ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 334 32 80 26 83 (France/Suisse) et 0032 2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME Denis Thiry REDACTEUR EN CHEF DU MAGAZINE Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anna Muratore anna@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, Igor Brisbane, Louise Deldicque, Marc Francaux, Cyrille Gindre, Johan Grzelczyk, Anne-Sophie Guessoum, Roger Igo, Palix, Vincent Rousseau, Naïm Schneyders. CREDITS PHOTOS The North Face:5; Dubaï triathlon:10; New Wave Group:12; ASO:13;Spomeidis/triathlon.org: 18;Agence Presse Sport:20;Prague marathon: 21;Fidal:28,42;Corey Rich:30,33; Russel Charles Marion:31; Kurz & Allison:31; Bike & run de Boulogne-sur-mer:34; Nikemedia:35; Olivier Beaufays:37; Asics:38; Markus Berger:41; Janos Schmidt/triathlon. org:44; Johan Grzelczyk:54; Image Globe:56; Palix:61,62,63,64,65,66; Dumas/DR:19,21,22,23,32,39,40,43,44,45 ,46,47,48,49 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Podium Media Europe SA Mobile: 0032 473 93 41 28 Tel: 00 352 26 90 86 69 Fax: 352 24611082 info@podium-media.biz Skype: jpodium Pour la France et la Suisse: Attr’Action Email: pub@zatopekmagazine.com 213, Avenue Paul de Vivie 84210 Pernes-Les-Fontaines – France Tél: 00 334 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimerie Bietlot rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 02 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 00 352 499 888 306 France et Suisse: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 04 74 82 39 56 Trimestriel Mai, Juin, Juillet 2012 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendu séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com Eric Cornu eric@zatopekmagazine.com Jérôme Jacot jejacot@yahoo.fr Christophe Libin christophe@zatopekmagazine.com Rédacteur Luxembourg: Paul Zens pz@zatopek.be Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com Conception et graphisme France: Attr’Action info@attr-action.com
sommaire_
Editorial
D
ans la plupart des magazines, l’éditorial sert à faire la retape du numéro ou alors à broder sur des thèmes souvent inspirés par le changement des saisons du style «chouette le printemps arrive, on va courir au soleil».
Ceci dit, on peut aussi utiliser la page dans une optique moins consensuelle, voire carrément polémique, et aborder des sujets qui fâchent comme le dopage dans le dernier numéro ou, plus gênant encore (parce que cela nous concerne plus directement) la question du transport, ce qui sera le cas ici. «Est-ce que nous ne voyageons pas trop?», se demandait l’homme politique suisse Jacques Neyrinck au lendemain d’un terrible accident de car dans le tunnel de Sierre. Notez que sa question dépasse largement la problématique de la sécurité routière. Car les enjeux sont aussi économiques avec des importations de pétrole et de gaz qui battent chaque année des records! Mais elle est avant tout écologique, surtout lorsqu’on sait que les transports sont responsables d’un quart environ de la production de gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique. Pourtant, cette question n’est pratiquement jamais abordée dans les débats politiques, comme si on avait intégré une fois pour toutes que la liberté de parcourir le monde faisait partie des droits inaliénables de la personne. Eh bien non! Il n’y a rien de logique à ce que l’on passe ses vacances à l’autre bout du monde alors qu’on connaît si mal son propre pays. Aïe! En défendant cette idée, on risque de se mettre à dos tous les coureurs qui participent à des trails lointains et tous ceux qui parcourent la planète à la recherche des marathons les plus prestigieux: New York et compagnie. Double aïe! On craint aussi la réaction des annonceurs qui vendent précisément ces voyages et risquent de ne pas être très heureux de cette nouvelle profession de foi. Tant pis! On avait prévenu que l’éditorial serait polémique. Et libre à chacun de se fixer des règles pour mettre le mieux possible en cohérence son mode de vie et ses engagements citoyens. Récemment, nous avons eu le plaisir d’interroger là-dessus la Britannique Lizzy Hawker (quatre fois lauréate de l’UTMB) qui prend forcément beaucoup l’avion en marge de ses exploits athlétiques. Son avis est intéressant dans la mesure où elle a suivi une formation en océanographie polaire et a mené des recherches sur le réchauffement de l’Antarctique. «Je passe l’essentiel de mon temps en mode de basse consommation énergétique», nous a-t-elle répondu. «Je suis végétarienne. Je n’ai pas de voiture. J’estime que cela m’autorise à quelques longs voyages.» Elle paraissait convaincue. Et vous? Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef
04_Ajoutez à mon panier
24_Science
10_Courrier des lecteurs
30_Insolite
Tout ce qu’il faut pour courir à la page La parole est à vous
L’incroyable histoire de la myostatine Un cheval pour deux
12_La Muse du coach
35_ Psychologie
14_ZOOM
44_ Témoignages
16_Culture-club
54_ Histoire du sport
18_Des chercheurs qui cherchent
60_BD
Posez vos questions à l’entraîneur Vincent Rousseau décrypte une image Toute l’actualité culturelle en un clin d’œil Les secrets du massage enfin révélés
La stratégie de la jambe de bois Un grand moment de solitude On l’appelait Le Chinois d’Anzin Philippidès, le premier marathonien de l’Histoire
Attention
Ne ratez pas notre supplément à détacher au centre du magazine.
22_Zatopek 3
a oUtez_à moN PaNier aJ CHaqUe saisoN voit fleUrir soN lot de NoUveaUtés, vêtemeNts, CHaUssUres et aUtres GadGets PoUr reNdre la CoUrse à Pied PlUs moderNe. toUJoUrs PlUs moderNe. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays
uRBaneaRS On ne bouge plus!
