Guide de synthèse des connaissances Guide pour la compréhension des relations entre les Autochtones et les nations animales
Guide de synthèse des connaissances
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Reconnaissance du territoire
Qu’est-ce que la reconnaissance du territoire et pourquoi est-elle importante?
À World Animal Protection Canada, nous tenons à reconnaître le fait que notre bureau fonctionne et que plusieurs membres de notre équipe vivent et travaillent sur le territoire traditionnel de plusieurs nations et collectivités autochtones, notamment les Mississaugas de Credit, les Anishinabés, les Haudenosaunee et les HuronsWendats. Toronto est actuellement le lieu de résidence d’un grand nombre de membres des Premières Nations, d’Inuits, de Métis et d’autres peuples autochtones de toute l’île de la Tortue et d’ailleurs.
La reconnaissance des terres ou du territoire implique la reconnaissance des terres ancestrales des peuples autochtones qui entretenaient des liens profonds et complexes avec ces terres, ces eaux et ces relations extrahumaines avant l’arrivée des colons. Les reconnaissances du territoire font partie de protocoles autochtones de longue date qui rendent honneur aux nations et aux collectivités qui vivent et travaillent sur ces terres et ces eaux depuis des temps immémoriaux. La reconnaissance du territoire est un moyen d’exprimer de la gratitude envers les peuples autochtones qui y résident et dont les relations avec ces terres et ces eaux façonnent leur pensée politique, leur gouvernance et leur pouvoir d’autodétermination, ce qui devrait éclairer la manière dont nous formons tous des relations avec ces lieux. Cette reconnaissance constitue une étape modeste, mais importante, dans la démarche de réconciliation et d’édification d’une relation positive avec les peuples autochtones. Prendre part à une reconnaissance du territoire est un moyen de souligner la résilience des peuples autochtones et le fait que nous avons tous un rôle à jouer dans le maintien de ces relations.
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À propos de l’artiste
À propos du guide
Roy Henry Vickers est né en juin
Depuis mai 2020, Protection mondiale des animaux
1946 dans le village de Greenville,
collabore avec Quintessential Research Group (QRG), un
dans le nord de la Colombie-
cabinet-conseil dirigé par des Autochtones, sur la manière
Britannique. Depuis, il est resté sur
de renforcer respectueusement les relations et les
la côte nord-ouest de la Colombie-
partenariats avec les nations, organismes et collectivités
Britannique, résidant tour à tour
autochtones au Canada. Ce cheminement vers la
à Hazelton, Kitkatla, Tofino et
réconciliation a nécessité notamment une meilleure
Victoria. Son amour et son respect
compréhension du lien des peuples autochtones avec
pour la splendeur naturelle de
les animaux. Ce guide de synthèse des connaissances
cette région sont manifestes dans ses œuvres. Ses couchers de
est l’une des nombreuses mesures prises par Protection
soleil aux couleurs vives, ses rivières brumeuses en demi-teintes
mondiale des animaux pour établir des partenariats
et ses scènes hivernales paisibles reflètent l’essence de la côte
fructueux et solides avec les peuples, collectivités et
ouest du Canada. Le père de Roy était un pêcheur d’ascendance
organismes autochtones. Dans ce guide, nous tissons
tsimshian, haida et heiltsuk, trois Premières Nations de la côte
ensemble les récits des différentes relations que les
nord-ouest. Sa mère était une enseignante dont les parents
peuples autochtones entretiennent avec les nations
anglais ont immigré au Canada. Ces origines mixtes uniques ont
animales et végétales et qui se reflètent dans les histoires
fortement influencé l’œuvre de Roy. Il a étudié l’art et le design
vivantes, les politiques, les protocoles, les traités et les
traditionnels des Premières Nations à la Gitanmaax School of
pratiques de gouvernance.
Northwest Coast Indian Art d’Hazelton. Surtout connu dans le monde entier pour ses reproductions en tirage limité, il est un sculpteur accompli, un conseiller en conception d’espaces publics prestigieux, un conférencier recherché et l’éditeur et auteur de plusieurs livres à succès. De plus, il est un leader reconnu dans la communauté des Premières Nations et un porte-parole infatigable de la guérison de la toxicomanie et de la violence. Il a reçu de nombreux prix et distinctions pour son art et son engagement communautaire. Il s’est notamment vu attribuer une chefferie héréditaire et plusieurs noms héréditaires des Premières Nations de la côte nord-ouest.
