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des courses en Suisse
Zatopek
N°61 - trimestriel - février - mars - avril 2022 - Suisse - 10CHF
Le Magazine Running & Santé de référence en Suisse
Santé
Le psoas en accusation
Evolution Parlez-en à votre chien
Montres GPS
Comment bien utiliser “Form Power”
ENTRAINEMENT
LE RETOUR DES LACTATES Vaincre la procrastination Les trucs de nos lecteurs
L 16992 - 61 - F: 6,00 € - RD
POURQUOI GRETE WAITZ N’A JAMAIS EU D’ENFANT
ZATOPEK EST UNE PUBLICATION DES Editions Sport et Santé sprl 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles (Belgique) TVA: BE 0882 202 726 Tel: 00 32 (0)2 538 54 58 Fax: 00 32 (0)2 537 13 38 Email: info@zatopekmagazine.com Site web: www.zatopekmagazine.com SERVICE ABONNEMENTS Sur le site www.zatopekmagazine.com ou par téléphone: 00 33 (0)4 32 80 26 83 (France) et 00 32 (0)2 538 54 58 (Belgique et autres pays). EDITEUR RESPONSABLE Gilles Goetghebuer 177 rue Vanderkindere B-1180 Bruxelles DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-Paul Bruwier jpb@zatopekmagazine.com CONCEPTION ET GRAPHISME ILOVE MEDIA bvba REDACTEUR EN CHEF Gilles Goetghebuer gilles@zatopekmagazine.com SECRETAIRE DE REDACTION Anouk Ramaekers anouk@zatopekmagazine.com ICONOGRAPHIE Olivier Beaufays olivier@zatopekmagazine.com ONT COLLABORE A CE NUMERO: Olivier Beaufays, Aurore Braconnier, François Borel-Hänni, Grégory Chanez, Charlotte De Smet, Louise Deldicque, Marc Francaux, Anouk Ramaekers, Olivier Rousseau CREDITS PHOTOS XXX REGIE PUBLICITE Toutes éditions, Belgique et Luxembourg: Ghislaine De Drijver et Isabelle Crutzen Sport Consulting & Education & Medias SA Mobile: 0032 (0)477 63 01 44 isabelle@zatopekmagazine.com Pour la France et la Suisse: Pascal Leost pub@zatopekmagazine.com 7 lot. Les Cigales Chemin Georges Brassens 84210 Pernes-les-Fontaines Tél: 00 33 (0)4 32 80 26 83 COMMISSION PARITAIRE: 1115 U 89417 IMPRESSION Imprimé en Belgique/Printed in Belgium Imprimerie Bietlot Rue du Rond-Point 185 B-6060 Gilly Belgique DISTRIBUTION Belgique: Tondeur Diffusion Patrick Malotaux 9 Avenue Van Kalken 1070 Bruxelles Tel: 0032 (0)2 555 02 11 Luxembourg: MPK – Elisabeth Biever 11, rue Ch. Plantin – B.P. 2022 L-1020 Luxembourg Tel: 0035 (0)2 499 888 306 France et Suisse: MLP ZA de Chesnes -55 bd de la Noirée F-38070 Saint Quentin Fallavier Tel: 0033 (0)4 74 82 39 56
SOMMAIRE_
EDITORIAL D
ans ce numéro, un gros dossier est consacré à la procrastination, c’est-à-dire à notre tendance à remettre les tâches ennuyantes à plus tard. Les lecteurs nous ont confié leurs petits trucs pour que cette procrastination ne s’applique pas à leurs entraînements. Dans l’article qui lui est consacré, on verra aussi que ce comportement recouvre différentes sciences: neurologie, psychologie, anthropologie, sociologie et même linguistique. Car le mot est d’utilisation récente en français. On parle de procrastination depuis le début des années 90. Pas plus tôt. Depuis quelques mois, une autre locution sibylline s’est immiscée dans notre vocabulaire. Encore plus sophistiquée que procrastination. Il s’agit de l’«ultracrépidarianisme», qui désigne l’attitude de ceux qui n’hésitent pas à donner un avis en dehors de leur sphère de compétence. Le mot existait en anglais depuis des siècles. Il n’a traversé la Manche qu’à la faveur de la crise sanitaire et des nombreux débats qu’elle a suscités: sur l’origine de la maladie, l’efficacité des gestes barrières, les vaccins, etc. Dans un contexte aussi polémique, il constitue une arme imparable de dénigrement, ce qui lui a permis de prendre le dessus sur ses équivalents comme «cuistrerie», «pédanterie» ou «toutologie». En règle générale, on se réjouit quand la langue s’enrichit d’un nouveau terme. Dans le cas présent, on reste tout de même dubitatif. L’ultracrépidarianisme risque fort de devenir le refuge corporatiste de ceux dont Coluche disait en rigolant qu’ils «s’autorisent à penser», par opposition à ceux qui ne devraient pas
«s’autoriser à penser». Coluche est mort il y a 35 ans. Entretemps, le monde a changé. Grâce à internet, chacun a accès à une masse immense d’informations qui peut le mettre à égalité de savoir avec les meilleurs spécialistes dans n’importe quel domaine. A condition de travailler, évidemment. On doit choisir ses sources, recouper les informations, les compléter avec d’autres, les confronter aux avis contraires. Du coup, ce qui fait gage pour une opinion «autorisée», ce ne sont pas les titres et les diplômes mais des qualités comme le doute, l’humilité, la curiosité et l’écoute. Or celles-ci ne sont malheureusement le propre d’aucune profession. Pour cette raison, on craint un peu que l’ultracrépidarianisme ne suive le chemin d’autres expressions à la mode comme «moutonnier» ou «complotiste», qui servent désormais d’anathèmes. Dans son livre Comment voyager avec un saumon, Umberto Eco invite ses lecteurs à composer des mots nouveaux. Il donne lui-même quelques exemples comme «luchomiction» (pisser dans un violon), «pyropygie» (mettre le feu aux fesses d’autrui), «tétrapilectomie» (couper les cheveux en quatre) ou encore «hellénépiphanisation» (se faire voir chez les Grecs). En conclusion de cet éditorial, proposons à notre tour «crédodécathénisation» pour désigner le déverrouillage des esprits qui fait tellement défaut aux discussions actuelles.
