ZATOPEK_FRANCE_60_LISEUSE

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zatopekmagazine.com

Courir autrement

Zatopek

N°60 - trimestriel - novembre - décembre 2021 janvier 2022 - France : 6 € - Canada : 8.50 $

Le Magazine Running & Santé de référence en France

ENTRAÎNEMENT

COMMENT CALCULER

SES VITESSES

DE COURSE Témoignages

Les accidentés de la chasse

Endurance

Le bénéfice de la sieste

Antidouleurs

Les gros mensonges du CBD

Santé

Pourquoi les coureurs ont-ils souvent de vilaines dents ? L 16992 - 60 - F: 6,00 € - RD

MARATHON

LA SURPRENANTE HISTOIRE DES SŒURS LUIK


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GRATUIT Marathon, semi, 20km ou 10km

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ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, Aurore Braconnier, François Borel-Hänni, Louise Deldicque, Marc Francaux, Chrissi Pallas, Anouk Ramaekers CREDITS PHOTOS Couverture Belux: Evadict; Couverture Suisse: Redbull contentpool; Couverture France: Nike; Agence Dumas: 10,17,24,25,34,38,40,42,55, 57,59,60,61,62,63,64,65,66; Vinkies Kalahari Expérience: 10; Pierre Mille: 10; Domaine publique: 10,11,16,20,38,39; Spomeidis/ triathlon.org: 11; Camelbak:11; Alain Breyer: 12; Pierre Larauza: 13; Musée de l’homme: 14; Editions Dargaud: 14; Alexis berg: 15; On Running: 16; Profimedia: 16; Hugo Silva/ Redbull contentpool: 18; Alphaspirit/123RF:18; Jacob Lund/Shutterstock: 19; Futuropolis:19; ZHPH Production/Adobe Stock: 21; Adobe Stock: 22-23;55; Depositphotos: 24; George Herringshaw:25; Shutterstock: 26,46; Luik Triplets: 28,29,30,32; Adidas: 31; Wattie Cheung: 33; Deensel: 34; Twitter: 34; Tarmo Haud: 34; Facebokk/Laurengrros:41; The Ivy League: 41; Gorewear: 42; Salphaspirit/CrishPIxel: 43; Emergency Nurses Association: 43; Karel Sabbe: 49,50,51,52,53; UTMB/Frank Oddoux: 53; ThinkStock: 53; Universal History Archive: 53; Chasseur de France: 56. ThinTank photos: 60; Seeland: 64; Hero images: 66 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060(double espace à supprimer) Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11

SOMMAIRE_

EDITORIAL I

l arrive parfois qu’on lise quelque chose et que ce quelque chose vous marque à jamais! Un souvenir personnel? Il y a plusieurs dizaines d’années, je suis tombé par hasard sur un article de Science et Vie qui vulgarisait la pensée du philosophe autrichien Karl Popper (1902-1994). Quel choc! Je devais être âgé d’environ 30 ans et soudain s’éclairait pour moi la distinction entre «science» et «croyance». De façon limpide, l’article présentait ces deux modes de pensée, radicalement différents, en insistant sur le fait qu’ils étaient tous les deux nécessaires pour une vie harmonieuse. Dans ses célèbres Pensées, un autre philosophe, Blaise Pascal (1623-1662), avait déjà songé à faire la distinction entre l’«esprit de géométrie» extrêmement rationnel et l’«esprit de finesse», plus poétique et intuitif. Seulement, il manquait un outil pour tracer clairement la ligne de démarcation. Trois siècles plus tard, Karl Popper lui apportait donc un brillantissime complément avec son concept de «réfutabilité». Le philosophe autrichien proposait en somme de ne pas s’embarrasser du critère de véracité. Qu’est-ce qui est vrai? Qu’est-ce qui est faux? La distinction entre science et croyance n’aide pas à le savoir. Popper conseillait donc de se concentrer plutôt sur la formulation des énoncés et d’utiliser le critère de «réfutabilité» pour distinguer science et croyance. En clair, une matière ne sera déclarée «scientifique» que si elle

