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N°55 - trimestriel - août - septembre - octobre 2020 - France : 5.50 € - Canada : 8.50 $
Le Magazine Running & Santé de référence en France
Enquête
Qui a tué Kipjiru ?
Performance
L’incroyable pouvoir de la menthe
Santé
Les cytokines n’aiment pas le sport
Trail
A qui profite le business ?
COVID-19 COMMENT
L’ÉPIDÉMIE A SCINDÉ
LE MONDE L 16992 - 55 - F: 5,50 € - RD
ACTUALITÉS SCIENCE PAR VOLODALEN
ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME I LOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Julien Aucouturier, Olivier Beaufays, François Borel-Hänni, Aurore Braconnier, Alain Philippe Coltier, Louise Deldicque, Marc Francaux, Roger Igo, Hilde Meesters, Guillaume Narguet, Hanna Vandenbussche CREDITS PHOTOS Couverture: Puma; Agence Dumas: 3,10,19, 20,23,32,33,34,38,39,42,44,45,46,47,48 ,51,59,64; Adidas: 10; Rupert Hartley: 10; Mihtiander/123RF:18; The university of Australia: 20; Kelvin Trautman/Red Bull Content Pool: 21; Javelina Jundred: 22; Gaoligong by UTMB:24; La Sportiva:25; Olivier Beaufays:26,27; Dry robe:26; Howie Stern:27; Tahoe Endurance Run:27; Wagner Araujo/International Triathlon Union: 28; Delly Carr/ITU:30,34; iStock:32; SND:35; Nike news:36; Deliris/Shutterstock:39; TUE:40; LWL-Medienzentrum für Westfalen:41,42; Marine corps: 43; Toronto Star: 51; Thomas Lovelock/INEOS 1:59 Challenge: 51; Reading football club: 53; George Herringshaw/ Sporting heroes:53; Geoffrey Meuli:54; Jean-Marc Rigaux:55; ARD:55; RyanHeffernan Photography:59; John C. Bruckman: 59; Haspa Marathon Hamburg/Hochzwei: 60; Charles G. Summers:60; Picfair:61; Guillaume Narguet: 61; Dmitry Pichugin/123RF:62; Warner Bros Entertainment: 63; Shutterstock:63; UC San Diego:64; Phil Maffetone: 65; Jordi Saragossa:65; Banksy:66. REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56 Trimestriel Août, septembre, octobre 2020 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com
SOMMAIRE_
EDITORIAL En guise d’éditorial, voici les règles d’un jeu qui, vous le verrez, peut éclairer l’actualité sous un jour surprenant. Ce jeu consiste à écouter attentivement une prise de position, peu en importe le sujet, et à inverser le sens des phrases. «La situation est extrêmement claire», dit un homme politique embringué dans des affaires tortueuses et pas claires du tout. «Je me suis fait plaisir», dit le sportif professionnel qui, en réalité, en a archi-marre de son métier. «J’ai été très ému par votre histoire», dit un journaliste, à propos d’une biographie qu’il n’a pas lue, à une personnalité qui ne l’a pas écrite. Ce petit jeu de l’inversion marche aussi très bien dans la vie de tous les jours. Méfiance donc lorsqu’un proche se déclare «fidèle», «honnête», «digne de confiance», «désintéressé», «généreux» «travailleur», «compétent»: ce sont des qualités qu’on ne revendique pas d’ordinaire, sauf si on en est dépourvu. Les applications sont innombrables. On peut même pratiquer l’exercice à l’échelle d’une société toute entière. Une expression comme «plus jamais ça», souvent utilisée après un drame, s’entend alors comme les prémices de nouvelles catastrophes. On ne peut pas parler de mensonges, non. Ces prises de paroles sont plutôt des tentatives de contraindre la marche du monde qui, évidemment, n’en a cure! Encore un exemple? Après les attentats terroristes de ces dernières années, on a tenté de se persuader qu’ils ne changeraient rien à notre façon de vivre. Pourtant, si! Ces attaques ont tout bouleversé et certaines lois adoptées dans l’urgence du moment demeurent en vigueur aujourd’hui. Du coup, on se demande quelles séquelles laissera la crise du covid-19. Y aura-t-il vraiment plus d’écologie, plus de respect, plus de
solidarité, comme on le professe un peu partout? Rien n’est moins sûr. Il se pourrait même que ce soit l’inverse. Du coup, on tremble un peu. L’après covid-19 pourrait être une période d’exacerbation des antagonismes. Déjà, on les sentait poindre durant la période de confinement. En plus de tous ses autres symptômes, cette maladie avait le don de nous diviser: les masques, Didier Raoult, la course à pied, la deuxième vague, le vaccin. Tout était prétexte à polémique. Cela risque de s’amplifier lorsqu’après la crise sanitaire, viendront ses conséquences économiques, sociales et politiques. Peuchère! Sur ces matières et bien d’autres, on évitera donc d’adopter des avis trop tranchés pour ne pas courir le risque d’être pris soi-même au petit jeu de l’inversion. Le monde de demain aura besoin d’apaisement et de ce que les psychologues new-age appellent le «lâcher-prise». On a commencé cet éditorial par un jeu. Terminons-le par une blague. Une blague zen. Eh oui, cela existe! Dans un temple bouddhiste, un novice s’adresse au sage: - Combien de temps devrais-je attendre pour parvenir à l’état d’éveil? - Dix ans, répond le sage. - Et si je m’engage à fond et que je redouble d’efforts?
04_AJOUTEZ A MON PANIER
38_SANTE
10_COURRIER DES LECTEURS
41_PHYSIOLOGIE
Tout ce qu’il faut pour courir à la page
12_ZOOM
Un monumental bras d’honneur
16_CULTURE CLUB
La Ligne droite d’Yves Gibeau
18_ENTRAINEMENT
Menthol, la grande illusion
24_TRAIL
Retour sur une belle polémique
30_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT Peut-on courir en cas de fièvre?
