A la mala (2) Erenati Aquilina - La Mala Imaginaire

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Ă€ LA MALA la mala imaginaire



Ă€ LA MALA la mala imaginaire


Projet de fin d’études Mars - Juillet 2015 AQUILINA Clément ERENATI Abigail Enseignants : Patrick Leitner et David Fagart


“La Mala c’est d’abord une couleur. Qui saute aux yeux. Qui explose aux yeux. Couleur béton, couleur bêtise. Ce gris qui dévore le regard des adultes du quartier ; mais qui épargne pour un moment celui des enfants que nous étions alors, prenant possession de notre nouvelle aire de jeux. Ce gris qui me faisait penser que la cité n’était pas finie, qu’elle était en devenir. Ce gris nous avons maintes fois tenté de l’apprivoiser, de le domestiquer; chacun sa manière, ses moyens, pour dégriser ses murs qui ne demandaient que ça. Tout le quartier ou presque s’y est mis.” Hocine Ben Slameur de la Maladrerie, Périphérie - La cité du poète, France Inter, 4 mai 2014



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AVANT-PROPOS La Mala imaginaire - nous ne sommes pas au théâtre mais il y a tout de même des acteurs. Des acteurs du territoire : des habitants, d’abord, puis des associations et des institutions administratives, locales, communales et départementales. Nous avons essayé d’en rencontrer le plus grand nombre. Nous, nous sommes deux étudiants en architecture, et nous avons choisi la Maladrerie* comme terre d’accueil pour ce travail de diplôme. Nos expériences* et engagements personnels nous encouragent à réfléchir aux méthodes de fabrication de la ville : l’habitant* y est trop souvent silencieux. Avec cette réflexion qui vient d’un besoin de comprendre comment se positionner, comment exercer ce métier d’architecte, et de déterminer ce que pourrait être notre rôle dans cette société. La démarche de notre projet reflète la manière dont nous nous positionnons dès à présent en tant que futurs professionnels. Ce livret retrace la manière dont notre aventure s’est déroulée - au départ complètement à tâtons, c’est grâce à une multitude de rencontres que nous avons pu construire ce projet. C’est en allant à la chasse aux indices et en cherchant à comprendre les objectifs de chacun que nous avons pu progressivement construire notre point de vue sur la Maladrerie, le raconter autour de nous, à ses habitants, et établir des relations de confiance. Au terme de ce travail de diplôme nous présentons dans un dernier livret intitulé Maladrerik’s cube un « scénario de rénovation », proposant aux acteurs publics de sortir des sentiers battus et de tenter l’expérience d’une démocratie participative appliquée ayant pour noyau dur, comme il se doit, les habitants.


SOMMAIRE Avant-propos 7

quel diplôme ? 11 Engagez-vous, qu'il disait ! 13 Avec des “si”... 14 Encourager le pouvoir local autour du bien-être commun 15 Entre deux états 16

TERRE D'ACCUEIL, TERRE D'ÉCUEILS

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Des territoires en mutation Des collectivités en difficulté La découverte d'un site

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Complètement mala 33 L'hypothèse sociale initiale 43 Renée Gailhoustet et la Maladrerie : un échantillon patrimonial 45 Des dysfonctionnements 53 Une gestion inadaptée 55 L'aspect patrimonial 58 Quelle rénovation pour la Maladrerie ? 59


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in-situ 69 Nos balades 73 La mise en valeur du quartier 73 Le triporteur 75 Déclarer notre présence 77 Nos rencontres 77 Prendre part à l'événement 95 Les habitants, entrer dans les logements 101 Vers un scénario de réhabilitation 107

annexes 111 Bibliographie 115 Glossaire appliqué 119

Les mots suivis d’un * renvoient à une définition dans le glossaire appliqué en fin de livret.



quel diplĂ´me ?



Quel diplôme ?

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Comment choisir un sujet de projet de fin d’études en architecture? Par quelle porte d’entrée voulons-nous aborder cet exercice ? Pour tous ceux que nous avons rencontré sur le terrain, nous présentons ici ce qui nous a amené à expérimenter “en bas de chez vous”. Si nous racontons notre aventure c’est pour faire état des actions et des acteurs qui font vivre le quartier, autant d’éléments qui entretiennent la convivialité et qui nous ont permis d’y être intégrés.

Engagez-vous, qu'’il disait ! Amis depuis le début de nos études et partageant une même vision de l’architecture, nous avons débuté ce PFE en duo avec la volonté d’exprimer quelque chose, d’affermir notre position en tant que futurs professionnels. Pour nous, cela revient à trouver notre propre définition du métier d’architecte, dans une mise en œuvre de nos envies et qui incarne les valeurs sociales et citoyennes qui nous animent. Nos expériences et engagements personnels nous encouragent à réfléchir aux méthodes de fabrication de la ville. Si nous nous sommes souvent indignés de certaines insuffisances que peut représenter le métier d’architecte aujourd’hui, nous constatons qu’il est cantonné sur un périmètre d’action trop étroit. Il s’agit maintenant de passer à l’action, de faire. Depuis la première année de nos études, nous avons touché l’expérimentation, les réalisations à échelle 1 et l’action de


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terrain. Des démarches destinées à chaque fois à nous rapprocher de la réalité. De manière assez intensive lors de ce projet nous avons tenté, avec le pied dans la réalité, de garder un œil lucide sur le monde qui nous entoure, pour pouvoir réellement contribuer au territoire, armés de nos convictions. Nous aspirons à démontrer. Montrer que de nouvelles dynamiques sont possibles si les bons potentiels* sont visés, pour nous les habitants, et qu’il ne faut pas céder à la facilité ni à la fatalité.

Avec des ''si'«'... Nous sommes intimement persuadés que les choses doivent changer, qu’il faut donner plus de place aux acteurs citoyens « sans voix », et par conséquent, repenser les processus* d’aménagement. Aujourd’hui, ces derniers dépendent d’une quantité d’acteurs, institutions, gestions enchevêtrées les unes aux autres qui peinent à trouver les outils pour répondre aux attentes profondes des intéressés, aux rapports de proximité entre les individus et à la construction d’un bien-être commun. Le constat d’échec est là, identifié depuis des décennies par les administrations qui tentent d’y remédier. Mais donne t-on la parole aux bonnes personnes ? Quels outils mettre en place ? Nous nous sentons affiliés à des “architectes de terrain” comme Lucien Kroll et la co-construction* de logements universitaires par des étudiants en médecine, Patrick Bouchain et son travail intitulé « Construire ensemble le Grand Ensemble » et enfin Yona Friedman qui a travaillé des années dans les bidonvilles de par le monde. Ce même sentiment se retrouve dans la pratique des collectifs d’artistes et d’architectes, notre démarche est inscrite dans une mouvance à l’intérieur des métiers de l’aménagement qui met en avant


Quel diplôme ?

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l’expérimentation d’outils in-situ. En ayant pour visée de (re)révéler* les potentiels humains et géographiques d’un lieu, d’en combattre les anomalies physiques et les dysfonctionnements afin d’y remédier par une réponse plus affinée. Concrètement, cela passe par un travail de terrain important et une production construite dans l’espace public. C’est une pratique pédagogique de l’architecture et un moyen de donner un accès à la création aux citoyens et de rassembler autour d’un projet commun et fédérateur*. En alliant les potentiels, les désirs du territoire et notre envie de pratiquer différemment, nous espérons au départ de ce travail, contribuer du mieux possible et de manière innovante à notre territoire.

Encourager le pouvoir local autour du bien-être commun La pression du système rétrécit la perception des possibles pour l’individu, le réduisant à sa fonction de consommateur, d’assisté, et lui fait croire que son seul épanouissement est financier. La prise de conscience écologique* d’un monde fini et le creusement des inégalités durant les vingt dernières années de mondialisation et de système libéral font que l’épanouissement individuel via la possession ne peut plus apparaître comme une solution. Il faut trouver à l’humain une nouvelle manière de ne pas se satisfaire de la vie, et de s’épanouir. Il faut alors, selon nous, miser sur le soutien qui est là, juste à côté : l’espace bâti et l’autre, le voisin. Autant de potentiels déjà là à rencontrer, à découvrir et pour faire naître la vision d’une ville solidaire, où les désirs partagés entre les habitants « sans voix » sont encouragés et où les initiatives se réalisent, passant du rêve à la réalité. L’écoute de l’habitant et de son « savoir d’usage » relève du bon sens. Sans compréhension des réels dysfonctionnements, il ne peut pas y avoir de réponse appropriée. De la même manière, intervenir dans l’existant permet cette réflexion. Cela suppose qu’il faut avant tout avoir une lecture du fond pour pouvoir intervenir sur la forme, ce que ne permet pas la table rase et le départ à zéro.