50 e Marre des écouteurs qui tombent tout le temps? Voici les modèles Medis de www.urbanears.com Urbanears conçu pour les coureurs! Ils se glissent dans le pavillon de l’oreille et ne bougent plus. Autre avantage: le câble est muni d’un petit microphone qui permet éventuellement de répondre aux appels téléphoniques sans sortir l’appal’appa reil de sa poche, et d’un bouton pressoir pour passer d’une chanson à l’autre.
l’avis d’UN Pro
On CLOudSuRFeR Le mariage du sable et du bitume Les promoteurs de cette chaussure affirment qu’elle donne, à chaque foulée, l’impression d’atterrir sur du sable, tandis qu’en phase de poussée, c’est comme si l’on courait sur du bitume. Le rêve de tout coureur! Pour aboutir à ce résultat, les inventeurs ont muni la semelle d’un nuage de petits plots amortisseurs capables de se rigidifier en une fraction de seconde juste après la phase d’écrasement. D’après une étude menée par l’Institut Fédéral de Technologie Suisse, le port de ces chaussures permet d’économiser deux battements de cœur par minute à vitesse égale.
139 e pour la cloudsurfer www.on-running.com
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olivier Bernhard, champion du monde de duathlon «après une grosse blessure, je cherchais une chaussure capable de m’épargner les tensions trop vives en phase de réception mais qui me permette aussi de rester compétitif. avec les ingénieurs de la société, nous avons mis au point ce modèle. Je ne changerai pour rien au monde.»
AJOUTEZ_À MON PANIER 5 pages
CoUrrier_des leCteUrs réaGissez sUr WWW.zatoPekmaGaziNe.Com oU eNvoYez votre CoUrrier Pour la france: 213 avenue Paul de vivie, 84210 Pernes-les-fontaines Pour la Belgique: 177 rue vanderkindere, 1180 Bruxelles
Les chaussettes font toujours débat Je découvre avec beaucoup d’intérêt votre enquête sur les chaussettes de compression! J’ai toujours pensé que c’est un effet de mode mais je n’en avais aucune certitude. a la lecture de votre article, je me sens un peu confortée dans cette idée.
notre réponse:
Emmanuelle Jaeger
A l’inverse de cette lectrice, d’autres personnes ont vu dans cette expérience la preuve irréfutable de l’efficacité du système de compression. Rappelons-en brièvement les conclusions. A l’issue d’une séance intensive d’entraînement au cours de laquelle les sujets portaient une chaussette de compression sur une seule jambe, on enregistrait une baisse très significative de la force musculaire (-50%) du côté de la jambe recouverte. Moralité: il se passe bien quelque chose. Mais quoi?
un amour illégitime Je suis personnellement choqué que votre magazine (que j’adore au demeurant) laisse place dans une chronique à madame Lucy vincent, éminente spécialiste du sentiment amoureux, certes, mais qui se trouve être aussi ardente défendeur des Laboratoires Servier et de leur tristement célèbre médiator. a quand un reportage sur le dopage signé Contador?
Kabouter (réaction en ligne) notre réponse: En marge des nombreux livres sur la biologie et le sentiment amoureux, Lucy Vincent est effectivement chargée des relations avec la presse pour les Laboratoires Servier, l’une des pires sociétés dans un secteur d’activité, l’industrie pharmaceutique, où pourtant la concurrence est rude! A part l’argent, on ne voit pas très bien ce qui peut motiver un tel choix de carrière. En même temps, tout le monde a le droit d’être défendu. Toutes les sociétés aussi. A fortiori lorsqu’elles emploient 20.000 personnes. Mais la question posée par ce lecteur va plus loin: faut-il se priver des compétences ou du talent de personnes que l’on réprouve moralement? Peut-on continuer à aimer Noir Désir malgré Bertrand Cantat? Lire Louis-Ferdinand Céline malgré son antisémitisme? Admirer Marco Van Basten malgré Berlusconi? Vaste débat. PS: Si elle nous lit, Lucy Vincent sera sans doute un peu étonnée de se voir comparée à Bertrand Cantat, Marco Van Basten ou Céline. Vous ne croyez pas?
Impressions de lecture Comme je suis toujours à la recherche de protocoles d’entraînement variés, je me suis précipité sur l’article du dernier numéro Le Mystère de la Grande Pyramide. A l’issue de sa lecture, je reste un peu sceptique. Vous donnez l’exemple d’un coureur qui prépare un dix kilomètres. Or vous lui proposez une distance maximale de course de 800 mètres seulement. Cela ne me paraît pas très difficile. Bon, je vais essayer tout de même.
Christophe Dewynter
ENTRAÎNEMENT_
L’ENTRAÎNEMENT PAR INTERVALLES (EPI) N’A PAS D’ÉQUIVALENT POUR AMÉLIORER LES PERFORMANCES. TOUT LE MONDE EST D’ACCORD LÀ-DESSUS. MAIS COMMENT S’Y PRENDRE?
MYSTÈRE DE LA GRANDE PYRAMIDE LE
S
DEUX SPÉCIALISTES QUÉBÉCOIS NOUS CONFIENT LEURS MEILLEURES RECETTES.
