La Rantèla 2001 - 2011

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La Rantèla chronique de la revue PASTEL, COMDT-Conservatoire Occitan http://larantela.wordpress.com

par Alem Alquier

I. de novembre 2001 à octobre 2011

NB 1 : rantèla signifie « toile d’araignée » en occitan. NB 2 : quelques liens sur ce document ne sont plus valides, certains renvoient même sur tout autre chose… c’est la rançon de l’éphémère…


Ceci est un recueil de la chronique « La Rantèla » de la revue Pastel, publication du COMDT ( Centre Occitan des Musiques et Danses Traditionnelles – Midi-Pyrénées – Conservatoire Occitan ) de novembre 2001 à octobre 2011. Cette revue est devenue entièrement numérique depuis mai 2012 : www.pastel-revue-musique.org.

LA RANTÈLA est un ensemble d’observations du ouaib (rantèla signifie « toile d’araignée » en occitan languedocien) traitant des musiques, qu’elles soient traditionnelles, actuelles, expérimentales… j’y aborde des sujets qui ont un rapport avec les cultures populaires, les langues minoritaires, les politiques culturelles… mais aussi j’y parle de la toile en général et du web 2.0 en particulier… À la base cette chronique m’a servi de point d’appui pour développer une observation sur les musiques traditionnelles et plus particulièrement sur le mouvement folk en France qui a eu sa genèse au milieu des années 60. Évidemment de lien en lien le sujet de départ s’est déplacé ou a tourné autour… Le lecteur trouvera peut-être désuet (ou amusant) de voir des réflexions de 2001 ou 2002 sur la « radio » poussive sur Internet à l’heure du podcast et de iTunes, ou de constater qu’à cette époque le web était encore plus « balkanisé » qu’actuellement (les chartes graphiques et les CSS étaient somptueusement ignorées)… ou bien encore de constater que certains liens ne sont plus valides… mais j’ai pris le parti de livrer chaque article tel quel. Seules les illustrations qui renvoient aux sites (ou à ce qu’il en reste !) sont actualisées. Je suis aussi graphiste et je travaille également sur du documentaire avec Les Zooms Verts, collectif de production cinématographique sur Toulouse. Musicalement je fais partie de Gadalzen Alem Alquier www.alemalquier.net

décembre 2012


sommaire 1. novembre 2001 > septembre 2004 Bourdons virtuels Magazines à souris Ondes & fuseaux Muséographie, organologie, ethnomathématique… The réseau Oèb, tèlaranha, rantèla, ret, malhum… ISO 639, les Babel du net

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2. avril 2005 > octobre 2008 Le village modal 1 Le village modal 2 Copie gauche | copie droite : 1. Mésaventures de la copie privée 2. Libres, pirates & citoyens La toile sonore Etemenanki, de l’ancêtre à l’artifice L’âge électronique : 1. Circuitages & bruiticiens 2. Improcomputages & machines célibataires

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3. mai 2009 > octobre 2011 Le ouaib Orienté … Et la toile devint folk Improcomputages (II), comprovisations, mémorestitutions… Bruiteux, sondiers & bricolos Des bugs dans les poches Linguistique, discours & poésie

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La Rantèla chronique de PASTEL, revue du COMDT-Conservatoire Occitan http://larantela.wordpress.com 1. de novembre 2001 à septembre 2004


n°1 · PASTEL 48 · novembre 2001

Bourdons virtuels L’anarchie régnant sur le web est telle que je vous défie de distinguer les bons plans des bidonnages. (Umberto Eco)1 La “toile” est comme une mégapole, on y trouve le meilleur (de vraies informations, de l’actualité, des documents accessibles au plus grand nombre… et parfois, de véritables bijoux de créativité multimédia) comme le pire (des sites qui vous donnent la déprime et un mal de tête carabiné par leurs choix de mise en page et de couleurs, des erreurs d’informations, des bœugs à n’en plus finir…). La planète “trad”, qui regorge de sites, ne faillit pas à cette généralité. Je ferai grâce au lecteur de la deuxième catégorie. Deux sites français m’ont paru intéressants parmi les plus fédérateurs :

<http://www.musictrad.org> Il s’agit d’un site — apparenté au Centre de Danses & Musiques Traditionnelles d’Île de France — mettant en valeur l’actualité trad en France, par l’intermédiaire des groupes, manifestations… mais le fer de lance de cette entreprise reste le fameux “trad-bottin” qui est censé rassembler le plus possible de groupes de musique traditionnelle en France avec accès notamment à l’aide de mots-clé. C’est là qu’on s’aperçoit à la fin de l’année 2001 qu’il serait grand temps que les musiciens de notre région qui veulent être contactés pour jouer s’inscrivent à un cyberbottin, quel qu’il soit, sinon le public croira par exemple que la boha2 est une cornemuse celtique. Je n’invente rien : entrez “boha” comme mot-clé et vous tomberez sur un seul groupe qui en utilise une, et breton de surcroit ! Quant aux liens, il s’agit du même symptome : sur Midi-Pyrénées, un seul site de groupe de musique traditionnelle ! (pour la Bretagne,

quarante-deux… ça donne le vertige). En revanche si l’idée vous vient d’activer la photo du groupe Nadau présentée en actualité sur la page d’accueil, un lien s’établit avec le site de Joan-Miquèu Espinasse, où la fameuse boha aura son droit de cité. Pour en revenir au site cité, le “forum” est un dépôt de petites annonces actualisées, mais la liste des “publications” se résume à ce jour à trois titres : l’incontournable Trad-Mag, Ethnotempos — qui est aussi une liste de discussion (< h t t p : / / w w w. e g ro u p s . f r / g ro u p / e t h n o t e m p o s > ) et un site sur les musiques ethniques, du monde, trad, évolutives… (<http://www.ifrance .com/ ethnotempos>) — et (surprise) “le Canard de Barbarie” qui renvoie à un site toulousain spécialisé dans l’orgue de barbarie (<http://www.leludion.com>). Cela dit, de nombreux autres liens existent et attendent que vous les cliquiez… <http://www.irma.asso.fr/cimt/> « Le Centre d’information des musiques traditionnelles (CIMT) a été créé en 1992 à l’initiative d’un collectif d’artistes qui souhaitaient disposer, dans le domaine des musiques et danses traditionnelles, d’un outil d’information, de conseil et de valorisation, tant dans le secteur professionnel que pour la pratique amateur. Il s’adresse aux acteurs de toutes les traditions présentes sur notre territoire, qu’elles soient françaises, issues de l’immigration ou de l’expression des cultures populaires ou savantes extra occidentales. » C’est par cette épigraphe que nous accueille Jean-François Dutertre, président du CIMT. Site très instructif, à vocation généraliste, et hébergé par l’IRMA3. La “bibliothèque virtuelle” contient une abondante documentation juridique, administrative et professionnelle (constituée soit de liens à des sites gouvernementaux, soit de documents à télécharger sous format .pdf ou word) et musicologique. On trouvera ici par exemple un texte passionnant du même J.-F. Dutertre “Musique traditionnelle & modernité” tiré du colloque “Musique & Politique (Rennes, 1994) ou bien un “lexique des genres et des termes musi-

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caux” très précis et très fourni ; des bibliographies, etc. Il y a aussi un “glossaire d’instruments” qui renvoie pour certains points à des sites spécialisés, et parfois à d’autres glossaires (je pense au site pédagogique très réussi CDrom-musique (<http://www.cdrommusique.com>), concocté par Gallimard jeunesse et France Télécom Multimédia sur les instruments du monde).

Les curieux qui veulent naviguer hors des pays d’Oc et d’Oil peuvent appeler la bibliothèque universitaire de Washington sur leur écran : <http://www.lib.washington.edu/music/ world.html> Ce site renvoie sur une grande quantité de sites internationaux, par exemple un site japonais spécialisé dans la technique du chant diphonique… Bon courage et n’oubliez pas de déconnecter avant d’aller vous coucher.

1. ECO, Umberto. Comment voyager avec un saumon. Paris : Grasset, 1997 2. nom occitan de la cornemuse gasconne (à anche simple) 3. Informations & Ressources pour les Musiques Actuelles. Pour ceux qui croient encore que les musiques traditionnelles appartiennent au passé, l’IRMA regroupe jazz, rock, chanson, hip-hop, musiques électroniques et musiques traditionnelles…


n°2 · PASTEL 49 · mai 2002

Magazines à souris Le monde & the world… Il existe dans la toile des sites “périodiques”, de vrais magazines avec toute l'exigence d'actualisation qu'un tel concept peut recouvrir. Deux d'entre eux ont retenu mon attention, aussi différents l'un de l'autre, tant par leur contenu que par leur présentation. <http://www.ifrance.com/ethnotempos> (Semestriel - en français)

