Dans la première publicité la marque s’adresse à une cuisinière lambda qui pourrait trouver un intérêt en achetant un bouillon de poule tout prêt : perdre moins de temps. La marque cherche à rassurer la potentielle acheteuse en mettant en scène l’image d’une femme souriante qui inspire confiance, semble ordinaire et aimable. Le message délivré est clair « Forte en poule » la poule au vermicelle est forcément bonne et savoureuse. La photographie de la poule bien en chair entourée de beaux légumes frais appuie le propos. La marque cherche à montrer la qualité et la fraicheur. Elle sous-entend aussi un produit unique à la fabrication artisanale. La marque nous pousse à faire confiance en la « Qualité Knorr » avec un ton sérieux et rassurant. Dans la deuxième publicité, le potentiel acheteur peut être un homme ou une femme. Tout le monde peut s’identifier à la main qui semble répandre du vermicelle dans le bouillon de poule. De cette manière la marque s’adresse à un public plus large et espère donc gagner plus de clients. Le but du message et le ton employés restent les mêmes que dans la précédente : on rassure avec sérieux.
Dans la publicité ci-dessus, on bascule dans un univers industriel. Fini la poule bien en chair qui donne l’impression d’un produit unique et fait maison. Place désormais à un univers industriel, propre, aseptisé et uniforme. L’image de cet homme en uniforme (toque et blouse blanches) rassure sur l’aspect hygiénique et sécurisé des produits Knorr. Cela donne une image professionnelle et forcément sans risque.
Dans cette quatrième publicité la marque semble s’adresser à des gens qui aiment l’inconnu et l’aventure. L’utilisation d’une image avec les yeux bandés par un foulard sous-entend que seules les personnes un peu courageuses et aimant le goût du risque pourront apprécier les produits Knorr. On cherche donc à susciter la curiosité du consommateur en le mettant au défi, et on sous-entend que s’il achète des produits Knorr et qu’il ose faire le choix de « goûter la différence » il sera alors forcément lui-même différent des autres. La marque cherche ici à rendre unique et presque inaccessible un produit industriel, fabriqué à l’identique en milliers d’exemplaires.
Cette publicité se passe même de mot et choisit la simplicité. Une vraie poule qui semble se débattre dans du vrai vermicelle : que faudrait-il de plus pour persuader le consommateur que Knorr c’est du vrai et du bon ? Le ton amusant et inhabituel pourra donc facilement convaincre le consommateur de la transparence et de l’honnêteté de la marque.
Dans cette dernière publicité, on vend un produit appelé « marmite de bouillon Knorr » en nous faisant croire que le petit pot de plastique renferme les mêmes saveurs et les mêmes qualités qu’une bonne vieille marmite de bouillon bien trop lourde et encombrante.
Que cherche t-on à nous vendre dans toutes ces publicités ? De toute évidence, le produit phare de la marque Knorr à savoir le bouillon de volaille. Au départ, l’intention du fabricant était pragmatique et d’un certain point de vue louable : proposer des produits fabriqués à partir d’ingrédients de choix (légumes, légumineuses et graisse de volaille) pour les rendre facilement transportables, pouvant se stocker facilement sans prendre beaucoup de place et pouvant être consommés partout (à condition d’avoir une eau potable, bien entendu !…). C’est en tout cas ce que semble nous vendre les premières affiches de la marque avec des mentions comme « forte en poule » ou encore « Goûtez le nouveau bouillon de poule Knorr et vous vous rendez compte que c’est un vrai bouillon de poule, un produit naturel, riche en sucs de viande, uniquement préparé avec de belles volailles tendres qui lui procurent une saveur et un arôme incomparable ». Les changements au sein des affiches publicitaires de Knorr suggèrent donc un changement dans les processus de francisation des produits. Si l’on ne lit plus des mots tels que « naturel » ou « viande » c’est que les produits ne sont plus représentatifs de ce vocabulaire. Il suffit de regarder l’ensemble des publicités réunies ci-dessus pour se rendre compte qu’au fil du temps l’idée d’un bouillon « naturel » et de qualité artisanale a été remplacée par un simple bouillon industriel et uniformisé. Le mot « naturel » a totalement disparu. Que pouvonsnous en penser ? Est-ce parce que Knorr n’a plus besoin de préciser un fait qui est évident et que tout le monde le sait déjà ? « Riches en goût, les bouillons Knorr donnent du caractère à vos plats ! » Depuis des générations, les produits Knorr semblent avoir bel et bien trouvé leur place dans quasiment toutes les cuisines des foyers qui se sont mis à cuisiner. Qui n’a jamais succombé à l’achat d’un paquet de bouillons Knorr, parce qu’au moins « C’est ça en moins à faire, et c’est bon » ?