35_DOSSIER
- Vingt ans. Gilles Goetghebuer (en haut à droite)
Attention, gouttelettes dangereuses Nous ne sommes pas égaux face à l’entraînement
44_TEMOINS
Pourquoi tant de haine?
50_PRINCIPE DE PETER
Sous le règne des incompétents
54_ANTHROPOLOGIE
Les assoiffés de la préhistoire
59_EVOLUTION
Comment nous sommes devenus coureurs
62_MEURTRE A ELDORET
Rencontre avec Jean-Marc Rigaux
Sport et terrorisme
36_SOCIETE
La course à pied selon Jean-Paul Sartre
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AJOUTEZ_À MON PANIER
CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE.
Le saviez-vous? Biodégradable au bout de 45 jours, la bagasse a déjà remplacé avantageusement le plastique dans la confection de couverts jetables.
Rubrique réalisée par Olivier Beaufays
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La marque Allbirds a été lancée il y a à peine treize ans sur une idée de Tim Brown, ancien footballeur de l’équipe nationale néo-zélandaise. «Et si on fabriquait des chaussures uniquement avec des matériaux naturels?», s’est-il dit. Les premiers modèles furent vite arborés par des stars internationales: Cindy Crawford, Barack Obama, Ben Affleck, Leonardo DiCaprio. Les ventes explosèrent. Fort de ce succès, l’ingénieur d’Allbirds et ancien de chez Nike, Olivier Henrichot, a conçu le premier modèle de la marque destiné à la course à pied. L’empeigne est tissée avec de la fibre d’eucalyptus et les semelles, tant intérieures qu’extérieures, sont fabriquées à partir de caoutchouc naturel et de bagasse, un résidu fibreux de canne à sucre. On trouve aussi de la laine mérinos pour la doublure intérieure. 100% nature!
INSOLITE
Bon sang ne saurait mentir John Gregorek Junior est le fils de John Gregorek Senior et de Christine Gregorek. Tous les trois sont ou ont été sélectionnés en équipe des Etats-Unis de demi-fond!
Mile Levi’s La quête des records pousse à toutes les originalités. L’Américain John Gregorek est ainsi devenu le nouveau recordman du monde du mile en jeans (4 minutes et 6 secondes). 4 ZATOPEK_55
ERGYSPORT RECUP A prendre après l’effort La répétition d’efforts intenses provoque parfois des déficits nutritionnels. La marque Ergysport a donc réuni dans une seule gélule tous les nutriments qui risquent de poser problème: magnésium, vitamines B (B2, B3, B5, B6) et sels alcalins pour détoxifier l’organisme. Ces gélules sont à prendre dans les deux heures qui suivent l’effort.
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Selon les auteurs 72% de l’étude SU.VI. MAX (supplémentation en vitamines et minéraux antioxydants) menée sur 13.000 sujets entre 1994 et 2002, 72% des hommes et 77% des femmes présentent des carences en magnésium.
AJOUTEZ_À MON PANIER + COURRIER_DES_LECTEURS 7 pages
ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON PEUT DÉCOUVRIR UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN AUTRE PROFIL. CETTE PHOTO A ÉTÉ PRISE IL Y A TOUT JUSTE QUARANTE ANS. ON Y VOIT LE POLONAIS WLADYSLAW KOZAKIEWICZ PONCTUER SON SAUT VICTORIEUX DU CONCOURS DE PERCHE AUX JEUX OLYMPIQUES DE MOSCOU EN 1980 D’UN MONUMENTAL BRAS D’HONNEUR QUI RESTERA DANS L’HISTOIRE. PLUS TARD, ON DIRA QUE CE GESTE PRÉFIGURAIT L’ÉCLATEMENT DU BLOC COMMUNISTE.
_SPORT & POLITIQUE
N
ous sommes le 30 juillet 1980. Les 80.000 sièges du stade Loujniki ont fait le plein pour la finale du concours de saut à la perche où les supporters soviétiques espèrent la victoire de leur compatriote, Konstantin Volkov. Problème! Face à lui se dresse Wladyslaw Kozakiewicz, 26 ans et manifestement dans un jour de grâce. Kozakiewicz a franchi toutes les barres jusqu’à 5,75 mètres dès son premier essai. Cette photo est prise alors qu’il vient d’assister à l’échec de Volkov sur cette hauteur à sa troisième tentative (il avait fait l’impasse après deux échecs à 5,70 mètres). Il est donc médaillé d’or lorsqu’il demande qu’on place la barre à 5,78 mètres, soit un centimètre au-dessus du record du monde établi deux semaines plus tôt par le Français Philippe Houvion. Personne ne s’attend à ce que le Polonais réussisse. C’est seize centimètres au-dessus de son précédent record. Il passera pourtant!
K
ozakiewicz a gagné le concours. On ne perçoit pourtant aucune sérénité sur son visage. Plutôt de la peur. Il faut dire que l’ambiance est détestable. Chacun de ses sauts précédents a été copieusement sifflé par une foule que les vives tensions de politique internationale ont rendue ultra-chauvine. L’entraîneur des Français, Jean-Claude Perrin, confiera plus tard qu’il ne s’était plus autant senti en danger depuis la guerre d’Algérie!
L
e perchiste polonais est une force de la nature: 1,87 mètre pour 82 kilos. En le regardant, difficile d’imaginer qu’il fut un petit enfant terrorisé par un père alcoolique et violent. Et sa mère? «Elle me protégeait à sa façon», explique-t-il. «Lorsqu’elle donnait la ceinture à mon père pour qu’il me batte, elle la lui tendait d’une certaine façon pour qu’il ne me frappe pas avec la boucle.» Wladyslaw était le cadet de la famille. A l’adolescence, il fut le seul des enfants à oser défier l’autorité paternelle. «Avec horreur, je m’étais aperçu que je lui ressemblais et que je m’emportais facilement. J’ai pris alors la décision d’investir toute cette rage dans le sport.»
