LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE INTÉGRER LA DIMENSION DE GENRE DANS LA RÉFLEXION SUR LE COMMERCE ILLÉGAL D’ESPÈCES SAUVAGES ET LES RÉPONSES APPORTÉES
NOTE CONTEXTUELLE Les recherches effectuées dans le cadre de ce rapport reposent en partie sur des entretiens personnels réalisés avec des personnes luttant contre le commerce illégal d’espèces sauvages. Certaines d’entre elles ont partagé des observations d’ordre privé ou des informations qui, si elles venaient à être divulguées de manière non anonyme, pourraient mettre en péril leur emploi, leur bien-être ou l’efficacité de leurs efforts visant à éradiquer le commerce illégal d’espèces sauvages. Afin d’éviter cette situation, tout au long de ce rapport, je n’identifie les communications privées en citant les personnes spécifiques que lorsqu’elles m’y ont autorisée ou lorsque leur travail relève déjà du domaine public. À PROPOS DE L’AUTEURE Joni Seager est une géographe féministe et écologiste. Ancienne doyenne de la faculté d’études environnementales de l’université York de Toronto (Canada), Dre Seager est aujourd’hui professeure, décorée de la distinction « Goldman », d’arts et de sciences à l’université Bentley de Boston (ÉtatsUnis). Spécialiste de l’analyse environnementale selon le genre, des méthodologies féministes et de la politique internationale, elle travaille depuis de nombreuses années dans les domaines de l’environnement et du développement, apportant des perspectives de genre dans les projets et programmes environnementaux, notamment en matière de changement climatique, de conservation, de pollution et de développement communautaire. Dre Seager est souvent sollicitée pour fournir des conseils en matière de genre et de politique environnementale aux gouvernements et aux agences multilatérales, notamment, récemment, à l’UNEP, à ONU Femmes, à l’IPBES et au gouvernement du Mozambique. Elle témoigne d’une expérience de terrain au Costa Rica, au Ghana, en Islande, au Kenya, à Madagascar, en Mongolie, au Mozambique, en Namibie et au Pérou. ABRÉVIATIONS A-M-I-R Cadre de l’analyse de genre « Acteur-Moteur-ImpactRéponse » CITES Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction VBG Violence basée sur le genre Interpol Organisation internationale de police criminelle IPBES Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques UICN Union internationale pour la conservation de la nature CIES Commerce illégal d’espèces sauvages LGBTQI Lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, en questionnement, intersexe Sida Agence suédoise de coopération internationale pour le développement MTC Médecine traditionnelle chinoise (également appelée « MTA » pour « médecine traditionnelle asiatique »)
REMERCIEMENTS Sans la direction éclairée, les conseils avisés et l’implication de Rob Parry-Jones (responsable de la Wildlife Crime Initiative (WCI), WWF International), cette initiative n’aurait pas vu le jour. Rob est un précurseur dans l’identification et la conceptualisation de la nécessité d’intégrer la dimension de genre dans le domaine du CIES. Son soutien, sa coopération et sa connaissance approfondie des nombreuses facettes du CIES ont façonné ce projet tout au long de son déroulement. Je remercie Tamara Leger qui a contribué à rédiger ce rapport dans les délais impartis et qui lui a permis de franchir les derniers obstacles. La publication de ce rapport n’aurait pas été possible sans le talent de communication d’Alison Harley (responsable du plaidoyer et de la communication pour l’Asie-Pacifique et la lutte contre la criminalité liée à la faune sauvage dans le monde) et de Kassia Wordley (consultante en communication pour la Wildlife Crime Initiative du WWF). Nous remercions la Sida d’avoir apporté son soutien financier à ce projet dans le cadre du programme « Voices for Diversity » du WWF. J’ai bénéficié de conseils et de renseignements qui m’ont été fournis avec générosité et enthousiasme par de nombreux collègues. J’ai interrogé de façon formelle la plupart des individus présentés ci-dessous, et je me suis également entretenue de manière informelle avec eux. Je les remercie tous. Je suis particulièrement reconnaissante envers les réviseurs qui ont consacré beaucoup de temps et d’attention à fournir des commentaires et des conseils sur la version préliminaire de ce document. Leur travail a considérablement amélioré ce document et je reste seule responsable des erreurs. Cate Owren (UICN), Cynthia Enloe (Université de Clark), David Newton (TRAFFIC), Drew McVey (WWF), Esther John (TRAFFIC), Gayle Burgess (TRAFFIC), Greta Iori (Elephant Protection Initiative (EPI)/Wildlife Conservation Society (WCS)), Helen Anthem (Fauna & Flora International), Jeni Vanhoucke (Game Rangers International), Jess Dempsey (Université de la Colombie-Britannique), Jody Emel (Université Clark), Julie Thomson (TRAFFIC), Kelly King (chercheuse indépendante), Laura Perander (WWF), Lawrence Mbwambo (WWF), Lisa Arlbrandt (WWF), Louise Carlsson (WWF), Maeve Nightingale (UICN), Maggy Ho (Guangdong Harmony Community Foundation), Martin Andmilie (TRAFFIC), Monica Zavagli (TRAFFIC), Naeem Shinwari, (WWF), Renata Cao (coordinatrice régionale du WWF pour l’Amérique latine), Rob Parry-Jones (WWF), Rohit Singh (WWF), Rosaleen Duffy (Université de Sheffield), Rosemary Collard, (Université Simon Fraser), Serge Solo (WWF Madagascar), Simon Rafanomezantsoa (WWF Madagascar), Trang Nguyen (WildAct Viêt Nam), Van Nguyen Dao Ngoc (WWF Viêt Nam), Wai Yee Lim (Panthera Malaysia). Mes remerciements vont également aux personnes suivantes, pour l’aide qu’elles m’ont apportée dans le cadre de mes recherches : Daniel Zayonc, Université McGill, Canada ; Garance Malivel, Université York, Canada ; Nesrine Rouini, Université des sciences et technologies ; Houari Boumediene, Alger ; Yulia Garcia Sarduy, Université Christopher Newport, États-Unis. Et merci à GWC, en particulier à James Slade, pour l’aide fournie à ces chercheurs. CITATION J. Seager. 2021. La notion de genre dans le commerce illégal d'espèces sauvages : négligée et sous-estimée. WWF. Gland, Suisse.
TRAFFIC Le réseau mondial de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvages PNUE Programme des Nations unies pour l’environnement WWF Fonds Mondial pour la Nature
WWF, 28 rue Mauverney, 1196 Gland, Suisse. Tél. +41 22 364 9111 CH-550.0.128.920-7 Les marques WWF® et World Wide Fund for Nature® et le symbole du panda 1986© sont la propriété du WWF-World Wide Fund For Nature (anciennement World Wildlife Fund). Tous droits réservés. Pour obtenir les coordonnées et de plus amples informations, veuillez consulter notre site web international à l’adresse suivante : www.panda.org
2
Rapport conçu par : pinupdesign.co.uk Photographie de couverture : © Julia Gunther Justine. La présidente de la coopérative No sex For Fish, debout près de son bateau de pêche, sur la plage de Nduru, à Kisumu, au Kenya, en 2019. Patrick Higdon, dont le nom figure sur le bateau, travaille pour l’organisation caritative World Connect, qui a accordé au groupe une subvention destinée à fournir des bateaux à certaines femmes de la région.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TABLE DES MATIÈRES LES FONDEMENTS PREMIÈRE PARTIE EN BREF
4-7 9
INTRODUCTION
10
12
PRINCIPALES CONCLUSIONS
DEUXIÈME PARTIE ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES
17
BRACONNAGE
26
TRAFIC
40
CONSOMMATION
52
64
ÉLABORATION DES POLITIQUES
TROISIÈME PARTIE GUIDE PRATIQUE
72
NOUS AVONS TELLEMENT À FAIRE ! POURQUOI NOUS EMBÊTER AVEC LE GENRE ?
74
MAIS ALORS, COMMENT Y PARVENIR ?
83
ACTEUR-MOTEUR-IMPACT-RÉPONSE (A-M-I-R)
84
INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET LES PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE 86
QUATRIÈME PARTIE RECHERCHES ET RECOMMANDATIONS
101
RECHERCHES
POINTS FORTS DES RECHERCHES EXISTANTES
103
NOUVELLES RECHERCHES, RECHERCHES ÉMERGENTES ET RECHERCHES NÉCESSAIRES
104
RECOMMANDATIONS
AGENCES ET PROGRAMMES LOCAUX
107
POLITIQUE NATIONALE ET MONDIALE ET NIVEAUX ORGANISATIONNELS
108
CAPACITÉS ET ENGAGEMENTS ORGANISATIONNELS 109
ÉLABORATION DES POLITIQUES ET PARTENARIATS 110
NOTES DE BAS DE PAGE
111
BIBLIOGRAPHIE
115
© Jasper Doest/WWF
3
LES FONDEMENTS
TERMINOLOGIE CLÉ
1
OPTIQUE DE GENRE
L’optique de genre implique de rechercher et de faire ressortir intentionnellement les inégalités de traitement entre les hommes et les femmes (ainsi que d’autres personnes non-binaires) dans la société et par rapport à des activités spécifiques. Adopter une optique de genre permet de mettre en lumière les modèles de relations de pouvoir dans les structures, les institutions, les politiques et les processus.
Une optique de genre permet de remarquer les choses ; une analyse de genre soulève la question « que faire ? » Ce sont des outils. Leur objectif est d’informer le public quant aux résultats. Les résultats organisationnels sont généralement décrits en termes d’intégration, d’inclusion, de réactivité et d’égalité des sexes.
ANALYSE DE GENRE
L’analyse de genre est l’examen systématique des différences entre les rôles, les activités, les besoins, les possibilités et les droits des hommes et des femmes, tout en étudiant comment ces différences sont créées et entretenues, et à quelles fins. L’analyse de genre permet de comprendre comment ces différences affectent la vie quotidienne des personnes concernées, ou leurs activités et projets spécifiques. Les analyses de genre étudient les relations entre les femmes et les hommes, la façon dont ils accèdent et contrôlent les ressources, ainsi que les contraintes auxquelles ils sont confrontés les uns par rapport aux autres.
INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE
L’intégration de la dimension de genre (gender mainstreaming) est la stratégie qui concrétise la prise de conscience apportée par une optique de genre et une analyse de genre dans tous les domaines d’activité d’une organisation ou d’un projet. Il s’agit d’une stratégie visant à intégrer les préoccupations et les expériences des femmes et des hommes dans l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques et des programmes, afin que tous puissent en bénéficier et pour empêcher la perpétuation des inégalités. L’intégration de la dimension de genre fait ressortir le besoin d’impliquer les femmes et les hommes dans toute action, politique ou tout programme.
INCLUSION DU GENRE
L’inclusion du genre est un processus qui consiste à inclure les femmes et les hommes en tant qu’acteurs d’égale valeur dans les initiatives. Les projets de genre inclusif, les programmes, les processus politiques et les services qui s’y réfèrent sont ceux qui mettent en place des protocoles pour s’assurer que les femmes et les hommes (et les garçons et les filles, le cas échéant) sont inclus, que leurs voix sont entendues et que leurs opinions ont la même valeur.
SENSIBILITÉ AU GENRE
La sensibilité au genre se réfère aux résultats qui reflètent une compréhension globale des rôles et des inégalités entre les genres et qui font un effort pour encourager une participation égale et une distribution juste et équitable des avantages. La sensibilité au genre est réalisée grâce à l’analyse de genre et à l’inclusion du genre.
IGNORANCE DU GENRE
L’ignorance du genre désigne l’incapacité à reconnaître les rôles et responsabilités sexospécifiques des hommes/garçons et des femmes/filles qui leur sont attribués dans des contextes sociaux, culturels, économiques et politiques spécifiques. Les projets, programmes, politiques et attitudes qui ne tiennent pas compte de la dimension de genre ne prennent pas en considération ces différents rôles et besoins. L’ignorance du genre maintient le statu quo et ne contribue pas à transformer la structure inégale des relations entre les sexes. Elle peut même exacerber les inégalités.
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
LES FONDEMENTS
SEXE ET GENRE SEXE
GENRE
Les caractéristiques sexuelles sont universelles, tandis que les rôles basés sur le genre ne le sont pas.
Caractéristiques biologiques qui permettent de distinguer les individus mâles des individus femelles. Cette identité est généralement considérée comme immuable, mais les identités sexuelles non binaires telles que « intersexe » sont de plus en plus reconnues. Les personnes qui s’identifient à des identités de genre non binaires, telles que « trans » ou « fluide », sont de plus en plus nombreuses et ces identités déterminent également les relations sociales. Les identités non hétérosexuelles entraînent également des positions sociales, des opportunités, des contraintes et des discriminations particulières. Construction sociale attachée au sexe. Les attentes, attitudes et normes définissent les rôles, activités et positions sociales les plus appropriés pour les hommes et les femmes. L’identité de genre est le résultat de caractéristiques culturellement déterminées comme étant masculines ou féminines. Les normes de genre produisent et définissent les « rôles ».
Par exemple : Les individus de sexe féminin peuvent être enceintes et donner naissance à des enfants : c’est une fonction de l’identité sexuelle.
Partir du principe que les femmes, après avoir accouché, s’occupent principalement des enfants constitue un rôle attribué par les normes de genre
Dans le monde entier, ce sont les femmes qui donnent naissance. Les rôles attribués aux hommes et aux femmes sont souvent très similaires d’une culture et d’un lieu à l’autre et peuvent sembler quasi universels : par exemple, dans presque toutes les communautés du monde qui dépendent des ressources naturelles, ce sont les hommes qui chassent et les femmes qui préparent la nourriture. Mais les normes et les rôles de genre sont également définis et mis en place au niveau local. Les notions de féminité/masculinité appropriées varient selon l’âge, la culture, le lieu, l’origine ethnique, la catégorie sociale et la religion. Les rôles liés au genre sont fermement ancrés et tenaces. Il est difficile de les modifier. Remettre en question ce que les hommes/femmes « devraient » faire et comment ils « devraient » se comporter provoque souvent une énorme résistance sociale. Cela tient en partie au fait que les rôles et les normes liés au genre ont des conséquences profondes. Le pouvoir social et économique passe par les rôles attribués aux hommes et aux femmes. Mais, bien que tenaces, les rôles liés au genre sont également créés de toutes pièces. Ils peuvent changer et changent effectivement de temps en temps et de lieu en lieu. En réalité, ils ne sont pas immuables, universels ou « naturels ». La malléabilité des normes de genre offre des possibilités favorables à l’égalité des genres. Les changements des rôles de genre se produisent rarement de manière intrinsèque. Plus généralement, les rôles/normes de genre sont modifiés à la suite d’efforts de défense des intérêts et de mobilisation sociale, qui à leur tour se traduisent par des règles, lois ou pratiques mises en place dans le but précis de redéfinir les normes de genre.
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LES FONDEMENTS
ÉGALITÉ DES SEXES, ÉQUITÉ, INTERSECTIONNALITÉ ÉGALITÉ DES SEXES
Est atteinte lorsque les femmes et les hommes, les filles et les garçons, jouissent des mêmes droits, des mêmes perspectives de vie et des mêmes opportunités, ainsi que du pouvoir de façonner leur propre vie et de contribuer à la société. L’égalité entre les sexes est une question de répartition juste et équitable du pouvoir, de l’influence et des ressources dans la vie quotidienne et dans la société dans son ensemble. Une société égalitaire entre les sexes préserve et fait appel aux expériences, aux aptitudes et aux compétences de chaque individu (Sida, 2015). L’égalité ne signifie pas que les femmes et les hommes deviendront analogues, mais que leurs droits, leurs responsabilités et leurs chances ne dépendront pas du fait d’être né homme ou femme. Pour parvenir à l’égalité des sexes, il faudra prendre en compte les intérêts, les besoins et les priorités des femmes et des hommes, tout en étant pleinement conscient de la diversité de différents groupes de femmes et d’hommes. L’égalité des sexes n’est pas une question féminine, car elle devrait concerner et intéresser pleinement les hommes aussi bien que les femmes (ONU Femmes). Les hommes profitent autant que les femmes de la vie dans une société égalitaire entre les sexes. Une société égalitaire entre les sexes sera également équitable. L’équité fait principalement référence à la justice et à la nécessité d’un traitement différencié afin d’obtenir un résultat équitable dans une société inégale. L’équité est généralement considérée comme un moyen, alors que l’égalité est la finalité.
INTERSECTIONNALITÉ
Personne n’est défini uniquement par son sexe ou son identité de genre. L’analyse de genre est un outil puissant, mais elle peut ne pas expliquer à elle seule certains schémas et structures sociaux ou économiques. Nous avons tous de multiples identités sociales : âge, religion, origine raciale/ethnique, catégorie sociale, orientation sexuelle, caste, statut marital, entre autres. Ces catégories sociales sont imbriquées et interagissent les unes avec les autres pour délimiter notre « place » et définir, au moins partiellement, nos parcours dans la société. Le pouvoir, les privilèges, les opportunités, l’accès et la discrimination traversent et reflètent ces identités multiples. Les inégalités de pouvoir fondées sur le sexe signifient que les identités intersectionnelles ne se manifestent pas de la même manière dans la vie des hommes et des femmes. Par exemple, se marier est plus une nécessité qu’un choix pour de nombreuses femmes par rapport à la plupart des hommes. Les hommes qui vivent dans la pauvreté, malgré leur indigence et leur marginalisation, ont généralement plus d’options de subsistance que leurs homologues féminines qui vivent également dans la pauvreté.
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
STRUCTURE DU RAPPORT PREMIÈRE PARTIE En bref Cette section présente les objectifs primordiaux de ce rapport. Elle fournit également un aperçu des principales conclusions qui se dégagent du rapport, présentées sous la forme d’un bref résumé.
DEUXIÈME PARTIE État des lieux des connaissances en matière de genre et de CIES Cette section présente une vaste synthèse et une évaluation de la documentation principale, des données recueillies sur le terrain et des principes de base dans le domaine émergent du genre et du CIES. Elle évalue les connaissances qui ressortent du travail effectué sur le commerce illégal des espèces sauvages basé sur le genre, y compris des exemples d’interventions. Les conclusions des recherches et des programmes existants fournissent des modèles, ainsi que des informations de terrain, pour orienter les efforts futurs. La synthèse s’articule autour des quatre piliers de la Wildlife Crime Initiative (WCI) de WWF et TRAFFIC :
• Stopper le braconnage • Stopper le trafic • Stopper l’achat • Gouvernance et politique internationales La première page de chaque partie (braconnage, trafic, achat, politique) fournit un résumé « en bref » des résultats.
TROISIÈME PARTIE GUIDE PRATIQUE Cette section fournit des conseils pratiques sur l’intégration de la dimension de genre dans le CIES. Elle détaille les raisons et les avantages de l’intégration de la dimension de genre, et fournit une approche progressive permettant de mener et d’intégrer l’analyse de genre dans la lutte contre le CIES. La base conceptuelle, et appliquée, de l’analyse de genre est le cadre Acteur-Moteur-ImpactRéponse.
QUATRIÈME PARTIE Besoins en matière de recherche et recommandations La dernière section identifie les recommandations et les besoins en matière de recherche aux niveaux local et mondial.
7
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© James Morgan/WWF-Royaume-Uni
PREMIÈRE PARTIE
EN BREF
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PREMIÈRE PARTIE : EN BREF
INTRODUCTION Ce rapport fournit la première synthèse et évaluation de la dynamique sexospécifique du commerce illégal d’espèces sauvages (CIES). En reposant sur cette base factuelle, il fournit en outre une feuille de route permettant d’intégrer systématiquement l’analyse de genre dans les programmes, politiques et interventions visant à mettre fin au CIES.
Les objectifs conceptuels primordiaux de ce rapport sont les suivants :
Les objectifs opérationnels spécifiques sont les suivants :
1. Développer un nouveau discours et une nouvelle réflexion sur le genre et le CIES.
1.
2. Poser les bases pour transformer l’« espace » du CIES en un domaine sensible au genre. 3. Fournir la base théorique permettant de faire le lien entre les analyses de genre du CIES et les cadres conceptuels et d’action plus larges de « genre et environnement » qui ont émergé au cours des deux dernières décennies.
10
Fournir une synthèse des connaissances disponibles sur le genre dans le CIES et identifier les leçons tirées de l’efficacité de l’analyse de genre.
2. Fournir une approche qui permet d’intégrer systématiquement l’analyse de genre dans la lutte contre le CIES afin d’en améliorer l’efficacité. 3. Développer un guide à l’usage des professionnels afin d’intégrer le genre dans leurs projets et programmes. 4. Identifier des approches globales tenant compte du genre afin d’élaborer des programmes et des politiques à l’échelle locale, nationale et mondiale.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Le commerce illégal d’espèces sauvages est généralement envisagé à travers le prisme de la différenciation économique. La pensée conventionnelle impose le schéma suivant : les relations symbiotiques entre la pauvreté/les besoins, d’une part, et la demande des riches, d’autre part, sont les principaux moteurs du CIES (Nellemann et al. 2016). Mais il est tout aussi percutant de considérer le CIES à travers le prisme de la différenciation des sexes et des asymétries entre les sexes. Le CIES repose sur un monde de différence entre les sexes : •
•
Le « besoin économique » lui-même est sexué. Les exigences imposées aux hommes et aux femmes afin qu’ils rentrent dans le moule des rôles traditionnels de masculinité et de féminité sont des moteurs aussi puissants que le « besoin » et la « cupidité ». En effet, d’une certaine manière, les normes de masculinité et de féminité prédéterminent à la fois le besoin et le désir. L’accès aux ressources, le contrôle exercé sur ces ressources, les attitudes à leur égard et les décisions concernant les ressources qu’il faut utiliser et le moment de les utiliser sont différents pour les hommes et pour les femmes.
•
Les coûts et les avantages créés par le braconnage, le trafic et la consommation d’espèces sauvages sont différents pour les hommes et les femmes, tout comme les coûts et les avantages résultant de la limitation ou de la fin du CIES.
•
Les femmes et les hommes sont confrontés à des contraintes différentes quand il s’agit de trouver des moyens de subsistance diversifiés qui ne sont pas liés au CIES.
•
À toutes les échelles, locale ou mondiale, les possibilités de participer à la prise de décision concernant le CIES (et d’agir en tant que décisionnaire) excluent largement les femmes.
La prise en compte de l’analyse et de l’intégration de la dimension de genre dans les travaux visant à endiguer le CIES répond à des aspirations et à des obligations majeures. •
La plupart des personnes œuvrant pour mettre fin au CIES travaillent, ont des partenariats et/ou sont financées par des organisations qui attendent d’elles qu’elles adhèrent aux objectifs d’égalité des sexes et intègrent une perspective de genre dans leur démarche.
•
La plupart des organisations de protection des espèces sauvages s’engagent à faire progresser et à protéger les droits de l’homme, qui sont indissociables des droits des femmes.
•
Les engagements mondiaux en faveur de l’égalité fixent les attentes à l’égard des organisations de conservation des espèces sauvages en matière d’intégration du genre dans leur travail.
L’intégration de l’analyse de genre et de l’égalité dans le travail de lutte contre le CIES est hautement enrichissante. Étant donné que le CIES s’inscrit dans un monde qui est entièrement défini par la différenciation des sexes, les acteurs, les pratiques, les impacts, les pressions et les résultats du CIES, ainsi que les efforts visant à l’endiguer ou à l’éradiquer, sont eux aussi sexués. Ce rapport révèle que la différenciation et l’inégalité entre les sexes, ainsi que les normes de genre, renforcent et façonnent le CIES en divers endroits des chaînes de production et de valeur. Par ailleurs, le CIES est également le théâtre de forts taux d’exploitation et de violences sexuelles. Explorer ces dynamiques de genre, mettre au point des interventions et s’engager en conséquence peut amplifier leur efficacité. L’intégration d’une analyse de genre dans les travaux de lutte contre le CIES est importante. Elle améliore les chances de réussite de la conservation des espèces sauvages et peut permettre d’accélérer la remise en question des inégalités sociales. Inversement, les études du CIES qui ne tiennent pas compte du genre créent d’énormes lacunes dans la compréhension des activités, des processus et des possibilités d’intervention contre le CIES dans le monde réel. Pour reprendre les termes d’un responsable de la conservation, cela revient à « s’attaquer à la criminalité liée aux espèces sauvages avec une main attachée dans le dos » (Anthem 2018).
© naturepl.com/Denis-Huot/WWF
L’analyse de genre est un outil, pas une baguette magique. Elle ne résoudra pas les problèmes liés au commerce non durable et empreint de violence envers les espèces sauvages. Mais elle contribue à trouver des solutions en offrant une compréhension plus globale des problèmes, des approches et des politiques qui n’est pas proposée ailleurs. Elle permet en outre aux organisations qui luttent contre le CIES de faire coïncider leur travail avec les engagements en matière de droits de l’homme et de diversité déjà pris dans l’ensemble du domaine de la protection des espèces sauvages, et par conséquent d’œuvrer pour le changement par le biais de voies politiques multiples et variées.
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PREMIÈRE PARTIE : EN BREF
PRINCIPALES CONCLUSIONS © James Morgan/WWF
© James Morgan/WWF-États-Unis
© Ola Jennersten/WWF-Suède
© Thomas Cristofoletti/ WWF-États-Unis
© J.J. Huckin/WWF-États-Unis
© Ola Jennersten/WWF-Suède
© Thomas Cristofoletti/ WWF-États-Unis
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© Ola Jennersten/WWF-Suède
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© WWF-Népal
1.
De plus en plus d’observations révèlent que l’égalité entre les sexes est liée de manière causale au bienêtre social et environnemental.2 Lorsque les inégalités entre les sexes sont très marquées, la dégradation de l’environnement est généralement importante. La tendance inverse pourrait également être vraie, mais elle est beaucoup moins étudiée.
2.
L’implication des femmes dans la conservation des espèces sauvages est une solution bénéfique à tous points de vue pour l’égalité des sexes et la durabilité environnementale. Ce constat n’est pas nourri par des stéréotypes essentialistes selon lesquels les femmes sont qualifiées de « nourricières » ou plus proches de la nature, ou les hommes sont des destructeurs par nature. Au contraire, les structures sociales et économiques qui favorisent l’égalité entre les hommes et les femmes (prise de décision et participation inclusives, reconnaissance des effets positifs de la diversité, citoyens engagés et responsabilisés, reconnaissance des droits de l’homme universels) sont également des conditions préalables à la durabilité environnementale. La conservation des espèces sauvages intégrant la dimension de genre amplifie l’efficacité.
3.
Des dynamiques de genre systématiques, fortes et importantes influencent le commerce illégal d’espèces sauvages et les efforts visant à l’enrayer. Certaines normes de genre amplifient le CIES tout au long de la chaîne de valeur tandis que d’autres normes de genre atténuent le CIES ou pourraient être accentuées pour l’enrayer. Puisque les notions de féminité et de masculinité (qui ne sont ni naturelles ni universelles) sont façonnées et remodelées par la culture, elles peuvent faire l’objet d’un examen attentif et de changements.
4.
Les hommes et les femmes interagissent différemment avec leur environnement, la biodiversité et les ressources naturelles. Les femmes et les hommes ont généralement des connaissances et une expérience différentes en matière d’environnement. Ces différences façonnent les connaissances sur la rareté, les pressions et les meilleures pratiques de gestion des ressources, y compris la faune et la flore sauvages. Recueillir des informations uniquement sur les hommes ou les activités des hommes,
ou uniquement sur celles des femmes, produit des connaissances faussées qui ne sont d’aucune utilité. À ce jour, soit les connaissances sur le CIES ignorent le genre, soit elles sont fortement biaisées par le genre, et cette approche faussée n’est pas vraiment prise en compte.
5.
Les femmes et les hommes participent différemment à tous les aspects du CIES, du braconnage à la consommation, en passant par l’élaboration des politiques. Les coûts et les avantages créés par le braconnage, le trafic et la consommation d’espèces sauvages sont différents pour les hommes et les femmes, tout comme les coûts et les avantages résultant de la limitation ou de la fin du CIES. L’accès aux ressources, le contrôle exercé sur ces ressources, les attitudes à leur égard et les décisions concernant les ressources qu’il faut utiliser et le moment de les utiliser sont différents pour les hommes et pour les femmes. Les hommes et les femmes adoptent généralement des attitudes différentes à l’égard des animaux, des conflits hommes-faune, de la valeur des zones protégées et de l’engagement en faveur de la conservation des espèces sauvages. L’impact de ces attitudes propres au genre en termes de pratique du CIES doit faire l’objet d’une étude sérieuse.
6.
La violence sexuelle et l’inégalité entre les sexes sont des facteurs qui facilitent le CIES d’un bout à l’autre. L’exploitation sexuelle, la prostitution des femmes et le trafic sexuel facilitent les transactions personnelles et commerciales du CIES à l’échelle locale et mondiale. Sensibiliser la population à l’impact de la violence basée sur le genre dans le CIES permet de remettre en question et de changer ces dynamiques.
7.
Le « besoin économique », très souvent identifié comme un moteur du CIES, est lui-même sexué. Les hommes et les femmes ont souvent une vision différente des besoins économiques, et des moyens différents de répondre à ces besoins. Le braconnage est motivé par des inégalités économiques qui se manifestent différemment dans la vie des hommes et des femmes. L’application du régime foncier et la propriété foncière en sont une dimension essentielle. Les femmes et les hommes sont confrontés à des contraintes et à des options différentes en matière de moyens de subsistance qui ne dépendent pas du CIES. Il est essentiel de fournir des moyens de subsistance alternatifs
aux femmes et aux hommes, qui soient durables, diversifiés et développés en collaboration, afin d’endiguer le CIES.
8.
Les femmes et les hommes expriment des niveaux de peur différents quand il s’agit de dénoncer des activités de braconnage, et ne sont pas semblables face au respect des lois. Les impacts du braconnage (et des programmes de lutte contre le braconnage) produisent une instabilité des moyens de subsistance différenciée selon le sexe, et peuvent renforcer la dépendance économique des femmes vis-à-vis des hommes. Il n’est pas rare que les hommes soient poussés à braconner (par des femmes ou des hommes plus âgés) après avoir vu leur masculinité remise en question (on appelle cette pratique le masculinity shaming).
9.
Les données disponibles suggèrent que les femmes jouent un rôle de trafiquantes (et de commerçantes) principalement au niveau local et à « petite échelle ».Les trafics transnationaux et organisés, quant à eux, sont presque entièrement dirigés par des hommes (dans la mesure où les bandes organisées sont connues). Les exceptions, telles que Yang Fenglan, surnommée la « reine de l’ivoire » en Tanzanie, ont tendance à beaucoup attirer l’attention.
10.
Les services chargés de faire appliquer la loi (forces de l’ordre, gardes forestiers, entités transnationales de lutte contre la criminalité) sont majoritairement des hommes, et dans certaines régions d’Afrique, l’application de la loi sur le terrain se masculinise et se militarise fortement. L’hypothèse selon laquelle les postes de gardes forestiers lourdement armés conviennent mieux aux hommes leur fait courir un risque considérable. Une répression fortement masculinisée est susceptible d’envenimer les relations avec des membres de la communauté qui pourraient s’avérer être des alliés. Elle augmente également le risque de répression violente, pouvant aller jusqu’à des actes criminels impliquant des abus sexuels. Si ces risques ne sont pas identifiés et corrigés, alors que les armes deviennent monnaie courante dans le braconnage et la lutte contre le braconnage, une spirale de violence risque de s’étendre à la vie quotidienne et aux communautés, et d’avoir des effets significatifs différenciés selon le sexe. > 13
PREMIÈRE PARTIE : EN BREF | PRINCIPALES CONCLUSIONS
11.
Il apparaît de plus en plus clairement que le travail effectué par les gardes forestiers mixtes et leurs mesures de répression sont généralement plus efficaces. Permettre aux femmes de rejoindre les forces de l’ordre et de devenir gardes forestières permettrait éventuellement de changer la donne. De solides preuves démontrent que les acteurs féminins chargés de l’application de la loi représentent un atout car elles mettent en œuvre des approches non violentes qui reposent sur la négociation pour résoudre les conflits. En empêchant les femmes de participer aux activités de maintien de l’ordre, ce sont des opportunités de revenu et de prestige, souvent rares, qui leur sont retirées.
12.
Les programmes en faveur de l’égalité des sexes occupent une place de plus en plus importante dans les engagements politiques mondiaux de haut niveau, y compris les engagements fermes qui font partie des objectifs de développement durable (ODD). Les principales entités qui visent à enrayer le CIES sont bien souvent exclues de cette boucle. Peu d’organisations de conservation des espèces sauvages intègrent le genre dans leur travail. Aucune politique internationale dans le domaine du CIES (de la CITES aux processus menés par les États, tels que les déclarations de Londres, de Kasane et de Hanoï) n’exige ou n’intègre une perspective de genre.
13.
Les hommes occupent la majorité des postes dans les grandes organisations qui jouent un rôle clé dans la politique internationale en matière de CIES : gouvernements, ONG, institutions de recherche et secteurs universitaires. L’écrasante majorité d’hommes à ces postes et l’exclusion des femmes est un système qui s’auto-alimente. Toutefois, il peut être inversé, et l’inclusion des femmes à des niveaux essentiels peut créer un cycle vertueux d’inclusion supplémentaire. L’effet provoqué par l’absence des femmes dans la prise de décision concernant le CIES et les efforts visant à l’éradique est difficile à mesurer, bien que l’on puisse affirmer que « les femmes soulèvent des questions que d’autres négligent,
14
soutiennent des idées auxquelles d’autres s’opposent et cherchent à mettre fin à des abus que d’autres acceptent » (Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État américaine).
14.
Sur les marchés de consommation commerciale, l’utilisation de produits illégaux issus de la faune sauvage est fortement sexuée et souvent orientée par des normes identitaires. On retrouve, par exemple, des produits destinés aux hommes pour améliorer leur virilité ou leur statut social, et des produits destinés aux femmes pour améliorer leur beauté et leur fertilité. Les modes de consommation de CIES local/ de subsistance reflètent également bien souvent les normes de genre, y compris les tabous alimentaires pour les femmes, mais ces modèles sont très localisés.
