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N°56 - trimestriel - novembre - décembre 2020 - janvier 2021 - France : 5.50 € - Canada : 8.50 $
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Nutrition
La vérité sur l’affaire Maurten
Athlétisme
Le charme fou des sports de lancer
Kastenberger L’assassin faisait du marathon
SCIENCE DU SPORT
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Courir à tout prix ? L 16992 - 56 - F: 5,50 € - RD
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N°56 - trimestriel - novembre - décembre 2020 - janvier 2021 - Suisse - 10CHF
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ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, François Borel-Hänni, Aurore Braconnier, François But, Alain Philippe Coltier, Louise Deldicque, Pierrick Desfontaine, Marc Francaux. CREDITS PHOTOS Mucem: 06,10; Le coq sportif: 06; Temple University Libraries: 07; Instagram: 07; Domaine publique: 08,62; Yale FC: 09; Harikrishnan/ MA Menswear at London College of Fashion: 10; Sophie Gibeau/DR:11; Editions Robert Laffont:11; Gabriel Jacquejean:11; Nike news: 14,15,19; Michael McCullough: 14; Dylan Taylor:15; EDitions Glénat: 16; Agence Dumas: 16,20,27,28,29,36,38,46,50,51,52,53,54,5 5,56,57,64; Boa Performance: 18; Citroën: 19; Lars Falck-GC/GIH: 19; Puma: 20; Kalenji: 21; Ethem Onur Bilgiç: 21; Jacques-Charles Bordier du Bignon: 28; Gustav Klint: 28; Pierre Mignard: 28; Sergio Mangada: 29; Go girl:30; F-KING: 30; Chris Garrison/Red Bull Content Pool: 34; New wave image: 34; Belga image: 35; Didier Poppé: 36,40; Adidas: 37; Boing:37; Photolibrary: 37; USATF: 37; Mark Pain: 39; George Herringshow/ Sporting heroes: 41,43; Nilton Fukuda/Folha Imagem:43; Jarno Schurgers/Red Bull Content Pool: 44,45; Maurten: 45,47,48; Warner Communication company: 58,59,60; John Irving: 60,61; Alamy Banque D’Images: 62; Zorro film: 63; TUS Kainach: 64; Flora London marathon: 65; Kevin Morris: 65; CA Playas Castellón: 65; REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306
SOMMAIRE_
EDITORIAL onathan Swift est l’auteur des Voyages de Gulliver, cette épopée magnifique où le héros parcourt le monde et croise un tas de populations excentriques avec des hommes parfois tout petits comme les Lilliputiens, et parfois géants comme les Brobdingnagiens. Au pays de Balnibarbi, Gulliver fait la connaissance d’une élite obsédée par la science. Le peuple y meurt de faim tandis que les savants balnibarbiens s’efforcent de piéger les rayons du soleil dans des concombres. A Luggnagg, les hommes sont immortels. Mais ils vieillissent tout de même, ce qui les rend tristes et acariâtres. Au pays des Houyhnhnms, ce sont les chevaux qui ont pris le pouvoir et Gulliver constate avec effroi que les animaux misérables sur lequel ils règnent, les Yahous, sont en réalité des êtres humains. A une époque de grands chocs civilisationnels, Les Voyages de Gulliver avaient marqué les esprits, démontrant brillamment que ce qui est vrai ici peut-être faux là-bas. Et inversement. C’est le propre de la grande littérature que de nous permettre de mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. Jonathan Swift n’a pas écrit que Gulliver. Il est aussi l’auteur de contes, d’articles, de pamphlets et d’un curieux petit bouquin qui s’intitule Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public. La proposition en question consiste à encourager les jeunes mères à nourrir au sein leurs enfants pendant un an et puis à les vendre pour une dizaine de shillings à des familles plus riches afin qu’ils soient mangés. Face à une telle horreur, on s’attendrait à ce que l’auteur adopte un style tout en cynisme et en cruauté. Pas du tout. Il fait montre au contraire d’une extrême bienveillance et étale ses
arguments les uns derrière les autres en bon gestionnaire de l’intérêt public. Trois ans après le choc de Gulliver, Modeste proposition dénonce l’inhumanité de ceux qui se croient investis de la mission de sauver le monde. Voilà qui rappelle un peu la situation actuelle. Il suffit de remplacer la famine qui sévissait en Angleterre au XVIIIe siècle par la pandémie en cours et on reconnaîtra facilement les mêmes travers de suffisance chez les experts et d’autoritarisme chez les décideurs politiques. Certes, on ne recommande plus de tuer les nourrissons. Mais on retrouve dans le discours de ceux qui déterminent les nouveaux curseurs comportementaux le même détachement que chez Jonathan Swift quand il propose de manger les enfants. Dans ce numéro, vous découvrirez d’autres domaines où le manque d’humilité conduit à des recommandations absurdes, qu’il s’agisse d’entraînement (lire «La VO2max, on ne nous dit pas tout», page 18), de physiologie (lire «Le cas Lagat», page 22) ou de diététique (lire «Une boisson révolutionnaire», page 44). Dans beaucoup de situations, on sera bien inspiré de balancer toutes ces théories aux orties. Cela tombe bien. Dans ce numéro, vous trouverez aussi un gros dossier consacré aux sports de lancer (lire «Un pavé dans la mare», page 35). Bonne lecture à tous!
