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Désherbage mécanique : l’essor du matériel de précision se heurte au coût élevé de l’investissement
from Terre-net Le Magazine n°95
by NGPA
Plus de 40 000 € d’investissement sont nécessaires pour le guidage, rentabilisés à partir de 150 à 200 ha.
DÉSHERBAGE MÉCANIQUE
ANTOINE HUMEAU
L’essor du matériel de précision se heur te au coût élevé de l ’ investissement
Rapidité, confort de travail, précision… les arguments en faveur du désherbage mécanique autoguidé du maïs ne manquent pas, pour les agriculteurs bio. Mais ils ne font pas toujours le poids face au coût élevé. En Cuma, un tel investissement peut pourtant être pertinent. Tour d’horizon en Maine-et-Loire.
Sur son exploitation bio de SaintGe orge s - su r - L ay on ( Main e - e t Loire), Manuel Boche est ravi de pouvoir souler un peu. Ses 15 ha de maïs et 5 ha de sorgho, il les a implantés au semoir Monosem six rangs autoguidé avec correction RTK. Et côté désherbage, le système GPS a suivi la ligne. « Même avec 20 ha à biner, pas besoin de rester concentré sur le rang ! Un vrai confort de travail et en prime, moins de pieds cassés », se réjouit-il. Grâce à la précision du signal RTK, le producteur ne passe pas deux fois au même endroit et n’oublie pas de zone. Les huit agriculteurs de la Cuma, dont six en bio, utilisent la barre de guidage RTK. « C’est essentiellement sur la précision du travail que l’on gagne, argumente son associé Jean-François Perdriau. Là où on était à 10 cm du pied de chaque côté, aujourd’hui c’est entre 2 et 5 cm. » Le débit de chantier augmente. « On double pratiquement la vitesse d’avancement, soutient Alexis Cochereau, animateur à l’Union des Cuma d’Angers. Si le maïs est au stade 3-4 feuilles, on roule à 5 km/h. Au-delà, la vitesse atteint 8 à 9 km/h, sans avoir besoin de se retourner tout le temps. » Évidemment, on ne bine le maïs avec le système RTK qu’à condition qu’il ait été semé de cette manière. Seul impératif : biner le maïs avec un outil ayant le même nombre de rangs que le semoir. À S aint-Ma caire-du-B oi s, éga lement dans le Maine-et-Loire, Tony Godineau est adepte du guidage de précision RTK depuis une quinzaine d’années. Sur son exploitation de 380 ha en grandes cultures, il désherbe avec un débit de chantier de 4 à 10 ha/h. « La première année, on a
ANTOINE HUMEAU économisé entre 5 et 7 % de temps de travail et de carburant », indique-t-il. En outre, la bineuse travaille même en luminosité réduite, ce qui augmente l’amplitude horaire. Un argument qui n’est pas anodin lors d’un investissement en Cuma, car tout le monde en a besoin au même moment. CONSEILS : SUR QUELLE CULTURE PASSER AU DÉSHERBAGE MÉCANIQUE ?
200 ha de maïs désherbés mécaniquement Acheter un matériel de précision semble n’être possible que collectivement. « En Cuma, c’est envisageable pour des éleveurs bio », remarque Élisabeth Cocaud, chargée de mission agriculture biologique à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. « C’est aussi une manière d’attirer les jeunes ! » glisse Alexis Cochereau. À la Cuma de Saint-Georges-sur-Layon, le système RTK a coûté 12 000 €, et la bineuse presque autant. Le PCAE en a subventionné 40 %. Le coût hectare n’a pas été calculé, mais chez Tony Godineau, il serait autour de 20 €. L’agriculteur désherbe 200 ha de maïs en mécanique, et fait même de la prestation de ser vices pour des collègues. De quoi amortir davantage le coût de l’investissement. Grâce à la correction du RTK, la bineuse suit au centimètre près les lignes de semis enregistrées par le semoir. À la Cuma de l’Espoir, à Angrie (Maine-et-Loire), le choix s’est également porté sur du matériel de désherbage de précision, une bineuse six rangs équipée de caméra et palpeurs, herse étrille et houe rotative. Montant total : 72 000 €, dont 40 % pris en charge par le PCAE et 10 000 € issus d’une subvention du syndicat. « C’est compliqué de rentabiliser ces outils-là. Sans les aides, nous aurions opté pour un modèle basique », admet Frédéric Robert, un des administrateurs. L’an dernier, la bineuse a désherbé 375 ha. « Si les conventionnels
n’étaient pas là pour augmenter la surface, la machine ne serait pas rentable », assuret-il. Pas facile de convaincre. « Le pulvérisateur avance à 10 km/h et travaille sur 24 m de large ; la bineuse avance à 8 km/h et sur 5 ou 6 m seulement », « Pour une bineuse 12 rangs explique Alexis Cochereau. Et suréquipée de caméras, on atteint tout, le coût est prohibitif. « Pour une bineuse 12 rangs équipée de 40 000 € ; la caméra, c’est caméras, on atteint 40 000 €, la caméra, c’est la moitié du prix de la moitié du prix de l’outil » l’outil », constate le technicien de l’Union des Cuma. ALEXIS COCHEREAU, animateur à l’Union des Cuma d’Angers Le prix des matériels de désherbage de précision aurait lambé depuis quelques mois, « + 15 à + 25 % depuis le début de l’année », s’indigne Frédéric Robert. « Le prix des bineuses aurait doublé en quelques années », conirme Alexis Cochereau. La solution RTK coûte moins cher que la bineuse équipée de caméra, mais le même tracteur au semis et au binage est indispensable. Pas très pratique. C e p end ant, c eu x qui y goût ent ne reviennent pas en arrière. À la Cuma de Saint-Georges-sur-Layon, on songe déjà à l’étape suivante, à savoir acheter une bineuse à caméra et la coupler au guidage RTK. Objectif : se rapprocher davantage du pied de maïs. Manuel Boche a fait les comptes : « Sur la bineuse autoguidée à plus de 40 000 €, nous serions maxi cinq ou six adhérents. Il faudrait au moins 150 à 200 ha engagés. » « En bio, les parcelles doivent être propres », justiie Jean-François Perdriau. « Et pas sûr que le désherbage de précision Un clic sur l’écran suffit pour que l’ensemble tracteur/bineuse emprunte le chemin du semoir, augmente le rendement à la in », regrette au centimètre près. Manuel Boche. ■
Désherber mécaniquement implique d’entrer dans une démarche globale de réduction de l’enherbement : diversification de la rotation, jeu sur le travail du sol ou gestion de l’interculture avec des couverts étouffants et des faux-semis. Il faut prendre en compte que le passage des outils peut occasionner des pertes, et donc majorer la densité de semis de 5 à 10 % (selon l’espèce et l’agressivité de l’intervention) afin de compenser. Les cultures sarclées de printemps ont été les premières à revoir les bineuses. Elles sont idéales pour débuter la pratique. Maïs, tournesol ou betterave sont semés à des écartements suffisants pour laisser passer sans encombre les dents de l’outil. Le binage en interrangs est maintenant bien maîtrisé et de plus en plus sophistiqué, les outils s’intéressent au travail sur le rang. Attention, car certaines espèces, telles que l’orge de printemps, sont encore fragiles au moment des interventions. Le colza, quoique implanté à l’automne, se prête bien au binage lorsque l’interrangs est d’au moins 45 cm. Pour les autres cultures d’automne, et plus particulièrement les céréales, le binage se révèle plus compliqué mais reste envisageable. Avec un interrangs de 15 à 25 cm et un système de guidage, intervenir sans endommager la culture est possible.