A la mala (1) Erenati Aquilina - Théorie des Casquettes

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À LA MALA Théorie des casquettes



À LA MALA Théorie des casquettes


Projet de fin d’étude Mars - Juillet 2015 AQUILINA Clément ERENATI Abigail Enseignants : Patrick Leitner et David Fagart


« C’est un archicélèbre [...]. Il va bientôt publier [...] un gros ouvrage sur ses projets parisiens : le genre mégalo-book, papier glacé, photos couleurs, plan dépliable et tout. Opération prestige. Avec de belles phrases d’architectes : de celles qui s’envolent en abstractions lyriques pour retomber en parpaings de béton ». Daniel Pennac La fée carabine, 1987


Les mots suivis d’un * renvoient à une définition dans le glossaire appliqué en fin de livret.


SOMMAIRE Introduction 9

RÔLE DE L'’ARCHITECTE DANS LA COMMANDE PUBLIQUE

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Le cadre de l'ANRU 15 Rôle de l'architecte classique dans sa réponse aux politiques publiques et économiques 19 C’'est quoi l'ANRU ? 23 Parallèles ANRU et Grands Ensembles 26 Une alternative du passé : le renaudisme 31

l'architecte renouvelé 35 Renouvellement du rôle face à l'institution 37 L'encapacitation et l'architecte 40 La pratique des collectifs d'architecture 43 Notre rôle d’architecte avec trois casquettes 47 Le maître d'oeuvre 47 Révélateur, activateur et catalyseur 48 Encapaciteur 48 Ouverture au cas d'étude 50

annexes 53 Bibliographie 55 Glossaire appliqué 61



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INTRODUCTION Deux étudiants se démarquent des méthodes de travail apprises pendant les cinq - six dernières années et d’une pratique « normalisée » de l’architecture. Ce binôme de diplômables questionne sa future profession, et cherche une voie conforme à l’engagement sociétal qui les attire avant de quitter l’école. Dans un contexte où les métropoles sont misent en concurrence, les mécanismes de la production architecturale publique actuelle ainsi que les opérations ANRU* attachées aux Grands Ensembles* cinquantenaires nous questionnent sur le rôle de l’architecte dans notre société. Dans ce système bien huilé, l’architecte joue le rôle de maître d’œuvre* : conception et construction. Il est cantonné à répondre à des commandes et des programmes décidés en amont. Mais le métier d’architecte aujourd’hui ne couvre qu’une portion limitée de ce à quoi il est formé. Celui qui pourrait construire littéralement la société se trouve réduit à produire des bâtiments tant normés que l’inventivité (formelle mais aussi sociale) y perd sa place. Il est entravé par une myriade de contrôles dictés par une rentabilité et des objectifs à court terme, issus des domaines administratifs et économiques, parfois dépendant d’une temporalité électorale ou inféodés à un groupe de pression. Dans quelle mesure peut-on imaginer exercer autrement la profession d’architecte ? Dans un but social et citoyen, quels sont les


mécanismes qui peuvent lier l’architecte avec l’habitant*, et quel lien entretenir avec les administratifs et les décideurs politiques ? Face à la démarche étatique de construction des Grands Ensembles et avec les questionnements de mai 68, quelques architectes ont entamé une production architecturale devenue caractéristique de cette période. Parmi eux, Renaudie et Gailhoustet sont les figures de ce mouvement. Mus par des considérations sociales, ils ont pu construire des programmes de logements qui font référence grâce au soutien des mairies communistes de l’époque. Si on parle de pratiquer l’« architecture autrement »1 on ne peut s’empêcher de penser également à l’architecte Patrick Bouchain, très médiatisé aujourd’hui autant pour sa production prolifique d’écrits que pour son œuvre construite. Ajoutons qu’il inspire de nombreux architectes et artistes regroupés sous la forme de collectifs, pratiquant l’auto-construction et portant leurs projets par une recherche-action de terrain avec les habitants.

Tous ces mouvements nourrissent notre questionnement sur le rôle de l’architecte. Aborder cette problématique passe donc à la fois par une relecture des architectures post soixante-huitardes, des processus qui les ont permises et des expériences* d’architectes menant leur métier de façon alternative aujourd’hui.

Signe des temps, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir, alors que nous approchions de notre dernier mois de PFE, une table ronde entre Patrick Bouchain et Renée Gailhoustet à propos de leurs travaux respectifs sur les Grands Ensembles. Notre projet de fin d’étude s’est évertué à examiner le potentiel* de réhabilitation* des bâtiments de l’une avec l’approche de l’autre. Les deux architectes sont finalement liés sans notre ressort pour une 1 / Référence au titre de l’ouvrage: Construire Autrement, BOUCHAIN Patrick, Actes sud, 2006


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simple raison : ce sont deux architectes pionniers qui ont mené des initiatives architecturales critiques de la production générale, des expérimentations bâties porteuses de valeurs humanistes. Étudiants, la relecture de leur œuvre nous guide vers une pratique de l’architecture qui refuse la normalité et l’économie de marché qui entravent la profession. Il s’agit à notre tour de refuser la fatalité d’un exercice où les valeurs ne sont que marchandes pour au contraire proposer nos expérimentations d’un architecte multi-casquettes qui utilise pleinement ses compétences au profit d’un processus* citoyen.



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Le cadre de l'’ANRU La ville-métropole s’est façonnée à l’image du capitalisme, système élitiste et exacerbant les inégalités. En France, depuis les politiques de régionalisation puis de décentralisation, il s’agit désormais pour chaque ville de mettre en avant son attractivité, de fabriquer et de pérenniser elle-même son développement et son économie. C’est une compétition à échelles multiples qui s’engage. Les stratégies d’aménagement s’organisent principalement, d’une part autour des « classes sociales les plus valorisées dans le capitalisme globalisé »2 (élites professionnelles mobiles) et d’autre part vers les entreprises, investisseurs du territoire (partenaires financiers de croissance). David Harvey précise que la relation entre l’échelle globale et locale est complexe. La mondialisation ne doit pas être systématiquement mise en avant. Les initiatives locales se frayent un chemin jusqu’au global. Selon lui la mondialisation est un « maillage géographiquement articulé d’activités et de relations capitalistes mondiales »3. Cette nouvelle organisation de mise en concurrence territoriale amène les villes à élaborer des projets de développement pour leur propre survie dans le système dominant. Ainsi l’arrivée de nouveaux acteurs dans les politiques d’aménagement, notamment ceux issus de la sphère marchande et spéculative, constitue une source de clivages 2 / PINSON Gilles, Gouverner la Ville par le Projet, Urbanisme et gouvernance des villes européennes. SciencePo, Les Presses. 2009 3 / HARVEY David, Géographie de la domination (2001). Traduit de l’anglais par Nicolas Vieillescaze. Ed Les Prairies Ordinaires - 2008


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démocratiques et de marginalisation de groupes sociaux. L’utilisation récurrente du terme « métropolisation », qui dans le discours politique s’attache à une entrée des villes dans la compétition générale, dénote cette position infléchie des villes face à la tendance néolibérale dominante. Les élus utilisent les mouvements de décentralisation et de regroupement de communes dans une logique de développement trop peu sociale mais surtout économique avec une forte dynamique concurrentielle. Pour elles, il faut alors créer le cadre de vie qui va de pair avec cette attractivité, et rafraîchir l’image de la ville par la rénovation de son cadre bâti. C’est le marketing urbain. Pour adapter la métropole à ces exigences, les politiques de restructuration des villes liées à ce marketing cherchent à attirer les élites dans les centres. C’est ce que l’on appelle « revitalisation » des villes, ou « rénovation urbaine ». On constate alors l’arrivée des phénomènes liés à ces politiques : « l’élitisation » des villes, la gentrification, l’abandon politique des groupes sociaux les plus défavorisés en faveur du « développement » et de la « croissance » qui est dans toutes les bouches. Les nombreux déséquilibres sociaux s’exacerbent à l’intérieur et en périphérie de ces métropoles. « Si les projets font des villes des acteurs collectifs de plus en plus capables d’agir de manière cohésive et de se positionner vis-à-vis de leur environnement, ils en font aussi des espaces politiques de plus en plus polarisés entre “impliqués“ et “exclus“ de la mobilisation territoriale »4. Gilles Pinson

Chacun comprend que les métropoles de demain sont les nouveaux moteurs économiques nationaux. On oublie pourtant que ces métropoles sont confrontées à un double enjeu. Si leurs gouvernances semblent happées dans la spirale économique d’une logique de croissance, la question sociale n’a jamais été aussi 4 / PINSON Gilles, Gouverner la Ville par le Projet, Urbanisme et gouvernance des villes européennes. SciencePo, Les Presses. 2009


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centrale qu’aujourd’hui. Les groupes sociaux populaires repoussés en périphérie depuis les prémices de la métropolisation sont en difficulté économique à la fin des Trente Glorieuses, dans une situation presque critique aujourd’hui et pourtant toujours laissés sur le banc de touche. Depuis les années 70, l’épouvantail de la crise repousse encore et toujours à demain la problématique sociale. L’investissement du capitalisme dans la rénovation des centresvilles va dans la suite logique de concentration des richesses, de captation de rente de monopole5 et repousse encore les classes populaires, toujours plus loin en périphérie, les plaçant dans une lutte constante contre les distances et pour la recherche d’emploi. Les nombreux écrits et action militantes pour un développement “écologique” (dans le sens premier du terme: prenant en compte les êtres vivants et les interactions entre eux dans leur milieu) n’ont pas atteints les sphères uniques qui restent en charge de la fabrique de la ville. Aujourd’hui les centre-villes ont vécu largement leurs projets urbains. A son tour, la frange périphérique proche de nombre de métropoles est entrée dans une série de projets urbains visant à les rénover*, les rendre plus attractives pour soutenir la ville dans son développement économique compétitif. Les fortes problématiques sociales imposent également d’intervenir sur le cadre bâti, notamment dans le cadre des politiques de la ville et des zones défavorisées. Les premières vagues de rénovation ont rénové les édifices en ne se focalisant que sur le bâti et en n’apportant pas de réponse concrète aux aspects sociaux et à l’emploi, qui est le revers d’une politique publique de la ville compétitive. Un risque supplémentaire pour les quartiers défavorisés est que la nécessité de rénover le parc de logements délabrés puisse être utilisée dans un objectif de rentabilité financière viable à court terme 5 / HARVEY David, Géographie de la domination (2001). Traduit de l’anglais par Nicolas Vieillescaze. Ed Les Prairies Ordinaires - 2008


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et non dans un processus de développement social. La ville d’Aubervilliers, limitrophe de Paris comporte 40% de logements sociaux. Cette part a augmenté de 11% entre 1999 et 2006. Une large partie de ces habitats est à la limite de l’insalubrité* et ceux-ci se posent la question de leur devenir prochain. Dans un soucis de répartition sociale, le Gouvernement ne souhaite pas construire de nouveaux logements sociaux dans une commune qui dépasse largement la moyenne française en terme de pourcentage de logements sociaux, alors même que les communes environnantes n’atteignent pas le seuil réglementaire des 20%, porté récemment à 25% par la loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové). Ainsi dans un habitat social qui se dégrade, faut-il s’attendre à voir le logement social relégué dans une couronne plus éloignée ? Nous reviendrons plus tard sur le cas de l’ANRU, l’agence publique en charge de plusieurs rénovations urbaines à Aubervilliers. Au travers de cet exemple, on peut se demander : entre capital et social, où se cache l’intérêt général dans le projet urbain ?

