ? Et alors ? En plus c’est faux, c’est Helmet qui a posé les bases du néo machin.bref. Pendant que la bande de Johnathan Davis (avec le retour de Head à la sept cordes) s’égosille et balance des sons que j’exècre, j’en profite pour aller m’acheter un teesh de Motörhead et aller boire une bière avec mon Christian. Na !!! Je retiendrai tout de même un jeu de lumière captivant et le fait que la moitié du public n’a pas connu l’âge d’or du quintet. Ah, j’ai oublié de vous dire que j’ai rejoint pour cette fin
de soirée mes amis Nico et Aurore, venus spécialement pour Korn (Aurore) et Limp Bizkit (Nico). Paix à leur âme me dis-je. On ne peut pas avoir bon goût partout tout le temps. Sauf que je les accompagne pour le retour du quatuor de Jacksonville. Exit DJ Lethal, welcome en Lorraine Fred Durst et Wes Borland. Je n’attends ABSOLUMENT rien de ce concert qui est pour moi l’occasion de voir un groupe que je n’ai jamais vu en live mais qui m’avait quelque peu amusé avec ses hits coup de poing. Sauf que je me suis pris au jeu. Faut dire que visuellement, les gars font fort : le bassiste à un instrument phosphorescent façon sabre laser tout droit sorti de Star wars, tandis que le fantasque Wes Borland est en mode fantôme de l’opéra avec peinture et masque du meilleur effet (enfin, ça reste à prouver, mais ça fonctionne). Le désormais barbu Fred Durst fait le boulot avec son sweat Suicidal Tendencies (finalement, ce mec a bon goût), et n’hésite pas à haranguer la foule et à fouler de bout en bout la scène Apollo. Le son est énorme, même si la basse résonne un peu trop, et je me prend à dandiner du popotin au son du rapcore des ricains. Je vous rassure, il fait nuit noire, et personne ne me voit. Rassurant dirons certains. En bref, ça bastonne, le flow du leader est tranchant, la guitare est fantasmatique, et le basse batt’ est soumis à rude épreuve. Très vite, un fan se retrouve sur scène pour partager le chant le temps d’un morceau et ainsi connaître son heure de gloire. Assez rapidement, Limp Bizkit dégaine son hit «My Generation» et voit le Sonisphere s’enflammer. Je ne vous cache pas qu’au bout de cinq morceaux, le chant a tendance à me fatiguer, mais je reste scotché par le gros son du groupe et mes yeux ne quittent pas l’énigmatique Wes Borland jamais avare d’expérimentations sonores. «Faith», la reprise de Georges Michael, fonctionne bien, le public est vraiment à fond et on a l’impression de se retrouver quinze ans en arrière durant le grande époque où le groupe était au sommet des charts et de sa popularité. Et il est parfois bon de retomber en enfance !!! Le set punchy de LB alternera avec du bon (le puissant «Take a look around», l’énorme «Rollin») et du vraiment moins bon (cette
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d’un cran (et quel sacré cran !), et en un mot comme en «sang», c’est tout simplement MONSTRUEUX. Le groupe enchaîne ses brûlots avec force et fracas, même si les sourires de Tom Araya se font plus timides et que les gars ont pris un coup de vieux. Ce qui n’empêche pas Kerry King et ses sbires d’envoyer des riffs maléfiques et surpuissants, à la limite du malsain. Slayer joue en roue libre, sans changer la méthode miracle qui est la sienne. Les standards et autres missiles sont envoyés à la perfection, mais j’ai vraiment le sentiment qu’il manque quelque chose, une âme, une cohésion humaine. Difficile à expliquer. Je me fais peut être des idées, mais j’ai bien l’impression que Slayer est en bout de course. Encore une fois, je me répète, c’est toujours aussi efficace, mais la mort de Jeff et (à moindre mesure ?) le départ de Dave Lombardo ont changé beaucoup de choses. C’est pourquoi je profite du moment pour prendre peut être ma dernière claque thrash made in Slayer. Étonnamment, alors que plusieurs banderoles en hommage à Jeff Hanneman sont déployées ici et là dans le public, aucun mot, aucune phrase, aucune parole dédiée au guitariste sur scène. Slayer pudique ? C’est bien sur la fin du set et quand les grands classiques sont balancés avec perte et fracas qu’un backdrop en hommage au blondinet sixcordiste recouvre le fond de la scène, sans que jamais les musiciens ne se retournent vers elle. C’est comme ça, chacun communique comme il veut. En tout cas, très bon set du quatuor thrash qui a, une fois n’est pas coutume, marqué les esprits.
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«Marseillaise» entamée et terminée par le public, mais franchement, que se passe t-il ? ; cette fin de set au son des Bee Gees...). Le groupe est vraiment à son aise sur les planches de l’Apollo et sa réputation de bête de scène n’est pas usurpée, même si le poids des années (et des steaks) n’a pas épargné ce bon vieux Fred. Qui m’aurait dit, deux heures auparavant, que j’aurais passé un bon moment en compagnie du quatuor américain ? Mais ne le dites pas à Christian, il risquerait encore de se moquer de moi !
Steeve Harris, ça dépote et ça fait du bien. Malheureusement, je me rend compte au moment de tweeter mes impressions sur le compte de ton mag préféré que j’ai égaré mon téléphone. Je retourne mon sac dans tous les sens, me remémore le dernier moment où je l’ai eu en main, pour me rendre compte grâce à un subterfuge apple-ien (merci Nico Daily Rock) que mon smartphone est resté au resto que nous avons fréquenté ce midi. Plus de peur de que mal, l’objet est sain et sauf, et je
On décolle vite fait bien fait alors que Limp Bizkit achève son set pour retrouver notre hôtel non loin d’Amneville. Organisés nous sommes, sauf quand il s’agit de boire une bière chaude dans notre home sweet home qui nous restera un peu sur l’estomac. A peine rentré, je m’écroule après une journée bien chargée. Dimanche 9 juin 2013 En parfaits gentlemen, nous sommes réveillés assez tôt. «Tu dors encore ?» «Non, et toi ?». «Non». «On se lève alors, ok ?» «Ok». La météo est quelque peu capricieuse, et la douce idée de passer une deuxième journée au soleil ne semble à cette heure-ci qu’une illusion. Christian profite de notre matinée pour dérusher comme il se doit ses centaines de photos prises la veille. Et croyez-moi, c’est quelque chose à voir : mon compagnon a dû connaître quelques déconvenues avec des pertes importantes de fichiers, toujours est-il que les sauvegardes sont doublées. Bon, ça prendra un certain temps mais on en profite pour discuter de tout et de rien, et mon gars me balancera quelques anecdotes croustillantes comme je les aime sur ses pérégrinations rock ‘n’ rollesques ou professionnelles (et même parfois les deux mélangées). Le temps d’aller se restaurer qu’il est temps de regagner l’enceinte du festival. La pluie a cessé, le soleil revient tranquillement, la journée est sauvée, et cette journée de concert démarre tambour battant avec Voodoo Six. Formation londonienne, Voodoo Six est dans les bagages de la Vierge de Fer sur cette tournée européenne, et vous avez tout de suite compris que je ne vais pas vous parler d’un groupe adepte de tektonik ! Du côté de Voodoo Sixx, c’est heavy metal à fond les ballons. Le quintet ne se fait pas prier et balance un heavy mid tempo de bonne augure pour démarrer tranquillement l’après midi. Les gars ont la banane sur scène, prenant certainement en considération que jouer devant autant de monde à cette heure est providentiel. Le bassiste prend des poses à la
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peux retourner à mon occupation principale et zieuter un bout de Hacktivist, sorte d’OVNI dans un style qu’on appelle communément «djent». Désolé, je connais pas. Et je ne m’en porte pas plus mal. Après une rapide analyse de la situation, nous sommes en présence d’un métal rappé et samplé aux accents très Limp Bizkit. Le programme décrit ça comme un mélange entre Meshuggah et Public Ennemy. Le public semble indifférent, et il est évident qu’un jour où Iron Maiden est à l’affiche (cqfd : les vieux loups et les inconditionnels de mélodies vocales sont de sortie), Hacktivist aurait trouvé meilleur accueil hier. Toujours est il que ça fonctionne pour le peu que j’en ai vu, et que j’ai la certitude que ce groupe est plus efficace dans une petite salle où le rendu sonore serait plus intéressant. On m’annonce dans l’oreillette l’arrivée de la team de
et beauté des sons. Sans aucun doute mon meilleur souvenir du festival. J’ai hâte de revoir un jour ce bordel dans une salle, où la magie doit être décuplée. Ouahhhhhh !!!
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Belfort avec le duo de choc Laurent Koudj’ Wormachine et Kem Eurockéennes. La folie s’empare de l’espace VIP, on trinque à nos retrouvailles avec Koudj et j’en profite pour faire plus ample connaissance avec un Kem en forme olympique. Mais pas le temps de s’en mettre plein le cornet, la première sensation de la journée est annoncée sur la scène Saturn : Ghost. Je suis passé un peu à côté de la «hype» suscitée par le premier album des Suédois. Comme tout le monde, j’ai été surpris par le décalage visuel et musical du groupe, véritable horde sataniste résolument pop dans un registre pas si éloigné du Blue Öyster Cult. Si bien que je m’approche d’un pas décidé de la scène Saturn pour prendre une bonne rasade de rock mélodique en ce jour du seigneur. Après l’intro du «Maked ball» de Jocelyn Pook, les musiciens encapuchonnés (les fameux Nameless Ghouls) entament «Infestissumam» du deuxième album au même nom et Papa Emeritus II entre sous une ovation pendant «Per aspera ad inferi», tube en puissance du même deuxième album qui vient de sortir depuis quelques semaines seulement mais que les fans (qui ont du faire latin au collège) connaissent d’ores et déjà par coeur. Outre l’aspect visuel complètement envoûtant et le show aux allures de messe noire, je suis frappé par ce son clarteux, puissant sans être agressif. Un véritable travail d’orfèvre de la part de l’ingé son. J’observe autour de moi quelques regards ébahis, se demandant ce qu’il se passe sur scène : et bien les gars, c’est juste un concert de rock aux accents pop exécutés par de drôles de personnages. Bien sûr, l’aspect théâtral et limite burlesque du concert fait beaucoup pour sa réussite. Ce groupe est une réussite, tant sur disque qu’en live. Je suis littéralement subjugué par cette formation aux multiples atouts. Je sais ce que vous êtes en train de vous dire : Ghost est à la mode, il est bon d’aimer Ghost, Rapha Hysteria ne me contredira pas si je vous dis que ce groupe est rafraîchissant et réussit un véritable tour de force en imposant sa patte «pop deluxe» dans des festivals métal. Quelques classiques du premier album sont également au programme, mais c’est bien le renversant «Year zero» qui déclenchera une véritable secousse dans l’assistance. Et je ne vous parle pas de ce finish splendide «Monstrance clock» qui me renforcera dans l’idée que les Suédois ont délivré un set de toute beauté, entre justesse de l’interprétation
Difficile d’enchaîner après la claque infligée par Ghost, mais Mastodon est attendu sur la scène Apollo, et pour rien au monde je ne manquerai le quatuor américain après le raz-de-marée de 2011. D’entrée, le son trop aigu à mon goût botte le cul de ceux présents aux abords de la grande scène. Le quatuor est en pleine forme et délivre un set abrasif et ravageur, à base de grandes envolées guitaristiques et de breaks tout azimut. Les gars d’Atalanta font large place aux titres de The hunter, son dernier album en date. Le groupe est hyper présent sur cette grande scène qui n’est pas un inconvénient pour lui, et le sludge proposé est comme à l’accoutumé bourratif et hallucinant de technicité. Les rythmes sont lourds et assourdissants, et Mastondon relève le défi d’offrir aux festivaliers du Sonisphere un concert gras et puissant. Un très bon moment passé en compagnie du quatuor qu’on devine encore meilleur en salle. Je traîne côté VIP avec mes amis autour d’une bonne bière fraîche, et ma vision est attirée par un mec aux tatoos dégueulasses, en train de serrer quelques pognes et de ricaner avec des collègues à lui assez mal fagotés. Pourquoi je vous raconte ça ? Car j’hallucine quand, à peine quelques minutes plus tard, je revois le même mec tenir la basse de Dragonforce !! On peut dire que lui, il ne se met pas de pression. Chapeau bas jeune homme, car envoyer un set d’une telle intensité que celui délivré par Dragonforce me semblait synonyme de concentration et de grands exercices avant d’enchaîner les notes à mille à l’heure sur scène. Mais attention, notre fameux bassiste (Fred Leclercq, un Français, pour ne pas le nommer) fera le boulot avec probité et exactitude. Mais n’allez pas croire que j’ai scruté avec une délicate précision et une intense perspicacité le concert de Dragonforce. Le concert ? Que dis-je ? La foire Dragonforce. Soyons sérieux deux minutes : j’admets bien volontiers que les musiciens sont chevronnés et expérimentés (même si la basse dans le mix est ridicule) et que le chanteur est tout à fait l’aise dans son rôle de composition. Je recon-
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nais sans difficulté que les poses hard rock sont drôles. Mais franchement, qu’est ce que tout ce cirque ? Le chant est agaçant (même si les interventions en français du chanteur sont assez fun), les «chansons» sont odieuses et si le tout est fait pour faire rire, très peu pour moi. Je n’appelle pas ça de la musique (même si, je le répète, les musiciens sont des virtuoses), juste un bordel organisé qui te file la migraine tellement ça joue vite et sans retenue. Technicité : 10/10. Virtuosité : 10/10. Musicalité : -10/10. Next, please. En ce milieu d’après midi, Corey Taylor et sa bande foulent la scène Apollo. Grimé il y a deux ans sur cette même scène avec Slipknot, Corey revient démasqué avec Stone Sour, et ce n’est vraiment pas pour me déplaire. Malgré des problèmes de voix évoqués par le chanteur en début de set, Stone Sour délivre un set sympathique sans être inoubliable, à force de chansons métallisantes où Corey alterne les chants («Mission statement», le puissant «RU486») et les titres calibrés pour les «hit radio» (le très plaisant «Say you’ll haunt me», le navrant «Bother») avant de terminer le set d’environ une heure par deux brûlots achevant son auditoire. Peu coutumier de la formation américaine sur disque, j’ai toutefois passé un agréable moment en live avec ce groupe sincère et authentique. Bonne pioche ! Je me risque à m’approcher de la scène Saturn qui accueille Epica. Non pas pour reluquer la mignonne et très enceinte Simone Simons, mais car ma conscience professionnelle me pousse à être curieux et à prendre un maximum de décibels pour vous, fidèles lecteurs. Mais bon, faut pas pousser le bouchon trop loin, la patience et le dévouement ont ses limites, et j’ai vite fait le tour de la question : le métal tantôt symphonique et tantôt death, les claviers à burne, le chant death relayé par les musiciens quand la jolie Simone en a terminé avec ses envo-
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lés lyriques, très peu pour moi. Je préfère retrouver mes collègues et philosopher sur la plastique de la chanteuse et le mauvais goût des compositions des musiciens, que d’être noyé sous les claviers et les samples d’Epica. Je vous jure, on ne fait pas un métier facile. C’est la troisième fois en deux ans que je retrouve Megadeth en concert. Vous dire que je suis ravi de les revoir serait mentir, mais vous avouer que j’ai assisté à un très bon concert (le meilleur après le Sonisphère 2011 et la prestation de l’an passé au Hellfest) n’est que mérité. Car oui, je n’ai pas vu le temps passer à l’écoute de Me-
gadeth, et j’en aurais bien repris une petite rasade pour la route. Après une entrée en douceur avec «Prince of darkness», le show prend immédiatement de l’ampleur avec l’excellent «Trust» mélodique à souhait. Le groupe (dont la stabilité du line-up est presque exceptionnelle) agrémente l’image au son avec de la vidéo convaincante et toujours dans le tempo par rapport aux différents changements de rythmes et d’ambiances. Dave Mustaine semble ravi de l’accueil réservé par le Sonisphere, même si le bougre n’est pas d’un naturel démonstratif. Le groupe fait le boulot sans tortiller, peu de surprises tant sur scène que dans la set-list où les classiques du groupe se mélangent à quelques extraits du dernier album («Kingmaker» thrash à souhait et «Super collider» très passe partout à la limite de la pop). «You know this song, right ?» balance un Dave Mustaine bien inspiré avant d’entamer «A tout le monde» exécuté à la perfection pour le plus grand bonheur des festivaliers chantant à tue tête. La fin du set se veut nostalgique
avec l’enchaînement de l’énorme «Symphony of destruction», «Peace sells» voyant débouler Vic Rattlehead (‘mascotte’ du groupe) en consume sur scène, et le démoniaque «Holy wars». Un peu moins de 60 minutes de Megadeth qui ont fait leur effet tant dans l’assistance que dans le cœur de votre serviteur. Un concert de grande classe, sans risque mais avec ténacité et envie. Bravo les gars ! Le temps de reprendre des forces sous forme de liquide houblonné que Children of Bodom déclenche les hostilités sur la scène Saturn. Le groupe semble très attendu au vu de la réaction des premiers rangs au moment où les musiciens pointent leur museau sur scène. Envoyer avant Iron Maiden (et donc devant un parterre peut être moins attentif que dans la journée) ne semble pas effrayer le quintet finlandais qui démarre son set avec une intensité déconcertante. Techniquement, les musiciens sont au top et musicalement, le death metal mélodique (entendez par là une voix criarde mais supportable !) fait mouche. Le groupe ne ménage pas ses efforts pour tenir une assistance relativement nombreuse quand on sait que le concert à venir est celui de la tête d’affiche atten-
REVIEW
due par tous. Je fais toutefois partie de ceux qui attendent de pied ferme le fer de lance de ce qu’on a appelé la «NWOBHM» et je me positionne pour La Vierge de Fer sous les sonorités intéressantes de Children of Bodom. Le groupe n’a pas hérité de la meilleure heure de passage mais s’en est sorti de la plus belle des manières : à l’énergie et à la foi en leur musique. En fait, je ne me positionne pas vraiment pour la place idéale pour le concert d’Iron Maiden. Pour tout vous dire, je vais patienter sur le côté gauche de la scène pendant les trois premiers morceaux du set en attentant de rejoindre Christian qui a eu une nouvelle fois l’opportunité de shooter son groupe préféré. Les six britanniques sont bien évidemment l’attraction de la soirée et les quelque 25.000 fans présents lors du concert (contrairement à ce qu’on a pu lire ci et là, on circulait relativement sans encombre sur le site pendant la prestation de Maiden) vont en prendre pleins les mirettes. Après que l’excellent «Doctor doctor please» d’UFO a terminé de cracher dans la sono, le concert peut démarrer sur une sorte de marche funèbre alors que le décor époustouflant reprend celui de la tournée Seventh son of a seventh son de 1988. Après un court film d’introduction et un coup de pyrotechnie, les musiciens déboulent avec un «Moonchild» prometteur, enflammant littéralement une assistance conquise d’avance. Le mix des instruments dans la sono est parfait, les poses emblématiques des musiciens ne se font pas attendre, mention spéciale à Janick Gers avec posage de jambe à 90°. Changement de backdrop (comme à chaque morceau !) au moment d’enchaîner «Can I play with madness» et son refrain ultra fédérateur et scandé à l’unisson par un public aux anges. Bruce Dickinson fait le métier, les musiciens enchaînent les plans heavy avec facilité, et je reste surpris par tant de vitalité pour des gars qui n’ont plus vingt ans. Et ce n’est pas «The prisoner» qui viendra remettre en cause le statut de seigneur du Heavy Metal qu’Iron Maiden assume depuis de (très) nombreuses années. Bruce Dickinson est en voix, il harangue à sa manière la foule qui ne se fait pas prier pour réagir outre mesure, pendant que les cinq musiciens (dont trois guitaristes, bien vu les mises en place) font le boulot. Ajoutez à ça un décor hallucinant et une production plus que soignée et vous obtenez ce qui se fait probablement de mieux en termes de hard à l’heure où j’écris ces lignes. Difficile de rivaliser avec les patrons, surtout quand «2 minutes to midnight», tube de chez tube, est exécuté avec brio. J’ai retrouvé Christian, fan
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inconditionnel de la Vierge de Fer, qui ne boudera pas son plaisir de re-re-re-...-re-voir son groupe favori en festival. Après la ballade «Afraid to shoot strangers», retour aux grands classiques avec le monumental «The trooper» et un Dickinson en costume d’officier muni d’un drapeau floqué aux couleurs de l’Union Jack. La folie s’empare encore un peu plus du Sonisphere quand est dégoupillé le cultisme «The number of the beast», hit de chez hit à grands renforts de «6.6.6». Ce concert aux allures de best of est d’une grande qualité musicale, mais le côté visuel n’est pas laissé de coté. Outre les changement de backdrop évoqués ci-avant et le «mobilier» scénique statique, les apparitions de décor le temps d’un titre sont majestueuses, à l’instar de l’apparition d’un Eddie articulé et grimé en militaire pendant le classique «Run to the hills», ou d’un Eddie aux yeux violets pendant «Seventh son of a seventh son», sans parler du gigantesque.Eddie et son fœtus pendant l’éponyme «Iron maiden». En résumé, un show à l’américaine pour le groupe anglais qui aura su contenter les fans les plus irréductibles comme les festivaliers généralistes. Seule «petite» ombre au tableau : point de «Hallowed be thy name», mon titre préféré. Mais franchement, quel show ! Autant vous dire qu’après ce show pantagruélique d’Iron Maiden, on pourrait penser que le groupe enquillant derrière pourrait paraître fade. Mais c’est en toute intelligence que les programmateurs ont placé les fantasques Airbourne pour clôturer le festival. Car les quatre australiens ont rempli avec brio et décibels leur rôle assez casse gueule. J’avais beaucoup aimé leur prestation il y a deux ans durant le même festival, mais j’avais trouvé le chant un peu poussif au bout d’un moment. Mais cette année sera toute autre, et le show des Australiens se révélera quasi parfait ! En effet, cette date coïncide avec le début de tournée du groupe, et par conséquent, la voix de Joel O’Keeffe est un régal (pour les amateurs du genre, évidemment). Le concert démarre très fort avec un extrait de Black dog barking leur excellent troisième album dont la pochette fait office d’un monumental backdrop. Le groupe est à son aise, les riffs sont aiguisés, le guitariste rythmique et le bassiste font le boulot tant au niveau de leurs instruments respectifs qu’au niveau des choeurs accompagnant et renforçant le chant du fantasque leader/guitariste soliste/chanteur du groupe. Les classiques sont bien sûr au programme («Diamond in the rough», «Too much, too young, too fast»...) mais les extraits du nouvel album aussi («Back in the game», «Black dog barking»), et l’ensemble se mélange avec cohérence. Je ne vous ferai pas le procès
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du clonage d’AC/DC car Airbourne est un groupe à part entière, complètement déchaîné et vraiment affûté. Les titres envoyés sur la scène Saturn sont exécutés d’une main de maître, et Joel n’est pas le dernier pour se faire remarquer (pas d’escalade de structure scénique cette année, mais une descente dans le public et des canettes de bière fracassées sur le crâne). Le public qui a eu le bon goût de rester pour prendre une dernière rafale de rock ‘n’ roll ne regrette pas son choix, et alors que le set touche à sa fin, c’est l’heure des tubes : «Running wild» se veut abrasif et très fun quand le groupe inclut dans le morceau des extraits de «Paranoid» des Black Sabbath et de «Fire your guns» d’AceDesse, et «Stand up for rock ‘n’ roll» se veut démentiel avec sa succession de riffs jouissifs et ses refrains de folie. Airbourne a la classe et l’a encore prouvé avec ce concert 5 étoiles. Le temps de dire au revoir aux copains qu’il est temps de rejoindre notre hôtel pour une (très) courte nuit. Le réveil sera piquant mais on a la sensation du devoir accompli avec des souvenirs plein la tête, avec la satisfaction de remettre ça dans deux semaine au Hellfest. Une très bonne édition de ce Sonisphere avec quelques améliorations par rapport à la première édition, même si je regrette le manque de «folie» dans le public et les prix un peu excessifs des boissons et de la nourriture. Mais ce festival reste un poids lourd et je serai présent pour une prochaine édition ! Merci/salut/bisous/à bientôt : Kem Eurocks, Koud’j Wormachine, Rapha Hysteria, John Buko, Karine Sancho, Aurore et Nico, Steph Loudblast, Nicolas Daily Rock, et bien sûr Christian Ravel pour tout ! Gui de Champi
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INTERVIEW >
INTERVIEW
EXSONVALDES
Simon, chanteur et guitariste d’Exsonvaldes répond à quelques questions sur leur nouvel excellent album, les clips et les concerts du groupe en toute décontraction... Le dernier album studio date de 2009, pourquoi a-t-il fallu attendre 4 ans ? On est toujours un peu lents je crois. D’abord il y a eu la tournée acoustique et la sortie de There’s no place like homes. Puis l’écriture du disque s’est étalée sur 2 ans. Et enfin l’enregistrement, qui a pris du temps car nous avons produit le disque nous-mêmes avec Alex Firla (le réalisateur) = complète liberté artistique, mais budget serré ! Du coup on a eu le temps de vraiment peaufiner ce disque. La réussite des concerts en appartement, ça a «retardé» vos plans ? Oui en quelque sorte, même si a l’époque on n’avait pas encore vraiment de «plan» pour notre troisième album. Disons que si on avait pas sorti There’s no place like homes, Lights aurait peut-être été terminé un an plus tôt. Mais on serait passé à côté de beaucoup de supers concerts donc... c’est bien comme c’est ! Near the edge of something beautiful montrait un nouveau visage d’Exsonvaldes, vous enfoncez le clou avec Lights, qu’est-ce qui d’après toi, vous a fait évoluer ? Je pense qu’on évolue à chaque album car cela ne nous intéresse pas de refaire les mêmes choses. On aime chercher des nouveaux sons, des nouvelles idées. Essayer de nous surprendre nous-mêmes. C’est ce qu’on a voulu faire avec les morceaux en français, quelquechose de nouveau pour nous. C’est notre moteur à chaque album : faire mieux, sans se répéter. C’est un truc qu’on se disait beaucoup avec Alex Firla pendant l’enregistrement : ça ne doit pas sonner «vieux Exson». La production joue un rôle important ou tout est pensé dés les répétitions avant le studio ?
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Pour la première fois, elle a joué un vrai rôle. Sur Near the edge of something beautiful, Alex était arrivé assez tard dans le processus d’écriture. Pour Lights, on a écrit une grande partie de l’album dans son studio, à Bastille, dans lequel il nous a prêté une petite pièce pour travailler. Il y a eu une période où on allait tous les matins au travail, pour écrire notre album et Alex passait parfois pour donner un conseil, une orientation. Souvent il identifiait mieux que nous les forces d’un morceau, nous disait sur quelle idée appuyer. Souvent aussi, d’une version à une autre, il trouvait qu’on avait retiré le meilleur truc. Bref, il avait le recul qu’on ne pouvait pas avoir. Ensuite on a appris à jouer les morceaux, pour pouvoir enregistrer le plus de choses en live. Il y a 3 titres en français, là encore, qu’est-ce qui fait que tu as sauté le pas ? J’ai commencé tout seul, pour un projet solo. J’avais déjà écrit des morceaux pour moi dans le passé, en anglais, mais les meilleurs avaient toujours fini par être récupérés par Exson, parce que c’est le projet le plus important. Du coup cette fois-ci je me suis dit, ok, je vais écrire en français, comme ça, ça ne pourra pas être du Exsonvaldes. Tu vois comment ça se termine... (rires) En fait pendant longtemps on avait pas envie de chanter en français car c’était un sujet qui revenait hyper souvent. On nous demandait tout le temps «Pourquoi vous ne chantez pas en français ?». Du coup, en réaction, on s’y refusait ! Et puis j’ai commencé à faire écouter mes morceaux autour de moi, et tout le monde reconnaissait notre style, ça sonnait comme du «Exson en français». Donc on s’est lancé. Et on est très contents ! Vous avez bossé sur l’artwork et ses déclinaisons, d’où vient cette idée ? C’est le travail de Please Let Me Design, des graphistes belges. On voulait une idée simple - on aime beaucoup les designs minimalistes - qui serait facile à décliner. Ils nous ont proposé ce «logo» qu’on a tout de suite
anglais comme en français. On aime bien les sens multiples qu’il peut avoir : on a essayé de faire un disque plus lumineux, plus assumé, avec plus d’espoir; et il y a aussi le thème des Lumières au sens historique, le progrès, la science... et pour finir le rétro-futurisme de l’Aérotrain. Ce sont des thèmes qui nous ont beaucoup inspiré pendant l’écriture du disque. Vous avez déjà réalisé 3 clips, très bons et très différents, on peut en dire plus sur leur création ? Pour «Days», y’a pas mal de placement de produit ? Ca rapporte ? Non pas du tout malheureusement (rires). Je ne crois pas qu’Apple ait besoin de nous. En fait, c’est un hasard : quand on a eu l’idée de ce clip - qu’on a réalisé en plan séquence en une journée - on a pris ce qu’on avait sous la main : nos téléphones, l’ordinateur sur lequel on enregistrait nos démos, etc. Il se trouve qu’on avait tous des iPhones, mais on y a pas vraiment pensé avant de se faire attaquer sur 4chan !!! Du coup quand on a réalisé on s’est dit : autant envoyé le clip à Apple. Et on a reçu
une réponse de Jonathan Ive, incroyable !
INTERVIEW
adoré. C’est un prisme, qui décompose la lumière ... d’où le spectre lumineux à l’intérieur de la pochette. Moi j’y vois aussi une représentation stylisée des voyages à la vitesse de la lumière dans les films de SF, les scènes à la fin de 2001 l’odyssée de l’espace par exemple. Le titre de l’album s’est imposé assez vite, le thème des lumières était présent dans beaucoup des textes, en
Pour «Seahorses», ce sont des images qui existaient avant le clip ? Quel a été le travail demandé au réalisateur ? Les images ont été tournées pour le clip, mais pas seulement. Un ami monopalmeur nous a proposé l’idée car il devait aller filmer en Mer Rouge et nous a dit : «Je pourrais aussi filmer des images pour «Seahorses», on verra ce que ça donne». Ensuite notre monteur a lui aussi fait un super travail pour rythmer l’ensemble. C’est lui qui a identifié dans les rushs les images du nageur qui «danse» dans la lumière alors qu’au départ ces images ne devaient pas servir. Pour «L’aérotrain», il y a un gros travail avec des images d’archives et de la post-production. Qui a eu l’idée du clip ? C’était comment de tourner ces images et de voir le résultat final ? Franchement le tournage était génial. On était tellement en trip sur ce truc, et heureux d’avoir récupéré les archives. Pour te raconter le début de l’histoire : la première fois que j’ai joué ce morceau, en solo, quelques jours à peine après l’avoir écrit, le petit fils de Jean Bertin (l’inventeur de l’Aérotrain) était dans la salle. Un hasard incroyable ! Du coup, l’accès aux archives a été facilité ! Ensuite on a confié le projet à notre pote Naël Marandin, qui avait réalisé le clip de «Lali», en le chargeant de raconter une histoire. On est partis deux jours en plein hiver pour tourner près du rail de l’Aérotrain, à Orléans. On a eu très froid mais ça valait le coup ! Le présent, c’est les concerts et la promo de l’album, vous avez joué à Dour en début d’après-midi, peu de festivaliers étaient levés par rapport à la jauge de la tente, c’est dur de jouer dans ces conditions ? Oui en ce moment on est vraiment concentrés sur les concerts. C’est clair que ce n’est pas toujours évident de jouer quand il y a peu de monde, mais en même temps, on le sait d’expérience, ce n’est jamais inutile : il y a toujours des gens qui sont venus exprès pour te voir, ou des gens qui vont découvrir le groupe et revenir ensuite plusieurs fois. Donc c’est comme ça qu’on trouve la motivation à chaque fois : il n’y a jamais de concert inutile.
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INTERVIEW
Début septembre, vous retournez en Espagne, y’a un truc avec les Espagnol(e)s ? Oui je crois ! Mais on ne l’explique pas bien, peut-être le nom du groupe ? En tous cas c’est une belle rencontre ! On y va le plus souvent possible, dans des endroits de plus en plus grands, c’est chouette. A part les concerts, d’autres choses de prévues ? On va sans doute reprendre les concerts en appartement cet automne car c’est une idée qui nous tient à coeur. On en n’a pas fait depuis quelques temps, et ça nous manque ! Merci Simon et Exsonvaldes ! Oli Photos : Oli
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LE HANGAR
REVIEW
un excellent plan pour un gîte juste à côté de chez lui et se situant à une quinzaine de kilomètres du site. On faisait le trajet avec lui, et du coup, ça nous a évité le camping bruyant mais convivial du festival. Et pour les temps de récup, notre pass presse nous permettait de nous poser autour d’une bonne bière ou d’un Jack Daniel’s dans un espace réservé où se côtoient VIP, invités, artistes et journalistes. Sans oublier notre ami Cu! du label Kicking Records qui disposait d’un stand sous la gigantesque tente au doux nom d’Extrem Market et nous offrait l’hospitalité sur son banc derrière sa distro et sa multiprise pour charger nos portables. Bref, conditions optimales. Le panard, je te jure. Après, pour être au top de l’organisation, à toi de sélectionner au mieux les groupes que tu veux voir (et il y en a énormément) sur le site.
How I survived the Hellfest. Si un jour, je devais raconter le Hellfest 2013 à mon gosse, ça donnerait ça : Dis papa, raconte-moi le Hellfest. Ouh là là, vaste sujet mon grand. Difficile de t’en dire deux mots ou trois phrases tellement ce festival est puissant dans tous les sens du terme. Je veux bien te raconter comment j’ai ressenti ce festival et ce que j’y ai vu, mais je préfère que tu m’interroges et que tu me bombardes de questions plutôt de te faire un grand discours aussi long que passionnant. D’accord. Alors, déjà, comment ça se prépare le Hellfest ? Bon, il faut que tu saches que ce festival est un vrai marathon, et que si tu ne veux pas perdre des points de vie, tu as intérêt à t’organiser. Il faut dire que le festival dure trois jours, et que les concerts démarrent dès 10H30 pour se terminer à 2 heures du matin. Tu vois le topo fils ? Plus de 15 heures de musique non-stop. Tu as intérêt à être entrainé. Ou sélectif. Je remplacerais cette conjonction de coordination par «et». Car bien sûr, tu ne peux pas tout voir, ce n’est pas possible. Mais je m’égare. Comme le festos est riche en groupes (environ 130), tu as tout intérêt à être reposé en arrivant, et à économiser ton état de fatigue en t’octroyant des pauses dans la journée et en privilégiant un endroit chaud et confortable pour la nuit. Il se trouve que j’ai réussi à cumuler ces deux paramètres grâce à des compagnons : d’une part Christian Ravel, photographe rock qui nous a trouvé
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Tiens, en parlant de site, quoi de neuf depuis 2012 ? A vrai dire, les bouleversements ont été moindres que l’année précédente qui avait vu la création de deux scènes supplémentaires. Pour tout te dire, les changements majeurs de cette année, en continuité avec l’intelligence des organisateurs pour rendre l’endroit plus agréable, concernent le «village» de restauration, où tous les stands de bouffe sont concentrés dans une allée, et où énormément de cuisines du monde sont représentées. Une véritable amélioration. Il y a aussi le fait que la Warzone, dédiée au punk et au hardcore, est devenue une scène outdoor, avec un agrandissement de la zone mais, petit inconvénient, plus éloignée des Mainstage et des autres scènes du site. Sans compter le côté entonnoir de l’entrée de la zone où, pour certains concerts (et notamment NOFX), il était impossible de circuler pour accéder aux espaces devant la scène. Mise à part cette «broutille» qui sera très certainement corrigée par l’organisation, le site est pensé pour une utilisation optimale et surtout développe un côté très agréable avec nombre de décors hallucinants. Et l’ambiance ? Bah, l’ambiance peut se résumer en trois lettres : TOP. Je n’ai pas vu le temps du week-end une embrouille, juste du fun, des sourires et des déguisements aussi loufoques les uns que les autres. La denrée, des curés, des monstres, j’en passe et des meilleurs. Les festivaliers communiquent entre eux lors de cette grande messe du métal et même si certains gars bourrés sont un peu casse couilles, tout ceci n’est rien par rapport à l’excellente ambiance qui règne sur le festival. Et même les forces de l’ordre présentes sur le site n’hésitent pas à poser avec les festivaliers pour la photo souvenir.