Dans la “Rantèla” précédente (Pastel n°48) j'ai mentionné ce site qui était déjà un lien de Musictrad. En voici l'accueil : Revue consacrée à l'actualité des musiques à caractère ethnique. Prioritairement portée sur les musiques d'inspiration celtique, Ethnotempos s'ouvre également aux créations émanant d'autres musiques européennes, des cultures amérindiennes, asiatiques, aborigènes, etc., bref, aux musiques du monde qui, paradoxalement, ne font pas forcément la “une” de la déferlante “world music”, que certains s'acharnent à transformer en un nouveau brouet de variétés exotiques bon marché. Ethnotempos s'intéresse plus particulièrement aux musiciens nourris d'une (ou plusieurs) traditions(s) dont la démarche s'inscrit dans une perspective évolutive, de rencontres et de partages d'expressions musicales différentes. Ce texte effectivement annonce la couleur : les chroniqueurs s'attachent à exprimer une vision sérieuse et avertie de l'actualité des “musiques du monde”, tout en bataillant contre le métissage gratuit (voir l'interview de Claude Sicre : « (…) Aujourd'hui tout le monde a le mot “métissage” en tête. Pour moi, ça ne veut rien dire. Pour des tas de gens, il y a métissage dès lors que tu colles une vielle avec une cornemuse ou un djem-

bé. La percussion, ça fait “ethno”, hein ? Ou plutôt “semblant-ethno” (…) » ou la phrase de Sheila Chandra : « La fusion ne consiste pas uniquement à réunir des instruments issus de différentes cultures ou à superposer des voix, elle peut surgir d'une même voix, d'un même esprit. »). La revue propose en fait une série très intéressante d'interviews et de chroniques d'albums (avec possibilité d'écouter des extraits sur formats Windows Media Player ou Real Audio) Ethnotempos (qui existe aussi sur support papier noir & blanc, mais trouvable sur des points de vente limités entre la Bretagne et Paris) est une émanation de l'association Rythmes Croisés ; nous y trouverons aussi une importante liste de liens de groupes, de maisons de disques, de festivals…

actualité sur les musiques du monde, à coups de compte-rendus de festivals en France (écrits ou filmés par l'équipe de Boomerang) et surtout grâce à la longue page de brèves (accessible en cliquant sur “news”), conduisant toutes à des sites aussi variés qu'inattendus… Ce magazine est tellement fouillé qu'il parle absolument toutes les langues world-music : raï, dub, reggae lapon, irish chill-out, electroraga du soir ou techno-jungle-béarnais… ce qui ne l'empêche pas de rendre compte d'une actualité purement ethno comme par exemple la sortie d'un enregistrement inouï de musiciennes afghanes datant des années 70 (Patrimoine Mondial de l'Unesco) ou la programmation du Théâtre de la Ville (Paris).

<http://www.mondomix.org> (Hebdomadaire - en français et en anglais) Ceci est un webzine très éclectique (dans la limite du domaine des musiques ethniques et de la world music) au design séduisant, où

Cela étant, l'éventuelle opposition entre “musique ethnique” et “world-music” ne s'avèrerait-elle pas être un faux problème, dans la mesure où l'expression “world

l'internaute trouvera des actualités, des sélections de disques, des reportages et interviews sur support “RealPlayer” et également une sélection de radios — accessibles uniquement sur Internet — dont certaines étonnantes comme “Electro Mix World”. Mondomix apporte une chaude

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music” apparait en 1906, nous apprend le Quid, au moment même où sont pratiqués les premiers collectages ethnomusicologiques ?


n°3 · PASTEL 50 · octobre 2002

Ondes & fuseaux si une grande variété de musique tunisienne, et même une rubrique “archives” pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de cette musique.

Puisqu’à cette date (fin 2002) le web sémantique n’en est qu’à son stade expérimental1, je vous fournis encore une fois une sélection empirique provenant de liens sur liens… Les RADIOS sur Internet devraient a priori être aussi intéressantes que leurs homologues écrits, mais nous nous trouvons là devant deux problèmes. Le premier est d’ordre sensoriel : peut-on consulter une radio sur sa machine au bureau, à l’école, à la maison, etc. aussi facilement qu’une page d’informations écrites ou illustrées d’images ? Il y a bien sûr le recours à l’enregistrement d’une émission pour une consultation ultérieure, mais il n’est pas toujours possible aujourd’hui d’enregistrer en prise directe ; il y a aussi le casque écouteur… Le second concerne tout simplement la surpopulation de ces radios… Les deux posent plus généralement la question de la toute nouvelle culture Internet, celle-là même qui change peu à peu nos pratiques sociales… La mondialisation n’ayant pas encore réussi à fusionner les fuseaux horaires à l’heure unique de Washington, il vous sera nécessaire d’utiliser un site très précieux (en anglais) qui convertit à la seconde près l’heure de toutes les grandes villes du monde, et ce afin d’écouter les radios en heure locale : <http://www.timeanddate.com> . <http://www.worldmusicwebcast.com/ listen.htm> (24h sur 24, en anglais) Cette radio de San Diego (Californie) est accessible uniquement sur PC, avec le lecteur Windows Media Player (gratuit) et propose des programmes “multiculturels”. Beaucoup de choses, ethniques et contemporaines, mais aussi beaucoup de rediffusions. <http://www.live365.com> est un portail généraliste (en anglais - consultable sur PC2), filiale de l’ASCAP — la SACEM des ÉtatsUnis — qui prend en charge d’innombrables radios de tous genres (mais d’inégale qualité)3.

Il suffira de sélectionner le genre voulu (par exemple world), puis de télécharger un lecteur spécifique (gratuit) avant d’écouter en direct : (pêle-mêle) Radiorama Online (Liban), Radio Arménie (radio française), Thenisai (Sri Lanka), Renradio (Irlande), Farmaish (Punjab), Ogun Radio (Nigéria)… et bien d’autres, très intéressantes pour beaucoup, mis à part les publicités de démarrage, qui sont l’équivalent des “bannières” graphiques, aussi insupportables en anglais qu’en français. <http://www.cirvfm.com> (site en anglais, espagnol & portugais, radio 24h sur 24 en huit autres langues) Curiosité : nous pouvons écouter ici (en format Real Audio) une réplique exacte sur Internet de ce qu’écoutent onze nationalités à Toronto (Ontario) sur la FM. Il est piquant de savoir qu’un des plus important médias du Canada voit son nombre d’auditeurs anglophones n’arriver qu’en dixième position !

<http://www.radiofrance.fr/chaines/ france-culture2/equinoxe/> De retour en Hexagone, voir aussi cette page du site de France Culture qui correspond à l’excellente émission de Caroline Bourgine “Équinoxe” diffusée sur les ondes le dimanche de 0h05 à 1h : il est possible de télécharger la dernière diffusion en Real Player et de l’écouter en “multidiffusion” sur son ordinateur tranquillement à l’heure et à la date désirées durant au moins une semaine. N.B. : L’abus de consommation de fuseaux horaires peut être dangereux pour l’horloge biologique interne…

1. Voir à ce sujet le dossier dans le Courrier International n° 616 (22-26 août 2002) “Internet, les prochaines révolutions” : Tim Berners-Lee, l’inventeur de la

<http://www.radiotunis.com> (24 h sur 24, site en anglais & en arabe, radio en arabe & en français) La radio tunisienne officielle. Le site est très clair et bien construit ; il y a beaucoup (trop !) de discours présidentiels, mais heureusement aus-

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Toile, propose un nouveau système de recherche “intelligent” qui fonctionnerait non plus sur les simples motsclés mais sur le sens. Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir !

2. Pour les inconditionnels du Mac, il suffit de parcourir la (longue) liste des radios proposées par live365 : les liens sur leurs propres sites amènent parfois à une possibilité d’écoute en Real Player.

3. Il est possible également de créer sur live365.com sa propre radio, suivant le processus de la création d’un site quelconque !


n°4 · PASTEL 51 · avril 2003

Muséographie, organologie et ethnomathématique… D’abord, que deviennent Ethnotempos et Mondomix (voir Pastel n°49) ? : ces deux magazines ont un tel succès qu’ils ont l’un comme l’autre, outre un nouveau design, fourni une version “papier”. Celle d’Ethnotempos existait déjà, mais dépasse sa confidentialité avec désormais une possibilité de téléchargement en version pdf, tandis que celle de Mondomix passe le cap de la rotative sous la forme d’un mensuel gratuit, distribué dans les Fnac, boutiques Harmonia Mundi, etc. À noter que des versions espagnole et allemande du site seront opérationnelles à partir de janvier 2004 (la version anglaise, existant depuis le début, n’est pas une simple traduction du site mais présente un contenu différent). (<http://ethnotempos.free.fr/Ethnotempos.htm> et <http://www.mondomix.com> ) Les musées virtuels d’instruments apparaissent sur le net avec des sites spécialisés. Petite sélection sympatique : <http://www.virtualmuseum.ca> (en français et en anglais) À part un accueil raccoleur (“un monde étonnant” écrit en très gros) le site est parfaitement adapté à tous ceux qui cherchent leurs sujets de manière méthodique et rationnelle, avec une fiche technique par instrument. La limitation à une petite quarantaine d’éléments fait en réalité de ce site la “vitrine” du laboratoire de recherche sur les musiques du monde de l’université de Montréal.

