Zatopek suisse 38 liseuse by Zatopek Magazine

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Zatopek

L’agenda des

courses en Suisse

N°38 - trimestriel - mai - juin - juillet 2016 - Suisse - 10CHF

L e 1 er M a g a z i n e R u n n i n g & S a n t é d e S u i s s e R o m a n d e

On s’en souviendra La course à pied améliore la mémoire

De la tête aux pieds Comment la course à pied interagit !

Science

Le lactate est antidépresseur

TERRIEN OU AÉRIEN QUEL TYPE DE COUREUR ÊTES-VOUS ?

L 16992 - 38 - F: 5,50 € - RD

Homme ou femme ? Déterminez le sexe de 16 corps nus photographiés de dos

ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)9 62 33 75 05 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME I LOVE MEDIA bvba et Denis Thiry REDACTEUR EN CHEF DU MAGAZINE Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anna Muratore anna@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, Aurore Braconnier, Louise Deldicque, David Epstein, Pierre Ficher, Marc Francaux, Cyrille Gindre, Roger Igo, Hilde Meesters, Anna Muratore, Naïm Schneyders CREDITS PHOTOS Pierre Denève: 12; Olivier Beaufays: 13; Focus Features: 14; Jill Viles: 16; Belga image: 17; Nike media: 18,21,27,32; Volodalen: 22,23; George Herringshaw: 23,62; Janos Schmidt/ITU:23; ASO/ Marathon de Paris: 25; OC Sport:35; Olivier Vroenen:36,37,38,39,40; Delly Carr/ITU: 49; Muscle skin: 50,51; Odyssea: 52; Darbaroud: 60,61; Marie-Pierre Fonzny: 63; Dumas/DR: 10,1 3,18,19,20,21,24,26,27,28,29,30,31,33,34,52 ,53,54,57,58,62,63 REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Podium Media Europe SA Mobile: 0032 (0)473 93 41 28 Tel: 0035 (0)226 90 86 69 Fax: 352 24611082 info@podium-media.biz Skype: jpodium Pour la France et la Suisse: Pascal Leost Email: pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 0033 (0)4 32 80 26 83

SOMMAIRE_

EDITORIAL

«D

ieu existe et Jésus est son fils» hurlait-on dans l’oreille de l’enfant. Puis, hop, on le balançait dans l’auge aux cochons. Voilà comment on s’y prenait au Moyen-âge pour ancrer chez les mômes quelques vérités que l’on jugeait indispensables à la bonne organisation de la vie en société. La méthode était rustique, d’accord. Mais d’une efficacité redoutable! L’eau glacée active formidablement les processus de mise en mémoire. La terreur qu’inspiraient jadis les professeurs d’école et le fait qu’ils soient investis d’une autorité immense, y compris pour ordonner des sévices corporels, participaient du même esprit. Bien sûr, cela faisait des élèves traumatisés. Demandez aux personnes âgées. Certaines cauchemardent encore pour des faits qui se sont déroulés à l’école, 50 ou 60 ans plus tôt. Leur mémoire n’a rien effacé! Aujourd’hui, on ne donne plus de coups de règle sur les doigts des élèves et on ne jette plus les enfants dans l’eau. Tant mieux! Les méthodes pédagogiques ont évolué vers des formes moins conflictuelles. Personne ne songe à s’en plaindre. Cette recherche d’une plus grande harmonie doit seulement veiller à ne pas nous leurrer sur les mécanismes de mise en mémoire. Car on n’apprend rien dans le confort! Il faut une dose minimale de stress pour emmagasiner de l’info et l’immense défi de ceux qui sont chargés des tâches éducatives consiste précisément à jouer sur l’intensité des émotions. Ni trop faible, sinon l’enfant s’ennuie. Ni trop forte, sinon il est paralysé! Dans ce numéro, vous verrez que le sport, et singulièrement la course à pied, interfère finement avec les circuits de mise en mémoire et qu’il est dommage -vraiment dommage- que l’école n’exploite pas mieux ces filières et qu’elle laisse aux étudiants eux-mêmes le soin de compenser ces carences. A chaque fin d’année scolaire et face aux échéances des examens, il faut qu’ils s’arrangent pour conserver tout de même quelques plages d’activité physique dans leur emploi du temps et ne pas entièrement se dédier à l’usinage cérébral. L’ambition du dossier en page 24 sera précisément de démontrer qu’il existe un lien étroit entre le bon fonctionnement du corps et celui de l’esprit afin de donner l’envie de lire à ceux qui courent et l’envie de courir à Gilles Goetghebuer, ceux qui lisent. rédacteur en chef

COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France, Suisse et Québec: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56 Trimestriel Mai, Juin, Juillet 2016 N° ISSN 1783-4104

04_ AJOUTEZ A MON PANIER

Tout ce qu’il faut pour courir à la page

10_ COURRIER DES LECTEURS

Les belles lettres

12_ LA MUSE DU COACH

Posez vos questions à l’entraîneur

14_ CULTURE-CLUB

Jesse Owens, sa vie est un film

16_ ZOOM

Une histoire incroyable mais vraie!

18_ TECHNIQUE

Les modes n’épargnent rien. Pas même la façon de courir!

La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéro est interdite

22_ ENQUETE

LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément

24_ NEUROLOGIE

Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays. Email: olivier@zatopekmagazine.com Eric Cornu. Email: eric@zatopekmagazine.com Rédacteurs France et Suisse: Cyrille Gindre cyrille@volodalen.com Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com

32_ DECOUVERTE

Et si c’était le lactate?

35_ JEU

Pourriez-vous reconnaître les sexes?

42_ TEMOINS

Couchsurfing et bonne franquette

48_ DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT

Trop de sport tue le sport

54_ SANTE

Allaiter ou courir: faut-il choisir?