Blaise Dubois
Guy Thibault
Trois jours plus tard
Je compte parmi les coureurs moyens (40 minutes aux 10 kilomètres) ce qui me fait du 24 secondes au 100 mètres. Comme je vous avais écrit que la séance me paraissait facile, je me suis durci légèrement la tâche en me fixant une vitesse de 23 secondes au 100 mètres tout en voulant tenir aussi jusqu’au 800 mètres avant la pause de 5 minutes. Que ce fut dur! A l’usage, on s’aperçoit que les «récup» sont effroyablement courtes (46 secondes dans mon cas). La redescente surtout s’est avérée pénible. Personnellement, j’ai ravalé mon orgueil et sauté le palier du 700 mètres. Aujourd’hui, je suis bien décidé à recommencer. J’envisage aussi de faire légèrement varier le protocle: intercaler un 800 mètres entre deux repos de 5 minutes avant la redescente, par exemple. J’ai aussi envie d’essayer les 22 secondes pour voir jusqu’où je tiens. Bref ce protocole me plaît, je le garde!
Christophe Dewynter
Le retour des petits hommes verts Dans l’éditorial du dernier numéro, vous sembliez mettre le recul des performances des marathoniens éthiopiens sur le compte d’une politique antidopage plus sévère menée dans leur pays. Comment analysez-vous leur extraordinaire tir groupé réalisé au marathon de Dubaï le 27 janvier dernier où neuf Ethiopiens ont couru en moins de 2 heures, 6 minutes et 30 secondes? Il semble que la peur des contrôles se soit bien vite estompée.
Gérard Auguste
notre réponse: Ayele Abshero, le renouvellement Dubaï 10 zatoPek_22
En constatant la baisse de performance de leurs représentants, les autorités ont peut-être assoupli le système de contrôle. A moins que les écuries de coureurs n’aient trouvé de nouveaux moyens pour les détourner. Toute l’histoire du dopage est résumée dans ces quelques lignes!
la mUse_dU CoaCH eNvoYez-NoUs vos qUestioNs et Notre eNtraîNeUr roGer iGo PreNdra sa PlUs Belle PlUme PoUr voUs réPoNdre. le courrier doit être adressé à la rédaction: info@zatopekmagazine.com ou directement via notre site www.zatopekmagazine.com. vous pouvez y poster directement vos questions en cliquant d’abord sur l’onglet «vos réactions» et puis sur «exprimez-vous». face à l’abondance de courriers, seuls les abonnés auront désormais le privilège d’une réponse longue et personnalisée. il suffit de mentionner vos noms et prénoms. L’ancien sous-officier d’élite Roger Igo exerce le métier d’entraîneur depuis plus de vingt ans. A 58 ans, il poursuit une carrière qui compte de nombreux titres et distinctions en cross, sur route et en montagne.
Quatre semaines et puis on recommence Je prépare une épreuve sur 100 kilomètres. Pensez-vous que ce soit une bonne idée d’utiliser votre plan marathon que j’avais trouvé tout à fait génial en son temps: facile à suivre et sans fatigue excessive. Le cas échéant, comment l’adapter? Jean-Yves
notre réponse
C’est tout à fait possible moyennant une petite astuce: il suffit de répéter plusieurs fois le programme des quatre premières semaines en étirant progressivement les durées d’effort. Petit à petit, vous arriverez ainsi à encaisser des longues sorties en endurance continue (4 heures et plus). Pour diminuer le risque de blessures, on conseillera aussi d’alterner les allures (marche et course) et même de changer de discipline. Le vélo permet ainsi d’augmenter la charge d’entraînement sans trop solliciter l’appareil locomoteur.
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parcourez aussi notre grande bibliothèque de questions et de réponses. vous y trouverez peutêtre votre bonheur! www.zatopekmagazine.com
La meilleure façon de récupérer Certains programmes d’entraînement par intervalles préconisent une récupération active en trottinant. D’autres conseillent plutôt un «repos passif» où l’on reste à l’arrêt ou alors on se contente de marcher. C’était notamment le cas de la séance pyramidale que vous proposiez dans le dernier numéro. Quelle est la méthode la plus plus efficace? daniel
notre réponse
Primo, cela dépend de la température ambiante. Si elle est basse, il vaut mieux conserver un minimum d’activité pour ne pas prendre froid. Même chose pour ceux qui s’entraînent en soirée. Ensuite, cela dépend de l’objectif poursuivi. S’il s’agit d’améliorer sa vitesse, on peut s’octroyer des périodes de repos complet, histoire de refaire du jus pour la série suivante. Il faut seulement faire attention à ne jamais démarrer brutalement pour ne pas se blesser. S’il s’agit d’améliorer sa VMA (vitesse maximale aérobie), l’idéal consiste à alterner les allures sans jamais stopper complètement son effort. Au bout du compte, et si la durée de repos le permet, un bon compromis consiste à la scinder en deux parties. On commence par marcher, puis on enchaîne en trottinant.
oBJeCtioN, moNsieUr le médeCiN Je viens de recevoir la confirmation de la bonne nouvelle: j’ai mon dossard pour le prochain marathon de New York! Ce sera une grande première pour moi, un an à peine après mes débuts en course à pied. Avant cela, j’avais fait 30 ans de judo. Mais ce n’est pas la même chose. Mon médecin me conseille de faire un maximum de volume (40 bornes par semaine) avant d’entamer la préparation spécifique au marathon via le programme que vous proposez sur votre site. Est-ce une bonne idée? Question subsidiaire: n’ayant aucune expérience sur la distance, quel est le temps de référence que vous me conseillez de mentionner sur le bulletin d’inscription? Notre réponse
Bernard
Oserait-on contrarier votre médecin? En fait, il faut faire exactement le contraire. On commence par travailler le rythme et puis on ajoute le vovo lume. Dans votre cas, cela signifie qu’il faut conserver des séances d’entraînement par intervalles jusqu’au début du mois d’août pour enchaîner avec les trois mois que dure notre programme marathon. Cela devrait vous amener en pleine bourre pour la course, le 4 novembre 2012. Enfin, peu importe le chrono de référence que vous mentionnerez. Ceux-ci servent seulement à répartir les coureurs dans les boxes selon leur niveau. Au-delà de 4 heures, on ne fait plus la différence.
