expliquer le concept de « TICA »

Page 1

TERRITOIRES INTELLIGENTS ET COMMUNAUTES APPRENANTES Du local au global , une approche innovante du développement durable Septembre 2006 L’objet de cet article est d’expliquer le concept de « communautés apprenantes » et le principe sur lequel il repose, les « territoires intelligents ». Ce principe émergent, aujourd'hui exploré sur des projets pilotes, dans une logique de réseau, met en application une approche innovante du développement durable. Cette exploration est menée conjointement en divers points du monde par des pionniers reconnus pour leur efficacité. Notre objectif est d’en accélérer les applications en France, compte tenu de l’urgence pour les grands équilibre planétaires, afin de « passer du local au global ».

I­ ELEMENTS D’EXPLICATION Le principe Le principe repose sur l’optimisation des relations entre les territoires et les communautés dans la sphère de la connaissance, comme préalable à un développement humain en équilibre avec son environnement (voir à ce propos nos travaux sur le métabolisme territorial1).  Un « territoire intelligent » est un espace disposant d'infrastructures et de caractéristiques matérielles, conçu, délimité et entretenu pour permettre la circulation rapide d'information, leur analyse, leur interprétation et leur préservation.  Une « communauté apprenante » est un groupe de personnes qui s’activent sur un territoire dont l’intelligence infrastructurelle leur permet d’amorcer et d’entretenir une démarche permanente d'apprentissage partagé. La conjonction de territoires intelligents et de communautés apprenantes, et leur mise en réseau, nous semble aujourd’hui la voie la plus efficace pour accélérer l’adoption de modes de vie durable au plan mondial, afin que l'exemple en local puisse influer sur le global par l'exemplarité et le partage des connaissances.

Enjeux pour un développement durable Le développement durable, concept « inventé » depuis qu’il apparaît de manière visible que l’espèce humaine menace l'équilibre de la Planète, a pour objectif d’enrayer les dégradations et de limiter les dégâts pour les générations futures. L’accumulation de preuves scientifiques depuis une vingtaine d’années et la médiatisation (plus récente) du problème mettent en évidence la nécessité d’engager l'énergie des individus et de communautés diverses, à des échelles variées, pour adopter des modes de vie durables. Notre objectif est de mettre en place, grâce à des moyens simples et innovants, des espaces collaboratifs à l'échelle d'un territoire, pour en rendre visible les fondations humaines, culturelles et historiques. La définition d'un territoire, émergeant comme somme de toutes les définitions individuelles contribuées, propose un objet impliquant, un vecteur commun. Cette démarche face au territoire prédispose à prendre conscience à titre personnel que la richesse d'un territoire est un bien partagé et que chacun de ses composants y joue un rôle. Par contraste, l'industrialisation et la capitalisation ont apporté des facteurs de rupture de l'appartenance territoriale, séparant les individus par des incitations à la productivité mécanique, à la 1

« Métabolisme territorial et développement durable », Revue Territoires 2030 de la DIACT décembre 2005, http://laquinarderie.org/tiki­index.php?page=Documents+utiles Article pour le PUCA - 13/09/06


compétition et la recherche de bénéfices à court terme. Les profits générés, majoritairement liés à des intérêts étrangers au territoire et à la communauté, ont signé dans la sueur et le sang l'histoire du siècle dernier. En outillant le partage libre des connaissances et la construction collective du territoire par ceux qui le vivent, le territoire sort de la logique marchande et du profit à court terme. En rétablissant une logique de prospective à long terme, et en se considérant comme des organismes dotés d’un métabolisme propre, les territoires peuvent survivre à la globalisation et la transcender pour proposer une approche organique durable. Cette logique organique est incarnée par des communautés apprenantes actives à l'échelle locale et qui, parce qu’elles collaborent en réseau, deviennent sources de solution à l’échelle de la planète.