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CULTURE_CLUB
LE LIVRE CABOSSÉ L’HISTOIRE QUI SUIT MONTRE QUE LES LIVRES PEUVENT AVOIR DES TRAJECTOIRES AUSSI CABOSSÉES QUE LEURS AUTEURS. LE ROMAN LA LIGNE DROITE RACONTE LA VIE D’UN CHAMPION D’ATHLÉTISME DEVENU SOLDAT DE LA WEHRMACHT ET QUI, APRÈS LA GUERRE, NE VEUT PLUS ENTENDRE PARLER DE SPORT.
A
sa sortie en 1956, le livre d’Yves Gibeau La Ligne droite fut accueilli avec ferveur. «Un événement qui fait entrer, pour la première fois, le sport dans la littérature», écrivit à son propos Antoine Blondin. L’ouvrage est récompensé du Grand Prix de l’Association des écrivains sportifs (AES) (*). Il est plébiscité par les amateurs d’athlétisme qui l’achètent en plusieurs exemplaires pour en faire
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Yves Gibeau est mort le 14 octobre 1994. Sa dernière volonté? Etre enterré dans le cimetière de l’ancien Craonne sur le Chemin des Dames, un village dont la destruction en 1917 inspira la célèbre Chanson de Craonne. cadeau à des proches. L’histoire est édifiante. C’est celle de Stefan Volker, grand espoir du 800 mètres allemand juste avant la Deuxième guerre mondiale. Six ans plus tard, son ancien entraîneur (Julius Henckel) part à sa recherche dans les décombres d’une Allemagne en ruine. Volker est toujours en vie mais il a perdu un bras sur le front de l’Est et vend des journaux à la gare de Munich sous un faux nom. Pire que la mutilation physique, le jeune homme est mentalement brisé d’avoir vu tant d’horreurs pendant les combats. Le livre raconte les efforts de Julius Henckel pour le ramener à la vie avec en toile de fond une question quasiment existentielle: est-il légitime d’aider un homme malgré lui? La Ligne droite fait partie de ces livres qui marquent les esprits. Par une bizarrerie de l’histoire, il n’est pourtant pas passé à la postérité. On ne lui connaît qu’une seule traduction (en portugais) et ses adaptations cinématographiques furent autant d’échecs (lire encadré). Les choses auraient pu en rester là si Benoît Heimermann, actuel président de l’AES, n’avait rencontré par hasard Sophie Gibeau, la fille de l’auteur décédé en 1994, au festival des Etonnants voyageurs de SaintMalo. «J’ai lu le livre de votre père à la fin des années 60», lui confiait-il alors. «Je le tiens pour l’une des pierres angulaires de la littérature sportive en France.» Sophie Gibeau, elle, a découvert ce livre à l’adolescence. «La Ligne droite est d’ailleurs le premier livre de mon père que j’ai lu», précise-t-elle.
Puis elle conte la vie de ce grand intellectuel qui était aussi un fondu de sport. Yves Gibeau avait pratiqué la boxe française, le tennis et surtout le football au poste de gardien de but, tout comme Albert Camus avec qui il a travaillé au sein du quotidien Combat. En plus de piger pour L’Equipe et de faire les mots croisés de L’Express, il écrivait des chansons sur le conseil de son voisin de palier, Boris Vian. C’était une plume à tout faire. Quand il le pouvait, il emmenait sa famille sur les grands événements sportifs. «Au mois de septembre 1974, mon père nous a emmenés à Rome aux championnats d’Europe d’athlétisme qu’il couvrait pour L’Express», se souvient sa fille. «Nous étions assis à côté de la tribune de presse, ma mère, mes sœurs, mon neveu et moi. Guy Drut
Rudolf Harbig, la tête à Volker
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LA GRANDE
MENTHOL OU VÉRITÉ?
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ILLUSION
COURIR DANS LA CHALEUR EST UN CALVAIRE POUR BEAUCOUP DE GENS. MÊME AU PLUS HAUT NIVEAU, UN TAS DE CHAMPIONS N’ONT JAMAIS TROUVÉ LA SOLUTION. LES SCIENTIFIQUES S’EFFORÇAIENT EUX AUSSI DE TROUVER UN MOYEN D’ABAISSER LA TEMPÉRATURE CORPORELLE JUSQU’À CE QUE L’UN D’ENTRE EUX PROPOSE DE SUBSTITUER LA FRAÎCHEUR AUTHENTIQUE PAR UNE ILLUSION DE FRAÎCHEUR. ASTUCIEUX!
C
ommençons avec le récit de cette expérience menée par la chercheuse Jacinta Saldaris et ses collègues de l’Université d’Australie occidentale, une région du globe où on sait ce que «caniculaire» veut dire. Pendant l’été austral, donc de novembre à mars environ, le thermomètre descend rarement sous la barre des trente degrés en journée! Faire du sport dans ces conditions s’apparente vite à un calvaire. A moins de disposer d’une bonne technique de refroidissement, ce que les anglophones appellent «cooling». Beaucoup de laboratoires planchent sur cette question et on a vu fleurir, au fil des années, quantité de
trouvailles plus ou moins ingénieuses comme les gilets de glace ou des appareils plus sophistiqués spécifiquement prévus pour les mains. Jacinta Saldaris travaillait elle aussi sur cette problématique lorsqu’elle eut une intuition géniale. «Et si le problème était mal posé?», se dit-elle. «Et si la température réelle du corps importait moins que la sensation subjective de chaleur ressentie par l’athlète?» C’est très étrange, mais des recherches précédentes sur la recharge glucidique à l’effort avaient déjà montré qu’on supportait mieux un épuisement des stocks énergétiques si on avait la possibilité de s’humecter la bouche avec une boisson de l’effort, quitte à la recracher ensuite (*). L’expérience
montrait qu’on pouvait tromper son propre organisme en lui faisant croire qu’il était réapprovisionné en énergie alors que ce n’était pas le cas. Jacinta Saldaris s’est demandé si ce phénomène n’était pas transposable à la lutte contre la surchauffe. (*) Lire «Courez, buvez, crachez!», dans Zatopek n°17, février 2011.