15.
Des messages ciblés visant à faire changer le comportement des hommes et des femmes à l’égard de la consommation liée au CIES s’avèrent fructueux, bien que les résultats ne soient pas toujours clairs. Les hommes et les femmes accèdent et réagissent à des médias différents. Les campagnes visant à modifier les mentalités et à sensibiliser l’audience à l’égard du CIES seront plus efficaces si ces différences entre les sexes sont utilisées pour élaborer les messages et les supports.
16.
Sans une analyse de genre solidement ancrée (accompagnée d’une planification et d’une mise en œuvre de projets tenant compte de la dimension de genre), les actions et les programmes visant à enrayer le CIES ou à le réduire peuvent renforcer les différences et les inégalités entre les sexes, au détriment des femmes et de la conservation. Inversement, les politiques et les programmes pourraient être utilisés pour réduire simultanément le CIES et renforcer l’égalité des sexes.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
17.
La plupart des outils et des techniques d’analyse du CIES (collecte de données, enquêtes, transects, analyse des consommateurs) sont à notre portée. Il suffit de les « genrer » en étudiant et en faisant apparaître les « positions » relatives (parfois littérales) des femmes et des hommes par rapport aux activités et aux processus.
18.
Davantage de recherches et d’analyses sur le genre sont nécessaires dans tous les domaines de la lutte contre le CIES. La plupart des preuves existantes reposent sur une ou deux études.
19.
Les schémas de pouvoir et de différenciation révélés par une optique de genre se rapportent également, à des degrés et niveaux divers, à d’autres identités intersectionnelles telles que l’origine raciale/ethnique, la classe sociale ou la religion, entre autres. Il n’existe pratiquement aucune analyse de ces dynamiques se rapportant au CIES.
20.
L’analyse de genre dans le CIES se matérialise par une investigation systématique des dynamiques de genre parmi les acteurs, les moteurs, les impacts et les réponses (A-M-I-R). Cela constitue la base sur laquelle l’intégration du genre est développée dans la planification, l’élaboration de programmes, les projets et les capacités, les structures et les priorités organisationnelles.
© WWF-Népal
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Thomas Cristofoletti/WWF-États-Unis
DEUXIÈME PARTIE
ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES 17
DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES
SYNERGIES ET DIFFÉRENCES ENTRE LES SEXES DANS LE CIES Les rôles sexuels, les normes de genre et la violence basée sur le genre modèlent le CIES. Bien que ces volets soient examinés de manière distincte tout au long de ce document, les relations entre les genres au sein du CIES sont liées de manière synergique. Les rôles sociétaux, les facteurs culturels, les ressources et les lois, les règlements et les pratiques institutionnelles se conjuguent pour créer et renforcer les limitations et les inégalités entre les sexes. Quelques exemples de l’interdépendance des inégalités de genre et des normes de genre permettent une réflexion systématique sur le genre et le CIES.
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
1. CONTEXTES ET MOTEURS La docteure Greta Iori, experte en CIES, a récemment illustré les relations synergiques entre certaines des conditions et forces contextuelles (moteurs) qui poussent les femmes à se livrer au CIES (Iori 2020) : • • • • • •
Pression pour subvenir aux besoins de la famille Exploitation/obligations/inégalité des sexes Insoupçonnables aux yeux des forces de l’ordre Moyen d’accéder au pouvoir/de s’enrichir Sentiment d’appartenance Solution de facilité
• L es femmes peuvent constituer les gardiennes naturelles de la biodiversité • Leurs interactions constantes avec la faune sauvage offrent davantage d’opportunités aux femmes pour protéger ou exploiter la faune sauvage • Gagner en contrôle et en autonomie • Déception
Rôles sociétaux Écoféminisme
Facteurs culturels Contrôle des ressources
• Manque d’éducation • Mariage des enfants • Violence basée sur le genre • Impuissance en matière de planification et de contrôle des naissances
• D épendance à l’égard des ressources naturelles pour gagner un revenu • Privatisation des terres et manque d’accès aux terres qui se traduit par du ressentiment • Dégradation de l’environnement • Recours au CIES pour gagner un revenu • Conflit homme-faune sauvage avec l’autorisation de l’auteur
À première vue, certains de ces moteurs semblent s’appliquer à la fois aux hommes et aux femmes. Mais les inégalités socialement structurées privent généralement les femmes de bénéficier d’un choix varié en termes d’options de subsistance (lesquelles sont moins nombreuses) et de possibilités d’autonomie et d’action par rapport à leurs homologues masculins. Le manque d’éducation, par exemple, peut freiner la volonté de s’émanciper du CIES, tant pour les hommes que pour les femmes, mais dans la plupart des régions d’Afrique, même dans des contextes où l’éducation est limitée, les femmes/filles ont généralement un niveau d’éducation inférieur à celui des hommes/garçons. Cela n’est pas sans présenter un certain lien avec le mariage des enfants, qui est beaucoup plus important pour les filles que pour les garçons. On estime que 85 % des mariages d’enfants dans le monde sont des mariages de filles.3 En Asie du Sud ainsi qu’en Amérique latine et aux Caraïbes, 25 à 30 % des filles sont mariées ou en union permanente avant l’âge de 18 ans ; 5 à 8 % ont moins de 15 ans.4
L’impuissance des femmes face à la planification et au contrôle des naissances est également un facteur qui leur est spécifique. Game Rangers International a relevé, par exemple, que dans l’un de ses Conservation Clubs basé à Lusaka, 14 des 30 filles scolarisées en primaire ont abandonné l’école parce qu’elles sont tombées enceintes.5 Le mariage des enfants et la grossesse empêchent les filles d’aller à l’école et de participer à des activités économiques formelles. Ces événements renforcent la dépendance économique des femmes visà-vis des hommes, ce qui peut entraîner plusieurs conséquences sur le CIES : une femme peut se livrer au CIES de son plein gré car elle bénéficie de possibilités limitées d’emploi légal et formel ; elle peut fortement encourager son partenaire masculin à s’adonner au CIES car la capacité de son partenaire à gagner de l’argent doit compenser sa capacité limitée à générer un revenu elle-même.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES
2. MOTIVATIONS RELATIVES À LA PRATIQUE DU CIES Aussi, l’infographie présentée ci-dessous, portant sur « les raisons pour lesquelles les femmes prennent part aux activités criminelles », identifie les pressions qui opèrent différemment dans la vie des femmes et des hommes et qui les poussent à se livrer à la criminalité liée aux espèces sauvages ou à céder à la solution de facilité (Iori 2020) :
Dans le même temps, il est important de souligner que lorsque les femmes prennent part au CIES, elles ne contribuent pas seulement à la criminalité liée aux espèces sauvages : les femmes, y compris les femmes autochtones, jouent également un rôle important dans la conservation de l’environnement.6
Protection Ressources (médicaments, argent, nourriture)
Sentiment d’appartenance
Solution de facilité
RAISONS POUR LESQUELLES LES FEMMES PRENNENT PART AUX ACTIVITÉS CRIMINELLES
Problèmes financiers/ dettes
Exploitation
Manque d’emplois dans l’économie légale
Pouvoir avec l’autorisation de l’auteur
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3. MASCULINITÉ ET VIRILITÉ MENACÉES La pauvreté et les moyens de subsistance limités sont souvent identifiés comme les principaux facteurs qui poussent les hommes à braconner. Les normes de genre sont également des moteurs puissants. Les activités de chasse sont très sexuées et déterminées par l’interaction entre les rôles masculins et féminins (Lowassa et al. 2012). Plusieurs personnes interrogées dans le cadre de ce rapport ont remarqué que les hommes se sentent souvent obligés de braconner pour remplir leur rôle de pourvoyeur de famille, et se conformer à la norme de genre. En outre, le fait d’être un chasseur avisé correspond à l’idée que se font beaucoup d’hommes de la virilité. Alors que dans certaines régions d’Afrique le braconnage et la lutte contre le braconnage deviennent de plus en plus armés et dangereux, la pression exercée sur les hommes en matière de virilité pourrait s’amplifier. Les hommes qui n’adhèrent pas à ces normes courent un double risque : celui de ne pas être un bon soutien financier pour sa famille et celui de ne pas correspondre aux normes hétéromasculines.
Les femmes peuvent faire monter les exigences de virilité en mettant les hommes au défi de subvenir aux besoins de leur famille et en les rabaissant s’ils n’y parviennent pas de manière satisfaisante.
Lors d’une discussion de groupe dans l’ouest du Serengeti (Tanzanie), les participants ont raconté comment certaines femmes font pression sur les hommes pour qu’ils chassent (Lowassa et al. 2012) : Les femmes encouragent les hommes à chasser, aussi bien à travers leurs paroles que leurs actes : Par exemple, quand quelqu’un apporte de la viande et que vous demandez le prix, vous vous dites alors que si votre mari était parti chasser, il en aurait apporté pour vous aussi. Vous vous mettez alors en tête de convaincre votre mari. Je dis à mon mari : « Quel genre d’homme es-tu ? Les autres hommes, eux, braconnent » « Si tu n’apportes pas de viande de brousse, je ne cuisinerai pas.... » Les hommes ont remarqué que les femmes aimaient les hommes qui avaient de l’argent : Cela se produit partout, pas seulement au Serengeti, même en ville, un homme qui n’a pas d’argent n’est pas apprécié. Si un homme va braconner et que moi je n’y vais pas, ma femme pourrait apprécier cet homme. Les femmes aiment l’argent ... elles ne peuvent pas attendre jusqu’à la récolte ; avec le braconnage, vous pouvez gagner de l’argent rapidement. Les rôles de genre ont poussé les femmes à soutenir et à entretenir les activités de chasse en raison : •
De l’absence d’autres sources de revenus pour elles [dépendance à l’égard des hommes]
•
De leur impatience à attendre la récolte, considérée comme lente et incertaine.»
© Ami Vitale/WWF-Royaume-Uni
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Une étude sur le terrain menée au Mozambique a révélé que d’autres hommes, notamment des braconniers plus âgés et expérimentés, encouragent souvent les jeunes hommes à chasser :
“
...certains jeunes hommes se lancent dans le commerce du rhinocéros en raison de l’intimidation économique et des moqueries des braconniers plus expérimentés, et parfois même des membres de leur propre famille. Comme l’a expliqué un chef régional, « les jeunes qui arrivent dans la brousse sont pris au piège parce qu’ils n’ont pas d’activité dans les villages. Les braconniers expérimentés les poussent à braconner en les taquinant, en disant qu’ils sont toujours pauvres parce qu’ils sont paresseux et qu’ils ont peur, qu’ils ne sont pas de vrais hommes. Et ces mots sont également répétés par leurs épouses ou leurs proches qui les encouragent à rejoindre un réseau de braconniers. »
”
Ces pressions imposées par les normes de genre font courir aux hommes un gros risque de blessure, de mort et d’emprisonnement. Le braconnage peut être intrinsèquement dangereux : les braconniers passent de longs moments en plein air, parfois sur des terrains dangereux, à proximité d’une faune sauvage qui peut être dangereuse. Par ailleurs, la course aux armements du braconnage en Afrique est de plus en plus meurtrière. Les données sur les décès de braconniers sont peu fiables et lacunaires, mais quelques preuves donnent un aperçu du bilan : 476 braconniers mozambicains ont été tués par les gardes forestiers sud-africains entre 2010 et 2015, et 150 à 200 braconniers ont été tués dans le parc Kruger ;7 22 braconniers ont été tués en 2015 au Zimbabwe, 900 autres ont été arrêtés.8 (Le sexe des braconniers n’a été mentionné dans aucun de ces rapports, mais ils étaient, a priori, tous des hommes) La perte d’hommes par décès ou emprisonnement dans des communautés parfois petites entraîne une déstabilisation sociale et provoque une nouvelle crise dont sont victimes les femmes qui deviennent soudainement l’unique personne à subvenir aux besoins du ménage. Certains observateurs parlent de la « crise des veuves » liée au braconnage (Masse et al. 2018). La limite floue entre le braconnage de subsistance, le braconnage destiné au commerce local et le braconnage pour les intérêts commerciaux transnationaux porte souvent à confusion (Overton et al. 2017) et ne permet bien souvent pas de les distinguer lors des rencontres sur le terrain. Le bilan des gardes forestiers (principalement des hommes) et les dommages qu’ils infligent en termes de violence, souvent sexuelle, sont abordés dans les sections suivantes.
(Lunstrum et Givá 2020).
L’alliance MenEngage est un réseau mondial qui se consacre à la transformation des normes de genre, en particulier les masculinités. Ils opèrent par le biais d’ateliers, de séminaires et d’actions de sensibilisation. Parmi les alliés figurent des groupes tels que The Forum to Engage Men (Inde), MenEngage Kenya et le Caribbean Male Action Network. Aucune de leurs activités ne semble concerner la conservation des espèces sauvages ou le CIES. Tout du moins, pas encore. Georgina Goodwin/Shoot The earth/WWF-Royaume-Uni
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4. LIEUX DU CIES EXPLOITATION SEXUELLE ÉCONOMIES POLITIQUES
L’omniprésence du sexe, de la violence et la manipulation des normes de genre
Le CIES est marqué par des inégalités de genre et de nombreux actes de violence et de coercition sexuelles qui caractérisent la vie ordinaire de citoyen·ne·s du monde entier. En effet, il est probable que les relations sexuelles et les rapports de genre coercitifs et violents soient très présents dans le CIES puisqu’il s’agit d’une entreprise largement fondée sur la violence masculine dans l’abattage et la mutilation d’animaux, impliquant un enchaînement d’activités qui sont pour la plupart criminelles et secrètes. L’économie politique de l’exploitation sexuelle dans le cadre du CIES est peu étudiée, mais certaines données disponibles en révèlent les contours. L’évaluation la plus complète de la violence basée sur le genre (VBG) dans le domaine de la conservation des espèces sauvages est recensée dans le rapport de 2020 de l’UICN sur la VBG et l’environnement. Ce rapport met en avant le fait que la violence basée sur le genre est à la fois un symptôme de l’inégalité des genres et un élément qui ne fait que la renforcer. La VBG est souvent infligée pour conserver un contrôle masculin sur les ressources naturelles, ce qui renforce l’inégalité des genres de manière cyclique (Castañeda Camey et al. 2020). La VBG n’est pas seulement une expérience individualisée ou marginale qui arrive « parfois à des femmes dans certaines situations de CIES ». Ce sont en réalité des réseaux interconnectés de pouvoir, d’inégalité entre les sexes et de violence sexuelle (dont certains sont organisés par des réseaux formels) qui convergent dans certains lieux et situations de CIES.
a) Viols, prostitution et MST : exploitation forestière illégale à Madagascar L’exploitation illégale de bois rares à Madagascar a connu une accélération catastrophique après 2009. L’exploitation forestière illégale à l’échelle commerciale, contrairement au braconnage, se caractérise généralement par l’afflux d’un grand nombre de travailleurs de sexe masculin qui s’installent temporairement et
établissent des campements de moyenne ou longue durée dans les forêts ou viennent faire gonfler la population de villages et de villes auparavant petits et isolés. Une enquête effectuée par TRAFFIC a révélé le coût social effarant, en termes de genre, de ces incursions massives d’hommes, jeunes pour la plupart : viols, prostitution, maladies sexuellement transmissibles et, sans doute, grossesses non désirées. (L’avortement est illégal à Madagascar, et sévèrement puni.) Entre octobre 2013 et janvier 2014, la récolte illégale dans le parc de Masoala et une partie du parc de Makira s’est accompagnée de l’arrivée de milliers de migrants venus de tout Madagascar dans les communes d’Ambohitralanana et d’Ampanavoana notamment. Le même scénario s’est reproduit entre juin et septembre 2014. Ces migrations temporaires [d’hommes] ont fait grimper le niveau d’insécurité et le nombre d’activités criminelles dirigées contre les populations locales, par exemple l’augmentation de la consommation de drogue et/ou d’alcool chez les garçons, le viol des filles ou l’augmentation de la prostitution. Par exemple, entre 40 et 50 % des filles de plus de 12 ans ont abandonné l’école pour se livrer à la prostitution... Dans la commune d’Ambohitralanana, environ un tiers (3 sur 10) des filles de plus de 14 ans se prostituent pendant les périodes de forte exploitation du bois (Ratsimbazafy et al. 2016). Cette étude de TRAFFIC est l’un des seuls rapports sur le CIES à documenter directement l’économie politique sexuelle du CIES. Les rapports portant sur l’exploitation sexuelle de femmes et de mineures associée à l’exploitation forestière illégale proviennent en outre du Pérou et du Soudan du Sud (Castañeda Camey et al. 2020). La convergence d’une gouvernance (typiquement) limitée, d’un afflux de travailleurs masculins établissant des camps durables, bien que temporaires, et de l’inégalité entre les sexes a préparé un terrain favorable au trafic sexuel, au trafic de main-d’œuvre et à l’exploitation et à la violence sexuelles qui font partie intégrante des activités de CIES. >
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES
b) Le sexe transactionnel saisonnier dans l’économie du braconnage du Parc national de Kafue Le schéma saisonnier du braconnage aux alentours du Parc national de Kafue en Zambie repose sur une économie politique sexuelle complexe. Les cheffes de famille monoparentale, y compris les veuves, qui se trouvent dans des situations extrêmement précaires, ont tendance à vivre à la périphérie des villages, près du Parc mais dans des endroits quelque peu reculés. Les braconniers masculins, certains pratiquant le braconnage à des fins de subsistance, d’autres à des fins commerciales, s’entendent avec elles pour leur louer des chambres pendant leurs séjours temporaires liés au braconnage. La location de chambres est l’une des seules sources de revenus des femmes marginalisées de la région. Les hommes paient le loyer de leur chambre en espèces ou en donnant de la viande, et s’attendent à avoir des relations sexuelles avec leur hôte.9 Les femmes sont incitées à garder cet arrangement secret en raison de la crainte et de la honte d’être qualifiée de prostituées et, sans doute aussi, par crainte de perdre leurs revenus si cette information venait à être connue publiquement. L’entente secrète existant entre les braconniers masculins et les hôtes féminins protège le braconnier masculin. Elle empêche également toute étude des niveaux de coercition et de violence qui pourrait accompagner certaines des attentes en matière de logement « avec supplément sexe ». Le personnel de Game Rangers International qui a connaissance, de manière officieuse, de ce système rapporte que les régions victimes de braconnage enregistrent des taux élevés de VIH/SIDA, de MST et de grossesses non désirées. Les données ne sont pas disponibles.
INTERVENTION AXÉE SUR LES FEMMES : Game Rangers International a ouvert une maternité pour aider les femmes de la région. Ils ont également lancé des programmes qui forment les femmes à des moyens de subsistance alternatifs dans le grand écosystème de Kafue, notamment des formations dans le domaine de la boulangerie, de la couture, de la confection de kits d’hygiène féminine et, dans le cadre de la crise actuelle, de fabrication de masques.
c) Sexe, CIES et MTC en Ouganda L’investissement direct chinois en Afrique a connu une augmentation stratosphérique depuis le début des années 2000. Une grande partie de ces investissements concerne la construction d’infrastructures à grande échelle : barrages, chemins de fer, ports.10 Le modèle privilégié repose sur l’importation de travailleurs chinois, principalement des hommes, pour construire les infrastructures.11 Cette tendance reflète ce qu’une agence de développement caractérise de « fait généralement accepté que les industries extractives à grande échelle sont fortement dominées par les hommes... et qu’elles dépendent de travailleurs masculins migrants » (Irish Aid 2020). Des rapports récents en provenance d’Ouganda sur le barrage de Sinohydro Karuma suggèrent des synergies, le plus souvent invisibles, entre le commerce du sexe et le commerce de la faune sauvage susceptibles d’être créées par ce modèle de travail. Environ 6 000 ouvriers, jeunes pour la plupart, ont travaillé sur le projet de construction de Karuma.
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Ici (et probablement ailleurs), la présence de cette main-d’œuvre génère des marchés de demande locaux pour les produits issus de la faune sauvage, notamment le pangolin, destinés à la consommation alimentaire ou la médecine traditionnelle chinoise (MTC).12 Un observateur interrogé rapporte que les résidents locaux qui commercialisent les produits destinés à la MTC à Karuma se composent à la fois de femmes et d’hommes. L’implication des femmes dans le commerce illégal de produits destinés à la MTC se mêle alors à un commerce du sexe parallèle, consenti ou non. Les journaux locaux font état de rapports dramatiques sur la prostitution (« De nombreuses veuves, des jeunes filles ayant abandonné l’école, des femmes célibataires, des femmes séparées ou divorcées et des jeunes filles en âge d’aller à l’école ont été attirées ici depuis Nebbi, Gulu, Oyam, Wakiso, Kampala et Mbarara »), les MST, les femmes laissées seules avec leurs enfants lorsque les travailleurs rentrent chez eux, et une vague de grossesses non désirées.13 L’avortement est illégal en Ouganda, sauf mise en danger de la patiente. La prostitution est illégale. Un spécialiste a qualifié le recours à la MTC et aux rapports sexuels (parfois contraints) de « violation de la loi à un prix abordable », un plaisir bon marché pour les travailleurs (masculins) qui ont du temps à tuer. Pour les femmes, les coûts sont plus élevés.
d) Le Myanmar, haut lieu de la prostitution et du commerce des espèces sauvages « Vous sortez jouer, le soir vous vous trouvez une prostituée, et ensuite vous dégustez des mets que vous ne pouvez pas manger à la maison », a-t-il dit. « C’est tout le package qui rend l’excursion attractive. » 14 Même si l’interlocuteur n’est pas identifié, il est clair qu’il s’agit d’un « package complet » destiné aux hommes. Mong La est une petite ville frontalière dans une région semi-autonome de l’est du Myanmar qui s’est révélée être une plaque tournante du CIES (Shepherd et Nijman 2007). Mais son véritable attrait semble résider dans sa réputation de haut lieu de jeux d’argent, de sexe et de consommation illégale d’animaux sauvages pour des touristes essentiellement masculins. Selon les médias, c’est la milice armée (entièrement masculine) qui contrôle, crée et protège ce business.15 Seuls les reportages quelque peu salaces établissent un lien entre l’« attrait » masculin combiné pour le commerce de la faune sauvage et le commerce du sexe. Les comptes-rendus académiques et d’enquêtes sur l’industrie de la prostitution et du trafic sexuel dans la région de Mong La (par exemple Beyrer 2001) et sur l’industrie du trafic d’espèces sauvages (par exemple Shepherd et Nijman 2007 ; Nijman et al. 2016) ont raté l’occasion d’explorer les liens. Dans ce cas, si des liens conceptuels ont été développés entre les deux commerces illicites, et au vu de la façon dont l’augmentation des activités interdites intensifie chacun d’eux, il semble probable que des réseaux logistiques et d’acteurs se chevauchent et renforcent les deux secteurs en tirant parti des notions normatives du plaisir masculin (hétérosexuel). Une seule étude a relevé, soit dit en passant, un lien spatial et fonctionnel entre certains produits de la faune sauvage vendus comme des aphrodisiaques masculins et les maisons closes situées dans un coin du marché qui vend les produits issus de la faune sauvage (Rippa et al. 2016).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Green Renaissance/WWF-États-Unis
e) Du sexe en échange de poisson
f) Réseaux de trafic interconnectés
Dans la plupart des endroits, les normes de genre interdisent aux femmes de pêcher en bateau. Cette interdiction coïncide avec l’influence croissante des hommes en matière de ressources et d’économie, la diminution des options de subsistance pour les femmes en raison du changement climatique et l’instabilité des écosystèmes due au braconnage, et la sexploitation* visant à produire des systèmes de « troc de sexe contre du poisson » désormais courants en Afrique de l’est dans les systèmes de pêche continentale et marine (PNUE 2016).
Il existe très peu d’éléments relevés sur le terrain permettant de savoir si les réseaux de trafiquants sont entrelacés. Plusieurs personnes interrogées dans le cadre de ce rapport ont déclaré que les acteurs, par exemple, du trafic sexuel et du trafic d’espèces sauvages étaient très probablement distincts. Cependant, une personne interrogée a déclaré que, dans le cadre de son expérience de lutte contre le braconnage en Afrique australe, ces deux réseaux se chevauchaient de manière opportuniste, voire s’imbriquaient structurellement : « Il est arrivé plus d’une fois que des enquêteurs arrêtent une voiture [soupçonnée de braconnage], qu’ils ouvrent le coffre et y trouvent une jeune fille. » 17
Un spécialiste a décrit cette convergence au Lac Victoria : Les pêcheurs ont le pouvoir de choisir la femme qui déchargera leurs prises, et en échange de ce travail, ils paient les femmes en leur donnant une partie du poisson. La quantité de poisson qui constitue un paiement équitable est à la discrétion du pêcheur. Les femmes utilisent le poisson gagné pour leurs propres entreprises : elles sèchent et font frire le poisson afin de le revendre comme produit final. Pour décharger le poisson et recevoir une partie des prises pour leurs entreprises, les femmes doivent rémunérer les pêcheurs (l’équivalent de 4 USD) afin d’avoir le droit de travailler pour eux et doivent également avoir des relations sexuelles avec eux. Cette forme d’exploitation est une transaction quotidienne. De nombreuses femmes à qui j’ai parlé m’ont confié que cette relation ne leur garantissait du travail que pour la journée et qu’elles devaient établir une nouvelle relation avec un pêcheur différent chaque jour. Cette pratique a entraîné des taux élevés d’infections sexuellement transmissibles ainsi que des violences basées sur le genre sur les rives du Lac Victoria.16 Une étude sur les femmes travaillant dans le domaine de la pêche en Zambie (Béné et al. 2007) a révélé que 31 % des femmes négociantes en poisson troquaient du sexe contre du poisson, de manière institutionnalisée. Les efforts déployés par les femmes pour mettre au point leurs propres programmes de pêche afin de contourner l’exploitation de « poisson contre du sexe » n’ont pas été couronnés de succès, et se sont heurtés au scepticisme et, dans certains cas, à de nouvelles demandes de potsde-vin, émanant cette fois des autorités masculines.
Des preuves laissent à penser, bien qu’il s’agisse surtout de rapports de presse, que les cartels transnationaux de drogue pourraient s’étendre au trafic convergent de drogues, de femmes et d’animaux sauvages.18
Les données disponibles suggèrent que les réseaux de narcotrafiquants ont été jusqu’à présent des acteurs relativement mineurs - mais non sans importance dans le CIES. Cependant, les cartels de la drogue en Amérique latine et au Mexique associent de plus en plus leurs activités de trafic de drogue avec le trafic sexuel et le trafic d’espèces sauvages. Cette association commerciale émergente est profondément ancrée dans un engagement en faveur du « plaisir » identifié comme masculin et, inversement, de l’exploitation des femmes et des animaux. Les chefs des cartels de la drogue ont longtemps rehaussé leur image d’hommes virils en constituant des collections privées d’animaux ayant fait l’objet d’un trafic illégal (en particulier des superprédateurs) afin d’exhiber leur statut et leur virilité. Pablo Escobar a créé un zoo tristement connu pour exposer des éléphants, des lions et des rhinocéros, ainsi que des dizaines d’autres animaux ayant fait l’objet d’un trafic illégal. Ses hippopotames, laissés sur place après la fermeture de sa hacienda, sont aujourd’hui près d’une centaine et ont fragilisé l’écosystème colombien.
*la corruption par laquelle les femmes sont exploitées pour le sexe
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GENRE ET BRACONNAGE Le commerce mondial des espèces sauvages est un domaine du développement durable dans lequel les acteurs et les parties prenantes sont très différenciés selon le sexe. (Martino 2008)
© Brent Stirton/Getty Images/WWF-Royaume-Uni
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Brent Stirton/Getty Images/WWF-Royaume-Uni
EN BREF Les « communautés » jouent un rôle important dans le CIES, mais il n’existe aucune unité au sein des « communautés ». Les femmes et les hommes ont des rôles, des opportunités et des priorités différents et d’autres groupes sociaux (par exemple, les « jeunes ») sont également essentiels. — Le braconnage est motivé par les inégalités économiques qui se manifestent différemment dans la vie des hommes et des femmes ; le rôle de la propriété foncière en est une dimension essentielle. — Les hommes sont souvent poussés à braconner par peur de voir leur masculinité remise en question (masculinity-shaming). — Les hommes et les femmes ont généralement des attitudes différentes à l’égard des animaux, des conflits homme-faune sauvage, de la valeur des zones protégées et des engagements en faveur de la conservation. — Les femmes et les hommes expriment des niveaux de peur différents quant à la dénonciation du braconnage, et affichent des degrés de « respect des lois » différents. — Les conséquences du braconnage entraînent une instabilité des moyens de subsistance en fonction du sexe, une dépendance économique accrue des femmes vis-à-vis des hommes et une spirale de la violence si les armes deviennent des outils courants du braconnage. — Parmi les interventions efficaces, citons la diversification des moyens de subsistance qui ne sont pas liés au CIES, la protection des droits fonciers, l’élargissement du nombre de personnes œuvrant pour la conservation des espèces sauvages grâce à la sensibilisation aux changements de comportement et les programmes radio. Dans l’ensemble, les normes de genre façonnent les espaces et les lieux que les femmes et les hommes peuvent occuper, ainsi que les activités liées à la conservation des espèces sauvages qu’ils peuvent entreprendre (Lau 2020 ; PNUE 2016). La répartition du travail entre les sexes dans les composantes du braconnage et du trafic découlant du CIES est plus difficile à cartographier qu’il n’y paraît. Greta Iori propose un bref résumé :
La plupart des braconniers sont des hommes : les hommes représentent environ
90% des personnes faisant l’objet de mesures de sanction liées au CIES
MOINS de femmes s’adonnent aux activités de chasse/ capture d’animaux sauvages et occupent des postes élevés dans les organisations criminelles. PLUS de femmes sont représentées dans les fonctions de transit, de contrebande et de vente ; dans les rôles fonctionnels, notamment dans la pose de pièges ; dans la médiation entre bandes rivales. Ce profil d’acteurs et d’activités dans le milieu du braconnage résulte des notions de masculinité et de féminité appropriées, de l’asymétrie du contrôle décisionnel sur la récolte et l’extraction des ressources, et des modèles généralisés d’inégalité auxquels sont confrontées les femmes.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET BRACONNAGE
QUI BRACONNE ET POURQUOI ? La chasse19 constitue le fondement du CIES dans la faune, que ce soit pour alimenter des circuits locaux ou mondiaux. Dans une grande partie du monde, le braconnage est synonyme de chasse. Dans toutes les régions où le CIES repose sur la chasse ou la capture d’animaux, les acteurs qui s’en chargent sont principalement des hommes, une tendance qui résulte des notions culturelles de masculinité et de féminité et de la répartition sexuée du travail qui en découle.
Les femmes ne chassent pas (ou ne devraient pas chasser) Dans certains endroits, des tabous culturels interdisent aux femmes de chasser ou même de toucher les équipements de chasse (McElwee 2012) ; dans d’autres, il est tabou pour les femmes enceintes ou en période de menstruation de ramasser ou collecter certaines espèces (Colding et Folke 2001). Même si ces tabous n’existaient pas ou venaient à disparaître, la chasse est, culturellement et quasi universellement, réservée aux hommes. La chasse est tellement incompatible avec les normes de féminité que les chasseuses commerciales, notamment les chasseuses de trophées, se heurtent à une hostilité particulière (Kwong 2014). Le lien entre la chasse et la masculinité a fait l’objet de nombreuses études, notamment son rôle en tant que rite de passage pour les garçons, leur montrant le chemin de la virilité. Toutefois, peu d’études analysent ces liens culturels en relation avec les activités de CIES (Sollund 2020).
© Leonardo Lacerda/WWF
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Le braconnage et la collecte par les femmes consistent en la capture de petits animaux dans des pièges, et des rapports d’observation succincts, élaborés en Asie du Sud-Est, suggèrent qu’elles participent à la pose de pièges. Mais très peu de preuves existent quant à la participation des femmes à ces niveaux. Il existe encore moins de preuves quant à la division du travail entre les sexes dans le commerce illégal de plantes, bien que l’on suppose généralement que les hommes s’occupent de la collecte sur le terrain, en particulier pour les espèces végétales de grande valeur faisant l’objet d’un commerce mondial, comme les cycadales.20 Les données démographiques quantitatives sur les braconniers sont limitées. Quelques études de cas locales permettent de venir étoffer le profil des chasseurs masculins s’adonnant au CIES : •
Les chasseurs illégaux d’animaux sauvages d’une région précise au Pérou ont été identifiés comme des hommes âgés de 33 à 54 ans (Flores 2017).
•
Au Mozambique, tous les chasseurs étaient de jeunes hommes (Lunstrum et Givá 2020).
•
Une étude menée au Cameroun révèle que 86 % des chasseurs masculins étaient mariés (Marie Michèle 2015).
•
Une évaluation réalisée au Ghana a permis d’identifier à la fois des chasseurs commerciaux et des chasseurs fermiers impliqués dans le CIES, qui se sont révélés être tous des hommes basés dans des zones rurales locales (Mendelson et al. 2003).
•
Une étude récente menée en Afrique australe a révélé que les jeunes hommes sont plus susceptibles de braconner que les hommes plus âgés, tandis que les femmes, et en particulier les femmes âgées, adoptent un comportement favorable à la préservation (Ntuli et al. 2019).
