Le numero sept

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• Dans la peau d’un transsexuel • Un thé avec Aaron

• Portfolio : descente dans les catacombes

Reportage

Les jeunes cubains



Une pub à la con… 
 Par Alexandre Marchand, rédacteur en chef

Editorial

Une loi devrait être faite pour interdire le mois de janvier ! L’année commence toujours avec quelques kilos supplémentaires, un portemonnaie allégé (la faute à la crise…) et les cadeaux de grand-maman qui vont aller droit au fond d’un placard. Et en plus il fait froid. Et les gens sont malades. Et les bonnes résolutions sont impossibles à tenir. Non décidément le mois de janvier ce n’est vraiment pas un bon plan ! Heureusement LINTERVIEW.fr est là pour mettre un peu de chaleur dans cette morosité ambiante. Pour cette quinzaine, le chef vous propose son cocktail de rhum saupoudré de reaggaeton et d’un soupçon d’ambiance « caliente ». Montez dans mon sac à dos, partez à la rencontre des jeunes cubains. Comment vit-on à 20 ans dans un des derniers pays socialistes du monde ? Quels rêves a-t-on ? Comment voit-on le monde ? Poussé par le goût de l’aventure et la curiosité, j’ai ainsi sillonné Cuba pendant un mois. Hors des sentiers battus, bien au-delà de la carte postale présentée aux touristes. L’écart entre nos deux mondes et le système mis en place par la dictature n’a pourtant pas rendu la chose toujours aisée. Mais l’expérience fut inoubliable et extrêmement enrichissante, tordant le cou à de nombreuses idées reçues. Vous marchez dans une rue défoncée et mal éclairée, vous transpirez abondamment, la musique est partout…bienvenue à Cuba ! De l’autre bout du monde au coin de la rue, nous nous efforçons de vous proposer une information différente, « l’info autrement ». Et cette « info autrement », vous pouvez y participer ! Vous aussi voulez venir vous geler durant une descente de nuit dans les catacombes ? Prendre le thé avec Aaron pour vous réchauffer ? Découvrir avec un transsexuel comment est-ce qu’on change de sexe ? LINTERVIEW.fr n’est pas (que) un club fermé de masos un peu givrés qui n’ont rien d’autre à faire dans leur vie. Ce magazine est une tribune unique pour se faire plaisir et publier ses écrits. La jeunesse a un potentiel énorme, des expériences à faire partager, des choses à dire. Malheureusement personne n’est là pour lui donner la parole. C’est bien là la raison de l’existence de ce magazine. Que ce soit pour intégrer l’équipe ou nous proposer un reportage, n’hésitez donc pas à nous contacter ! Tiens je devrais me reconvertir, j’ai l’air d’être doué pour les pubs à la con… redaction@linterview.fr


Sommaire La Une Les jeunes cubains

Rencontre Dans la peau d’un transsexuel 8

Culture Est Société Un thé avec Aaron
 Portfolio Descente dans les catacombes p12

Série spéciale Blogueurs Ron l’infirmier
 Etudiant du monde Severin Brodersen Lancez-vous ! Côme de Percin p37

Journal LINTERVIEW.fr / 32 rue de Montholon 75009 Paris / redaction@linterview.fr / 06-65-35-56-99 Fondateur, directeur de la rédaction : Louis Villers / Directeur de publication : Jean Massiet / Rédacteur en chef : Alexandre Marchand. Rédactrice en chef de « Culture Est Société » Alice Beauquesne Journalistes : Nadège Abadie (Photographies)/Nicolas Combalbert/Basile Scache/William Buzzy/Baptiste Gapenne/Alan Kaval/Vanessa Ferrere/Margaux Bergey/Caroline Gorge/Maria Martin Guitierez/Raphael Miossec/ Mise en page : L.V. Association LINTERVIEW.fr : Siège social : 32 rue de Montholon, 75009 Paris. Président : Louis Villers / Vice Président : Jean Massiet / Responsable financier : Alexandre Chavotier / Secrétaire : Alexandre Marchand


Les jeunes cubains A la rencontre de la jeunesse d’un des derniers pays socialistes du monde. Par Alexandre Marchand


« Ouah putain tu me plais trop, j’adore ton cul !» 
 Texte et photos : Alexandre Marchand

lance Aldo à une jeune fille déguisée qui vient de le dépasser sur ce trottoir noir de monde. « De quelle violence va être la baffe qu’il va se prendre ?» est la première pensée qui me vient à l’esprit. Eh bien non ! A ma grande surprise, l’inconnue se retourne vers mon ami et, après l’avoir jaugé, lui balance un « Mouais, t’es pas mal non plus mais je suis pressée là donc ça sera pour une autre fois ! » avant de monter dans un bus scolaire américain des années 50 rongé par la rouille. Mais dans quel pays de fous suis-je donc ? Un bref regard aux alentours me fait penser à une ville en temps de guerre avec ses maisons en ruines et ses axes mal éclairés. La rue, détrempée par l’averse de fin d’après-midi de rigueur en cette saison des pluies, est pleine de monde à l’occasion du carnaval de la ville. Sur les routes défoncées circulent tant bien que mal des Chevrolet et autres Buick âgées d’un demi-siècle. Bienvenue à Cuba, pays du marxisme tropical, et plus précisément à La Havane, en cet an 49 de la Révolution ! Pendant un mois je suis parti à la rencontre de la jeunesse d’un des derniers pays socialistes du monde : ils s’appellent Raico, Rebecca, Gaelido ou encore Ernesto, ils habitent La Havane, Matanzas ou Baracoa, ils sont jeunes, ils sont cubains.


Mon premier contact fut avec deux demi-frères, Aldo et Aniel, rencontrés sur le Malecón (le front de mer) de la Havane. Polo Lacoste pour Aldo, casquette Von Dutch pour Aniel et jeans slims pour tous les deux, ce n’est pas tout à fait l’idée que je me faisais de la tenue de la jeunesse dans un pays sous-développé, pardon ! « en développement ». Rajoute une Popular à la bouche, ces clopes cubaines à 20 centimes d’euros le paquet qui feraient presque passer des roulées pour des Marlboro Light, et tu obtiens le jeune Cubain de base. Dans l’ensemble les Cubains sont donc plutôt bien habillés alors qu’ils ne nagent pas dans l’opulence. Cuba doit même être l’un des seuls pays au monde à chercher à enfoncer ses habitants dans la pauvreté, le système monétaire semble en être le parfait exemple. Deux monnaies coexistent à Cuba : le peso cubain et le peso convertible (CUC). Cette dernière existe depuis l’interdiction du dollar américain sur l’île en 1997 auquel elle a pour but de se substituer, aboutissant ainsi à un système plutôt compliqué : 1 $= 1 CUC = 24 pesos cubains. Cela manquerait de piquant si la bureaucratie cubaine faisait dans la facilité! Les Cubains sont donc payés en pesos cubains (comprendre des clopinettes) alors que certains biens (notamment les vêtements) ne sont accessibles qu’en CUC. Cela nécessite donc de changer son argent, l’Etat, ô joies et délices du socialisme, prélevant au passage une commission. Les jeunes reçoivent généralement entre 10 à 16 CUC [environ 7 à 12 euros] par mois. Ainsi, Liliane,

« Les jeunes reçoivent généralement entre 10 à 16 CUC [environ 7 à 12 euros] par mois »