04_AJOUTEZ A MON PANIER
36_RENCONTRE
11_COURRIER DES LECTEURS
44_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT
J
Tout ce qu’il faut pour courir à la page
12_ZOOM
Mo Farah remet à jour le record de l’heure
14_CULTURE CLUB
Steve Prefontaine, un personnage de roman Trail: courir sans se blesser
Gilles Goetghebuer (en haut à droite)
Didier Poppé nous donne envie de lancer La boisson énergétique Maurten améliore les performances. Vrai ou faux?
50_TEMOINS
Des chutes, des gamelles, des bûches, des plongeons, des cascades. Le catalogue des douloureux souvenirs.
France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56
18_ENTRAINEMENT
58_MACADAM PEOPLE
Trimestriel Novembre, décembre 2020 et janvier 2021 N° ISSN 1783-4104
22_AGE ET PERFORMANCE
62_BANDITS BANDITS
La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@ zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com
VMA, la grande illusion L’increvable Bernard Lagat
Le monde selon John Irving L’incroyable vie de Johann Kastenberger
26_SEXE ET SPORT
Bernadette de Gasquet, elle est très chouette. Mais elle n’aime pas la course à pied.
56_ZATOPEK 3
AJOUTEZ_À MON PANIER
CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays
PETZL IKO CORE I comme IKO Cette frontale pèse à peine 79 grammes, grâce notamment à son bandeau de fixation semi-rigide conçu pour épouser la forme de la tête. Elle fonctionne avec des piles ou une batterie rechargeable, qui sont situées à l’arrière de la tête pour répartir équitablement le poids. Un seul bouton permet de moduler l’intensité du faisceau lumineux. A pleine puissance, l’IKO Core a une capacité de 500 lumens. De quoi éclairer sa route sur presque 100 mètres!
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Astuce
La semi-rigidité du bandeau de fixation permet aussi de placer la IKO sur la poitrine ou de l’utiliser comme lampe d’appoint en la fixant à n’importe quel support. Elle est même fournie avec une pochette de rangement translucide qui au besoin peut se transformer en lanterne.
“ IL L’A DIT!
Je vais te montrer la première lampe de poche à énergie solaire. Il ne me reste qu’un tout petit problème à résoudre: elle ne fonctionne qu’en plein soleil.
„
SCIENCE
Gaston Lagaffe
50%
Soit l’augmentation des acci-
dents mortels impliquant des piétons dans les semaines qui suivent le passage à l’heure d’hiver à la fin du mois d’octobre. Les trois mois qui suivent (novembre, décembre, janvier) concentrent à eux seuls 43% des accidents annuels impliquant un piéton. La raison de cette hécatombe? C’est évidemment une nuit qui tombe une heure plus tôt et le manque de visibilité. Notez qu’on devrait abandonner cette habitude de changement d’heure en 2021, après 46 ans de pratique!
Les gens de la Lune
Les études épidémiologiques montrent que les personnes qui se couchent tard sont plus susceptibles que les autres de développer des maladies comme le diabète ou les cardiopathies. Des chercheurs de l’université d’Oulu en Finlande ont voulu savoir si l’accroissement de ce risque était lié à une plus grande sédentarité. Pendant deux semaines, ils ont mesuré l’activité physique de 6000 de leurs compatriotes, tous âgés de 46 ans. Le verdict est sans appel. Les couche-tard sont globalement moins actifs que les couche-tôt. La différence était de 20 minutes par jour pour les femmes et 30 minutes par jour pour les hommes.
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IL L’A DIT!
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Se coucher tard nuit. Raymond Devos, humoriste (1922-2006)
AJOUTEZ_À MON PANIER 4 pages
DES HABITS_ET MOI
PETITE ET GRANDE HISTOIRE DU JOGGING
DANS CETTE NOUVELLE RUBRIQUE, NOUS PARTONS À LA DÉCOUVERTE D’UN VÊTEMENT DONT L’HISTOIRE DÉBORDE LARGEMENT LA SPHÈRE SPORTIVE. EN OUVERTURE, LE PANTALON DE JOGGING!