permet la contradiction. «Tous les chats sont noirs» est donc une affirmation scientifique dans la mesure où elle pourra être réfutée le jour où quelqu’un exhibera un chat blanc. En revanche, lorsqu’on dit: «les chats ont sept vies», il s’agit d’une croyance. Il est en effet impossible de démontrer l’inexistence de réincarnation chez les chats. Désolé pour tous les lecteurs déjà familiers de la pensée poppérienne! On espère seulement qu’elle servira à ceux qui la découvrent de faire le tri dans le flot des interventions souvent médiocres entendues notamment pendant l’actuelle crise sanitaire. Sans s’en rendre compte, experts, journalistes et politiques entretiennent tout le temps la confusion entre ce qu’ils désignent comme «scientifique» (donc présumé vrai) et ce qui ne l’est pas (donc présumé faux). Or la théorie de Popper a été élaborée précisément pour éviter ce piège. Certes, on peut lui adresser un tas de reproches, au premier rang desquels celui de ne pas être formulée de manière à être réfutée, ce qui conduit à de belles prises de tête conceptuelles. Mais si on l’utilise seulement comme un outil de discrimination, elle s’avère précieuse dans un tas de domaines, qu’il s’agisse de se positionner pour ou contre la chasse, pour ou contre le CBD, pour ou contre la sieste. Telle est la ligne éditoriale suivie par le magazine Zatopek. Et c’est évidemment réfutable comme affirmation.

04_AJOUTEZ A MON PANIER

28_VOYAGE-VOYAGE

Tout ce qu’il faut pour courir à la page

09_COURRIER DES LECTEURS 10_DES HABITS ET MOI

L’histoire de la gourde n’est pas si sotte!

Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306

12_ZOOM

France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56

14_CULTURE CLUB

Trimestriel Octobre, novembre et décembre 2021 N° ISSN 1783-4104 La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com

Mike Powell coulé dans du béton Expo, livres, BD, film: tout le monde court!

16_METROLOGIE

Comment passer de la vitesse à l’allure et inversement

19_ENTRAINEMENT

Le retour de la corde à sauter

Gilles Goetghebuer (en bas à gauche) A la rencontre des sœurs estoniennes: Lily, Leila et Liina Luik

35_DROGUE ET SOCIETE

La génération Purple Drank

38_MEDECINE

Pour ou contre le CBD dans le sport?

44_SANTE

Les dents n’aiment pas le jogging

49_RENCONTRE

Karel Sabbe, un dentiste d’exception

54_SOCIÉTÉ

Je ne suis pas un sanglier

60_TEMOINS

On est parti à la chasse aux témoins

22_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT La sieste à l’épreuve de la science

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AJOUTEZ_À MON PANIER

CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

R-PUR NANO SPORT Le banal masqué La crise sanitaire a complètement banalisé le port du masque en rue. Il se pourrait même que cela crée une rupture dans nos habitudes et qu’à l’avenir, on ne trouve plus du tout étrange de se couvrir le bas du visage soit pour se protéger des microbes, soit pour limiter l’impact de la pollution. Les énormes bénéfices engrangés par les producteurs de masques les poussent d’ailleurs à innover dans cette direction. Désormais, on trouve des modèles qui visent spécifiquement le public des coureurs à pied avec la promesse de filtrer les polluants de plus de 20 nanomètres, soit la plupart des particules fines et des microbes. R-PUR est d’ailleurs le premier et seul masque sportif estampillé «FFP3» (un label dont personne ne connaissait l’existence avant la crise et qui nous est familier aujourd’hui). En revanche, ces masques ne peuvent rien contre des pollutions plus insidieuses issues par exemple de l’usure des pneus, des freins ou des pièces métalliques du moteur à chaque fois qu’on se déplace en voiture. Ces microscopiques fragments métalliques sont comme les billes de plastique qui envahissent nos océans: il est impossible de s’en débarrasser. On ne peut qu’en limiter la production à la source. www.r-pur.com 99€

Et pour courir?

Quelques semaines plus tard, la société Puma publiait à son tour un classement similaire mais se limitait aux seules villes européennes et ne s’intéressait qu’à la course à pied. Là encore, on tenait compte de la pollution, de la circulation, de la météo, critères auxquels s’ajoutaient

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Quelles sont les plus chouettes villes pour faire du sport? La marque américaine Reebok a établi un classement des villes les plus «sport-friendly» dans le monde, en prenant en compte les espaces dédiés aux activités physiques mais aussi la pollution, la sécurité et même les conditions météo. Bizarrement, Tokyo occupe la première place de ce classement grâce à sa très faible criminalité et à la quantité impressionnante de pistes d’entraînement en ville (environ 1500). Evidemment, il faut aimer courir avec beaucoup de monde autour de soi. Sydney arrive en deuxième place grâce principalement au soleil qui brille là-bas presque toute l’année et à une qualité de l’air généralement bonne, sauf quand les forêts avoisinantes sont mangées par des incendies, comme ce fut le cas en 2019. Quant à Londres, elle conquiert la troisième place grâce aux nombreux terrains de sport hérités des Jeux de 2012. Dans ce classement, Paris et Bruxelles occupaient les dernières places des capitales de l’Union européenne. 1/ Tokyo (Japon) 2/ Sydney (Australie) 3/ Londres (Angleterre) 4/ Copenhague (Danemark) 5/ Vancouver (Canada) 6/ Amsterdam (Pays-Bas) 7/ Tel-Aviv (Israël) 8/ Montréal (Canada) 9/ Lisbonne (Portugal) 10/ Helsinki (Finlande)