Contexte Lecture accélérée de l'arrivée de la société de la connaissance... Lecture accélérée de trois siècles de développement de la « connaissance »

 15ème au 18ème siècle. Gutenberg duplique la première bible à 180 exemplaires. C'est le siècle

des Lumières, de l'encyclopédisme et des valeurs humanistes. Le genre humain se dote d'une tête qui pense, plutôt que de prier.  19ème siècle. Révolution industrielle, exploitations coloniales, mécanisation et productivité, découvertes de Pasteur. Le genre humain développe ses membres, bras et jambes, qui sont puissants et efficaces, il fait reculer la mort.  20ème siècle. Victoire du capitalisme et prédominance du marché, société de l'information, développement des médias, puis Internet. Le genre humain dispose maintenant de sens accrus (ouïe, vue) sur son propre corps et son environnement.  Risquons nous à espérer la suite : l'humanité, qui voit maintenant de ses yeux les dégâts provoqués par ses membres, travaille sur lui­même et recherche un équilibre dans le but de sa propre survie en tant qu'espèce. … et maintenant ? La croissance telle que les économistes la préconisent est un mythe connu des mathématiciens. Rien ne croît indéfiniment. Le monde fonctionne par cycles, de longueurs variables, engageant une multitude de facteurs. Mais la société humaine outrepasse les limites naturelles et s’aveugle de manière partiellement inconsciente pour continuer sur cette trajectoire. L'illustration de cette évidence devient de plus en plus perceptible dans les dérives de nos repères sociaux. Le dieu pétrole a chu. Les « reality show » télévisés sont devenus, de manière hypnotique, des placebos de vie. Le genre humain est traité comme une masse informe qu'il faut occuper, divertir, motiver à participer au marché, et à jouer à un jeu dont les personnes sont les pions. Les symptômes humains témoignent des conséquences de ces non vies qui emprisonnent la majorité de nos contemporains (obésités, dépressions, suicides…2). Cette occupation du « temps cerveau » contemporain provoque au final une chute de l'accès à la connaissance. Les statistiques d'illettrisme sont en pleine croissance dans des pays disposant d'infrastructures modernes, alors que la « richesse » s’accroît sans répit3.

2

L’obésité est ainsi devenue un fléau dans toutes les sociétés « modernes » (elle touche 30% des américains). Près de 50% des gens pensent que cela est dû à l’environnement dans lequel ils vivent 3 Par exemple en Angleterre, l'indicateur de bien­être humain « ISEW » (développé par l'ONG Friends of the Earth et des institutions anglaises) montre que le PNB par habitant est 2.3 fois plus élevé en termes réels en 1990 qu'il ne l'était en 1950, alors que l'ISEW par habitant sur cette période stagne Article pour le PUCA - 13/09/06


Solution : métabolisme territorial et « cellules souches » Le métabolisme territorial, c'est une façon de considérer un territoire comme s'il s'agissait d'un organisme vivant des échanges internes et externes avec son environnement. Le modèle du vivant apporte la représentation d'interactions complexes, dynamiques plus ou moins prévisibles, dépendant de la bonne volonté de ses composantes de base, cellules ou micro­organismes. Poussant cette analogie, notre objectif est de concentrer le germe de la vie et de l’histoire d'un territoire dans des « cellules souches », composées de process et de savoirs codifiés pour permettre l'appropriation par d'autres territoires et le mélange avec leur propre génome dans un but de développement durable à l’échelle de la planète. Ainsi, certaines bactéries sont capables de se regrouper et de fusionner en cas de tension externe majeure (par exemple désertification). Ceci leur permet de réduire leurs besoins collectifs (une seule membrane externe, moins d’échanges avec le milieu, moindres besoins d’énergie et de nutriments). Elles peuvent ainsi traverser des milliers, voire des millions d’années. Elles se réactivent (et reprennent leur individualité) dès que les conditions externes s’améliorent. Ces cellules souches sont ainsi capables de réguler leur métabolisme pour s’adapter aux conditions externes. Ce modèle pourrait guider nos modes d'organisation et nos modes d'action vers un schéma organique qui a prouvé sa durabilité. Le principe des cellules souches permet, en cas de crise du système dominant, d'ajuster le métabolisme de leurs territoires pour résister et survivre sans dépendre de ressources externes incertaines, ce qui suppose de connaître leur environnement proche et de s’y intégrer de manière organique. Ces réflexes de survie ne doivent pas être confondus avec l’autarcie, qui caractérise des communautés refermées sur elles­mêmes, sans volonté d’échange avec l’extérieur. Les territoires et cellules souches considérés ici fonctionnent en réseaux apprenants, et collaborent avec d’autres territoires bénéficiant d’un mécanisme similaire de cellule souche (solution « locale »), afin de mutualiser les connaissances et multiplier les chances de survie d’ensemble à long terme (solution « globale »). Le fonctionnement que nous préconisons pour développer ces cellules souches est comparable à celui de réseaux de scientifiques ou de communautés libres telles que celles regroupées autour de LINUX. Les utilisateurs, les développeurs et les scientifiques échangent librement sur les résultats de leurs expérimentations, afin de développer des méthodes et des protocoles de recherche pour faire avancer l’état de la science.