04_AJOUTEZ A MON PANIER
30_SCIENCE
08_DES HABITS ET MOI
35_PSYCHOLOGIE
11_COURRIER DES LECTEURS
42_TEMOINS
Tout ce qu’il faut pour courir à la page Petites et grandes histoires des imperméables
12_ZOOM
Les performances d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Trimestriel Février, mars, avril 2022 N° ISSN 1783-4104
14_CULTURE CLUB
La reproduction des textes et photos publiés dans ce numéroest interdite.
16_ENTRAINEMENT
LA LOCOMOTIVE (toutes éditions) Est un supplément gratuit au trimestriel Zatopek et ne peut être vendue séparément. Rédacteurs Belgique: Olivier Beaufays olivier@ zatopekmagazine.com Eric Cornu eric@zatopekmagazine.com Rédactrice France et Suisse: Sophie Sartet sophie@zatopekmagazine.com
100% trail
Comment calculer son économie de course?
20_SANTE
Gilles Goetghebuer
Comment les chiens sont devenus des chiens La procrastination rend sourd! Avez-vous tendance à repousser les échéances?
50_PORTRAIT
Jo Schoonbroodt, un septuagénaire à vif
54_LITTÉRATURE
Mathieu Palain parle de Toumany Coulibaly, l’athlète-cambrioleur
62_INCROYABLE MAIS VRAI
Histoire d’une malédiction africaine
Psoas, le muscle-poubelle
24_DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT Biocapteurs: l’entraînement du futur
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AJOUTEZ_À MON PANIER
CHAQUE SAISON VOIT FLEURIR SON LOT DE NOUVEAUTÉS. VÊTEMENTS, CHAUSSURES ET AUTRES GADGETS POUR RENDRE LA COURSE À PIED PLUS MODERNE. TOUJOURS PLUS MODERNE. Rubrique réalisée par Olivier Beaufays
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L’arrivée des Nike Vaporfly a bouleversé le marché de la chaussure de course. Ces modèles semi-rigides permettent en effet de grapiller les minutes sur marathon. En revanche, ils sont onéreux (300 euros) et s’usent vite (durée de vie de 200 kilomètres environ). Avec la gamme Speed Carbon, la marque suisse Scott Sports, actrice historique dans les domaines du ski et du vélo, propose une alternative plus qu’intéressante. Jugée plus stable par ceux qui l’ont essayée et surtout moins chère et plus durable, la Speed Carbon RC peut s’utiliser aussi bien à l’entraînement qu’en course. Bien joué!
Tout sur ma mère
Le coureur espagnol Eric Domingo Roldan a poussé sa mère en fauteuil tout le long du dernier marathon de Barcelone, disputé en novembre dernier. Roldan a terminé la distance en 2 heures 53 minutes et 28 secondes, améliorant au passage le précédent record de 5 minutes et 40 secondes. «Aujourd’hui est le plus beau jour de ma vie», s’est exclamée à l’arrivée sa maman Silvia, atteinte de sclérose en plaques.
ON RUNNING
ERGYSPORT Inattaquable! Ces barres énergétiques (aux saveurs «graines et fruits secs» ou «multi-fruits») ne se distinguent pas seulement par leur goût et leur texture. Elles sont aussi labellisées ECOCERT et Sport Protect, ce qui signifie que tous leurs ingrédients sont issus de l’agriculture biologique et qu’aucun ne contrevient à la législation antidopage.
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Des pompes à CO2 Après quatre années de recherche, la société On est parvenue à créer une mousse amortissante à base de gaz carbonique. Le process est assez compliqué. Il implique de capter le CO2 d’une usine avant qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère. On lui fait subir toutes sortes de Rimbaud est traitements pour le transformer en éthanol, puis souvent décrit comme en éthylène, puis en pellets d’EVA (éthylène-vi«L’homme aux semelles de vent». La poésie rejoint ici la nyl-acétate) avec lesquels on confectionne des chimie en proposant de fabri- semelles. Cette technique mérite d’être affinée dans les années à venir. Mais elle indique claiquer des semelles rement le chemin du progrès, c’est-à-dire la à partir de gaz valorisation de déchets industriels plutôt que carbonique. leur largage dans l’environnement. 4 ZATOPEK_61
Insolite
Les hommes ne sont pas les seuls à battre des records. Cette barge rousse (un oiseau migrateur) vient de couvrir 13.000 kilomètres entre l’Alaska et la Nouvelle-Zélande en seulement onze jours. Une performance authentifiée par GPS.
LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION
PANIER 3 pages
DES HABITS_ET MOI
PETITES ET GRANDES HISTOIRES DES VÊTEMENTS IMPERMÉABLES
CELA N’A L’AIR DE RIEN MAIS RESTER AU SEC SOUS LA PLUIE REPOSE SUR DES PROUESSES INDUSTRIELLES QUI MÉRITAIENT BIEN QU’ON EN FASSE LE RÉCIT.