Puisqu’on peut lutter contre la déshydratation en faisant semblant de boire, ne pourrait-on pas lutter aussi contre l’hyperthermie en créant une illusion de fraîcheur? 55_ZATOPEK 19
MENTHOL_OU VÉRITÉ 6 pages
TRAIL_
ITRA II,
LE RETOUR DANS LE PRÉCÉDENT NUMÉRO DE ZATOPEK, NOUS AVIONS PUBLIÉ UN ARTICLE QUI CRITIQUAIT SÉVÈREMENT LE FONCTIONNEMENT DE L’ITRA (INTERNATIONAL TRAIL RUNNING ASSOCIATION). EN CLAIR, NOUS DÉNONCIONS SA GESTION AUTOCRATIQUE. L’AUTOCRATE NOUS A RÉPONDU!
R
ares sont les articles de Zatopek qui suscitèrent autant de commentaires que notre dossier noir sur le trail paru dans le dernier numéro. On ne va pas refaire le réquisitoire, seulement rappeler la question qui concluait ironiquement le papier. «Comment appelle-t-on un régime où les lois varient au bon gré des puissants?», écrivait-on. «Ah oui! Une dictature.» Il fallait s’y attendre, de très nombreux acteurs du monde du trail se sont manifestés, certains pour nous remercier d’avoir dit tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. D’autres trouvaient au contraire que nous n’avions pas été assez loin dans nos critiques et regrettaient par exemple que nous ayons épargné le programme de suivi médical de l’ITRA
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par les autres membres l’IAAF avait été On peut difficilement permanents. exceptionnellement imaginer une invité lors de l’assemblée structure plus hermétique générale et c’est de l’ITRA en 2015. étonnant de la part En d’une associasion, il avait d’ailleurs cette occation qui se déclare «ouverte à tous plaidé pour que les fédérations les acteurs du trail» nationales soient et qui «souhaite considérées comme avant tout être un lieu de membres de droit. Evidemment, d’écoute et d’échange» rencontre, cette idée n’a pas (sic). plu du tout au petit club de décideurs qui entendaient bien garder les coudées franches. La proposition fut donc refusée, l’ITRA invoquant le manque de compétence même Pour s’imposer en quelques années des responsables fédéraux, comme l’autorité suprême du trail, insinuant que leur présence mettrait les dirigeants de l’ITRA ont su faire la santé des coureurs en danger. preuve d’une réelle Il fallait oser! habileté polid’être plus clair. Surtout quand on tique, il faut leur Avec davantage connaît les règles reconnaître cela. de présence d’esprit, drastiques de D’abord, ils se sont arrangés pour participation aux on lui aurait fait remarquer que cette courses que l’ITRA s’aliéner les fédérations s’apprêtait elleattitude est en plus anopposition frontale même à adopter ciennes (IAU et WMRA). (lire plus loin). On avec ce qu’on lit Idéalement, sur le propre site s’attendait à ce que ils auraient aussi internet de l’ITRA aimé convaincre l’IAAF réagisse où l’association avec colère face l’International skyrunning à un tel manque se targue d’aider federade «au dialogue entre respect. Rien! Sans tion (ISF) de les rejoindre. Mais doute avait-elle institutions nala tionales et internationales d’autres chats à fouetter tâche s’est révélée plus ardue que avec l’accu». Au passage, on se demande mulation des accusations prévu. Il s’agit d’une aussi ce qu’un entreprise pridiverses: des membres du dopage, corruption. vée, donc difficilement conseil permanent, Toujours est-il manipulable. Jean-Marc Garcia, que personne n’a Dans son livre Le songé à dénoncer Prince, Machiavel fait dans cette galère. Il appartient cette outrecuidance. conseille de transformer à la commission Pire encore! En ses rivaux hors-stade de la Fédération septembre 2016, en des alliés et si l’IAAF reconnaisce n’est pas posfrançaise d’athlétisme (FFA). sait officiellement sible, de les combattre Ne se sent-il pas l’ITRA comme orsans merci. trop seul? gane responsable Manifestement, c’est de la gestion du cette deuxième trail dans le monde, solution qui a été retenue par l’ITRA entérinant de ce fait un basculement L’ITRA, c’est moi! contre l’ISF. Lors de hiérarchie qui des prochains s’est aussitôt manifesté championnats du monde de trail par la mise à l’écart progressive En moins de huit ans, en 2021, l’ITRA des responsables a prévu d’orgal’ITRA est parvefédéraux, y compris nue à s’imposer comme niser une épreuve très proche de les fédérations une sorte de qui étaient en ordre super-fédération la discipline phare qui garde la main de l’ISF: le kilode cotisation (NB: eh oui, il faut sur le développemen mètre vertical. Juste savoir que des fét mondial du histoire de lui dérations officielles trail. Son président couper l’herbe sous s’appelle Michel avaient dû s’acle pied. Reste quitter d’un droit Poletti. Avec Catherine le problème délicat d’entrée pour addes Poletti, son hérer à l’ITRA). Pour épouse, ils sont aussi nationales d’athlétisme fédérations se débarrasser co-gérant de la définitivement de SARL qui dirige l’UTMB. des années d’hostilité qui, après toute concurrence, l’ITRA a ensuite des courses hors-stade, à l’égard adopté la stratégie ont adopté de l’ignorance. progressivement Plus de réponse une attitude plus aux courriers ni conciliante en débloquant aux même des demandes de contact. nombreuses crédits pour financer (modestement) ce sujet lors du récent Interrogé à le haut niveau (athlètes, championnat entraîneurs) du monde de trail et organiser des championnats au Portugal, un natiodes responsables naux. Logiquement, du conseil d’adl’ITRA aurait dû ministration nous accueillir à bras ouverts a déclaré: «nous les représenn’avons plus besoin tants de ces fédérations des fédérations. nationales et Dorénavant, nous on se souvient que travaillons direcle secrétaire de tement avec les athlètes.» Difficile
L’ITRA était fermée de l’intérieur
(*) Dans le conseil d’administration de l’UTMB et du Trail des Aiguilles Rouges,l’ITRA, on retrouve les organisateurs Raid du Golfe du de ceux de l’EcoTrail Morbihan, du Tor des Géants, du Gran de Paris, de l’Ultra Marin Trail Courmayeur, de Tour et du Trail Drômel’Arrancabirra, du Winter Eco Trail, Trail Valdigne, du Gran de l’Ultra-Trail World Lafuma, ainsi que trail portugaise, d’Ultrarun.es des responsables d’une association et enfin d’une association retrouve également paramédicale (AFT). de un membre de la de Hoka (marque commission hors-stade On y de chaussures de de la FFA et le fondateur trail).