II­ AGIR Programme d'action Notre objectif est d'aider à la mise en place de territoires intelligents, laboratoires de cellules souches capables de répondre au défi de la complexité. Leur combinaison nécessaire avec une communauté apprenante implique un dispositif technologique et méthodologique approprié. Le principe d'intelligence collective vise à amener chaque individu à jouer son rôle dans les cycles de son choix et selon sa nature : chacun a une fonction et une « niche sociologique » à occuper, une différence majeure entre l’homme et les autres espèces étant la connaissance et la capacité de choisir sa conduite, mais aussi la capacité de modifier massivement son environnement 4. L'enjeu est la prise de conscience et la responsabilisation individuelle, seul gage d'adaptation aux problèmes collectifs révélés de plus en plus clairement, issus d'une gestion aveugle des ressources naturelles depuis le siècle dernier.

Voir à ce propos l’analogie avec le vivant et les écosystèmes en équilibre dynamique. Chaque espèce a une fonction écologique, différents niveaux trophiques permettant d’assurer une régulation naturelle et un équilibre sous forme de cycles 4

Article pour le PUCA - 13/09/06


Heureusement des « cellules souches » de développement durable ont pris corps dans le monde. Il faut maintenant les mettre en réseau, en codifier les enseignements pour faciliter leur transposition dans le monde pour « passer du local au global » ; pour cela, il faut disposer d’outils de diffusion généralisés. Notre objectif est de répertorier et mettre en réseau les territoires intelligents existants et les communautés qui les fertilisent ; amorcer le processus de co­production de connaissances en matière de développement durable ; mettre à disposition des outils de diffusion efficaces, ouverts et ludiques pour « donner envie » au plus grand nombre. Le changement est engagé en divers points du monde, et des avancées majeures sont envisageables à court terme, tant du côté des cellules souches que du côté des outils libres et collaboratifs.

Appuis et partenaires Orientation générale des partenariats L’amorçage de laboratoires pilotes et leurs schémas de financement reposent pour l’essentiel sur des fonds publics5. En parallèle, une recherche sur le terrain est nécessaire pour détecter et intéresser des acteurs catalyseurs. Ces catalyseurs sont des propagateurs, qui plus que la moyenne, communiquent leur passion et leurs convictions et apportent des ressources opérationnelles, tout en conservant la confiance du territoire qu'ils occupent, par l'implication dans des réalisations concrètes et signifiantes sous forme de projets pilotes. Ils donnent envie aux autres par l’exemple. Il s’agit souvent de bénévoles et de décideurs engagés, qui amorcent le processus d’intelligence collective et le changement. Les besoins de vertus fertilisantes de la cellule souche imposent par ailleurs de penser les laboratoires comme des sites à l'aspect ludique, sensoriel et expérientiel. Les besoins technologiques sont donc conditionnés par la production d'images et d'outils didactiques Où en sommes nous ? Des collectivités et acteurs pilotes se sont engagés dans une démarche de recherche action sur ces thématiques depuis 2005 (réseau de communautés apprenantes).  Bedzed et OPL6 (« One Planet Living ») : pionniers de la durabilité, primés au plan mondial, incontestablement à l’origine d’un réseau de « cellules souches » les plus avancées au monde (cf JO de Londres 2012, Johanesburg, Lisbonne et Shanghai)  En France, un réseau de villes apprenantes a commencé les expérimentations, inspirées entre autres de l'expérience à coeur ouvert de Bedzed et d'OPL. Parmi ces villes on peut citer Loos en Gohelle (ville pilote du développement durable en Nord Pas de Calais) ; Brest, pionnière en matière d'appropriation sociale des outils de l'Internet et de logiciels libres (voir encadré) ; Saint­Etienne (candidature à la Capitale Européenne de la Culture)  Des acteurs divers accompagnent la démarche en global et en local : le réseau mondial Empreinte Ecologique et ses partenaires (ICLEI, UE, PNUE), des institutions (DIACT, le Comité Français UNESCO, la Fondation Européenne des Territoires Durables), des représentants de la société civile (CLISS 21, SCIC engagée dans le Libre et l'éducation populaire en Nord Pas de Calais ; des universités et grandes écoles comme Lille 1 & 2, HEC, le réseau des Mines ; des ONG dont le WWF). 5