Le concept autochtone Toutes nos relations reflète l’interconnexion entre les êtres humains et le monde extrahumain. Les peuples autochtones ont toujours considéré les animaux comme des partenaires équitables dans un cycle de vie interconnecté (Legge & Robinson, 2017).
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
(projet de loi C-15) est entrée en vigueur au Canada. Cette
autochtones (DNUDPA) est l’instrument international le plus
mesure législative fournit un nouveau cadre pour la mise en
complet au monde qui affirme les droits des Autochtones
œuvre de la Déclaration en collaboration avec les peuples
à l’autodétermination, au consentement libre, préalable et
autochtones. Le concept autochtone Toutes nos relations
éclairé, à la gouvernance communautaire et à d’autres droits
reflète l’interconnexion entre les êtres humains et le monde
de la personne qui sont essentiels pour l’avenir des 476 millions
extrahumain. Les peuples autochtones ont toujours considéré
d’Autochtones de la planète. La DNUDPA a été adoptée par
les animaux comme des partenaires équitables dans un cycle
les Nations Unies le 13 septembre 2007 afin de reconnaître les
de vie interconnecté (Legge & Robinson, 2017).
droits des Autochtones qui « constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples
Bien que la DNUDPA comporte 46 articles, celui qui correspond
autochtones du monde » (article 43). Bien que le Canada ait
le mieux aux besoins de Protection mondiale des animaux est
d’abord voté contre la Déclaration (avec l’Australie, la Nouvelle-
l’article 24, partie 1, qui concerne le droit autochtone à la santé
Zélande et les États-Unis), il est revenu sur sa position (une
dans le contexte des relations avec les animaux et les plantes :
fois qu’il y a eu un changement d’administration) et a retiré son statut d’objecteur persistant en 2016, promettant une future mise en œuvre de la DNUDPA. Le 26 novembre 2019, les législateurs de la province de la Colombie-Britannique ont adopté à l’unanimité la United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act (UNDRIPA ou projet de loi 41). Au palier fédéral, le 21 juin 2021, la Loi sur la Déclaration
1. Les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle et ils ont le droit de conserver leurs pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animaux et minéraux d’intérêt vital. Les Autochtones ont aussi le droit d’avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé.
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
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Commission de vérité et réconciliation de 2015 Depuis l’époque de la Confédération, le gouvernement du
canadienne en général. La réconciliation consiste à s’attaquer
Canada a cherché à abolir les droits, les gouvernements, la
à ces inégalités et à travailler à l’établissement et au
culture, les ressources, les terres, les langues et les institutions
maintien d’une relation entre les peuples autochtones et non
des peuples autochtones. L’objectif de la Loi sur les Indiens
autochtones fondée sur le respect mutuel. Aujourd’hui encore,
consistait à définir et à mettre en œuvre une politique
les types de structures de gouvernance (à savoir les conseils
d’assimilation visant à absorber les peuples autochtones dans
de bande) qui existent dans les collectivités autochtones du
la culture européenne « dominante », ce qui a été fait contre
Canada ont été élaborés par le biais de la Loi sur les Indiens en
leur gré. Les pensionnats sont devenus un élément central
tant que mécanisme de pouvoir indirect par lequel s’exerce le
de cette politique et, entre les années 1880 et les années 1990
pouvoir fédéral sur les peuples autochtones du Canada.
(le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996), plus de 150 000 enfants des Premières Nations, inuits et métis ont
La réconciliation consiste à assurer un changement systémique
fréquenté les pensionnats indiens. La Commission de vérité et
et culturel pour éliminer les pratiques, les politiques et les
réconciliation (CVR) a été créée parce que d’anciens élèves et
approches racistes et discriminatoires au sein des organisations
survivants des pensionnats se sont manifestés et en ont fait
et dans les activités qu’elles mènent, ainsi qu’à établir des
une question d’intérêt public. Le rapport de la Commission
relations fondées sur le respect et la confiance. La CVR
de vérité et réconciliation de 2015 met en évidence les
invite le secteur privé, les établissements d’enseignement,
séquelles intergénérationnelles des pensionnats qui persistent
les organismes à but non lucratif et tous les paliers de
aujourd’hui pour les peuples autochtones.
gouvernement au Canada à adopter la DNUDPA comme partie intégrante d’un cadre de réconciliation et à appliquer
Les lois et les politiques du Canada reposent sur des notions
ses principes, normes et standards aux politiques internes et
d’infériorité des Autochtones et de supériorité des Européens
aux activités opérationnelles de base concernant les peuples
et ont longtemps facilité la discrimination à l’encontre des
autochtones, leurs terres et leurs relations.