Mais la musique alors ? Ouh là petit, tu y vas fort là ! Tu crois que je peux te raconter comme ça, de but en blanc, trois journées de festival ? Impossible ! Du métal, du hard rock, du hardcore, du punk, du thrash, du black, du death, du stoner, tous les styles estampillés «extrêmes» sont représentés sur le festival. En gros, il y en a pour tout le monde ! Du punk au Hellfest ? Bah oui, le festival est ouvert d’esprit, et on peut même dire que la Warzone est quasiment dédiée à ce style (avec la fusion et le hardcore). Bon, allez, je me lance : parmi tous les groupes programmés, voici un petit florilège de ce qu’on a pu voir et écouter ! On commence par le jour de la fête de la musique alors, le vendredi 21 juin 2013 ! Il est 10h30 et les excellents 7 Weeks ont l’honneur et la lourde tâche d’ouvrir le festival sur l’excellente scène Valley, dédiée à l’axe stoner/doom/sludge et consorts. Les trente minutes allouées à la formation française sont passées très vite, trop vite même, tellement je me suis régalé au son du stoner rock hypnotique et puissant. C’est le style de groupe que je n’écoute pas sur
disque, mais dont je raffole sur scène. Le groupe pose ses ambiances intimistes et parfois malsaines pour ensuite provoquer un raz de marée sonore, à la limite de la déflagration. La tente, relativement bien fournie pour un début de journée, écoute attentivement la formation stoner, comme pour se mettre dans l’ambiance d’un festival qui sera riche en émotions et en sensations fortes. Mais quelle entrée en matière ! 7 Weeks sur scène, c’est du bon, du très bon !!! Vera Cruz, autre groupe français, est programmé de bon matin (il est 11 heures) et ce que je peux te dire, c’est que ça débouche les oreilles ! Les gars n’y vont pas de main morte pour délivrer un set métal punk hardcore sans concession et de bon ton. Les gars y vont à l’énergie et ne se font pas prier pour balancer la sauce. Energie, intensité, envie, les qualificatifs sont nombreux pour décrire le concert de Vera Cruz, et même si l’assistance n’est pas phénoménale (rappelons que ça joue de bon matin le vendredi), ça n’a pas l’air de déranger les gars qui donnent tout, mais vraiment tout ! Pendant ce temps-là, Kissin Dynamite a pris possession de la Mainstage 1 pour enflammer les coeurs des festi-
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valiers alors que la météo laisse à désirer. On n’est pas loin de l’hommage à Guns ‘N’ Roses, Mötley Crüe et (plus récemment) Steel Panther, aussi bien dans le son (glam rock à fond les ballons) que dans l’attitude (les accoutrements et autre maquillage). Les cinq gars tout droit venus d’Allemagne n’ont pas inventé l’eau chaude, mais franchement, ça fonctionne, et je profite pleinement de la fin du set pour passer un bon moment. Sitôt le concert des glammers achevé, je cours (enfin, façon de parler) sous la Valley pour assister au concert des Eagle Twin. Duo magique américain, Eagle Twin balance une purée avec comme ingrédients principaux une batterie et une guitare sludge. La puissance développée par le duo est phénoménale, faisant de ce show une expérience incroyable et hypnotique. Eagle Twin n’a que faire des codes rudimentaires du rock, il se risque à jouer un SSNI (Style Sonore Non Identifié) de caractère et à la puissance indescriptible. Difficile de rester insensible, tellement les vibrations (au sens propre comme au sens figuré) provoquées par le batteur et le guitariste au bord du larsen et du chaos remuent les tripes. Les riffs sont démultipliés, la caisse de résonance est à son apogée, et la quasi absence de respirations vocales font de ce concert d’Eagle Twin une réussite. Le public est hypnotisé par le duo maléfique. Il faut dire que bien peu s’attendaient à cette claque renversante. Il n’est pas midi que déjà, je suis persuadé que ce concert figurera dans mon top dix du week-end. Ouch !!! Je remonte tranquillement vers les Mainstage, juste le temps d’apercevoir la fin des thrasheux de SSS qu’on annonce sur le programme officiel Black Spiders. Groupe décrit par ledit programme comme une formation stoner heavy rock. Parfait, j’adore ça ! Après une intro à l’orgue maléfique dans la pure tradition de la Famille Addams, les Anglais balancent effectivement un heavy rock teinté de stoner étouffant et prenant. On peut dire que ça démarre sur des chapeaux de roue. Trente minutes de rock qui tache, de guitares brûlantes et de rythmes entrainants. Certes, les vocalises sont un peu perchées, mais les accents 70’s et les rythmiques rock ‘n’ roll sont parfaits. Lemmy ne renierait pas ces rejetons qui font admirablement le boulot. Certains refrains sont entêtants, les gars sont à burne et la ‘high energy’ développée par le groupe est rassurante : le rock n’est pas prêt de mourir. Il est midi et demi, et je peux déjà crier fort que j’ADORE LE Hellfest ! Bah dis-moi, la journée démarre fort. Ça sent l’indigestion là !
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Disons, mon petit gars, que l’intérêt des premiers concerts (permettant les découvertes) est qu’ils sont relativement courts, et que tu n’as pas le temps de te lasser de groupes dont tu ne connais pas forcément la discographie sur le bout des doigts (ce qui est effectivement le cas me concernant pour ce début de journée). Je vais toutefois m’octroyer une petite pose histoire de recharger les batteries (au sens propre et au sens figuré). Le timing étant parfait, je m’en vais récupérer mes compagnons de route pour le week-end et avec qui je partage pécuniairement et humainement le fameux gîte dont je t’ai parlé précédemment. J’ai donc le plaisir de retrouver Benjamin (Minmin pour les intimes) et Vanessa (dite ‘la P’tite’) qui déboulent respectivement de Nancy et de Paris pour prendre part aux festivités. L’équipe est quasi complète, car il nous suffira de rejoindre un petit peu plus tard Laurent Koud’j, émérite guitariste de feu Wormachine accompagné pour le week-end par le fidèle Kem Eurockéennes. D’ailleurs, je n’hésiterai pas à faire marcher ma mémoire pour te faire part de quelques impressions de mes acolytes. Mais retour à la musique ! Je reprends ma route vers la Valley pour assister au concert de Black Cobra. Encore un duo sludge américain qui tabasse. Après une intro instrumentale totalement dévastatrice, le groupe déploie son sludge lent et violent. Ultra lent et ultra violent même ! Les accords du guitariste sont exploités au maximum, et les sons développés par les riffs font peur ! Pour te décrire le merdier à ma façon, je dirais que nous faisons face à une sorte de Mastodon en moins technique et plus violent. Bref, tu vois le travail hein ? Pesant et dérangeant, le set de Black Cobra aura pour effet de mettre un bon coup au cerveau et à l’estomac à ceux qui auront eu le bonheur (ou le malheur) de s’aventurer dans le coin. Et le hardcore dans tout ça ? Le hardcore était en effet bien représenté en ce vendredi. En attendant les deux têtes d’affiche du style, Vanessa a passé du temps à la Warzone pour les concerts de Negative Approach, Dez Nuts et Terror, groupes de hardcore américains. Si je me souviens bien, voilà ce qu’elle en pensait : au départ, elle trouvait intéressant le fait de voir Negative Approach, des vieux de la vieille, sur scène, même si par moment, le chanteur accusait le coup. Les musiciens sont quelque peu statiques, si bien que la rage est présente dans la voix mais pas dans le jeu de scène, ce qui a provoqué un certain ennui (pour ne pas dire un ennui certain chez elle). Concernant Dez Nuts, et en quelques mots : bon hardcore, musicos à l’allure sympathique, et ambiance à la cool dans la fosse. Mais alors que que Terror va entrer en piste, on sent un changement radical à l’arrivée des métalleux dans la fosse.
Bien ! Mais en fouillant dans les archives, j’avais cru comprendre que le Hellfest, c’était aussi la production sur scène de vieilles gloires du hard rock des années 80 ? Attends, nous y voilà fiston !!! Pour faire simple, à compter de 15 heures et jusqu’au bout de la nuit vont se succéder sur la Mainstage 1 ce qui se fait de mieux en terme de groupes de hard rock en activité en 2013. Ecoute bien : Saxon, Europe, Whitesnake, Twisted Sister et Def Leppard. C’est pas beau tout ça ? Et ne gaspille pas ta salive pour demander si j’ai vu les concerts, car oui, j’y étais avec mes camarades de jeu (enfin, la P’tite est trop jeune pour ces trucs-là, donc elle est allée voir d’autres choses, mais on en reparlera). Enfin, on les aura tous vu, sauf Deff Leppard, faute à un emploi du temps chargé et à un intérêt pas vraiment exacerbé. C’est Saxon qui ouvre la danse de ce que j’appellerai le «big four du hard rock du vendredi du Hellfest en 2013» (c’est long mais c’est bon, non ?). Et sans contexte, c’est le meilleur concert des quatre qui s’enchaîneront. Comme dirait Koud’j, les dieux du métal sont avec nous, le soleil pointe son nez, pendant que sur scène, ça enchaîne avec une facilité déconcertante les tubes («Sacrifice», «Motorcycle man»...) alors que le public prend son pied. Saxon, c’est du heavy metal à l’ancienne, et même si les gars ne sont plus d’une extrême fraicheur, leur musique est toujours au diapason (il faut dire que le groupe sort encore des disques, de qualité qui plus est). Le public participe à la demande du frontman Biff Byford est c’est vraiment cinquante minutes de folie que les Anglais ont délivré avec un «Wheels of steel» de folie pour terminer. J’ai adoré, et je n’ai pas été le seul, au vu des acclamations accompagnant la sortie de scène du groupe. Du très bon !!! S’en suivra Europe sur la même scène, un peu moins d’une heure plus tard. Encore une légende que je me fai-
sais une joie de voir «on stage». Le soleil est toujours là, et accompagné d’une bonne bière fraîche, je m’apprête à passer un agréable moment avec les Suédois rescapés des années 80. Mais alors que le groupe avait réalisé, selon les historiens du festival, un excellent concert en 2009, le set développé cette année a du mal à décoller. J’ai la vague impression que le hard rock d’Europe a un peu vieilli, et même si l’ensemble est sympathique, il manque ce grain de folie pour faire décoller le concert. Si bien que le public, légèrement je m’en foutiste, commence à réagir à vingt minutes de la fin du set, quand les hits pointent leur nez. Et je ne te raconte pas l’ambiance au moment où le quintet entame «The final countdown» que tout le monde attendait secrètement, sans oser le réclamer. Et il est drôle de voir les réactions du public : pendant que je suis près des consoles, aux premières
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Un set différent s’annonce, un set qui s’avérera bien plus violent. Le groupe communique formidablement bien avec le public qui est complètement déchaîné. Petits gabarits s’abstenir au premier rang, sous peine d’être réduits en charpie. Après avoir ramassé 3 fois ses bouchons par terre [pourtant moulés à ses oreilles] et essuyé une position de sécurité accroupie au sol, tête entre les genoux et mains sur le crâne de rigueur [ce qui en a effrayé plus d’un], elle a décidé de s’éloigner pour suivre la seconde moitié du set. Le groupe porte très bien son nom, tellement il a délivré un set extrême et rageur.
notes du clavier, une centaine de personnes autour de moi a dégainée son portable pour immortaliser le moment et chanter à tue-tête le refrain mondialement connu. Drôle de sensation, alors que le groupe jouait dans une certaine indifférence et une certaine moquerie, de voir ce respect s’installer alors que les musiciens envoient un hit interplanétaire qui a bercé notre enfance/adolescence à tous. Tandis que du côté VIP, Koudj’ verra une partie des invités en train de siroter quelques
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breuvages à l’ombre et confortablement installés se ruer vers le côté «public» pour voir ce moment et chanter le refrain magique. Comme le dira si justement mon compagnon bisontin, «le temps s’est arrêté et tout le Hellfest fredonne gaiement : c’est toujours impressionnant et drôle à voir». Après une inversion de planning, c’est Twister Sister qui doit envoyer à l’heure de l’apéro. Et comme c’est l’heure de l’apéro, nous sommes allés boire un verre avec Minmin, mais il n’était pas concevable que nous loupions le début de concert de la formation de Dee Dee Snider. Grand bien nous a pris, car nous avons pris une bonne baffe dans la tronche. Fini le maquillage à outrance, place à un groupe au backdrop imposant et une garderobe «imposée» (un runner du festival confiera que le groupe est arrivé en avion sans sa garde-robe restée coincée je ne sais où). C’est la folie sur scène, Twisted Sister est une grosse machine qui enchaîne tube sur tube. D’ailleurs, Koud’j en parle mieux que moi : Intro sur AC/DC «It’s a long way to the top (If you wanna rock ‘n’ roll)», Dee Dee Snider, plus blond et frisé que jamais, est une vrais pile électrique. Ça joue grave et le public est conquis. Mr Dee donne le ton avec «We are the best band of the world» et le démontre ! Le gars est en putain de forme, il court partout, saute dans tous les sens et, comble du bon goût, il est toujours en place. Une sacrée leçon de hard-rock and roll ! Ça enchaîne quasiment tous les tubes de Stay hungry et une bonne partie du public chante. Incroyable. Après une petite pose le temps qu’un guitariste prenne une photo, et, spontanément, le public commence à chanter à capela «We’re not gonna take it». Le groupe joue le jeu et enchaine direct sur ce tube hyper fun et ultra frais. Impossible de ne pas chanter avec Dee Dee, la bonne humeur est de la partie. D’ailleurs, le chanteur ne ment pas : Twisted Sisters est un putain de groupe. Il se permet même de jouer avec le public en envoyant un «I wanna rock» que tout le monde s’empresse de reprendre. Alors que le groupe tire sa révérence sur un «It’s only rock ‘n’ roll» des Stones, on se dit que ça va être dur de rivaliser, tellement les riciains ont mis la barre très haut ! Whitesnake n’a qu’à bien se tenir. Dernier groupe du quatuor maléfique : Whitesnake. Formation créée en 1977 par le fameux David Coverdale, j’attendais beaucoup de ce concert, appréciant les morceaux du quintet britannique. Bon, on a affaire à une grosse machine qui s’enraye rarement. Les musiciens sont monstrueux, les morceaux sont heavy à point, et même si je trouve la voix de Coverdale un peu agressive,
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nous passons un bon moment à la vue de ce concert. Mais la grandiloquence et le statut de super star n’excuse pas tout, bon Dieu : alors qu’ils n’ont rien à prouver (ou bien pour permettre à David Coverdale de souffler de longues minutes), le concert est entrecoupé de différents solos : solos croisés des guitaristes, solo de l’excellent batteur avec et sans baguette (c’est le Muppet Show !), re solo de guitares. Le look des gaziers est un poil rétro (futes en cuir, chemises ouvertes, baskets blanches : le comité du bon goût est sur le dossier), ce qui permettra à Koud’j de lâcher la phrase du week-end : «quand tu t’entraînes comme ça à la guitare, tu fais pas les magasins». Joli. Et Def Leppard dans tout ça ? Pour tout te dire, on a vu dix minutes du concert, entre Antiflag et Neurosis, et pour tout te dire, on est tombé sur l’interlude du concert, où une vidéo retraçait la carrière du groupe. On est tombé au mauvais moment, et du coup, ciao les léopards ! Mais pendant la session Hard Rock sur la Mainstage, il se passait d’autres choses, non ? Bien sûûûûûûûûûûûûûûûûr ! Et tellement de choses qu’on a eu un sacré dilemme à l’heure du goûter entre Hellyeah (nouvelle formation du batteur de Pantera), les excellents Black Breath et le black metal de Aura Noir. Evidemment, on rigole pour les derniers. Alors on s’est réparti les plaisirs. Koud’j, grand métalleux dans l’âme, a assisté au concert de Hellyeah : à peine Saxon ont-il plié bagage que la bande de Vinnie Paul est en place, et les gars sont bien décidés à montrer qu’ils ne sont pas là pour ricaner. Sous les coups de boutoir de son cultissime batteur et un soleil de plomb, en route pour une bonne salve de power thrash metal. Le chanteur est assez impressionnant avec un bel organe (sa voix, bien sûr). Son de batterie à la Pantera (classique !) et guitaristes en forme, voici quelques recettes d’un concert réussi, devant un public conquis qui donne du fil à retordre à la sécurité tentant de contenir les premiers rangs. Pendant ce temps, sous la Valley, Black Breath assassine un auditoire qui ne demande que ça. Si bien que, malgré la qualité du show, je ne tiendrai que trois morceaux de ce concert mixant death et hardcore. C’est trop pour moi, mais c’est bien fait ! Pendant que Minmin et moi nous octroyons une petite pause du côté de chez l’ami Cu! à l’extrem Market, Koud’j est déchaîné et assiste tel un prince au concert des thrasheux teutons de Testament : pas le temps de souffler, Testament est en place. Première constatation
Minmin et moi, tel un duo de chic et de choc, ne nous séparons plus, et c’est de concert que nous allons voir les deux prochains concerts ! Kreator tout d’abord, qui avec son pantagruélique backdrop et ses éléments de décor de scène ultra flippants, sort la grosse artillerie. On n’est pas là pour rigoler, et Kreator nous le fait savoir. Ca joue très vite, ça joue très bien, et je me surprends à taper du pied. Les refrains et les voix sont épiques, on se dit qu’à tout moment, des chevaliers en armure vont débarquer dans notre dos. Le thrash metal de Kreator est sans concession, et le public ne tarde pas à entamer un Braveheart dès le troisième morceau, suivi d’un Circle Pit. Sacré bordel devant la Mainstage. C’est viril, c’est martial, c’est tout bon ! Koud’j relèvera une bonne parole du frontman : «for the next song, I wanna see more violence». Des
poètes qu’on vous dit ! On file sans se faire remarquer (on sait jamais des fois qu’un Panzer nous aurait remarqués en train de fuir), mais c’est pour la bonne cause, et plus précisément pour Black Pyramid sous la Valley. Non, nous n’avons pas installé notre permanence sous cette tente, mais c’est tout comme. Encore une bonne rasade de sludge et de doom avec ce groupe américain qui mérite toutes les attentions du monde. Dommage que la Valley soit si clairsemée en ce début de soirée (les festivaliers respectent-ils le rite du repas à 20 heures ?). Le heavy rock teinté de mélodie aux accents 70’s a pourtant tout pour plaire aux amateurs du genre, et même si le groupe bouscule les us et coutumes en enchaînant des voix heavy et death, les quelques titres que j’ai pu écouter valaient clairement le déplacement. Pour les amateurs de guitares grasses et de rythmiques lourdes et pesantes.
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: le chanteur a pris un bon coup de vieux. Le son est carrément pourri en début de set, mais ça tendra à s’améliorer au fil du set. Dans la grande tradition allemande, ça joue à la perfection, mais les voyants sont au rouge quand le chanteur se met à faire du Air Guitar avec son pied de micro bricolé avec des éléments de batterie : en un mot : interdit !!! Imaginez le travail quand le guitariste est doublé, dans ses grands moments de bravoure (comprenez les solos), par des solos de pied de micro. Le mauvais goût a ses limites. C’est le légendaire Gene Hoglan qui tient les baguettes (et la double grosse caisse !!), avec une facilité déconcertante. Franchement, ce n’est pas humain.
On sent clairement des clans dans votre équipe dis donc ? Pas toujours. Car notre bon goût n’étant plus à prouver, Minmin, Vanessa, Koud’j et moi-même avons pris quelques volées d’Agnostic Front du côté de la Warzone. NYC Hardcore les gars, à base de bandanas, de guitares explosives et de rythmiques à mille à l’heure. Enormément de monde sous la Warzone ont pris le parti de se prendre une bonne baffe Hardcore, et ils ont bien eu raison car les Américains ne font pas semblant. Tout va bien sur la planète Agnostic Front : le chanteur est
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en forme, le batteur a ses baguettes de spair dans la poche, et même si le set est rugueux et massif, les musiciens ont la banane pour s’exécuter devant un public à donf. Un cocktail explosif pour le plaisir des yeux et des oreilles. Du bon boulot bien exécuté. A noter une reprise du «Blitzkrieg bop» des Ramones en fin de set. Bizarre mais envoyé avec le cœur ! Je fais l’impasse sur Helloween (que je verrai quelques semaines plus tard à la Hard Rock Session de la Foire Aux Vins de Colmar) pour aller écouter une représentation de Sleep. Et sur le coup, impossible de bailler (je sais, elle est facile). Le stoner doom hypnotique, lent et pesant du trio américain est renversant et obsédant. La fatigue n’aidant pas, je suis bien content quand le groupe muscle son jeu en terme de rythme. En tout cas, ça sent à plein nez le «desert rock». C’est prenant et solide, mais à cette heure-ci (il est 22 heures passé), il me faut un truc qui pulse ! Direction donc la Warzone (bonjour les allers-retours !) pour assister au show d’Anti-Flag. Minmin est perplexe, pensant tomber sur un groupe de coiffeurs. Mais finalement, il prendra comme moi une bonne claque. Arrivant sur scène au son de sirènes, le groupe ne laisse pas de répit en envoyant la sauce d’entrée ! Truffé de mélodies, le punk rock du quatuor est hyper efficace, et tendu à souhait. Anti-Flag n’est pas le genre de groupe qui envoie le punk pour amuser la galerie mais bien pour faire passer ses messages. Le bassiste (excellent au demeurant) ne tient pas en place (il lance sa basse en plein morceau à un roadie pour aller slammer dans le public !), les guitares sont abrasives, et le charismatique chanteur Justin Sane remplit parfaitement son rôle. Dans un esprit proche des Clash, Anti-Flag a réussi sans difficulté, en enchaînant ses classiques, à se mettre en moins de deux le public dans la poche. Et alors que la fin du set approche, le batteur descend dans le pit et se fait apporter une partie de son drum kit pour terminer le show dans le public ! Ouf ! Le gars envoie alors que les festivaliers retiennent la grosse caisse pour qu’elle ne déguerpisse pas. Bien joué !!! Pendant que Def Leppard envoie son set grandiloquent, direction la Valley pour le show sous pression de Neurosis. La puissance sonore développée par le groupe est tout bonnement hallucinante. Une chose est sûre, la déflagration sonore provoquée par les Américains prend aux tripes. Encore une fois, la fatigue altère mes sens et je ne parviens pas à «entrer» dans le concert comme il se doit. Par contre, l’ami Koud’j en est ressorti hyp-
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notisé : éclairage on/off, gros stroboscopes ultra puissants, son énorme, Neurosis ne bricole pas : ça envoie ! Le show est tellement puissant qu’on pourrait avoir l’impression d’être un clou juste avant le coup de masse pour l’enfoncer. L’alternance des passages calmes et des rythmiques solides et massives est déconcertante. Neurosis, c’est de la baise musicale, sans compromis. C’est beau, c’est brutal. Vanessa regrettera toutefois les enchainements assez longs faisant perdre parfois le fil du concert et pouvant faire décrocher l’auditeur. Fatigue ? Programmation tardive ? Dernier concert de la journée, direction la Warzone pour honorer comme il se doit les vétérans du hardcore newyorkais. Sick Of It All est dans la place !!! C’est la première fois que je vois le groupe sur scène. Je me doutais bien que ça allait chauffer, mais pas à ce point-là. C’est tout simplement monstrueux. Les gars ne tiennent pas en place (mention très spéciale au guitariste Pete Koller monté sur ressorts). N’empêche que je n’avais pas souvenir d’autant de bandanas sur le crâne des new-yorkais quand j’ai visité la ville il y a quelques années. Sick Of It All, bénéficiant d’un jeu de lumière minimaliste mais parfait pour le genre, n’en finit pas de délivrer des brûlots de folie, ne s’économisant pas une seule seconde pour délivrer un concert magique. Le public ne s’y trompe pas et se déchaîne malgré l’heure avancée de la nuit. Et je ne te parle pas du son, qui est puissant, rugueux et dévastateur, à l’image de la prestation du quatuor. Je reconnais qu’au bout d’un moment, on a l’impression
d’entendre toujours la même chanson, mais le bonheur procuré par la prestation scénique du groupe excuse tout. New York HardCore, tu m’as eu !!! Avec le bon Minmin, on pourrait repartir pour une fournée de concerts tellement SOIA nous a requinqués. Mais les programmateurs ne sont pas fous : faire jouer un groupe après Sick Of serait une hérésie, voir un suicide. Et puis il est temps de rejoindre la P’tite et Christian (on est obligé de passer devant Avantasia pour rejoindre notre point de rendezvous, avec pour vision d’horreur des claviers scandaleux et des voix hauts perchées) pour retrouver notre gîte et profiter d’un bon lit pour accumuler quelques heures de sommeil bien méritées. Et bien dis donc, quelle journée ! J’imagine que vous avez relâché la pression le lendemain pour recharger les batteries ? Euh, et bien non, pas vraiment ! Vanessa, Minmin et moimême sommes retournés sur le site dès 10h30, bien accompagnés par Christian qui ne ratera pas une miette de la journée, et naviguant entre chaque scène pour immortaliser le festival en photos. Vous avez fait quoi le samedi 22 juin ? Le temps d’aller saluer notre Cu! national et de lui ramener quelques canettes pas fraîches que je file en direction de la Warzone pour assister au concert des locaux, Justin(e). J’adore ce groupe que je n’ai jamais vu en condition « festival outdoor » et je ne me fais pas prier pour aller prendre une bonne dose de punk rock made in
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Treillières. La veille, Fab, pourtant aguerri des gros fest’ avec Ultra Vomit, ne cache pas son appréhension quant à la réaction des gens face au groupe dans lequel il tient la basse. Ses doutes seront vite dissipés suite à l’accueil que le public réserve aux locaux. Ce n’est pas la foule des grands soirs en ce bon matin (sacrée logique !), mais c’est largement suffisant pour mettre l’ambiance et passer un excellent moment avec le quatuor punk rock au chant en français jamais dénué de sens. Les trente minutes réservées à Justin(e) passeront trop vite, le groupe ayant juste le temps d’envoyer ses missiles issus de ses trois excellents premiers albums. J’ai même cru que BatBat de Diego Pallavas allait débarquer quand Justin(e) a balancé «Vie de merde». Mais non, hélas. Alex en profite pour lancer de bonnes accroches entre les morceaux envoyés à cent à l’heure, et je ne suis pas le seul à en redemander quand arrive la fin du set. Du bon boulot exécuté par le quatuor avec une mention spéciale pour le basse batterie qui vaut des points. Oï !!! Alors que la pluie fait son retour à l’heure de l’apéro (ok, c’est tout le temps l’heure de l’apéro au Hellfest, mais considère qu’il s’agit de la vraie heure de l’apéro), Audrey Horne va réchauffer nos petits cœurs de rocker. L’ami Koudj était de la partie, et ce n’est pas le dernier pour apprécier les grands relents de hard rock bien exécutés. Il me confiera avoir bien aimé sur disque, bien que ce ne soit pas forcément le genre de groupe qu’il écoute tous les jours, mais il ne pouvait pas louper ce concert, en grand fan de David Lynch qu’il est. Il y a déjà pas mal de monde devant la Mainstage 1 (qui aura été squattée toute la nuit par l’équipe technique de Kiss), et visiblement, beaucoup de fans bien chauds. Le concert démarre et dès les premiers morceaux, le public reprend en chœur la plupart des standards du groupe norvégien. Visiblement, Audrey Horne est en terrain conquis, et Koudj n’est pas déçu. Les zicos ont le sourire et ça sent la bonne humeur à plein nez, aussi bien sur scène que dans le public. Rajoutons à tout ça un set bien carré et un groupe bénéficiant d’un bon son, le tout emmené par un chanteur au bon charisme. Les riffs de guitare sont aussi efficaces que les poses des six cordistes sont exagérées, et les refrains sont accrocheurs. En bref, un bon concert et une bonne mise en jambe pour cette journée qui s’annonce bien remplie. Effectivement, quand on regarde le programme, les journées sont longues... Oui, et aussi riches en groupes connaissant ou ayant connu leur heure de gloire. En atteste la prestation à
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12h50 de P.O.D, groupe de néo métal formé en 1992 et ayant connu le succès pendant la grande époque du «new metal» au début des années 2000. Pour tout te dire, ce groupe ne m’a jamais excité, mais à l’écoute des riffs biens lourds et des phrasés rappés, j’ai l’impression de revenir quinze ans en arrière. Parfois, il est bon de faire marcher la machine à remonter le temps. Et qui ne succombe pas au tube interplanétaire «Alive» ultra mélodique et accrocheur ? Mais le samedi n’était-elle pas la journée la plus «punk» du week-end ? Définitivement. Après Justin(e), je me farcis une partie du concert de The Casualties, formation street-punk américaine. Bon, là, on rigole moins : ça bourre, ça bourre et ça bourre. Le groupe envoie hyper vite, le chant est à la limite du hardcore. Les crêtes sont aussi belles que les riffs que guitares sont aiguisés, si tu vois ce que je veux dire. C’est du tout bon, mais j’ai vite fait le tour de la question, le street-punk n’étant pas ce dont je raffole le plus. Mais du punk, je t’en reparlerai tout à l’heure. Au même moment, séquence nostalgie pour Minmin qui me raconte une anecdote alors que nous nous rapprochons de la Mainstage 1 : un jour, l’ami Fred «Billy the Kill» lui a offert un disque de Krokus, car le nom le faisait marrer. Faut dire que Krokus, ça sonne thrash métal tu trouves pas ? Et bien non, les gars de Krokus (since 1975 !) délivrent un hard rock ‘n’ roll pas piqué des hannetons. Pour te la faire courte, on est dans un registre ultra rock aux accents très «AC/DC». Alors, ok, c’est pas la folie sur scène, les gars ne sont pas d’une fraîcheur extrême, mais ça joue juste et surtout, ça joue bien. Tu connais mon amour pour le rock qui va tout droit ? Eh bien tu dois imaginer que j’avais le sourire aux lèvres à l’écoute du groupe suisse. Et tu ne trompes pas. Très bon moment sans être renversant. Juste du rock, sans artifice, mais du rock qui va bien. Changement d’ambiance quelques minutes plus tard sur la Mainstage voisine : c’est le retour de Coal Chamber et de l’affreux Dez Fafara, également connu pour être à la tête de Devildriver. L’avantage des festivals comme le Hellfest, c’est que si un groupe ne te botte pas des masses, tu peux regarder dix minutes et aller écouter un autre concert dans la foulée. C’est ce que j’ai fait, après
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avoir bloqué sur la bassiste qui semblait physiquement fort sympathique (du moins de loin). Koudj a, lui, eu le courage de rester pendant les 50 minutes du show : le son est énorme, et le groupe se dépense sans compter sur les planches, si bien qu’il est resté plus longtemps que prévu à regarder le concert. Et Koudj s’est pris au jeu, notamment devant ce batteur envoyant comme un porc et faisant le show, le genre de zicos qui prend toute la scène tellement son jeu est expressif et puissant à la fois. C’est un peu la récréation façon «grandes farces» sur scène, entre des musiciens qui s’aspergent d’eau, le fameux batteur lançant dans tous les sens des milliers de baguettes. Le groupe a pris son pied et le public aussi. Et même si, musicalement, ça reste d’un goût «douteux», le groupe a fait passer un bon moment a un public qui n’en demandait pas tant. Pendant ce temps-là, Minmin et moi sommes allés prendre notre dose de doom psyché avec Uncle Acid
and the Deadbeats. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça tranche avec Coal Chamber : les rythmes sont plus lents, plus pesants, la musique moins agressive et beaucoup plus lancinante. C’est tantôt planant, tantôt prenant, mais toujours excitant. Si bien qu’on en oublierait presque la pluie qui redouble d’intensité. Les voix du groupe américain sont exquises, les guitares monstrueusement efficaces, et les ambiances posées par le groupe sont envoutantes. Du très bon boulot. Un peu de finesse dans ce week-end de brutes. J’exagère ? Nooooooon, tu crois ? Je ne sais pas si ce sont les riffs planants des Uncle Acid qui me mettent dans cet état, mais j’ai besoin de faire une pause en ce début d’après-midi, et mon hôte Cu!
se fera un plaisir de m’accueillir pour me poser un peu, pendant que Minmin fait le tour des stands de l’Extreme Market (il aura vu des odieuseries !!!). On fera également le tour des bacs à disques «convenables» et j’en profite pour toucher pas cher un Husker Dü, un Backyard Babies et un DVD des Foo Fighters (eh oui !). N’empêche que je suis tombé dans une sorte de faille spatio-temporelle qui m’aura permis de me requinquer un petit peu et surtout d’être au sec pendant que dehors, il pleut. Quand je refais surface, le soleil a repointé généreusement le bout de ses rayons, et il est temps de repartir à l’assaut des concerts. Retour (une nouvelle fois) sous la Valley pour un show rock 70’s des suédois de Witchcraft. A classer entre Black Sabbath et Pentagram. Il y a pire comme influence, hein ? Les guitares sont incandescentes, la voix est plus qu’agréable, chaleureuse et mélodique, et l’ensemble est plus que plaisant. Parfait pour se remettre dans le bain ! Intéressant. Mais avec trois groupes jouant simultanément, tu as dû faire des choix cornéliens, n’est-ce pas ? Oh que oui. Le plus compliqué sera le dimanche entre Senser et Danko Jones, mais également le samedi où un gros dilemme pointe le bout de son nez à l’heure du thé : Down sur la Mainstage 1 ou Gallows à la Warzone ? Dur dur. Je zieute quelques minutes du premier set du «groupe de Phil Anselmo» (ultra présent ce weekend, s’invitant à pas mal de jams avec différents groupes). Premier car le groupe remettra le couvert le lendemain pour un «special show» sous la Valley en remplacement des regrettés Clutch. Inutile de te dire qu’il sera quasi impossible d’accéder à la tente devant l’intérêt suscité par ce show fait de raretés et de reprises. Mais je t’en reparlerai. Toujours est-il qu’à l’heure où le groupe ouvre son concert heavy stoner métallique après une intro blues, c’est la foule des grandes après-midi pour voir en chair et en os le charismatique ex-leader de Pantera. Je préfère m’éclipser et prendre une rasade de punk hardcore made in Gallows. Le départ de l’exécrable mais talentueux Franck Carter ne laissait rien présager de bon, mais j’ai vite été rassuré par Wade McNeil, nouveau (enfin depuis 2011 !) chanteur du quintet britannique. Franchement, le gars tient la dragée haute et fait le boulot comme il faut. Franck va chercher le public en s’exprimant en français, pendant que ses gars avoinent derrière avec un set brut, massif et direct. Le hardcore teinté de punk délivré par Gallows est sans fioriture, et je prends un malin plaisir à me prendre dans la gueule ce set d’une intensité rare. En me disant que j’ai bien fait de passer ce milieu d’après-midi à la Warzone.