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« Tu n’avais pas eu besoin des sciences cognitives pour savoir que sans intuitions ni affect il n’y a ni intelligence ni sens » André Gorz

Aborder un territoire avec ces intuitions nous permet d’imaginer une démarche de projet en confiance avec les acteurs, de manière presque thérapeutique : beaucoup d’écoute, d’allers-retours et d’actions au cas par cas. Pour nous, c’est tenter d’identifier les éléments pouvant constituer un projet de vie commun à l’échelle d’un quartier (pour commencer) et de se lancer dans une expérimentation qui aboutit avec l’aide de tous les acteurs. Pour que l’habitant puisse se sentir en capacité d’agir dans la production de la ville et de son milieu bâti, il doit pouvoir être sollicité de manière récurrente et ludique au sein même de son quartier. C’est l’action dynamique dans l’espace qui va interpeller, faire réagir et enrichir la réflexion sur l’espace. C’est pourquoi nous tenons dès le départ à rentrer en contact avec les acteurs « visibles » du territoire pour pouvoir par la suite entrer en contact avec les « sans voix » et enfin les entendre et porter leurs désirs.

Entre deux états Comprendre par la rencontre, la confrontation à l’existant et à l’humain est la dernière piqûre de rappel, à la fin de ces études, quant à la dimension humaniste de l’architecture, destinée avant tout à celui qui l’habite. Nos études nous ont principalement formés à pouvoir répondre à une commande. Mais d’où vient cette commande ? Des administrations un peu en panne d’inspiration sur les « programmes » ? D’où vient la nécessité de vouloir tout programmer, tout prévoir et tout maîtriser ? Où est passé l’habitant ? Nous profitons de cet exercice pour proposer justement un projet


Quel diplôme ?

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libre de la contrainte de la commande. En répondant principalement aux attentes des habitants, c’est un processus qui, on l’espère, peut donner lieu à un projet urbain plus durable. Avoir ce statut étudiant nous offre la chance de pouvoir tenter cette expérience, de mettre en place un projet et de tester sa viabilité et son acceptabilité auprès des habitants, puis des acteurs publics. Cela nous permet de faire bouger les lignes et, mus par notre vision politisée, d’imaginer de nouveaux fonctionnements. Ce travail est la proposition de scénario, d’un processus de rénovation, s’inscrivant dans un contexte existant et répondant à l’attente des habitants d’une part, tout en prenant les réalités des acteurs publics en compte. Dans cette perspective, ce processus mis en place par l’architecte se trouve à la convergence des dynamiques de terrain et des dynamiques administratives et politiques. Passant par une requalification des rôles et responsabilités de chacun, cette nouvelle histoire commence avant tout par la création de nouveaux rôles : celui de l’habitant concepteur et constructeur, assisté de l’architecte révélateur, médiateur et constructeur. Avec toutes nos intuitions, nous devons maintenant nous pencher sur un territoire. Mais que choisir ? Où et comment se rendre utile ? Comment contribuer à un quartier ? Comment encourager concrètement le « vivre-ensemble » ?



TERRE D'ACCUEIL, TERRE D'ÉCUEILS



Terre d’accueil, terre d’écueils

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La mise en place du projet étant très courte dans le cadre d’un diplôme d’un semestre, nous décidons de choisir un terrain proche, afin de pouvoir y aller facilement et de nous rendre disponibles. Mais cela ne peut pas être le seul critère de sélection.

Des territoires en mutation Sensibles aux changements dans les métropoles et leurs grands projets urbains actuels, nous décidons presque naturellement de travailler sur les impacts que cela peut avoir sur la banlieue. Tout le monde en entend parler, ces grands projets sont : le développement des réseaux de transport et les grands projets d’aménagement de Zones d’Aménagement Concertées (ZAC*), la redynamisation des Zones Urbaines Sensibles (ZUS*) et l’arrivée d’une seconde vague de projets de l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU*). Autant d’appellations administratives d’une gestion démiurgique des territoires à aménager. Souhaitant être au plus près des habitants et de la réalité de contemporains, nous choisissons de travailler sur un quartier ZUS sélectionné par l’ANRU pour un Projet de Rénovation Urbaine*. En région parisienne la Seine-Saint-Denis, territoire de pauvres, est aux premières loges des bouleversements urbains. Historiquement, c’est un département meurtri par son histoire.


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La Courneuve Aubervilliers La Courneuve 8 mai 1945

Mairie d’Aubervilliers Fort d’Aubervilliers

Aubervilliers - Pantin Quatre Chemins

Porte de la Villette

PROJETS ACTUELS À AUBERVILLIERS Périmètre des projets ANRU

Lignes de transport existantes

Périmètre des ZAC

Lignes projetées

Périmètre des zones à l’étude

Limites communales

(RER B, Ligne 7)

( prolongement de la Ligne 12, Ligne 15 du GPE)


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Longtemps laissé pour compte et souillé par la Capitale et son indifférence envers ses banlieues, il se façonne à travers les activités servant à alimenter et enrichir Paris, défiguré par les infrastructures attenantes aux industries qui s’y sont installées. Cette situation résulte du décret impérial de 1810, à partir duquel l’activité industrielle est rejetée hors des limites de Paris. À la moitié du XIXème siècle, la Révolution industrielle engendre comme on le sait un flux migratoire des populations rurales et immigrées vers les villes. Engrenage imprévu, la banlieue s’urbanise et se densifie de manière précipitée autour des activités polluantes qui permettent le bon fonctionnement de la Capitale. En revanche, elle fait face seule à une population toujours croissante, amassée autour des ateliers insalubres1. La législation concernant les territoires du département de la Seine a longtemps été avantageuse pour l’implantation des usiniers et autres activités industrielles au dépens du bon développement urbain des communes. Le clivage entre banlieue résidentielle à l’Ouest et banlieue industrielle et prolétaire à l’Est s’accentue alors durablement, accumulant des séquelles. En remontant progressivement la législation on constate de larges écarts entre les dates relatives à l’amélioration des conditions de vies liées aux sites d’industrie de la périphérie parisienne et de réelles mises en œuvre d’actions. Ainsi, le moment où l’on prend note de l’insalubrité* et la pollution des sols, des cours d’eau et leur impact incontournable sur la santé de la population (1892) est espacé de près d’un siècle du moment où l’on agit (années 70) malgré la mise en alerte et des protestations majeures (1920-1922 ; 1945)2. Une politique de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI*) lancée par l’État en 1970 complète la construction des Grands Ensembles* d’aprèsguerre, le tout restant d’une qualité matérielle très moyenne. 1/ LEFORT-PROST Anne-Cécile, Paysages industriels en proche banlieue parisienne (1860-2000) : de l’usine à la requalification des friches ?, Chargée de mission CDHT, CNAM 2/ Ibid.


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Pour les industriels, une fois les réglementations modifiées, les entreprises se délocalisent, et les difficultés se sédimentent pour les populations habitant ces secteurs. Même si la qualité de vie s’améliore progressivement grâce au départ des industries polluantes, nocives et bruyantes, la délocalisation est « synonyme de réduction des ressources financières municipales » et responsable de l’augmentation du taux de chômage3. En crise économique suite à la chute de l’activité industrielle depuis la fin des années 60 et aujourd’hui gestionnaire d’un énorme patrimoine industriel tombé en désuétude, ce département estropié représente une poche foncière de premier ordre dans le développement de la métropole parisienne, le Grand Paris. À l’envers du décor, l’impact sur les populations est important. L’arrivée de nouvelles lignes de transports est une chance, mais elle porte également préjudice aux habitants, qui voient la spéculation foncière parisienne s’étendre au-delà du périphérique.

Des collectivités en difficulté Au nord-est de Paris, la commune d’Aubervilliers s’est développée à l’écart des grandes voies de communication. Elle est initialement un territoire rural nourrissant Paris. Cette situation change en 1821 à l’ouverture du Canal Saint-Denis, autour duquel s’installeront les industries, recouvrant progressivement les terres agricoles. La population ouvrière miséreuse s’y amasse dans les taudis. À la sortie de la deuxième guerre mondiale, la ville d’Aubervilliers est, et reste jusqu’à aujourd’hui, la seconde ville la plus pauvre de France métropolitaine4. En première limite de Paris, elle est une illustration 3/ LEFORT-PROST Anne-Cécile, Paysages industriels en proche banlieue parisienne (1860-2000) : de l’usine à la requalification des friches ?, Chargée de mission CDHT, CNAM 4/ Voir les statistiques en annexe.


