Zatopek France n°57 Liseuse

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Zatopek

N°57 - trimestriel - février - mars - avril 2021 - France : 6 € - Canada : 8.50 $

Le Magazine Running & Santé de référence en France

SPÉCIAL MARATHON HASSAN CHAHDI KOEN NAERT TADESSE ABRAHAM

COMPAREZ LEURS SÉANCES

Entraînement

Les capteurs de puissance changent tout !

Enquête

Comment choisir son tapis de course ?

Ecologie

Faut-il boycotter l’avion ?

Trail

Comment vaincre la peur du vide

FRANCE

L 16992 - 57 - F: 6,00 € - RD

LA GÉNÉRATION SACRIFIÉE


ato e magazine


ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, François Borel-Hänni, Aurore Braconnier, Grégory Chanez, Louise Deldicque, Marc Francaux, Hilde Meesters, Anouk Ramaekers CREDITS PHOTOS Cover Benelux: Belga image; Cover France: Belga image; Cover suisse: Generali;;Agence Dumas: 07,21,24,27,32,33,33,39,40,45,46,4 7,48,49,52,53,54,57; Gilbert Taylor: 12; ASO: 13; Facebook: 14,42,66,67,68; Instagram: 15,16,17; Generali: 20; Profimedia: 24; Polar: 25; Garmin: 25; Favero: 25; Dreamsteam: 26,46; Stryde: 27; Pixabay: 27; Maxi Race/ DavidGonthier: 28; Marc Aspland: 29; Depositphotos: 30-31; College of Life Sciences: 33; Nike News: 34; Water rower: 34; Kilian Jornet Foundation: 35; Claire-Lise Rimaz:37; Yann-Arthus Bertrand:37; Salomon: 37; Benoit Prato: 38; François Suchel: 38; Gallimard: 39; Glénat:40; Christian Pondella:41; Dom Daher/ Une bouteille à la mer:42; UTMB/Franck Oddoux: 44; Dreamsteam: 49; Dan Freeman/ Unsplash:52; Golden league: 55; 123rf: 55; Pic. me:55; Immersion 360:56; Flo Hagena/Red Bull Content Pool: 56; Yancy Dufour:57; Richard Bull: 64; Shutterstock: 65; 80Km du Mont-Blanc/PierreRaphoz: 66 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56 Trimestriel Février, mars, avril 2021 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément. Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédactrice France et Suisse: Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com

SOMMAIRE_

EDITORIAL Nous sommes le 10 août 1628. Le royaume de Suède est en émoi. On s’apprête à mettre à l’eau le plus grand navire de guerre de tous les temps, baptisé Vasa en hommage à la famille régnante. Dix voiles, 72 canons, 1400 tonneaux et plusieurs dizaines de sculptures aux couleurs vives. Dans les guerres de l’époque, on soignait le décorum. Le Vasa était censé sillonner la mer Baltique, vaincre enfin la Pologne et faire de la Suède une puissance impériale à l’égale de l’Angleterre. Mais catastrophe! L’immense bateau coule le jour-même de sa mise à l’eau. Une erreur d’architecture, sans doute. Trop haut, trop lourd. Trop prétentieux surtout! Le bâtiment s’est couché sur le flanc à la première brise. Puis il a sombré dans le chenal, emportant tous ses trésors avec lui en même temps que quelques dizaines de marins, coincés dans la soute. Après enquête, il s’avéra qu’un tas de gens avaient déjà remarqué le manque de stabilité du Vasa alors qu’il mouillait encore dans le port de Stockholm. Seulement, personne n’avait osé en parler au roi Gustave Adolphe, tellement celui-ci paraissait fier et confiant dans la réussite de son projet. L’histoire du Vasa est riche d’enseignements. Sans faire une obsession de ce type de naufrage, il est naturel qu’une part de doute s’immisce en nous à chaque fois qu’on achève un projet un tant soit peu ambitieux. «Et si j’avais tout foiré?», se dit-on. C’est vrai pour la mise à l’eau d’un bateau comme pour le bouclage d’un magazine. A chaque nouvelle parution de Zatopek, on redoute la boulette qui dépréciera tout le reste. Pour réduire ce risque, on s’arrange pour que les textes soient lus, relus et re-relus un grand nombre de fois au sein de la rédaction bien sûr, mais aussi au dehors. Certes, nous n’avons pas de «comité scientifique» comme d’autres titres. En revanche, nous recevons l’aide d’un grand nombre de bénévoles. Pour les articles les plus pointus, il s’agit évidemment de spécialistes du domaine. Cela dit, on est aussi demandeurs de relectures néophytes et donc on

recrute largement autour de nous: parents, collègues et amis. Le numéro que vous tenez entre les mains est le premier depuis quatorze ans à ne pas avoir bénéficié de la relecture de Luc, l’un de ses plus fidèles correcteurs. Il n’était pas particulièrement calé en course à pied, pourtant. A vrai dire, le sport faisait partie des rares domaines où il reconnaissait son incompétence. Pour le reste, tout le passionnait: l’histoire, la philosophie, la géométrie, l’économie, la cuisine, la reliure. L’urbanisme aussi. C’était son premier métier. Aurait-il connu le drame du bateau Vasa? Probablement! Par quelque bizarrerie neurologique, il mettait effectivement tout en mémoire avec une facilité déconcertante. Par exemple, il gardait le souvenir de presque toutes les leçons qu’il avait reçues dans les écoles catholiques des années 50, à une époque où l’expression «par cœur» prenait tout son sens. Au hasard d’une discussion, on se voyait alors gratifié d’une longue tirade latine ou de l’énoncé d’une loi physique qu’il articulait à la manière d’un bon élève. Y avait de l’éclectisme, de la virtuosité et de l’impertinence dans ses interventions. Du style: «j’ai tout appris, j’ai tout retenu. Et j’ai tout remis en question.» Sa relecture va manquer au magazine. D’un point de vue plus personnel, les échanges avec lui me manqueront beaucoup aussi. Luc était mon père!

Gilles Goetghebuer

04_AJOUTEZ A MON PANIER

35_LE MONDE SELON KANT

07_COURRIER DES LECTEURS

44_INTERVIEW

Tout ce qu’il faut pour courir à la page

08_CULTURE CLUB

Les conquérants de l’utile

10_ZOOM

La course de tous les fantasmes!

12_ENTRAINEMENT

Hassan Chahdi, Koen Naert et Tadesse Abraham: comparez leurs séances!

Pourquoi boycotter les avions? Xavier Thévenard, adepte du flygskam

46_TEMOINS

Qui pollue le plus, pollue le moins

50_ECOTRAILS

Nous ne vieillirons pas ensemble

52_PEUR PANIQUE

Au rendez-vous des acrophobes

24_TECHNOLOGIE ET PERFORMANCE

58_DES HABITS ET MOI

30_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT

62_PORTRAIT

La course passe à l’heure de la puissance

Courir sur un tapis ou dehors, c’est presque la même chose!