Certes, c’est bon, ça a bon goût (encore faut-il être habitué aux goûts de substitution) mais est-on certain d’acheter du bouillon de poule, comme c’est clairement écrit ? Est-on certain de la véritable composition sousentendue animale et naturelle que veut bien nous vendre la photographie d’une poule recouverte de vermicelle ? Car lorsque l’on regarde la composition du produit de plus près, le verdict est sans appel : viande de poule 1% (entre autres). Tout laisse à penser que le 1% de viande n’est mentionné et présent dans le produit que pour justifier l’illustration d’une volaille sur le packaging. Le consommateur, par habitude et convaincu de la bonne volonté initiale de la marque, a fait confiance à Knorr et à ses campagnes de publicités avantageuses. Cependant, s’il n’a pas scrupuleusement lu la composition du produit, il n’a hélas pas conscience de qu’il consomme (ou plutôt ne consomme pas, en l’occurrence !) réellement. Serait-ce là une explication de la disparition de la mention « naturel » sur les publicités ? Nous pouvons alors imaginer que la marque semble consciente de vivre sur une sorte de mythe du produit fiable, de qualité et naturel, puisqu’elle le revendique clairement sur son site internet * : « Nous sommes très fiers de la perception authentique des saveurs locales que nous avons acquise, pour vous offrir des produits au goût remarquable et vous aider à goûter les saveurs authentiques d’autres cultures. »
* Propos extraits de la rubrique «Histoire de la marque Knorr » disponible sur le site internet www.knorr.fr — source : http://www.knorr.fr/article/details/428962/ lhistoire-de-la-marque-knorr
Ces deux publicités font la promotion d’un nom, d’une marque « Naranjina » au départ puis « Orangina » qui vend une boisson qui semble être à l’orange. Contrairement à d’autres marques, Orangina n’utilise pas d’artifices réthoriques dans ses publicités ou des énoncés coercitifs comme « Achetez Orangina ! » ou bien « Buvez Orangina ». L’incitation à la consommation est plus subtile que cela et les publicités sont plus sur un mode d’énonciation descriptifs : on voit une bouteille humanisée, sympathique, qui sirote un verre d’Orangina. On remarque cependant l’image de l’orange qui est très présente. De par le nom et la représentation du fruit, on cherche à créer une association d’idées : Orangina = oranges et vice versa. Orangina, cette boisson créée en 1936 par Trigo Mirallès avait sans doute dès le départ tout pour plaire : un savant mélange de pétillant et de concentré de jus d’oranges, le tout conditionné dans une bouteille ventrue et granuleuse devenue absolument mythique. Son succès s’est construit progressivement, par la constance de la qualité du produit. Pourtant, quelle marque refuserait de s’attirer davantage de clientèle ?
La spirale d’écorce est même devenue le logo de la marque. Pourtant, en 1972, toujours en quête de nouveaux adeptes de sa boisson, Orangina confit la refonte de son identité à Georges Petit. Avec le slogan « Secouez-moi, secouez-moi », il transforme la particularité d’Orangina (la pulpe déposée au fond de la bouteille) en un atout. C’est donc naturellement qu’au début des années 50 Orangina s’est offert le talent de Bernard Villemot qui a créé la première affiche avec le zeste d’orange en forme de spirale. Dans ces affiches la marque donne un aspect humanisé et sympathique à sa bouteille dont elle fait un personnage. En l’humanisant de la sorte, elle la rapproche du consommateur qui gardera une image sympathique et agréable de cette bouteille.