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probante de l’histoire du département, comme en témoigne poétiquement Jacques Prévert : « Gentils enfants d› Aubervilliers Vous plongez la tête la première Dans les eaux grasses de la misère Où flottent les vieux morceaux de liège Avec les pauvres vieux chats crevés Mais votre jeunesse vous protège Et vous êtes les privilégiés D’un monde hostile et sans pitié Le triste monde d’ Aubervilliers Où sans cesse vos pères et mères Ont toujours travaillé Pour échapper à la misère A la misère d’ Aubervilliers A la misère du monde entier Gentils enfants d’ Aubervilliers Gentils enfants des prolétaires Gentils enfants de la misère Gentils enfants du monde entier Gentils enfants d’ Aubervilliers C’est les vacances et c’est l’été Mais pour vous le bord de la mer La Côte d’Azur et le Grand Air C’est la poussière d’ Aubervilliers Et vous jetez sur le pavé Les pauvres dés de la misère Et de l’enfance désœuvrée Et qui pourrait vous blâmer » Jacques Prévert La chanson des Enfants5

Soucieux des impacts des mutations urbaines sur les populations pauvres, nous choisissons de nous pencher sur cette ville. Sur la commune d’Aubervilliers, dans le cadre des mutations du Grand Paris, deux quartiers sont sélectionnés pour une nouvelle vague de projets de rénovation urbaine : celui de la Villette / Quatre chemins ; 5/ Paroles de Jacques Prévert, musique de Kosma, interprétée par Germaine Montero. Bande originale du court-métrage Aubervilliers réalisé par Éli Lotar, 1945


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ÉVOLUTION HISTORIQUE DU QUARTIER DE LA MALADRERIE


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et celui de la Maladrerie / Émile-Dubois. Nous arrivons aux balbutiements du projet, au moment où tous les acteurs publics n’ont pas encore établi le protocole de gestion de cette rénovation. En allant à la pêche aux renseignements, nous découvrons que notre arrivée sur le territoire s’opère alors que la démocratie locale tente l’approche des albertivillariens à travers un premier évènement : les rencontres citoyennes du 31 janvier 2015.

La découverte d'’un site Nous tentons d’entrer en contact avec les acteurs associatifs du territoire, afin de comprendre la ville avec ces habitants. C’est lors d’un évènement organisé par Auberfabrik (une association d’initiative des quartiers Nord de la Ville) aux Laboratoires d’Aubervilliers - un atelier d’artistes implantés en résidence - que nous rencontrons Ingrid, coordinatrice du projet de la Semeuse (une plateforme pour la biodiversité urbaine). Cette première approche de terrain nous fait découvrir le quartier de la Villette / Quatre chemins, où la densité et le peu d’espaces publics nous amènent rapidement à conclure que ce quartier n’est pas approprié à la démarche que nous souhaitons entreprendre. C’est à la fin du mois de février 2015 que nous découvrons la Maladrerie pour la première fois. Lors d’une seconde visite aux Laboratoires, Ingrid nous propose d’enfourcher nos vélos et de pédaler le kilomètre qui nous en sépare afin de découvrir le quartier. L’arrivée sur place est saisissante : des bâtiments massifs, pyramidaux, de béton brut, au milieu d’une forêt d’arbres effeuillés. La Maladrerie s’impose au voisinage comme un enchevêtrement de pyramides bétonnées où les plantes envahissent les surfaces, et comme symbole de ce quartier de la ville. Dès que l’on y pénètre depuis la rue entre deux rez-de-chaussée, on


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se trouve avalé par cette architecture aux principes clairs : du béton à nu et des terrasses à chaque logement. Cette opération mixte de logements sociaux, logements en accession et équipements éducatifs et culturels construite entre 1975 et 1986 a été conduite par Renée Gailhoustet. La composition architecturale exceptionnelle nous laisse sans mots.



Complètement mala



Complètement Mala

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“Maladrerie” désigne en vieux français les hôpitaux consacrés aux personnes atteintes de la lèpre.

Le quartier doit son nom à une ancienne léproserie installée sur le site au Moyen-Âge. Dès les années 30, le quartier de la Maladrerie d’Aubervilliers est un quartier d’habitat insalubre excentré, ensemble de foyers-taudis de populations mal-logées, amassées autour des zones industrielles. Résultant de l’expérience malheureuse de l’urbanisme des Grands Ensembles et la scission idéologique de mai 68, la nouvelle vague de politiques urbaines est menée plus prudemment dans les années 70. C’est la Sodédat 93, aménageur en Seine-Saint-Denis qui, choisissant de se démarquer de l’urbanisation radicale antérieure, ouvre la porte à l’expérimentation incarnée par la pensée renaudienne*. Dans un contexte de politiques de résorption de l’habitat insalubre, le quartier est détruit afin d’y installer un quartier de Grands Ensembles résidentiel qui sera à terme de 800 logements, dont 746 logements sociaux. L’opération est confiée à Renée Gailhoustet, proche de Jean Renaudie.




UNE AUTRE TYPOLOGIE URBAINE



PLAN DES CHEMINEMENTS DE LA MALADRERIE 0

50m



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PYRAMIDES CONTRE BARRES

VS

LES TERRASSES Du « donnant donnant »


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L'’hypothèse sociale initiale À la demande des architectes, la ville accepte d’en faire un quartier où la voiture est exclue. Sur l’ensemble de l’opération, la surface de terre végétale bétonnée par les cheminements est restituée par les terrasses en pyramide. Le travail topographique sur les espaces extérieurs façonne un jardin à l’échelle de l’îlot avec plus d’un kilomètre et demi de cheminements piétons. C’est un labyrinthe géant où les enfants jouent et où l’on s’égare pour apprendre à se retrouver. Selon Renée Gailhoustet, se perdre est nécessaire pour l’assimilation d’un lieu : pour le connaître, il faut s’y être perdu. Expérimenter la complexité urbaine à l’échelle du quartier fait écho à celle de la ville. Le projet est façonné selon une trame permettant une volumétrie généreuse pour la superposition des fonctions : logements, terrasses, ateliers d’artistes, jardins, équipements et espaces publics. Les logements sont tous différents, conséquence de la trame et de la forme pyramidale. Chaque habitant a un logement singulier qui valorise son individualité. Pour renforcer ce sentiment, la quasitotalité des appartements ont une terrasse de pleine-terre à planter. À cette période, les politiques de l’État affirment qu’apporter la Culture dans les quartiers peut réduire les inégalités, la démocratisation culturelle est le maître mot. Pour entretenir une mixité sociale et un partage culturel au sein du quartier, les architectes implantent des ateliers-logements d’artistes en rez-de-chaussée. Leur ouverture sur un jardin en limite de l’espace public permet pendant plusieurs années l’organisation de « journées portes ouvertes » dans les ateliers. À l’intérieur de l’îlot, les espaces publics extérieurs et intérieurs sont façonnés pour une appropriation* par des habitants. Puis les équipements de quartier proposés par l’architecte et qui n’étaient au départ pas prévus dans la programmation, viennent enrichir ce quartier excentré. Dans les premières années du projet, l’interaction de toutes les dynamiques en font un lieu presque utopique, dont les pionniers parlent encore avec nostalgie. Quarante ans après, les plantes se


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TYPOLOGIES DE LOGEMENTS

Le patio Le simplex

Le simplex à demi-niveau Le duplex

Le triplex Le pavillon à plusieurs demi-niveaux


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sont épanouies, mais il semble à première vue que les nouvelles générations de locataires ne se retrouvent pas toutes dans ces bâtiments fantasques, alors que nous observons lors de nos premières balades une multiplicité de dysfonctionnement techniques et des conflits d’usage dans les espaces communs.

Renée Gailhoustet et la Maladrerie : un échantillon patrimonial Qui est l’architecte de la Maladrerie ? Qui a créé ces volumes que l’on peut penser capricieux ? Il s’agit de Renée Gailhoustet, née à Oran (Algérie) en 1929. Après l’obtention d’une licence en littérature à Paris, elle s’oriente vers une formation d’architecte. Elle travaille dès 1952 au sein de l’atelier Lods (un des seuls, à l’époque, qui accepte les collaboratrices) et y rencontre Jean Renaudie. Dix ans plus tard, après une expérience professionnelle dans l’agence de Roland Dubrulle, elle lance sa propre structure dans le cadre de la rénovation du centre-ville d’Ivrysur-Seine. Dans la pratique et de par son engagement personnel, Renée Gailhoustet répond principalement à des commandes publiques de logements sociaux, avec équipements, pour des villes communistes. De 1962 à 1975, elle met essentiellement en œuvre des bâtiments d’esprit post-corbuséens qui restent des cellules d’habitations imbriquées, bien que parfois de manière complexes. Dès 1971, du fait de sa proximité idéologique avec Jean Renaudie, elle développe des bâtiments pyramidaux, avec l’idée que chaque logement doit être différent dans un «droit à la différence». Dans ces bâtiments, l’introduction de la diagonale permet un jeu géométrique varié. Ce système d’organisation des logements et de la volumétrie des bâtiments dérivé des projets de Renaudie sera par la suite décliné par Renée Gailhoustet dans sa production, rejetant sa propre démarche « corbuséenne ».