peuples autochtones. Ces lois ont entraîné des disparités et des inégalités entre les peuples autochtones et la société
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Les animaux en tant que guides En tant que peuples autochtones, nous considérons les
Carroll nous aide à comprendre dans quelle mesure les
animaux comme des guides qui transmettent des savoirs et
animaux sont considérés comme des personnes non humaines.
de l’information et représentent ou présagent des événements
Par exemple (p. 121) :
qui sont sur le point de se produire. De nombreuses histoires évoquent des animaux qui communiquent avec le monde des esprits et avec les êtres humains par des sons et des interactions physiques, parfois en songe, et souvent au cours de cérémonies et de rites traditionnels. Un animal peut apparaître soudainement pour transmettre un avertissement qui peut aider l’être humain à mieux se préparer à une éventualité (par exemple, il va pleuvoir). Les peuples autochtones considèrent la relation avec les animaux et les plantes comme sacrée. Par exemple, Clint Carroll (2021)1 explique que, tout au long de l’histoire des Cherokees, les animaux ont joué un rôle important dans la parenté en tant que gardiens du savoir qui prêtent main-forte aux êtres humains.
« Les animaux font partie de nombreuses conceptions autochtones de la ‘‘société’’, qui se dit en langue cherokee nigada gusdi didadadvhni – ‘‘nous sommes tous liés’’. Cette expression est comprise comme allant au-delà de la sphère humaine pour englober les êtres non humains, et nous enseigne à reconnaître l’interdépendance et le caractère sacré de la vie sous toutes ses formes. » [traduction] En effet, de nombreuses nations autochtones d’Amérique du Nord considèrent les animaux comme des « parents », contrairement au point de vue occidental qui les considère comme des « ressources ». Guide de synthèse des connaissances
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Récits collectifs En ce qui concerne la mobilisation des peuples et des
Les animaux savaient que les êtres humains ne pouvaient
collectivités autochtones, la première étape pour Protection
pas survivre sans eux, et lorsque les nations animales se sont
mondiale des animaux consiste à se concentrer sur la « mise
réunies en conseil, le chef des cerfs a expliqué comment la
en récit » comme un moyen pour les peuples autochtones
nation nishnaabeg pouvait faire amende honorable :
de raconter l’histoire de leurs protocoles communautaires, de leurs responsabilités et de leur relation avec les animaux en partageant leurs connaissances locales et leurs visions du monde. La mobilisation et l’échange avec les collectivités autochtones leur permettent de raconter les récits de leurs liens historiques et spirituels avec les animaux à l’échelle locale et régionale. Pour illustrer l’importance d’entretenir de bonnes relations avec les nations animales, Leanne Betasamosake Simpson, chercheuse et militante anichinabée, raconte l’histoire du traité conclu avec le Clan du sabot :
Honorez et respectez nos vies et nos êtres, dans la vie et dans la mort. Cessez de poser des gestes qui offensent nos esprits. Ne gaspillez pas notre chair. Préservez les champs et les forêts qui sont notre foyer. Pour montrer votre attachement envers ces engagements et en souvenir de l’angoisse que vous nous avez fait subir, laissez toujours une feuille de tabac à l’endroit où vous nous capturez. Les offrandes aident à reconstruire nos relations. Les Nishnaabeg ont acquiescé, et les animaux sont revenus sur leur territoire. Les chasseurs nishnaabeg contemporains se soumettent encore aux nombreux rituels décrits ce jour-
Il y a bien longtemps, tous les cerfs, les orignaux et
là lorsqu’ils abattent un cerf ou un orignal, ce qui honore les
les caribous ont soudainement disparu du territoire
relations que notre peuple entretient avec ces animaux et
nishnaabeg. Lorsque les êtres humains sont partis à leur
l’accord que nos ancêtres ont conclu avec le Clan du sabot pour
recherche, ils ont découvert que ces animaux avaient
respecter les principes d’une vie droite2.
été capturés par les corbeaux. En conversant, les êtres humains ont appris que les corbeaux ne retenaient pas
Dans son ouvrage à paraître, Sustainable Self-determination:
les orignaux, les cerfs et les caribous contre leur gré.
Indigenous Pathway to Well-being and Climate Justice, Jeff
Ces derniers avaient volontairement quitté le territoire
Kanohalidoh Corntassel nous fait part de ses réflexions sur
parce que les Nishnaabeg ne leur manifestaient plus
l’histoire de Tahlequah l’orque et de son petit au large des
de respect. Les Nishnaabeg gaspillaient leur chair et ne
côtes de l’océan Pacifique, le long de l’île de Vancouver au
traitaient pas leur corps avec le respect qui leur était dû.