57_ DIETETIQUE

Spiruline, l’autre fée verte

60_ MACADAM PEOPLE

Mohamad Ahansal, le grand-duc du désert

Etes-vous aérien ou terrien? La course à pied favorise la mémoire

ATTENTION

Ne ratez pas notre supplément à détacher au centre du magazine.

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AJOUTEZ_À MON PANIER CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays

ALTRA

www.altrarunning.fr 125€

Laissez tomber le drop Dans le jargon des fabricants de chaussures, le terme “drop” désigne la différence de hauteur entre l’arrière et l’avant du pied. Tous les modèles présentaient un drop plus ou moins important jusqu’à l’arrivée des chaussures dites “minimalistes” qui en était dépourvues et qui se caractérisaient en outre par un minimum de mousse sous le pied. Pour courir à plat, on n’avait donc pas trop le choix. Il fallait aussi renoncer aux semelles épaisses. Et tant pis pour les coureurs lourds! Aujourd’hui, la marque Altra propose des chaussures sans drop mais néanmoins dotées de semelles amortissantes. Un mariage plutôt réussi!

Le saviez-vous? Le fait que toutes les chaussures de course proposent des semelles qui penchent le coureur vers l’avant déplaisait prodigieusement à l’inventeur américain Golden Harper, l’un des fondateurs de la société Altra. A l’arrière-boutique de son magasin de sport, il avait donc installé un mini-four dans lequel il chauffait les semelles pour pouvoir ensuite en raboter le talon et réduire ainsi le “drop”. Bien sûr, cela les fragilisait et faute de convaincre les grandes marques du bienfondé de sa démarche, il a choisi de lancer son propre business.

POUR EN SAVOIR PLUS Le passage à la chaussure minimaliste s’accompagne souvent d’un changement dans le type de foulée avec une prise de contact par l’avant ou le milieu du pied plutôt que par le talon. Tout cela est très bien expliqué dans le livre de Séhel Solarberg “Courir Léger – Light Feet Running”. www.lightfeetrunning.com

16,90€

L’AVIS D’UN PRO

Thomas Lorblanchet, lauréat du 100 miles de Leadville “En tant que kiné-ostéopathe, je suis passionné de biomécanique et je m’intéresse notamment à tous ces travaux autour des bienfaits d’une foulée dite ‘ancestrale’. Courir à plat peut paraître étrange au début. Notamment parce que cela élève légèrement le niveau de tension au niveau du mollet. D’ailleurs, si on a fait le choix de relever le talon à l’origine, c’était pour soulager le tendon d’Achille. Mais le drop provoque aussi une avancée du centre de gravité, ce qui sollicite plus durement tous les muscles de la chaîne postérieure. A mon avis, on a tout intérêt à remettre le corps d’aplomb en optant pour des modèles de chaussures parfaitement planes. Et donc supprimer le drop!”

INSOLITE

4 MARIAGES ET UN ENTRAÎNEMENT

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«W

ill you marry me?» Pour cette demande en mariage d’un type particulier, Martin Rolfe se sera tapé une course de 12 kilomètres à Worthing dans le Sussex (Angleterre). Mais ses efforts n’ont pas été vains puisque sa fiancée, la belle Fatma Turk, lui a répondu «Yes I will!»

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COURRIER_DES_LECTEURS RÉAGISSEZ SUR WWW.ZATOPEKMAGAZINE.COM OU ENVOYEZ VOTRE COURRIER Pour la France et la Suisse: Chemin Georges Brassens - 7, lotissement les Cigales - 84210 Pernes Les Fontaines Pour la Belgique: 177 rue Vanderkindere - 1180 Bruxelles

Fais gaffe à toi, Rimbaud! Fidèle lectrice de votre excellente revue, je me permets de vous adresser ce petit poème dédié à la course à pied: Quand le Mistral se fout en rogne, C’est du sérieux! Vaut mieux s’planquer. La mer s’enrage et se cogne. Le ciel est rose. Délavé... Ne crains pas le Zéphyr qui grogne Et serre quand même tes lacets. Pars sur les routes sans vergogne. Rejoins le paradis des écoliers... Sans avoir peur des salamalecs, Les rafales il faut faire avec... ...Tu liras bientôt ton Zatopek! Patricia Pistilli

Gott hjá þér!

Mauvaises pentes Je suis à la recherche de conseils précis sur la façon d’effectuer des mesures de dénivelée sur une course. Personnellement, j’utilise trois sources: le site de l’organisateur, la carte IGN (fastidieux) et ma montre-GPS. Après l’épreuve, j’ai aussi pris l’habitude d’exporter le fichier gpx de la course sur le site internet «calculitineraires.fr». Mais rien ne concorde! Pouvezvous m’aider? Mickaël Le Jean

Cela signifie “bravo” en islandais. J’ai beaucoup apprécié votre éditorial du dernier numéro de Zatopek qui fait l’éloge de la nuance dans un monde qui en manque sérieusement. Je vous joins une photo que j’ai prise en Islande au cratère de Kerið. François Tefnin

Notre réponse: Pas simple, en effet. On peut aussi se rendre sur le site de l’International Trail Running Association (ITRA) qui recense toutes les difficultés des plus grandes épreuves. Certains logiciels qui intègrent les cartes IGN permettent aussi d’importer des fichiers gpx. C’était le cas de «géorando». Mais il devrait être bientôt retiré de la vente. Enfin, on peut faire une moyenne entre les résultats enregistrés par les autres coureurs. On ne sera pas loin de la vérité!