2 MOIS

Une étude du World Wildlife Fund for Nature (WWF) en France indique que le sport serait lui aussi victime d’un réchauffement climatique compris entre deux et quatre degrés. En gros, on perdrait deux mois de pratique par an. En cause? La multiplication des canicules mais aussi la montée des eaux qui condamnerait de nombreuses installations de bord de mer.

d’autres typiquement pédestres comme le nombre de clubs de course, la richesse du calendrier et même la qualité de l’eau. Sans surprise, Londres occupe la première place. Seulement, cette fois, Paris et Bruxelles font mieux que dans le classement précédent et figurent respectivement aux troisième et quatrième places, juste derrière Dublin.


LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION

PANIER / COURRIER 5 pages


DES HABITS_ET MOI

PETITES ET GRANDES HISTOIRES DE LA GOURDE AVEC LE DÉVELOPPEMENT DES ÉPREUVES EN SEMI-AUTONOMIE, LES GOURDES ONT ENVAHI LA COURSE À PIED. VOILÀ QUI MARQUE UN NOUVEL ÉPISODE DE LEUR TRÈS LONGUE HISTOIRE.

N

os ancêtres préhistoriques emportaient-ils de l’eau avec eux lorsqu’ils partaient pour de longues journées de chasse dans la jungle africaine? La question divise les spécialistes. Martin Hora, anthropologue à l’Université Charles de Prague (Tchéquie), pense que non. Il a modélisé différents scénarios, prenant en compte des paramètres comme la température, l’hygrométrie et bien sûr le morphotype de ces chasseurs, pour déterminer chaque fois une durée maximale théorique d’effort, soit le temps nécessaire pour perdre 10% de son poids en sueur, ce qui En italien, «fiasco» désigne à La technique de l’autruche est incompatible la fois une bouteille recouverte avec la pourd’osier (fiasque, en français) et suite de n’importe un désastre. Tout est parti d’une quel exercice (1). représentation de Domenico «En réunissant Biancolelli, l’un des plus célèbres les bonnes condiarlequins de la Commedia tions, on a compris dell’arte du XVIIe siècle, qui avait qu’Homo erectus pris l’habitude de construire ses pouvait chasser spectacles autour d’un objet du entre cinq heures quotidien. Un soir, alors qu’il et cinq heures et joue un alcoolique accompagné demi sans boire», de sa fiasque, le public reste concluait-il dans un profondément indifférent. Pour précédent numéattirer son attention, Biancolelli ro de Zatopek (2). commence alors à s’en prendre Théoriquement, à sa bouteille et à l’accuser cela devait lui perd’être à l’origine de son échec. mettre de ne pas revenir trop souvent L’assistance se réveilla, le succès bredouille, donc de survivre. Certains vint, et l’expression est restée! des collègues de Martin Hora ne sont pas de son avis. Ils soutiennent que les gourdes étaient déjà connues et utilisées à l’époque des chasseurs-cueilleurs. Sans doute ces premiers humains se servaient-ils de coquilles d’œufs d’autruche comme le font encore les populations bochimanes du désert du Kalahari. Certes, ce poids supplémentaire constituait un handicap au moment de courir, à moins bien sûr que ces œufs n’aient été préalablement déposés en des endroits stratégiques pour permettre de s’hydrater sans abandonner la traque. On ne sait pas. Mais le fait que ces œufs soient si souvent décorés plaide plutôt en faveur de leur dissémination.

Le saviez-vous?

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Montre-moi ta calebasse, je te dirai d’où tu viens.

Les motifs distinctifs seraient alors une façon de signaler qu’ils sont la propriété d’une personne ou d’un clan. Les œufs d’autruche ne sont pas les seuls ancêtres connus de nos gourdes actuelles. Nos aïeux avaient également compris qu’on pouvait faire sécher des calebasses au soleil avant de les évider pour en faire des récipients. Quel autre nom donne-t-on en français à la calebasse, ou Lagenaria siceraria, qui appartient à la famille des cucurbitacées? La gourde, précisément. D’après des fouilles archéologiques, la pointe sud de l’Afrique se divisait pendant la préhistoire en deux zones distinctes: les régions à gourdes sur la côte est de l’actuelle Afrique du Sud et des régions à œufs sur la côte ouest ainsi qu’en actuelle Namibie (3).