« Nous voulons vivre dans une société qui suive d’autres règles que le capitalisme: qui veuille le bien commun plutôt que le profit, la coopération plutôt que la compétition, l’écologie plutôt que l’économie »6. Hervé Kempf

6 / KEMPF Hervé, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Editions du Seuil, 2009


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Rôle de l'’architecte classique dans sa réponse aux politiques publiques et économiques Au sein du développement compétitif des villes, l’architecte vient prendre sa place. Dans son rôle actuel de maître d’œuvre, la programmation lui échappe complètement. Il agit en tant que créateur d’un objet dans une logique économique de rente de monopole. Les événements très récents qui exposent les difficultés de Jean Nouvel avec la Philharmonie de Paris sont révélateurs : même un “ starchitecte ” est acculé dans un mode opératoire. Si l’architecte veut construire ce type de programme, il est, dit Jean Nouvel, « obligé d’accepter »7 l’ensemble de la programmation, déclarée par des administratifs. Ces programmistes sont qualifiés d’embaumeurs de projet par Lucien Kroll : « ils transforment une action vivante (habiter, étudier, faire, loger...) en un schéma obligatoirement figé et stérile »8. Ce système mène l’architecte jusqu’à édifier les symboles même du capitalisme. Dans un article pour The Guardian, Ian Martin décrit la skyline de Londres comme une succession de sex-toys improbables9, signes de marques d’architectes collaborateurs de la folie de la privatisation qui gangrène la capitale anglaise. Asservi à un système normatif guidé par une politique économique, l’architecte doit trouver les petits chemins qui apportent des initiatives nouvelles s’il veut que la profession se restaure face aux volontés de « considérer que l’architecte n’est plus si utile que ça, de l’affaiblir »10. Au cœur des problématiques sociales et écologiques, la fabrique de la ville doit se faire avec certains espaces locaux à arracher au système global, ce qui doit passer par des expérimentations, et c’est ici que l’architecte pourrait trouver une place nouvelle. 7 / Jean Nouvel, in : « Jean Nouvel dit « enfin » sa vérité sur la Philharmonie », par LAROCHELLE Jean-Jacques, Le monde, 19/06/2015 8 / KROLL Lucien, Vers une éco-alphabétisation, in Alter-Architecture Manifesto, Eterotopia Infolio, 2012 9 / MARTIN Ian, The city that privatised itself to death, The Guardian, 24/02/2015 10 / NOUVEL Jean, Jean Nouvel dit « enfin » sa vérité sur la Philharmonie, par Jean-Jacques Larochelle, Le monde, 19/06/2015, consulté le 21/06/2015


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D’après David Harvey, les mouvements d’opposition montrent la voie partout dans le monde : ils ne refusent pas la mondialisation mais veulent la construire autrement. Il est tout à fait clair que l’alternative à la mondialisation sous sa forme actuelle ne nous viendra pas uniquement d’en haut. Elle ne pourra naître que de l’unification des multiples espaces locaux. Hervé Kempf rajoute que « l’enjeu n’est pas de lancer des alternatives. Il est de marginaliser le principe de maximisation du profit en plaçant la logique coopérative* au cœur du système économique »11. Harvey rajoute que dans sa recherche de spécificité pour une meilleure rente, le système capitaliste est prêt à supporter des initiatives qui vont à l’inverse de son sens. C’est l’espace des contradictions du modèle capitaliste que « les contestataires doivent intensément explorer et cultiver. Vers une mondialisation où ce seraient les forces progressistes de la culture qui s’approprieraient celles du capital, et non l’inverse »12. L’architecte doit faire acte de culture et de démocratie et livrer des espaces où le citoyen peut s’épanouir et s’approprier une économie locale et solidaire. La fabrique de la ville hors du capitalisme se fera par un mouvement citoyen. « Si, comme on a pu le constater au cours de la dernière décennie, l’idée du droit à la ville a connu un certain retour en force, ce n’est pas l’héritage intellectuel de [Henri] Lefèbvre qui peut l’expliquer (malgré son importance potentielle). Ce qui s’est passé dans la rue, au sein des mouvements sociaux urbains, est beaucoup plus important »13. David Harvey 11 / KEMPF Hervé, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Editions du Seuil, 2009 12 / HARVEY David, Géographie de la domination (2001). Traduit de l’anglais par Nicolas Vieillescaze. Ed Les Prairies Ordinaires - 2008 13 / HARVEY David, Villes rebelles - Du droit à la ville à la révolution urbaine (2012), Traduit de l’anglais par Odile Demange, Essai Bucher Chastel, 2015


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David Harvey nous glisse dans Villes rebelles qu’il y a effectivement une forme de redondance avec le mouvement soixante-huitard et l’héritage d’Henri Lefèbvre. Mais dans notre XXIème siècle, bien que relayées sur les plates-formes internet, la multitude des protestations de ces dernières quinze années ne s’est pas solidifiée en une alternative. L’architecte peut-il en renouvelant sa profession s’essayer à une transition ? L’architecte doit trouver dans sa manière d’exercer les moyens de projeter un bâtiment qui est extérieur à la politique économique globale. C’est dans « l’agir-urbain » local et basé sur le non-profit que la reconquête de ces espaces peut avoir lieu. L’action dans la ville est un autre moyen de s’exprimer, de protester, en utilisant l’espace public et la visibilité comme outils d’inclusion. Là, l’architecte doit montrer ses compétences sous un autre jour et mettre en lumière une voie d’action par une nouvelle manière d’inventer le projet. Aujourd’hui la commande publique continue de constituer une part importante de la construction. Malgré le néo-libéralisme ambiant en politique, à gauche comme à droite, les projets portés par les édiles locaux et les représentants déconcentrés du gouvernement doivent montrer que la préoccupation économique ne prévaut pas sur des bien-fondés comme le droit au logement ou un travail sur l’égalité. Dans ce questionnement il est utile de se pencher sur les actions de grande ampleur de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine. Celle-ci agit directement sur des zones dont les problématiques sont multiples, du social à l’urbanisme. Zones souvent construites pendant la folle période de construction des Grands Ensembles, avoir un regard sur ce passé et les alternatives qui y ont été proposées vient aussi nourrir la réflexion sur le rôle de l’architecte dans un contexte où sa place est de plus en plus réduite et instrumentalisée.


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C’'est quoi l’'ANRU ? L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), créée en 2004, est un organisme agissant dans le cadre des politiques de la ville pour la mise en œuvre du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU*). Celui-ci vise les quartiers en « difficulté » sur l’ensemble du territoire français. Après avoir mis en œuvre une première vague d’opérations, l’État français met en marche depuis 2014 une seconde phase, le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain* (NPNRU). L’ANRU fonctionne par un système de « guichet unique ». Elle finance les opérations sur des quartiers qu’elle a préalablement sélectionnés et y impose délais, organisation et modalités opérationnelles1. Face à la crise polycéphale que vivent ces quartiers au sein de métropoles en mutation, les opérations ANRU ont de lourdes taches. Des propres mots des dirigeants, elles sont supposées « rétablir l’égalité républicaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville »14 en rénovant le bâti et permettant « d’améliorer la vie quotidienne des habitants »15. Les bilans sur les premières réalisations sont mitigés. L’amélioration du cadre de vie et le désenclavement des quartiers ne pallient pas les difficultés sociales et économiques des quartiers « réhabilités », « désenclavés », « reconnectés ». On constate que le traitement des projets ANRU n’est pas une réponse suffisante pour rétablir cette égalité républicaine. Les projets de rénovation ne s’inscrivent pas dans un projet global cohérent. Ces opérations sont isolées, le contexte urbain vient accueillir ce bâti parfois rénové, souvent reconstruit, sans qu’un réel dialogue s’inscrive entre les zones anciennes et rénovées. Par la rapidité et leur mode de mise en œuvre (un choix imposé des sites, une délimitation par zone 14 / LOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine 15 / La secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville, Myriam El Khomri In. COUSIN Edouard, Un critère unique : la pauvreté, L’Alsace – 19 Avril 2015 http://www.lalsace.fr/actualite/2015/04/19/un-critere-unique-la-pauvrete


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bien définie) on peut comprendre que l’habitant perde en lisibilité autant sur le projet que dans le but plus général de l’ANRU. « Mais alors qu’on entend réparer l’absence de pensée urbaine qui a présidé à leur construction, les mêmes erreurs ne sont-elles pas répétées, en négligeant les conditions de temps et d’études que réclame le projet urbain ? »16. De manière chirurgicale, l’ANRU cible les maux de banlieue et procède à l’ablation plutôt qu’à la réparation, ne contribuant pas au rééquilibre de l’écosystème* urbain. Dans cette nouvelle forme de la politique de la ville, le renouvellement du parc social laissé à l’abandon passe par des actions drastiques, c’est le « dogme de la démolition reconstruction » qui a « tourné au délire »17. L’ANRU a « promis un remodelage beaucoup plus ambitieux que les politiques de la ville précédentes, en faisant sauter officiellement le tabou de la démolition pour engager la ré-urbanisation des quartiers ». Mais s’agit-il vraiment de ré-urbaniser systématiquement ? Guérir la ville méthode ANRU passe-t-il par faire table rase ? Aujourd’hui, la France manque d’argent public et la démolitionreconstruction est un des procédés les plus coûteux, le moins écologique, qui ne répond plus aux objectifs établis de production de logements et qui, à terme, produit un urbanisme stérile et vide de vie. « L’urbanisme de la démolition [de l’ANRU, nda] nie l’idée élémentaire du recyclage urbain et de la sédimentation des formes urbaines qui a fabriqué la ville depuis la nuit des temps »18. Ces opérations réduisent à néant des initiatives et des processus locaux originaux face à une méthodologie trop systématique et standardisée, en tout cas une méthodologie bureaucratisée du projet urbain. Cette méthodologie est justifiée par ce qui est désigné comme une urgence. Il semble qu’au nom de cette urgence, les décideurs 16 / JOFFROY Pascale, Quartiers ANRU, Mais où est passé le projet urbain?, D’architectures n°185, octobre 2009. 17 / Ibid. 18 / Ibid.


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retirent des projets urbains les temps d’étude et de mise en œuvre des projets. Le temps n’est pas pris pour l’analyse des causes du malêtre du quartier. Pour pouvoir y apporter une réponse à la hauteur du problème, on traite les symptômes en priorité à la place. Les cadences imposées ne permettent pas la mise en place des fondements solides d’un projet urbain réellement durable.