Petite et grande histoire de la casquette Mira Rai échappe à son destin

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AJOUTEZ_À MON PANIER

CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE.

“ IL L’A DIT ! „

La nuit venue, on y verra plus clair  Roland Topor, scénariste et artiste (1938-1997)

Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

BROOKS Je ne suis pas un délinéateur

Des lumières dans la ville

«Au volant, la vue, c’est la vie», disait un ancien slogan de sécurité routière. Cela vaut aussi pour la course à pied. Brooks a donc conçu des tenues rendant ses porteurs visibles dans le halo des phares jusqu’à 150 mètres de distance. Notez encore que les bandes réfléchissantes sont placées sur les segments de corps (les bras, les jambes) qui bougent le plus lorsqu’on court. Aucun risque d’être confondu avec un délinéateur! www.brooksrunning.com

J’ai entraîné une ombre.

KIPRUN GPS 550 Les + et les – Avec la nouvelle montre connectée Kiprun, le calcul des distances est plus précis. La réception du signal GPS est plus rapide. Et on peut programmer jusqu’à sept activités différentes, dont la natation. La seule chose qui baisse, c’est le prix: 20 euros de moins que le précédent modèle. www.decathlon.com 99€

Pour Strava, tout va! Plus de 1,1 milliard d’activités ont été chargées sur Strava en 2020, soit une hausse de 33% par rapport à 2019. Cela s’explique par la multiplication des challenges qui prirent le relais des courses annulées pour cause de pandémie. Ainsi, l’application a enregistré trois fois plus de traces correspondant à la distance exacte d’un marathon sur l’ensemble de l’année, et même dix fois plus si on se concentre sur le seul mois d’avril.

Soit la contribution des outils numériques (smartphones, 3,7% tablettes et ordinateurs) à notre production totale de gaz à effet de serre. C’est pratiquement l’équivalent du transport aérien. 4 ZATOPEK_57


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CULTURE_CLUB

RELLE U T L U C É IT L A U T C TOUTE L’A PIED À E 100 MÈTRES HAIES S R U O C A L SUR

Par Louis-Jean Cormier album Quand la nuit tombe (sorti en mars 2020)

LA FRANCE DES GR

Par Sylvain Bazin K éd. Glénat, 2020 Entre Calenzana et Conca

Sylvain Bazin pratique un journalisme buissonnier, c’est-àdire qu’il parcourt la planète en marchant ou en courant, toujours à la recherche d’émotions. Il a roulé sa bosse dans de nombreux pays et pourtant, il l’affirme haut et clair dans son dernier ouvrage: aucun ne rivalise avec la France dès lors qu’il s’agit de révéler autant de splendeurs et surtout autant de variété dans ses paysages. L’auteur en apporte la preuve dans ce beau livre où des photos grandioses sont assorties chaque fois d’informations précises sur l’endroit exact et les conditions où elles ont été prises. Pour le rendre plus pratique, l’ouvrage est scindé en cinq grands chapitres topographiques: haute montagne, moyenne montagne, littoral, histoire et campagne. A chaque page, on ressent la même envie: marcher aux côtés de Sylvain Bazin à la découverte d’un pays que peu d’entre nous connaissent aussi intimement que lui. AB

TOMBÉ

Par Martin Feneau K podcast publié le 21 septembre 2020 (studio les Cavalcades)

Ce podcast en six épisodes conte l’histoire d’une double métamorphose, celle d’un jeune homme qui se transforme en animal le temps d’un raid en Corse puis retrouve son apparence d’origine à la fin de son aventure. Le pitch? Martin est un honnête sportif. Plus jeune, il a pratiqué des sports de combat: judo, karaté, krav-maga. Aujourd’hui, il court avec assiduité. C’est d’ailleurs à l’issue du marathon de Paris qu’il lui prend l’envie de se lancer dans un défi un peu fou: boucler le GR 20, le sentier de grande randonnée qui coupe la Corse en deux. Rien d’extraordinaire, de prime abord. C’est l’une des routes les plus fréquentées au monde. Seulement, il a prévu de le faire en plein hiver. Là, ça craint! Tout le monde cherche à l’en dissuader, d’autant qu’une belle épaisseur de neige vient de recouvrir le Monte Cinto (2706 mètres) et ses alentours. Mais Martin est têtu! Il se lance donc dans l’aventure avec un téléphone pour seul compagnon. Ce podcast fait le récit de son expédition. C’est étrange. Au début, on ne trouve pas Martin particulièrement sympathique. Trop crâneur, trop fier, trop égocentrique! Puis on s’attache à lui. A la fin, on est même ému par sa sincérité et on se surprend à le considérer comme un nouvel ami. AB 8 ZATOPEK_57

Le 20 mars passé, alors que l’Europe basculait doucement dans un long confinement, les Canadiens amateurs de «bonnes tounes» (de «bons sons») se réjouissaient de la sortie du nouvel album de LouisJean Cormier, intitulé Quand la nuit tombe. Surprise! La chanson d’ouverture porte le nom d’une discipline athlétique: le 100 mètres haies. Le chanteur québécois se serait-il mis au sport? Pas vraiment! Disons qu’il utilise cette épreuve comme métaphore des difficultés que posent les amours à distance. «Le concept du 100 mètres haies s’est dessiné sans que je l’invite», explique-t-il. «Je marchais littéralement de long en large dans une des villes les plus vastes du monde en sautant par-dessus mes propres histoires, au-dessus des fictions de rupture et de désirs inventés pour regagner le cœur d’une muse lointaine.» On comprend alors qu’à ce moment de sa vie, alors qu’il enregistre aux Etats-Unis (Los Angeles), et que sa «blonde» est restée au pays. C’est pas mal! Jetez aussi un œil au clip de la chanson, tourné dans les travées du stade olympique de Montréal où des danseurs incarnent les embûches dont parle précisément Cormier dans sa chanson. Cela se termine par la course effrénée d’une jeune fille qui saute dans ses bras. Il donne alors l’impression de recevoir un ballon tout en poursuivant sa complainte: «je fais le cent kilomètres haies à la vitesse du son, par-dessus les boulevards, les bars et les moments d’absence, ça vient d’qui l’idée d’s’éloigner pour mieux voir venir le fond? Encore le fucking va-et-vient des amours à distance.» AB Louis-Jean Cormier, quand tombe la nuit


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ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON PEUT DÉCOUVRIR UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN AUTRE PROFIL. CETTE PHOTO DATE DE 1928. ELLE EST PEU CONNUE. POURTANT, C’EST L’UNE DES PLUS K GILLES GOETGHEBUER IMPORTANTES DE TOUTE L’HISTOIRE DE L’ATHLÉTISME. .