D
«Jusqu’alors, on ne trouvait pas de urant le confinement, les pantalon conçu spécifiquement pour ventes des Adilettes (les le sport. Les pratiquants portaient claquettes Adidas habileurs habits du quotidien. Penser et tuellement réservées à la concevoir un pantalon mou, adapté piscine ou à la douche) à cette fonction, est donc une nouont connu une explosion à trois veauté. Il n’entrave pas chiffres. Elles ne furent le mouvement et permet pas les seules à tirer prode tenir chaud avant ou fit de la crise. Le pantaaprès l’effort. D’où son lon de jogging a vu lui appellation en anglais, aussi ses achats en ligne ‘sweatpants’». Dans un grimper de 40% aux premier temps, l’usage Etats-Unis. Une belle fade ces pantalons de sport çon de fêter son premier s’est limité aux écoles ancentenaire! «C’est effecglaises puis américaines. tivement dans les années Coline Zellal, historienne Au sein de la haute so1920 que commence à des fringues ciété, on continuait de se généraliser le pantaprivilégier l’élégance en conservant lon de jogging», note Coline Zellal, des tenues de ville légèrement adapcommissaire associée de l’exposition tées à la pratique du sport. «Au déVêtements modèles qui se tient acbut du siècle, plusieurs créateurs de tuellement au Musée des civilisations mode se sont intéressés au vêtement de l’Europe et de la Méditerranée de sport», constate Coline Zellal. (Mucem) de Marseille (voir encadré).
BILL TILDEN JOUE EN LONG 8 ZATOPEK_56
«Pantalons de plage, costumes de bain, vêtements de tennis sont alors conçus comme de véritables pièces d’élégance. De son côté, le jogging a régulièrement été regardé comme un habit du relâchement, et ce tout au long de son histoire.» Longtemps, le survêtement a effectivement été considéré comme la tenue officielle du beauf. «Jamais vous ne me verrez en jogging», disait Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue, considérée par tous comme la grande papesse de la mode. Arrive le confinement et la voilà qui s’affiche sur Instagram avec un pantalon Puma d’une superbe couleur rouge. La photo est cadrée de façon à ne pas montrer ce qu’elle porte aux pieds. Peut-être des adilettes.
DES HABITS_ET MOI 3 pages
ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON PEUT DÉCOUVRIR UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN TOUT AUTRE PROFIL. CETTE PHOTO A ÉTÉ PRISE LORS DU MÉMORIAL VAN DAMME, À LA FIN DE CET ÉTÉ. LE STADE EST VIDE. L’AMBIANCE EST GLACIALE. CELA N’A PAS EMPÊCHÉ LE BRITANNIQUE MO FARAH D’Y BATTRE LE RECORD DE L’HEURE DÉTENU JUSQU’ALORS PAR L’ETHIOPIEN HAILÉ GEBRSELASSIE (21,330 KILOMÈTRES COURUS CONTRE 21,285). K PAR GILLES GOETGHEBUER
L
a 44e édition du Mémorial Van Damme s’est déroulée dans un stade Roi-Baudouin complétement vide. Un stade «covid», devrait-on dire. Pour casser un peu l’aspect lugubre de la soirée, les organisateurs ont diffusé des cris enregistrés de foules enthousiastes via un système de mixage afin de répondre aux temps forts des différents concours. On entendait donc les hourrahs d’un public absent, ce qui renforçait encore cette impression étrange. Quant aux athlètes, ils ont fait leur job comme si rien de tout cela n’avait d’importance. Le Suédois Armand Duplantis a passé six mètres à la perche (record du meeting) et, avant que les hommes n’entrent en piste (notre photo), la Néerlandaise d’origine éthiopienne, Sifan Hassan, avait déjà battu le record de l’heure féminin en couvrant la distance de 18,930 kilomètres, soit 400 mètres de mieux que l’ancien record de l’Ethiopienne Dire Tune en 2008.
_RECORD DE L’HEURE
P
ourquoi ces écrans géants dans un stade vide? Peut-être était-ce pour que les coureurs et coureuses puissent se voir passer à chaque passage dans la ligne droite. Lors des deux tentatives contre l’heure, ils ont été surpris de découvrir à l’image un adversaire invisible sur la piste. Il s’agissait des avatars de Dire Tune chez les femmes et d’Hailé Gebrselassie chez les hommes, qui se déplaçaient à la vitesse de leur ancien record. L’illusion était loin d’être parfaite. Ces athlètes virtuels couraient de façon saccadée. Un peu comme les footballeurs du dessin animé Olive et Tom. Vous vous rappelez?
A
ux Mondiaux d’athlétisme de Pékin 2015, on se souvient que la chute d’un cameraman chinois en Segway avait entraîné celle d’Usain Bolt pendant son tour d’honneur du 200 mètres. Depuis lors, on a opté pour des engins de locomotion un peu plus stables comme ces petites motos où le pilote commande tout à la fois : ses déplacements et la prise de vue. Puis il y a une deuxième raison à ce changement de matériel. La marque Segway a fait faillite au début de l’été. Elle ne s’est jamais remise de la mort de son propriétaire, le businessman anglais Jimi Heselden, qui s’est tué en tombant dans un ravin… en Segway!