Changement d’ambiance pour retourner sous la Valley pour le set de Karma To Burn. Pour ne rien te cacher, ce concert fait partie du top trois de la journée. Bien que sans bassiste pour ce show, Karma To Burn, réduit au duo, va délivrer un set stoner de toute beauté. Pas de chant, juste une guitare et une batterie, des riffs aiguisés, une caisse claire qui claque, des morceaux extrêmement bien sentis et une rage omniprésente. Tu peux me croire, ce groupe rocke à mort, et les Américains savent mettre l’ambiance sans discours ni artifices. Juste du stoner rock qui va bien, très bien même. Le public est aux anges, ça démarre au quart de tour, le son est énorme (comme pour la majorité de ces groupes sous cette tente), et avec Minmin, on est vraiment bien. Le temps de boire un petit verre et de profiter du retour franc et massif du soleil qu’il est temps de rejoindre la Mainstage pour l’un des évènements de la journée : le premier passage au Hellfest de Accept. Bien que je ne sois pas un inconditionnel du heavy metal teuton, la disposition de la scène valait au moins le coup d’oeil, avec ces deux douzaines de baffles guitares estampillés au nom du groupe, s’il vous plait. D’accord, c’est de la chinoiserie mais visuellement parlant, ça a de la gueule. Tout comme la batterie surélevée et en structure métal. En fond de scène, le backdrop dévoilé au dernier moment est dans la lignée «années 80». Sois le bienvenu dans un monde de bon goût. Et musicalement ? Koud’j se souvient d’un concert ayant débuté par de grandes gerbes de flammes bien à l’ancienne (Rammstein aurait donc pour modèle Accept ?). Les guitaristes ne sont pas avides de soli avec leurs guitares Flying V, n’omettant bien sûr pas le mode «poses croisées» et autres chorégraphies que tu peux retrouver dans tes VHS des éditions du Monsters of Rock : du cliché en veux-tu en voilà, mais c’est bon quand même. Bien sûr, il est regrettable que le bon vieux Udo Dirkschneider ne soit plus de la partie aux vocalises, mais Mark Tornillo, américain de son état, mène tout de même bien sa barque. Pour le reste, du heavy metal à fond les ballons, ça fait plaisir aux fans (nombreux semble-t-il), et une apparition en fin de set de. Phil Anselmo (encore lui ?) viendra clôturer un concert qui a tenu la route. Pendant que le bon vieux Koud’j se prend une rafale de riffs heavy dans la tronche, Minmin et moi en profitons pour nous préparer psychologiquement à l’une des déflagrations sonores du week-end et ainsi rejoindre une nouvelle fois la Valley pour le show de Red Fang. Et nous n’avons pas été déçus. Loin de là. Le quatuor américain, qui a deux albums à son actif, est en passe de devenir
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incontournable, et c’est bien mérité tellement de stoner heavy rock balancé par les bucherons américains fait mouche. Son énorme, bonne présence, excellentes chansons, voix hypnotiques, guitares crasseuses dégueulant des amplis, Red Fang ne fait pas les choses à moitié, et proposera pendant cinquante minutes un set énergique, subtilement crasseux et délicieusement puissant. Le quatuor donnera tout ce qu’il a, et je peux te dire qu’il en a à donner ! Encore un excellent groupe sous la Valley. Le groupe était attendu, en témoigne l’affluence importante et compacte sous la tente et les nombreux slams et pogos déclenchés par les chansons du quatuor. J’ai encore cette vision d’un mec allongé par terre, complètement HS ayant encore la force d’hurler à tuetête les paroles de «Prehistoric dog» clôturant le show des Ricains. L’un des meilleurs souvenirs de cette journée pourtant riche en bons groupes (tellement riche que deux jours plus tard, dans un élan de faire marcher la boite à souvenirs, Minmin et moi n’arrivions plus à remettre un son sur ce concert, mais heureusement, ça m’est revenu !!!). Je t’épargne (tout comme nous nous sommes épargnés) le concert de Papa Roach pour aller boire un verre côté VIP. C’est Jack Daniel’s qui régale, on ne va pas se priver de boire un whisky coke sous parasol, hein ? Il n’est pas loin de 21 heures quand un nouveau choix cornélien s’impose à nous : ZZ Top ou Converge ? Pour Minmin et moi, ça sera ZZ Top, et nous allons regretter amèrement ce choix au bout de quinze minutes. Non pas que ça joue à l’envers ou que la paire guitare/basse ait rasé sa barbe. Non, rien à voir. Sauf que, comment
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dire... ça n’envoie rien. Je veux dire que devant une affluence impressionnante (certainement à la hauteur de ce que j’ai pu voir lors du début du concert des Guns ‘N’ Roses l’année précédente, voire plus !), il ne s’est rien passé. Le groupe a dégainé ses grands hits («La grange», «Sharp dressed man», Gimme all your lovin’».), claque une reprise de Jimi Hendrix («Foxy lady»), tout ça avec un son d’une bonne qualité, mais sans passion, sans âme, et surtout sans panache. Minmin me dira à juste titre que le batteur joue avec des baguettes en mousse. L’image est rigolote mais pas loin de la réalité, tellement le manque d’énergie est flagrant. Alors ok, les gars ne sont plus d’une grande fraîcheur, mais ceci excuse-t-il cela ? Ou alors étais-je trop exigeant devant un groupe que j’ai toujours respecté et dont le dernier album est d’une qualité non négligeable ? Alors oui, le boogie rock du trio texan est de bonne qualité, ça joue fin et ça joue juste, les détails ne sont pas laissés au hasard concernant la similitude des instruments et des costumes entre les deux barbus, et il est indéniable que Billy Gibbons est un putain de guitariste. Mais il manquait ce grain de folie pour nous faire décoller et nous accrocher à ce concert tant attendu pour ma part et qui sonnera comme une sorte de pétard mouillé. En tout cas, le concert noir de monde de ZZ Top nous aura permis, à Minmin et moi-même, de nous balader dans l’Extrem Market sans difficulté aucune, les allées étant quasiment vides ! Cu! ne croule pas sous le chaland prêt à lâcher quelques billets pour ses excellentes productions, et nous irons lui donner nos impressions de cette excellente journée qui est loin d’être terminée !
Kiss m’a toujours fait rêver. Et cauchemarder ! Pour l’anecdote, au début des années 80 (j’étais très très jeune), j’ai dû tomber sur une photo des gars maquillés qui a dû me faire flipper, pensant que ce groupe sorti des ténèbres devait jouer une musique horrible, haineuse et inaudible. Et je me rappelle effectivement de ce moment où, avec courage et détermination, j’ai écouté une cassette du Bisou et que je me suis rendu compte de mon erreur : Kiss transpire le classic rock, tout simplement. J’ai toujours rêvé de voir le groupe sur scène et de participer à cette expérience unique d’un concert du quatuor new yorkais. C’est chose faite cette année, et Minmin est du même avis que moi : on peut se permettre de mettre de côté un groupe actuellement sur l’une des trois scènes du festival pour tenter de trouver une bonne place pour les 90 minutes de Kiss. Bonne nouvelle : on va tout de même pouvoir profiter d’un concert qui se déroule sur la Mainstage 2 pendant l’attente interminable. Mauvaise nouvelle : ce fameux groupe sur la M2, c’est Bullet For My Valentine. Comme le tweetera l’excellent webzine Metalorgie, BFMV, c’est l’instant metalcore mais façon boys band. Aucun problème au niveau du son, des lights ou même des qualités techniques des zicos : c’est rôdé, pro à l’extrême et bien branlé. Mais bon, le «problème», c’est bien ces compos qui piquent et mélangent thrash et néo métal avec des refrains pour faire mouiller les filles. Dans l’absolu, je reconnais que c’est bien fait, mais ça ne me fait pas bander. De rien pour cet instant de poésie. Ah, au fait, Phil Anselmo n’est pas venu jammer avec les Anglais. Et ça t’étonne ?
Et le concert de Kiss dans tout ça ? Nous y voilà. Kiss, c’est tout simplement une autre dimension. Une machine de guerre avec un staff se comptant par dizaines de techniciens, des moyens impressionnants, une scène hallucinante (qui ne sera malheureusement pas exploitée à son maximum ce soir, certainement pour des contraintes techniques), et des hits à la pelle. Kiss est en plein «Monster Tour» pour la promotion de son (excellent) dernier album, dans la lignée du non moins excellent Sonic boom. Alors Kiss, c’est un peu comme les Rolling Stones, chaque nouveau disque est prétexte à une nouvelle tournée interplanétaire synonyme de millions de dollars et de stades pleins à craquer. Assister à un concert de Kiss en 2013 est une expérience unique. Ses musiciens sont intemporels sous leur maquillage (même si les gars envoient depuis plus de quarante ans !) et c’est aussi bien pour le spectacle
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Au même moment, la Warzone surpeuplé accueillait Converge, et Vanessa y était. Le public est majoritairement composé de fans. Bannon, timide, sourit aux phrases que peuvent lancer certains pendant les balances (que le groupe fait lui-même), répondant par un petit «What ?!» en cas d’incompréhension, puis par de petites mimiques. Pour s’échauffer, il fait des allers-retours sur scène, tourne tel un animal en cage, entrainant même les autres à faire des pas-chassés. Durant les dernières vingt minutes avant le live, on assiste à une réelle complicité au sein du groupe et de son équipe, transmise au public. On peut les voir se raconter des histoires [blagues ?] et rire. Seule fille aux barrières et pressée tel un citron (elle ne pouvait plus bouger un seul membre) elle a suivi cette prestation puissamment sauvage avec exaltation. Tout le monde vit le moment, de la pure folie. Elle a pu voir un mec encastré dans une bouée ourson orange fluo slammer sur le ventre. Les spectateurs sont à la fois déchainés et ravis. Peu importe le titre annoncé, ils sont heureux.
que pour la musique que le public fait le déplacement. Pour moi, ça sera les deux mon capitaine. Dès «Psycho circus», c’est la profusion de flammes et de pyrotechnie en tout genre. Le groupe enchaîne vieux standards («Shout it out loud», «Let me go rock n roll», «I love it loud») et récents extraits de ces derniers albums («Hell or hallelujah») pendant que le public ne manque pas
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de chanter, que dis-je, hurler les refrains. Les interventions de Paul Stanley entre les titres sont quelque peu longuettes, haranguant un public tout acquis à sa cause et permettant aux musiciens de reprendre leur souffle. Logique, mais ça casse un peu la magie. N’empêche que Kiss fait le job et le fait bien. Enflammade au sens propre comme au sens figuré de Gene Simmons, solo de batterie et de guitare, écran géant vraiment géant, le temps passe vite même si je me dis que sans cette profusion de spectacle (qui fait la renommée de Kiss),
qui en donne pour leur argent aux festivaliers lui mangeant dans la main. C’est rôdé, parfaitement exécuté et quasi sans faille. Enorme respect aux techniciens qui ne doivent pas rigoler pour mettre en place tout ce bordel, et mention spéciale à l’artificier pour qui c’est le 4 juillet tous les jours (Etats-Unis oblige). La fin du concert est dantesque avec l’énormissime «Rock n roll all nite» et sa pluie de confettis et le somptueux «Detroit rock city». Et que dire de «Black diamond» où le groupe tire sa révérence en s’élevant au-dessus du public grâce à
on assiste à un concert d’un bon groupe de classic rock aux solos bien en place et à la rythmique sans faille, tout simplement. Retirons les artifices en tout genre et Kiss redevient un groupe parmi tant d’autres. Mais la légende est bien sur la Mainstage 1 et je ne boude pas mon plaisir. La foule compacte me pousse à prendre un peu de recul pour «respirer» et me poser un peu, et c’est à ce moment-là que je me rends compte de l’engouement suscité par les quatre maquillés. Les effets connus sont de sortie (Simmons dégueulant du sang sur son solo de basse avant «God of thunder») et on ne résiste pas à trembler quand Paul Stanley traverse la foule en tyrolienne pour rejoindre la console de son et de light pendant «Love gun» : frissons garantis !!! Kiss a la classe, et même si certaines longueurs sont perceptibles, cela n’entrave en rien la magnifique production du groupe
d’imposants bras mécaniques ? Que c’est magique. Que c’est magnifique. Que c’est bien sûr surproduit, mais que ça fonctionne. Du très grand Kiss, tout simplement !!! A peine remis de mes émotions, je m’aventure sous la Valley pour assister à une partie du set de Cult Of Luna. Groupe vénéré par tonton Aurelio et par bien d’autres, ce groupe n’est vraiment pas ma came sur disque. Pour tout te dire, je m’ennuie un peu. Mais alors, en concert, quelle claque !!! Mon esprit est encore teinté de classic rock que je me prends en pleine gueule le postcore des Suédois qui ont vu leur set allongé de vingt minutes suite à un désistement intervenu peu avant. Beau joueur, le groupe s’est proposé pour rallonger son set, ce qui m’a donné la possibilité de prendre une bonne
Ouch. Idéal pour aller te coucher et retrouver un peu de calme dans ton lit... Pas vraiment non. Car il a beau être une heure du matin, je n’allais surtout pas louper le dernier concert de la journée à la Warzone, alors que Korn s’active sous la Mainstage 2. J’ai rendez-vous avec Bad Religion, groupe américain légendaire qui a notamment inspiré les Burning Heads, un de mes groupes favoris. Etrangement, c’est la première fois que je vois le groupe sur scène et je compte bien en profiter. Je me pose tranquillement derrière la régie et savoure le show des Ricains qui détonnent avec ce que je viens de voir sur la Mainstage 1 : aucun artifice, lights minimalistes, juste un groupe de punk rock déclenchant ses brûlots toutes les deux minutes. Je n’assisterai qu’à la moitié du concert (pour cause de covoiturage) mais j’ai pris suffisamment de punk rock songs pour affirmer que ce groupe est gigantesque. Il ne faut pas compter sur eux pour envoyer les guitares en l’air ou pour tendre le micro toutes les deux minutes pour faire chanter le public. Non non non. Ici, on est à l’ancienne, old school style, on enchaîne les chansons, on en profite pour lancer quelques pics sur les politiques ou les groupes présents sur le festival (Def Leppard, Kiss), des gens qui ne sont pas de leur monde. Bad Religion joue vite, Bad Religion joue bien et même si on a l’impression que les gars sont quelque peu nonchalants (mention spéciale au «guitariste à l’écharpe»), le groupe joue son truc, tu adhères ou pas, ce n’est pas leur problème, le punk rock est leur mode d’expression, tout comme certains écrivent des livres ou peignent des tableaux. Bad Religion délivre ses hits et présentent de nombreux extraits de True north, leur dernière excellente production en date («Past is dead», «True north», «Fuck you», «Nothing to dismay»...).
Certes, le chant est moins précis que sur disque, mais l’énergie compense tout. Les mecs mettent leurs tripes dans leur show, et ça fait plaisir à voir. Je quitte avec regret le concert qui, malgré l’heure tardive, a réchauffé les cœurs et délivré quelques pogos pour les plus acharnés d’entre nous. Encore une belle journée passée à Clisson !
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claque dans la gueule sans perturber mon planning. Je prends le concert en cours de route, et c’est vraiment l’apocalypse au moment où je rejoins la Valley bien blindée. La puissance sonore développée par les Suédois est impressionnante et vraiment indescriptible. Ce n’est clairement pas ma tasse de thé mais je reste sans voix à l’écoute de ce mastodonte qui défie les lois de la physique. Non non, je te vois sourire, je n’en fais pas trop : il faut avoir le cœur bien accroché pour résister aux assauts sonores de Cult Of Luna. Le son est gigantesque et les lumières prodiguées par Alexis «Biquet» sont époustouflantes : ce mec est un génie, réussissant avec perfection à magnifier la performance cinq étoiles de COL. C’est violent, trop violent pour moi, mais je ne regrette pas le détour pour me prendre, le temps d’un quart d’heure, une baffe monumentale.
Wahou ! Et ce dernier jour, au vu de tout ce que vous avez vu pendant deux jours, vous y êtes allé en mode semi zombie/semi noctambule ? Et bien ça aurait pu être le cas. Mais après un brainstorming aussi rapide qu’efficace, Christian, Minmin, la P’tite et moi décidons de repousser l’heure du réveil et donc notre arrivée sur le site. Enfin, la P’tite n’avait pas son mot à dire, même si nous avions beaucoup de considération pour notre atout féminin qui nous permettait de nous faire payer des bières par des gars tentant de la draguer. En y repensant, avec Minmin, on a un peu honte d’avoir été des proxo de la biberonnade houblonnée. Mais là n’est pas le propos. On se dit que partir un peu plus tard le dimanche tombe bien, car on est bien cramés et il faut qu’on lève le camp du gîte, ce qui nous impose un quart d’heure de ménage et de rangement. Je speede un peu mes camarades pour être dans les temps et c’est reparti pour un dernier tour de piste. Nous n’aurons pas la joie et l’honneur d’assister aux concerts de The Arrs (boffffff) et de The Decline (grrrrrrr). Alors, ce dernier jour, le dimanche 23 juin, vous avez vu qui ? Ma journée «démarre» donc, accompagné de Minmin, sous la Valley (ça t’étonne ?) pour le concert de Truckfighters. Trio venant tout droit de Suède, Truckfighters envoie un stoner teinté de rock seventies qui a le bon goût d’être entraînant. Le guitariste, torse nu, la joue à la Airbourne à base de guitare en l’air et a clairement de l’énergie à revendre. L’ensemble rappelle les excellents Kyuss. Malheureusement, le mix des instruments dans la sono dessert le groupe. Ajoute à ça un set un brin répétitif, et voilà pourquoi Minmin et moi ne nous sommes pas éternisés sous la tente de la Valley. Sous l’impulsion de Minmin, je me dirige quelques instants sous la tente bleue pour prendre une rasade de Svart Crown qui développe sur la scène Temple un black métal assez mélodique. Le chant est dur, ça blast dans tous les sens, et on se surprend à taper du pied pendant quelques instants. A moins que ce soit pour se défaire de fourmis dans les jambes. Je ne sais plus. En tout cas, c’était sympa, mais faut pas déconner non plus, on
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bouge !
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Mais cette fameuse tente bleue, c’est celle qui accueille les scènes Altar et Temple ? Pourquoi tu n’en parles jamais ? C’est bien cela, ce sont les scènes accueillant les groupes death et black (et quelques ovni du genre). Pas trop notre délire, même si la P’tite y a passé quelques concerts. Il en faut pour tous les goûts. N’empêche que la structure de lights en forme de pentagramme valait quand même le détour ! Le temps d’aller réapprovisionner Cu! en cargaison de canettes vertes que je me retrouve devant la Mainstage 1 pour une bonne leçon de hard rock made in England. Heaven’s Basement est dans la place, et je me prends une bonne décharge de rock énergique et bien envoyé. Le chant est tantôt hurlé, tantôt mélodique et l’ensemble est hyper intéressant. Les passages heavy succèdent aux refrains hyper chiadés, et c’est avec plaisir que j’assiste à une partie du show aux refrains mélodiques et aux rythmiques entraînantes. Car sur les coups de midi, les groupes se succèdent pour des prestations de trente minutes, et si ton running order prévoit de voir deux groupes jouant en même temps, t’es un peu baisé. C’est pour ça que j’écourte malgré moi le concert de Heaven’s Basement pour rejoindre la Warzone et voir la deuxième partie du concert de Treponem Pal. Marco, le leader / chanteur charismatique, est un «personnage» du microcosme rock métal français, et il est toujours bon de prendre une rafale de Treponem Pal, même à midi ! Ton oncle naturiste Ted avait trouvé le chanteur un peu rincé lors d’un récent concert parisien et je redoute que ça se reproduise au Hellfest. Que nenni moussaillon, la voix de Marco est juste et lancinante, et le rock indus développé par Treponem Pal fait mouche ! Claviers maléfiques, guitares atomiques, delay dans la voix, deux danseuses sur scène dans un trip que ne renierait pas le bon vieux Rob Zombie. Treponem Pal fait le boulot avec passion et conviction, et après un excellent et remuant «Planet crash», le groupe tire (déjà) sa révérence avec «Excess and overdrive» dans une ambiance malsaine et pesante. Good job ! Le soleil a refait son apparition, et Prong investit la Mainstage 2. Minmin n’en a pas loupé une miette : la formation américaine déboule avec la banane sur scène. Le trio emmené par le chanteur guitariste Tommy Victor fait plaisir à voir. Pour ne rien te cacher, ça jouait hyper carré, et l’ensemble est super efficace. Ok, ça fait beaucoup de superlatifs, mais les quarante minutes
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envoyées par les New Yorkais ont été intenses et sans faute de goût. Prong joue sur le fil du rasoir, le tout est hyper tendu, le thrash métal lourd et pesant, puis rapide et accrocheur, balancé dans la sono assommant littéralement une assistance qui n’en croit pas ses oreilles. Et le seul regret de ce set est qu’il ait été trop court et trop tôt dans la journée. Changement d’ambiance avec Mustasch sur la Mainstage 1. S’exécutant en tout début d’après-midi dans une indifférence quasi générale, le hard rock stoner mené tambour battant par Ralf Gyllenhammar est ce qui se fait de plus efficace, entre guitares inspirées, mélodies vocales imparables et basse batterie façon rouleau compresseur. Je passe un bon moment en compagnie du groupe suédois, même si je peine à retrouver l’intensité délivrée par le groupe sur disque. N’empêche que ça ne méritait pas ce manque d’ambiance de la part des festivaliers certainement en train de dormir/cuver/déjeuner/ choisis ton camp camarade. Ou alors ils étaient tous aux abords d’une autre scène ? Exactement, fiston !!! La Warzone dégueule de monde pendant que s’exécute avec brio le Bal des Enragés. On ne présente plus ce «collectif» composé de membres de groupes de notre bel hexagone, tels Lofofora, Parabellum, Tagada Jones, BBÄ et j’en passe. Deux batteries sur scène, des musiciens qui se succèdent au fil des morceaux (même si Nico Tagada semble jouer sur tous les titres !) et un pit explosif !!! On pense ce qu’on veut de ce projet où le all star band enchaîne pendant des heures des standards rock métal, mais ce joyeux bordel est paradoxalement en place, et j’écoute avec bonheur trois bonnes covers de Sepultura (« Refuse/Resist »), Trust (« Antisocial ») et des Béruriers Noirs (« Vive le feu »). J’écourte car je n’arriverai jamais à atteindre cette satanée Warzone pleine à craquer. Le super groupe n’a pas l’habitude de jouer que quarante minutes, mais ça ne l’empêche pas de retourner le public avec ce karaoké géant. Et merde, Reuno Lofo a toujours ce putain de charisme ! Je passe faire un petit tour du côté de l’espace presse, et là, c’est le drame. Quoi ? Guillaume Gwardeath a perdu les clés de son gîte ? Cu! a fait une intoxication alimentaire ? Oui, mais ça, ce n’est pas si grave que ça, enfin pour moi. J’ai le malheur d’apprendre que Danzig a fait son capricieux et refuse de jouer sur la Mainstage à minuit passé. Du coup, c’est Ghost qui en pâtit et se voit intervertir son set qui devait se dérouler sous la Valley à la
tombée de la nuit. Je suis écœuré, me faisant une joie de revoir le groupe encapuchonné sur une «petite» scène dans l’obscurité après une flamboyante prestation quinze jours plus tôt au Sonisphere. Et devant partir pour minuit, je n’aurai pas la joie de voir les Suédois faire chavirer Clisson sur la grande scène. J’ai du mal à avaler ma déception, mais mon malheur fait la joie de mon compagnon de route Minmin qui rêvait de voir l’ancien frontman des Misfits. J’ai toutefois une grande décision à prendre : prendre une nouvelle rasade de rock ‘n’ roll avec l’ami Danko Jones sur la Mainstage 1 ou me régaler à l’écoute des sons hypnotiques de Senser (sous la Valley) que j’ai vu il y a quinze piges et que je pensais désintégré à tout jamais. Les dieux du rock sont avec moi et me conseillent d’aller voir le bon vieux Danko. Je me positionne donc auprès de la Mainstage 1 et profite du set actuellement en cours sur la Mainstage 2. C’est Riverside et son rock progressif qui est au programme. Et je me rends «seulement» compte que le son du groupe envoyant sur la «2» ressort dans les enceintes de la «1». Du coup, je profite d’une qualité de son impeccable bien que complètement désaxé de la scène sur laquelle se produit le groupe de rock progressif. Et qui dit rock progressif dit évidemment claviers (un peu chiant), et malgré une voix
très plaisante, l’ensemble ne me transcende pas vraiment. Disons que ça suffit pour patienter en attendant le grand manitou canadien. Et le voilà le gourou du rock ‘n’ roll. Parfois inégale sur disque, je me fais une joie de voir la formation sur scène. Et je ne serai pas déçu !!! Dès le début du show, Danko et ses acolytes envoient un grand «Had enough» heavy à souhait, bien que je constate que le son n’est pas hyper fort. Le bassiste John Calabrese est chaud comme la braise (facile, je sais, et pourtant, c’est vrai !) et Atom Willard (Rocket from the Crypt, Social Distortion...) me fait complètement halluciner derrière son kit : le gars joue monstrueusement bien et son jeu est parfaitement adapté au power trio. Et Danko ? Ce mec est incroyable. Même s’il discute pas mal entre les morceaux, le Canadien hypnotise le public par sa présence et son charisme. Ce mec est un showman passionné et passionnant. Jamais avare d’une bonne parole, Danko profite de son passage sur la Mainstage pour souhaiter un bon anniversaire à Glen Danzig et réciter les groupes qu’il aime et qui sont programmés en ce dimanche (Spiritual Beggars, The Sword, Volbeat avec qui il a partagé une récente tournée). Et musicalement ? Eh bien c’est du Danko bien huilé, avec des riffs à profusion et une basse bien présente. Et même si Danko Jones a du mal
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à monter dans les aigus, ça enchaîne les tubes de fort belle manière. Mais encore une fois, je me répète en affirmant qu’Atom Willard apporte un sérieux plus au trio qui sonne rock à 666 % : il en met partout sans rendre l’ensemble indigeste. J’ai hâte de revoir ce line-up qui, espérons, tiendra plus de deux disques ! Pour l’anecdote, on serrera la pince au petit prince du côté de l’espace VIP et Cu! lui offrira un skeud de Black Zombie Procession alors que Danko passera près du stand Kicking. Un Cu! qui me rassurera en me disant avoir assisté à quelques minutes du concert de Senser et en être ressorti très déçu. Décidément, les dieux du rock sont avec moi. Minmin et moi ne nous quittons plus, et nous partons d’un pas décidé vers la Valley pour Spiritual Beggars. A peine le temps de prendre place que les fauves sont lâchés et on ne perd pas une miette de cette furie stoner rock. En un mot comme en cent, c’est monstrueux !!! Michael Amott, qu’on a connu dans des formations death et consorts (Carcass, Arch Enemy) envoie de grandes guitares heavy magnifiquement complétées par un clavier / orgue Hammond puissant et inspiré. Le mélange des genres (rythmes 70’s et guitare métallique) est saisissant, le six cordiste n’hésitant pas à envoyer des plans thrash. La voix fournie en réverb et autre delay est splendide, et les mots me manquent pour décrire le plus justement possible le bonheur que me procure la formation suédoise. J’adore sur disque, et j’exulte en concert, même si la fatigue aura raison de moi et m’obligera à me poser dans l’herbe chaude et agréable non loin de la scène. Je profite donc pleinement du son hypnotique et dévastateur. Un putain de groupe de rock. Dans mon top dix (voir top cinq) du festival !!!
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On décide fort justement d’aller nous rincer le gosier après cette performance dantesque des Spiritual Beggars. Comme tu le sais, pour accéder au VIP, on passe non loin des Mainstage, alors même que Mass Hysteria vient de terminer son show et où Newsted (mais si, le groupe de Jason) va faire découvrir son heavy metal. De toute façon, on ne peut s’attendre à rien d’autre quand on est l’ancien bassiste de Metallica. Sauf que je trouve que la musique délivrée par le groupe est banale. Koud’j semble avoir plus accroché : je suis fin prêt pour Newsted, et il faut bien ça, car Jason a bien la pêche, et il est attendu. Pour preuve, la Mainstage 1 est noire de monde. Les quelques petits problèmes de son en début de set sont vite réglés, et on se prend enfin des putains
de watts dans la face. La basse est énorme, et c’est l’occasion de découvrir l’ex bassiste des Four Hoursemen en front man (basse et chant). On sent le professionnalisme et l’habitude des scènes énormes pour le leader du groupe qui n’a pas une voix dégueu. En plus, chose appréciable que j’ai pu également remarquer l’an passé avec Slash, Jason Newsted met bien ses musiciens en avant, et c’est tout à fait appréciable. Le groupe déroule les titres comme une lettre à la poste et, cerise sur le gâteau, le public a droit à «Whisplash» dans la setlist. Un bon concert qui passe bien en cette fin d’après-midi.
Encore sous le choc de ce concert au poil, il va vite falloir se décider entre un Gojira des grands jours sur la Mainstage 1, ou les légendaires Buzzcocks à la Warzone. Nos équipes se divisent et je laisse Minmin et Cu! devant Gojira et me dirige d’un pas décidé voir le concert des punks anglais. Et je ne regrette pas mon choix, tellement le punk teinté de pop du quatuor britannique fait mouche à tous les coups : ça va (relativement) vite, les refrains sont inoubliables au premier accord de guitare, le chant est agréable, et ça joue parfaitement, tout ça dans la grande tradition britannique. Un bon moment agréable, pas inoubliable, mais agréable tout de même. Je profite de la fin du set de Gojira pour me rendre compte de ce qui est aujourd’hui une évidence : c’est ultra carré, c’est hyper efficace et ça bourre à fond. Bien que pas vraiment adepte de ce style, le death metal du quatuor français est quand même une sacrée expérience à vivre
en live, même si c’est le type de groupe que j’apprécierais plus en salle. Les festivaliers attendaient ce moment depuis quelques années, les programmateurs ont répondu à leur attente en programmant le groupe à une heure idéale. Le dernier mot sera pour Minmin : «Gojira, notre fierté nationale». Que rajouter de plus ?
REVIEW
Je retourne sous la Valley (décidément !), bien décidé à me prendre une autre baffe dans la gueule avec The Sword. Et la calotte était au rendez-vous, je peux te l’assurer ! Pendant 50 (trop courtes) minutes, les Américains ont assuré un show quasi parfait. Aucune faute de goût quand les gars balancent un stoner rock teinté seventies hypnotique et dévastateur. Comme on dit par chez nous, ça riffe et ça bourre, le tout avec le sourire s’il te plaît. Et il ne faut surtout pas se fier à leurs têtes d’étudiants : The Sword a déjà quatre albums à son actif en dix ans d’existence, dont l’énormissime Warp riders paru en 2010. Et c’est par un extrait de ce formidable disque que le quatuor entame son set au Hellfest avec «Arrows in the dark» : c’est tout juste magnifique, même si le son n’est pas très équilibré en début de concert, problème corrigé assez rapidement par le sondier. Les guitaristes balancent des tierces imparables, le chant est envoutant, le basse batterie monstrueux. Je suis charmé par cette formule aussi convaincante sur disque que sur scène. Et je ne suis pas le seul, au vu de l’enthousiasme des festivaliers qui ont eu la bonne idée de fréquenter la Valley. Les morceaux sont intelligents et restitués à la perfection sur scène, ce qui n’est pas une mince affaire quand on connaît la richesse des titres du groupe. Les titres s’enchaînent pour mon plus grand bonheur, The Sword massacre la concurrence et s’impose comme l’un des maîtres du genre. Si bien qu’à la fin du show unanimement salué par une assistance aux anges, mon cœur balance entre l’excitation d’avoir vu et entendu un groupe «parfait» et la frustration que ce soit déjà fini. Toutes les bonnes choses ont une fin, je le sais. A bientôt alors !!!
Pendant qu’on trinque avec les Justin(e) du côté du VIP, Koud’j ne relâche pas la pression et s’en va assister à l’un des évènements du festival. En effet, et l’info avait été révélée sur le W-Fenec dès le jeudi, Clutch a dû malheureusement annuler sa venue dans le pays du Muscadet pour une sombre histoire de décès familial, et Down s’est proposé pour les remplacer au pied levé et offrir un set composé de raretés et de reprises. Autant dire que la Valley débordait dans tous les sens pour acclamer comme il se doit la bande de Phil Anselmo. Sur scène, le groupe est beaucoup plus détendu que la veille pour le concert «officiel» sur la Mainstage 2. L’ambiance est bon enfant avec un Phil Anselmo détendu de chez détendu sur le côté de la scène, laissant ses musiciens s’éclater en sirotant une bouteille de blanc au goulot. A l’ancienne. Bien sûr, ça balance quelques morceaux de Down («Rehab», «Swan song»...) mais également énormément de covers (Eyehategod, Crowbar, Corrosion of Conformity avec sieur Newsted), et alors que le public scande rapidement «Pantera», il faudra attendre la fin du concert pour un «Walk» explosif. Concert à l’arrache mais excellent souvenir où la spontanéité et la passion étaient les dénominateurs communs de cette belle surprise. Mon p’tit gars, si je te dis que j’ai passé un concert à rigoler et voir le public faire la queue leu leu, tu me crois ? Bah oui, mais je savais pas que Pleymo s’était reformé... Mais non, tu n’y es pas !! Je te parle des fantasques Toy Dolls, tout droit venus d’Angleterre. Et pourtant, ça ne pouvait pas plus mal démarrer. Un roadie se pointe sur scène et dans un bon français annonce une mauvaise nouvelle au public : le bassiste s’est blessé et sa jambe est cassée. Merde ! Et il continue «mais ce n’est pas grave, il est là quand même, les Toy Dolls vont jouer ! Messieurs dames, les Toy Dolls !!». Evidemment, tonnerre d’applaudissement et une fois le fameux bassiste bien installé sur son tabouret, c’est parti pour une heure de délires et de punk rock. Et le groupe est aussi drôle qu’il est efficace. Le Hellfest est aux anges, beaucoup chantent les hits à tue-tête, ça danse, ça saute, et moi, j’hallucine devant ce cirque digne des Monty Pythons. Musicalement, ça va vite, c’est super bien exécuté, et je
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ne m’ennuie pas un instant devant le trio anglais à mourir de rire. Et que vois-je au milieu du public ? Une queue leu leu déclenchée aux sons du trio punk rock. Ah ah ah !!! On aura également droit à la canette de bière géante qui fait exploser trois pauvres confettis, à la guitare d’Olga qui tourne sur elle-même, j’en passe et des meilleurs. Bien sûr, c’est fun et bon enfant mais je retiens aussi qu’Olga, membre fondateur et également chanteur, est un sacré guitariste. Cerise sur le gâteau : le guitariste et le batteur quittent la scène sous les acclamations, tandis que le bassiste, cloué sur son tabouret, reste seul dans une hilarité générale. Pour tout te dire, j’ai cru à un moment que le gars allait repartir en courant, signifiant que la blessure était du pipeau. Mais sa jambe est bien cassée, et un roadie viendra chercher le malheureux bassiste sous des applaudissements appuyés. Bref, un EXCELLENT moment à la Warzone. Un de plus. Ce moment de rigolade me fera presque oublier que l’affreux Danzig squatte ensuite la Valley à l’heure où Ghost devait donner sa messe funèbre. Après un passage éclair au concert de Marduk, j’accompagne Minmin au show de l’ancien leader des Misfists. Koud’j était aussi dans le coin. Personnellement, je n’ai pas accroché aux sonorités du Danzig Metal mais Koud’j, si : le décor de scène est énorme, le son de guitare bien aigu, et la Valley est bourrée à craquer. Au menu, un bon enchainement des titres de Danzig en solo et des Misfists, avec la participation exceptionnelle de Doyle (ou «du Doyle», dixit Cu!) affublé de sa célèbre coupe de cheveux «Grosse mèche en avant» et d’un maquillage «Frankensteinien». Le Hellfest est devenu un formidable concours de body-building : c’est à celui qui aura les plus gros muscles. Musicalement, c’est la même : ça bourre sévère. Le public ne s’y trompe pas : tout le monde chante, sautille, slamme. Ce concert évènement et bien old school bénéficie d’une excellente ambiance, et laissera d’excellents souvenirs à ceux qui apprécient ce genre de métal parfois difficile d’accès. Pendant ce temps-là, je vais jeter un coup d’œil aux mauvais costumes de Lordi sur la Mainstage 2. Hard rock classique et accoutrements horribles. Un peu comme pas mal de groupes en fait, sauf qu’eux, ils en jouent. Malins. Il n’est pas loin de 23 heures, Volbeat a pris possession de la Maintage 1, et Minmin et moi sommes sur le départ. On file un coup de main à Cu! pour remballer sa distro (la prochaine fois, tu gares ton van devant, ok ?), on s’apprête à quitter le festival la tête pleine de souve-
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nirs et les oreilles gavées de bons sons (mais avec un goût d’inachevé, référence au concert de Ghost qu’on ne pourra malheureusement pas suivre), mais l’irréductible Koud’j est toujours de la partie. Faut dire que le bougre est un fin connaisseur de l’indus métal (n’oublie pas qu’il a mené de main de maître les excellents Wormachine). C’est tout naturellement qu’il s’est rendu à la Warzone pour le show épileptique de Punish Yourself : j’ai pu suivre l’évolution de ce groupe depuis 2003. Putain, 10 ans. Et je dois dire qu’à chaque fois, c’est la claque. Son énorme, lights qui défoncent la rétine et super show, avec un danseur (en l’occurrence, le frère du guitariste Pierlo) en complément de Klodia. Les titres s’enchaînent dans une fureur sauvage et sexy devant un public en transe. Quoi de mieux pour terminer un festival ? Trois jours de musique, trois jours de découvertes, trois jours de pointures dans tous les styles rock et assimilés, trois jours de fun, trois jours de partage et trois jours de souvenirs. C’était ça le Hellfest version 2013. Tu vois mon grand, ça, c’est un putain de festival de rock. Salutations et embrassades diverses à Yoann Le Nevé, la famille Weissier et Olivier Garnier @Replica ainsi que toute l’équipe presse du festival, Alexis et la team «il pleut encore», Kem, les collègues croisés pendant le week-end, Fab et les Justin(e), la porte vitrée de l’espace VIP, Vincent et Tsunami, les gobelets bien rincés, Isabelle et Franck du gîte la Sansonniere, Franck Slow Death, Danko Jones, le Jäger et le Jack, nos colocataires du gîte, Guillaume Gwardeath, Delphine et Victor (les écoupmfs qui habitent dans la forêt), Tiff. Remerciements très spéciaux aux cinq fantastiques : Cu! pour le bon goût, le sweat-shirt, sa multiprise, son banc et sa sympathie; Vanessa pour son racolage de bière et son goût prononcé pour les grandes phrases, Koud’j pour sa bonne humeur et ses bons mots, Minmin pour être Minmin (tout simplement et c’est déjà énorme) et ovation à Christian pour ses photos, sa gentillesse et sa disponibilité. Vous assurez les gars (et la P’tite !). Photos : Christian Ravel Gui de Champi
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EUROCKS A l’occasion des 25 ans des Eurockéennes et face à la densité de la programmation, rien ne vaut un résumé succint mais détaillé de chaque groupe vu et entendu. Les Eurockéennes ont (déjà) 25 ans. Un quart de siècle fêté dignement durant quatre jours, sous un soleil annonçant le plus bel été et avec une programmation audacieuse.
