Le patrimoine populaire au brésil une étude de cas sur la communauté du porto do capim

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UNIVERSITÉ JEAN MONNET YASMIN DE FREITAS VIEIRA COUTO

LE PATRIMOINE POPULAIRE AU BRÉSIL Une étude de cas sur la communauté du Porto do Capim

Saint-Étienne 2016


YASMIN DE FREITAS VIEIRA COUTO

LE PATRIMOINE POPULAIRE AU BRÉSIL: Une étude de cas sur la communauté du Porto do Capim.

Mémoire recherche de conclusion de l’année scolaire 2015/2016 en conformité avec les exigences

de

développement culturel

cours et

spécialité

de

protection patrimoines

Licence du

pro

patrimoine

des

20e-21e

siècles, objet, procès et valorisation. Orientatrice: Carrier-Reynaud, Brigitte. Maître de conférences en histoire contemporaine

Saint - Étienne 2016 2


Note d’intention 1. CHOIX DE STRUCTURE 1.1. Académique Yasmin de Freitas Vieira Couto 1.2. Nom du Projet de Recherche Le patrimoine populaire au Brésil : une étude de cas sur la communauté du Porto do Capim. 1.3. Réalisation Université Jean Monnet 1.4. Durée De Février 2016 à Juin 2016 1.5. Financier Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (CAPES)

2. ITINÉRAIRE Dans la ville de Joao Pessoa, depuis plus de 70 ans, au bord de l’eau et au centre-ville, vit une communauté de pêcheurs appelé Porto do Capim. Cette communauté est marquée pour résidences multifamiliales, des travailleurs avec un grand lien avec la rivière, les mangroves et le centre historique qui est juste à côté. Pendant plusieurs années, cette communauté a été abandonnée par les pouvoirs publics. Cette situation a commencé à changer au cours des années 1990 avec plusieurs actions de revitalisation du centre historique. Ces projets n’ont pas été conclus, mais durant les dernières années la mairie de João Pessoa a commencé à prévoir des opérations de relogement des résidents vraiment isolés dans le centre-ville. C’est à ce moment-là que plusieurs habitants de la communauté et de la ville en général ont créé le mouvement populaire “Embrasse le Porto do Capim”. Ce mouvement a comme but d’éviter que les travaux prévus ne soient faits et souhaite valoriser l’histoire de la communauté. Dans ce mémoire recherche, sera étudié le patrimoine 3


populaire brésilien.

3. LA STRUCTURE Le travail est divisé en cinq parties. La première partie parle de l’origine du sentiment d’appartenance à un milieu, avec la contextualisation philosophique de cette pensée. Dans la deuxième partie, j’étudierai la relation des grandes entreprises avec les terrains des anciennes communautés, en quoi c’est plus intéressant financièrement de bâtir sur cette terre plutôt que dans les nouveaux quartiers. La troisième partie sera un croisement des deux premières parties où je parlerai des conflits générés pour cette divergence et des bases théoriques des mouvements populaires, comme celui du Porto do Capim. La quatrième partie est une étude de cas, sur le Porto do Capim, avec toute l'histoire de la communauté et des conflits qui ont duré de nombreuses années. La cinquième partie présentera deux études de cas pour une meilleure compréhension des potentialités et problèmes générés par la gestion des communautés.

4. FAISABILITÉ 4.1. La recherche Le patrimoine populaire n’a jamais été suffisamment reconnu dans le contexte brésilien. Ce mémoire de recherche a comme but de mettre en place ce patrimoine, ses complexités et potentiels qui sont en grande partie oubliés. 4.2. Chronogramme d’Activités :

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5. LES RESSOURCES INTELLECTUELLES 5.1. La bibliographie L'étude sera basée sur des livres, des périodiques et publications qui traitent du sujet en rapport à la partie plus théorique mais aussi à les villes et communautés étudies. 5.2. Les ouvrages fondamentaux BAUMAN, Zygmunt. Communauté: la recherche pour sécurité dans le monde actuel. Rio de Janeiro: Jorge Zajar, 2003. JOFFILY, José. Porto Político. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 1983. NISBET, Robert. The sociological tradition. 1. ed. London: Heinemann, 1967. OLIVEIRA, Cátia Raquel de Sousa. Afurada | Âncora de Identidades. Vol II. 1. ed. Faculdade de Letras da Universidade do Porto, 2015.

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Resumo A proposta deste estudo consiste em analisar as diferentes concepções referentes à gestão do património popular no contexto brasileiro e internacional, tendo como exemplos Portugal e França. Estudo este feito através da análise da comunidade do Porto do Capim, do contexto patrimonial que a envolve e dos planos de revitalização e requalificação propostos para as áreas urbanas da comunidade. Levando-se em consideração as diferentes formas de apropriação dos espaços patrimonializados, é proposta a reflexão sobre como ocorrem processos de atribuição de valor aos bens culturais e como se relacionam os conceitos de identidade, memória e tradição. Palavras-chave: Patrimônio Cultural. Patrimônio Popular. Porto do Capim. João Pessoa. Afurada. Porto. Banlieues. Paris.

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Résumé Le but de cette étude est d'analyser les différentes conceptions concernant la gestion du patrimoine populaire dans le contexte brésilien et international, en prenant comme exemples le Portugal et la France. Étude faite par l'analyse de la communauté du Porto do Capim, en João Pessoa, du contexte patrimonial qui l'entoure et des plans de revitalisation et de requalification proposés pour les zones urbaines de la communauté. Compte tenu des différentes formes d'appropriation des espaces considérés en tant que patrimoine, il est suggéré de réfléchir sur les processus d'attribution de valeur aux biens culturels et comment ils se rapportent aux concepts d'identité, de la mémoire et de la tradition. Mots-clés: Patrimoine culturel. Patrimoine populaire. Porto do Capim. João Pessoa. Afurada. Porto. Banlieues. Paris.

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Liste des figures Figure 1: Localisation de la communauté dans le contexte brésilien.

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Figure 2: Vue aérienne de la communauté du Porto do Capim.

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Figure 3: Carte avec les numéros de quilombos en chaque région brésilienne.

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Figure 4: Frederica Civita’ Gravure produit .par Jan van Brosterhuisen en 1647.

Erro!

Indicador não definido. Figure 5: Groupes d'entreprises qui ont fait le plus de dons pour les candidatures dans les élections municipales en 2012.

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Figure 6: Publicité du projet dans le centre historique de Recife.

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Figure 7: Complexe d’habitation Gervasio Maia, João Pessoa, 2007.

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Figure 8: Ancienne maison abandonnée dans le Centre Historique de João Pessoa, à côte de la communauté du Porto do Capim.

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Figure 9: Communauté du Porto do Capim, 2012.

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Figure 10: Shopping en João Pessoa, 2015.

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Figure 11: Manifestation populaire à Recife, ville près de João Pessoa. Dans l'écriteau «La ville est nôtre, occupez-là».

34

Figure 12: : Titre dans un des plus grands sites d'information du Brésil.

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Figure 13: Publicité du refonte du projet pour la zone du Porto do Capim.

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Figure 14: Polygonale de protection fédéral.

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Figure 15: Centre ville de João Pessoa – la basse ville.

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Figure 17: Communauté du Port du Capim.

44

Figure 16: Place Anthenor Navarro.

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Figure 19: Perspective de l’arène d’événements du projet de Revitalisation du Porto do 8


Capim, dans le project de 2008.

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Figure 18: Perspective de la place du Porto do Capim du projet de Revitalisation du Porto do Capim, dans le project de 1990.

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Figure 20: Perspective de l’arène d’événements du projet de Réhabilitation du Port du Capim.

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Figure 21: Façade du Centre d'interprétation patrimoniale d’Afurada.

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Figure 22 : Façade du Centre d'interprétation d’Afurada.

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Figure 23: Intérieur du du Centre d'interprétation patrimoniale d’Afurada.

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Figure 24: Les HBM du boulevard Ney (Paris, 18ème arrondissement) : la ceinture des immeubles à coeur fermé.

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Index Introduction

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La thématique

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Introduction La méthodologie

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Fondement philosophique La société

16 16

Fondement philosophique Les communautés et les associations des habitants

20 20

Relation actuel avec le patrimoine au Brésil Une étude de cas

22 22

Relation actuelle avec le patrimoine au Brésil Le gouvernement et les grands constructeurs

25 25

Relation actuelle avec le patrimoine au Brésil Les citoyens

31 31

Mouvements pour les droits urbains Les citoyens

33 33

Mouvements pour les droits urbains Le gouvernement et les grands constructeurs

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Étude de cas Le Port du Capim

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Étude de cas Bairro da Afurada

53 53

Étude de cas Les banlieues parisiennes

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Conclusion

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Introduction La thématique

À côte de l’eau du fleuve Sanhauá, dans le périmètre historique du centre de João Pessoa, ville capitale du département de la Paraíba, dans le nord-est brésilien, il y a une communauté de pêcheurs installé là depuis plus de 70 ans.

Figure 1: Localisation de la communauté dans le contexte brésilien.

Au bord de ce fleuve, il y a plusieurs années, était localisé le Port du Varadouro, nom du quartier où se situait celui-ci. Le Port a reçu le nom de Porto do Capim (en français Port de l'Herbe), à cause de la quantité d'herbe qui était importée pour nourrir les animaux de transport. En 1935, un autre port a été construit en Cabedelo, ville proche, et à cause de la réalisation du chemin de fer entre les deux villes, le Port du Varadouro a été progressivement abandonné. Le périmètre de l’ancien port est tombé de peu en peu en ruines et fut occupé par les familles pauvres, qui ont formé avec le temps la communauté du Porto do Capim. Même localisée au bord de la zone historique de Joao Pessoa, le Porto do Capim a toujours été 11


ignoré. La région, pendant toute l'histoire de la communauté, n'a pas reçu d’ouvrages d'infrastructure ou d’installations sanitaires. Les familles qui habitent là vivent dans des conditions hygiéniques, sanitaires, de santé publique et environnementale vraiment précaires, leurs logements ne garantissent pas une vie digne. En plus, la communauté est considérée par la mairie de João Pessoa comme indésirable. Les presque 500 familles qui habitent dans la région vivent avec le risque possible d'être chassées de cet endroit depuis 1985. Durant cette année a été signé l'accord Brésil/Espagne de coopération internationale, qui a proposé un premier projet afin d’accompagner le déménagement de la population locale. Cette projet et tous les suivants n’ont pas pris en compte le paysage, l’organisation spatiale du quartier ou même les modes de vie qui témoignent tous d’une véritable marque en ce qui concerne la naissance de la ville de Joao Pessoa. En dehors du fait d’offrir une infrastructure à une communauté déjà installée, depuis plus de 70 ans, à cet endroit, la mairie vise à détruire tout le bâti existant pour répondre aux intérêts des constructeurs.

Figure 2: Vue aérienne de la communauté du Porto do Capim. Disponible en <http://romulogondim.com.br/porto-do-capim-joao-pessoa-pb/>. Consulté le 25/03/2016.

Les projets suivaient l'optique hygiéniste et la communauté aurait été chassée de la région centrale. À la place auraient été installées une arène pour les grands événements et 12


d’autres installations touristiques. En 2010, grâce à des incitations financières du Gouvernement Fédéral, le projet a été repris. Malgré plus de 30 ans d'évolution de la pensée architecturale en ce qui concerne les interventions dans les zones historiques, le projet initial, lancé en 1985, a été repris. En opposition au projet, en 2012, les résidents locaux se sont organisés en associations et avec le soutien d'une partie de la société, ont formé la Commission du Porto do Capim. Ce comité vise à valoriser l'histoire et la mémoire de la communauté du Porto do Capim et, en conséquence, à empêcher la réalisation du projet de relogement. L'objectif de ce travail comprend l'étude de la façon dont sont nées les identités collectives, telles que vécues par les résidents du Porto do Capim. Autres objectifs, l’étude de l’importance conséquente pour la mise en valeur du patrimoine et l'appréciation de la mémoire et de l'histoire des communautés locales, ainsi que l’étude des conflits qui surgissent lorsque les communautés avec une conscience collective affirmée viennent en confrontation avec des intérêts publics ou privés. A été aussi regardé pourquoi, étant si importante pour la construction de la ville de Joao Pessoa, la communauté a été négligée pendant plusieurs années, dans une tentative médiocre d'effacer son importance. Ainsi, la communauté du Porto do Capim nous offre un exemple et une étude de cas au fil du travail, mais ce travail peut et doit être utile à d'autres mouvements populaires urbains cités et mis en exemple plus avant.