Juste pour rougir Nous venons de découvrir votre magazine. Et une question s’impose: comment faisions-nous avant pour courir, lorsque votre revue n’existait pas? Original, sans marronnier, scientifique et abordable. Vous nous comblez d’aise! Anna et Jean-Claude Garrigos

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Du bruit, SVP

Dans le numéro précédent, on explique que les mouvements complexes exigent le silence. L’auteur donne alors l’exemple du saut à la perche. Je passe beaucoup de temps dans les stades et je peux vous dire que les perchistes qui exigent le silence sont plutôt rares. La plupart préfèrent les encouragements. Parfois même, ils les sollicitent avant d’entamer leur course d’élan. Pour illustrer le propos, il aurait mieux valu utiliser les exemples du golf, du tennis ou du basket où les supporters de l’équipe adverse ont l’habitude de faire un maximum de bruit pour perturber le lanceur. Frédéric Xhonneux

A l’école des escargots J’ai été agréablement surpris (une fois de plus!) par votre article «première à gauche en sortant» qui traitait du sens préférentiel de rotation sur piste ou dans la nature. Toutes vos hypothèses alimentent la réflexion. On pourrait cependant en ajouter une qui ferait appel à notre nature profonde. Récemment, j’ai eu la chance de visiter une ferme d’escargots. C’était passionnant. L’éleveur nous racontait moult anecdotes sur ces animaux dont le fait qu’il existe naturellement des escargots dextres (qui tournent à droite) ou senestres (qui tournent à gauche). Et si nous étions comme eux? Biologiquement programmés pour dévier à droite ou à gauche? Pascal Courtois

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LA MUSE_DU COACH ENVOYEZ-NOUS VOS QUESTIONS ET NOTRE ENTRAÎNEUR ROGER IGO PRENDRA SA PLUS BELLE PLUME POUR VOUS RÉPONDRE. Le courrier doit être adressé à la rédaction: info@zatopekmagazine.com ou directement via notre site www.zatopekmagazine.com. Vous pouvez y poster directement vos questions en cliquant d’abord sur l’onglet «vos réactions» et puis sur «exprimez-vous». Face à l’abondance de courriers, seuls les abonnés auront désormais le privilège d’une réponse longue et personnalisée. Il suffit de mentionner vos noms et prénoms. L’ancien sous-officier d’élite Roger Igo exerce le métier d’entraîneur depuis plus de trente ans. A 62 ans, il compte de nombreux titres et distinctions en cross, sur route et en montagne.

UN VÉLO POUR DEUX

Nous avons l’intention de faire le marathon de Cologne au mois d’octobre 2016. Comme ce sera notre première expérience sur ce type de course, nous ne visons pas un temps record mais nous espérons seulement finir sans trop de souffrances. En plus de nos entraînements en course à pied, quel sport pourrions-nous faire pour bien nous préparer? Denis Smet Notre réponse Vélo, ski de fond, elliptique, natation ou même la marche active. Toutes les disciplines d’endurance feront l’affaire. Comme vous êtes deux avec le même objectif, vous pouvez aussi opter pour le “Run and bike” où les coureurs se partagent un vélo et changent comme ils l’entendent.

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Parcourez aussi notre grande bibliothèque de questions et de réponses. Vous y trouverez peut-être votre bonheur! www.zatopekmagazine.com

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CULTURE_CLUB

CINÉMA

Rubrique réalisée par Anna Muratore

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Race par Stephen Hopkins, avec Stephan James, Jeremy Irons et William Hurt. TriStar Pictures, 134 minutes. n littérature comme sur écran, la vie de Jesse Owens constitue ce que l’on appelle “un bon filon”. Ses quatre médailles d’or conquises aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 furent un formidable pied de nez aux thèses racistes du troisième Reich. Ces Jeux avaient pour but de glorifier la race aryenne. Or Jesse Owens était de ceux que les Nazis désignaient de façon dédaigneuse comme “les auxiliaires africains de l’équipe américaine”. Ses succès étaient donc embarrassants pour le pouvoir. D’autant qu’ils enthousiasmaient les foules et faisaient de lui un personnage-clé du film Olympia de Leni Riefenstahl. On raconte qu’Hitler, fâché par la tournure prise par les événements, refusa de lui serrer la main. C’est probablement faux. Jesse Owens restait flou lorsqu’on lui posait la question. Mais deux témoins au moins attestent que la rencontre eut bel et bien lieu; qu’elle s’était déroulée derrière le podium à l’abri des caméras; et qu’elle avait été accompagnée de toutes les civilités d’usage. Y compris la poignée de mains. Même furtif, cet hommage rendu à son talent dépasse la reconnaissance qu’Owens reçut des milieux politiques américains. Le Président Franklin Roosevelt oublia de le convier à la Maison Blanche, comme le voulait une ancienne

tradition réservée aux héros sportifs américains. Il ne lui adressa même pas un télégramme de félicitations. Il se pourrait que ce mépris soit à l’origine du choix d’Owens de soutenir désormais le candidat du parti républicain plutôt que le Démocrate pour qui la population noire américaine vote majoritairement. Le retour au pays fut donc difficile. Il faut dire que, pendant son périple européen, l’athlète avait bénéficié d’un traitement auquel il n’était pas habitué. Déjà à bord du paquebot qui emmenait l’équipe américaine sur le Vieux Continent, on avait levé les interdits classiques qui empêchaient toute fraternisation entre Noirs et Blancs. Tout au long de son séjour en Allemagne, il fut accueilli dans les