Alors que le discours fondateur de l’ANRU prétend avoir une portée sociale, l’application par opérations urbaines semble échouer sur cette question. Répondre efficacement au besoin social implique un changement dans les modes administratifs de gestion, notamment dans l’articulation des gouvernances entre les différentes échelles. Cette remise en question est particulièrement probante à Aubervilliers, dans la volonté qu’affiche la ville d’inclure un cercle plus large d’acteurs citoyens à la politique et la fabrication de la ville. Avec son dispositif* dédié à la démocratie locale, la municipalité dégage deux objectifs principaux : l’association des habitants aux politiques municipales et aux projets concernant leur quartier, et une meilleure prise en compte des problèmes rencontrés par les habitants au quotidien.19 Cependant là aussi la municipalité peine à porter un projet où les habitants seraient inclus. Il est clair en observant la foule assistant aux conseils de démocratie locale ou aux journées citoyennes, qu’elle est peu représentative de la population d’Aubervilliers. Il semble que les populations qui sont le plus en difficulté soient le moins à même de participer aux différentes dynamiques urbaines locales. La jeunesse, pourtant importante (les moins de 25 ans constituent 45% de la population de la Maladrerie), n’assiste pas non plus à ces réunions. 19 / Appel à candidatures pour les nouvelles équipes de quartier, Municipalité d’Aubervilliers, février 2015


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« Si cela ne marche pas et que plus personne n’assiste à un conseil municipal pour débattre, il faut passer à l’acte et expérimenter par une vraie participation démocratique à la vie de la commune en transformant le monde dans lequel on est, plutôt que de créer de nouveaux dispositifs pour masquer un dysfonctionnement des réunions où le citoyen participant a l’impression, au mieux d’être écouté mais pas entendu, au pire d’être manipulé »20. Patrick Bouchain

Le politique essaie de mettre en place des structures parallèles (comme le service de démocratie participative à Aubervilliers) qui pour autant n’incluent pas l’habitant aux processus politiques et de rénovation. Il lui est juste donné un autre moyen d’exprimer son mécontentement, mais pas de participer au projet qui le concerne directement. Proposer de nouveaux logements avec l’argent public de l’ANRU ne suffira pas à réintégrer les habitants dans un processus citoyen valorisant, en réponse à la problématique sociale. Il est important pour tous les acteurs de se fédérer* autour d’un réel projet de quartier pour que la politique sociale en amont de ce projet soit efficace et non isolée. Cette période de grande (re)construction/rénovation est récente et la prise de recul est nécessaire pour proposer un ANRU2 innovant. On peut lier plusieurs points de la démarche de l’ANRU avec la production des années 50-60 en France qui ont vu une production titanesque de bâti. Bien qu’étant une période considérée comme une erreur collective, établir un parallèle nourri notre réflexion sur la place de l’architecte dans la construction publique.

20 / BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Actes sud, 2006


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Parallèles ANRU et Grands Ensembles « De la construction des grands ensembles, ce qu’il en reste c’est la quantité et pas la qualité »21. Renée Gailhoustet

En étant programmée par une myriade d’administratifs et d’urbanistes, la production de logements et d’équipements de l’ANRU pense pouvoir transformer la société, les futurs habitants et utilisateurs par une amélioration des qualités urbaines des quartiers de grands ensembles. Cette intervention conséquente sur les construction de masse des trente glorieuses est conduite dans « l’urgence », répétant les erreurs d’il y a soixante ans. En miroir aux radicalités de l’époque, l’Agence Nationale, détermine la modification des formes urbaines armée de diagnostics de politiques de la ville non actualisés, et avec une prise en compte moindre des populations concernées. Les anciennes zones d’opérations d’aménagement de grande ampleur, ZUP, OIN, ZAC* conçues selon des modèles urbains fermés, de zonage de fonctions, terres “enclavées”, ont un fossé assez dur à combler pour refaire ville. Jusqu’ici elles sont coupées du reste des tissus urbains et pointées du doigt comme zones de ségrégation, “d’apartheid territorial, social et ethnique”22. Ces grandes opérations de réaménagement ne répondent pas pour autant aux problématiques sociales de ces quartiers. L’Agence Nationale pense pouvoir ré-établir l’égalité des chances en redorant l’image des quartiers populaires avec, ici un coup de peinture et là, « une rue qui va de nulle part à nulle part mais qui détruit au passage trois barres »23. Or, si on cite la secrétaire d’État actuelle chargée de la politique de la Ville : « Bien sûr, le cadre de vie ne règle pas les problèmes de chômage, mais cela permet d’améliorer la vie 21 / RIZZO Anne, Rénée Gailhoustet et le projet d’Ivry, documentaire - 2008 22 / Discours de Manuel Valls à Betton, le 27 février 2015 23 / JOFFROY Pascale, Quartiers ANRU, Mais où est passé le projet urbain ?, D’architectures n°185, octobre 2009.


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quotidienne des habitants »24. L’ANRU reste prudente et pose en amont les limites sur les actions physiques qu’elle veut porter. De manière caricaturale, on pourrait dire qu’au lieu de prendre le temps de réaliser des processus de projet dans des temporalités adaptées, afin de s’attaquer par la même occasion de front au problème social de fond, elle continue bille en tête dans une méthode autoritaire et contestée. Sans prétendre pouvoir résoudre les difficultés économiques, cette vague de rénovation a beaucoup à gagner en prenant le temps de cerner les problématiques micro-locales pour mettre en place des interventions sur mesure et non selon des recettes appliquées à l’identique sur l’ensemble des quartiers sélectionnés. « Avec cependant un bémol de taille, démolir les barres les tours, certes mais que reconstruire en lieu et place? [...] Le ministre [JeanLouis Borloo, nda] n’avait à l’évidence pas la moindre idée sur les critères d’une ville vivable, digne du vingt et unième siècle. Aucune sensibilité à l’architecture, comme la quasi totalité des politiques de droite et de gauche qui décident souverainement - et aveuglément - de la ville en se laissant mener par le seul marché, appuyés sur une bureaucratie psittaciste... »25. Jean-Pierre Lefèbvre

Les opérations largement médiatisées, décrites à plusieurs reprises comme le “plus grand chantier du siècle”26 par Jean-Louis Borloo et son ministère n’ont pas obtenu les résultats prévus. Cette agence « qui a transformé en quelques années la France des grands ensembles en un vaste chantier »27 ne répond même pas à la politique fixée de construction de logements sociaux : on peine à retrouver l’équivalence entre HLM détruits et logements sociaux reconstruits : 24 / Myriam El Khomri in « Un critère unique : la pauvreté », COUSIN Édouard, L’Alsace 19/04/15. http://www.lalsace.fr/actualite/2015/04/19/un-critere-unique-la-pauvrete consulté le 21/04/15 25 / LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM?, L’Harmattan, 2007 26 / Jean-Louis Borloo, in ANRU : Mission accomplie ? A quoi sert la renovation urbaine ?, EPSTEIN Renaud, PUF, La ville en débat, 2012 27 / EPSTEIN Renaud, ANRU : Mission accomplie ? A quoi sert la renovation urbaine ?, PUF, La ville en débat, 2012


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sur l’ensemble des 66000 logements concernés par l’ANRU depuis 2004, on n’en retrouve que 62000 à la fin des opérations. Pire, la loi stipule que seuls les logements occupés doivent être remplacés, le nombre de logements sociaux voit donc son nombre diminuer, face à un nombre de demandes toujours croissante. Notons également que le lancement de l’ANRU a vu les crédits alloués aux logements sociaux en général diminuer. L’ANRU utilise comme argument la vétusté des bâtiments pour promouvoir la démolition. Dans cette nouvelle forme de la politique de la ville, le renouvellement du parc social laissé à l’abandon passe par des actions drastiques, c’est le « dogme de la démolition reconstruction » qui a « tourné au délire »28. La vétusté précoce de ces bâtiments est due à un budget serré de l’époque, dans une politique de construction massive de logements bon marché. Les mêmes mécanismes sont cependant à l’œuvre aujourd’hui. La production de bâtiments de l’ANRU, bien que répondant à une quantité de normes qui garantissent une mise à plat, une équivalence entre les créations de bâtiments, le budget alloué pour les matériaux et la construction est faible - et l’on peut imaginer comment les politiques et architectes en charge de rénovation regarderont les opérations ANRU dans une trentaine d’années. Aujourd’hui, la France manque d’argent public et la démolitionreconstruction est un des procédés des plus coûteux, le moins écologique, et d’une viabilité douteuse car elle donne naissance à de nouveaux quartiers résidentialisée*, d’une stérilité urbaine encore plus grave que la construction des grands ensembles. L’ANRU en reproduisant le système de production de masse d’une période de construction qui est considérée comme un échec, ne répond plus à ce qui était une urgence à l’époque : apporter un 28 / JOFFROY Pascale, Quartiers ANRU, Mais où est passé le projet urbain ? , D’architectures n°185, octobre 2009


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confort minimum au plus grand nombre. Comment l’ANRU peut prétendre améliorer la vie des quartiers, alors que leur mode de fonctionnement échappe au réel des situations locales? Les grands coups d’images de synthèse des nouveaux projets décrivent une vie de quartier telle que l’imaginent les décideurs, nouveaux bâtiments, nouvelles populations. Aucune valorisation du déjà-là et pas de projet de vie de quartier nourri des expériences habitantes ni aucun circuit économique local. L’Agence Nationale ne remet pas en question le mode de gestion des maîtres d’ouvrages* dans leur rapport avec les locataires. Comme durant les Grands Ensembles, l’habitant est placé dans un système d’assistanat où le bailleur, propriétaire, se place aussi comme responsable du logement et ne laisse pas de place à l’appropriation* ou à l’expression. Cette hiérarchie dans la gestion entraînera inexorablement des problèmes similaires avec les opérations actuelles ANRU dans quelques décennies. Cette

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que

Jean-

Pierre Lefèbvre décrit comme une série de boîtes colorées, peut-être assimilée à la “production de cages à lapin” des trente glorieuses critiquée par Jean Renaudie29. En effet, dès les années 1970, se manifestent des architectes qui pointent du doigt le rôle de l’architecte dans la production des Grands Ensembles. Le renaudisme* reste aujourd’hui l’expression construite d’une critique majeure d’un urbanisme restant à ce jour le vestige de l’échec des idéologies modernistes et reconnues comme une erreur sociétale collective. Quelques 3000 logements produits entre les années 70 et 80 constituent le patrimoine* d’une idée. D’une idée d’une certaine architecture qui se laisse approprier par les habitants grâce à sa complexité. Chacun est différent, il n’y a donc aucune raison pour que 29 / RENAUDIE Jean in Les étoiles de Renaudie, KNAPP Hubert, 1979 documentaire, TF1 Euroscop


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tous les logements ne le soient pas aussi. Explorer ces alternatives passées et isoler les causes de leur échec nous permet d’imaginer comment des architectes sont sortis des sentiers battus et comment en écho on pourrait y trouver des pistes de réponse innovante à l’ANRU2.


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une alternative du passé : le renaudisme « Pendant longtemps, on a construit pour loger, après les années 1970, on a construit pour habiter »30. Serge Renaudie

Aux prémices de notre projet de fin d’études, dans la recherche d’un lieu sur lequel porter nos interrogations quant à la profession d’architecte, la première décision fut de choisir un territoire sélectionné NPNRU 2014. La proximité géographique nous a poussés à choisir le quartier Maladrerie – Emile Dubois à Aubervilliers. Quelle découverte! Déjà au fait des bâtiments de Renaudie dans le centre d’Ivry, nous explorons l’opération de Gailhoustet, nous nous penchons sur ce qu’est le renaudisme et analysons le processus qui l’a rendu possible, d’un mouvement social post soixante-huitard à la Sodédat 93 (société de construction mixte, travaillant avec les mairies communistes de la période). Les constructions de celle-ci étaient à leur époque une critique pour une innovation dans la production de logements. Elles se marquaient en complète opposition avec la production massive et normalisée des trente glorieuses. Les quelques 3000 logements sortis de terre grâce à la Sodédat 93 demeurent des utopies construites, symboles d’une alternative à une époque de construction de masse. Jean-Pierre Lefèbvre, dirigeant de la société d’économie mixte de la Seine-Saint-Denis de 1974 à 1994 résume : « Cette action menée vingt années par la Sodédat 93, peut être qualifiée d’expérimentation car elle a opposé aux règles ambiantes, économiques, politiques, idéologiques, esthétiques, une pointe avancée de la réflexion urbaine issue du mouvement historique de mai 68 et de ses sources plus lointaines, débouchant sur des propositions spatiales fortement utopiques, voire provocatrices, érigées dans un corps à corps tenace 30 / RENAUDIE Serge, architecte, lors de la conférence Rencontre-débat autour de l’héritage des architectes Renaudie et Gailhoustet, Le Grand Bouillon, Aubervilliers, 13 juin 2015