_ L’ AT H L É T I S M E

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vant de porter son attention sur le finish de cette course mythique, prenons le temps de planter le décor et de présenter les principaux protagonistes du drame. Voici le baron français Pierre de Coubertin (1863-1937), l’inventeur des Jeux olympiques modernes. Dans son esprit, ceux-ci devaient être exclusivement réservés aux hommes. Pierre de Coubertin n’écartait cependant pas la possibilité que les femmes puissent y assister, contrairement à la règle d’exclusion qui prévalait en Grèce antique. Mais elles devaient se contenter d’un rôle de spectatrices et si elles descendaient dans l’arène, cela

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ne devait être que pour «couronner les vainqueurs». Machiste, le baron? Pas vraiment. Pierre de Coubertin vivait entouré de femmes: sa mère, sa sœur, son épouse et surtout sa fille, mademoiselle Renée, qui sombra dans la folie et dont il s’est beaucoup occupé jusqu’à sa propre mort en 1937. Il n’était pas non plus opposé à la pratique sportive féminine. Il la recommandait même sur le modèle de ce qu’il avait vu aux Etats-Unis et en Angleterre. En revanche, il était hostile à sa mise en spectacle et craignait le voyeurisme des foules. «Les spectateurs qui se groupent autour de telles compétitions n’y viennent point pour voir du sport», écrit-il.

lice Milliat (1884-1957) fut elle aussi une grande amoureuse du sport: natation, aviron, hockey sur gazon, elle excellait dans toutes ces disciplines. Elle militait aussi en faveur du droit des femmes, notamment la pratique libre du sport et, dès le milieu des années 1910, dénonçait les interdits coubertiniens. «Puisqu’on ne nous laisse pas concourir aux Jeux olympiques», s’indigne-t-elle au début des années folles, «nous organiserons nos propres Jeux». Voilà comment sont nés les Jeux féminins qui eurent effectivement lieu à quatre reprises entre 1922 (Paris) et 1934 (Londres), contribuant ainsi à faire plier le monde olympique. Les femmes obtinrent enfin le droit de concourir dans le stade olympique à partir des Jeux d’Amsterdam en 1928. Certes, on leur avait promis dix épreuves avant les Jeux pour n’en octroyer finalement que cinq. Mais cela marquait tout de même un cap dans l’histoire du sport. A présent, intéressons-nous aux photos ci-contre.

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ENTRAÎNEMENT_

TROIS GARÇONS DANS LE VENT

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ans les pages qui suivent, vous apprendrez à mieux connaître trois des meilleurs marathoniens européens en activité: un Français, un Belge et un Suisse. Nous leur avons posé plus ou moins les mêmes questions et, vous le verrez, leurs histoires sont assez différentes bien qu’ils présentent un point commun, celui de compter parmi les rares individus sur Terre à courir un marathon en moins de

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deux heures et huit minutes. A la lecture de ces portraits, on comprend que l’excellence n’est pas seulement une affaire d’entraînement. Le matériel non plus n’explique pas tout. A la manière de ces plaques de carbone ajoutées aux chaussures et qui restituent l’énergie emmagasinée pendant l’écrasement du pied sur le sol, ces trois coureurs sont dotés d’un mental qui les propulse vers les sommets. Vraiment impressionnant!


DÉBUTS EN COURSE À PIED J’étais gosse. Je participais aux compétitions scolaires, catégorie minimes. Je me suis vite aperçu que j’étais doué. Je finissais toujours devant même sans me donner à fond. Cela m’a donné l’envie de continuer. J’ai pris une licence au club de l’Arve Athlétisme Bonneville-Pays Rochois, en Haute-Savoie. Ensuite, tout est allé très vite. Les résultats se sont enchaînés. En 2010, je décrochais le titre de champion d’Europe de cross espoir à Albufeira au Portugal. L’année suivante, je faisais quatrième chez les séniors à Velenje en Slovénie. OBJECTIF PRINCIPAL Le marathon olympique, évidemment. Je vise le diplôme olympique. Pour cela, il faut terminer dans les huit premiers. VOLUME MAXIMAL SUR UNE SEMAINE 160 bornes RECORDS ET PERFORMANCES EPREUVE 5000 m 10 km Semi-marathon Marathon

PERFORMANCE 13’38’’ 28’36’’ 1h01’42’’ 2h09’12’’

DATE 19/07/2014 26/03/2017 08/03/2015 06/12/2020

LIEU Heusden Zolder Moirans Paris Valence

LE MEILLEUR SOUVENIR EN COURSE L’arrivée du marathon de Paris en 2017. Jusqu’alors mes résultats étaient bons en cross, notamment avec trois titres de champion de France. Mais je n’arrivais pas à reproduire le même niveau de performance sur la piste en été. Avec le recul, je me dis que je faisais probablement trop d’intensité en hiver et quand la saison estivale commençait, j’étais déjà cramé. En 2016, j’ai 26 ans et je décide de monter sur marathon pour relancer ma carrière. Je m’y suis tout de suite senti très à l’aise. Je cours en 2 heures et 15 minutes pour mon baptême du feu à Rotterdam. L’année suivante, à Paris, j’abaisse mon record de 5 minutes (2 heures, 10 minutes et 20 secondes) et je termine premier Français, à la douzième place du scratch derrière tous les cadors du circuit. Ce jour-là, j’ai eu l’impression d’avoir vraiment trouvé ma voie. LE PIRE SOUVENIR EN COURSE A chaque fois qu’on a l’impression de ne pas rivaliser à armes égales à cause des soupçons de dopage. Je suis écœuré par toutes ces affaires qui pervertissent notre sport. Personnellement, j’ai fait la démarche de m’inscrire dans le programme Quartz (*) et je publie régulièrement mes données biologiques. Sinon, je garde aussi un très mauvais souvenir des championnats d’Europe d’athlétisme à Berlin en 2018. Je m’étais préparé pendant des mois. Je visais la médaille. Peut-être même la victoire. Sur place, je me suis chopé une angine avec la climatisation de l’hôtel. J’ai pris le départ tout de même. Cela ne s’était pas trop mal passé jusqu’à la mi-course mais là, je me suis soudain senti sans force. Je me suis arrêté. C’est l’horreur. Tous les coureurs vous diront qu’abandonner une course, c’est comme entrouvrir une porte et éprouver la peur ensuite de ne plus jamais pouvoir la refermer.