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D
epuis cette année, la Diamond League est sponsorisée par le groupe chinois Wanda qui, partout dans le monde, possède des hôtels, des parcs d’attractions, des salles de spectacle, des sociétés de production. Wanda a
ZOOM_PHOTO 2 pages
CULTURE_CLUB
ELLE R U T L U C É IT L A U T TOUTE L’AC PIED À E S R U O C A L SUR A PROPOS DE PRE
par Daniel Charneux K Ed. M.E.O, 2020
Le titre de ce bouquin, A propos de Pre, paraîtra sûrement très mystérieux à l’immense majorité des lecteurs. Seuls les amoureux de la course à pied sauront à quoi il se rapporte. Et encore! Il faudrait pour cela qu’ils aient atteint un certain âge et connaissent un peu l’histoire de ce sport. Car le diminutif auquel il est fait référence est évidemment celui de Steve Prefontaine, une légende du demi-fond américain dont on se contentera de dire, en guise de palmarès, qu’il a gagné 128 des 153 courses auxquelles il a participé au cours de sa courte carrière. Il faisait notamment partie du quintet magique composé du Finlandais Lasse Virén (premier), du Tunisien Mohammed Gammoudi (deuxième), du Britannique Ian Stewart (troisième) et du Belge Emiel Puttemans (cinquième) qui terminèrent dans cet ordre la finale olympique du 5000 mètres à Munich en 1972. Prefontaine a aussi détenu tous les records des Etats-Unis, du 1500 (3’38’’1) au 10.000 mètres (27’43’’6). Il aurait vraisemblablement pu aller plus vite encore si cette vie flamboyante ne s’était pas termi-
BILL BOWERMAN ET SON FRANKENSTEIN
14 ZATOPEK_56
née tragiquement dans un accident de décapotable durant la nuit du 30 au 31 mai 1975. L’athlète était alors âgé d’à peine 24 ans (*). Pour son neuvième roman, Daniel Charneux continue donc de creuser son sillon d’excellence, le mariage entre la littérature et la course à pied, évoquant cette fois le charisme de ce coureur et la relation toute particulière qu’il entretenait avec son entraîneur Bill Bowerman dans l’équipe de Track and Field de l’Université d’Oregon. L’un était tout en exubérance. L’autre avait conservé de sa carrière militaire un esprit plus méthodique. Bowerman faisait preuve d’ingéniosité pour résoudre tous les problèmes rencontrés habituellement en cours de préparation. Ses nombreuses trouvailles expliquent les succès de Nike, dont il est le co-fondateur. Qui n’a jamais entendu l’histoire du fameux gaufrier? Daniel Charneux donne aussi la parole à Pete Miller pour qu’il décrive le caractère de son ami, Steve Prefontaine, et il parle donc avec tendresse de sa vie, de ses combats, de ses passions. En toile de fond, on découvre alors tous les événements qui ont fait des sixties et des seventies une période foisonnante dans l’histoire de la société nord-américaine. Miller évoque notamment l’esprit de fraîcheur et le sentiment de liberté qui régnaient au sein de ces groupes de coureurs dont le mode de vie était une façon de rompre avec les codes de la société consumériste et qui, par esprit du paradoxe, s’amusaient à définir la course à pied comme «la plus importante de toutes les choses futiles». Sans véritablement se rendre compte de la transition, le lecteur se trouve petit à petit embarqué dans l’aventure d’une épreuve de relais appelé Hood to Coast Relay. Comme son nom l’indique, il s’agit de traverser l’Oregon depuis la montagne Hood, près de Portland, jusqu’à la côte de l’océan Pacifique dans le sud de l’Etat, soit 320 kilo-
mètres plus bas. Elle se dispute par équipes de douze. Le nombre de ces équipes est limité à 1050 alors que les demandes de participation sont infiniment plus nombreuses. Tous les dossards partent en quelques heures dès le premier jour des inscriptions. L’auteur trouve le ton juste pour raconter cette course à nulle autre pareille, où se rencontrent des coureurs venus de plus de quarante pays. C’est si vivant et précis qu’on le soupçonne d’avoir déjà vécu des aventures similaires. Renseignement pris, c’est le cas! Daniel Charneux a effectivement participé à des courses-relais au long cours, comme en avril 2006 avec son club de l’Olympique Blaugies Jogging. Ils avaient alors fait l’aller-retour entre Dour en Belgique et Saas-Grund en Suisse, soit 1500 kilomètres par monts et par vaux. Bref, Charneux ne se contente pas d’écrire sur la course. Il la pratique aussi avec passion. Et talent! Il a couru son meilleur marathon en 2 heures 29 minutes et 25 secondes en 1987. A 65 ans, il continue de s’entraîner à raison de quatre à cinq sorties par semaine. Dommage qu’il n’existe pas de prix littéraires couplés à des performances sportives. A côté du prix Goncourt, il y aurait le «prix qu’on court». Et il lui serait sûrement promis chaque année! Eric Cornu
(*) Lire «Kenny Moore parle de son pote Steve Prefontaine» dans Zatopek n°29, février 2014, page 62
Hood to Coast Relay, une course à perte d'Oregon
CULTURE_CLUB 3 pages
ENTRAÎNEMENT_
VO2MAX,
ON NE NOUS DIT
PAS TOUT!