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Matilda ». Wax Tailor : des albums ennuyeux mais un live poussé et agréable à regarder grâce à des musiciens impliqués, ambiance groove funk. Mention spéciale à la flûtiste qui joue aussi bien qu’elle danse. Jamiroquai : Jay Kay, légende funk, chante, danse et avec un air de ne pas y toucher, comme si c’était facile. Idem pour le groupe, en mode croisière mais installé en première classe pour un public conquis d’avance.
Jour 1 :
Boys Noize : boum, boum, boum. De moins en moins bien.
Juveniles : groupe français qui n’en a pas l’air et qui fleure bon le meilleur de la synth pop. A revoir sans hésitation.
La Femme : barré et bienvenu à cette heure tardive, ce psycho tropical berlinois est à revoir pour confirmer une agréable première impression.
Asaf Avidan : belle voix. Certains aiment sa musique world folk, les autres passeront leur chemin sans qu’on puisse les blâmer.
Jour 2 :
M : joue bien de la guitare mais ennuie une bonne partie de son auditoire. La fin a été meilleure que le début.
Deap Vally : pour certains le concert à voir des Eurockéennes. Bien joué, mesdemoiselles : il n’est pas aisé pour un duo d’administrer des chocs auditifs quand on fait du rock en duo avec une formule vue et revue.
Alt-J : la grande classe, tout en sobriété et en maîtrise avec une rythmique implacable. Un public rassuré de la qualité de ces nouveaux venus et des frisson sur «
Airbourne : hard rock quasi guignolesque (façon Wayne’s world) branché à 11 (façon Spinal tap) et carburant au vin et à la bière éclatée sur la tête de préférence (façon
Jackass). La même chanson en boucle pendant une heure mais on en redemande.
Skip The Us : French Jumping Beans qui a l’art et la manière de conquérir le public massivement. Pas grand chose à redire si ce n’est qu’un peu plus de folie dans le son serait la bienvenue. Woodkid : à l’image de sa musique, beau et impressionnant. Passé cette première impression, on s’ennuie ferme entre ces clignotements sobres de noir et blanc et ces percussions ascétiques. The Smashing Pumpkins : les légendes ont vieilli mais ont réussi entre quelques moments plutôt longuets à jouer quelques bons morceaux pour les nostalgiques. Billy Corgan a même esquissé un sourire à la fin, ça ne devait pas être si mal. Gesaffelstein : il est beau, il est brun, il vient de Lyon et il est bien habillé alors rien de surprenant à entendre une techno minimaliste sombre et élégante. Si on était mauvaise langue, on jurerait que Scatman pourrait chanter sur chaque morceau mais déception (ou pas), cela n’est jamais arrivé. The Bloody Beetroots : Certainement ultra efficace en club, moins sur une grande scène. Dommage, ça faisait envie. Jour 3 : Black Rebel Motorcycle Club : franchement, c’était pas mal ce blues rock à l’huile de moteur mais il faisait trop chaud devant le public clairsemé de la grande scène. A
Dinosaur Jr : ça balance à l’arrache, ça ne regarde pas le public et ça fait son taf haut la main. N’est pas mythique qui veut. Two Door Cinema Club : élégants et dotés d’un sacré sens du groove, les Irlandais sont à peu à l’étroit sur cette grande scène. C’est frais et sympathique, ça passe de la pommade sans trop calmer les nerfs, bravo. Mention spéciale au batteur groovy.
REVIEW
Lilly Wood & The Prick : sympathiques mais débraillés et jouant une folk un peu branchée, le public semblait aimer. Richesse des rimes.
revoir, à l’ombre de préférence.
Jackson and His Computer Band : Smash en 2005 la claque qui a inspiré bon nombre de musiciens (comme Justice par exemple). Depuis rien. Et là, Jackson revient de la plus belle manière : décor spacio futuro kitsch et son pointu, puissant et extrêmement dense, on a fini à genoux. Fauve : il fallait venir en avance tellement la foule était dense mais n’en déplaise aux rageux, aux jaloux et aux pas contents, Fauve a démontré qu’il s’agissait plus que d’un épiphénomène avec une maladresse attachante et un discours choral. On ne sait pas si ça durera mais en tout cas on s’en souviendra comme des excellents et regrettés Diabologum. Phoenix : pas réputé pour être un grand groupe de scène, les Versaillais ont réussi à livrer une de leurs meilleures prestations en défendant un album reçu de façon mitigée. Ca fait plaisir de se dire que c’était bien, enfin. Jour 4 : Hyphen Hyphen : de mieux en mieux pour les Niçois qui s’affirment avec le temps. Manquent quelques morceaux plus personnels loin des relents de Foals des débuts et ça sera encore mieux.
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Graveyard : du hard rock totalement à l’ancienne qui à défaut de retourner le public a retenu son attention en cette dernière journée teintée de fatigue et de coups de soleil. The Vaccines : quand un groupe attend son matériel et emprunte quelques guitares à un autre, ça donne un concert qui commence avec 45 minutes de retard. Qu’importe, The Vaccines c’est très bon quand c’est frais avec un son bien surf garage. Et une paille s’il vous plaît. Mass Hysteria : pas très préparés, un peu bordéliques, les Mass emporteront quand même le public avec eux à coups d’arguments massues et d’efficacité redoutable. Les vieux morceaux ont quand même, eux aussi, pris de l’âge. Plaisir coupable mais plaisir tout de même. Tame Impala : un peu décevant surtout quand on en attendait beaucoup des Australiens psychés. On espère les revoir pour aller au delà de ce premier mauvais contact. Skunk Anansie : la claque absolue ou comment un groupe que peu connaissaient vraiment dans le public est sorti sous les acclamations. Jamais vu de chanteuse aussi parfaite et impressionnante que Skin qui, portée littéralement par la foule, nous fait espérer qu’un bon album puisse voir le jour prochainement, histoire de
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confirmer tout le bien qu’inspire ce groupe. Neurosis : ça sonnait bien, ça sonnait gros, mais il n’y avait pas grand monde pour les mythiques métalleux. Dommage pour les absents qui ont raté un moment attendu par une poignée de fans purs et durs, totalement conquis. My Bloody Valentine : d’accord, c’est de la noise mais était-ce une raison pour jouer si fort et gâcher ainsi le plaisir des retrouvailles ? Blur : certains s’attendaient à une claque, d’autres savaient à quoi s’attendre : à savoir un bon groupe de pop rock sans artifice qui plaît à ses fans et moins à ceux qui ne les connaissent pas vraiment outre les «Song 2» et autres tubes, qui ne sont pas forcément les meilleurs en live. Des retrouvailles agréables mais une clôture de festival un peu molle. Merci à Marion (Ephelide), Aurelio et à tous les compagnons de cette édition 2013. Thibault
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REVIEW
>DOUR
Chaque édition du festival de Dour réserve son lot de surprises non seulement musicales mais également météorologiques. Alors que l’année dernière la pluie et la boue s’étaient invitées posant son lot de désagréments, l’édition 2013 a pris le contrepied : canicule et coups de soleil au programme avec une affiche éclectique, comme à l’accoutumée, des conditions quasi optimum pour prendre du bon temps. L’équipe du W-Fenec y était, bien évidemment, avec son fameux trio du feu de Dieu.
Quand la W-Fenec team s’organise pour retrouver les festivités de Dour, elle laisse toujours planer cette sensation d’à peu-près et cette part d’inconnu restant comme le moteur de souvenirs impérissables. Eparpillée géographiquement, c’est à coup de rendez-vous plus ou moins fiables qu’un premier groupe tente de se retrouver à Lille, à un peu plus d’une heure du lieu de pèlerinage, pour filer en caisse direction le camping. L’obscurité se profile lorsque la tente, qui est censée nous abriter pendant le séjour belge, se montre récalcitrante. Pas grave, la petite Quechua de Cactus fera l’affaire pour une nuitée. Le lendemain matin, deux voisins Wallons en plein apéro au Get 27, viennent nous prêter main forte pendant que Cactus se tape la première insolation de cette édition. Ca promet. Nous sommes jeudi, généralement une journée relativement calme, parfait pour se mettre petit à petit dans le rythme de cet évènement qui prend quand même pas mal de ressources pour des petits gars comme nous, amateurs de son tous azimuts. C’est parti ! JEUDI 18 JUILLET Les Belges de Paon inaugurent notre édition 2013 de Dour avec une pop enjôleuse dont les influences liées à leur congénères Alt-J ou Local Natives n’ont pas été volées. Une formation à recommander pour les fans du genre qui, en live, s’en sort plutôt bien. La première pres-
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tation vue sur la Last Arena résonnait au son du reggaedub-ska-rock UK, avec l’accent bien prononcé comme il faut. The Skints, c’est la coolitude énergique assumée dispensé de la méthode roots parfois agaçante, ca envoie notamment grâce à des flows assez dingues par moment («Rat-a-tat») et ca égaye en plus ! Que demander de plus quand on a pas mieux à voir ? C’est une des sensations de l’été puisqu’ils écument la plupart des grands festivals et ne sont pas encore très (trop ?) connus, les BRNS jouaient en terrain conquis à Dour, leur rock sacrément réfléchi et alambiqué reste accessible et par certains moments peut retourner une foule avec une facilité déconcertante («Mexico»). Bande son idéale d’une après-midi ensoleillée, les Belges nous ont démontré que leur nom n’était pas démérité ! C’était tout le contraire pour White Denim avec un assemblage d’idées et une association des genres pas toujours pertinent. Lui n’a pas besoin de travailler beaucoup pour démontrer ce qu’il sait faire. Lui, c’est Charles Bradley. Retrouvez notre Charles avec ses Extraordinaires, le Menahan Street Band étant très certainement occupé, ne pouvait pas mieux nous faire plaisir. De la funk-soul comme on aime, le groupe a présenté en grande pompe au public de Dour les titres de son nouvel album, Victim of love. Possédé par les vibrations de sa musique, Charles Bradley a littéralement embrasé la foule lorsque celui-ci, tel un James Brown, s’est tenté à quelques acrobaties plutôt réussies. On rappelle que le gaillard a 65 ans et nous a prouvé une nouvelle fois que la musique conserve ou mieux, fait rajeunir. Ceux-là portent bien leur nom, The Horrors. Tenue vestimentaire sombre et trouée, chanteur ne tenant droit, ni sa personne (accrochée au micro), ni ses lignes de chant («mais c’est leur style»), mais qu’est-ce que nous sommes allé foutre sous la Marquee ? Les Britanniques sont une grosse fausse note dans la programmation, une petite perte de temps pour nous. Ca nous
ses 190 bpm, mais c’est de la mauvaise D&B. Blague à part, l’un des groupes rap de notre adolescence, le WuTang a revu ses classiques à Dour avec une belle palette de titres issus de 36 chambers. De quoi nous rendre heureux même si la prestation des New-Yorkais s’apparente à celle d’un joyeux bordel. Comme dirait Eva Ries, la responsable marketing de leur premier album : «C’est le plus grand groupe de rap du monde et le plus amateur». Un très bon résumé en somme.
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apprendra à suivre quelques critiques élogieuses ... qui sont totalement justifiées pour le supergroupe suivant qui suit. Tomahawk, avec à sa tête Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle), John Stanier (Helmet, Battles), Duane Denison (The Jesus Lizard) et Trevor Dunn (Mr. Bungle, The Melvins Lite) livre un set de big boss en interprétant parfaitement les morceaux les plus marquants (de mémoire : «Mayday», «Rape this day», «Cul de sac»...) de son répertoire. C’est Mike Patton, dans son rôle de chef d’orchestre qui se permet notamment de recadrer John Stanier à plusieurs reprises, qui est le plus impressionnant. Tout cela avec une prestation vocale impeccable et un dialogue avec le public assez drôle («Salut la Belgique, Plastic Bertrand, Johnny Hallyday, Youhou»). Un set souvent jouissif, sans surprise, mais placé sous le signe de la haute maîtrise. Dans un tout autre genre, Bonobo est un artiste (re)connu par la team, d’abord grâce à son excellent Dial M for monkey puis confirmé par Days to come. Depuis, nous n’avions plus vraiment suivi le bonhomme et c’est basse en main que le DJ anglais a bercé avec brio le public avec son trip-hop jazzy feutré accompagné de la voix suave de Bajka. Belle performance mais difficile de rentrer complètement dedans quand nous enchaînons groupe sur groupe, de styles différents qui plus est. A revoir donc, mais en salle cette fois-ci. Tu vois à peu près ce qu’est la drum & bass anglaise ? Tu connais Roni Size ? Tu peux imaginer un chapiteau archi comble ? Si tu réponds «oui» aux trois questions alors tu regretteras peutêtre déjà de ne pas être allé à Dour cette année car les échos reçus et la retransmission sur écran à quelques mètres de là donnait vraiment envie de rentrer sous la grande tente. Pendant le concert du gars de Bristol accompagné de Dynamite, nous étions en train de débattre sur ce qu’était la bonne drum & bass. Tu veux savoir ? Ben, la bonne D&B, le gars il pose son matos et il envoie ses 190 bpm et la mauvaise D&B, ben, le gars il pose son matos et il envoie
VENDREDI 19 JUILLET Le vendredi représente la journée la plus chargée en «groupes potentiellement intéressants à voir». C’est après un réveil tout en chaleur et en sueur que nous rejoignons le site pour faire connaissance avec une formation fraichement constituée, notamment par un Maria Goretti Quartet et un Louis Minus XVI. Unik Ubik nous offre une belle entame de journée avec un set rythmiquement varié et une musique atypique, que nous qualifierons de «noise hypnotique», accompagnée d’un saxo volatile. Il est tôt mais vu le programme de la journée sur la Cannibal Stage, c’est un honneur pour
The Black Heart Rebellion d’envoyer son post-hardcore lancinant et tranchant avant les nombreux autres que tu découvriras plus loin dans ce récit... Le collectif belge évite le superflu en mettant le talent de chacun à contribution quelque soit son arme de prédilection. C’est idéal
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pour se chauffer les oreilles ! Changement d’ambiance avec Exsonvaldes venu présenter en avant-première son nouvel album Lights à un public belge très peu nombreux à les applaudir après le déjeuner. Trop tôt ? Trop chaud ? Les absents ont tort et devront donc attendre jusqu’à l’automne pour les recroiser en Belgique et apprécier leur show avec des titres tout en douceur, entre complicité et intimité qu’ils soient électriques ou acoustiques et chanté en français ou en anglais. Nous avions coché MayBeSheWill sur notre planning sans trop les connaître et nous avons bien fait. Les Anglais ont envoyé un set tonitruant rappelant par moments les excellents 65DaysOfStatic mais ne se résumant pas à être un clone «post rock électro» mais plutôt un groupe mélangeant aussi bien les ambiances instrumentales éthérées à un beau et gros son métallique et des boucles entêtantes. Encore une découverte marquante de cette 25ème édition de Dour. Direction la Last Arena pour aller découvrir Hippocampe Fou, un artiste dont on nous a dit du bien l’année dernière à travers une discussion tournant autour de l’abstract hip-hop français. Un type qui qualifie son rap d’aquatique, certes, on comprend bien l’idée de vouloir se démarquer mais rien de bien nouveau sous le soleil. Le MC beatmaker, accompagné de deux très bons rappeurs dont nous avons déjà oublié les noms, diffuse ses morceaux les uns après les autres tentant tant bien que mal de faire bouger les foules en plein cagnard. Pas évident, mais le Parisien aura réussi à nous mettre dans la tête l’une de ses punchlines du moment : «Nu dans ta
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douche, j’éternue dans ta bouche». C’est du beau !
Trio déjà connu de nos services notamment lors de leurs élucubrations avec La colonie de vacances (en compagnie de Marvin, Papier Tigre et Pneu...), Electric Electric nous étonne encore avec un live du feu de Dieu, l’un des meilleurs de cette édition, où s’illustre un batteur à l’énergie intarissable. Dans un set qui ne laisse aucun répit aux spectateurs présents dans La petite maison dans la prairie, nous avons reconnu quelques morceaux du génial Discipline. Le pop rock et ensoleillé de Piano Club, groupe dans lequel évolue Anthony d’Hollywood Porn Stars, ferait un carton dans les collèges et radios US. Les Liégeois ont axé leur prestation autour de leur nouvel opus et pas uniquement d’un synthé comme leur patronyme pourrait le laisser croire. C’est sans a priori que nous dirigeons sur la Last Arena pour découvrir La Coka Nostra en version live. La bande «white trash» d’Ill Bill et des deux House of Pain que sont Danny Boy et DJ Lethal ont le son qui détonne, de la rime en pagaille, comme sur CD. Et c’est tout là le problème. Les mecs ne bougent pas ou peu et semblent être à la limite du mode répétition. Est-ce bien raisonnable de traverser l’Atlantique pour ça ? Ce concert aurait eu surement plus d’effet dans des petits clubs, à coup sûr. On prend les mêmes et on recommence ? Deux ans après avoir ravagé la Cannibal, les Skindred reviennent et nous jouent le même tour. A leur show et leurs petites habitudes (notamment la reprise de «Sad but true» de MetallicA), les Anglais balancent quelques nouveaux titres et font asseoir tout le monde pour donner plus de hauteur au jump de la tente toute
Pour ne pas se mettre à dos notre camarade Gui de Champi, nous ne dirons que du bien de Danko Jones. Nul besoin de se forcer car le trio canadien sait occuper la place et investit la grande scène à grands coups de riffs, de sourires et de vannes plus ou moins efficaces (le niveau d’anglais du festivalier moyen ne lui permettant pas de rire à chaque intervention). Pas avare de mots, le chanteur guitariste tape la discute avec les premiers rangs, invite les photographes à rester tout le concert en front stage, nous demande de faire semblant de connaître ses titres. Il a vrai don pour se mettre le public dans la poche entre deux compositions bien dosées en testostérone et mélodies. Danko trouve également le moyen de se faire plaindre de son jetlag. La vie d’artiste, c’est dur m’voyez. S’il y en a un qui ne se prend pas la tête et qui sait mener son public, c’est bien Dan Deacon. Autant nous avons du mal à cerner l’interêt de sa musique sur disque, autant le gentille hype qui entoure le bonhomme à l’allure d’américain moyen révèle peu à peu sa source. Sur une musique rythmiquement généreuse et entrecoupée par d’interminables discours, ce performeur de l’électro-pop endosse le costume d’animateur de colonies de vacances et fait danser la foule. Le Club Med’ mais façon rock indé. Probablement cool à suivre dans un état second mais ce n’était pas notre cas. Le concert de Torche qui a suivi se trouve dans les tops de la journée voire du festival. Les ricains alternent
titres heavy et morceaux punk avec ferveur. C’est évidemment les passages consacrés à leur sommet discographique, Meanderthal, qui réveilleront à plusieurs reprises un public qui, lançant une série de slam et de pogo, semblait déjà conquis d’avance. Que dire de plus sur Hatebreed en 2013 ? La bande de Jamey Jasta sait foutre le dawa comme il faut et emballer un public d’initiés. Evident tant les Americains sont une valeur sure dans la catégorie Hardcore. Nous les aurions davantage vu sur la Cannibal Stage, plus petite mais la symbiose aurait franchement mieux marché. Pas de surprise donc, un peu monotone même au bout de 5-6 titres, et puis il faut dire que le meilleur du groupe se situe clairement en arrière. Sérieusement, comment résister à un «I will be heard» ou un «Live for this» ?
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entière avant de terminer en mode Patrick Sébastien avec une version remasterisée de «On fait tourner les serviettes» option «on fait tourner les TShirts», ça a l’air con comme ça mais un peu de ventilation, ça fait du bien ! Quand on se trouve au milieu d’une programmation intense comme celle de vendredi, il n’est pas évident d’enchaîner les nombreuses scènes de la plaine de l’ex-machine à feu de Dour. Lorsqu’on arrive pour Pelican, cela fait déjà plus de cinq heures qu’on tourne sans cesse. Les pauses s’imposent donc et réservent parfois des moments inattendus comme cette fille qui se tapent quelques gorgées de notre bière sans prévenir et en nous regardant en train de la boire d’un air malin. Bonne joueuse, sans tarder, elle nous en repaye deux en nous mettant en garde sur les dealers de drogues sur le site et sur le camping. Les rencontres fortuites et éphémères sont nombreuses ici mais intenses. Comme quand un type se jette sur toi pour te remercie de porter le même t-shirt que lui. C’est ça aussi Dour, le partage entre festivaliers. Pelican démarre, toute la team les a déjà vus et comme nous aspirons à plus de rythme et d’engouement, nous nous dirigeons rapidement vers Danko Jones. Lui saura mettre l’ambiance, c’est clair.
Mark Lanegan a semble-t-il pris un coup de vieux. Il arrive voûte avec son groupe sur la scène de la Jupiler, mais son talent demeure totalement intacte. Une heure de show où se suivent morceaux down-tempo à la beauté crépusculaire et des passages un poil plus agressifs comme le fabuleux «Methampetamine blues» issu de Bubblegum. Excellent live, tout comme AmenRa. Il ne faisait pas nuit quand les Belges ont donné leur concert. Résultat : nous avons pu les voir baver sur scène, se démener sang et eau pour taillader leurs instruments et donner des frissons au micro. Nous en oublions les images projetées et, même habitués, nous mangeons, dégustons et en prenons plein la tronche. Le masochisme semble être contagieux car suit le gros bordel bien brouillon de Converge. Bing et rebing, ça tape dans tous les sens, ça saute, ça hurle, ça fight de partout, faites de la place, les hardcoreux de Boston sont là. Et si dans les premiers instants, leur furie ravit, après plusieurs minutes, il faut impérativement souffler et surtout faire souffler le crâne. Les mecs sont à fond, certes, mais leurs amplis aussi et c’est difficilement soutenable. La Cannibale Stage s’aère, pas mal de monde préférant écouter leur prestation depuis l’extérieur pour y survivre. Du côté d’Amon Tobin, c’est un show agressif et calibré pour le dancefloor où l’on peine à retrouver le charisme sonore habituel du Brésilien. Son projet «Two Fingers», présenté ce jour, reste décevant au regard de la discographie exigeante du Monsieur. Curiosité du planning, les Bordelais de JC Satàn devaient défendre leur dernier album, Faraway land, sur la Cannibale stage à minuit et demi, après la terre brulée de Converge. Reste que les musiciens ont fait le boulot, passé quelques titres à prendre leurs marques, et ont conquis nos oreilles avec leur rock-garage bâtard. Une bonne décharge d’énergie salvatrice à cette heure tardive.
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REVIEW
SAMEDI 20 JUILLET C’est avec Sinkane que nous attaquons la seconde moitié du festival. Derrière ce projet se cache un quatuor multiethnique dirigé d’une main de fer par l’americanosoudanais Ahmed Gallab, un batteur de session ayant déjà travaillé avec Caribou, Yeasayer ou encore Of Montreal. Son petit bébé, où il devient guitariste et claviériste pour l’occasion, nous ouvre les portes sur des sonorités exotiques, entre pop funky et afrobeat hypnotisant. Une coolitude assumée contagieuse, quoi de mieux pour commencer cette longue journée ? Rebelote avec We Are Enfant Terrible. Même si nous ne sommes pas forcément client du trio sur disque, force est de constater que le groupe donne beaucoup en live, notamment leur fantasque batteur. Leur pop Game Boy, parée parfois de riff bien noisy, prend alors un tournant franchement pas déplaisant. Et puis, il faut dire aussi que la chanteuse est plutôt mignonne. Un atout pas négligeable en live. Remis de nos émotions, nous nous dirigeons vers la Dub Corner où le crew d’High Tone est venu poser le son en plein-air et en mode Sound System. C’est dans un petit périmètre que les quatre grosses enceintes entourant le public font littéralement tremblé le sol aux sons des riddims dubby. Très bonne initiative des organisateurs d’avoir posé ce Dub Corner de manière improvisée sur deux jours pour faire vibrer un public d’initiés au dub et consorts. Fans des sixties ? Assurément, les Pale Grey livrent une pop bien plus colorée que le gris pâle annoncé, puisant dans de lointaines influences pour composer une musique sans prise de tête. «Uniformes» vestimentaires, gestuels, gimmicks, constructions, ils assurent un pont entre les origines (The Beatles et pas mal de groupes en «the» de l’époque) et le présent, c’est assez plaisant. Comme c’était notre premier concert d’Eths avec Rachel au chant, nous étions plutôt excités de voir le résultat de ce changement... Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas
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été déçu ! Alors, on peut se lancer dans toutes les comparaisons du monde mais Rachel n’est pas Candice et Candice n’est pas Rachel, alors nous avons juste profité du show assuré par les Marseillais pour qui la différence la plus notable avec «avant» est certainement le fait de ne jouer qu’avec un seul guitariste. Cela perd un peu en oppression sonore mais les compositions (notamment les «vieilles») sont toujours redoutables d’efficacité ! Lee Scratch Perry est vraiment trop vieux pour ces conneries. A 77 ans, le Jamaïcain ne sait pas (plus ?) chanter. Et ce n’est pas le collectif ERM, qui l’accompagne pour l’occasion, qui changera la donne. La prestation insupportable aux oreilles de cette légende de l’expérimentation Dub & Cie sent brutalement la fin de carrière. Inconnu de nos services, les Gallois de The Joy Formidable excellent dans la formule power-pop formatée. Navrant quand on sait ce qui existe comme bonnes formations dans le genre. Trop peu innovant et assez vite blasant, nous partons nous faire nettoyer les oreilles avec le hardcore de Bleed From Within. Si la formation de Glasgow était venu joué dans un petit festoche ou sur une date classique en salle, on aurait certainement trouvé ça béton, mais là, avec le nombre de combos géniaux qu’on a croisé durant quatre jours, on les aura vite oubliés, c’est dur, mais c’est Dour. Deux ans après une prestation trop peu convaincante icimême, The Herbaliser remet le couvert mais cette fois avec une nette amélioration. Toujours autant blindé lorsqu’il jouent, les Britanniques ont su mettre le public assez facilement dans leurs poches avec des titres hiphop jazzy et funky savamment interprétés, peut-être trop même. Parfois à la limite de la récitation de ses morceaux, le groupe s’en sort néanmoins relativement bien et, clou du spectacle, a annoncé au chanteur une belle surprise : la naissance en direct de son bébé. Une séquence émotion rare à Dour. Premier groupe booké pour cet anniversaire, les Mass Hysteria auraient préféré faire leur cinquième passage sur la Cannibale mais
Planning serré oblige, nous n’avons pas vu grand-chose de Diiv mais leur pop éthérée puant les années 90 semblait avoir des atouts à revendre. Le combo bruxellois de Length Of Time n’a pas fait dans le détail. Revisitant avec brutalité ses classiques thrash-hardcore, le all-star band belge (avec des membres de Deviate, Out Of Blood et Backstabbers), qui a pris un peu de rides, nous a donné une bonne leçon de métal sur les planches de la Cannibal Stage. Non loin de là, les Ultramagnetic MC’s, légendes du hip-hop US co-fondé par Kool Keith, investissent les planches de la Dance Hall. Mises à part de rares exceptions (Public Enemy, De La Soul...), le hiphop old-school en live, c’est souvent plat et le gang du Bronx ne dérogera pas à cette règle malgré les quelques morceaux mythiques de leur répertoire. C’est avec les titres aux refrains les plus mélodiques que les Comeback Kid ont entamé leur set, histoire de chauffer doucement (mais sûrement) le public. La suite va monter crescendo et taper de plus en plus fort, le côté HardCore de chez HardCore surchauffant un pit pourtant déjà calciné par le soleil et les groupes précédents. Comme nous avions un excellent souvenir de la prestation des Simian Mobile Disco il y a quelques années, nous voulions revivre l’expérience. Arrivé tardivement, il était impossible d’accéder à la tente où le duo opérait, nous avons du nous contenter du son depuis l’extérieur. Entrer dans
l’ambiance s’est montré plus que compliqué, dommage ! Rien ne mieux qu’une bonne Leffe bue en loucedé au parking (La Jupi du site étant assez dégueulasse) pour remotiver les troupes et se diriger vers la Last Arena pour aller applaudir une figure du hip-hop US. Les Jurassic 5 en live, c’est l’antithèse du show de branleurs des Wu Tang Clan. Un concert carré, vivant et visuellement agréable où les titres de Quality control et Power in numbers se suivent pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Mention spécial pour le très classe «What’s golden».
REVIEW
déboulent sur la Last Arena pour une heure de furia ! Des nuages de poussière couvrent les premiers rangs durant les moments forts où le pit s’excite, que ce soit pour un double braveheart, pour un circle pit autour des Mass, pour exploser quelques secondes sur des riffs cultes de Slayer ou de MetallicA, pour recevoir Yann ou Nico en slam, pour danser comme les filles montées sur scène, toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête avec les Hystériques. Nous avons beau connaître ces sensations par coeur depuis 20 ans, nous prenons toujours autant notre pied. Comment redescendre sur Terre après la Furia ? Se faufiler jusque la tente d’à côté pour écouter Suuns, c’est hypnotique, lancinant et prenant, un bon moment de zen qui suit une grosse débauche d’énergie.
Dernier gros morceau de la journée sur la Cannibale : les vétérans d’Anti-Flag ont fait une démonstration de punk rock ! Et comme pour Skindred, toute la tente s’est mise à headbanger, jumper, pogoter, mosher... Survolté, Chris#2 a donné de sa personne pour mettre le feu, terminant le concert avec Pat Thetic (batteur) dans les premiers rangs et avec beaucoup moins de sécu que pour Mouss ou Yann un peu plus tôt. Leur musique n’est pas la plus inventive qui soit mais leurs discours très engagés et leur dynamisme compensent largement et permettent de passer un très grand moment ! S’il y a bien un show qui nous a complètement retourné le cerveau, c’est bien celui de Venetian Snares. Pourtant, quelques heures avant, après avoir croisé le grand blond canadien en zone presse quelque peu éméché, nous émettions quelques doutes sur la qualité de sa prestation. Bim ! L’artiste le plus prolifique de la scène breakcore nous a fait mentir en délivrant un set intense ininterrompu
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REVIEW
d’une heure où moult sons se sont enchevêtrés à la vitesse de la lumière. Complètement dément, son show était toutefois réservé aux oreilles les plus averties. Les serveurs de la buvette d’en face s’en souviennent encore. Mais la guerre va continuer de plus belle avec le grand Manu Le Malin qui reprend les rênes juste derrière
bien les festivals, les Raggasonic font remonter les souvenirs de jeunesse dès lors que leurs tubes résonnent sur la grande scène. C’est avec un peu de recul (près de 18 ans quand même) que nous nous laissons envouter (mettons ça sur le compte de la fatigue) par les flows de Big Red et Daddy Mory. Pas sûr d’écouter ça de nos jours
dans une tente chauffée à bloc. Les beats hardcore font leurs effets, certains flashbacks de rave party refont surface, mais la fatigue accumulée depuis le début nous incite progressivement à abandonner les lieux pour reposer la machine.
mais ce show a le mérite de nous faire passer un moment agréable en attendant le concert de Burning Time. Comment ce dernier, qui sort un premier EP deux mois avant le festival, peut être programmé ? Il lui suffit de réunir deux monstres de la scène métal belge : Danny (chanteur de Deviate) et Xavier (guitariste de Channel Zero accompagnés de Stef (batteur de Master of Waha et Sons of Jonathas) et c’est parti ! Sur scène, ce n’est ni métal, ni hardcore, c’est du stoner assez gras qui se cherche encore. Mwouais, nous sommes plutôt mitigés surtout lorsque toute l’année, nous chroniquons un paquet de groupes dans le même genre qui sont bien plus intéressants. Leur patronyme est aussi long que leurs phrasés cycliques de guitare. Le math-rock instrumental des belfastois d’And So I Watch You From Afar divise au sein de la team. C’est propre, costaud, énergique mais les compositions peuvent titiller par leurs constructions,
DIMANCHE 21 JUILLET Enjoué et frais, les Concrete Knives sont visiblement heureux de jouer à Dour leurs morceaux aux accents tubesques immédiats, c’est efficace et sympathique. Nous noterons juste que le groupe n’est pas encore bien habitué à la configuration «festival» car le coup du rappel ne fonctionne pas. Ici, on joue tout son créneau d’un seul jet, se faire bisser n’est pas dans les coutumes. Résultat : une baisse de tension avant un final qui aurait pu être bien plus bondissant. Eux en revanche connaissent
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Depuis la réception il y a une dizaine d’années de Between order and model, Funeral For A Friend a accompagné le W-Fenec avec pas mal de changements de lineup et une période de creux, nous avons retrouvé des Gallois fringants avec Welcome home armageddon puis Conduit, leur venue à Dour faisait donc saliver... Cependant, leur prestation restera comme un des plus mauvais souvenirs de cette édition, Matthew n’assurant que très modérément les parties aériennes et mélodiques. Pas vraiment dedans, le chanteur a tout fait pour se rattraper sur les parties plus agressives mais FFAF sans ses mélodies tranchantes, ça ne fonctionne pas. IAM restera comme le concert de La Last Arena qui aura rencontré le plus d’affluence. Reste que la prestation des Marseillais en live est assez plate et sans véritable valeur ajoutée, même saupoudré de quelques titres du mythique (mais totalement inégal...) L’école du micro d’argent. Et pour couronner le tout, ils ont joué «Je danse le mia», succès commercial certes, mais un titre passablement honteux de leur discographie. Leurs concitoyens de Dagoba amènent du lourd sur scène en balançant des riffs puissants. Mais ils peuvent avoir tout le poids qu’ils veulent, ils leur manquent quelque chose qui ne pèse rien : une âme. Le rock cradingue des Two Gallants a tous les atouts pour nous charmer sur disque. En live, malgré l’énergie développée, nous sommes très loin de l’»eargasm». C’était la grosse tête d’affiche de ce festival, les Smashing Pumpkins, ou plutôt Billy Corgan (seul rescapé de la grande époque) et sa bande de mercenaires, ont répondu présent. Et comment ? En livrant un show séduisant en forme de semi-best-of : «Zero», «Today», «Disam», «Bullet with butterfly wings», «Ava adore»... Quelques nouveaux morceaux viennent parfois atténuer un live qui sent notre adolescence à plein nez. Seul bémol, la reprise d’»Immigrant song» de Led Zeppelin dotée d’arrangements vocaux inappropriés. Et visuellement, le dispositif de Sean Evans (le mec qui
a bossé sur la tournée The wall de Roger Waters) était vraiment classe. Sinon, cette grosse tête de con de Billy a été fidèle à lui même, un poil expéditif et avare en contact avec le public.
REVIEW
il est vrai, parfois monotone. Passés les premiers titres de Kadavar où l’impression d’écouter un énième rip-off de Black Sabbath se fait tenace, nous nous laissons finalement prendre au jeu par la qualité des embardées heavy. Un live pas désagréable, tout comme celui de Thee Oh Sees. C’était le groupe à ne pas manquer ce dimanche, les Californiens nous offrant notre dose de garage rock psyché de haut-standing. Les guitares abrasives, le riffing et les soli rock n’ roll ainsi que les rythmiques majoritairement endiablées font parti du programme sur lequel les gaillards se sont bâtis leur forte réputation. Ils n’ont donc rien volé à Dour malgré le fait que nous ayons raté un bout faute de timing.
C’est en plein feu d’artifice de la fête nationale belge mixée aux adieux du roi mixés aux 25 bougies du festival que les deux petits bouts de choux de Carbon Airways (deux frères et sœurs bisontins de 16-17 ans) saisissent d’une main de fer la scène de la Jupiler X Marquee qui, disons-le, n’est pas vraiment remplie du fait du départ massif et progressif des festivaliers. Au menu, de l’électro-clash bien fignolé et des basses à t’en faire péter le cerveau. A revoir et à apprécier sur une scène plus petite pour valider l’impact réel de cette machine qui fait grand bruit, et dans la presse, et dans nos oreilles. C’est par pure regret de louper une légende de l’abstract hip-hop, le dénommé DJ Shadow, que nous nous sommes rendus aux abords de la Dance Hall (la tente étant très peuplée) avant de quitter les lieux. Le producteur californien sait prendre tout le monde à contre-pied tant le son envoyé semble complexe et subtile à ce moment de la journée (la nuit en fait). L’impression reçue à une centaine de mètres ressemble plus à de l’IDM / trip-hop mélodieux que du hiphop groovy. C’est bon sans pour autant être exceptionnel. Peut-être aurait-il mieux fallu le programmer plus tôt et sur la grande scène pour apprécier davantage le contenu de ce show (à la place d’IAM par exemple) ? On remercie toute l’équipe presse du Dour Festival pour les excellentes conditions dans lesquelles on est reçu ! On pourrait saluer des tonnes de gens qu’on a croisé et comme ils se reconnaîtront, on ne met par leurs noms ! Ahah ! La bise !!! Team Dour 2013 : Oli, Ted, Cactus Photos : Oli
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LES DISQUES DU MOIS
QUEENS OF THE STONE AGE ... Like clockwork (Matador Records)
La preuve avec l’élégant mais racé «The vampyr of time and memory», une ballade au sex-appeal enivrant, qui rompt avec le côté rock pur et dur des débuts de l’album, ou «If I had a tail» et son feeling étourdissant malgré un manque de prise de risques regrettable. Pour autant le groupe est d’une telle facilité, en termes de songwriting, qu’il peut tout se permettre.