Canada – une histoire qui retentit encore aujourd’hui aux quatre coins de la planète.
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«
Pendant 17 jours au cours de l’été 2018, les habitants de l’île de la
et d’autres nations extrahumaines. À quoi ressemble la justice
Tortue et du monde entier ont été subjugués par Tahlequah (alias
environnementale pour les nations animales et végétales? Et si
J 35) alors qu’elle portait sans relâche le corps sans vie de son veau
nous prenions au sérieux l’histoire de Tahlequah? Et comment les
nouveau-né dans la mer des Salish. Le petit de Tahlequah était
histoires et les connaissances des orques sont-elles transmises
mort moins d’une demi-heure après la naissance, et Tahlequah a
aux générations futures alors que leur avenir est menacé?
rapidement plongé pour attraper son veau et le montrer à sa famille (troupeau J)3. Dans ce qu’on a appelé une « tournée de deuil », des
‘Cúagilákv nous rappelle que notre travail ne se fait jamais dans
citoyens du monde entier ont assisté avec tristesse et stupéfaction
la solitude. Les Cherokees appellent cela gadugi, ou le fait de ne
à la cérémonie de deuil de 17 jours de Tahlequah. Comme l’explique
jamais laisser personne traverser seul des épreuves. La famille de
l’enseignant et auteur de Heiltsuk, ‘Cúagilákv (Jess Housty), « dans
Tahlequah a mis en pratique les valeurs de gadugi pendant sa
le contexte du deuil de Tahlequah, témoigner est la façon dont nous
cérémonie de deuil. Comme le souligne ‘Cúagilákv :
devons répondre à la générosité de l’océan, les festins qu’il nous a fournis, les bienfaits qu’il nous a offerts.4 » [traduction] Cette histoire touchante s’est produite au large des côtes de Victoria, en Colombie-Britannique, un territoire non cédé lekwungen où ma famille et moi vivons actuellement. La cérémonie de deuil de Tahlequah a également résonné en moi en tant que citoyen de la nation cherokee, car Tahlequah est le nom de la capitale cherokee située en Oklahoma5. Je n’oublierai jamais l’image de Tahlequah portant son veau sans vie pour me rappeler que nous avons collectivement joué un rôle dans la mort de celuici. Comme le souligne la chercheuse ts’mysen, déné et métisse Christina Gray, « ... la survie des épaulards, ou même des grizzlis, est liée à la mesure dans laquelle nous, en tant qu’êtres humains, sommes prêts à vivre en wulaaysk (bonnes relations) avec l’eau, les poissons, les êtres non humains et extrahumains.6 » [traduction] La cause de la mort du veau de Tahlequah n’était pas un mystère. La famine des orques due à la surexploitation du saumon quinnat et d’autres espèces de saumon est devenue trop fréquente, tout comme la pollution de l’océan et les perturbations physiques et acoustiques dues à la circulation des pétroliers sur les terrains de chasse des orques. En tant qu’êtres humains, nous avons continué à enfreindre les protocoles de bonnes relations des nations orques
Et lorsque j’ai regardé les orques de son troupeau se relayer pour soulever le veau afin qu’elle puisse se reposer pendant qu’elle accomplissait sa tâche sacrée, Tahlequah m’a rappelé que nous ne traversons pas seuls le chagrin et l’incertitude. Nous le faisons avec les membres de notre collectivité comme témoins. Et notre collectivité se perpétue7. Alors que Tahlequah nous alertait à cette tragédie survenue au sein de sa famille, cela m’a fait penser à la façon dont nos collectivités se perpétuent et survivent. Ce livre à paraître examine les moyens utilisés par les nations et les peuples autochtones pour protéger et perpétuer leurs milieux de vie et leur identité nationale. Plus précisément, j’étudie les moyens par lesquels les connaissances et les pratiques autochtones sont transmises et communiquées aux générations futures afin de promouvoir la santé, le bien-être et la pérennité des nations autochtones. En adoptant une approche comparative des nations autochtones de l’île de la Tortue, d’Aotearoa (Nouvelle-Zélande) et des Amériques,
»
j’examine les différentes voies vers la durabilité qui sont centrées sur les actes quotidiens de résurgence communautaire et les façons dont les relations avec la terre, la collectivité et la culture sont incarnées dans la vie quotidienne. Guide de synthèse des connaissances
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L’histoire du Traité du bison Depuis la fondation du Canada, la pratique courante veut que des traités soient signés entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral, mais cela n’a pas toujours été le cas. En 2014, un traité a été signé entre les nations autochtones vivant le long de la frontière entre les États-Unis et le Canada. Iiniiwa, nom que les Pieds-Noirs (Niitsitapi) donnent au bison, a une relation profonde et de longue date avec le territoire, les habitants et les pratiques culturelles des écosystèmes des Prairies. En fait, chez les Pieds-Noirs et les nations autochtones environnantes, iiniiwa est l’une des « espèces culturelles clés », c’est-à-dire celles qui « façonnent de manière importante l’identité culturelle d’un peuple, comme