«Ainsi, le point de départ (...) est le suivant : les hommes et les sociétés sont définies par leur style, leur façon de faire les choses. (...) Il est, toujours, une question d'identité. De savoir qui nous sommes et comment nous sommes, de savoir pourquoi nous sommes (...) Mais le mystère, comme vous pouvez le deviner, ne reste pas sur la question de savoir qui nous sommes. Il sera nécessaire découvrir comment nous construisons nos identités.»1 2

La formation de l'identité collective est, en soi, une vaste problématique, mais, comme

1

DAMATTA, Roberto. «O que faz o brasil, Brasil?» 1986, Rio de Janeiro, Rocco. pp 11 à 20. Tous les textes en langue étrangère ont été traduits par l’auteure de l’oeuvre.

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toutes les problématiques humaines, elle n'est pas isolée. Le sentiment d'appartenance créée par l'introduction d'individu dans un contexte unit tous ceux qui pensent différemment. Cette union donne de la force à des causes qui, dans un autre contexte, ne possèdent pas la chance d'influencer la vie quotidienne. Dans cet article, ont été brièvement analysés les aspects des concepts de «société», «communauté» et «identité». En commençant par des approches classiques et en identifient les remaniements afin d'expliquer les principes de base qui caractérisent ces phénomènes et en soulignent les différences qui y sont contenues. Plus précisément, nous cherchons à discuter de ce qui caractérise la société, la communauté et l’identité dans le monde d'aujourd'hui. En parlant sur la vision urbanistique, la création des identités collectives peut directement influencer la formation et la déformation des milieux urbains. Par exemple, une nouvelle fois, la communauté du Porto do Capim, avec son activisme contre l'exécution du projet de relogement des habitants a empêché un changement très important dans le paysage urbain du centre historique de João Pessoa. La puissance de l'identité collective est beaucoup plus large, l'union de personnes autour d'une cause peut changer les systèmes économiques et le gouvernement actuel. Comme un exemple classique, la Révolution française. La rupture avec «L’Ancien régime» alors en vigueur en France uniquement rendue possible grâce à la mobilisation de différentes personnes autour d'un problème commun.

«Le concept de nation trouve une forme beaucoup plus précise, plus nette, plus féconde en même temps, après les jours mémorables de 1789 et surtout après le grand jour de la Fédération où, pour la première fois dans l'histoire, une nation tente de prendre conscience d’elle-même par des rites, par une fête, de se manifester en face du pouvoir de l’État…»3

En lien avec le sentiment d'appartenance connu au cours de la Révolution française à nos jours, nous pouvons voir clairement des traits similaires avec des « mouvements pour les droits urbains », comme on les appelle au Brésil. Ce sont des mouvements de source

3

MAUSS, Marcel. «La nation» 1920 Extrait de l’Année sociologique, Troisième série, 19531954, pp. 7 à 68

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populaire qui mettent l'accent sur les problèmes historiques et géographiques de grandes villes brésiliennes comme l'agglomération, la forte densité de population, la valorisation patrimoniale et des autres problèmes urbains. En étudiant ces cas, nous avons déterminé la portée de l'étude sur la construction des zones déjà habitées. Pourquoi serait-il, aux yeux des constructeurs, que ce soit d'initiative publique ou privée, plus avantageux de construire dans les zones qui sont déjà habitées? Ou pourquoi serait-il mieux, pour le grand bâtisseur, qui se bat depuis des années, de récupérer un terrain qui est déjà occupé pour la construction de nouveaux quartiers ? Ainsi, la spéculation immobilière fait partie de la construction, elle est un ennemi des communautés âgées comme celle de Porto do Capim et beaucoup d'autres que nous pouvons utiliser comme exemple. En parlant en détail sur la construction des identités collectives et sur le contrepoint de la construction dans les villes avec un tissu urbain déjà consolidé, nous pouvons comprendre les “mouvements pour les droits urbains”. Les raisons pour lesquelles ils sont importants pour la société et quels sont leurs impacts réels sur les paysages urbains. Les luttes pour la transparence, la participation du public et l'appréciation de l'espace public, comment peuvent-ils influencer les plans directeurs, la planification urbaine et métropolitaine à long terme ? Comment s'articulent-ils et agissent-ils dans les villes ?

Introduction La méthodologie

En ce qui concerne la méthodologie utilisée, il a été décidé d’utiliser surtout l'analyse de documents. A été employée la recherche bibliographique qui était importante dans le processus de construction, surtout en traitant des questions complexes déjà très travaillées par d’autres auteurs. Cette étude bibliographique a permis la compréhension des conceptions expressives, complexes et parfois contradictoires, toujours soumises à des compléments. Une lecture approfondie des études sur le mouvement des résidents dans d'autres villes du monde telles que Lyon (France), Recife (Brésil) et, principalement, Coimbra (Portugal) a été réalisée, sur la question des mouvements sociaux et sur les questions méthodologiques. Le but de recourir à ces sources secondaires était de systématiser et de croiser les données, les faits, les histoires et les conceptualisations contenues dans ces études afin d'essayer de 15


comprendre l'objet de l'étude. Le cas à Coimbra, dans le quartier de la Relvinha, a suscité une attention particulière en raison de sa similarité avec le cas du Porto do Capim, et, surtout à cause de son état d’avancement de sa patrimonialisation. Ont été analysées des sources comme des bulletins publiés par les comités de quartier et quelques articles sur le mouvement des résidents, des journaux et des magazines de l'époque, des photos de João Pessoa pendant les périodes mentionnées ci-dessus et a été procédé à une analyse des journaux de l'époque qui a identifié ce qu’ont été les moments qui ont marqué le mouvement des résidents. Cependant, le croisement des données recueillies dans l'analyse documentaire des sources primaires et secondaires, a permis le contrôle des oublis, des inexactitudes ou des excès.

Fondement philosophique La société

Partout dans le monde et dans toute l'histoire de l'humanité, l'homme a vécu en société. Ces sociétés sont tellement différentes que la tâche devient presque impossible, si l’on veut cataloguer toutes les communautés déjà formées et leurs particularités. Ce qui est intéressant concernant les sociétés n'est pas les raisons pour lesquelles elles se sont formées, ces raisons sont claires et sont le fruit de l'évolution de l'espèce humaine, facilement explicables du point de vue biologique. Dans les temps primitifs, vivre en groupe signifiait la facilité à obtenir de la nourriture, un abri et de l’aide à la création des enfants et même assurer la défense du groupe. Ce qui est, en fait, intrigant c’est pourquoi des individus différents, parfois diamétralement opposées, s'unissent et se considèrent comme membres d'un même ensemble, de la même société. Même dans la philosophie grecque, l'intérêt pour la nature de la société avait déjà été éveillé. Aristote de Stagire (384 bc - 322 bc), philosophe grec disciple de Platon, avait adopté dans ses études l'expression « Zoon Politikon » (en français, animal politique), qu'il décrit dans son livre "Politique" comme la nature inerte de l'interaction nécessaire à l'homme avec la ville et la société. 16


Pour le philosophe, l'homme devient un "Animal Politique" en étant pleinement inséré dans la ville et la société. Selon cette pensée, la société politique est le plus grand bien de l'homme et par conséquent se sont regroupées des cellules communes de la taille « famille » à celles de grandes villes et/ou d’États.

«Tout État est évidemment une association; et toute association ne se forme qu'en vue de quelque bien, puisque les hommes, quels qu'ils soient, ne font jamais rien qu'en vue de ce qui leur paraît être bon. Évidemment toutes les associations visent à un bien d'une certaine espèce, et le plus important de tous les biens doit être l'objet de la plus importante des associations, de celle qui renferme toutes les autres; et celle-là, on la nomme précisément État et association politique.»

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Beaucoup d'autres penseurs réfléchissent aussi sur la société, comment elle se forme et pourquoi. Nous avons l'exemple de Jean-Jacques Rousseau (1712 à 1778), un très important philosophe, théoricien politique, écrivain et compositeur autodidacte suisse, l'un des principaux philosophes des Lumières. Pour Rousseau, ce n’est pas vraiment la nature humaine qui aide à la réalisation par la société. La nature humaine c'est de chercher la liberté individuelle et pour le philosophe, un exemple clair de ceci, c’est d'abandonner sa famille, notre cellule sociale la plus petite et la première. En conséquence de cette pensée, les sociétés sont formées par une sorte d'obligation liée à la survie et plus les sociétés ont des relations complexes entre leurs membres, plus la recherche de l'individualité est constante, comme quand, par exemple, on détermine nos biens pour les différencier des biens des autres. Pour vivre tranquillement dans la société, on signe un soi-disant «contrat social». Dans ce contrat chaque individu a son rôle dans au sein de l'ensemble, celui de «vassal» ou de «souverain», par exemple. Pour Rousseau, dans son livre « Du contrat social ou Principes du droit politique » (1762), «Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps

4

de STAGNER, Aristote. «Politique» Livre I, chapitre I, p.9.

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chaque membre comme partie indivisible du tout.» Pour Rousseau, ce qui tient l'homme dans la société, ce sont les avantages qui sont obtenus lors de la conversion de l'état naturel à l'état civil et ce qui maintient les sociétés unies et parties d'un même ensemble, ce sont les propriétés transmises à travers les générations.

“(…) ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre; ce qu’il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle, qui n'a pour bornes que les forces de l'individu, de la liberté civile, qui est limitée par la volonté générale; et la possession, qui n'est que l'effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété, qui ne peut être fondée que sur un titre positif.”

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Malgré les points de vue opposés des deux philosophes sur la société, que ce soit une société vue comme naturelle et humaine, ou que ce soit, pour la seconde, une société vue comme une alliance signée collectivement, dans les deux hypothèses, les deux conviennent que l'être humain diffère des autres animaux en étant capable d'interférer consciemment avec et sur le monde. De plus, bien que se préservant et voulant rester isolé dans son individualité, l’Homme se sent poussé à rejoindre le groupe, formant la société humaine. Les sociétés sont réellement formées par les besoins humains, non seulement par la nécessité biologique prégnante, mais par une nécessité philosophique et politique innée chez les êtres humains. Ce que nous pouvons dire est qu'il y a des opinions convergentes et divergentes sur la naissance de l'homme. Mais, toutes admettent un processus évolutif dans lequel l'espèce humaine est devenue l'homme que nous connaissons. Les actions des animaux sont éteintes dès qu’elles sont terminées. Ce sont des actions sans histoire. Il n'y a pas de transmission des connaissances accumulées et il n'y a pas

5

ROUSSEAU, Jean Jacques. «Du contrat social ou Principes du droit politique» (1762) Chapitre 1.8 De l'état civil, p. 21

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d'accumulation de connaissances. En revanche, l'être humain est non seulement capable d'apprendre, mais aussi d'enseigner et d'apprendre avec ses expériences. Nous pouvons dire que, tandis que les animaux ont une intelligence concrète, l'être humain se développe et développe une intelligence abstraite qui est capable de produire la culture. Du point de vue scientifique, cependant, on ne peut parler d'un «moment» particulier où l'espèce humaine serait devenue « l'homme », mais d'un processus. Ce processus est profondément lié à la production de la culture, caractéristique spécifique à la nature humaine. La société transforme la nature par le travail, par la culture produite par ses ancêtres. En raison de cela, nous pouvons dire que l'individualité et la conscience de l'appartenance à un groupe social ont également développé. En utilisant le mot culture nous nous référons à un concept clé dans l'interprétation de la vie sociale. Une «culture» est non seulement le fait de marquer une hiérarchie «civilisatrice» telle qu'elle est actuellement traitée au niveau populaire, mais également la collection d'une sorte de règle qui dicte comment un peuple doit vivre, comment il se porte et comment il pense. L'identification de l'individu avec l'ensemble se produit quand il y a des liens entre les histoires et la culture de ces personnes, points communs fruits d'une mémoire collective accumulée pendant plusieurs générations. Dans ce sens, nous pouvons dire que la base de toute la société, soit un pays ou une communauté de pêcheurs, est la culture qui rassemble. En d'autres termes, ce qui est perpétué est transmis à travers les générations, les connaissances acquises grâce à l'intervention humaine dans la création matérielle ou immatérielle.

« (La culture est) la façon de vivre totale d'un groupe, société, pays ou personne. Culture est, en Anthropologie Sociale et Sociologie une carte, une recette, un code par lequel les gens dans un groupe donné pensent, classent, étudient et changent le monde et eux-mêmes.»

6

_

6

DAMATTA, Roberto. «Você tem cultura? (Vous avez de culture?)». In : Chercher pour trouver.[en ligne] (2006). Disponible sur : <http://naui.ufsc.br/files/2010/09/DAMATTA _voce_tem_cultura.pdf> Consulté le 27/02/2016.

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Pour partager ce patrimoine commun même si les individus ont des intérêts et des capacités très différents et parfois opposés, ils vivent dans le groupe et se sentent partie de tout cela. Ainsi, être en mesure de développer des relations parce que la culture leur a offert des normes qui se rapportent à des modes, est, plus (ou moins) un comportement approprié dans certaines situations.