À L’INTÉRIEUR...


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« Il y a bien quelques surprises dans l’utilisation des coins à angle aigus et l’imagination est certes sollicitée pour qui voudrait tirer tout le parti innovant de cette richesse d’espace » 6. Jean-Pierre Lefèbvre

Renaudie et Gailhoustet font appel à l’imagination de l’habitant pour qui, tel un jeu, l’installation n’est pas des plus aisée, et où les possibilités d’appropriation de l’espace demandent de l’ingéniosité. Avec débrouillardise, un angle aigu habité ou une boite quelque peu atrophiée vient transcender l’espace et décupler l’impression de superficie. L’approche de Renée Gailhoustet est qualifiée plus tard de renaudienne, car elle est souvent l’application des théories de Renaudie. Elle consiste à renouer avec la rue traditionnelle, boudée par les modernistes ; à pousser l’utilisation d’une géométrie riche de cercles, triangles, hexagones, etc. ; à se confronter en tant qu’architecte à des formes imprévues et des compositions complexes ; à instaurer systématiquement une mixité des fonctions ; et enfin, en pied-denez à ses collègues architectes, elle vient puiser dans le vocabulaire architectural moderne des villas pour créer des typologies inédites dans le logement collectif : terrasses, loggia, duplex, triplex, éclairages zénithaux, patios, etc. À partir des années 80 le travail de Renée Gailhoustet évolue et elle semble revenir à une conception architecturale plus portée sur la coupe - vue d’un bâtiment coupé par un plan vertical. Sans quitter ses convictions sociales et restant dans une image pyramidale, son oeuvre se rapproche en même temps de celle de l’immeuble. Elle délaisse le béton brut pour introduire d’autres matériaux dans ses constructions, réinventant sans cesse « à partir du détournement d’un ensemble de règles données par lui [par Jean Renaudie, nda] »7. Souvent positionnée en retrait face au travail de Jean Renaudie, 6/ LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM?, L’Harmattan, 2007 [p70] 7/ CHALJUB Bérénice, “Renée Gailhoustet en ses terrasses”, AMC n°180, juin-juillet 2008



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l’œuvre de Renée Gailhoustet n’en reste pas moins une recherche architecturale personnelle. Bien qu’elle même rappelle à quel point la figure de Renaudie a été « tutélaire », au travers de son œuvre, elle ne copie pas les propositions typologiques mises en place par Renaudie, elle revendique un « savoir-faire » gardant une grande marge d’interprétation. Une fois la piste typologique exploitée et aboutie, elle cherche une autre démarche de production ou « chacune des expérimentations […] est l’occasion d’en épuiser les possibles »8. Chez Gailhoustet, la technique et la recherche de ces aboutissements sont partitionnées en plusieurs périodes, identifiables par deux cycles typologiques principaux. Le premier, une construction en gradins sur la base de trames de points d’appui triangulaires ou hexagonales. Décrites respectivement comme “réseau en étoiles” et “gradin en tranches d’ananas”, on les retrouve dans les phases 1, 2, 3, 5 et 10 de la Maladrerie. La seconde, une construction en voiles parallèles, est basée sur une conception de l’espace en coupe pour la création de logements en plusieurs niveaux : semi-duplex, duplex, triplex, situés dans les tranches 4, 6, 7 et 8. En utilisant ce système, elle échange la terrasse plantée contre le patio, modifiant ainsi les rapports de voisinage (de la recherche du lien social à la promiscuité de voisinage). Le bâti atteint le R+7, soit deux étages de plus que les barres de la cité contiguë d’Émile Dubois, avec une densité plus important, un effet nettement moins massif et plus de porosité dans la traversée du quartier. C’est seulement à la Maladrerie que l’on retrouve ainsi un corpus représentatif des différents cycles techniques et constructifs que l’architecte a pu expérimenter, alimentés par une prise de position forte quant à l’utopie sociale autour d’un projet de quartier. On y reconnait les expérimentations des deux systèmes constructifs mais aussi les inspirations de Renaudie relatives à la volumétrie et 8/ CHALJUB Bérénice, “Renée Gailhoustet en ses terrasses”, AMC n°180, juin-juillet 2008


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TYPOLOGIES DE TRAMES STRUCTURELLES

Le réseau en dite “tranches d’ananas”

Constructions à gradins sur la base de trames de points d’appui hexagonales.


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Les voiles parallèles

Constructions orthogonales. Conception de l’espace en coupe.

Le réseau en étoile

Constructions à gradins sur la base de trames de points d’appui triangulaire.

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aux aménagements des logements, puis un retour vers ses premières recherches inspirées de Le Corbusier. En résumé, la Maladrerie caractérise l’ensemble du travail de Renée Gailhoustet à travers : - la multiplicité des cheminements piétons publics à l’intérieur de l’îlot (rampes, passages, passerelles, gradins, sentiers) ; - l’emploi d’une trame orthogonale à plusieurs déclinaisons selon le système constructif ; - l’utilisation de deux systèmes constructifs (selon les cycles d’expérimentation), d’une part le poteau-dalle, d’autre part le mur refend-dalle ; - les terrasses plantées pour chaque logement ; - l’utilisation de formes géométriques complexes (angles aigus, courbes, obliques) ; - l’aménagement anguleux des logements, notion d’« espaces » plutôt que de « pièces ».

« À l’heure où les constructions de logements collectifs semblent enfermées dans leur cadre normatif et n›être que des produits de représentations sociales et fonctionnelles étriquées, Ia poésie, Ia rareté et Ia qualité des réalisations de Renaudie et de Gailhoustet incitent plus que jamais à les revisiter »9. Bérénice Chaljub

Nous constatons sur place que la qualité de vie qu’offre la Maladrerie est indéniable aux yeux de tous. Sa qualité patrimoniale est telle que malgré le périmètre délimité par l’ANRU, nous choisissons de travailler uniquement sur cet ensemble bâti. De voir la portée sociale d’une telle architecture nous ébranle. Mais presque quarante ans après sa réalisation, elle présente des dégradations faussant la lecture de l’utopie. Nous nous sommes alors penchés sur les différents diagnostics et sur nos propres observations pour tenter de recenser les altérations en tous genre de ce quartier. 9/ CHALJUB Bérénice, “Renée Gailhoustet en ses terrasses”, AMC n°180, juin-juillet 2008


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Des dysfonctionnements Depuis la fin de la construction de la Maladrerie le contexte a évolué, réduisant la sensation de bien-être au sein du quartier. La situation économique que l’on connaît aujourd’hui a des conséquences lourdes sur les différentes générations de locataires qui y sont successivement logées. Aujourd’hui, on peut énumérer ici, de manière non exhaustive, ses principales pathologies. D’un côté, les pathologies liées à la gestion du patrimoine : - des logements surpeuplés ou à l’inverse sous-occupés ; - une défaillance des modes de répartition des logements et d’équilibre social ; - des terrasses utilisées comme pièce de rejet, de stockage ; - des espaces plantés totalement laissés à l’abandon ; - en rez-de-chaussée, des grillages occultés tant bien que mal avec les moyens du bord ; - les halls squattés et les portes défoncées ; - bref, un manque criant de maintenance sur le bâti. Ces pathologies génèrent un essoufflement de la dynamique sociale : - les ateliers d’artistes ne sont plus moteurs de dynamiques de quartier ; - les associations implantées sur le quartier manquent de visibilité ; - la bande de “jeunes tenant le mur” pose un problème sonore récurrent pour le voisinage ; - le vivre ensemble a du mal à se concrétiser dans les espaces publics. Ainsi que des pathologies techniques: - les toitures terrasses plantées ont une étanchéité aujourd’hui défectueuse (descentes d’eau pluviales obturées et non débouchées) qui provoque des infiltrations par les toitures ou par les allèges, occasionnant moisissures et champignons ;