en témoigne le rôle fondamental de ces espèces dans l’alimentation, les matières, la médecine et/ou les pratiques spirituelles » (Garibaldi et Turner 2004; Massie 2014). Lorsqu’ils discutent du rôle du bison dans leurs terres ancestrales, le chercheur et aîné pied-noir Leroy Little Bear et ses collègues (2014) soulignent : « Jouant le rôle de bio-ingénieur naturel dans les paysages des Prairies, il a façonné les communautés végétales, transporté et recyclé les nutriments, créé une variabilité de l’habitat dont ont profité les oiseaux, les insectes et les petits mammifères des prairies, et fourni des ressources alimentaires abondantes pour les grizzlis, les loups et les êtres humains. » [traduction] Ce récit illustre les liens entre les nations végétales et animales, en montrant que l’ensemble du paysage peut être modifié par la régénération d’une espèce clé comme le bison.
« Le traité est ouvert, a déclaré Leroy Little Bear, qui a organisé la cérémonie de Banff. D’autres nations peuvent le signer. » [traduction] Guide de synthèse des connaissances 9
Malheureusement, le massacre généralisé des bisons au
du bison montre que les nations autochtones peuvent prendre
XIXe siècle a entraîné la détérioration des écosystèmes des
l’initiative de régénérer les relations qui favorisent leur santé et
Prairies ainsi que de la santé et du bien-être des Pieds-Noirs
leur bien-être. Tout comme les traités, les récits autochtones
et des autres peuples des Prairies. La décimation du bison a
reflètent les protocoles et les pratiques profondément ancrés
également eu des répercussions sur les pratiques culturelles
dans les relations avec les bisons. Ainsi, des accords avec les
des peuples autochtones de la région, d’où la nécessité
nations végétales et les nations animales existent depuis des
d’une intervention communautaire pour rétablir l’iiniiwa sur
millénaires, et une version formalisée d’un accord, comme
les terres autochtones. Le 23 septembre 2014, huit nations
un traité, peut être utile pour raviver des relations anciennes.
autochtones se sont réunies sur le territoire des Pieds-Noirs,
De nouveaux traités comme le Traité du bison reflètent les
près de Browning, dans le Montana, et ont signé le Buffalo
diplomaties complexes et le réveil spirituel de la résurgence.
Treaty ou Traité du bison, qui prévoit le retour des bisons dans les écosystèmes des Prairies. Étant donné qu’il s’agissait du premier traité autochtone transfrontalier signé depuis plus de 150 ans, le Traité a également ravivé d’anciennes alliances. Le Traité du bison a défini les objectifs communautaires suivants : • Engager les tribus et les Premières Nations dans un dialogue continu sur la conservation du bison • Unir le pouvoir politique des tribus et des Premières Nations des Grandes Plaines du Nord • Promouvoir un appel international pour le rétablissement du bison • Faire participer les jeunes au processus du Traité • Renforcer et renouveler les anciennes relations culturelles et spirituelles avec le bison et les Prairies dans les Grandes Plaines du Nord (CBC News, 2015) L’accord découle de propositions visant à ramener les bisons en liberté dans des secteurs comme le Parc national de Banff et a
Un traité ouvert Le Traité du bison a été signé pour la première fois en septembre 2014 dans le Montana par les nations suivantes : • Nation Pied-Noir • Tribu des Blood • Nation Siksika • Nation Piikani • Tribus Assiniboine et Gros Ventre de la réserve indienne de Fort Belknap • Tribus Assiniboine et Sioux de la réserve indienne de Fort Peck • Tribus Salish et Kootenai de la Confédération Salish et Kootenai • Nation Tsuu T’ina
pour but de rétablir les liens qui existaient lorsque les bisons se déplaçaient librement sur les territoires des signataires. Le Traité
D’autres signataires sont les bienvenus. Guide de synthèse des connaissances
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Mobilisation communautaire L’élaboration d’approches de la mobilisation autochtone doit se faire par des discussions ouvertes avec les nations et les collectivités autochtones en leur demandant si elles souhaitent se mobiliser et de quelle manière. Une partie de cette approche exige que les protocoles et procédures autochtones locaux élaborés par la collectivité autochtone pour la gestion des savoirs autochtones soient compris et suivis. Il est essentiel que les différents processus permettant de travailler respectueusement avec la collectivité afin d’intégrer ses connaissances dans les processus d’évaluation soient compris, respectés et mis en œuvre. Avant les premières réunions ou mobilisations, Protection mondiale des animaux doit se renseigner sur les protocoles culturels à suivre avec les membres de la collectivité et sur l’existence de pratiques différentes selon les collectivités. Il convient de se demander si des activités supplémentaires doivent être menées ou si des perspectives doivent être envisagées en plus des processus culturels de mobilisation générale. Cela doit être fait de manière respectueuse, dans le but d’établir des relations.