Fondement philosophique Les communautés et les associations des habitants

Les associations des habitants ont une importance prépondérante dans l'articulation des mouvements d'une population locale, comme dans le contexte du Port du Capim. Les actions d’une association d’habitants ont en priorité l’objectif de mise en valeur le patrimoine presque oublié des communautés. Ces associations sont nées d'un sentiment clair d'appartenance à un collectif résultant des caractéristiques culturelles partagées pour un même groupe de personnes. Lorsque le sentiment d'appartenance est basé également sur l’affectif, l’émotionnel et les raisons traditionnelles, nous pouvons appeler cette communauté une collectivité. La communauté est l'un des concepts les plus importants, depuis la naissance de la sociologie. Sa pertinence reste telle que le débat sur sa définition est continu, entrant dans la théorie sociale contemporaine. La dichotomie entre la communauté et la société et entre le mode de vie traditionnel et moderne est perceptible. Ce concept de communauté est hétérogène et se fonde sur des termes subjectifs comme affectivité à sa conceptualisation. Plusieurs philosophes ont déjà consacré des réflexions à ce sujet, comme Max Weber, Émile Durkheim, Ferdinand Tönnies, Michel Maffesoli et Zygmunt Bauman. La communauté est un concept social et scientifique qui, alors que le temps passe, reste controversé. Théories après théories, décennies après décennies, même avec les grands changements que nous vivons dans ce XXI siècle naissant - et après les changements radicaux qui ont transformé le monde du XXe siècle - il n'y a pas une définition qui est hégémonique dans le débat sur le concept. Cependant, il est dans l'usage quotidien, 20


et parmi les théoriciens sociaux, un concept qui évoque quelque chose de «positif».

«Mais ce qui est, on ne peut le nier, c'est que le mot communauté évoque

des

sentiments

de

solidarité,

vie

ensemble,

indépendamment du temps ou de la région. Aujourd'hui serait l'endroit idéal où l'homme aurait envie de vivre, un abri face aux dangers de la société moderne.»7 La communauté est toujours le lieu où nous pouvons trouver des semblables qui partagent des valeurs et des visions du monde. La société peut être «mauvaise», mais la communauté ne souffre pas avec cette charge. En plus de cette définition qui reste imprécise, le mot communauté suggère une forme de relation caractérisée par un niveau élevé d'intimité, des liens affectifs et, en plus, d'engagement moral et de cohésion sociale. Ce n'est pas seulement une liaison passagère. Les relations caractérisées en tant que d'une communauté ont leur continuité dans le temps. L'espace est également important pour la caractérisation de la communauté, car il est situé et implique des liens de proximité spatiale, comme dans la proximité émotionnelle.

«La communauté est une fusion de sentiments et de pensées, de la tradition et de l'engagement, de l'adhésion et de la volonté. Il peut être trouvé, ou exprimé symboliquement, en son sein, la religion, la nation, la race, l’âge ou la profession. Son archétype, à la fois historiquement et symboliquement, est la famille et dans presque

tous

les

types

de

véritables

communautés

la

nomenclature de la famille est importante. Fondamentale, la force de la liaison communautaire est l'antithèse réelle ou imaginaire formée dans le même tissu social, ainsi que les relations non-communautaires de concurrence ou de conflit,

7

PERUZZO, Cicilia. «Concepts de communauté, locale et région: inter-relations et differences.» 2009, São Paulo.

21


l'utilité

ou

l'acceptation

contractuelle.

Ceux-ci,

dans

l'impersonnalité relative et l'anonymat, disent liens personnels étroits de la communauté.»8

La cohésion sociale et l'adhésion en raison du milieu communautaire permettent aux processus représentatifs de déclencher des associations d’habitants. Quand on parle de la communauté du Port du Capim, on évalue toutes ces questions. Le concept de communauté est aussi important en ce qui concerne la question de mise en valeur du patrimoine. Les liens affectifs découlant de l’appartenance d'une population à une communauté interfèrent activement sur l'importance donnée aux biens matériels, naturels ou aux immeubles. Ces mêmes liens confèrent une importance artistique, culturelle, religieuse, documentaire ou esthétique à des choses qui peuvent n'être pas reconnues par la société. Ce qui précède est très clair dans la communauté du Port du Capim. Grâce à des associations d’habitants la communauté a pris connaissance sur son individualité dans le tissu urbain. Ce fait a renforcé, surtout, le processus actuel de mise en valeur du patrimoine appartenant à cette communauté-là. Les liens affectifs entretenus par les associations d’habitants avec l'endroit où ils habitent ont eu pour conséquence que la communauté de pêcheurs s’est prise de goût, par exemple, pour le fleuve Sanhauá, ou même pour le centre historique de João Pessoa, situé autour de la communauté.

Relation actuel avec le patrimoine au Brésil Une étude de cas

Comme pays colonisé par les Européens, grâce à sa “découverte” en 1500, le peuple brésilien constate à son origine la soumission aux valeurs eurocentriques et la négation de la culture des indiens et des noirs. Cet héritage de la colonisation imprègne la société

8

NISBET, Robert. «The sociological tradition» 1967, 1. ed. London: Heinemann, p. 48

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brésilienne jusqu'aux jours actuels, dans les plus vastes aspects. Les représentations valeureuses, pour les brésiliens, sont le miroir de la culture de domination européenne qui ne représente pas le vrai peuple brésilien. La domination culturelle pendant la colonisation a tellement contaminé la population qu'être brésilien ce n'était pas une bonne chose. Comme par exemple, pendant plusieurs années, au Brésil, pour que les artistes obtiennent le succès c'était nécessaire d'utiliser des noms étrangers (français ou américains). En traitant du patrimoine, on peut voir clairement cette réalité. Tandis que les églises et les patrimoines coloniaux sont facilement reconnus par les organismes publics, les communautés centenaires sont ignorées ne serait-ce qu’en ne suivant pas les normes imposées au patrimoine, en niant cette représentation du le peuple brésilien. Comme un exemple de ce patrimoine ignoré et qui fait partie de l'histoire brésilienne on a les quilombos. Les quilombos ont été les villages et communautés formés par les esclaves en fuite dans les régions reculées. Au Brésil il y aurait pléthore de quilombos liés l’extension territoriale et à aujourd'hui, on dénombrerait plus de 2000 quilombos dans tout le pays. Et malgré ce grand nombre, il y a seulement un quilombo qui est protégé par l'IPHAN (Institut de Patrimoine Historique et Artistique Nationale) tandis qu’il y a plus de 30 églises protégées. Ce qu'il est réellement brésilien est abandonné.

Figure 3: Carte avec les numéros de quilombos en chaque région brésilienne. Source: Fundation Culturel Palmares, 2013.

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Dans le cas du Porto do Capim c'est ce même problème qui émerge. Pour représenter l'histoire de la ville de Joao Pessoa, mais parce que ce n’est pas “la belle histoire” ce patrimoine est abandonné. Même située dans un périmètre protégé pour l’IPHAN, son importance est déniée en proposant à plusieurs reprises le relogement de la communauté dans des zones de relocation éloignées.

Figure 4: Carte avec les numéros de quilombos en chaque région brésilienne.

Sur cette carte-là on peut voir l’origine de la ville et où aujourd'hui est localisée la communauté du Porto do Capim.

Le Porto do Capim ne représente pas seulement le mode de vie des personnes, l'organisation spatiale du quartier, le paysage ou les moyens constructifs, il représente surtout les vraies origines d'un peuple. C'est un véritable patrimoine qui doit être préservé.

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Relation actuelle avec le patrimoine au Brésil Le gouvernement et les grands constructeurs

Le Brésil, pays en développement, est un vaste champ de travail pour les constructeurs. Comme plusieurs villes sont en expansion la construction civile, en tant que puissance financière, profite financièrement beaucoup et parfois acquiert plus de pouvoirs que le gouvernement. Les décisions des grands - et petits - constructeurs définissent les paysages urbains grâce à leur pouvoir d'influence au sein des organismes publics brésiliens. Les plans directeurs sont modifiés à plusieurs reprises ou sont ouverts en concessions à des œuvres à gros budgets pour que ne soit pas mis en place un boycottage des constructeurs. Il y a, dans tout le territoire brésilien, une notoire subversion politique aux pouvoir de grandes entreprises. Dans les dynamiques urbaines un des secteurs qui a le plus grand pouvoir est le secteur de la construction civile. Ces mêmes entreprises, pendant la période électorale, financent les campagnes de divers candidats pour que, élus, les entreprises puissent gagner quelques faveurs politiques.

Figure 5: Groupes d'entreprises qui ont fait le plus de dons pour les candidatures dans les élections municipales en 2012. Source: Tribunal Superior Eleitoral.

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Après les élections, ces grandes entreprises qui financent la politique viennent chercher les candidats élus afin qu’ils ouvrent de grands chantiers qui leurs soient confiés (légale ou illégalement). Le profit généré dans ces manœuvres représente plusieurs fois le montant investi dans les campagnes électorales qui ont permis l’élection de ces gouvernants. Avec le financement de ces campagnes pour les grands constructeurs les politiciens signent un contrat silencieux. Ce financement implique une « dévotion» par des œuvres publiques qui leur seront - parfois de manière illégale - confiées. Régulièrement, les chantiers sont surévalués par les constructeurs et le gouvernement ferme les yeux. En ce qui concerne le patrimoine, on a mis à jour, il y a quelques années, des négligences volontaires aux dépens des constructions et communautés historiques. Des terrains déjà occupées par des communautés, mais avec une localisation stratégique sont abandonnés par les organismes publics de telle sorte que l'absence de politiques publiques exclut une vie de qualité dans l’endroit. Pour que puissent être approuvées de telles manœuvres, les gouvernements sont chargés d'être négligents avec les bâtiments de la ville déjà en situation délicate afin que, quand lesdits bâtiments dégradés, l'idée que cette dégradation est irréversible soit vendue dans les médias. L’importance historique de ces bâtiments est diminuée et la vie des habitants négligée pour que les manœuvres de relogement et de « requalification » soient approuvées socialement. En sus de cette idée-là est aussi vendue l'idée que la seule solution pour ce régler ce genre de problèmes est de « reconstruire» le périmètre. Donc, quand les organismes publics ou les constructeurs se les approprient, ces terrains sont de nouveau intéressants. Au lieu de créer des politiques publiques nécessaires pour que la vie dans l'endroit soit agréable pour les habitants, les terrains, qui ont été abandonnés pendant plusieurs années et donc occupées pour des communautés, sont vendus à des constructeurs qui sont chargés d'expulser les communautés de la place, de construire des complexes d'habitations sur l'ancien terrain. Pour masquer de tels processus sont choisies quelques zones où est enclenché un processus de réhabilitation patrimoniale. Le patrimoine officiel, qui nous raconte l'histoire officielle, bourgeoise et bien assumée - mais qui n'est pas forcement l'histoire réelle-, est restauré et utilisé comme un médium pour le tourisme ce qui dévalorise encore plus les zones historiques abandonnées. Tandis que se tiennent ces processus de début de manœuvres et surévaluation, les mêmes entreprises investissent en publicité afin que la population appuie le projet. En appuyant l'abandon intentionnel des bâtiments historiques, sont créées des images de saleté et insécurité dans le bon sens de la société. Ces publicités sont promotrices de la société de consommation où tout ce qui est ancien n'a pas de valeur et doit être rapidement remplacé par ce qui est plus actuel et rentable. Elles sont aussi promotrices de l'exclusion sociale en prêchant auprès de la société qui n'est pas 26


bonne que les différentes classes sociales se mélangent, en créent la répulsion collective des communautés.

Figure 6: Publicité du projet dans le centre historique de Recife. Source: < http://www.novorecife.com.br/ > Accès 28 mars de 2016.

Avec le soutien de la population les manœuvres gagnent de la force et on oublie les irrégularités courantes de ces processus. Peu à peu l'imaginaire collectif crée une image irréelle des complexes d'habitation comme la solution de tous les problèmes : les pauvres peuvent avoir une maison « digne» et les riches peuvent être suffisamment loin d’eux. Avec la publicité diffusée par le plus de moyens différents possibles, les constructeurs promeuvent des constructions pharaoniques avec des matériaux de très mauvaise qualité sans se préoccuper de la durabilité des biens publics ou privés - parce que s’ils se détériorent, les mêmes entreprises seront responsables de faire les réparations et encaisseront les profits qui en découlent. Les complexes d'habitation tels que ceux-ci sont vendus à la société et aux communautés comme de grands ouvrages d'infrastructure urbaine et les meilleurs investissements possibles, quand, en vérité, ils sont une rétribution des grands constructeurs qui ont financé les campagnes des politiciens qui les soutiennent. En chaque communauté relogée a perdu son histoire, ses moyens constructifs, ses 27


mœurs et ses cultures, tous transformés en maisons identiques alignées. Ces complexes d'habitation ont de terribles problèmes. Construits dans « nouveaux quartiers » sans aucune infrastructure, dans des zones d'expansion de la ville où il n'y a pas de transport collectif qui les lie aux espaces centraux où ils habitaient avant, et où se retrouve l'endroit offrant le plus d'opportunités de

Figure 7: Complexe d’habitation Gervasio Maia, João Pessoa, 2007. Source: Mairie de João Pessoa.