Mais dans l’ensemble, la meilleure source de données sur les braconniers, lorsqu’elle existe, se trouve dans les registres recensant les interpellations, les actions judiciaires et les arrestations. Bien que la plupart de ces enregistrements n’indiquent pas le sexe, il est possible d’extraire ces données. Afin de développer ce projet, le bureau TRAFFIC d’Afrique de l’Est a mis au point le diagramme suivant :
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Saisies et répression en Éthiopie, en Tanzanie, en Ouganda et au Kenya : 2015 – 2020
SUSPECTS MASCULINS
SUSPECTS FÉMININS
Tortue, lycaon et hyène : 0 % Crocodile 1 % Corne de rhinocéros 1 % Autre 4 % Lion 4 %
1 % Pangolin 1 % Python 2 % Léopard
Lion 2 % Lycaon 3 % Autruche 3 %
2 % Léopard 3 % Guépard 5 % Pangolin
Hippopotame 6 %
Viande de brousse 15 %
Autre 20 % Viande de brousse 38 %
Ivoire d’éléphant 42 %
Ivoire d’éléphant 47 % Par espèce. Total des suspects impliqués : 950 : Dont, 911 hommes (96 %) ; et 39 femmes (4 %)
ACCUSATIONS CONTRE DES HOMMES Norvège : 90% Afrique de l’Est : 96 %
Les préjugés sévissent également au niveau de l’application de la loi car les femmes sont plus susceptibles de ne pas se faire arrêter par les forces de l’ordre en raison de préjugés sexistes sur leur manque d’importance ou d’autorité. Il est clair que le braconnage des animaux est une activité essentiellement masculine. Ces graphiques sur les saisies soulèvent plusieurs points qui méritent d’être examinés de manière plus approfondie : la similitude relative des femmes et des hommes impliqués dans le commerce de l’ivoire d’éléphant ; la viande de brousse qui représente une part beaucoup plus importante de la contrebande des hommes que de celle des femmes ; la proportion relativement plus importante du trafic de pangolin par les femmes. Une étude similaire des dossiers d’interpellations en Norvège a révélé approximativement le même profil de genre : 90 % des accusations de trafic d’espèces sauvages ont été portées contre des hommes (Sollund 2020). >
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60%
47%
de femmes
d’hommes
ont déclaré avoir peur de signaler des actes de braconnage
© Ola Jennersten/WWF-Suède
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
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Peur de dénoncer les pratiques de braconnage Une étude réalisée en Afrique australe a révélé que les différences entre les sexes étaient très faibles, voire inexistantes, en termes de volonté de participer à la surveillance et au suivi du braconnage, mais qu’il existait des différences entre les revenus et les sexes : les femmes issues des ménages les plus pauvres étaient moins enclines à effectuer un signalement que les hommes, ce qui, selon les auteurs, pourrait « avoir un rapport avec les risques et les perceptions de la sécurité » (Sundstrom et al. 2019).
APERÇU
Les FEMMES sont des acteurs mineurs du braconnage sur le terrain, et les HOMMES sont les acteurs principaux, car :
En Zambie, en revanche, on a constaté des différences globales significatives entre les sexes dans la volonté d’effectuer un signalement (GRI/IFAW 2017) : 60 % des femmes et 47 % des hommes ont déclaré avoir peur de signaler les activités de braconnage aux autorités.
• Les normes de genre dissuadent les femmes ou leur interdisent de chasser, et encouragent les hommes à le faire.
Respect de la loi
• La mobilité et les déplacements des femmes sont limités : en tant que principales responsables du foyer, elles ne peuvent pas sortir librement de chez elles (elles en sont parfois littéralement interdites) ni entreprendre de longs voyages de collecte/chasse.
La lutte contre le braconnage dépend en partie de la volonté des personnes de « respecter la loi », c’est-à-dire de ne pas s’engager dans des activités illégales. D’un point de vue social plus large, les femmes sont supposées être davantage « prosociales » et respectueuses des lois que les hommes (Espinosa 2015). Des analyses récentes portant sur le respect des mesures de santé publique relatives au coronavirus, telles que le port du masque, ont renforcé cette observation générale (par exemple, Okten 2020 ; Perrotta 2020 ; New York University 2020). Il existe très peu de documentation sur les différences en matière de respect des lois, bien que certains indices aient leur importance : Une étude menée auprès de ménages dépendants des ressources forestières dans le nord de l’Inde suggère que les violations des réglementations forestières étaient plus fréquentes chez les femmes, responsables de la collecte du bois de chauffage (Agarwal 2001). Cette tendance peut faire apparaître que les lois relatives à la conservation des espèces sauvages pèsent éventuellement de manière disproportionnée sur les femmes si leur récolte est limitée (Sundstrom et al. 2019). Une étude ougandaise sur la « duperie des espèces » a révélé que la majorité des chasseurs (hommes) faisaient habituellement passer la viande de primate pour une autre sorte de viande, alors que la majorité des cuisinières (femmes) pensaient que cela n’arrivait presque jamais. De plus, la plupart des cuisinières pensent que les babouins, les singes, les chimpanzés et les chauves-souris ne sont jamais vendus au marché (Dell et al. 2020).
• La violence basée sur le genre est une menace qui pèse constamment sur les femmes, si elles se rendent sur des sites de collecte/chasse souvent reculés, et met en péril leur réputation. • Les femmes ont le pouvoir d’influencer leurs homologues masculins à participer au CIES, la plupart du temps par l’humiliation, en remettant en question leur virilité, comme décrit dans le chapitre précédent.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET BRACONNAGE
LE RÔLE DES COMMUNAUTÉS DANS LE BRACONNAGE Les communautés sont souvent décrites comme des acteurs dans le nouveau cadre de la conservation participative, caractérisés d’« acteurs du changement », en tant que parties prenantes principales ou en tant que « première ligne de défense »21 (Cooney 2016).
La dynamique de genre peut, dans de nombreuses communautés, exclure les femmes : •
Les ONG peuvent, par inadvertance, perpétuer la culture du privilège masculin lorsqu’elles font appel à des porte-parole ou des partenaires communautaires. Les ONG doivent souvent faire attention à ne pas perturber les cultures traditionnelles et, par conséquent, elles « respectent » la tradition qui consiste à demander conseil et à consulter uniquement les aînés de sexe masculin. Plusieurs experts de la conservation affirment que c’est une erreur : les cultures sont toujours dynamiques et en perpétuel changement. Mettre en place des changements entre les sexes semble parfois plus effrayant (surtout pour les hommes) que d’autres changements.23
Mais les « communautés » n’existent pas en tant qu’acteurs distincts des personnes qui les composent.
•
Il est interdit aux femmes, ou on les dissuade, de prendre la parole lors de réunions publiques. Contredire un homme ou lui montrer son désaccord en public est particulièrement réprouvé (Niskanen et al. 2020 ; Seager 2020).
•
Dans les comités de conservation communautaires officiellement constitués, les femmes occupent, au mieux, des postes de titulaires minoritaires. Elles ne sont souvent pas incluses dans les discussions communautaires portant sur les perspectives et les plans de conservation, et peuvent être intentionnellement exclues des boucles d’information à dominante masculine qui circulent dans les communautés.
Dans le même temps, les communautés ne constituent pas un groupe homogène : elles sont toutes différentes les unes des autres et peuvent jouer des rôles très différents vis-à-vis de la conservation, du braconnage et, plus largement, du CIES. Les communautés autochtones et locales, par exemple, ont joué, et continuent de jouer, un rôle très important dans la protection des ressources naturelles dont elles dépendent.22 Jusqu’à récemment, les aînés masculins étaient considérés comme les porte-parole « naturels » des communautés. Les femmes de tous âges et les jeunes hommes sont souvent relégués à des rôles mineurs, bien que de nombreuses preuves montrent l’importance de leurs contributions à l’environnement, à la conservation et au fonctionnement des communautés (Agarwal 2000 ; Niskanen et al. 2020 ; Gore et Kahler 2012 ; UICN 2017 ; PNUE 2016).
Toutefois, il est important de ne pas supposer que l’inclusion des femmes sera forcément synonyme d’avantages instrumentaux favorables à la gestion de la faune et des ressources naturelles (Sundstrom et al. 2019). Les femmes, y compris celles qui appartiennent aux peuples indigènes et aux communautés locales, ont souvent joué un rôle important dans la conservation de la nature, mais elles ne sont pas toujours favorables à la conservation, ni bien informées sur le plan environnemental, et ne sont pas toujours des gestionnaires des ressources avisées. Les stéréotypes selon lesquels les femmes sont des « écologistes nées » sont eux-mêmes restrictifs en termes de genre. Néanmoins, exclure la moitié de la communauté de l’engagement constitue une erreur stratégique et exclure intentionnellement les parties prenantes (comme les jeunes hommes et les femmes) de la planification de la conservation des espèces sauvages peut conduire à des « impacts dévastateurs et irréversibles pour la faune et la flore sauvages ainsi que les personnes » (Gore 2012).
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Martina Lippuner/WWF-Afrique
100 80
33%
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34%
33%le poste 34% Pourcentage de femmes occupant d’agents de39% gestion 33% de Namibia Conservancy et dans les comités de conservation
35%
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60 40 20 0 100 80 60 40 20 1000 80 100 60 80 40 60 20 40 0 20 100
Membres du comité de gestion de la conservation
17%
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2018 41% 25%
2017 44%
2016 41% 29%
46% 2015
2014 39% 30%
2013 44%
800 100 60 80 40 60 20 40 200 1000 80 100
Présidents
60 80 40 60 20 40 200 100 0 100 80
Trésoriers/ gestionnaires financiers
80 60 60 40 40 20 200 1000
Membres du personnel Personnel employé directement par les organismes de conservation, par exemple : gardes-chasse, gardes forestiers, trésoriers, gestionnaires, agents d’entretien, comptables, etc.
80 100 60 80 40 60 20 40 200 100 0 100 80 80 60 60 40 40 20
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30%
26%
26%
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0 communautaire en Namibie - un examen de la conservation NACSO. Rapports annuels : L’état de la conservation communale des forêts communautaires et autres 0 initiatives CBNRM. NACSO, Windhoek. Années : 2013 à 2018. 100
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET BRACONNAGE
ACCÈS AUX RESSOURCES, CONTRÔLE ET PERCEPTIONS La pauvreté et la rareté des ressources sont souvent les principales raisons qui poussent à se livrer au CIES. Vivre dans la pauvreté, vis-à-vis des ressources et des mécanismes d’adaptation tels que l’accès aux ressources et aux moyens de subsistance alternatifs, est différent pour les hommes et les femmes.
Terres CE QUE NOUS SAVONS : Même si les femmes voulaient s’affirmer dans les décisions relatives au CIES, elles n’ont généralement qu’un contrôle limité sur l’utilisation, l’extraction et la gestion des ressources. Dans une grande partie du monde, et notamment dans les principales régions victimes de CIES, les femmes ne possèdent ou ne contrôlent qu’une infime partie des terres. La propriété foncière est souvent la condition préalable au pouvoir décisionnaire concernant l’utilisation des ressources (Agarwal 1994 ; Chigbu et al. 2019 ; Deere et al. 2012 ; Doss et al. 2017 ; Kieran et al. 2015). Les femmes extraient généralement les ressources terrestres des terres communales ou communautaires. Il a été démontré que les systèmes fonciers communautaires contribuent efficacement à la conservation de la faune et favorisent la participation de la communauté à la gestion/conservation de la faune (Ipara et al. 2005 ; IUCN et al. 2017). Cependant, tenir les femmes à l’écart des décisions relatives à la terre contribue à leur exclusion du processus de prise de décision au sein du foyer et des communautés. Ainsi, même lorsque le CIES se produit sur des terres communes, que les femmes peuvent gérer, elles ne disposent pas forcément d’un grand pouvoir de décision.
CE QUE NOUS NE SAVONS PAS : Aucune analyse disponible n’étudie le lien entre la propriété foncière, le genre et le CIES. Nous devrions faire preuve de prudence tout en restant attentifs à l’hypothèse selon laquelle les femmes seraient de meilleures gardiennes des ressources animales et végétales si elles avaient la possibilité de prendre des décisions liées au CIES, bien que cette hypothèse n’ait pas été étudiée.
Les évaluations portant sur la conservation des espèces sauvages et l’environnement ont depuis longtemps établi que les femmes et les hommes adoptent des positions différentes, souvent diamétralement opposées, par rapport à l’environnement. Dans les milieux agricoles et dépendants des ressources, les femmes et les hommes tirent des ressources de différentes parties des environnements (PNUE 2016 ; Mwangi et al. 2011 ; Rocheleau et al. 2001). Par exemple, dans les communautés de pêcheurs, les femmes pêchent sur le rivage et dans les bas-fonds, les hommes en eaux profondes ; l’apiculture est dans certains endroits une activité exclusivement masculine, dans d’autres une activité exclusivement féminine ; les hommes sont généralement responsables des animaux à quatre pattes (chèvres, bovins), les femmes des animaux à deux pattes (poulets).
Par exemple : « les hommes et les femmes ont des perceptions et des connaissances différentes de la rareté des mangues au Sarawak, de la configuration de l’habitat du morse dans l’Arctique canadien, des espèces d’oiseaux présentes dans le Serengeti. » (Mmassy 2013 ; Martinez-Levasseur 2017 ;Muhammad et al. 2017). Tout cela signifie que les hommes et les femmes ont généralement une compréhension différente des problèmes et priorités environnementaux, de la rareté des ressources, des relations entre l’homme et la nature. Cela signifie également que l’avancement de la conservation des espèces sauvages, ou de la planification de la conservation, est mieux assuré lorsque les connaissances des hommes et des femmes sont prises en compte.
...les principaux liens entre le genre et la durabilité sont liés aux modèles de production, de reproduction sociale et de consommation, qui sont à leur tour liés à l’accès et au contrôle des ressources (McElwee 2012).
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
“
La connaissance est le pouvoir ultime dont vous pouvez doter tout individu. Par ailleurs, les femmes vivant dans les communautés rurales ont un rôle central à jouer dans la conservation et la gestion des ressources naturelles, et leur volonté d’agir est régie par leur sensibilité à l’égard des risques posés par la perte de biodiversité. Les problèmes posés par la conservation doivent leur être présentés du point de vue de leurs répercussions sur leurs moyens de subsistance quotidiens et sur l’avenir des enfants. Une femme nigériane spécialiste de la conservation sur le terrain www.awf.org/blog/conservation-africa-monstrous-challenge
“
Qu’ils soient directement impliqués dans l’extraction des ressources ou non, les hommes et les femmes présentent également des différences, parfois très importantes, dans leurs attitudes et perceptions :
Attitudes envers les animaux •
Les femmes rurales vivant à proximité d’une réserve de tigres en Inde avaient tendance à être plus favorables à la conservation de la faune et de la forêt que les hommes, car elles estimaient que le tigre avait le droit de vivre (Arjunan et al. 2006).
•
Des études attitudinales menées aux États-Unis et en Australie, dès les années 1980, révèlent que les femmes considèrent généralement les animaux sous l’angle de l’humanisme et des droits, tandis que les hommes voient les animaux de manière plus instrumentale et ressentent moins d’émotions à l’égard de leur sort, ce qui a conduit certains chercheurs à conclure que « le sexe est le facteur démographique le plus important dans les attitudes envers les animaux » (Kellert et Berry 1987 ; Miller et McGee 2000).
•
En Zambie, près du Parc national de Kafue, une étude récente a révélé que 56 % des hommes contre seulement 39 % de femmes étaient « tout à fait d’accord » pour dire que les éléphants constituaient une partie importante de leur environnement. Toutefois, la même étude a révélé qu’une majorité d’hommes et de femmes ont déclaré qu’il n’était pas acceptable de tuer les éléphants qui menaçaient les cultures ou la sécurité de la famille (GRI/IFAW 2017).
Sanborn et Schmidt (1995) ont constaté des différences significatives entre les sexes en matière d’attitudes envers les animaux au sein de la profession de gestionnaire de la faune sauvage en Amérique du Nord. Une étude portant sur les gestionnaires de la faune sauvage en Australasie a révélé des différences similaires, mais pas à des niveaux statistiquement significatifs (Miller et Jones 2006).
Attitudes à l’égard des risques liés à la faune sauvage et de la gestion des conflits Dans des études récentes menées en Namibie et en Inde, les hommes et les femmes ont exprimé des points de vue différents au sujet de la gravité et des risques de survenance de conflits entre l’homme et la faune sauvage. Par conséquent, leurs points de vue divergent également quant aux meilleures stratégies de gestion de la faune sauvage à adopter. Les connaissances et les attitudes des hommes et des femmes conduisent à des stratégies différentes pour s’adapter à la faune sauvage. Les différences sexuées dans la perception des risques peuvent faire ressortir des priorités ou des incitations différentes à participer aux efforts de résolution des risques liés aux conflits homme-faune sauvage, et il n’est pas toujours évident que les hommes et les femmes partagent les mêmes objectifs de gestion (Gore et Kahler 2012 ; MFF 2018 ; Ogra 2008).
Perceptions des avantages/coûts des zones protégées et de la faune sauvage •
En Uruguay, 38 % des femmes (contre 26 % des hommes) n’ont jamais visité la réserve de biosphère voisine, mais les femmes étaient plus convaincues que les hommes de l’importance de protéger les zones humides, la lagune et la faune de la réserve (Martino 2008).
•
Une étude sur la biosphère en Chine a révélé que les hommes avaient plus de connaissances sur la réserve, s’y rendaient plus souvent et étaient plus positifs sur les avantages qu’elle représente que les femmes. Les femmes, quant à elles, étaient moins susceptibles d’identifier les problèmes et les avantages associés à la réserve (Allendorf et Yang 2017).
•
Dans les communautés dépendantes des ressources en Afrique australe et en Inde, les hommes ont tiré de plus grands avantages économiques des projets de conservation, tandis que les moyens de subsistance des femmes, tels que la collecte de bois et la récolte de plantes, étaient plus limités (Ogra 2012 ; Sundstrom et al. 2019 ; Ntuli et al. 2019). Les femmes issues des ménages les plus pauvres étaient moins susceptibles que leurs homologues masculins de condamner le braconnage commercial (Sundstrom et al. 2019). Une étude tanzanienne a révélé que les femmes pauvres souffraient davantage des restrictions des zones protégées, car leurs moyens de subsistance qui ne dépendant pas des ressources naturelles sont assez limités (Mariki 2016)
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IMPACTS DU BRACONNAGE Les impacts du CIES sur les communautés sont variés et sévères, et peuvent engendrer : 1. Une diminution de la disponibilité de certaines espèces pour la subsistance et l’utilisation culturelle, et la perte correspondante des connaissances traditionnelles et des pratiques de gestion ; 2. Une diminution de la disponibilité d’espèces importantes destinées à la création de revenus locaux ; 3. Une hausse des conflits homme-faune sauvage, résultant de la diminution du nombre de prédateurs, accompagnée d’une augmentation correspondante des espèces qui endommagent les cultures (comme les cochons sauvages) ; 4. Une dégradation accrue de l’habitat due aux pratiques de brûlage associées au CIES, avec des répercussions en cascade, par exemple sur la fertilité des sols ; 5. Un effondrement social, car les comportements passent d’un esprit communautaire (où tout est partagé) à un esprit individualiste (où la maximisation des avantages individuels devient la norme). Ce changement est susceptible de se produire à mesure qu’une communauté s’intègre davantage dans l’économie de marché ; 6. Une diminution de la sécurité locale en raison de l’afflux d’armes ; 7. Des problèmes sociaux et sanitaires résultant du commerce et de la consommation de stupéfiants. (IUCN 2017)
TOUS CES IMPACTS SONT GENRÉS
© Simon Rawles/WWF-Royaume-Uni
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET BRACONNAGE
Les conflits homme-faune, qui peuvent être exacerbés ou réduits par le braconnage, affectent différemment les moyens de subsistance des hommes et des femmes, et peuvent donc être perçus différemment. Ne pas tenir compte de ces différences entraîne souvent des interventions inadaptées et peut saper le soutien apporté aux efforts de lutte contre le braconnage. Par exemple, en Namibie, où les agriculteurs peuvent bénéficier d’un dédommagement si des éléphants détruisent leurs cultures, seules les parcelles cultivées de plus d’un hectare sont éligibles à cette aide. Beaucoup plus de femmes exploitent des parcelles de moins d’un hectare, ce qui les prive de tout dédommagement (Seager 2020). Le braconnage peut déstabiliser l’intégrité des écosystèmes et dégrader les milieux. Ces effets se répercutent différemment sur la vie des hommes et des femmes, notamment en raison de la position différente adoptée par les femmes et les hommes vis-à-vis de l’environnement, telle qu’évoquée plus haut. En raison des normes de genre dominantes, les femmes issues de communautés qui dépendent des ressources sont généralement limitées vis-à-vis des options qui leur permettraient de remplacer leurs moyens de subsistance afin de faire face aux changements environnementaux. Elles ne peuvent pas, du jour au lendemain, se mettre à la pêche si leur culture leur interdit d’utiliser un bateau, ou elles ne peuvent pas émigrer pour travailler si elles ont des enfants à charge.
« Si les perceptions de la nature et des types de relations entretenues avec la réserve de biosphère et ses ressources diffèrent selon le sexe, des stratégies différentes seront nécessaires pour impliquer les hommes et les femmes, et développer des relations de gestion efficaces. Essayer de comprendre les différences entre les sexes dans les projets de conservation n’a rien de nouveau... mais c’est loin d’être la norme dans le domaine de la gestion des réserves de biosphère. » (Martino 2008)
Les efforts fructueux visant à réduire ou mettre fin au braconnage ont également des effets distincts selon le sexe. Par exemple, la CITES note les impacts de deux programmes :24 •
Aloès du Cap, Afrique du Sud : « Dans une communauté, 21 ménages de moissonneurs sur 22 étaient dirigés par une femme, avec une moyenne de 2,8 personnes à charge à la maison. Peu d’entre eux (2/22) avaient un autre travail. Une interdiction temporaire [de la récolte de l’aloès du Cap] en 2009 a entraîné des difficultés financières dans cette communauté. »
•
Récolte des œufs de crocodile, Australie : « Les femmes autochtones sont les principales collectrices d’œufs. Même si une partie de cette récolte est durable, il est très difficile de la distinguer de l’activité illégale. En mettant fin à ce commerce, les femmes autochtones n’ont pas d’autres moyens de subsistance. »
La « course aux armements » dans le domaine du braconnage, particulièrement importante en Afrique, accentue les dangers auxquels s’exposent les hommes et accélère l’instabilité sociale dans les communautés locales de la manière décrite ci-dessus. L’une des dimensions de cette instabilité consiste en la disponibilité accrue d’armes légères pour les braconniers masculins locaux. Il n’existe pas d’études sur les effets sexospécifiques de la circulation croissante des armements dans les communautés. Toutefois, les études sur la violence domestique montrent de manière uniforme que la possession d’armes par les hommes ou leur accès aux armements fait rapidement augmenter la probabilité de violence dans les foyers.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET BRACONNAGE
LES RÉPONSES AU BRACONNAGE La création de projets alternatifs visant à diversifier les moyens de subsistance qui ne sont pas liés au CIES peut réduire la dépendance économique des femmes vis-à-vis des hommes, réduire leur dépendance vis-à-vis du braconnage des hommes, et élargir les options qui ne seraient pas liées au CIES pour les femmes et les hommes. La mobilisation des femmes, orchestrée par ces dernières, autour des problèmes de braconnage et de conservation couvre un large éventail de réponses. Dans de nombreuses régions du monde, les femmes ont formé des coopératives de collecte de semences. Les rôles agricoles traditionnels des femmes en matière de conservation des semences peuvent être la clé de l’adaptation au climat : Dans la plupart des systèmes agricoles, les femmes jouent traditionnellement le rôle de préservatrices de variétés de semences et de gardiennes des « cultures patrimoniales ». Des données provenant d’endroits aussi variés que le Bhoutan, le Pérou et l’Afrique du Sud démontrent l’importance de la sauvegarde et de la préservation des semences locales pour renforcer la sécurité alimentaire, s’adapter au climat et protéger les écosystèmes.25 Les ONG qui luttent contre le CIES ont généralement mis beaucoup de temps à développer des réponses sexospécifiques aux impacts du braconnage, mais diverses initiatives soulignent les possibilités : Game Rangers International propose plusieurs programmes de subsistance autour du parc national de Kafue, en Zambie, afin de protéger les femmes de l’exploitation liée au CIES. Ils rapportent que dans les quatre mois qui ont suivi la mise en place de leur programme de formation en boulangerie, les femmes qui y ont participé ont doublé le revenu de leur ménage. Ils travaillent également avec les hommes de la région pour réduire les conflits homme-faune en introduisant de nouvelles cultures qui attirent moins les animaux sauvages, et ont mis en place des soins vétérinaires à destination du bétail.
© Game Rangers International
Les femmes qui ont participé au programme d’autonomisation des femmes de Bassanga ont déclaré avoir doublé le revenu de leur ménage.
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Le WWF-Madagascar a aidé plusieurs communautés du nord-ouest à permettre aux femmes de se joindre aux équipes de plantation de palétuviers, qui n’étaient auparavant pas considérées comme un travail adapté aux femmes. Les dirigeants communautaires (hommes) font état de plusieurs résultats positifs générés par ce programme : l’implication des femmes dans la plantation de mangroves facilite le travail de conservation (« mains nombreuses rendent le travail plus léger ») ; l’implication des femmes dans la gestion des mangroves a intensifié le soutien et l’engagement en faveur de la conservation dans toute la communauté ; les taux de protection et de plantation des mangroves se sont améliorés de manière concomitante, et des rapports font état d’une amélioration de 95 % de la restauration des mangroves depuis le début de l’implication des femmes. Les femmes indiquent qu’œuvrer pour une plus grande équité entre les sexes passe par les mangroves : elles sont fières de leurs plantations de mangroves et confient qu’en faisant ce qui était auparavant un « travail d’hommes », elles sont plus respectées (Seager 2020).
Protéger les droits fonciers Plusieurs projets transnationaux abordent la question fondamentale des droits fonciers des femmes. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a créé une « base de données sur le genre et les droits fonciers » afin de définir des indicateurs de référence et d’évaluer l’ampleur du problème.26 Les activités spécifiques au projet comprennent un volet sur les droits fonciers en Ouganda financé par le défi RISE (Resilient, Inclusive, and Sustainable Environments, comprenez « résilience, inclusion et développement durable» en français), une collaboration UICNUSAID :27 Dans l’est de l’Ouganda, environ 80 % des femmes déclarent avoir subi des violences physiques et psychologiques lorsqu’elles ont revendiqué leurs droits fonciers, et seuls 8 % des hommes sont opposés aux violences à l’encontre des femmes. Grâce au financement du RISE, les partenaires intègrent le programme SASA!, une méthodologie éprouvée qui s’attaque aux déséquilibres de pouvoir entre les hommes et les femmes pour prévenir et répondre à la VBG, tout en améliorant les droits fonciers et de propriété en Ouganda. Ils forment les chefs religieux et le personnel des partenaires à promouvoir des normes sociales positives qui soutiennent les droits des femmes à accéder et à contrôler les terres et à ne pas être victimes de VBG. Les partenaires aident également les femmes à mieux connaître leurs droits fonciers en développant et en formant les chefs traditionnels à l’utilisation d’un mécanisme alternatif de résolution des conflits qui prend en compte les droits des femmes.28
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Segmentation des jeunes
FACTEURS DÉFINISSANT LES ATTITUDES DES JEUNES GROUPE 1
Vivre loin (faible exposition) KIBERA NON-CONSERVATIONNISTES Ne contribuent pas à la conservation parce qu’ils ne voient pas en quoi elle est pertinente ou bénéfique dans leur vie quotidienne. (Contraintes de temps, d’argent, etc.)
GROUPE 2
GROUPE 3
Vivre à proximité (faible exposition) LEWA, SAGALA CONSERVATIONNISTES CONDITIONNELS Contribuent peu à la conservation et uniquement par peur de perdre des avantages tangibles. (Écoles, emplois, etc.)
GROUPE 4
Vivre loin (forte exposition) ÉCOLES DE NAIROBI CONSERVATIONNISTES PHILANTHROPES
Vivre à proximité (forte exposition) MAASAI MARA, KAKAMEGA CONSERVATIONNISTES AUTODIDACTES
Déploient des efforts modérés à élevés pour acquérir du capital social (par exemple, défense d’une cause, recherche d’informations, etc.)
Font beaucoup d’efforts en matière de conservation parce qu’ils sont véritablement passionnés par la conservation (par exemple, culturellement enclins à agir, en plus des avantages directs et autres avantages sociaux)
Impliquer les jeunes
Médias
Le projet CONNECT (Conserving Natural Capital and Enhancing Collaborative Management of Transboundary Resources comprenez « Conserver le capital naturel et améliorer la gestion collaborative des ressources transfrontalières » en français) est un nouveau programme développé en collaboration avec un réseau d’ONG liées au CIES en Afrique de l’Est. Il vise à accroître l’engagement en faveur de la conservation et de la vie sauvage dans divers milieux, en mettant notamment l’accent sur les femmes et les jeunes.29
Les ONG qui luttent contre le CIES explorent le pouvoir des émissions de radio (en particulier pour atteindre les femmes) dans les milieux ruraux à faible couverture médiatique. Les communications visant à « changer les comportements » de Game Rangers International en Zambie considèrent la radio comme la technologie la plus efficace pour atteindre un large public (GRI/IFAW 2017).
Un travail concerté, visant à comprendre et à impliquer les jeunes Kényans dans la conservation, a fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de l’approche de déconstruction de la démographie à multiples facettes de la « jeunesse », en soulignant que « tous les jeunes ne sont pas les mêmes » (voir ci-dessus) et que diverses approches seront nécessaires pour les impliquer dans la conservation.30 Malheureusement, l’approche complexe selon laquelle « tous les jeunes ne sont pas les mêmes » ne semble pas encore s’étendre à la différenciation des sexes dans ce programme.
À Madagascar, le WWF vient en aide à des « groupes d’auditeurs radio » organisés par des femmes. Les membres écoutent des programmes portant sur la conservation, sujet qui est régulièrement au programme, et organisent ensuite de petites réunions ou des rassemblements de quartier pour parler avec d’autres femmes de ce qu’elles ont appris.
Dans l’étude communautaire menée en Zambie, 348 des 517 personnes interrogées se sont principalement appuyées sur les informations et les programmes radio pour obtenir des informations sur les éléphants (GRI/IFAW 2017).
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GENRE ET TRAFIC
© James Morgan/WWF
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
EN BREF Les femmes jouent un rôle de trafiquantes (et de commerçantes) principalement au niveau local et à très petite échelle. Le trafic transnational et en bandes organisées est presque entièrement dirigé par des hommes (lorsque des femmes sont impliquées, elles appartiennent généralement à l’élite et à la classe aisée). — Les services chargés de faire appliquer la loi (forces de l’ordre, gardes forestiers, entités transnationales de lutte contre la criminalité) sont quasiment tous des hommes. La plupart des activités d’application de la loi deviennent plus fortement militarisées (en particulier dans certaines régions d’Afrique) en réponse à un braconnage plus violent, ce qui renforce son identité masculine. — Les réseaux de pouvoir masculin facilitent, protègent et alimentent le trafic transnational. — La corruption fait partie intégrante des réseaux de trafic ; les femmes participent à la corruption, mais on considère généralement qu’elles sont moins impliquées. — Le trafic, et sa répression militarisée, creusent les écarts d’inégalité économique entre les femmes et les hommes. — Exclure les femmes de toute possibilité de faire appliquer la loi revient à les empêcher d’accéder à des opportunités de revenu et de prestige souvent rares. L’hypothèse selon laquelle les postes de gardes forestiers lourdement armés conviennent mieux aux hommes leur fait courir un risque considérable. — Une répression fortement masculinisée est susceptible d’envenimer les relations avec des membres de la communauté qui pourraient s’avérer être des alliés. Elle augmente également le risque de répression violente, pouvant impliquer des abus sexuels. — Les impacts sanitaires du CIES, en termes de zoonoses, ont presque toujours des effets différenciés selon le sexe : par exemple, plus d’hommes que de femmes sont morts de la COVID mais les femmes ont davantage pâti, par rapport aux hommes, de la charge des travaux ménagers et des soins non rémunérés, ainsi que d’une interruption de leurs activités. — Faire participer les femmes aux activités d’application de la loi et au métier de gardeforestier pourrait changer la donne. — Les programmes de réduction de la violence commise par les hommes peuvent impliquer directement les hommes dans la lutte contre la VBG.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET CIES | GENRE ET TRAFIC
QUI EST AU CŒUR DU TRAFIC ET POURQUOI ? Dans le schéma composé de quatre piliers, le trafic correspond grosso modo à la phase de la chaîne du CIES où les espèces sauvages et les produits dérivés sont déplacés du site de capture/ abattage en suivant les diverses étapes de transport et de commercialisation vers le consommateur/acheteur final.
Le transit vers les marchés se fait à des échelles très variées : du transit local de « commerce à petite échelle » à la vente sur les marchés locaux, en passant par les flux transnationaux, de haute technologie, organisés de façon très structurée. Dans l’ensemble, les études sur la nature sexuée des chaînes de transport et de commercialisation sont rares (Agu et Gore 2020). Comme l’indique Greta Iori, la compréhension générale des positions sexuées dans le trafic est essentiellement une question d’échelle : les femmes peuvent jouer un rôle important dans la vente, le transit et la contrebande au niveau local, mais beaucoup moins dans le trafic organisé et mondial.
© James Morgan/WWF
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Trafiquants et commerçants locaux ou « à petite échelle » :
Quelques études menées en Afrique de l’Ouest révèlent des tendances spécifiques au genre : •
Certains rapports médiatiques de l’African Wildlife Foundation ont noté que les femmes sont impliquées dans l’utilisation et la vente de viande de brousse sauvage et de produits de la faune sur les marchés locaux (Wairima 2016 ; Agu et Gore 2020).
•
Les femmes peuvent servir d’intermédiaires pour déplacer les animaux sauvages chassés illégalement des zones rurales éloignées vers les grandes villes.
•
Mbete et al. (2011) ont estimé que les femmes représentaient plus de la moitié des trafiquants déplaçant des espèces menacées, comme les grands singes, des zones protégées vers les villes pour la consommation de viande de brousse au Congo Brazzaville.