Avec son casting proprement ahurissant, pour mémoire le studio d’enregistrement a vu défiler rien moins que Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters, Probot, Them Crooked Vultures...), Trent Reznor (NIN, How to Destroy Angels), Alex Turner (Arctic Monkeys), Jack Shears (Scissors Sisters), Mark Lanegan (Screaming Trees, The Gutter Twins, Soulsavers), Nick Oliveri (ex-Kyuss, ex-QOTSA, Mondo Generator...) ou encore James Lavelle (UNKLE), le revenant Joey Castillo (déjà dans QOTSA pendant quelques années), Jon Theodore (ex-The Mars Volta, One Day As A Lion), son désormais remplaçant chez les Reines et même son altesse Sir Elton John. Bref, un all-star game du rock réuni sur un seul album qui ne pouvait que faire sauter la banque. Et c’est fatalement le cas. Avec un «Keep your eyes peeled» inaugural et lancinant qui joue la carte d’un rock ténébreux, obsédant d’abord, puis un «I sat by the ocean» à la coolitude absolue ensuite, histoire de mettre tout le monde d’accord après deux petits tubes. On l’a compris : les Queens of the Stone Age sont de retour au sommet après un Era vulgaris qui aura quelque peu divisé (et ne restera certainement pas comme le monument de la discographie des Reines). Là, les gaziers ont mis les choses à plat et ciselé leurs compos comme rarement.
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Que ce soit avec ce très radiophonique «My God is the sun» ou le plus personnel (et accessoirement réussi) «Kalopsia», Like clockwork met à profit sa pléiade de guests et l’inventivité retrouvée de ses auteurs (ou peut-être est-ce dans le sens inverse...) pour distiller un rock kaléidoscopique où les participations extérieures se font discrètement omniprésentes et le génie créatif de Josh Homme et sa bande se révèle régulièrement ravageur. Entre effluves électriques, velléités pop (l’excellentissime «Fairweather friends») et groove terminal (la tuerie «Smooth sailing»), les QOTSA en donnent pour son argent à l’auditeur et même en peu plus avec le potentiellement tubesque «I appear missing». Ce avant une conclusion toute en douceur feutrée, témoignant de la capacité du groupe à délivrer un somptueux cocktail de prestige, de rock funky et de riffing diabolique assaisonné d’une furieuse dose de cool et de mélodies dévastatrices. Un vrai disque de patrons. Aurelio
LES DISQUES DU MOIS
ALICE IN CHAINS The devil put dinosaurs here (Virgin records)
De tous les groupes estampillés Seattle que l’on a pris sur la gueule au début des années 90 (tu étais né ?), Alice In Chains faisait partie de mes préférés. Je reste toujours en admiration à l’écoute des brulôts rock de Pearl Jam, Nirvana, Stone Temple Pilots ou Mudhoney, mais étrangement, ce sont les albums acoustiques ou de ballades d’AIC (les monumentaux Sap et Jar of flies) qui m’ont le plus bouleversé. Et alors qu’on croyait le groupe à jamais perdu (discographiquement parlant) après la sombre disparition de Layne Staley, Alice In Chains a fait un retour remarqué dans les bacs à la fin des années 2000 avec le gigantesque Black gives way to blue d’une noirceur difficilement descriptible. J’ai eu du mal à me remettre de la claque phénoménale que m’a procuré cet album puissant et déboussolant, et dire que The devil put dinosaurs here était attendu, pour ma part, est un doux euphémisme. On prend les mêmes et on recommence : la colonne vertébrale quasi originelle est toujours de la partie (Jerry Cantrell à la guitare, Mike Inez à la basse et Sean Kinney à la batterie), tandis que William DuVall s’impose encore un peu plus, non pas comme remplaçant du regretté Staley (ça ne pourra jamais arriver, jamais), mais comme membre à part entière du quatuor de Seattle. The devil put dinosaurs here, dernière cuvée en date, est un album surprenant dans la
continuité. Proche de Black gives way to blue, ce nouvel opus rassemble toutes les qualités de son prédécesseur : lourd, pesant, puissant (mon Dieu, ces guitares !!!), dérangeant, lent, noir (quoi qu’un peu moins), et tout simplement génial. Les voix de Cantrell et DuVall (dont la ressemblance avec le défunt charismatique chanteur est saisissante) se complètent toujours à merveille, ajoutant à la dureté du basse/batterie et aux sonorités dérangeantes des guitares une atmosphère pesante et presque flippante. Ce n’est donc pas une surprise si le groupe balance trois bombes atomiques en ouverture du disque («Hollow» , «Pretty done» et le sombre «Stone» dont le riff de guitare au beau milieu du morceau mérite à lui seul l’achat de cet album). Ce disque est toutefois surprenant, car Alice In Chains arrive encore à tenir en haleine son auditeur pendant plus d’une heure, sans que l’on ne puisse lutter devant cette débauche d’énergie et de talent. Les arrangements sont splendides, les émotions intenses, que les morceaux soient lourds et pesants («Lab monkey», l’énorme «Phantom limb») ou joués avec des sonorités acoustiques à la manière des chefs-d’œuvre composant Sap et Jar of flies («Voices», «Scalpel», «Choke)». Alice In Chains prend le temps de poser les ambiances caractéristiques à chaque morceau, dévoilant lentement son jeu que l’on sait d’avance imbattable comme pour mieux nous faire languir de plaisir et nous faire succomber à leur folie douce. Je ne dois pas être le seul à être hypnotisé par l’écoute des morceaux composant ce nouvel album, même si les ambiances torturées de la première partie du disque évoluent en une sorte de légèreté toute aussi envoûtante. Le poids des années et les événements que l’on connaît n’ont pas ébranlé ce monstre qu’est Alice In Chains, sorte de rouleau compresseur toujours actif et au sommet de son art. La puissance des morceaux et la beauté des mélodies vocales démontrent (mais était-ce nécessaire ?) qu’Alice In Chains n’a toujours pas déposé les armes, et que son âme est toujours pure et intacte. L’immense respect que j’éprouve pour ce groupe n’en est que renforcé. Gui de Champi
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LES DISQUES DU MOIS
SIGUR ROS Kveikur (XL Recordings)
Une densité sidérante, quelques éléments rock durs inhabituels chez eux et surtout les traditionnels climax enfiévrés qui ont fait leur marque de fabrique, les Sigur Ros font évoluer leur musique vers le chaos... mais ne renient pas leur essence pop/post-rock bouleversante («Hrafntinna»).
Après s’être offert une petite pause pour s’occuper de leurs familles respectives, les petits génies islandais de Sigur Ros sont revenus sur le devant de la scène fin 2011 avec la sortie du somptueux CD/DVD live Inni. Et depuis ne s’arrêtent plus, livrant en seulement treize mois d’intervalle deux albums studio (et ayant «perdu» un membre au passage), Valtari et donc Kveikur présentement chroniqué (et en bonus le DVD du Valtari Film Experiment. Un nouveau disque à l’artwork presque menaçant (on va rapidement comprendre pourquoi) débarqué un peu à la surprise générale... et qui dès les premières secondes à tendance à coller l’auditeur au fond de son siège de par la puissance sonore développée par les nordiques. Car «Brennistein» frappe d’entrée par sa lourdeur postindustrielle abrasive, les incisions violentes qu’il pratique dans les amplis, ébréchant les enceintes à coups de percussions rageuses qui contrebalancent une mélodie toujours aussi haute perchée qu’à l’accoutumée. On oublie la contemplation éthérée des morceaux les plus connus du groupe et on donne dans quelque chose de plus... (post)métallique même, voire indus par moments mais surtout étonnamment écrasant. Avec toujours cette griffe artistique inimitable évidemment.
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Si le résultat est toujours aussi beau qu’à l’accoutumée avec eux, entre mélopées enivrantes («Isjaki», «Yfibord»), ambiances ouatées et harmonies euphorisantes, la volonté assumée de proposer quelque chose d’à la fois plus pop pour sa sophistication subtile et plus rock dans ce côté brut de décoffrage qui fait l’intensité de ce Kveikur (l’immense morceau éponyme de l’album). Une grandiloquence majestueuse («Stormur», «Rafstraumur»...) que seuls les Islandais peuvent se permettre, une quête d’absolu sensoriel qui trouve son écho dans le vibrant «Blapradur», avant de manier l’épure avec une classe folle sur la conclusion instrumental qu’est «Var». Une neuvième et dernière piste bouclant la boucle à merveille, célébrant ainsi le nouveau petit bijou signé de la main de ce groupe toujours aussi hors-norme. Et en évolution perpétuelle. Aurelio
LES DISQUES DU MOIS
ERRATA
L’autre hémisphère (Autoproduction) avec délice sur ces huit pistes, un talent rare plutôt bien représenté par les Suédois. Avec une production plus musclée (notamment la batterie dont les frappes sur les peaux sont un peu étouffées), les Nordistes pourraient même rivaliser avec d’autres comparses au niveau international ! Véritable démonstration de ses forces, l’album d’Errata atteint toutes les cibles, touchant en plein coeur par les attaques d’un chant hurlé, tailladant l’épiderme avec des riffs abrasifs, tapant au foie avec une rythmique pénétrante puis pansant les plaies avec de somptueuses harmonies à la délicatesse incandescente dont on doit se méfier, mais telles les coulées de lave d’un volcan, on est hypnotisé par leurs beautés et on finit par s’y brûler.
Cinq longues années après le remarquable Modus operandi et avec un nouveau batteur, Errata revient hanter nos esprits avec son hardcore et son rock auxquels il faut impérativement ajouter le préfixe «post». Le groupe sait varier admirablement les passages calmes et clairs aux moments les plus mouvementés et criés, avec entre les ambiances instrumentales et les plus hurlés des temps où le chant nous parle pour mieux nous troubler («Narcisse est mort» ou «Empreintes» sur lequel je pense à une version obscure d’Agora Fidelio), les textes sont alors plus compréhensibles (ils sont tous disponibles avec le CD), poétiques et sombres, ils sont personnels («je», «tu», «nous» sont les sujets les plus utilisés) et ne permettent pas de trancher sur la question de L’autre hémisphère, est-il question de notre cerveau ou de géographie (plutôt des deux si je devais choisir...). Des mots poignants ou absents (quelques lignes seulement durant les 9 minutes de «Dernière escale avant naufrage «) durant cette heure passée en compagnie des Lillois qui excellent aussi dans l’utilisation de leurs instruments, sachant en sortir toute la douceur ou tout le venin qu’il faut quand il faut.
Au rayon post-hardcore de grande classe, L’autre hémisphère se place comme l’un des disques de l’année (même si Vertikal a frappé fort). Ceux qui avaient oublié Errata auront l’agréable surprise de se prendre cette jolie mandale et surveilleront les dates de concert du groupe pour ne pas les rater, ce serait criminel. Oli
Des références citées par le passé, je n’en retiendrais qu’une : Cult of Luna, tant ombre et lumière se côtoient
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LES DISQUES DU MOIS
HACRIDE
Back to where you’ve never been (Indie Recordings) sante. Même si ses membres n’étaient pas connus pour être des manches (vanne facile) jusqu’alors, la formation poitevine assure. Résultat des courses, le contenu est d’une richesse mélodique notable et quelques plans prog’ dopés par une intensité émotionnelle fracassante («Overcome») font la différence.
Quatrième album long-format pour Hacride et un changement de statut. En passant de Listenable Records (qui avait sorti les deux précédents opus) à la hype du moment Indie Recordings (Cult of Luna, Kvelertak, Shining...), le groupe ne se limite plus uniquement aux frontières continentales mais peut potentiellement faire comme son ex-voisin de label (Gojira) et conquérir le monde. Potentiellement on a dit. Changement de line-up également, lequel s’est opéré dans l’intimité des frenchies puisqu’il n’a réellement été découvert que lors de la parution des photos promo et donc des premières annonces entourant la sortie de Back to where you’ve never been. Exit Samuel, welcome Luis (ex-Sinscale). Pour les explications on repassera. Musicalement, parce que c’est ce qui nous intéresse au fond, Hacride pose une (trop ?) longue intro sur un «Introversion» qui prend trois bonnes minutes pour réellement ravager les enceintes. Mais quand la mécanique prog-metallique/post-hardcore se met en branle, cela se ressent tout de suite et l’album prend son envol. Pour planer à sa manière sur un «Strive ever to more» pour lequel le groupe développe un metal organique et extrêmement volubile qui distille des émotions subtiles en même temps qu’une maestria formelle plutôt étourdis-
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Hacride est plus direct que jamais, démontant enceintes et conduits auditifs avec un sentiment de maîtrise formelle absolue, doublée d’une puissance de feu mastoc et des progressions harmoniques méphistophéliques («Ghost of the modern world»). Sauf que l’ensemble cache en réalité quelque chose de plus répétitif qu’il n’y paraît à la première écoute («Synesthesia», «Edification of the fall») voire artistiquement égocentrique («To numb the pain») dans le cheminement créatif. Les structures sont loin d’être simplistes, mais le groupe donne parfois l’impression de donner dans l’auto-recyclage dans les formules employées puis déclinées. Et si Back to where you’ve never been est sensé célébrer l’avènement d’un nouveau poids lourd de sa catégorie sur le territoire européen, on ne peut parfois s’empêcher de penser, qu’à l’instar de pas mal d’autres représentants francophones, Hacride pourrait être quelque peu surestimé. Pour le moment tout du moins. Même s’il ne peut s’empêcher de nous faire doucement mentir sur l’élégant «Requiem for a lullaby» concluant l’opus. Aurelio
LES DISQUES DU MOIS
THE LUMBERJACK FEEDBACK Hand of glory (Kaotoxin Records) des deux batteries, les riffs en béton et le canevas des deux guitares, l’ambiance épique qui se tisse, tout y est pour que l’on passe un moment marquant. Le verdict est similaire pour «The dreamcatcher», l’explosion doom qui tarde à survenir joue avec les nerfs de l’auditeur pour enfin nous amener dans cette savoureuse pesanteur et être secoué par les changements de tonalité. Excellent job mais la prochaine fois, on en veut définitivement plus. David
Cela faisait quelques années que l’on n’avait plus entendu parler de The Lumberjack Feedback, la faute à quelques changements de line-up qui ralentissent encore et toujours la marge de progression d’un groupe... Et à cela s’ajoute une réputation de grands perfectionnistes et vous obtenez une discographie peu conséquente, au regard de la durée de vie de ce gang de bûcherons. Deux titres pour quelques années d’attentes, c’est peu et c’est bien là le seul reproche que l’on pourra faire à Hand of glory. Le packaging est super joli, la beauté de l’artwork y est pour beaucoup, et le contenu fait plus que tenir la route, il envoûte et réussit parfaitement le travail de séduction des oreilles. Au menu de cet EP, deux titres qui atteignent les 8 minutes, un boulot minutieux sur les ambiances et une musique qui se situe entre les penchants mélodiques instrumentales d’un Pelican et les coups de sang telluriques d’un Neurosis, bref de quoi dégager un charisme sonore pas négligeable. Le premier titre, «A whisper to the thunder», est une belle carte d’invitation à rentrer de nouveau dans l’univers du groupe, une piste qui ne paye pas de mine de prime abord mais dont le venin se distille peu à peu au fur et à mesure des écoutes : les coups de butoirs rythmiques
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DILLINGER ESCAPE PLAN One of us is the killer (Party Smasher Inc.) tions, mélodies exhalant un magnétisme aliénant porté à ébullition par un contexte instrumental magnifique d’intensité mathcore (mais pas que), le groupe fait à peu près ce qu’il veut entre chacune de ses exécutions sonores parfaitement planifiées («Hero of the soviet union»). En expérimentant, magnifiant l’intensité émotionnelle qu’exhalent les onze titres de ce One of us is the killer tout en respectant à la virgule près les codes de son math-core «à tiroirs» mais à l’efficacité redoutable, les américains donnent très exactement à l’auditeur ce que celui-ci était en droit d’attendre d’eux. Sauf qu’ils le font mieux encore.
One of us is the killer, joli name-dropping. Et déjà, rien que le titre annonce une belle fessée taille patron assénée par les empereurs de la scène mathcore planétaire. Et pour cause, en entrée de ce nouvel opus sorti via le propre label du groupe, Party Smasher Inc., en collaboration avec BMG et Sumerian Records selon les continents, The Dillinger Escape Plan passe à tabac l’assistance avec un «Prancer» gorgé de cette sève corrosive qui suinte par tous les riffs de cet album taillé pour faire brutalement mâl(e). Exit Season of Mist qui s’était chargé de sortir un Option paralysis qui avait eu quelques difficultés à faire oublier Ire works, cette fois, le groupe a tout pris en main et financé de sa propre poche. Une expérience salutaire. «When I lost my bet» ironise avec son sujet, l’éponyme «One of us is the killer» confirme ce que l’on présentait : accélérations empreintes d’une frénésie incandescente, riffing sauvagement décharné, ruptures de rythmes brutalement terrassantes, DEP fait ce qu’il sait faire de mieux. En y mettant bruyamment les formes. Poussées de fièvres primales, passages jazz/pop/organiques parsemés ci et là façon Mike Patton avec Peeping Tom, micro variations stylistiques avec ce rock «reptilien» qui vient insidieusement prendre le contrôle des opéra-
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Titres abrupts aux propriétés addictives effrayantes (sublime «Nothing’s funny», «Paranoid shields»), boxon sonore rationnellement déstructuré, en témoigne l’explosif «Understanding decay», Dillinger Escape Plan a trouvé une énergie créative multi-stylistique (ce n’est pas la première fois mais sur ce nouvel opus, la mixture est plus aboutie que jamais) qu’il additionne à sa fougue mathcore athlétique que l’on qualifiera d’habituelle chez eux («CH 375 268 277 ARS»). Et quand il s’agit plus simplement de mettre un peu de côté les fulgurances jazzy, tentatives pop et autres textures rock subversives, c’est pour expédier des brûlots purs et durs en travers de la platine. Façon sniper («Magic that I held you prisoner» dont les lignes instrumentales inflammables ne calment pas les ardeurs mélodiques) ou en architectes du chaos sonore pour «Crossburner», ce avant que les riffs de «The threat posed by nuclear weapons» ne giclent en saccades discontinues sur les amplis, déversant leur féroce diatribe tout en décibels concassés et mettant en pièces détachés les dernières poches de résistance devant la tornade Dillinger Escape Plan. Un disque âpre et sans concession, dopé par une inventivité et une maestria formelle sidérante. Mais plus que ça encore : un grand album. Aurelio
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DEATH VALLEY HIGH Positive euth (Graviton)
ses sons. Car l’un des gros points de fort de Death Valley High, c’est sa production ultra léchée qui fait passer facilement les titres les plus offensifs entre le marteau et l’enclume sans énerver l’articulation ! Bon, ce n’est pas pour autant que les Californiens passeront sur les radios françaises, faut pas déconner... Et les quelques pépites explosives («Fingernail marks» est torché en 80 secondes) évitent de tomber à bras raccourcis sur un groupe qui espérerait se faire bien voir en étant poli (ou se faire polir en étant bien vu ?).
Death Valley High va refaire parler de lui ! La petite bande menée par Reyka Osburn (Ghostride, Will Haven pour rappel) a remis le couvert avec pour seule modification dans la création de l’album, l’enregistrement réalisé par Jesse Hart Nichols (Iggy and the Stooges, Counting Crows ...), un album qui sort chez GravitOn (Channel Zero) et Minus Head Records (Incite) en version digipak Deluxe avec un CD bonus comprenant 5 titres de Doom, in full bloom (à l’époque sortie uniquement en vinyle et en numérique) et 5 remixes.
Positive euth est une belle réussite de crossover et comme en bonus on a le droit à un CD présentant le meilleur de Doom, in full bloom agrémenté de 5 relectures électro-torturées de ces cinq morceaux plus anciens («Doomsday in the disco», «She wants to kill», «Thru Hell» et «The twist» accompagnent le tube «Multiply»). Je ne suis pas expert en bidouillages mais ces remixes se laissent écouter et ne tombent pas dans le piège du boom boom, les amateurs de traficotages seront ravis. Oli
Musicalement, Positive euth ne change pas vraiment non plus, la même idée de base est omniprésente : sur des guitares et une rythmique bien métal, il faut envoyer un chant ultra pop (en l’isolant on peut penser à Weezer («Batdanse») ou à du bon U2 par moments !) capable d’aiguiser les angles quand il s’agit d’être plus tranchant et pesant (l’introductif «Bath salt party» puis «The present» expédient un métal alternatif sans douce alternative, il ne faut donc pas se fier aux premières minutes d’écoute...). De temps à autre on se prend une bonne dose d’électronique histoire de faire danser mais aussi d’ajouter de la dynamique à des titres qui n’en manquent pourtant pas... on navigue alors pas très loin d’un Spineshank qui aurait bien mieux soigné
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THE BLACK HEART REBELLION Har nevo (ConSouling Sounds) ham»), flirtant avec les atmosphères d’un post-rock délicieusement vicié, baignant dans les textures sonores narcotiques d’un rock psychédélique prégnant («The woods I run from»)... car The Black Heart Rebellion offre à l’auditeur d’entrer dans une véritable transe se rapprochant quelque peu de ce que peuvent faire les Neurosis, sans pour autant évoluer sur les mêmes territoires créatifs que les dieux d’Oakland, Californie. Mais dans l’état d’esprit, il y a ce quelque chose d’inimitable, qui sort résolument des sentiers battus pour chercher l’émotion brute, pure, séminale («Circe», «Animalesque»), mêlant douceur et violence dans un même agglomérat sonore, constamment insaisissable et même temps d’une densité aussi âpre que contaminatrice.
Ils avaient «commis» le crime parfait en matière de premier essai discographique avec leur imposant (mais élégant) Monologue fin 2008, ce n’est que cinq ans plus tard qu’ils reviennent avec son successeur : Har nevo. Entre-temps, il y a eu une réédition au Japon - par l’intermédiaire de l’excellent Tokyo Jupiter Records (Errata, Seila Chiara, TotorRo...) qui s’occupe également de distribuer celui-ci au Pays du Soleil Levant quand le reste du monde est géré par ConSouling Sounds (AmenRa, Syndrome, Thisquietarmy...) - deux splits LP (avec Adorno et AmenRa) et puis surtout des concerts, beaucoup de concerts, explorant essentiellement la facette la plus abrupte de cette musique si viscérale qu’est celle de THBR. Sachant également que l’un de ses membres de base est très occupé dans divers projets (Kingdom, Hessian, Pieces of Quiet...), on comprend mieux le délai de gestation de ce nouvel opus... pour le moins inattendu dans son rendu final. Parce que dans le cas présent, il faut «oublier» quelques minutes la notion première de post-rock-core, cette mouvance musicale à la noirceur palpable dont les natifs d’outre-Quiévrain auraient pu aisément se faire les chantres... sauf qu’il ne s’agit pas ici de cela. Mais d’un magma sonore épousant les contours du doom («Avra-
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Une mélancolie sombre qui dévore l’âme de son auditeur, une musique fantomatique qui s’empare de lui pour l’emmener vers un univers aux profondeurs émotionnelles abyssales («Crawling low and eating dust», «Ein avdat») ou pas tant que ça, mais avec un raffinement dans la sauvagerie, une retenue dans la bestialité, qui marque assurément les esprits. Sans doute pour mieux en accroître l’insidieux effet. Jusqu’à emmener l’auditeur aux confins de l’americana la plus crépusculaire et désenchantée («Into the land of another»), lequel morceau final scelle définitivement le sort de cet Har nevo aussi éminemment personnel qu’étrangement porteur d’une violence intimiste sourde et pourtant omniprésente. Aurelio
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ANNIHILATOR Feast (UDR Music)
Avant de te lancer dans la lecture de cette chronique (et surtout dans l’écoute de Feast, nouvel album d’Annihilator), je voudrais que tu me signes une décharge de responsabilité. Tu n’es pas cardiaque ? Pas de problème de hochement de tête ? Pas de trouble de tremblement au niveau des guiboles ? Non, parce que là, on n’est pas là pour rigoler. C’est du sérieux !!! Je t’aurais prévenu. Tu vas prendre une claque dont tu n’es pas prêt de te remettre. Tout le monde connaît Annihilator. Enfin presque. Pour résumer rapidement, c’est le bébé thrash metal de Jeff Waters, guitariste canadien et seul membre d’origine de ce mastodonte. Niveau riffs et soli, Jeff n’est pas le dernier à en découdre. Et plutôt que de succomber aux offres alléchantes de groupes comme Megadeth pour rejoindre leurs rangs, notre bonhomme a toujours privilégié SON groupe de toute une vie. Grand bien lui en a pris. Si bien que le groupe canadien sort en cette fin d’été son 14 ème album. Contre vents et marées, Annihilator est toujours de la partie, pour mon plus grand plaisir. Le menu est riche : en plus de l’album, Waters et sa bande ont mis les petits plats dans les grands en offrant en guise de bonus un skeud compilant quinze de ses meilleurs titres réenregistrés pour l’occasion. Idéal pour le novice ou le fin connaisseur de la discographie du groupe de découvrir ou redécouvrir les brûlots issus de
la riche discographie d’Annihilator. Mais je vais m’intéresser à la nouveauté si tu me le permets. Scotché par le précédent album éponyme (ça va faire hurler Nasty Samy mais c’est avec ce disque que je me suis intéressé à la carrière du groupe), je me demandais comment le groupe pouvait rebondir après un disque intense et riche en riffs et soli. Pas d’inquiétude, Jeff Waters et Dave Padden, son fidèle acolyte depuis plus de dix piges, ont en sous le médiator. Les amateurs de riffs aiguisés et de technicité guitaristique (car je ne parle que de la guitare, le basse batterie étant un tel rouleau compresseur) ont auront pour leur frais. On a véritablement affaire à de véritables techniciens virtuoses et complémentaires. La production est quant à elle puissante et précise. Et même si les gars s’aventurent dans d’hasardeuses contrées (funky/néo métal avec»No surrender», ballades incompréhensibles avec «Perfect angel eyes»), c’est toujours dans les chemins du thrash métal speed et riffmique (contraction de riff et de rythmique) qu’Annihilator est le plus fort : «Deadlock», ouvrant le disque, est imparable, «No way out» est phénoménal, «Demon code» est... démoniaque. Le chant de Dave Padden se fond parfaitement dans le décor sombre et excitant des compos thrash. Bon dieu, ça va vite, c’est ultra précis et parfaitement exécuté. Annihilator n’oublie toutefois pas de glisser quelques riffs mélodiques ultra puissants («Demon code», «No way out», «Fun palace») laissant ainsi s’exprimer le talent vocal de Dave Padden. Dommage toutefois qu’il soit employé au détour de quelques titres différents effets de gratte démodés et clairement dispensables. Il est évident que Feast peut paraître indigeste et difficile d’accès au vu de la richesse des guitares et de la rapidité d’exécution proposées par Waters & Co. Mais les amateurs de thrash et de soli à gogo se feront une joie de retrouver sur disque Annihilator, groupe authentique et clairement en forme olympique mené d’une main de maître par Jeff Waters, guitariste de génie au style parfaitement identifiable. J’adore ! Gui de Champi
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PALMS Palms (Ipecac)
trouvant au final plutôt bien sa place dans un album qui trace ensuite son sillon musical vers «Patagonia». Un voyage vers des panoramas ambient/post-rock veloutés, enveloppant alors l’auditeur dans un petit cocon d’ataraxie sonique aux atmosphères renvoyant régulièrement à ce qu’avait proposé Team Sleep (déjà avec Chino Moreno) à l’époque de son seul et unique album à ce jour.
Chino Moreno des Deftones (mais également Team Sleep et Crosses) + trois ex-Isis, soit Aaron Harris, Jeff Caxide & Clifford Meyer, lesquels ont variablement contribué à d’autres projets de la trempe de Cable, Red Sparowes, Spylacopa, ou Zozobra, sortant un album réalisé à quatre et sorti chez l’incontournable Ipecac (Isis, Melvins, Tomahawk), fatalement ça ne pouvait qu’atterrir un jour ou l’autre entre les mains du W-Fenec. Tout aussi logique est donc la question de savoir ce à quoi s’attendre. Une petite (plusieurs en réalité) session d’écoute attentive plus tard et voici le résultat : Palms ne sonne pas du tout comme du Deftones, encore moins comme du Isis mais plutôt comme l’étonnante voire improbable conjonction des deux. Là cela semble logique. Certes, mais en détaillant, c’est encore mieux. Et pourtant au départ, on a un peu de mal à entrer dedans, la faute sans doute à un «Future warrior» inaugural dont les premières minutes ne sont pas forcément très emballantes, comme si la machine Palms était encore en rodage. Puis, au fil des minutes, le morceau prend son envol, les mélodies leur ampleur et l’ensemble gagne en intensité émotionnelle notamment au détour d’un climax aussi vibrant que maîtrisé. La naissance d’un groupe en quelques instants d’un titre d’ouverture
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Quelques éclairs rageurs viennent rompre la quiétude dans laquelle baigne «Mission sunset» et l’on comprend alors que l’objectif de Palms n’est pas d’en mettre plein les mirettes malgré son cast 4 étoiles mais plutôt de s’employer à rechercher une esthétique sonore aux confins du post-rock et du psychédélique, avec une élégance qui ne se dévoile sous toutes ses facettes qu’au fil des écoutes. Le quartet prenant absolument tout son temps (parfois un peu trop) pour se dévoiler, à développer les éléments de son édifice mélodique habité par une mélancolie délicatement fiévreuse («Short wave radio» et son final habité), un riffing rock anguleux et des rythmiques discrètement obsédantes. On ne pouvait décemment attendre autre chose d’une collaboration Isis + Deftones et au final, le résultat est à la hauteur sensorielle de ce que peut proposer le quartet sur «Tropics» ou «Antartic handshake», deux dernières pistes sur lesquelles le groupe explore encore un peu plus intimement les contours de l’univers musical qu’il a savamment conceptualisé. Entre textures indie-pop, motifs rock électrique et architecture post-rock mais surtout une jolie propension à savoir maîtriser ses crescendo et autres . Petite mention spéciale pour l’artwork enfin, qui est plutôt très classe et parfaitement dans l’esprit de ce que recèle ce premier opus éponyme dont on ignore encore s’il aura un successeur mais qui en l’état se suffit joliment à lui-même. Aurelio
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GNO
Crass palace (Send The Wood Music)
fur et à mesure que les écoutes s’étendent. Le chant de Godin s’adapte avec brio à toutes les situations même si on aurait aimé entendre de la grosse voix de métalleux endurci à la vue du contenu musical.
Les aventures de Christophe Godin sont toujours à suivre d’un œil attentif. Le maestro stakhanoviste de la guitare, roi des masterclass qu’il affectionne follement, revient aux affaires avec Gnô, un an après le Brütal römance de Morglbl, le groupe qui l’a révélé aux mélomanes à la fin des années 90. Moins fourre-tout mais plus rock que ce dernier, Gnô passe la barre du troisième album, douze ans après son premier mais seulement deux ans après Cannibal tango. On sent à l’écoute de ce Crass palace que ce projet, à défaut d’être d’une originalité évidente (mais tout est relatif), est clairement récréatif tant les gars ont l’air de s’éclater (et de nous écoeurer au passage) en nous faisant bouffer de la technique instrumentale impressionnante. Pouvions-nous en douter lorsqu’on connaît les folies musicales de Mister Godin ?
Ce nouvel album de Gnô confirme une nouvelle fois, mais fallait-il en douter, tout le talent de ce trio (sauf pour les artworks décidemment sans goût) et l’aisance de son leader à s’immiscer dans tout ce qui touche de près ou de loin au métal ou, devrions-nous dire, à la musique saturée, mais pas que ! Cet opus a d’ailleurs été qualifié par ses auteurs comme étant un croisement improbable entre Pantera et les Beatles. Ces derniers ont du coup été repris en fin de piste en version gros son avec le titre «Eleanor Rigby», une démo datant du début des années 2000, soit à la création du groupe. Rassurons tout de même ceux qui pourrait se poser la question : ce disque n’est pas de la branlette de manche de guitare à la Satriani. Voilà, c’est dit, vous pouvez disposer. Ted
Concrètement, ce nouveau disque baigne dans un rock métallisé de par les riffs exécutés par la guitare Vigier à 7 cordes de Christophe accordée en La, faisant penser par moment à du Meshuggah («The scavenger»). Mais le trio allie notamment à son rock rentre dedans des chansons crossover au groove imparable («The doll»), du hard-rock FM aux refrains entêtants («Toy boy no more») et des ballades pop («Fly free»). Aventureux et mêlant ambiances contrastées, Crass palace séduit au
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ADOLINA
Caldeira (Whosbrain Records) (les samples sur «Tumult») apparaît. Au final, Caldeira aligne d’excellentes pistes sans faiblir et sans ennuyer à aucun moment, fort d’un songwriting de haute tenue, pour lentement s’insinuer dans le quotidien de la plus belle manière. Seul petit bémol pour ma part, il se situe à la fin de l’album, le chant français sur «Contrôler et sévir» qui me semble pas tout à fait pertinent même si instrumentalement, la dynamique sur-tendue capte bien vite l’attention, pour ne plus vous lâcher. La grande classe tout de même et encore une sortie convaincante pour Whosbrain Records (Io Monade Stanca,Joe4, The Glad Husbands...). David Le nom d’Adolina tourne depuis un paquet de temps chez les amateurs avertis de musique indé et à raison. Le quatuor belge délivre avec Caldeira, leur dernier méfait, un grand coup de pied dans les couilles et une sacré secousse sismique pour les oreilles. Très influencé par le hardcore-arty de Fugazi, le groupe pioche également dans la vélocité math-rock des compositions de Faraquet pour un rendu d’un impact exponentiel. Dès le premier titre, «Ante lapidem», les influences peuvent sauter à la gueule de l’auditeur sans pour autant que l’on se dit à un seul instant avoir affaire à un énième rip-off. Pas seulement post-hardcore, pas totalement noise, souvent math-rock, c’est dans le dosage de ces ingrédients que le groupe séduit et qu’ils évitent brillamment la resucée musicale. Et puis aussi parce que les mélodies vocales sont excellemment foutues, sans aucune fioriture mais juste assez catchy pour donner à l’auditeur un goût de «reviens, j’ai les mêmes à la maison», alors que la musique, elle, semble assez monomaniaque de prime abord. Puis, comme tout bon disque qui se respecte, la charpente sonique se découvre, les nervures rythmiques également et le job à la fois rustre et méticuleux sur les ambiances
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DEVILLE
Hydra (Small Stone Records) soin tout particulier apporté à un son qui démonte les conduits auditives comme rarement. Et comme niveau groove pachydermique, ça assure, difficile de trouver de quoi à redire quelque part même en passant cet Hydra en boucle.
Il y a quelques années : Come heavy sleep, le premier album des Suédois de Deville avait mis une belle fessée aux lecteurs de ses pages. Un peu plus de cinq ans plus tard, on prend les mêmes, on alourdit la sauce, on muscle un peu son jeu et on remet ça façon mandale nordique de concours. Et de fait, pas étonnant de voir les rockeurs suédois envoyer d’entrée du gros avec un «Lava» salvateur, mélodique, viril et imparable. Oui, ça fait beaucoup pour un seul titre, inaugural qui plus est, mais le premier morceau d’Hydra est une de ces pépites rappellent que le stoner venu du froid est parmi ce qu’il se fait de mieux en ce bas-monde.
On a beau chercher, ni «Let it go» (quoi qu’un peu trop classieux) ni «Blood crown» (calibré pour les radios rock des pays civilisés) ne font réellement baisser le niveau d’un album qui tape constamment dans le mille avec une efficacité particulièrement éprouvée, surtout que le final de cet Hydra est largement à la hauteur des attentes suscitées par les titres précédents. De l’intensité viscérale et une construction toutes en progressions étudiées («Imperial») avant un petit final stoner-rock/power-pop tout en coolitude monstre («Stay a little longer»), Deville livre certainement ici ce qui restera son chef-d’œuvre. A moins que la suite nous fasse mentir et explose encore une fois les compteurs. Aurelio
La confirmation vient du reste quelques instants plus tard car les nordiques mettent tout ce qu’ils ont dans le futal avec «Iron fed» puis «In vain», ce avant que l’électrisant et surpuissant «The knife» ne tronçonne les enceintes bien comme il faut. Redoutables, les Suédois livrent jusque ici un album de stoner hi-energy absolu et comme ils sont bien lancés, ne baissent pas vraiment de régime lorsqu’il s’agit d’enchaîner. Ou de se déchaîner, bien aidés en cela par une production mastodonte (le jouissif «Over the edge», l’imposant «Burning towers»). Parce que les bûcherons scandinaves, en plus d’un riffing de patrons, ont emballé le produit avec un
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DOMADORA Tibetan monk (Autoproduction)
«Ziggy jam» est une ruée vers des riffs et des rythmes plus échevelés les uns que les autres...