LA MUSE_DU COACH 1 page
zoom_photo Dans chaque numéro, Vincent Rousseau commente une photo. Il a choisi ici l’une des scènes les plus célèbres de toute l’histoire olympique: le bond prodigieux de Bob Beamon à Mexico
_de vincent rousseau
Nous sommes le vendredi 18 octobre 1968 à 15 heures 45 précises. La finale du 200 mètres féminin vient d’avoir lieu, débouchant sur le sacre de la Polonaise Irena Szewinska, ici répertoriée par erreur sous son nom de jeune fille, Kirszenstein, alors qu’elle venait de se marier (on ne peut en lire que la fin).
Ces lettres signifient qu’elle vient d’améliorer le record olympique et le record du monde. MRO sont les initiales de «Mejor Record Olimpico» et MRM, «Mejor Record Mundial». Curieusement, on s’aperçoit à la lecture des détails de cette performance que la vitesse du vent avait été mesurée à 2 mètres par seconde très précisément, soit le maximum autorisé pour l’homologation de la performance. La veille, l’anémomètre avait indiqué cette même valeur maximum à trois reprises en finale du triple saut lorsque tour à tour Gentile, Prudencio et Saneiev avaient battu le record du monde. C’était encore le cas pour le premier saut magique de Bob Beamon! Beaucoup d’observateurs soupçonnèrent alors une panne de l’appareillage ou peut-être même une manipulation volontaire de la part des organisateurs. La question reste posée même si, dans le cas de Beamon tout au moins, on peut juger d’après les images d’archives et la faible agitation des drapeaux le long de la piste que le vent soufflait assez faiblement lorsqu’il a établi ce record. Beamon avait la réputation de n’être pas doté d’une bonne technique de saut. La veille, en qualification, il avait même pris la planche du mauvais pied, ce qui ne l’avait pas empêché d’atteindre les 8 mètres. Il n’était pas non plus extrêmement rapide. Son secret résidait dans une exceptionnelle qualité de pied. Sa foulée élastique me fait penser à celles des meilleurs athlètes de demi-fond. Il donne vraiment l’impression de rebondir sur la piste. Souvent les bons coureurs font de bons sauteurs. Je suis sûr par exemple qu’avec un peu d’entraînement un spécialiste du 800 mètres comme Kipketer serait capable d’atteindre les 8 mètres! Voici l’emblème des Jeux de Mexico avec les anneaux olympiques dans les chiffres de l’année 68. Cela ne date pas d’aujourd’hui que les logos olympiques soient plutôt moches.
Sur son premier saut, la planche était parfaite. Beamon refit une deuxième tentative (8,04 mètres) puis il arrêta de sauter lorsque la pluie se mit à tomber. De toute façon, la messe était dite. «The jump’s all over» avait déclaré Ralph Boston à l’issue du premier saut.
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ZOOM_PHOTO 1 page
CUltUre_ClUB le livre BorN to rUN N’a Pas eNCore été tradUit eN fraNçais. NoUs Ne résistoNs CePeNdaNt Pas as à ll’eNvie de voUs eN Parler. Ce N’est Pas toUs les JoUrs qU’oN tomBe sUr UNe telle Perle littéraire, aUssi méCoNNUe qU’iNesPérée et qUi déPasse alléGremeNt le livre PoUr les amateUrs de CoUrse à Pied.
uN BouquiN Born to Run, par Christopher mcdougall Ed Profile Books, 2010
a
vant de dire un mot sur l’intrigue passionnante et multiple de ce bouquin, parlons du style et rassurons du même coup tous ceux qui n’auraient pas une connaissance parfaite de la langue de Shakespeare et qui, de ce fait, hésiteraient à se lancer dans cette belle aventure littéraire et sportive. Christopher McDougall écrit dans un anglais à la fois clair, accessible et précis. On pourrait presque dire qu’il écrit dans un style minimaliste à l’instar de la course à pied qu’il prône, loin de toute la technologie qui concourt, à ses yeux, à couper les pratiquants du véritable et authentique plaisir de courir. De fait, l’auteur lui-même fait partie de la confrérie. Le lecteur pratiquant de course à pied sera particulièrement sensible aux accents de vérité lorsque McDougall évoque par ailleurs ses blessures. De même qu’il sera intrigué lorsque l’auteur se pose des questions sur les origines de tous ces petits maux pour finalement proposer une approche totalement nouvelle et audacieuse du point de vue biomécanique puisque, 16 zatoPek_22
éPaTanT
preuves scientifiques à l’appui, il démontre que l’être humain serait véritablement né pour courir. Toute cette réflexion explique aussi le choix très à propos du titre, on notera au passage le clin d’œil discret et malin à Bruce Springsteen. Cependant, que le lecteur enthousiaste ne s’y trompe pas: cette exceptionnelle prédisposition physique implique de respecter un certain nombre de règles, au premier rang desquelles celle qui consiste à ne pas tromper non plus son propre squelette comme on le fait notamment en enfermant ses pieds dans des gangues de mousse. McDougall prend alors courageusement position et dénonce sans détours les objectifs trivialement commerciaux de certains équipementiers dont vous découvrirez avec surprise l’identité. Cette démonstration constitue une brillante facette de son livre offerte au cours d’une de ses nombreuses digressions. Parallèlement, il nous emmène dans un récit décoiffant aux accents à la fois romanesques, anthropologiques, sociologiques et presque poétiques. Le livre relate au commencement ses efforts acharnés pour retrouver un homme surnommé «el Caballo Blanco» (le Cheval Blanc) supposément capable de cou-