Sur le podium du saut en longueur

mêmes hôtels que les autres athlètes. Il mangeait à leur table. Toutes des choses inconcevables dans les mœurs ségrégationnistes de l’époque. A son retour aux EtatsUnis, Owens aurait bien voulu capitaliser sur son immense succès. Au lieu de quoi, il fut exclu de l’équipe olympique pour non respect du principe d’amateurisme. Le président du comité olympique américain, Avery Brundage, lui reprochait notamment d’avoir touché de l’argent pour porter les spikes d’un petit fabricant allemand encore peu connu: Adi Dassler (NB: le fondateur de la marque Adidas). Exclu des stades, Jesse Owens disparut de l’actualité. Trente ans plus tard, les journalistes le retrouvèrent pour lui demander ce qu’il pensait du geste de révolte de Smith et Carlos sur le podium du 200 mètres de Mexico. Comme il le désavouait, cela a ancré encore un peu plus profond sa réputation d’”Oncle Tom” au sein de la communauté noire. L’expression désigne l’esclave satisfait de son sort, celui qu’on appelle aussi le “bon nègre”. Mais ce temps-là est révolu! Aux Etats-Unis, l’heure est à la promotion du mouvement de la “Black excellence” ou encore du “Black lives matter” (La vie des Noirs compte!) Les œuvres littéraires et cinématographiques retraçant l’épopée des personnalités afroaméricaines foiLa beauté du Jesse sonnent littéralement: La couleur des sentiments (2011, réalisé par Tate Taylor), 12 years a slave, (2013, réalisé par Steve McQueen) ou plus récemment Selma (2015, par Ava DuVernay). Sur la vie de Jesse Owens, il existait déjà un excellent documentaire au titre éponyme, réalisé par Laurens Grant et récompensé par un Emmy Award en 2012. Voilà l’adaptation cinématographique dont le titre s’épèle simplement: R-A-C-E. Race comme la course, mais aussi comme le mot “race” qui servit si longtemps de critère pour ces discriminations imbéciles.

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ZOOM_PHOTO UNE PHOTO EN DIT SOUVENT BEAUCOUP PLUS QU’ON NE LE PENSE. A FORTIORI DEUX PHOTOS! CELLES-CI FORMENT LA TRAME D’UNE DES HISTOIRES LES PLUS ÉTRANGES QU’IL NOUS AIT ÉTÉ DONNÉ D’ENTENDRE DEPUIS AU MOINS 50 ANS!

_DE DAVID EPSTEIN

la parution de mon bouquin sur l’hérédité dans le sport, j’ai reçu beaucoup de courriers des parents généralement soucieux de savoir si leur enfant possédait les gènes qui pourraient faire d’eux de futurs champions. Dans le lot, il y avait une lettre très différente des autres, signée par une mère de famille de l’Iowa, Jill Viles, me demandant de la mettre en contact avec la sprinteuse canadienne, Priscilla Lopes-Schliep.

En résumé, cette mère de famille m’expliquait qu’elle souffrait d’une maladie génétique, caractérisée par une involution spectaculaire de la graisse et des muscles. Cela s’accompagnait d’autres symptômes plus inhabituels encore comme l’impossibilité d’abaisser la tête pour mettre le menton au contact de la poitrine. Ses pieds restaient aussi en position continuellement tendue ce qui rendait impossible la pose du talon sur le sol. Les bras, en revanche, conservaient toujours un léger degré de flexion. Jill Viles en plaisantait même: «Je suis un peu comme une poupée Barbie!»

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Jill Viles m’envoyait des photos d’elle et me racontait dans le détail les différentes étapes d’un parcours médical plutôt atypique. Sa lettre faisait 15 pages et s’intitulait: «Une victime de sclérose en plaques présente la même mutation génétique qu’une athlète de haut niveau championne olympique.»

Au cours de son adolescence, Jill Viles avait vu ses jambes fondre littéralement jusqu’à devenir fines comme des allumettes. A 18 ans, elle pesait à peine 40 kilos pour 1,60 mètre. Cette perte de masse musculaire était malheureusement irrémédiable. Depuis lors, elle est contrainte de se déplacer en fauteuil.

Sa maladie fut d’abord diagnostiquée comme une sclérose en plaques. Mais trop de symptômes ne concordaient pas. Notamment l’étrange disparition de la masse graisseuse que Jill Viles avait observée sur les bras de son père et de tous ses frères et sœurs. Ceux-ci ne souffraient d’aucun autre handicap. Mais l’existence de ces «bras de Popeye» (l’expression est d’elle) laissait peu de doutes sur le fait qu’ils étaient également porteurs d’anomalies génétiques. Dès l’âge de 18 ans, Jill Viles entreprit des recherches en autodidacte sur le mal qui la rongeait. Pendant des années, elle dévora littéralement tous les ouvrages et les articles scientifiques sur le sujet et elle finit par trouver la réponse. Ce que l’on prenait pour une sclérose en plaques était en réalité une mutation du gène LMNA codant pour une protéine, la lamine, qui intervient dans la formation des tissus constitutifs. Cette pathologie est connue seulement d’une poignée de spécialistes dans le monde sous le nom de «syndrome de Dunnigan». Au plan génétique, elle est proche d’une autre affection tout aussi rare mais plus connue, appelée progéria, qui se traduit par un vieillissement accéléré de l’organisme. A 12 ans, les enfants en paraissent 70 de plus.

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TECHNIQUE_DE COURSE

COURIR À LA MODE LA MODE SE NICHE PARTOUT. Y COMPRIS DANS LA FAÇON DE COURIR! HIER, IL FALLAIT ABSOLUMENT DÉROULER LE PIED. AUJOURD’HUI, ON CONSEILLE PLUTÔT DE REBONDIR SUR LA PLANTE.