Madame UTMB et Monsieur ITRA
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contre lequel ils avaient manifestement une dent (voir plus loin). Enfin, on a reçu un courrier de la part de l’ITRA elle-même qui, sans grande surprise, prenait la défense… de l’ITRA!
Une pierre partout Pleine de sollicitude, l’association proposait de nous fournir «les bonnes informations» (sic) afin qu’on puisse corriger nos erreurs. Mise à part cette tournure un peu stalinienne, le ton était à la conciliation et d’ailleurs, la décision fut prise dans la foulée de rencontrer le nouveau président de l’ITRA, l’Américain Bob Crowley. Son prédécesseur, le Français Michel Poletti, avait démissionné quelques jours après la
parution de l’article. En quoi consistaient ces «bonnes informations»? Dans la partie de l’article où on reprochait à l’association de fonctionner en vase clos, on avait par exemple écrit que le conseil d’administration de l’ITRA était formé de quatorze membres choisis selon des critères parfaitement arbitraires et nommés à vie, ce qui nous semblait incompatible avec les principes qui régissent normalement les institutions démocratiques. L’ITRA nous corrige sur ce point. Certes, ce groupe de quatorze personnes existe bel et bien mais on nous explique dans ce courrier que la non-limitation de la durée des mandats était une garantie de pérennité politique. Mouais, c’est aussi ce que dit Poutine. En lisant la suite, on ré-
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RENCONTRE_
HABEMUS PAPAM Pape malgré lui
LE TRAILEUR AMÉRICAIN BOB CROWLEY EST LE NOUVEAU PRÉSIDENT DE L’ITRA ET SA NOMINATION À LA TÊTE DE L’ASSOCIATION FAIT UN PEU PENSER AU FILM HABEMUS PAPAM, AVEC LE REGRETTÉ MICHEL PICCOLI DANS LE RÔLE PRINCIPAL.
L’ANNONCE DE LA DÉMISSION DE MICHEL POLETTI, LE PRÉSIDENT DE L’ITRA, EST TOMBÉE QUELQUES JOURS SEULEMENT APRÈS LA PARUTION DANS ZATOPEK D’UN DOSSIER AU VITRIOL CONTRE SON ORGANISATION. Y A-T-IL UNE RELATION DE CAUSE À EFFET?
Je n’en sais rien. Je ne suis pas assez proche de lui pour connaître ses motivations. Officiellement, il nous a dit qu’il voulait faire un pas de côté pour clarifier les choses et consacrer aussi plus de temps à aider ses enfants, Isabelle et David, à prendre la relève en tant qu’organisateurs de l’UTMB (*).
Bob Crowley (62 ans) est un homme d’affaires américain qui a fait fortune dans le domaine de la télévision par câble et les logiciels informatiques. En 2003, il a co-fondé un fonds d’investissement baptisé «The Mustang Group». Sur son site internet, on découvre que celui-ci finance des entreprises de taille moyenne et toujours situées aux Etats-Unis: fabriques de voiturettes de golf, d’ours en peluche, de meubles de salon, etc. En marge de ses activités professionnelles, Bob Crowley est aussi membre de la première heure du Trail Animals Running Club (ou TARC) dont il assure la présidence depuis 2006. Il s’agit de l’un des plus gros clubs de trail de la côte est des Etats-Unis, qui compte près de 7000 membres et organise douze événements par an. Crowley lui-même possède une longue expérience dans les courses d’ultra-endurance. Au cours de ces vingt dernières années, il a participé à la plupart des épreuves les plus prestigieuses du monde, y compris la Western States, la Hardrock 100 et même le Tor des Géants (330 kilomètres).
ET VOUS-MÊME? QUELLE A ÉTÉ VOTRE RÉACTION À LA LECTURE DE CET ARTICLE?
Je ne suis pas nécessairement en accord avec tout ce qui y est écrit. Mais les questions étaient abordées de manière franche et j’accorde énormément d’importance au fait que chacun puisse s’exprimer librement sur tous les sujets.
UNE DES PRINCIPALES CRITIQUES CONCERNAIT LA NOMINATION À VIE DES PONTES DE L’ITRA. QUELLE EST VOTRE OPINION À CE SUJET?
Les personnes dont on parle se sont beaucoup investies dans l’ITRA alors qu’elle n’était encore qu’un vague projet. Elles ont donné toute leur énergie pour parvenir à sa concrétisation. Je ne trouve pas illégitime qu’elles puissent poursuivre leur travail jusqu’à ce qu’elles-mêmes trouvent nécessaire de passer la main, comme vient de le faire Michel.
IL Y A UNE EXPRESSION FRANÇAISE QUI DIT «LE POUVOIR CORROMPT ET LE POUVOIR ABSOLU CORROMPT ABSOLUMENT».
Le trail est une discipline trop jeune pour qu’on puisse déjà lui faire tous ces reproches. Ce sera peut-être possible un jour. Pour le moment, ceux dont on parle ont surtout fait preuve de dévouement et les décisions qu’ils ont prises au fil des années ont toujours été en faveur du sport et des athlètes. A mes yeux, c’est la seule chose qui compte. Bien sûr, si on devait constater un jour que les intérêts personnels prennent le dessus, il sera toujours Michel Poletti: l’ITRA, temps de changer les règles. ce n’est plus moi. Mais nous n’en sommes pas là.