rir plus vite et plus longtemps que n’importe quel autre habitant de cette planète, à considérer que celui-ci existe réellement. McDougall, en bon coureur de fond, parvient finalement à le débusquer, à grands renforts de volonté et à la faveur aussi, avouonsle, d’un heureux coup de hasard. Commence alors une histoire époustouflante. L’histoire des Tarahumaras, une tribu d’Amérindiens qui peuple une sierra sauvage au nord du Mexique et dont les représentants sont doués de facultés d’endurance tout à fait étonnantes. S’en suit une virée amère dans les coulisses de l’organisation de l’ultra-marathon de Leadville dans le Colorado (EtatsUnis) où des Tarahumaras ont été invités à concourir à trois reprises, appâtés par l’opportuniste Rick Fisher et presque littéralement pour une bouchée de pain avant d’entrevoir la mercantile utilisation dont ils font l’objet et de retourner se terrer dans leur canyon, à l’abri de la cupidité occidentale. Et c’est précisément dans ce canyon que vit depuis «el Caballo Blanco», qui décide alors de suivre les Tarahumaras sans jamais chercher pourtant à s’intégrer au clan. Entre non-dits et pudeur, le per personnage central du mystérieux Cheval
CULTURE_CLUB 1 page
des chercheurs_qui cherchent
Le massage existe dans tous les pays et depuis la nuit des temps. Cette hégémonie repose sans doute sur une véritable efficacité. Encore fallait-il la mettre en évidence!
Les
secrets du Q
Shivago Komarpaj, le père des masseurs thaïlandais 18 Zatopek_22
u’est-ce qui peut être tantôt chinois, thaïlandais, californien ou suédois? Qu’estce qui peut s’appliquer avec les mains, les pieds, des crochets, des galets, des cires ou des huiles aromatiques? Qu’est-ce qui se pratique partout et depuis toujours mais sans preuve scientifique de son efficacité? Réponse: le massage, pardi! Et on pourrait lui trouver beaucoup d’autres caractéristiques. Cette pratique corporelle compte parmi les plus répandues et se décline sous une multitude de formes plus ou moins prudes ou lascives. Ainsi le massage peut prendre parfois une tournure franchement érotique ou alors rencontrer des objectifs stricte-
ment thérapeutiques. Depuis quelques années, la mode se répand aussi dans le monde professionnel avec des pauses-massages dans les bureaux pour atténuer le stress des pauvres employés. Dans les familles, il participe aussi au renforcement des liens affectifs comme pour tous ces parents qui massent leurs bébés ou ces gentils maris qui massent leur femme enceinte. Puis il y a le massage sportif. Les cyclistes ont lancé la mode il y a un peu plus d’un siècle. Aujourd’hui encore, pas une équipe de coureurs professionnels ou amateurs ne se déplace sans son masseur attitré. Petit à petit, la mode a envahi les autres disciplines et on trouve de plus en plus souvent des
u
massage révélés
enfin
masseurs sur les aires d’arrivée des joggings et autres triathlons. Dans ces moments-là, on trouve très agréable en général d’abandonner son corps meurtri entre des mains expertes. Mais le massage nous aide-t-il réellement à récupérer d’un effort intense? Cette question est restée en suspens jusqu’à la publication en février 2012 d’une étude scientifique dans une prestigieuse revue, qui révélait des bienfaits pas seulement d’ordre psychologique.
Thomas Voeckler passe à table
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DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT 3 pages
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT 3 pages
sCieNCe_dU sPort UNe PréCisioN PoUr CommeNCer: daNs Cet artiCle, toUt est ParfaitemeNt véridiqUe! il faUt le soUliGNer ParCe qU’à PlUsieUrs rePrises, Cela voUs Paraîtra tellemeNt diffiCile à Croire qUe voUs soNGerez saNs doUte à UN Gros BidoUillaGe. mais Ce N’est Pas le Cas. voUs voilà PréveNUs!
L’inCROYaBLe
hiSTOiRe de la
mYOSTaTine L
’histoire débute avec les courses de lévriers. Quiconque s’intéresse à la course à pied doit un jour se rendre aux abords d’un cynodrome (hippodrome pour chiens). Evitez seulement ceux qui ont la réputation de servir de cadre au martyre des bêtes (lire encadré). Il en existe heureusement où l’on se montre plus respectueux du bien-être animal. Le spectacle commence avec la parade des chiens revêtus de casaques aux couleurs vives. Ensuite, ils sont mis en cage sur la ligne de départ et on lance le lièvre mécanique. Ce der dernier fait d’abord le tour de la piste à une vitesse qui pa24 zatoPek_22
raît tout à fait excessive compte tenu du rôle de leurre qu’on veut lui faire jouer. Le pseudo-lièvre passe alors à proximité des cages et, lorsqu’il possède 30 ou 40 mètres d’avance, la herse se relève et on lâche la meute. Extraordinaire! Ces lévriers sont capables de produire une accélération telle qu’en quelques foulées à peine, ils talonnent leur proie et parfois même, la rattrapent. Il faut le voir pour le croire! Leurs qualités de sprinteurs sont proprement stupéfiantes. D’ailleurs, ils ne donnent pas l’impression de courir mais de ricocher en surface de la piste. Formidable!