Facebook: Hassan Chahdi Officiel Instagram: hassan.chahdi Youtube: Hassan Chahdi TV

Hassan CHAHDI PRÉNOM  Hassan NOM  Chahdi SEXE  masculin AGE  31 ans ETAT civil  marié, sans enfant VILLE  Malataverne (France) PROFESSION  ergothérapeute DISCIPLINE  marathon CLUB  AL Voiron ENTRAÎNEUR  lui-même SPONSORS  Adidas, Ville de Voiron, Sidas (semelles), NU3 (diététique) TAILLE  1,69 mètre POIDS  56 kilos IMC  19,6 FOULÉE  terrien, cycle arrière

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ENTRAÎNEMENT_

VOLUME MAXIMAL SUR UNE SEMAINE 240 kilomètres par semaine. Mais c’était il y a quelques années. DÉBUTS EN COURSE À PIED J’avais 17 ans. Jusqu’alors je roulais beaucoup à vélo, notamment afin de me rendre en ville. A l’époque, nous habitions une ferme près d’Asmara, la capitale de l’Erythrée. Pour aller à l’école, je devais faire une dizaine de kilomètres à l’aller comme au retour. Un jour, mon vélo m’a lâché. Nous étions trop pauvres pour en acheter un autre. C’est comme ça que je me suis mis à courir. OBJECTIF PRINCIPAL Les Jeux de Tokyo, évidemment. J’avais fini 7e à Rio. J’ai donc reçu le fameux diplôme olympique que l’on réserve aux huit premiers de chaque épreuve. Ce n’est pas une médaille mais c’est un des trophées dont je suis le plus fier! RECORDS ET PERFORMANCES

Tadesse ABRAHAM PRÉNOM  Tadesse NOM  Abraham (même si tout le monde croit que c’est l’inverse). SEXE  masculin AGE  38 ans ETAT CIVIL  marié avec Senait; un fils, Elod (10 ans) VILLE  Genève (Suisse) DISCIPLINES  cross, piste, route CLUB  LC Uster ENTRAÎNEURS  Urs Zenger et Olivier Baldacchino SPONSORS  Adidas, Assurances Generali, Cep (bas de compression) CHAUSSURES  Adizero Pro TAILLE  1,78 mètre POIDS  62,5 kilos IMC  19,7 FOULÉE  attaque médio-pied, terrien en amplitude

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EPREUVE 5000 m 10.000 m 10 km 20 km Semi-marathon Marathon

PERFORMANCE 14’36’’74 28’41’’37 28’28’’ 59’55’’ 1h00’42’’ 2h06’40’’

DATE 09/06/2004 06/06/2015 23/03/2013 03/11/2019 15/02/2015 20/03/2016

LIEU Lucerne Chia Uster Genève Barcelone Séoul

LE MEILLEUR SOUVENIR EN COURSE Sans doute ma victoire aux championnats d’Europe de semi-marathon à Amsterdam en 2016. Avec les deux autres coureurs suisses (Julien Lyon et Adrian Lehmann), nous avions aussi décroché la victoire par équipes avec seulement deux petites secondes d’avance sur les Espagnols. Moi-même, j’avais obtenu la nationalité suisse deux ans auparavant. C’était une belle façon de dire merci. LE PIRE SOUVENIR EN COURSE Clairement, il remonte aux championnats du monde d’athlétisme de Pékin en 2015. Il faisait chaud et je devais être ravitaillé aux kilomètres 30 et 35 par un membre de l’équipe. Seulement, le pauvre est resté coincé dans les énormes bouchons qui paralysaient la ville. Grosse défaillance! Je suis littéralement tombé en panne sèche et j’ai terminé à la 19e place en presque 2 heures 20. SÉANCE D’ENTRAÎNEMENT PRÉFÉRÉE Les séances par intervalles du style 20 x 400m ou 30 x 400m en 64-65 secondes. SÉANCE D’ENTRAÎNEMENT DÉTESTÉE Pour être performant, il faut aimer ce qu’on fait, alors j’aime tout. Un petit bémol tout de même pour les séances «pyramidales» où l’on change tout le temps l’intensité et la durée des efforts. CONTENU D’ENTRAÎNEMENT DE LA SEMAINE LUNDI: 20 kilomètres au train. MARDI: 90 minutes à allure progressive pour terminer à fond.


ato e magazine ENTRAÃŽNEMENT_ : 9 pages


TECHNOLOGIE_ET PERFORMANCE

AU RENDEZ-VOUS

DES WATTS

LES CAPTEURS DE PUISSANCE ONT RÉVOLUTIONNÉ LE CYCLISME. AUCUN COUREUR DE L’ÉLITE N’ENVISAGE PLUS DE ROULER SANS CES APPAREILS. A PRÉSENT, CETTE TECHNOLOGIE INTÉRESSE AUSSI LA COURSE À PIED. DANS LE MONDE DE DEMAIN, IL FAUDRA APPRENDRE À COMPTER EN WATTS!

Paavo Nurmi, l’homme chrono 24 ZATOPEK_57

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endant des décennies, le temps fut le seul paramètre pour doser l’intensité des efforts. Lorsqu’on courait sur une piste avec des repères de distances connus et à condition d’avoir de bonnes notions de calcul en MRU (mouvement rectiligne

uniforme), on pouvait assez précisément programmer des séances en alternant les vitesses selon les buts recherchés. Entre-deux-guerres, certains athlètes excellèrent même dans ce genre d’arithmétique. A commencer par le Finlandais Paavo Nurmi qui s’entraînait souvent un


ato e magazine TECHNOLOGIE_ET PERFORMANCE : 6 pages


DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT

LES QU SUR LE 30 ZATOPEK_57


A VITESSE ÉGALE, CERTAINS TROUVENT QUE LA COURSE SUR TAPIS EST PLUS EXIGEANTE QUE LA COURSE SUR PISTE OU SUR ROUTE. D’AUTRES SONT DE L’AVIS CONTRAIRE. QUE DIT LA SCIENCE?

ESTIONS TAPIS 57_ZATOPEK 31


DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT

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n ces périodes de confinement et de limitation des sorties en groupe, on voit fleurir toute une série d’alternatives pour faire du sport malgré tout. Dans certaines disciplines, il faut se montrer créatif. Dans d’autres, les adaptations sont plus faciles. Rameurs, vélos fixes, vélos elliptiques… tous ces engins de fitness à domicile ont eu beaucoup de succès ces derniers temps. Quant aux coureurs, ils préfèrent généralement s’entraîner sur tapis roulant, une machine qu’on trouve dans toutes les tailles et tous les styles. Le prix varie surtout en fonction de la puissance du moteur et donc de la vitesse maximale de déroulement du tapis. Les modèles bon marché (à partir de 300 euros) plafonnent souvent aux alentours de 16 km/h. D’autres permettent des vitesses plus élevées (jusqu’à 25 km/h) et, bien sûr, ils coûtent plus cher (5000 euros et plus). La plupart de ces appareils proposent des programmes d’entraînement par intervalles et permettent de moduler la pente (jusqu’à 20°) pour intensifier l’effort. Certains sont équipés d’un ventilateur et d’écrans LCD tactiles avec toutes les applications dignes d’un petit ordinateur: Netflix, Youtube, Spotify, Instagram, Twitter, Facebook, Chrome, etc. Cela ravira ceux qui veulent rester connectés en toute occasion ou, plus prosaïquement, ceux qui veulent mettre à profit leur temps d’exercice pour regarder des séries. Si tel est votre cas, il faudra simplement veiller à ne pas opter pour un modèle trop bruyant. En général, le fonctionnement du moteur et le martèlement des pas sur le tapis produisent un son de 70 décibels environ, soit le vrombissement d’un aspirateur. Les présentations étant faites, venons-en à présent aux sollicitations physiologiques. Le tapis de course est-il un bon recours pour soigner sa condition physique? Plusieurs études ont été menées sur ce sujet. Nous les avons passées en revue!