Selon une étude menée par HEC en 2005, 90% des financements d’amorçage (phase de « seed finance ») sont publics (ANVAR, Caisse des Dépôts, collectivités publiques…). Le secteur privé et les acteurs du Capital Risque interviennent surtout en aval (phase de « bêta test » et mise en marché de prototypes déjà éprouvés en laboratoire). 6 « Vivre avec une planète » : ce programme, porté par des ONG et de grandes institutions internationales, vise à réduire l'impact de nos modes de vie pour passer d'une empreinte écologique de 3 planètes, à 1 seule planète. Les solutions, qui ont fait preuve de leur efficacité à Bedzed, reposent sur des approches d'écologie territoriale et une prise en compte en amont des comportements Article pour le PUCA - 13/09/06


BREST, PIONNIER DU LIBRE DANS LA VILLE ET VILLE APPRENANTE Brest est le cas le plus avancé et le plus concret que nous ayons identifié en France pour illustrer le concept de « TICA ». L'étude de cas qui suit s'attache à expliquer ce qui a été fait et à en tirer les enseignements, afin de faciliter la transposition et d'encourager d'autres collectivités à se lancer. Le libre et le collaboratif, qui sous­tendent l'expérience de Brest, constituent selon nous le fondement de modes de vie durables dans une société de la connaissance et préfigurent un nouvel « art de vivre ensemble ». 1­ Contexte Brest est une ville en reconversion, qui a décidé de reprendre son destin en main. Auparavant totalement dépendante de l'externe (emplois, choc des marées noires), la Ville s'est retrouvée en situation de crise dans les années 80 avec le départ de la Marine Nationale et des activités de construction navale qui occupaient plus de 50% de la population active. Forcée de s'adapter rapidement, seule, elle s'est alors diversifiée en intégrant un pôle de recherche autour de la mer, des TIC et le développement des services autour des fonctions métropolitaines. Elle s'est aussi rapprochée de son arrière pays (par l'habitat et le travail, les populations rurales et urbaines sont mêlées ­ une majorité de la population du Pays de Brest travaille maintenant en métropole). Enfin, la Ville a choisi de procéder par une implication forte des citoyens pour développer des solutions locales, endogènes, pour ne plus être dépendant de l'externe. Ce choix a été facilité par le fait que la population est traditionnellement engagée dans des modes coopératifs et associatifs (les Bretons ont été précurseurs de la mutualité agricole). Mobilisée suite aux marées noires, la population avait développé une aptitude à se mobiliser sur des causes collectives. Les Bretons, enfin, ont un attachement fort à l'éducation. Michel Briand, alors professeur à l'ENST Bretagne, s'est ainsi retrouvé maire adjoint en charge de la démocratie participative, de la citoyenneté et des TIC en 1996. Il se distingue par un parcours atypique et militant sur l'écologie et la société : ingénieur de Centrale Paris, il avait choisi de travailler comme ouvrier et s'est engagé dans diverses luttes (Larzac en 73­74, nucléaire, marée noire en Bretagne). Il a publié très tôt des journaux, avant de devenir responsable dans un centre de formation continue, où il a développé une compétence en informatique et en logiciel libre qui l'a amené à devenir responsable de formation à l'ENST (voir encadré sur le logiciel libre). 2­ Le programme Désireux de lier démocratie participative, citoyenneté et TIC, à une époque où le libre prenait seulement pied en France, Michel Briand a mené un programme de fond en plusieurs étapes : mailler, infrastructurer le territoire de lieux d'accès public, dynamiser les acteurs, développer les capacités d'édition publique, enfin coproduire du contenu, le tout en s'appuyant sur les mécanismes coopératifs du libre et un soutien aux initiatives des personnes pour permettre l'appropriation individuelle. 1­ Infrastructurer le territoire par une approche en local Dans la plupart des villes en 1997, peu de gens avaient accès à Internet. Michel Briand a donc souhaité donner un accès équitable à Internet pour tous, en faisant en sorte que l'accès soit pris en compte progressivement par des acteurs locaux afin de permettre une « catalyse » de proximité . Il a lancé la mise en place de Points d'Accès Publics à Internet (PAPI), qui consistait à équiper des espaces et des acteurs de quartiers (centres sociaux, maisons pour tous, bibliothèques, associations) en PC et accès à Internet. Ce programme, qui couvre tous les quartiers de la ville, a mis l'accent sur la formation des animateurs existants à ces outils. Brest a ainsi été une des 1° villes à démarrer sur