(*) Michel Poletti siège toujours au conseil d’administration de l’UTMB Group dont sa femme, Catherine, reste présidente. 55_ZATOPEK 27
RENCONTRE_ 3 pages
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT
COURIR OU NE PAS COURIR?
LA QUESTION
QUI TUE!
PARMI LES RECOMMANDATIONS CLASSIQUES FAITES AUX COUREURS, IL Y A CELLE DE NE PAS S’ENTRAÎNER LORSQU’ON EST MALADE. POURTANT, IL NOUS EST TOUS ARRIVÉ DE TRANSGRESSER CETTE RÈGLE ET DE SE SENTIR ENSUITE EN BIEN MEILLEURE FORME. D’OÙ L’IDÉE QU’UNE «BONNE SUÉE» SUFFIRAIT À ÉLIMINER LES MICROBES. QUI A RAISON? QUI A TORT?
L
a course à pied est décidément un hobby clivant! Ceux qui n’en font pas ne comprennent pas ceux qui en font. Et vice versa. Aux extrêmes, on trouve d’un côté des sédentaires endurcis qui n’ont plus chaussé les baskets depuis l’école, et de l’autre des pratiquants assidus qui trouvent que la vie manque de sel sans leurs bornes hebdomadaires. C’est à eux que cet article s’adresse, plus particulièrement à ceux qui n’envisagent pas de faire une entorse à leur programme d’entraînement et vont courir même lorsqu’ils se sentent patraques (ou «pas très trac», comme disent les enfants). Parmi ces coureurs, nombreux sont ceux qui partagent la croyance selon laquelle une «bonne suée» suffit à éliminer les microbes. Sans surprise, on peut affirmer que
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cette idée ne repose sur rien de concret. Certes, on trouve la trace de polluants dans la transpiration mais à des doses tellement infimes qu’il est aberrant de parler de «détoxification» dans ce cas-là. Aux Etats-Unis, des casernes de pompiers ont ainsi investi dans des saunas pour qu’après une intervention difficile, les hommes du feu puissent se débarrasser par la sueur de tous les résidus nocifs qu’ils ont inhalés. Bullshit! Même chose pour les microbes. Certains virus sont effectivement assez petits pour passer par les pores de la peau mais il ne s’agit pas d’une voie d’excrétion massive. Alors, d’où vient le fait qu’on se sente souvent mieux après une séance d’entraînement? Disons que cela s’explique par un phénomène d’activation générale de l’organisme à l’effort.
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT 5 pages
CAH I E R TECH N IQU E
Édito À l’heure où 12 000 études sont menées à travers le monde sur
fice de chaque partenaire. L’un distribue le sucre, l’autre alimente
un virus dont vous avez sans doute entendu parler, nous vous
en azote et en phosphate. Si l’un exagère à son profit, l’autre le
proposons de deviser autour des chaussures, des régimes, des
rappelle à l’ordre, lui signifiant que la collaboration est nécessaire-
crampes, bref de mille choses dignes d’intérêt. Mais pas de virus.
ment au bénéfice de la communauté.
Un virus d’ailleurs si intéressant qu’il sera utile d’en parler quand
Dans un temps où 12 000 équipes cherchent la réponse à un
on n’en parlera plus.
problème commun, on aimerait, au détour d’un footing en forêt,
Dans ce cahier, l’auteur livre également quelques méditations en
rappeler aux États combien un minimum de coopération entre eux
forêt. Dans une société sensible à la compétition, on se dit que
et avec leurs concitoyens est sans nul doute la meilleure preuve
seuls les plus forts gagnent ; que les plus grands arbres captent
d’intelligence donc la meilleure chance de résoudre les problèmes
la lumière qui n’atteindra jamais les jeunes pousses. Dans une
posés à la communauté.
société sensible à la coopération, on apprend que chaque arbre collabore avec des dizaines d’espèces de champignons au bénéZATOPEK.pdf 1 26/2/20 17:59
Cyrille Gindre
C
ESPAGNE M
Y
CM
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CMY
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ZATOPEK 55
AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE 2020 LOCOMOTIVE
1
LA LOCOMOTIVE CAHIER CENTRAL 8 pages
SPORTS_ET TERRORISME
DITES-LE AVEC DES
BOMBES L
es pages qui suivent parlent à la fois de sport et de terrorisme. De prime abord, il n’y a pas beaucoup de raisons d’associer ces deux mots. La course à pied est un loisir plutôt paisible, aux antipodes des motivations meurtrières qui caractérisent les terroristes. On peut cependant faire le lien. Il suffit de songer à l’aveuglement dont font souvent preuve ceux qui sont persuadés d’avoir raison. Dans ce dossier, vous trouverez une première partie sur la folie de ceux qu’on a décidé d’appeler les «athlerroristes». Ensuite, nous verrons comment la crise du covid-19 a révélé des haines cachées, notamment à l’égard des coureurs. S’ensuit une salutaire mise en garde contre l’autoritarisme au service du sport.
55_ZATOPEK 35
SPORTS_ET TERRORISME = 2 pages SANTÉ_ET PERFORMANCE = 2 pages SCIENCE_ = 1 pages ENTRAINEMENT_ = 3 pages
TÉMOINS_
POURQUOI TANT DE HAINE? LA CRISE DU CORONAVIRUS A IMPACTÉ NOTRE SOCIÉTÉ DE MILLE FAÇONS. ELLE A NOTAMMENT FAIT RESSURGIR DES ANTAGONISMES OUBLIÉS, PAR EXEMPLE ENTRE LES COUREURS À PIED ET CEUX QUI LES DÉTESTENT. Propos recueillis par Olivier Beaufays
ESPÈCE DE CRIMINEL! CÉDRIC
«Pour éviter toute tension, j’ai choisi pendant le confinement de courir le long d’une route nationale où je ne croisais pas grandmonde. Cela n’a pas suffi! Lors d’une de mes sorties, un automobiliste s’est porté à ma hauteur et sa passagère a baissé la vitre pour m’insulter et me traiter de criminel.»
IL L’A DIT!