La course à pied est-elle sujette aux modes? Clairement, oui. Cela peut sembler bizarre dans la mesure où il s’agit d’une façon de se mouvoir et qu’a priori ces gestes échappent aux influences culturelles. Mais pas du tout! Dans le sport, on copie facilement les attitudes des célébrités (lire encadré). On a vu ça dans le rugby avec des joueurs qui prenaient la pose de Jonny Wilkinson au moment de taper la balle entre les poteaux. Dans le foot aussi, on se tient désormais jambes écartées à la manière de Ronaldo sur coup franc. En course à pied, cela paraît tout de même plus étonnant. L’influence de l’élite est moindre que dans les autres disciplines et personne ne songe à courir comme Mo Farah ou Genzebe Dibaba. C’est vrai. Mais cela ne veut pas dire qu’on reste sans influence. La plupart des coureurs sont friands de conseils et donc attentifs à ce que 18 ZATOPEK_38

disent les entraîneurs ou à ce qu’ils lisent dans les magazines ou les livres d’entraînement. Or ces recommandations varient selon les époques. Il y a vingt ou trente ans, les spécialistes conseillaient de prendre appui

sur le sol en déroulant le pied. Il fallait impérativement atterrir sur le talon et terminer le mouvement par une poussée de la pointe du pied. Aujourd’hui, on prône le contraire. Le contact au sol doit être le plus bref possible. On conseille donc de poser directement l’avant du pied afin de bénéficier d’une meilleure restitution d’énergie élastique. Laquelle de ces deux écoles est la plus juste? Chacune comporte des avantages et des inconvénients. En déroulant le pied, on évite de trop déplacer le centre de gravité sur un plan vertical. On économise de l’énergie. En revanche, on n’en récupère pas beaucoup. Quand on atterrit sur la plante, on étire les structures élastiques à l’ar-

Cyrille Gindre est à la fois chercheur, entraîneur, auteur et éditeur de livres dans lesquels l’activité physique sert de prétexte à une meilleure connaissance de soi et de son environnement (*). Il est aussi le rédacteur du site Volodalen. com, fondé en 2000 en collaboration avec Stéphane Chary (entraîneur) et Olivier Paget (informaticien). (*) Lire notamment Je cours pour ma forme (en vente sur le site Zatopek.com)

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CONNAISSANCE_DE SOI

TOUS LES COUREURS ONT LE MÊME BUT: DÉPENSER LE MOINS D’ÉNERGIE TOUT EN AVANÇANT LE PLUS VITE POSSIBLE. MAIS LES STRATÉGIES DIFFÈRENT.

SALUT

LES TERRIENS A

près des années à observer le style de milliers de coureurs, notre équipe a publié une classification qui les répartit en deux grands groupes selon l’équilibre général du corps (*). Chaque groupe se trouve ensuite subdivisé en deux sous-groupes selon que les coureurs sollicitent prioritairement les masses musculaires au niveau des cuisses ou des mollets. Cette arborescence paraît simple. Elle résulte en réalité d’un long travail de recherche dans la mesure où il fallait évidemment objectiver les impressions visuelles avec les données scientifiques recueillies grâce à l’utilisation d’outils comme les capteurs optiques, les accéléromètres ou les caméras d’analyse du mouvement en 3D. Tout concorde désormais. En se basant sur cette répartition, n’importe quel observateur, même novice, pourra reconnaître assez facilement les grandes tendances stylis-

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tiques. Commençons par détailler le style de ceux qu’on a décidé d’appeler les «Terriens». Ils se caractérisent par un centre de gravité relativement bas avec une projection sur le sol qui passerait au niveau des talons, c’est-à-dire que les Terriens se tiennent naturellement sur l’arrière des pieds. Lorsqu’ils se mettent à courir, ils attaquent le plus souvent par le talon, de façon à bien dérouler le pied sur le sol comme on l’enseignait autrefois. Les pieds devancent la tête. Le balancement des bras est important et participe à la propulsion vers l’avant. Le contact du pied avec le sol est relativement long et la phase d’envol relativement courte. Avantage de la technique: le corps subit peu d’oscillations verticales.

(*) Aerial and terrestrial patterns: a novel approach to analyzing human running, Gindre C., International Journal of Sports Medicine, Oct. 2015

LES L

e coureur aérien est plus aligné que le terrien avec un centre de gravité plus haut. Lorsqu’il court, il oscille davantage et retombe souvent sur l’avant du pied. Les bras servent surtout à équilibrer sa course et moins à se propulser vers l’avant. La tête devance les pieds. L’oscillation et le temps de vol sont évidemment plus importants que chez le terrien. Bref, chacun utilise une stratégie différente pour arriver au même but et y parvient assez bien puisque les études en laboratoire montrent qu’à vitesse égale les économies de course ne diffèrent pas franchement entre les deux types de coureurs. Cette égalité prévaut aussi pour l’équilibre général de la course, même si la

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MÉMOIRE_

QUELLE EST LA DATE DE LA BATAILLE DE MARIGNAN? QUI ÉTAIT SURNOMMÉ «LE GRAND TIMONIER»? QUELLE EST LA CAPITALE DE L’INDONÉSIE? QUI A ÉCRIT LE PÈRE GORIOT? LES BONS COUREURS À PIED EXCELLENT GÉNÉRALEMENT DANS CE GENRE DE QUIZZ. DÉSORMAIS ON SAIT AUSSI POURQUOI!

A LA MÉMOIRE D L

orsqu’on aborde les bienfaits du sport, on pense généralement aux muscles qui grossissent, aux os qui se renforcent, à la graisse qui fond. Les plus calés parlent aussi d’une fréquence cardiaque ralentie grâce à un cœur plus costaud, donc capable d’envoyer plus de sang dans les tuyaux à chaque contraction. On évoquera aussi la baisse de la pression artérielle, la stabilisation du taux de sucre dans le sang, la production accrue d’hormones et de neurotransmetteurs, le renforcement du système immunitaire et d’autres choses encore. Tout cela est bel et bien vrai. Mais il y a fort à parier qu’on oubliera un facteur essentiel dans la pratique du sport. Le fait qu’il améliore aussi la mémoire!