En 2011 un duo décide de laisser libre cours à ses aspirations et oublie les contraintes du rock, jammer, jouer, improviser, voilà ce qui motive Belwil (chant, guitare) et Gui Omm (basse). Dompter les notes, pourquoi faire ? Ils veulent faire vivre leur musique et attirent dans leur antre parisienne Karim (batteur) à la fin de l’année 2012. Le travail de création continue et ils capturent des titres avec Patrick Muller, des titres qu’ils nous livrent en avril 2013 regroupés sous le nom Tibetan monk. Domadora est un groupe qui ne refuse aucune expérimentation et laisse libre cours à son imagination pour créeer des compositions et s’ils les ont figées pour les mettre sur ce disque, il n’est pas certain de les réentendre un jour jouer de la même façon car leur maître mot est «improvisation» ! Avec un son très marqué seventies, on pense immédiatement à quelques folies contrôlées de Pink Floyd (celui du début de la décennie qui testait ses titres sur scène et qui a fait le succés de quelques bootleg) ou au talent de Frank Zappa (pour la guitare surtout, le reste étant assez éloigné). Dans l’idée et l’énergie envoyée, il faut plus chercher du côté de Led Zeppelin et de légion de groupes qu’ils ont inspiré car après l’introduction «Tibetan monk» où l’on sent une certaine retenue, Domadora lâche les chevaux et
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Pas étonnant dans ces conditions que le début de «Naïroya» soit plus calme... Juste le temps qu’il faut pour se remettre de ses émotions et reprendre son souffle car ça repart de plus belle après quelques minutes. On arrive ensuite à «Chased and caught», titre axial de l’opus Tibetan monk puisqu’il se trouve au centre de quatre morceaux épiques qui avoisinent la dizaine de minutes, lui est différent car deux fois plus court et chanté ! L’atmosphère stoner se révèle alors plus qu’évidente et la chaleur du désert fait remonter dans mon esprit le nom de Yawning Man... Le micro est remis au placard pour la fin du disque même si sur «The oldest man on the left» on peut entendre quelques murmures en arrière plan. Quand on improvise et qu’on trouve de bons plans, ce n’est pas évident de les identifier, trouver un nom à une compo venue de nulle part, c’est un casse-tête et c’est ce qui a du arriver pour «Domadora jam» au riff principal bien gaulé et au son électrisant. Le titre s’apesantit peu à peu mais ne perd pas en dynamique, on ne sort de Tibetan monk qu’avec l’outro «Wild animal skin» au son plus léger et moins oppressant. Grâce à leur maîtrise technique, les trois Domadora peuvent s’abandonner à leurs aspirations artistiques et vu la qualité de ce qu’ils proposent sur cet album, leurs prestations live doivent valoir le détour... A noter aussi l’excellent choix d’artwork, cette Chute des anges rebelles de Rubens fourmillent d’idées et imposent sa qualité au premier regard. Pour l’anecdote, c’est un thème qui avait été travaillé par Brueghel l’Ancien, un peintre dont l’univers doit également plaire au trio... Oli
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EARTHTONE 9 IV (Autoproduction)
aussi hargneux que salvateur. Et si le groupe donne régulièrement l’impression d’être resté bloqué quelques dix ans en arrière, vu le niveau de la production actuelle en la matière, on ne va pas faire la fine bouche.
Ils avaient marqué la fin des 90’s et le début des années 2000 avec leur metal alternatif d’excellente facture, eux aussi font comme tout le monde et reviennent aux affaires. Mais on ne va pas forcément s’en plaindre. Parce que dès les premières secondes de «March of the yeti», le groupe envoie direct les décibels taquiner les enceintes : groove-metal alternatif jusqu’au bout des riffs, c’est simple mais efficace, calibré 90’s avec un son très actuel néanmoins, parfaitement équilibré entre les passages les plus mélodiques et ceux plus bien hargneux. Et comme en prime on a droit à quelques refrains qui mettent dans le mille, Earthtone9 réussit parfaitement son entrée en matière.
Question matière justement, si l’on reste en territoire(s) extrêmement balisé(s), on savait aussi un peu à quoi s’attendre de leur part : soit de l’abrasif solide («Harsh light»), une probable petite ballade pour toucher les âmes sensibles (qui arrive avec le lacrymal mais sympathique «Our last sunrise»), et quelques grosses ficelles légèrement handicapantes («The sound of the engine turning») mais qui n’obèrent pas l’intérêt global que l’on peut avoir pour ce IV à la constance créative plutôt salutaire et aux effluves métalliques du plus bel effet («Horizon’s end»). Ce jusqu’à l’ultime «Occam’s razor», morceau de conclusion tirant le rideau sur l’album du comeback d’un groupe phare de la scène des 90. Qui s’il n’enchante pas complètement, livre ici un disque hautement recommandable malgré une petite poignée de défauts que l’on aurait bien gommé si on était à la place des Anglais. Pas mal. Aurelio
Pour le titre, les Anglais n’ont pas cherché à faire compliqué quand ils pouvaient faire simple. En ce qui concerne le contenu de l’album, c’est le même tarif, entre un «Preacher» aux breaks salvateurs et frappe bien rugueuse ou un «Sea of blades» reptilien qui ondule entre les amplis pour faire exploser son chorus radiophonique sans forcer son talent. Parfois un peu «facile», Earthtone9 fait parler sa classe folle mais se repose de temps en temps un peu trop sur elle. Ou alors y va carrément et pose un tube sur la platine («Andersion») quand il ne pique pas sa crise de nerfs le temps d’un «God cloud»
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NOTHING FOR FREE Speeches are useless (Send the Wood Music)
On retrouve en tout cas dans leurs compos la même envie d’aller droit au but et de ne pas perdre trop de temps en circonvolutions et autres mises en place à base d’effets de manche, c’est bien simple, le morceau le plus long s’étend sur 2»28 (en comptant la réplique samplée du cultissime La classe américaine) et dix ne dépassent pas les 130 secondes ! On n’est pas pour autant dans du grind-punk, Nothing For Free pose couplets et refrain «à l’ancienne» et malgré son annonce sur la pochette arrive à faire passer des messages même en 45 secondes («Hypocrite»). On n’a pas le temps de s’ennuyer et les deux chants (un étant plus lourd et agressif que l’autre) ne laissent jamais s’installer la monotonie d’un punk à roulette trop simpliste.
Nothing For Free fête ses 10 ans d’existence en sortant son premier album Speeches are useless ! 10 ans, c’est long mais le quatuor n’a pas chômé durant cette décennie puisqu’ils ont sorti 3 EPs (tous téléchargeables gratos sur leur site) et donné plusieurs dizaines de concerts. Formé sur les cendres de Didn’t, les Ch’tis du Sud (oui, Maubeuge, c’est le Sud du Nord !) ont du également affronter quelques perturbations derrière la batterie, Alex rejoignant finalement Erink (guitare, chant), Lio (guitare) et Lut (basse) en 2007. C’est après leur troisième EP (Hear, watch, talk ! paru en 2008) que le groupe commence à bosser sur son premier vrai album qu’ils signent chez Send The Wood Music et délivrent au printemps 2013 (oui, il y a eu un printemps en 2013). Les discours sont inutiles mais pas la grosse douzaine de titres skatecore livrées par Nothing For Free qui ne révolutionnent certes pas le genre (qui le peut ?) mais respectent ses codes et le cahier des charges : mélodies qui pulsent, guitares qui taillent dans le gras, basse rebondissante et batterie au taquet. Les références des Nordistes sont certainement à aller chercher dans les années 90, années bénies pour le genre avec Pennywise, NoFx, Burning Heads ou même les premiers Green Day (je suis fan de l’énergie de Kerplunk)...
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Bien dans ses Vans, les Nothing For Free font l’économie de fioritures (sans pour autant négliger les enchaînements de riffs ou oublier de mettre un petit truc qui fait classe en pont) et vont droit au but, je ne sais pas si ça plaît aux jeunes mais les «vieux» comme moi prennent leur pied avec ce retour dans l’esprit des nineties ! Encore un joli coup signé Send the Wood Music (Gnô, Hardbanger, Hord, The Mars Chronicles...). Oli
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NO AGE An object (Subpop)
sonore qui n’appartienne définitivement qu’à eux. Entre élégance pop lancinante aux arrangements graciles («An impression»), intellectualisation rock indie («My hands, birch and steel») et autres tentations bruitistes expérimentales («Running from A-go-go»), les natifs de la Grosse Pomme livrent ici un album parfois abscons, parfois bluffant, souvent brillant de maestria mais surtout constamment insaisissable.
Quand le duo le plus noisy de la scène indie-pop-rock new-yorkaise débarque avec un nouvel album, ce n’est pas pour faire les choses à moitié. Même question artwork où là, c’est quand même bien le clash visuel. Colorés, piquant les yeux comme les tympans (mais au vif), les No Age ne perdent pas de temps et envoient directement un intraveineuse ce «No ground» inaugural qui porte en lui les germes d’une tension insidieuse qui ne demande qu’à exploser... Mais finalement non (le très pop et désincarné «I won’t be your generator»)... puis si un peu quand même le temps d’un «C’mon, Stimmung» aussi dense que complètement habité. Le résultat se révélant hautement accrocheur en même temps que complètement imprévisible.
Une démarche créative cherchant à tout prix la rupture (et la rencontrant à maintes reprises) comme une constance dans la mise en danger artistique qui font la marque de fabrique d’un groupe résolument en phase avec son label (Sub Pop) et délivre ici des titres de la puissance supernoïsique d’un «Circling with dizzy», ou à l’inverse la nonchalance d’un «A ceiling dreams of a floor» enfumé et erratique, avant de conclure sur un «Commerce, comment, commence» final au magnétisme déroutant. Et comme le packaging surprend quelque peu (mais est réussi), An object est au final l’album qui permet à No Age de repousser ses limites après s’être révélé au monde avec Weirdo rippers, avoir confirmé (Nouns) puis définitivement entériné les espoirs placés en lui, pour produire un quatrième opus des plus détonnant et osés, en même temps que piloté de main de maître avec cette envie de subversion indie qui transparaît à chaque changement de rythme... Aurelio
Pas dans sa formule bien entendu mais dans le rendu final, qui éclate allègrement les formats mélodiques traditionnels pour les lacérer d’éclairs rock indé synthétiques quasi anxiogènes. Car les No Age usent ici comme à leur habitude d’un songwriting mêlant avec une habileté sidérante noise, pop, rock, punk et motifs expérimentaux dans un même tube à essais. Ce pour un résultat aussi décharné qu’électrisant, déroutant que fascinant («Defector/ed», «Lock box») et ne ménageant pas ses efforts pour produire une mixture
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WITXES
A fabric of beliefs (Denovali Records) hermétisme nécessitant un certain d’effort pour l’appréhender et le surmonter (l’interlude «The breach»), d’autre fois beaucoup moins lorsqu’elle se laisse «apprivoiser», non sans toutefois exhaler un magnétisme acoustique du plus bel effet («The strands»). Expérimentale au sens le plus pur du terme, elle sait aussi aller au-delà de sa nature profonde pour proposer quelque chose de quasi inédit : une sorte d’énigme émotionnelle dont on ne ressort pas sans quelques interrogations malgré une profonde remise en question intérieure («The apparel» et son doomjazz à la profondeur de champ sidérante).
En parallèle à la réédition de Sorcery/geography, Witxes profite de cet appel d’air médiatique que lui offre la remise en avant de son premier album pour sortir le second, également chez Denovali Records (le label aux sorties mensuelles par - presque - pack de douze) et confirmer un peu plus les excellentes prédispositions créatives entrevues (voire un peu plus) sur ses travaux sonores inauguraux. Album au titre à la modernité éloquente, (A fabric of beliefs) est la compilation de douze nouvelles pistes sur lesquelles viennent se mêler ambient atmosphérique, tentations électroniques bruitistes et abstractions drone dans un véritable maelström viral aux circonvolutions sonores labyrinthiques et tempétueuses (l’imposant triptyque «Through the abraxas» qui ouvre cet opus). Une oeuvre assez longue et pour le moins dense confirmant tout le bien que l’on pensait déjà de ce projet un peu hors-normes et du commun. Toujours «seul» à la conception, Maxime V. ne s’en est pas moins entouré d’une pléiade de musiciens assurant les interventions acoustiques, arrangements plus ou moins percussifs et autres petites friandises à l’étrangeté troublante. Car à l’instar de ce que l’on pouvait trouver sur son premier album, Witxes développe ici une musique à l’exigence soutenue, frôlant parfois un léger
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Par opposition à ses compositions les plus «extrêmes» dira-t-on, Witxes délivre également quelques pistes plus accessibles (toutes proportions gardées) mais à l’intensité viscérale saisissante («The visited», «The weavers»), un cocktail de musiques (au pluriel oui...) sensorielles qui se plaisent à se laisser aller à leurs pérégrinations viscérales au travers des paysages sonores que leur auteur crée sous nos yeux, quitte à faire des choix artistiques pour le moins osés. Pour un périple musical très personnel et sophistiqué dont on ne ressort pas sans ressentir quelque chose d’extrêmement particulier («The words», «The moonlit passage»). Pour peu que l’on fasse le choix, voire l’effort, de s’immerger dans cet univers profondément complexe et organique. Mais presque parfaitement maîtrisé. Aurelio
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WITXES
Sorcery/geography (Réédition) (Denovali Records) des nappes ambient organiques qui flottent dans la stratosphère, une menace sonore qui vient insidieusement assombrir l’ensemble, rompre avec la dynamique légèrement cotonneuse, narcotique dans laquelle le Français se plait à plonger son auditeur, pour faire voler en éclats cette fausse impression de quiétude illusoire («Thirteen emeralds», «The reason»), on est happé par l’intensité de ses travaux.
Réédition par le biais du toujours aussi incontournable Denovali Records (Aun, Greg Haines, Talvihorros, TKDE...) du premier album de Witxes paru un an plus tôt chez Humanist Records, le petit label lyonnais remarqué pour avoir notamment sorti des disques de Chelsea Wolfe ou Zero Absolu, Sorcery/geography est surtout l’occasion idéale pour plonger la tête la première au sein de l’univers très personnel et affirmé de son auteur/architecte, Maxime V. Un véritable voyage sans retour à travers des panoramas ambient (parfois) drone et expérimentaux aux schémas narratifs et paysages sonores littéralement obsédant. En témoigne notamment ce fabuleux «Unlocation» qui ouvre le tracklisting de l’album en s’offrant un tourbillon free-jazz en guise de climax aliénant, avant un final d’une classe étourdissante. Une piste et une seule, c’est au travers d’une première composition presque «idéale» que Witxes parvient à conquérir l’auditeur et le faire succomber aux charmes étranges, presque vénéneux de son album, avant d’en explorer les tréfonds sur un «After the horsefight» aussi âpre que tourmenté, sombre que nébuleux. Car, Sorcery/geography sait aussi se faire d’une noirceur oppressante avant de s’offrir à nouveau une sortie de scène tout en élégance bluffante. Un clavier obsédant,
Toujours ce rituel quasi immuable, de pièces en pièces, tantôt ambient, tantôt plus dronisantes et régulièrement parsemées de textures jazz post-moderne : une propension étourdissante à savoir conclure ces créations comme personne et à immerger l’auditeur dans un océan de réverb’ magnétique («Canyon improbable», «Somewhere»). Une ode à l’abandon sensoriel qui se traduit par une descente en rappel au plus profond de l’expérimentation ambient minimaliste («Dunes of steel») avant le retour vers la surface d’une densité sonore palpable, puissante. Alternant les climats sonores et de fait les types d’émotions ici générées (le superbe «Dead reckoning»), Witxes maîtrise assurément son sujet à la perfection, même quand il s’offre un petit épisode troublant d’ascétisme musical («Misscience»), avant une dernière offrande («No sorcerer of mine») ponctuant de fait un album aussi riche que tourmenté, oscillant constamment entre violence latente saturée et spleen contemplatif de grande classe. [NB] : la réédition signée Denovali Records comporte en sus de l’album originel, le one-track EP Winter light burns sorti par Witxes en février 2012. Aurelio
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MARIA GORETTI QUARTET 14:02 (Tandori) à un groupe qui a élargit son spectre, à la fois sucrée et durcit sa musique, pour un rendu riche, varié et érectile de A à Z. Excellent disque qui bénéficie d’une très belle édition vinyle, mettant agréablement en valeur la jolie pochette. Bravo Maria Goretti Quartet et Tandori, label lillois (Oui Mais Non, Toys’R’Noise, Louis Minus XVI, Vitas Guerulaïtis...) avec des sorties toujours aussi convaincantes. David
Les Maria Goretti Quartet sont de retour aux affaires avec un album qui va toujours à l’essentiel, des morceaux souvent brefs et intenses, mais contrairement à l’éponyme, le groupe ne semble pas avoir mis ses œufs dans le même panier. Un retour gagnant ? Large. Dès le premier titre, «1st würst», le groupe entame les hostilités avec un brûlot post-punk rappelant un Joy Division pour un résultat à la fois chloroformé et enivrant. La deuxième piste change la donne avec un riff math-rock tropical qui contraste au premier morceau, pour ensuite lâcher les chevaux et partir dans un musictrip entre math-rock et surf music sacrément réussi, la dynamique de «Thaï nana» est en plus particulièrement jouissive à suivre. «Grape groove» reprend sensiblement les mêmes ingrédients, avec des parties rythmiques caliente et on adhère toujours autant, les relents de Devo dans la guitare et le songwriting du groupe font le reste du boulot de séduction des neurones. Les pistes suivantes ne font pas dans la figuration, notamment «Sadnessong» et ses accents power-pop sucrée à la Clouds Nothing tandis que le riff saccadée de «Wholalota» les relie toujours autant à un Devo saupoudré de math-rock. La suite va rester cinglante («Put out our belt») et nous conforte dans l’idée que l’on a affaire
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ARMED FOR APOCALYPSE The road will end (Ironclad Recordings) sitent pas à enfoncer le clou (et défoncer les cloisons auditives au passage) avec des titres du calibre d’un «Built to kill» méchamment perforant ou d’un «Worth the weight» en béton armé.
«The starting line is a trip wire» attaque la platine le couteau entre les dents et déjà les gaziers font l’étalage de cette efficacité féroce qui va faire la marque de fabrique de The road will end, un très viril deuxième méfait pour les guerriers d’Armed for Apocalypse, qui déballent ici un sludge metal particulièrement prégnant et biberonné à la testostérone de papa Hardcore. Le tout est mâtiné d’un bon petit zeste de vindicte sauvagement punk et de quelques éclairs de brutalité pure et dure qui en foutent partout, en témoigne l’imposant «Better worlds» et son mitraillage lourd des enceintes qui déboise sévèrement les cages à miel.
Quelques titres qui cannibalisent l’attention en un rien de temps, des ogives qui vitrifient l’assistance en quelques minutes, Armed for Apocalypse réussit à peu près tout ce qu’il entreprend sur cet album ne desserrant jamais son étreinte («Drawing a line» et son tempo effréné, «Happy our (Disciple of death)» à la bestialité assumée), aussi chaotique que carnassière. La «faute» à une force de frappe phénoménale mise au service d’une écriture à la maîtrise plutôt inattendue. Car derrière ses accès de violence continue, ses contractions sludge et autres éruptions HxC dopées à l’intensité métallique, le groupe américain livre avec The road will end un excellent manifeste du genre. Conclu par un discret et très bref «End meet» des plus aérés venu se poser en paradoxe ultime après une bien jolie séance de démolition sonore bien burnée. Aurelio
Rugueux, dur sur l’homme, AfA leste le tout d’une belle et jouissive dose de gras histoire de faire en sorte que l’auditeur n’oublie jamais en quel terrain il se promène. Et qu’il va en prendre plein les écoutilles. En quelques minutes d’un déferlement de hard qui fait mâle (monstrueux «The well» qui met les c. sur la table de mix sans sourciller, frénétique cavalcade hardcore punk «Open wound» et sa séance de pilonnage systématique des amplis, ou éponyme «The road will end» armé d’un riffing titanesque), on assiste à une belle démonstration de puissance. Les Américains savent y faire et c’est forts de qualités déjà largement éprouvées qu’ils n’hé-
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MISERY SIGNALS Absent light (Basick Records)
possible, on tient là un album de très haut niveau en termes d’écriture comme de concrétisation formelle («The shallows», «Ursa minor»).
Grosse. Très grosse intro pour le quatrième album de Misery Signals, qui revient sur le champ de bataille métallique avec un Absent light sorti avec le concours du label qui monte de ce côté-ci de l’Atlantique : Basick Records. Un label présidant déjà aux destinés de groupes du calibre d’un Aliases, d’un Glass Cloud ou d’un Uneven Structure et qui ici met les petits plats dans les grands pour appuyer le retour aux affaires d’une formation qui s’était faite relativement discrète depuis la sortie de Controller en 2008. Mais qui revient au plus fort de sa condition physique avec une nouvelle fournée de torpilles soniques qui avoinent. Mais pas que. En témoignent les petites finesses et autres arrangements très classes que l’on trouve on détour d’un «Reborn (an execution)» tout en incandescence émotionnelle afin de venir rompre avec la fracassante efficacité brute mais primaire d’un «Luminary» résolument parpaing. En termes de puissance de feu, Misery Signals est largement au rendez-vous. Mais lorsqu’il est question de ne pas faire que cogner mais aussi de soigner les mélodies comme les ambiances tout en orchestrant quelques crescendo toujours brûlants, le groupe assure sans ciller («Carrier», «Shadows and depth»). Les titres défilent alors et pas de doute
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Pas simple de tenir le rythme ? Apparemment, cela ne pose guère de souci aux natifs de Milwaukee dans le Wisconsin (USA) qui enquillent derrière la torpille «Lost relics» et ses gangvocals taillés pour le live. Zéro baisse de régime ou demi instant de faiblesse, Absent light regorge de ces bombes à retardement sonores que le groupe place aux quatre coins du studio pour faire sauter les enceintes quand on ne s’y attend pas forcément. D’où sa propension à user à loisir de sa technicité de pointe afin de donner plus de corps (et de coeur) à un ouvrage métallique qui ne ménage pas ses effets dès lors qu’il s’agit de distiller les cargaisons de gros riffs de patrons qui bûcheronnent sévèrement les enceintes («Two solitudes»). Mais là encore, dans un registre math-metal-core technique avec plein de choses différentes dedans (excellent «Departure»), Misery Signals frappe fort. Voire plus. Et ce n’est pas l’ultime «Everything will rust» qui viendra ternir le constat global : cet album est une baffe de concours. Rien de plus, rien de moins. Aurelio
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MASCARADE J’aime pas Mascarade (Jacky Prod)
Mascarade est un duo qui fait du hip hop de rockers, ce duo un peu masqué mais pas vengeur est composé de JNEB et JiBé qui n’a pas rangé sa guitare après avoir servi 20 ans chez Marcel et Son Orchestre. Les deux Ch’tis veulent faire oublier les crises à part éventuellement celles de rire et c’est en bons camarades qu’ils s’amusent sur scène depuis quelques mois, ils ont du juste arrêter un peu de déconner pour enregistrer sérieusement un premier album autoproduit intitulé J’aime pas Mascarade et le sortir en octobre 2013. Sur cet album, on a souvent de bons textes avec des références qui font mouche et des expériences qui sentent le vécu et dans lesquelles on peut se reconnaître (en tout cas chez les trentenaires, ça va fonctionner c’est sûr) et on a souvent de bonnes instrus (et fatalement quelques moins bons). Quand les mots claquent en même temps que les sons (sample, guitare, scratch), on est tout proche des Svinkels et on s’éclate !
sons électro un peu léger, c’est dommage car le texte est bien fendard... Même sentiment pour «Jème pa lé jeune» avec un riff un peu trop bateau pour donner du punch à ce titre un peu mou. C’est presque le même thème pour «Des espoirs» qui sonnent très JNEB (musicalement avec l’électro et verbalement avec son côté protecteur) et qui est chanté avec une mélodie qui rompt avec l’ambiance hip-hop. «Sexe, drogue et cyclisme» et «Avant qu’on s’étrangle» sont largement en dessous du reste alors que «Célib à terre» amène des sonorités arabisantes et du drame social à l’humour. Si ces titres sont criticables, c’est que le reste est vraiment très bon et qu’une fois habitué à leur rap-rock-déconne masqué, on voudrait que ce soit carton à chaque fois ! Même quand les textes sont un peu vulgaire (il y a encore la marque de JNEB là-dessus à moins que ce ne soit un clin d’oeil au Captain Brackmard) mais difficile de leur en vouloir quand le résultat donne un truc comme ça «On débarque la bouche en coeur bite à la main comme Rocco. Si Freddy nous était contés on sortirait les griffes». Mieux vaut ne pas s’imaginer le rendu visuel de ce choc des références ! D’autres (références) sont plus culturelles comme cet extrait du cultissime «135.3 dB» de Strip-Tease au coeur du tunning ch’ti... («Jacky a dit» où l’on entend aussi La Mère Denis). 5 ans après le dernier (snif) album des Svinkels, les Mascarade prennent une option sur la relève d’un hiphop à la cool avec une guitare distordue et des textes ciselés. Les mecs n’ont certainement pas prévu de plan marketing aussi important que les Stupeflip mais tu ferais bien de jeter une oreille attentive sur ce projet qui n’est plus seulement un truc pour rigoler mais un vrai album qui tient la route. Oli
«Hip-Hop de Rockers», «Il paraitraît», «Groupe de province», «L’envers du décor», «Vieux con» et «Jacky a dit» ont tous en commun (en plus d’être excellents) de parler de Mascarade avec humour et auto-dérision. L’instru de «Ssuperssenssass» est un peu simple et les
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GREG HAINES 2006-2012 (Denovali Records)
classiques à la modernité très affirmée, en témoigne l’étrange et magnétique «Submergence» porté par des chœurs féminins venant hanter la trame mélodique d’un titre littéralement obsédant. Ce juste avant que son auteur ne le fasse basculer dans le génie pur au travers d’un climax émotionnel absolument exquis. L’Anglais ose, (re)cherche, expérimente et trouve des trésors sonores (le ténébreux «Tired diary», l’intense «Arups gate») avant de baisser magistralement le rideau invisible de ce premier album sur l’énigmatique mais fascinant «Caesura».
Sorti quelques jours avant Where we were, son quatrième album solo, 2006-2012 est comme le titre l’indique la compilation en mini-coffret 3xCD (également disponible en boxset Deluxe 5xLP) de tous les enregistrements long-formats réalisés par Greg Haines depuis que celui-ci s’est lancé dans la composition d’album(s) en solitaire. Soit trois opus intitulés Slumber tides, Until the point of hushed support et Digressions, autant d’œuvres attestant d’un talent rare chez le sculpteur de sons britannique, pour les petits bijoux instrumentaux brillant ici du plus bel éclat et au passage livrés dans de très beaux objets, comme toujours avec la maison de disques Denovali Records. Laquelle ne cesse donc jamais d’amasser des pépites composant une discographie hors-normes. Slumber tides est chronologiquement la première prise de contact avec l’univers du compositeur anglo-saxon qui dès la (longue) introduction de «Snow airport» développe des arrangements à cordes brillant autant par leur minimalisme apparent que leur finesse méticuleuse. Le souci du détail parfait est ici permanent et Greg Haines prend tout son temps pour distiller une musique expérimentale qui flirte en permanence entre ambient intemporel vaporeux et instrumentations post-
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La suite, compilant sur 2 disques les albums Until the point of hushed support puis Digressions, soit deux nouveaux périples oniriques au travers des limbes de l’œuvre du compositeur anglais, est aussi peu dispensable que l’est Slumbertides. Odes à l’abandon sensoriel ou plus généralement créations revendiquant l’héritage des grands maîtres Ärvo Pärt, Philip Glass ou Steve Reich, tout ce que touche Greg Haines se transforme en pépite. Et celui-ci en profite allègrement pour distiller une musique néo-classique aux textures variablement contemporaines touchant l’auditeur par leur profondeur de champ. Epaulé par des musiciens du calibre de Nils Frahm, Peter Broderick (tous deux sociétaires de l’excellent label anglais Erased Tapes) ou Dustin O’Halloran (d’A Winged Victory For The Sullen), l’Anglais fait à peu près tout ce qu’il veut avec la même constante : soit une classe étourdissante qui ravira les esprits critiques les plus aiguisés comme les autres. Brillant. Aurelio
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ENDING SATELLITES And so sing the black birds (Autoproduction)
C’est en janvier 2011 du côté de Bayonne que Damien Dufour (Mityx) révèle son idée de créer un projet alliant musiques et photos pour permettre aux auditeurs de se plonger dans un univers dont il ne tracerait que les contours. Une série d’EPs déboulent donc sur la toile. Quelques uns de ses amis (comme Matthieu Miegeville (Psykup, Agora Fidelio, My Own Private Alaska) viennent lui porter main forte, qui avec sa voix, qui avec sa basse, qui avec ses photos... 7 billion passengers | Only one flight est un premier opus qui sort en janvier 2012, l’aventure se poursuit en juin 2013 avec un gros EP And so sing the black birds. Tout est livré sous licence libre, il ne te reste qu’à en profiter. Ce nouvel album est écrit et joué par une équipe extrêmement resserrée puisque seul Francois Creutzer (bassiste et compositeur) aide sur «Hollow & ghosts», et seule Céline Prime apportent quelques photos, Damien Dufour est donc quasi en solo cette fois-ci. Enfin en duo car il compte sur l’auditeur pour se crééer les images qui vont avec sa musique (et ainsi mentalement enrichir la collection de clichés de vues de la nature qu’il livre avec l’album).
nyme «And so sing the black birds» rappelle le travail réalisé par Mogwai pour la série Les revenants ou plus généralement Godspeed You! Black Emperor. Ce titre introductif s’étend sur une douzaine de minutes, il est bien plus long que les autres et comme il est très bon, on se dit que les titres suivants auraient pu eux aussi se dilater davantage car on reste sur notre faim, coupé dans notre élan, car amateur de post-rock, on s’attend à un développement tentaculaire de ces plages qui n’explosent que rarement et brièvement («A floating point»). On est donc assez souvent surpris de voir s’enchaîner un autre morceau... Surpris aussi par le piano aux sonorités très claires de «A day in Port-Royal» dont l’intro renvoie quelque peu au thème d’Intouchables, c’est juste très beau. Très poignant. Très classe. Pas grand chose à voir mais mes lectures du moment me font voyager jusque dans l’univers de la saga du Trône de fer et sa capitale également traduite en Port-Réal parfois, un fan de l’oeuvre où les corbeaux (black birds ?) sont les messagers aurait gardé le nom anglais (King’s landing) donc on a plutôt ici une référence à la Jamaïque voire à l’abbaye cistercienne base des jansénistes. Mais je m’égare. Et en l’écrivant, je me dis que nous égarer est certainement l’un des objectifs de Damien Dufour, nous perdre au milieu de mouvements ordonnés essentiellement par de belles guitares, casser net des routes grandes ouvertes, bifurquer vers de petites impasses, le chant des oiseaux noirs aurait-il la même propriété que celui des sirènes ? Au final, il faut bien revenir sur Terre et statuer : And so sing the black birds est un excellent album de post-rock aux atmosphères limpides et aux sons délicats. Et le tout est librement accessible, s’en passer serait donc une erreur impardonnable. Oli
Le calme, la luminosité particulière et le violon de l’épo-
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BLACK WILLOWS Haze (Autoproduction)
9 minutes d’une odyssée sonique emmenant l’auditeur aux portes de l’extase.
En matière de stoner heavy psychédélique aussi spatial qu’enfumé, la Suisse nous avait déjà offert les excellents Monkey3, véritable référence européenne du genre à la trajectoire trop discrète mais ô combien omniprésente pour nombre d’inconditionnels du genre. Voici maintenant que le petit pays que l’on jalouse tant et pas qu’à cause de son chocolat, son horlogerie de pointe, son secret bancaire ou sa fiscalité plus qu’avantageuse, nous sert une nouvelle pépite avec ce quatuor lausannois auteur d’un album éponyme enregistré, mixé et masterisé à Austin (USA) par le producteur Erik Wofford (Explosions in the Sky, The Black Angels, etc.), à la classe plutôt étourdissante. Une longue et énigmatique intro servant à poser l’ambiance, un «Door of perception» qui entame le fascinant périple des Helvètes en territoire désertique, comme perdus au cœur des canyons nord-américains avec pour seuls comparses les fantômes des chamans de la musique space-rock psychée des 70’s. Ces Black Willows-là ont beau avoir un passeport suisse, ils sont américains de par leur héritage musical et c’est avec «Neptune» qu’ils livrent déjà le climax de leur album. Un sommet de maestria formelle doublée d’une inspiration quasi divine dans le songwriting de cette pièce de quasi
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Heavy mais pas trop, psychédélique juste ce qu’il faut, enfumé dans les ambiances et lucides dans les constructions instrumentales («Haiku»), Black Willows aligne les titres-fleuves sur la platine («Black magic», «Apache»), sans jamais verser dans la redite (ce qui est pourtant l’écueil de ce type d’effort), ni oublier d’envoyer ce qu’il faut en cargaison de riffs de patrons («Velvet diamond»). Si bien qu’au final, l’album se révèle être une œuvre psychotrope longue et délicieusement lancinante, portée par un groove psychédélique des plus addictifs. Mais jamais ennuyeuse. Car exerçant en permanence son pouvoir d’attraction sur l’esprit de son auditoire tout en nappant les enceintes de titres tantôt bien charnus tantôt plus «stellaires». Parce que les Suisses savent tout faire mieux que la plupart de leurs contemporains, ils enchaînent une ultime fois avec l’efficace «Set us free» puis un phénoménal «Dead mantra». Hypnotique et magistral. à l’image du reste de ce premier album de très haute volée. Aurelio
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400 THE CAT Stf hélix nebula (Swarm records)
cryogénisé tourne en boucle, des voix raisonnent en arrière plan, le morceau vire en mode mantra pour partir ensuite dans un bordel organisé. Assez vertigineux et vraisemblablement l’un des meilleurs disques du genre en France depuis le dernier I Pilot Daemon, ce qui remonte à quelques levées de coude. Oui, au W-Fenec, le temps se compte en apéros. David
Ce groupe constitué de membres de Morgue et Superstatic Revolution a vraiment tous les atouts pour marquer les amateurs du genre. Et le genre en question, c’est le hardcore à la Breach, Botch, Converge... Une frange saturée de groupes passables où 400 The Cat arrivent à tirer leur épingle du jeu assez brillamment. Dès le premier titre, «Dead hearts», on s’en aperçoit d’ailleurs assez rapidement, quelque part entre la virulence d’un Celeste et les aspirations mélodiques d’un I Pilot Daemon, 400 The Cat a une personnalité bien affirmée avec tout ce qu’il faut en terme d’ingrédients pour que la formule nous galvanise bien vite les oreilles : voix à gorge déployée, riffing en mode parpaings, un son sous testostérones taillé par Serge Morattel, soit un mec qui a bossé sur un paquet d’albums géniaux (Knut, Ventura, Year Of No Light, Houston Swing Engine...). La suite n’est pas en reste et même si elle n’est pas surprenante, elle demeure aussi fracassante que ce premier titre en forme de prise de contact carnassière, entre les accalmies, les retours de flamme, les coups de sang qui n’en finissent pas d’accaparer les oreilles, l’attention ne faiblit pas et ce jusqu’à la dernière piste de l’album intitulé «Epilogue» qui dure près de 13 minutes : un riff
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BEN LUKAS BOYSEN Gravity (Ad Noiseam)
ment ataraxique. Entre minimalisme feutré, raffinement gracile et élégance satinée, «Nocturne 1» puis «To the hills» développent la trame narrative de ce qui ressemble alors de plus en plus à la bande-son d’un film qui resterait à être tourné. Mais surtout, ce qui frappe à la découverte de Gravity, c’est la capacité qu’a son auteur de distiller des mélodies qui confinent au sublime avec une constance étourdissante.