DANS LE MILIEU DE LA COURSE À PIED, ON A TENDANCE À TOUT ANALYSER À L’AUNE DE LA CONSOMMATION MAXIMALE D’OXYGÈNE, LA FAMEUSE VO MAX. AUJOURD’HUI, ON S’APERÇOIT QUE CETTE VALEUR EST BIEN PLUS DIFFICILE À INTERPRÉTER QU’ON LE PENSAIT. TOUT COMME SA PETITE SŒUR, LA VMA. 2
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A
utrefois, tout était relativement simple en physiologie de l’effort. Pour produire plus d’énergie, il fallait brûler plus de carburant et donc apporter plus d’oxygène aux cellules. Pour apporter plus d’oxygène aux cellules, il fallait en capter davantage dans l’air en accélérant sa respiration, puis accélérer aussi le débit cardiaque pour diffuser ce gaz dans le sang et l’acheminer vers les muscles. Ceux qui s’en sortaient le mieux dans cet exercice possédaient donc une grande cage thoracique, un cœur volumineux capable de battre très vite et beaucoup de globules rouges. C’était logique, précis, facile à comprendre. Et pratique! Car on pouvait mesurer
cette fameuse capacité maximale de consommation d’oxygène, connue de tous les coureurs sous son abréviation VO2max. Pour cela, il suffisait de se rendre dans un laboratoire d’effort et de pédaler jusqu’à épuisement sur un vélo fixe qui oppose des paliers de résistance croissante, ou courir sur un tapis défilant qui va de plus en plus vite jusqu’à ce qu’on ne puisse plus suivre. On notait alors la valeur de cette fameuse consommation maximale d’oxygène pour l’exprimer en litres par minute (l/min) ou plus souvent en millilitres par minute après division de sa valeur par le poids corporel (ml/ min.kg) pour tenir compte des différences de gabarit. Est-ce qu’on avait tort de procéder de la sorte? Pas le
ENTRAÃŽNEMENT_ 4 pages
ÂGE_ET PERFORMANCE
LE CAS
LAGAT
CETTE ANNÉE, BERNARD LAGAT FÊTE SES VINGT ANS DE PRÉSENCE AU PLUS HAUT NIVEAU MONDIAL DES DISCIPLINES DE FOND, POURTANT LES PLUS EXIGEANTES. COMMENT FAIT-IL?
L
orsqu’en septembre 2018, le record du monde du marathon est tombé des œuvres d’Eliud Kipchoge, beaucoup se sont étonnés de son âge. A presque 34 ans, on songe plus souvent à la retraite sportive qu’à battre de nouveaux records. Mais le temps qui passe semble n’avoir aucune prise sur le champion kényan qui, année après année, continue de s’améliorer. Mais il y a plus extraordinaire encore que Kipchoge.
Son ex-compatriote désormais américain Bernard Lagat, né dix ans avant lui, compte toujours parmi les meilleurs marathoniens du monde. A 45 ans, il court aux côtés d’athlètes qui pourraient être ses enfants. Un exemple? En juillet 2019, il a terminé le marathon de Gold Coast en Australie en deux heures et douze minutes, soit une moyenne de 187 secondes au kilomètre qui ferait le bonheur d’un tas de coureurs beaucoup plus jeunes que lui. Même sur
un seul kilomètre! Grâce à cette performance, Bernard Lagat a allongé la liste de ses records dans les différentes catégories d’âge. C’est facile à retenir. Du 1500 mètres au marathon, il les détient presque tous! «Le dopage, ça conserve», diront les mauvaises langues. Une façon de rappeler que Bernard Lagat a sûrement réalisé sa première partie de carrière en prenant de l’EPO. Il fut d’ailleurs pincé pour cela en 2003 lors d’un contrôle inopiné réalisé à Tübingen en Allemagne. Privé cette année-là de participation aux championnats du monde d’athlétisme organisés à Paris, il laissait donc le titre sur 5000 mètres à un autre Kényan, le fameux Eliud Kipchoge,
CATÉGORIE DISTANCE
MESSIEURS 35
MESSIEURS 40
MEILLEURE PERFORMANCE
1500m
3'32''51 à Monaco (22/07/10)
3'41''87 à Birmingham (07/06/15)
3'26''34 à Bruxelles (24/08/01)
Mile
3'51''38 à Londres (06/08/11)
3'57''91 à Londres (25/07/15)
3'47''28 à Rome (29/06/01)
3000m
7'29''00 à Rieti (29/08/10)
7'42''75 à Lucerne (14/07/15)
7'29''00 à Rieti (29/08/10)
5000m
12'53''60 à Monaco (22/07/11)
13'06''78 à Rio (20/08/16)
12'53''60 à Monaco (22/07/11)
10.000m
/
27'49''35 à Stanford (01/05/16)
27'49''35 à Stanford (01/05/16)
22 ZATOPEK_56
ÂGE_ET PERFORMANCE 4 pages
SEXE_ET SPORT
J’AIME PAS COURIR! J’AIME PAS COURIR. TEL EST LE TITRE PROVOCATEUR DU DERNIER OUVRAGE DU DOCTEUR BERNADETTE DE GASQUET. TYPIQUEMENT LE GENRE DE LIVRE DONT UN MAGAZINE DE COURSE À PIED NE DEVRAIT FAIRE AUCUN ÉCHO. CHICHE!