Les organismes publics, en général, ne créent pas les moyens de transport jusqu'aux grands les grands noyaux et les allers simples de quelques minutes deviennent des allers de plusieurs heures. Les maisons ne sont pas compatibles avec la réalité des familles relogées, sont mal conçues et mal exécutées, avec une mauvaise qualité de matériaux donnant lieu à des surfacturations des fabrications. Dans la plupart de ces complexes d'habitation ne sont pas faits les ouvrages basiques d'infrastructure tels que l'éclairage des rues ou même les trottoirs. Graduellement, ces complexes d’habitation sont abandonnés par les anciennes communautés, mais comme ils ne sont pas aux vues de la société de consommation, ces complexes d'habitation restent en situation d'abandon par le gouvernement. 28


Cette même spéculation immobilière qui affecte tellement les communautés se produit pour les anciennes maisons qui, bien que protégées par les organismes publics, sont abandonnées par leurs propriétaires pour que, après quelques années, les ruines puissent être détruites. La spéculation immobilière est de tellement destructive pour les ensembles et communautés historiques qu’aujourd'hui on voit une parcelle du centre historique de la commune de João Pessoa volontairement abandonnée, avec ses anciennes maisons en ruines et la plus ancienne communauté en état d'abandon par les organismes publics. La spéculation immobilière aussi affecte négativement les dynamiques urbaines de la ville. Par l'expulsion des communautés et la construction de nouveaux édifices à l'endroit des anciennes maisons, les quartiers souffrent avec la gentrification.

Figure 8: Ancienne maison abandonnée dans le Centre Historique de João Pessoa, à côte de la communauté du Porto do Capim. Source: <http://www.blogdotiaolucena.com/> Accès en 26 mars de 2016.

La gentrification est un phénomène d'exclusion et de privatisation courant dans les villes. En construisant de nouveaux édifices dans des quartier très anciens - et populaires -, quelques fois avec une fonction différente des bâtiments originaux, la gentrification cause la restructuration des espaces urbains résidentiels et des commerces indépendants pour de nouveaux logements de luxe et des gros bâtiments commerciaux. Le terme gentrification définit le changement des dynamiques de structuration des quartiers ou zones par la construction de nouveaux bâtiments qui valorisent la région et dévalorisent les habitants à bas revenu de l’endroit. 29


Les changements de mode de vie dans une communauté urbaine et la croissance des habitants riches ou des entreprises peuvent, peu à peu, expulser les habitants qui n'ont pas les moyens pour payer les hautes valeurs des propriétés ou des biens de services gravitant autour.

«Associés aux politiciens, au grand capital et aux producteurs culturels, les planificateurs urbains, maintenant « planificateurs– entrepreneurs », ont deviné la clé principale dans cette dynamique. Ce modèle à sens unique, qui implique invariablement la gentrification des zones urbaines «dégradées» pour les rendre à nouveau attractives

pour le grand capital grâce à des

installations culturelles gigantesques, a une double origine, américaine (New York) et européenne (Paris de Beaubourg), pour atteindre son sommet de popularité et de commercialisation à Barcelone, en se disséminant en Europe dans les expériences de Bilbao, Lisbonne et Berlin.».9

En analysent les étapes qui se produisent dans la ville de João Pessoa, c'est clairement possible d'observer le processus de gentrification en évolution. Les maisons abandonnées et la communauté en train d'être expulsés sont seulement des formes d'accélérées du processus de dégradation du centre historique par un «nouveau» centre. Alors que les pauvres sont loin, dans des complexes d'habitation de très mauvaise qualité architecturale, les grandes constructeurs utilisent les terrains pas chers autour de l'ancienne communauté et construisent des édifices très luxueux en s'appuyant dans les œuvres pharaoniques promues par la mairie.

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ARANTES, Otília, VAINER. Carlos Vainer e MARICAT, Ermínia. «A Cidade do Pensamento Único: Desmanchando Consens» 2002, 3. ed. Petrópolis: Editora Vozes

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Les bâtiments haut de gamme déshumanisent la ville en construisant de hauts murs pour s’isoler. Les quartiers deviennent véritablement dangereux par l'absence des « yeux dans les rues » et la population qui autrefois a soutenu la construction de tels bâtiments n'a pas plus d'accès à l'ancien quartier.

Figure 9: Communauté du Porto do Capim, 2012. Source: GT Porto do Capim e Vila Nassau. Autrices: Carla Gisele Moraes et Helena Tavares Gonçalves.

Préserver la communauté du Porto do Capim n'est pas seulement préserver le patrimoine historique et culturel qu'elle représente, mais c’est aussi préserver l'intégrité de tout le centre historique qui aujourd'hui se retrouve abandonné à cause à d’intérêts contraires au bien-être de la population.

Relation actuelle avec le patrimoine au Brésil Les citoyens

Au Brésil, il y a un désintérêt politique presque systématique. Ce désintérêt donne des possibilités pour les irrégularités sans restriction, où la corruption envahit tous les secteurs publics brésiliens. 31


Associé à ce désintérêt, il est aussi courant d’abandonner l'espace public et les zones historiques en faveur d’espaces semi-privés excédents, comme les espaces de shoppings, par exemple. Ces espaces semi-privés sont une illusion d'espace public, où il y a une idée d'inclusion, quand en fait ça ce n'est pas la vérité. La population défavorisée est effacée de ces locaux et se voit sans autres possibilités puisque les espaces qui sont véritablement publics sont extrêmement dégradés.

Figure 10: Shopping en João Pessoa, 2015. Source: <http://mangabeirashopping.com.br/> Accès en 31 mars de 2016 .

L'abandon de l’espace public en faveur de cet espace semi-privé crée un cercle vicieux. Plus les personnes se rendent dans ces espaces semi-privés, plus sont abandonnés sont les espaces publics. Plus les espaces public sont abandonnés, plus est fréquenté et l'espace semi-privé. Ces deux facteurs unis, le désintérêt politique et l’abandon de l’espace public, créent pour les grands constructeurs un champ d’action aisé pour l’incorporation des terrains avec une très bonne localisation. Ils créent plus d’espaces semi-privés pour la population et lucratifs pour eux-mêmes. Sous l'influence des publicités véhiculées pour les constructeurs et aussi par le gouvernement, la population à la tendance à penser que les espaces publics sont synonymes d'insécurité et qu'être isolé de la population défavorisée est l'unique solution possible. Que les communautés représentent le danger pour les zones alentour et que la meilleure solution c'est de les laisser suffisamment éloignées des diverses classes sociales afin de que seulement les « égaux » se rencontrent. 32


La croissance dans «l'amélioration» vendue dans les publicités sert comme unique argument pour qu'une grande part de la population accepte et soutienne les ouvrages pharaoniques sans que quelque investigation sur la légalité de celles-ci ne soit menée. Avec ce soutien, ces constructions se développent de plus en plus rapidement. Quand elles sont achevées, la partie plus défavorisée de la population qui soutenait les projets est exclue des espaces créées, dans un processus ininterrompu d'ennoblissement des espaces et d'exclusion sociale.

Mouvements pour les droits urbains Les citoyens

Lorsqu'on confronte les concepts présentés de société, communautés et identités collectives avec la relation actuelle avec le patrimoine c'est bien clair qu’il y a une dichotomie entre eux. Pour ne pas être seulement un cas isolé, ce conflit a généré, dans plusieurs villes brésiliennes, divers processus sociaux spontanés qui visent la valorisation du patrimoine populaire et la lutte contre la commercialisation des zones historiques. Avec des espaces verts en danger et avec l'éloignement de la population plus défavorisée des centres villes, surgissent de plus en plus mouvements sociaux contraires à cette logique du marché. Les occupations ne surgissent pas seulement avec la réclamation du droit à l’habitation et à la reconnaissance patrimoniale, mais revendiquent aussi la préservation environnementale pour les espaces publics de qualité et pour la préservation du patrimoine. Des mouvements sociaux, comme l’«Embrasse le Port du Capim», se sont disséminés dans tout le pays. En règle générale, les mouvements comme celui-ci unissent les plus divers profils sociaux, territoriaux et contextes afin de qu'ensemble ils puissent faire pression sur le gouvernement en faveur de la participation populaire dans les décisions de la ville. Sont organisés rencontres, débats et occupations dans les terrains visés par les spéculations immobilières afin que soient créés par les gouvernants des canaux de participation populaire dans la construction de la ville, normalement monopolisée par les grands constructeurs. Ces mouvements-là sont couramment appelés au Brésil «mouvements pour les droits urbaines». Plus qu'avoir d'accès aux ressources du milieu urbain, ces mouvements-là visent un changement de perspective. Il y a une volonté collective de transformer la ville, en remodelant 33


les processus d'urbanisation, avec la qualité de vie comme centre organisateur, en organisant des revendications qui cherchent la valorisation du patrimoine, la mobilité, l'énergie, l'habitation, la santé publique et l’éducation. Ce sont les réactions à un niveau de saturation d'un modèle qui s'applique dans tout le Brésil, de cette même histoire d’abandon avec l’histoire qui n’est pas l’officielle, et qui est courante dans toutes les villes brésiliennes. Il y a très longtemps que les villes sont dégradées et vétustes à cause d’un développement urbain chaotique. Les villes brésiliennes exigent des solutions intelligentes pour une convivialité harmonieuse dans l'espace urbain. Avec la mobilisation de la responsabilité de tous: les gouvernants, les grands constructeurs et les citoyens en général. Peu à peu, les mouvements sociaux font émerger un nouveau concept sur la relation entre la ville, la culture et la démocratie. Après des décennies d'équivoques urbanistiques ont été développés des Plans Directeurs, Statuts pour les villes et aussi les plans nationaux d'assainissement. Mais, malgré ces avances dans le sens de la participation populaire dans la planification des villes, il y a encore de nombreux processus qui sont «cachés» de la population, qui seulement quand ils sont approuvés sont divulgués, eux et leurs données plus spécifiques. Ces mouvements pour les droits urbains nous indiquent que, à partir de la participation et du dialogue, c'est possible d'avoir l'espoir de voir naitre une autre citoyenneté, une autre relation avec les villes, un autre droit à celles-ci. Ils nous signalent la possibilité de conquérir un autre niveau de participation, capable de requalifier radicalement la planification et les usages des espaces publics.

Figure 11: Manifestation populaire à Recife, ville près de João Pessoa. Dans l'écriteau «La ville est nôtre, occupez-là». Source: < http://www.brasildefato.com.br/> Accès en 5 avril de 2016 .