A DEUX, C’EST PLUS DANGEREUX! «Pendant la crise sanitaire, j’ai continué à courir avec l’étrange sentiment d’être dans le viseur de beaucoup de gens. Cela n’avait pas grand-chose à voir avec les risques de contamination, très faibles en réalité. C’était plutôt une question de docilité par rapport à la fameuse consigne de rester chez soi. Il m’a semblé que même la communauté des coureurs était divisée entre d’un côté ceux qui, comme moi, continuaient à courir dans le respect des règles et, de l’autre, les partisans d’un confinement strict qui reprochaient aux
«L’agressivité sert souvent à masquer ce qui a été réellement blessé, ce qui a été profondément touché et qui reste trop douloureux pour être reconnu.» Jacques Salomé, psychologue
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OLIVIER
premiers de manquer de solidarité et de prendre le risque de se blesser et de participer ainsi à la surcharge des hôpitaux. Chacun plaçait différemment le curseur. Alors que je courais le long de la Moselle avec ma compagne, je me souviens du regard noir d’une coureuse solitaire qui considérait sans doute qu’on pouvait courir seul, d’accord, mais qu’à deux, nous devenions dangereux. C’est idiot! Nous vivons sous le même toit, ma compagne et moi. Son regard de haine m’a tout de même fait changer d’avis sur la communauté des coureurs, qui est moins homogène que je l’imaginais.»
L’ETRAÎNEMENT EN BAS DE CHEZ MOI DIDIER
«Je peux comprendre que les gens aient été surpris et parfois effrayés par la concentration de coureurs dans les rues en période de confinement. On a beaucoup dit que, dans le lot, il y avait un grand nombre de néophytes. C’est peut-être vrai. Mais je pense que cette impression de masse était surtout liée au fait que nombre de coureurs confirmés ont dû changer leurs habitudes d’entraînement pour rester dans le périmètre autorisé.»
TÉMOINS_ 6 pages
SOCIOLOGIE_AMUSANTE
LE PRINCIPE DE PETER EN SCIENCES HUMAINES, LE PRINCIPE DE PETER DÉMONTRE QUE L’INCOMPÉTENCE PROFESSIONNELLE CONSTITUE PRESQUE UNE RÈGLE UNIVERSELLE. CELA MARCHE AUSSI DANS LE SPORT!
O
n a tous fait cette amère expérience. Confronté à un problème administratif délicat, on fait le tour des bureaux sans trouver une seule personne capable de le résoudre. Il manque toujours un document, une signature, un cachet. A désespérer! En fait, le problème vient du fait que la plupart des règlements sont pondus par des gens coupés du terrain, puis confiés à des exécutants qui les appliquent sans les comprendre. La crise sanitaire récente
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a donné beaucoup d’exemples de ces consignes contradictoires et parfois incompréhensibles. Une telle situation aurait ravi le pédagogue canadien Laurence Peter (1919-1990) tant elle illustrait le principe de répartition des compétences auquel il a donné son nom, le fameux principe de Peter.
Bande de mal élevés! Bien que Canadien, Laurence Peter a passé l’essentiel de sa carrière à enseigner les sciences de l’éduca-
Chacun sa place tion à l’Université de Sud-Californie (Los Angeles). Il a beaucoup travaillé avec son compatriote, le dramaturge Raymond Hull (1919-1985). En 1970, ils rédigèrent ensemble un petit traité, intitulé Le Principe de Peter, devenu très vite célèbre tellement il démonte avec drôlerie l’absurdité du fonctionnement hiérarchique à l’œuvre dans presque toutes les grandes entreprises de leur époque. Le Principe de Peter se résume en une phrase: «dans une hiérarchie, tout employé à tendance à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence».
SOCIOLOGIE_AMUSANTE 4 pages
RENCONTRE_
MEURTRE À ELDORET SI VOUS CHERCHEZ UN ROMAN NOIR À LIRE CET ÉTÉ, ON VOUS CONSEILLE CELUI-CI: KIPJIRU RACONTE LA VIE D’UN CHAMPION OLYMPIQUE OUGANDAIS ASSASSINÉ DANS DES CIRCONSTANCES PLUS QUE BIZARRES. CAR ON NE LUI A PAS SEULEMENT ÔTÉ LA VIE, ON LUI A AUSSI COUPÉ LES PIEDS ET LE PRÉPUCE. POURQUOI? EN COURS DE LECTURE, ON NE PEUT S’EMPÊCHER D’ÉTABLIR DES RAPPROCHEMENTS ENTRE DES PERSONNAGES EXISTANTS OU AYANT EXISTÉ, ET CEUX INVENTÉS POUR LES BESOINS DE L’INTRIGUE. PAR EXEMPLE ENTRE SAMUEL WANJIRU ET LE HÉROS, KIPJIRU.
L’auteur de ce polar athlétique s’appelle Jean-Marc Rigaux. Agé de 55 ans, il exerce le métier d’avocat et fut appelé à ce titre à préparer le grand procès intenté par le Tribunal pénal international (TPI) à l’encontre des responsables du génocide rwandais de 1994 et qui s’est tenu à Arusha (Tanzanie). Jean-Marc Rigaux est aussi épris de course à pied. Son meilleur temps sur marathon? Deux heures, 31 minutes et 59 secondes à Rotterdam en 1998. Dans ce livre, il mêle toutes ses passions pour concocter un récit sombre et passionnant. Ed. Murmure
des soirs, 2020
Pour en savoir plus, tapez «Kipjiru 42.195» dans la barre de recherche de facebook.
J’étais sûr que l’œil averti de Zatopek ferait le rapprochement. Dans la vie réelle, on connaît Samuel Wanjiru, vainqueur du marathon olympique de Pékin en 2008. J’ai inventé le personnage de Kipjiru, dont le nom est phonétiquement proche du sien et sur les traces duquel se déroule tout le roman. Tous les deux ont connu une mort très étrange. Wanjiru est tombé du premier étage de sa maison de Nyahururu au Kenya. Suicide? Meurtre? Accident? On n’a jamais su le fin mot de l’affaire (*). Mon personnage est sauvagement assassiné et même mutilé alors qu’il réside à Eldoret, également au Kenya. Qui est le commanditaire de ce meurtre? Le narrateur mène l’enquête.