Article pour le PUCA - 13/09/06


les accès dans des lieux existants, dans un processus lent mais robuste où 7 nouveaux papis ouvrent chaque année (77 aujourd'hui). Un Centre Ressource Coopératif de l'Accès Public a été créé en 2003, afin d'assurer les formations de manière endogène, par des associations locales, plutôt que de financer des consultants externes. Cette approche a mis l'accent sur une animation coopérative pour laquelle 1 poste a été créé. De 1­2 à 15 PC sont installés dans chaque PAPI et équipés avec des logiciels libres (voir ci­dessous le CD ROM de Brest). 2­ Dynamiser les acteurs Dans un deuxième temps, Michel Briand a mis en place un appel à projet annuel pour générer une dynamique de terrain autour des PAPI (à l'image de l'appel à projet de la fondation de France au jury duquel il participait). 30 à 40 projets par an, majoritairement portés par des associations et des équipes de quartier, parfois des individus, ont ainsi été accompagnés (2 000 € par projet en moyenne). Au fil des années les projets se sont déplacés de l'accès, aux contenus, puis au vivre ensemble avec le souci recréer le lien social et de permettre une reconnaissance des personnes par l'Internet. Exemples : le dispositif relais où des jeunes turbulents, en échec, ont appris aux personnes âgées à se servir d'Internet ; la photothèque en Creative Commons, @­brest. Michel Briand cite de nombreux exemples de femmes au foyer ou de jeunes peu éduqués, qui ont pu mettre en ligne des textes et des photos et en ont tiré une grande réassurance personnelle. 3­ Développer l'écrit public libre par les acteurs Des rencontres ont été organisées pour amorcer l'écrit public libre à partir de 2001. Des sites ont été développés concernant la vie de la collectivité : @­Brest, participation­brest, santé­brest...et surtout dans la possibilité donnée aux associations d'ouvrir et d'animer par eux­mêmes leur propres sites de publications Il s'agissait de donner aux individus l'envie, les moyens et la confiance en soi pour publier sur Internet des choses qui leur importaient. Il a fallu 2 ou 3 ans pour que les personnels des mairies de quartier s'habituent à publier en ligne. Aujourd'hui, une centaine de sites associatifs sont hébergés par infini.fr (site associatif ouvert). 4­ Coproduire du contenu L'étape suivante a consisté à faire se rencontrer différentes formes d'expression, et de faciliter les rencontres entre acteurs pour coproduire un contenu. Exemples de coproduction : • Le CD­ROM « Bureau libre », qui a été réalisé en seulement 3 réunions. Livré en Mars 2005, ce CD est un succès au plan national (200 000 CD diffusés aujourd'hui) • WIKI­Brest : ce site collaboratif, lancé en 2006, comporte maintenant un atlas, des carnets sur le patrimoine du Pays de Brest, qui sont alimentés et enrichis par la population • « Collecte de mémoire » : initiative dans laquelle la population apporte des cartes, des écrits, des souvenirs... ce qui permet de mettre en ligne des morceaux de mémoire, uniques par le regard et l'expérience personnelle qu'y investissent leurs auteurs (par exemple, des associations ont valorisé la mémoire ouvrière de Brest) • PSAUME, site sur l'insertion par le social et l'Internet, réalisé avec les Marsouins (équipe de l'ENST, en réseau avec 4­5 labos en pointe sur le sujet à Amiens, Clermont­Ferrand, Bordeaux, Wallonie) Article pour le PUCA - 13/09/06