A
la rédaction de Zatopek, on reçoit beaucoup de livres sur la course à pied. Habituellement, il s’agit de récits, parfois publiés à compte d’auteur, qui tentent de restituer l’émotion très intense que l’on ressent pendant un accomplissement personnel important comme boucler un marathon, par exemple. On reçoit aussi des ouvrages plus
26 ZATOPEK_56
techniques sur la meilleure façon de courir, de s’alimenter, de s’équiper et de s’entraîner. Tous ces bouquins ont en commun de faire l’apologie de la discipline. De ce point de vue, le dernier livre de Bernadette de Gasquet détonne un peu. On y parle de course à pied, certes. Mais pour la dézinguer! Aux yeux du docteur de Gasquet, il s’agit en effet d’une activité surfaite et dangereuse. L’auteure se rebelle même contre cette pression sociale qui pousse les gens à courir alors que cela ne leur convient pas du tout. Ce titre, J’aime pas courir, sonne alors comme un cri de révolte face à cette culture de la forme et les diktats qui l’accompagnent. Voilà ce que Bernadette de Gasquet entend dénoncer. Qui est-elle? Son parcours n’est pas banal. Il débute il y a une cinquantaine d’années alors qu’elle est étudiante en économie à Paris. Elle découvre le yoga et décide de se former à son enseignement auprès de l’école française de la discipline. Sa pratique de plus en plus assidue lui sera d’une aide précieuse au moment d’accoucher de ses trois enfants.
SEXE_ET SPORT 9 pages
RENCONTRE_
QUATRE ENGINS
DANS LE VENT
M
arteau, disque, poids et javelot: les quatre disciplines de lancer ne sont pas les plus populaires de l’athlétisme. Les gens préfèrent généralement les concours de sprint ou de saut, beaucoup plus faciles à appréhender même lorsqu’on n’y connaît pas grand-chose. Mais si l’on s’intéresse aux aspects techniques, psychologiques, biomécaniques et physiologiques qui président à la réalisation des grandes performances en lancer, ces spécialités prennent aussitôt toute leur importance et on découvre un univers dont on n’imaginait pas la folle complexité. Voilà qui donnera sûrement l’envie à certains lecteurs de tout balancer, sauf précisément ces quatre engins!
56_ZATOPEK 35
RENCONTRE 8 pages
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT
MAURTEN,
UNE BOISSON RÉVOLUTIONNAIRE
LES SCIENCES DU SPORT NE SONT PAS AVARES DE L’ADJECTIF «RÉVOLUTIONNAIRE». A VRAI DIRE, ON L’UTILISE À TOUT BOUT DE CHAMP. DANS LE CAS PRÉSENT, SON USAGE POURRAIT SE JUSTIFIER À CONDITION QUE LES NOUVELLES BOISSONS HYDROGELS ACCÉLÈRENT BEL ET BIEN LA VIDANGE GASTRIQUE. EST-CE LE CAS?
44 ZATOPEK_56
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT
L
e 12 octobre 2019, le Kényan Eliud Kipchoge a réussi son pari de couvrir la distance d’un marathon en moins de deux heures. Cela se passait à Vienne en Autriche sur un circuit parfaitement plat de 2,4 kilomètres qu’il a parcouru 17,5 fois. Tout avait été réglé comme du papier à musique. D’abord, on avait attendu que la météo soit la plus propice à un effort de ce type, à savoir une température moyenne de 12°C, un vent très faible et pas de pluie. Kipchoge suivait aussi une voiture qui affichait son temps tandis que, sur le sol, était projeté un rayon de lumière verte indiquant la vitesse à tenir. Il bénéficiait aussi de la compagnie de 41 lièvres qui formaient une flèche autour de lui afin de réduire la résistance de l’air. Enfin et surtout, le coureur portait des chaussures spécialement conçues à cet effet. Tests scientifiques à l’appui, ces pompes avec des plaques de carbone incorporées permettent de mieux rebondir sur la route et donc de gagner des centimètres à chaque foulée sans perdre de la fréquence. Au total, l’opération coûta près de 17 millions d’euros pour établir un record (1 heure 59 minutes et 40 secondes pour 42,195 kilomètres) qui, compte tenu de tout ce qui précède, ne sera jamais homologué. On peut trouver cela superbe ou totalement idiot. Il faut toutefois reconnaître que la performance a bousculé le milieu de la course à pied et remis en cause divers aspects de sa pratique. Notamment sur le plan diététique.