•
L’une des rares études ethnographiques détaillées, réalisée au Ghana, révèle une superposition des activités des femmes et des hommes (Mendelson et al. 2003) :
Malgré le manque d’études, certaines observations générales fournissent un cadre de départ pour comprendre la dynamique de genre du trafic dit « local » : •
À l’échelle locale, le trafic est souvent une activité familiale, dans laquelle les hommes chassent et les femmes du foyer préparent, transportent et commercialisent les produits.
•
La coercition sexuelle peut définir le rôle de certaines femmes dans le transport des produits issus de la faune sauvage, par exemple dans le système « produits de la pêche en échange de sexe » ou la dynamique « logement avec supplément sexe et braconnage » que l’on observe dans la région de Kafue en Zambie.
« Il y a cinq acteurs principaux dans le commerce : les chasseurs commerciaux et les fermiers-chasseurs, qui sont tous des hommes situés dans les zones rurales locales ; et les grossistes, les commerçants sur les marchés et les propriétaires de chopbars*, qui sont tous des femmes situées en ville. La viande de brousse fait l’objet d’un commerce libre entre tous les acteurs et groupes d’acteurs, mais la principale voie commerciale part des chasseurs commerciaux aux grossistes en passant par les chopbars. Les grossistes sont le plus petit groupe d’acteurs mais détiennent la plus grande part de marché par habitant, tandis que les chopbars sont le groupe le plus nombreux et représentent ensemble 85 % des ventes au détail. Les coûts de participation à l’échange semblent être les plus bas pour les chasseurs et les plus élevés pour les propriétaires de chopbars. Les réseaux de soutien des proches jouent un rôle important dans la réduction de ces coûts, notamment en ce qui concerne les coûts de mise en place (près de la moitié des commerçants de viande de brousse héritent de leur entreprise) et les coûts de main-d’œuvre (de nombreux employés sont des membres de la famille) ; les proches apportent également leur aide d’autres manières, notamment en partageant leurs connaissances et en fournissant des crédits. Parmi les acteurs en milieux urbains, le commerce de la viande de brousse dans son ensemble est perçu comme une activité peu valorisante, même si la réputation individuelle reste importante. ... Les chasseurs réalisent des profits importants, ce qui indique que le commerce de la viande de brousse a le potentiel d’apporter une contribution économique substantielle aux ménages ruraux. En revanche, les acteurs urbains semblent réaliser des bénéfices relativement faibles. Après avoir effectué une comparaison avec la documentation existante, il ressort que la structure et le fonctionnement du commerce de viande de brousse à Takoradi sont typiques du commerce dans de nombreuses autres régions d’Afrique de l’Ouest. » * Un chopbar est un restaurant traditionnel au Ghana, servant également des boissons, qui fait souvent office de lieu de rassemblement local
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET CIES | GENRE ET TRAFIC
Trafiquants transnationaux et bandes organisées
Les réseaux symbiotiques du pouvoir masculin
Le trafic haut de gamme et transnational est principalement dominé par les hommes. Les femmes ne sont pas totalement inactives. Une étude a révélé que les femmes contribuaient au transport d’animaux vivants, parfois en partenariat avec leurs maris (par exemple, des chimpanzés vivants du Cameroun aux Émirats arabes unis en passant par l’Égypte) (Cooney et al. 2017, cité dans Agu et Gore 2020).
Les réseaux de pouvoir masculin facilitent, protègent et alimentent le trafic transnational. L’interconnexion et la coopération des acteurs individuels masculins et des réseaux collectifs favorisent le CIES, en particulier au plus haut niveau : fonctionnaires, banquiers, diplomates, spécialistes de la logistique des transports, agents frontaliers, douaniers, pilotes, manutentionnaires, chauffeurs routiers, gardes forestiers, policiers, gardiens. Si le trafic haut de gamme et à grande échelle peut générer des profits substantiels, il nécessite également des capitaux importants, que les hommes sont plus susceptibles de posséder ou de pouvoir acquérir.
Dans les réseaux criminels transnationaux du CIES, des postes de pouvoir sont occupés par des femmes, mais leur importance est due à leur caractère exceptionnel. Lorsque des femmes sont impliquées, elles appartiennent généralement à l’élite et à la classe la plus riche, comme Yang Fenglan, baptisée la « reine de l’ivoire » en Tanzanie.31 Il est prouvé que certaines femmes rejoignent la « main-d’œuvre » du crime organisé car elles connaissent un homme qui est activement impliqué, comme un père, un mari, un frère, un partenaire ou un ami. Les femmes peuvent accéder à des rôles de pouvoir dans les réseaux criminels transnationaux si un partenaire masculin ou un membre de la famille doit fuir, est emprisonné ou meurt (Hübschle 2014). L’« héritage » du pouvoir par les femmes dans les réseaux transnationaux de CIES peut refléter un modèle que l’on retrouve occasionnellement dans les réseaux mafieux italiens, décrit par un auteur comme « l’exploitation fonctionnelle [des femmes] par le clan lorsque les ressources sont limitées en temps de crise » (Allum et Marchi 2018).
L’implication des FEMMES dans le trafic local implique généralement des réseaux familiaux.
En revanche, l’implication des HOMMES dans le trafic transnational implique généralement des réseaux de « condisciples » : des hommes qui ne sont pas nécessairement liés les uns aux autres, mais qui partagent l’accès, la reconnaissance mutuelle et reçoivent le même soutien par le biais de réseaux interconnectés de pouvoir masculin dans lesquels ils se déplacent facilement.
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Un spécialiste note que « le sommet de la chaîne de transport implique la présence d’hommes, en particulier dans le commerce transfrontalier et international, en raison du danger potentiel et de la nécessité d’avoir recours à des pots-de-vin et/ou d’agresser les agents de surveillance. Comme la plupart des douaniers, policiers et gardes forestiers du gouvernement sont des hommes, les commerçants qui doivent traiter avec eux sont également des hommes » (McElwee 2012).
L’ensemble de la documentation mise au point sur le trafic transnational résume l’importance de l’interconnectivité masculine : « Par exemple, les postes transfrontaliers et les maillons importants des réseaux de trafic d’espèces sauvages impliquant le commerce international sont généralement dominés par les hommes, peut-être en raison du potentiel de danger physique et du recours répandu aux de pots-devin et/ou aux agressions des agents frontaliers (Hübschle, 2014 ; Epanda et al., 2019). La plupart des agents des douanes, des policiers et des gardes forestiers sont des hommes et les commerçants illégaux qui interagissent avec eux aux postes-frontières sont aussi généralement des hommes. Les interactions entre hommes peuvent résulter de stéréotypes culturels selon lesquels les hommes ont de meilleures relations les uns avec les autres dans des contextes criminels parce que la criminalité et le maintien de l’ordre sont perçus comme étant dominés et dirigés par des hommes. Howson a enquêté sur les modèles sexués de corruption et d’accès à de multiples types de réseaux illicites parmi les femmes commerçantes transfrontalières près de la frontière de la Sénégambie » (Howson 2012 ; Agu et Gore 2020).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© James Morgan/WWF-Royaume-Uni
Corruption La corruption fait partie intégrante des réseaux de trafic, du niveau local au niveau mondial. La facilité avec laquelle des hommes appartenant à des réseaux distincts traitent entre eux au moyen de la corruption est essentielle pour le trafic. Cela ne veut pas dire que les femmes ne prennent pas part à la corruption, aux pots-de-vin ou à la coercition. Elles y participent bel et bien. Mais elles le font différemment et, selon les recherches, à des taux plus faibles. La corruption est l’un des rares domaines du CIES à faire l’objet d’une recherche approfondie qui tient compte du genre.
Une analyse récente du genre et de la corruption effectuée par le WWF et d’autres partenaires qui luttent contre le CIES présente les points clés suivants (Kramer et al. 2020) : •
La corruption sape la gestion et la conservation légales et durables des ressources naturelles, donne du pouvoir aux parties qui ont de l’argent et de l’influence, et est souvent utilisée de manière stratégique pour conserver ce pouvoir. La corruption peut marginaliser davantage les femmes et d’autres groupes qui sont déjà confrontés à des inégalités de pouvoirs et qui dépendent des ressources environnementales pour leurs moyens de subsistance et leur bien-être.
•
Les faits montrent que les femmes et les hommes peuvent avoir des intérêts et des rapports différents vis-à-vis des ressources naturelles. Elle suggère également que les femmes et les hommes vivent, participent, profitent et sont lésés par la corruption de manière différente.
•
Les stratégies de lutte contre la corruption visant à améliorer la gestion des ressources naturelles et les résultats en matière de conservation doivent s’appuyer sur une bonne compréhension de ces différences, faute de quoi elles risquent de passer à côté d’opportunités et de contraintes essentielles.
Les stratégies de lutte contre la corruption intégrant la dimension de genre sont encore relativement récentes. Il est donc particulièrement important de collecter des données pour étayer ce travail.
Une grande partie de la documentation portant sur la corruption basée sur le genre n’est cependant pas axée sur le CIES. Elle pourrait avoir une incidence sur le CIES, mais les preuves n’ont pas encore été développées (Elden et al. 2020 ; UNODC 2020). L’idée selon laquelle les femmes sont moins corruptibles que les hommes s’est imposée comme un discours sur les femmes élues au niveau national, les femmes dans le système judiciaire, dans les industries financières, et au sein du CIES. Le fait qu’il semble s’agir à la fois d’un stéréotype (sexiste) et d’une réalité fondée sur des preuves signifie qu’il doit faire l’objet d’un examen minutieux et propre à la situation avant d’être mis en œuvre dans le cadre du CIES. Les facteurs structurels sont plus susceptibles d’expliquer pourquoi les femmes prennent moins part aux pots-de-vin et à la corruption : aussi bien à des niveaux supérieurs qu’inférieurs, les femmes ne versent pas de pots-de-vin parce qu’elles disposent généralement de moins de ressources matérielles et monétaires ; en particulier au niveau local, les femmes ne sont généralement pas en position de pouvoir sur les ressources pour recevoir des pots-de-vin ; les systèmes sociaux et les gouvernements où les femmes occupent davantage de postes de direction sont également susceptibles d’être plus démocratiques et transparents, ce qui constitue un frein important à la corruption.32 Les pots-de-vin demandés aux femmes sont susceptibles de prendre la forme d’exploitation sexuelle, comme dans le cas du système « fish for sex » (du « sexe en échange de poisson » en français), par exemple. Le Baromètre mondial de la corruption 2019 de Transparency International a inclus pour la première fois l’exploitation sexuelle dans son évaluation des pratiques de corruption. Il en ressort qu’en Amérique latine, une personne sur cinq a été victime de « sextorsion » (abus de pouvoir dans le but d’obtenir un bénéfice ou un avantage sexuel) ou connaît quelqu’un qui l’a été (Pring et Vrushi 2019 ; Elden et al. 2020). Bien que l’on puisse supposer que la plupart de ces personnes qui constituent ce cinquième sont des femmes, l’étude n’a pas ventilé davantage les données pour permettre de l’établir.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET CIES | GENRE ET TRAFIC
MAINTIEN DE LA LOI : TYPES ET IMPACTS « Le problème [du CIES] est d’une urgence telle que, de 2010 à 2016, les gouvernements étrangers et les ONG ont fait don de plus de 1,3 milliard de dollars américains en faveur de l’application de mesures de lutte anti-braconnage à travers l’Afrique et l’Asie » (World Bank Group, 2016).
Il est étonnamment vraisemblable (bien qu’en grande partie non examiné) que la tendance de l’application de la loi dans le CIES soit elle-même un élément créé de toute pièce en raison de la nature sexuée des organisations luttant contre le CIES et du biais de paradigme établi par le terrain et les origines de la biologie des espèces sauvages des acteurs clés de l’univers de la lutte contre le trafic (abordé plus en détail dans la section « politique »).
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Le soutien apporté aux personnes qui luttent contre le CIES s’est largement orienté vers l’application de la loi qui cible les braconniers, les contrebandiers et les revendeurs (Challender et al. 2015 ; Holden et al. 2019). Les activitésnon coercitives du CIES, telles que les efforts visant à réduire la demande des consommateurs (voir la section suivante), restent mal financées. Seuls 6 % des fonds engagés au niveau mondial sont consacrés à la réduction de la demande (Groupe de la Banque mondiale 2016).
Les personnes qui luttent contre le braconnage, du niveau local au niveau mondial, sont principalement des hommes : Gardes forestiers : en moyenne, dans le monde, les femmes représentent 3 à 11 % de la main-d’œuvre des gardes forestiers (Seager et al. 2021 ; Belecky et al. 2019). Des analyses générales parallèles de la dotation en personnel des aires protégées font apparaître des dynamiques de genre similaires (Hill Rojas et al. 2001 ; Aguilar et al. 2004 ; Gonzales 2007 ; Badola et al. 2014 ; CPAM 2020). Agents de police : généralement déployés aux niveaux municipal ou régional, les policiers sont rarement impliqués dans les activités de lutte contre le CIES, bien qu’ils puissent fournir un soutien aux efforts de maintien de l’ordre. Aucun chiffre significatif n’existe quant à la moyenne mondiale de femmes dans les services de police, mais un récent rapport d’Interpol (2020) indique des fourchettes allant de 6-10 % de femmes dans les forces de police (Inde, Indonésie, Cambodge) à une moyenne de 30 % (Suède et Europe de l’Est). Par rapport à la police nationale, un plus grand nombre de femmes sont impliquées dans les organisations internationales de police, notamment Interpol. En 2014, 44 % des officiers d’Interpol étaient des femmes.33 Cette forte présence peut s’expliquer par le fait que les agents travaillant à Interpol n’ont pas de pouvoirs d’application de la loi. L’organisation n’est pas considérée comme un « endroit dangereux » et les tâches qui incombent aux officiers ne sont pas opérationnelles. Malgré les efforts récents mis en œuvre pour intégrer des femmes dans les organismes chargés de l’application de la loi, les agents de première ligne, en particulier les gardes forestiers, sont inéluctablement de sexe masculin. (Pour une analyse plus approfondie de la dynamique des genres dans les effectifs des gardes forestiers, veuillez consulter Jones et Solomon 2019, Seager et al. 2021).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Les principales caractéristiques d’un garde forestier, telles que perçues par les jeunes Kényans dans une enquête de 2018.34
Visuel du site Internet du « nouveau garde forestier », site Internet de l’URSA.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET CIES | GENRE ET TRAFIC
La militarisation de l’ordre public et des opérations de trafic et de braconnage (qui s’accélère de manière alarmante dans certaines régions d’Afrique) est à la fois un moteur et un effet de la masculinité intrinsèque des réseaux de trafic et d’application de la loi. Caractériser la lutte contre le CIES de « guerre » accélère cette dynamique. Dans la représentation dont il est question juste au-dessus, cette guerre est également imprégnée et alimentée par des stéréotypes nationalistes/ raciaux.35 Le travail des gardes forestiers, lourdement armés, corrobore les stéréotypes selon lesquels les hommes sont « naturellement aptes » à supporter les difficultés et le danger. Une exécution de la loi dominée (ou exclusivement appliquée) par les hommes désavantage les femmes, tout en créant des lacunes que les trafiquants peuvent exploiter, ce qui nuit à l’application de la loi. Des forces de l’ordre lourdement armées : •
Alimente, privilégie et renforce le stéréotype « macho » du garde forestier (qui est en soi un stéréotype pernicieux pour les hommes) qui exclut les femmes tout en mettant les hommes en grand danger.
•
Renforce les comportements culturels à l’égard des femmes, à savoir qu’elles ne sont pas aptes à faire un travail qui implique de manier des armes lourdes, activité qui est presque partout considérée comme contraire aux normes de féminité.
•
Augmente le potentiel de violence entre les différentes équipes de gardes forestiers (par exemple, les équipes de patrouilles communautaires et les équipes de patrouilles de gardes forestiers) ainsi qu’entre les gardes forestiers et les communautés.
•
Peut conduire à une conservation des espèces sauvages moins efficace, en créant un écart entre les communautés et les équipes de gardes forestiers (ce qui rend alors encore plus difficile le recrutement de femmes) (Duffy 2014, 2019). Les forces de l’ordre à prédominance masculine, en particulier au niveau des gardes forestiers et de la communauté, sont moins susceptibles de gagner la pleine confiance des femmes de la communauté (Belecky et al. 2019, Seager et al. 2021).
•
Peut créer une faille dans la lutte contre le trafic : on sait que les femmes ont été utilisées pour passer en contrebande des animaux sauvages parce que les forces de l’ordre étaient composées uniquement d’hommes et que ces derniers n’auraient pas eu le droit de fouiller les femmes. Ainsi, les préjugés sexistes ou l’absence de femmes parmi les agents chargés de l’application de la loi facilitent la criminalité de manière ironique.
•
Risque d’entraîner une augmentation de la mortalité provoquée par la violence « domestique », étant donné que davantage d’armes à feu circulent dans les communautés et sont conservées dans les foyers (Braga et al. 2021 ; Zeoli 2018). La plupart des éléments prouvant la corrélation entre la disponibilité des armes à feu et l’escalade de la violence à l’égard des femmes proviennent des États-Unis, où cette relation est indéniable, comme le conclut une étude indiquant « les armes à feu facilement disponibles exposent les femmes à un risque particulièrement élevé d’homicide aux mains de leur conjoint » (Bailey et al. 1997).
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© Emilio White
Les armes à feu, l’équipement de protection et la surveillance technologique associée sont coûteux. Compte tenu des budgets limités alloués à tous les services confondus, l’augmentation des sommes consacrées aux activités militarisées des gardes forestiers (hommes) se fait généralement au détriment des activités des gardes forestiers qui ne nécessitent pas d’équipements techniques (femmes ) telles que les services d’interprétation et d’éducation (Duffy 2014, 2019). L’évolution des allocations/priorités budgétaires est sexuée. Les agents chargés de l’application de la loi à prédominance masculine sont manifestement plus susceptibles de recourir à la violence contre les membres de la communauté et les braconniers individuels que les agents mixtes ou exclusivement féminins, et ce de manière souvent généralisée et imprévisible. L’évaluation novatrice de l’UICN sur la violence sexiste dans les secteurs de l’environnement révèle des preuves de violence aussi systématique qu’aléatoire, aux proportions parfois catastrophiques (Castañeda Camey et al. 2020). Le rapport du groupe d’experts indépendants intitulé Embedding human rights in nature conservation: from intent to action (comprenez « Intégrer les droits de l’homme dans la conservation de la nature : de l’intention à l’action » en français) a examiné les rapports faisant état de violations généralisées des droits de l’homme dans le cadre du travail du WWF, notamment les allégations de harcèlement et d’agressions sexuelles, y compris le viol de mineurs et le viol collectif par certains gardes forestiers (masculins) du gouvernement. Plus les équipes de contrôle sont armées et militarisées, plus le risque de violence peut être extrême. Les protocoles d’application, renforcés par la politique, font rarement la distinction entre le braconnage de subsistance et le braconnage commercial. Par conséquent, l’application de la loi vise souvent l’acteur local, et non les négociants en amont de la chaîne. (Cette approche faussée peut affecter davantage les femmes, car elles sont plus susceptibles de chasser/récolter à des fins de subsistance que commerciales, mais cette hypothèse reste inexplorée). Cela aggrave le fossé et la méfiance entre le personnel chargé de l’application de la loi, en particulier les gardes forestiers implantés localement, et les populations locales. Dans le même temps, les gardes forestiers peuvent être démoralisés et démotivés parce qu’ils ont le sentiment de ne pas avoir la confiance des communautés (Cooney 2016).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SANITAIRES DU TRAFIC Les femmes ne récoltent généralement qu’une très faible part des bénéfices globaux tirés du CIES. Cette situation peut avoir de multiples conséquences, dont pratiquement aucune n’a été examinée de près. Elle pourrait diminuer, ou renforcer, l’engagement des femmes en faveur de la conservation ou, à l’inverse, du braconnage et du trafic ;elle peut constituer un facteur dans le cycle de dépendance permanent des femmes vis-à-vis des hommes pour leur bienêtre économique ; elle renforce l’idée que les femmes ne sont pas des acteurs « importants » dans les systèmes économiques puissants. La représentation essentiellement masculine des activités de garde forestier et d’application de la loi donne aux hommes un avantage sur des échelles d’opportunités professionnelles qui pourraient être très limitées. De nombreux éléments attestent d’une tendance générale selon laquelle lorsque les femmes gagnent de l’argent, elles consacrent une part plus importante de leurs revenus au bien-être de la famille et du ménage, par rapport aux hommes qui consacrent une part plus importante de leurs revenus à leurs dépenses personnelles. L’inclusion des femmes dans les activités rémunératrices, en particulier dans les contextes où les opportunités sont limitées, peut avoir des effets bénéfiques à grande échelle sur les ménages.36 L’une des seules études portant sur cet effet dans le cadre du CIES a révélé la tendance générale suivante : les hommes dépensaient leur revenu tiré de la chasse dans l’achat d’articles personnels (tels que le tabac et l’alcool), tandis que les femmes consacraient leur part à nourrir leur famille (Coad et al. 2010). Le CIES est associé à la propagation mondiale et locale d’un large éventail de zoonoses (Karesh et al. 2005). D’Ebola à la COVID-19, toutes les répercussions sociales et sanitaires des épidémies de zoonoses sont différenciées selon le sexe. Les données mondiales sur la COVID révèlent que davantage d’hommes que de femmes sont décédés de la COVID-19 au début de l’année 2021 tandis que les impacts économiques en termes d’interruption d’activité et de charge des activités de travaux ménagers et de soins ménagers non rémunérés ont frappé plus lourdement les femmes.37 L’un des premiers cas documentés d’impacts sanitaires différenciés selon le sexe liés au commerce des espèces sauvages est l’épidémie de « fièvre des perroquets » (psittacose) qui a sévi en Europe en 1929-30. Les épidémies sont apparues en Argentine à la suite d’expéditions d’oiseaux de compagnie. Dans les îles Féroé, 174 cas de psittacose humaine ont été signalés entre 1930 et 1938 : le taux de mortalité humaine était de 20 % dans l’ensemble, mais il était particulièrement élevé (80 %) chez les femmes enceintes (Hermann et al. 2006).
© Jonathan Caramanus/Green Renaissance/WWF-Royaume-Uni
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET CIES | GENRE ET TRAFIC
RÉPONSES FACE AU TRAFIC Garde forestier, un métier inclusif, et application de la loi : peu de recherches traitent du genre dans les activités d’application de la loi spécifiques au CIES ou à la conservation, mais en utilisant les données des forces de police civile pour comparer (UNODC 2020, Roman 2020), les résultats indiquent clairement l’importance d’une application de la loi inclusive. L’inclusion des femmes dans les activités d’application de la loi augmente l’efficacité et diminue la violence. Les femmes sont des intermédiaires communautaires plus efficaces que leurs homologues masculins dans les activités d’application de la loi et parviennent à faire appliquer la loi en ayant moins recours à la force : « Les femmes sont systématiquement réputées pour bénéficier de la confiance de leurs communautés et, surtout, elles cherchent à servir les communautés dans un monde où la légitimité de la police tend à diminuer. Les femmes possèdent un niveau élevé de compétences en communication interpersonnelle, ce qui se traduit par des pratiques plus efficaces sur le terrain. Il s’avère que les femmes ont un effet apaisant sur leurs partenaires masculins lors de missions dangereuses et très stressantes, ce qui réduit le nombre de décès dans la police. Il a été constaté que plus les femmes sont représentées dans les organisations, plus celles-ci mettent l’accent sur la surveillance communautaire. Les femmes policières ont une influence positive sur la perception des performances professionnelles, de la fiabilité et de l’équité d’un service de police, ce qui peut peut-être accroître la volonté du public de coopérer à la production de résultats positifs en matière de sécurité publique. Les agents de sexe féminin sont moins susceptibles d’être brutales, d’utiliser une force excessive ou de faire l’objet de poursuites que les agents de sexe masculin. Des recherches ont montré que les agents masculins étaient plus susceptibles que les agents féminins de faire preuve d’agressivité face à une caractéristique de la personne rencontrée, comme l’origine raciale ou la classe socio-économique. Même si les études montrent que les personnes interpelées utilisent la même force contre les agents féminins que contre les agents masculins, voire, dans certains cas, plus de force, les agents féminins réussissent mieux à désamorcer les comportements violents ou agressifs. »
Dans le CIES, comme ailleurs, on pourrait s’attendre à ce que l’intégration des femmes parmi les agents chargés de l’application de la loi désamorce, et, qui sait, démilitarise, les activités (Strobl 2019). D’un point de vue pratique, la présence de femmes dans les équipes de répression, permet de fouiller et d’interroger les femmes suspectes, tâche qui est culturellement interdite aux hommes, à juste titre. L’autorité fiscale ougandaise, l’une des rares connues pour intégrer une perspective de genre explicite dans ses fonctions d’application de la loi, rapporte que le fait de compter des agents chargés de l’application de la loi de sexe féminin a augmenté sa capacité à entreprendre des missions de renseignement secrètes où les suspects sont des femmes, puis à mener des recherches sur ces suspects.
(Roman 2020)
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Autre effet important de la présence d’un plus grand nombre de femmes gardes forestières : encourager la participation des femmes à la conservation/gestion des ressources naturelles de manière plus large. Cette éventuelle dynamique mérite d’être examinée de plus près (Seager et al. 2021). La Déclaration de Chitwan (Congrès mondial des gardes forestiers de 2019) s’engage à atteindre de vastes objectifs liés au genre : l’égalité des chances entre les sexes en matière d’embauche, de rémunération et de promotion parmi les gardes forestiers, ainsi que des mesures appropriées pour assurer la sécurité et le soutien des femmes gardes forestières. L’Alliance universelle de soutien aux gardes forestiers (URSA) s’est engagée à analyser en profondeur les obstacles et les possibilités d’augmenter l’inclusivité au sein de la main-d’œuvre de gardes forestiers. Entre-temps, plusieurs initiatives, dont beaucoup sont privées, ont été prises pour constituer des équipes de gardes forestiers anti-braconnage entièrement féminines. Parmi les plus connues, citons les Black Mambas (Afrique du Sud), l’équipe des lionnes (Team Lioness) (Kenya), les Seed Women (une équipe de gardes forestières essentiellement composée de femmes indigènes en Australie occidentale),38 une équipe exclusivement féminine au sein du bureau forestier de Dongning (Chine),39 et les Akashinga au Zimbabwe. La plupart des équipes exclusivement féminines adoptent des approches non militaristes, mais certaines d’entre elles (les Akashinga en particulier) forment les femmes qui sont aussi militarisées que les hommes. Cette approche est controversée, mais les gardes Akashinga font état d’un palmarès impressionnant en matière de répression du CIES (bien que les preuves de leurs succès en matière de conservation soient moins nombreuses).
Le programme « RISE » (Resilient, Inclusive, and Sustainable Environments, comprenez « résilience, inclusion et développement durable» en français) de l’UICN-USAID sponsorise plusieurs projets qui visent collectivement à modifier l’action des femmes dans le cadre du CIES en réduisant la VBG. Les projets gagnants du concours RISE 2020 se concentrent sur la prévention et la réponse à la VBG dans la foresterie communautaire au Guatemala ; le soutien à un accès plus équitable et au contrôle des ressources naturelles dans les zones de conservation au Kenya ; la lutte contre les normes de genre et la VBG dans la forêt de Nuwas au Pérou ; et la lutte contre la VBG au sein des organisations de conservation de la faune au Viêt Nam.40 Ce dernier projet se distingue par la lutte contre la violence basée sur le genre au sein des organisations de conservation de la faune sauvage. Faire participer les hommes à l’évaluation de leurs notions de masculinité (et de féminité) s’est révélé prometteur. La plupart des programmes n’en sont qu’à leurs débuts, et de nombreux « programmes pour hommes » ne traitent pas directement des questions environnementales. Parmi les exemples, citons l’Alliance MenENGAGE (décrite à la page 22) et le Responsible Men’s Club au Viêt Nam, qui rassemble des pêcheurs coupables de VBG. Les organisateurs décrivent ce programme en ces termes : « Nous soutenons que l’autonomisation, un processus souvent utilisé pour les femmes, est également importante pour les hommes. Pour mettre au point et encourager une version positive et non violente de la masculinité, les hommes ont besoin de connaissances, de compétences, d’un mentorat et d’un soutien pertinent par les pairs » (Tu-Anh Hoang 2013).
© Narendra Shresth/WWF-États-Unis
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GENRE ET CONSOMMATION
© James Morgan/WWF
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
EN BREF
Se concentrer sur le comportement du consommateur représente un changement de paradigme relativement récent dans le travail de lutte contre le CIES. Du niveau micro au niveau macro, la consommation reflète des comportements, des normes et des systèmes qui sont profondément sexués.
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Les « consommateurs » sont des acteurs sexués. Les hommes et les femmes achètent et consomment des produits de la faune sauvage différents, à des fins différentes.
—
Dans l’ensemble, les hommes consomment plus fréquemment des produits issus d’animaux sauvages que les femmes. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à utiliser la médecine traditionnelle asiatique/chinoise concoctée à partir d’animaux sauvages, mais elles utilisent des produits différents à des fins différentes.
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La consommation de produits provenant de la faune sauvage en tant que nourriture est le reflet à la fois des gradients de revenu et de genre.
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L’augmentation de la richesse, en particulier dans les économies émergentes, est identifiée comme l’un des principaux moteurs du CIES. La « richesse » est sexuée, et les données sur les revenus et la richesse montrent un écart important - et dans de nombreux cas, croissant - entre les sexes.
“
Une grande partie de la consommation d’animaux sauvages est directement liée aux normes de genre et à la « performance » des rôles masculins et féminins attendus.
—
Les rôles traditionnels des femmes en tant que pourvoyeuses des ménages et soignantes des membres de leur famille déterminent une grande partie de leurs comportements en matière de consommation d’espèces sauvages.
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Les hommes utilisent la consommation d’animaux sauvages comme une monnaie d’échange pour renforcer leurs relations commerciales.
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De nombreuses campagnes de réduction de la demande et de changement de comportement ne disposent pas encore de résultats solides établissant leur efficacité, mais certaines en ont obtenu.
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La majeure partie de la recherche sur la consommation s’est concentrée sur les consommateurs asiatiques, renforçant ainsi les préjugés géographiques et racistes venant alimenter le stéréotype du « super-consommateur ».
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Les « influenceurs » (des enseignants aux célébrités) peuvent jouer un rôle important dans la stimulation du comportement. Les hommes et les femmes peuvent réagir différemment face aux influenceurs.
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La compréhension de la portée, de l’échelle et de la démographie de la consommation d’espèces sauvages est désormais au cœur de l’ordre du jour du CIES. Comprendre et influencer la consommation est devenu un sujet d’urgence et d’attention considérable (Veríssimo et al. 2020 ; Burgess et Zain 2018 ; Kennaugh 2015 ; TRAFFIC 2008 ; USAID 2017). L’accent mis sur la consommation élargit les paradigmes du CIES, en attirant l’attention sur le comportement humain et en s’appuyant sur l’expertise non seulement des biologistes de la conservation, mais aussi des spécialistes des sciences sociales et du comportement humain. Du micro au macro-niveau, la consommation reflète des comportements, des normes et des systèmes qui sont profondément sexués.
« Par le passé, les efforts visant à lutter contre le commerce des espèces sauvages se sont principalement orientés sur l’application de la loi afin de prévenir le braconnage et la récolte illégale d’animaux et de plantes, ainsi que le trafic de parties, produits et dérivés de ceux-ci le long des routes commerciales. Toutefois, un effort complémentaire est également nécessaire pour répondre à la demande des consommateurs. Cette nécessité a été reconnue par les gouvernements, les organisations internationales, les ONG et d’autres acteurs, à travers plusieurs déclarations de haut niveau et des engagements à tenir. Les parties prenantes sont désormais tenues de comprendre et d’appliquer les approches stratégiques les plus efficaces et les plus efficientes afin de changer le choix des consommateurs, et modifier les préférences d’achat et le comportement des acheteurs pour les éloigner des produits sauvages illégaux. » (Burgess et Zain 2018)
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET CONSOMMATION
QUI CONSOMME QUOI, ET POURQUOI ? Si l’on recherche plus de précisions, la plupart des recherches sur la consommation ne font que commencer. La recherche sur le genre et la consommation commence à peine.
Consommation locale de viande de brousse Une étude menée dans le nord de l’Ouganda a révélé que les hommes et les femmes ont des pratiques et des préférences différentes en matière de consommation de viande de brousse ou d’animaux domestiques : « les cuisinières (des femmes exclusivement) ont indiqué préférer le goût des viandes domestiques (par exemple poulet, chèvre), tandis que les chasseurs masculins ont indiqué préférer le goût de la viande de brousse... nos résultats soulignent que la préférence [masculine] pour la viande d’animaux sauvages peut jouer un rôle dans l’utilisation de la viande de brousse, conformément à des études similaires, car quatre des cinq viandes préférées des chasseurs étaient des animaux sauvages plutôt que domestiques.... Ce résultat n’est pas reflété par les préférences rapportées par les cuisinières,
qui privilégient généralement les viandes domestiques et pensent que les viandes domestiques sont plus nutritives que la viande de brousse, ce qui peut indiquer que les membres masculins du foyer sont susceptibles d’avoir plus d’influence sur les choix alimentaires du foyer. » (Dell et al. 2020) Plusieurs résultats intersectionnels intrigants gagneraient à être enrichis par une évaluation du genre. Par exemple, une étude sur la consommation de viande de brousse en République du Congo (qui n’a pas été ventilée par sexe) a révélé une forte relation positive entre le revenu du chef de ménage (vraisemblablement un homme) et la consommation de viande de brousse (Mbete et al. 2011). Une autre étude (également non ventilée par sexe) a révélé que la relation entre la consommation de viande de brousse et le revenu était une courbe en forme de U : « Lorsque les ménages pauvres qui font attention aux prix deviennent plus riches, ils peuvent se permettre de manger plus de viande, de sorte que la consommation de viande de brousse augmente avec le revenu. Lorsque les ménages atteignent un certain seuil de revenu, ils se mettent à consommer de la viande généralement plus raffinée et plus chère provenant d’animaux vivants domestiqués, et la consommation de viande de brousse diminue. » (Wilkie et Wieland 2015). Une étude menée au Viêt Nam a révélé que la collecte à petite échelle de produits forestiers non ligneux destinés à la vente était plus importante dans l’économie des ménages pauvres et des ménages plus dépendants de la main-d’œuvre féminine, notamment les ménages sans main-d’œuvre masculine disponible (Quang 2006).