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Une chose précieuse et vulnérable Depuis des siècles, les spécialistes débattent sur la définition de l’intelligence. «La capacité à adapter son comportement dans une situation nouvelle» dit-on souvent. Sauf que les situations ne sont jamais totalement nouvelles. Et quand bien même elles le seraient, notre cerveau s’empresserait de faire le lien avec le souvenir d’expériences simiJean Piaget, le QI entre deux chaises

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NEUROLOGIE_

LACTATE,

SOUVENEZ-VOUS

DE MON NOM! PENDANT DES ANNÉES, LE LACTATE ÉTAIT CONSIDÉRÉ COMME UN POISON. ON LE RENDAIT RESPONSABLE DES CRAMPES ET DE LA FATIGUE MUSCULAIRE. A TORT! AUJOURD’HUI, ON LUI PRÊTE UN TAS DE VERTUS. MÊME CELLE D’AMÉLIORER LA MÉMOIRE. HISTOIRE D’UNE RÉHABILITATION.

ceux qui n’auraient pas suivi les épisodes précédents, rappelons que le lactate est une substance naturellement présente dans le yaourt et dans les muscles des sportifs. Dans le premier cas, sa production résulte de l’activation de bactéries anaérobies capables de transformer les sucres du lait. Dans le second, il s’agit d’un processus ana32 ZATOPEK_38

logue qui se met en place dès les premières secondes d’un effort intense. Le lactate s’accumule alors dans le sang jusqu’à atteindre des concentrations de l’ordre de 25 millimoles/litre chez des champions à l’arrivée d’un 400 mètres. Pendant des années, on a cru que cet engorgement musculaire était à l’origine d’un tas de symptômes désagréables:

crampes, fatigue, courbatures. On parlait du lactate comme d’un déchet métabolique. Puis il a changé de statut. Comme dans l’histoire du vilain petit canard qui se transforme en cygne, il a révélé toute sa splendeur. Ainsi cette filière dite lactique qui aboutit à sa production nous permet de déployer des efforts de haute intensité pendant des périodes relativement brèves, ce qui est très utile quand, par exemple, on se retrouve poursuivi par un chien de ferme. Puis lorsqu’on revient à un effort plus tranquille, ce lactate produit en très grande quantité fait office de carburant d’excellente qualité.

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LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION NEUROLOGIE 3 pages

Passe par chez vous...

Édito Quel beau choix de courses pour ces prochains mois! Que ce soit pour la beauté des parcours et des paysages, pour la solidarité en faveur d’une association humanitaire ou de la recherche, pour la popularité de la course ou pour son caractère inédit… toutes les raisons seront bonnes pour participer à plusieurs d’entre elles. Un choix que votre tête sera amenée à faire raisonnablement si elle veut que vos pieds vous portent tout au long des parcours. Car de la tête aux pieds, nous sommes faits d'éléments hautement spécialisés qui doivent se conjuguer, s’adapter et interagir au mieux pour nous permettre d'avancer dans des environnements aussi différents que le sol souple des pistes, le sable mou des plages, les larges couloirs asphaltés des villes, les sentiers de montagne escarpés et les sinueux chemins forestiers. C’est ce que vous explique en détail le dossier de cette Locomotive.

Cahier régional

ÉDITION SUISSE ROMANDE

Bonne lecture

Sophie SARTET

Sommaire page 02

A VOS AGENDAS page 16 ÇA A EU LIEU page 17 LA LOCO DU MOMENT page 18 DOSSIER: COUREUR DE LA TÊTE AUX PIEDS page 26 ACTUS SCIENCES

Écrivez-nous! >> contact@zatopekmagazine.com

Zatopek n° 38 I mai / juin / juillet 2016 I

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LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION LA_LOCOMOTIVE 32 pages

LE GRAND_JEU DES SEXES

LORSQU’ON PARTICIPE À UNE ÉPREUVE POPULAIRE DE COURSE À PIED, ON VOIT LE PLUS SOUVENT LES GENS DE DOS. AMUSEZ-VOUS ALORS À RECONNAÎTRE LES SEXES. CELA FAIT PASSER LE TEMPS. ET VOUS VERREZ, LA TÂCHE N’A RIEN D’INSURMONTABLE.

il E

Elle

st-ce un homme ou une femme? Reconnaître le sexe de la personne qui court devant soi pose en général peu de problèmes. Même en l’absence de queue de cheval ou de poil au mollet. Qu’est-ce qui nous permet d’être aussi sûrs? Les vêtements ne sont pas tout à fait les mêmes, c’est vrai. Qu’il s’agisse de chaussures ou de maillots de corps, la couleur rose est très utilisée chez les femmes alors qu’elle est quasiment absente de la gamme masculine où le bleu prédomine. C’est amusant d’ailleurs de voir comment les codes de couleurs en course à pied se calquent sur des traditions du début de vie quand l’annonce du sexe du bébé détermine la couleur des dragées. Comme si le fait de courir nous renvoyait au début de la vie. Cependant tous les hommes et toutes les femmes ne sont pas équipés selon les derniers canons de la mode. Or, même vêtus d’un short banal et d’un simple T-shirt, la reconnaissance des sexes pose peu de problème. Mais comment expliquer cela? On s’est posé la question dans cet article et nous avons mené une petite expérience dans laquelle, croyez-nous, il ne faut rien voir de graveleux. Seulement l’ambition de dévoiler les clés du

discernement. L’expérience en question consistait à photographier 16 sujets de dos: huit femmes, huit hommes. Tous coureurs. Mais pour qui on avait pris soin d’élargir le plus possible les critères de performance. Parmi ces modèles, certains courent «à la papa», juste mus par le désir de rester en forme. D’autres ont tutoyé les sommets au plan national et même international pour l’un d’eux. Vous remarquerez aussi qu’ils sont entièrement nus. Cette nudité nous paraissait nécessaire pour distinguer tous les détails anatomiques. Tournez la page. Le premier exercice consiste à regarder les 16 images et cocher la bonne case de l’appartenance générique. Les têtes ne vous aideront guère. Elles sont affublées de perruques pour que l’on ne reconnaisse pas les sujets qui ont accepté de poser pour cette enquête et qu’au passage, nous remercions très chaleureusement. On retiendra aussi leurs expressions sceptiques tandis qu’on leur expliquait les règles du jeu. «C’est vraiment scientifique, votre truc?» A cela, on se trouvait forcé de répondre. «Non, mais c’est rigolo». Et, avec un peu de chance, cela pourrait même déboucher sur quelque chose d’intéressant. A vous de jouer!