De tout temps, les hommes ont cherché à se protéger de la pluie. A l’époque préhistorique, on imagine qu’ils devaient déjà enduire de graisse les peaux de bêtes qui leur servaient d’habits. Il ne reste évidemment aucun vestige de leur inventivité. En revanche, on sait qu’à la fin du premier millénaire après J.-C., les paysans chinois avaient trouvé le moyen de tresser des feuilles pour se protéger lors des périodes de mousson. Les Inuits aussi ont découvert assez tôt que des intestins séchés de baleines et de phoques avaient des propriétés très intéressantes de protection contre le froid et l’humidité. Quant aux Indiens d’Amazonie, ils utilisaient la sève d’un arbre, l’hévéa, pour en enduire leurs capes et leurs sandales afin de les rendre imperméables. Cette sève avait l’aspect d’un liquide blanchâtre qu’ils appelaient «caucho». Du moins est-ce le mot que crut comprendre le Français Charles Marie de La Condamine (17011774) quand il fit leur rencontre lors d’un voyage scientifique au Pérou en 1736. Il écrivit à ce propos un courrier à l’Académie des sciences et voilà com-
La mousson, moi? Jamais! 8 ZATOPEK_61
Des intestins anti-grêle
ment le terme «caucho», auquel on reprochait sans doute sa consonance trop primitive, est devenu «caoutchouc» en français. Quelques décennies plus tard, Trench-coat s’en va-t-en guerre ce même matériau piqua l’intérêt du dénommé Jacques Charles (1746-1823) Restait cependant un problème de taille: qui était alors en pleine compétition la transpiration. Lorsqu’on portait ces avec les frères Montgolfier pour réaliser premiers imperméables, on était protégé le premier vol habité. En 1783, il utilise des intempéries, certes. Mais la barrière donc cette sève tropicale pour étanchéihydrophobe rendait impossible l’évaser une étoffe de soie. Bonne pioche! Il cuation de la sueur qui, de ce fait, ruispossède ainsi une membrane à la fois selait le long du corps sans lui apporter légère et résistante à la pluie. L’idée sera la moindre fraîcheur. Cette expérience reprise plus tard par l’Anglais Samuel désagréable explique Peal qui incorpore de la que le «trench-coat» (littérébenthine au mélange téralement «manteau de pour mieux imprégner tranchée») se soit finales tissus. Cela marche! lement imposé, plutôt La Révolution française que le Macintosh, lors s’accompagne ainsi de la Première guerre d’une autre libération: on mondiale. Il était constipeut désormais marcher tué d’une base en coton sous la pluie sans être traitée dans une solution mouillé. Cela dit, ces prechimique pour l’impermiers vêtements imperméabiliser un peu. Ce méables étaient très peu n’était pas idéal. Mais pratiques. Le caoutchouc tout de même mieux que qu’ils contenaient avait de macérer dans son jus. tendance à coller par On le voit. Les guerres temps chaud ou à durcir ont été souvent le moteur dans le froid. Il fallut atdes innovations industendre 1823 pour qu’un trielles. Le sport aussi. chimiste écossais du nom Le 27 août 1783, le ballon imaginé par Jacques Charles parcourut seize kilomètres. Notamment l’alpinisme de Charles Macintosh ait qui, à sa naissance au XIXe siècle, iml’idée de modifier la texture de base en lui ajoutant du naphta issu des méthodes pliquait qu’on se protège à la fois de de raffinage du pétrole brut. Selon les la neige, de la pluie et du vent tout en spécialistes d’histoire militaire, ces nourestant libre de ses mouvements. Les velles gabardines, en permettant de garpionniers de cette nouvelle discipline opder les soldats anglais au sec sous toutes tèrent donc pour de gros vêtements de les latitudes, participèrent ainsi aux suclaine ou de coton qu’ils travaillaient à cès de l’armée britannique, la plus puisl’aide de toutes sortes de produits natusante du monde! Voilà comment, après rels ou chimiques pour éviter que l’eau des siècles de tâtonnements, l’homme ne soit trop vite emprisonnée dans leurs était parvenu à domestiquer la pluie. mailles. Cela marchait moyen.
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DES HABITS ET MOI / COURRIER 3 pages
ZOOM_PHOTO EN OBSERVANT ATTENTIVEMENT UNE IMAGE, ON DÉCOUVRE UN TAS DE DÉTAILS QUI ÉCLAIRENT LE SPORT SOUS UN PROFIL DIFFÉRENT. CETTE FOIS, ON A PORTÉ NOTRE ATTENTION SUR DES GRAPHIQUES QUI MONTRENT QUE TOUTES LES DISCIPLINES DE L’ATHLÉTISME NE SONT PAS LOGÉES À MÊME ENSEIGNE EN MATIÈRE DE JEAN-PAUL BRUWIER PROGRESSION DES PERFORMANCES.
_RECORDS
C
et athlète s’appelle Joshua Abuaku. Il est allemand et avait terminé avec le seizième temps des demi-finales du 400 mètres haies aux Jeux de Tokyo de l’été dernier. Cette performance est passée très inaperçue. Surtout en regard des courses stupéfiantes du Norvégien Karsten Warholm et de l’Américaine Sydney McLaughlin qui profitèrent de leurs finales respectives pour battre les records du monde de la distance, masculin et féminin. Nous avons cependant retenu cette image pour illustrer une petite recherche sur l’évolution des performances au cours des vingt dernières années. Pour cela, nous avons porté notre attention sur celles et ceux qui, comme Abuaku, ont
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terminé aux seizièmes rangs des classements mondiaux à l’issue de chaque année olympique entre 2000 et 2021. Sur le 400 mètres haies, l’homme qui occupait la seizième place en 2000 s’appelait Sherman Armstrong. Il avait signé un chrono de 48’’61 à Durham (Etats-Unis). Dans le tableau, vous verrez qu’avec cette performance, sa place dans la hiérarchie mondiale aurait évolué au fil du temps. Il aurait terminé vingtième en 2004 (année des Jeux d’Athènes). Puis neuvième en 2008 (Jeux de Pékin), douzième en 2012 (Jeux de Londres), sixième en 2016 (Jeux de Rio) et 17e en 2021 (Jeux de Tokyo). Nous avons répété l’opération pour les 18 disciplines athlétiques en relevant chaque
fois l’évolution de la performance du seizième mondial en 2000. Cette façon de procéder permet de se faire une idée de l’évolution des performances dans leur ensemble, ce qui est beaucoup plus précis que la simple analyse des meilleures performances de l’année, trop dépendantes d’exploits individuels. Voici les résultats sous la forme de trois tableaux représentatifs de cette évolution, en distinguant entre les épreuves dites techniques, le sprint et le fond. Quant au choix des années olympiques, il s’explique par la nécessité de comparer des performances à «motivations égales». Or on sait que les Jeux constituent souvent l’échéance la plus importante de la vie d’un athlète.