Enfin, 1 fois tous les 2 ans, un grand événement rapproche les acteurs de la radio, du Web, les journaux de quartier. Ce forum permet de combiner les expériences sensorielles et de faire se rencontrer des acteurs variés. 3­ Impact 10 ans plus tard, 77 PAPI ont été ouverts à un rythme de + 7­8 par an. 30 formations par an sont dispensées pour des groupes de 5 à 10 personnes. A ce jour, 200 responsables et animateurs maîtrisent les outils. Les PAPI reçoivent aujourd'hui 20 000 visiteurs par an. Cette politique correspond à un budget d'environ 300 000 €/an, soit environ 2 €/ par Brestois, et s'appuie sur 7 emplois au niveau de la ville et à peu près autant autour des initiatives dans la ville. Brest est aujourd'hui une référence en France et à l'international en matière d'appropriation sociale des TIC, du logiciel libre dans la ville et d'approches collaboratives. Voir les exemples du CD ROM « bureau libre », la plate­forme Infini qui héberge de nombreux sites coopératifs, WIKI­Brest, @­Brest, PSAUME. Les liens figurent en annexe. Au total, le programme marche car la « mayonnaise a pris ». On constate que les groupes s'élargissent d'année en année et que les gens s'impliquent dans les PAP, les projets. Selon Michel Briand : « outre les résultats chiffrés (noyau dur de 200 personnes, 20 000 visiteurs par an, multiplication des sites Web de quartiers), l'accès public a permis de faire se rencontrer des gens éloignés ; le fait que les animateurs dans les PAPI font attention aux personnes et travaillent sur l'estime que les gens ont d'eux mêmes a été une clé du succès en matière d'insertion et de lien social ». 4­ Facteurs clés de succès L'expérience de Brest permet d'identifier plusieurs facteurs clés de succès : • Le programme s'adresse à tout le monde, via les équipements de quartiers, les mairies, les associations en respectant le rythme lent de l'appropriation humaine • Il met l'accent sur un grand nombre de petites formations, décentralisées et réalisées dans un cadre de proximité et l'attention aux projets, aux envies de faire ensemble • La clé est le participatif, l'état d'esprit, la volonté de collaborer et de produire avec les autres et un climat de confiance et d'estime qui se construit au fil du temps • Pour cela, il faut prendre en compte la notion de « temps long » : un tel programme prend des années, les PAPI et l'animation par le local ne peuvent pas être imposés. Selon Michel Briand, s'il a fallu 10 ans pour Brest, on peut tabler sur moins de 5 ans maintenant pour des collectivités qui s'engageraient résolument dans la démarche, compte tenu de la diffusion d'Internet, de l'amélioration des outils, et des possibilité d'apprentissage partagé entre Villes apprenantes ; • La démarche coopérative et ouverte est une démarche en profondeur et de longue haleine, elle nécessite un engagement d'un ou plusieurs élus. 5­ Pistes d'action pour une collectivité qui souhaiterait s'en inspirer Les pistes à poursuivre pour mettre en place une telle démarche, dans le droit fil de “Territoires Intelligents et Communautés Apprenantes” sont les suivantes : • Investir sur l'animation et l'appropriation par les équipes et organisations existantes , privilégier l'appropriation locale pour assurer la pérennité de l'effort (associations, bibliothèques, maisons pour tous...) • Infrastructurer l'intelligence : aujourd'hui, les solutions type WIFI et ADSL peuvent être envisagées à l'échelle d'un quartier ou d'une ville. Le WIMAX, qui permet de fonctionner sans Article pour le PUCA - 13/09/06


lignes ADSL et de passer par ondes radio, est une technologie prometteuse. Ensuite, renforcer le maillage en points d'accès avec des animateurs formés, équiper les points d'accès avec des machines recyclées ou du matériel neuf bas de gamme en s'appuyant sur un bureau libre gratuit (cf CD ROM de Brest) Faciliter l'émergence de communautés apprenantes, selon une approche participative partant des besoins ou de thématiques facilement appropriées par les individus et faciliter la coproduction avec des outils collaboratifs et des évènements collectifs (cf Collecte de mémoire, Psaume, WIKI­Brest) Inscrire le projet dans « le temps long » : s'il a fallu 10 ans pour Brest, il faut tabler sur au moins 3­4 ans pour les villes qui emboîteraient le pas.