© Daniël Nelson
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
UTILISATION DE LA MTC TRANCHE D’ÂGE
ANNÉES D’ÉTUDES
PROFESSION
REVENU FAMILIAL (EN NTD)
RELIGION
FEMMES, n (%)
HOMMES, n (%)
20-29
1 798
(33,4)
1 751
(21,9)
30-39
1 742
(32,8)
1 736
(23,8)
40-49
1 720
(32,2)
1 650
(23,2)
50-59
1 093
(32,0)
1 012
(20,8)
60-69
820
(25,4)
742
(20,4)
0
711
24,5
192
(14,6)
1-9
2 554
(31,8)
2 409
(21,9)
10-12
2 166
(32,2)
2 210
(22,5)
>13
1 736
(34,4)
2 076
(23,5)
Sans emploi
872
(30,2)
1 703
(20,7)
Femme au foyer
2 355
(29,3)
12
(25,0)
Qualifié·e, non qualifié·e
3 207
(33,8)
3 790
(22,3)
En activité
712
(34,0)
1 353
24,5
>30 000
1 304
(29,2)
1 162
(18,7)
30 000 - 49 999
1 584
(31,8)
1 578
(23,6)
50 000 - 99 999
2 943
(33,0)
2 831
(24,1)
>100 000
1 266
(31,9)
1 263
(20,7)
Pas de religion
1 904
(29,3)
1 857
(21,3)
Religions traditionnelles
3 346
(32,7)
3 393
(22,4)
Bouddhiste
1 493
(35,2)
1 259
24,5
Autres*
417
24,5
366
(19,7)
Shih et al. 2012. *Utilisation de la MTC, adultes à Taïwan
Utilisations médicinales Au Viêt Nam, les amis sont une source de produits de santé plus importante pour les acheteuses que pour les acheteurs. Les hommes sont plus nombreux à faire appel à des commerçants professionnels d’animaux sauvages pour obtenir des produits de santé (Venkataraman 2007). En Chine, les hommes et les femmes qui achetaient du vin d’os de tigre étaient généralement des consommateurs plus âgés et plus riches (USAID 2017). En Chine, les femmes ménopausées utilisent l’os de tigre pour soigner la polyarthrite rhumatoïde et l’ostéoporose. Au Viêt Nam, les femmes constituent un nombre important des personnes qui achètent de la corne de rhinocéros pour les besoins de santé générale ou médicinale de leur famille, tandis que les écailles de pangolin sont consommées par les mères allaitantes, censées améliorer le lait maternel (USAID 2017). Au cours d’une enquête chinoise, 28 % des hommes et 23 % des femmes ont déclaré qu’ils choisiraient la corne de rhinocéros comme médicament ; 18 % des hommes et 14 % des femmes ont déclaré qu’ils l’achèteraient comme produit de luxe (Kennaugh 2015). Une étude récente menée à Singapour (Doughty et al. 2019) a révélé que les femmes préféraient les copeaux de cornes des antilopes saïgas, plus traditionnels, tandis que les hommes préféraient la forme plus moderne, l’eau de saïga rafraîchissante.
© Michel Gunther/WWF
Deux études menées à Taïwan ont corroboré l’idée dominante selon laquelle les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir recours à la MTC. Une étude a révélé que la prévalence sur un an de l’utilisation de la MTC était de 31,8 % chez les femmes et de 22,4 % chez les hommes, un écart qui persistait quels que soient l’âge, la classe sociale, le niveau d’éducation et les affiliations religieuses (Shih et al. 2012). Une autre étude de cohorte réalisée entre 2000 et 2010 a établi que 30 % des femmes étaient des utilisatrices de MTC, contre 23 % des hommes (Yeh et al. 2016). >
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET CONSOMMATION
Mises ensemble, LA FORTUNE DES 22 HOMMES LES PLUS RICHES DU MONDE EST ÉGALE À LA FORTUNE DE TOUTES LES FEMMES D’AFRIQUE. (Oxfam 2020)
Opulence En ce qui concerne le braconnage, il est commun de penser que la pauvreté est un facteur clé du CIES, bien que les complexités de cette relation nécessitent une plus grande attention (Duffy et al. 2015). Du côté des consommateurs, c’est l’opulence.
Une étude menée en 2008 par TRAFFIC en Asie du Sud-Est (la première du genre à examiner les facteurs sociaux et économiques à large spectre) a conclu que : « La richesse semble être un facteur plus puissant du commerce illégal et non durable d’espèces sauvages en Asie du Sud-Est que la pauvreté. Les interventions visant à réduire la pauvreté uniquement ont peu de chances d’être efficaces pour réduire le commerce illégal et non durable d’espèces sauvages. Il est absolument nécessaire de veiller à ce que les interventions soient mieux ciblées et tiennent davantage compte de la dynamique de l’augmentation de la richesse et de l’opulence, de l’accroissement des aspirations et des demandes, ainsi que des processus plus larges de croissance économique dans la région. Des efforts particuliers doivent être mis en œuvre pour cibler les interventions sur les consommateurs urbains, ainsi que sur les groupes plus riches et plus puissants... Les experts et la documentation consultés aux fins de cette étude considèrent que l’augmentation de l’opulence et du revenu disponible dans les pays consommateurs est un moteur important de la demande d’espèces sauvages dans la région [Asie du Sud-Est]. » (TRAFFIC 2008)
Cette analyse sur le CIES est conforme à la compréhension émergente du fait que la richesse est un facteur majeur de dommages environnementaux et de pression sur la biodiversité, et, en outre, que les demandes des personnes extrêmement riches sont à l’origine des pressions environnementales (Wiedman et al. 2020 ; PNUE 2016). Dans les économies émergentes, la nouvelle demande des consommateurs pour les produits issus du CIES reflète une nouvelle aisance et une augmentation des revenus dans une tranche sociale plus large (Drury 2009). Selon une étude récente sur le commerce des animaux de compagnie, l’augmentation de l’opulence en Amérique latine et en Asie de l’Est fait grimper la demande d’animaux de compagnie exotiques (Smith et al. 2017). La richesse et le revenu sont tous deux liés au sexe. Les bienfaits économiques mondiaux n’ont pas profité à tout le monde de la même manière, et la part des femmes dans les nouveaux revenus et les nouvelles richesses est beaucoup plus faible que celle des hommes. Que cela se reflète dans les « listes de milliardaires » ou dans les reçus d’emploi officiels, les femmes représentent une très petite minorité des super riches et gagnent des revenus beaucoup plus faibles.41
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Un plus grand développement ne comble pas nécessairement cet écart : en Chine, l’inégalité des revenus entre les sexes s’est accrue ces dernières années avec la marchandisation (He et al. 2018 ; Qin 2018), comme au Viêt Nam, au Cambodge et au Laos (Chowdhury et al. 2018 ; Robertson et al. 2020). Les États du Golfe, une région où la demande de CIES est importante, comptent parmi les régions du monde où l’inégalité entre les sexes est la plus grande.42 Les régions qui concentrent historiquement le plus de richesses, en particulier l’Europe et l’Amérique du Nord, se caractérisent également par un écart important entre les sexes, tant en termes de revenus que de richesse, bien que le plancher puisse être suffisamment élevé pour que les consommateurs masculins et féminins puissent se permettre de prendre part à un CIES « ordinaire », y compris la possession d’un animal de compagnie, tandis que les événements de CIES extrêmes (y compris les safaris de chasse clandestins) restent essentiellement des prérogatives masculines. Le CIES s’inscrit dans une dynamique complexe d’inégalité au niveau macroéconomique (entre les régions d’offre et les régions de demande), et résulte du développement régional et des stratégies de développement, notamment de l’expansion des infrastructures et l’urbanisation. Ces inégalités de pauvreté et de richesse se manifestent également au niveau microéconomique, entre les individus, au sein des ménages et entre eux. L’égalité entre les hommes et les femmes et les relations entre les hommes et les femmes sont également imbriquées et déterminées par les inégalités, du niveau macro au niveau micro. Il existe des analyses féministes solides des processus de développement, d’urbanisme et des inégalités économiques émergentes et établies. Cependant, ces deux domaines d’analyse (la manière dont le CIES est imbriqué dans les inégalités économiques, et la mesure dans laquelle les inégalités économiques sont genrées) ne sont pas mis en corrélation. Des recherches sérieuses sont nécessaires pour explorer la façon dont se recoupent les analyses de la richesse/pauvreté comme moteur du CIES et des analyses selon lesquelles la création de richesse et de revenus sont des processus différenciés selon le sexe.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Istockphoto.com/WLDavies/WWF
Urbanisation Déterminer si l’urbanisation (et l’« urbanisme ») est un moteur distinct du CIES ou s’il s’agit principalement d’une activité qui découle des processus de développement et de richesse fait l’objet d’un débat. Dans la mesure où la consommation quotidienne d’animaux sauvages est plus difficile à réaliser en milieu urbain, il semble que la consommation d’animaux sauvages en milieu urbain soit principalement une manifestation de prestige ou un plaisir occasionnel. La plupart des études sur la dynamique urbaine se concentrent sur les « super-consommateurs », mais quelques études menées en Afrique de l’Ouest mettent en évidence des dynamiques plus quotidiennes : •
Une étude menée en Guinée équatoriale conclut que : « Les aliments frais sont largement préférés aux surgelés, mais ils sont plus chers et moins consommés. La consommation de tous les aliments frais augmente avec le revenu. Si l’on tient compte des revenus, les Équatoguinéens de souche consomment plus de viande de brousse que les autres nationalités, tandis que parmi les deux tribus équatoguinéennes dominantes, les Fang continentaux consomment plus de viande de brousse que les Ndowe côtiers. Nos résultats indiquent que la richesse croissante d’une population urbaine en expansion fera considérablement augmenter la demande future de tous les aliments frais, y compris la viande de brousse » (East et al. 2005).
•
Un rapport au Ghana a révélé que 60 % de la viande de brousse récoltée était destinée au marché urbain (Mendelson et al. 2003).
Le développement des infrastructures qui accompagne l’urbanisation peut être un facilitateur indépendant du CIES : « Dans le même temps, il a été noté que divers facteurs associés à la croissance économique, à l’expansion du commerce et au développement des infrastructures avaient facilité l’augmentation de l’offre d’espèces sauvages sur les marchés de la région. L’amélioration des communications et de la connectivité, le développement des routes et l’ouverture de l’habitat des animaux et des plantes sauvages par le biais de l’exploitation forestière illégale et d’autres nouvelles activités, facilitant ainsi l’extraction et le commerce des produits de la faune sauvage, sont considérés comme les principaux facteurs influençant la disponibilité des produits de la faune sauvage sur le marché » (TRAFFIC 2008). D’autre part, certains éléments indiquent que l’augmentation de la richesse des ménages peut entraîner un changement de préférence en faveur de la viande d’animaux domestiqués au détriment de la viande de brousse, certains observateurs concluant que « si la consommation de gibier, comme la consommation de bois de chauffage ou de charbon de bois, diminue lorsque les revenus augmentent, alors la prospérité économique pourrait favoriser la conservation de la faune sauvage » (Wilke et Godoy 2001). L’urbanisation elle-même, ainsi que l’accès et l’utilisation des infrastructures urbaines, sont fortement différenciés selon le sexe (Gauvin et al. 2020 ; Chant 2013). Les villes ne sont pas neutres en termes de genre. La pertinence éventuelle des dimensions sexospécifiques de l’urbanisation avec le CIES associé à la ville n’a pas été explorée.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET CONSOMMATION
NORMES DE GENRE, MASCULINITÉS ET FÉMINITÉS La demande des consommateurs en matière de produits issus du CIES est influencée par les rôles de genre et les attentes en termes de masculinités et de féminités. Cet aspect est peu étudié, mais certaines recherches donnent un aperçu de l’importance de cette dynamique.
Prouver sa virilité
Les femmes, responsables de la famille et du ménage
La chasse aux trophées entretient une relation particulièrement complexe avec le CIES. De nombreuses chasses aux trophées sont légales, et de nombreux défenseurs de l’environnement et organisations de protection de la nature affirment que la chasse aux trophées contrôlée peut être un outil de conservation efficace qui procure également des avantages aux communautés locales. Comprendre ce qui motive la chasse aux trophées en particulier et le massacre au nom du sport en général peut éclairer la réflexion et les réponses.
Dans la plupart des pays du monde, les femmes jouent un rôle de premier plan dans la gestion du foyer et, par conséquent, dans des contextes autres que de subsistance, elles sont les principales acheteuses de biens pour les ménages. Quelques études révèlent que les achats de certains produits de CIES par les femmes ne reflètent pas nécessairement leurs préférences personnelles de consommation, mais leurs efforts pour remplir leur rôle de « bonnes » pourvoyeuses du foyer.
La plupart des chasseurs sportifs et de trophées dans le monde sont des hommes. Il s’est avéré que la chasse aux trophées camouflait les pratiques de CIES. En 2011, dans le cadre d’un système particulièrement alambiqué, des réseaux criminels ont recruté des pseudo-chasseurs, notamment des travailleuses du sexe thaïlandaises et des pseudo-chasseurs masculins, provenant de République tchèque et de Pologne, pour récupérer des cornes de rhinocéros en Afrique du Sud en prétextant des chasses aux trophées. Ce stratagème leur a ainsi permis de contourner les lois réglementant le nombre de cornes pouvant être prélevées comme trophées (Hubschle 2013 ; Milliken et Shaw 2012 ; Rademeyer 2012). L’origine raciale est également liée à la chasse aux trophées, en particulier dans le contexte africain, où l’histoire des parcs est celle d’une légitimation des chasseurs sportifs blancs privilégiés, tout en qualifiant de « braconnage » les pratiques de chasse des populations locales (McCubbin et Van Patter 2020). Une étude surprenante sur la quasi-extinction du loup aux mains des colons européens masculins aux États-Unis révèle un comportement que nous qualifierions aujourd’hui de « masculinité toxique » : l’auteur affirme que la brutalité infligée aux loups a puisé dans le même réservoir de racisme et de sadisme que celui utilisé pour traiter d’autres personnes qui étaient prétendument inférieures aux mâles européens-américains dans la hiérarchie des êtres (Emel 1998).
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Dans l’une des rares études différenciées par sexe portant sur le commerce illégal d’espèces florales, il ressort de façon dominante que la hausse de la consommation de plantes succulentes récoltées illégalement sur les marchés de Corée du Sud et d’Asie de l’Est est due aux « femmes au foyer », à l’origine de ce commerce dans le but d’accentuer leurs compétences en matière de gestion domestique (Margulies 2020a). Une étude sur la consommation de corne de rhinocéros en Chine a révélé que les femmes étaient les principaux acheteurs de MTC, y compris de corne de rhinocéros, pour la maison, mais qu’une proportion légèrement plus faible de femmes (23 %) que d’hommes (28 %) a déclaré qu’elles choisiraient la corne de rhinocéros pour la médecine (Kennaugh 2015). Les acheteuses de corne de rhinocéros à vocation médicinale (des femmes d’âge moyen) étaient également motivées par leur statut. Il s’agissait généralement de femmes aisées d’une cinquantaine d’années qui achetaient de la corne de rhinocéros pour leur famille. Si la principale raison pour laquelle elles achetaient de la corne de rhinocéros était d’affirmer leur statut social, elles croyaient également en ses bienfaits pour la santé (en tant que détoxification pour le corps et remède contre la « gueule de bois » et les maladies graves). Elles estimaient que le fait d’avoir de la corne de rhinocéros chez elles garantissait le bien-être de leur famille (USAID 2017). Dans leur rôle
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© James Morgan/WWF
de pourvoyeuses du foyer, une étude menée à Singapour a établi que les femmes étaient les principales acheteuses mais pas les principales utilisatrices de cornes de saïgas ; cela a confirmé les conclusions d’une étude antérieure menée à Singapour, selon laquelle les femmes étaient plus susceptibles d’acheter des médicaments traditionnels dérivés de la faune sauvage pour d’autres personnes (Doughty et al. 2019). Que les femmes utilisent davantage de produits de MTC ou qu’elles en achètent davantage dans le cadre de leur rôle d’acheteuses domestiques, il est clair que les initiatives visant à modifier les mentalités doivent être axées de manière différenciée sur les femmes et les hommes.
Beauté et statut social De nombreuses études révèlent des motivations différentes selon le sexe en matière d’achat de produits issus du CIES. Si l’on résume, l’une des principales différences quant à la motivation des femmes vis-à-vis des produits issus du CIES tient du fait que les femmes achètent des produits issus du CIES pour améliorer leur beauté, les hommes pour améliorer leur statut et consolider des relations d’affaires et de prestige avec d’autres hommes (Burgess et Zain 2018). Le facteur « beauté » est le principal moteur de la demande des femmes à l’égard de la vessie natatoire (vessie gazeuse) du poisson totoaba, censée améliorer le teint et la couleur de la peau. La demande est si élevée qu’elle menace d’extinction le totoaba, que l’on ne trouve que dans le golfe de Californie au Mexique (Margulies et al. 2019). Les marges bénéficiaires de ce commerce sont si élevées que le totoaba est souvent qualifié de « cocaïne aquatique » (Mongabay.com 2018 ; Pasha-Robins n 2016). Les analyses portant sur la corne de rhinocéros et l’ivoire achetés comme produit de luxe en Chine, en revanche, ont conclu que le principal profil des acheteurs était « des hommes jeunes et bien éduqués » et que leurs principales motivations étaient le prestige et les cadeaux d’affaires (Kennaugh 2015 ; USAID 2017). Une récente étude menée par Defra/TRAFFIC représente graphiquement l’intersectionnalité du genre, du sexe et de la classe, (Burgess et Zain 2018) :
Mots les plus fréquemment associés aux détenteurs de PRODUITS EN CORNE DE RHINOCÉROS (en bas ) et aux PRODUITS EN IVOIRE (en haut), les mots écrits en gros caractères étant ceux qui reviennent le plus souvent.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET CONSOMMATION
Relations transactionnelles masculines Les réseaux masculins de relations commerciales sont souvent consolidés par des propositions d’expériences et des cadeaux rares, luxueux et « exotiques » (McElwee 2012, Duffy et al. 2009, Shairp et al. 2016). Une étude reposant sur des entretiens au Viêt Nam (voir ci-dessous) a révélé que la viande sauvage est un moyen pour les hommes de faire connaître leur statut les uns aux autres et de créer des allégeances commerciales (Drury 2009). Bien que la terminologie utilisée par les personnes interrogées faisait référence à des « personnes », il est clair que ces événements ne se déroulaient qu’entre hommes : Une autre étude a révélé que la viande sauvage est rarement consommée seule. Elle est presque uniquement une pratique de lien social, à laquelle se livrent plus souvent les hommes que les femmes (McElwee 2012). À l’instar de l’échange commercial de produits de la faune sauvage, les femmes sont souvent utilisées par les hommes comme monnaie d’échange. Il n’est pas rare que les hommes d’affaires s’« offrent » mutuellement des travailleuses du sexe comme monnaie d’échange de l’estime mutuelle des hommes et pour consolider les relations d’affaires (Osburg 2013, 2018 ; Uretsky 2016). © Antonio Busiello/WWF-États-Unis
ENQUÊTEUR :
En avez-vous acheté ?
WM30 :
Non, non, non ! J’y suis allé pour affaires [...] Les Vietnamiens, lorsqu’ils font des affaires avec leurs partenaires, les invitent souvent dans un lieu très majestueux, et ils veulent leur offrir des spécialités qu’ils ne mangent pas souvent. Je pense qu’ils veulent prouver à leurs partenaires que leur entreprise se porte bien, et ils veulent montrer leur respect et leur dévouement.
(Homme de 24 ans, professionnel et consommateur de viande sauvage). ENQUÊTEUR :
Quand votre oncle mange des plats spéciaux, c’est juste pour le plaisir ?
WM17 :
Il est fonctionnaire d’État et se rend dans le sud du Viêt Nam pour affaires. Il est donc invité. Il va au restaurant pour affaires [...] Il va inspecter les performances des fonctionnaires locaux, il est donc invité par les fonctionnaires locaux [...] Ils pensent que la viande est rare et précieuse [...] Les gens considèrent les plats de viande sauvage comme quelque chose de précieux à servir aux invités de marque.
(Homme de 25 ans, ouvrier qualifié et consommateur de viande sauvage). ENQUÊTEUR :
À quelle occasion les gens vont-ils manger des plats spéciaux ?
WM25 :
Lorsque [...] quelqu’un veut inviter d’autres personnes à sortir pour leur demander une faveur, les gens choisissent un endroit très spécial ou très cher pour les inviter à manger [...] Parfois, les gens s’en servent dans le cadre professionnel, comme une sorte de corruption.
(Homme d’affaires et consommateur de viande sauvage âgé de 56 ans).
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IMPACTS DE LA CONSOMMATION Située au bout de la chaîne du CIES, la consommation des produits issus de la faune sauvage cumule tous les impacts. En cas d’exploitation déraisonnable, le commerce des produits issus de la faune sauvage peut entraîner l’extinction ou la quasiextinction d’espèces, la dévastation d’écosystèmes, l’« apocalypse de la biodiversité » et la mise en péril des moyens de subsistance, du développement et de la santé de l’homme - autant de facteurs qui touchent davantage les femmes que les hommes et qui ont tous des effets différenciés selon le sexe.43
© Brent Stirton/Getty Images/WWF
STOPPER L’ACHAT L’intérêt, relativement récent, porté à la consommation des produits issus du CIES a donné naissance à un domaine en plein essor, celui de la « réduction de la demande » par le changement des mentalités. Influencer les consommateurs pour qu’ils cessent ou réduisent leur consommation de produits illégaux issus de la faune sauvage pourrait être très significatif pour réduire les impacts du CIES (Burgess 2016 ; Kennaugh 2015). La baisse de la demande des consommateurs liée à la conservation tire sa force des modèles classiques de marketing selon lesquels « la demande est déterminée non seulement par les caractéristiques des biens ou des services (par exemple, le prix, la disponibilité, la provenance) qu’un consommateur peut rechercher, mais aussi par l’identité propre et les contraintes économiques des consommateurs (par exemple, l’ethnicité, la religion, le revenu) ainsi que le contexte socioculturel dans lequel l’achat et la consommation ont lieu » (Verissimo et al. 2020a). L’intégration du genre dans ce modèle sera la clé d’un succès durable. Les campagnes visant à réduire la demande de produits issus du CIES et à faire changer les comportements se sont multipliées. Une enquête effectuée par TRAFFIC a recensé plus de 85 campagnes de réduction de la demande entre 2005 et 2015. Nombre d’entre elles ne disposent pas encore de mécanismes solides pour mesurer l’efficacité et les résultats, mais les campagnes médiatiques de changement des mentalités les plus réussies ont imité les stratégies de marketing et d’engagement des consommateurs utilisées dans les secteurs des marques de luxe. Sur la base de ces modèles d’engagement des consommateurs, la sensibilisation aux différents rôles des hommes
et des femmes dans la consommation d’espèces sauvages est intégrée dans certaines de ces campagnes. La plupart des campagnes de réduction de la demande se sont concentrées sur les « Chinois » ou les « Asiatiques » qui sont injustement catalogués comme des « super-consommateurs », sans tenir compte des nuances culturelles et socio-démographiques, renforçant ainsi les caricatures racistes et un récit colonialiste (Margulies et al. 2019). Les campagnes demédias de masse véhiculent des messages grâce aux réseaux sociaux, à la télévision et dans la presse écrite. La plupart font également appel à des « influenceurs » qui sont souvent des célébrités, mais aussi des messagers de confiance tels que des enseignants, des chefs religieux ou des réseaux d’affinité. Peu de recherches ont été menées pour savoir si les hommes et les femmes écoutent et font confiance aux mêmes messagers. Dans certaines campagnes, notamment celles portant sur l’utilisation de cornes de rhinocéros au Viêt Nam, les syndicats de femmes ont été utilisés pour influencer leurs membres. Des affirmations font état d’un succès considérable dans cette campagne, mais la vérification reste incertaine. >
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APERÇU
Influenceurs et campagnes utilisant des messages sensibles au genre © James Morgan/WWF
BEAUTIFUL WITHOUT IVORY 0:01/0:43
www.youtube.com/watch?v=RgL9LBEbJJg
La campagne Beautiful Without Ivory (comprenez « Belle sans ivoire » en français), destinée aux femmes44 a été lancée en Thaïlande en 2019, et repose sur les stéréotypes de préoccupations féminines en matière d’apparence. Elle fait appel à des influenceuses de premier plan, notamment des mannequins et des personnalités de la télévision, pour persuader les femmes que la beauté ne s’acquiert pas avec des bijoux en ivoire d’éléphant. L’USAID indique que la vidéo, lancée en septembre 2019, a touché plus de 0:01/0:43 100 000 personnes. 0:01/0:43
BEAUTIFUL CHI WITHOUT INITIATIVE IVORY Strength from Within
66 % des Thaïlandais qui possèdent des bijoux en ivoire sont des femmes. Les hommes achètent-ils de l’ivoire pour les femmes en tant que marqueur de la « consommation ostentatoire » ? Les femmes sont-elles les principales acheteuses ?
© Shutterstock/Volodymyr Burdiak
CHI INITIATIVE
Strength from Within 0:01/0:43
www.changewildlifeconsumers.org/toolkit/chi-phase-iii-video
La campagne de marketing social de TRAFFIC lancée en 2020 s’adresse aux riches hommes d’affaires vietnamiens, les principaux consommateurs de corne de rhinocéros, et véhicule un message indiquant que l’utilisation de la corne de rhinocéros n’est pas une marque de réussite. Le principal protagoniste de la vidéo, un architecte de sexe masculin, a une vision de l’avenir fondée sur l’harmonie avec la nature, et non sur son exploitation.
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Le rôle du personnage féminin semble être principalement de renforcer l’idée que la réussite masculine moderne et attrayante est soucieuse de l’environnement.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Si ces deux campagnes vidéo reflètent une dynamique soucieuse de l’égalité des sexes, ce n’est pas le cas de nombreuses campagnes de réduction de la demande. Une approche visant à intégrer le genre dans le domaine du changement de consommateur pourrait consister à intégrer le genre dans chacun des nœuds et des flux du cadre de recherche complet et sophistiqué développé par TRAFFIC (Burgess et Zain 2018) :
Quel type de personne est le plus susceptible d’utiliser de la corne de rhinocéros ?
Probabilité d’utiliser l’ivoire/la corne Les personnes plus attachées à la marque sont-elles plus susceptibles d’utiliser de la corne de rhinocéros ?
Attachement à la marque
Les personnes qui ont une aversion pour la corne sont-elles influencées par des personnes différentes de celles qui sont attirées par la corne ?
Données démographiques
Les différents groupes ont-ils des besoins psychologiques différents vis-à-vis de l’ivoire ?
Besoins psychologiques
STRUCTURE, CIBLAGE ET MESSAGES DES CAMPAGNES À DESTINATION DE DIFFÉRENTS PUBLICS
Sources d’influence
Ceux pour qui l’ivoire procure un plaisir sensoriel associent-ils des mots différents à l’ivoire que ceux dont le besoin d’identité est comblé ?
Domaine émotionnel
Les personnes influencées par les médias associentelles des mots différents à l’ivoire que celles influencées par la famille ?
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GENRE ET POLITIQUE © E. John/TRAFFIC
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
EN BREF Les hommes prédominent dans la plupart des grandes organisations qui jouent un rôle clé dans la politique internationale en matière de CIES : gouvernements, ONG, institutions de recherche et secteurs universitaires. L’écrasante majorité d’hommes à ces postes et l’exclusion des femmes est un système qui s’auto-alimente. Toutefois, il peut être inversé, et l’inclusion des femmes à des niveaux essentiels peut créer un cycle vertueux d’inclusion supplémentaire. — La violence, le harcèlement et la discrimination sexuels sont courants dans toutes ces organisations de premier plan mais ils sont largement ignorés ou protégés. — L’impact relatif à l’absence de femmes dans les cercles politiques est difficile à mesurer, bien qu’il ait été affirmé que les femmes sont plus susceptibles de « soulever des questions que d’autres négligent, de soutenir des idées auxquelles d’autres s’opposent et de chercher à mettre fin à des abus que d’autres acceptent » (Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’État américaine). — Il est prouvé que les gouvernements bénéficiant d’une proportion plus élevée de femmes légifèrent davantage sur l’égalité des sexes et en faveur du respect de l’environnement. — Les solutions visant à remédier à cette situation peuvent consister en le respect de quotas, la mise en place de programmes de formation au leadership ciblés, de politiques d’égalité des sexes à l’échelle de l’organisation. Les demandes des donateurs et les mandats de financement ont une grande influence.
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QUI EST À L’ORIGINE DE LA PRISE DE DÉCISIONS POLITIQUES ? Gouvernements Les femmes représentent, au niveau mondial, 26 % des législateurs dans les gouvernements nationaux.45 La représentation nationale va de 61 % au Rwanda à moins de 10 % de femmes dans plus d’une douzaine de pays (un groupe qui comprend notamment le Japon, l’Eswatini, le Nigeria, l’Iran et les Îles Salomon).
Entités multilatérales Les entités multilatérales influentes en matière de CIES comprennent le secrétariat de la CITES, Interpol, le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). •
CITES : La secrétaire générale est une femme. Le profil général du personnel n’est pas disponible
•
Secrétariat de l’IPBES à Genève : La secrétaire exécutive est une femme. Le personnel de Genève est majoritairement féminin (15 femmes, 4 hommes, comme indiqué sur le site Internet)
•
Interpol : les femmes représentent 44 % des agents d’Interpol.46
•
Organisation mondiale des douanes : en moyenne au niveau mondial, les femmes représentent 38 % de la maind’œuvre, avec une représentation plus faible au niveau de la direction47
•
CBD : La secrétaire exécutive est une femme. Le profil général du personnel n’est pas disponible
De haut en bas : Chefs d’État de l’Union africaine 2020 ; chefs d’État de l’ANASE 2019 ; sommet du G20 2019
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ONG influentes de conservation mondiale & CIES
Chercheurs
Les informations sur le profil de leadership des organisations spécifiques au CIES sont rares, mais le portrait général qui en est dressé est celui d’ONG qui n’en sont qu’aux premiers stades de la prise d’engagements en matière de diversité.
La politique visant à enrayer le CIES repose sur des recherches solides. Au fur et à mesure que les paradigmes du CIES évolueront vers une analyse plus sociale, le profil de la « recherche fondamentale » (et donc la structure des experts) s’élargira. Mais lors de cette transition, les domaines de recherche les plus centraux concernant le travail sur le CIES sont les disciplines initiales, telles que la foresterie, la biologie de la faune, les sciences des écosystèmes.
Green 2.0, une campagne de plaidoyer indépendante visant à accroître la diversité raciale et ethnique au sein du grand mouvement environnemental, a recueilli des données sur la diversité auprès de certaines des ONG et fondations les plus influentes du secteur environnemental. Son dernier rapport, publié en 202048, donne un aperçu utile du nombre de femmes et de personnes de couleur occupant un poste au sein du personnel à temps plein, des cadres supérieurs et des conseils d’administration des organisations. Alors que les femmes représentent plus de la moitié des effectifs supérieurs au sein de plusieurs ONG influentes,49 la disparité entre les sexes reste forte au niveau du conseil d’administration de la plupart des organisations répertoriées par le rapport.50
Tous ces domaines sont fortement masculins, bien que des changements de représentation soient en cours. Recherche forestière (États-Unis, 2016) : femmes = 19 % du corps professoral universitaire, 26 % de la R&D du service forestier américain.51 Chercheurs en sciences naturelles chez Natural Resources Canada, en 2014 :femmes = 19 %.52
Les statistiques clés les plus récentes du WWF International au niveau de son réseau, portant sur 7 830 personnes, ont souligné qu’au niveau du personnel et de la direction, le WWF est bien équilibré en termes de genre, mais que la disparité entre les sexes est forte au niveau de la direction des pays.
FEMMES
HOMMES
NON-BINAIRES
Ensemble du personnel
52,4 %
47,5 %
0,1 %
Gestion
52 %
48 %
Encadrement supérieur
51 %
49 %
Chefs de bureaux nationaux/PDG
29 %
71 % 67
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PRÉSENCE DES FEMMES L’exclusion des femmes des cohortes de dirigeants des organisations politiques de haut niveau s’aggrave. Moins il y a de femmes dans un milieu quelconque, plus la situation est inconfortable pour les premières/seules/peu de femmes , et moins il est probable que les observateurs/autres participants pensent que les femmes « devraient » être là. Ces réactions ont été le plus étudiées dans la représentation formelle du gouvernement. Les engagements (et les exigences) des donateurs en matière d’égalité des sexes - ou leur absence - peuvent avoir une influence considérable sur les possibilités de mettre en place une analyse de genre et d’encourager la diversité au sein des programmes et des organisations de conservation. En matière de CIES, les donateurs se sont principalement concentrés, jusqu’à récemment, sur la lutte contre le braconnage. (L’agence suédoise de développement, la Sida, fait figure d’exception. Elle est l’un des premiers défenseurs de la prise en compte du genre dans ses programmes de financement de lutte contre le CIES.) La tendance intellectuelle du CIES à privilégier les cadres d’analyse et d’explication des sciences physiques a laissé peu de place au soutien des dynamiques sociales dans le domaine du CIES.