Ampulla, la bouteille des seigneurs Au fil des siècles, d’autres matériaux furent testés pour la confection des gourdes: terre cuite, cuir, bois, bronze, verre, étain, etc. Lorsqu’il s’agissait d’objets précieux, il arrivait qu’on les enterre avec leur propriétaire comme on l’a découvert dans des tombes à Chypre datant du XIVe avant notre ère. La gourde, ou plutôt l’ampulla comme on l’appelait au Moyen Age, différait en aspect et en forme en fonction de son propriétaire. «Les aristocrates occidentaux commandent aux artistes et artisans célèbres des récipients finement ouvragés dans des métaux précieux», détaille l’archéologue Pierre Mille (4). «Si certains de ces objets sont des joyaux d’orfèvrerie à but décoratif et ostentatoire, la gourde d’usage champêtre, fabriquée dans une matière peu onéreuse, est employée p a r toutes les composantes de la société.» Malheureusement, ces gourdes de fortune n’étaient pas destinées à traverser les siècles. Faute


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DES HABITS ET MOI 1 page


ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON DÉCOUVRE UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN PROFIL DIFFÉRENT. DANS CE NUMÉRO-CI, C’EST UNE SCULPTURE QUI SERA EXCEPTIONNELLEMENT MISE EN AVANT. ELLE S’INTITULE «30 AOÛT 1991». QUELQU’UN SAIT POURQUOI?  GILLES GOETGHEBUER

_ART & LONGUEUR

L

e 30 août 1991 est la date du plus formidable concours d’athlétisme de tous les temps: celui du saut en longueur aux Mondiaux de Tokyo. D’un côté, on retrouvait Carl Lewis qui n’avait plus été battu dans cette discipline depuis dix ans. De l’autre, Mike Powell qui vivait douloureusement la suprématie de son rival. «Lorsqu’on se trouvait dans la chambre d’appel, je pensais toujours qu’on allait en venir aux mains», se souvient Powell. «Non, j’exagère. Pour être plus précis, c’est seulement moi qui avais envie de le frapper. Carl? Je ne suis même pas sûr qu’il remarquait ma présence.» Le jour de la finale, les deux hommes sont au sommet de leur art. L’un et l’autre réaliseront d’ailleurs le meilleur concours de leur carrière. A la surprise générale, c’est finalement l’«underdog» Mike Powell qui s’impose au cinquième essai grâce à un bond prodigieux de 8,95 mètres! Il établit ainsi le nouveau record du monde de la discipline, alors détenu par Bob Beamon depuis 23 ans. Voilà ce qui s’est passé à Tokyo le 30 août 1991.

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ZOOM / CULTURE CLUB 3 pages


MÉTROLOGIE_

QUELLE ALLURE! LES DÉBUTANTS EN COURSE À PIED SONT SOUVENT ATTENTIFS À «LEUR VITESSE», QU’ILS EXPRIMENT EN KILOMÈTRES/HEURE. LES COUREURS CHEVRONNÉS SONT SEULEMENT SOUCIEUX DE «LEUR ALLURE», QU’ILS MESURENT EN MINUTES AU KILOMÈTRE. ENTRE CES DEUX UNITÉS, IL Y A UN LIEN, BIEN SÛR. ET BEAUCOUP DE MATHÉMATIQUES!

C

ertains se souviennent avec nostalgie des cours de mathématiques de l’école secondaire tellement ils aimaient tous ces problèmes de voitures qui partaient en même temps de Paris et d’Angers mais roulaient à des vitesses différentes dans des sens opposés. Il fallait alors pointer sur la carte l’endroit précis où elles allaient se croiser. Chez les autres, le simple rappel de ces énoncés provoque une forme d’effroi. Toutes les formules se mélangeaient dans leur tête et la seule solution qu’ils finissaient par envisager au problème précité des voitures était un accident frontal dont personne ne sortirait vivant.