On n’insistera jamais assez sur l’importance qu’ont certaines structures défricheuses de talents et nouveaux horizons sonores sur notre quotidien de mélomanes plus ou moins avertis : ces labels qui, en plus d’étancher en permanence notre soif de découvertes, nous abreuvant de pépites sonores mettant nos sens en éveil, le font avec une régularité effarante, une ligne éditoriale à l’exigence plus ou moins expérimentale irréprochable, ce, en adoptant un modèle économique quasiment pérenne. Là on pense invariablement à Ad Noiseam, Denovali Records et quelques autres et c’est ici le premier nommé qui revient encore une fois (comme souvent) sur notre radar, avec une nouvelle production : Gravity signé Ben Lukaas Boysen. Plus connu dans les sphères électroniques sous le pseudo de Hecq par le biais duquel il s’est déjà rendu responsable de nombreux coups d’éclats soniques, l’Allemand œuvre ici sous son nom propre en s’éloignant assez clairement de ce qui a fait son succès (mérité) avec un disque d’ambient/post-rock aux discrètes touches électroniques (difficile de chasser le naturel) et à la classe incomparable. Un petit chef-d’œuvre qui dès l’inaugural «Only in the dark» fait succomber l’auditeur dans un état de coma semi-conscient certes mais complète-
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Un «You’ll miss us one day» néo-classique et magistral lorsque les notes de claviers viennent pleuvoir sur la partition, Ben Lukaas Boysen y va en douceur, égrenant ses compositions sur du velours avant de lâcher la merveille absolue de l’album. Le morceau qui lui donne son titre et qui, quelques six minutes et seize secondes durant, met tout le monde en orbite interstellaire. Impossible de s’en remettre et pourtant, il faut bien continuer à explorer les méandres de l’œuvre du petit génie qui en profite pour aller encore un peu plus loin dans son cheminement créatif avec «Eos» et «Nocturne 2». Soit deux nouvelles pièces d’orfèvrerie sonore pour lesquelles le génial compositeur/producteur et sound-designer fait encore une fois des merveilles avant de boucler la boucle sur l’ultime et quelques fois énigmatique (mais étrangement fascinant) «The Behinian gospel» final. La (très) grande classe. Aurelio
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OWEN TEMPLE QUARTET Rot in the sun (Casbah Records)
Bref, c’est un disque sous influences, encore une fois, mais définitivement du bon boulot et une excellente découverte pour un genre pas si commun dans l’hexagone. Après, on vous laisse statuer sur la pochette qui n’est pas forcément d’un grand ravissement pour les globes oculaires... David
Owen Temple Quartet est un quatuor éclaté un peu partout en France (Valence, Grenoble, Paris, Lyon...), cela ne les empêche pas de sortir un album abouti. Sous influences mais abouti quand même. Dès le premier titre, ces fameuses influences nous sautent à la gueule, notamment au niveau de la voix où le mimétisme est flagrant. Il est en effet difficile de ne pas penser à Nick Cave et son projet Grinderman, sauf qu’Owen Temple Quartet aborde sa musique avec un esprit foncièrement rock’n’roll qui fait désormais cruellement défaut au daron australien. Bref, Rot in the sun pourrait être l’album que vous attendiez depuis quelques décennies. D’autant plus que le groupe enfile les perles, que ce soit le premier titre intitulé «Saeta» qui entame les rock-stilités avec une introduction en mode Amérique profonde ou «Rot in the sun», une torpille rock’n’roll enfiévrée que ne renierait pas un Jon Spencer Blues Explosion. Sur les pistes suivantes, le groupe a l’intelligence de varier le propos et les sonorités, notamment sur la dark ballade «Men with coats thrashing», un des moments de l’album, ou sur le mid-tempo «My wild spanish love» qui captive également assez vite l’attention durant les premières écoutes.
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INTERVIEW
INTERVIEW >
SONS OF BUDDHA
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Chouette, c’est le retour aux affaires de Sons Of Buddha ! Ce «all star band» made in Serrieres sort en septembre Didoudam, troisième album aux mélodies entêtantes et aux riffs Ramonesques. Avant une tournée du groupe aux quatre coins de l’hexagone, c’est Forest Pooky qui s’y colle pour répondre à quelques questions. Do It Forest !!!
tions d’emplois du temps difficilement compatibles, SOB à été un peu laissé de côté. Quand on totalise une participation à 11 projets musicaux pour trois individus, c’est assez compliqué de se retrouver ! Ceci dit, on prévoit d’user les pneus du van après la sortie de Didoudam en septembre !
Salut Forest. Ça roule mon gars ? Avec Ed et Pat, vous revoilà aux affaires avec Sons Of Buddha. Premier album en 2005, deuxième effort longue durée en 2008, et enfin Didoudam en 201 3. Que s’est-il passé depuis Buddha hates us all ? Salut Sportif. UncommonMenFromMars, Ta Gueule, ISP, Cannibal Mosquitos, Bad Chickens, The Black Zombie Procession, Annita Babyface and the Tasty Poneys, Forest Pooky, Opium du Peuple, Supermunk et Napoleon Solo. Voilà tous les groupes dans lesquels nous jouons, ou avons joué, ces 5 dernières années. Pour des ques-
Le premier album a été enregistré par toi et ton frangin Ed. Est-ce également le cas pour ce nouveau disque ? La répartition des rôles en studio est-elle dorénavant plus équilibrée avec Pat ? Lors de l’enregistrement du premier album Pat ne faisait pas partie du groupe, et les débuts de Sons Of Buddha étaient vraiment issus de notre envie de jouer ensemble, Ed et moi. Ceci explique cela. Aujourd’hui, nous avons un réel équilibre démocratique, on met tous nos compétences au service du groupe : Ed bricole le son de guitare, Pat fait des blagues, et la cuisine c’est pour moi.
Tu connais mon niveau en anglais, et comme je concocte cette interview un peu à l’arrache et que Tiff, pendant ce temps-là, matte un film, je ne vais pas la déranger, alors je te pose directement la question : les textes de SOB, ça parle de quoi ? Je ne veux pas que cette interview se change en spoiler alors je ne vais pas tout te dévoiler. Ceci dit, Ed s’est penché sur la question des loyers peu chers des maisons en bordure d’usines nucléaires et sur la perte de cheveux. Pat de Serves a voulu mettre en lumière la théorie du Didoudam, et je me suis employé à expliquer pourquoi je ne me souvenais jamais des noms de groupes que j’écoute et que j’aime. Des textes instructifs, ludiques mais surtout chantants. N’est-ce pas l’ami Kepi Ghoulie qu’on entend fredonner sur «Dance, dance, dance to the radio» ? Tu peux m’en dire un peu plus sur la connexion ? Vous avez assuré son backing band sur sa dernière tournée européenne, et je crois que tu vas bouffer du bitume à la rentrée avec lui ? Thibault (Wild Card Booking) a fait un rêve lors d’une chaude nuit de l’été 2012, celui de nous voir avec Kepi en tant que backing band. Un projet qui s’est fait. Une tournée d’une vingtaine de dates en janvier dernier. Kepi est quelqu’un d’exceptionnellement positif et c’est viral. On a tous pris beaucoup de plaisir, Kepi, nous, mais aussi tous ceux qu’on a croisés sur la route. «Dance, dance, dance, dance, dance to the radio» est une reprise du groupe M.O.T.O que Kepi nous a apprise en plein concert. Assimilation agréable et facile sur deux notes, jusqu’à ce qu’il annonce : «FOREST, SOLO!!» Là, j’ai perdu pied. Qu’il chante sur l’album, et sur ce titre, nous permet entre
INTERVIEW
Quand le premier album est sorti, je trouvais (je te rassure, c’est toujours le cas) ce groupe tellement classe que j’avais peur d’un projet éphémère, quelques concerts et hop, disparu. Pourtant, presque dix ans après, vous êtes toujours là : considères-tu SOB comme une récréation ou est-ce maintenant un projet que tu as envie de développer et de faire décoller ? Pour moi la récréation n’est pas une opposition au développement, au contraire. Le jour où je ne m’amuserai plus en jouant dans ce groupe, j’arrêterai. Mais un projet qui n’avance pas n’est pas amusant alors on fait les deux. Si ta question fait plutôt référence à un «plan de carrière», le voici : nous voulons tourner, vivre de nouvelles expériences et rencontrer de nouvelles têtes. Notre seule ambition est que ce groupe dure. Pour le reste on vogue au gré des opportunités.
autres plaisirs, d’avoir un souvenir amélioré de cette tournée. On prévoit de multiplier les collaborations dans un futur proche. En octobre sort un split 12» collector, «Kepi Ghoulie & Forest Pooky» qui sera accompagné d’un gros mois de tournée en Europe. Puis en juin 2014, on va peut-être remettre le coup du backing band au goût du jour mais sur une période plus longue cette fois. Mon informateur pas toujours fiable et légèrement ailurophobe m’a dit que vous étiez rentrés en stud’ pour enregistrer Didoudam avec uniquement quelques morceaux en magasin et que vous aviez fait le reste un peu au dernier moment : travailler dans l’urgence, c’est une des recettes de la fraîcheur de SOB ? Disons que c’est littéralement la «guerre des emplois du temps» chez Sons Of Buddha. Du coup on n’a eu que très peu de temps pour composer et donc, très peu de titres en stock. Le studio était calé, on n’avait pas d’autre choix que d’en ressortir avec l’album. (Ton informateur est un bon). On a terminé, peaufiné et parfois complètement écrit certains morceaux pendant les pauses déjeuner ou le soir. Quand Pat nous a rejoints pour ses prises basses, ses doigts de fée n’ont fait qu’une bouchée des chansons qu’il découvrait. C’est sans doute grâce à ça qu’on reste jeunes et frais, oui. Et aussi parce qu’on porte des casquettes à la mode. Didoudam. Intéressant... Pourquoi ce titre ? Quelle signification ? Et pourquoi cette pochette ? C’est un hommage à Patrick De Serve, un artiste poète du 18ème siècle malheureusement méconnu du grand public. C’est aussi le titre de la chanson pour laquelle nous avons mis ses textes en musique. La pochette c’est lui, avec ses deux enfants. J’ai écouté l’album une paire de fois, et ce qui en ressort, c’est que vous êtes les rois de la mélodie. Tu me fileras à l’occasion l’adresse du prof’ qui donne des cours particuliers à Serrières. Comment composezvous ces petits bijoux pop punk ? Répètes intensives tous les mardis de 18h à 20h ? Chacun bosse dans son coin ? Morceaux pompés d’un obscur groupe punk d’Afghanistan ? Dans tous les cas de figure, on compose assez rapidement et plutôt en répète, mais ce n’est pas une science exacte. On aime les idées spontanées, simples, fun à jouer et à écouter. La plage horaire des répètes, ça se passe en général en studio, entre midi et deux. Lolo Dirty Witch, en plus de sortir ce troisième album, vous a concocté une bonne petite tournée pour promou-
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INTERVIEW
voir le disque. Cette question rejoint certainement une des précédentes, mais ambitionnez-vous d’intensifier l’activité de SOB, quitte à en faire une de vos priorités et de tourner intensivement ? On a tous plusieurs groupes qui ont/vont sorti(r) des albums et vont vouloir tourner donc on est plutôt dans une optique d’organisation méticuleuse qui permettrait à tous les projets de fonctionner. La priorité est la diversité, la survie de tous les projets. La suractivité d’un groupe en ferait suffoquer 4 autres. Mais il est certain que SOB va tourner plus qu’avant grâce à ce fonctionnement et on en est tous ravis. Au milieu de tout ça, je vais abandonner mes copains sur la tournée de release, le temps d’une soirée, le 25 septembre pour faire un set Forest Pooky à Paris, en première partie de Frank Turner, au Divan du Monde. On n’est pas complètement rigide non plus ! Question intéressante (si si, tu vas voir) : vous enchaînez sur le disque sans sourciller un titre Ramonesque hyper fun (« Gérard Depardieu » un de mes préférés du disque) et un tube au chant dont tu as le secret, puissant et poignant (« Five minutes ») : penses-tu qu’il s’agisse d’une nécessité pour SOB de jouer sur ces deux tableaux, le fun et le poignant ? Ce mélange est très naturel chez SOB, ça découle tout simplement du fait que l’on fasse ce dont on a envie. On n’a pas d’autre pression que celle que l’on décide de se faire subir. Et aussi qu’on s’en foute un peu. «All my friends are losing their hair». Excellente chanson. Mais putain, après «I have been kidnapped by aliens (they cut my hair)» que tu joues dans ton répertoire solo, on dirait que tu fais une fixette sur les cheveux. Besoin d’une psychanalyse ou juste envie de faire déprimer tes potes vosgiens subissant cet aléa de la vie ? Je vois ce que tu veux dire. Psychanalyse pourquoi pas, mais pour le coup, c’est Ed qui a écrit ces textes et s’il s’est servi de l’image des cheveux qui tombent, le sujet n’est pas du tout le même. Ici, il est question de nostalgie, d’une certaine déception, des années qui passent et qui altèrent les priorités et les discours de ses proches. Toi et Ed êtes de sacrés vocalistes avec un sens prononcé pour les émotions et les mélodies. Comment ça se passe au niveau de la répartition du chant sur les morceaux ? Ça tire à la courte paille ou c’est au feeling ? On laisse une grande place à la spontanéité et au feeling, comme vous dites dans les Vosges. En général,
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chacun chante les textes qu’il écrit. Dans l’urgence, il me semble plus évident d’être sincère en chantant un texte écrit de ta main. Ceci dit, le morceau demande parfois qu’on fasse un duo de derrière les fagots. Voili voilou, c’est un peu décousu mais tu as aimé quand même hein ? Tribune libre, à toi d’en rajouter une couche ou de remercier le W-Fenec à ta façon. Merci pour ton intérêt qui persiste malgré les années et si tu portes des «black suits», on sait que tu portes toujours tes «black t-shirts» !!! (cf. «All my friends are losing their hair»).
Voilà une rentrée riche en actualité pour SOB. Tu sais donc ce qu’il te reste à faire. Merci à Forest pour sa disponibilité et Lolo Dirty Witch pour la bonne idée. L’album complet est en écoute sur bandcamp !!! Gui de Champi
LES DISQUES DU MOIS
SONS OF BUDDAH Didoudam (Dirty witch) prend toute dimension) ou pour enchaîner cinq accords à fond les ballons sur fond de paroles à mourir de rire (le déjà cultissime «Gérard Depardieu»). Le talent de ce groupe pour transformer un riff en un tube est déconcertant. Et presque énervant.
Bon, ma mission est de te dire tout le plus grand bien de Didoudam, troisième album des fantas(ti)ques Sons Of Buddha en 3500 signes. Chaud. Surtout qu’au moment où tu finiras de lire cette phrase, j’en aurai déjà cramé 225. Alors je vais tenter de faire le boulot avec la plus grande dignité possible pour te donner l’envie d’acquérir ce disque au stand du groupe lors d’un concert ou site de Dirty Witch. En même temps, je ne vais pas me forcer pour dire le plus grand bien de Didoudam. Car ce troisième effort des frangins Ed (batterie)/Forest (guitare) accompagné de Pat (basse) est frais, énergique, mélodique, fun et prenant. Tout ça dans une même galette mon gars. Un concentré de punk rock/power pop à en faire pâlir les amateurs de vocaux parfaits et de refrains coup de poing. Dix plages composent Didoudam : une introduction (dispensable) et neuf chansons composées dans l’urgence, sans prise de tête mais à la qualité irréprochable. Comme souvent, Sons Of Buddha fait des merveilles quand il s’agit de pondre une putain de mélodie qui te trottera dans la tête toute la journée («Stick around», «Last night»), pour enquiller des titres courts et allant à l’essentiel («I don’t want to know», «Last night», le formidable «Five Minutes» où le charisme vocal de Forest
Mais il ne faut pas se fier aux allures ramonesques et faciles à appréhender des titres composant ce disque. Ces trois mecs ne sont plus à présenter, et plutôt que de réciter la liste des groupes dans lesquels ils jouent ou ont joué (il te suffit de lire l’interview de Forest Pooky dans ces bonnes pages), je préfère m’enthousiasmer à l’écoute de l’énorme boulot au niveau des voix (le véritable «plus» de ce groupe). La puissance vocale de Forest fait office d’un véritable quatrième instrument sur ses parties solos («Five Minutes», «Last night»), tandis que la voix mélodieuse et acidulée de l’ami Ed fait mouche à tous les coups (le tube «All my friends are loosing their hair», «Gérard Depardieu»). Alors imagine quand les deux s’entremêlent, ça fait des dégâts. Cerise sur le gâteau, la participation de Kepie Ghoulie (Groovie Ghoulies) pour l’excellente reprise de «Dance, Dance, Dance to the Radio» des M.O.T.O. Sons Of Buddha est un groupe de punk rock comme je les aime : tu sais déjà ce qui t’attend quand tu enfournes la galette dans le mange disque, et tu ressors pourtant de la première écoute conquis et agréablement surpris de par la qualité des compositions et des arrangements vocaux. Je te conseille de jeter un coup d’œil du côté des paroles et de le lancer le disque en mode «repeat» : je peux t’assurer un bon moment en compagnie d’un groupe que j’espère le plus présent possible sur la route pour communier autour de la divinité punk rock. Par contre, les gars, faudra peut-être penser à changer de graphiste, c’est pas sérieux tout ça. Au fait, j’ai rédigé cette chronique en 3150 signes. C’est tout. Gui de Champi
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lité, le pass ne sert pas à l’entrée principale mais permet l’accès à une seconde enceinte que nous découvrirons plus tard. Ici se côtoient festivaliers et vacanciers venus profiter du lac, la fête tenant place à Cap Découverte, parc de loisirs autrefois mine de charbon à ciel ouvert. Un endroit idéal pour accueillir le festival sur plusieurs plans, sans prendre en compte sa lourde histoire et le côté symbolique tiré par les cheveux que cela engendrerait. Il dispose d’une maison de la musique et propose diverses activités liées aux sports extrêmes auxquels le logo fait fortement penser, tels le skate, le BMX ou le roller. Afin de rejoindre la mini-scène sur laquelle joueront les plus petits groupes en guise d’introduction durant ces deux journées, nous devons d’ailleurs traverser le skate park, ce qui donne un petit côté vivant aux larves suintantes que nous sommes sous ce soleil de plomb.
XTREME FEST Pour une première édition, on peut dire que l’Extrem Fest a visé juste ! Comeback Kid, Suicidal Tendencies, The Toy Dolls et bien d’autres ont répondu présents à l’appel de l’asso Pollux d’Albi pour agrémenter une affiche éclectique et électrique. C’est Vanessa (la «p’tite», cf notre compte rendu du Hellfest 2013) qui a passé les deux jours en compagnie de cette joyeuse troupe. Et voilà comment ça s’est passé... Arrivée vers 15h20 sur les lieux, le temps d’écouter les explications au sujet du camping distillées à l’entrée du parking (pose de bracelet et distribution du plan), de se garer et hop ! Nous voilà partis pour le festival. Un entrain rapidement entaché par les 25 minutes de marche en plein soleil, mais vite retrouvé à la vue du site. En réa-
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Il est 16h ! Les toutes premières notes de musique débutant les festivités sonnent. Gasmoney est sur la Skate park stage. Un groupe du coin, d’Albi plus précisément, formé en 2010. Les influences américaines se ressentent un peu trop. On passe de titres aux sonorités blues au rock alternatif, au stoner. Nirvana, Audioslave, Clutch viennent en tête... de bonnes références, certes ! Elles ne sont cependant pas assez digérées à mon goût ; il manque un truc, quelque chose de personnel à ces compos qui néanmoins fonctionnent. Dommage, j’ai vraiment envie d’apprécier ces bonnes gueules. Il faut quand même dire qu’être programmé à cette heure alors que peu de monde est arrivé (préférant très certainement le frais ou la baignade) ne les aide pas à mettre en place une atmosphère propre à ce son. Ils assurent le live face à une vingtaine de personnes proches de la scène en train de se liquéfier. La motivation du groupe ne suffit pas à stimuler le public, leur courage étant à saluer. L’évolution du groupe reste à suivre. Je pars à l’ombre pour le quart d’heure de pause puisque le prochain tour aura lieu sur la même scène. 17h, c’est l’heure de Necrocult. La formation qui évolue dans un mélange de black et de death a pris vie en 1994 dans le Tarn. On reste dans le local avec des musiciens
L’ouverture des vraies portes est prévue à 18h pour Nolentia et son live à 18h15. Forcément, ma précipitation et mon impatience m’ont fait attendre devant la scène, comme beaucoup. Première constatation en entrant : il y a de quoi manger !!! Petite précision aidant à la compréhension de mon enthousiasme : en plus d’être un ventre sur pattes, je suis végétarienne... Ayant survolé les informations concernant l’organisation sur le site internet, je n’avais pas trouvé de réponses à ce sujet ; il était simplement précisé qu’il valait mieux prévoir un pique-nique pour le dimanche midi et que le petit déjeuner serait assuré au niveau de l’espace campement. Je me suis donc posé des questions à la vue de ce message « sortie définitive » inscrit sur mon bracelet... me voilà bien rassurée et parée pour le véritable commencement ! Juste le temps de passer faire un petit coucou à Mister Cu au stand Kicking Records et je m’y jette. Reprenons là où j’en étais avant de me perdre dans cet aparté dînatoire... Nolentia va chauffer l’Outdoor stage, à base de grindcore. Né en 2007 à Toulouse et avec deux albums à son actif, on attend de Nolentia une sacrée patate, et ça ne loupe pas. L’humour est aussi bel et bien présent. La démonstration d’une belle complicité scénique est faite. Le bassiste et le guitariste sont «Xtrêmement» souriants, le batteur se déplaçant même pour parler durant les remerciements. On a droit à une petite blague du guitariste demandant à éteindre le spot qui le gêne, pointant du doigt le soleil. Ils savent apporter attrait et dynamisme à une musique qui pourrait lasser plus d’un novice par des coupures pleines de sympathie, malgré
quelques problèmes techniques. Plus de son de basse ! Ce n’est pas grave. Raf saisit son micro, se concentre sur son chant et un jeu de scène improvisé... hey ! Voilà l’esprit grindcore ! On se retrouve en chant/guitare/batterie. Bon, il ne faudrait pas que cela arrive trop souvent non plus. Toujours est-il qu’ils ont bénéficié d’un bon accueil du public qui a vécu un agréable moment. Et moi aussi !
REVIEW
bien ancrés dans leur style. Je dois bien avouer avoir peur de l’ennui au démarrage qui me semble un peu longuet. Sensiblement plus de monde se présente par rapport au concert de Gasmoney, un accroissement qui se montre progressif au fur et à mesure du concert, tout comme mon «entrée» dans le set. Les deux chants ont beau être stéréotypés, ils se complètent parfaitement, créant une harmonie lors des parties les plus intéressantes : celles chantées en choeur. Les musiciens tiennent la scène à trois et ont l’air heureux d’être là. Avec les parties qu’ils ont à jouer, aucun jeu de scène ne peut attirer notre attention et malheureusement, les conditions n’aidant pas, je sors facilement de la prestation. L’ambiance manque cruellement et la chaleur occupe trop mon esprit. Lors des multiples passages du pulvérisateur humain, nous rafraîchissant avec sa bruine, je perds le fil, n’ayant d’yeux que pour son bidon. J’espère les revoir dans d’autres circonstances dans le but de les apprécier. Ils ont du mérite, cela ne fait aucun doute !
Maintenant, nous n’avons plus droit à la pause syndicale (?!) étant donné que les concerts se jouent en alternance sur deux scènes bien distinctes. Après 30 minutes de réjouissance, me voilà partie à la découverte de la Main stage pour Légitime Défonce. Seule scène à l’intérieur, il ne va pas y faire frais bien longtemps. J’ai quitté Nolentia à sa toute fin si bien que Légitime Défonce a déjà entamé son set. Mon côté rabat-joie va prendre le pas sur deux lignes : 5 minutes de battement suite à chaque concert seraient les bienvenues. Je n’aime pas rater le début (en l’occurrence un demititre... je pinaille !) ou passer à la trappe la fin d’un set pour être à l’heure, surtout qu’eux le sont. Je retrouve ainsi les punks toulousains, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a de l’ambiance dans la salle. La bande, fondée au milieu des années 80 pour une première vie d’une quinzaine d’années, est en pleine reformation. Ils ont la pêche, ça fait plaisir. Je ne connais pas toute la discographie du groupe et pars avec un handicap. Sur le rendu live, j’ai un penchant pour les titres les plus anciens du genre «Indésirable», annoncé comme datant de 1988. Question d’état d’esprit ! Du punk à bière qui passe plutôt bien dans la fosse, le public sautille et pogote gentiment. Un jet de bière fuse sur le groupe, un acte pris avec le sourire. Plus tard, trois jets de nature(s) inconnue(s) (Alcool ? Eau ?) entraîneront une réaction moins souple de la part du chanteur : un blanc suivi d’un petit « c’est quoi ça ?! » lâché délicatement avant de reprendre de plus belle. « Finir sur NRJ » amplifie le pogo. Une énergie qui, du reste, ne faiblira pas jusqu’à la fin. Des festivaliers peuvent monter sur scène, et un mec en profite pour se prendre en photo avec le chanteur qui, imperturbable, prend la pose en jouant. Décidément, nous nageons dans une humeur des plus enjouées. Quelle belle mise en bouche ! Allez, si on ressortait pour Trepalium ?! Force est de constater que là dehors, c’est beaucoup moins fun. Du death metal groovy qui a 13 ans d’âge. Il paraît que le son devrait me donner envie de danser... apparemment, l’inefficacité sur ma propre personne est aussi palpable dans la fosse et sur scène. Une ambiance plus posée,
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REVIEW
des spectateurs ne bougeant que sur demande de se déplacer vers l’avant-scène. Un son propre et lourd, il n’y a pas à dire. Cependant, face à un chanteur statique et une joie non communiquée, j’ai une fâcheuse tendance à m’embêter. Les musiciens bougent un peu sans être franchement expansifs, et la communication fait défaut
de manière physique et orale. Sur la première moitié du live, le groupe ne s’adresse pas suffisamment au public. Une petite vanne à propos du manque de bière sur la route tombe à plat. Je ne comprends pas trop ce qu’il se passe et voudrait vraiment apprécier... en gros, ça tombe à l’eau. Et en regardant bien, je ne pense pas être la seule à passer à côté : les personnes en train de se mouvoir ne comptent que les quatre premiers rangs. Cette heure m’a paru bien longue. A 20h30, Dying Fetus joue sur la Main stage et attention, on passe aux choses sérieuses. Il marque la cassure avec le reste de la programmation puisqu’il est le premier groupe américain de la journée à se produire. Il va savoir s’imposer au sein de ce festival comme le groupe qui va mettre une grande claque à de nombreux punks assistant à la branlée du jour. Eux-mêmes l’avoueront. Un mélange de death, de grind et de hardcore qui, d’emblée, va mettre en mouvement les trois-quarts de la salle. Et ça fait du bien par où ça passe, les festivaliers se réveillent alors que la chaleur retombe. Les titres s’enchaînent, on peut clairement dire que ça envoie du lourd. Certes, barrière de la langue oblige, il n’y a que très peu de communication pour aller droit à l’essentiel. Ils ne sont que trois... et le son est massif ! De sacrés musiciens qui n’ont pas besoin de faire un show monumental pour en mettre plein la vue. Actifs depuis le début des
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années 90, ils ont éclusé le stock de remplaçants toutes ces années, le jeu en vaut la chandelle. En soirée, tous les concerts durent 1h... il est 21h30 quand, en direction de Belvedere, je me sens moins en confiance, étant en terrain inconnu. Classé dans les genres skate punk ou hardcore mélodique, je sens mon inculture m’envahir lorsqu’on me dit qu’ils ont posé des codes et influencé de nombreux groupes. Je tombe des nues... il est vrai que Green Day, Blink 182 ou Sum 41 sont des noms que j’ai en tête dès les premiers morceaux. Je ne suis pas attirée par cette forme de punk, cela ne me touche pas et j’ai beaucoup de mal avec la voix, avec les choeurs... ce n’est pas pour moi ! Musicalement, les Canadiens sont très intéressants, très propres. Ils sont dynamiques et le public a l’air heureux de la prestation. Ça sautille à tout va, un mini-pogo est en gestation à l’avant et restera à ce stade car le style ne se prête pas à une évolution des plus violentes. Reposant après Dying Fetus... et surtout avant Hatebreed ! Je quitte l’espace de l’Outdoor stage un peu avant la fin du live, privilégiant Hatebreed. Je sais, ce n’est pas bien... il fallait faire un choix et considérant Hatebreed comme une priorité personnelle, je ne voulais pas en manquer une miette. Question d’affinité ! 22H30. Hatebreed. Main stage. Je ne suis pas pro-américaine mais franchement... encore un groupe made in USA qui va nous secouer, et ce n’est pas peu dire. Le premier vrai circle pit se forme, d’une envergure de plus de la moitié de la salle. La machine Hatebreed emporte tout sur son passage. Leurs compos hardcore sont faites pour ça. Le seul gang qui fait chanter les gens le poing levé sur le refrain de nombreux titres phares tels «Destroy everything» ou «I will be heard». Une machine à tubes que je vous dis ! Je peux signaler un échec : une tentative de ola ratée ou un jeu de chant gauche/droite sur «Never let it die» pas très concluant. Peut-être le chanteur en demande-t-il trop à un public qui ne veut pas tant réfléchir mais simplement passer un excellent moment et se dépenser... on s’en fout ! Un vrai show à l’américaine qui met le feu, un Jamey Jasta au chant parfois un brin essoufflé mais que l’on arrête pas. Un instant festif tout en puissance permettant de se défouler, et un moment véritablement intense. Pour résumer
Oui, je me suis un chouillas emportée sur ce dernier report, je le confesse. J’ai voulu voir Hatebreed pendant X années ! Ce fut une belle occasion et je n’ai pas été déçue Et redescendre sur Terre pour voir Dagoba est très difficile. Du power métal... français (et marseillais pour être plus précise). On revient sur le territoire mais pas dans le terroir. L’envie d’écouter le groupe n’est pas là en ce qui me concerne, et en observant le manque de vigueur au sein de la fosse, je me sens moins seule. Ils ont fondé leur lignée fin des années 90 et j’ai l’impression qu’ils sont restés coincés dans cette décennie, musicalement parlant. Il y a une bonne communication, le chanteur ne parle pas trop, juste ce qu’il faut. Cela ne suffit pas à stimuler mon intérêt et je ne peux pas « aimer » un groupe juste pour son batteur. Un gros coup de mou pour moi, en somme, sûrement partagé par les autres festivaliers. Un pote me soulève à ce moment bien précis où j’hésitais à me poser avec ma bière. Je me retrouve sur les épaules d’un gars tout sec qui décide de traverser le public afin de m’amener tout devant, sans trop de difficulté. Je ne suis pas persuadée que cela aurait été possible sur Hatebreed. En attendant, j’ai bien fait marrer le bassiste et n’ai jamais descendu aussi vite une mousse. 0H30 marque la fin de Dagoba et donne l’alerte pour Comeback Kid. Des Canadiens pour du hardcore mélodique efficace. Ça bouge sur scène, ça bouge dans la fosse. Je vais vous agacer encore un tantinet mais on sent dans la salle que Hatebreed est passé par la Main stage. L’ambiance est toutefois à peine plus molle. Comeback Kid s’en rend compte puisque le frontman Andrew Neufeld va demander plus d’énergie, « comme pour Hatebreed » (dixit le nerveux chanteur). Pourtant, je trouve que le son est un poil meilleur, plus clair et limpide, se prêtant carrément à la musicalité du groupe. Là aussi, ça gigote bien sur scène, entre les allers-retours du chanteur et les bonds des musiciens aux allures pour ne pas dire postures très punk. Un set vivifiant sur lequel je m’apprête à vivre l’une des premières fois de ma vie [encore ?!!]. Un mec passe devant moi, s’arrête, me regarde, me fait un petit « viens » de la main. Sans réfléchir, je réponds ok d’un mouvement de tête et le suis bêtement. A hauteur de la barrière il se baisse pour me faire la courte échelle. Je monte. Je me sens propulsée d’un seul coup dans les airs, supportée, allongée... mon premier slam ! Aujourd’hui les sensations ressenties ne
sont plus une énigme et je comprends l’envie de recommencer à peine à terre. Je m’extirpe du pogo juste pour l’avant-dernier titre, une reprise d’un titre de Nirvana, «Territorial pissings». Le punch dont ils font preuve donne un nouveau souffle à ce titre qu’il ne fallait pas oublier !
REVIEW
l’ambiance au sein de la fosse : un joyeux bordel. Hatebreed existe depuis 1993 et j’espère qu’ils continueront dans cette voie et avec cette forme pour un bout de temps !
Il fait chaud ! Cette lourdeur ne s’évacue pas de la salle, mais nous oui. En direction d’Uncommonmenfrommars, j’en profite pour respirer un peu et me remettre de mes émotions, tout en me préparant au groupe punk rock qui fait la fierté française depuis 1998 alors que trois d’entre eux sont nés aux Etats-Unis. Ce qui fait taire les mauvaises langues dont je fais partie disant qu’ils ont tout piqué aux groupes américains et canadiens, n’ayant pas de touche française ! Eh ouais, je vous avais bien dit que je ne ressentais aucun attrait pour ce type de musique. Objectivement, j’ai suivi tout le concert avec attention et je dois dire que j’ai été bluffée, tout en restant hermétique. Je m’explique ! Voici LE groupe qui a mis le plus d’ambiance dans la fosse de l’Outdoor stage ce samedi. Entre les gens explosés et les fans manifestement présents, tout le monde s’en donne à cœur joie. C’est fun, c’est festif et les plus petits gabarits peuvent participer car ce n’est pas violent. En dépit de la fin annoncée de la formation, les martiens assurent. Ils ont un son nickel, une attitude très pro, sont carrés et ont un jeu de scène bien rôdé pour leur style. Je n’ai vraiment rien à redire sur la prestation. Étant les derniers à jouer ils ont bénéficié de la prime bonus : le rappel. Complètement détachée de leur évolution et de leur histoire, j’ai tout de même ressenti un petit pincement au cœur lors des allusions sur le split. Il est l’heure d’aller se coucher ! ! ! Ou tout du moins de rentrer au campement... et plus précisément à la voiture, la tente n’étant pas installée. Pas question de se retaper les 25 minutes de marche, même s’il fait nuit. Nous optons pour un chemin de traverse, un escalier, et mettons aisément 10 minutes de moins qu’à l’aller. L’espace camping touche le parking, seulement nous décidons de manger un morceau avant de nous mettre au turbin, accompagné d’une bonne bière... ou deux, bien méritée(s). Ce qui finit par arriver, comme bien souvent : on paie des coups à boire aux passants, on discute et la tente n’est pas montée. Je me couche à 6h du mat’, le plus tardif de notre petite bande se décidant à pioncer à 7h30. Évidemment, nous dormons tous dans la voiture, et après un premier réveil à 8h30 [suivi d’une petite promenade courageuse], le soleil me lève définitivement à 9h30. Que c’est dur ! Nous émergeons à tour de rôle et
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REVIEW
finissons par prendre la route vers 11h30 pour Albi : une bonne douche, une sacrée plâtrée de nouilles et c’est reparti ! Bien que le manque de sommeil rende les deux jours en totale symbiose à mon esprit, nous sommes évidemment dimanche et commençons les festivités une heure plus tôt que la veille pour trois concerts consécutifs sur la Skate park stage. Me voici donc prête à écouter This Life, tout jeune groupe punk hardcore mélodique toulousain (rien que ça ?!) formé l’année dernière. Bon point pour eux : il y a plus de monde à 15h que la veille à 16h. Du hardcore basique qui envoie, suivant les codes pour un résultat extrêmement efficace. Les musiciens ont la frite sur scène, s’éclatent. Je pourrais nommer le bassiste Zébulon tant il génère un tonus communicatif. Ils sont sympathiques, avenants, expliquent que la vente de leurs t-shirts se passe à la buvette et proposent une discussion après la prestation. Ils sont au point.
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envoyer leur punk hardcore au visage. Je ne les connais pas et les prends pour des petits jeunes, en fait la formation date de 2005... le chant peut surprendre au premier abord, un timbre particulier qui crée un décalage avec le style. Un plus comme un moins, je m’y fais au bout de deux-trois titres malgré quelques faussetés et passages calés bizarrement sur certains morceaux. Oubliant le climat un instant, ils ont un réel désavantage qui me fera passer outre ces petits défauts : ils arrivent tout droit d’Italie, encaissant 27 heures de route pour cette dernière date ajoutée à leur tournée. Chapeau ! Ils ont l’air sympathique, jouent avec le sourire et font preuve d’humour quant à la chaleur étouffante, l’un des guitaristes se plaignant d’être le seul au soleil. S’il y avait du monde au début, les compos entraînantes ne retiennent pas les gens qui partent progressivement, et c’est bien regrettable. Je vous confie au passage mon coup de cœur pour le t-shirt rouge arboré par le chanteur... qui est à l’effigie de Minor Threat !
La chaleur est à son comble. Je pensais qu’elle serait moindre en comparaison à samedi... il n’y a pas d’air. Dur dur de se lever pour Trashnasty, après avoir passé un petit quart d’heure assise à l’ombre, à comater. Je prends mon courage à deux mains pour finalement déchanter à l’écoute de ce death métal dont le son ne sera décidément pas épargné sur cette scène, à l’instar de celui de Necrocult presque 24h avant. Je ne prends pas le parti de dire que la fournaise ayant envahi la zone ramollisse les personnes assistant au live, ni même d’indiquer que le temps tue l’ambiance nécessaire au death métal... je jauge surtout la qualité du son et pense que l’espace n’est pas propice à ce genre musical, vu que les autres groupes ont un meilleur rendu. Trashnasty perdure depuis 1993, je compte bien avoir l’occasion de les revoir dans un futur proche. En attendant, je m’installe dans l’herbe, à l’ombre, cédant à une courte sieste non négligeable vu que la soirée s’annonce chargée.