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ZOOM / CULTURE CLUB 3 pages
TECHNOLOGIE_
COURIR,
LA BELLE AFFAIRE CHAQUE COUREUR POSSÈDE UNE FAÇON SPÉCIFIQUE DE COURIR ET LES MONTRES SOPHISTIQUÉES QU’ON TROUVE SUR LE MARCHÉ SE TARGUENT DE DISTINGUER ENTRE CEUX QUI COURENT À L’ÉCONOMIE ET CEUX QUI SERAIENT PLUS DISPENDIEUX EN ÉNERGIE. PEUT-ON LES CROIRE?
P
renez n’importe quel mot de la langue française: chien, table, vélo, grognard, rouflaquettes, tapenade… quelques phonèmes suffisent alors à faire naître dans nos esprits les images associées sans devoir fournir de gros efforts intellectuels. C’est étrange quand on y réfléchit. Car il existe une multitude de chiens, une multitude de tables, une multitude de vélos et ainsi de suite. Si on ne les confond pas, c’est donc qu’on a appris à catégoriser le monde à partir de grandes familles
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sémiologiques afin de se parler les uns aux autres sans trop se tromper de sens. Il en va de même pour les abstractions (bonheur, regret, avenir) et pour les actions (manger, dormir, faire la vaisselle). A présent, intéressons-nous un peu au mot «courir». Chacun voit plus ou moins de quoi il s’agit. Ce verbe permet notamment de faire la distinction avec une autre action locomotrice relativement proche, c’est-àdire marcher, en tenant compte d’un certain nombre de critères. Mais lesquels? Vous êtes-vous déjà posé la
question? Serait-ce la vitesse de déplacement? Non. Les meilleurs marcheurs athlétiques sont capables de tenir longtemps des moyennes de l’ordre de 15 et même de 16 km/h, soit une vitesse très supérieure à celles de nombreux coureurs. Seraitce alors que la course implique un temps de suspension dans les airs? Non plus. Observez attentivement les joggeurs que vous croisez en rue et dans les parcs. Un grand nombre d’entre eux gardent toujours une partie de corps au contact du sol. Pourtant, ils courent. On n’a pas de doute là-dessus. Tout se passe comme si nous avions dans la tête un système de reconnaissance algorithmique qui permet de discriminer les allures en tenant compte de paramètres qui échappent en grande partie à notre conscience. Lorsqu’on se trouve en situation de vouloir améliorer ses performances, il devient intéressant de creuser un peu la question
LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION ENTRAÎNEMENT
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PLAIDOYER_PSOAS
ON M’APPELLE
MUSCLE POUBELLE
C’EST UNE PREMIÈRE DANS NOTRE MAGAZINE. NOUS AVONS LAISSÉ LA PAROLE À UN MUSCLE POUR QU’IL PUISSE SE DÉFENDRE DE SA DÉSASTREUSE RÉPUTATION PUISQU’À CÔTÉ DE SON NOM VÉRITABLE, LE PSOAS-ILIAQUE, ON LUI ACCOLE SOUVENT L’EXPRESSION «MUSCLE POUBELLE».
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LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION SANTÉ
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DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT
BIO
L’EN
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CAPTEURS,
TRAÎNEMENT
DU FUTUR LA TECHNOLOGIE PERMET DÉSORMAIS DE SURVEILLER EN DIRECT L’ÉVOLUTION DE PLUSIEURS PARAMÈTRES PHYSIOLOGIQUES PENDANT L’EFFORT: LA FRÉQUENCE CARDIAQUE BIEN SÛR, MAIS AUSSI LE TAUX DE SATURATION EN OXYGÈNE, LA TEMPÉRATURE, LA GLYCÉMIE, LE LACTATE. DEMAIN, IL SE POURRAIT TRÈS BIEN QU’ON S’ENTRAÎNE COMME ON ROULE EN VOITURE, C’EST-À-DIRE EN GARDANT TOUJOURS UN ŒIL SUR LE TABLEAU DE BORD.
