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La culture en bref

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Textes Aurélie Vautrin Entretiens Emmanuel Dosda

Exposition Tomi au Palais

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17 sept. → 5 jan. 2023

Musée des Arts décoratifs musees.strasbourg.eu

Sur le parquet massif du salon des évêques, des rails de chemin de fer slaloment entre le mobilier cossu et les statues de marbre. Dans le cabinet d’aisance, on croise le chancelier Bismarck. Sur les murs, des dessins originaux, au pied d’un fauteuil, une voiturette à pédales… Le temps d’une exposition étonnante programmée jusque début 2023, le Musée des Arts décoratifs de Strasbourg se met aux couleurs de l’inégalable Tomi Ungerer ! Artiste protéiforme incontestablement engagé, affichiste, illustrateur, inventeur d’objets, collectionneur, dessinateur, Ungerer est sûrement l’un des plus importants auteurs de littérature jeunesse depuis plus d’ un demi-siècle : l’inviter au Musée des Arts décoratifs, c’est proposer une (re)lecture surprenante des grands appartements et des communs du Palais Rohan… C’est ajouter une bonne dose d’humour, de tendresse et d’éclectisme à un lieu chargé d’histoire et de symboles. Dessins, affiches, sculptures, bijoux, jouets… Ces objets, prêtés par le Musée Tomi Ungerer, ont tous été crées, imaginés ou collectionnés par l’artiste tout au long de sa vie. Une exposition surprenante où se côtoient deux univers diamétralement opposés, mais où chacun nourrit l’autre pour aller jusqu’à le réinventer.

Exposition Galerie EAST

08 oct. → 26 nov.

Galerie EAST / galerieeast.com

Faire la part belle à l’art contemporain comme aux arts décoratifs, c’est la ligne directrice de la galerie EAST depuis son ouverture rue du Faubourg-de-Pierre au début de l’année. Pas de cloisonnement, pas de cases pré-définies, ici l’on prône un « Art Total » ! Si bien que l’on pourra y voir se côtoyer deux univers très différents du 8 octobre au 26 novembre prochain : celui de Sophie Ko, une jeune artiste géorgienne, et celui de Nicolas Schneider, un artiste protéiforme installé à Strasbourg. Chez Sophie Ko, l’art se confronte au temps et à la matière, via l’utilisation de pigments compressés formant des strates mouvantes en perpétuelle mutation dans leurs cadres. Des Géographies temporelles qui se transforment ainsi indéfiniment, emplies de poésie, de douceur et de mystères ; à noter qu’il s’agira de la première exposition personnelle en France de l’artiste. En parallèle, la galerie EAST accueillera une œuvre spécialement conçue pour l’occasion par Nicolas Schneider : un Surtout monumental composé d’une quinzaine de pièces en bronze dans la tradition de l’art de la table des xviie et xviiie siècles, en lien avec ses recherches sur le paysage et ses variations.

Danse In C de Sasha Waltz & Guests Terry Riley

19 → 21 oct.

Le Maillon / maillon.eu

En 1964, Terry Riley composait une œuvre qui allait marquer à tout jamais l’histoire de la musique. Qui, un demi-siècle plus tard, continuerait à influencer les créateurs de tous bords, rock, pop, electro et consorts… Et tout cela sur une simple feuille A4. Car In C est composé de (seulement) 53 brefs motifs musicaux répétés à l’envi par l’orchestre, parfois pour quelques minutes, parfois pour plusieurs heures ou inversement. Un morceau considéré depuis comme la première œuvre du courant de la musique minimaliste… Deux ans après avoir présenté Allee der Kosmonauten au Maillon, c’est la compagnie Sasha Waltz & Guests qui s’empare aujourd’hui du titre de Terry Riley, en le transformant en une œuvre fluide et colorée en perpétuel changement au fil du temps. À partir des 53 riffs de Riley, la chorégraphe a en effet imaginé 53 enchaînements de mouvements, modulables, mouvants, vivants, que les danseuses et les danseurs font et défont dans une composition variable et envoutante. Un processus expérimental, imaginé en pleine pandémie, qui interroge une nouvelle fois le dialogue entre la danse, la musique et l’espace, comme souvent chez Sasha Waltz… Une ode pop à la liberté de l’être au sein d’un tout, magnifiée par les tenues colorées des danseurs et les lumières flashy, jouant ainsi de et avec la spontanéité de la troupe. Étonnant.

Par les bords TJP Grande Scène (spectacle présenté avec Pole-Sud) pole-sud.fr

Bouger les lignes

Par les bords, Renaud Herbin explore la notion d’exil en jouant à saute-frontière avec un spectacle musical et chorégraphique. Questions au directeur du TJP qui quitte ses fonctions fin décembre.