Dans la salle des pas perdus

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Attention, les tapis de course à moteur peuvent s’avérer dangereux, comme le rappelle ce drame survenu dans la vie du boxeur Mike Tyson et de sa compagne de l’époque, Sol Xochitl. En mai 2009, leur fille Exodus (4 ans) est morte étranglée par une corde qui s’était prise dans les rouages du tapis, alors qu’elle jouait dans la salle de gymnastique du domicile familial de Phoenix.

Le cœur ne fait pas la différence Du strict point de vue de la dépense énergétique, la concordance est presque parfaite (1). Certains coureurs pensent qu’il est plus difficile de courir sur tapis et que donc, pour une même vitesse, on dépense plus d’énergie. D’autres prétendent le contraire. Mais lorsqu’on se base sur la consommation d’oxygène pour estimer l’intensité de l’effort, on ne constate pas de différence. Cette expérience a été reproduite par plusieurs laboratoires à différentes allures de course, maximales et sous-maximales. Les résultats sont pour une fois unanimes. Qu’on soit dehors ou dedans, la sollicitation de la filière aérobie reste inchangée pour une vitesse donnée. En poussant plus loin les investigations, on repère cependant quelques nuances. Ainsi, les chercheurs ont découvert que la concentration en lactate était légèrement plus basse à l’issue d’une même séance sous-maximale réalisée sur tapis, et que la fréquence cardiaque moyenne était aussi légèrement plus basse. Pourquoi? On n’en sait fichtrement rien. Et ce n’est pas le seul sujet d’étonnement! D’autres scientifiques se sont amusés à mesurer la performance en course à pied sur tapis roulant et à la comparer à la même performance sur route. Ici, clairement, les résultats sur tapis sont moins bons. En d’autres termes, il faut plus de temps pour couvrir 5 ou 10 kilomètres sur tapis que sur route. Même constat lorsqu’on entreprend de parcourir la plus grande distance en un temps donné. En 60 minutes, par exemple, la performance «outdoor» sera de quelques centaines de mètres meilleure que le même effort en «indoor». Est-ce gênant? Non! Dans 99% des cas, on se sert du tapis comme d’un outil d’entraînement. Ce n’est donc pas un succédané de la piste sur lequel on ambitionne de battre des records. Quoique… avec la multiplication des challenges virtuels, il se pourrait qu’à l’avenir, ces tapis soient utilisés comme des terrains de jeu et que, grâce à un système de mise en réseau comme la marque Zwift en propose dans le cyclisme, ils servent toutes sortes de défis à distance. Si tel est le cas, il faudra accepter l’idée que les performances seront moins bonnes que sur piste ou sur route, mais comme le but de ces compétitions consiste à rivaliser avec les autres membres de la communauté, logés à même enseigne, cela ne change pas grand-chose.


ato e magazine DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT : 5 pages


CAH I E R TECH N IQU E

Édito

SOMMAIRE

Dans cette Locomotive, vous trouvez quelques beaux événements pour le printemps. À l’heure où nous écrivons ces mots, il est difficile de savoir s’ils pourront avoir lieu tant le contexte est incertain. Il n’empêche que nous voulons être optimistes et que nous vous invitons à faire de ces courses un objectif. Avec Les chroniques de la rédaction, toujours dans cette Locomotive, nous vous donnons deux autres bonnes raisons de courir. Tout d’abord vous amuser, en dessinant votre parcours comme l’incite la tendance du GPS drawing. Ensuite, montrer l’exemple aux enfants, car malheureusement la jeune génération voit sa forme décliner. Enfin, nous abordons un sujet tout à fait sérieux, le syndrome des jambes sans repos. En marche !

1 Édito 2 Courses & chroniques

Sophie Sartet

La Locomotive 8 pages

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FÉVRIER MARS AVRIL 2021 LOCOMOTIVE

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LE MONDE_SELON KANT

FLYGSKAM, LA GÉNÉRATION ANTIVOL L’IMMENSE POLLUTION GÉNÉRÉE PAR LES AVIONS EST EN TRAIN DE REMETTRE EN QUESTION LES FONDEMENTS DE NOTRE MODE DE VIE. DE PLUS EN PLUS D’INDIVIDUS SONT DONC DEVENUS ADEPTES DU «FLYGSKAM», UN TERME SUÉDOIS QUI DÉSIGNE LE FAIT DE CONDAMNER LE TRANSPORT AÉRIEN. CE MOUVEMENT DE BOYCOTT EST SUIVI PAR DES SPORTIFS CÉLÈBRES COMME KILIAN JORNET OU XAVIER THÉVENARD.

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LE MONDE_SELON KANT

Les trois singes de la Pan Am

F

«Grève scolaire pour le climat», Greta Thunberg

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lygskam. De prime abord, on pourrait croire au nom d’un super-héros scandinave. Ce mot provient bel et bien de Suède. Il n’a cependant rien à voir avec l’univers des comics, bien que ceux qui se revendiquent du flygskam se prennent parfois pour des modèles. Littéralement, ce mot peut se traduire par «honte de prendre l’avion», un sentiment partagé par de plus en plus de jeunes Suédois. Le terme est né en automne 2018 sur les réseaux sociaux. Il a vite été popularisé par des célébrités comme le biathlète et commentateur de télévision suédois Björn Ferry (médaille d’or de poursuite aux Jeux d’hiver de Vancouver en 2010) ou encore par son inévitable compatriote Greta Thunberg. «J’ai arrêté de prendre l’avion par conviction», déclarait la collégienne écolo en 2 0 1 9 tandis qu’elle d é -