Photo: QRG
Guide de synthèse des connaissances
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Cheryl Bryce se souvient de ses premières rencontres avec Stqéyəʔ lorsque sa famille se rendait dans les îles pour éliminer les espèces envahissantes, et elle se rappelle avoir eu la sensation d’être observée. Parfois, les membres de la famille pouvaient même entendre Stqéyəʔ faire du bruit dans le bois, curieux. Tout en sachant que Stqéyəʔ était proche, ils ont toujours veillé à lui laisser son espace. Les Lekwungen Photo : TJ Watt
s’inquiétaient pour le loup solitaire, mais ils savaient qu’il
L’histoire de Stqéyəʔ des nations Songhees
s’en sortirait et, avec le temps, ils ont vu comment Stqéyəʔ
Stqéyəʔ (prononcé Stakaya) était un loup solitaire bien-aimé
les raisons pour lesquelles Stqéyəʔ a décidé de quitter son
qui vivait sur Tl’ches à Lekwungen (également connu sous le
habitat ne soient pas claires, de nombreux Lekwungen pensent
nom d’îles Chatham et Discovery) en Colombie-Britannique,
que le harcèlement constant et la traque qu’il a subis de la part
au Canada, pendant huit ans et entretenait une relation étroite
de personnes intriguées par sa présence ont probablement
avec la nation Songhees. En mars 2020, Stqéyəʔ a été abattu par
joué un rôle important dans sa décision de quitter les îles où il
un chasseur après avoir été retiré de son habitat et relocalisé par
a vécu pendant plus de huit ans. L’histoire de Stqéyəʔ trouve un
le gouvernement de la Colombie-Britannique.
écho chez de nombreuses personnes. En 2020, Stqéyəʔ a été
s’adaptait à son milieu. Stqéyəʔ a quitté les îles pour l’île principale en 2019. Bien que
abattu par un chasseur, et des gens de partout dans le monde Dans ce récit collectif, nous en apprenons davantage sur l’histoire
ont été affectés par sa mort soudaine et déchirante. Elle nous
de Stqéyəʔ par les gardiens du savoir de Songhees, l’aînée
rappelle l’importance et la valeur des savoirs autochtones et
Sellemah (Joan Morris) et Cheryl Bryce, qui travaille au Centre de
de la relation au lieu. Nous devons donner de l’espace aux
ressources en gestion des terres des Premières Nations. Morris
animaux et être conscients de l’incidence que nous avons
affirme que « Stqéyəʔ est très important pour notre peuple et
sur le territoire et sur toutes nos relations. Stqéyəʔ revêt une
notre culture, et que le peuple lekwungen avait un lien avec
grande importance culturelle pour le peuple lekwungen, et
Stqéyəʔ avant que son histoire ne soit connue dans les médias. »
la collectivité continue de plaider pour la protection de tous
[traduction] Le nom Stqéyəʔ a été donné au loup par la nation
les animaux, mais surtout des loups, et de leur milieu de vie.
Songhees, et est le mot lekwungen pour loup. Stqéyəʔ serait
La collectivité attend toujours que la dépouille de Stqéyəʔ soit
arrivé à Tl’ches vers 2011. Le peuple lekwungen savait que Stqéyəʔ
rendue à la nation songhees afin qu’il puisse être mis en terre
ne s’était pas installé dans ces îles sans raison, et il respectait son
de manière honorable et respectueuse.