Une page des “clés d’écoute” du site “ethnomus.org”, montrant avec une animation musicale interactive comment fonctionne une ronde funéraire chantée en Indonésie. (étude de D. Rappoport)

<http://fundef.ivic.ve/inicio/instr.html> (en castillan) “La Casa de la Tradición y la Cultura Popular” de Caracas (Vénézuéla) propose un autre “musée”, spécialisé quant à lui dans les instruments d’Amérique Latine. Un des intérêts de ce site est l’extrait sonore (en Real player) présenté pour chacun de ces instruments. <http://www.tranquanghai.org> (en français et en anglais)

Tran Quang Haï a participé au renouveau du folk en France en 1969 en faisant partie de ceux qui ont créé le Bourdon, premier folk club de Paris. C’est une figure illustre de la musique traditionnelle mais surtout un chercheur et un ethnomusicologue mondialement reconnu. Ce monsieur est tout simplement LA référence dans l’étude du chant diphonique. Son site, au design sobre et efficace, est très riche et montre en plus de ses innombrables activités (mais combien de temps dans l’année passe-til donc chez lui ?!) une somme sur son domaine de prédilection, analyses spectrales à l’appui. Indispensable pour s’initier à cet art.

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<http://ethnomus.org> (en français) Gardons celui-là pour la fin : il s’agit du site du laboratoire d’ethnomusicologie du CNRS, conçu par Marc Chemillier, Dana Rappoport, Annick Armani et Flavie Jeannin. Dans la rubrique “clés d’écoute” (animation musicale interactive tout à fait passionnante), l’étude du jeu de harpe Nzakara (Centrafrique) dévoile des formes parallèles décalées, sortes de canons. Ce qui amène à parler de la philosophie du décalage, selon Éric de Dampierre : « à l'opposé de la pensée “rationnelle” européenne, qui accepte la notion de clone et postule l'identité des particules physiques élémentaires, la pensée Nzakara n'exprime jamais l'égalité de deux valeurs ou de deux longueurs. La mise en parallèle de deux formes identiques met toujours l'accent sur le décalage de l'une par rapport à l'autre ». Le lien est évident avec l'“ethnomathématique”, « qui étudie les activités géométriques, logiques ou combinatoires des sociétés sans écriture, qui se manifestent dans les arts ou les jeux. Et dans ce domaine, la musique est loin d'avoir livré tous ses secrets », nous dit Marc Chemillier. Passons facilement au domaine graphique, inépuisable (la représentation géométrique — sur le sable — des tortues par les sociétés de Vanuatu n’a rien à envier à l’art savant des entrelacs musulmans ou celtiques) et je ne comprendrai toujours pas pourquoi (je ne citerai personne) on veut encore en 2003 nous faire croire à un monde “unipolaire” !!!


n°5 · PASTEL 52 · septembre 2003

The Réseau Les musiques traditionnelles prennent (succès oblige) une place croissante dans l’Internet, à tel point qu’elles nécessitent au même titre que n’importe quel autre domaine une mise en réseau cohérente.

Ci-contre les sites respectifs de Dastum (Bretagne), de l’AMTA (Auvergne)

En France, ce “réseau” n’a pas attendu l’avènement du web pour exister : la FAMDT regroupe les associations (au nombre de 83 en cette fin de l’année 2003) “qui participaient depuis 1982 à la Commission Consultative sur les musiques traditionnelles créée par la Direction de la Musique & de la Danse, au Ministère de la Culture”. Pour en savoir plus sur les objectifs de la FAMDT, voir le site <http://www.famdt.com> .

et du festival de Saint-Chartier, tous membres de la FAMDT, et accessibles depuis www.famdt.com

médias, luthiers, éducation… Mais on peut regretter que beaucoup de sites ne se présentent qu’en leur langue vernaculaire (comment peut-on raisonnablement se documenter sur un festival ou sur un stage de violon en croate ou en danois ?… de plus, actuellement les traductions automatiques sur Internet tiennent plus du gag que du renseignement clair : essayez, vous verrez, c’est assez amusant).

The Menace Un mot pour sensibiliser le lecteur sur la sérieuse menace qui pèse sur la culture en France. Et les musiques traditionnelles bien sûr ne sont pas épargnées. La FAMDT ouvre la page d’accueil de son site par une prise de position sans ambiguïté contre le protocole signé le 26 juin 2003 par le MEDEF et des syndicats minoritaires (CFDT, CGC, CFTC…) qui réforme l’assurance-chômage des intermittents sans aucun dialogue préalable, et avec une hypocrisie exemplaire, puisque ce protocole, censé réprimer certains abus de grandes entreprises de l’audiovisuel, en réalité vise à terme à supprimer des pans entiers d’une population active dans le domaine culturel. Je reproduis ici des extraits de la conférence de presse animée par François Breugnot (Aligot Élément, La Fabrique) le 17 juillet 2003 à Riom (voir <http://www.amta.com.fr/fr/index.asp> à la rubrique “actualités”) : « (…) Ce qui nous menace tous aujourd'hui c'est bien une dérive de l'état de la vie collective, dont culturelle, que nous essayons de maintenir et de développer avec la diversité la plus

On y trouve surtout les liens sur la totalité des associations affiliées, précieux ensemble de fiches de coordonnées, mais seule la moitié des associations mentionnées a un site internet. L’éventail va cependant de l’association de musiciens amateurs au centre de notoriété nationale (voire internationale) comme le CIMT, affilié à l’IRMA (voir Pastel n°48), ou le magazine Trad’mag, en passant par les centres régionaux, comme le Conservatoire Occitan… Une liste impressionnante de liens vient conclure la page d’accueil, qui mériterait, soit dit en passant, un coup de neuf d’un point de vue graphique. <http://www.eurotradmusic.net> (en français et en anglais) Tout part de Parthenay ! Le Réseau Européen des Musiques & Danses Traditionnelles a été créé en 1997, bénéficie du soutien de la Commission Européenne, et est administré par la FAMDT. Bien que la rubrique “événements” soit quasiment inexistante — j’imagine que c’est dû à l’inertie administrative d’un (vieux) continent en devenir — les liens, en revanche, y sont très riches : institutions,

grande possible ; dans une vraie symbiose entre professions spécifiques, tissu associatif, collectivités et institutions. C'est le public, les publics qui sont attaqués aussi et, à terme, privés d'espace imaginaire, de plaisirs conviviaux, de découverte et d'échange par un projet scélérat de réorganisation des conditions d'accès à l'assurance chômage pour les artistes et techniciens professionnels (…) Décidément,

ce

sera

bientôt

beaucoup plus facile de choisir ses soirées

<http://www.mnemo.qc.ca> Québec (en français et en anglais) Bien que n’étant pas à proprement parler une fédération d’associations, ce site de nos cousins d’outre-Atlantique est important, et le curieux pourra trouver des informations spécialisées dans le lien “bulletin” (série de chroniques), notamment les rapports raisonnés entre la musique québécoise et les musiques traditionnelles françaises.

puisque, sans trop forcer le trait, on aura le choix entre le ballon rond à l'écran, la misère télévisuelle façon loft ou nice people et dans des salles de spectacle des tournées de superstars aussi épisodiques que chères. Il est temps de répéter que la culture n'est pas un luxe, qu'elle vit si elle est variée et libre et que l'activité de ceux qui la font génère aussi des retombées en terme de qualité de vie, de lien social et d'éducation. Tous les citoyens se doivent de se poser au moins une fois la question en termes de choix de société quant à la place qu'y occupent ces activités. »

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n°6 · PASTEL 53 · avril 2004

Oèb, telaranha, rantèla, ret, malhum… • Coma disiá lo Darry Cowl (quand parla el de tot l’argent qu’a perdut al jòc), diriá ièu que i a maites de sitis intèrnet en occitan que se pòt creire, e mens que se pòt soscar… Lo fenomèna del “vilatge global” tocariá tanben (demest d’autres subjèctes) las lengas minoradas, amb fòrças paginas, mas plan malurosament dins aquelas paginas, n’i a plan que son tròp vielhas (de mai de cinq ans) o encara tròp desenhadas per d’amators. Çaquelà totas las causas cambian pauc a pauc, e aital ara se pòt anar sul malhum en particular amb lo motor Google en occitan : <http://www.google.com/intl/oc/>… Per çò de la grafía, plan de sitis son provençals (perdon : provençaus) e d’aquel biais presentats amb las doas grafías (la de Mistral et la de Perbòsc, amb qualques còps, solament la de Mistral). Se s’escribiá coma aquò (de veser <http://www.felibrige.com>) an’aquesta epòca (sègle XIX), èra per far coneisser una autra lenga romana e la sía literatura als francimands (çaquelà un premi Nòbel !) ; mas uèi se pòt pas mai escriure aital, que enlòc dins lo mond trobaretz pas una lenga que s’escriu d’un biais especial per esser prononciada per de monde que la parlan pas ! (Cal veser tanben <http:// www.lpl.univ.aix.fr/guests/ieo/ieo.html>) Per aquèla causida, val mai se limitar a pauc de sitis, coma <http://occitanet.free.fr> (en occitan, francès e anglès) : aquel d’aquí es pro complet, que i a de tèmas nombroses (arts, multimedià, torisme, lingüistica (articles del Patric Sauset, que son plan interessants… mas esperam per lèu-lèu lo seu diccionari famós sul oèb…). Malurosament fòrças ligams son anullats… <http://www.chez.com/lengadoc/> (en òc) : un siti plan fornit, que tracta de literatura, de politica, e generalament de cultura : “320 paginas oèb d’occitan montpelheirenc”… Per parlar de causas divèrsas, i a una agéncia per l’emplec <http://www.emplec.net> (en òc), de Pau, e tanben un jòc de ròtle sul tèma dels trobadors ; cal anar sul “siti de Guilhem IX”: <http://www.geocities.com/Athens/ 7156/> (en òc), que ma’sembla plan docu-