Baracoa


étudiante en économie à Baracoa, une ville à l’extrémité sud-est de l’île, me confie « gagner 11 pesos cubains [environ 25 centimes d’euros] pour une journée de 8 heures ». Les journées de travail peuvent même aller jusqu’à 36 heures non-stop. Il suffit pourtant d’aller à n’importe quelle fête pour s’apercevoir que les jeunes portent des vêtements bien plus chers que ce qu’ils pourraient s’offrir normalement. Nous sommes en fin de semaine sur la Plaza Juvenil, un lieu de rassemblement étudiant situé dans la partie ouest de la ville de Santiago de Cuba (tout au sud du pays). Ici jeans slims cohabitent avec pantalons amples et maillots de basket portés façon rappeur américain, le tout baigné dans les vapeurs d’un rhum (la boisson nationale) bon marché et les effluves de sueur. On est loin très loin de vieilles guenilles: grosses ceintures, jeans Diesel, polos barrés d’un sigle Von Dutch plus que visible... A côté de ça c’est plutôt moi, barbu hirsute aux cheveux longs, Européen transpirant en bermuda et tongs, qui fait un peu tâche. Leur secret ? Là les jeunes doivent se montrer plutôt imaginatifs : « Nos salaires sont insuffisants pour qu’on puisse se payer un vêtement. Alors nous nous organisons à plusieurs et mettons chacun une partie de notre salaire de côté pendant un certain temps. Au bout d’un moment, la somme mise en commun permet de nous payer un T-shirt ou un jean. Je le porte pendant 6 mois ensuite je le file au suivant et ainsi de suite » m’explique Aldo. Ce système de « colectividad » est assez répandu mais tout le monde ne le pratique pas. Ce n’est pas le cas de Raico, un étudiant en communication de 19 ans: son oncle, diplomate en Allemagne, envoie de l’argent à sa famille et leur ramène des vêtements lors de ses voyages à Cuba. Cela lui permet de porter autre chose que la contrefaçon des marques américaines vendue sur le territoire. Comme cet habitant de Santiago, de nombreuses familles reposent financièrement sur leurs proches exilés à l’étranger. D’ailleurs, sans l’aide de cette diaspora, l’économie du pays s’effondrerait. La vie de tous les jours est cependant loin d’être facile. Entre les faibles salaires et les impôts écrasants de l’Etat, les deux bouts sont souvent difficiles à joindre. Avoir Internet chez soi nécessite par exemple de payer une taxe mensuelle de 60 CUC et pour quel résultat ! Fourni par la Chine, le Net, en plus d’être censuré, fonctionne extrêmement lentement. « Il faut trois heures pour regarder une vidéo de trois minutes. L’autre solution c’est de lancer le chargement avant d’aller se coucher et de regarder la vidéo le lendemain » me dit Marcus, un violoniste de 18 ans rencontré à Santiago. « Mais je te raconte pas la facture de téléphone après ! » ajoute son pote Reidel dans un éclat de rire. Malgré cette précarité, les Cubains respirent la joie de vivre et possèdent indéniablement le sens de la fête. La moindre sortie en boîte coûte une poignée de pesos convertibles qu’ils ne peuvent s’offrir qu’en de rares occasions. Alors on profite des plaisirs gratuits. A Matanzas, ville située à une centaine de kilomètres à l’est de La Havane, deux Cubaines me proposent des les accompagner à une fête. Je découvre avec surprise une grande esplanade de terre au bord de la mer où sont installées de grandes enceintes. Ce genre d’évènement dans un lieu public est pratique courante : les Cubains y viennent pour se déhancher sur la musique, mater, picoler un peu, discuter. Le rythme leur colle à la peau, il suffit d’apercevoir ce petit garçon de 5


ans se trémousser sur la place du Capitole à La Havane pour s’en persuader. Bizarrement, rien de mieux qu’un bon morceau d’électro ou de house pour refroidir l’ambiance et pour que tu te retrouves à danser seul, complètement seul. Au placard le son et autre salsa, musiques typiquement cubaines, tout ça c’est pour les vieux ! Preuve éclatante un samedi soir à Santa Clara : tandis que les parents et grands-parents sont en train de danser la salsa au son d’un groupe de rue, les enfants sont attablés au bar en face à siroter une bière ou occupés à jouer aux dominos à la lumière de l’unique lampadaire de la rue. Ici si tu veux faire jeune et branché, tu écoutes du reggaeton, cette rencontre hispanique entre le hip-hop et le reggae née au Panama dans les années 1970. Impossible d’échapper à cette musique, autant elle est très peu connue en Europe, autant à Cuba elle est partout. Qu’un tube soit diffusé à la radio ou la télé et tous les jeunes se mettent à le chanter en coeur. Ils ne rechignent pas pour autant, comme pour cette bande de potes posée sur la grande place de Santiago à l’occasion de l’anniversaire de l’une d’entre eux, à sortir la guitare acoustique et à pousser tous ensemble la chansonnette sur un boléro, sorte de ballade à la cubaine. La musique occidentale, et avant tout américaine, a beaucoup moins de pénétration ici.

La Havane

Cuba. L’Europe. Deux mondes, deux civilisations, deux modes de vies différents. « Lorsque tu rencontres une fille en Europe tu peux prendre un verre avec elle au bout d’une semaine. Après tu ne la vois plus pendant un mois parce qu’elle a du travail, puis tu reprends un verre avec elle…A ce rythme-là ce n’est même pas sûr que tu la sauteras dans l’année ! » observe Jorje, ancien champion d’échec dans son adolescence et donc un des rares Cubains que j’ai rencontré qui ait eu l’opportunité de voyager. Même si cette remarque est « un brin » caricaturale, elle n’en traduit pas moins l’écart entre nos deux mondes. Alors que la frigide société européenne pousse à garder ses pensées pour soi, ici les Cubains sifflent tout ce qui a des formes, matent ouvertement, s’interpellent à grands cris de « mi vida ! mi amor ! ». Cela donne parfois des scènes assez drôles comme ce vieux vendeur de pizzas sifflant une adolescente qui traverse la rue ou cet homme d’une soixantaine d’années pétant un câble en plein milieu d’un square à cause de la main un peu baladeuse d’une femme. La société cubaine transpire le sexe, les mœurs y sont beaucoup plus libérées. On vit ici au jour le jour en essayant d’éviter de penser de quoi demain sera


Baracoa


fait. Les jeunes sont loin, très loin d’être en reste. Ici dès l’âge de 12 ans toutes les filles portent des minijupes tandis que les garçons un peu plus vieux ne manquent pas une occasion de vanter leurs performances sexuelles. Après m’avoir présenté sa première petite copine, Raico m’emmène voir la seconde (non officielle celle-là) à l’autre bout de Santiago. Alan, son frère, un peintre de 20 ans, nous reçoit. En l’absence de la sœur s’engage avec ce dernier une conversation que j’ai du mal à suivre en raison de l’heure avancée de la nuit et du regard bizarre que le grand autoportrait de l’artiste accroché au mur en face me lance. Il faut dire qu’un cerveau ramolli par les vapeurs de rhum n’arrange rien ! Au bout d’un moment, les deux Cubains commencent à vanter leurs prouesses et à fantasmer sur les Européennes. Ils ne rêvent que de partir pour ce continent, que ce soit pour y travailler, comme dans le cas de Raico, ou pour y trouver la femme de ses rêves pour Alan. 1m80, yeux gris, cheveux blond clair, poitrine conséquente : mesdames l’avis de recherche est lancé ! De manière générale, tous les jeunes veulent partir. En raison de procédures administratives extrêmement lourdes et du coût des transports, voyager sous la Révolution cubaine relève de la gageure. A l’instar de Rebecca, cette étudiante en hydraulique à qui j’ai demandé où elle partirait si elle en avait les moyens, ils répondent qu’ils « aimerai[ent] voyager en Europe, notamment en France, en Allemagne et en Italie ». Voyager est un rêve que seule une poignée de chanceux réalise. Un moyen, parmi d’autres, de pouvoir quitter le pays est de se marier avec un étranger. Serait-ce pour cela que Yohean, ce danseur rencontré dans un bus, semble filer le parfait amour avec une touriste danoise bien plus âgée que lui ? Nooon, je n’oserais pas être mauvaise langue… Et quand on ne peut pas voyager, on se rabat sur la télévision pour s’ouvrir sur le monde. Les jeunes Cubains m’ont une fois de plus confirmé que le foot est une religion mondiale (et accessoirement fourni un super moyen d’engager une conversation). Les déroulements du Calcio, de la Bundesliga et de la Premiership n’ont plus aucun secret pour eux grâce à une chaîne nationale entièrement dédiée au sport. Ils n’hésitent cependant pas à aller tâter du ballon et à m’inviter à les joindre dans leur partie que ce soit en plein milieu de barres HLM ou dans cinq centimètres d’eau, torses nus sous la pluie diluvienne, sur un terrain vague de La Havane. Le baseball également suscite une véritable ferveur nationale, l’équipe de Cuba étant l’une des trois meilleures mondiales. Lors des derniers Jeux Olympiques, toute la population est restée scotchée à son écran jusqu’à trois heures du matin pour regarder l’équipe nationale mettre une raclée à l’ennemi de toujours, les Etats-Unis. Les Etats-Unis, la politique, parlons-en tiens ! Evidemment difficile d’aborder le sujet dans un

pays qui reste quand même l’une des dernières dictatures du monde, d’autant plus que les contacts entre touristes et habitants sont vus d’un assez mauvais œil par le régime. Plusieurs fois des amis cubains, dont le seul crime était de discuter avec moi, se sont fait interpeller par la police pour un contrôle d’identité. Rien de mieux pour refroidir l’ambiance même s’ils prennent généralement cela avec humour ! Il a fallu attendre que je me sois familiarisé avec le système et gagne la confiance de certains amis pour qu’ils osent parler librement. Sans oublier cependant de lancer un regard aux alentours avant de me répondre. « Ce que j’aime chez Fidel c’est le personnage mais pas le communisme. D’une manière générale les jeunes veulent le capitalisme tandis que les vieux restent attachés au communisme » est généralement la réponse à laquelle j’ai eu droit. Bien malgré eux, ces jeunes ne peuvent que constater la faillite de leur système face au reste du monde. Concéder cet échec leur laisse un goût assez amer dans ce pays où l’orgueil national est très fort. Une pointe de regret perce d’ailleurs toujours dans leur voix lorsqu’ils en parlent. Cela donne des situations assez singulières où un ami, juste après m’avoir démontré la nécessité d’une ouverture du régime au capitalisme, me confie que les deux philosophes qui l’inspirent le plus sont…Marx et Lénine ! Malgré une propagande