L
es transferts de connaissances entre les sciences du sport et la recherche médicale sont fréquents. On pense, par exemple, à la mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque utilisée en cardiologie pour évaluer les chances de survie après un infarctus (1). Dans la foulée, cette mesure a été intégrée dans des montres pour sportifs. Cette fois, le but n’était plus de prédire une éventuelle récidive de défaillance mais d’évaluer l’état de forme de la personne et de déterminer, après chaque séance, la durée approximative de récupération nécessaire. En théorie, ce genre d’approche repose sur des données scientifiques sérieuses. Dans la pratique, l’imprécision de la mesure et l’exagération de son champ d’interprétation font que ces appareils sont d’un intérêt plutôt discutable. Il en faut plus cependant pour décourager les Géo Trouvetou de l’entraînement. 61_ZATOPEK 25
DES CHERCHEURS_QUI CHERCHENT
Avec les nouveaux capteurs, plus besoin de prélever une goutte de sang dans le lobe de l’oreille pour évaluer l’état de fatigue. Dans un avenir proche, on verra sûrement fleurir un tas de nouvelles méthodes inspirées elles aussi des techniques médicales de pointe, comme celles qui permettent de monitorer toute une série de paramètres biologiques. Leur modus operandi est relativement simple. On s’applique une sorte de patch sur la peau. Pas de gêne, pas de douleur. La méthode est dite «non invasive», ce qui signifie qu’on ne traverse l’épiderme que très superficiellement pour y loger des capteurs. On peut ensuite procéder à une évaluation de la concentration sanguine de différentes substances grâce à leurs propriétés physiques spécifiques, essentiellement la conductivité et la permittivité diélectrique. L’avantage est évident. Les diabétiques peuvent par exemple suivre précisément
l’évolution de leur glycémie sans avoir à se piquer le doigt pour prélever une goutte de sang à des fins d’analyse. Cela marche aussi avec les purines, la sérotonine, la vitamine B7, la biotine, les PSA (antigènes spécifiques de la prostate) ou encore le lactate. «Quoi!» Tout à coup, les sportifs se réveillent. «Vous avez dit lactate?» Cela fait des années que le monde de l’entraînement se passionne pour les fluctuations de ce composé auquel on prête la vertu de refléter précisément l’intensité des efforts. Plusieurs protocoles de son dosage existent aussi pour paramétrer les entraînements. C’est quelque chose de relativement répandu dans le monde du sport en dépit des difficultés d’interprétation des données. Car le lactate que l’on dose dans le sang est à la fois le reflet de sa pro-
QUEL OSE EST-IL? Le taux de lactate n’est pas le seul paramètre qu’on voudra surveiller en continu à l’effort si l’occasion nous en est donnée. La glycémie aussi. Sur un ultra-marathon, on sait que celle-ci varie entre 104 et 164 milligrammes de glucose par décilitre de sang. En repérant précocement une éventuelle chute, on pourrait alors être averti de l’imminence d’une hypoglycémie avant même d’en ressentir les premiers symptômes. Mieux encore: les études montrent que la vitesse de course est positivement corrélée à la concentration sanguine en glucose. En d’autres termes, les coureurs les plus rapides sont ceux qui ont pu maintenir leur glycémie relativement haute et sans variation brusque grâce un apport régulier d’aliments énergétiques à l’effort (0,27 à 1,14 gramme par kilo et par heure). En ayant continuellement sous les yeux une information sur l’état des stocks, on sera peut-être plus habile pour gérer ses ravitaillements.
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duction par les muscles à l’effort et celui de son élimination par le cœur qui l’utilise comme carburant, ainsi d’ailleurs que les autres muscles du corps ou des organes comme le foie, les reins et le cerveau. La concentration de lactate dans les tissus dépend donc de toutes ces filières et on se trompait autrefois lorsqu’on croyait qu’il n’était quasiment pas produit lors des efforts de longue durée. Lors d’un marathon, par exemple, on produit une quantité non négligeable de lactate. Mais celui-ci est aussitôt utilisé comme carburant. De ce fait, la lactatémie reste basse. Plus l’effort est intense, plus on consommera de glucides pour fournir l’énergie nécessaire à soutenir l’effort. Or la consommation de glucides implique nécessairement qu’on produise du lactate, même dans des
Eliud Kipchoge, la glycémie embarquée
Référence Application of Continuous Glucose Monitoring for Assessment of Individual Carbohydrate Requirement during Ultramarathon Race, dans Nutrients, avril 2020
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DES CHERCHEURS QUI CHERCHENT 3 pages
SCIENCE_
A NOS AMIS LES CHIENS! LES CHIENS NOUS ACCOMPAGNENT DEPUIS DES MILLÉNAIRES. AU FIL DES SIÈCLES, NOUS LES AVONS FAÇONNÉS POUR QU’ILS RÉPONDENT À NOS BESOINS, NOS ENVIES ET MÊME À NOS ASPIRATIONS SPORTIVES!
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LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION
SCIENCE 4 pages
CAH I E R TECH N IQU E
ÉDITO
Combien de km pour un repas festif ? Maintenant que les fêtes de fin d’année et les excès de nourriture qui les accompagnent souvent sont loin, nous pouvons lire cet article sans culpabiliser. C’est vrai que le froid, la pluie ou la nuit qui tombe tôt en hiver ne donnent pas vraiment envie de se dépenser physiquement. C’est pourtant une excellente méthode pour brûler les calories accumulées pendant les repas de fêtes. Au sein de la rédaction du magazine, nous nous sommes amusés à traduire la teneur calorique des aliments festifs en kilomètres de course à pied. Notre calcul est valable pour une personne de 65 kilos. En course à pied, on part du principe que l’on dépense environ une calorie par kilogramme et par kilomètre parcouru. Ainsi quelqu’un qui pèse 65 kg et qui court 10 km aura dépensé 65 x 10 = 650 calories. À partir de là, cela demande de faire un peu d’arithmétique. Prenons par exemple une boîte de Coca. Elle indique 145 calories. Il faudra donc courir 145/65 = 2,230 kilomètres. C’est précis ! Allons-y concernant les festivités de fin d’année. n n n n n
U ne coupe de champagne : 1,5 borne. U ne bouteille de champagne : 10 kilomètres. U n toast au saumon : 1 kilomètre. U ne tranche de foie gras : 4 kilomètres. U n morceau de dinde : 2,5 kilomètres.
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FÉVRIER MARS AVRIL 2022 LOCOMOTIVE
n n
S on accompagnement (purée de marrons, pommes de terre, légumes) : 1,5 kilomètre. U ne part de bûche de Noël : 4 kilomètres.
Total : presque 20 bornes !