mentat sul sègle XIII, mas los jogaires deven s’exprimir en occitan modèrn : òm pòt pas tot aver, cal pas demandar de peras a un píbol… Qué que ne siá, las basas son pausadas per los tres milions que parlan occitan, mas a despart <http://www.oc-tv.net> (ont pr’aquò trapi de pècas tecnicas cada còp que vau sus aquel siti), òm espèra mai en 2004 : una expression vertadièra e una cutura de creacion contemporanea occitana sus l’intèrnet… • Paraphrasant le comédien Darry Cowl (au sujet des sommes d’argent qu’il a perdues au jeu) je pourrais dire qu’il y a plus de sites internet en occitan qu’on ne le croit, et moins qu’on ne le pense… Le phénomène du “village global” touche donc entre autres les langues minoritaires, avec un nombre considérable de pages, mais il est à regretter que beaucoup parmi ces pages en occitan — ou sur la culture occitane — soient vieillies (plus de cinq ans) ou encore trop empreintes d’amateurisme. Mais toutes choses évoluent, et c’est ainsi qu’on peut maintenant accéder au “malhum” (réseau) grâce notamment au moteur Google en occitan : <http://www.google.com/intl/oc/>… À propos de la graphie : beaucoup de sites sont provençaux, et donc présentés avec les deux graphies (mistralienne et normative, parfois avec la seule mistralienne). Si la manière d’écrire de F. Mistral (voir <http://www.felibrige.com>) a été fort utile en son temps, à savoir faire connaître aux francophones une autre langue romane et sa littérature (un prix Nobel, tout de même !), il est clair qu’aujourd’hui elle n’a

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plus son sens, car nulle part ailleurs vous ne trouverez une langue qui s’écrit en fonction d’une autre ! (Voir aussi <http://www. lpl.univ.aix.fr/guests/ieo/ieo.html>) Pour cette sélection je vais me limiter à un nombre réduit de sites : <http://occitanet.free.fr> (en occitan, français et anglais) : celui-ci est assez complet, il concerne de nombreux sujets, des arts au multimédia en passant par le tourisme, et comporte quelques articles très intéressants sur la linguistique, signés Patrick Sauzet (à ce propos, on attend avec impatience la remise en ligne de son précieux dictionnaire !).Malheureusement de

nombreux liens sur ce site sont invalides… <http://www.chez.com/lengadoc/> (en occitan) : site très fourni sur la littérature, la politique, la culture en général : “320 pages web d’occitan montpellierain”… Pour la d i ve r s i t é , je m e n t i o n n e r a i u n e a g e n c e occitane pour l’emploi, <http://www.emplec.net> (en occitan) basée à Pau, et un jeu de rôle sur le thème des troubadours, sur le “site de Guilhem IX” : (<http://www.geocities.com/Athens/ 7156/> (en occitan), apparemment très documenté sur le XIIIe siècle, mais où les joueurs doivent s’exprimer en occitan moderne. On ne peut pas tout avoir non plus, faut pas exagérer… Quoi qu’il en soit, et les bases étant posées pour les trois millions d’occitanophones, on attend toujours en 2004 (mis à part <http://www.oc-tv.net> et néanmoins ses petits défauts techniques récurrents) une véritable expression numérique, une vraie création contemporaine occitane sur l’internet…


n°7 · PASTEL 54 · septembre 2004

ISO 639 | les Babel du Net La norme ISO 639 concerne la codification des quelques 7000 langues de la terre sur Internet (y compris les langues artificielles et les langues des signes). Voir à ce sujet un site remarquable : (en anglais) <http://www.ethnologue.com/web.asp> Saviez-vous que le shuadit était un dialecte occitan, appelé aussi judéo-provençal (ou judéo-comtadin), et parlé en Avignon jusqu’en 1977 ? La politique linguistique française est de plus en plus ambiguë. En 2004 le nombre de places offertes aux CAPES d’occitan et de breton a sérieusement diminué (de 13 à 4 pour l’occitan). Il n’y aura plus de CAPES d’arabe en 2005 (on n’a qu’à interdire purement et simplement de parler l’arabe en France, ce sera plus clair…). Quand donc les décideurs prendront-ils enfin conscience de l’extrême richesse patrimoniale de la diversité des langues, qu’elles soient régionales (ou historiques) ou encore issues de l’immigration ? Ceci est un site hébergé par l’Université Laval au Québec (en français) : <http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/>

Cependant, nous nous trouvons actuellement à une époque charnière, où les institutions dévoilent (ou « se » dévoilent ?) peu à peu « le patrimoine méconnu et la créativité vivante » des langues minoritaires :

<http://www.languesdefrance.com/> (en français) - Le « Portail des Langues de France » est réalisé par Libriszone (un ensemble de librairies spécialisées) et est soutenu par le Ministère de la Culture et par le Centre National du Livre. Il propose un parcours sommaire des langues du territoire (y compris l’Outre-Mer). L’internaute peut en écouter des extraits parlés… ainsi qu’y consulter, évidemment, une abondante bibliographie. D’autres observatoires existent sur Internet, mais il y a aussi des sites plus « opératifs » : <http://www.linguapax.org/> est un site soutenu par l’UNESCO (en espagnol, catalan, anglais & français). Il y est question de la diversité linguistique comme vecteur de paix dans le monde. Très dense, ce site regorge de textes à ce sujet, et beaucoup sont des actes de colloques internationaux. Par exemple le manifeste de Tlemcen en 2002 qui prône un « nouvel ordre linguistique international, fondé sur le plurilinguisme » (téléchargeable en version .pdf).

Très complet et très intéressant, notamment par sa bibliographie, il fait part des politiques linguistiques de 270 États ou territoires autonomes répartis dans 171 pays. Où l’on prend connaissance des 39 articles (sur 88) de la Charte Européenne des Langues Minoritaires signés par la France (mais non ratifiés à ce jour), de la loi Toubon, etc.

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<http://www.terralingua.org/> (en anglais) traite plus généralement de biodiversité. Autre organisation non-gouvernementale, elle est aussi soutenue par l’UNESCO, mais également par le WWF, le National Geographic, et par d’autres organisations ou institutions environnementales nord-américaines. Ses membres parlent de diversité « bioculturelle » : « Les peuples qui perdent leur identité linguistique et culturelle perdent un élément essentiel dans un développement social qui enseigne d’ordinaire le respect de la nature et la compréhension de l’environnement et de son développement. » Plus porté sur le domaine politique, le site <http://www.eurominority.org/> (en 21 langues), portail des minorités européennes (réalisé en Bretagne), fournit des informations (assez superficielles) sur l’innombrable quantité de nations sans état en Europe, mais cependant renvoie à de nombreux sites mondiaux du même thème, et sur l’actualité européenne concernant les minorités culturelles. Où l’on apprend avec effarement que Jacques Chirac milite pour la reconnaissance culturelle des Amérindiens… A-t-il déjà appris à balayer devant sa porte ?


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La Rantèla chronique de PASTEL, revue du COMDT-Conservatoire Occitan http://larantela.wordpress.com 2. d’avril 2005 à octobre 2008


n°8 · PASTEL 55 · avril 2005

Le village modal - 1 Si les langues du monde ont droit de cité sur le net, les différents systèmes de penser la musique existent tout autant, et le nombre de sites traitant du sujet est proche de l’infini (j’exagère à peine). J’ai choisi de parler d’un site francophone — auquel beaucoup d’autres sont liés — très complet sur la question ; il s’agit du site de Jean-Pierre Poulin, “la petite encyclopédie des échelles et des modes”.

<http://jeanpierre.poulin.free.fr> Très documenté, parfois indigeste (il faut vraiment s’initier à l’unité de mesure “Bohlen-Pierce”), c’est en fait la vitrine d’un livre-CD publié à compte d’auteur, une manière d’entrer dans le monde des modes. Outre le tempérament égal flanqué de ses deux éternels modes majeur et mineur que nous connaissons bien, il y est fait mention d’autres “manières de

voir” le spectre sonore (voir les liens) : <http://home.tiscali.be/ johan.broekaert3/Tuning_French.html> (en néerlandais, anglais & français) Ce site belge didactique initie l’internaute aux différents tempéraments et aux modes qui en découlent. On n’y apprendra pas que Pythagore était le gourou d’une secte mais on y trouvera des éclaircissements sur son tempérament…

<http://etiop.free.fr/music.htm> : Ceci est la “rubrique musicale de Laurent Gautier”, autre site intéressant, qui reprend la théorie à zéro : “le tempérament égal n’aurait pas pu voir le jour si le mathématicien Neper n’avait inventé le logarithme en 1614” (…) l’informatique non plus, d’ailleurs… Jean-Pierre Poulin renvoie à de nombreux liens, même les plus improbables :

<http://bekkoame.ne.jp/~dr.fuk/> (en japonais, anglais & français)

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…ou comment on traduit de la musique en protéines, soit pour inhiber, soit pour exciter les plantes… une alternative bienvenue à l’utilisation de traitements chimiques et aux plantes transgéniques. Il n’y a malheureusement pas d’extrait à écouter…