« Bien malgré eux, ces jeunes ne peuvent que constater la faillite de leur système face au reste du monde »


omniprésente qui tourne parfois à la caricature, les jeunes arrivent cependant à garder un certain esprit critique vis-à-vis de la politique menée par les gouvernants depuis un demi-siècle. En revanche, tous admirent Fidel en tant qu’homme. Réussir à prendre le pouvoir avec une guérilla d’une grosse vingtaine d’hommes au début de la lutte dans la Sierra Maestra face une armée de Batista qui comptait plusieurs centaines de milliers d’hommes est un exploit qui ne peut que forcer le respect ! Sur le Lider Máximo, les Cubains savent tout ou presque : ses goûts, ses aventures, ses lectures…. Curieusement son image est très rare, même si les slogans à sa gloire ne manquent pas sur les murs. Pareil pour son frère Raul, l’actuel dirigeant du pays. Fidel le charismatique, Raul le technocrate. Ce dernier ne fascine pas les foules autant que son aîné, les Cubains le perçoivent généralement comme un personnage froid et lointain dont ils n’attendent pas grand-chose. En revanche, l’homme qui, avec Raoul Castro, a fait évoluer le régime vers le communisme est partout : sur les murs, sur les panneaux de propagande, dans les maisons, sur les T-shirts, sur les phares des voitures et même sur des balles de base-ball ! Impossible de voyager à Cuba sans tomber sur l’effigie de cet homme tirée de la fameuse photo d’Alberto Korda. Et non le héros de la Révolution n’est pas un Castro, ni même un Cubain ! C’est un médecin argentin du

Santiago de Cuba
 nom d’Ernesto Guevara, surnommé le « Che » en raison de cette interjection typiquement argentine dont il ponctuait ses phrases. « El Commandante » est l’objet d’un véritable culte dans le pays. Pourquoi ? « On ne sait pas trop, ça a toujours été comme ça ». Archétype du révolutionnaire romantique, il est vénéré (à raison) par tous les Cubains. Les jeunes ont appris à lire à l’école avec ses écrits et connaissent l’histoire de sa vie dans le moindre détail. Même s’ils ne partagent forcément pas ses idées politiques, ils éprouvent un immense respect envers cet homme sans compromis, ayant lutté toute sa vie contre la pauvreté et mort pour ses idées au fin fond de la jungle bolivienne. Le régime a depuis longtemps compris le parti à tirer de l’image du bras droit de Castro et ne se prive pas de l’utiliser. Et après alors ? Alors que cette question ne cesse de tarauder l’étranger, les Cubains semblent se préoccuper assez peu de la suite de l’histoire. Désabusés, aucun d’entre eux ne croit à une transition rapide vers la démocratie et l’économie de marché. Tous ignorent ce qu’il se passera à la mort des Castro, la seule certitude pour eux est que s’enclenchera un processus qui prendra « de quelques années à plusieurs décennies ». Ils


reconnaissent cependant que, depuis des années, toutes les évolutions du régime ont été faites en faveur du capitalisme. « De toute façon, pour moi, le capitalisme et le communisme c’est la même chose : dans les deux je n’ai pas d’argent ! » se lamente Neri, un vieil homme au T-shirt jauni, en partageant son rhum avec moi. Curieusement, je n’ai retrouvé cette amertume chez aucun jeune Cubain. Malgré un régime archaïque, des libertés restreintes, une vie quotidienne loin d’être facile, des perspectives d’avenir peu réjouissantes, ces jeunes possèdent une force et une joie de vivre incroyables. Ils acceptent leur situation avec philosophie, parfois avec humour aussi. Jamais un signe de découragement. Je ne peux m’empêcher d’écrire ces lignes avec un sourire aux lèvres, de repenser à tous ces moments à refaire le monde avec eux sur un banc public ou au bord de la mer, aux rires et aux expériences que j’aurais partagé avec eux. Ils m’auront énormément apporté. A travers moi, ils ont pu rêver, voyager, découvrir des pays dans lesquels ils n’iront peut-être jamais. Une raison de plus pour eux de renforcer leur optimisme et leur indéboulonnable confiance dans l’avenir : « avant il y avait deux chaînes de télévision. Maintenant il y en a quatre, peut-être que quand tu reviendras il y en aura six ! ». Sourire aux lèvres, Raico m’a donné le mot de la fin…

« Ces jeunes possèdent une force et une joie de vivre incroyables » Santa Clara


Stefan Franke 


Dans la peau d’un transsexuel LINTERVIEW.fr : Peux-tu te présenter ? Corwin : Je m’appelle Corwin, j’ai 21 ans. Je suis en recherche d'emploi après avoir fini mes études de cinéma en juin dernier. Et je suis transsexuel. LITW : En étant transsexuel, te définis-tu comme un homme ou une femme ? Corwin : On dit « transsexuel » mais je préfère parler de « trans identité » car cela n’a rien à voir avec le sexe. Ce n’est pas une sexualité. Beaucoup pensent que c’est une sexualité comme il y a l’homosexualité, l’hétérosexualité, la bisexualité… C’est au niveau de l’identité, du genre. Tu as un sexe biologique qui est soit mâle, soit femelle, soit intersexe ! Après, le genre c’est ce que toi tu es à l’intérieur. Les trans’ ce sont des gens qui, intérieurement, ne sont pas en harmonie avec leur biologie. C'est-à-dire que moi je suis né femelle mais, à l’intérieur, je me sens plus homme. Mais là il peut vraiment y avoir de tout en matière de ressenti. LITW : Est-ce qu’on devient trans’ par choix ou est-ce vraiment quelque chose de plus profond ? Corwin : C’est tellement compliqué d’être trans’ que ça ne peut pas être un choix. Le choix c’est de commencer la transition. Effectivement tu as toujours le choix de rester mal dans ta peau toute ta vie. Sinon tu fais ta transition. Tu te prends en main en acceptant les inconvénients aussi. On ne "devient" pas trans, on l'"est". LITW : A quel moment t’es-tu dit « j’aimerais changer de corps » ? Est-ce que ça a été brutal ou une idée qui s’est imposée progressivement ? Corwin : Il y a plusieurs étapes dans la prise de conscience. C’est à la puberté, au moment des changements du corps, que là j’ai senti un mal-être. Je sentais que ce n’était pas moi, qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Je n’arrivais pas à mettre le mot dessus. Quand j’étais en primaire, je jouais surtout avec des garçons mais aussi des filles. Je ne veux surtout pas rentrer dans le cliché de « je jouais aux petites voitures donc je suis un garçon ». A ce moment-là ça ne posait

« On ne "devient" pas trans, on l'"est" »


« Dans l’imaginaire collectif, trans’ c’est « femme à bite », « pute » et tout le folklore. Au début je ne pouvais pas supporter le mot »