barquait au Forum économique mondial de Davos. «J’estime qu’il est insensé que des personnes qui discutent ici du dérèglement climatique arrivent en jet privé.» Pour se rendre dans la très chic station suisse, elle-même était partie en train de Stockholm. Un voyage long de 32 heures. Mais c’est pour elle une question de cohérence. «Je ne veux pas dire une chose et agir autrement», insiste-t-elle. Il y a quelques années encore, un tel discours serait passé pour extrémiste. A présent, il reflète l’opinion d’une partie de plus en plus importante de la population qui ressent de la culpabilité à l’idée de se déplacer au prix d’une énorme pollution. Surtout lorsqu’il s’agit d’aller respirer l’air frais loin de chez soi. Quelques mois seulement après l’apparition du hashtag #Flygskam sur les réseaux sociaux, on relevait en Suède une baisse de 8% du trafic aérien et une hausse de 8% du trafic ferroviaire (1). Certes, on peut imputer une partie de ce changement à une nouvelle taxe sur les vols intérieurs votée par le gouvernement suédois en 2018. Le ralentissement de la croissance économique nationale eut aussi une influence, c’est certain. Il n’empêche. Les spécialistes s’accordent à reconnaître l’importance de ce mouvement de boycott, surtout sur les petits et moyens courriers, soit tous les déplacements dans un rayon de moins de 450 kilomètres. Plus radical encore: une salle de concert d’Helsingborg, dans le sud du pays, refuse désormais d’accueillir les artistes

venus en avion pour peu qu’existe une alternative ferroviaire. Est-ce une mode ou le signe d’une rénovation profonde des mœurs? Un peu des deux sans doute. Toujours est-il qu’en Suède, beaucoup de jeunes rechignent désormais à publier des photos d’eux-mêmes en week-end à Marrakech alors qu’une nouvelle forme de frime écolo émerge, qui consiste à se montrer dans un train. Cette mouvance n’est pas propre à la Suède. Ni même à la Scandinavie. Le flygskam gagne de nombreux adeptes partout dans le monde. En français, on commence même à entendre le mot-valise «avihonte» qui amalgame «avion» et «honte». Combien sont-ils à boycotter les avions? Difficile à dire. En octobre 2019, la banque suisse UBS a interrogé plus de 6000 personnes aux Etats-Unis, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni (2). Rappelons qu’au moment de l’enquête, la crise de covid-19 n’avait pas encore éclaté. Résultats? Une personne sur cinq déclarait avoir déjà décidé de diminuer ses voyages en avion au cours de l’année écoulée. On retrouve grosso modo le même pourcentage dans la population spécifique des personnalités médiatiques. Nombreuses sont celles qui essaient de réduire leurs déplacements ou qui ont carrément déclaré renoncer à ce mode de transport. C’est le cas de Yann Arthus-Bertrand, le spécialiste des photos de la Terre vues du ciel! En décembre 2019, il prenait

Björn Ferry préfère prendre le bateau. Normal


ato e magazine LE MONDE_SELON KANT : 9 pages


RENCONTRE_

TOMBÉ DU CIEL TRIPLE VAINQUEUR DE L’UTMB, LE TRAILEUR XAVIER THÉVENARD A DÉCIDÉ LUI AUSSI DE NE PLUS PRENDRE L’AVION POUR COURIR LE MONDE. DANS QUELLES CIRCONSTANCES AVEZ-VOUS PRIS CETTE DÉCISION?

J’ai toujours trouvé un peu absurde de traverser les continents pour courir un 100 miles à l’autre bout du monde. C’est devenu plus clair en juin dernier juste après le premier confinement. Privé de compétition, on se rend compte que l’essentiel est de courir. Pas d’accrocher un dossard. Cette pandémie a aussi été l’occasion de me replonger dans quelques livres qui ont nourri ma réflexion, comme Le Plus grand défi de l’humanité d’Aurélien Barrau (ndlr, éd. Michel Lafon, 2020). Tous ces éléments mis bout-à-bout ont fait que lorsqu’un journaliste du magazine canadien Distance+ m’a interrogé sur l’annulation de la Hard Rock 100, je lui ai d’abord fait part de mon soulagement de ne pas devoir traverser l’Atlantique en avion avant de réaliser qu’en somme, je n’y participerais plus jamais… l’avion, c’est fini pour moi!

DANS CETTE COURSE, VOUS AVIEZ POURTANT UNE REVANCHE À PRENDRE, NON?

Je n’ai pas l’esprit revanchard. Quelques semaines après ma disqualification, j’ai remporté l’UTMB devant un Américain, Zach Miller, en brandissant ma gourde à l’arrivée (*). C’était juste un clin d’œil et cela m’a suffi pour passer à autre chose. Pas de regret, donc. De façon plus générale, je n’ai pas le sentiment de consentir à d’énormes sacrifices en renonçant au transport aérien. Les voyages lointains imposent toujours un tas de contraintes qui font qu’on détourne son temps et son énergie de ce qui constitue l’essence même de notre sport, c’est-à-dire courir dans la nature.

En cinq participations, Xavier Thévenard ne s’est jamais classé au-delà de la quatrième place à l’UTMB. Il est également le seul traileur à avoir remporté aussi toutes les courses annexes: la CCC (99 km) en 2010, la TDS (119 km) en 2014 et l’OCC (55 km) en 2016. 44 ZATOPEK_57

LA PRATIQUE DU TRAIL IMPLIQUE D’ÊTRE SOUVENT À L’EXTÉRIEUR, AU CONTACT DIRECT DES PLANTES ET DES ANIMAUX. VOUS ARRIVE-T-IL D’ÊTRE TÉMOIN DES CHANGEMENTS ANTHROPOCÉNIQUES?

Bien sûr. Je vis dans le Haut-Jura à 1300 mètres d’altitude. Nous sommes le 23 décembre (ndlr, c’était le jour de l’interview), le thermomètre avoisine les 8°C et si on regarde par la fenêtre, on aperçoit quelques taches de neige ci et là. Mais quand j’étais gosse, il faisait tout


ato e magazine RENCONTRE_ : 2 pages


TÉMOINS_

BONJOUR, COMMENT POLLUEZVOUS? DANS LE MONDE ACTUEL, IL EST PRATIQUEMENT IMPOSSIBLE DE VIVRE SANS PRODUIRE LE MOINDRE DÉCHET. CHACUN PLACE DONC LE CURSEUR OÙ CELA LUI CONVIENT EN MÉNAGEANT SOIT LA CHÈVRE (SON CONFORT DE VIE), SOIT LE CHOU (LA SANTÉ DE LA PLANÈTE). ET VOUS, COMMENT VOUS DÉBROUILLEZ-VOUS?  Propos recueillis par Olivier Beaufays

INCOHÉRENCE QUAND TU NOUS TIENS! MICHAËL

«Ah l’avion! Autant l’écologie revient souvent sur la table entre coureurs, autant le sujet du transport aérien reste tabou. Il faut dire que nous sommes nombreux à nous offrir des petits voyages dans le ciel pour participer à des épreuves à l’étranger, quitte à ruiner en quelques heures des mois de sobriété énergétique. Personnellement, j’use mes vêtements et mes chaussures jusqu’à la corde pour ne pas polluer. Mais je poursuis ma découverte des grandes villes italiennes via leurs marathons.»