Si la mise en jambes se termine sur une bonne note à 17h40, l’aire principale ne nous accueillera pas avant 18h. Je file retrouver Sid, responsable média (entre autres) pour une rencontre cordiale et enrichissante, entretien accompagné d’une bière... qui me fait arriver tout juste pour Stride Against Lies, groupe de métal hardcore basé à Albi, actif depuis 2009. En dépit du monde présent, personne ne s’avance dans le pit, permettant à un photographe de s’amuser à courir appareil photo en main parmi les quelques acharnés du défoulement physique. Pourtant, avec Stride la communication se fait à base de blagounettes. Ça chambre (sur l’accordage de la guitare d’Arno), ça « danse » dans la fosse, ça discute, ça grimace. Tout cela amené par JeeJee, le chanteur. Le sérieux des autres membres du groupe contraste un peu trop avec cette animation enthousiaste. J’ai l’impression que l’entertainer mène la bataille seul. En dehors de ça, le son est lourd et franc, Jeejee tient vocalement la scène, et ça envoie. En moins de 30 minutes, le job est fait.
A 16h50 le vaporisateur fou fait des siennes, nous réveillant alors que nous nous étions assoupis sous les arbres ! Un réveil en trombe car j’entends les instruments de No Guts No Glory et pense illico avoir tout loupé. En voyant l’heure, je me rends compte qu’il ne s’agit que des balances. Je me dirige vers le groupe sur ce coup de nerf avant de m’en retourner dans les bras de Morphée. J’attends péniblement qu’ils soient prêts, sous le soleil brûlant encore en fin d’après-midi. Le set débute à 17h, les petits gars de Valence sont à l’heure pour nous
De retour vers la Main stage, un instant marquant se profile en compagnie de Drawers. Durant ces derniers mois, il y avait toujours quelqu’un pour « liker » Drawers sur Facebook. Je n’avais pas pris la peine d’écouter ce qu’ils font me disant qu’il y avait suffisamment de monde pour apprécier. Prenant cette mission de report à cœur, je m’y suis mise peu avant de quitter Paris et fut surprise d’écouter l’album «All is one» une seconde fois, d’affilée. Suis-je un mouton ? Eh bien non ! Un qualificatif injustifié lorsqu’on parle de qualité, un concert
simple geste, en tendant les bras. Le son est propre et la voix impressionnante de puissance. Les superbes lights mettent en valeur le style. Les métalleux représentent une masse captivée par ce qu’elle voit et entend. Personne ne bouge, hypnotisé par l’événement. Personne ne sort. J’en aurais bien repris pour un quart d’heure de plus, 45 minutes de set, c’est bien court ! C’est en 2006 que les toulousains débutèrent leurs évolutions dans le sludge avec Drawers, et je leur souhaite longue vie dans le milieu ! Sortie de la salle à 19h30, je décide de manger un morceau, manquant The Decline et échoue lamentablement
dans le but que je m’étais fixée : essayer de tout voir. Un choix pris dans la conscience absolue de ce qui suivrait le soir-même. L’affiche étant plus importante, il me faut reprendre des forces. J’en profite pour écrire un tantinet sur le repas. Disons que samedi les vivres étaient insuffisantes, pas mal de personnes n’ont pu être rassasiées et comme nous étions coincés par la mention « sortie définitive », il fallait attendre 3h du matin ou quitter définitivement les lieux (enfin, jusqu’au dimanche 18h) pour manger. L’orga s’est avérée très efficace sur le coup, un stand de sandwiches américains/ frites étant installé en renfort du camion vegan déjà présent la veille. A la vue de l’assiette végétalienne, j’éprouve une certaine appréhension : n’aurai-je pas un gros creux avant la fin de la nuit ?! Bien que le riz et son rougail soja m’aient tenu au ventre jusqu’au bout de la soirée (sans oublier les trois tronçons de pain pris dans le panier), j’ai quand même englouti une demi-pizza en rentrant. Petite précision pour ceux que cela intéresseraient, autrement dit les non-végétariens : ils vendaient des (mini) sandwiches le premier jour au camion. Enfin ! Je suis désolée de faire l’impasse sur les Rennais... il est assez ardu de passer après l’impressionnant Drawers.
REVIEW
qui va me donner raison puisqu’ils nous livrent un véritable show ! Chacun a son jeu de scène et sait se mettre en place. Nous avons un guitariste-toupie plus solitaire sur la droite alors que le second guitariste et le bassiste sont plus analogues sur les déplacements, finissant même par monter de chaque côté du praticable de la batterie, l’encadrant sur le dernier titre. Le chanteur n’est pas en reste : un show-man qui présente même ses excuses à l’ingé-son suite à un larsen. Il sait encourager les applaudissements, voire les demander d’un
Je débarque à 20h30 à la Main stage prête à accueillir Municipal Waste, qui pointe son nez avec 10 minutes de retard. S’en suivront les 50 minutes les plus violentes du festival dans le pit. Je qualifiais la performance de Hatebreed de show à l’américaine... là, c’est encore plus grand ! Aux premiers accords, tout le monde décolle !!! Le circle pit prenant vie de manière immédiate au centre de la pièce en vaut les deux-tiers. Inutile de dire que je me suis retrouvée éjectée. Il y en aura de nombreux durant le set, sans parler du wall of death qui s’étendra sur les troisquarts de la salle. Chez Municipal Waste, tout passe par les lights et par la communication. Je pense que le laps d’attente a bien fait monter la foule en pression, ce qui a rendu le choc plus terrible dès les premières notes. En tout cas, tout le monde est très coopératif. Tony Foresta sait s’adresser aux gens. En présentant le titre «Terror shark», il mime un aileron de requin à l’aide de sa main : nous apercevons alors plein de requins frétillants au sein du pit sur tout le morceau. Il avait bien commencé en alignant ces quelques mots : «y a-t-il des gens qui boivent toute la journée ? Y a-t-il des gens qui boivent toute l’année ? Forcément, sans histoire de beuverie, pas de déchets, et pas de Municipal Waste !» L’alcool
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REVIEW
coule à flots sur scène, est renversé dans la fosse. On peut noter de multiples gadins résultant de glissades incontrôlées lors des démarrages en trombe des circle pits ou du wall of death. La vision d’un ballon de piscine et d’une bouée donne lieu à une ambiance fest’ nimp’. Ils font allusion aux Toy Dolls, lancent l’appel S.T. pour Suicidal Tendencies, qui joueront sur la même scène plus tard. Ça ne doit pas être mal non plus du côté V.I.P. ! 12 ans d’activité pour ces américains thrash... l’alcool conserve m’a-t-on dit. Ils se retirent après un salut en avant-scène. La classe ! Suite à un live amputé de 10 minutes, Street Dogs est en place à 21h30 sur l’Outdoor stage, attaquant face à une fosse pleine. L’accalmie après Municipal Waste. En même temps, il s’agit de street punk donc ça sautille tout devant, sans plus. Le groupe manque de vivacité sur scène, ce qui n’est guère entraînant. La voix, le son et les compos sont séduisants mais me donnent plus envie de boire une bonne bière que de bouger, surtout sachant que les Toy Dolls sont programmés derrière, ne laissant pas de place dans ma petite cervelle à la moindre surprise concernant l’ambiance ! Je n’ai pas la tête dedans mais force est de constater que ça roule pour eux dans la fosse. Mike McColgan, ancien chanteur des Dropkick Murphys, a fondé Street Dogs en 2002, suit son petit bonhomme de chemin en ayant sorti 5 albums... là, j’admets que j’ai du mal à accrocher. Je dois dire que ma préférence va nettement aux Dropkick, même si la comparaison peut s’avérer hors sujet dans ces lignes. Ah ! 22H30... tea time ? Non ! Les Anglais débarquent !!! The Toy Dolls. Je ne pensais pas pouvoir être surprise sur ce live, les ayant déjà vus en juin dernier au Hellfest, en pleine Warzone... et pourtant ! La même orchestration avec 7 minutes de « retard » précédant la montée sur scène d’un roadie pour déclarer en français que le bassiste c’était fait mal (blanc de rigueur) mais qu’il allait quand même assurer le concert. Bande de comiques tiens ! Pas mal de transformer un fait en blague sur toute la tournée pour commencer avec une belle réaction du public. Les trublions du punk nous sortent des trucs et astuces durant le spectacle : de la mousse est soufflée en hauteur sur les côtés de la scène, un magnum de champagne géant bouché par deux énormes pétards arrive pour nous envoyer des cotillons, lors d’un changement de tenue Olga exhibe la magnifique fausse toison qui recouvre son torse... oui, j’ai déjà tout vu au Hellfest et ne le redécouvre pas sans plaisir. Ce n’est pas sur la prestation que je suis étonnée. L’ambiance est large-
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ment meilleure qu’à Clisson, la queue-leu-leu au sein de la zone n’y changera rien. Les gens bougent, dansent, sautent et chantent beaucoup plus. Il y a un esprit bon enfant. Nous sommes serrés comme dans une boite à sardines, cela n’empêche personne de s’amuser. A l’annonce de titres tels «Nellie the elephant» ou «Idle gossip», un regain d’énergie me submerge et c’est contagieux ! Ils sortent de scène à 23H28, les lumières s’allument à nouveau. Doit-on sortir ? Pas mal d’hésitation. A ce moment-là, je suis stupide de penser qu’ils ne reviendront pas pour 2 minutes. Avec les Toy Dolls, qui dit intro... dit outro, et elle n’a pas sonné ! Bing, les revoilà ! Un morceau puis l’outro. The end ! Il faut évacuer la salle. Nous sommes trempés, usés. Ce moment fun ultra-festif est stimulant et donne de l’espoir quand on pense qu’il existe depuis 1979 et tourne encore de nos jours avec autant d’excitation et de vivacité. De retour à l’extérieur, je respire et sèche sur Gorod. On repart sur du death métal (tiens, ça faisait longtemps !) bordelais formé à la fin des années 90. Une chose est frappante en les regardant : les membres du groupe jouissent d’une excellente complicité sur scène. Le bassiste se marre tout le temps, fait des grimaces. Ils ont de bonnes tronches. On voudrait bien y prendre part, seulement voilà, ils sont trop dans la performance. Des musiciens hallucinants. Tout a l’air tellement simple pour les guitaristes, leurs doigts glissent littéralement sur leurs manches enchaînant les accords en mode easy. Je reste de marbre et m’ennuie, différemment des métalleux qui m’entourent et apprécient pour des raisons qui me dépassent. Je n’entends que des commentaires sur les qualités techniques, la prouesse,.. Ils regardent si les parties sont passées avec facilité, les jalousant très certainement. Qui aura la plus grosse ?! Oups, je me lâche. Je recule un peu et m’aperçois qu’il y a beaucoup moins de monde derrière la table de mixage. La plupart sont partis s’installer, attendant Suicidal Tendencies. Les places assises sont chères dans les gradins. Il faut faire la queue et ne voir les concerts qu’à moitié... ah ça non ! Je préfère vivre le moment au plus gros et être complètement recouverte par l’atmosphère du moment. Quitte à être écrasée, éjectée, soulevée ou même frappée (parce que certains vivent la musique à 1000%). Le concert se termine. Je fonce pour le dernier live sur la Main stage. Il est minuit, l’heure du crime ! Partons plus sur : 0h30, Suicidal Tendencies débarque... les papas du hardcore sont là ! ! ! Toujours actifs depuis 1982 bon sang ! Aussitôt sur scène, ils montrent qu’ils sont les patrons,
Voici le moment tant attendu, le concert surprise ! Ou peut-être pas... inscrit de manière humoristique « groupe cerise » sur le site web officiel, j’aurais pu imaginer une direction drôle, festive... dans ce cas de figure, les Toy Dolls se seraient montrés exceptionnels. Je ne partais pas vraiment dans l’objectif foire. L’Opium du Peuple est donc la cerise sur le gâteau. Ils disent euxmêmes ne pas être un groupe à gros concerts, être là à la place de Pantera... la communication est axée sur le comique. Des blagues, des vannes «nous sommes un public de droite), des déguisements «le chanteur se change, notamment en Gros Corps Malade). Le public est mitigé : ceux qui restent trouvent l’intervention marrante ou boivent un coup VS ceux qui clairement « trouvent ça nul » (entendu mot pour mot) et décident de s’en aller. Personnellement, je trouve le personnage pas
très agréable, un peu hésitant, je ne me bidonne pas. Il faut dire que je suis arrivée sur «l’Hymne à Carmaux» et ses mineurs... l’atterrissage est un peu dur après S.T.. Ma déception n’en est que plus grande. A mon avis, il fallait rester sur la fin explosive de Suicidal Tendencies, l’apogée mise en place par le boss étant réellement représentative de l’ensemble de la programmation. D’excellents musiciens, drôles, sympathiques, hardcore... le point culminant rassemblant tout ce qu’il y eut de plus positif durant ce week-end. Bon allez, je zappe ce passage pour garder en tête la véritable clôture du fest et repars sur Albi dévorer ma pizza !
REVIEW
faisant scander à tout le public S.T., à l’unisson s’il vous plaît. Il faut atteindre la fin du festival pour voir la première paire de seins, en l’air, la nénette traversant la fosse assise sur les épaules d’un mec, inspirant d’autres nanas à se dévêtir sans enlever leur soutiengorge. Les fans sont venus à Cap Découverte, acclamant tout titre présenté, la moindre phrase, le plus petit geste. Une vraie folie. Et une fois de plus, les américains sont dans la place. Un solo de batterie à en effrayer plus d’un tellement Eric Moore l’exécute avec facilité et agilité, roulant les baguettes sous ses doigts, un vrai numéro de jonglerie. Le mec se pose là, une masse impressionnante que je n’aurais jamais cru aussi douée. A en faire pâlir plus d’un je vous dis ! Après quelques déboires dus à une sangle restée indomptée (maîtrisée par un roadie à l’aide de scotch), Tim Williams a le droit de pousser la chansonnette en solo sur l’intro de «I saw your mommy (...and your mommy’s dead !!!)», parce qu’il aime ça. Il ne manque plus qu’une seule chose pour un show parfaitement réussi : une invasion scénique. Eh bien pour le final, elle a eu lieu. Les spectateurs sont montés de part et d’autre de la scène et l’ont totalement envahie. Ils ne restait plus aux mecs de la sécurité qu’à surveiller que personne ne se fasse mal et que tout le monde descende au bon endroit... j’observe donc sur scène des festivaliers, notre chère exhibitionniste qui prend toujours l’air, des membres de Municipal Waste et.. et... Nico Santora, guitariste, se fait porter tout en continuant de jouer. Un final de dingue, une énergie insensée, un moment inoubliable et d’excellents souvenirs pour les petits galopins qui ont réussi à grimper on stage. Un set plein de générosité, leur talent est mis au service de la musique, ce n’est pas une démonstration. Ils ont su donner, je suis conquise.
Pour conclure, je tiens à tirer mon chapeau à l’organisation qui s’est mouillée et a effectué un sacré travail juste pour que nous passions un magnifique week-end (N’oublions pas les bénévoles !). Elle a fait preuve d’une grande réactivité dans différents domaines. Le manque de nourriture le premier jour n’a pas été récurrent et les lieux sont restés très propres sur la totalité des festivités, aussi bien dans la zone du festival que sur le parking et le campement. Elle a su mettre en place une happy hour (fallait y penser) et un tarif modéré sur les repas : assiette vegan à 4€, mini-sandwich à 2,5€ et il me semble que l’américain-frites était autour de 5-6€... arf désolée pour l’approximation !!! Le festival fut monté selon une vision familiale de l’événement, ce que l’on peut aisément remarquer en voyant l’affiche : des groupes locaux sont mêlés aux plus grands, Nolentia et Stride Against Lies ont l’opportunité de jouer sur l’une des deux grosses scènes. L’ambiance n’atteint cependant pas encore ce niveau d’esprit familial que l’on peut tout de même qualifier de convivial, ce qui est déjà beaucoup. L’évolution aura lieu avec le temps et les éditions qui se succéderont ! Je ressentais une petite appréhension quand à l’éclectisme de la programmation mais tout c’est bien passé. Nous avons tous découvert quelque chose et sommes partis nous coucher moins cons ! Sur ce, à la prochaine ! Merci au fameux Gui de Champi pour cette opportunité et sa confiance, à Sid pour sa gentillesse et sa disponibilité, N.V. et Marion pour leur générosité et leur accueil, Max pour son « soutien », Cédric le clown-prestidigitateur, Loïc « l’inconnu du slam » et Flo avec qui je suis en perpétuel désaccord. Vanessa
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EN BREF DWAIL
THE BLACK FLOWERS
MAN IS NOT A BIRD / PUZZLE
The human concern Part I
Circus
Man Is Not A Bird / Puzzle
(Klonosphere)
(Autoproduction)
(Vox Project)
Sur Helter skelter, on avait trouvé Dwail plus à l’aise quand il s’agissait de tout fracasser que quand les Toulousains s’essayaient à incorporer des éléments loins du hardcore. Message reçu 5/5 car à part «The human concern», respiration instrumentale agrémentée de samples, le premier chapitre de leur travail centré sur les OVNIS (le premier offre notre point de vue face à une attaque) est assez musclé. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça va fighter si les petits hommes verts débarquent dans le Sud-Ouest ! C’est du côté de Converge ou The Dillinger Escape Plan que le quatuor est allé chercher son énergie (bravo au passage à son ex-guitariste Yannick qui a réussi une belle prod). Energie massivement brute mais pas si épaisse qu’on pourrait le croire, le combo intégrant de nombreuses parties fines dans ces compos (et moi des jeux de mots dans mes chroniques). Dwail envoie du gros avec The human concern Part I et si je n’avais pas franchement été emballé par leurs galettes précédentes, je suis devenu client et ai hâte de prendre la suite dans la tronche !
Après quelques EPs remarqués et le départ d’un des membres pour une carrière en solo, The Black Flowers reviennent aux affaires après quelques années de gestation... Et Circus, le nouvel album a tout de l’album transitoire qui va surprendre les oreilles déjà initiées à leur son. Exit le rock high-energy à l’impact immédiat, welcome un big-rock mâtiné métal («Heart broken angel», la première piste, est aussi musclée qu’un titre de Killswitch Engage) avec quelques relents pop, souvent efficaces, parfois un peu trop démonstratifs à mon goût, avec des partis pris qui les rapprochent plus d’un Trivium que d’Hellacopters désormais. Reste que le groupe maîtrise son sujet, le travail sur le chant par exemple, accrocheur en diable, même s’ils utilisent souvent les mêmes ficelles notamment le chant clair en mode choeur sur les refrains. Enfin, il est peut-être utile de préciser que si cette chronique semble en demi-teinte, c’est tout simplement parce que je ne dois plus être le chroniqueur adéquat pour The Black Flowers, en raison de ce virage à 180°. Encouragements tout de même.
Il est rare que l’on chronique des «2 titres», mais quand leurs auteurs évoluent dans le post-rock et qu’ils s’étirent au total sur une quinzaine de minutes, on a suffisament de matière pour en parler... D’autant plus qu’on connaît déjà un peu Puzzle qui ajoute à sa collection une «Piece 0» aux ambiances Floydiennes qui me vont à ravir. Les Lavallois font très fort car sans aucun grand mouvement inhérent au genre, ils arrivent à nous transporter avec quelques sons clairs et cymbales à cette phase de guitare électrique à la David Gilmour, puis à hausser le rythme pour terminer sur quelque chose de plus dense et donc encore différent. Man Is Not A Bird attaque bien plus nerveusement son «The sound of spring». Expédié en deux fois moins de temps que celui de ses comparses, son titre a peut-être autant de coups de médiator tant il est trépidant ! Distorsions à foison, excellents petits marquages de mesure, riff rotatif obsédant, les Parisiens de Man Is Not A Bird réussissent en une composition à nous donner envie d’en découvrir plus (et notamment leur EP Restlessness), ce split est donc un pari réussi !
Oli David
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Oli
EN BREF
HARPAGES
TOLEDO
BLACK WATER RISING
Au moment
No springs honest weight
Pissed and driven
(Structure Records)
(Autoproduction)
(MetalVille)
Encore un disque qui mériterait des louanges pendant 30 lignes mais faute de temps, il aura le droit à un «En bref» dithyrambique. Harpagès est le projet d’Antoine et Julien du groupe lillois L’Objet sorti sur leur propre label, Structure Records, parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Durant 6 titres où l’on retrouve quelques éléments de la musique de L’Objet notamment ce sens de la mélodie et cette forte propension à emmener l’auditeur dans un trip hypnotisant, Harpagès propose un disque organique qui invoque et évoque beaucoup : du postrock, du kraütrock, de l’electronica et un gros soupçon de shoegaze... Et si on doit tomber dans le name-dropping, on pense à Mogwai, Boards Of Canada, My Bloody Valentine... Un melting-pot très personnel, propice à l’évasion sonore et d’une classe à toute épreuve. Excellent disque avec, de plus, un artwork collant parfaitement à l’esprit de la bande-son, entre spleen et envie d’ailleurs. Définitivement sous le charme.
Difficile d’étiqueter les Strasbourgeois de Toledo qui, au rayon métal, se démarquent par le chant puisqu’il est féminin. La douce et belle voix de Caroline (qui sait aussi se montrer plus agressive, même si elle semble moins à l’aise quand elle descend dans les graves) tranchant nettement avec les sons distordus et pesants des instruments. Très lourd de par le son, les mélodies et quelques accords plus trainants que plombés adoucissent l’ensemble pour donner un petit goût de stoner («A failure»), voire de fusion («Do it your way»), et brouillent ainsi les pistes. La production pêche un peu par moment, et même si on sent que le groupe en a sous le capot mais qu’il n’a pas encore réussi à l’exprimer en studio, elle est cependant très honnête pour un premier EP. Ce qui est certain, c’est qu’avec des titres de la trempe de «Down up»(qui se place dans la veine de ce qu’a pu produire The Gathering dans une de ses bonnes périodes), Toledo prouve qu’il peut être créatif, touche à tout, et réussir à amalgamer ses envies. C’est déjà pas mal, surtout pour un début !
«Quelle pochette de merde, ça promet». Voilà ce que j’ai pensé en découvrant le CD de Black Water Rising, ambiance eighties avec squelette au volant d’une caisse qui taille la route option Boulevard de la Mort et une typo digne des séries B de la SF directto-DVD. Passé l’artwork et la photo du groupe sur la plage devant le soleil couchant, on prend une bonne dose de stoner grunge bien gras dans les dents ! Formé par Rob Traynor (Dust to Dust), Johnny Fattoruso (Stereomud), Mike Meselsohn (Boiler Room) et Oddie McLaughlin, le combo a de l’expérience et sait faire en sorte d’allier groove imparable, gros son et riffs dévastateurs. Et malgré l’imagerie tout feu tout flamme, le combo n’est pas toujours à fond, appuyant de temps à autre sur la pédale de frein pour sortir des titres plus grungy (ambiance Temple of the Dog !) comme «Along for the ride» ou «Fire it up», ou moins intéressants («All gone»). Quand ils sont plus rapides, ils sont aussi plus puissants, c’est plutôt efficace («Last man standing»), même si le canard ne risque pas de boîter... Pissed and driven est un bon album pour faire de la route et transformer le décor de nos sombres autoroutes en Route 66 !
David
Oli
Oli
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EN BREF PARWEEN
LA BITE ET LE COUTEAU
STEREOZOR
Point
Fondue chinoise
All in
(Vox Project)
(Autoproduction)
(Autoproduction)
4 ans après la sortie d’un album qui n’avait pas franchement reçu mon adhésion (sic), Parween revient avec un nouveau batteur (Jospeh), un joli packaging (un carnet en carton épais limité à 200 exemplaires) et des titres plus faciles à écouter. Enfin, pour les amateurs d’un rock noisy saturé très écorché ! Si le chant reste encore fragile par moments (mais c’est aussi ce qui fait en partie son intérêt), les textes ne sont pas un poids comme sur Traité pour une nouvelle croyance de l’événement (ou alors bien plus rarement), et l’oreille peut profiter des belles distorsions, des envolées vite explosées, de passages plus calmes et clairs et des grands élans de folie douce des Parisiens qui n’ont peur de rien. En effet, mélanger, amalgamer, triturer les sons, les ambiances, les influences est leur jeu favori. Point est le creuset, le réceptacle, la cocotte-minute où tout ça bouillonne ! Attention donc en ouvrant cette marmite de ne pas se faire éclabousser par une ligne de basse énervée, un riff brûlant ou un rythme tranchant, c’est que la cuisine, ça les excite ces gars-là...
Avec un nom pareil, il n’y a que votre serviteur et son déjà lourd passif (Kiss The Anus Of A Black Cat, Ultraphallus, Coït et on en passe...) qui pouvait s’occuper de La Bite Et Le Couteau. Difficile de savoir qui est la bite, qui est le couteau, même avec un esprit diablement tordu, chez ce duo guitare/batterie en provenance de Vesoul mais Fondue chinoise est un EP carrément sympathique à découvrir. Sur un son assez cru, mais cela ne gène aucunement l’écoute, le groupe fait plus que divertir les neurones. La première et deuxième pistes proposent deux brûlots punk-noise saignants un peu à la manière de Pneu sur Pince monseigneur, avec de menues interventions vocales, tandis que «Pilou» et «Mac doom» ralentissent singulièrement le tempo et c’est là que l’on constate que leur identité, pas (f)rigide du tout, est un atout qui leur permettra d’enfoncer des portes intéressantes pour leur avenir. Au rayon actualité brûlante, ils viennent de sortir un split avec Buck en écoute sur le bandcamp du groupe. A suivre assurément.
Après une première démo parue en 2011, les Stereozor livrent un EP un peu plus musclé. Même si la production est encore un peu légère (mais plus que correct pour du «fait maison»), on monte un peu le son et on profite mieux de l’attaque de leurs riffs alternatifs qui puisent dans les années 90 plusieurs influences ayant en commun un rock teigneux aux harmonies accrocheuses. Le résultat navigue quelque part entre Les Thugs, Second Rate et Sleeppers : un peu de rage de ceux-ci («Skudy dank»), un peu de mélodie in your face par là («Extic bored»), et un sens de la construction raffiné ici («Steel», «All first wild»). Les 6 titres sont riches et variés, et une fois les bases solides bien posées, le groupe s’ouvre sur une expérimentation instrumentale qui ferme le CD («Psychotic mug»). Le trio venu de Limoges a clairement de bonnes idées et encore une belle marge de progression sur le son (mais aussi l’accent anglais) avant de prétendre pouvoir s’imposer plus largement. Gageons donc qu’ils n’ont pas «tout mis» dans cet All in comme ils l’annoncent en titre. En tout cas, ils en ont mis suffisamment pour que l’on mise sur eux pour l’avenir.
Oli
David
Oli
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CONCOURS
>CONCOURS HYPERDUMP> Hyperdump n’a pas attendu bien longtemps après la sortie de Rational pain pour remettre le couvert avec cette fois-ci un EP, et ce sont deux exemplaires de ce Syncretism qui sont à gagner en ce moment pour découvrir comment évolue le groupe qui a marqué les esprits en faisant des débuts fracassants... Bonne chance ! http://www.w-fenec.org/concours/index,226.html
CHECKMATE> Fort d’un premier album aussi réfléchi qu’explosif, les Checkmate sont une des sensations de l’été, signés au sein de la Klonosphère, ils sont promis à un très beau présent et, qui sait, à un encore plus bel avenir ! Pour l’heure, si tu n’as pas encore succombé à leurs riffs, tu as l’occasion de te mettre dans les oreilles leur Immanence en participant à ce concours assez simple... Parmi les bonnes réponses, deux seront tirées au sort et recevront l’album qui vaut vraiment le coup d’oreille ! Bonne chance ! http://www.w-fenec.org/concours/index,225.html
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rait bien d’avoir votre avis sur les fringues, les chaussures, les coupes de cheveux, les sacs à main... Bisous Sabrina (26560 Montfroc)
* Wesh cousin, t’as vu que y’a pas de trace de l’embrouille avec La Fouine sur votre site, ça va reclasher avec Bouba à la rentrée parce qu’il va faire un single, je te le dis ! Joey (34380 Viols-le-Fort) * Bonjour, je me permets de vous écrire pour vous demander plus d’explications quant à vos articles concernant Muse, vous semblez aigri à l’encontre de ce groupe qui me donne pourtant de grandes sensations, quand je les écoute, je me sens super rebelle et j’ai envie de ne plus nettoyer mon violon et de dire «mince» à la bonne quand elle me réprimande ! Vive le rock, vive Muse ! Charles-Matthieu (07700 Bidon) * Tou se ke vous disé sur Slipknot, c’est ke de la merde ! C le + grand groupe du monde de l’univers ! Djaymes (51130 Trécon) * On est fin août et toujours aucune review de festival ? Vous foutez rien pendant les vacances ou quoi ? Nous, on n’a rien écrit mais faut bien comprendre qu’on est passé à autre chose et qu’on a notre mariage à préparer ! Gros bisous les canidés. Xavier et Alice (26410 Glandage)
IL Y A 10 ANS
On a reçu des cartes postales cet été ! Ca disait ça :
JEUX
COURRIER DES LECTEURS
* Salut la compagnie, je reviens du Cap d’Agde où j’ai passé deux semaines de vacances torrides sur une plage où j’ai croisé un soit disant membre de votre équipe... Le numéro qu’il m’a laissé n’est plus attribué et je n’ai trouvé aucun «Bundy» sur votre page contact ? M’aurait-il menti sur son identité ? Merci, je vous embrasse chaudement. Jean-Pierre (35150 Corps-Nuds) * Chers camarades, je suis au regret de vous annoncer que mon arrière-grand-père a été le premier a usé du mot «pachyderme» or j’ai pu lire dans certaines de vos chroniques l’adjectif «pachydermique» et ceci sans aucun copyright ! Quel manque de respect pour l’un des plus grands naturalistes de son époque !!! Je vous signale également qu’un de mes amis a mené une étude sur les canards et qu’il est formellement impossible de leur casser plus de deux pattes. Là encore, il faudrait que vous soyiez plus attentifs aux progrès de la science avant d’écrire de belles aneries ! Pour ce qui est de la sodomie de certains diptères, je compte mener une expérience approfondie dans les mois à venir, je vous tiendrais au courant de mes éminentes recherches. Bien à vous. Basile Banda(70700 Le Fion) Oli
* Hey les fenecs ! A quand une rubrique «mode» ? Parce que vous avez trop du goût pour la musique alors ce se-
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IL Y A 10 ANS
SLEEPPERS Interaction (Athome)
to refuse»). Et même après 50 écoutes (voire plus !), le plaisir est toujours aussi intense («O.N.E.», «Surprise! Surprise!» une reprise de Cop Shoot Cop -morceau paru sur leur Ask questions later en 93-...), les Sleeppers ne nous endorment pas. Fortement marqués à leurs débuts par les groupes noisy-core (???) américains, ils s’en sont détachés peu et à peu et les passages en français («Plasma effect», «Le bloc») sont là pour rappeler au monde d’où viennent ces surdoués qui n’hésitent pas à faire intervenir une voix féminine et arabisante sur un «Mâdhârât / Nation» au refrain détaché. Rythme lourd entêtant, guitares déchirantes, textes discrets, «Le bloc» est là, pièce centrale du puzzle Sleeppers, il synthétise ce qu’ils font de mieux et met en avant à la fois la musicalité du groupe et ses talents d’écriture et d’architecture. Le meilleur titre du meilleur album français de l’année, à n’en pas douter. Après une dizaine d’années d’existence et un Cut off qui les a fait prendre une autre dimension, les Sleeppers enfoncent le clou en 2003 avec Interaction. Un album magistral où l’arrivée de Raph permet aux guitares d’en faire encore plus et 10 ans après (et malgré d’autres albums et des collaborations qui ne sont pas piqués des hannetons), l’effet est toujours le même. Le coeur d’Interaction est «Le bloc», morceau monumental qui justifie à lui seul l’écoute de cet album aux richesses pandoriennes, mais avant d’arriver à ces 7 minutes 27 de jouissance pure, on est entré dans le vif du sujet avec «Past life (part 2)», un petit sample traduisible par «tout le monde est ok ? alors prennez-vous ça dans la gueule» et les guitares gagnent une victoire expéditive sur notre esprit critique, on rend les armes, dés les premiers riffs, on est à genoux. Tous les effets (chant, grattes, basse) font mouche, nous gardent éveillés, affolés par la stéréo, notre ouïe est le sens le plus mis à contribution (nos yeux s’échauffent avec la plage CDRom et leur site, le reste ce sera pour les concerts...), même en étant sur le qui-vive, on se fait surprendre par des rythmes débordants d’énergie («Evil minded», «8 inches»), des attaques foudroyantes (l’intro de «Plama effect» !!!) et des relances orgasmiques («Learn
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Et Interaction ne s’arrête pas là... Sur la partie CDRom, on a un clip live, des photos prises en studio, et le «projet Trigger» qui offre 8 titres remixés par des amis (issus de Virago, Burning Heads, Seven Hate, Near Death Experience, Improvisator Dub...) qui proposent de nouvelles lectures et des ambiances différentes, bref de quoi ravir le fan et comme on l’est tous après l’écoute de l’album, on est ravi. Oli
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DANS L’OMBRE
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DANS L’OMBRE > JOSE TAVARES José Tavares a une cinquantaine d’années, il nage dans le rock depuis les seventies et met à profit son énorme expérience pour manager et programmer des groupes, lumière ! Jose TavaresQuelle est ta formation ? J’ai un BTS de Pub et un master de gestion des institutions culturelles, mais que j’ai eu tard, à 30 ans pour l’un et à 42 pour le deuxième. Mais j’ai beaucoup appris sur le tas, en faisant. Quel est ton métier ? Je suis tout d’abord programmateur, c’est ce qui me fait vivre. Mais j’aime bien monter des opérations et de nouveaux projets, c’est aussi pour cela que je suis aussi manager et responsable d’un label. Et j’ai au sein du Festi’Val-de-Marne, créé la JIMI que j’organise avec Charlotte Bozza et l’équipe du Festi’Val.
était bloqué dans cette ville du sud un grand week-end. Deux jours après, ils ont eu l’idée de m’appeler pour les aider. Ils ont du attendre un jour supplémentaire que je puisse récupérer le double chez le loueur, prendre l’avion Paris-Toulouse et le leur remettre à l’aéroport, pour ensuite deux heures après reprendre l’avion dans l’autre sens.
Quelles sont tes activités dans le monde du rock ? Je programme la partie musiques actuelles et world du Festi’Val-de-Marne, J’organise la JIMI et suis conseiller artistique de Olivier Galan pour le Metaphone. Je manage actuellement deux artistes, Les Meltones et Sarclo(ret), je me suis aussi occupé de Jim Murple Memorial pendant 10 ans et de Saycet. J’ai donc un petit label Electron’y’pop qui a sortie les 2 premiers albums de Saycet et un vinyle de Jim Murple Memorial.
Ton coup de coeur musical du moment ? C’est pas nouveau, nouveau, mais disons que mes coups de coeur de cette moitié d’année 2013 sont : Lady, un groupe féminin de soul, The Vaccines, Kurt Vile et Fidlar. J’aime bien aussi Lolito, Melissa Laveaux, Loïc Antoine et Maissait. Mais j’avoue que mon coup de coeur scénique n’a rien à voir avec le rock’n’roll, mais en a pourtant la puissance : Le Trio Joubran.
Ca rapporte ? Je gagne ma vie et j’ai la chance de faire ce qui me plaît. Comment es-tu entré dans le monde du rock ? Très tôt grâce à un oncle qui vivait chez mes parents et qui écoutait Chuck Berry, Fats Domino, Black Sabbath, les Stones, Led Zeppelin et de la Soul. J’avais 7/8 ans. Ensuite vers 17 ans, en 1977, j’ai acheté une basse et joué, dans la cave et sur une dizaine de scènes. Et puis vers 20 ans, j’ai repris une association, La Maison du Rock, et j’ai organisé mes premiers concerts à Montreuil dans le 93. Ce qui m’a permis de voir dans ma ville Les Coronados, Les Milk-Shakes, Les Wampas, Les Carayos...
Es-tu accro au web ? Pas accro, mais je l’utilise beaucoup. Surtout pour apprendre des choses. A part le rock, tu as d’autres passions ? Je suis d’une génération où rock, BD, littérature et cinéma étaient très liés, donc j’aime tout cela. Et puis, comme les Anglais, en plus du rock, j’aime bien aussi le foot. Tu t’imagines dans 15 ans ? Pareil, sauf que j’aurai plus de mal à monter mes six étages... Merci José !
Une anecdote sympa à nous raconter ? Celle de Jim Murple Memorial qui s’était fait voler la clef de leur camion après un concert à Vic-Fezensac et qui
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Oli
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