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parfois naïf avec le terrain. Comme un révélateur »31. Dans la politique de développement du logement après guerre en France, la majorité des architectes se soumettent à la cadence productiviste dictée par l’État, produisant un corpus architectural désigné comme les “grands ensembles”. La crise sociale de 1968 sera une remise en question pour beaucoup d’architectes. Dans les mouvances contestataires, l’unicité de chaque logement vient faire opposition avec les réalisations du Mouvement Moderne et leur standardisation et la normalisation de l’habitat et de l’habiter. Les architectes entament un travail sur la qualité de vie apportée aux habitants par la diversité de formes architecturales, influençant ainsi le volume des pièces et leur agencement à l’échelle du logement. Puis, à une plus grande échelle, ils en viennent à proposer un projet de vie de quartier. Dans leur démarche, ces architectes rejettent la doctrine alors en vogue, marquée par le « zoning » : c’est une critique des grands ensembles et de la pensée sur l’habitat social. C’est un rejet de l’aménagement de quartiers puis de villes entières qui constitue un moule social emprisonnant l’individu dans des ensembles standardisés, des “machines à habiter“. En revanche, pour les architectes Renée Gailhoustet et Jean Renaudie, l’idée du projet urbain est de retrouver une complexité dans la manière de vivre la ville, qui existait dans la ville “historique“ (construite au fil du temps) et qui disparaît avec l’implantation de barres de logements identiques. Le duo d’architectes était d’une part convaincu de la nécessité d’entretenir des relations conviviales de proximité, c’était pour eux une question de respect envers les usagers de leur architecture. D’autre part, selon eux, la vie du quartier était entretenue par une offre de services et de commerces de proximité que ne propose pas le zonage qui entretient une relation avec le système de supermarché 31 / LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM?, L’Harmattan, 2007 [p.42]


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“grande surface”. Mais si dans un questionnement post soixante-huitard, les politiques ont encouragé ces expérimentations architecturales, le mode de gestion n’a pas été adapté et les bâtiments issus du renaudisme sont aujourd’hui en partie en situation d’’échec. Jean-Pierre Lefèbvre le reconnaît : « Le renaudisme urbain exigeait en politique une perspective autogestionnaire, des soutiens désintéressés et des objectifs philosophiques élevés. C’était beaucoup demander aux politiques » 32. En parlant aujourd’hui de la rénovation du patrimoine renaudien, nous n’entendons pas pointer du doigt le geste architectural mais bien la gestion du bâti, l’accompagnement à l’appropriation. Avec le mouvement de mai 68, les préoccupations sociales viennent s’immiscer au cœur de l’architecture dans la nouvelle génération. Mais quelques alternatifs prennent le large et questionnent jusqu’aux fondements de la profession d’architecte. Hors des rangs de l’ordre, en France et en Belgique, nous trouvons notamment Yona Frieman (né en 1923), Simone et Lucien Kroll (nés respectivement en 1928 et 1927) et Patrick Bouchain (né en 1945).

32 / LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM?, L’Harmattan, 2007 [p.38]



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« Les gens méritent plus d’espace. L’architecte, il est là pour aider les gens à reconquérir l’espace»33. Aldo Van Eyck

Renouvellement du rôle face à l'’institution Déjà dans les années 70, Yona Friedman décriait le peu de rôle alloué aux habitants dans les politiques de construction publique et pointait du doigt les mécanismes de participation : « il ne saurait être question, pour moi, de la “participation de l’habitant” tant vantée par les irréfléchis. [...] La participation de l’habitant n’est actuellement qu’une façade: les planificateurs font des enquêtes, puis ils déclarent que l’habitant, en répondant de telle ou telle manière à leurs questions, a démontré telle ou telle volonté, telle ou telle préférence. Avec cette soi-disant participation, l’habitant ne décide rien mais il aide les planificateurs à décider pour lui »34. On constate toujours aujourd’hui que les processus institutionnalisés de participation que mettent en œuvre les acteurs publics ne répondent pas à la vraie demande sociale. Pas assez performante, ou juste non adaptée à la réalité sociale, la « participation » est aujourd’hui utilisée à des fins stratégiques, pour la légitimation de politiques frileuses. Malgré la connaissance plus intime et plus pointue que celle des administratifs qu’ont les habitants de leur propre territoire, on ne leur reconnaît pas spécialement cette qualité de « maîtrise d’usage ». Pour les administrations représentatives, cette maîtrise d’usage locale « particulière » ne donne pas encore de légitimité à ces citoyens « d’intervenir sur des questions générales ou complexes ». En effet, 33 / VAN EYCK Aldo in Les étoiles de Renaudie, KNAPP Hubert, 1979 documentaire, TF1 Euroscop 34 / FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, Casterman, 1978 [p. 46]


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pour l’élite administrative et politique, cette inclusion des habitants correspond à un ralentissement des démarches et de l’efficacité politique. Le risque ne veut pas être pris : et si le projet nous échappe, et si il traîne trop en longueur, et si à terme la retombée politique ou médiatique est mauvaise ? Pourquoi demander l’avis des profanes, de toute façon, ils ne saisissent pas les grands enjeux. Finalement c’est la stratégie calculée du petit nombre qui l’emporte sur l’amélioration de quartiers. En face, chez les habitants, la participation désintéresse. Les habitants n’y croient plus, puisque in fine, ce sont les décideurs qui choisissent, sans prendre vraiment totalement les avis en compte, et selon un programme qui leur semble dans tous les cas prévu en amont. Dans les quartiers défavorisés les plus pauvres habitants vivent une dépossession permanente de leurs droits et sont en permanence traités comme ne pouvant décider pour eux-mêmes, en position d’assistanat quant à leurs aides ou leur logement social. S’exprimer et reprendre possession de leur vie et de leur quartier représente pour eux un combat permanent dont les personnes qui n’ont pas vécu la grande pauvreté n’ont aucune idée. Leur participation à un projet implique une co-construction de ce projet, que tout le monde partage un même objectif (c’est le cas dans les universités populaires) mais cela ne peut se faire que via une longue démarche d’approche et d’échange et un vrai respect mutuel. C’est impossible dès lors qu’une des parties entame le dialogue en tant que “sachante” ou “experte”. « La particularité des opérations d’habitat alternatif amène nécessairement les architectes à s’interroger, d’une part, sur la délimitation de leur mission (assistance à maîtrise d’ouvrage, programmation au sens plus étroit, maîtrise d’œuvre ou conception) et, d’autre part, sur la nature de leur dialogue avec le groupe des habitants »35. Véronique Biau 35 / Biau Véronique, Les architectes de l’habitat participatif, entre militance et compétence, Métropolitiques.eu, http://www.metropolitiques.eu/Les-architectes-de-l-habitat.html, consulté le 04/06/2015


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D’après Véronique Biau dans sa description du rôle de l’architecte générique dans une opération de co-conception avec les habitants, l’architecte se charge de l’enveloppe et d’une esthétique générale (« l’acte architectural repose sur un certain degré de cohérence et d’homogénéité »36) tandis que les habitants se préoccupent plutôt de la gestion collective future. Cette description est générique et ne concerne qu’une minorité d’opérations privées de petite échelle. Comment interroger la pratique de la profession dans le cadre d’opérations de plus grande ampleur avec des politiques publiques? Quelle démarche mettre en place pour convaincre le politicien du bien fondé d’une action incluant les habitants et quel est le rapport mis en place entre tous les acteurs d’un tel projet? Il s’agira ici de définir clairement le rôle des architectes qui viennent avec jubilation sortir de leur carcan de maître d’œuvre (sans renoncer au dessin de l’objet architectural, essence de l’architecte), la place qui est nouvellement offerte aux habitants, (qu’ils soient propriétaires ou locataires) et les interactions avec les institutions publiques. Pour Lucien Kroll, la conception avec les habitants a été l’œuvre d’une vie et il résume sa démarche de travail ainsi : « Ces attitudes devraient être banales, spontanées, normales. Il se fait qu’elles ne le sont jamais, car elles sont faussées par un immense conditionnement bureaucratique, machiniste et analytique. Il suffit simplement d’appliquer dans le réel, à la mesure de chaque situation, les notions de non-domination, d’écologie, de respect des différences de chacun, et de construire un climat qui stimule cette attitude »37. Les mécanismes compétitifs de l’économie dominante sont tant huilés à la soumission de l’architecte que le résultat n’est plus questionné : il est conforme et normalisé à ce qui l’entoure. Il revient à l’architecte de pointer les dysfonctionnements engendrés par ce système strict. Et de proposer d’expérimenter en contournant les 36 / Ibid 37 / KROLL Simone & Lucien, Une architecture habitée, actes sud, 2013


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normes, en se jouant d’elles, mais surtout en proposant de nouveaux acteurs, autres que les gestionnaires administratifs. Il s’agit d’apprendre de nos erreurs, et de prolonger les expériences sociales proposées par des alternatives comme le renaudisme, en installant désormais l’habitant au cœur du système de gestion. Comment l’architecte peutil se renouveler pour répondre à ces nouvelles problématiques ?

L’'encapacitation et l’'architecte « Quand nous avons parlé de l’autoplanification, une des constatations fondamentales que nous avons faites était celle-ci : l’autoplanification n’est pas possible tant que l’autoplanificateur ne possède pas assez de connaissances pour être capable de lire sur une carte (le plan) les propriétés qui seront celles de l’objet, une fois réalisé. Pour l’habitant individuel, l’acte de l’autoplanification ne réside pas dans le simple fait de pouvoir faire le plan de sa maison, mais dans celui de comprendre ce qu’il fait, en faisant le plan de sa maison »38. Yona Friedman

Dans sa remise en cause de l’architecte, Friedman explique qu’outre la construction de la structure et de la gestion des descentes de flux au sein du bâtiment (il sépare la structure et les fluides de l’ensemble du reste des composants du bâtiment : façades, cloisons, aménagements, etc. … qui peuvent être auto-construits), le rôle de l’architecte est d’enseigner un langage. Il faut former un vocabulaire commun entre celui de la communauté habitante et l’architecte. Selon Patrick Bouchain, l’appauvrissement de l’expérience collective du construire et de l’habiter serait allé de pair avec la perte de la faculté de raconter l’acte de bâtir et l’art d’habiter. Bouchain a développé une méthode de travail basée sur la coproduction et la transmission, comme s’il ne concevait son rôle d’architecte que comme un apprentissage perpétuel du monde. Dans d’autres domaines que celui de l’architecture s’est 38 / FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, Casterman, 1978 [p. 48]


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développée la notion anglo-saxonne d’empowerment, traduite en français par encapacitation*. Donner la capacité, apporter les outils pour. Aujourd’hui, on entend le mot “participation” dans toutes les bouches, et comme nous avons vu plus haut, la mise à contribution concrète du “savoir d’usage” des habitants par les acteurs publics a du mal à se mettre en œuvre. Elle dénote la difficulté à dépasser une cristallisation de la gestion administrative et d’une position dominante de “sachants” face aux habitants “profanes” et la volonté de vouloir tout maîtriser. La participation est incarnée dans les villes par la mise en place d’un service de “démocratie locale”. Elle informe sur les projets à venir dans le périmètre du quartier et aide à l’organisation des fêtes de voisinage. Elle ne répond pas au ce besoin de redevenir acteur de son cadre bâti. Cette volonté des administratifs à vouloir que tout soit contrôlé, de vouloir tout faire correspondre à des normes pré-établies empêche l’autonomisation citoyenne. C’est de cela qu’il s’agit, appliqué à l’architecture : l’architecte doit trouver son rôle auprès des habitants. L’architecte est capable de comprendre les enjeux stratégiques de l’aménagement du territoire, il est aussi à même de répondre à des problématiques micro-locales. L’aller-retour entre les échelles est à sa portée, pouvant ainsi répondre à la volonté administrative d’un côté et aux désirs des habitants, de l’autre. Face à l’échec de la participation institutionnalisée, il est capable de trouver des procédés ludiques et dynamiques pour permettre à l’habitant d’entrer dans les processus de fabrication de la ville. C’est là que l’architecte peut s’affirmer dans une position stratégique entre les désirs des habitants et la rigidité de l’administration. Servant d’interface à chacun, il peut pousser les deux dynamiques et se porter garant des objectifs concertés de chacun. Sans vouloir complètement s’extraire totalement du système, car la survie de tout projet dépend de son portage politique, il s’agit de réformer le champ d’action bureaucratique et laisser la place aux initiatives.