Par Emmanuel Dosda

Avez-vous l’impression de franchir une étape avec Par les bords, qui part d’un poème que vous avez écrit et où la manipulation

est absente? J’ai en effet ressenti une nécessité de mettre des mots sur le sensible, mais déjà avec Wax (2016), je me servais de mes propres textes comme d’une matière à mouvoir, à théâtraliser. Quant à la manipulation, elle est bien présente selon moi : le corps du danseur est tenu par des fils invisibles. Je ne m’éloigne pas de ma pratique de marionnettiste car Côme Fradet est « dansé » par son environnement, musical, textuel ou lumineux, par la force du plateau !

Le point de départ est une expérience personnelle, liée à l’arrivée des talibans

au pouvoir… J’en parle avec pudeur, de manière abstraite avec ce spectacle où la musique est jouée live par le oudiste Grégory Dargent et la chanteuse Sir Alice. Je travaillais sur l’idée de lois de gravité à défier lorsque je me suis retrouvé happé par cet épisode d’artistes afghans cherchant à fuir un pays devenu hostile. J’ai modestement participé à la venue d’une dizaine de jeunes plasticiens ou performeurs à Strasbourg*, tout en ressentant fortement leur état émotionnel et en étant animé par le désir d’explorer la question de l’exil, du refuge, du lieu à habiter lorsque le sol se dérobe sous nos pieds et de l’équilibre à retrouver.

Durant les onze ans à la tête du TJP, vous avez cherché à abolir les frontières entre les genres, comme vous le faites avec ce

spectacle… Bien sûr, c’est ma philosophie et elle transpire autant dans la direction du CDN que dans mon travail d’artiste. Je suis heureux de passer la main : c’est joyeux de laisser la place à une autre personne. L’histoire continue…

* Un des artistes afghans se produira lors du focus Espaces d’exil au Maillon (24 janvier → 4 février, programmation en cours – maillon.eu)

Photo Benoit Schupp

Opéra Le Chercheur de trésors de Franz Schreker

28 oct. → 29 nov.

Opéra national du Rhin operanationaldurhin.eu

Pour sa nouvelle production en partenariat avec le Deutsche Oper Berlin, l’Opéra national du Rhin met en lumière Le Chercheur de trésors, une œuvre oubliée du compositeur autrichien Franz Schreker,… Un récit de quête, de désirs et de luth magique écrit pendant les affres de la Première Guerre mondiale, et qui fut considéré par la suite comme l’un des plus grands succès lyriques de la République de Weimar. Il faut dire qu’à l’époque, Schreker était aussi célèbre que son illustre contemporain Richard Strauss – mais les méandres de l’Histoire n’eurent pas les mêmes conséquences sur l’un et l’autre : Schreker, de religion juive, vit ses compositions interdites par le Troisième Reich et son œuvre entière tomber dans l’oubli. Ainsi, c’est aujourd’hui la première fois que Le Chercheur de trésors est présenté en France ! On y suit Elis, un ménestrel chargé de récupérer le magnifique bijou qui assurait beauté et fertilité à la reine, désormais perdu. Pour ce faire, il peut compter sur un luth enchanté capable de trouver les trésors cachés – mais le jeune Elis découvre très vite que le monde est empli de tentations et de cupidité… Une œuvre aux contours postromantiques, ici mise en scène par Christof Loy sous la direction de Marko Letonja, qui mérite amplement d’être redécouverte.

Photo : Minika Rittershaus

Photo : Teona Goreci

Underground

La nouvelle saison de Jazzdor est voulue comme une invitation au voyage par Philippe Ochem, directeur, et son équipe.

Entretien free. Par Emmanuel Dosda

Vous citez Peter Brook qui conseille de ne jamais s’arrêter. Avez-vous parfois envie de

baisser les bras ? Ça peut arriver, mais ça ne dure jamais car la musique est plus forte ! C’est un peu définitif comme réponse, mais c’est la vérité. [Rires]

Le désir de sortir des chemins balisés reste

un moteur pour Jazzdor ? Oui, notre programmation essaye de mener à des sentiers qui ne sont pas encore battus, d’accompagner le public vers d’autres histoires, sortant de l’ordinaire. C’est au cœur de notre philosophie : nous tissons des liens, parfois souterrains, entre des familles de musiciens à travers le monde. Le quartet multiculturel KUU!, avec la chanteuse Jelena Kuljić, (dimanche 6 novembre) mêle les influences et refuse les étiquettes. De même pour Polonez (samedi 12 novembre), projet de Lumpeks, avec la chanteuse/percussionniste polonaise Olga Kozieł. Comme Bartók au début du xxe siècle, le groupe, émanation du collectif Umlaut, est allé puiser dans un répertoire folklorique pour l’actualiser. Sa musique se nourrit de sons venant d’ailleurs qu’il recycle.