SCIENCE_DU SPORT 4 pages
Découverte_
Certaines disciplines de course à pied puisent leurs origines dans de très anciennes traditions. C’est le cas du «bike and run», un héritier lointain du «ride and tie».
Un cheval pour deux C
omme chacun sait, le «bike and run» est une course où deux participants se partagent un seul vélo. Et pas question de grimper à deux sur le cadre. L’un roule pendant que l’autre court à ses côtés et puis on change. Le fait d’alterner les périodes d’effort plus intense (lorsqu’on court) et de repos relatif (lorsqu’on pédale) permet de gagner environ 2 km/h sur la vitesse que l’on serait capable de tenir simplement en courant. A partir de là, on peut envisager toutes les variantes comme par exemple le «bike-bike and run» (deux vélos pour trois) ou le «bike and runrun» (un vélo pour trois). Cette discipline hybride laisse libre cours à l’imagination des organisateurs. Mais savent-ils eux-mêmes d’où leur vient cet héritage? C’est là que l’histoire devient étonnante et nous emmène quelques siècles en arrière à l’époque de la conquête du Nouveau Monde.
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DÉCOUVERTE 4 pages
Passe par chez vous... I Cahier régional
ÎLE DE FRANCE
/02/ À vos agendas /03/ Un peu plus loin /04/ Ça a eu lieu /10/ Les articles techniques /16/ La Locomotive du moment
Certains diront que c’est un phénomène de mode mais force est de constater que cela va beaucoup plus loin. C’est une véritable prise de conscience. Pouvoirs publics, institutionnels, privés... Tous s’entendent pour dire que BOUGER est vital pour le BIEN-ÊTRE ! Bouger pour être bien dans son corps, bien dans sa tête, bien au travail, bien vieillir... Ca fait évidemment les choux gras de la course à pied. Car quelle discipline est plus accessible que la course à pied ? Tout le monde peut se mettre à courir, il suffit d’enfiler une paire de running. Alors forcément, les choses se structurent et les coachs s’organisent. Zatopek magazine se devait d’offrir un accompagnement à ces nouveaux prétendants. C’est chose faite avec le programme JCPMF (voir page 10). Et Zatopek souhaite la bienvenue à tous ces nouveaux coureurs-lecteurs.
Welcome ! Sophie SARTET
Ce trimestre avec Volodalen JE CouRs pouR mA FoRmE
Les coachs vous aident à mettre en place votre programme.
sAbRiNA, musCLEs, soLEiL ThibAuLT ET moi ET pENséEs 3 mains et 62 mollets pour un marathon. page 12
3 brèves scientifiques qui ouvrent l'esprit. page 14
page 10
Écrivez-nous !
contact@zatopekmagazine.com
Zatopek n° 22 I mai / juin / juillet 2012
CAHIER CENTRAL_LA LOCOMOTIVE 15 pages
_Psychologie
En psychologie du sport, la «stratégie de la jambe de bois» désigne une ingénieuse méthode pour anticiper d’éventuelles désillusions à l’approche d’une épreuve importante. Peut-être l’utilisez-vous sans le savoir. A moins que vous ne soyez adepte d’autres pirouettes de la pensée comme «l’auto-handicap», «le pessimisme défensif» ou «l’élargissement de l’intervalle de satisfaction». Vous n’y comprenez rien? C’est normal! Bienvenue dans le monde du négoce narcissique.
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Psychologie_
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1. Marco Baghdatis punit sa raquette! 2. Ibrahim Jeilan remporte le 10.000 mètres aux Championnats du Monde de Daegu devant le Britannique Mo Farah. Inch Allah! 3. On se croit souvent plus beau qu’on se voit!
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ui suis-je? Si on se creuse la tête depuis tant de siècles pour répondre à cette question, c’est que l’édification d’une personnalité dépend de tant de paramètres qu’on finit toujours par s’embrouiller un peu. Et s’il n’y avait que cela. Car on se trompe aussi très facilement sur sa propre valeur. En son for intérieur, on se représente d’une certaine façon et celle-ci ne correspond pas forcément au portrait qui résulterait d’un questionnaire auprès des proches. On se voit plus beau que sur les photos. On s’imagine plus jeune que son âge. On trouve sa voix plus harmonieuse que sur la messagerie du téléphone. Bref, on magnifie son propre personnage auquel on fait des yeux de Chimène à chaque fois qu’on le croise dans un miroir. Cette tendance existe dans la vie comme dans le sport. Avec une différence toutefois. Dans la vie, les rapports humains sont généralement empreints d’une assez grande réserve. Il est rare qu’on se dise ses quatre vérités en face. De ce fait, les illusions demeurent. On exagère ses qualités. On minimise ses défauts. On reste dans le fantasme! Dans le sport, c’est différent. Certes, on peut se croire meilleur athlète du monde. Mais les résultats chiffrés des compétitions se chargent vite de ramener à la réalité. On rêvait de Coupe du Monde. On se retrouve à cirer la banquette. Quel sportif n’a jamais connu ce genre de déception? 3.