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- dans les dernières phases réalisées du projet, les infiltrations ont lieu au niveau des changements de pente des toitures ; - de nombreux cas de cloisonnement sauvage dans les logements surpeuplés, causant de nouvelles pathologies par leurs malfaçons ; - la création de second jours non-prévus initialement et provoque donc une ventilation naturelle et artificielle insuffisante ; - la ventilation mécanique n’est plus assez performante du point de vue technique et ne convient plus aux usages ; - le manque de luminosité dans certaines tranches ; - le béton d’origine commence à se dégrader, causant des « poussées de fers d’armature » à certains endroits - dans l’ensemble, le gros-œuvre reste en bon état, reste à vérifier au cas par cas l’état des joints de dilatation ; - en façade, l’isolation n’a jamais été assez performante, causant une précarité thermique à l’échelle du quartier : pertes de chaleur d’une part (ponts thermiques d’origines multiples) et les soucis techniques liés d’autre part (condensation, moisissures) ; - en façade toujours, les éléments de canalisation permettant l’évacuation correcte des eaux pluviales entraînent la dégradation des allèges (moisissures et cloques) ; - la remise aux normes générale des habitations est à faire : électricité, salles de bains, cuisines, canalisations, isolation phonique, portes palières (dans l’ensemble conformes) ; - les dégâts des eaux sont plus que récurrents ; - les circulations communes sont dans un bon état général, malgré le besoin de réparation des sas d’entrée ; - les systèmes de désenfumage ont besoin de mise aux normes.


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Une gestion inadaptée L’Office Public de l’Habitat* (OPH) est le légataire d’un patrimoine* architectural complexe, dont l’entretien aun coût de renvient important. L’Office se focalise aujourd’hui sur les problèmes d’étanchéité des toitures terrasses et la précarité thermique, problèmes récurrents depuis la construction des édifices. Premiers facteurs de nouvelles formes d’insalubrité, d’inconfort, et synonymes d’un montant de charges élevé pour les locataires, ces problèmes sont un gouffre financier pour le bailleur. À l’heure actuelle, la Maladrerie représente 10% du parc de logements sociaux de l’OPH pour un tiers de son budget annuel. Il faut tout de même pointer du doigt le mode de gestion et son impact car d’autres bâtiments de la même période de Gailhoustet ou Renaudie en région parisienne ne portent pas les mêmes stigmates du temps. Les défauts de gestion sont d’une part dans le manque d’entretien et de maintenance ; d’autre part, le mode d’attribution des logements, trop normé pour un habitat si particulier. Celui-ci dépend d’un chiffrage métrique, alors qu’avec de telles spécificités dans les logements (angles, jeux de niveaux, etc.) il faut agir de manière plus adaptée. Les nouveaux arrivants de compositions familiales différentes ne sont pas accompagnées à l’installation ni à l’adaptation de leur logement, ce qui entrave toute possibilité d’appropriation par les locataires et ainsi tout attachement. Par exemple, la possibilité de jeu à l’installation, mise en avant par Gailhoustet et Renaudie n’est pas perçue par les nouveaux habitants. L’ingéniosité attendue a fait place à l’assistanat, plaçant les locataires dans l’attente d’intervention de l’OPH, et ce dernier est dans l’incapacité de répondre sur tous les fronts. Devant les pathologies du bâti identifiées et les conditions d’attribution des logements, on est en mesure de constater qu’il y a une difficulté majeure dans la gestion de ce quartier. Alors que


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Le parking des Joyeux

Ensemble pavillonaire de l’Allée Nicolas de Staël


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l’architecture et l’organisation spatiale sont singulières, la gestion de l’OPH n’a pas connu d’évolution opérationnelle à la hauteur du projet initial et des enjeux. Le quartier, de son coté, a connu de nombreux changements sociétaux et un renouvellement important des locataires. L’insuffisance de moyens amène progressivement mais de plus en plus rapidement, les constructions vers une dégradation irrémédiable. Présentement, les familles les plus pauvres du quartier font face a des problèmes sociaux multiples dont ils n’arrivent pas à s’émanciper* : économie (45% de taux de pauvreté), emploi (28% de chômage dans le quartier), culture, famille, etc.

L'’aspect patrimonial Menacée par une première proposition de rénovation qui préconise une démolition partielle, la Maladrerie est labellisée « patrimoine du XXème siècle » en 2008 à la demande des habitants les plus militants. Le fait qu’elle soit reconnue en tant que telle est déjà un atout important pour la préservation du bâti. En revanche, nous pensons qu’une tentative de classement de la Maladrerie à la protection des monuments historiques* pourrait générer de nombreuses entraves liées à la normalisation patrimoniale, annihilant à terme les possibilités d’évolutivité et d’adaptabilité de ce bâti. Une telle labellisation serait un fardeau financier supplémentaire que la ville d’Aubervilliers et l’OPH ne peuvent pas prendre en charge. Ce pourrait être le dernier coup porté à la tentative de gestion de cette « utopie construite* ». L’OPH ne pouvant plus intervenir, les insalubrités continueront à se propager et mèneront lentement mais sûrement à une décision drastique et radicale vis-à-vis de ce bâti. « Le plus important c’est de patrimonialiser* l’idée » Serge Renaudie


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Nous estimons que si la forme architecturale de la Maladrerie est le substrat* idéal pour refaire germer la convivialité, le projet de rénovation* lui, peut être l’occasion de redonner une place politique aux citoyens « sans voix », en les intégrant de manière concrète aux démarches. Il suffit de quelques mises à niveau sur le bâti pour que le potentiel utopique initial refasse surface. C’est en conservant les idées sociales fortes incarnées dans la forme architecturale et urbaine de la Maladrerie qu’il faut miser. En revanche, nous considérons que la matérialité extérieure, aujourd’hui problématique (panneaux de façade aux performances thermiques catastrophiques), peut être remplacée sans altérer l’idée initiale du projet.

Quelle rénovation pour la Maladrerie ?

Arrive l’heure de la rénovation, envisagée dans le cadre des grandes opérations de NPNRU* lancées par l’État en 2014. Ce projet de réhabilitation* est nécessaire. C’est dans les finalités de la rénovation et la manière de la conduire qu’il nous semble nécessaire de poser les bonnes questions et entreprendre la démarche adéquate, prendre en compte l’ensemble des acteurs et de respecter leurs besoins. Concernant le projet de rénovation urbaine sur le quartier Maladrerie / Émile Dubois porté par l’ANRU, la nécessité de préserver l’utopie nous a amenés à ne travailler que sur une des deux parties du quartier dans le cadre de ce projet de fin d’étude. Notre inquiétude porte sur les méthodes d’intervention des opérations ANRU, à savoir la démolition/déconstruction, la déconstruction partielle et la réhabilitation.


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La déconstruction/démolition

Cette solution radicale met à bas le patrimoine architectural des années 70-80. Mais que peut-on construire sur les ruines de l’utopie sociale ? À Aubervilliers le nombre de logements sociaux dépasse 40%, les crédits ne seront pas alloués pour reconstruire du logement social en cas de démolition. Où reloger les locataires ? De plus en plus loin des centres. La profusion de ce type d’opération démolition/reconstruction représente un budget colossal, pour un impact écologique peu concluant. De plus, pour les riverains, c’est un type d’intervention traumatique, détruisant points de repères et points d’attache sentimentaux dans les quartiers. Les bienfaits de cet «urbanisme de la démolition» sont à requestionner et non à systématiser, surtout dans notre cas en présence d’un grandensemble aux qualités patrimoniales et sociales.


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Illustration : dans le cadre d’une large opération ANRU à GrandeSynthe (Nord-Pas-de-Calais, 59), s’est posée la question de la préservation d’une opération de Jean Renaudie de 52 logements (19751981). Initialement réhabilitée-résidentialisée dans le programme de l’ANRU de 2004, un avenant de 2011 autorise sa destruction (grâce à une marge de subvention). À la place une opération mixte commerces et 40 logements (agence Seurat architectes) est inclue dans le nouvel écoquartier. Si cette opération vient recréer un centre ville pour remplacer une architecture en dalle, elle vient aussi détruire des bâtiments âgés de 25 ans pour reconstruire une place « verte, un cadre de vie idéal », à l’image de l’urbanisme stérilisé, aseptisé, qui est aujourd’hui construit à travers la France.


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La déconstruction partielle

A priori favorisée par l’OPH, cette solution permet de conserver une partie du patrimoine architectural et de disposer d’un terrain à vendre ou à bâtir. Mais l’intégrité de la Maladrerie est atteinte et le quota de logements sociaux diminue. Par ailleurs, les mesures techniques prévues pour conserver les bâtiments de Gailhoustet ne sont, à ce jour, pas explicitées par l’Office. Finalement cette solution soulève les problèmes à la fois de la table rase, du déplacement de populations et de la rénovation technique. C’est une solution en demi-mesure, qui en essayant de préserver une partie du patrimoine et dénote un certain conservatisme. En démolissant une partie du bâti, l’intention et l’architecture disparaissent tout comme l’espace public labyrinthique dans lequel le passant peut se perdre.