<http://www.armodue.com> (en italien) Mais si vous voulez voyager au pays des microtons, je vous recommande l’écoute, dans le site Armodue, d’une guitare et d’un synthé à l’octave hexadécaphonique (divisée en 16 parties égales). C’est surprenant au début, puis peu à peu on se prend au jeu. Mais le problème reste toujours de faire coïncider pusieurs notes avec ce genre de tempérament. Une nouvelle oreille est nécessaire car ces facteurs d’instruments nous offrent de nouvelles expériences ; ils sont peut-être en avance sur leur temps, mais le fait de s’obstiner sur une division égale d’octave, qu”elle soit de 12 ou de 16, limite tout de même à un type de répertoire (ici, assez “new age”, il faut dire). <http://web.mit.edu/randy/www/Music/ comets.html> (en anglais) Cependant quand on s’amuse à partager l’octave successivement en 16, 7, 8, 10, 15 ou 22 tons égaux sur cette page du Massachusetts Institute of Technology, il faut s’attendre à des résultats quelque peu extra-terrestres. De plus ces démos sont “salies” par des effets de phaser pour “embrouiller” notre oreille avec des harmoniques… Mais quel instrument mieux que le synthétiseur, avec une banque de sons quasiment illimitée, peut-il répondre de manière adéquate à cette nouvelle manière de diviser le spectre ?


n°9 · PASTEL 56 · octobre 2005

Le village modal - 2 <http://www.espace-cubase.org /page.php?page=solfrl1> Sur le site du forum des utilisateurs de ce logiciel culte, on peut entendre des échantillons de modes (Bartok, roumain, napolitain, etc.) mais on le consultera plus pour ses articles approfondis sur la technique sonore (sur l’histoire du mastering, par exemple)…

<http://www.beyhom.com/> (en français et en anglais) Amine Beyhom est musicologue et expose sa thèse de doctorat sur ce site : il s’agit de la “systématique modale”. Bien qu’il ne soit pas indispensable de connaître ces travaux pour connaître les musiques arabes ou pour les jouer, le curieux trouvera en Amine Beyhom une personnalité universelle, aussi bien un musicien novateur qu’un organisateur de festival…

<http://www.saramusik.org> (en français et en arabe) “Saramusik : Sources Arabes sur la Musique : Histoire et théorie de la musique arabe et orientale à partir des textes. Auteurs et manuscrits, articles, forum.” Le site d’Anas Ghrab, résidant en Allemagne et

en Tunisie, fourmille d’informations très diverses. Il n’y a qu’à cliquer dans l’impressionnante liste des brèves pour se rendre compte à quel point la planète des musiques arabes et orientales est opulente. On y trouvera également des débats en ligne, importantes discussions entre musicologues sur les systèmes pythagoricien, épimorique et autres… <http://www.rebetiko.org> (en anglais) Les “Talibans du Rebetiko”, a powerful and dangerous lobby of Rebetiko fundamentalists (comme ils se dénomment eux-mêmes) poussent à la suppression pure et simple du quatrième chœur1 de tous les bouzoukis existants (“dététrachordisation”) et à la “déchiotisation du rébétiko”. Explication : Manolis Chiotis est pour ces activistes la cause principale du malheur de ce genre musical dans les années 50 pour avoir ajouté un quatrième chœur à son bouzouki et en transfor-

mant la merveilleuse musique rebelle en ignoble soupe appelée “sirtaki” aux trémolos dégoulinants pour touristes gras… Il y a même un lien sur les ciseaux Fiskars. Rassurons-nous, il y a des puristes partout, même en Occitanie. Si ces derniers pouvaient au moins avoir ce sens de l’humour !… Après cette entrée en matière (merci à

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Pierre-Marie Blaja qui m’a fait connaître ce site) il est bien sûr question de musique avec notamment un renvoi sur le site de “l’Institut de Rébétologie” de Londres : <http://www.geocities.com/ hydragathering> (en anglais, grec, français et allemand). Il s’agit tout simplement, outre des cours et des stages, d’organiser chaque année en octobre sur l’île d’Hydra en Grèce un Saint-Chartier rebetiko… Quant au forum de discussions du site rebetiko.org, il est passionnant (parce que passionné et très animé) : ici se retrouvent beaucoup de joueurs de rébétiko de la planète comparant par exemple le dromos “pireotikos” au maqâm turc “nikriz” avec des arguments sans appel… Le monde du mode se porte bien, merci.

1. Sur un luth (oud, bouzouki, baglama, etc.), un chœur est une double-corde.


n°10 · PASTEL 57 · avril 2006

Copie gauche | copie droite

1. Mésaventures de la copie privée le site de la SACEM

Une rubrique traitant à la fois de musique et de culture de l’Internet telle que celle-ci devait bien un jour ou l’autre parler de l’affaire de la copie privée et de la Licence Globale. Le débat fait rage sur les droits d’auteur, les droits voisins1 et le « piratage » sur la toile. Essayons d’extraire de cette toile précisément, des outils de réflexion (matérialisés par des sites ou des blogs) qui pour certains ont pignon sur rue, ou d’autres qui sont ignorés car trop marginaux… « Le piratage n’est rien d’autre que du pillage, qui s’assimile à un vol, même si ceux qui l’accomplissent n’en ont pas toujours conscience (…) » a insisté le Syndicat National des Auteurs et Compositeurs (SNAC) dans son Livre Blanc (à télécharger en .pdf, 1,3 Mo). <http://www.snac.fr> Ce document fait part notamment des « fausses bonnes idées » comme la Licence Globale, décriée par un consortium de syndicats d’auteurs, d’éditeurs et de producteurs (voir le site de la SACEM à ce sujet). <http://www.sacem.fr> À l’opposé se trouve la SPEDIDAM, <http://www.spedidam.fr> syndicat d’interprètes, faisant partie de L’Alliance <http://www.lalliance.org> qui regroupe artistes et consommateurs, et qui au contraire se démène pour promouvoir cette licence. Un « Livre Rouge » est à télécharger sur le site de la SPEDIDAM (.pdf, 1,3 Mo) ainsi que deux rapports précédents, moins actuels. La Licence Globale Optionnelle permettrait l’échange légal de fichiers moyennant un abonnement forfaitaire annuel. Ce qui reviendrait à légaliser la pratique du Peer To Peer ou P2P (« Un réseau P2P est un réseau end-toend — sans serveur central — dont les participants mutualisent leurs capacités dans les limites qu'ils veulent bien consentir. Il est, par exemple, difficile de savoir si les données d'un réseau P2P sont stockées sur un ensemble de disques durs individuels où s'il vaut mieux considérer qu'il s'agit d'un immense disque dur communautaire sur lequel chacun vien-

drait piocher au gré de sa bande passante. » [Jean-Baptiste Soufron, coordonnateur juridique de Wikimedia Foundation] )<http://soufron.typhon.net/> mais cette puissante technologie se heurte au droit d’auteur. Pour François Nowak, de la SPEDIDAM, la diversité culturelle défendue par la SACEM en instaurant le téléchargement payant « est une vue de l’esprit » : les 4 majors (Universal, Sony, Warner et Emi), principaux opposants à la Licence Globale, ont contrôlé en 2005 95,7% du marché de la distribution. Effectivement il n’y a qu’à aller sur <http://www.fnacmusic.com/> (téléchargement payant) pour constater qu’un bon tiers de la sélection-playlist musiques du monde est occupé par EMI ! À propos de ce secteur il faut savoir pour la petite histoire que la SACEM ignore somptueusement la musique traditionnelle. Assimilée dans le meilleur des cas à de la musique folklorique (les lecteurs de Pastel apprécieront !) c’est une musique d’« auteur inconnu », ce qui est tout de même un peu court pour définir une musique patrimoniale… Cette lacune ne s’explique que par l’intérêt économique (et non culturel) que peut représenter la musique pour la SACEM. Pas d’auteur, pas de pépettes, et donc aucun intérêt. La SACEM, rappelons-le, est constituée d’auteurs mais aussi d’éditeurs. Elle a toujours clamé la paternité de Beaumarchais, tandis que d’autres ne voient qu’une immense

escroquerie séculaire dans le simple fait de réclamer des droits d’auteur (et encore pire de la part d’éditeurs) : voir à ce sujet la fédération anti-Sacem <http://www.centrebombe.org/anti-sacem.html>, une page du site de Mathius Shadow-Sky, artiste toulousain. Toutes ces pages perso, blogs et autres forums font partie, si l’on en croit la terminologie de Joël de Rosnay2, du pronetariat, immense sphère opposée à l’infocapitalisme. « L’économie de gestion de la rareté n’est pas la même que celle de l’abondance » rappelle J. De Rosnay, en précisant qu’il est urgent de repenser le modèle économique de la distribution de disques et des monopoles sur la gestion des droits d’auteur… Ce biologiste, pour avoir utilisé Internet lorsque ce système s’appelait Arpanet à la fin des années 70 est bien placé pour le définir comme « écosystème informationnel » constitué de « nanomédias », ou médias citoyens et sans capitaux. Sur les forums ou sur les blogs on pourra bien sûr trouver des éléments de réponse aux questions soulevées par le débat sur le droit d’auteur. Par exemple sur <http://www.agoravox.fr/> « le média citoyen », ou sur <http://www.bucheron.net/weblogs/> mais certains forums spécialisés (comme celui pour utilisateurs de Mac <http://forum.macbidouille.com/>) voient leurs modérateurs inflexibles sur la stricte observance de la charte interne qui n’autorise pas à parler de P2P… jusqu’à ce qu’une loi définitive soit votée. Mais le plus remarquable est que « l’appel aux pirates » lancé par le Nouvel Obs en mars 2005 réunissait dans un consensus exemplaire les pour et les contre Licence Globale. Dans tous les cas l’actualité sur ce sujet est brûlante et à mon avis, entre jurisprudences et avancées technologiques, le débat n’en est en 2006 qu’à ses balbutiements.