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TÉMOINS_

Carnet de ROUTE Hôtel ou couchsurfing? Covoiturage ou transports en commun? Seul ou accompagné? Des coureurs nous racontent comment ils voyagent sur les courses. Et avec qui!

Dossier réalisé par Olivier Beaufays

JAMAIS SANS MON CO-VOITUREUR GÉRARD «En 2014, je cherchais un co-voitureur pour me rendre sur les lieux de course. J’avais glissé un message via le site du marathon des AlpesMaritimes sur un «onrouleensemble. com». J’ai rapidement obtenu une réponse d’un autre participant. On a eu trois heures pour faire connaissance. C’était sympa. Après la course, on est allé manger une pizza. Sur le chemin du retour, il m’a proposé de l’accompagner sur le marathon de Marseille. Je n’avais jamais dépassé la distance d’un semi. Mais j’ai dit ‘oui’. Après la course, on s’est refait une petite bouffe. Un pique-nique improvisé avec la Méditerranée en toile de fond. On ne se voit pas en dehors des courses. Mais quand je programme ma saison, désormais, je tiens aussi compte de son calendrier.»

SUR LE MODÈLE DE BLABLACAR VALÉRIE «Pour moi qui ne roule pas en voiture, les déplacements sont un vrai casse-tête. Faute de solution, je dois parfois renoncer à des courses pour lesquelles je m’étais longuement préparée. Vous imaginez la frustration! Bien sûr, j’ai essayé le covoiturage. Le principe est génial. Malheureusement les organisateurs ne jouent pas toujours le jeu, se contentant de renvoyer les demandes vers des sites comme Ikinoa, Yanoo ou Klikego, qui ne sont ni très réactifs, ni très conviviaux! Il faudrait créer un blablacar sportif.»

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LES COUREURS PARLENT AUX COUREURS ALEXANDRE GALIANA,

CRÉATEUR DU SITE WWW.CARIOCAR.FR «J’habite Paris et, croyez-moi, ce n’est pas toujours évident de se rendre sur les lieux des courses lorsqu’on ne roule pas en voiture. Exemple? Pour rejoindre le Parc des Sports de Choisy où démarre le triathlon de Paris, je dois jongler avec les transports en commun et partir longtemps à l’avance. Pour des épreuves plus lointaines, j’ai tout essayé. Même le train de nuit. Problème! On ne se sent pas toujours très reposé en arrivant. Il faut en outre que le départ de la course ne soit pas trop éloigné de la gare, ce qui est rarement le cas. Le covoiturage? Lorsque vous précisez que vous voyagez avec un vélo et tout le barda indispensable à la course, les propositions se font soudain plus rares. Du coup, avec quelques amis, nous avons eu l’idée de créer «Cariocar». Il s’agit d’un système de co-voiturage spécialisé pour sportifs. Pas de soucis pour le matériel. Entre passionnés, on connaît les contraintes de la pratique. On est sûr aussi de parvenir sur le site de départ. Last but not least: les prix demandés sont inférieurs aux autres sites de covoiturage. Cela marche! Nous avons lancé le service en novembre. Nous collaborons déjà avec près de 200 organisations. Tant mieux! Il n’y a rien de pire qu’un évènement nature pris d’assaut par des centaines de voitures qui tournent pratiquement à vide!

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Soit en milliards le nombre de kilomètres parcourus en voiture par les Français pendant un an. Les déplacements en transports en commun représentent à peine 8,1 milliards de kilomètres.

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LIMITES_PHYSIOLOGIQUES

TROP DE SPO TUE LE SPORT

QUAND PEUT-ON DIRE QU’ON EN FAIT TROP? CETTE QUESTION TARAUDE UN GRAND NOMBRE DE COUREURS À PIED QUI SE DEMANDENT PARFOIS SI LES BIENFAITS QU’ON TIRE DE LA PRATIQUE DU SPORT NE RISQUENT PAS DE S’INVERSER AU-DELÀ D’UNE CERTAINE DOSE.

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PAUSE_RAVITAILLEMENT

Un bébé

dans la course «M aman depuis juste une année, j’ai repris la course progressivement après l’accouchement et accroché mon premier dossard aux 6 mois de mon bébé. J’ai recommencé mollo. Puis je me suis permis d’allonger peu à peu la distance: cross, 10km, semi-marathon. Ensuite, j’ai fait Sierre-Zinal et le Trail des Dents du Midi. Je ne me suis jamais posé la question de courir ou d’allaiter: contrairement à ce qu’on lit parfois, je ne crois pas qu’il soit incompatible de faire les deux. Pour le Trail des Dents du Midi, qui est quand même assez long (56km, 4400m de dénivelée), je savais qu’il faudrait que mon bébé tète une fois pendant la course

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UNE LECTRICE NOUS A ÉCRIT POUR PARTAGER SES DOUTES SUR UN ASPECT DE LA MATERNITÉ RAREMENT ABORDÉ DANS LES MANUELS. PEUT-ON COURIR ET ALLAITER EN MÊME TEMPS?

pour ne pas risquer l’engorgement. Après 4 heures 15 de course, j’ai donc pris 10 minutes de pause à Vérossaz pour allaiter, avant de repartir pour encore 7 heures 15 d’effort. Et quelle motivation de savoir que mon bébé m’attendait à l’arrivée pour la deuxième tétée de la journée!» Stéphanie. Kate Middleton, la princesse pressée