Paavo Nurmi, jamais sans mon chrono

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Que tout le monde se rassure, le présent article ne va pas réveiller de trop douloureux souvenirs. On se contentera de rappeler que la notion de vitesse qui intéresse tant les coureurs à pied est déterminée par l’espace et le temps et qu’il faut pouvoir mesurer l’un et l’autre pour lui conférer une valeur. Pour l’espace, c’est facile. A toutes les époques, on a utilisé des unités de mesure qui prenaient souvent comme étalon des parties du corps. On parlait en pieds, en pouces, en coudées. Pour l’écoulement du temps, en revanche, ç’a toujours été plus compliqué. Sabliers et clepsydres étaient sûrement très utiles pour déterminer l’heure des mâtines (prière de la nuit) dans les monastères. Mais ces appareils ne permettaient pas de chronométrer un 100 mètres. On en déduira que la notion même de vitesse a beaucoup évolué à partir de la fin du XIXe siècle lorsqu’on a découpé la journée en heures, minutes et secondes, et que s’est répandu l’usage de montres-bracelets dotées d’une trotteuse fiable. Les traducteurs de textes anciens connaissent bien ce problème. La notion de vitesse était contenue dans des termes latins comme «velocitas» ou «celeritas»,

mais leur sens était probablement différent que celui qu’on leur attribue aujourd’hui. Notre représentation du monde évolue en effet avec la précision des instruments de mesure. Elle continue de le faire à mesure qu’on progresse vers l’infiniment rapide. L’adoption de la seconde remonte à 1889, année de la première Conférence générale des poids et mesures organisée au pavillon de Bréteuil (Hauts-de-Seine). La microseconde (millionième de seconde) est née en 1950. La nanoseconde (milliardième de seconde) date de 1965. Suivront la femtoseconde en 1990 (millionième de milliardième de seconde) puis l’attoseconde il y a dix ans (milliardième de milliardième de seconde). Ces dernières durées sont trop courtes pour qu’on puisse les rattacher à quoi que ce soit dans notre perception du monde réel. Mais elles sont déterminantes en physique quantique où on étudie le déplacement de particules élémentaires (atomes, électrons, etc.). La maîtrise de ces unités nouvelles nous permet donc d’explorer des univers complètement inconnus des générations précédentes de savants. Qu’on le veuille ou non, cela change notre façon de voir le monde.


LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION MÉTROLOGIE

2 pages


ENTRAÎNEMENT_

LE RETOUR DE LA CORDE À SAUTER SAUTER À LA CORDE EST DE NOUVEAU DANS L’AIR DU TEMPS. PEUT-ÊTRE EST-CE UN EFFET DE CES CONFINEMENTS QUI NOUS ONT OBLIGÉS À REPENSER NOTRE QUOTIDIEN? QUOI QU’IL EN SOIT, CETTE PRATIQUE EST REDEVENUE TENDANCE. TANT MIEUX POUR LA FORME ET LA SANTÉ.

L

’histoire de la corde à sauter est indéfectiblement liée à celle du boxeur américain Sonny Liston. Une histoire plutôt tragique, du reste. Malgré ses cent kilos, Sonny Liston était un jouet entre les mains de la mafia qui s’est débarrassée de lui comme d’un vieux mouchoir lorsqu’il a cessé de lui être utile. Si les histoires tristes vous inspirent, lisez la sienne (voir encadré). A faire pleurer les pierres! Pourtant, tout n’est pas moche dans la vie du champion. Liston a aussi connu des heures de gloire dont il profita étonnamment pour mettre

le saut à la corde au goût du jour. L’engouement remonte très précisément au 6 octobre 1963 et au passage de Liston dans l’émission de télévision la plus populaire de l’époque, The Ed Sullivan Show. Le champion du monde des lourds fit alors une démonstration de saut à la corde tout en grâce et souplesse au rythme de la chanson «The Night Train» interprétée par James Brown. On peut voir ces images sur internet. En quelques minutes de sautillement, Sonny Liston mit des millions de téléspectateurs sous le charme de son entraînement, aussitôt copié

par plusieurs générations de sportifs célèbres. Des boxeurs, bien sûr. Mais aussi des basketteurs, des footballeurs, des joueurs de tennis. Sur la toile, on trouve par exemple une séquence où LeBron James, la plus grande star de NBA en activité, saute à la corde avec sa fille Zhuri âgée d’à peine 6 ans. Entre les deux, il y a un bon mètre de différence, de taille. Cependant, ils sont parfaitement à l’unisson. On peut aussi voir Novak Djokovic lancer un défi à ses fans: enchaîner cent doubles tours sans s’arrêter. Puis il en fait la démonstration. Plutôt costaud! 60_ZATOPEK 19


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2 pages


DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT

LA SIESTE À L’ÉPREUVE DE LA SCIENCE

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LA MOITIÉ DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU SACRIFIENT AU RITUEL DE LA SIESTE. DANS LA POPULATION GÉNÉRALE, CE SERAIT PLUTÔT LE CAS DE DEUX PERSONNES SUR DIX. POURQUOI UN TEL DÉCALAGE? 60_ZATOPEK 23


DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT constitution, tandis qu’au Pérou dans les années 80, les fonctionnaires avaient menacé le gouvernement d’un mouvement de grève pour sauvegarder leur droit à la sieste. Bref, l’habitude d’un petit somme à midi est très répandue dans le monde. Pour ses partisans, elle répond même à une nécessité biologique qui touche la plupart des espèces animales. Les singes, par exemple. Dans les familles de macaques ou de chimpanzés, on observe un net ralentissement d’activité en début d’après-midi. Certains s’épouillent paresseusement, d’autres rêvassent au soleil. Beaucoup dorment!

Cuando se come, aqui?

Déjeuner en paix

P

arlez-en avec quelqu’un qui a l’habitude de faire des siestes, il vous dira sûrement qu’il ne s’agit pas d’un caprice mais que cette petite pause en milieu de journée répond au contraire à un besoin irrépressible de sommeil et qu’en son absence, il est parti pour des heures de somnolence et une après-midi improductive. En général, ce coup de fatigue survient vers 13 heures. Si l’on est debout depuis 8 heures du matin, on entame donc sa sixième heure

Un magot endormi

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d’éveil de la journée or le mot sieste dérive du latin «sexta», qui signifie «la sixième». Qui sont ces adeptes de la sieste? D’abord et avant tout, des gens qui peuvent se le permettre. Jacques Chirac parlait de la sieste comme d’une «recette d’équilibre à la portée de tous». Ce n’est pas tout à fait exact. Dans nos pays, la plupart des professions excluent la sieste de leur organisation du temps de travail. A l’école (sauf en maternelle), à l’usine, dans les hôpitaux ou au bureau, le programme de la journée prévoit en général un peu de temps vers midi pour se nourrir. Pas pour se reposer. Ailleurs, c’est différent. On a tous l’image de ce Mexicain endormi sous un sombrero ou de ces villes mortes du fond de l’Espagne «engluées dans la sieste», comme l’écrivait Marguerite Duras. La sieste constitue aussi la norme dans beaucoup de pays d’Afrique. «Quand la terre bronze, les hommes font la sieste», dit un proverbe tunisien. C’est également le cas en Asie et en Amérique du Sud. En Chine, le droit au sommeil l’après-midi (appelé «Xiu-Xi») est inscrit dans la

Comment expliquer cette période d’apathie qui transcende manifestement les barrières entre les espèces? La tentation est grande de la rattacher à l’alimentation. En clair, la digestion du repas de midi détournerait vers les viscères une partie importante de la masse sanguine qui, de ce fait, irriguerait moins le cerveau. D’où l’idée de donner à la sieste son autre nom de «dépression post-prandiale» (du latin «prandium» qui signifie «déjeuner»). Des études ont cependant démontré que lorsqu’on a l’habitude de faire des siestes, ce besoin de sommeil apparaît même avant manger! On en conclut qu’il ne résulte pas seulement d’un phénomène de redistribution sanguine mais qu’il est révélateur d’autres changements dans les rythmes circadiens, comme les variations de température ou de pression artérielle. Ces variations seront d’ailleurs d’autant plus marquées qu’on a l’habitude de faire la sieste, créant ainsi une forme de dépendance bien connue de ceux qu’on appelle les «siestards», auxquels on ajoute souvent l’adjectif «invétérés». Parmi eux, on retrouve Surtout ne pas déranger.


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DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT 3 pages


VOYAGE_VOYAGE

LE 14 AOÛT 2016, LES SŒURS TRIPLÉES LEILA, LIINA ET LILY LUIK PARTICIPAIENT ENSEMBLE À LA MÊME ÉPREUVE OLYMPIQUE, LE MARATHON DES JEUX DE RIO. DERRIÈRE CE FAIT UNIQUE DANS L’HISTOIRE DU SPORT, UNE MAGNIFIQUE HISTOIRE DE FAMILLE.

LES SŒURS SOURIRE 28 ZATOPEK_60


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VOYAGE-VOYAGE 6 pages


DROGUE_ET SOCIÉTÉ

ENQUÊTE SUR UNE TOXICOMANIE ORDINAIRE DEPUIS QUELQUES ANNÉES, UNE MODE VENUE DES ETATS-UNIS S’IMPOSE EN EUROPE. ELLE CONSISTE À BOIRE UN MÉLANGE À BASE DE SODA ET DE SIROP POUR LA TOUX. ATTENTION AUX LENDEMAINS QUI DÉCHANTENT!