Ensuite, de jeunes réalisateurs feront leurs débuts cinématographiques avec la marque, dont Alain Chabat et son homme-bouteille (1994). Dans toutes ces publicités on cherche à interpeller le consommateur en faisant des sous-entendus tendancieux avec « secouez-moi ». On cherche à faire original, percutant et inoubliable. On déplace la bouteille au départ rafraîchissante dans un univers plus chaud plutôt réservé aux adultes qu’aux enfants. Orangina prend alors le risque de perdre un type de clientèle. Mais elle rattrape son coup avec une publicité télévisuelle très drôle qui séduit petits et grands sans aucune difficulté. De cette manière, la marque ne fait plus la publicité de la boisson elle-même, mais plutôt de l’image de sympathie qu’elle doit nécessairement véhiculer lorsqu’elle est consommée. Boire Orangina, c’est être fun, amusant, jeune et ouvert d’esprit !
Cependant, Orangina a marqué un net changement de volonté en passant de l’homme bouteille sympathique et amusant à des publicités purement provocantes et suggestives en suivant les tendances générales du milieu publicitaire. En effet, au début des années 2010, l’utilisation des animaux humanisés dans la publicité est devenue monnaie courante. Elle permet de repousser toujours plus loin les limites de l’acceptable en se cachant derrière l’animalité d’un personnage, repoussant très (trop !) souvent le sexe féminin dans ses travers les plus sauvages.
Ce sexisme s’observe aujourd’hui très clairement dans les publicités Orangina créées par l’agence Fred & Farid. Ainsi nous pouvons voir une biche vêtue de lingerie sexy assise sur les genoux d’un homme plutôt âgé, une chèvre nourricière à la poitrine très généreuse et exubérante, une girafe aguicheuse qui réconforte sur sa poitrine un adolescent semblant lorgner son décolleté. Un astucieux mélange de « maman-prostituée » très dérangeant mais que l’on ne peut censurer puisqu’il ne s’agit que d’animaux ! En tout cas, une chose est sûre, la marque ne peut plus se reposer sur l’unique originalité et qualité du produit, largement concurrencées aujourd’hui.
Nescafé a la particularité d’être une marque connue et créée par une société d’agro-alimentaire internationalement connue qu’est Nestlé. Cette société créée en 1867 par Henri Nestlé avait pour but « d’inventer un aliment complet, un aliment parfait » pour sauver la vie des bébés sous-alimentés de l’Europe du 19e siècle. C’est en 1839 qu’est alors lancée la fameuse farine lactée Nestlé, préparée à base de lait de vache et de pain grillé. Dans les années 30, Nestlé a décidé d’attribuer le préfixe « nes- » à bon nombre de ses produits : Nescafé, Nescao, Nesquick, Nespresso, etc. développant ainsi un vocabulaire à part entière et propre à la marque. Parlons maintenant du logo de la marque qui est le nid d’oiseau. Il fait référence à la traduction allemande de nestle (= nid) et représente les valeurs positives que veut véhiculer la marque : bien-être, famille et gourmandise. Nous comprenons par-là un besoin de se crédibiliser en rassurant le consommateur.
C’est donc avec la volonté de fabriquer un produit de qualité que Nestlé a développé un produit comme Nescafé à partir de 1938. « Le nouveau Nescafé (un café instantané 100% pur) vous garantit, à chaque tasse, une saveur supérieure à celle du café moulu ! » voilà ce que nous pouvions lire sur les publicités vantant les mérites d’un café simplement torréfié, moulu, déshydraté et enrichi d’hydrates de carbone.
Par la promotion d’un café aux arômes soi-disant divins, les affiches de Nescafé font en fait la publicité d’un produit industriel par excellence. La marque s’est simplement appropriée l’authenticité des bons et authentiques cafés du Nouveau Monde alors qu’il n’en est rien. Après s’être servie de l’image de la femme comme d’un atout de vente, la marque revendique encore aujourd’hui une valeur d’exception dont semble être porteur le produit.
Cette idée d’un produit précieux et de qualité se retrouve aujourd’hui avec la connotation luxueuse apportée par des éléments appartenant au monde de la parfumerie. La dernière image en est un parfait exemple puisqu’un goulot à spray comme sur les parfums a été rajouté sur un pot de café. Sommes-nous obligés de rappeler que ce café en question est un produit industriel et qu’il n’a donc rien à voir avec les produits de luxe ?