Philipp Linstädter

pas problème puisque tout le monde était pareil. C’est au moment de la puberté que j’ai senti que ça n’allait pas. Mais je ne mettais pas le mot trans’ dessus car, simplement, je ne le connaissais pas. J’ai longtemps porté des œillères là-dessus. J’ai toujours pensé que le problème venait de la tête et pas du corps. Je me suis toujours dit « c’est ma tête qui n’arrive pas à s’adapter à mon corps » et pas l’inverse. C’est en 2007 où, en discutant avec une amie, elle m’a demandé de dire, membre par membre, ce que je n’aimais pas chez moi et comment j’aimerais être. Je l’ai fait. Et elle m’a répondu à la fin : « tout ce que tu m’as décrit que tu n’aimes pas c’est ce qui est typiquement féminin et ce que tu me décris c’est un corps de mec. Si tu es si mal dans ton corps fais-toi opérer ! ». C’était dit comme ça et j’ai cru qu’elle se foutait de ma gueule. Mais en fait, plus ça allait et plus j’y réfléchissais, je me suis informé sur la question trans’ et j’ai mis un mot sur ma condition. LITW : Changer de corps, est-ce une étape difficile à franchir ou, au contraire, un soulagement ? Corwin : Comme toute étape importante dans ta vie, c’est difficile mais c’est aussi un soulagement. J’ai dit à mes parents que j’étais trans’ en août 2007. Je l’ai également annoncé à mes amis sur MSN car je ne pouvais pas leur dire en face. A


partir de là j’ai pris rendez-vous chez le psy, c’est obligatoire. J’ai commencé un traitement hormonal en décembre et ai fait, en novembre dernier, la mammectomie, l’ablation des seins, qui est en fait une torsoplastie car le chirurgien reconstruit un torse d'aspect masculin. Personnellement je n’ai pas eu de doutes au moment de l’opération. J’avais hâte. Une fois que c’est arrivé j’étais content d’avoir mal, d’être dans les vapes. Parce que je savais que c’était fait. Maintenant c’est un soulagement, c’est clair. Le plus dur c’est au moment où j’ai dû accepter le fait que j’étais trans’. Dans l’imaginaire collectif, trans’ c’est « femme à bite », « pute » et tout le folklore. Au début je ne pouvais pas supporter le mot. Je me disais que j’étais un monstre. Que je n’étais pas normal. A partir du moment où j’ai assumé que j’étais trans’, et dépassé les clichés péjoratifs véhiculés ce n’était pas si difficile. Ce qui est difficile c’est d’accepter le regard des autres et ce même maintenant. LITW : Comment commence-t-on à changer de corps ? Corwin : Tu prends des hormones. Dans mon cas, j’ai donc pris de la testostérone. Ca fait muer. Ca développe la musculature. Ca répartit la graisse autrement donc perte des hanches, ça part dans le bide! La pilosité augmente. L’ossature du visage change. Tu prends la testostérone par injection intramusculaire environ tous les 21 jours, à vie. Une fois que tu n’as plus d’ovaires, tu n’as plus d’hormones femelles. Donc il faut bien un apport pour vivre en bonne santé… LITW : Et après vient le temps de la chirurgie. A quel stade en es-tu toi ? Corwin : Je précise quand même qu'il n'y a pas « d'ordre » à respecter, certains font les opérations avant les hormones ou sans se faire hormoner tout court. Moi j’ai fait l’opération du torse. L’imaginaire voudrait que j’aille plus loin. La première question que l’on te pose quand on sait que tu es trans’ est : « Alors tu as une bite ? Tu vas t’en faire greffer une ? ». Pour ma part c'est non. Il faut savoir que pour la phalloplastie, c’est une greffe à partir du bras. Tu peux pisser avec et pénétrer, mais les érections sont mécaniques, à l'aide de tiges érectiles. Mais tu ne peux pas éjaculer évidemment, tu es stérile. C’est une opération hyper-lourde, hyper-dangereuse et pour des résultats pas toujours concluants. Il n’y a pas beaucoup de Female To Male (FTM) qui la font en réalité. Et généralement, ceux qui la font vont à l'étranger parce qu'en France, c'est pas encore ça… LITW : La femme avec un pénis, c’est donc un cliché ? Corwin : On s’imagine que t’es un homme donc tu veux une bite. Quand tu es FTM, tu prends conscience que "la bite ne fait pas l'homme". Notre anatomie est différente de l'idée que les gens se font d'un "sexe masculin", on n'en est pas moins des hommes, si on se considère ainsi. A partir d’un moment, tu ne fais plus l’association phallus/homme. Avant les opérations du sexe tu as quand même l’hystérectomie, donc l’ablation de l’utérus et/ou des ovaires. Moi je ne l’ai pas encore fait mais c'est un passage obligé pour changer d'état civil, car il faut être stérile. LITW : Quand tu es transsexuel, tu peux changer d’état


Freyja schimkus

« La première question que l’on te pose quand on sait que tu es trans’ est : « Alors tu as une bite ? Tu vas t’en faire greffer une ? ». Pour ma part c'est non.

civil ? Corwin : Oui. Il y a beaucoup plus de trans’ qu’on ne le croit ! Pour le changement d’état civil il faut évidemment se présenter dans ton genre assigné et justifier de ce changement. Il faut donc avoir fait les opérations. A ma connaissance, une trans’ Male To Female (MTF) est obligée d’avoir fait la vaginoplastie, c’est-à-dire l’ablation du pénis et la reconstruction d’un vagin, pour pouvoir changer d’état civil. Pour les FTM ils ne demandent pas ça car la phalloplastie en France n’est pas assez développée. Et heureusement d’ailleurs car sinon je pense que peu changeraient d’état civil ! Il faut être stérile donc avoir subi une ablation de l’utérus ou des ovaires. Toutefois, il faut savoir qu’avec les hormones les organes génitaux se détériorent. L'utérus s'atrophie, les ovaires s'enkystent. C'est dangereux de les garder. Il vaut donc mieux faire cette opération de toute façon. LITW : Alors ça fait quoi de passer d’un corps de femme à celui d’homme ? On remarque des avantages/inconvénients ? Corwin : Au début du traitement, tu guettes les changements. Je guettais surtout la voix. Le matin tu te lèves, ta voix est toute pétée, le soir ça a baissé d'un cran. Ca descend par paliers en fait, comme toi au moment de ta puberté. Tu découvres que tu as des poils à des endroits où tu n’en avais pas avant. Pour le torse… De toute façon, on se « binde » [ndlr : compresse] la poitrine avec un T-shirt compressif. Donc avant l'opération, je n’avais déjà plus les réflexes qu’on peut avoir quand on a une poitrine. Ca peut faire bizarre après l'opé, les repaires


changent : On peut se balader torse nu, descendre les marches sans se tenir les seins, s’allonger complètement sur le ventre. Il y a pas mal de petits trucs marrants comme cela. Bon comme avec le « binder » j’étais plat je n’ai pas trop ressenti tout cela. Les changements ce n’est pas tellement étonnant dans la mesure où on y est préparé. On ne commence pas une transition sans s’être informé avant, sur les forums notamment. Comme on les vit, on voit beaucoup moins les changements que les autres. LITW : Est-ce qu’il reste encore en toi une part de féminité ? Corwin : Bien sûr ! Au début ce dont j’avais besoin c’est d’être reconnu comme appartenant au genre masculin. Je me définis du genre masculin. J’ai besoin qu’on me dise « monsieur » et pas « madame ». Au début, avant le traitement hormonal, ta voix ne passe pas et tu as un physique soit androgyne, parce que tu arrives déjà un peu à te masculiniser, soit totalement de fille. Quand on te dit « mademoiselle » tout le temps, tu peux finir par te braquer. Il y a un moment où chez certains la féminité est complètement écrasée pour laisser place à une sorte de caricature de "mec", qui marche les jambes écartées, qui crache etc. Des petits détails qui font que les gens se diront plus facilement peut-être : « c’est un mec ». C’est con mais ça peut marcher pour certaines personnes. Après une fois que tu es hormoné, que les gens te disent « monsieur », ta partie féminine peut plus s’extérioriser parce qu'enfin tu es considéré comme appartenant au bon genre…

Freyja schimkus

« La bite ne fait pas l'homme »