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C’est exactement le point de vue de Patrick Bouchain : « Ainsi on instaurerait une vraie démocratie participative, alors que le politique, coupé de sa base, a tendance à mettre en place des structures parallèles aux structures démocratiques par des voies de concertation* souvent bavardes qui ne peuvent que révéler le mécontentement et installer l’habitant dans un comportement d’assisté et de consommateur »39.

En réaction avec ce qu’il dénomme “démocratie bavarde”, Bouchain invite au renouvellement des actions des habitants. Afin d’y parvenir un partage de savoir doit être mis en place, pour éclairer le chemin, montrer que des interventions sont possibles. Révéler* les potentiels doit être un point essentiel du travail de l’architecte, à la fois envers les habitants mais aussi envers les administrations. Dans notre questionnement quant à la profession nous remarquons que les collectifs qui émergent et essaiment un peu partout se revendiquent des quelques noms de l’architecture alternative (Bouchain, Kroll, Friedman, etc.) et sont une tentative de trouver des nouveaux moyens de prise de contact et de développement d’initiatives locales. Mais quelle suite peuvent avoir ces mouvements et comment le métier d’architecte s’y retrouve-t-il ?

39 / BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Actes sud, 2006


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la pratique des collectifs d'’’architecture « Qu’est-ce qu’un collectif d’architectes ? Derrière les noms mystérieux de Bellastock, des Saprophytes, de Cochenko, d’Etc ou du collectif Fil se cachent en fait de jeunes professionnels qui ont fait de la pratique collective du projet d’architecture et urbain leur principale activité. Dans les années 2000, des pionniers nommés Bruit du Frigo, EXYZT ou encore Coloco se sont constitués en association d’architectes, de paysagistes, d’urbanistes et de designers pour intégrer les usagers d’un projet à sa conception et sa construction »40. Margaux Darrieus

Depuis une quinzaine d’années, l’apparition de collectifs d’architecture et d’artistes présents dans l’espace public est de plus en plus fréquente. Ils requestionnent la position des habitants visà-vis de l’environnement qu’ils habitent. Leur recherche-action de terrain vise à créer l’événement, à interpeller les « profanes » de manière ludique et à obtenir des réactions sur les usages de la ville et sur les évolutions possibles à construire collectivement, au plus près du « savoir d’usage ». Il est temps de passer à l’action architecturale de manière effective; ou pour le dire en détournant Michel Audiard : « deux architectes assis vont moins loin qu’un constructeur qui marche »41.

La présence et l’installation sur le terrain d’intervention sont une de leurs caractéristiques primordiales. Il s’agit pour eux d’établir une sorte de permanence* et d’avoir une relation de confiance avec les habitants. Ils sont « ceux que l’on peut croiser sur le terrain, aménageant un espace public avec les usagers, ou attablés à une fête de quartier »42. L’interpellation passe par des procédés ludiques et pédagogiques qui amènent à catalyser* les dynamiques présentes sur le site, mais 40 / DARRIEUS Margaux, Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014 41 / “Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche” - Maurice Biraud, Un taxi pour Tobrouk (1961), dialogues de Michel Audiard 42 / DARRIEUS Margaux, Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014


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aussi à rallier les individus qui n’avaient pas les outils pour participer. Et en même temps à mettre face à face, autour d’un amusement, prétexte à la discussion de vive voix, différents acteurs de la ville qui ne se seraient pas rencontrés autrement. « L’implication des usagers dans des projets reprend de l’importance depuis quelque temps déjà. Aujourd’hui, les maîtrises d’ouvrage publiques sont en demande de nouvelles façons de faire, chacun pour leurs raisons, et parfois pour des raisons éloignées de nos considérations. C’est l’occasion pour nous d’expérimenter, de tester de nouvelles manières de faire et d’explorer de nouveaux contextes. Le terme “participatif” est galvaudé et souvent vicié : des “architectures ouvertes” ou des “tactiques urbaines” sont plus représentatives de nos idéaux. Il s’agit d’un partage égalitaire des tâches, des responsabilités et des choix »43. Collectif ETC

Dans sa démarche de développement de citoyennetés et de mise en place de projets, l’architecte issu du collectif se démarque aussi par sa démarche de non profit. En cherchant à agir sur le long terme et à produire de l’inattendu, la question d’une production de gains pécuniers n’est jamais soulevée. Il ne prétendent pas à une économie de marché, et s’attachent à se lier à des cercles d’économies locales tant que possible. Se pose la question de leur propre rémunération, qui entre souvent dans les frais de la commune qui les abrite ou par des subventions publiques pour raison d’utilité publique. Le geste architectural et la prestation de recherche théorique intellectuelle sont encore difficilement reconnues du fait de leur statut d’association. Le collectif se prétend en outre capable d’aborder différentes phases de la fabrique urbaine via l’expérimentation : « Le travail in-situ ne doit pas uniquement se faire pendant l’événement. Nous devons également être présents pour faire un bilan de nos interventions, analyser leurs effets pour alimenter le diagnostic du site. C’est dans 43 / Collectif ETC, dans un entretien avec ‘A’A’, Posté sur le Blog ‘A’A’, 4 juin 2015


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l’action que nous faisons de la programmation »44. Aujourd’hui, alors que la programmation de la commande publique est à bout de souffle dans les banlieues à l’ombre des métropoles : on a fait des piscines, on a fait des stades de foot, on a fait des maisons de la culture et des médiathèques, et ça ne va toujours pas… qu’a-t-on raté ? Maintenant que le tissu urbain est parsemé d’équipements, on réalise avec recul que continuer à en catapulter arbitrairement ne répond pas à la demande sociale. C’est pourquoi la présence sur le terrain et la prise en compte de ce fameux « savoir d’usage » est désormais fondamental lors de toute commande. Ce savoir est aujourd’hui la porte ouverte à une réponse appliquée à un quartier, et qui ne rentre plus dans les grands chapeaux. Mais Yvan Detraz du collectif Bruit du Frigo regrette que leurs projets s’inscrivent dans des temporalités très courtes (à peine quelques mois), programmées par les politiques. Leurs interventions qui ont porté le plus de fruits sont pourtant celles au suivi long : « nos actions requièrent un temps long qui permette l’acclimatation au terrain. Sans cela, elles ne sont qu’événement et n’alimentent pas le projet urbain »45. Bien que le collectif vienne réellement nourrir la programmation et le processus de participation, les professionnels de l’urbanisme se demandent: alors que ces collectifs refusent la pratique traditionnelle de l’architecture, comment est il possible de les intégrer dans la démarche rodée où politiques, économistes participent déjà à la fabrication de la ville? Comment articuler les temporalités différentes que sont celles du projet urbain et de l’architecture éphémère* ? Alice Frémeaux, urbaniste et promoteur, questionne : « Comment éviter que cette fabrique collective ne tombe dans l’anecdotique, voire le faire-valoir ? »46. 44 / Propos du collectif Les Saprophytes in Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014 (par DARRIEUS Margaux) 45 / Propos de Yvan Detraz du collectif Bruit du Frigo in Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014 (par DARRIEUS Margaux) 46 / FREMAUX Alice in Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014 (par DARRIEUS Margaux)


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Dans notre recherche des modèles pour notre profession future, nous pencher à la fois sur un système global de production de la ville et sur des alternatives passées et actuelles nous permet de décrire un mode de pratique où l’architecte est multiple. Enseignant d’un langage architectural avec Friedman, plongé dans un combat pour surprendre et détourner l’administratif chez Bouchain, sorti de ses plates-bandes par les collectifs, l’architecte est en recherche d’expérimentation dans toutes ces démarches. La tentative doit être poussée en assumant aussi la casquette de l’architecte classique, celle du maître d’œuvre, intégrée dans un processus complexe. C’est portant ces casquettes multiples : celle du collectif, celle de l’encapaciteur et celle de l’architecte classique, que nous concevons ici une manière complète et engagée de pratiquer l’architecture.


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NOTRE RÔLE d'ARCHITECTE avec TROIS CASQUETTES Ces casquettes concernent des échelles d’interventions différentes et ont pour cible des acteurs multiples, mais elles ne sont pas dissociables pour autant. Pour nous, elle sont portées toutes à la fois, permettant à l’architecte de répondre pleinement avec ses diverses compétences à un même projet. Casquettes de compétences, elles se distinguent du phasage cloisonné proposé lors de projet urbain. Elles ne sont pas soumises à des temporalités dissociées, caractéristiques du chantier urbain. C’est en engageant ces trois casquettes dans un processus complexe où elles s’entrecroisent et se complètent que l’on peut créer de l’inattendu et impliquer des citoyens tout en remplissant un cahier des charges initial. Compiler les casquettes permet de dépasser la temporalité du chantier et d’implanter des dynamiques locales se développant sur le long terme.

Le maître d’'oeuvre Cette casquette, à la fois technique et politique est à l’image du rôle actuel de l’architecte classique, infléchi à la commande, mais répondant à un besoin de l’administration. Elle recouvre la relation entre la maîtrise d’œuvre et le projet politique de la maîtrise d’ouvrage publique. Avec le “geste” architectural et technique, le dessin de l’architecte en réponse à une vision politique de la société. Cette pratique de l’architecture est restreinte aux critères, aux normes, faisant oublier à l’architecte la dimension humaine locale dans sa réponse une commande rattaché à un méga-projet urbain (type Grand Paris) et à ses contraintes économiques. Cet architecte est nécessaire, son savoir technique et sa capacité à capter les attentes de chaque acteur relèvent de sa mission. Cependant, nous estimons que cela ne suffit plus à affirmer la pertinence de notre profession. L’architecte a d’autres


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savoirs et champs d’actions qu’il ne peut pas exploiter si il ne va pas au delà de la contrainte de la norme.

Révélateur, activateur et catalyseur Cette casquette est définie en partie par les processus de recherche-action que l’on peut observer chez les collectifs d’artistes et d’architectes. C’est par la présence dans l’espace, allant parfois jusqu’à l’implantation directe sur le site, que l’on permet l’identification affinée des potentiels humains et spatiaux, dépassant la réponse technique parfois trop technocratique. Se traduisant majoritairement par la mise en réseau des dynamiques locales par l’occupation spatiale et l’acte éphémère construit, il permet de catalyser les énergies et d’encourager la mise en œuvre d’un plus grand nombre d’initiatives habitantes. Ce rôle de l’architecte que nous revendiquons traduit les besoins premiers à l’échelle micro-locale. C’est un procédé qui exige de l’architecte une réponse qui transcende la commande, et qui réajuste l’échelle du bien-être commun - qui souvent, ne dépasse pas la géographie du quartier.