(*) En février 2015, une autopsie détermina qu’il s’agissait bel et bien d’un meurtre, peut-être lié à des faits d’adultère. Wanjiru aurait survécu à sa chute avant de succomber après avoir été frappé à la tête à l’aide d’un «objet contondant» (selon les termes du légiste). 54 ZATOPEK_55
IL VOUS RESSEMBLE BEAUCOUP, CE NARRATEUR.
C’est vrai. Il est avocat. Il est coureur à pied. Nous avons aussi la même meilleure performance sur marathon. Cela pourrait être moi. En même temps, je lui fais vivre des choses terribles: des séances de torture, une circoncision rituelle. Ces passages-là sont inventés, je vous rassure. En fait, ces personnages sont comme la plupart des personnages de roman, des fusions de plusieurs personnes réelles. Pour Kipjiru, je me suis beaucoup servi de ce que m’a raconté Stephen Kiprotich, le vainqueur du marathon des Jeux de Londres en 2012. Il est bien vivant, lui. Je l’ai rencontré dans son village natal, en Ouganda. Oui, tout le monde croit qu’il est Kényan mais il est Ougandais comme Kipjiru, le héros malheureux de mon histoire. Notez que, sur place, cela n’a pas beaucoup d’importance. Tous ces
Toute ressemblance avec la vie de Wanjiru n’est pas fortuite et indépendante de notre volonté.
RENCONTRE_ 4 pages
ANTHROPOLOGIE_ET COURSE À PIED
UNE DEVINETTE PRÉHISTORIQUE LES COUREURS À PIED SAVENT À QUEL POINT IL EST IMPORTANT DE S’HYDRATER LORSQU’ON PRODUIT UN EFFORT DANS LA CHALEUR. MAIS COMMENT FAISAIENT LES CHASSEURS DE LA PRÉHISTOIRE? Un chasseur sachant chasser sans boire est un bon chasseur.
58 ZATOPEK_55
N
otre espèce ne fait pas partie des plus rapides de la Création. Nous ne sommes pas non plus les plus forts ni les mieux armés. Nos dents et nos ongles n’impressionnent personne. En revanche, nous sommes capables de courir longtemps. Pour cela, la nature nous a pourvus d’attributs spécifiques: de longs tendons d’Achille, des extrémités légères (mains et pieds), des ligaments nucaux qui maintiennent la tête droite et une voussure plantaire prononcée pour amortir les chocs sur le sol. Une théorie très en vogue veut que nous nous soyons servis de ces avantages pour inventer ce que les anthropologues appellent la «chasse à l’épuisement». Nous en avons déjà parlé dans un précédent numéro de Zatopek (1). En résumé, nos ancêtres se seraient servis de leur exceptionnelle endurance pour épuiser leurs proies en leur courant derrière pendant des heures et des heures. Le principe est simple. On repère un gros gibier, une antilope par exemple, et on la traque! Beaucoup plus rapide que les chasseurs, elle prend le large pour s’arrêter quelques centaines de mètres plus loin à l’ombre d’un arbre. Au petit trot, les humains la rejoignent. Nouveau saut de puce de l’antilope. Nouvelle avancée. Et ainsi de suite jusqu’à ce que l’animal finisse par surchauffer et se laisse abattre sans résistance. Voilà comment on imagine que les choses se passaient lors de ces séances de «persistence hunting» («chasse à l’épuisement»). Problème: il n’existe plus sur Terre de population humaine qui utilise cette technique. Au milieu des années 2000, des expériences dans le désert du Kalahari ont néanmoins démontré que la chasse à l’épuisement
ANTHROPOLOGIE_ET COURSE À PIED 5 pages
GÉNÉTIQUE_ET PERFORMANCE
COMMENT NOUS SOMMES
DEVENUS COUREURS LA PLUPART DES SINGES COURENT VITE. L’HOMME PRÉHISTORIQUE ÉTAIT CAPABLE DE COURIR LONGTEMPS. POUR QUE CES ESPÈCES POURTANT VOISINES AU DÉPART PRENNENT ENSUITE DES CHEMINS SI DIFFÉRENTS EN MATIÈRE DE LOCOMOTION, UN ÉVÉNEMENT EXCEPTIONNEL A FORCÉMENT DÛ SE PRODUIRE. MAIS LEQUEL?
Q
uand on discute d’évolution des espèces, on finit toujours par achopper sur la question du comment. Comment sont nés les yeux, les ailes et tous ces attributs ingénieux qui équipent les millions d’espèces animales et végétales de notre planète? Pour certains auteurs, la réponse réside dans l’expression «deus ex machina» («il y a un Dieu dans la machine»). En clair, l’évolution ne serait que l’exécution d’un programme imaginé par une intelligence supérieure. Pour les autres, il n’y a pas de grand créateur, simplement des accidents de parcours. Certains individus naissent ainsi avec des caractéristiques qui les différencient des générations précédentes. Dans l’immense majorité des cas, cela constitue un handicap et ils en meurent. Cependant, il arrive aussi que ce nouveau trait se révèle au contraire un atout en matière de survie et procure même un avantage reproductif, ce qui aura pour effet de favoriser sa propagation au sein des prochaines générations. «Tout ce qui existe dans l’univers est le fruit du hasard et de la nécessité», disait déjà le philosophe grec Démocrite, quatre siècles avant notre ère.
Adieu les singes Lorsqu’on analyse les génomes d’un humain et d’un chimpanzé, on constate assez peu de différences. Les bases s’enchaînent dans le même ordre, sauf pour 1,23% d’entre elles (1). C’est à peine dix fois plus que les différences susceptibles d’être répertoriées entre deux passants choisis au hasard dans la rue.
Des adieux vraiment déchirants
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GÉNÉTIQUE_ET PERFORMANCE 4 pages
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