L’échec est alors vécu comme un petit coup de marteau sur le socle de cette représentation idéalisée de soi. Pour éviter que ce socle ne vole en éclats, on recourt à différentes stratégies d’auto-protection. La plus évidente consiste à faire porter la faute aux autres. Dans les sports d’équipe, c’est très facile. Il suffit de prétendre qu’on est entouré d’une bande de nullards et que la défaite est seulement imputable à la maladresse des autres. Cela marche très bien. Et si cela ne suffit pas, on peut aussi incriminer l’adversaire, l’arbitre, le terrain, la balle, le vent… N’importe quoi! Tout cela pour éviter de s’en prendre à soi-même. «Quand je rate la balle, j’engueule ma batte», disait le célèbre joueur de baseball Yogi Berra. Les supporters de football excellent aussi dans la mauvaise foi. Rappelez-vous les fameux poteaux carrés du stade de Glasgow (lire encadré). Cette première attitude dite du «report de faute» est -de loin!la plus répandue sur terre. Tout le monde l’utilise plus ou moins consciemment. Même dans les sports individuels. Une étude menée à l’Université de Paris il y a quelques années avait démontré qu’à l’issue de 1300 matchs de tennis de tous niveaux, le vainqueur s’attribuait systématiquement les mérites de la victoire, tandis que le vaincu expliquait sa défaite par toute une série d’influences extérieures qui ne lui avaient pas permis de développer son jeu. Problème! Cette stratégie
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Témoignages_
UN Grand moment de La plupart des coureurs se sont déjà retrouvés dans des situations honteuses et ridicules. Un petit florilège.
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Olivier, 23 ans Petite leçon d’auto-sabotage «C’est fou à quel point on peut se mettre soi-même dans l’embarras. J’en ai fait l’expérience aux 24 heures d’Aulnat en Auvergne. C’était ma troisième participation à ce genre d’épreuve et la dernière fois que je concourrais dans la catégorie «Jeunes». J’avais prévu de partir sur des bases rapides, autour de 11,5 kilomètres/heure. Qu’est-ce qui m’a pris? Je ne sais pas. Toujours est-il que je galopais deux kilomètres/heure plus vite que prévu. Le pire, c’est que je ne parvenais pas à ralentir, comme si je n’étais plus maître de mon corps. Il ne m’était pas possible non plus d’ingurgiter quoi que ce soit, biscuits ou jus de fruits. Rien ne passait alors qu’habituellement je digère sans problème. Je savais pourtant que tôt ou tard j’allais payer ce départ en kamikaze. Et cela n’a pas
manqué. La preuve? J’ai couvert 112 kilomètres lors de la première partie de la course et à peine plus de la moitié dans la seconde. Du coup, j’ai raté mon objectif qui était d’atteindre les 200 bornes. Avec le recul, j’éprouve cette curieuse impression de m’être auto-saboté. Sans doute avais-je prêté trop d’importance à cette dernière course en catégorie d’âge. Symboliquement, celle-ci fermait aussi une page très heureuse de ma vie. Avais-je envie de la clore? Peut-être craignais-je d’être profondément déçu si j’avais échoué en respectant mon plan à la lettre. Peut-être aussi qu’une trop belle réussite m’aurait rassasié. Or la course se nourrit de frustrations plus que de satisfaction. Sans le vouloir, je me suis donc tiré une balle dans le pied, ce qui eut pour effet de régénérer mes ambitions. Trois semaines plus tard, je prenais déjà le départ d’une épreuve sur six heures.»
Stéphane, 50 ans L’homme aux deux chaussures gauches «Alors que je venais de rouler deux heures en voiture pour participer à la Corrida de Noël à Bruxelles, je me suis aperçu en ouvrant mon sac que j’avais emporté deux chaussures gauches. Tant pis! Dans une telle ambiance, j’ai quand même pris le départ en priant pour que mon pied
droit ne souffre pas trop de mon étourderie. Notez ce n’est pas la première fois que je suis victime de ce genre de mésaventure. En 2010, pour mon premier marathon sur la Route du Louvre, j’avais pris soin de protéger chaque orteil d’un pansement. Dès les premiers kilomètres, j’ai senti que quelque chose me gênait. Mais vous savez comment ça marche… On se sent obligé de continuer. Finalement, c’était trop douloureux. Je me suis arrêté à la mi-course pour retirer mes chaussures. Et qu’est-ce que je trouve? Une pièce de 20 centimes coincée dans la chaussure!»
Mia, 34 ans Merde, le certif! «J’étais hyper-motivée à l’idée de participer au second 10 kilomètres de ma vie. Ma mère avait même fait le déplacement des Vosges jusqu’ en région parisienne pour me voir courir. Tout se présentait idéalement. On se lève aux aurores afin d’arriver bien à l’avance. On prend le train, le métro et enfin le RER pour aller jusqu’à Nogent. C’est là que ma mère, toujours pleine de prévenances, me demande si je n’ai pas oublié mon certificat médical… Merde! J’ai finalement passé la journée à faire du shopping.»
solitude Bekele, la cloche de Mombassa!