Encapaciteur Cette casquette reprend la nécessité de réhabiliter* l’habitant dans la gestion et la mise en œuvre de son environnement. La place du “savoir d’usage” de l’habitant est mis en avant, c’est lui qui (r)enseigne l’architecte sur la réalité spatiale. En se présentant avec des solutions architecturales flexibles, l’architecte donne les outils à l’habitant de (se) projeter, d’autoplannifier. C’est une transmission mutuelle de savoirs. Concernant le cadre bâti, c’est un processus d’appropriation, d’autonomisation et de responsabilisation qui se met en œuvre en amont du chantier et qui s’opère sur toute la phase du second œuvre.


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Nous imaginons cela comme un double apprentissage, une mise en place d’un langage commun autour de “l’architecture habitée”. Ce rôle de l’architecte est un moyen de redonner une place d’acteur à l’habitant. En l’extirpant d’une situation d’assistanat, en allant recueillir le savoir des citoyens “sans voix”, on lui révèle son droit à l’action. C’est une revalorisation de l’individu par un acte construit, aussi petit soit-il.

Ces trois casquettes permettent de répondre à différentes échelles pour l’intérêt général. Si l’architecte veut trouver un rôle directeur dans une société lestée de processus administratifs et dépendante entièrement d’une économie de marché, il doit transcender les échelles architecturales et urbaines. Le questionnement avant-projet doit venir d’un retour de chaque casquette, et le programme doit systématiquement être interrogé. L’architecte peut être moteur de création d’économies locales en liant des dynamiques. Ce n’est qu’au travers d’une généralisation de ce type de démarches qu’une véritable écologie se mettra en place : une gestion qui favorise les êtres vivants en place et respecte leurs interactions.


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ouverture au cas d’'étude : La Maladrerie* est une opération de quelques 800 logements conçue par l’architecte Renée Gailhoustet de 1975 à 1986. Lieu d’expérimentation de la pensée renaudienne et utopie construite* de logements atypiques, le quartier tombe aujourd’hui en désuétude. Ce sommeil n’est pas voué a durer puisque la “zone” Maladrerie / Émile Dubois est sélectionnée dans le programme de l’ANRU2. Les acteurs publics du territoire s’attachent à mettre en place un protocole de projet de rénovation d’ici 2017 pour un passage à l’action en 2018. De par son expérience passée, la Maladrerie est pour nous le riche substrat* pour une expérimentation de notre rôle d’architecte et une réhabilitation innovante. Comment faire renaître la Maladrerie de ses cendres ? La réhabilitation de cette construction extraordinaire n’est-elle pas l’occasion d’expérimenter au-delà de la simple rénovation technique?


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Un second livret, La Mala imaginaire, est le récit de la découverte de notre terre d’accueil, des rencontres que nous avons pu y faire et de notre travail de fin d’étude. Enfin, un troisième livret, Maladrerik’s Cube décrit notre proposition concrète d’un scénario pour la réhabilitation du quartier.



annexes



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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages - BACQUÉ Marie-Hélène, REY Henri, SINTOMER Yves, Gestion de proximité et démocratie participative. La Découverte, Recherches. 2005. - BOUCHAIN Patrick, Construire en habitant, Actes Sud Beaux-Arts, collection L’Impensé, 2011 - BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, Actes Sud, 2006 - BOUCHAIN Patrick (sous la direction de), Construire Ensemble le Grand Ensemble, Actes Sud Beaux-Arts, collection L’Impensé, 2010 - CONTAL Marie-Hélène (sous la direction de), Ré-enchanter le Monde, l’architecture et la ville face aux grandes transitions, Alternatives, Collection Manifestô, mai 2014 - COSTES Laurence, Henri Lefebvre et Le droit à la ville, Éditions ellipses, 2009 - FRIEDMAN Yona, Architecture de survie, Casterman, 1978 - HARVEY David, Géographie de la domination, (2001), Les prairies ordinaires, 2008 (trad) - HARVEY David, Villes rebelles - du droit à la ville à la révolution urbaine, 2012, Traduit de l’anglais par Odile Demange, Essai Bucher Chastel, 2015 - HARVEY David, Le capitalisme contre le droit à la ville, Amsterdam Eds, 2011 - ILLICH Ivan, La Convivialité, Éditions du Seuil, 2013 - KROLL Simone et Lucien, sous la direction de Patrick Bouchain, Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée, Actes Sud, 2013 - KEMPF Hervé, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Éditions du Seuil, 2009 - KEMPF Hervé, L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie, Éditions du Seuil, 2011 - LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM ?, L’Harmattan, 2007 - MONGIN Olivier, La Condition Urbaine, Éditions du Seuil, collection La


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couleur des idées 2005 - PAQUOT Thierry (sous la direction de), Alter-Architecture Manifesto, Eterotopia Inflolio, 2012 - PAQUOT Thierry, L’espace Public, Éditions La Découverte, 2009 - PEU Stéphane (préface de), Les HLM, une aventure collective, Éditions PSD - Saint-Denis, 2015 - PINSON Gilles, Gouverner la ville par le projet, Urbanisme et gouvernances des villes européennes, SciencePo Les Presses, 2009.

Articles et publications - BACQUE Marie-Hélène et MECHMACHE Mohammed, Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera pas sans nous. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Rapport ministériel, 08/07/2013 - CHALJUB Bérénice, “Renée Gailhoustet en ses terrasses”, AMC n°180, juinjuillet 2008 - CHASSEL Francis, QUERCY Pierre, Rapport sur le devenir des logements Construits à Villetaneuse par Jean Renaudie, Rapport ministériel, 29/04/2004 - Diagnostic du patrimoine de la commune d’Aubervilliers, Département de la Seine-Saint-Denis, Pantin, novembre 2004 - DARRIEUS Margaux, Collectifs d’architectes, AMC n°232, avril 2014 - EPSTEIN Renaud, ANRU : Mission accomplie ? A quoi sert la rénovation urbaine ?, PUF, La ville en debat, 2012 - E.T., L’ANRU1 a réparé, l’ANRU2 doit développer, Traits Urbains n°39, juin 2010 - JOFFROY Pascale, Quartiers ANRU, Mais où est passé le projet urbain ?, D’architectures n°185, octobre 2009 - LEFORT-PROST Anne-Cécile, Paysages industriels en proche banlieue parisienne (1860-2000) : de l’usine à la requalification des friches ?, Chargée de mission CDHT, CNAM - MARI Enzo, Autoprogettazione revisited, Architectural Association School of Architecture, Exhibition guide, octobre 2009 - MARTIN Ian, The city that privatised itself to death, The Guardian, 24/02/2015 - PROVOST Claire et KENNARD Matt, Hamburg at forefront of global drive to reverse privatisation of city services, The Guardian, 12/11/2014


Annexes - Bibliographie

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- VERFAILLIE Bertrand, N’oubliez pas votre gestion urbaine de proximité... , Traits Urbains n°36, janvier/février 2010 - WILLIAMS Alex et SNIRCEK Nick, Manifeste Accelerationniste, mai 2013

Conférences - BOUCHAIN Patrick, Télérama dialogue, théâtre du Rond-Point, 29 septembre 2014 - BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, Gare au théâtre Vitry-sur-Seine, 11 octobre 2014 - GAILHOUSTET Renée, BOUCHAIN Patrick, RENAUDIE Serge, PEU Stéphane, Rencontre-débat autour de l’héritage des architectes Renaudie et Gailhoustet, Le Grand Bouillon, Aubervilliers, 13 juin 2015 - Activer l’espace public politique, cycle conférence D’ici à demain, dans le cadre du Master professionnel Projets culturels dans l’espace public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 20 mars 2015 - Proposer. Ou comment les préconisations des futurs usagers nourrissentelles le projet urbain. Petites leçons de ville 2015, Cycle de conférences du Pavillon de l’Arsenal, 7 mai 2015 - Repenser la ville, Cycle de conférences du Pavillon de l’Arsenal, 27 mars 2015

Vidéographie - BORIES Claudine, Femmes d’Aubervilliers, documentaire Théâtre de la commune d’Aubervilliers, 1975 - KNAPP Hubert, Les étoiles de Renaudie, 1979 documentaire, TF1 Euroscop - L’association « vive 91 », Aux urnes citoyennes !, documentaire CICA vidéo, 1994 - LEFÈBVRE Jean-Pierre et MERLHIOT Christian, Renée Gailhoustet, architecteurbaniste, 1996 documentaire, CG Seine-Saint-Denis, DVD1907 - LEPAGE Franck, Incultures - L’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu, Conférence gesticulée du 16 mars 2011 https://www.youtube.com/watch?v=96-8F7CZ_AU - LOTAR Éli, Aubervilliers, court métrage, 1945


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- HOCINE Ben, La cité du poète, Périphérie podcast, France Inter, le 4 mai 2014 - RIZZO Anne, Renée Gailhoustet et le projet d’Ivry, 2008 documentaire, DVD1617

Webographie - BIAU Véronique, Les architectes de l’habitat participatif, entre militance et compétence, Métropolitiques.eu, consulté le 04/06/2015 http://www.metropolitiques.eu/Les-architectes-de-l-habitat.html

- BOUCHAIN Patrick, interviewé dans le cadre de son opération de réhabilitation à Tourcoing par La voix du Nord, décembre 2008, consulté le 21/04/2015 http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Tourcoing/actualite/Secteur_Tourcoing/2008/12/08/ article_l-architecte-patrick-bouchain-l-onde-do.shtml

- Collectif ETC, dans un entretien avec ‘A’A’ par PETIT Lola, Posté sur le Blog ‘A’A’, 4 juin 2015 , consulté le 04/06/2015 http://larchitecturedaujourdhui.fr/blog/le-detour-de-france/?utm_source=twitterfeed&utm_ medium=twitter

- COUSIN Edouard, la secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville, Myriam El Khomri in « Un critère unique : la pauvreté », L’Alsace, 19/04/2015 http://www.lalsace.fr/actualite/2015/04/19/un-critere-unique-la-pauvrete

- Enerterre, lutte contre la précarité énergétique, site consulté le 20/05/2015 http://www.parc-cotentin-bessin.fr/fr/enerterre--lutte-contre-la-precariteenergetique-gc257.html?PHPSESSID=714ff1d0c22473822fdf3cfeb7ba076f

- How to build a cargo-bike ? http://www.instructables.com/id/how-to-build-a-cargo-bike/?

- LAMBERT Olly, Venezuela’s Tower of dreams, documentaire BBC our world, 2014 - LAROCHELLE Jean-Jacques, Jean Nouvel dit « enfin » sa vérité sur la Philharmonie, Le monde, 19/06/2015, consulté le 19/06/2015 http://www.lemonde.fr/musiques/article/2015/06/19/jean-nouvel-dit-enfin-sa-veritesur-la-philharmonie_4658180_1654986.html#68h2o1RKRXFXU33t.99

- Municipalité d’Aubervilliers, Appel à candidatures pour les nouvelles équipes de quartier, février 2015 - Site de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, consulté le 08/06/15 http://www.anru.fr/index.php/fre/ANRU


Annexes - Bibliographie

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- VIGNE Margaux, Kroll, Bouchain, ETC, des architectes habités, Strabic, 25/11/2013, consulté le 22/04/2015 http://www.strabic.fr/Kroll-Bouchain-etc

Autres écrits - AQUILINA Clément, Chronique d’Istanbul, de Taksim et Gezi parki : les manifestations de juin 2013 et l’espace public questionné, mémoire de master encadré par L. LOPEZ et M. SAÏDI, ENSAPLV, janvier 2014 - ERENATI Abigail, Action collective et architecture éphémère, un outil pédagogique de la démocratie participative ?, mémoire de master encadré par Anne D’Orazio, ENSAPLV 2015 - ICI (Initiatives Construites Îlo-Dyonisiennes), Mettre en œuvre les petits rien du tout, BUCHER Hélène, JUILLARD Boris, MALNOURY Sarah, TCHERKASSKY Céline, VATERE Jérôme, Projet de Fin d’Études encadré par Patrick Leitner et David Fagart, ENSAPLV, juillet 2014. - MOON Sun Hee, Grands ensembles de première génération, trois question ; patrimonialisation, réhabilitation et résidentialisation – cas français et sudcoréens, mémoire de master encadré par Emmanuel AMOUGOU, ENSAPLV, juin 2014


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Toutes les définitions, sauf mention contraire indiquée par une note, sont issues des définitions croisées du dictionnaire Larousse et du CNRTL en ligne. Il sont suivis, si nécessaire, par la redéfinition appliquée des termes à notre projet.