Des effets collatéraux Courir 20 kilomètres pour un repas de Noël, c’est un peu décourageant comme calcul. On pourrait en déduire que, finalement, le sport ne constitue pas une bonne solution pour perdre du poids. Seulement, il faut tenir compte des effets collatéraux du sport qui sont, eux aussi, très bénéfiques. Le sport contribue à réveiller littéralement nos organismes endormis par la froide saison. Après l’effort, on doit effectivement reconstituer nos stocks énergétiques. On doit aussi réparer les tissus lésés. Tout cela implique la mise en branle de filières organiques. En d’autres termes, celui qui a fait du sport dans l’aprèsmidi brûle plus de calories le soir quand il est assis dans son fauteuil devant la télé que celui qui est resté assis toute la journée dans son fauteuil devant la télé. Même la nuit, on continue de "tourner" à des niveaux supérieurs. Voilà une bonne raison de participer à l’une des courses que l’on vous présente dans cette Locomotive ! Igor Risbane
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La LOCOmotive 12 pages
LA FLEMME
FATALE LA PROCRASTINATION DÉSIGNE LE FAIT DE TOUJOURS REMETTRE LES TÂCHES EMBÊTANTES À PLUS TARD. CELA CONCERNE L’ADMINISTRATION, LE RANGEMENT, LES PETITS TRAVAUX À FAIRE DANS LA MAISON. ET LE SPORT AUSSI, BIEN SÛR. «J’AI PRÉVU D’ALLER COURIR CE SOIR», DIT LE PROCRASTINATEUR. «ET SI J’Y ALLAIS PLUTÔT DEMAIN?»
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PROCRASTINATION_
C
onnaissez-vous Mafalda? Cette fillette sortie de l’imagination de Quino (19322020), auteur argentin de bandes dessinées, est très populaire en Amérique latine, en Europe et au Québec. Avec sa bande de chouettes copains aux personnalités affirmées, Mafalda passe son temps à refaire le monde. Dans un des nombreux strips (onze albums entre 1964 et 1973), Miguelito, l’anarchiste de la troupe, est allongé par terre et refuse de se lever (1). Son amie Susanita s’inquiète: «Qu’estce que tu as, Miguelito? Tu es malade?». Il répond: «Malade, non. Tu n’as jamais entendu dire que Dieu se reposa le septième jour après avoir achevé tous ses travaux?» «Bien sûr que si», répond Susanita. Et Miguelito de conclure: «Eh bien, moi, j’ai simplement remis les travaux à demain». Nous sommes à la fin des années soixante. Quand paraît cette histoire, le terme de «procrastination» est connu de peu de gens. Mais c’est clairement ce que fait Miguelito: repousser les tâches à Mafalda: la philosophie est un jeu d’enfants.
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un jour plus propice. Beaucoup de gens se reconnaîtront dans cette habitude et seront alors tentés d’en savoir plus. Le mot «procrastination» figurait parmi les plus recherchés sur la version française du moteur de recherche Google en 2018 et en 2019. Depuis 2010, il existe même une journée mondiale de la procrastination fixée le 25 mars. On mène aussi des études sur le sujet. C’est ainsi qu’on sait qu’entre 15 et 20% des adultes sont atteints par ce mal de façon suffisamment grave pour que cela leur cause parfois préjudice. Cette proportion grimpe même en flèche dans certaines poches de population. Selon une recherche menée en 2007 à l’Université de Calgary, la procrastination touche entre 80 et 95% des étudiants de premier cycle universitaire (2). Les trépidations de la vie estudiantine La Sieste de Vincent van Gogh (1890)
les amènent à retarder la plongée dans le travail académique. Dans d’autres circonstances, il s’agira plutôt de se débiner face aux tâches ménagères. D’après une enquête de 2018, elles arrivent effectivement en tête des travaux que l’on postpose le plus facilement: rangement, lessive, repassage, vaisselle. Ensuite viennent les obligations administratives: régler les factures, répondre au courrier, vider sa boîte mail. Puis ce sont les petits bricolages de la maison: changer une ampoule, attacher un tableau, huiler une porte qui grince. Voilà le tiercé de tête de la procrastination, suivi de près par un quatrième larron. Lequel? Je vous le donne en mille. Il s’agit du sport! Plus du tiers des sondés (36% précisément) disent renvoyer souvent ou très souvent une séance de sport à plus tard.
voir? Les passionnés de linguistique ne sont pas remontés si loin dans le passé. Ils se sont arrêtés au XVe siècle quand apparaît le mot dans la langue française, probablement l’œuvre de latinistes érudits qui le créèrent en associant «pro» (pour) et «crastinus» (lendemain). L’usage de ce nouveau mot devait marquer une différence avec la simple paresse. En effet, le procrastinateur n’est pas un tire-au-flanc. Il se livre même parfois à une activité frénétique comme faire la vaisselle, les courses, ranger sa chambre, trier sa bibliothèque ou Victor Hugo en pyjama sortir les poubelles, n’importe quoi plutôt que la tâche assignée. Le cas Etant donné l’intérêt récent qu’on lui échéant, ces stratégies d’évitement porte et le fait qu’on gaspille souvent peuvent même lui valoir la reconle temps qu’elle permet de gagner naissance de ses pairs. Dans son avec des activités futiles comme jouer livre On verra demain: Excursion sur son téléphone, regarder des phoen procrasti-nation, Guillaume tos ou surfer sur internet, on pourrait Podrovnik montre ainsi que l’Histoire croire que la procrastination est née regorge de grands procrastinateurs avec les nouvelles technologies. Pas (*). Un exemple? Léonard du tout! En réalité, elle existe de Vinci! On dit que ce véridepuis longtemps. Peut-être table touche-à-tout avait l’hamême depuis toujours. Dans bitude de tout faire sauf ce leur campement, il se pourpour quoi il s’était engagé. rait que nos ancêtres préRésultat: il aurait mis seize historiques aient été sujets Léonard De Vinci ans à terminer La Joconde et eux aussi à ces poussées (1452-1519) n’a achevé son chef-d’œuvre d’indolence. Comment saVictor Hugo (1802-1885)
UNE PARESSE DE QUALITÉ Si la philosophie essaie de trouver comment sortir du cercle infernal de la procrastination, la littérature, elle, aurait plutôt tendance à s’en délecter. L’un des maîtres en la matière s’appelle Marcel Proust. Dans A l’ombre des jeunes filles en fleur, il décrit magnifiquement cette tendance à toujours tout remettre à plus tard. «Si j’avais été moins décidé à me mettre définitivement au travail, j’aurais peut-être fait un effort pour commencer tout de suite. Mais puisque ma résolution était formelle, et qu’avant vingtquatre heures, dans les cadres vides de la journée du lendemain où tout se plaçait si bien parce que je n’y étais pas encore, mes bonnes dispositions se réaliseraient aisément, il valait mieux ne pas choisir un soir où j’étais mal disposé pour un début auquel les jours suivants, hélas!, ne devaient pas se montrer plus propices.» Ce raisonnement est superbe de perversité.