LA RÈGLE DE CINQ JAN

«Quand je n’ai d’autre choix que prendre ma voiture pour me rendre sur une course, je m’impose une règle très simple: il doit y avoir un rapport de un à cinq entre le nombre de kilomètres de l’épreuve, et le nombre de kilomètres à parcourir en auto pour y aller. Je n’ai dérogé à ce principe qu’à une seule reprise ces dernières années. Il s’agissait de l’UTMB et j’ai triché pour une petite vingtaine de bornes seulement!»

IL L’A DIT! «Finalement, ce sont les gens qui ne marchent jamais qui croient que c’est pénible.» Gaston Rébuffat, alpiniste (1921-1985) 46 ZATOPEK_57

LA RÈGLE DU CHRONO JEAN-FRANÇOIS

«Moi aussi, je me suis fixé une règle. Je choisis mes courses de façon à ce que le temps mis pour me rendre sur place ne soit jamais supérieur au chrono que je vise.»


ato e magazine TÉMOINS_ : 4 pages


DÉBAT_D'IDÉES

UN ECOTRAIL PEUT EN CACHER UN AUTRE ECOTRAIL EST LE NOM GÉNÉRIQUE D’UNE SÉRIE DE COURSES-NATURE ORGANISÉES DANS UN GRAND NOMBRE DE VILLES: PARIS, OSLO, STOCKHOLM, FLORENCE, MADRID, ETC.

N

é en France il y a une dizaine d’années, ce concept reposait au départ sur deux idéesforces: 1/ ne laisser aucun détritus derrière soi (aujourd’hui toutes les courses s’engagent à le faire). 2/ Ramener le sport en ville. C’est surtout ce deuxième point qui était audacieux. A l’heure où les organisateurs de trails donnent parfois

l’impression de rivaliser d’exotisme dans leurs projets (désert, jungle, montagne), on se réjouissait que des épreuves labélisées «Ecotrail» puissent aider à prendre conscience qu’il existe des écrins végétaux près de chez soi et que, pour s’ébattre dans la nature, il n’est pas forcément nécessaire de faire des milliers de kilomètres en contribuant ainsi au saccage de l’environnement. Ceux qui

La polémique proche de la Mecque 50 ZATOPEK_57

composent la rédaction belge du magazine Zatopek étaient sensibles à cet argument et, lorsque fut proposée l’idée de mettre sur pied un Ecotrail à Bruxelles, ils l’ont soutenue avec enthousiasme. «En 2012, la direction parisienne est effectivement venue nous voir pour nous expliquer son projet d’expansion», se souvient Jean-Paul Bruwier, à la fois organisateur de courses et directeur de publication de Zatopek Belgique. «Nous étions donc les premiers à nous engager sur cette voie qui sera ensuite empruntée par beaucoup d’autres villes. Ce fut une très belle expérience qui a duré neuf ans.» Celle-ci a en effet pris fin en 2021. Pourquoi? Le désaccord est né à propos de l’organisation d’un Ecotrail en Arabie Saoudite. En 2019, les promoteurs du circuit ont choisi de retenir la candidature d’Al Ula, une oasis de la province de Médine, au nord-ouest de l’Arabie Saoudite, où les Saoudiens proposaient d’organiser à leur tour un Ecotrail au mois de février, le treizième du nom. Au sein de la rédaction belge du magazine


ato e magazine DÉBAT_D'IDÉES : 2 pages


VERTIGE_

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LA PEUR DU VIDE EST TRÈS HANDICAPANTE EN TRAIL. TELLEMENT HANDICAPANTE QUE LES PLUS ATTEINTS PRÉFÈRENT RENONCER AUX PRESTIGIEUSES ÉPREUVES DE MONTAGNE PLUTÔT QUE COURIR LE RISQUE DE LA RÉVEILLER EN EMPRUNTANT DES CHEMINS ESCARPÉS.

D

ans le langage courant, on définit la peur du vide comme une forme de vertige et vice versa. En réalité, nous devrions mieux distinguer les deux avec, d’un côté, cette sensation de tête qui tourne qui survient notamment lorsqu’on a trop bu et, de l’autre, la peur panique qui saisit certaines personnes dès qu’elles se trouvent face au vide. Dans leur cas, on utilise le terme «acrophobie» (du grec ancien akron pour «sommet»). Prenons le cas d’Olivier, maître de conférences en physiologie du sport et féru d’efforts physiques en tous genres. En octobre 2019, il s’est inscrit à la Diagonale des Fous sur l’île de la Réunion, un des trails les plus redoutables du monde avec ses 164 kilomètres de difficultés diverses et ses presque 10.000 mètres de dénivelé positif. Il a renoncé la veille du départ lorsqu’il apprit qu’en chemin, il lui faudrait aussi franchir une volée de ponts étroits, très sûrs bien entendu, mais situés au-dessus d’un gouffre. Ces quelques dizaines de mètres suspendu dans le vide eurent raison de son enthousiasme alors qu’il s’était déjà acquitté des frais d’inscription, d’hébergement et de transport! C’est dire la force de l’acrophobie.

Un Indien dans le vide En soi, l’appréhension du vide n’est pas une tare. Elle est même nécessaire, sans quoi l’évolution ne l’aurait pas retenue. Quand on tombe

LA PEUR DE LA PEUR EST DÉJÀ PARALYSANTE!

de plusieurs dizaines de mètres, en général, on meurt! Il est donc logique qu’en situation de danger, tous nos sens soient soudain en éveil. Au siècle passé aux Etats-Unis, une légende urbaine voulait que les Amérindiens de la tribu des Mohawks échappassent au vertige et on leur confiait pour cette raison les tâches les plus dangereuses comme la pose de pièces d’acier au sommet des bâtiments en construction. Etait-ce possible qu’un peuple puisse à ce point se différencier de tous les autres? Un sociologue, Morris Freilich, voulut en avoir le cœur net. Il passa plusieurs mois dans une réserve mohawk à observer la vie et les mœurs de ces Amérindiens. Il y découvrit qu’en réalité, les Mohawks n’étaient pas du tout exemptés d’acrophobie comme Le mythe des Mohawks

on le croyait mais qu’ils excellaient dans l’art de dissimuler leurs émotions. Chez eux en effet, masculinité rimait avec intrépidité, qu’il s’agisse anciennement de chasser ou de combattre ses ennemis. A mesure que le territoire nord-américain fut envahi par les Blancs, les Mohawks perdirent ces occasions de prouver leur bravoure, sauf à déambuler dans les airs sur des échafaudages instables où ils trouvaient accessoirement le moyen de gagner leur vie. C’était bien une légende urbaine et, jusqu’à preuve du contraire, nous éprouvons tous cette forme plus ou moins marquée d’appréhension face au vide. Ce qui n’est pas de l’acrophobie, soulignons-le. On réservera le terme aux situations où cette appréhension naturelle devient incontrôlable et provoque la panique.