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Les mouvements comme l'Embrasse le Port du Capim, qui ont se multipliés dans tout le pays, révèlent un changement de comportement des mouvements sociaux au Brésil contemporain. Il y a un souhait collectif d'éviter la dégradation du tissu urbain et des zones historiques. Les villes, même qu'avec de nombreux problèmes, ont triomphé sur le catastrophisme de quelques urbanistes du siècle passé et aujourd'hui approchent un nombre très élevé de personnes dans le monde, pas seulement spécialisées, mais sous la forme de pratiques culturelles, expressions et habitudes qui transitent par les flux globaux de la communication et de l'économie. Même avec autant de diversité, de multiples identités et éloignées réalités, même avec des utopies distinctes et le souhait de la qualité de vie, il est possible se parler en tant que «culture urbaine» à grande échelle. Ou même de parler d'une «condition urbaine» dont les bases sont les langages et les rites de cohabitation dans un espace public commun, qui est le vrai espace de la citoyenneté. Au-delà du contexte global, le discours de la politique urbaine, en incluant la culture, est aujourd'hui plus nécessaire que jamais pour ceux qui sont en train de vivre une crise avec de profondes racines. L'état brésilien dans les dernières années a été capable de distribuer mieux les revenus, d'universaliser l'accès à plusieurs politiques publiques, de faire de plus grands investissements en infrastructure. Mais ces transformations n'ont pas encore entraîné dans une reconfiguration démocratique du territoire, ni fonctionnelle, ni éthique et ni même esthétique. Les mêmes moyens anciens de production et reproduction d'espace urbain sont encore conservés. Quand le revenu immobilier est le paramètre décisionnel et exclusif, disparaissent les possibilités d'inter locution et de conciliation de la ville existant avec la dynamique de la ville qui se renouvelle. Les secteurs les plus défavorisés de la société, sauf s’ils sont très bien articulés, n'ont pas de voix dans les processus de construction de la ville. Plus qu'une option, la mobilisation populaire en faveur des droits de la ville est une nécessité pour une grande partie de la population qui ne se voit pas représentée par ses gouvernants vendus aux pouvoir des grands constructeurs, comme par exemple la communauté du Port du Capim. La chance de que nouveaux standards d'urbanité inclusive et démocratiques soit établie ne peut pas être perdue. Ce qui se voit dans un pays qui a à promouvoir sa diversité culturelle et qui subit, du nord au sud, d'est en ouest, l'homogénéisation radicale de ses villes. Une homogénéisation du tissu urbain toujours associée à l'hégémonie, presque unilatérale, du capital de sorte que le résultat progressif c'est la perte de la qualité de vie dans les villes. 35


Les attributs comme échelles et proportions, espace public amical et réceptif à des multiplicités d'usages et pratiques sont définitivement oubliés, retenus seulement comme petits fragments de la mémoire, à partir de peu villes traditionnelles ou de zones éparses historiques protégées. C'est contre les intérêts exclusifs du capital immobilier que luttent les mouvements pour les droits urbains. Les problèmes, quelque que soit l’angle d’analyse, sont complexes et l'approche culturelle et sociale est loin d'être l'unique capable de les déchiffrer et d'offrir des instruments pour les traiter. Les mouvements populaires stimulent le débat politique et culturel dans le contexte urbain brésilien, mettent l'accent sur les villes épuisées, prisonnières des lois urbanistiques qui ne s'approprient pas les instruments compensatoires prévus dans les lois existantes et qui permettent une croissance de la densité et de la verticalisation incompatibles avec l'urbanité durable. Les mouvements sociaux explicitent l'affectivité et l’identité collective associée aux valeurs de la ville, il y a dans ces mouvements-là une vigueur créative et le véritable souhait d'influencer la destination d'endroit où se vivre. C'est la véritable expression de la société qui se charge de la ville. Plus qu'une nuisance, cela devrait être un chemin pour construire quelque chose véritablement nouveau. La participation citoyenne est indispensable. Les chemins de la démocratie passent inévitablement par le dialogue entre les mouvements sociaux et les plus diverses institutions publiques et privées, surtout avec les gouvernements municipaux, à qui légalement revient la gestion du territoire.

Mouvements pour les droits urbains Le gouvernement et les grands constructeurs

Les mouvements sociaux sont, peut-être l'unique menace pour le pouvoir des grands constructeurs sur les dynamiques urbaines. L’implication populaire qui a pris des proportions inattendues a été capable d'affecter directement les intérêts privés et sa presque omnipotence. En face d’une telle implication des manifestants, les grands constructeurs, et il est important de souligner qu’ils sont fois liés aux gouvernants, doivent réagir d'une façon ou d'une autre pour que leurs projets puissent encore être bâtis, en suivant presque une feuille 36


de route pour l'affaiblissement de ces mouvements-là. La première réaction est, en partenariat avec les moyens des médias, d’essayer au maximum d'ignorer l'occupation. Plusieurs fois ont été ignorés des faits d'une extrême importance en essayant d'étouffer les manifestations et de décourager les occupants. Divers moyens de communication sont complices des entrepreneurs et du gouvernement, et sont, donc, très facilement manipulables les évènements qui sont ou ne sont pas médiatisés. Quand ils sont médiatisés, les mouvements sont décrédibilisés publiquement dans une tentative de jouer une partie de la société contre les occupants, ce qui est souvent effectif. D'autre part, les projets, quand ils sont médiatisés, sont affichés avec des avantages et des contributions à a société, qui ne sont pas toujours la vérité. Généralement les habitants les plus favorisés et qui sont intéressés par des conditions financières afin de bénéficier du projet deviennent les opposants aux mouvements sociaux.

Figure 12: : Titre dans un des plus grands sites d'information du Brésil. «Revitalisation du Port do Capim, en João Pessoa, divise les opinions. Projet prédit la réinstallation de 250 familles en zone de risque. Revitalisation doit être mise en œuvre en maximum deux ans.» Source: < http://globo.com/pb> Accès en 5 avril de 2016 .

Quand cette partie de la population, influencée par les publicités diffusées et par la dévalorisation promue par les constructeurs, en vient à soutenir les projets proposés, les entrepreneur se mobilisent avec l'objectif d'expulser les occupants du terrain d’œuvre. Cette expulsion est en général violente et avec le soutien des organismes publics comme, souvent, la police militaire. Quand cette expulsion violente est défaillante pour quelques motifs les entrepreneurs feignent de repenser le projet, «en tenant compte» de certaines réclamations des manifestants afin de que le groupe perde de la force.

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Figure 13: Publicité du refonte du projet pour la zone du Porto do Capim. Source: < http://www.joaopessoa.pb.gov.br/> Accès en 5 avril de 2016 .

À chaque «refonte» une plus grande partie de la population vient en soutien au projet, sans que le projet ne soit véritablement changé. Cette refonte est en général défaillante, et n'a pas de réelle préoccupation en lien avec les réclamations du mouvement et ne change pas les principes du projet. Les constructeurs, et même les gouvernants, ne sont pas véritablement intéressés par la durabilité des villes. Leur intérêt est privé, et concerne les projets qui peuvent leur garantir plus de profits. C'est pourquoi le patrimoine de toute ville est tellement méconnu, qu’on détruit des communautés entières et même des zones historiques. Cela ne fait pas de différences si à la fin il y a un profit conséquent. Les mouvements pour les droits urbains sont seulement des obstacles qui doivent être rapidement éliminés, soit par l’usage de la violence ou par la manipulation médiatique. Peu importe la participation populaire ou l'opinion des habitants locaux puisqu'ils ne seront pas les consommateurs de l’espace qui sera créée. Même pour les gouvernants, il n'y a pas d’intérêt spécifique pour ces zones, pour promouvoir des espaces publics. Affaiblir leurs partenaires et c’est réduire les chances d'un autre mandat. Actuellement, le vrai gouvernement des villes brésiliennes est le capital privée, et il appartient à la population de changer cette perspective.

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Étude de cas Le Port du Capim

Troisième plus ancienne ville du Brésil, João Pessoa est datée de 1585. Fondée sur les rives d’un fleuve, contrairement à nombreuses villes brésiliennes qui se sont tournées vers la mer, la ville est tournée vers le fleuve Sanhauá, un affluent de la Rivière Paraiba. Le cœur initial de la formation de la ville se trouve au pied d'une colline, alors qu’au sommet il y avait des forts, comme le fort du Varadouro, et des églises comme le monastère de São Bento, pour protéger la ville. Jusqu'au XIXe siècle, la ville s’est développée entre ces deux pôles. Le fleuve Sanhauá était la porte d'entrée pour les navires arrivant, et une zone de permanence pour ceux qui débarquaient là. La ville de Joao Pessoa est aujourd'hui divisée entre la «ville basse» et la «ville haute», un héritage de l'urbanisme colonialiste de cette époque-là. La ville basse, y compris le quartier de Varadouro et où se trouve le Porto do Capim, est considérée comme le «berceau» de la capitale du Paraiba. Pendant 350 ans le quartier du Varadouro a été la plus importante zone commerciale prospère de la capitale, à cause du port d'entrée de la région qui était localisé à côte, le port de Varadouro. Ce fut un lieu de rencontre pour les marins, les échanges de biens et de l'information et où les événements sociaux célèbres de la ville se déroulaient. Par conséquent, c'était aussi dans cette région que vivaient les bourgeois prospères qui ont manifesté dans l’apparence de leurs maisons la prospérité du quartier. Dans le quartier de Varadouro et aux alentours, il y a plusieurs demeures coloniales avec une architecture notamment historique. En tout cas, cette prospérité n'a pas représenté le projet du Port du Varadouro. La réalisation de ce projet a toujours rencontré des intérêts politiques spécifiques. À partir du début des travaux, il a été constaté l'impossibilité de la construction d'un port sur le fleuve Sanhauá.

«En ce qui concerne le travail maladroit du port Varadouro que nous traitons, à peine commencé, il est bientôt promu à l'expropriation de nombreux bâtiments qui doivent être démolis pour les futures voies d'accès monumentales (et peu pratiques) à "ancrage international." La vraie genèse de la catastrophe réside 39


dans l'effort utopique, comme irréaliste et fou de construire un pont entre le continent et Fernando de Noronha: clouer des piliers et le trésor national sera bientôt épuisé même s’il n'a pas détourné un sou.»10

Au fil des ans, autour des autres zones portuaires et en raison de l'incompatibilité déjà citée d'un port avec le fleuve en question, la zone est entrée en déclin. L'expansion de la ville, vers la ville haute et l’abandon régulier de la ville basse ont contribué à l’abandon de la région. En 1858, l'inspecteur des douanes de la Région de Paraíba, M. José da Costa Machado Jr., a émis un avis sur le Porto do Capim, largement popularisé sur le Port du Varadouro, dans lequel il s’est montré préoccupé par le déclin du commerce de la région du Varadouro et par l'envasement du port:

«Il n'y a pas de nombreuses années le bassin du port des navires était beaucoup plus spacieux qu'aujourd'hui, le canal avait l'habitude de céder la place à des navires de plus grande capacité et dimensions, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre les grandes marées qui aidaient à le traverser chargé. La rapidité avec laquelle il obstrue le port et en rendant plus étroit le canal nous augure d’un triste avenir, si nous ne prenons pas soin de l'amélioration du port. Il est de nécessité urgente d’envisager un investissement conséquent. (…) Jusqu'en 1825 se construisaient des bateaux et des navires dans le port de la ville, excellent port naturel offert par le fleuve Sanhauá, au confluent de la rivière Parahyba, en amont du site, et où se construisit plus tard le célèbre enrochement communément appelé Porto de Sanhauá. »11

10 11

JOFILLY, 1983, p. 25 Manoel da Cunha Galvão (1869). Melhoramento dos portos do Brazil Typographia

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Avec le Port do Capim ne répondant plus aux exigences nécessaires a commencé le projet du Port de Cabedelo. Ses travaux ont débuté en 1880 dans la ville voisine appelée Cabedelo - qui était alors un quartier de Joao Pessoa - et le port construit est encore actif à ce jour. Ce transfert fut un facteur très important dans le processus de dégradation de la région. Après tant d'années d'activité, le Port du Capim était si nettement implanté que la zone, même 100 ans après son démantèlement, dans les années 1940, conserve encore les caractéristiques d'une zone portuaire. Une grande partie des habitants de la communauté du Porto do Capim est maintenue grâce au fleuve, et sont des pêcheurs, les enfants et petits-enfants de pêcheurs qui maintiennent la profession des ancêtres depuis plusieurs années. Mais en raison des difficultés, ils ont souvent d'autres emplois pour compléter leurs revenus. L'identité de la communauté locale formée au fil des ans ainsi que les bâtiments construits se réfèrent à cet âge d'or du quartier où le Varadouro était d’une importance centrale de la ville. La construction du Port de Cabedelo n'était pas cependant la seule raison de la baisse dans la région. Avec l'expansion de la ville vers la mer vivre dans Varadouro n’a pas été conçu pour les riches bourgeois possédant de grandes maisons. Cette expansion a commencé pendant la décennie 1940. La construction et le pavage des routes d'accès entre le centre-ville et la côte a permis la création de nouveaux quartiers où se sont installés tous ceux qui détenaient le pouvoir acquisitif de le faire. Dans l'antique centre-ville est restée la fonction commerciale qui est encore aujourd'hui une caractéristique forte de ce secteur de la ville. Sont restés là-bas seuls ceux qui ne pouvaient pas se permettre de vivre dans la ville haute, cette dernière devenant une zone dégradée et dangereuse car les gouvernements ont eu comme priorité l'expansion de la ville vers la mer. Cette baisse de la zone a été légèrement inversée lorsque, en 1894, il a été ouvert un terminal de la compagnie ferroviaire urbaine brésilienne (durant l'époque appelée Great Western) reliant João Pessoa à plusieurs villes de la Région de Paraiba. La superficie de cinq hectares où s'était installé le terminal a été occupée par des ateliers clandestins et par plusieurs constructions anarchiques. Cet investissement seul ne suffisait pas pour la réhabilitation de la zone, le manque d'investissements réalisés dans ce genre de transport a causé son obsolescence et encore

Perseverança [S.l.] p. 156 - 157.