En guise de conclusion, le modèle participatif et collaboratif appuyé sur le Libre nous semble une manière durable de promouvoir une démocratie participative, même s'il est plus lent et qu'il demande d'engager des moyens dans des infrastructures intelligentes décentralisées, et de former et d'animer des communautés apprenantes dans la durée. Par son caractère évocateur et facile d'accès, son coût somme toute limitée en tant qu'outil de production et de transfert de la connaissance, le multimédia peut être un formidable facteur d'accélération pour recréer et renforcer le lien social. Logiciel libre : gadget, choix éthique, enjeu de durabilité ? Le logiciel libre a été « inventé » au début des années 80 par Richard Stallman, chercheur au Massachussett Institute of Technology (MIT) aux USA. Frustré par l'impossibilité de résoudre les pannes par lui­même sur les ordinateurs et les périphériques, faute d'accès aux codes sources (programmes qui font fonctionner les machines), et ce pour des raisons de brevet commercial, il lance l'idée de développer des codes sources qui seraient « libres », c'est­à­dire accessible à tout le monde, sans avoir à payer de droit d'entrée. Il crée la « Free Software Foundation » en 1983, fondation qui servira de plate­forme au développement des logiciels libres, lesquels reposent pour l'essentiel sur des contributions de bénévoles et chercheurs qui souhaitent diffuser librement leurs travaux afin d'accélérer la diffusion de la connaissance. Linus Torvald, étudiant à Helsinki, apporte la pièce maîtresse en développant au début des années 90 un code source puissant, « noyau » universel libre qui est maintenant à la base des systèmes d'exploitation des machines (serveurs et PC), surnommé « LINUX ». En France, le mouvement des logiciels libres a commencé vers 1995, au travers des serveurs Linux que les universités et les services publics cherchaient à développer pour des raisons de maîtrise interne et de coût. En 2000, le boom d'Internet a stimulé le développement de start­ups et de structures coopératives actives en logiciel libre. Aujourd'hui, après plus de 20 ans de développement, les logiciels libres sont devenus une alternative performante aux logiciels propriétaires, et connaissent une croissance exponentielle : ces logiciels entretenus et améliorés par des utilisateurs et des chercheurs désireux de partager leurs trouvailles par Internet, sont de fait quasiment invulnérables aux virus et « collent » aux besoins des utilisateurs. Gratuits, ils représentent une opportunité d'accès équitable (Linux a été adopté par de nombreux PVD, dont la Chine et le Brésil, par des ONG et de nombreux acteurs publics). Son installation et son usage ont été rendus extrêmement simples dans les dernières années avec l'apparition d'outils tels que l'interface utilisateur « Ubuntu », la suite bureautique « Open Office » ou le navigateur Mozilla : pas besoin d'être un expert pour se servir de Linux ! Les récents développements d'outils libres et décentralisés, reposant sur des modèles collaboratifs tels les WIKI (cf Wikipedia), dans lesquels les usagers et les développeurs collaborent sur des textes, des images ou des programmes partagés, accélèrent encore cette dynamique. Article pour le PUCA - 13/09/06


Cependant, au delà de l'explosion actuelle d'Internet et des TIC 7, le point qui nous semble le plus fondamental est qu'il s'agit d'un enjeu de société et d'un choix éthique : le logiciel libre est important non pas parce qu'il est performant et gratuit, mais parce que la connaissance ne se cadenasse pas. Les acteurs de l'éducation, les collectivités, les mouvements participant de la citoyenneté doivent pouvoir toucher le plus grand nombre, le coût devrait être celui du transfert de connaissance, et non le paiement de tickets d'entrée. Surtout, pourquoi entraver la liberté d'expression d'acteurs qui souhaitent mettre dans le domaine public des solutions qu'ils ont développés seuls ? Pourquoi ce qui est vital à l'humanité devrait­il faire l'objet de restrictions et de monopoles à vocation marchande ? Liens utiles sur Brest et le Libre http://www.a­brest.net : vue d'ensemble, PAPI, @­Brest CD Bureau libre – free eos : http://www.a­brest.net/rubrique121.html Photothèque http://www.a­brest.net/article2199.html Médiathèque http://www.a­brest.net/article1019.html Wiki­brest http://www.a­brest.net/article2214.html http://marsouin.infini.fr/psaume et écrit public http://www.expert.infini.fr • http://www.couleurquartier.infini.fr : textes de 1300 habitants du quartier, richesse culturelle • http://reso.blogs.com/crealiens avec ATD Quart Monde • http://www.a­brest.net/auteur2.html sur Michel Briand Partenaires de recherche • http://angenius.org • http://laquinarderie.org • http://bioregional.com • http://oneplanetliving.org • http://footprintnetwork.org • • • • • •

Nos remerciements pour leur contribution à cet article vont à : Michel Briand, Bertrand Zuindeau (Université de Lille 1), Gilles Pennequin (DIACT), Lucien Petit (SCIC CLISS 21), Jean­François Caron (maire de Loos en Gohelle) Auteurs : Thanh Nghiem et Mose, Institut Angenius

7

Voir l'envol des valeurs boursières de Google, Yahoo ! ou eBay, ou la croissance exponentielle des blogs dans le monde Article pour le PUCA - 13/09/06


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.