L'alginate, le vide-estomac
Le sucre voyage incognito Car l’équipement de Kipchoge n’était pas le seul à avoir été pensé dans les moindres détails. Son alimentation aussi. Et l’on sait qu’il s’agit d’un paramètre déterminant pour espérer atteindre ses objectifs sur marathon. En clair, on doit éviter de tomber en panne de glycogène, notre carburant le plus précieux à ces hautes intensités d’effort. Le principe à respecter est simple, il consiste à recharger ses stocks au fur et à mesure de leur déplétion et donc à assimiler des boissons riches en sucre tout au long de la course. Idéalement, on devrait assimiler autant de sucre qu’on en dépense. Soit 250 grammes par heure de course environ. Seulement, c’est impossible! A de telles concentrations, les boissons de l’effort ne sont plus du tout digestes. Faites l’expérience de diluer le quart d’un paquet de sucre dans de l’eau et de boire ce mélange pendant une heure d’effort intensif. Il y a fort à parier que vous vous en souviendrez longtemps tellement vous aurez eu mal au ventre. Sans parler des risques de vomissement et de diarrhée. Il y a donc un plafond aux apports de sucre et, depuis des années, les fabricants se creusent les méninges afin de trouver des formules pour le rehausser de quelques pourcents. La dernière
en date est particulièrement ingénieuse. L’astuce consiste à enrober les sucres dans un agent gélifiant comme l’alginate (que l’on trouve dans les algues) ou la pectine (que l’on trouve dans les pommes). Après ingestion, cette solution entre en contact avec le milieu très acide de l’estomac. Une réaction chimique se produit, conduisant à la gélification immédiate du mélange qui prend alors l’aspect d’une ponte d’œufs de grenouille. Sous cette forme mi-liquide, mi-solide, le sucre passe plus facilement dans l’intestin sans déclencher les habituelles réactions de cadenassage. Il faut savoir en effet que, quand on assimile trop de sucre, des hormones entrent en jeu pour ralentir puis bloquer la vidange gastrique. Les liquides stagnent dans l’estomac. D’où les nombreux désa-
Trop de sucre nuit
(*) La maltodextrine est un mélange composé de blé, de maïs et de pomme de terre. Elle contient donc différentes molécules de sucre: glucose, maltose, maltotriose, oligosides et polyosides. 46 ZATOPEK_56
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TÉMOINS_
S E L L E B S MES PLU
S E L L E M GA
«LE PLUS DUR N’EST PAS LA CHUTE, MAIS L’ATTERRISSAGE». NOUS AVONS SOUMIS CETTE RÉPLIQUE CULTE DU FILM LA HAINE DE MATHIEU KASSOVITZ À LA SAGACITÉ DE NOS LECTEURS. VOICI LEURS RÉACTIONS. Propos recueillis par Olivier Beaufays
SUR LES ROTULES JOE
«La chute la plus grave de ma vie, c’était lors d’une sortie d’entraînement dans un parc désert de la banlieue de Seattle. Nous étions en plein mois de février. Il faisait glacial et j’ai glissé sur une plaque de verglas. En tentant de me relever, je me suis aperçu que je n’avais plus aucun contrôle de ma cheville qui pendait piteusement dans le vide. J’ai voulu téléphoner. Pas de réseau! Appeler à l’aide? Il n’y avait personne à des kilomètres à la ronde. Alors je me suis fabriqué une attelle de fortune avec des bouts de bois trouvés sur place 50 ZATOPEK_56
et je me suis servi des manches de ma veste pour les nouer ensemble. Puis je me suis mis à ramper. Ma voiture était parquée à treize kilomètres! Au bout de quelques minutes, j’avais les genoux à vif. Je les ai protégés avec mes baskets. Et je suis reparti. Il fallait absolument que je bouge pour ne pas mourir de froid. Le jour s’était couché et partout la glace commençait à se reformer. Vers minuit et demi, j’ai repris espoir quand mon téléphone s’est mis à vibrer. J’ai pu joindre les secours qui m’ont finalement retrouvé quatre heures plus tard. Je me suis livré alors à un petit calcul. En douze heures d’efforts, j’avais couvert une distance de cinq kilomètres à peine!»