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Illustration : la Cité Desnos du quartier des Poètes (Pierrefittesur-Seine, 93), opération de 900 logements (850 logements sociaux) de Jeronimo Padron-Lopez et les frères Yves et Luc Euvremer (19791991). L’opération de l’ANRU de 2009 a démoli 450 logements sociaux pour en reconstruire 300, dont 180 en accession et location libre. Les arguments déployés pour la démolition partielle sont similaires à ceux de l’OPH à propos de la Maladrerie, à l’exception de l’argument majeur, qui est celui de la mixité de logements. « Le tribunal estime que la réalisation de la cité Desnos, si ce n’est sa conception même, n’a pas atteint les objectifs poursuivis par son concepteur en matière d’écologie et de qualité de vie de ses habitants »10. 10/ Communiqué du tribunal administratif de Montreuil, Cité des Poètes de Pierrefitte-sur-Seine : les permis de démolir sont légaux, 25 février 2010, www.montreuil.tribunal-administratif.fr, consulté le 19/04/2015


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La réhabilitation

Cette solution consiste à réhabiliter les édifices, à rénover techniquement le bâti. Dans notre cas, quel que soit le procédé technique employé, il ne peut pas se faire sans un accompagnement des habitants dans ce cadre atypique. Pour l’ANRU, cette solution est envisageable selon certaines conditions : le bâtiment doit atteindre les objectifs fixés de l’État quant aux performances thermiques. Il s’agit d’un critère capital afin d’obtenir les financements. Pour les logements, ces « étiquettes » énergétiques établissent un classement de A à G, la Maladrerie tourne en moyenne autour de la dramatique étiquette F, et jusqu’ici les propositions faites par l’OPH ne dépassent pas l’étiquette C, ne parvenant pas au B obligatoire. Deux gestes techniques sont envisageables : le premier consiste à simplement ré-isoler par l’intérieur (concerne les


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tranches 4, 6, 7 et 8). Le second consisterait à remplacer les façades préfabriquées grâce à la simplicité du mode constructif poteauxdalle (concerne les tranches 1,3, 5 et 10). En plus de cela, hors critères ANRU, l’étanchéité complète de toutes les toitures, plantées ou non, est à reprendre. Illustration : à deux pas de la Maladrerie, la cité des Mélèzes (dite cité Rechossière, Aubervilliers, 93) réalisée par Luc et Yves Euvremer, construite entre 1982 et 1989. Cet ensemble de logements sociaux est l’un des rares construit entièrement en bois en région parisienne. Aujourd’hui une opération de rénovation vient remplacer son bardage d’origine de mélèze par une isolation extérieure et un nouveau bardage en plastique imprimé bois.


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De notre côté, nous considérons que la Maladrerie est un ensemble de bâtiments représentatifs de l’œuvre de Renée Gailhoustet et qu’il ne peut être détruit, même partiellement. Toutefois, une rénovation technique ne suffit pas à la réhabilitation d’un quartier. Sans une gestion claire et appropriée, sans un accompagnement des habitants, sans une redynamisation des espaces publics intérieurs et extérieurs, le quartier restera dans l’impasse. Cette conclusion nous vient partiellement d’intuitions personnelles, mais surtout d’une série de rencontres et discussions autour de ce qu’est la Maladrerie. Comment fonctionne-t-elle actuellement et quel projet lui donnera un futur porteur de sens?



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«Il ne nous manque pas grand chose, et si on nous laissait libres, il existerait, dans ce que l’on considère horrible, la possibilité de trouver l’harmonie »11. Patrick Bouchain

Au regard de tous les dysfonctionnements énumérés, bien que sensibles à l’intervention « in-situ » à échelle 1, l’approche concrète du quartier de la Maladrerie nous mène rapidement à comprendre que cela ne suffit pas pour répondre aux besoins des habitants. À l’inverse, l’intervention technique pure et dure n’y suffit pas non plus. Comment envisager le programme de renouvellement de la Maladrerie comme prenant en compte tous ses acteurs, en conservant son statut d’habitat locatif social et en préservant son bâti ? Notre travail de terrain nous a permis de comprendre l’avis de chacun, d’essayer de catalyser* les énergies et de continuer d’être charmés par la Maladrerie. Déjà au fait par des expériences personnelles qu’il est difficile de d’établir un contact, une concertation* qui nourrit réellement une démarche architecturale, nous agissons avec méthode pour comprendre les dessous de la Maladrerie. S’il était facile de discuter avec les habitants, les démarches participatives seraient plus courrantes. Les outils présentés ci-dessous sont des choses simples mais qui, passé le côté ludique, permettent d’amplifier une approche du territoire après une relecture studieuse.

11/ BOUCHAIN Patrick, dans un entretien avec ‘A’A’, n°387, janvier - février 2012



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Nos balades Chaque visite sur le site nous surprend. Fidèle à son image labyrinthique, alors que nous pensons en avoir fait le tour, nous découvrons toujours avec surprise de nouveaux endroits inexplorés. Les différentes visites à différents moments de la journée ou de la semaine nous permettent d’observer la multiplicité des usages, l’organisation sur place, les échanges, le trafic local avec ses tours de passe-passe et la présence des enfants que nous apprivoisons au fur et à mesure. Avec 2270 habitants, la « Mala » a la taille d’un village. Tout le monde se connaît de vue mais les habitants ne communiquent pas, certains sont méfiants, ne disent pas bonjour, dérangés par les regards et la proximité dans les espaces communs. Dès les premières promenades, nous constatons que la problématique de la visibilité des initiatives dans le quartier se pose à la fois pour les associations déjà présentes mais aussi pour notre action. Si on ne peut pas aborder les gens aisément dans le labyrinthe, comment procéder ? Il nous faut trouver un signal pour marquer notre présence, un petit quelque chose qui intrigue et qui aidera à engager le dialogue.

La mise en valeur du quartier En plus de cet outil de visibilité, l’envie vient rapidement dans notre démarche de valoriser le quartier aux yeux de tous. Pour nous cela passe par les modes de représentation du quartier et les discussions avec les habitants sur l’origine du projet de la Maladrerie. Dans ce cas là, l’utilisation de la maquette de site pour représenter et raconter nous parait essentielle. Nous choisissons deux échelles de représentation. La première permet la lecture la Mala dans le tissu urbain qui l’entoure, distinguant



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les différentes vagues d’urbanisation et sa singularité avec les autres opérations de Grands Ensembles aux alentours. La deuxième, plus rapprochée, met en avant le cœur d’îlot, la volumétrie du bâti, l’utopie ainsi que le rapport à la végétation et à l’espace public sinueux. Elles sont confectionnées dans le but d’engager une discussion plus poussée avec les habitants sur le mode de vie dans ces formes architecturales atypiques.

Le triporteur Avec l’intention de parcourir notre site avec les maquettes comme outils de discussion, et avec le besoin d’un outil-signal de notre action dans l’espace, nous misons alors sur la création d’un vélo tripoteur. Le thème de notre travail n’est pas la mobilité : le vélo est un médium d’action, un instrument préalable afin d’arriver sur un lieu avec du matériel d’action pour engager un processus de recherche et de communication avec les habitants. L’idée est belle, mais nous ne sommes que deux pour ce projet, nous recherchons alors de l’aide autour de nous. Après avoir récupéré la carcasse d’un vélo dans un atelier de quartier, nous entrons en contact avec les Services Techniques municipaux de la ville d’Aubervilliers. Nous allons directement à leur atelier de maintenance pour solliciter un petit coup de main sur les soudures du cadre. Les personnes que nous rencontrons se montrent très ouvertes, et après une demande officielle faite à la Mairie, on nous propose également de nous fournir les matériaux. Fabrice, le serrurier du service, apporte son concours à la réalisation du triporteur que nous avons dessiné.


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Vous voulez faire votre projet à la Maladrerie ? Je suis de l’Office Public de l’Habitat d’Aubervilliers, je vous laisse mes coordonnées, n’hésitez pas à me contacter.

Je suis Jessica, artiste à la Mala. J’ai un projet de recueil de parole de femmes albertivillariennes portant sur l’espace public, jumelé à photographique dans l’espace public.

Alors nous deux, on est de la Régie de quartier, voilà notre carte, on se recontacte pour parler de votre projet ?