choix et vivait avec lui en harmonie et dans le respect. Guide de synthèse des connaissances
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Principes directeurs pour la mobilisation communautaire et la réconciliation Vous trouverez ci-dessous une liste de stratégies de haut niveau
• Revoir les politiques clés qui sous-tendent le guide du
proposées à l’appui de la réconciliation et de l’établissement de
conseil d’administration et rédiger des descriptions des
relations avec les peuples, les collectivités et les organisations
compétences qui permettent d’établir et de maintenir des
autochtones. Ces stratégies sont axées principalement sur le
relations empreintes de respect avec les peuples, nations,
travail interne de Protection mondiale des animaux pour ce qui
gouvernements et collectivités autochtones. Lors de la
est d’élaborer ses approches en matière de mobilisation des
rédaction de ces aptitudes et compétences, solliciter l’avis
Autochtones, de revoir et de recentrer ses cadres opérationnels,
des collectivités autochtones engagées dans le cadre du
et d’explorer les moyens d’intégrer les voix autochtones dans
présent projet de mobilisation des Autochtones.
le travail de l’organisation. Bien que nombre de ces stratégies soient axées sur les politiques et les processus, il est utile de déterminer les budgets et les ressources internes nécessaires pour passer de la mobilisation à l’action en faveur de la réconciliation avec les peuples autochtones. La réconciliation se mesure par les actions positives entreprises, plutôt que par de simples paroles d’engagement. • En s’appuyant sur le projet actuel de mobilisation des Autochtones, élaborer un cadre pluriannuel pour la mobilisation des Autochtones qui comprend l’élaboration d’un plan d’action en matière de réconciliation. Ce cadre et ce plan d’action en matière de réconciliation seraient axés sur la compréhension, au sein de Protection mondiale des animaux, du lien entre les peuples
• Entreprendre des travaux pour examiner les effets des changements climatiques sur les animaux. Si des travaux préliminaires ont été effectués dans ce domaine, il convient d’explorer l’expansion et l’évaluation des moyens d’approfondir la compréhension de ces liens. • Examiner les approches de la création de messages de campagne et la façon dont les intérêts sont exprimés dans la rédaction des documents et du contenu. Déterminer les moyens d’intégrer les voix autochtones dans les divers messages de la campagne en dialoguant avec les peuples et les collectivités autochtones sur leurs liens avec la nation animale. • Refléter davantage de diversité et d’inclusion dans les
autochtones et les nations animales, ainsi que sur la
politiques canadiennes (énoncés de vision/mandat). Ces
signification et la nécessité de recadrer la protection des
politiques n’intègrent pas directement les perspectives
animaux dans un contexte autochtone diversifié.
autochtones. Cela inclut l’examen des messages existants
Guide de synthèse des connaissances
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en ce qui concerne « Nous faisons bouger le monde pour
1
Carroll, Clint. 2021: “Fauna and Flux on the Plains’ Edge: Animal Kinship, Place Making, and Cherokee Relational Continuity”. P. 114137 dans The Greater Plains: Rethinking a Region’s Environmental History, éd. Kathleen Brosnan et Brian Frehner. Lincoln: University of Nebraska Press.
2
À la page 34 – “Looking after Gdoo-naaganinaa: Precolonial Nishnaabeg Diplomatic and Treaty Relationships”, Leanne Simpson. Wicazo Sa Review, volume 23, numéro 2, automne 2008, p. 29-42.
3
Le petit de Tahlequah est né le 24 juillet 2018, et c’était le deuxième qu’elle avait perdu. Le troupeau J, ainsi que les membres de leur famille éloignée des troupeaux K et L, vit dans les eaux au large de Seattle, Washington, et de Vancouver et Victoria, ColombieBritannique. Chaque été, les trois troupeaux se réunissent et forment un « super troupeau », se livrant souvent à des rituels de salutation au cours desquels ils s’alignent et nagent les uns vers les autres à grande vitesse. https://www.nationalgeographic.com/ animals/2018/08/orca-mourning-calf-killer-whale-northwest-news/
protéger les animaux » et « Nous aidons le monde à voir à quel point les animaux sont importants pour nous. » • Faire participer les Autochtones à l’examen et à la révision du contenu de la boîte à outils culturelle afin de refléter les valeurs et les modes de vie autochtones – en évitant le panindigénisme. • Soutenir la formation sur la sensibilisation à la culture autochtone et aux nations animales et leurs liens avec les changements climatiques. • Engager des discussions avec les nations et les collectivités autochtones pour mieux comprendre les
Le 4 septembre 2020, Tahlequah a donné naissance à un veau en bonne santé, appelé J 57, dans la mer des Salish. Au moment d’écrire ces lignes, le veau nage vigoureusement avec les 23 autres membres de son groupe, à la recherche de saumons chinook et d’autres aliments pour se nourrir. Disponible sur : https://www. theguardian.com/environment/2020/sep/07/tahlequah-the-orcafamous-for-carrying-her-dead-calf-for-17-days-gives-birth-again
relations des Autochtones avec les animaux, et s’associer aux collectivités autochtones pour harmoniser leur stratégie d’image de marque et éviter le panindigénisme. • Dans le cadre des politiques en matière de ressources humaines, rédiger et inclure des lignes directrices
4
Housty, Jess ‘Cúagilákv. “Kinship”. Dans Black, Martha, Lorne Hammond, Gavin Hanke avec Nikki Sanchez, éd. Spirits of the Coast: Orcas in Science, Art and History. Victoria: Royal BC Museum. p. 177.