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MACADAM_PEOPLE
GARP, UN ROMAN HALETANT! HEUREUSES SONT LES PERSONNES QUI N’ONT PAS ENCORE LU LE MONDE SELON GARP. SANS LE SAVOIR, ELLES ONT DEVANT ELLES DES HEURES ET DES HEURES DE PLAISIR À L’ÉTAT BRUT AU COURS DESQUELLES ELLES SE PASSIONNERONT À COUP SÛR, NON SEULEMENT POUR L’ŒUVRE DE GARP, MAIS AUSSI POUR SA VIE, SES AMOURS, SES AMBITIONS LITTÉRAIRES. ET MÊME SA PRATIQUE SPORTIVE.
C
ertains mots n’existent pas en langue française. Du coup, on est obligé de les importer de l’anglais, comme «spoiler» (du verbe to spoil, gâcher) qui signifie «gâcher le plaisir» (*). Quel plaisir? Celui du spectateur ou du lecteur. C’est un travers propre à certains chroniqueurs radio, par
exemple, et qui consiste à dévoiler l’intrigue d’un roman ou d’un film, privant ainsi les autres du plaisir de la découvrir eux-mêmes. Pas question ici de spoiler Le Monde selon Garp de l’écrivain américain John Irving. Pensons à tous ceux qui ne l’ont pas encore lu. Les veinards! Contentons-nous de camper le personnage principal en résumant le premier chapitre où l’auteur raconte sa conception, puisque Garp est né des amours furtifs d’une infirmière et d’un soldat. L’infirmière s’appelle Jenny Fields. Nous sommes en 1942. Elle travaille dans un hôpital de Boston au sein d’un service qui accueille, durant la
(*) Un nouveau mot est en train de se frayer un chemin dans le vocabulaire usuel pour signifier la même chose: «divulgâcher».
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Deuxième guerre mondiale, les victimes du conflit les plus grièvement blessées. Quant au soldat, on ignore tout de lui. On sait seulement qu’il était mitrailleur de tourelle dans l’armée de l’air américaine et qu’à la suite d’un horrible accident, il perdit la raison et l’usage de la parole, ne s’exprimant plus qu’en formulant des sons, ou plus exactement un son: «garp, garp». Jenny Fields qui est célibataire et qui, à cet instant de sa vie, désire un enfant plus que tout autre chose au monde décide de se servir de lui comme géniteur juste avant qu’il ne meure. Son plan fonctionne à la perfection. Elle se retrouve enceinte d’un petit garçon qu’elle baptisera Garp, en souvenir des borborygmes paternels. Fin du premier chapitre. On vous laisse découvrir les autres. Retenez seulement qu’ils sont tout aussi épatants et riches en rebondissements et qu’ils
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BANDITS_BANDITS
LE TUEUR SANS BORNES L’AUTRICHIEN JOHANN KASTENBERGER (1958-1988) A COMMIS QUATRE MEURTRES ET UN NOMBRE INDÉFINI D’ATTAQUES À MAIN ARMÉE. IL DÉTIENT AUSSI LE RECORD DU MARATHON DE KAINACH EN STYRIE. CHERCHEZ L’INTRUS.
D
ans les années 1980, l’homme le plus craint d’Autriche était… Ronald Reagan. Enfin, pas vraiment. Disons plutôt que l’ennemi public national n°1 de l’époque était un criminel, braqueur de banques et meurtrier qui commettait ses méfaits en dissimulant son visage sous un masque à l’effigie de l’ancien président des EtatsUnis. Surnommé Pumpgun Ronnie («Ronald fusil à pompe»), Johann Kastenberger présentait cette double particularité d’être un bandit de grand chemin et un excellent marathonien. Dans ces pages, vous découvrirez le récit de sa courte vie. Puis nous verrons qu’elle est moins exceptionnelle qu’on pourrait le
penser. D’autres champions ont suivi cette voie qui mène du sport à la criminalité. Généralement, cela commence par une vie familiale tortueuse. Johann Kastenberger voit le jour en 1958 à Sankt Leonhard am Forst (Saint-Léonard-sur-Forêt), un village situé plusieurs dizaines de kilomètres à l’ouest de Vienne, au cœur du vert Etat fédéré de BasseAutriche. Son enfance est douloureuse. Il est l’aîné d’une fratrie de six mais aucun de ses frères et sœurs ne portent le même nom de famille que lui! Lorsqu’il est venu au monde, sa mère a eu des doutes quant à la paternité et les tests auxquels s’est soumis
le père supposé ne se sont pas révélés concluants. Du coup, il a hérité du matronyme Kastenberger à la différence du reste de la fratrie. Autre conséquence: il a toujours considéré le mari de sa mère comme un simple beau-père. Pour cette raison et beaucoup d’autres, les tensions étaient vives dans le foyer et expliquent sans doute la séparation des parents en 1970. Johann est alors à la lisière de l’adolescence. Pour ses cadets, il devient une sorte de substitut paternel. Il travaille dans
Sankt Leonhard am Forst, un drôle de ghetto
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