1. Les droits voisins concernent les interprètes et les éditeurs. 2. DE ROSNAY, Joël, en collaboration avec Carlo Revelli : La Révolte du Pronetariat. Éditions Fayard, 2006 le site de la SPEDIDAM


n°11 · PASTEL 58 · octobre 2006

Copie gauche | copie droite La loi DADVSI sur les droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (voir Pastel 57 à cette même rubrique) a été adoptée en août 2006 (voir le Journal Officiel <http://www.legifrance.gouv.fr/>) et dès lors on peut s’attendre à ce que le P2P devienne un enjeu de première ligne pour les candidats à la prochaine présidentielle (Ségolène Royal s’est déjà engagée à modifier le texte en cas de victore de la gauche). D’ailleurs au niveau politique on trouve encore une fois un large consensus pour promouvoir par exemple le Logiciel Libre1. Le député-maire de Lavaur (UMP) livre un communiqué commun avec Michel Rocard (PS) sur les dangers pour la liberté individuelle de l’encodage des œuvres numériques (cités par Framasoft <http://www.framasoft.net/>

(d’ailleurs ce site se dit « l'annuaire de 1053 logiciels libres » : à consulter d’urgence !). À propos des verrous numériques de sécurité sur les CD & DVD, voir le site <http://stopdrm.info/> : très instructif… Sur un plan plus large, les altermondialistes font du Logiciel Libre2 un de leurs chevaux de bataille, exactement comme les tenants du courant « Alternative Libérale », qui eux, en revanche, ne sont pas du tout copains avec les faucheurs d’OGM. On y trouvera en fait des raisons différentes pour les mêmes revendications… Pour la genèse, il faut parler immanquablement de Richard Stallman, inventeur du Logiciel Libre : <http://www.stallman.org/> (site en anglais : précisons tout de suite que lorsqu’il est expliqué ce que signifie « Free Software », une distinction est établie entre « libre » et « gratuit » : en anglais, c’est le même mot). C’est donc lui il y a vingt ans qui a le premier développé des programmes dans

le but que tout un chacun puisse les utiliser, les observer (le cas échéant pour les adapter à ses besoins, et là, la connaissance du code « source » est nécessaire), les redistribuer, les parfaire, etc., et ce dans une totale liberté. Aujourd’hui ce système est célèbre sous le nom de GNU/Linux.

Qu’on ne s’y trompe pas : le drapeau américain sur son site personnel renvoie à tout un réseau de militants (par exemple une commission de légistes qui revendique rien moins que la comparution de Bush devant un tribunal international pour crimes contre l’humanité…) ; depuis le 11 septembre, il revendique un pays sûr ET libre (il est vrai que c’est la moindre des choses dans sa position…). Depuis l’initiative Linux, on a même vu apparaitre sur le Net des sites « mutualistes » où la modification du contenu devient de plus en plus aisée pour celui qui le souhaite. Le plus célèbre à l’heure actuelle est sans conteste Wikipedia, « encyclopédie librement distribuable que chacun peut améliorer » <http://fr.wikipedia.org/> (229 langues, dont bien sûr l’occitan <http://oc.wikipedia.org/> : contributors planvenguts !

Enchainons facilement sur Creative Commons : « L’objectif recherché est d’encourager de manière simple et licite la circulation des œuvres, l’échange et la créativité. » :

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2. Libres, pirates & citoyens

<http://fr.creativecommons.org/> Voir aussi <http://fr.wikipedia.org/wiki/Copy left> Mais l’expression « morceau en Creative Commons » ou « film sous CC » n’est pas encore dans le langage courant, bien que la médiathèque en ligne <http://commons. wikimedia.org> soit riche de près de 900 000 fichiers (images, vidéos, sons…), base de données entièrement libre de droits. Craignons tout de même que certains dénoncent un manque à gagner pour les banques d’images payantes ! J’en profite pour me mettre hors la loi le temps d’une phrase anodine et d’un lien : « Le purin d’ortie est un produit indispensable au jardin, il vivifie et protège les plantes des pucerons et des maladies, il donne de la saveur aux légumes et de l’éclat aux fleurs ; c’est aussi le désespoir des marchands d’engrais et de pesticides pour notre plus grand bonheur et celui de la planète ». En voici la recette : <http:// w w w. k o k o p e l l i . a s s o . f r / a c t u / n e w _ news.cgi?id_news=73> En effet, il est interdit depuis peu d’informer le public sur ces savoirs traditionnels… Car il en est des multinationales qui régissent l’agroalimentaire comme de celles qui régissent la culture : le bien commun est attaqué de toutes parts par les brevets. Soyons vigilants et réagissons avant qu’il ne soit trop tard… Quant à la pétition pour libérer les semences, c’est par là : < h t t p : / / w w w. u n i ve r s - n a t u re . c o m / signez/?code=cat>

1. C’est aussi un thème lié au P2P dans la mesure où l’utilisateur en général est soumis à la loi quoi qu’il fasse dans la « société de l’information »… 2. Question de terminologie : <http:// www.april.org/> : « De nombreuses personnes utilisent le terme « Open Source » pour qualifier un de leur logiciel dès lors que son code source est accessible. Rappelant que le Logiciel Libre offre bien plus à ses utilisateurs, l'APRIL invite à préférer « Logiciel Libre » à « Open Source » pour désigner un logiciel disponible sous une licence libre. »


n°12 · PASTEL 59 · avril 2007

La toile sonore Encore une fois je me suis intéressé à la radio sur Internet. Elle a énormément évolué depuis le premier article de la Rantèla sur ce sujet (cf. Pastel n° 50, 2e semestre 2002) : le « web » est devenu le « Web 2.0 ». Explication : le développement de l’open source, (qui a entraîné entre autres l’éclosion de la « blogosphère »), les lecteurs (QuickTime, Real Player, Windows Media Player… Mais celui qui tient le haut du pavé est sans conteste Flash Player) de plus en plus performants, une démocratisation des techniques, une prise de conscience planétaire de la diffusion de l’information… ont fait que (par exemple) tout un chacun a désormais la possibilité d’émettre sa propre « radio ». Évidemment comme pour les blogs, espaces gratuits d’expression, il s’agit tout de même de diffuser du sens. Et encore une fois on trouve tout sur le Net, y compris les choses sans intérêt… Une bonne définition (diversifiée, contradictoire et provisoire) du Web 2.0 est sur Wikipedia : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0>. Je me suis limité ici à quelques « radios » françaises ou francophones. Je vous ferai grâce de l’insupportable MySpace et de ses pubs énervantes, même si parfois de véritables petits bijoux s’y trouvent cachés…

qu’Altermusica nous propose. Le discours de fraternité et d’antiracisme y est très présent, doublé d’une inventivité dans l’art du reportage et d’une excellente qualité sonore (je conseille tout de même de l’écouter sur iTunes). Une radio culturelle franco-turque : <http://www.istanbulradio.org>

Judith Meyer, la fondatrice, est professeur de français à Istanbul.On y trouve essentiellement des interviews autour des événements culturels à Istanbul. Nos compatriotes David Thélier et Richard Laniepce bien connus des lecteurs de Pastel y sont parfois invités.

<http://www.altermusica.net>

<http://audioblog.arteradio.com> Ce site est une usine à blogs-radios. (« Plateforme des audioblogs d’ArteRadio »). Documentaires sonores, enregistrements de concerts, compositions, recherches, anecdotes comme « Titre des thèses » de doc-

Ophélie Cohen est une mordue de world music et a créé une vraie radio sur Internet, qui diffuse en permanence. Quasiment toutes les musiques du monde y sont mises à l’honneur, de la berceuse yiddish au musicien du métro qui joue du Bach… C’est là un vrai travail de radiodiffusion, de réflexion sur LES musiques

torants (irrésistible !), peuplent ce site très fourni. Mais mon préféré (jusqu’à présent) est sans conteste l’OuRaPo (Ouvroir de Radiophonie Potentielle, branche de l’OuLiPo) : l’invention déployée dans ce blog est foisonnante et passionnante : <http://audioblog.arteradio.com/OuRaPo> Exemple : la méthode S(ON)+7, ou com-

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ment la même histoire racontée plusieurs fois avec une illustration sonore différente peut être la source d’œuvres décalées… Pour les amoureux d’électroacoustique : <http://audioblog.arteradio.com/elektramusic> par exemple la savoureuse pièce d'Eldad Tsabary « Into-Nations » créée à partir de diverses voix du monde… Surprenant. <http://www.novaplanet.com/radionova/home-radio.php> « Partout dans le monde, des êtres humains ou mutants, comme vous, penchés sur des ordinateurs personnels, de vieux dictaphones ou des home studios inventent des sons que personne ne peut entendre. Des mixes impossibles, des montages étonnants, des voyages utopiques ou des bruits singuliers. » Il y a un podcast de cette émission, certes inégale mais malgré tout digne d’être citée sur cette rubrique (émission de Radio Nova, pionnière de la world music en France, tout de même !). <http://www.silenceradio.org> Nicolas Frize compose des « suites sonores » : « La suite sonore est une fiction musicale aux vertus pédagogiques : elle joue à écouter notre environnement sonore comme une symphonie ». Ce n’est qu’une des innombrables propositions (« pastilles ») de Silence Radio, banque de sons impressionnante.