«S

ois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.» On connaît ce célébrissime vers de Charles Baudelaire et aussi la réputation du personnage qui cédait volontiers aux promesses des «paradis artificiels», joli euphémisme pour désigner l’opium, le hachich ou encore l’alcool. A tous ceux qui voudraient se rendre compte du niveau de débauche qu’avait atteint le poète, on conseille la lecture du dernier livre de Jean Teulé, intitulé Crénom, Baudelaire! et sorti chez Gallimard. Complètement punk! S’il était né deux siècles plus tard, le poète maudit aurait sûrement été sensible aussi aux charmes de toutes ces drogues analgésiques surpuissantes qui font florès aux Etats-Unis. Là-bas, on estime que deux millions de personnes consomment quotidiennement des préparations à base de ces médicaments opioïdes surnommés «painkillers» (littéralement les «tueurs de douleur», antalgiques de niveaux 2 et 3 en France). Ces préparations ont pour noms Oxycontin, Subutex, Fentanyl, Vicodin, Percocet, Tylenol, etc.

LES HÉRITIERS DE BAUDELAIRE 60_ZATOPEK

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DROGUE ET SOCIÉTÉ 2 pages


DÉBAT_PHARMACIE

POUR OU CONTRE LE CBD DANS LE SPORT? LE CBD (CANNABIDIOL) EST UNE SUBSTANCE TIRÉE DU CANNABIS QUI SE TARGUE D’APAISER LES DOULEURS SANS SUSCITER DE DÉPENDANCE. IL FAIT ACTUELLEMENT L’OBJET D’UN INTENSE MARKETING. POUR QUELS BÉNÉFICES? NOUS AVONS IMAGINÉ CE PETIT DIALOGUE ENTRE DEUX COUREURS. L’UN CROIT AUX VERTUS DU CANNABIDIOL. L’AUTRE, PAS DU TOUT!  Par Gilles Goetghebuer (avec l’aide du Dr. Pierre Schepens et de Marc Kluszczynski) POUR

Le cannabis est connu depuis le début du Néolithique, soit il y a 10.000 ans environ. On apprécie donc cette plante depuis longtemps et ce pour un tas de raisons, notamment pratiques puisqu’on l’utilisait pour tisser les cordes des anciens bateaux à voile. Ces corderies en chanvre étaient même particulièrement nombreuses sur le Vieux-Port à Marseille. D’où la fameuse avenue de la Canebière, un nom dont peu de gens connaissent l’étymologie qui renvoie effectivement à l’industrie du cannabis.

CONTRE

La plante servait à tout en Egypte antique: s’habiller, écrire, se loger et même se soigner. 38 ZATOPEK_60

Jusque-là, je suis d’accord. En plus de fournir des cordes, la plante peut aussi servir à la production d’un tas de matériaux très précieux pour les industries textile, automobile, cosmétique, et on en tire aussi un isolant employé dans la construction. Mieux! On s’est longtemps servi des fibres de cannabis pour faire des billets de banque avant d’opter pour les orties. Comment expliquer qu’au fil du temps, on se soit détourné d’un végétal aussi précieux? La

réponse tient en un seul mot: la drogue! Au cours du XXe siècle, des règlements sévères restreignant la culture du cannabis furent adoptés un peu partout dans le monde quand on s’aperçut que l’essentiel de la production servait en fait à la confection d’hallucinogènes qui, en France, se présentaient le plus souvent sous la forme d’une confiture verdâtre et âcre appelée «dawamesk» (*).

POUR

Tout cela appartient au passé désormais. Les techniques agricoles modernes permettent en effet de produire un chanvre industriel qui se différencie de l’ancien cannabis par sa teneur très faible en psychotropes. Pour comPourquoi la Canebière s’appelle la Canebière?


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MEDECINE 5 pages


SANTÉ_

LES DENTS N’AIMENT PAS LE JOGGING LE SPORT EST EXCELLENT POUR PRESQUE TOUS NOS ORGANES: LE CŒUR, LES POUMONS, LE CERVEAU, LES OS. L’UN D’EUX MANQUE TOUT DE MÊME À LA FÊTE: LA BOUCHE. EH OUI! LE SPORT EST DÉSASTREUX POUR LA SANTÉ DE NOS DENTS. 44 ZATOPEK_60


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SANTÉ 4 pages


RENCONTRE_

UN DENTISTE D’EXCEPTION LE DENTISTE BELGE KAREL SABBE FAIT PARTIE DES MEILLEURS COUREURS D’ULTRA-ENDURANCE DU MONDE. ON NE POUVAIT RÊVER MEILLEUR INTERLOCUTEUR POUR PARLER DE LA RUDESSE AVEC LAQUELLE LES ATHLÈTES AU LONG COURS TRAITENT LEUR DENTITION PENDANT L’EFFORT.