Subir du harcèlement et des agressions a non seulement un impact considérable sur l’individu d’un point de vue professionnel et personnel, mais peut également influencer l’ensemble de la communauté scientifique. L’absence d’origines et de perspectives diverses pourrait bien limiter l’éventail des sujets de recherche abordés, ralentissant ainsi les progrès et les réalisations dans le domaine scientifique. (Clancy et al. 2014)
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Harcèlement, exclusion et impunité WildAct, une ONG de protection de la nature au Viêt Nam, a récemment mené une enquête sur le climat de travail dans le secteur de la protection de la nature dans le pays, la première du genre. Parmi ses principales conclusions (WildAct 2020) : •
L’environnement ouvertement masculin du travail de terrain sur la conservation de la biodiversité peut présenter des problèmes de sécurité pour les femmes et les hommes qui ne correspondent pas à ce que l’on attend d’eux en termes de masculinité, et les exposer au harcèlement et à la violence.
•
82,5 % des participants à l’enquête (soit 94 personnes), hommes et femmes, ont été victimes de harcèlement sexuel sous une forme ou une autre au cours des deux années précédentes : quatre hommes sur sept et six femmes sur sept.
•
Près de 5 % des personnes interrogées ont déclaré avoir subi un viol ou une tentative de viol sur leur lieu de travail.
•
Les remarques et les « blagues » à caractère sexuel étaient monnaie courante sur le lieu de travail, 88 % d’entre elles étant adressées aux femmes. Les mesures disciplinaires prises à l’encontre des auteurs de harcèlement sont généralement insignifiantes ou inexistantes.
Ces résultats reflètent les quelques autres évaluations disponibles en matière de science du travail sur le terrain, qui font état d’un bruit de fond constant de harcèlement et d’agressions, principalement dirigés contre les jeunes femmes, mais touchant aussi les hommes (Clancy et al. 2014). Dans l’étude de 2014, 70 % des femmes scientifiques de terrain et 40 % des hommes ont subi une forme ou une autre de harcèlement sexuel ; pour les hommes, il provenait surtout de leurs pairs, pour les femmes, surtout de leurs supérieurs. Les auteurs étaient conscients des effets probables sur les scientifiques de couleur, ou sur les scientifiques gays, lesbiennes et qui ne répondaient pas aux normes de genre, mais l’enquête était trop réduite pour produire des données sur ces groupes. Les femmes sont souvent empêchées par la « police sociale » de participer à l’élaboration de politiques de haut niveau en raison d’un climat de travail hostile, y compris, dans de nombreux cas, d’un harcèlement sexuel généralisé. Dans une récente enquête d’opinion sur l’égalité des sexes menée dans 17 pays, la « prévention de la violence et du harcèlement sexuel sur le lieu de travail » a été identifiée comme la deuxième action la plus urgente que les gouvernements devraient entreprendre pour améliorer les opportunités économiques et les pouvoirs de décision des femmes (la première étant l’égalité salariale) (WeDeliver 2021).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
DE QUOI L’ABSENCE DE REPRÉSENTATION DES FEMMES NOUS PRIVE-T-ELLE ? Les effets du statut minoritaire des femmes dans la biologie de la conservation ne sont pas suffisamment documentés ; mais dans l’ensemble, sans les femmes, les programmes et les politiques de conservation manquent de voix critiques qui sont responsables de la réduction des problèmes et de la promotion des solutions (Agu et Gore 2020). Madeleine Albright, l’ancienne secrétaire d’État américaine, a affirmé de manière catégorique que « l’on peut compter sur les femmes [dans les organisations] pour soulever des questions que d’autres négligent, pour soutenir des idées auxquelles d’autres s’opposent, et pour chercher à mettre fin à des abus que d’autres acceptent. » 53 Il n’y a pratiquement aucun moyen de vérifier l’hypothèse d’Albright : si les femmes ne sont pas représentées, nous ne pouvons pas connaître les contributions dont elles nous privent. La pandémie de COVID-19 offre révèle toutefois un leadership différent et plus efficace des femmes en temps de crise. Une évaluation a mis en lumière que « les résultats face à la COVID sont systématiquement et significativement meilleurs dans les pays dirigés par des femmes et, dans une certaine mesure, cela peut s’expliquer par les réponses politiques proactives qu’elles ont adoptées... ». Même en tenant compte du contexte institutionnel et d’autres contrôles, les pays dirigés par des femmes s’en sortent mieux dans le contexte de la crise actuelle. » 54 Greta Iori, spécialiste de la faune sauvage et de la lutte contre le braconnage, a récemment parlé de ses combats personnels : « En tant que femme travaillant dans le domaine de la criminalité liée aux espèces sauvages, dans un milieu nettement dominé par les hommes, cela n’a pas été facile... toute femme œuvrant pour la conservation des espèces sauvages sait qu’il n’est pas facile de se faire entendre par les décideurs.... La conservation de la vie sauvage est souvent considérée soit comme un rôle d’homme à travers les programmes d’éclaireurs et de gardes forestiers, soit comme un domaine dans lequel une femme ne devrait pas être impliquée... » (Iori 2020). Une femme nigériane spécialiste de la conservation sur le terrain, Rachel Ashegbofe Ikemeh, a fait écho à ces remarques : « Les difficultés rencontrées par les femmes spécialistes de la conservation et les chercheuses au Nigeria dépendent souvent de la tâche à accomplir, mais elles peuvent faire face au mépris, ne pas être prises au sérieux, et parfois même faire les frais d’une admiration [non désirée]. Cependant, le plus souvent elles ne sont pas prises au sérieux. Lorsqu’on mène des recherches sur le terrain, par exemple en dirigeant une équipe de terrain, en traversant de vastes étendues de terres sauvages, en appliquant des techniques non conventionnelles ou en lançant de nouvelles méthodes, il peut souvent être démoralisant et contre-productif d’être une femme. J’ai découvert que la persévérance et la concentration permettent de surmonter ces difficultés. Et, heureusement, ma passion est ma motivation. » 55
© Greta Iori
Les programmes en faveur de l’égalité des sexes occupent une place de plus en plus importante dans les engagements politiques mondiaux de haut niveau, y compris les engagements fermes incarnés par les ODD. L’ONU et tous ses organes constitutifs respectent les principes d’égalité des sexes. Les secrétariats de la plupart des accords multilatéraux sur l’environnement ont des objectifs et des politiques robustes en matière d’égalité des sexes. Les principales entités qui visent à enrayer le CIES sont bien souvent exclues de cette boucle. Peu d’organisations de conservation des espèces sauvages intègrent le genre dans leur travail. Aucun résultat de politique internationale dans le domaine du CIES (de la CITES aux processus menés par les États tels que les déclarations de Londres, de Kasane ou de Hanoi) n’appelle à l’utilisation d’une perspective de genre, ni ne l’intègre.
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DEUXIÈME PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE GENRE ET DE CIES | GENRE ET POLITIQUE
SOLLICITER LA PARTICIPATION DE PLUS DE FEMMES Formation au leadership
Engagements/attentes des donateurs
Interpol a lancé plusieurs initiatives visant à développer un leadership inclusif dans les forces de police.56 Le programme d’éducation à la nature du WWF s’engage de la même manière à cultiver des « filières » diverses dans une optique d’évolution de carrières. L’Organisation mondiale des douanes, qui, entre autres fonctions, travaille étroitement avec la CITES, a développé en 2013 un « outil d’évaluation organisationnelle de l’égalité des sexes »57 comme outil d’autodiagnostic pour créer une main-d’œuvre plus inclusive.
Les personnes ou organismes qui font des dons en faveur de projets et d’entités attendent et, dans certains cas, exigent de plus en plus que le genre soit intégré dans les politiques et les programmes qu’ils financent. Un nombre croissant de gouvernements adoptent des politiques de développement et d’aide explicitement fondées sur le féminisme, qui imposent l’intégration de la dimension de genre :59 La Suède, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, le Mexique, le Canada, l’Islande et la France, entre autres, ont maintenant soit des politiques d’aide au développement entièrement fondées sur le féminisme, soit une prise en compte prioritaire de l’intégration de la dimension de genre dans l’allocation de leurs financements.
Quotas Les quotas d’égalité entre les sexes qui imposent un pourcentage de femmes sont désormais répandus dans les gouvernements et les conseils d’administration des entreprises. Elles sont controversées, mais leur effet est palpable. L’un de ses effets est de créer un cercle vertueux de représentation : une fois que les femmes occupent des postes importants sur le plan politique, leur présence est normalisée, ce qui ouvre la voie à d’autres femmes. En outre, il semble que les gouvernements ayant une proportion plus élevée de femmes légifèrent davantage sur l’égalité des sexes, telles que des politiques relatives à la maternité et la paternité, des lois sur l’égalité des salaires ou des lois contre la violence (Wängnerud et Sundell 2012 ; Alexander 2012). Il existe d’autres preuves, bien que moins complètes, que les gouvernements ayant une proportion plus élevée de femmes produisent une législation plus « respectueuse de l’environnement » (PNUE 2016 ; WRI 2016).58 Leur présence seule n’a pratiquement aucun effet ; il faut prévoir des mécanismes de participation des femmes une fois qu’elles sont présentes (voir partie 3).
Le modèle de la Sida pour l’intégration de la dimension de genre comprend une analyse obligatoire de la dimension de genre, qu’elle décrit en ces termes : « L’analyse de genre doit déboucher sur trois approches qui peuvent être utilisées séparément ou combinées selon le contexte : •
Des interventions ciblées afin de renforcer des groupes ou des questions spécifiques.
•
Une intégration de l’égalité des sexes dans les programmes et les projets.
•
Un dialogue sur l’égalité des sexes ». 60
Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), la principale source de financement des projets environnementaux mondiaux, a mis en œuvre une politique de genre en 2011 qui exigeait, entre autres attentes, que « pour pouvoir bénéficier d’un financement du FEM pour des projets du FEM, toutes les agences partenaires du FEM devront avoir établi soit (a) des politiques, (b) des stratégies, ou (c) des plans d’action qui favorisent l’égalité des sexes. » Le FEM est le plus important mécanisme de financement des zones protégées dans le monde, et la lutte contre le CIES est une priorité absolue. La CDB et la CCNUCC disposent de plans d’action complets en matière d’égalité entre les hommes et les femmes et d’éléments centraux en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes qui permettent de les mettre en œuvre. Pas la CITES. Le partenariat RISE UICN-USAID qui lutte contre la VBG dans le secteur de la conservation61 a accordé un financement à WildAct Vietnam pour un projet visant à enrayer le harcèlement systémique dans le secteur de la conservation que son rapport 2020 a mis en évidence. Il s’agit du premier projet RISE qui aborde le harcèlement au sein même du secteur de la conservation.
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Joni Seager
L’auto-organisation des femmes De plus en plus, les femmes et les diverses minorités s’unissent pour créer une solidarité dans le domaine de la conservation de la faune et de la flore sauvages, et pour aider les femmes et les minorités à obtenir des résultats positifs dans des domaines liés à la conservation. Ces initiatives lancent et alimentent les conversations dans les communautés scientifiques sur l’accroissement de la diversité et la reconnaissance de l’intersectionnalité (Seager 2020). Beaucoup de ces groupes se concentrent sur des sujets et des questions qui ont trait au CIES, mais des liens explicites doivent encore être développés. Certains de ces réseaux sont désormais bien établis, d’autres sont sous l’égide d’une ONG et la plupart sont des réseaux d’universitaires et de professionnels indépendants. Beaucoup d’entre elles sont naissantes et manquent de ressources, comme le réseau ad hoc Women for Conservation en Namibie, une initiative de 2018 regroupant des femmes, pour la plupart des mères célibataires, de six organes de conservation ; leur vision est de devenir une force nationale pour la conservation en Namibie (Seager 2020).
En voici quelques exemples : •
Women for the Environment/Africa : www.womenforenvironment.org
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Women in Ocean Science : www.womeninoceanscience.com
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Les jeunes femmes dans la biologie de la conservation en Afrique : www.conbio.org/groups/sections/africa/ywcb
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Black Science Network : blacksciencenetwork.com
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Women for Wildlife : www.womenforwildlife.com
•
Les femmes dans la recherche pour l’Antarctique : www.scar.org/antarctic-women
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Women for Biodiversity : www.women4biodiversity.org
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Juozas Cernius/WWF-Royaume-Uni
TROISIÈME PARTIE
GUIDE PRATIQUE
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
NOUS AVONS TELLEMENT À FAIRE ! POURQUOI NOUS EMBÊTER AVEC LE GENRE ?
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
POURQUOI S’ATTAQUER À LA CRIMINALITÉ LIÉE AUX ESPÈCES SAUVAGES AVEC « UNE MAIN ATTACHÉE DANS LE DOS » ? Intégrer le genre dans la conservation des espèces sauvages est de plus en plus important, bien qu’il existe encore de grosses lacunes dans les connaissances, les politiques et les pratiques. C’est d’autant plus vrai dans le contexte du commerce illégal d’espèces sauvages où, malgré des preuves anecdotiques témoignant des différences entre les rôles des acteurs du commerce selon le sexe, il semble que l’on accorde très peu d’attention au genre dans la recherche, la politique et l’élaboration de programmes... Les actions prises contre le CIES qui ignorent le genre peuvent donner lieu à un parti pris en faveur des relations de genre existantes et même renforcer les rôles et stéréotypes de genre rigides, et marginaliser davantage les femmes. Helen Anthem, 2018, FFI
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
POURQUOI FAVORISER L’INTÉGRATION DU GENRE ?
PARCE QUE ÇA CHANGE TOUT Les hommes et les femmes interagissent différemment avec leur environnement, la biodiversité et les ressources naturelles : les communautés qui dépendent des ressources naturelles utilisent des ressources différentes, ont des priorités différentes en matière de conservation ou de gestion des ressources, ont des connaissances différentes sur l’état des ressources environnementales et peuvent avoir des priorités différentes en matière de conservation et d’environnement (Westerman 2017 ; PNUE 2016).
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
Étant donné que le CIES s’inscrit dans un monde qui est entièrement défini par la différenciation des sexes, les acteurs, les pratiques, les impacts, les pressions et les résultats du CIES, ainsi que les efforts visant à l’endiguer ou à l’éradiquer, sont eux aussi sexués. Aborder la lutte contre le CIES en ignorant le genre entraîne d’énormes lacunes dans la compréhension des activités, des processus et des possibilités d’intervention pour enrayer le CIES dans le monde réel. Cela revient à « s’attaquer à la criminalité liée aux espèces sauvages avec une main attachée dans le dos. » D’autre part, l’exploration de ces dynamiques de genre et le développement d’interventions/ engagements en conséquence permet d’amplifier leur efficacité. Les schémas de pouvoir et de différenciation qui se révèlent avec l’application d’une optique de genre font également ressortir, à des degrés et manifestations divers, des identités différentes et intersectionnelles de race/ethnicité, de classe, de religion, etc. Pratiquement aucune analyse de ces dynamiques ne porte sur le CIES.
Dans toute la documentation sur le trafic d’espèces sauvages en Afrique, le rôle des femmes est rarement exploré. Les femmes représentent environ la moitié de la population mondiale et peuvent donc être à l’origine d’au moins la moitié des problèmes et des solutions en matière de trafic d’espèces sauvages. Le rôle des femmes africaines dans le trafic d’espèces sauvages reste en grande partie inconnu et n’est pas suffisamment pris en compte par la science et la politique de conservation. (Agu et Gore 2020)
Les ressources sont définies et influencées par les marqueurs sociaux de nos vies, à savoir l’origine raciale, le sexe, l’ethnicité, la classe, la richesse et le pouvoir... L’implication des femmes dans le CIES est l’un de nos principaux points faibles. Le fait que nous négligions le rôle des femmes dans la criminalité et le trafic d’espèces sauvages signifie que nous ne mettons pas au point des interventions susceptibles d’avoir un réel impact. Les interventions que nous élaborons pour tenter de mettre un terme au commerce des espèces sauvages doivent prendre en considération les structures sociales, les hiérarchies, les communautés et les sociétés auxquelles appartiennent les femmes et la manière dont cela peut avoir un impact sur la façon dont elles s’engagent dans la criminalité liée aux espèces sauvages. Nous devons également élargir notre vision et prendre en compte les perspectives transgenres, cisgenres et intersexes de la criminalité liée aux espèces sauvages. (Greta Iori, August 2020; www.youtube.com/ atch?v=NgPzDjuhrQc&feature=youtu.be)
© Thomas Cristofoletti/WWF-États-Unis
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
CINQ ARGUMENTS SUPPLÉMENTAIRES EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ DES SEXES ET DE L’AUTONOMISATION DES FEMMES DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LE CIES :
1. C’est juste Notre monde moderne est en partie caractérisé par l’idéal selon lequel les droits de l’homme intrinsèques et universels s’appliquent à tous les individus, quels que soient leur identité, leur lieu de résidence ou les conditions dans lesquelles ils vivent. Il devrait être évident, mais il convient de le souligner, que les femmes doivent également jouir des droits de l’homme. En vertu de leur humanité partagée, les femmes et les hommes devraient avoir un accès égal aux ressources, aux privilèges, à l’autorité, à l’autonomie et aux possibilités de promouvoir leurs propres intérêts. La déclaration de Pékin de 1995 sur les droits des femmes établit la base de référence en matière d’égalité des sexes : « Les droits fondamentaux des femmes et des fillettes sont inaliénables et indissociables des droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales. » 62 Garantir une participation équitable des hommes et des femmes est un impératif éthique, un principe fondamental pour respecter, protéger et promouvoir les droits de l’homme et ne désavantager personne dans le processus de conservation et de travail sur le CIES (Lau 2020). Une personne interrogée dans le cadre de ce projet, qui expliquait pourquoi son organisation de conservation avait adopté des politiques spécifiques pour offrir des opportunités aux femmes comme aux hommes, a fait remarquer que c’était : « Ce qu’il convenait de faire. »
© Ami Vitale/WWF-Royaume-Uni
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
2. C’est la loi (ou du moins la politique) L’égalité des sexes est de plus en plus surveillée par les lois nationales. Un total de 189 gouvernements nationaux ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), considérée comme le traité des droits humains des femmes. Et 184 pays prévoient l’égalité des femmes dans leur constitution ou leur législation nationale.63 L’égalité des sexes est un principe fondamental des objectifs de développement durable (ODD) ; l’objectif 5 stipule que « l’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental à la personne, elle est aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable. » Les organisations de protection de l’environnement et de la faune sauvage, qui sont passées d’un modèle de « conservation forteresse » à un modèle d’« engagement communautaire », ont pris des engagements et adopté des politiques visant à intégrer les droits de l’homme dans leurs principes, leurs politiques et leurs opérations.64 Sous l’égide des engagements en matière de droits de l’homme, des ONG (dont le WWF et TRAFFIC) et des entités multilatérales environnementales ont pris des engagements spécifiques pour que les droits des femmes soient intrinsèques. Il sont, de plus en plus, mandatés de cette mission. Les donateurs dans le domaine de la conservation, qu’ils soient privés ou étatiques, attendent de plus en plus (et sont désormais nombreux à exiger) des approches et des plans de travail tenant compte du genre et une inclusion équilibrée entre les sexes.65 Les prochaines étapes, cruciales, consistent à faire en sorte que ces engagements soient assortis d’une mise en œuvre et d’une responsabilisation.
Huit groupes internationaux de conservation, dont plusieurs travaillent sur le CIES, sont des membres fondateurs de l’Initiative de Conservation et Droits Humains. L’un des engagements fondamentaux des membres est d’« intégrer les principes des droits de l’homme dans les politiques et pratiques de conservation. » Le WWF s’engage à « respecter et promouvoir les droits de l’homme dans tous ses travaux de conservation » et à « prendre en compte les liens entre conservation et droits de l’homme dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de ses programmes. » En outre, le WWF dispose d’une politique de genre, mais pas encore d’un plan d’action en la matière. La politique de sauvegarde de TRAFFIC affirme que le personnel et les partenaires « protègent la santé, le bien-être et les droits humains des individus. »
La plupart des personnes œuvrant pour mettre fin au CIES travaillent, ont des partenariats et/ou sont financées par des organisations qui attendent d’elles qu’elles adhèrent aux objectifs d’égalité des sexes et qu’elles intègrent une perspective de genre dans leur travail. La Sida, l’un des principaux bailleurs de fonds du travail environnemental mondial, accorde la priorité au genre : « L’égalité des sexes est une perspective prioritaire pour la Sida, au même titre que la perspective des populations pauvres sur le développement, la perspective des droits, la prévention des conflits et l’environnement et le climat. L’égalité des sexes, les droits et l’autonomisation des femmes sont des priorités dans l’ensemble de la coopération au développement financée par la Sida. » L’organe directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement a adopté en 2019 une résolution visant à promouvoir « l’égalité des sexes, les droits fondamentaux et l’autonomisation des femmes et des filles dans la gouvernance environnementale. » Plus précisément, la résolution exhorte les États membres à « reconnaître l’importance de l’égalité des sexes, de l’autonomisation des femmes et du rôle qu’elles jouent en tant que gestionnaires des ressources naturelles et acteurs du changement dans la sauvegarde. » La politique d’égalité des sexes du WWF vise à « renforcer l’intégration d’une perspective de genre dans son travail de conservation et dans ses opérations internes. Nous souhaitons intégrer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans notre réseau mondial. Ainsi, nous nous efforçons de comprendre les différents besoins et capacités des femmes et des hommes sur un lieu de travail, de travailler activement à la correction des inégalités,de tirer le meilleur parti de ce que la diversité des genres peut apporter aux opérations et au travail de conservation environnementale du WWF et d’« établir des critères sociaux et de genre dans la mise en œuvre des projets et des mécanismes de financement des projets et programmes liés à l’environnement au niveau national. »
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
3. L’égalité des sexes rend le travail des organisations plus intelligent et plus efficace ; la diversité et l’inclusion équilibrée des sexes améliorent la réflexion, la planification et les résultats des organisations
4. L’autonomisation des femmes est la clé de la durabilité ; l’intégration du genre améliore la gestion des ressources et produit des résultats de conservation des espèces sauvages positifs
L’inclusion de la diversité sous toutes ses formes, y compris le genre, dans les organisations est un amplificateur d’efficacité - dans la planification des projets, l’élaboration et l’exécution des programmes, la fixation des priorités, les groupes de décision.
La rhétorique sur le rôle essentiel de l’égalité entre les sexes dans la production de résultats environnementaux durables dépasse parfois la base de données, mais il est de plus en plus reconnu dans les domaines de l’environnement, du développement et de la conservation que les systèmes sociaux non durables et les systèmes environnementaux non durables se reproduisent mutuellement (Diaz et al. 2019 ; PNUE 2016). L’égalité des sexes est manifestement bénéfique pour l’environnement (et inversement).
L’un des arguments fondamentaux en faveur de l’intégration de la dimension de genre dans les travaux relatifs au CIES (ou, en fait, dans presque tous les domaines) est que la présence de femmes à la table des négociations double la capacité humaine disponible. Les possibilités d’améliorer la prise de décision sont amplifiées lorsque des représentants de l’ensemble - et non de la moitié - de la population ont la possibilité d’être impliqués. Il est largement prouvé que des groupes de politiques, de décision et de direction diversifiés produisent de meilleurs plans, décisions et résultats. La plupart des preuves proviennent du monde de l’entreprise, où il est prouvé que la diversité des décisions donne de meilleurs résultats tangibles. Des dizaines d’études, portant pour la plupart sur des entreprises américaines, indiquent qu’une plus grande diversité au sein du conseil d’administration (notamment en termes de sexe et d’origine raciale) est corrélée à une amélioration de la valeur financière de l’entreprise, à une moindre volatilité du cours de l’action, à des décisions d’investissement plus cohérentes et à une meilleure performance globale. Des études connexes montrent que « les équipes diversifiées sont plus intelligentes ». 66 Une enquête connexe étonnamment précise a conclu que les équipes inclusives prenaient de meilleures décisions d’affaires jusqu’à 87 % du temps, que les équipes qui suivent un processus inclusif prennent des décisions deux fois plus vite en effectuant moitié moins de réunions et, en outre, que les décisions prises et exécutées par des équipes diverses donnaient des résultats supérieurs de 60 %.67 Les organisations de protection de la nature, en particulier les ONG internationales, ont un bilan médiocre en matière d’intégration interne du genre dans la dotation en personnel et la direction. Il s’agit d’un profil qui est très probablement caractéristique des organisations centrées sur le CIES, et qui peut être intensifié dans ces organisations, bien que cela reste à étudier. Par conséquent, contrairement à leur réputation publique d’organisations effectuant un « bon travail », les entités de conservation peuvent être des lieux de travail étonnamment hostiles pour les femmes et les minorités et, à quelques exceptions notables près, sont également lentes à prendre en compte l’analyse de genre (Anthem 2018 ; Green 2 .0. 2020 ; Independent Panel 2020 ; Jones and Solomon 2019 ; Sodhi et al. 2010 ; Torri 2010 ; WildAct 2020).
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L’inclusion équilibrée des sexes et l’autonomisation des femmes peuvent directement produire de meilleurs résultats en matière de ressources et de conservation : Dans le cadre de travaux de terrain menés en Inde et au Népal, la pionnière de l’écologie politique Bina Agarwal a constaté que les comités de gestion forestière comptant une forte proportion de femmes dans leur comité exécutif (le principal organe de décision) présentaient des améliorations nettement plus importantes de l’état des forêts dans les deux régions (2000, 2009). En outre, les groupes dotés de comités exécutifs exclusivement féminins dans l’échantillon du Népal ont connu une meilleure régénération forestière et une meilleure croissance de la canopée que les autres groupes, bien qu’ils soient partis de forêts beaucoup plus petites et plus dégradées. Les membres plus âgés du comité exécutif, en particulier les femmes âgées, ont fait une différence particulière. Les connaissances spécifiques et distinctives des femmes sur les espèces végétales et les méthodes d’extraction des produits ont été l’une des clés de ce succès. Une méta-analyse ultérieure de la recherche a renforcé et étendu les résultats d’Agarwal, concluant que pour l’Inde et le Népal il existait « des preuves solides et claires de l’importance d’inclure les femmes dans les groupes de gestion forestière pour une meilleure gouvernance des ressources et des résultats de conservation » (Leisher et al. 2016). Des exercices de simulation de la gestion forestière en Indonésie, au Pérou et en Tanzanie (Cook et al. 2019) ont montré que les groupes répondant aux quotas de genre conservaient plus d’arbres et distribuaient les bénéfices de manière plus équitable. Des recherches supplémentaires sur les effets sur la conservation de l’inclusion du genre dans les projets de conservation sont nécessaires (Al-Azzawi 2013), mais plusieurs projets de gestion des ressources au niveau communautaire, de la gestion de la pêche au poulpe à Madagascar (Westerman 2017) à la gestion des conflits entre espèces sauvages en Ouganda (Blair 2014), montrent également des signes d’« amplification de l’efficacité » de la conservation équilibrée entre les sexes ou centrée sur les femmes. Certaines recherches suggèrent que les projets d’aires protégées qui ont intégré les principes d’équité entre les sexes et encouragé la participation des femmes sont plus efficaces et équilibrés (Biermayr-Jenzano 2003).
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
L’autonomisation des femmes ne permettra pas à elle seule de « sauver le monde », mais l’obtention de résultats environnementaux durables est impossible sans elle :
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
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« L’équité entre les sexes est la clé de la restauration de la mangrove. » UICN
« L’inégalité entre les sexes, la vulnérabilité climatique et la fragilité des États sont fortement liées. » PNUE
Un programme environnemental mondial véritablement transformateur nécessite l’égalité des sexes. Global Gender Environment Outlook, PNUE
« [La] pleine participation des femmes est essentielle pour parvenir à un développement durable. » Principe 20, Déclaration de Rio
« Pour que l’accord de Paris atteigne ses objectifs, les femmes et les filles doivent être pleinement impliquées dans la politique climatique. Lorsque nous incluons les femmes dans les solutions climatiques, nous constatons une croissance économique accrue et les résultats sont plus durables. » Secrétaire exécutif de l’ONU pour le changement climatique
« Sans la participation des femmes et la réalisation de leur plein potentiel créatif et productif, il ne sera pas possible d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), notamment ceux liés à la protection de l’environnement. » Convention sur la diversité biologique
Pour faire face à l’énormité du problème, le document indique qu’il faut modifier en profondeur le capitalisme mondial, l’éducation et l’égalité. Il s’agit notamment d’abolir l’idée d’une croissance économique perpétuelle, d’évaluer correctement les externalités environnementales, de mettre un terme à l’utilisation des combustibles fossiles, de limiter le lobbying des entreprises et d’autonomiser les femmes, affirment les chercheurs. Des scientifiques de haut niveau mettent en garde contre un « avenir épouvantable d’extinction massive » et de perturbation du climat.
LORSQUE LE TEMPS SEMBLE COMPTÉ ET QUE LES QUESTIONS SEMBLENT URGENTES, COMME DANS LE CIES, IGNORER L’EXPÉRIENCE ET L’EXPERTISE DE LA MOITIÉ DU MONDE SEMBLE PARTICULIÈREMENT IMPRUDENT. 81
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
5. Le CIES et les organisations de conservation des espèces sauvages ont l’opportunité d’être les leaders d’un changement positif en matière de genre Les normes de genre ne sont ni « naturelles » ni immuables. Au contraire, elles sont inventées et perpétuées dans des contextes quotidiens. Dans la mesure où les organisations qui luttent contre le CIES et pour la préservation des espèces sauvages s’engagent en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’intégration de la dimension de genre au sein de leurs propres organisations et, surtout, par le biais de projets et de programmes, elles peuvent exercer une influence considérable sur le changement des normes qui privent les femmes de leur autonomie, normes qui sont préjudiciables aux hommes comme aux femmes.
Les résultats d’une « Gender Learning Review » (bilan portant sur l’intégration, l’inclusion et la participation des femmes) du WWF en Namibie et à Madagascar reflètent l’importance sociale plus large des groupes de conservation qui font participer les femmes aux projets qu’ils financent ou mettent en œuvre : La plupart des femmes ont déclaré que leur participation aux activités de conservation leur donnait un sentiment d’autonomisation, de contribution, et leur donne l’impression de « compter ». Dans le cadre d’entretiens réservés aux femmes, celles-ci étaient encore plus enthousiastes lorsqu’elles affirmaient que les activités de conservation leur permettaient d’élargir leurs relations sociales et d’être exposées à de nouvelles idées. À Madagascar, par exemple, les femmes issues des communautés de mangroves ont déclaré que le fait de faire participer les femmes aux travaux de conservation de la mangrove (plantation) renforce leur propre sentiment de contribuer de manière significative à l’économie locale, et semble susciter un plus grand respect général de la part de leurs homologues masculins. L’argument du « plus grand respect » a été répété plusieurs fois, et dans les réunions réservées aux hommes et aux femmes, les participants ont déclaré que le fait que les femmes soient plus impliquées dans les activités de conservation signifiait que les hommes respectaient davantage les femmes et leurs opinions. Les femmes ont également déclaré que le fait de participer à des activités de conservation en « extérieur » leur permettait de ne pas être « coincées » à la maison, où leurs débouchés sont limités. De nombreuses femmes ont déclaré qu’elles s’épanouissaient personnellement en participant à des activités communautaires et en contribuant à la conservation. Une femme du #Khoadi//Hoas Conservancy (Namibie) a partagé une observation passionnée : « Lorsqu’une femme reste à la maison, elle ne connaît pas son potentiel ». Une femme d’Anabeb Conservancy (Namibie) s’est fait l’écho de ces propos en déclarant qu’en raison des attitudes traditionnelles, les femmes devaient « rester assises, et nous nous habituons à rester assises » (Seager 2020). En particulier dans les zones pauvres et rurales, les projets lancés par les groupes de conservation peuvent être l’une des rares sources d’amélioration des moyens de subsistance, d’emploi et de revenus. Dans la mesure où ces avantages tangibles sont distribués de manière à soutenir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, il s’agit d’une situation gagnant-gagnant : ils améliorent les résultats en matière de conservation, comme indiqué ci-dessus, et contribuent en même temps au progrès social. L’effet doublement positif des projets de conservation centrés sur les femmes peut être particulièrement impressionnant. Les arguments en faveur de cette approche sont déjà avancés dans un large éventail de projets de conservation et, à une échelle beaucoup plus limitée, dans le cadre des travaux de lutte contre le CIES.69
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
© Simon Rawles/WWF-Royaume-Uni
MAIS ALORS, COMMENT Y PARVENIR ? L’intégration de la dimension de genre dans le travail de lutte contre le CIES nécessite des outils analytiques spécifiques, une formation et des compétences particulières. Tout part d’une curiosité naturelle : d’abord, sur les réalités quotidiennes de la vie des hommes et des femmes et, ensuite, sur la façon dont les structures sociales, politiques et économiques reflètent et renforcent des formations de genre particulières (Beck 2017 ; Enloe 2004, 2014).
La question fondamentale concernant la curiosité à l’égard des sexes consiste à se demander : Où sont les femmes et les hommes ? (littéralement et métaphoriquement). S’ensuivent des questions plus spécifiques, à savoir : Les hommes et les femmes jouent-ils les mêmes rôles/fontils les mêmes choses/ont-ils les mêmes responsabilités ? Sont-ils soumis aux mêmes pressions, et pourraient-ils être motivés par les mêmes incitations ? Ont-ils des attitudes différentes vis-àvis de la question/de la situation/du problème/de la solution ? L’analyse de genre place la barre plus haut en soulevant des questions systématiques sur les processus et les flux de pouvoir/privilège/discrimination qui modèlent ce paysage, les rivières de pouvoir qui le produisent et le perpétuent. Il faut donc se poser des questions telles que : pourquoi les femmes n’ont-elles pas les mêmes droits fonciers que les hommes ? Que signifie ce déséquilibre du régime foncier vis-à-vis de la gestion des ressources ? Les attentes en matière de virilité poussent-elles les hommes à entreprendre des modes de braconnage toujours plus risqués ? Les normes de masculinité et de féminité sont-elles à l’origine du trafic et de la consommation de certains produits animaux ? L’absence des femmes des rangs des décideurs politiques a-t-elle son importance, que ce soit au niveau communautaire ou national ?