Le son envahit la Toile. Et si l’on y prête l’oreille il est créatif et généreux. De plus (à mon avis) ce n’est que le début…


n°13 · PASTEL 60 · octobre 2007

Etemenanki de l’ancêtre à l’artifice Etemenanki est le nom d’une ziggourat de Babylone (en sumérien, « temple de la fondation du ciel et de la terre », possible matérialisation du mythe de la Tour de Babel, selon certains archéologues… « La Confusion des langues » par Gustave Doré

Les langages musicaux ancestraux ont le vent en poupe en occident ; il semblerait que la suprématie de l’écrit ait atteint un tropplein d’arrogance… Bien sûr il est très utile d’écrire la musique, et je ne suis pas le dernier à reconnaitre que c’est un merveilleux outil, mais la colonisation et la centralisation aidant, il semblerait que la libre expression orale ait été bridée au cours du XXe siècle dans les sociétés rurales de façon conséquente (et parfois irréversible) à cause justement de la normalisation de l’écriture. En musique, l’enseignement de l’oussoul vient de la culture turque. Marc Loopuyt en est l’un des plus brillants zélateurs en France, notamment par ses stages. Depuis de nombreuses années il défend cette méthode d’enseignement de la musique orientale, d’ailleurs très souvent en opposition avec ses homologues arabes, qui eux, défendent l’académisme occidental (…?!) Dans la musique classique turque, l’oussoul est un cycle rythmique fondamental qui vient en complément de la mélodie. C’est un système d’éducation remarquable puisqu’il s’appuie sur les modes kinesthésique (on frappe ses genoux avec ses mains pour apprendre des formules rythmiques parfois très complexes), et bien sûr, oral. Usul est la graphie turque, et le mot vient vraisemblablement de

l’arabe (Frank Herbert l’a d’ailleurs utilisé — comme beaucoup d’autres mots de la culture arabo-musulmane — dans ses livres pour qualifier un de ses personnages comme « base du pilier »1. On ne peut pas mieux nommer le rythme… Il n’y a malheureusement pas encore de matériau sur le net qui parle d’oussoul musical en français. On pourra se consoler en revoyant cet excellent film de Fatih Akin « Crossing the Bridge » (mais la musique de Turquie est tellement plurielle qu’un film ne suffit pas)… Sinon : <http://en.wikipedia.org/wiki/ Usul_(music)> (en anglais). On ne peut pas parler des « langages ancestraux » sans évoquer le silbo gomero, langage sifflé de La Gomera (Canaries) : <http://www.vaucanson.org/ espagnol/linguistique/lenguas_ silbogomero_fran.htm> (en français et en espagnol) ; mais bien qu’il s’appuie sur de la musique, ce n’est pas un langage pour « faire » de la musique mais pour s’exprimer dans la vie quotidienne. Pour la même fonction (mais c’est une langue artificielle récente) il existe le solrésol de l’Albigeois François Sudre2 (1787-1864) : <http://www.uniovi.es/solresol/> ou <http://www.omniglot.com/writing/ solresol.htm> (en anglais), ou, plus connue, la langue des signes initiée par l’abbé de l’Épée (1712-1789)… Autre langue des signes (retour à la musique), le Soundpainting a été inventé par Walter Thompson3 dans les années 70 (certainement d’après un langage ancestral…) : <http://www.soundpainting.com> (en anglais). C’est un langage visuel de direc-

tion d’orchestre et de composition en temps réel, abouti, très riche (43 gestes de base, plusieurs centaines de signes, une syntaxe simple et parlante…) et très prometteur : on peut arriver avec cet outil à une improvisation structurée des plus surprenantes4… j’en veux pour exemple ce morceau de Haydn (« Soundpainting Haydn ») entrecoupé (ou parfois superposé) de figures improvisées dirigées : c’est très comparable à de l’art graphique expérimental (collages, montages, duplications, etc.). En France c’est François Jeanneau, le premier directeur de l’Orchestre National de Jazz, qui semble en être le plus prolifique représentant : voir le site du SPOUMJ(<http://www.umj-asso.com/ spoumj.php>). À Toulouse il faut traquer le tout nouveau SPOOT (SoundPainting Orchestra Of Toulouse…

1. Frank Herbert, Le Cycle de Dune, Robert Laffont 2. François Sudre a aussi inventé un instrument à vent, le sudrophone. 3. Merci à Ludovic Kierasinski qui m’a fait connaitre le soundpainting ; l’école des musiques vivantes Music’Halle (Toulouse) utilise beaucoup ce langage aux vertus pédagogiques qui ne sont plus à démontrer. 4. …Et pas seulement dans la musique : on peut même faire improviser en plaidoirie plusieurs dizaines d’avocats en même temps ou faire sévir une armée de coiffeurs avec cette technique !… Walter Thompson, site « sound painting.com »

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n°14 · PASTEL 61 · avril 2008

L’âge électronique - 1

Circuitages & bruiticiens L’excellent ouvrage de Peter Shapiro « Modulations, une histoire de la musique électronique » a pour discours l’exacte simultanéité de l’invention du phonographe et de la musique électronique (outre le caractère audacieux et (peut-être) discutable de la thèse il faut dire que c’est très bien documenté : il y est question par exemple de la première apparition de l’overdrive au cours de l’enregistrement d’un morceau de country en 1961…). Un extrait sonore est sur <http://www.incipitblog.com>. Un pont entre la musique contemporaine et les musiques traditionnelles trouve une évidence dans la vaste sphère des musiques électroniques. Outre une vraie recherche d’ordre esthétique mettant en dialogue les deux domaines (par exemple Jean-François Vrod et le GMEA d’Albi, avec un questionnement incessant sur les ambiances sonores), on peut aisément établir un parallèle social, et même politique, entre ces pratiques. Si le renouveau des musiques traditionnelles en son temps (on appelait ça « le folk ») a souvent été prétexte à « changer la vie » (récurrence de la thématique soixante-huitarde) par les premiers festivals, les rencontres, le refus du système du show-business, etc., depuis quelques années des communautés fortes s’organisent en raves, la danse (et la transe) est au cœur de l’activité… et il semble que le relai ait été pris par une multitude de militants de l’oreille, activistes du son… aussi bien des performers que des artisans virtuoses du fer à souder… <http://bananar.free.fr> Le site « ana-R » (« association au nom autoréférenciel ») propose, (sous un sigle à la couleur sans dieu ni maître à peine déguisée) des

Une galerie d’« alien instruments » de Reed Ghazala sur le site anti-theory.com

« commandos anti-bruit », une anthologie de bourdons domestiques, un musée d’instruments rares, etc. Il est vrai que l’apparition des musiques électroniques nous fait écouter le monde d’une manière totalement nouvelle : l’initiateur de ce site, Emmanuel Rébus, a même compilé des morceaux « rayés » d’enregistrements sur CD vierges et a appelé ça « Sony l’a fait » ! Ça me rappelle étrangement l’OuLiPo… D’ailleurs il existe « l’Ouvroir de Circuitage Potentiel » (c’était à prévoir…). Le discours ambiant pour toutes ces nouvelles pratiques populaires tient en une phrase : « Le son est la manifestation physique de la vibration de la matière, et puisque nous sommes environnés de matière, nous sommes plongés dans un bain de sons ». C’est aussi l’introduction à une conférence sur la musique et les mathématiques disponible en mp3 sur <http://hypatia.club.fr/lectures.html>. Quant au circuitage lui-même (traduction de l’anglais circuit bending), c’est un détournement d’objets à circuits imprimés (de jouets, le plus souvent, pour leurs dispositifs à synthèse vocale, comme la « Dictée Magique » de Texas Instruments) dans le but de faire de la musique. Le procédé a été trouvé dans les années 70 par Reed Ghazala, artiste multimédia - il a travaillé pour King Crimson, Tom Waits, Peter Gabriel…- et on peut en trouver des définitions et des démonstrations en ligne sur son site (en anglais) : <http://www.anti-theory.com/soundart/circuitbend/> ou sur <http://bitcrusher.free.fr>

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Ce site (en français) propose une quantité de démos, des samples libres de droit à télécharger, des didacticiels… (attention ! ne manipuler les objets à détourner qu’avec une tension inférieure à 12V ! - risque d’électrocution)… Où l’on se rend compte que la « révolution électronique » s’est bien faite en douceur, et non d’un coup : on assiste à un mélange joyeux de pinces coupantes et de cartes mémoire. Le créateur du XXIe siècle aura toujours besoin du va-et-vient entre les systèmes organique et binaire.