Lauréat de la dernière édition de la Big’s Backyard Ultra, le Gantois Karel Sabbe, 31 ans, a battu plusieurs records sur des parcours mythiques comme le sentier des Appalaches et la Pacific Crest Trail aux Etats-Unis, et il détient depuis cet été le record de la Via Alpina (de Trieste à Monaco).

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RENCONTRE 4 pages


SOCIÉTÉ_

JE NE SUIS PAS UN SANGLIER CHAQUE ANNÉE, DES COUREURS À PIED SONT VICTIMES D’ACCIDENTS DE CHASSE. PARFOIS, ILS S’EN SORTENT AU PRIX D’UNE GROSSE FRAYEUR. PARFOIS, ILS EN MEURENT.

«J

’ai grandi dans le Lot et quand j’étais petite, mes parents m’avaient appris à chanter ‘Je ne suis pas un sanglier’ bien fort dans la forêt, pour éviter tout accident de chasse. Cet air est connu dans ma région où les chasseurs sont légion. Néanmoins, je me promenais sans peur. A hauteur de mes yeux d’enfant, la chasse faisait partie du quotidien. Il s’agissait d’une activité banale et il me semblait évident que les chasseurs n’allaient pas nous tirer dessus», raconte Mila, étudiante et adepte de course

à pied. La jeune femme a révisé son jugement quand, en décembre 2020, son ami Morgan Keane, 25 ans, a reçu une balle dans le thorax alors qu’il coupait du bois chez lui, à Calvignac, dans le Lot. Un accident de chasse, comme on dit de façon particulièrement désinvolte. Mila et ses amis furent d’abord sous le choc, puis en colère avant de prendre le temps de la réflexion. A bien y penser, dans leur entourage, tout le monde avait au moins une anecdote impliquant un chasseur

imprudent. Une agression, une blessure, une menace, combien de personnes en tout avaient été victimes de tels actes? Pour le savoir, les amis de Morgan créèrent le collectif Un jour, un chasseur. L’objectif initial était de récolter sur leurs réseaux personnels des mésaventures vécues par leurs proches. Puis le hashtag s’est propagé à une vitesse folle et les messages ont afflué de la France entière. Aujourd’hui encore, Un jour, un chasseur reçoit une vingtaine de contributions quotidiennes et parmi celles-ci, on trouve beaucoup d’histoires de trail.

Morgan Keane, victime d’une balle perdue

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Mila, son amie d’enfance


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5 pages


TÉMOINS_

BANG BANG DANS LE CADRE DE NOTRE ARTICLE SUR LA DIFFICILE COHABITATION ENTRE COUREURS ET CHASSEURS, NOUS AVONS RECUEILLI LA PAROLE DES UNS ET DES AUTRES. ON EN A MÊME TROUVÉ QUI COMBINENT LES DEUX PASSIONS. UNE DENRÉE RARE!  Propos recueillis par Aurore Braconnier et Olivier Beaufays.

INCOHÉRENCE QUAND TU NOUS TIENS! MICHAËL

«Etant coureur ET chasseur, je suis bien placé pour savoir que la cohabitation entre ces deux communautés est tout à fait possible. Du moins en milieu rural. Aux traileurs, je rappelle souvent que les sentiers qu’ils empruntent ont été initialement prévus pour les chasseurs et parfois entretenus par eux. En forêt périurbaine, je le reconnais, c’est plus compliqué. Du coup, je serais plutôt d’accord pour qu’on n’autorise la chasse qu’un jour sur deux le week-end.»

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SERAIT-CE UNE MENACE? PATRICK

«Habitant la Corse, je ne compte plus les altercations avec les chasseurs. Pas plus tard que la semaine dernière, je me suis fait copieusement engueuler par un chasseur qui estimait que mon vélo et moi étions arrivés trop vite dans son champ de vision. Il trouvait aussi scandaleux que je ne sois pas, comme lui, obligé de porter un gilet de sécurité. ‘Un jour, il vous arrivera malheur!’, m’a-t-il averti avec une note de menace dans la voix.»

Selon une étude Ifop 80% en 2016, c’est le pourcentage de Français qui

souhaiteraient que la chasse soit interdite le dimanche.


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