Bonjour, nous vous présentons aujourd’hui la toute nouvelle association AVISA, formée de femmes africaines. Nous cherchons des bénévoles pour donner des cours de français aux parents et du soutien scolaire pour les enfants. Nous avons besoin de vous.

À la rencontre-débat, salle de la Maison de la Jeunesse


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Déclarer notre présence En parallèle de la préparation de ces outils de terrain, et pour démarrer ce projet, il nous semble important de nous intégrer aux dynamiques locales. Ainsi, avec l’idée de prendre en compte l’avis de tous les acteurs, nous cherchons à rencontrer toutes les personnes actives dans le quartier, tous les porteurs d’initiatives afin de nous intégrer dans le réseau. En premier lieu, cela concerne les associations. Ces dernières ont pour objet principal les questions de vivre ensemble et sur la place de chacun dans l’espace public. Lors de la première rencontredébat organisée par Raphaël, animateur dans le quartier, nous nous présentons et discutons avec les habitants présents. Nous constatons que le quartier connaît encore diverses initiatives dynamiques en son sein, mais qui manquent de visibilité. Nous échangeons nos contacts. En second lieu, cela implique les acteurs publics concernés par le NPNRU du quartier de la Maladrerie dans le but de saisir les objectifs administratifs du projet de rénovation : à l’OPH, à la ville, et à Plaine Commune* la communauté d’agglomération. Progressivement, on se laisse raconter l’histoire du quartier, chacun sa version, chacun son vécu et son attachement. Depuis Hermine, quatre-vingt ans, présente « depuis quatre générations sur Aubervilliers et depuis trente cinq ans à la Maladrerie ! », aux enfants curieux qui nous questionnent sur notre présence.

Nos rencontres Il y a des moments que l’on vit en sachant que ce sont des occasions marquantes pour soi-même ; une entrevue avec un étranger éminent peut être de ces instants là. En pressant la sonnette de Renée Gailhoustet nous sentons que c’est une rencontre qui nous


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Je ne sais plus si je vous ai dit, mais...

Avec RenĂŠe Gailhoustet dans son appartement Ă Ivry-sur-Seine


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marquera. Elle nous reçoit avec énergie dans son appartement perché dans les hauteurs d’une des “pyramides” d’Ivry-sur-Seine. Rares sont les architectes qui vivent dans leur propre production - elle est de ceux-là. Ses logements et ceux de Renaudie sont fait pour que tous s’y épanouissent, et en la voyant sur sa terrasse on comprend le sens et l’enjeu de leur démarche. Elle nous parle de ses premiers projets, de sa jeunesse d’architecte, des ateliers d’artistes au sommet de la tour Raspail où ses filles montaient pour jouer. Quelle importance donner aux rencontres ? Pour nous, écouter une personne parler d’un lieu c’est récolter la mémoire de celui-ci. C’est cette mémoire qui permet de capter l’essence de cet espace. Pour la Maladrerie, Renée Gailhoustet nous décrit l’origine du projet et l’histoire de sa construction. Pendant les rencontres avec les habitants c’est une autre mémoire que nous récoltons, une mémoire vive, qui est celle des utilisateurs. Elle nous renseigne sur les usages. Tous les acteurs que nous rencontrons par la suite nous parlent de leur point de vue et de leur attachement au quartier. Nous distinguons trois types de rencontres autour de ce projet: des rencontres formelles avec les acteurs publics, d’autres dans le cadre de notre démarche d’analyse architecturale, certaines au pied levé avec les associations lors des réunions et enfin la rencontre des habitants, ceux avec qui il ne faut pas prendre rendez-vous mais au contraire créer une relation qui mènera au dialogue.

LES ACTEURS PUBLICS La première catégorie regroupe les différents acteurs publics autour du projet de rénovation de la Maladrerie. C’est afin de connaître la position de chacun face à se patrimoine et son devenir que nous rencontrons le bailleur, les chargés de démocratie locale à Ville et les chefs de projet de la rénovation urbaine de la communauté d’agglomération. C’est dans cet immense bâtiment qui est visible dans le plan de


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Il faut lier les problématiques techniques et patrimoniales à la problématique sociale.

Avec Barbara au quartier général de l’Office Public de l’Habitat


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Aubervilliers comme une croix indiquant quelque chose, que nous avons rencontré Barbara, chef de projets renouvellement urbain de l’OPH d’Aubervilliers. Elle nous explique dès le début de la conversation que c’est une opération que l’Office peine à entretenir. La relation avec les habitants est tendue, et il faut ajouter que leur administration est pointée du doigt depuis peu par les médias nationaux comme étant un exemple de mauvaise gestion. Il doit en effet gérer à bout de bras près de 25% des logement de la ville. Au sein de ce parc de 7 850 logement, si la Maladrerie ne représente que 10%, son coût de fonctionnement dépasse 30% des budgets de l’Office. Barbara nous précise que la Maladrerie nécessite une intervention de réhabilitation complète. Elle nous expose avec justesse que dans le cadre normatif actuel, le projet doit lier les problématiques historiques (patrimoine architectural du XXème siècle) et techniques (résorption des pathologies techniques) avec la problématique sociale. Confirmant notre idée qu’une rénovation ne peut pas être qu’une succession de travaux, et qu’il ne faut pas endormir ce patrimoine. À l’inverse, la position de l’OPH quant à la démolition du quartier n’est pas affichée lors de la rencontre. Barbara, jeune et ouverte d’esprit, est encline à proposer un logement témoin à mettre à disposition de JTE. Elle nous parle même des Compagnons Bâtisseurs* qu’elle pense contacter plus tard dans le semestre, pour prendre connaissance de leur démarche. Cette rencontre nous permet d’imaginer une possibilité de renouvellement du mode de gestion à l’OPH dans notre scénario. En la personne de Barbara, cette institution semble prête à sortir de son cadre pour proposer une expérience adaptée à la complexité de la Maladrerie. Les services de Démocratie Locale de la Ville nous reçoivent pour nous expliquer les modes de mise en place de la participation dans les quartiers les plus pauvres. C’est Mathilde - plus tard remplacée par Marion - qui nous accueille. Cette structure aide à l’animation des


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Le gouvernement tente de mettre en place de la co-construction dans le cadre des programmes de rénovation urbaine. Notre service est celui qui anime la démocratie participative. Tous les trois mois se regroupe un conseil d’habitants constitué, avec pour thème de travail la réflexion sur l’avenir du quartier. Notre méthodologie est issue d’un brainstorming sur la technicité de la participation. Chaque prise de décision est validée auprès des élus

Avec Mathilde, chargée de la Démocratie Locale bureaux rue Henri Barbusse


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quartier (organisation de rencontres avec les élus et d’événements festifs). Cependant, leur approche consultative des populations en vue des projets de rénovation urbaine sur la commune en est encore à ses balbutiements. Leur méthode administrative leur permet de toucher des cercles de personnes déjà investies dans les quartiers, sans pour autant réussir à toucher les populations en difficultés à propos des sujets d’avenir. Dans notre démarche de questionnement sur l’ANRU, nous avons pu également rencontrer Caroline et Florence, les chargées de la cellule de rénovation urbaine de Plaine-Commune. La discussion porte sur une liste de possibilités d’opérations techniques, bien que celles-ci ne soient pas opérationnelles avant 2018. Entre-temps une mission de concertation est pilotée par Plaine-Commune et la ville d’Aubervilliers, correspondant avec une méthodologie gouvernementale. Elles nous précisent ensuite les critères qui valident la subvention de l’ANRU : c’est la pertinence du projet proposé sur le quartier sélectionné face à la réglementation qui donne droit à l’enveloppe. Un moment clé pour nous dans notre cheminement est d’assister début juin à une table ronde organisée avec à la fois Patrick Bouchain et Renée Gailhoustet. Cette rencontre au Grand Bouillon, café culturel du centre albertivillarien, porte sur le travail des architectes Jean Renaudie et Renée Gailhoustet, « feu intemporel » pour les jeunes architectes ; puis une mise en relation de leur œuvre avec la démarche plus récente de l’architecte Patrick Bouchain. Stéphane Peu, président de Plaine Commune Habitat ainsi que Serge Renaudie, fils de Jean Renaudie, sont également présents au débat. Après un rappel sur l’engagement social du renaudisme : « Il s’agissait de faire évoluer le rapport à soi et aux autres en favorisant l’appropriation des logements et l’espace public », une discussion porte sur les enjeux de l’habitat social et des rouages parfois rouillés de la maîtrise d’ouvrage publique. Patrick Bouchain revient sur la