5
La capitale cherokee de Tahlequah tire très probablement son nom de Tellico, un important village cherokee situé sur une colline dans ce qui s’appelle aujourd’hui le Tennessee. Tellico et d’autres villes cherokees ont été inondées en 1979 par le projet de barrage de Tellico. On ne connaît pas avec certitude la signification de Tahlequah, mais ce mot signifie probablement « plaine ». Tellico a également été appelé Talikwa et Telliquo. https://www. tahlequahdailypress.com/news/origin-of-tahlequah-name-lost-inmists-of-time/article_fd930a14-a97e-5f9c-aaf5-b225c0f690c6.html ; http://files.usgwarchives.net/ok/cherokee/misc/tahlequah.txt
6
Gray, Christina. 2019. “Being in Good Relations.” Upstage. Belfry Theatre. 5(3): 4-5.
7
Housty, “Kinship”, p. 179.
sur la création d’un milieu accueillant, ainsi que sur le recrutement et le maintien en poste d’employés autochtones. • Réviser les descriptions de poste pour y inclure les rôles et les ensembles de compétences permettant d’encourager les candidats autochtones à postuler, ou avoir une expérience de vie autochtone comme exigence de compétences professionnelles. • Examiner et définir les moyens d’intégrer les perspectives autochtones dans les pratiques d’embauche de Protection mondiale des animaux.
Guide de synthèse des connaissances
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Protection mondiale des animaux et Réconciliation
Quintessential Research Group
La vision de Protection mondiale des animaux est celle d’un
QRG est un cabinet-conseil en
monde dans lequel la souffrance et la cruauté envers les
socioéconomie, en santé et en
animaux ont été abolies pour toujours. Nous comprenons
mobilisation, dirigé par des personnes
que pour réaliser cette vision, nous devons édifier une culture
autochtones, non autochtones et
organisationnelle qui valorise et célèbre l’équité, la diversité
de diverses identités de genre, qui
et l’inclusion. En tant qu’employeur, nous nous engageons
a acquis une grande expérience
à créer un milieu de travail diversifié et inclusif et à adopter
de la mobilisation communautaire,
des pratiques de recrutement respectueuses du personnel.
de l’équité, de la diversité et de
Nous soutiendrons les employés de Protection mondiale des
Jeff Kanohalidoh Corntassel, Ph. D. Chef de l’exploitation, QRG
animaux et nous leur donnerons les moyens de réaliser leurs
ce qui concerne les Autochtones. QRG possède une vaste
objectifs et leurs aspirations. Grâce à notre engagement en
expérience du travail auprès des collectivités autochtones
faveur de la réconciliation, nous souhaitons accompagner
et dans l’établissement de relations réciproques durables; la
notre personnel en lui offrant une formation de sensibilisation
coordination et la mise en œuvre des processus complexes
à la culture autochtone et aller de l’avant dans l’établissement
de mobilisation communautaire en partenariat avec divers
de relations empreintes de respect avec les peuples, les
paliers de gouvernement; la planification et l’animation de
collectivités et les organismes autochtones. Ce n’est pas une
réunions accessibles; et la gestion des ressources à l’appui
mince tâche, mais nous sommes déterminés à faire en sorte
de la participation et de la mobilisation de personnes issues
que la voix de tous les membres du personnel soit entendue
de la diversité. QRG se compose d’une équipe d’experts en
et à offrir un espace sécuritaire pour engager le dialogue et
mobilisation autochtone, en animation de groupes et en
échanger des connaissances et des perspectives sur notre
pratiques de lutte contre le racisme et l’oppression pour les
travail et nos façons de faire.
professionnels en activité. Notre équipe possède plus de 50
la formation interculturelle en
ans d’expérience combinée de travail auprès des collectivités autochtones au Canada et à l’étranger.
Guide de synthèse des connaissances
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