LITW : Est-ce que le regard des autres est pénible ? Corwin : Pour moi, oui. Mais moi j’ai eu de la chance pour mon entourage proche. Cela s’est passé l’année dernière alors que j’étais en troisième année d’assistant réalisation. Nous devions faire un film. A la rentrée, j’avais pondu un scénario sur la transidentité. Le film s’appelait « Coming-out » et avait pour but d’informer les gens de mon bahut. Cela s’est fait petit à petit car j’étais avec des gens qui m’avaient connu l’année d’avant. J’ai vraiment la chance d’être dans une école d’art pour cela car tout le monde l’a bien pris. Ils ont parfois eu du mal à passer au masculin mais ils me connaissaient depuis deux ou trois ans donc c’est normal. Là où c’est pénible c’est les gens aux guichets, à la Sécu ou autre, qui m’appellent « mademoiselle ». Alors quand tu as hormoné, tu te dis : « putain s’ils me disent madame c'est vraiment qu’ils me prennent pour une fille qui ressemble à rien ! » LITW : Comment ta famille a vécu cela ? Corwin : Pour la famille, cela a été plus compliqué que pour mes amis. Cela s’est fait avec le temps et avec un forum pour parents et proches. Ils y sont allés et cela les a vachement aidé à comprendre, à s’adapter. Au début…c’est juste la première fois que j’ai vu ma mère pleurer ! Ils ont commencé par me dire qu’ils ne me jetteraient pas à la porte, que j’étais toujours leur enfant. J’avais un peu tâté le terrain avant. Ma mère pensait que j’allais leur dire que j’étais gay. Je leur ai d’abord expliqué par lettre. J’étais chez eux mais ne voulais pas leur en parler directement. J’ai filé une lettre à ma mère et lui ai demandé qu’ils la lisent le soir. Après on a discuté. C’était très dur pour eux mais ma famille m’a accepté, ils m’appellent par mon prénom masculin et me considèrent comme leur fils, leur frère…. Ils l’annoncent petit à petit au reste de la famille et pour l’instant cela se passe bien. LITW : Comment envisage-t-on sa vie sexuelle quand on est trans’ ? Corwin : Un des effets de la testostérone est que la libido change car les mecs ont quand même généralement une libido beaucoup plus importante que les filles. Pour nous, les FTM, ça augmente. Ca diminue chez les MTF. La vie sexuelle c’est clair qu’on y pense car on n’a pas un corps banal. Tu te dis : « comment ça va se passer avec mes copines ou mes copains ? ». Ce n’est pas toujours évident. Après, chacun a sa propre sexualité. Sans vouloir généraliser, le monde gay est parfois moins accessible car peut être assez phallocentrique, donc les FTM gays peuvent en souffrir davantage. Mais bon il y a aussi des hétéros, femmes ou hommes, qui n'envisagent pas la sexualité sans pénétration. Il n'y a pas de règles générales, ça dépend de chacun selon son ressenti, selon le partenaire aussi. Propos recueillis par Alexandre Marchand Merci à l’association LE MAG (http://www.mag-paris.fr) d’avoir permis cette rencontre possible Le blog de Corwin : http://flighttomammec.canalblog.com/

« Là où c’est pénible c’est les gens aux guichets, à la Sécu ou autre, qui m’appellent « mademoiselle » »


Katja Kemnitz 


Culture Est Société

Un thé avec Aaron

Rue Navarin « hôtel Amour » dans le 9ème arrondissement de Paris…Enfin arrivée à destination ! Que de péripéties pour atteindre le lieu de rendez-vous. Neige, oui !oui ! Neige, froid, bonnet, parapluie, course pour trouver la rue… Olivier qui baigne depuis pas mal de temps dans le monde la musique, Simon l’ancien comédien sont deux compères auteurs compositeurs de talent avec un univers musical bien à eux, à la fois si envoûtant et intime. Je suis allée pour nos petits curieux qui viennent se promener sur le site, à la rencontre de ces deux artistes très complices qui sont connu sous le nom du groupe « Aaron ». Dans un petit coin du restaurant nous sommes tous trois assis autour de thés et de cafés fumants, comme si je retrouvais des amis. Stylo, bloc notes, et poignet sportif l’interview peut commencer…. sous les sourires d’Olivier et de Simon…car je leur ai expliqué que mon bon vieux dictaphone m’avait lâché ce matin ! Par Vanessa Ferrere

LINTERVIEW.fr : Comment vous êtesvous rencontrés ? Olivier : Je travaillais avec Vanessa Filho, et c’est grâce à elle qu’on s’est découvert. La rencontre s’est faite il y a trois-quatre ans. On a commencé à écrire pour rire, rien de plus au départ. C’était vraiment pour s’amuser. En fait, j’ai beaucoup aimé le grain de voix de Simon. LITW : Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la musique ? Comment êtesvous tombé dedans ? Simon : Je n’ai jamais voulu faire de musique en réalité. Je ne me destinais pas du tout à ça. Olivier : Moi ça fait super longtemps que je baigne dans la musique. J’ai même fait dix ans de violon. La musique est une passion depuis toujours. LITW : J’imagine que vous devez avoir certaines influences musicales, des références qui vous guident ? Simon : Pas du tout. Nous écoutons de tout. De l’électro comme du


Mathilda Vives


classique. Olivier me fait découvrir certaines musiques et moi d’autres. On est assez complémentaires. Olivier : C’est que Simon écoutait beaucoup de sonorité nouvelles, assez futuristes, très électro. Moi, je cherche dans les textes d’avant. En ce moment je me plonge dans la musique d’avant-guerre. Je trouve ça drôle. Les sonorités sont amusantes, les sujets traités, les propos sont intéressants et différents de ce qu’on entend aujourd’hui. LITW : Et quand vous composez, écrivez, comment cela se passe-t-il ? Vous avez chacun un rôle ? Simon : Oh non ! Il n’y a aucune règle. Tout se fait à l’instinct. Parfois on se lance des défis, et on se met au piano pour voir se que l’on est capable de faire, et certaines musiques naissent comme ça. Nous faisons tout ensemble, on se complète… Et ils se mettent à sourire en même temps, faisant simultanément un milkshake de leurs différents sachets de thé dans la même théière, euh… un

« Les paroles viennent du quotidien, de choses qu’on a mal ou pas digérées »


drôle de mélange… Ca a l’air de les faire bien rire. On sent une belle complicité entre eux, quelque chose de fort. Ils ont l’air de bien faire la paire et de s’entendre à merveille sur scène comme à la vie. LITW : Lorsque vous avez composez l’album « Artificial Animals Riding On Neverland », comment vous y êtes-vous pris ? Quelles ont été vos sources d’inspirations ? Olivier : On a tout fait seuls : les musiques, les paroles. On l’a fait à deux. On voulait reproduire ce que l’on pensait, ressentait, vivait… ce qui se passait dans nos vies. Simon : Nous n’avions pas d’inspirations particulières. Simplement ce qui nous est arrivé dans nos vies. Les paroles viennent du quotidien, de choses qu’on a mal ou pas digérées. Des choses qu’il faut mettre sur papier, ou même des brides de phrases venues comme ça. LITW : Toutes ces choses justement vous les chantez le plus souvent en anglais sur l’album, pourquoi ce choix ?

Vanessa Filho Olivier : C’est venu naturellement. Il n’y a pas de barrière de langage. La langue est aussi un instrument de musique. Ce n’est pas qu’un langage, une façon de parler ou de se faire comprendre dans un pays. Et puis l’anglais est différent dans la fréquence vocale. On voulait une fusion entre la musique et les paroles. LITW : Les musiques, les paroles d’ailleurs nous plongent dans un univers très intimiste, une sorte de cocon parfois mélancolique, est-ce un choix ? Racontez-moi un peu cet univers musical. Simon : Ca fait partie de nous, c’est venu comme ça, on ne peut pas l’expliquer. Ce rythme suivait les textes, l’écriture. Nous ne nous sommes pas posés de questions. Et puis, il n’y a pas d’étiquette apposée aux chansons. Elles évoluent sur scène. Elles sont à chaque fois différentes. On les change tout le temps.


LITW : Il y a peut-être un titre parmi vos compositions qui vous touche plus qu’un autre ? Olivier : Quand tu es artiste, tu ne peux pas aimer une chanson plus qu’une autre. Elles viennent toutes de toi .Elles racontent quelque chose qui te concerne directement, qui t’as touché et te touche encore aujourd’hui. LITW : Sur l’album justement il y a une chanson moi qui me touche, c’est une reprise du nom de « Strange Fruit » (éclat de rire grâce à mon charmant accent ravageur), elle parle de pendaison c’est assez fort comme

thème non ? Olivier : Elle parle d’esclaves noirs qu’on pendait par les pieds à des arbres. Ce thème traite du refus de la différence. Aujourd’hui encore dans certains pays on brûle des gens parce qu’ils ont une sexualité différente. Simon : Cette chanson pourrait être un texte de loi. La différence aujourd’hui malheureusement fait toujours aussi peur ! LITW : J’espère que je n’ai pas trop refroidi l’ambiance en parlant de ce texte très prenant ! Car en tout cas la presse qualifie votre album de « chaleureusement pop »,