Annexes

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GLOSSAIRE APPLIQUÉ

ACTIVER Rendre quelque chose plus rapide, plus vif. Activer un espace, c’est identifier son potentiel et le mettre en œuvre afin qu’il participe à une dynamique urbaine. ANRU L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) est un établissement public créé afin d’assurer la mise en œuvre et le financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU*). Elle est placée sous la tutelle du ministre chargé de la politique de la ville qui fixe les orientations générales de son action. APPROPRIATION Action de s’approprier quelque chose. Habiter, c’est s’approprier un peu. Pour nous, l’architecture prend vie au moment où elle commence à être utilisée, détournée par ses usagers. ARCHITECTURE ÉPHÉMÈRE On peut penser aux évènements comme les Exposition Universelles. Mais ici on entend les interventions et détournements d’usage sur un espace public, des installations ludiques qui requestionnent des espaces délaissés ou non qualifiés. Leur statut éphémère leur confère une adaptabilité aux usages de l’urbain, ne les figeant pas dans une ”fonction” immuable. BOTTOM-UP Pilotage participatif (ascendant) où le fil directeur de l’animation démarre des perceptions et initiatives de l’échelon le plus « bas » (au sens hiérarchique) ou le plus « terrain » (au sens opérationnel) pour être répercutées, déclinées et prises en compte par les échelons supérieurs.1 Réfère pour nous à une organisation horizontale où les habitants sont pris en compte dans leur savoir d’usage, et sont accompagnés (et non pas assistés) à l’appropriation. Opposé de Top-down*. 1 / Wikipédia, Approches ascendante et descendante, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Approches_ascendante_et_descendante


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CATALYSER Élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention. L’arrivée d’un acteur ou d’une action qui par son objectif peut réunir autour d’un projet et faire évoluer une situation ralentie voire figée sur un lieu donné. CDT Les Contrats de Développement Territoriaux (CDT) sont les piliers du développement du Grand Paris. Afin d’accompagner les transformations urbaines par une réflexion à l’échelle de la région Île-de-France. L’ampleur des chantiers de la métropole parisienne dépasse le potentiel de certaines communes, qui se regroupent dans des structures plus petites que les communautés d’agglomération grâce à ces contrats. Cela permet ainsi la mise en œuvre de nouveaux réseaux de transports et de la création de leurs gares. CO-CONSTRUCTION Construire en commun. Terme de plus en plus utilisé, il fait référence à la collaboration de plusieurs acteurs à la mise en œuvre d’un projet ou d’une action. Dans les politiques publiques, c’est une des échelles de la participation, qui n’aboutit pas forcément à l’implication opérationnelle de certains acteurs - les habitants. Idéalement, la co-construction est ce qui permet à l’habitant à la fois de contribuer au projet de lui même par un acte de concertation et de construction ; et d’être valorisé par la place sociale et économique qui lui est donnée à travers ce processus. COMPAGNONS BÂTISSEURS Le réseau Compagnons Bâtisseurs est un mouvement associatif d’éducation populaire qui intervient depuis plus de 50 ans pour : - l’amélioration de l’habitat au travers de chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée et d’auto-construction accompagnée destinés à aider des habitants en difficulté dans la résolution de leurs problèmes de logement, qu’ils soient locataires ou propriétaires. - l’insertion économique dans le secteur du bâtiment... par des chantiers d’insertion et des chantiers formation, supports à l’apprentissage technique, destinés à lever les freins à l’emploi de personnes en grandes difficultés. - l’accueil et l’accompagnement de bénévoles et de jeunes volontaires, à l’origine du mouvement des Compagnons Bâtisseurs2. CONCERTATION C’est un régime dans lequel les représentants de l’État (ou des collectivités secondaires) et ceux des entreprises (quel que soit le statut de celles-ci) se réunissent, de façon organisée, pour échanger leurs informations, pour confronter leurs prévisions et pour, ensemble, tantôt prendre des écuissons, tantôt formuler des avis à l’intention du gouvernement. C’est un régime dans lequel les options principales en matière d’investissement, de production et d’échanges ne dépendent entièrement dans leur sphères respectives ni des chefs d’entreprises, ni des administrations publiques mais procèdent d’une collaboration permanente3. 2 / Le réseau National Compagnons Bâtisseurs, http://www.compagnonsbatisseurs.org/index. php?lg=fr&id=2 3 / BLOCH-LAINÉ François, À la recherche d’une économie concertée, Éditions de l’Épargne, 1959.


Annexes - Glossaire appliqué

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Dans les faits, c’est selon nous une pratique de la participation qui ne peut pas être reconnue en tant que telle. Se résumant souvent à de simples réunions d’information, elle ne pose pas encore les conditions d’une vraie discussion autour des projets d’aménagement. Avec la conscience tranquille d’avoir approché les habitants avec une problématique, les avis de chacun ne sont pas toujours pris en compte. Répondant à leur vision politique, les décideurs gardent le dernier mot avec quelques pirouettes supplémentaires pour asseoir la légitimité des projets d’aménagement. Pour les habitants, ce n’est pas une constituante suffisante d’un « pouvoir d’agir », mais renforce un sentiment de « participation-bidon ». COOPÉRATIVE Groupement économique pratiquant la coopération. Qui se joint à l’effort d’autrui en vue d’un résultat commun. Par son fonctionnement interne démocratique, l’action coopérative solidaire implique généralement une application locale. Pour nous, la mise en place d’une coopérative de quartier passe par l’identification des besoins du plus grand nombre dans ce périmètre et s’apparente à un accompagnement. DISPOSITIF Manière dont sont disposées les pièces d’un appareil, d’une machine, en vue d’un but précis. Le dispositif mis en place pour entreprendre l’écriture d’un scénario passe par la mise en place d’un certain nombre d’outils de communication et de récolte d’informations envers les acteurs du territoire. L’espace public sert de support aux actions, et les outils sont spécifiques à un temps et lieu précis. DRIHL C’est la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Habitat et du Logement (DRIHL). Opérationnelle depuis juillet 2010, cette structure étatique fédère plus d’une dizaine de services en charge de l’hébergement, de la résorption de l’habitat insalubre, de la production et de l’accès au logement. Elle clame deux objectifs clairs : construire et rénover des logements pour tous ; mettre à l’abri, héberger et loger les plus démunis. PLAINE COMMUNE Plaine commune, est une communauté d’agglomérations. Dans la mise en place du Grand Paris et ses dix pôles, Plaine Commune est le territoire de la culture et de la création. Cet EPCI* regroupe neuf villes de Seine-Saint-Denis : Aubervilliers, Épinaysur-Seine, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, SaintOuen, Stains et Villetaneuse. Les objectifs de Plane Commune sont très variés et vont de la dynamisation économique du territoire à l’amélioration de la qualité du cadre de vie. ÉCOLOGIE Science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants. C’est la définition première de l’écologie qui représente une prise en compte tout à la fois sociale, économique et environnementale du milieu habité. On est ici loin du “bâtiment écologique”, nid à technologies coûteuse et à la dimension sociale oubliée.


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ÉCOSYSTÈME Système formé par un environnement et par l’ensemble des espèces qui y vivent, s’y nourrissent et s’y reproduisent. La Maladrerie est un écosystème urbain, formé par l’ensemble des populations qui y habitent, y travaillent et y vivent, s’y promènent. Fonctionnant effectivement comme un système, les dysfonctionnements majeurs touchent l’ensemble des habitants et nécessitent un dénouement collectif. ENCAPACITATION Cette notion, traduction de “empowerment” importé depuis les États-Unis, désigne, « un processus d’affirmation de soi, individuelle et collective, permettant aux pauvres, […] aux minorités […] de s’auto-organiser pour faire valoir leur droits »4. Elle signifie la récupération de pouvoir face à une domination et vise à l’auto-gestion. Ce sont des mouvements participatifs forts visant à l’émancipation citoyenne. En revanche, ils sont souvent dans une remise en question brutale des administrations, ne leur permettant pas d’avoir un portage politique renforçant la durabilité de leurs actions. ÉMANCIPATION Changement de tutelle de la tyrannie d’autrui au despotisme de soi-même5. Acte qui affranchi un individu de la tutelle d’autrui, le rendant indépendant. Dans notre cas, c’est un procédé qui replace l’habitant dans un rôle d’acteur de la réhabilitation de son logement et des fonctions d’usage de l’espace public. EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale. Voir à Plaine Commune*, l’EPCI d’Aubervilliers. EXPÉRIENCE Lucidité qui nous permet de reconnaître comme une fâcheuse vieille connaissance la folie que nous venons de commettre6. Peut se dire pour une accumulation de connaissances, individuelle ou collective. C’est aussi une notion de recherche, d’affirmation ou d’infirmation d’hypothèses. Pour nous, elle rassemble ces deux notions dans une conception plus large et en même temps plus intime : dans la mise en place d’une expérience de vie. FÉDÉRER Rassembler, regrouper autour d’un projet commun. Notion essentielle dans le cadre d’un projet urbain. L’assentiment des acteurs autour d’objectifs communs confère une meilleure acceptation et durabilité aux projets d’aménagement. GESTION D’ATTENTE Correspondant à la gestion de proximité* dans le cadre spécifique d’une phase préchantier. 4 / BLANC Maurice, La rénovation des banlieues française à l’épreuve de l’empowerment et du « communautarisme civique ». Espace et Sociétés n°155. Avril 2013. 5 / BIERCE Ambrose, Le dictionnaire du Diable, 1881-1906 6 / BIERCE Ambrose, Le dictionnaire du Diable, 1881-1906