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une fois ce qui était synonyme de prospérité est devenu juste un symbole de la décadence. La gare de bus construite dans la région des années plus tard, en 1974, n’a pas réussi à inverser ce destin de détérioration. La région a gagné de plus en plus le stéréotype d'un lieu de passage et les investissements ont été réduits à l'asphalte des rues principales où il y a le passage des voitures et des transports en commun. Pendant ce temps, la communauté qui est restée là se trouvait de plus en plus abandonnée par la puissance publique, avec parfois des rues de boue et sans assainissement de base. Durant les années 1940 et 1970, le quartier du vieux port était occupé par une population provenant des parties les plus pauvres de la société, en particulier des familles d’anciens travailleurs du port où ils ont créé une communauté là-bas. Au fil des années d'autres personnes, principalement des pêcheurs, ont également commencé à habiter la région donnant lieu à une communauté de plus de 500 familles. Le site est configuré comme une zone principalement résidentielle, mais il a aussi un petit commerce local, une école publique, des églises et des associations de quartier. Même aujourd'hui la pêche est un élément important dans la dynamique de la communauté, mais sert également en tant que complément de revenu lorsque ces pêcheurs sont aussi colporteurs travaillant dans «ville haute». Depuis les années 1990 il y a des projets prévus pour la région, de telles actions faisant partie du «Projet de revitalisation du Vieux-Port do Capim", par le Comité Permanent de Développement du Centre Historique de João Pessoa (CPDCHJP). Fondée en 1987 par l'accord de coopération internationale entre le Brésil et l'Espagne, la Commission a inséré la ville de João Pessoa dans le Programme de préservation du Patrimoine Culturel de l'Iberoamerica qui comprenait le financement espagnol jusqu'à la fin des années 2000. En ce qui concerne le patrimoine urbain protégé, la ville avait au niveau fédéral, avant l'enregistrement national du Centre historique acté en 2007, repéré quelques bâtiments isolés et protégés. Par conséquent, nous pouvons supposer qu'un programme de gestion du patrimoine culturel de la ville commence, en effet, en 1987, par l'accord de coopération internationale entre le Brésil et l'Espagne et par la formation de la Commission.

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Figure 14: Polygonale de protection fédéral. Source: Division technique du IPHAN - PB.

Tout au long du processus afin de préserver la zone historique de Joao Pessoa a été utilisé l'argument de la relation entre le fleuve Sanhauá et la ville de Joao Pessoa, car, en fait, c’est elle qui fut le berceau de la ville. Mais une analyse à première vue nous permet d'observer que ni les banques et ni le fleuve sont dans la zone de forte protection. Les berges du fleuve Sanhauá sont dans la zone autour du périmètre de forte protection et le fleuve, d'une importance historique extrême pour l'aspect de la ville, n'a pas de protection dans le cadre de la loi patrimoniale, ce qui contredit l'argument institutionnel. Nous pouvons déjà observer le déni de l'importance historique de la communauté du Porto do Capim, située à quelques mètres de la zone de forte préservation.

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Figure 15: Centre ville de João Pessoa – la basse ville. Source: SETUR/PMJ

Figure 16: Place Anthenor Navarro.

Source: Mairie de João Pessoa

Figure 17: Communauté du Port du Capim.

Source:GT Porto do Capim e Vila Nassau

Cet accord a également été responsable de la revitalisation des centres historiques de beaucoup d'autres villes brésiliennes. Depuis les années 1990, la revitalisation est devenue une déclaration de la stratégie des villes sur la scène mondiale, avec la participation des gouvernements des États, des gouvernements locaux et du secteur privé dans la revitalisation des actions dans tout le pays. L'accord entre le Brésil et l'Espagne a fixé avec les responsables de la Commission du Centre Historique une méthodologie dans le traitement du patrimoine culturel local. Cette 44


méthodologie est toujours basée sur les actions qui visent à concilier le travail avec la notion de planification urbaine capable de promouvoir le développement socio-économique. Les interventions menées par cet accord ont créé des espaces tout à fait semblables, pour le tourisme et les loisirs, qui ont connu un grand succès auprès du public et qui ont rapidement mis en évidence les villes où elles étaient utilisées. Stimulés par ces interventions locales réussies sur le plan politique et dans le sillage d'intérêt lié au développement du tourisme ont émergé à plusieurs niveaux fédéraux des programmes qui ont apporté de nouvelles sources de financement pour des projets de conservation et de préservation, et qui ont introduit de nouveaux acteurs dans les processus locaux en cours en plaçant au centre de la scène des organismes financiers, des partenaires nationaux ou internationaux, parfois multilatéraux .12 _

Le projet de revitalisation du vieux Port du Capim prévoyait, entre autres interventions, le retrait des résidents des régions du Port do Capim et sa relocalisation à la suite dans des zones qui sont passées par plusieurs redéfinitions au fil du temps. Avec la suppression des maisons, des petits commerces, des écoles et des églises serait construite une arène de grands événements à leur place. Le projet prévoit également la restauration de vieilles maisons et le développement du tourisme nautique, créant à nouveau le lien entre la ville et le fleuve Sanhauá. Selon la Commission du Centre Historique elle-même le projet se compose de:

«Relocalisation de la communauté du Porto do Capim: la construction de nouvelles unités de logement, équipées de l'infrastructure ainsi que du matériel de soutien social et économique; Mise en œuvre de la place du Porto do Capim: avec la réurbanisation de la zone actuellement occupée par la favela (sic) (vieux quai au port), la transformant en une place pour les

12

SANT’ANNA, Marcia. Da Cidade-Monumento à Cidade-Documento: A trajetória da norma de preservação de áreas urbanas no Brasil (1937-1990). Salvador: Universidade Federal da Bahia, 1995 apud GONÇALVES, Helena. O Porto e a Casa: dinâmicas de transformação no uso dos espaços no centro histórico de João Pessoa (PB). Rio de Janeiro 2014.

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événements et pour la contemplation, et la course de la jetée flottante pour l'amarrage des bateaux touristiques; Restauration et réhabilitation des bâtiments de l'ancienne structure portuaire : la restauration de l'édifice de l'ancienne douane, afin d’abriter le musée historique de la ville de João Pessoa - Unité Colonne, la surintendance de l'ancienne douane, la vieille usine à glace, afin d’abriter le centre de soutien au touriste, l'ancien hangar du port, afin d’abriter la station-école de télévision numérique, la vieille tannerie afin d’abriter le pôle de production audiovisuel. La mise en œuvre du parc écologique: avec la restauration et la réhabilitation des hangars de l’ancienne fabrique de ciment afin d’abriter le siège du parc. Requalification des espaces communs: avec la ré-urbanisation de la place de XV de novembre et les rues Visconde de Inhaúma, Porto do Capim, João Suassuna et Frei Vital.»13

Dans ce petit fragment de la description mémorielle du projet, nous pouvons voir clairement que, pour les promoteurs du projet, la population de la communauté du Porto do Capim représente un obstacle à la mise en œuvre du projet. Car si nous devons «rendre le fleuve à la ville», cela signifie que les habitants du fleuve ne sont pas considérés comme «société». C’est comme si la présence de ces résidents pouvait nuire à l'accès à le fleuve par d'autres citoyens. Le «réaménagement» de la zone actuellement occupée par la communauté laisse voir clairement ce concept.

13

Manoel da Cunha Galvão (1869). Melhoramento dos portos do Brazil Typographia Perseverança [S.l.] p. 156 - 157.

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Figure 18: Perspective de l’arène d’événements du projet de Revitalisation du Porto do Capim, dans le project de 2008. Source: Collection de la CPDCHJP.

Figure 19: Perspective de la place du Porto do Capim du projet de Revitalisation du Porto do Capim, dans le project de 1990. Source: Collection de la CPDCHJP.

Depuis les années 1940 la région est peuplée, mais la stigmatisation d'abandon reste dans les groupes de la classe moyenne et dans le haut de gamme, les touristes ne fréquentent pas cet espace potentiel. Le choix de valoriser l'histoire d'un vieux port échoué 47


au détriment de l'histoire de la communauté locale dénote le mépris de la puissance publique par les gens qui la vivent. Le patrimoine en tant que production sociale produit du discours, des concepts et des méthodologies, établit des règles et des normes qui façonnent les pratiques de conservation à un moment donné .14 _

Dans ce processus, commencent à entrer en circulation dans la société certaines idées, des images et des objets qui reflètent un type spécifique de vision et notion sur le patrimoine, et qui déterminent ainsi les pratiques de conservation, d'intervention et de gestion, qui à leur tour révèlent les intérêts politiques et économiques et les critères techniques qui les classent. Dans ce cas, il est clair que les idées qui veulent passer servent seulement les intérêts privés et exclusifs, où la mémoire du fleuve est ignorée en tant que médium important de la préservation du patrimoine. L'intérêt privé dans la capitalisation d'un quartier résidentiel prouve que les pouvoirs et les grands fabricants interviennent dans la dynamique urbaine de João Pessoa. Au cours du processus de conception, les promoteurs ont précisé qu'il y avait, en principe, dans la proposition, l'intention que la communauté reste dans la région du Porto do Capim, mais, dans un second temps, l'étude nécessaire serait arrivée à la conclusion qu'il n'y aurait pas de terres disponibles pour la construction des logements. Il a été en outre déclaré que les résidents occupaient des zones de manière illégale avec un système de décharges précaires et sur une zone de préservation de l'environnement. Le projet indique que dans la zone où il y a actuellement des résidences, avec un système de décharge précaire, dans une zone préservation de l'environnement, sur les rives de le fleuve Sanhauá, et dans les zones de mangrove serait construite une arène d'événements qui pourrait détruire toute la végétation restante. Les régions du Porto do Capim sont aussi affectées par les lois patrimoniales de l'Union, les lois de protection de l'environnement et du patrimoine culturel. Ces lois font qu'il est impossible de construire l'arène sur les rives de le fleuve Sanhauá en raison de l'illégalité de ces actes. Les actions promues par la CPDCHJP sont basées sur un discours d'intérêt public, de logement digne, de préservation de l'environnement et de sauvetage du «lien entre le fleuve et la ville». Les arguments qui cherchent à justifier les actions de relogement sont basés sur la question de l’«impossibilité» d'implantation d'une zone de déploiement et les occupations

14

SANT’ANA, 2003

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illégales qui ont été implantées sur des terres publiques. Il n'y a pas de consensus sur le projet même au sein des organismes de protection patrimoniale. L'équipe technique de l'IPHAN (Institut du patrimoine historique et artistique nationale) estime que le processus d'affectation de valeur au patrimoine national peut être considéré à travers différentes références de ceux qui constituent le projet de revitalisation de la Commission du Porto do Capim. En raison des irrégularités constatées dans le projet de revitalisation du vieux Porto do Capim, déjà décrites ci-dessus, de cette position contraire à l'équipe technique du Iphan/PB et de la nécessité de remaniement a été créé un groupe de travail composé de techniciens, stagiaires du Iphan, chercheurs du programme IPHAN de maîtrise professionnelle, des employés et des enseignants de l'Université Fédérale de Paraíba. Il a été préparé par l'IPHAN/PB une deuxième proposition d'action dans la région. Appelée « propositions pour la requalification des zones urbaines du Porto do Capim », cette proposition demandait certains réajustements concernant des aspects du projet de la CPDCHJP. La différence en termes choisis pour la dénomination du projet représente déjà beaucoup de lignes directrices. Alors que le premier projet est défini comme une revitalisation le second est défini comme une requalification.