« d’atmosphère à la fois originale et étrange », comment le qualifieriez-vous ? Simon : C’est nous ! Ce sont plutôt les gens qui ont besoin de mettre des cases ou des qualificatifs. LITW : Au mois ça a le mérite d’être clair ! Quant à vos fans nombreux que j’ai rencontrés et à qui j’ai posé par curiosité la question, ils m’ont répondu que l’album était « envoûtant ». Quel type de relation entretenez-vous avec votre public ? Olivier : Ca fait super plaisir, ça nous touche énormément ! Ouah ! Merci ! En tout cas au niveau de notre relation avec le public, c’est toujours très fort ce qui se passe. Mais l’écoute est très différente selon les endroits où l’on se rend. En Belgique, le public va être super entreprenant. En Allemagne les gens sont très respectueux. C’est une grosse surprise claque à chaque fois. C’est fort ! Simon : Surtout quand les gens chantent avec toi, c’est prenant. On ne s’est jamais dit qu’on allait cartonner ! LITW : Il y a bien un petit souvenir qui vous ait marqué sur scène ? Olivier : Il n’y a que des bons souvenirs. Tout ce que tu vis sur scène est énorme. Tu t’en prends plein la gueule à chaque fois que tu montes, que ce soit dans une petite ou une grande salle. Les sensations sont différentes. De toute façon c’est l’ambiance, la ville, la région où tu te rends qui fait le charme quand tu chantes. Tu interprètes toujours différemment en fonction des publics à qui tu t’adresses. LITW : Alors je vous mets au défi de me raconter le moment où il y a eu un petit imprévu lors de votre montée sur scène ? Regards complices, attention, que vont-ils me dire comme bêtise… ils ont un air bien amusé et de très grands sourires rieurs… Simon : Je me rappelle d’un concert au Canada, où Olivier a loupé son intro au piano, tout était décalé. Il a été obligé de recommencer. Quant à moi, j’ai trébuché sur la scène (et là éclat de rire, rien ne les arrête !). Il n’y avait plus de lumière et j’ai perdu mon micro, tu vois le truc ! LITW : Cela devait être assez comique ! Ce ne doit pas être évident à gérer. Je ne doute pas que sur le moment ce n’est pas très rassurant! Tu étais dans le noir comme dans votre dernier clip, enfin presque. Car vous avez tournée le titre « Tunnel d’or », version symphonique en noir et blanc dans une ambiance cirque, alors que cette chanson parle d’amour ! Ollivier : Oui avec la collaboration de Vanessa Filho. On ne voulait pas enfermer notre chanson. On l’a joué plus dans le ressenti. La caméra pour ce clip n’est jamais coupée, elle tourne sans cesse. Il n’y a aucun montage. Puis c’était amusant de jouer avec cet univers du cirque, un peu décalé par rapport aux paroles.


« Le jour où je saurai pourquoi je descends, j’arrêterai de descendre »

Textes Caroline Gorge Photos Salinco Berclatombe

Vincent, 21 ans, photographe, cataphile passionné.

LINTERVIEW.fr : Bonjour Vincent, depuis quand fais-tu des descentes, quelle a été ta première expérience ? Vincent : J’ai 5 ans de pratique derrière moi, ma première fois j’ai accompagné un pote, pour lui faire plaisir, c’était son trip et je me suis dit pourquoi pas, une première descente un peu à l’arrache. Une fois posé dans la première salle, je me suis dit que c’était ce dont j’avais toujours rêvé depuis tout petit. Je m’éclatais dans les souterrains, à explorer les lieux. A ce moment-là j’ai réalisé qu’il y avait ce truc énorme sous nos pieds. LITW : Quelle est ta fréquence de descente ? Depuis 5 ans tu ne te lasses pas, que trouves-tu dans ces expéditions ? Vincent : Avant je descendais souvent, de 2 à 3 fois par semaine, aujourd’hui beaucoup moins, mais je suis toujours partant. Forcément la sensation que l’on ressent les premières fois n’est pas comparable à ce que je ressens aujourd’hui, l’inconnu, l’excitation, la découverte des catacombes est un quelque chose de terriblement addictif. Aujourd’hui les descentes sont davantage l’occasion de se retrouver entre potes, c’est devenue notre deuxième « chez nous », on s’y sent bien, on fait la fête. On y trouve un calme absolu, rien n’est oppressant, excepté pour les claustros bien sûr ! Un jour un ami m’a dit « le jour où je saurai pourquoi je descends, j’arrêterai de

descendre ». Pour moi c’est un peu pareil, c’est un besoin et un plaisir qui ne demande pas vraiment d’explications. Bien sûr il n’y a pas que les fêtes qui nous attirent vers les catas. Beaucoup d’artistes font de magnifiques fresques, ainsi que des sculptures. Les passionnés d’histoire aussi y trouvent leur bonheur. Depuis ma première descente je me suis passionné pour l’historique des catacombes, je me suis beaucoup documenté. LITW : Serais-tu capable justement, en direct, de nous retracer l’histoire des catacombes ? Vincent : Bien sûr ! Chaque descente est d’ailleurs l’occasion de transmettre son histoire ainsi que toutes les anecdotes rythmant la vie des cataphiles. Les premières galeries ont tout d’abord été creusées vers la fin de l’empire romain. C’était à l’époque des carrières de pierre pour construire le vieux Paris et ceci jusqu’à la Renaissance. Dans le nord de paris elles furent exploitées jusqu’au XIXème siècle. Puis la ville a pris de l’ampleur et les carrières commencèrent à s’effondrer. En 1776 il y eut de grands effondrements dans le 13e et le 14e, c’est pourquoi Louis XVI décida de créer « l’inspection générale des carrières » afin de faire un état des lieux et de les consolider. On nomme donc « catacombes » d’anciennes carrières de pierres, mais suite au débordement des cimetières, des cadavres furent placés dans ces carrières. Il s’agit donc en réalité


d’ossuaires et non de catacombes au sens propre du terme. Ces galeries firent en suite l’objet d’abris lors de la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi trois énormes bunkers furent construits, un pour le FFI (soit les résistants, ce bunker était d’ailleurs place Denfert-rochereau, d’où son nouveau nom, la place du colonel Roll Tanguy), un pour Laval (c’est à dire pour les collabos), et un pour les Allemands. Inutile de dire pourquoi ces galeries étaient sources de terreur dès que des personnes se rencontraient…Les catacombes furent également le lieu privilégié de toutes sortes de contrebandes. Dans les années 60’s-70’s, les étudiants du quartier latin commencèrent à s’y installer pour faire d’énormes fêtes alternatives, notamment dans la salle Z, sous la Mutualité. Des soirées dansantes mirent le jazz à l’honneur. Plus tard vint l’âge du punk. Puis l’idée d’explorer un peu plus les galeries, et non plus seulement ces salles « aménagées », émergea, c’est le début de la cataphilie. Les années 80 furent l’apogée de ces explorations, toutes les entrées étaient ouvertes. Un arrêté préfectoral de 1955 interdisant l’accès aux carrières sous peine d’amende a été remis au goût du jour pour empêcher qu’un espace de non-droit se constitue sous Paris. Malgré de nombreuses arrestations, la cataphilie n’a pas diminué.

LITW : Quels sont les risques associés aux visites des catacombes ? Y a-t-il des accidents ? Vincent : Le principal risque aujourd’hui, c’est la garde à vue et l’amende, j’en suis à 120 euros, soit deux amendes. Pour les anecdotes plus macabres, parlons de Philibert Aspair, un curieux à la recherche du trésor des Chartreux en 1793. Il n’est jamais ressorti de sa dernière exploration. Son corps a été retrouvé en 1804, il a été identifié grâce au trousseau de clés du Val de Grâce dont il était le portier. Aujourd’hui, les risques existent bien sûr : effondrements, piles en panne, etc. Mais il n’y a en moyenne qu’un accident par an, pour un réseau de 284 km, et des explorations quotidiennes, c’est peu. LITW : Y a-t-il des opérations communes ? Des devoirs en tant que cataphiles ? Vincent : Une fois par an environ nous organisons des « cataclean », pour un nettoyage intégral du réseau, on remonte généralement une centaine de sacs poubelles (canettes de bières, papiers, ordures etc..) LITW : Et des jours officiels sur le calendrier ? Vincent : Tout un programme. Le 22 novembre c’est l’anniversaire de Philibert. Le 2 novembre l’anniversaire de l’interdiction des catas. On fête souvent Halloween en sous-sol aussi, et enfin il y a les « tractofolies », une fête du tract. Il existe toute une culture du tract pour les cataphiles, les plus poètes ou créatifs d’entre nous vont dessiner des tracts qu’ils vont cacher dans les recoins des salles, ils font l’objet de collections.