La Cène que lorsque son bienfaiteur menaça de lui couper les vivres (3). Victor Hugo était aussi un grand procrastinateur qui préférait courir les femmes plutôt que terminer ses romans. On disait à son propos qu’il donnait ses vêtements à ses domestiques en leur enjoignant l’ordre de les cacher. «Tant que je serai nu, je ne pourrai pas sortir de chez moi et serai bien obligé de terminer ce truc.»
Paresseux!
Relisez la phrase attentivement, vous verrez qu’il appelle la raison à la rescousse de son aboulie. Dans la même veine, on pense évidemment au roman Oblomov dans lequel l’écrivain russe Ivan Gontcharov raconte la vie d’un riche propriétaire terrien qui souffre aussi de ce terrible syndrome. La moindre tâche s’apparente pour lui à une montagne à escalader. De ce fait, il passe l’essentiel de son temps à user son meuble favori, le divan. Enfin, il y a la célèbre nouvelle Bartleby le scribe écrite par Herman Melville et dans laquelle le narrateur, un notaire, engage le dénommé Bartleby en tant que clerc. Au début, ce dernier se montre travailleur et consciencieux. Puis il se met à refuser certaines tâches avec une formule aussi lapidaire que polie, «I would prefer not to», sur laquelle des générations de traducteurs se sont cassé la plume. Grosso modo, en français, cela donne «j’aimerais mieux pas». Transposons la scène dans le monde sportif. Un entraîneur présente à son athlète le programme du jour qui comporte une grosse séance de fractionné, et celui-ci répond: «j’aimerais mieux pas».
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LE 1ER MAGAZINE RUNNING & SANTÉ DE VOTRE RÉGION
PSYCHOLOGIE 4 pages
TÉMOINS_
JE PROCRASTINE, TU PROCRASTINES, IL PROCRASTINE…
COMMENT FAIRE POUR ÉVITER LE PIÈGE DE LA PROCRASTINATION À L’HEURE D’ALLER S’ENTRAÎNER? NOS LECTEURS LIVRENT LEURS PETITS SECRETS. Propos recueillis par Olivier Beaufays. AUX FRONTIÈRES DU RÉEL MICHAËL
«Personnellement, je me fais des plannings ultra-précis que je respecte à la lettre. En les rédigeant, je m’efforce aussi d’anticiper les situations. Par exemple, je prévois davantage de sorties à midi car je sais que, le soir venu, en rentrant du boulot, la tentation de laisser tomber sera beaucoup plus grande!»
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L’ARGENT NE FAIT PAS L’INCONSTANCE EMELINE
«Je m’inscris à des programmes de remise en forme en veillant toujours à ce qu’ils soient payants. J’ai réalisé en effet que lorsque j’ai dépensé de l’argent pour quelque chose, je procrastine moins.»
IL L’A DIT! «Je ne remets jamais au lendemain ce que je peux faire le surlendemain.» Oscar Wilde, poète (1854-1900)
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TÉMOINS 7 pages
MACADAM_PEOPLE
LE KÉNYAN
GRIS
RENCONTRE AVEC LE NÉERLANDAIS JOZEF SCHOONBROODT QUI COURT LE MARATHON EN MOINS DE TROIS HEURES COMME DES MILLIERS DE PERSONNES DANS LE MONDE. SAUF QUE LUI, IL EST ÂGÉ DE 71 ANS!
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PORTRAIT 3 pages
LITTÉRATURE_
Y N A M U TO E T È L H T L’A
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, Y L A B I L COU R U E L O I CAMBR ON CONNAISSAIT ARSÈNE LUPIN, LE GENTLEMAN-CAMBRIOLEUR. VOICI TOUMANY COULIBALY QUI PRÉSENTE UN PROFIL FINALEMENT TRÈS PROCHE DU HÉROS DES ROMANS DE MAURICE LEBLANC, CELUI D’ATHLÈTE-CAMBRIOLEUR. 61_ZATOPEK 55
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TOUT EST PARTI DE CETTE LETTRE Toumany Coulibaly Allée des Thuyas 94260 Fresnes
Cher monsieur Coulibaly, On a le même âge, on a quasiment grandi au même endroit (Ris-Orangis pour moi) et si on se croisait dehors, on se tutoierait sûrement. Mais on ne se connaît pas, alors je vais dire «vous». Mon père était sprinteur à Montgeron, petit, trapu, explosif. Il jaillissait des blocks mais ses jambes courtes le handicapaient ensuite, il perdait en vitesse. Il était spécialiste du 60 mètres. Le 100, pour lui, c’était déjà trop long. Il n’est jamais devenu champion de France mais il a un record en 7,2 secondes qui n’est pas dégueulasse. Moi, je ne suis même pas vraiment rapide –je joue 6 au foot, le type qui court longtemps–, mais je sais que le tour de piste est la pire des distances. Il faut être à fond tout en gérant l’effort. Rester en fréquence mais ne pas s’asphyxier. Accepter le lactique sans tétaniser. C’est un sport de chien qui vous fait vomir à l’entraînement et n’offre rien à part des souvenirs et des coupes qui prennent la poussière. On n’y gagne pas sa vie. Je m’appelle Mathieu Palain. Je suis journaliste. Je ne veux pas vous faire chier. Je sais simplement, parce que j’ai passé ma vie à Ris, Evry, Grigny, Corbeil, qu’il y a des choses que les journalistes ne peuvent pas comprendre. Disiz La Peste a fait une chanson là-dessus, intitulée Banlieusard Syndrome. Une histoire de spirale du mec de tessi, le truc qui fait qu’on a beau chercher à s’enfuir, le quartier nous rattrape. Je sais que ce n’est pas facile, et que s’entraîner dans une promenade à Fresnes est un non-sens. Mais j’aimerais vous rencontrer. Je ne suis pas psychologue, mais je pense que je comprends.