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La Rantèla chronique de PASTEL, revue du COMDT-Conservatoire Occitan http://larantela.wordpress.com 3. de mai 2009 à octobre 2011


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Des bugs Ceci n’est pas un pipe Les geeks1 sont omniprésents sur la toile, y compris chez les joueurs de cornemuse. Il faut dire que cet outil inédit qu’est le réseau Internet doit son développement et sa créativité pour beaucoup à d’obscurs génies asociaux et à une poignée d’adolescents solitaires criblés d’acné (je parle des geeks, pas des

expérience nouvelle, celle de recréer, à l’aide d’un chanter-capteur et d’un câble USB (et, tout de même, d’une certaine capacité musicale à taquiner l’animal), la couleur et le grain de l’instrument vintage : http://www.universal-piper.com (en anglais, mais leur blog attenant est aussi en français) les reloads, les sauvegardes de presets, les tags et les fichiers XML sont le quotidien de ces cornegeekeux. Il

Invasion sur la toile Pour ce qui est de la Summa Cornemusensis, il faut bien sûr aller faire un tour sur l’incontournable Iconographie de la cornemuse en France (depuis 1986) de Jean-Luc Matte : véritable encyclopédie en ligne, elle ne se contente pas de reproduire la représentation gravée ou sculptée des vénérables sacs à tuyaux,

Capture d’écran du logiciel Universal Piper, qui fait revivre non seulement des sons d’un autre siècle, mais aussi une vieille façade hardware.

Endophone (ou SWP) créé par Christophe Hervé

joueurs de cornemuse) ; ces mêmes individus se retrouvent comme par hasard dans la vaste nébuleuse des jeuxde-rôle-en-ligne-massivement-multijoueurs… et que retrouve-t-on à profusion dans la thématique des jeux de rôle ? L’Heroic Fantasy, la science-fiction, la mythologie celtique… le tout formant une belle soupe fantasmée2, anachronique et, il faut le dire, joyeusement bordélique. Universal Piper, comme logiciel qui simule une cornemuse, convient à ce profil si typé… Ses créateurs s’amusèrent un jour de 2009 à échantillonner des cornemuses écossaises (à partir de vrais modèles Henderson – 1921, McDougall – ca 1870/1880, Lawrie – 1924, et François – 2004), mais aussi des binious kozh et des musettes 23 pouces du Centre-France ; il s’ensuit une

existe même une application pour l’iPhone… (mais ce n’est pas vraiment étonnant, car bientôt il sera aussi possible de faire le café avec ce portable). On attend en revanche un échantillonnage de l’aire occitane. http://fluteirlandaise.free.fr/SWP/ rencontre5.html Ici c’est un endophone ou still wave pipe : contrairement aux autres cornemuses virtuelles, cet instrument électroacoustique produit ses propres sons, et est donc comparable à une guitare électrique. En 2010 son inventeur, Christophe Hervé, ancien étudiant en génie des matériaux et en mécanique (et gendarme, pour la petite histoire), prospectait pour pouvoir commercialiser le futur outil du pipe-hero des années 2020…

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mais aussi de magnifiques fac-simile de contredanses du XIX e siècle, par exemple, ou plus généralement une


n°20 · PASTEL 67 · avril 2011

dans les poches toujours. Et en plus, apparemment, on en redécouvre chaque année… D’ailleurs d’après le site http://www.cornemuses.culture.fr/ du MuCEM (Musée des Civilisations Europe Méditerranée), « La cornemuse est un instrument pluriel. Selon l'endroit où on la trouve, elle n'est jamais la même, et pourtant il

Qu’elle vienne de Gascogne, de Suède, de la Mer Noire ou de l’hyper-espace, la cornemuse se porte comme un charme et s’épanouit sur le web. Mais on attend un vrai discours ou un manifeste sur les tempéraments et les différences intrinsèques à l’instrument, ou bien un débat enflammé sur le diapason, par exemple…

Images du site Cornemuses d’Europe et de Méditerranée (MuCEM)

typologie des instruments à vent : http://jeanluc.matte.free.fr ; mais ce site de référence, bien qu’extrêmement fourni, pèche par son âge, vénérable également… la navigation, quoique astucieuse, n’y est pas naturelle et son design mériterait un rajeunissement. Il existe des tentatives d’équivalent du site de J.-L. Matte, comme celui du piper américain Aron Garceau (du groupe Pryden, Vermont, USA) : http://www.prydein.com/pipes/ (en anglais). Quant au site néerlandais http://gajdy.web-log.nl il faut signaler que notre boha y est appelée droneless bagpipe (cornemuse sans bourdon) ; mais l’intérêt de ce site est le nombre de pays à cornemuse. La quantité hallucinante de variations de cet instrument m’étonnera

s'agit toujours d'une cornemuse, reconnaissable tant par sa forme particulière que par ses sons continus… ». Ce site est un modèle d’information et de pédagogie. Où l’on apprend entre autres qu’il convient de dire « cornemuseur » et non « cornemuseux », tant il est vrai que, finalement, la seule marque de noblesse de cet instrument en Occident réside dans la musette de cour, support d’un vaste répertoire baroque typiquement français3. Et en France on ne plaisante pas avec le langage. Un autre petit musée virtuel se trouve dans le site de la Fraternelle, h t t p : / / w w w. p i p e s h o w. n e t / m u s e e virtuel.htm avec notamment une remarquable galerie de photos de soixante cornemuses rassemblées…

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1. Geek, nerd, gourou… tous ces termes peuvent définir le détenteur d’un talent inné et exclusif pour la chose binaire et à écran. 2. Rappelons que fantasy signifie « fantasme » et non « fantaisie »… 3. Bon, d’accord, on pourrait voir aussi de la noblesse (d’épée) dans l’instrument de guerre traditionnellement utilisé dans l’armée britannique, du Commonwealth, et… française (Bagad de Lann-Bihoué).


n°19 · PASTEL 68 · octobre 2011

Linguistique, discours & poésie La voix donne lieu à beaucoup d’œuvres musicales, mais il y a des genres peu explorés, comme par exemple la «mélodie du discours». Certains ont produit des chefs d’œuvre comme Different Trains de Steve Reich, où dans l’une des pièces il propose un paysage sonore guidé par la réminiscence du train qu’il était obligé de prendre pour traverser les États-Unis de part en part entre 1939 et 1942 pour voir chacun de ses parents divorcés, sachant que, en tant qu’enfant juif, s’il avait vécu en Europe à la même époque, c’eût été un autre type de train et de destination… La voix est utilisée sous forme de bande magnétique et est superposée à la composition orchestrale.

Dans la même sphère d’explorations, le Québécois René Lussier a créé Trésor de la langue en 1989. Il s’agit d’une œuvre qu’il définit lui-même comme « une fresque sonore sculptée dans le vif des mots, ceux de la rue et ceux des archives politiques et folkloriques du Québec ». Il faut apprécier particulièrement l’expression « C’est ça qu’on va faire ! », projetée d’une manière résolue par le syndicaliste Michel Chartrand (bien sûr avec cette prononciation québécoise si caractéristique), samplée et répétée en scansion pour former une sorte de blues rageur, superposé à d’autres discours… Iris Lancery et Agnès Buffet ont créé le spectacle T’entends ? où se mêlent voix parlée et instruments, parmi lesquels un tuyau en plastique utilisé comme instrument à embouchure. Plusieurs extraits vidéo sont sur www.myspace .com/ spectacletentends. L’usage de la voix

comme instrument, avec des mots en plus : ça pourrait être la définition du chant, mais non, c’est autre chose. Ça produit une œuvre, mais peut aussi donner lieu à des formes de « thérapies » ou d’expression « utilitaire » : Voix ton corps comme il est beau est un « dispositif de formation complémentaire et adapté à un parcours d’insertion professionnelle » où Iris Lancery (http://irislancer y.wordpress.com) donne des ateliers d’expression vocale (www.voixtoncorps.com). Jacques Demierre et Vincent Barras font des performances de poésie sonore. L’un est compositeur, pianiste, et l’autre est à la base historien de la médecine… Ce dernier, non content d’avoir traduit plusieurs livrets de John Cage, travaille entre autres sur des textes qu’il connaît bien, puisque ce sont des traités d’anatomie de l’antiquité grecque… Mais en duo leur recherche sur les publications du linguiste Ferdinand de Saussure est remarquable. Et le résultat, au-delà d’un rendu esthétique certain, se double d’un apport pédagogique sur les sonorités des langues indoeuropéennes analysées initialement par le linguiste. w w w. j a c q u e s d e m i e rre . c o m / p o e s i e sonorea.html. L’exploration de la richesse immense

Spectacle T’entends ? par Iris Lancery & Agnès Buffet

des sonorités qu’offre la voix est curieusement sous-représentée dans le spectacle vivant. Heureusement les multivocalistes (ce que nous allons finir par appeler human beat box comme tout le monde) rattrapent avantageusement ce train de retard, ou encore des artistes dont la marotte est l’expérimentation : dans ce cas précis, et par définition, l’expérimentateur peut aller très loin… Anne-Laure Pigache (www.uneporte dansledos.com), phénomène laryngal à elle seule, reste « à la lisière entre son et sens » (selon ses propres termes). Elle me rappelle par moments la divine Cathy Berberian (dans sa célèbre Stripsody) ou bien, comme Iris Lancery, elle est capable de se lancer dans des épopées langagières où l’intonation prosodique n’a d’égal que le tragi-comique qui en découle. Il suffit d’entendre se répéter assez longtemps les mots « Assedic » ou « Pôle Emploi » pour être d’abord amusé, puis touché-coulé.

pochette de l’album Trésor de la langue

Anne-Laure Pigache

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– Fin du premier recueil de La Rantèla, chroniques parues sur Pastel support « papier » – Le prochain sera une compilation d’articles parus sur la version en ligne www.pastel-revue-musique.org.



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