L’intersectionnalité est essentielle : les femmes riches ou issues de la majorité raciale auront des rôles, des opportunités et des contraintes différents par rapport aux femmes pauvres issues des minorités ethniques La lutte contre le CIES est un domaine aux objectifs bien définis. L’objectif primordial est de produire un changement, de freiner, voire d’éliminer complètement, le braconnage, le commerce et la consommation non durables de produits issus de la flore et de la faune sauvages qui dévastent la faune, les écosystèmes et les communautés.70 À cette fin, l’intégration de la dimension de genre dans le CIES vise à améliorer les résultats et les interventions.
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
L’ANALYSE DE GENRE EST LE PIVOT DE L’INTÉGRATION DU GENRE. VOICI COMMENT PROCÉDER En 2014, TRAFFIC et le WWF ont développé en collaboration un modèle conceptuel à quatre piliers portant sur les efforts destinés à freiner le CIES : 71 •
Stopper le braconnage : accroître la gestion des espèces sauvages, par exemple par les communautés locales, et renforcer la protection sur le terrain.
•
Stopper le trafic : promouvoir des actions visant à révéler au grand jour et à supprimer le trafic.
•
Stopper l’achat : encourager les initiatives visant à réduire la demande des consommateurs.
•
Politique internationale : mobiliser la pression politique au niveau international afin de s’assurer de la création d’un environnement favorable pour faciliter et soutenir la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages.
Ce cadre A-M-I-R permet de comprendre le braconnage, le trafic, la demande et la politique à travers le prisme de la curiosité envers les hommes et les femmes : Chacun des quatre piliers (braconnage, trafic, achat et politique) implique des acteurs, des moteurs, des impacts et des réponses. Le prisme du genre permet de mettre en lumière ces schémas, ce qui éclaire l’analyse, laquelle facilite à son tour les interventions et les résultats tenant compte du genre. L’examen systématique des acteurs, des moteurs, des impacts et des réponses fournit un cadre robuste pour enquêter sur le genre. L’approche A-M-I-R, développée pour ce projet à partir de travaux méthodologiques antérieurs sur le genre et l’environnement (Seager 2014 ; PNUE 2016), est suffisamment flexible pour être appliquée à différentes échelles et à des questions/sujets/approches particuliers. Il pourrait également contribuer à la politique de genre du WWF et au cadre de sauvegarde environnementale et sociale (ESSF).72 L’approche A-M-I-R est destinée à être déployée de manière flexible et souvent partielle. Il peut ne pas y avoir d’acteurs, de moteurs, d’impacts et de réponses distincts dans tous les contextes.
Acteurs La différenciation entre les sexes est la plus évidente lorsqu’on examine les acteurs du CIES. Les hommes et les femmes jouent des rôles différents en tant que contrevenants, protecteurs, exécutants, informateurs, influenceurs, facilitateurs, spectateurs, consommateurs. Les hommes et les femmes se positionnent différemment en tant qu’acteurs par rapport à l’environnement, à la conservation, à la vie sauvage. L’enquête sur le genre est la plus simple à mettre en œuvre pour les acteurs : Qui fait quoi ? Qui joue quels rôles ? Les femmes et les hommes occupent-ils des espaces différents dans ces rôles ?
Moteurs Les moteurs sont les forces, les incitations et les circonstances qui alimentent les activités de CIES, du braconnage à l’élaboration des politiques. Dans le domaine du CIES, il est commun de penser que les moteurs oscillent entre « besoin et avidité ». Ces fondements économiques sont eux-mêmes sexués. De plus, comme le révèlent les éléments présentés dans les sections précédentes, les attentes en matière de normes de genre et de rôles masculins et féminins « performants » sont opérationnalisées en tant que moteurs du commerce, et d’une certaine manière, elles prédéterminent à la fois le besoin et le désir. La violence sexuelle et l’inégalité entre les sexes favorisent le CIES tout au long de la chaîne de valeur.
Impacts En raison de la « position » différenciée des hommes et des femmes par rapport à la conservation et à l’environnement, ainsi qu’au CIES lui-même, les impacts du commerce et de sa limitation sont rarement les mêmes pour les femmes et les hommes. La forte présence des hommes parmi les acteurs chargés de faire appliquer la loi a un impact sur l’efficacité de l’application de la loi. Puisque les hommes et les femmes utilisent différemment les ressources et les espèces, les conséquences de l’interdiction de leur utilisation dans les zones protégées, ou de la dégradation des écosystèmes liée au CIES, seront différenciés selon le sexe.
Réponses Les programmes et les politiques actuellement mis en place pour atténuer les effets du CIES ou pour y mettre un terme ne tiennent pas compte de la dimension de genre et, dans une certaine mesure, exacerbent les inégalités entre les sexes. Les présomptions et les connaissances qui alimentent les programmes et les politiques découlent d’une compréhension sexuée ou non sexuée. Quels sont les présupposés sexués intégrés dans l’application, le contrôle et les réponses sous forme de programmes au CIES ? Dans quelle mesure les réponses remettent-elles en cause ou accentuent-elles les inégalités entre les sexes ?
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE
STOPPER LE BRACONNAGE
Prévention à la source, protection du soutien de la communauté apporté à la conservation
STOPPER LE TRAFIC
PILIERS
Évitement, exposition, application
STOPPER L’ACHAT
Réduction de la demande, changement de comportement, mise en application
POLITIQUE
OPTIQUE DE GENRE
ACTEURS
MOTEURS
IMPACTS
RÉPONSES
ANALYSE INFORMÉE SUR LE GENRE
INTERVENTION FONDÉE SUR LE GENRE
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INTÉGRER LE GENRE DANS LES PROJETS ET LES PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE | INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
© WWF-Indonésie
PRÉSENTATION PRÉALABLE Lire ce rapport Le personnel en charge de l’élaboration de programmes devrait revoir, même brièvement, les conclusions de l’état des lieux de l’inclusion du genre dans le CIES présentées dans la Partie 2 de ce rapport. Cela permettra de faire reposer les efforts sur une idée des forces, de la dynamique et des résultats attendus en matière de genre.
ÉTAPE 1 Utiliser le cadre A-M-I-R pour vous situer par rapport au genre et pour identifier les questions clés afin de développer la connaissance de la situation ÉTAPE 2 Checklist des principes fondamentaux ÉTAPE 3 Prendre en compte la VBG ÉTAPE 4 Identifier les outils et les techniques nécessaires ÉTAPE 5 Checklist des meilleures pratiques pour les réunions, entretiens et enquêtes communautaires 87
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE | INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
ÉTAPE 1 UTILISEZ LE CADRE A-M-I-R POUR VOUS SITUER PAR RAPPORT AU GENRE : QUESTIONS ANALYTIQUES CLÉS NÉCESSAIRES POUR DÉVELOPPER LA CONNAISSANCE DE LA SITUATION La première étape de la mise en œuvre d’un projet sur le terrain consiste à mettre en place un cadre systématique concernant la curiosité liée au genre en suivant le fil conducteur A-M-I-R. L’objectif est de procéder à une analyse du contexte local et de développer une « conscience de la situation » tenant compte de la dimension de genre Il ne s’agit pas d’un ajout ou d’une case à cocher, mais d’un élément fondamental de la conception et du développement de projet solides et efficaces.
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ACTEURS ET MOTEURS : •
Qui (précisément) pratique le braconnage et le trafic ? Des hommes ou des femmes ? De jeunes hommes ? Des femmes plus âgées ?
•
À qui profitent les avantages matériels du CIES ? Qui bénéficie des avantages du statut ? Quelles personnes prennent les décisions relatives aux animaux à braconner, à la fréquence et à la quantité ?
•
Qui s’occupe de la commercialisation/du traitement ? Des hommes ou des femmes ? De jeunes hommes ? Des femmes plus âgées ?
•
Qu’est-ce qui motive l’activité ? Existe-t-il des preuves de coercition, qu’elle soit d’ordre sexuel, ou liée à la norme de genre ou autre ? Si oui, qui est contraint et qui contraint ?
•
Le braconnage/trafic est-il une activité autonome ? Pourrait-il être lié à d’autres activités de trafic illégal, comme le trafic de drogue ou le trafic sexuel ? Dans ce cas, quels sont les flux de trafic primaires et secondaires ?
•
Existe-t-il des géographies sexuées qui méritent une attention particulière ? (Dans l’exemple du parc national de Kafue, en Zambie, les femmes célibataires/âgées les plus démunies d’un point de vue économique vivaient à la périphérie de la ville ; loin des yeux, loin du cœur, elles étaient les plus susceptibles d’être exploitées par les braconniers, tout en ayant la meilleure connaissance des activités de braconnage).
•
Dans les communautés dépendant des ressources naturelles, les hommes et les femmes tirentils leurs moyens de subsistance de différentes parties (littéralement) de l’environnement ? Qui sont les indicateurs fiables sur quelles parties de l’environnement ?
•
La nature (sexuée) de l’application de la loi donne-t-elle lieu à des types sexués de braconnage et de trafic dans cette zone ? Par exemple, les femmes peuvent être des trafiquantes plus « efficaces » si les équipes chargées de l’application de la loi sont composées uniquement d’hommes et n’ont pas le droit de fouiller les femmes.
•
La consommation locale (et par qui ?) est-elle mêlée au trafic commercialisé ? Qui s’adonne à quoi ?
•
La demande externe des consommateurs est-elle à l’origine du braconnage/trafic ? Qui sont les consommateurs, et qu’est-ce qui motive leur goût ou leur désir à l’égard des produits issus de la faune ou de la flore sauvages ? Dans la filière du CIES, quels sont les acteurs impliqués/ les moteurs/décideurs qui établissent les liens entre braconnage, trafic et consommation ?
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE | INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
ÉTAPE 1
IMPACTS : •
Quels seraient les impacts économiques/environnementaux/sociaux de l’arrêt ou de la réduction du braconnage/trafic ? Les impacts seraient-ils les mêmes pour les femmes et les hommes ?
•
Quels sont les effets des différents types de réponses (et d’application de la loi) ?
•
La dégradation des écosystèmes modifie-t-elle le CIES ? Comment les changements environnementaux affectent-ils différemment les femmes et les hommes ?
RÉPONSE/INTERVENTION : •
Qui, parmi le personnel de terrain, est le mieux placé pour discuter avec les membres de la communauté et gagner leur confiance ? Qui, dans la communauté, est mis dans la confidence et prend part à la consultation ? S’agit-il seulement des anciens du village, qui sont généralement tous des hommes ?
•
Les différentes personnes de la communauté (femmes/hommes/jeunes/vieux/initiés/ personnes externes) ont-elles des attitudes différentes vis-à-vis de la faune, de la conservation, du CIES ? Quel serait le meilleur moyen de le savoir ?
•
Si le besoin économique est le moteur de l’activité, à quoi ressemble le « besoin » dans ce contexte ? Qui a accès aux ressources ? Qui contrôle les ressources ? Les hommes et les femmes possèdent-ils des terres de manière équitable ? Les hommes et les femmes ont-ils les mêmes possibilités de trouver des alternatives de revenu ?
•
Comment l’application de la loi est-elle structurée dans la région ? Qui fait appliquer la loi et quels moyens (sexués) utilisent-ils pour faire respecter la loi ?
•
Qui pourraient être les influenceurs communautaires ou les acteurs d’intervention les mieux placés ? Les enseignants ? Les chefs religieux ? Les parents ? Les hommes et les femmes sontils également influencés/touchés par ces influenceurs ?
•
Qu’est-ce qui pourrait persuader ou dissuader les gens d’être des observateurs attentifs, voire des informateurs ? Les femmes et les hommes craignent-ils/résistent-ils également à coopérer avec les autorités ou à faire des signalements ? Pouvez-vous déterminer si la violence sexiste joue un rôle dans ces décisions ?
Il n’est pas possible de poser toutes ces questions et d’y répondre en même temps. Certaines seront plus pertinentes que d’autres. Les personnes à l’origine des programmes ou les gestionnaires peuvent avoir besoin d’une enquête plus approfondie. Mais l’élaboration d’une « carte » systématique des acteurs, des moteurs et des impacts en fonction du genre est le point de départ.
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ÉTAPE 2 CHECKLIST DES PRINCIPES FONDAMENTAUX POUR LES PROJETS QUI TIENNENT COMPTE DE L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES La checklist du développement de programmes sur le terrain ressemblerait à ceci
PRINCIPES FONDAMENTAUX : O Les projets devraient idéalement être bénéfiques à l’égalité des sexes, ou du moins ne pas lui nuire ! Consultez un large groupe de personnes, et assurez-vous d’inclure les personnes qui sont les plus susceptibles de bénéficier ou d’être affectées négativement par les projets/plans. O Tout projet spécifique doit être basé sur une analyse de situation tenant compte de la dimension de genre, comme indiqué ci-dessus. Toutes les données disponibles nous indiquent que les femmes et les hommes utilisent, connaissent et ont accès aux ressources de manière différente et ont des attitudes différentes vis-à-vis des ressources environnementales. Les projets ne devraient pas supposer qu’une « communauté » est homogène et dispose d’un accès identique aux ressources. O Les projets doivent être basés sur la compréhension du fait que les différents membres de la communauté ressentiront différemment les avantages et les coûts de tout projet, et les projets doivent, dès le départ, prévoir des résultats qui seront différents pour les différentes personnes impliquées. O Utilisez un vocabulaire spécifique pour décrire les personnes impliquées dans le projet. Si le projet est réservé aux hommes ou aux femmes (ou s’il s’avère qu’il ne concerne qu’un groupe ou l’autre) n’utilisez pas un vocabulaire générique tel que « les gens ».
CONCEPTION/PLANIFICATION DU PROJET : O L’équipe de l’agence/du projet, en particulier celle qui sera en contact direct avec les membres de la communauté, a-t-elle besoin d’une formation sur le genre ? Le calendrier et le budget du projet prévoient-ils cette possibilité ? O Y a-t-il des groupes communautaires - en particulier des groupes de femmes - avec lesquels nous pourrions nous associer dans le cadre de ce projet ? O Quelles ressources locales ou même nationales en matière de genre sont disponibles pour soutenir ce projet ? O Les objectifs du projet font-ils explicitement référence aux femmes et aux hommes en tant que parties prenantes distinctes ? O L’analyse situationnelle (ci-dessus) fournit-elle des informations adéquates sur les personnes qui ont accès aux principales ressources naturelles susceptibles d’être affectées par le projet et qui les contrôlent ? Le plan du projet prévoit-il la capacité de collecter - systématiquement - de telles données ? O Le projet s’appuie-t-il sur/inclut-il/renforce-t-il les connaissances et les compétences des femmes et des hommes en matière de ressources naturelles et de leur utilisation ? O Si le projet vise spécifiquement à protéger ou à préserver des écosystèmes/espèces/ressources particuliers, sait-on clairement qui utilise et profite de ces ressources/écosystèmes/espèces ? O Les besoins pratiques des hommes/femmes sont-ils pris en compte par le projet ? Qui/Qu’estce que le projet vise à soutenir/aider ? Le projet est-il conçu pour améliorer la vie quotidienne des hommes ou des femmes ? O Toutes les données recueillies seront-elles ventilées par sexe ? Des indicateurs sensibles au genre ont-ils été identifiés ?
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
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ÉTAPE 2 INCLUSION/PARTIES PRENANTES O Les femmes et les hommes sont-ils invités à participer aux discussions sur la planification des projets ? Quelles parties prenantes/Quels membres de la communauté ont été impliqué(e)s dans la conception du projet ? O Les contraintes distinctes concernant la participation des femmes et des hommes aux activités du projet ont-elles été identifiées et des stratégies ont-elles été développées pour surmonter ces contraintes ? Par exemple, les femmes sont souvent moins mobiles en raison de leurs responsabilités domestiques : à quel endroit les réunions du projet auront-elles lieu ? Ces lieux sont-ils accessibles aux femmes comme aux hommes ? Est-il possible de faire garder les enfants pendant les réunions ? O Des activités distinctes ou supplémentaires seront-elles nécessaires pour les femmes afin de garantir leur participation ? O Comment les mises à jour et les informations relatives au projet seront-elles communiquées, et ces moyens de communication sont-ils utilisés par les hommes et les femmes ? Comment les hommes et les femmes utilisent-ils les moyens de communication ?
AVANTAGES, COÛTS ET RÉSULTATS DU PROJET : O Dans quelle mesure les femmes/les hommes sont-ils dépendants des ressources/espèces qui ont été ciblées par le projet ? O Des effets négatifs sont-ils susceptibles de se produire sur la capacité des femmes ou des hommes à continuer de subvenir à leurs besoins quotidiens de base ou à tirer un revenu des ressources naturelles ? O Les activités du projet réduiront-elles l’accès ou le contrôle des femmes ou des hommes sur les ressources ? O Le projet a-t-il identifié des possibilités d’accroître l’accès des femmes aux ressources et leur contrôle sur celles-ci ? O Des groupes ou des représentants de la communauté seront-ils impliqués dans le suivi du projet, y compris des groupes de femmes ? O Les femmes seront-elles formées et soutenues pour participer au suivi, à la recherche et à la documentation du projet ? O Les femmes et les hommes seront-ils impliqués dans l’interprétation et/ou l’analyse des données ? O Par le biais de quels paramètres le succès du projet sera-t-il mesuré ? Ces mesures rendront-elles compte des succès ou des échecs vécus par les hommes et les femmes ?
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ÉTAPE 3 PRENDRE EN COMPTE LA VBG
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PHASE DE CONCEPTION : AVANT LE DÉBUT D’UN PROGRAMME
MISE EN ŒUVRE
1.
1.
Formation du personnel
2.
Intégrer à vos activités de suivi et d’évaluation des moyens d’observer et d’étudier les réactions de la communauté à la VBG.
3.
Mettre en place un protocole concernant les actions à entreprendre lorsque et si des incidents de VBG se produisent pendant la mise en œuvre du programme. Toutes les données collectées seront-elles ventilées par sexe ? Les indicateurs sensibles au genre ont-ils été identifiés ?
Se renseigner sur les normes et la prévalence de la VBG dans le cadre du processus d’analyse de genre déjà prévu pour le programme. Le rapport de l’UICN sur la VBG (Castañeda Camey et al. 2020) constituerait un bon point de départ.
2.
Créer ou trouver une liste d’orientation des ressources et services communautaires destinés aux victimes de VBG.
3.
Faire participer la communauté et les organisations partenaires à la planification du programme.
4.
Réfléchir aux moyens d’inclure le suivi des incidents ou des normes liés à la VBG dans le plan global de suivi et d’évaluation du programme.
5.
Envisager d’inclure dans votre programme des activités susceptibles de prévenir la VBG.
6.
Allouer des ressources dans le budget du programme pour les enquêtes et les formations relatives à la VBG
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ÉTAPE 4 IDENTIFIER LES OUTILS ET TECHNIQUES CLÉS NÉCESSAIRES
La checklist du développement de programmes sur le terrain ressemblerait à ceci
Une douzaine d’outils ou plus, accompagnés de méthodologies bien développées, sont disponibles pour soutenir l’analyse de genre, y compris le suivi des budgets « temps » quotidiens pour les femmes et les hommes ; le suivi des ratios d’activités rémunératrices par rapport aux activités de subsistance/non rémunérées (y compris les travaux ménagers) ; les calendriers saisonniers des activités des acteurs ; la cartographie mentale (connaissance des géographies locales à lointaines) ; le suivi spatial des femmes et des hommes/filles et garçons ; la cartographie des réseaux sociaux ; la mesure des actifs différenciés selon le genre (à la fois quantitatifs et qualitatifs). Trois outils et techniques clés sont présentés ici pour être examinés de plus près.
1. DONNÉES/INFORMATIONS VENTILÉES PAR SEXE :
L’importance d’étayer l’analyse avec des données (qualitatives et quantitatives) va au-delà de tout projet spécifique. La politique suit les données. Ce qui est compté a un impact mais ce qui n’est pas compté n’en a pas. Il n’existe pratiquement aucune publication sur l’environnement liée au genre qui n’encourage pas la collecte de davantage d’informations, de données, la mise en place d’efforts systématiques et soutenus pour rassembler des informations et des preuves environnementales tenant compte du genre. D’importants efforts à grande échelle sont en cours pour collecter et analyser les données ventilées par sexe liées à l’environnement, notamment par la Banque mondiale, la FAO et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais c’est l’accumulation d’informations spécifiques locales qui crée le tableau global des relations entre le genre et l’environnement. Les projets doivent veiller à compléter les données quantitatives ventilées par sexe par des enquêtes qualitatives et des informations sur les processus qui sous-tendent les données. Les informations et les données spécifiques au projet sont souvent créées par des enquêtes et des entretiens. Voir la suite ci-dessous pour avoir une idée des meilleures pratiques.
2. CARTOGRAPHIE : Bien que la cartographie puisse être une démarche extrêmement sophistiquée et axée sur la technologie, certaines des cartographies les plus convaincantes sont réalisées à la main et par des amateurs. Les participants aux projets peuvent être invités à établir des « cartes mentales », c’està-dire des croquis des parties de l’environnement qu’ils connaissent le mieux. Les hommes et les femmes/les garçons et les filles connaissent toujours différentes parties de leur environnement local ; ils ont différentes zones d’activité et différents parcours à travers leur environnement local. La plupart des cartographies mentales sensibles au genre ont été réalisées dans des zones urbaines (par exemple, Huynh et al. 2010 ; Ranade 2007). Cependant, la cartographie des ressources en fonction du sexe a permis d’obtenir des informations intéressantes (Cultural Survival 1994 ; Rocheleau et al. 1994, 1997). Cette technique n’a pas encore été adoptée dans le cadre du CIES, mais elle pourrait devenir un outil précieux afin de donner un aperçu des personnes qui utilisent/possèdent quelles ressources à quelles fins. L’un des efforts les plus cités pour explorer la cartographie des ressources selon le genre montre les parties de l’environnement d’un district au Kenya que les hommes et les femmes possèdent ou contrôlent de manière variable, y compris à l’échelle de plantes individuelles (Rocheleau et Edmund 1997), voir pages 94 et 95.
3. ENQUÊTES ET ENTRETIENS : Les enquêtes sont généralement des formulaires écrits, remplis soit par l’enquêteur après avoir posé chaque question aux participants, soit remis aux participants pour qu’ils les remplissent eux-mêmes. Si les participants doivent remplir eux-mêmes les formulaires, tous les membres de la cohorte doivent savoir lire et écrire dans la langue de l’enquête. Les capacités de lecture, d’écriture, de calcul et de langage varient souvent considérablement entre les hommes et les femmes. Les participants peuvent se sentir plus à l’aise pour révéler des informations confidentielles ou compromettantes s’ils sont autorisés à remplir eux-mêmes les formulaires d’enquête et s’ils sont assurés que les enquêtes sont anonymes. De même, la conception des entretiens favorise la probabilité de découvrir des informations difficiles. Les entretiens individuels entre personnes du même sexe sont plus susceptibles que les entretiens de groupe d’obtenir des informations confidentielles, mais les entretiens de groupe peuvent susciter des échanges très révélateurs, et les participants peuvent trouver du courage dans une conversation partagée. Seuls les entretiens les plus formels suivent un script strict. Les entretiens sur le terrain sont généralement fluides et se déroulent souvent dans des circonstances difficiles, ce qui signifie qu’un script d’entretien formel n’est pas utile. Dans ces circonstances, la plupart des projets prévoient un entretien semi-structuré. En d’autres termes,un script regroupant les points à aborder est préparé à l’avance afin de tirer des informations quelque peu comparables des entretiens, mais la conversation consiste généralement plus en une discussion.
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE | INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
Les hommes et les femmes contrôlent, possèdent ou utilisent souvent des ressources différentes, souvent jusqu’aux arbres et aux cultures. Cartographie des ressources en matière de genre à partir d’une étude au Kenya.
© Cultural Survival
Rocheleau, Diane, Barbara Thomas-Slayter et David Edmunds. 1994. « Gendered resource mapping: Focusing on women’s spaces in the landscape » [Traduction libre : « Cartographie des ressources sexospécifiques : se concentrer sur les espaces des femmes dans le paysage »]. Cultural Survival Quarterly 18(4) : 62-68
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DIVISION DES PLANTES ET DES PRODUITS PAR GENRE
© Cultural Survival
Rocheleau, Diane, Barbara Thomas-Slayter et David Edmunds. 1994. « Gendered resource mapping: Focusing on women’s spaces in the landscape » [Traduction libre : « Cartographie des ressources sexospécifiques : se concentrer sur les espaces des femmes dans le paysage »]. Cultural Survival Quarterly 18(4) : 62-68
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ÉTAPE 5 CHECKLIST DES MEILLEURES PRATIQUES POUR LES RÉUNIONS, ENTRETIENS ET ENQUÊTES COMMUNAUTAIRES 74
RÉUNIONS COMMUNAUTAIRES (pour discuter des plans, projets, priorités) :
O CONSEILS DE PRO Si vous organisez une réunion mixte et que seuls des hommes (ou des femmes) y participent, vous devez réévaluer votre connaissance de la situation, vos relations avec la communauté et la planification de la réunion. Quelque chose a échoué. Il est très utile d’organiser des réunions consécutives entre hommes et femmes. Posez les mêmes questions et comparez les réponses !
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•
La seule façon de faire adhérer les individus aux projets et aux plans est de faire participer la communauté de manière substantielle. N’oubliez pas qu’une voix seule ne représente pas la communauté. Une participation diversifiée et transversale est essentielle.
•
Sachez que les hommes et les femmes ont des horaires et des activités quotidiennes différents. Prévoyez des réunions à des heures et dans des lieux accessibles aux hommes et aux femmes.
•
Si des mesures d’incitation sont prévues pour assister/participer à des réunions ou pour remplir des enquêtes, assurez-vous que ces incitations sont proposées de manière égale aux femmes et aux hommes (et qu’elles sont appropriées pour les hommes et les femmes). Le simple fait de pouvoir sortir de la communauté ou de la maison pour participer à une réunion importante peut être une véritable motivation pour les gens. Cela peut également représenter un fardeau. Ayez conscience de ces deux éléments.
•
Si des réunions communautaires sont organisées et débouchent sur des décisions concrètes, elles doivent se dérouler en groupe, avec des hommes et des femmes (en nombre à peu près égal). En particulier si les décisions peuvent être impopulaires ou controversées, il est important de s’assurer que les femmes et les hommes ont entendu les arguments et contribué à la conversation.
•
Les femmes ont tendance à moins parler en public que leurs homologues masculins ; dans de nombreuses cultures, parler en public est fortement réprimé. S’il s’agit d’une réunion « formelle », demandez aux participants comment ils établissent des règles permettant à chacun de s’exprimer. Si les participants n’ont pas de suggestions, établissez des règles, comme les « protocoles zébrés » mis en place dans certaines communautés de Namibie (système qui prévoit que les hommes et les femmes participent aux élections, prennent la parole en réunion, etc. chacun leur tour). Le modérateur doit faire respecter les protocoles adoptés lors de la réunion. N’ayez pas peur d’indiquer explicitement que vous souhaitez que les hommes et les femmes s’expriment. C’est là que la présence de personnel féminin dans les réunions est particulièrement utile.
La présence des femmes ne doit pas être confondue avec leur participation. La typologie en six points de Bina Agarwal (2001) est utile pour évaluer la participation significative :
Forme/Niveau de participation
Caractéristiques
Participation nominale
Adhésion au groupe
Participation passive
Être informé·e des décisions a posteriori ; ou assister à des réunions et écouter les décisions, sans prendre la parole
Participation consultative
Se voir demander un avis sur des questions spécifiques sans garantie d’influencer la décision
Participation à une activité spécifique
On vous demande (ou vous vous portez volontaire) d’entreprendre des tâches spécifiques
Participation active
Exprimer des opinions, sollicitées ou non, ou prendre des initiatives d’une autre nature
Participation interactive (responsabilisation)
Avoir une voix et une influence sur les décisions du groupe
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ÉTAPE 5 MENER DES ENQUÊTES, DES ENTRETIENS : •
Expliquez clairement pourquoi vous réalisez l’enquête et comment vous utiliserez les informations recueillies. Si possible, partagez les résultats de l’enquête avec les personnes qui ont fourni les informations.
•
Dans la mesure du possible, développez un échantillon de personnes interrogées diversifié sur le plan démographique (classe/ethnicité/âge).
•
Veillez particulièrement à inclure les ménages dirigés par des femmes, mais n’oubliez pas que ces femmes ont tendance à manquer de temps et ont souvent moins d’alternatives de revenu.
•
Notez le sexe des participants que vous avez interrogés/enquêtés (par exemple, 15 hommes/18 femmes). Mais ne vous arrêtez pas là. Dans la mesure du possible, procédez ensuite à la ventilation par sexe de toutes les informations ultérieures lorsque vous synthétisez les résultats de l’enquête :
•
Ne vous contentez pas de faire un rapport : 91 % des participants ont déclaré écouter régulièrement des programmes radio sur la conservation ; allez plus loin : 87 % des hommes sont des auditeurs réguliers, 95 % des femmes.
•
Si vous recueillez des informations ventilées par sexe, mais que vous ne les analysez pas, ou que vous les « masquez » en ne les incluant pas dans votre rapport ou votre analyse, vous sapez votre propre travail et empêchez les autres d’apprécier pleinement vos résultats.
•
Pour les entretiens individuels et les discussions, les enquêteurs et les personnes interrogées doivent être du même sexe : les hommes interrogent les hommes, les femmes interrogent les femmes. Il en va de même pour les réunions de groupe unisexes : s’il n’y a que des femmes, l’enquêteur, le représentant de l’ONG ou l’enquêteur doit être une femme.
•
Pour les réunions de groupes mixtes, il est important d’avoir des enquêteurs féminins et masculins. Le fait d’organiser des discussions avec des groupes composés uniquement de femmes et d’hommes permet souvent de créer un cadre confortable pour les personnes interrogées.
•
Ne demandez pas à une seule personne de représenter « le ménage ». La catégorie « chef du foyer » n’est pas une catégorie d’enquête utile ; il existe de meilleures façons de saisir les diverses positions des adultes dans un même ménage, notamment en posant simplement des questions sur les rôles des adultes dans le ménage et sur les rôles spécifiques de l’adulte que vous interrogez.
•
Méfiez-vous de la collecte d’informations agrégées sur les « ménages ». Il n’y a pas de sécurité alimentaire, de revenus, d’alphabétisation, d’opinions sur la faune et la flore, d’utilisation des ressources au niveau des ménages. Toutes les données disponibles montrent clairement qu’au sein d’un ménage, l’utilisation des ressources, les priorités et les décisions sont négociées (ou imposées) au-delà des clivages entre les sexes. Les décisions et les comportements relatifs à l’environnement au sein des ménages sont négociés, souvent de manière inégale, entre les hommes et les femmes, qu’il s’agisse de l’utilisation de l’eau, de la répartition des tâches, du choix des sources d’énergie ou des allocations financières pour l’adaptation agricole.
•
Les dynamiques intra-ménages sont d’une importance capitale en termes de ressources, d’utilisation des ressources, de conservation, de consommation et de la manière dont les hommes et les femmes agissent (peuvent agir) en tant qu’agents du changement. Toutes les décisions ayant des conséquences sur l’environnement qui sont prises au sein des ménages sont filtrées en fonction des normes et des rôles des hommes et des femmes.
Soyez attentif·ive aux préjugés subtils dans la façon dont les questions sont posées, et n’« influencez pas le témoin » en posant des questions qui influencent la réponse. Par exemple : Mauvaise formulation « De quelle façon les nouvelles restrictions dans la zone protégée ont-elles affecté vos moyens de subsistance ? » Meilleure formulation « Les nouvelles restrictions dans la zone protégée ontelles affecté vos moyens de subsistance ? » Mauvaise formulation « Quelles sortes de réductions des conflits homme-faune avez-vous constatées depuis la construction des points d’eau ? » Meilleure formulation « Avez-vous remarqué une réduction des conflits hommefaune depuis la construction des points d’eau ? » Et veillez à faire suivre chaque réponse par d’autres demandes de précisions. Même si les participants disent « non, il n’y a eu aucun changement/effet », ne vous arrêtez pas là.
O CONSEIL DE PRO Posez des questions spécifiques sur les relations entre les sexes au sein du ménage, comme celles mentionnées ci-dessus. Allez-y ! Demandez de manière précise, ce que font les femmes et les hommes/adultes et enfants, et à quoi ressemble la prise de décision au sein des ménages.