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L
a genèse de ce livre mérite qu’on s’y attarde un peu avant d’entamer la lecture de l’interview de son auteur. Il est rare en effet qu’un livre naisse d’un concours de circonstances. C’est le cas ici. En 2019, Mathieu Palain travaille comme journaliste auprès de la revue XXI et du quotidien Libération. Il sort aussi son premier roman intitulé Sale gosse (éd. Iconoclaste) qui raconte, via une fiction, une immersion de plusieurs mois dans les services de protection judiciaire des mineurs délinquants (PJJ). Cette année-là, Mathieu Palain apprend un peu par hasard que l’un des plus grands talents de l’athlétisme français est en prison après avoir commis plusieurs larcins. L’histoire l’intrigue. En creusant un peu, il découvre que le jeune homme en question, Toumany Coulibaly, pouvait, dans la même journée, remporter l’après-midi le titre de champion de France de 400 mètres indoor et le soir venu braquer une boutique de luxe. Comment fait-on pour passer de l’un à l’autre? Il lui écrit une lettre à la prison de Fresnes pour solliciter une rencontre (lire ci-contre). Les jours passent. Les mois aussi. Pas de réponse. Entre-temps, Mathieu Palain quitte son emploi et songe sérieusement à laisser tomber le journalisme lorsqu’enfin, il reçoit un texto-réponse. «Okay pour se voir», dit en substance Toumany Coulibaly. Voilà comment s’est décidé le premier entretien à la prison de Réau où Coulibaly avait été transféré. Cet entretien était donc sans but véritable, sinon la curiosité de confronter des existences géographiquement proches puisque Mathieu Palain et Toumany Coulibaly ont grandi tous les deux dans les mêmes quartiers au sud de Paris. A six mois près, ils ont aussi le même âge (33 ans). A l’issue de la visite, ils conviennent de se revoir et voilà comment s’est progressivement tissée une relation d’amitié qui a débouché plus tard sur le projet de faire un livre. Ne t’arrête pas de courir possède donc cette fraîcheur, cette innocence qui font défaut à beaucoup d’ouvrages de littérature sportive où l’on est plutôt habitué aux «coups» d’édition. Fraîcheur et innocence: ces mots sont peut-être mal choisis dans la mesure où l’histoire raconte tout de même la vie d’un délinquant multirécidiviste. Disons alors qu’il s’agit d’un livre sincère et que cette qualité rare a déjà charmé des milliers de lecteurs, notamment ceux des jurys qui lui ont décerné trois prix littéraires prestigieux: le prix Interallié, le prix Blù Jean-Marc Roberts et le prix du roman des étudiants (France Culture, Télérama) à la fin de l’année 2021. C’est totalement mérité! Toumany Coulibaly et Mathieu Palain: une histoire sans fin
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LITTÉRATURE 5 pages
INCROYABLE_MAIS VRAI
MORTS POUR
LA GLOIRE
Agnes Tirop: les meilleurs s'en vont les premiers.
DÉBUT OCTOBRE, DEUX ATHLÈTES KÉNYANES MOURAIENT DANS DES CIRCONSTANCES TRAGIQUES. PARMI ELLES, AGNES TIROP, RECORDWOMAN DU MONDE DU 10 KILOMÈTRES SUR ROUTE. IL NE S’AGIT PAS DES PREMIERS FAITS DIVERS DE CE GENRE AU KENYA. QUE SE PASSE-T-IL CHEZ LES COUREURS DES HAUTS PLATEAUX?
L
e 13 octobre 2021, Agnes Tirop était poignardée à mort chez elle. Un destin atroce pour cette athlète d’exception qui, à 25 ans, avait déjà été deux fois championne du monde de cross-country (individuel en 2015, par équipes en 2017) et venait de battre le record du monde féminin du 10 kilomètres sur route en 30 minutes et une seconde. Tous les soupçons se tournèrent vers son époux Ibrahim «Emmanuel» Rotich, 41 ans, ancien coureur de haut niveau. Soupçons nourris par sa tentative de fuite dans les heures qui suivirent le décès. En effet, dès le lendemain
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de la découverte du corps de son épouse, on le retrouvait à l’autre bout du pays, dans la ville portuaire de Mombasa. Espérait-il fuir le territoire kényan? On l’ignore, tant était grand son état de confusion. Après l’avoir soumis à un test de santé mentale afin de déterminer une éventuelle irresponsabilité pénale, le tribunal d’Eldoret a conclu par la négative et inculpé Emmanuel Rotich de meurtre. Son procès, qui débouchera probablement sur une condamnation tant les indices concordent, doit se tenir pendant l’année 2022. L’émoi mondial suscité par cette sordide disparition fit quelque peu
oublier que 48 heures après Tirop, une de ses consœurs, Edith Muthoni, était elle aussi victime de ce qui ressemble à un épisode de violence conjugale. Muthoni, 27 ans, évoluait seulement au niveau régional, ce qui expliquerait le relatif silence autour de sa mort. Néanmoins, la double tragédie souleva une vague d’indignation. Furieuses d’être maltraitées, bafouées et surtout, jamais entendues, les femmes kényanes profitèrent des funérailles d’Agnes Tirop tenues le 23 octobre dernier, jour du 26e anniversaire de la défunte, pour se réunir par centaines. Là-bas, dans un petit village du comté de Nandi à
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