Le projet Black Lives: From Generation to

Generation se frotte à l’actualité… Cet ensemble affirme la dimension politique de ses compositions qui puisent dans un large registre de styles : musique africaine ou rythmes des Caraïbes (vendredi 18 novembre). On peut raconter l’état du monde en jazz, comme le fait le duo Maniucha Bikont & Ksawery Wójciński que j’ai découvert lors d’un concert au fin fond de la Pologne, avant la guerre en Ukraine. Tandis que Maniucha s’empare de chansons folkloriques de Polésie, région du Nord ukrainien, le contrebassiste lui répond en improvisant. Il ne l’accompagne pas, il tourne autour de son chant et sa voix extraordinaire!

Nouvelle saison de Jazzdor avec trois temps forts :

→ 37e édition Festival Jazzdor à Strasbourg 04 nov. → 18 nov.

(Fossé des Treize, Espace Apollonia, Le Point d’Eau à Ostwald, Maison des Arts de Lingolsheim, La Briqueterie à Schiltigheim…)

→ 1re édition Festival Jazzdor Strasbourg/Budapest 22 → 25.03.23

→ 15e édition Festival Jazzdor Strasbourg/Berlin/Dresden 06 → 09.06.23

jazzdor.com

Photo : Jean-Louis Fernandez

Théâtre Berlin mon garçon de Marie NDiaye

09 → 19 nov.

Théâtre national de Strasbourg tns.fr

Si le grand public la connaît surtout en tant que romancière, notamment grâce à Trois femmes puissantes (Gallimard, prix Goncourt 2009), Marie NDiaye écrit également du théâtre depuis plus de vingt ans – elle fut d’ailleurs lauréate du Prix du Théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre il y a tout juste dix ans. Et c’est à la demande de Stanislas Nordey, emblématique directeur du TNS, que l’autrice a imaginé l’histoire de Marina, mère de famille partie seule à Berlin à la recherche de son fils, disparu sans laisser de traces dans la capitale allemande. Le mari, lui, est resté se morfondre dans sa librairie de Chinon, comme le symbole d’une petite bourgeoisie provinciale sous le joug d’une mère manipulatrice. Se met alors en place un va-et-vient continu entre deux pays, deux pensées, deux âmes perdues, et l’enquête, protéiforme, n’a pas fini de bousculer son monde. Car Berlin mon garçon cache son jeu comme la ville ses secrets. Peu à peu, l’intrigue prend des allures de conte de frayeurs à la frères Grimm, et l’aventure romanesque se change en portrait inquiétant d’un monde en crise généralisée… Le tout souligné par une mise en scène ultra stylisée et des décors soigneusement minimalistes. Une histoire de filiation, d’amour, de haine, portée par une écriture ciselée au scalpel, et où les tabous se brisent comme autant de miroirs sans tain.

Théâtre Ce samedi il pleuvait d’Annick Lefebvre 29 nov. → 2 déc.

Théâtre Actuel et Public de Strasbourg taps.strasbourg.eu

Chers amis de la bien-pensance, passez votre chemin ! Le TAPS accueille fin novembre la nouvelle pièce d’Annick Lefebvre, autrice montréalaise bien connue pour ne garder ni sa langue ni ses poings dans sa poche. Et Ce samedi il pleuvait ne fait pas exception : ici les mots cognent comme des uppercuts en pleine bouche – et les chicots grincent comme chez un dentiste sous ecstasy. Vous avez dit aussi drôle qu’engagé ? On y suit en effet une jumelle et son jumeau en pleine crise de rébellion post-pubère, et tout y passe, la malbouffe, la corruption en politique, la Manif pour tous, la société de surconsommation capitaliste, l’idéalisme perverti de leurs parents et la fameuse pseudo conscience écolo-humanitaire… Autant dire tous les travers de la société néolibérale qui les a vus naître. À la fois terriblement sarcastique et parfaitement jubilatoire, agrémenté de truculentes expressions québécoises, Ce samedi il pleuvait porte haut les couleurs de la pensée libre et de la libre pensée. Avec en prime une musique créée par le psychédélique Kalevi Uibo et le duo strasbourgeois Encore, jouée en live par les musiciens et en harmonie parfaite avec le jeu des comédiens. Un pamphlet brûlant comme de la lave en fusion qui a tout pour nous faire passer par toutes les couleurs du rire.

Photo : Dominique Déhan

Photo Studio 28, rue du Général de Gaulle 67205 Oberhausbergen 03 90 20 59 59 www.preview.fr

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