Annexes - Glossaire appliqué

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GESTION DE PROXIMITÉ C’est l’ensemble des actes qui contribuent au bon fonctionnement d’un quartier7. GRANDS ENSEMBLES Bien qu’ils échappent à une définition unique, les grands ensembles sont typiquement des ensembles de logements collectifs, souvent en nombre important (plusieurs centaines à plusieurs milliers de logements), construits entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1970, marqués par un urbanisme de barres et de tours inspiré des préceptes de l’architecture moderne.8 Cette définition reprend les politiques de construction de logements de masse d’après-guerre. Elle est dissociée de la deuxième vague de construction de logements des années 1970 de “seconde génération”. En France, le renaudisme est l’incarnation la plus démonstrative de la contestation aux Grands Ensembles. HABITANT Personne qui habite ordinairement dans un lieu déterminé. L’acte d’habiter confère à l’individu une connaissance intime de son environnement. Par son utilisation quotidienne, il en connaît les qualités, les défauts. Il est détenteur d’un “savoir d’usage” qu’aucun bureaucrate planificateur ne peut appréhender. Aujourd’hui, l’habitant est réduit à l’acte d’habiter. La rationalité de l’aménagement des villes par les décideurs planificateurs ne lui permettent plus de se révéler par une position d’acteur. INCRÉMENTALISME Terme emprunté ici à Lucien Kroll. Cette notion désigne une approche graduelle des projets. C’est une méthode qui permet, par petites étapes, de vérifier que les objectifs de départ correspondent toujours aux attentes de chacun. Modèle développé en réaction aux théories sur la rationalité. INSALUBRE, INSALUBRITÉ Qui est malsain, nuisible à la santé : Logement insalubre. ITÉRATION Action de répéter, de faire de nouveau ; fait d’être répété. Processus qui permet, par la répétition et la modification progressive de la démarche en fonction des erreurs rencontrées, admettant que la solution adaptée finisse par se révéler. MAÎTRE D’ŒUVRE Responsable de l’organisation et de la réalisation d’un vaste ouvrage, d’une œuvre de longue haleine. L’architecte, dans le plus clair de son rôle, est maître d’œuvre. Cependant la profession de maître d’œuvre existe, elle correspond à l’accompagnement d’un chantier. 7 / Définition de la note de cadrage de l’Etat du 2 juin 1999 8 / Wikipédia, Grand Ensemble en France, consulté le 25/06/2015


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MAÎTRE D’OUVRAGE Personne physique ou morale (propriétaire, promoteur, collectivité, etc.) pour le compte de laquelle une construction est réalisée. Initiateur de la commande, client de l’architecte. MALADRERIE Léproserie, hôpital pour lépreux. Lieu d’isolement des malades. Pour nous, d’abord un lieu fantasque à Aubervilliers, puis un travail de plusieurs mois, amené à se prolonger... NPNRU Voir à PNRU*. OPH L’Office Public de l’habitat (OPH) est un établissement public compétent en matière de logement social. À l’échelle d’une ville, il est en charge de la construction, l’aménagement, l’attribution et la gestion des logements sociaux loués à des personnes défavorisées ou de condition modeste. PERMANENCE Service de garde, de renseignements, etc., assuré de façon continue pendant une durée déterminée. Une permanence peut aussi être celle d’un artiste ou d’un architecte : l’architecte de rue que nous tentons de définir s’appuie sur la pratique du territoire, les balades, la présence et la permanence en des lieux publics pour entrer en contact, aller à la rencontre d’interlocuteurs9. POTENTIEL Ensemble des ressources dont quelqu’un, une collectivité, un pays peut disposer. Désigne pour nous des espaces susceptibles d’accueillir des actions ou des personnes volontaires, atouts d’un quartier à mettre en contribution pour le bien-être commun. PROCESSUS Enchaînement ordonné de faits ou de phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à quelque chose. PROTECTION DES MONUMENTS HISTORIQUES La protection au titre des monuments historiques n’est pas un label mais un dispositif législatif d’utilité publique basé sur des principes d’analyse scientifique. L’intérêt patrimonial d’un bien s’évalue en examinant un ensemble de critères historiques, artistiques, scientifiques et techniques. Les notions de rareté, d’exemplarité et d’intégrité des biens sont prises en compte10. Cela revient à figer un édifice en son état d’origine. 9 / Éducateur de rue? ICI (Initiatives Construites Îlo-Dyonisiennes), Mettre en œuvre les petits rien du tout 10 / Ministère de la Culture et de la Communication


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RENAUDISME, RENAUDIEN (NE) Néologisme issu du nom de l’architecte tête de file du mouvement de construction d’habitat social post soixante-huitard Jean Renaudie. Désigne un édifice ou un architecte qui amène une remise en question des normes de la construction ou en tous cas de la normalité. Vient à l’encontre de la production de masse des Grands Ensembles* pour tendre à une liberté dans les formes urbaines et architecturales. Le but étant de se libérer de l’architecture toujours régulière et d’apporter une diversité de logement à chacun, chacun étant différent. « Il s’agissait de faire évoluer le rapport à soi et aux autres en favorisant l’appropriation des logements et l’espace public » - Serge Renaudie, fils de Jean Renaudie, à propos du Renaudisme. RÉNOVER La rénovation désigne les opérations par lesquelles un bâtiment ou l’un de ses éléments voit sa condition améliorée, par l’utilisation de matériaux neufs, modernes en remplacement des parties endommagées ou obsolètes. Le plus souvent il s’agit d’une construction neuve après démolition totale11. RÉHABILITER Rétablir dans son premier état, dans ses droits, dans ses prérogatives, etc., celui qui en a été déchu. Peut être définit comme une réutilisation de structures bâties en conservant les éléments constitutifs pour rendre ses capacités d’usage - ou changer sa destination. La Torre de David à Caracas est un exemple extrême de réhabilitation: la structure béton d’une tour inachevée est squattée en une résidence informelle. RÉSIDENTIALISER Elle est généralement vue comme une amélioration du cadre de vie des quartiers d’habitat social. [...] Cette perspective qui ambitionne de réduire des problèmes mal définis (les incivilités, la déqualification sociale) à des problèmes de forme urbaine, propose curieusement un programme d’intégration urbaine par la création d’entités spatiales repliées sur ellesmêmes12. Résidentialiser dans sa mise en action française actuelle, consiste à redéfinir clairement ce qui est de l’ordre du privé ou du public, par la mise en place de sas. L’îlot Daquin de la Maladrerie a vu terminer sa résidentialisation en 2014. Elle s’est caractérisée par une peinture extérieure et un clôturage des espace plantés publics en jardinets privés. PATRIMOINE Ce qui est considéré comme l’héritage commun d’un groupe. Le patrimoine fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures, ainsi qu’à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain. On dépasse donc largement la simple propriété personnelle (droit d’user « et d’abuser » selon le droit romain). Il relève du bien public et du bien commun.13 « L’héritage ne se transmet pas, il se conquiert. » André Malraux (1935) 11 / Wikipédia, Rénovation, consulté le 25/09/2015 12 / Wikipédia, Résidentialisation, consulté le 25/09/2015 13 / Wikipédia, Patrimoine Culturel, consulté le 25/06/2015


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PATRIMONIALISATION Rendre quelque chose patrimonial, lui donner une valeur économique. La patrimonialisation peut être définie comme un processus visant à protéger de manière juridique des bâtiments ou des espaces remarquables. Si d’aucuns parlent de mise en mémoire collective, la patrimonialisation implique un aspect de rente financière qui l’éloigne du bien collectif. PNRU Programme National de Rénovation Urbaine Datant de 2003, suivi par le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine de 2014 visent à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible. PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE Désigne l’état de précarité d’usagers n’ayant pas un accès normal et régulier dans leur logement aux sources d’énergie nécessaires, par exemple à cause de bâtiments mal isolés contre le froid ou la chaleur ou du prix des ressources énergétiques et du montant des charges. RÉVÉLER Faire connaître à quelqu’un ou rendre public ce qui était tenu secret. Manifester par des signes indubitables ce qui n’était pas immédiatement perceptible. Révéler ce qui était secret ou ce qui n’était simplement pas pensé, bien que sous nos yeux. La révélation des potentiels urbains passe par l’analyse de pratiques, d’objets, d’histoires. RHI La Résorption de l’Habitat Insalubre C’est une mesure lancée par l’État en 1970, elle est une série d’opérations urbanistiques d’aménagement du territoire dans l’intention de réduire l’insalubrité* de certains espaces urbanisés. Le territoire d’Aubervilliers sur lequel la Maladrerie s’est construite était avant 1975 un quartier de taudis sans accès au confort élémentaire. SUBSTRAT Ce qui existe dans un être, indépendamment de ses qualités, et en constitue la réalité profonde. Ce qui sert d’infrastructure à quelque chose, ce sur quoi s’exerce une action. C’est une base fertile sur laquelle développer un nouveau projet. À la Maladrerie, il est constitué par ce qui est déjà là : la base solide de l’utopie initiale, sa forme architecturale, ainsi que par les habitants et associations. TOP-DOWN Pilotage directif (descendant) où au contraire, le fil directeur de l’animation est actionné par la hiérarchie. Les échelons « subordonnés » ayant pour fonction de mettre en forme, d’exécuter, de déduire, d’améliorer les consignes prescrites14. Réfère pour nous à une structure dont le pouvoir émane par le haut. Système récurent, il est illustré dans notre projet par la chaîne ANRU* - EPCI* Plaine Commune - ville 14 / Wikipédia, Approches ascendante et descendante, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Approches_ascendante_et_descendante


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d’Aubervilliers & OPH* - Habitant. Où l’habitant n’exécute ni ne déduit rien - il est mis dans une position d’assisté, de consommateur d’habitat. Opposé de Bottom-up*. URBANITÉ Ensemble des procédés de gestion de la relation, du respect, d’un code d’interaction à intention permettant de faire face à l’imprévu. Ces procédés sont destinés à maîtriser les tensions qui pourraient naître de l’hétérogénéité des relations mettant en jeu la diversité des rôles et la multiplicité des groupes sociaux15. UTOPIE CONSTRUITE Ce qui appartient au domaine du rêve, de l’irréalisable. Invention d’une société, la vision utopique de la société s’applique à construire des systèmes sociaux, politiques et urbains qui (re)posent la question du pouvoir. Tenter de construire l’utopie construite, malgré l’antinomie des termes, invite à mettre en œuvre un idéal social. ZAC Zone d’Aménagement Concertée C’est une opération publique d’aménagement urbain fonctionnant dans l’application du code de l’urbanisme. Elle vient se substituer aux Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) des années 60. ZUS Zone Urbaine Sensible C’est un territoire infra-urbain défini par les pouvoirs publics français pour être la cible prioritaire de la politique de la ville entre 1996 et 201416.

15 / BOURDIN Alain, « Urbanité et spécificité de la ville », in Espaces et Sociétés, Privat, Toulouse, 1987. 16 / Wikipédia, Zone urbaine sensible, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_urbaine_sensible


Remerciements À nos parents, À Flavie & Mariusz, Jessica & Antoine, Raph, Alexia, Olavo, Danielle & Serge, Katherine & Gilles et Ronan, Aux habitants de la Maladrerie, Hawa & ses enfants, Bintou, Aurélie & Anaïs, Nicole, Khady & son fils Gora, À la ville d’Aubervilliers & Plaine Commune, Marion Alexandre, Mathilde Behhar - Service de démocratie locale, Florence Wallaert - Chef de projet rénovation urbaine, Caroline Métais - Adjointe chef de projet rénovation urbaine, À L’OPH, Barbara Bourgeois - Chef de Projets Renouvellement Urbain, Silvère Rosenberg - Directeur Aux compagnons bâtisseurs, Coline Bertaud, À Ingrid Amaro Au personnel de l’école, à Hélène, Boris, Sarah, Jérôme, Céline, Aladin, Léa, Geoffrey, À Olivier Lutz, Fabrice Saint-Lopez et Patrice pour l’aide à la confection du triporteur, À nos enseignants Patrick Leitner et David Fagart

Et à Renée Gailhoustet, qui nous a accueillis avec gentillesse dans son appartement renaudien...



« Enseignant d’un langage architectural avec Friedman, plongé dans un combat pour surprendre et détourner l’administratif chez Bouchain, sorti de ses plates-bandes par les collectifs, l’architecte est en recherche d’expérimentation dans toutes ces démarches. La tentative doit être poussée en assumant aussi la casquette de l’architecte classique, celle du maître d’œuvre, intégrée dans un processus complexe. C’est portant ces casquettes multiples que nous concevons ici une manière complète et engagée de pratiquer l’architecture. »


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