«Revitalisation Urbaine: inclut les opérations visant à rétablir la vie économique et sociale d'une ville en déclin. Cette notion, proche de la régénération urbaine, s'applique à tous les quartiers de la ville avec ou sans identité et traits marqués. Requalification urbaine: appliquée principalement aux sites avec la fonction de «logements», ce sont des opérations prévues pour donner une activité adaptée à un endroit et dans un contexte actuel.»15 Le projet élaboré par le Comité Permanent Du Centre Historique de João Pessoa a en tant que l’un de ses principaux objectifs de reconnecter le fleuve et la ville, ce qui porte la vie au centre, et de transformer la situation actuelle d’«abandon». En revanche, le projet de requalification proposé par l'IPHAN cherche surtout des améliorations locales en termes

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CARTA DE LISBOA, 1995

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structurels, en gardant les utilisations qui sont déjà existantes, exercées, et en renforçant ainsi l'identité collective de la communauté. Une grande partie des techniciens considère la ville comme un espace socialement construit, susceptible d'être modifié, jugeant que les références culturelles des habitants du Porto do Capim doivent être respectées et en recherchent des moyens pour rendre possible, techniquement, juridiquement et politiquement la présence permanente de la population dans la région. Ils remettent en question, surtout, la construction d'une place pour les événements qui serait une intervention appropriée dans le projet de préservation du patrimoine culturel. Les résidents non plus n'ont pas approuvé ce premier projet. Totalement exclus des processus projectifs, les résidents de la région, les plus touchés par ce projet, n'ont pas été consultés au cours des étapes. Les résidents, en association, se sont opposés au projet présenté par CPDCHJP. Visant à discuter de la question de la communauté du Porto do Capim, le groupe de travail devrait examiner le projet de revitalisation de la Commission et proposer un concept et une autre intervention pour le relogement de la zone, cherchant à concilier les intérêts de la conception originale avec les besoins et souhaits des populations résidentes ainsi que ceux liés à la législation locale, nationale et internationale. L'organisation de la Commission du Porto do Capim en Action a été proposée pour un partenariat entre un groupe de résidents et les fondateurs de la Fondation Cia. de la Terre, une organisation qui développe des projets d'éducation au patrimoine avec les enfants vivant dans la communauté. Le but de ces réunions était de discuter des moyens de stratégies et articulation politique pour obtenir quelques clarifications et informations de la part du gouvernement sur les projets d'intervention prévus dans la région. Les femmes ont comme but d’organiser des événements locaux en vue de mobiliser les autres résidents dans la lutte contre les actions et pour la permanence de la communauté sur place. Elles ont également cherché des partenariats avec des politiciens locaux dans une tentative d'obtenir des améliorations structurelles du quartier (comme des crèches, des centres de santé et l’agrandissement de l'école). Puis la Commission du Porto do Capim a commencé un processus d'appréciation des mémoires communautaires. À travers des expositions, des documentaires, des textes produits dans le monde académique, mais aussi par les résidents a été mise en lumière l'identité collective et l'importance de la communauté. Le projet, appelé Mémoires riveraines, a mobilisé et réveillé le regard sur la richesse et la diversité culturelle locale, non seulement pour les habitants riverains, mais aussi pour les agents qui ont participé à l'ensemble du processus. Les techniciens du IPHAN, grâce à la coexistence avec la population locale, ont commencé à se demander si il était en fait 50


nécessaire de déplacer des résidents, de la zone où ils vivent en entourant le périmètre de conservation du centre historique de João Pessoa. Il a ensuite été mis au point, avec l'aide du comité, un nouveau projet d'intervention dans la région du Porto do Capim. Le projet de requalification avait comme lignes directrices:

«Améliorer l'accessibilité et les transports. Réduction de la criminalité dans le centre historique en maintenant la population du Porto do Capim et du Village Nassau qui entoure le périmètre de conservation du centre historique de João Pessoa. La récupération environnementale de la rivière Sanhauá grâce à des interventions qui offrent une protection et le rétablissement de la végétation riveraine présente dans la rivière. Amélioration des logements déjà existants dans plusieurs rues du Portorto do Capim et du Village Nassau en utilisant les ressources des programmes du gouvernement fédéral. L'amélioration de l'infrastructure urbaine avec des solutions pour la mise en œuvre de l'assainissement dans les espaces appropriés dans les rues plus structurées de la communauté du Porto do Capim et du Village Nassau. Mise en œuvre de structures pour les petits événements et réception de petits bateaux, en tirant parti des zones déjà dégradées par de la population de la communauté du Porto do Capim(...)»16

Ces lignes directrices montrent l'intention du projet de médiation de la relation entre les résidents de la communauté et les techniciens IPHAN en faveur d'œuvres de «requalification» du quartier. Dans ce projet proposé, la population résidant dans les sections

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DOSSIÊ, 2012

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des «zones à risque», très précairement avancées vers la rivière, seraient déplacées. Ces familles seraient réinstallées dans des maisons voisines de leurs foyers d'origine dans la région de la communauté. Permettant ainsi le «retour» de la rivière vers la ville, mais sans dénaturer l'usage résidentiel de la région et la valorisation de toute l'histoire de la communauté. La population locale soutient ce projet, car au-delà de répondre aux demandes touristiques de la ville de João Pessoa, le projet répond également aux exigences de logement déjà existantes sans modifier de façon radicale la dynamique urbaine de la région.

Figure 20: Perspective de l’arène d’événements du projet de Réhabilitation du Port du Capim. Source: GT Porto do Capim e Vila Nassau, 2012.

Le fait est que la situation actuelle de la communauté est incertaine, on ne sait pas quel projet la ville a mis en pratique et on n’est pas certain que la ville ait mis quelque projet en chantier. Depuis 1997, l'année du premier projet, les habitants vivent avec les promesses de relogement, mais rien n'a été fait et il n'y a aucune espèce de dialogue entre les dirigeants et la population locale. À plusieurs reprises, la communauté, organisée par les représentants collectifs a essayé de contacter les bureaux de l'administration municipale et n'a pas entendu sa position, même si les résidents de la communauté sont les plus intéressés par le projet. Alors que la communauté se bat pour être entendue et respectée une grande partie de la société, aliénée à cause de campagnes de publicité et l'idée de faux abandon qui est transmis, soutient le projet de la ville de relocation et de développement touristique de la région. Ils ignorent que les résidents de la communauté sont autant les citoyens eux-mêmes et ont donc le droit de vivre là où ils vivent. 52


La question de la communauté du Porto do Capim a grandement influencé le centre historique et ses environs, la popularisation de la cause a également apporté à des couches sociales les plus diverses une discussion qui ne faisait pas partie de la vie quotidienne. Les histoires et l'étude de cette région se sont intensifiées de manière à ce que, même que dans l'avenir, si la communauté est retirée, elles laisseront un héritage de connaissances qui ne pourrait pas avoir été produit sans ces questions. Sont donc proposés deux brèves études de cas, la première faisant référence au quartier de Afurada, situé dans la ville de Porto au Portugal, bon exemple de mise en valeur d'un patrimoine populaire, la deuxième évoque l'exemple des banlieues populaires de Paris. Cette deuxième étude de cas nous sensibilise à la taille des grands complexes de logement et à la façon dont une mauvaise gestion peut contribuer à de graves problèmes pour les habitants.

Étude de cas Bairro da Afurada

Comme la communauté de pêcheurs du Porto do Capim, dans la ville de Porto, au Portugal, se trouve le quartier d’Afurada. Les histoires de ces deux communautés sont similaires dans leur formation et leur développement, mais, en revanche, le quartier d'Afurada avaient les caractéristiques d’une communauté reconnue depuis des années, à la différence de celle déjà abordée « communauté de João Pessoa ». Un des vieux quartiers de la ville, l'Afurada a émergé comme un village de pêcheurs dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec environ 90 maisons, à partir de l'extension d'un petit noyau de population plus ancien qui s’était installé dans la région. Avec des documents datant de 1228, la communauté s’appelle «Furada», et est à l'origine du quartier appelé désormais quartier d'Afurada. Basée sur la rive gauche de la rivière Douro, dans une situation similaire à la communauté du Porto do Capim, cette agglomération a construit sa formation et son identité, autour de la rivière et ses activités associées aux travaux de pêche. Pendant des années, et encore aujourd'hui, le travail du pêcheur a défini la dynamique du quartier. Les hommes sont allés à la mer et les femmes se sont mises à laver les vêtements dans la rivière, afin de maintenir le revenu familial stable qui dépendait trop du résultat de la pêche. 53


Cette communauté est située au bord d'une rivière, type de sites généralement impropres à la construction en raison de ses sols sablonneux, a vécu pendant des années dans des conditions précaires, comme vit maintenant la communauté du Porto do Capim. Avec des maisons en bois et en mauvaises conditions sanitaires, il a été au cours de la soidisant État Neuf (1926 - 1974) au Portugal qui cette réalité a changé. Le quartier d’Afurada, contrairement à celui de la communauté du Porto do Capim, a toujours vu son importance reconnue dans le milieu des dynamiques urbaines. Déjà au milieu du XIXe siècle, il a été doté d'une école de pêche, d’un poste médical, d’un poste de sécurité publique et d’un bureau de la garde financière. Ces travaux ont eu une importance fondamentale dans le processus de consolidation de la communauté en tant que quartier. Après une période significative de forte émigration des pêcheurs au profit de la marine marchande néerlandaise et allemande, l'Afurada a fait un bond économique important avec le retour de ces émigrants, car ils ont été les principaux investisseurs d'une flotte renouvelée qui a abouti à la création de nombreux emplois. La croissance économique du quartier est devenue possible grâce aux travaux faits par le gouvernement qui ont assuré une infrastructure suffisante. À partir de ce moment, l'Afurada a été un quartier en croissance constante, avec une grande prédominance dans le secteur pêcheur, dont dépend actuellement économiquement plus de 500 familles. Contrairement à ce que beaucoup avaient prédit la flotte de pêche d'Afurada a été continuellement modernisée jusqu’à la période actuelle, et a été également équipée des diverses infrastructures destinée à soutenir les activités. Au cours des 10 dernières années est né dans la partie la plus élevée dans le quartier ce que nous pourrions appeler le nouveau Afurada, constitué d'un noyau de nouvelles implantations d'hôtels de qualité et de grands centres commerciaux, qui dans leur ensemble a contribué au développement de toute la région, et a lancé de nouveaux défis pour améliorer de plus en plus l'importance de la communauté dans le contexte municipal. L'Afurada est maintenant un village estimé, hautement reconnu pour son caractère hospitalier et sa beauté comme site de pêche typique. Il est clair que l'influence des ouvrages politiques publiés au sein de la communauté, a été responsable de la dignité d'un travail historique associé au site. Ces travaux démontrent déjà la préoccupation du gouvernement avec le maintien de l'identité culturelle locale, cette préoccupation a été mise en évidence en 2013 par la création du Centre d'interprétation patrimoniale d'Afurada.

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Figure 21: Façade du Centre d'interprétation patrimoniale d’Afurada. Source: < http://www.domusweb.it/>. Accès en 10 mai de 2016 .

Le Centre d'interprétation patrimoniale d'Afurada (CIPA) a été spécialement créé pour le maintien de la mémoire de ses habitants, cherchant l'appréciation d'une identité profondément ancrée, soutenue par de fortes valeurs culturelles et anthropologiques. Il a été choisi, pour abriter le CIPA, un ensemble de cinq anciens hangars de pêche, qui ont ensuite été transformés en un espace de recherche et un musée. Ce choix a une signification symbolique importante et représente une étape d'une grande importance pour sa conservation.

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Figure 22 : Façade du Centre d'interprétation d’Afurada. Source: < http://www.domusweb.it/>. Accès en 10 mai de 2016 .

Le bâtiment qui abrite le centre recrée l'élément architectural d'origine. Allusif au patrimoine naturel et culturel d’Afurada et de l’estuaire du Douro, le bâtiment met l'accent sur les traditions de pêche. Le choix de ces bâtiments est également intéressant du point de vue que cette architecture témoigne en représentant la communauté qui largement connue comme une «architecture pauvre» reconnaissant ainsi la dignité sous-jacente que l'histoire leur donne. Dans des cas comme celui-ci, la dureté ou la simplicité du point de départ peut provoquer une sorte d'ambition de «changement d'état» dans une mise à jour sans la conception des profondes connotations impliquées. Le défi du CIPA était de préserver son héritage de simplicité presque élémentaire, d’éviter des confusions avec toute hypothèse minimaliste.

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Figure 23: Intérieur du du Centre d'interprétation patrimoniale d’Afurada. Source: < http://www.domusweb.it/> Accès en 10 mai de 2016.

Le CIPA a occupé alors un espace d'ancrage pour la mise en place de l'enregistrement et de la mémoire de ce patrimoine immatériel. À cet emplacement, sont développés des programmes culturels non seulement pour encourager la communauté, mais aussi les agents locaux, la culture et le tourisme dans l'Afurada. Après la rénovation des anciens entrepôts qui s'y trouvent, les traditions de pêche sont maintenant exposées, ce qui reflète l'identité locale. L'exemple du quartier d’Afurada apporte l'expérience d'une communauté bien établie et reconnue, un projet qui ressemble à l'évaluation du site proposé pour le GT du Porto do Capim. La reconnaissance d'un patrimoine populaire a apporté à la ville de Porto une expansion significative de son tourisme, en plus des ajouts à l'économie locale et à la qualité de vie des habitants. Le traitement donné à la région a été cruciale dans le processus de rétablissement et de croissance, ce qui aurait pu être diamétralement opposé si la communauté avait été transférée pour une autre région. La troisième étude proposée, contrairement au quartier Afurada nous apporte l'exemple d’une mauvaise gestion d'une communauté et nous montre l'un des avenirs possibles de la communauté du Porto do Capim.

