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La vie résiste au violent typhon
témoignage
La vie résiste
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au violent typhon
Stéphanie Roth Gaña habite à Siargao, île des Philippines, depuis octobre 2009. Invitée du numéro 28 de ce magazine, elle y a expliqué quels projets humanitaires elle menait à bien là-bas. Dans ce même numéro, un article au titre énigmatique, On a rencontré Peter Pan, permettait la découverte de cette belle région grâce au témoignage d’une famille anniviarde. Cinq ans ont passé et, avec eux, des choses ont changé. Lors de son séjour estival chez les siens à Zinal, Stéphanie a bien voulu raconter un peu de sa vie sur cette île, qui a été ravagée par un typhon particulièrement violent le 16 décembre dernier.
Retour en arrière
Ayant découvert les Philippines lors d’un premier voyage en 2005, c’est en 2009 que Stéphanie décide de résider, au moins un an, sur cette île, qu’elle a connue grâce à des amis surfeurs. Très vite, elle tisse des liens avec la famille qui la loge. Avec celleci, elle se lance dans la création d’une petite ONG, Siargao Masaya, qui favorise l’accès à l’éducation et à l’autonomie des familles, grâce à des parrainages et à un programme de microcrédits. Amoureuse des Philippines avant que des Philippins, selon ses propres mots, Stéphanie choisit de s’installer là-bas. En 2013, elle épouse Peter, un autochtone. Aujourd’hui, ils sont les heureux parents de Louis et Céleste.
Réchapper de la tempête
Le 16 décembre 2021, le super typhon Rai, localement appelé Odette, a touché l’île, accompagné de vents à 195km/h. Il a causé des dégâts extrêmement importants et laissé des centaines de milliers de Philippins, totalement démunis, au milieu de leurs maisons en ruine. Stéphanie, qui a vécu l’événement en direct, se remémore cette journée. À Siargao, des typhons d’une intensité de un ou deux, il y en a régulièrement. Cela n’a rien de dramatique : les gens sont habitués et se préparent à leur arrivée en enlevant les noix de coco des arbres pour éviter les gros dégâts. Mais ce jour-là, un ami avertit la famille Gaña qu’en cinq heures le typhon va devenir de force cinq. Stéphanie et son mari rangent leurs affaires pour les mettre le plus possible à l’abri et éviter que tout soit fracassé. Ils savent déjà que le toit de leur maison va être emporté. Par chance, ils peuvent se réfugier chez un ami, qui vient de construire un bâtiment dont deux étages sont en dur. C’est là qu’ils subissent les intempéries. La nuit est tombée, ils ne voient pas grand-chose de ce qui se passe et donc ils n’ont pas trop peur. C’est en sortant après la tempête qu’ils découvrent l’étendue du désastre : toits arrachés, vitres cassées, structures en bois des bâtiments brisées, arbres soufflés comme des allumettes, etc. Au vu des circonstances, leur maison a plutôt bien tenu le choc, malgré que le toit se soit envolé. Des dix cocotiers qu’ils possédaient, deux seulement sont encore debout. Vite, il faut se dépêcher, car la saison des pluies arrive : chacun fait au mieux. Une bâche est installée pour remplacer le toit. Le problème de l’eau est crucial : heureusement, les Gaña possèdent un filtre qui leur permet de filtrer l’eau sur place. La plupart des gens achètent des gallons d’eau. Il n’y a plus de moyens de communication. Le typhon, en tant que tel, n’a tué personne
Une famille rayonnante


sur l’île de Siargao. Mais les conséquences de son passage entraînent des problèmes de santé qui ont provoqué quelques décès, dont celui d’un nourrisson déshydraté, par exemple. La catastrophe est surtout matérielle. Avant l’arrivée du tourisme, les habitants vivaient essentiellement de la noix de coco et de ses produits dérivés ainsi que de la pêche. Le typhon a aussi détruit les bateaux, saccagé les cocotiers, endommagé plus ou moins gravement les hôtels.
Réparer pour continuer
L’île, paradis pour les surfeurs, s’est spécialement fait connaître en 2017-2018. Beaucoup d’hôtels ont été construits alors. Or, plus un endroit est touristique, plus les réparations sont rapides. Stéphanie est étonnée comme les choses se sont vite rétablies. L’endroit étant connu, l’aide a été prompte. À l’association Siargao Masaya, un élan de solidarité exemplaire a rapporté 25’000.- provenant du val d’Anniviers et 40’000.- de la région fribourgeoise, où deux jeunes femmes se sont beaucoup investies pour la cause. Ces belles sommes ont rendu possible l’achat de matériaux pour retaper deux cent cinquante maisons, pour refaire des bateaux et pour racheter du matériel nécessaire au séchage du riz. Les habitants ont ainsi retrouvé des moyens de gagner leur vie.
Philosophie de vie
Stéphanie n’a pas ressenti de peur particulière suite à la catastrophe. Des expatriés sont partis. Eux non. Ils avaient, d’une certaine manière, assuré leurs arrières en prenant quelques précautions. L’achat d’un filtre à eau et la mise en place de panneaux solaires se sont révélés déterminants pour pouvoir retourner chez eux. L’électricité a été remise à la fin février. Pendant bien des jours, il n’y avait plus de téléphone non plus. Chaque journée se passait à faire ce qui était nécessaire pour survivre. Ce fut une période un peu folle, mais instructive. Quand tout va bien, on est beaucoup dans la tête et on analyse tout. On râle souvent pour des bricoles. Quand on est forcé à revenir à l’essentiel, on regarde les choses autrement. Malgré les difficultés, les Philippins continuent de vivre, de rire, de faire des gages. C’est un peuple qui fait preuve d’une grande résilience et d’une grande foi. La plupart des gens sont chrétiens. Ils vivent dans l’instant présent. Stéphanie a trouvé sa place là-bas, elle s’y sent bien, avançant un jour après l’autre sans se projeter dans l’avenir. De nouvelles énergies viennent renforcer l’association qu’elle a créée en 2010 et qui a encore tant de projets à concrétiser. Ainsi, elle pourra un peu lever le pied pour s’occuper de sa famille. En mars, Stéphanie a en effet pu mettre au monde sa petite fille chez elle, comme elle le souhaitait. La vie continue, belle.
Janine Barmaz
Siargao Masaya
Le siège de l’association va être déplacé dans le canton de Fribourg en 2023. En effet, deux jeunes femmes, habitant cette région, ont envie de prendre la relève et de remplacer Stéphanie à la tête du comité. Ayant participé aux actions de l’association sur le terrain, elles ont été séduites par celle-ci. Elles se sont démenées pour trouver de l’argent après le passage du typhon. Stéphanie, en tant que fondatrice, resterait membre du comité et continuerait à être employée de l’association sur place, à Siargao. Pour davantage d’informations concernant les activités et les besoins de l’association, en plus des articles cités ci-dessus, cf.