« On y trouve un calme absolu, rien n’est oppressant, excepté pour les claustros bien sûr ! »


Bienvenue dans la salle dite du... château

Dans une atmosphère calme et décontractée, les cataphiles se feront un plaisir de vous guider


... une bougie...


Deuxième pause ! 10 minutes après la première

Une série photo en hommage aux artistes méconnus des carrières...


Un dĂŠcor digne des plus grands Indiana Jones.




Qu'es-ce qu'on t'a dit? Laisse papi tranquille! 


La salle minéralogique, ainsi appelée en raison de... non en fait je sais plus, mais c'était une très bonne raison en tout cas.


Orphelines d’une école de Dharavi, plus grand bidonville d’Asie. Photo : Louis Villers Reportage à paraître prochainement dans LINTERVIEW.fr

LINTERVIEW.fr vous souhaite une année de voyages et de rencontres


http:// Portraits de blogueurs Ce sont des gens normaux, pas des stars. Comme toi, comme moi, comme ta voisine de palier…Rien ne les auraient disposés à apparaître dans ce magazine si ce n’est cette drôle d’activité à laquelle ils se consacrent en marge de leurs activités traditionnelles : le blogging. Grâce à cela certains sont fait connaître du grand public du jour au lendemain, d’autres se sont découverts une vocation ou tandis que d’autres encore y ont trouvé une échappatoire à leur quotidien. LINTERVIEW.fr est donc allé à la rencontre de blogueurs plus ou moins connus pour les interroger sur cette expérience, sur ce qu’elle a changé de leur vie.



Série spéciale blogueurs

Ron L’infirmier William Réjault, 35 ans, est infirmier. Il s'est engagé il y a quelques années dans l'aventure du blog. Sous le pseudo de « Ron l'infirmier », il détaille son quotidien au contact des patients. Le succès est immédiat, son style à la fois tendre et ironique séduit, et il est rapidement repéré par un éditeur. De simple infirmier, William devient écrivain et, deux livres plus tard, il confie à LINTERVIEW.fr ce que son blog a changé dans sa vie et sa vision de son métier. LINTERVIEW.fr : William, commençons par les présentations. Parle-nous un peu plus de toi. William Réjault : Natif du Sud-Ouest, parents de classe moyenne, enfance dans un petit village, dans mon milieu familial on est soit technicien, soit caissier ou alors on trie des pommes à la coopérative. Les métiers plus qualifiés me semblaient, quand j'étais jeune, inaccessibles et réservés aux gens qui habitaient dans les grandes villes. Je suis venu à Paris pour le boulot et j'y suis resté par amour. Ca va, comme présentation succincte ? LITW : Est-ce que le fait de bloguer a changé quelque chose dans ta vie ? Dans la pratique de ton métier ? W.R. : Oui, en un sens… Mes collèges, mes patrons, mes parents lisent mon blog, donc je ne peux pas écrire tout ce que je veux, comme à mes débuts. Je suis passé au 20h de TF1, dans un reportage, il y a un an et demi, et très franchement « Claire Chazal m'a tué » : mes collègues m'ont vu et ça a complètement changé la façon dont ils me perçoivent.

« Je n'avais jamais pensé que ce que j'écrivais sur Internet avait une réelle portée »
 Désormais, quand je raconte une anecdote professionnelle, je sais que ma direction est au courant car elle me le fait savoir, de façon indirecte… Et parfois j'ai des retours de la part de mes patients aussi. En fait je n'avais jamais pensé que ce que j'écrivais sur Internet avait une réelle portée jusqu'à très récemment, en parlant d'émissions de télévision. Les animateurs télé lisent tout ce qui se disent sur eux...comme les blogueurs ! LITW : Pourquoi blogues-tu ? Qu'est-ce que ça t'apporte ? W.R. : Du plaisir pur : je peux parler de la face cachée de mon métier ou de trucs plus légers, tout ce qui me traverse la tête, en fait. Et puis


grâce à mon blog, j'ai pu travailler sur la traduction des DVD d'un James Bond, être invité à un concert de Madonna en VIP à l'Olympia, aller visiter en privé une nouvelle attraction de Disneyland et manger du caviar chez Petrossian ! Ah, les blogueurs influents, de suite, ça agace, n'est-ce pas ? Bien sûr il ne faut pas créer un blog rien que pour les avantages et les cadeaux, ça demande beaucoup de travail et de régularité, c'est une activité fascinante mais très prenante. Ceci dit le blog est une excellente carte de visite quand on est étudiant, quel que soit le domaine de compétence. Si j'avais su que j'allais vivre toutes ces choses avec ce petit blog de rien du tout, j'aurais commencé plus tôt ! LITW : Que penses-tu de ton métier d'infirmier ? W.R. : Infirmier est un métier très enrichissant humainement, mais pas reconnu du tout ni financièrement, ni socialement. Nous sommes en quelque sorte les derniers hussards de la République, comme les profs ou les flics, nous nous en prenons plein la gueule pour pas cher ! On peut considérer qu'on remplit quand même une mission de service public importante, et j'aurais espéré un vrai débat de société sur la place et la valorisation du soignant au moment de la sortie de mes livres. Ca m'a bien remis à ma place, justement (rires) ! LITW : Tu étais infirmier et tu te retrouves aujourd'hui écrivain, avec plutôt pas mal de succès, puisque ton deuxième livre vient de paraître. Comment cela s'est-il passé ? W.R. : Tout commence mi-2006, lorsqu'un éditeur, Guy Birembaum, repère mon blog. Les visiteurs du site m'envoyaient des fleurs sur mon style mais je n'y croyais guère, pourtant ce sont bien eux qui, les premiers, m'ont parlé de publication. J'envoie donc un manuscrit à cet éditeur, composé des billets les plus lus du blog, et 48h plus tard je reçois une réponse positive. J'ai eu beaucoup de chance, je ne suis pas passé par tous les méandres des maisons d'éditions, assortis de plusieurs refus, que connaissent certains auteurs ! Mon premier livre, "La Chambre d'Albert Camus", est donc sorti six mois plus tard. Après cette première publication qui a bien marché, trois producteurs m'ont contacté pour l'adapter en série télévisée, une sorte d'Urgences à la française, un projet qui n'a finalement pas abouti. Mon deuxième livre, "Quel beau métier vous faites", est sorti récemment, et un troisième est programmé pour la fin mars. Bon, ça se vend correctement, mais en nombres d'exemplaires vendus, je reste un modèle réduit dans le monde de poids lourds qu'est l'édition, comparé par exemple à une Amélie Nothomb…

« Si j'avais su que j'allais vivre toutes ces choses avec ce petit blog de rien du tout, j'aurais commencé plus tôt ! »



LITW : Comment fais-tu pour concilier tes deux vies, infirmier et écrivain ? Pourquoi rester infirmier malgré ton succès en librairie ? W.R. : Il faut arrêter de parler de "succès en librairie", je ne vis pas de ma plume, mes droits d'auteurs me permettent de me faire bien plaisir, point. Infirmier paye le loyer et le reste, c'était pour le fun ! Mon idée de départ était de rester dans l'anecdotique, raconter ma vie, mon œuvre, faire le malin. Un pur exercice d'ego. J'ai trouvé complètement incongru qu'un éditeur veuille éditer mes propos professionnels car un auteur, pour moi, c'était quelqu'un comme Victor Hugo, comme Jean d'Ormesson. J'assume plus mon statut d'auteur désormais, d'autant que j'ai choisi un format court, la nouvelle, qui m'épanouit énormément. Je m'éclate à les rédiger au petit matin, en une heure, avant de partir travailler. Vous voyez, cela ne me prend pas un temps fou, j'ai largement le temps d'être infirmier en journée ensuite. LITW : Comment se sont passées tes études ? Ta vie d'étudiant ? W.R. : Vous allez être déçu pour les anecdotes de débauche étudiantes, je ne suis pas un fêtard : je trouve que l'alcool rend tout le monde un peu con. Pour moi les années d'études c'étaient de grosses années de solitude, j'étais un peu perdu dans le bordel de la fac, à me gérer seul mais par contre j'ai aimé le cadre assez strict de l'école d'infirmier, dans lequel je pouvais déborder. J'étais très impertinent en classe, quand un intervenant n'était pas assez pédagogue je le lui faisais savoir. Toutes les filles un peu «mononeuronales», qui étaient uniquement là pour apprendre, me haïssaient. En fait j'étais un gros con, la pratique sur le terrain, le contact de la maladie m'a mis un peu de plomb dans la cervelle ! Je m'ennuyais, car je ne voyais pas trop l'intérêt de ce qu'on apprenait, pour moi il y avait trop de théorie et pas assez de pratique. En fait les années d'étudiant c'est à la fois les meilleures et les pires, c'est le moment où on a le plus de possibilités mais on ne sait pas forcément où on veut aller ! Il y a la pression des parents, de la société, et en même temps ta vie sexuelle et sociale qui explose… LITW : Le meilleur conseil que tu aies jamais reçu ? W.R. : « Si au moment de doubler une voiture tu hésites, c'est qu'il ne faut pas doubler. » LITW : Ce qui t'a marqué dans l'actualité en 2008 ? W.R. : Les attentats de Bombay, la baisse des prix du pétrole, les 300 milliards sortis d'on ne sait où pour aller on ne sait où à comparer aux 900