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es étourderies n’épargnent pas les meilleurs coureurs du monde. Rappelez-vous l’étrange scénario du championnat du monde de cross organisé à Mombasa au Kenya en 2007. L’Ethiopien Bekele figure au rang des immenses favoris. Il a remporté 26 de ses 27 dernières épreuves et lorsqu’il place une attaque à deux tours de l’arrivée, tous les Kényans lâchent prise. Seul l’Erythréen Tadese garde son sillage. Nouvelle accélération. Bekele est désormais tout seul devant! La course semble jouer. Mais non! Soudain l’Ethiopien coince complètement. Il se laisse rattraper et puis il abandonne. Que s’est-il passé? «Kenenisa souffrait de problèmes d’estomac», expliqua Jos Hermens son manager. «Peut-être est-ce l’humidité qui l’a obligé à boire trop avant la course. Toujours est-il qu’il était vidé, sans énergie.» Voilà pour l’explication officielle. En coulisses, on entend une tout autre version. En fait, Bekele se serait planté dans les tours. «Les crampes d’estomac, ce sont les excuses officielles», analyse Olivier Belloc, responsable des équipes de France. «Je mettrais ma main à couper qu’il a attaqué un tour trop tôt. Sinon comment expliquer que les quatre autres Ethiopiens n’aient pas terminé la course eux non plus?» 22_Zatopek 45
TÉMOIGNAGES 6 pages
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maCadam_PeoPle
On L’appeLait
led’anzin chinois ! miCHel BerNard fait Partie des léGeNdes de l’atHlétisme fraNçais. a 80 aNs, il revieNt sUr ses aNNées de Gloire, NotammeNt ses terriBles dUels CoNtre miCHel JazY qUi le sUrNommait «le CHiNois d’aNziN». 54 zatoPek_22
POuRQuOi vOuS aPPeLaiT-On Le ChinOiS d’anzin? vOuS n’êTeS PaS ChinOiS…
C’est un surnom que me donnait Michel Jazy à une époque où nous étions adversaires. Il trouvait que j’avais un petit air asiatique. Or toute ma famille est française. Dans mon enfance, nous habitions Sepmeries, un petit village de 500 habitants à quelques kilomètres du Quesnoy.
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BANDE_DESSINÉE
La flemme du soldat inconnu On ne connaît rien de Philippidès. On n’est même pas d’accord sur la façon correcte d’orthographier son nom. Est-ce Phiddipides, Pheidippides, Philippidès ou même Thersippos comme le prétend Plutarque? Personne ne sait. Seule certitude: le coureur a été victime d’un gros coup de pompe en arrivant à Athènes et il est mort en disant: «nous avons vaincu!» “Le soldat de Marathon” “Le soldat de Marathon annonçant la victoire» de Luc-Olivier Merson (1869) de Jean-Pierre Cortot (1831)
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e nombreuses illustrations artistiques du soldat Philippidès existent dans le monde. On le représente parfois en armes, parfois tout nu. Mais toujours en mauvaise posture. C’est bien simple: soit il rampe, soit il menace de s’effondrer. Le spectacle de son agonie est généralement rendu de façon très réaliste. On le devine en train de déclarer sa fameuse phrase: «Xairete, nenikikamen» («Salut, nous avons vaincu»). Ensuite, il meurt. Couic! Physiquement, Philippidès répond évidemment aux canons grecs de la beauté tels qu’ils sont répertoriés par le poète Aristophane: «la poitrine robuste, le teint clair, les épaules carrées, la langue courte, les fesses grosses et le sexe petit». Cette dernière précision mérite explication. De fait, on ne connaissait pas l’existence de la testostérone dans l’Antiquité. On subodorait seulement son existence. On pensait à juste titre qu’un fluide de la masculinité était responsable des différences morphologiques entre les jeunes filles et les jeunes garçons. Mais on en avait déduit à tort qu’il devait s’agir du sperme lui-même. Partant de là, on recommandait aux athlètes de ne pas dépenser inutilement leur précieuse semence et les artistes les représentaient logiquement dotés des très modestes attributs. Philippidès n’est pas le seul dans le cas. L’explication vaut pour tous les petits zizis de l’Antiquité.
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Peut-on croire en Philippidès?
Voilà pour la légende. Dans la réalité, Philippidès devait être très différent de l’image qu’on lui prête. On le verrait plutôt maigre, hirsute, bronzé et plein de poussière (NB: quant à la taille de son sexe, on ne sait pas). Voilà à quoi il pourrait ressembler. Si seulement il avait existé. Or rien n’est moins sûr. Il se peut en effet que le personnage ait été inventé par les thuriféraires des armées grecques pour incarner la bravoure de tous ces troufions auxquels de tous temps, les Etats Majors ont confié les sales besognes comme d’aller porter des missives d’un bout à l’autre d’un territoire plein de dangers. Philippidès ne serait en somme que la figure emblématique de tous les sans-grades de la démocratie athénienne et sa célébration au fil des siècles ressemblerait plus ou moins à notre rituel du soldat inconnu mis en place après la guerre francoprussienne de 1886. Juste après la terrible bataille de Marathon, les Grecs eurent eux aussi l’idée de rendre hommage aux soldats tombés pour la dé-
“Philippides annoncant la victoire de Marathon”, Jérôme Martin Langlois (XIXe siècle)
fense d’Athènes. Des tumulus furent érigés pour marquer le lieu d’inhumation des victimes des deux armées. Le message était aussi très politique. Les textes font mention de 6000 tués dans le camp des Perses pour seulement 192 Athéniens. C’est d’ailleurs au pied de ce deuxième monument qu’est parti le marathon des Jeux olympiques d’Athènes en 2004. Les organisateurs ne pouvaient pas manquer une si belle occasion de commémorer ce formidable pan de bravoure. Aujourd’hui Philippidès compte donc parmi ces glorieux anonymes qui écrivent l’histoire dans l’ombre de leurs tyrans. Si leur cause triomphe, ils ne seront pas oubliés. Dans le cas contraire, tant pis pour eux. «L’histoire est toujours écrite du point de vue des vainqueurs», constatait en 1940 le philosophe allemand Walter Benjamin. Nul doute que si la bataille de Marathon s’était soldée par la défaite des Grecs, personne n’aurait jamais entendu parler de lui. Et les Jeux olympiques compteraient une épreuve de moins. Gilles Goetghebuer
Statue de Phidippidès, sur la route de Marathon (2003)
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