Et maintenant, fermez les yeux! Pour comprendre l’acrophobie, voici un petit exercice facile à réaliser chez soi mais éclairant sur les mécanismes qui régissent notre sens de l’équilibre. Tenez-vous debout au milieu d’une pièce, fixez un point sur le mur ou à l’horizon, et levez un pied. Les moins habiles d’entre nous devront s’y reprendre à plusieurs reprises avant de se stabiliser. Mais tout le monde y arrivera peu ou prou à moins d’avoir déjà un sens de l’équilibre très déficient (dans ce 57_ZATOPEK 53


ato e magazine PEUR_PANIQUE : 6 pages


DES HABITS_ET MOI

PETITE ET GRANDE HISTOIRE DE LA CASQUETTE

DANS CETTE RUBRIQUE, NOUS PARTONS À LA DÉCOUVERTE D’UN VÊTEMENT DONT L’HISTOIRE DÉBORDE LARGEMENT LA SPHÈRE SPORTIVE. POUR LE DEUXIÈME ÉPISODE DE LA SÉRIE, VOICI LA CASQUETTE!

I

l en va du couvre-chef comme du reste de la garderobe: il sert autant à se prémunir des aléas du temps qu’à attester de son statut social. Pensez à la couronne du roi, aux casques des chevaliers du Moyen-Age, au chapeau en feutre des bourgeois ou encore au simple morceau de tissu noué sous le menton qui caractérisait le servage. Cette aspiration à se distinguer des autres remonte loin dans le temps. Le terme «chapeau» provient d’ailleurs du mot médiéval «chapel», lui-même dérivé de «caput» et, d’après le dictionnaire de l’Académie française paru en 1694, signifiait à l’époque «couronne de fleurs qu’on met sur la teste dans quelque resjoüissance, dans quelque feste solemnelle». Au fil des siècles, le «chapel» a troqué son origine florale pour adopter une forme qui fait plutôt penser à un pot de fleurs, à l’image de ces hauts-de-forme impressionnants qu’arborait l’ancien président américain Abraham Lincoln (1809-1865) et dans lesquels, paraît-il, il avait l’habitude de cacher les documents importants. Cette calotte surdimensionnée censée dans un premier temps amortir les chocs à la tête

en cas de chute de cheval devint rapidement un moyen de se grandir tout en affichant son rang social. Ainsi, le chapeau trahit l’homme. Il trahit aussi la femme. Dans la haute société européenne du XVIIe siècle, les dames de cour portaient des coiffes si sophistiquées et si chargées en décorations diverses qu’elles en perdaient parfois l’équilibre. Même les enfants sont concernés. En 1571, une loi est passée qui obligeait tout citoyen britannique de plus de six ans à se couvrir la tête les dimanches et jours fériés sous peine d’amende. Seuls les universitaires et les diplomates étaient dispensés de cette obligation. Et pour cause! Ils portaient tous la perruque. Pour justifier cette mesure, le législateur avait mis en avant le respect des règles de bienséance. En vérité, cette obligation visait surtout à doper le commerce intérieur et à permettre l’écoulement des excédents de laine. Pour des questions de coût, certaines de ces coiffes devenues obligatoires étaient plutôt rudimentaires. Il s’agissait de simples bonnets prolongés d’une visière. Voilà comment est née la casquette, devenue un très fort vecteur identitaire du prolétariat. Chauffeurs, portiers, concierges, gardes de sécurité, chefs de gare, sans parler des militaires: chaque corporation se définit bientôt par son couvre-chef. Au temps de Louis XVI, les coiffures extravagantes avaient un nom qui est resté dans le langage courant: les poufs!

Lincoln fut le plus grand président des Etats-Unis (1,93 mètre) et avec son haut-de-forme de 20 centimètres, on comprend mieux pourquoi on dit de lui que son ombre plane encore sur la Maison Blanche. 58 ZATOPEK_57


ato e magazine DES HABITS_ET MOI : 4 pages


UN JOUR_UN DESTIN

MIRA

ET LES AUTRES D’ENFANT-SOLDAT À MEILLEURE TRAILEUSE DU MONDE, LE DESTIN DE LA NÉPALAISE MIRA RAI EST EXTRAORDINAIRE ET DONNE DE L’ESPOIR À BEAUCOUP DE JEUNES FILLES DE SON PAYS.

T

out commence dans le tout petit village de Sanu Duma, dans le district de Bhojpur, à l’est du Népal, près de la capitale Katmandou. Là-bas, les jours s’écoulent immuablement depuis des centaines d’années. Quelques maisons de torchis et au toit en paille sont dispersées dans un paysage de collines. Les familles qui les occupent possèdent quelques poules, parfois des chèvres, et essaient de tirer du lopin de terre alentour de quoi se nourrir et éventuellement un petit surplus que l’on ira alors vendre au marché de la petite ville la plus proche. C’est là qu’en 1988 naît la petite Mira, deuxième enfant d’une fratrie de cinq. Elle en est aussi la première fille

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et, à ce titre, doit seconder sa mère dans les tâches ménagères: préparer les repas, aller chercher de l’eau à la rivière, s’occuper des animaux. Dès son plus jeune âge, cela devient son lot quotidien. L’école, elle y va parfois mais seulement quand sa mère peut se passer d’elle. Pour ne pas s’absenter trop longtemps, elle prend l’habitude de faire le chemin en courant: 45 minutes aller, 45 minutes retour. A son dixième anniversaire, on l’estime suffisamment robuste pour lui confier de nouvelles tâches comme d’aller vendre le riz à la ville. Toute seule. Trois heures de route avec un sac de 28 kilos sur le dos! Cette immersion précoce dans une vie d’adulte préfigure une existence qui lui paraît bien

Mira et son frère Pran morne. Mira aurait bien voulu poursuivre sa scolarité. Pour cela, il aurait fallu que sa famille puisse payer ses fournitures scolaires. A 12 ans, on se promet plutôt de lui trouver un mari qu’elle servira fidèlement en lui faisant à son tour une flopée d’enfants qui seront, comme elle, privés d’instruction et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps. Dans cette région pauvre du Népal, le sort réserve assez peu de surprises. Et encore moins de bonnes surprises!


ato e magazine UN JOUR_UN DESTIN : 5 pages


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