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TROISIÈME PARTIE : GUIDE PRATIQUE | INTÉGRATION DE LA DIMENSION DE GENRE DANS LES PROJETS ET PROGRAMMES : ÉTAPE PAR ÉTAPE
ÉTAPE 6 CHECKLIST DE RESPONSABILITÉ ORGANISATIONNELLE Les organisations soucieuses de l’égalité des sexes doivent « joindre le geste à la parole. » Cela signifie que :
O Leur fonctionnement et leur personnel doivent être inclusifs en termes de genre. O La transformation des organisations en fonction du genre demande du temps et des ressources ; elles ne deviendront pas inclusives du point de vue du genre du jour au lendemain. Il existe souvent des étapes intermédiaires importantes, dont certaines sont particulièrement pertinentes pour les bureaux locaux : les chauffeurs doiventils toujours être des hommes ? Les secrétaires doivent-elles toutes être des femmes ? O Le personnel sur le terrain doit connaître (même s’il n’est pas expert en la matière) l’analyse de genre, et être familier avec la dynamique de genre dans le domaine du CIES. O Tous les membres du personnel doivent être en mesure d’expliquer (à eux-mêmes, entre eux et aux membres de la communauté) ce qu’est l’égalité des sexes, pourquoi elle est importante et pourquoi les efforts visant à réduire ou à mettre fin au CIES seront renforcés par l’intégration du genre. O Tous les membres du personnel doivent être en mesure d’expliquer (à eux-mêmes, entre eux et aux membres de la communauté) ce qu’est la VBG ou le harcèlement sexuel et la manière dont ils compromettent l’efficacité de la lutte contre le CIES. O Les femmes ont tendance à moins parler en public que leurs homologues masculins ; dans de nombreuses cultures, elles sont fortement sanctionnées. S’il s’agit d’une réunion « formelle », demandez aux participants comment ils établissent des règles permettant à chacun de s’exprimer. Si les participants n’ont pas de suggestions, établissez des règles, comme les « protocoles zébrés » mis en place dans certaines communautés de Namibie (système qui prévoit que les hommes et les femmes participent aux élections, prennent la parole en réunion, etc. chacun leur tour). Le modérateur doit faire respecter les protocoles adoptés lors de la réunion. N’ayez pas peur d’indiquer explicitement que vous souhaitez que les hommes et les femmes s’expriment. C’est là que la présence de personnel féminin dans les réunions est particulièrement utile.
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© Ranjan Ramchandani/WWF
QUATRIÈME PARTIE
BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
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QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
RECHERCHE Il n’est en aucun cas exagéré de dire qu’il est nécessaire de procéder à des recherches supplémentaires sur tous les aspects de la nature sexospécifique du commerce illégal d’espèces sauvages et des efforts déployés pour l’enrayer.
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
POINTS FORTS DES RECHERCHES EXISTANTES 3 Il est plus facile de faire la liste des renseignements bien documentés que l’inverse. La plupart des travaux sur le CIES ne tiennent pas compte du genre, mais grâce au travail de chercheurs assidus, nous en savons désormais davantage sur :
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Certaines dimensions des relations entre le genre et la corruption dans le domaine des ressources naturelles (voir les partenaires de WWF et CIES, Kramer et al. 2020) mais peu de ces recherches sont spécifiques au CIES. La plupart de ces travaux sont liés à l’environnement en général ; la plupart des travaux spécifiques au CIES ne tiennent pas compte de la dimension de genre. Il est nécessaire d’effectuer des recherches supplémentaires sur : une analyse approfondie des circonstances concrètes qui dissuadent les femmes et les hommes de s’engager dans des pratiques de corruption et les empêchent de dénoncer la corruption ; les preuves des efforts de lutte contre la corruption qui peuvent avoir une efficacité différente pour les femmes et les hommes ; la nature et l’étendue de la coercition/ violence sexuelle qui facilite les pratiques de corruption ou empêche de les dénoncer. Consommation différenciée par sexe des produits issus du CIES, notamment en Asie (bien que cet accent tende à renforcer un biais géographique et souvent raciste - voir Margulies et al. 2019 sur le stéréotype du « super-consommateur »). Il est nécessaire d’effectuer des recherches supplémentaires sur : le genre et la consommation dans les régions autres que l’Asie, et en particulier en ce qui concerne les régions connues pour être des superconsommateurs, à savoir les États-Unis et l’UE (Collard 2020 ; Engler et Parry-Jones 2007 ; Margulies et al. 2019).
les plus probables du braconnage et de l’intervention militarisée, tirée principalement d’exemples africains. Il est nécessaire d’effectuer des recherches supplémentaires sur : Les effets sexospécifiques de la militarisation, tels que les effets de la prolifération des armes à feu sur la violence domestique « ordinaire » ; l’état et les tendances régionales spécifiques de l’utilisation des armes dans les interventions de braconnage et de répression, en particulier pour les régions autres que l’Afrique.
4
Les nouvelles initiatives de l’UICN autour de l’environnement et de la violence basée sur le genre établissent une base solide pour étudier cette question (Castañeda Camey et al. 2020). Il est nécessaire d’effectuer des recherches supplémentaires pour : •
examiner s’il existe des liens intégrés, tangentiels ou opportunistes entre les différents réseaux et acteurs du trafic (en particulier s’il existe des liens systémiques entre le trafic et le CIES).
•
Comprendre l’ampleur de la violence sexuelle liée au CIES à l’encontre des hommes et des personnes non binaires/des minorités sexuelles.
•
Examiner l’efficacité des programmes de sensibilisation à la lutte contre la VBG, et en particulier des programmes qui encouragent les hommes à réexaminer leurs propres « performances » en matière de masculinité (comme le programme MenENGAGE et le Responsible Men’s Club au Viêt Nam).
•
Fournir des données factuelles propres au CIES, destinées à alimenter la pensée conventionnelle selon laquelle le renforcement de la mixité dans l’application de la loi, et en particulier l’intégration des femmes dans les équipes chargées de faire appliquer la loi, réduit la violence liée à l’application de la loi.
•
Étudier dans quelle mesure l’application militarisée du CIES alimente un cycle de violence dans les communautés et les foyers locaux, lié à la circulation croissante des armes légères.
Dans toutes les régions du monde, il convient d’approfondir les recherches sur le marché de la consommation et la façon de faire changer les mentalités en fonction du sexe, et d’analyser ensuite l’efficacité des campagnes de changement des mentalités ciblées sur le sexe. Une compréhension générale des effets sexospécifiques
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QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
NOUVELLES RECHERCHES, RECHERCHES ÉMERGENTES ET RECHERCHES NÉCESSAIRES En ce qui concerne les domaines moins connus, « tout sujet » doit faire l’objet de recherches, mais les priorités de recherche spécifiques sont les suivantes :
1
Examen factuel de l’affirmation générale selon laquelle l’égalité des sexes et la durabilité environnementale se renforcent mutuellement. En outre, les recherches existantes sur ce sujet font généralement référence à la durabilité « environnementale ». Des recherches spécifiques au CIES sont nécessaires. La priorité des recherches connexes consiste à examiner les effets sexospécifiques des modifications de l’écosystème produites par l’extraction des espèces sauvages.
2
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3 4
Des études de cas centrées sur l’écosystème, spécifiques aux espèces (ou aux produits) et portant sur l’ensemble des rôles des hommes et des femmes, du braconnage à la consommation : des études de cas sur les relations entre les sexes tout au long du trajet de l’ivoire, ou de l’orchidée, ou du pangolin seraient extrêmement précieuses. Dans ces approches par étude de cas, il convient d’examiner les effets d’entraînement à l’échelle de l’écosystème (dont beaucoup sont liés au sexe) de la suppression ou de la réduction d’une seule espèce.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Évaluations des impacts économiques, sociaux et culturels, différenciés selon le sexe, de l’éradication du commerce illégal d’espèces sauvages ou de l’éradication des pratiques d’élevage d’espèces sauvages qui y sont liées.
Inégalités économiques : Deux domaines d’analyse (la manière dont le CIES est imbriqué dans les inégalités économiques, et la mesure dans laquelle les inégalités économiques sont genrées) ne sont pas mis en corrélation. Des recherches sérieuses sont nécessaires pour explorer la façon dont se recoupent les analyses selon lesquelles la richesse est le moteur du CIES et les analyses selon lesquelles la création de la richesse et du revenu sont des processus différenciés selon le sexe.
QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
5
Au-delà de ces besoins de haut niveau, la longue liste des besoins en matière de recherche est presque inépuisable. En particulier, des études plus précises et spécifiques sont nécessaires sur : •
Les attitudes différenciées selon le sexe à l’égard des différents types de braconnage (tels que la chasse, la capture d’animaux vivants, la collecte) et des différentes espèces sauvages braconnées.
•
Une analyse de genre dans le commerce des animaux de compagnie. D’après le peu de documentation disponible, les hommes et les femmes semblent avoir une position distincte (Collard 2020 ; Drews 2002 ; Menacho-Odio 2013), mais il n’existe pratiquement aucune analyse de genre de ce commerce.
•
Les relations entre les attitudes et les perceptions des animaux (et de la nature) différenciées selon le sexe et les comportements réels par rapport au CIES.
•
Le rôle du travail non rémunéré des femmes dans le CIES ; l’attention se porte généralement sur l’argent, mais toutes les économies reposent sur un travail non rémunéré et généralement non comptabilisé.
•
Quels sont les incitations/programmes qui ont été les plus efficaces pour sortir les gens du braconnage et du trafic, et si ces programmes (fructueux ou non) fonctionnent différemment ou plus ou moins efficacement pour les femmes et les hommes ?
•
Une analyse de suivi visant spécifiquement à déterminer si les programmes relatifs aux moyens de subsistance alternatifs et à la réforme du régime foncier sont efficaces pour freiner le CIES, et si leur efficacité est différente pour les femmes et les hommes.
•
Les preuves empiriques des effets de l’inclusion des femmes dans les structures dominées par les hommes, telles que l’application de la loi et la prise de décision à haut niveau (et le point de basculement, le cas échéant, pour que ces effets soient prouvés).
•
Les preuves empiriques de l’efficacité de la diversité dans les équipes et les programmes d’exécution.
•
Les profils des dynamiques de genre au sein des ONG de conservation, et les effets (le cas échéant) des changements dans l’équilibre entre les sexes de ces organisations.
•
Les preuves comparatives de l’efficacité de la conservation dans les cas où les femmes/hommes sont ou ne sont pas inclus dans la planification et la prise de décision du projet au niveau local, et participent ou ne participent pas
•
Les analyses locales des coûts et avantages des zones protégées en fonction du sexe.
Pour toutes les recherches, deux approches sont prioritaires : •
Des recherches qui analysent les manifestations de la violence basée sur le genre, de la corruption, de la consommation et du braconnage militarisé au niveau local et dans un contexte spécifique.
•
Les différences dans l’un ou l’autre de ces sujets en fonction des données démographiques intersectionnelles et/ou spécifiques aux personnes LGBTQI et non binaires. Pratiquement aucun sujet dans le CIES ne couvre de manière adéquate l’origine raciale, la classe sociale ou l’identité sexuelle.
Au fur et à mesure que les recherches et les données s’accumulent, une grande partie d’entre elles seront négligées ou perdues. Chercher à « réinventer la roue » est un problème qui se pose dans tous les secteurs. La mise en place et la mise à jour d’une base de données de connaissances complète (contenant des informations quantitatives et qualitatives) constituerait une contribution importante qui permettrait également de rationaliser l’allocation des ressources (voir les « recommandations » à la page suivante). À ce jour, il n’existe que deux méta-analyses de la recherche sur le genre et le CIES : une synthèse 2020 rédigée par Agu et Gore de la documentation sur les femmes et le CIES en Afrique ; et le présent rapport lui-même.
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QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
RECOMMANDATIONS
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LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
BUREAUX ET PROGRAMMES LOCAUX LIÉS AU CIES 1
Lors de l’élaboration de projets et de programmes, ne présumez jamais que les questions sont neutres du point de vue du genre ; effectuez toujours une analyse de genre pour vérifier la pertinence de la différenciation et de la dynamique du genre. Dans les allocations de budgets et pour les plans de travail, prévoir une aide pour la réalisation d’analyses de genre, le développement d’une programmation tenant compte de la dimension de genre (« ne pas nuire », « do no harm » en anglais) et répondant aux besoins des femmes (visant à atténuer les inégalités spécifiques aux femmes et les problèmes d’autonomisation).
2 3
Il est nécessaire de renforcer le soutien et la formation en matière de sensibilisation et d’élaboration de programmes sexospécifiques au niveau local : •
Développer des moyens de subsistance diversifiés et durables pour les hommes et les femmes.
•
Sensibiliser à la VBG et développer des interventions, notamment en travaillant avec les hommes sur leur rôle dans la perpétuation de la VBG.
•
Fournir une éducation à la conservation à tous les membres des communautés locales.
•
Mesurer l’efficacité de ces initiatives.
Des programmes de formation et de familiarisation aux questions de genre doivent être élaborés et mis à la disposition de l’ensemble du personnel. Tout le monde n’a pas besoin d’être un expert en matière de genre, mais il est important de posséder quelques connaissances.
4 5 6
Toutes les organisations (du niveau mondial au niveau local) doivent élaborer des politiques de tolérance zéro en matière de harcèlement sexuel et de VBG, et établir des mécanismes de responsabilité et de suivi.
Encourager, exiger et soutenir les capacités de collecte et d’analyse de données ventilées par sexe comme partie intégrante de tous les projets et programmes gérés localement.
Dans la mesure du possible, créez des partenariats avec des groupes de femmes locaux engagés dans la diversification des moyens de subsistance ou la conservation des ressources, ou soutenez-les. S’il n’existe pas de groupes de femmes, cherchez à savoir s’il existe un intérêt pour la création de groupes. De même, étudiez les possibilités de partenariat avec des groupes d’hommes et de jeunes, et avec tout groupe LGBTQI visible.
7
Les projets mis en œuvre localement peuvent participer à l’autonomisation par le leadership en soutenant les personnes non binaires, les minorités sexuelles et d’autres groupes marginalisés en incluant explicitement des représentants (dans la mesure où ils sont visibles) dans les projets de lutte contre le CIES et de protection des ressources.
Lorsqu’il existe des possibilités d’expansion du personnel, la priorité devrait consister en le recrutement de personnes ayant une expertise en matière de genre dans le cadre de leur portefeuille. En outre, le fait de faire participer des femmes aux projets sur le terrain jouera un rôle important dans l’inclusion de la communauté dans ces projets, et fournira des modèles de conservation aux femmes et aux filles locales.
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QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
NIVEAUX POLITIQUE ET ORGANISATIONNEL NATIONAUX ET MONDIAUX Programmation, priorités de recherche et structures d’expertise :
1 2 3
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Prendre des engagements sans équivoque en faveur de l’intégration du genre dans l’ensemble de la lutte contre le CIES. Les dirigeants de l’organisation doivent être des défenseurs visibles et actifs de cet engagement.
Dans la mesure où les décisions relatives aux ressources et aux capacités sont prises au niveau central, fournir un soutien et des ressources pour les activités locales identifiées ci-dessus, afin de développer des projets tenant compte de la dimension de genre et de renforcer la capacité d’analyse de la dimension de genre.
4 5
La création et la mise à jour d’une base de données centralisée sur les connaissances en matière de genre et de CIES, telle que décrite ci-dessus, apporterait une contribution significative au domaine. Pour éviter que la base de données ne s’étiole, le gestionnaire de la base doit être chargé de diffuser (à grande échelle) une mise à jour analytique régulière (annuelle ?) des nouveaux résultats.
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Inclure, mandater et fournir un soutien en termes de capacités pour la collecte et l’analyse de données de haut niveau sur le genre, qui font partie intégrante de tous les projets et programmes gérés au niveau central. Veuillez vous référer à la liste des priorités de recherche ci-dessus.
Pour intégrer pleinement l’analyse de genre dans le travail des organisations qui luttent contre le CIES, il faut élargir la base d’expertise des champs scientifiques initiaux du travail contre le CIES pour y inclure l’expertise des sciences sociales. Intégrer les sciences sociales (et donc les chercheurs en sciences sociales) permettra également d’élargir la représentation inclusive.
QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
Capacités et engagements organisationnels :
1
La plupart des organisations de conservation centrées sur le CIES pratiquent une inclusion limitée - dans certains cas, très limitée - des diversités et des capacités. Changer cette tendance demande du temps, un leadership éclairé et des engagements fermes, compris et partagés par l’ensemble de l’organisation. À tous les niveaux, depuis les bureaux nationaux jusqu’aux centres internationaux, les activités susceptibles d’initier cette transformation sont les suivantes : •
Réaliser un audit rigoureux de haut en bas sur les programmes, les priorités, les politiques et les effectifs en matière de genre.
•
Développer et mettre en œuvre une politique d’égalité des sexes.
•
Élaborer et mettre en œuvre des politiques spécifiques de lutte contre le harcèlement. Les politiques organisationnelles doivent être adoptées à tous les niveaux afin de fournir un soutien et une réponse explicites aux survivants de la violence basée sur le genre, que la violence ait été perpétrée en dehors ou au sein de l’organisation. S’engager explicitement en faveur d’une tolérance zéro à l’égar du harcèlement, de l’exploitation et des abus sexuels sur le lieu de travail (Bloom et al. 2014).
•
S’engager à réaliser régulièrement (tous les quatre ans ?) des audits de responsabilité en matière d’égalité des sexes.
•
Prendre des engagements explicites, y compris des repères temporels, en faveur d’une gouvernance et d’une dotation en personnel inclusives, participatives et représentatives.
•
S’engager à former le personnel aux questions de genre ; comme indiqué ci-dessus, il n’est pas nécessaire que tout le monde soit un expert en la matière, mais il est important que tous les membres du personnel aient une certaine connaissance de ces questions. Lorsqu’il est nécessaire de recruter du personnel, il est important de trouver des personnes disposant d’une expertise en matière de genre.
2 3 4 5
Constituer un groupe consultatif de haut niveau sur le genre dans le cadre du CIES, qui pourrait peutêtre apporter des conseils à travers une coalition des principales ONG qui luttent contre le CIES, y compris TRAFFIC et le WWF.
Créer un bureau de programme sur le genre ou un poste de haut niveau (« focalisé sur le genre ») pour faire avancer l’inclusion de l’analyse de genre dans toutes les activités du CIES.
Établir/étendre/soutenir des mécanismes permettant de développer une filière de recherche diversifiée « en amont » dans les professions liées à la conservation. Les programmes de formation, les bourses, les stages et les prix pour les groupes sous-représentés peuvent être des mécanismes d’une importance capitale pour introduire la diversité et l’inclusion dans le travail visant à enrayer le CIES. (Le programme Education for nature (comprenez « Éducation à la nature » en français) du WWF pourrait constituer un modèle de mise à l’échelle).
De même, les mécanismes permettant d’accroître la diversité du personnel et des dirigeants internes, qu’il s’agisse de quotas ou de programmes de mentorat en matière de leadership, doivent faire l’objet de discussions stratégiques et être mis en œuvre.
Les ONG de conservation et de lutte contre les CIES se voient offrir une occasion inédite de faire preuve de leadership en soutenant les personnes non binaires, les minorités sexuelles et les autres groupes marginalisés en les incluant explicitement dans leur personnel, et en intégrant des représentants de ces groupes (dans la mesure où ils sont capables d’être visibles) aux projets de lutte contre le CIES et de protection des ressources.
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QUATRIÈME PARTIE : BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
Élaboration des politiques et partenariats :
1A
Établir un partenariat avec la CITES pour intégrer la dimension de genre dans la convention CITES. La CITES ne tient pas compte de la dimension de genre. La pression, le soutien et l’encouragement doivent être mis en œuvre pour y remédier.
4
La CDB dispose d’un solide « plan d’action pour l’égalité des sexes » qui guide l’intégration de la dimension de genre dans l’ensemble de la Convention et des parties afin de « soutenir la mise en œuvre du cadre mondial pour la biodiversité post-2020 en tenant compte de la dimension de genre. » Un partenariat avec la CDB pour élaborer un plan d’égalité entre les sexes pour la CITES pourrait accélérer le travail nécessaire à cette fin. Le point de référence de la CDB pour l’égalité des sexes pourrait être sollicité pour fournir des conseils.
1B 2 3 110
Il existe des organisations qui sont expertes dans ces domaines. Les entités féminines transnationales de haut niveau qui ne sont généralement pas impliquées dans le CIES, y compris ONU Femmes, pourraient être mises à contribution pour fournir des capacités et explorer un terrain peu familier aux décideurs politiques de haut niveau. Les partenaires stratégiques peuvent prendre part aux conversations et aux initiatives portant sur le renforcement des capacités en matière d’éducation des filles (l’UNESCO, par exemple), sur le trafic sexuel et la VBG transnationale (notamment Interpol, qui accélère le développement de ses capacités en matière d’égalité des sexes), sur le régime foncier (la FAO et les directives volontaires sur le régime foncier).
Intégrer la dimension de genre dans la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC). En général, l’étude de la corruption est plus sensible au genre que d’autres domaines du CIES, mais des chaînons critiques manquent dans les analyses de la corruption, y compris, comme évoqué précédemment, sur les rôles de la coercition et de la violence sexuelles dans la corruption. La lutte contre la VBG et la sextorsion dans le cadre de la corruption du CIES doit être une priorité majeure.
Tirer parti des engagements nationaux en faveur de l’égalité des sexes. La plupart des gouvernements nationaux ont une version ou une autre de leur mandat en matière d’égalité des sexes. Souvent symboliques, ces lois - et, dans certains cas, les engagements pris dans le cadre des traités - peuvent néanmoins être invoquées et utilisées de manière instrumentale lors des partenariats avec les gouvernements sur les activités et les objectifs liés au CIES. Les ONG qui luttent contre le CIES peuvent invoquer stratégiquement les engagements nationaux pour obtenir un soutien en faveur de la sensibilisation et des activités liées au genre dans leurs partenariats avec les gouvernements.
Élaborer des politiques de lutte contre le CIES qui traitent spécifiquement de l’autonomisation des femmes, de l’égalité des sexes et des activités et programmes tenant compte de la dimension de genre. Se contenter d’« ajouter les femmes et de remuer » n’est pas suffisant dans les plans de travail, les perspectives et les politiques existants.
Établir des partenariats stratégiques entre les sexes. Les ONG qui luttent contre le CIES ne sont pas censées devenir soudainement des experts en matière d’éducation des filles, de droits fonciers des femmes ou d’élaboration de programmes à l’égard de la VBG dans le cadre de leur travail de lutte contre le CIES (bien qu’il incombe aux organisations de CIES de reconnaître que ces questions font partie intégrante de leur travail de base).
Les organisations qui luttent contre le CIES n’ont pas besoin de réinventer la roue lorsque des partenariats stratégiques peuvent multiplier les ressources pour traiter les questions transversales qui concernent directement le CIES.
5 6 7
LA NOTION DE GENRE DANS LE COMMERCE ILLÉGAL D'ESPÈCES SAUVAGES : NÉGLIGÉE ET SOUS-ESTIMÉE
Établir des partenariats avec les organisations de gardes forestiers et les soutenir afin de parvenir à l’égalité des sexes dans les effectifs de gardes forestiers des parcs et des zones protégées. Établir des flux de financement ciblés pour ces efforts.
Mettre en évidence la violence basée sur le genre et la sextorsion dans les politiques et priorités de lutte contre la corruption.
Fournir des ressources adéquates pour soutenir ces recommandations.
NOTES DE BAS DE PAGE PARTIE 1
PARTIE 2
1
Les définitions sont tirées en partie du Glossaire d’égalité des sexes d’ONU Femmes : trainingcentre. unwomen.org/mod/glossary/view.php?id=36&mode=letter&hook=G&sortkey=&sortorder=asc ; Sida : www.sida.se/en/methods-materials/gender-toolbox ; Harcourt, W. What does a gender lens bring to development studies? [Traduction libre : Qu’apporte une optique de genre aux études de développement ?] www.developmentresearch.eu/?p=412 ; PNUD. 2015. Guide pour la sensibilité au genre des communications nationales
2
www.wri.org/blog/2016/03/if-you-care-about-environment-you-should-care-about-gender; James et al. 2021.
3
UNICEF. 2019. 115 million men and boys around the world married as children [Traduction libre : 115 millions d’hommes et de garçons dans le monde se sont mariés pendant leur enfance]. www.unicef.org/ press-releases/115-million-boys-and-men-around-world-married-children-unicef
4
UNICEF. 2019. A Profile of Child Marriage and Early Unions in Latin America and the Caribbean [Traduction libre : Profil du mariage des enfants et des unions précoces en Amérique latine et dans les Caraïbes]. UNICEF, New York.
5
Entretien personnel avec un représentant de Game Rangers International
6
Lors de sa cinquième session (2006), l’UNPFII a souligné « les contributions uniques des femmes autochtones au sein de leurs familles, de leurs communautés et de leurs nations, ainsi qu’au niveau international, en termes de possession et de transmission intergénérationnelle d’un riche savoir traditionnel sur la conservation de la biodiversité et la gestion durable de l’environnement. » Nations Unies, Rapport de la troisième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, E/2004/43, paragraphe 106
7
O’Grady, C. 2020. The price of protecting rhinos [Traduction libre : Le prix de la protection des rhinocéros]. The Atlantic, 13 janvier. https://www.theatlantic.com/science/archive/2020/01/war-rhino-poaching/604801/
8
Ruwende, I. 22 Poachers killed, 900 arrested [Traduction libre : 22 braconniers tués, 900 arrêtés]. The Herald, 8 octobre 2015. https://www.herald.co.zw/22-poachers-killed-900-arrested-in-2015/
9
Entretien personnel avec un représentant de Game Rangers International
10
De 2003 à 2019, les IDE de la Chine en Afrique ont bondi de 75 millions de dollars US en 2003 à 2,7 milliards de dollars US en 2019. China-Africa Research Initiative, Université Johns Hopkins. www. sais-cari.org/chinese-investment-in-africa
11
Park, Y.J. 2016. One million Chinese in Africa [Traduction libre : Un million de chinois en Afrique]. Perspectives, 12 mai. Johns Hopkins School of Advanced Int’l Studies. www.saisperspectives. com/2016issue/2016/5/12/n947s9csa0ik6kmkm0bzb0hy584sfo
12
Albertine Watchdog. 2020. World Pangolins Day [Traduction libre : Journée mondiale du pangolin]. 15 février. www.albertinewatchdog.org/2020/02/15/world-pangolins-day-let-us-protect-endangeredthreatened-and-vulnerable-african-pangolins-in-uganda ; entretien personnel avec la personne interrogée ; L. Hongjie. 2019. China calls on citizens in Africa to stop wildlife trafficking [Traduction libre : La Chine appelle les citoyens d’Afrique à mettre fin au trafic d’espèces sauvages]. China Daily, 26 mars. www.chinadaily.com.cn/a/201903/26/WS5c99e6e6a3104842260b2ac1.html
13 observer.ug/news/headlines/56130-prostitution-heartbreak-and-disease-at-karuma-dam.html; nairobinews.nation.co.ke/life/ugandan-women-stranded-with-babies-fathered-by-chinese-workers ; www.monitor.co.ug/uganda/news/national/oyam-women-stranded-with-babies-fathered-bychinese-1727306 14
Strangio, S. 2014. Myanmar’s wildlife trafficking hotspot [Traduction libre : Le Myanmar : haut lieu du trafic d’animaux sauvages]. Al Jazeera, 17 juin. www.aljazeera.com/features/2014/6/17/myanmarswildlife-trafficking-hotspot
15
Vrieze, P. 2015. Inside Mong La, the Myanmar Town Where You Can Buy Drugs, Sex, and Endangered Animals [Traduction libre : Mong La, la ville du Myanmar où l’on peut acheter de la drogue, du sexe et des animaux en voie de disparition]. Vice, 14 décembre. www.vice.com/en/article/avyq3g/inside-mong-lathe-myanmar-town-where-you-can-buy-drugs-sex-and-endangered-animals
16
Smith, H. 2017. Small fish, big problems: Gender based violence in Lake Victoria’s fisheries [Traduction libre : Petits poissons gros problèmes : la violence basée sur le genre dans les pêcheries du lac Victoria]. humanrights.fhi.duke.edu/small-fish-big-problems-gender-based-violence-in-lake-victorias-fisheries
17
Entretien personnel avec l’enquêteur
111
NOTES DE BAS DE PAGE 18
www.vice.com/en/article/d3997z/my-seven-years-as-a-sex-slave-in-mexican-drug-cartels; www. washingtonpost.com/world/americas/mexican-cartels-move-into-human-trafficking/2011/07/22/ gIQArmPVcI_story.html ; www.globalanimal.org/2011/09/21/exotic-animals-in-drug-war-crossfire; abcnews.go.com/ABC_Univision/News/drug-cartels-mexico-enslave-young-professionals/ story?id=17603640 ; www.reuters.com/article/us-mexico-drugs-animals-idUSTRE51503V20090206; www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2014/06/30/pablo-escobars-hippos-are-wreakinghavoc-in-colombia ; www.iflscience.com/plants-and-animals/pablo-escobars-pet-hippos-are-destroying-ecosystems-incolombia ; Sussis 2018.
19
Tout en s’opposant à toute forme de chasse qui menace la survie des espèces, le WWF respecte et soutient les droits des peuples autochtones et des communautés locales à choisir la meilleure façon de vivre avec les ressources naturelles et de les utiliser de manière à favoriser la conservation de la faune et leur propre développement durable, comme le prévoit le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), y compris les droits coutumiers des peuples autochtones et des communautés locales à pratiquer une chasse de subsistance locale. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose, dans son article premier, que « Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. »
20 https://www.kew.org/read-and-watch/illegal-cycad-trade-plant-crime 21 www.iucn.org/regions/eastern-and-southern-africa/our-work/conservation-areas-and-species/localcommunities-first-line-defence-against-illegal-wildlife-trade-flod 22 wwfeu.awsassets.panda.org/downloads/183113_wwf_policyrpt_en_f_2_1.pdf 23
www.fauna-flora.org/news/redressing-balance-towards-gender-equality-conservation-context
24
cites.org/sites/default/files/eng/prog/Livelihoods/case_studies/CITES_livelihoods_Fact_Sheet_2019_ South_Africa_Aloe.pdf cites.org/sites/default/files/eng/prog/Livelihoods/case_studies/CITES_livelihoods_Fact_Sheet_2019_ Australia_Crocodiles.pdf
25
www.cifor.org/publications/pdf_files/Brief/5896-GenderClimateBrief.pdf; www.iucn.org/news/ commission-environmental-economic-and-social-policy/201608/celebrating-african-rural-womencustodians-seed-food-traditional-knowledge-climate-change-resilience-%E2%80%93-new-report-gaiafoundation; www.ipsnews.net/2012/05/rural-women-in-peru-key-to-adaptation-of-seeds-to-climate-change
26 www.fao.org/land-water/land/land-governance/land-resources-planning-toolbox/category/details/ en/c/1047633 27 www.iucn.org/news/gender/202012/addressing-violence-inequality-conservation 28 competitions4dev.org/risechallenge/winners/trocaire 29 www.iucn.org/news/eastern-and-southern-africa/201906/usaid-iucn-and-east-african-communitypartner-protect-east-africas-natural-resources 30 www.shujaazinc.com/publications/understanding-young-peoples-attitudes-towards-wildlife-andconservation 31
news.mongabay.com/2019/02/chinese-queen-of-ivory-sentenced-to-15-years-in-jail-for-tusk-trafficking
32
UNODC 2020 ; blogs.worldbank.org/governance/gender-and-corruption-time-now
33 salusjournal.com/wp-content/uploads/2018/03/Hufnagel_Salus_Journal_Volume_6_ Number_1_2018_pp_63-79.pdf 34
112
Escape Foundation. Understanding Young Peoples’ Attitudes towards wildlife and conservation [Traduction libre : Comprendre les attitudes des jeunes à l’égard de la faune sauvage et de la conservation]. États-Unis/Nairobi : www.shujaazinc.com/wp-content/uploads/2020/05/ Understanding-Young-People%E2%80%99s-Attitudes-Towards-Wildlife-and-Conservation.pdf
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dont Conservation International (60 % de femmes parmi les cadres supérieurs), Friends of the Earth (60 % de femmes parmi les cadres supérieurs), Greenpeace (60 % de femmes parmi les cadres supérieurs), Ocean Conservancy (63 % de femmes parmi les cadres supérieurs), Rainforest Action Network (67 % de femmes parmi les cadres supérieurs) et WWF US (56 % de femmes parmi les cadres supérieurs)
50
dont Conservation International (77 % de membres masculins), Friends of the Earth (69 % de membres masculins), Ocean Conservancy (67 % de membres masculins), Rainforest Action Network (55 % de membres masculins) et WWF-US (61 % de membres masculins).
51 wildlife.org/usfs-researchers-provide-insight-into-gender-gap 52 www.ourcommons.ca/Content/Committee/421/FEWO/Brief/BR8745320/br-external/NRC-e.pdf 53 womendeliver.org/2018/why-women-in-politics 54
news.liverpool.ac.uk/2020/08/18/covid-19-outcomes-systematically-and-significantly-better-in-female-ledcountries
55 www.awf.org/blog/conservation-africa-monstrous-challenge 56 www.interpol.int/en/News-and-Events/News/2019/INTERPOL-developing-women-police-leaders-inSoutheast-Asia 57 mag.wcoomd.org/magazine/wco-news-89/wco-releases-new-customs-tools-to-advance-gender-equality-anddiversity 58 www.wri.org/blog/2016/03/if-you-care-about-environment-you-should-care-about-gender 59
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60 publikationer.sida.se/contentassets/4fd9964764a14e698634abfa9ebf9999/how_sida_works_with_gender_ equalitydoes_may-2017.pdf 61
competitions4dev.org/risechallenge
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NOTES DE BAS DE PAGE
PARTIE 3
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Par exemple : Carter, D.A., Simkins, B.J. et Simpson, W.G. 2003. Corporate Governance, Board Diversity, and Firm Value [Traduction libre : Gouvernement d’entreprise, diversité des conseils d’administration et valeur de l’entreprise]. Financial Review 38: 33-53. doi.org/10.1111/15406288.00034 ; Bernile, G., Bhagwat, V. et Yonker, S.E. 2017. Board Diversity, Firm Risk, and Corporate Policies [Traduction libre : Diversité des conseils d’administration, risque de l’entreprise et politiques d’entreprise] (6 mars 2017), http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2733394 ; Rock, D. et Grant, H. 2016. Why diverse teams are smarter [Traduction libre : Pourquoi les équipes diversifiées sont-elles plus intelligentes ?]. Harvard Business Review 4(4) : 2-5.
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Wildlife Crime Initiative du WWF. wwf.panda.org/discover/notre_focus/wildlife_practice/wildlife_ trade/wildlife_crime_initiative
71 wwf.panda.org/discover/our_focus/wildlife_practice/wildlife_trade/wildlife_crime_initiative
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