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et la prise en charge des patients: le syndrome méditerranéen

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de l’oxymètre

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Women of Color in Peace, Security and Conflict Transformation The Race Across the Pond Initiative: Women of Color in the Healthcare System Series

Nellcor), les données confirment un biais important entre la pigmentation de la peau, avec un biais allant de 4 à 8% pour les sujets à peau foncée.

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La pandémie à la COVID-19, dont l’un des symptômes de gravité est l'hypoxie, a permis de concentrer l'attention sur le sujet. Sjoding et al. ont ainsi publié une étude en 2020 alertant des risque encourus par les personnes de couleur, lors de l’utilisation de ces dispositifs.

Bien entendu, la surexposition des personnes racisées à la COVID-19 est multicausale. Cependant, il est urgent de nous questionner sur les biais provoqués par l’usage de dispositifs médicaux inadaptés et nous demander s’ils n’ont pas favorisé l’aggravation, potentiellement fatale, de la maladie au sein de ces groupes. Les oxymètres, qui tendent à masquer l’hypoxie chez les personnes noires, alors que cette dernière est un facteur d’aggravation de la COVID-19 en est un exemple flagrant.

4. RACISME, DISCRIMINATIONS ET STÉRÉOTYPES DANS LES PRATIQUES MÉDICALES ET LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS: LE SYNDROME MÉDITERRANÉEN

Le syndrome méditerranéen est un ensemble de stéréotypes racistes utilisés par le personnel de santé dans le secteur médical et qui consiste à considérer que les personnes ayant des origines méditerranéennes ont tendance à exagérer leurs symptômes et leurs douleurs. Aujourd’hui, l’utilisation du syndrome méditerranéen s’est élargie pour également inclure les personnes provenant d’Afrique subsaharienne.

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Ce faux “syndrome” n’est en théorie pas officiellement enseigné (explicitement) dans les cursus médicaux et paramédicaux, mais est largement transmis sur le terrain lors des stages et des expériences professionnelles des personnels soignants.

C’est en grande partie à travers la pratique dans le milieu professionnel que les travailleurs en santé assimilent ces représentations sociales et raciales/racistes. Les représentations sociales peuvent-être définies comme «une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.» (Jodelet, D. 1989). 30 Les professionnels de santé partagent des valeurs communes inhérentes au soin, des croyances plus ou moins fondées, ainsi que leurs propres projections mentales dans

7 Vega, A. (2012). “Soignants, soignés: Pour une approche anthropologique des soins infirmiers. ” De

Boeck.

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leur pratique professionnelle. La négligence de la douleur des personnes non-blanches au nom de stéréotypes culturels racistes, fait partie de la projection de ces croyances et peuvent potentiellement provoquer de graves risques de santé pour les patients concernés.

La genèse du syndrome méditérranéen remonte à la médecine coloniale française et s’étend jusqu'aux migrations nord-africaine et sub-saharienne des années 1970. La médecine et la psychiatrie française n’ayant pas les compétences et les outils pour traiter des patients migrants se plaignant de maux « inconnus » les praticiens de la santé ont commencé à parler de « coulchite » (mal partout) ou de « syndrome Nord-africain.»8 Le fait de nommer négativement et de stéréotyper de façon humiliante, déshumanisante et discriminatoire des douleurs incomprises en usant abusivement d’un champs lexical médical (syndrome) a été un moyen de transférer la responsabilité de l'incapacité des soignants à soigner leur patients vers les patients eux mêmes et ainsi « contourner l’incompréhension voire le malaise des professionnels de santé. » (S, Savas. 2009.). Aujourd'hui, bien que le terme soit devenu désuet, l’usage du syndrome méditerranéen comme référence théorique et pratique - consciente et inconsciente - est encore très largement d'actualité dans les milieux professionnels du soin.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels sur le nombre de soignants familiers avec le syndrome méditerranéen, les pratiques racistes et discriminatoires liées à l’usage de cet ensemble de stéréotypes restent diffusées et ancrées dans les pratiques du secteur médical, en milieu hospitalier ou en ville. Dans le cadre d’une thèse réalisée en 2020 dans les services d’urgence de la région de l’Alsace, 69 médecins ont été questionnés sur le syndrome méditerranéen. 88,4% d’entre eux ont déclaré être familier avec ce terme et son concept et 75,4% d'entre eux ont déjà été témoins de son utilisation par un pair, pour désigner un patient.

Une ONG a, par ailleurs, réalisé une étude pour mesurer l’ampleur des discriminations dans le système sanitaire : 28% des répondants ont dit avoir déjà reçu des commentaires racistes ou sexistes lors de soins médicaux. Bien que les résultats de cette étude soient à prendre avec précaution, l’échantillon n'étant pas assez représentatif de la population française dans son ensemble, elle permet tout de même d’approcher l’existence d’un ensemble de comportements, de préjugés et de stéréotypes raciaux et racistes dans le système médical, qui peuvent influer,

8 F. Fanon. (2001). “Le « Syndrome Nord-Africain » “ Pour la Révolution Africaine, Écrits politiques, Paris,

La Découverte.

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directement et indirectement, la prise en charge et la santé des personnes racisées et minorisées en France.

Cette fausse croyance est loin d’être anodine et peut conduire à des conséquences dramatiques comme ce fut le cas en 2017. Naomi Musenga, une jeune femme Strasbourgeois noire est décédée après avoir appelé le Samu du Bas Rhin pour des douleurs abdominales aigües. Les opératrices téléphoniques du SAMU n’ont pas écouté son appel à détresse, se sont ouvertement moquées d’elles, et lui ont raccroché au nez. Quelques heures plus tard, la jeune femme est décédée par manque de prise en charge.

La mort de Naomi Musenga a stupéfié la France. De nombreuses organisations, médecins et médias ont dénoncé le rôle du syndrome méditerranéen dans l’affaire de Naomi Musenga.

A l’ère des réseaux sociaux, une véritable mobilisation digitale des personnes concernées s’est développée ces dernières années afin de se saisir de ces sujets, de porter la voix et les expériences individuelles et collectives des femmes et des hommes minorisés et racisés et de lutter contre les discriminations et les biais cognitifs. La littérature scientifique, quant à elle, a un retard excessif à rattraper dans ce domaine et reste encore largement sous-développée.

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