Comment font-elles? Cette lettre parvenue dans nos bureaux à la fin de l’été passé a suscité des réactions très différentes parmi les lecteurs et surtout les lectrices de la rédaction. Certaines, frappées d’incrédulité, ont réagi un peu comme devant les photos de Kate Middleton aux portes de l’hôpital de St Mary à Londres, toute pimpante et bien habillée, quelques heures seulement après avoir accouché de son royal bébé. Elles ne pouvaient s’empêcher de comparer ces images d’allégresse avec leurs propres souvenirs de convalescence post-partum nettement plus douloureux. Inévitablement, elles se sont demandé alors: «Comment fontelles?» Disons que Stéphanie et

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DIÉTÉTIQUE_

Les aventures de la Spiruline DEPUIS QUELQUES ANNÉES, LES TRADITIONNELLES PÂTES D’AVANT COURSE SE PARENT PARFOIS D’UNE TEINTE VERDÂTRE ASSEZ PEU RAGOÛTANTE. VOUS REPRENDREZ BIEN ENCORE UN PEU DE «SPIRULINE»?

«E

n 2005, j’ai rejoint le groupe des consommateurs de la petite algue» confie l’ultra-traileur viennois Sébastien Chaigneau. Depuis lors, il ne se déplace plus sans ses petits sachets de poudre verte. Dix grammes suffisent pour tenir le coup d’une course comme le Liwa Challenge (200 kilomètres en autonomie complète dans le désert d’Abu Dhabi). «J’ai l’impression que la spiruline améliore ma récupération musculaire» explique-t-il. Dans le monde de l’ultraendurance, ils sont nombreux à être tombés sous le charme de cette nouvelle fée verte; au point d’éprouver un état de manque lorsque, par malheur, celle-ci fait défaut. Dans un reportage diffusé sur France 3, l’ultra-traileuse varoise Stéphanie

Rivière racontait sa mésaventure lors de sa participation aux 100 kilomètres du Verdon. Sans spiruline! «Je l’avais oubliée à la maison» ditelle. «Pendant l’épreuve, j’ai eu faim. Après l’épreuve, j’ai mis aussi beaucoup plus de temps que d’habitude pour récupérer.» Sur Internet, beaucoup d’autres champions plaident en faveur de l’algue. Problème: la plupart sont liés d’une façon ou d’une autre aux sociétés productrices. Sébastien Chaigneau, par exemple, s’exprimait au micro

de Jean-Bernard Simian, ingénieur agricole et concepteur de la première ferme 100% spiruline de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2005. Peut-on croire ces beaux discours? Et que dit la science? Enquête!

L’antioxydant de la mer Cela fait quelques décennies que les nutritionnistes s’intéressent aux algues, rebaptisées pour l’occasion «légumes de la mer». On leur découvre un tas de vertus qui font parfois défaut aux aliments terrestres. Les cuisiniers aussi sont intrigués et concoctent de nouvelles recettes comme celles des pâtes ou des gnocchis à la spiruline. Quant aux scientifiques, ils la désignent par son nom latin (Arthrospira platensis) et s’interrogent sur son appartenance phylogénétique à la frontière entre le monde animal et le monde végétal. A l’instar des autres plantes, elle croît effectivement par photosynthèse grâce à de fortes teneurs en chlorophylle qui lui confèrent cette teinte bleu-vert caractéristique. Mais ses mem38_ZATOPEK 57

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MACADAM_PEOPLE

MOHAMAD AHA CHAMPION DU D PENDANT PLUS DE QUINZE ANS, LES FRÈRES AHANSAL ONT DOMINÉ LE MARATHON DES SABLES. A EUX DEUX, ILS COMPTENT 15 VICTOIRES. EXCUSEZ DU PEU! ET DIRE QU’ILS ONT BIEN FAILLI NE JAMAIS Y PARTICIPER.

(PREMIÈRE PARTIE)

ohamad et son aîné Lahcen ont fondé un campement berbère à trente kilomètres de la ville de Zagora, aux portes du désert marocain. Ici, dans un coin aussi perdu que paradisiaque, à côté de dunes où l’on cultive les désormais populaires pastèques de Zagora, Mohamad et Lahcen organisent des randonnées touristiques et des stages pour coureurs aguerris tout au long de l’année. Je le rejoins à l’occasion de sa

nouvelle course «Ultra Trail Morocco Eco Sahara». Une première! Une vingtaine de coureurs européens, principalement des Allemands, Anglais et Suisses, ont répondu présent, guidés par la sympathie qu’ils éprouvent pour le coureur nomade. L’interview se déroule la veille de la course, à 22 heures. Tandis que les coureurs se reposent déjà - ils se lèvent aux aurores le lendemain - à voix basse, Mohamad nous raconte son parcours atypique.

Mohamad Ahansal a remporté le Marathon des Sables à cinq reprises (1998, 2008, 2009, 2010, 2013) et terminé dix fois deuxième, souvent derrière son frère Lahcen (dix victoires). En 1998, il a aussi établi le record du marathon dans le désert (2 heures 48 minutes). Devenu guide de haute montagne, il partage désormais son temps entre la participation à des trails partout dans le monde comme le Volcano Marathon au Chili ou Fire and Ice Ultra 250km en Islande et l’organisation de courses et randonnées au Maroc. Il a notamment créé l’Ultra Trail Morocco Eco Sahara (109 et 65 kilomètres dans le désert) et le Trans Atlas Marathon, une course de 285 kilomètres dans les montagnes marocaines. Voir le site: transatlasmarathon.com

Pour aller plus loin: Marie-Pierre Fonsny, Marathonien des Sables, Lahcen Ahansal, enfant nomade et star du désert, L’Harmattan, 2012 (récemment traduit en anglais!)

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