« Du plaisir pur : je peux parler de la face cachée de mon métier ou de trucs plus légers, tout ce qui me traverse la tête, en fait »


millions (seulement) de déficit de l'hôpital… LITW : Un bilan de ton année 2008 ? W.R. : Elle a été fabuleuse, la sortie de mon deuxième livre était un grand moment. Je suis allé pour la première fois à la foire du livre de Brive et ça, c'est mythique pour un auteur ! Tu y vas avec le « train du cholestérol », tu bouffes non stop pendant quatre jours, c'est un vrai aller simple pour l'infarctus. Sinon, je rêvais d'aller au Japon, pour moi c'était un idéal, un mélange de modernité et de culture. J'y suis allé mais j'ai vraiment été déçu ; à part les bâtiments traditionnels j'ai trouvé ça très moche. Le Japon reste pour moi le pays où personne ne parle anglais et où il n'y a pas de noms de rues. Tu parles de vacances ! Propos recueillis par Basile Scache. Photos : Benjamin Boccas Le blog de William : http://william.rejault.free.fr William Rejault "Quel beau métier vous faites" Ed. Privé William Rejault "La chambre d'Albert Camus" Ed. J'ai Lu



Severin Brodersen E t u d i a n t

LINTERVIEW.fr : Peux-tu te présenter en quelques phrases ? Severin Brodersen : Je m'appelle Severin et j'habite dans la banlieue de Munich. L'année dernière, j'ai passé le bac et maintenant je fais des études de théologie luthérienne à l'université de Munich. Dans mon temps libre, je m'engage pour la jeunesse de ma paroisse : je m'occupe d'un club de jeunes très fréquenté qui ouvre ses portes chaque jeudi soir pour tous les jeunes de notre commune, j'organise des actions et je suis moniteur dans notre colonie de vacances. LITW : Pourquoi vouloir devenir pasteur ? C'est un choix original, qu'en pensent tes amis ? S. B. : Là vous me posez une question à laquelle j'ai répondu environ 50 000 fois depuis un an ! Avant de commencer : on ne peut pas vraiment comparer un prêtre catholique en France à un pasteur protestant en Allemagne. Moi, j'ai le droit d'avoir une famille et en plus, grâce à l'impôt ecclésiastique, un pasteur en Allemagne a un revenu tout à fait normal. Mais avant tout, c'est surtout le job qui m'intéresse : j'aime bien travailler avec des gens, j'aime organiser et présenter des choses... A mon avis, c'est le métier du pasteur qui

a l l e m a n d

connecte et met en oeuvre toutes mes qualités. Et bien sûr je suis croyant depuis mon enfance et ma foi m'a déjà aidé dans ma vie. Donc j'aimerais bien utiliser mes qualités pour en parler aux autres. LITW : Que penses-tu du système éducatif allemand ? En comparaison avec la France ? S.B. : Il y a trois ans, j'ai passé quatre mois à Lyon où je suis aussi allé au lycée. Donc je connais un peu le système français. Le système français, avec le collège, est probablement plus juste, surtout pour les enfants des familles défavorisées. En outre, les études en France durent moins longtemps qu'en Allemagne. Mais ce que je trouve bien avec le système allemand, c'est le fait qu'on ne passe pas tant de temps en classe parce que les après-midi sont en général libres (sauf les dernières trois années de lycée). Cela donne la possibilité aux jeunes de s'engager hors de l'école, dans les clubs sportifs, pour les pompiers volontaires, pour l'église, ... Et à mon avis, en France il faut trop apprendre par cœur ! Mais bien sûr le système éducatif idéal n'existe pas. Il doit encore être inventé! Propos recueillis par Basil Scache



Lancez-vous !

Côme de Percin Fondateur de WanaSport LITW : Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours ? Côme de Percin : Actuellement, je suis diplômé de l’ISEP (l’Institut Supérieur d’Electronique de Paris) où j’ai passé ces 5 dernières années : prépa puis école et ai fait parti des différentes associations qui font que l’école n’est plus une routine (rugby, voile, junior entreprise). Tout cela m’a permis d’acquérir un niveau technique (technos web) afin de créer n’importe quel site web et de m’apercevoir de cette chance que nous avons : avec le web, quels que soient les rêves que tu as, tu as les moyens de les mettre en place. Donc on commence petit, avec la création d’un blog : weborey.fr en 2006 pour échanger des idées sur l’entreprenariat et la vie en entreprise (j’étais à cette époque apprenti chez IBM), puis un site web de formation personnelle sur les outils Office (videotips.fr). Pour arriver enfin à des projets plus consistants et avec l’intention de gagner de l’argent… Parce que sorti de l’école, il faut commencer à y songer. LITW : Qu'est-ce que WanaSport ? C. P. : WanaSport est une plateforme de services et de contenus destinés au sportif amateur et à l’amateur de sport. Dans « services » on regroupe tous les outils dont a besoin un sportif amateur au quotidien. C’est à dire des graphes pour ses temps, des cartes pour ses parcours, des fiches événements pour organiser ses matchs et entraînements, la possibilité de rechercher un club ou un terrain près de chez lui etc. Pour le contenu, nous nous intéressons à tous les contenus utiles pour le sportif : Comment calculer ma vo2max, quelle chaussure choisir si je pèse 60kg et que je cours deux fois par semaine ? Toutes ces questions simples auxquels des experts vont répondre pour que le sport soit plus simple et plus accessible à tous.

LITW : Qu'est-ce que ça a de plus qu'une sorte de mini-Facebook ? C. P. : Plus qu’un mini-facebook, WanaSport se démarque par son accès à une « niche » qui est la niche sportive, les outils que propose FB sont des outils extrêmement flexibles mais leur problème est qu’ils s’adressent à tout le monde.

Je reprendrai bien un article de F.Cavazza http://www.fredcavazza.net/2008/10/27/facebo ok-et-le-syndrome-du-canard/ qui nous explique que facebook, c’est un petit peu le syndrome du canard, il sait nager, mais moins bien que le poisson, il sait voler mais moins bien que l’oiseau, il sait courir mais moins bien que le léopard et ce n’est pas pour rien que le canard n’est pas en haut de la pyramide alimentaire… Nous adressons les besoins spécifiques d’une cible spécifique que sont les sportifs. Notre volonté avec WanaSport est d’en faire un outil incontournable où les sportifs se retrouvent entre sportifs et ce, quel que soit leur niveau. Donc nos outils de suivi de performances, nos outils d’organisation de matchs, notre contenu n’est pas dans Facebook. Pour autant, FB est bien le réseau social du moment puisque la plupart des gens y sont inscrits et nous devrons nous interfacer avec lui pour garder et gagner notre trafic. LITW : Comment arrivez-vous à rentabiliser ce site ? C. P. : La monétisation d’un site web est un sujet délicat. Je dois t’avouer que WanaSport n’est à l’heure actuelle pas rentable mais que nous y travaillons chaque jour. Il existe sur le web deux grandes approches que l’on retrouve avec plusieurs déclinaisons possibles: La première est de créer une audience et de monétiser ensuite cette audience, c’est l’approche de facebook ou netvibes par exemple. Il faut donc créer un site web qui soit un (très) gros succès pour gagner de l’argent ensuite. La seconde est de vendre un produit quel qu’il soit (e-commerce, services, etc) et de faire monter sa fréquentation et ses revenus progressivement. Avec WS, nous avons commencé par la première mais force est de constater que ce n’est pas aussi rapide que nous l’aurions espéré. Nous sommes donc en train de nous remettre en question et opter pour une stratégie hybride entre les deux déclinaisons. Notre nouveau wanasport devrait être en ligne d’ici peu (fin janvier pour une première version) et vous pourrez voir notre nouveau business model à ce moment ;) Propos recueillis par Alexandre Marchand.


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