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Étude de cas Les banlieues parisiennes

Les banlieues populaires de Paris, comme la communauté du Porto do Capim sont dépeintes à la société à travers une perspective de délinquance. Leurs histoires sont également similaires quant à leur formation. Alors que le Porto do Capim est né de la croissance du quartier du Varadouro et son abandon conséquent, les banlieues sont nées de l'industrialisation et de la désindustrialisation qui s’ensuivit, ce qui a entraîné la disparition de la société ouvrière. Ces banlieues ont été créées d'une manière similaire aux complexes d'habitation, à la fin du XIXe siècle pour abriter les classes populaires. La banlieue contemporaine est née grâce à la modernisation de la capitale et des grandes villes pendant le Second Empire. Les villes anciennes ont été transformées par les évolutions de l'ancien tissu urbain durant la période haussmannien. Grâce à la rénovation de divers équipements et réseaux, de la construction de nouveaux bâtiments sur les nouveaux quartiers il y a eu un phénomène d'exode partiel des anciens habitants du centre pour des espaces plus excentrés, les banlieues. L'annexion de nouvelles villes banlieues a toujours été accompagnée par une vision des banlieues en dehors des grandes villes. Le projet d'homogénéisation de la ville, comme il a fait jour de manière spontanée à João Pessoa, a créé une pression démographique du centre vers l'extérieur avec le transfert de l'industrie à l'extérieur des limites de la ville. Les banlieues ont ensuite été abandonnées à leur sort, ignorées par la puissance publique de la même manière que ce qui s’est produit avec les complexes d'habitation brésiliens. Ces espaces sont devenus la cible de toutes les fonctions rejetées des villes. Les hôpitaux, les cimetières, les industries polluantes, le logement social, tous ont été répartis dans les villes satellites de Paris. L'installation industrielle de grande envergure sur une zone qui n'a pas été préparée pour ça a créé des zones industrielles réelles à proximité des banlieues de fonction d'habitation. La pollution engendrée par ces zones a généré diverses revendications des organisations environnementales qui ont abouti à la fermeture des industries installées. Comme les plans haussmanniens, l'industrialisation a déplacé des activités centrales vers les périphéries. La première Guerre mondiale a renforcé ce processus d'industrialisation des métropoles loin des grands centres comme Paris, Lyon et Toulouse.

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Par conséquent, la politique désindustrialisation de la région parisienne a conduit à une baisse des emplois industriels dans les années 60. Dans la période entre les guerres, les banlieues sont devenues un grand complexe d'habitation de faible qualité. La crise du logement dans la région parisienne a conduit 450 000 personnes dans les banlieues qui se sont installées sur des terrains dépourvus de tout équipement et avec un déficit d’emplois.

Figure 24: Les HBM du boulevard Ney (Paris, 18ème arrondissement) : la ceinture des immeubles à coeur fermé. Source : L'Illustration, 1938

La densité de population a créé un réseau d'organisation des résidents, cela a été visible par les fêtes locales, la politisation des résidents et surtout par la création d'une identité locale commune. Mais cette identité n'a pas suffi à inverser la stigmatisation liée aux banlieues. Le déficit de logements déjà existant a été aggravé en raison du baby-boom. La crise du logement est devenue intolérable. Rares et surpeuplés les logements sociaux étaient de faible qualité et sous-équipés. La plupart du temps il n'y avait pas de sanitaires ou wc. L’eau courante ne desservait qu’environ la moitié des logements. Avec la construction de grands complexes, les objectifs des anciens réformateurs sociaux sont devenus la politique publique nationale: retirer les classes populaires des favelas (taudis), apporter l'hygiène et la modernité aux employés, contrôler l'utilisation des terres, et permettre la circulation de la lumière et de l'air dans les bâtiments. Entre 1946 et 1975, le parc immobilier français est passé de 12,7 millions à 21 millions de logements où huit millions ont été construits entre 1953 et 1975. La participation de l'État était importante puisque près de 80% des logements construits au cours de cette période étaient financés par l'aide publique. 59


Sans aucun débat public sur la forme urbaine, comme cela se produisit avec les complexes d'habitation brésiliens, la construction massive faisait consensus. Les villes dortoirs, comme on les appelait, étaient généralement construites sur des terres agricoles à la périphérie sans réserve foncières. Compte tenu de la rapide construction et de la complexité des modes de financement, il est facile d'expliquer le manque d'équipements collectifs, à l'exception des écoles primaires. Dans les années 1970 une série de décisions conjecturales et sectorielles ont conduit les banlieues à une crise sans précédent. Le manque d'options pour les jeunes et les femmes qui vivaient dans ces banlieues explosèrent de telle sorte qu'a été diagnostiquée une maladie appelée «la sarcelitte». Cette maladie a atteint son apogée en mai 1968 et a provoqué l'augmentation significative du nombre de suicides et de défections. Ces conséquences d'une mauvaise planification des grands complexes d'habitation, dans une mesure plus ou moins grande, peuvent être facilement reconnaissables dans les logements brésiliens. L’abandon par la puissance publique et le manque d'équipement qui fournissent à la population une bonne qualité de vie depuis des années a condamné ces lieux à la violence qui s’est presque institutionnalisé. Ces évolutions deviennent cycliques et l’on ne voit pas, au Brésil, des mesures efficaces pour une fin prochaine. Avec le déménagement, la communauté du Porto do Capim deviendrait simplement un autre numéro parmi d'autres du gouvernement brésilien. Le plein potentiel d'une communauté historique bien établie, avec un énorme potentiel touristique et d'augmentation des revenus serait échangé contre un autre complexe d'habitation sans histoire et sans avenir.

Conclusion Depuis les premières tentatives pour la patrimonialisation brésilienne dite « populaire » a été refusée. Lorsque, en 1937, a été créé le premier organisme national de protection du patrimoine celui-ci a identifié les bâtiments et sites historiques de la période coloniale comme la «première expression authentiquement brésilienne». Ce type de perspective a fini pour favoriser la protection des monuments qui ont renforcé les pouvoirs des classes dirigeantes et bourgeoises, la préservation de l'histoire et la mémoire de l'élite oligarchique du pays, ainsi que les icônes de référence du catholicisme et du militarisme. 60


«(...) Le paysage est un ordre spatial qui est imposé à l'environnement bâti ou naturel. Ainsi, le paysage est toujours socialement construit autour des institutions sociales dominantes (l'église, les latifundiums, l'usine, la société de franchise) et ordonné par le pouvoir ... Le paysage, de cette manière, donne une forme matérielle à une asymétrie de pouvoir économique et culturel. (...) »

_17

Ce modèle de jouissance imposé à la société par la politique de préservation de l'Iphan, a éventuellement favorisé l'appropriation de ce patrimoine par les élites au détriment des références culturelles plus «populaire. C’est ce qui se produit clairement dans le cas de la patrimonialisation du Porto do Capim. Selon Gonçalves (2002), dans la logique de la construction des discours sur l'identité nationale, il y a une stratégie à choisir des symboles qui ont pour fonction de traduire par objectivation, quels seraient les éléments de la nation.

«(...) Ainsi, il peut être analytiquement productif de penser le patrimoine culturel comme des allégories à travers lesquelles les idées et les valeurs classées comme nationales viennent à être illustrées sous la forme d'objets, de collections, monuments, villes et structures historiques»

_18

Cette conception nous amène à comprendre que le processus de construction narratif est immergé dans un univers de choix possibles qui légitiment son histoire propre et authentique, où ce qui devrait ou ne devrait pas être conservé n'est pas quelque chose qui est déterminé automatiquement. Au contraire, le pouvoir de dire ce qui est ou non le patrimoine culturel est le résultat de litiges de pouvoirs, socialement construits.

17 18

(ZUKIN, 1996, p. 207) (GONÇALVES, 2002, p. 28)

61


Dans le cas du projet de revitalisation du Porto do Capim, l’argument crucial est que nous devons sauver le «lien entre le fleuve et la ville». Que les interventions prévues dans la région sont destinées à se référer à l'idée du port, que cette zone a «la vocation d'être un port» et qu'il est nécessaire de récupérer la forêt riveraine. Contrairement à ces arguments, les techniciens du GT du Porto do Capim et Village Nassau affirment que la construction d'une grande arène d'événements ne se réfère en rien à la vieille idée du port; que le projet ne prévoit pas de rétablissement de l'environnement car il cherche à consolider une grande surface de béton à l'endroit où sont aujourd'hui érigées les maisons des habitants et la végétation restante des mangroves; qui sont le lien entre le fleuve et la ville existante dans la relation entre les résidents et le lieu. Étant donné que toute idée de «nation» ou «d'identité nationale» est arbitraire et abstraite, le «national» serait-il mieux représenté par une communauté locale du fleuve ou par une grande arène d'événements? La recherche de références d'identité capables de traduire les caractéristiques d'une nation peut être considérée comme une quête idéologique dont la pratique finit par submerger la diversité des différentes expressions culturelles qui coexistent dans le même espace/temps. Dans le cas du patrimoine d'une nation, il faut considérer que le patrimoine est aussi le résultat des productions des classes économiquement pauvres. Ainsi, nous voyons que l'identité ne peut pas être considérée comme quelque chose donné, en tant que marques tatouées sur les personnes, mais comme un processus, comme quelque chose qui est construit , en ce qu'elle est en constante interaction avec les processus historiques, sociaux et politiques qui imprègnent les relations sociales. La création d'un sentiment relié à l'expérience du présent porte à étudier une dimension de relations de pouvoir et la confrontation politique. En ce sens, nous pouvons comprendre que de nombreuses références identitaires coexistent, sont en interaction constante, font partie des relations dynamiques de consensus et de conflit, émergeant des relations entre les hommes. Ce qui est en jeu est l'investissement qui représente une sorte d'identité idéale. Ici, la mémoire nous assure une certaine identification dans un univers de souvenirs possibles, la création d'une subjectivité partagée. Ces choix sont liés aux paramètres sociaux du présent. Ainsi, «des nouvelles formulations d'identité sont organisées précisément en confrontant les instances de la domination, pour la construction d'un projet. Et ce projet est à la fois culturel, économique et politique » .19 _

19

MOURA, M. Identidades[en ligne], p. 03.

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«(...) Si on considère les usages du patrimoine à partir des études sur la reproduction culturelle et l'inégalité sociale, nous voyons que les produits assemblés dans l'histoire de toute société n’appartiennent pas vraiment à tout le monde, même si formellement ils semblent être à tous et accessibles à tous pour les utiliser. (...) »

_20

Cette perspective implique le fait que dans le même temps que les groupes dominants produisent des représentations d'eux-mêmes pour justifier toute forme d'exploitation ou de domination des autres, des groupes dominés et exploités créent des représentations qui remettent en quelque sorte l'ordre établi. Selon Stuart Hall (2008), toutes les identités sont situées dans un espace-temps symbolique et les gens portent des liens avec des lieux d'origine et avec des traditions en même temps qu’ils sont obligés de faire face à la culture où ils vivent maintenant; donc il n'y a pas une culture qui se trouve indépendante ou en dehors du domaine des relations de pouvoir. Malgré le fait que porter l'idée du métissage est une marque nationale pour une grande partie de l'histoire de l'Iphan, une très petite partie de la production culturelle des groupes indigènes, des noirs, des métis et des créoles a été reconnu comme un patrimoine national. En négligeant le fait que la société soit divisée en groupes et classes, il n'est pas vu que les différents groupes s'approprient de façon inégale et différente le patrimoine culturel. Le fait est que, même après la déclaration de patrimoine immatériel, la division en classes de la société apparaît refléter également la division de la politique du patrimoine culturel de l'État. Le concept de nation comme une construction sociale est soumis à des reformulations, des changements de temps en temps, et peut être représenté par des supports concrets de production culturelle matérielle. Quand les discours identitaires sont objectivés et internalisés ils atteignent l'efficacité sociale .21 _

C'est la construction d'un modèle qui se veut universel qui cherche à établir un récit cohérent et homogène sur l'histoire de la nation. Compte tenu de toutes les circonstances qui ont conduit la communauté du Porto do Capim à la conformation actuelle, les antécédents culturels, le passé et présent, nous

20 21

(CANCLINI, 1997, p. 194) (CANCLINI, 1994)

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pouvons conclure que la communauté, et en particulier le gouvernement municipal de João Pessoa, se sont ouvert deux possibilités. La bonne gestion de ce patrimoine ignoré, comme l'exemple du quartier d'Afurada, peut créer pour la ville un autre espace, de création d'emplois, de culture vivante et de revenus ou encore un espace marginalisé et violent, comme tentes de la capitale de la région de Paraiba. Un espace de représentation du patrimoine populaire brésilien. Encore plus complexe, c'est à la charge des gestionnaires d'opter entre la valorisation d'un patrimoine non officiel, ce qui explique la formation peu orthodoxe du peuple brésilien ou de l'ennoblissement d'un quartier populaire en faveur des intérêts privés, d'exclusion et qui se révèle insoutenable au fil des ans.

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