RenĂŠe Gailhoustet au Grand Bouillon


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nécessité de relire tout le processus qui a permis au renaudisme d’être construit. Enfin avec la participation de Serge Renaudie quelques phrases sont échangées sur le patrimoine renaudien, sa gestion et son futur. À propos de la Maladrerie, il est dit qu’à l’origine du projet il n’est pas question de faire autre chose que des logements. C’est la proposition de Gailhoustet et son insistance qui apporte la mixité de programme qui tient encore aujourd’hui : commerces équipements qui sont les points névralgiques de la vie du quartier. Gailhoustet décrit la Maladrerie comme une ville organique soutenue par la structure modulatoire. Une ville qui peut vivre comme un corps, qui puisse évoluer dans le temps. Et une structure modulatoire, qui s’installe sur une trame et se joue de ce cadre. La Maladrerie n’a pas été parachutée dans son cadre urbain mais s’y est liée, et ainsi aujourd’hui, les lieux culturels créés font partie de la ville. De l’avis général, l’OPH doit tenir compte des demandes. Il doit avoir pour rôle de faire que les gens s’y sentent bien. Les bailleurs doivent se donner du mal. L’ensemble de l’assemblée est en faveur de la réparation de la Mala, on parle aussi de sa transformation. Pour Patrick Bouchain, l’avenir se passe en banlieue, c’est le lieu où il y a encore un lien possible entre l’architecture et la politique. Il pose la question qui fait écho à notre écrit sur le rôle de l’architecte : comment fait-on pour produire autrement les choses ? À Stéphane Peu de conclure : on ne fera pas un beau programme de rénovation urbaine sans faire comprendre les valeurs fondatrices de la Maladrerie.

L'oRGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE NOTRE MÉTHODE Ce deuxième type de rencontre poursuit notre enquête, mais cette fois sur la viabilité opérationnelle de notre scénario. Dans l’idée de mettre l’habitant en avant, nous essayons lui donner les moyens concrets de construire son habitat. Dans cette optique, nous rencontrons Coline, des Compagnons


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Nous intervenons de plusieurs manières, du travail de sensibilisation à l’auto-rénovation jusqu’au dépannage pédagogique et au prêt d’outils. L’idée c’est que l’habitant mette la main à la pâte. Attention à l’enduit sur la spatule...

Avec Coline à l’atelier des Compagnons Bâtisseurs de l’Île Saint-Denis


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Bâtisseurs*, qui se décrivent comme “mouvement associatif d’éducation populaire”. Artisans bâtisseurs, ils se mettent au service des habitants pour des travaux dans les appartements, leur apportant un “dépannage pédagogique”. Compagnons également, tous leurs travaux reposent sur une relation d’échange et de participation avec le même habitant : celui-ci doit prendre part aux travaux, afin d’apprendre et de pouvoir aider son prochain. Concrètement, le travail des compagnons est renforcé par des méthodes de sensibilisation afin d’amener les habitants à se prendre au jeu. Lors des interventions sur du logement social, les compagnons fonctionnent beaucoup sur le bouche à oreilles entre locataires. Leur intervention auprès du bailleur consiste à “réhabiliter” les espaces intérieurs : peinture, enduits, petites réparations. Leur rôle au sein du quartier consiste à la fois à la réalisation technique mais ils établissent aussi à l’établissement de diagnostics quant à l’auto-rénovation (et toute une compilation d’autres diagnostics) ainsi que le tableau de suivi sur objectif de travaux. En plus des travaux chez l’habitant, ils animent une fois par semaine des ateliers d’apprentissage aux gestes de bricolage. Leur local comporte une bricothèque et des outils à emprunter. Pour leur mise en place, les compagnons ont aussi un rôle de médiateur, essayant de mettre tous les partenaires autour de la table : ils se font comité de pilotage avec le bailleur, le politique et les représentants habitants. Financièrement, ils dépendent d’un contrat de ville et sont donc rétribués par l’agglomération et l’État. Dans l’atelier de l’île Saint-Denis ils fonctionnent avec un animateur technique et un animateur habitant à temps plein, le tout renforcé par les bénévoles qui se renouvellent au fur et à mesure des chantiers. Les dispositifs* utilisés par cette association sont un point de départ pour mettre l’habitant au cœur du chantier de rénovation. Dans cette configuration, le bailleur a une garantie de résultat. Intégré à un processus plus large, le travail des compagnons peut potentiellement décharger l’OPH d’une partie de la gestion du bâti.


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Il faut essayer de rassembler pour que les associations gagnent en visibilité, qu’elles soient véritablement ancrée dans le quartier. Il faut réussir aussi à développer les sensibilités vis-à-vis de la Mala.

Avec Raphaël place du Bassin


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Dans un deuxième temps, nous rencontrons les architectes de l’agence Virtuel, petite structure ayant remporté le projet de résidentialisation* de l’îlot Daquin de la Maladrerie (104 logements). Un projet dont les complications ont duré plusieurs années. Le coût total s’est porté à 5,4 millions d’euros, dont la rénovation des espaces verts extérieurs pour 1,8 million. Le coût majeur de leur chantier reste la ré-étanchéification des toits aux pentes multiples. Cette rencontre nous permet de revenir sur la volonté parfois radicale de l’OPH. Dans cette première rénovation, l’Office choisi de fermer entièrement l’îlot et les passages traversants entre la dalle et le rezde-chaussée, puis elle privatise les espaces communs plantés, faisant perdre le caractère hospitalier du quartier. Avec un regard très détaché sur l’ensemble du quartier qu’est la Maladrerie, les deux architectes de l’agence décrivent la Mala comme un quartier qui fonctionne bien mais qui est vieillissant. Les problèmes de gestion du bâti ont permis l’installation de squat, particulièrement sur l’îlot Daquin avant sa rénovation. Au delà des informations sur le chantier opérationnel, ils nous laissent avec deux anecdotes, la première leur a été apprise pendant la résidentialisation de Daquin durant laquelle ils ont rencontré le maître de chantier responsable des travaux dans les années 70. Du fait de la complexité du bâti, toutes les façades n’ont pas été dessinées par les architectes. Les panneaux étant préfabriqués, le choix d’agencement des fenêtres a été laissé au cas par cas à l’initiative du maître de chantier ! La seconde anecdote date d’un stage qu’une des deux architectes a réalisé dans l’agence de Nina Schuch et Jean Renaudie. Elle raconte que dans la recherche de configuration des logements tous différents il arrivait que l’architecte manque d’inspiration. Ainsi, pour dessiner le cloisonnement des logements, l’ensemble des membres de l’agence se relayaient alors sur les planches, jusqu’à la secrétaire ! Cet entretien nous donne une idée de la complexité d’intervention sur un tel patrimoine. Il confirme également que les solutions de transformation à prévoir doivent être assez souples pour s’adapter


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Nous sommes parvenus à faire entrer la Maladrerie au Patrimoine du XXème siècle, mais elle n’est pas beaucoup protégée. Nous sommes presque au bout des démarches pour qu’elle soit classée au Monuments Historiques.

L’association Jardin à tous les étages propose deux initiatives : une bourse aux plantes et une table ouverte sur le suivi architectural et paysager. Le plus malheureux est que les nouveaux arrivants ne sont pas sensibilisés.

Cela fait trente-cinq ans que nous sommes ici ici et la vie de quartier était beaucoup plus active. La population a aussi changé, de travailleurs à chômeurs et jeunes désoeuvrés.

Avec Katherine et Gilles à l’agence d’architecture, fondateurs de l’association Jardin à tous les étages


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aux multiples typologies et singularités des bâtiments.

LES ASSOCIATIONS Après la rencontre-débat organisée par Raphaël, nous prenons contact avec ceux que nous y avons rencontré. Katherine et Gilles sont deux architectes implantés à la Maladrerie depuis l’origine, ils y habitent, ils y travaillent, ils sont les fervents défenseurs de la Mala. Leur agence d’architecture en rez-de-chaussée au cœur de l’îlot est selon eux un « office du tourisme » accueillant les nouveaux venus, comme nous, pour leur raconter l’histoire du quartier. Katherine dans ses premières années de pratique, travaille un an et demi pour Renée Gailhoustet sur le projet de la Maladrerie. On peut comprendre son attachement à la sauvegarde du projet. Ils sont d’ailleurs à l’origine de l’association Jardin à tous les étages (JTE), créée il y a une vingtaine d’années, qui œuvre pour la préservation des terrasses plantées. Aujourd’hui les problèmes d’étanchéité des terrasses sont souvent dus à une utilisation incorrecte des espaces plantés, menant majoritairement à une altération des films imperméables et protecteurs. Dans certains cas de logement surpeuplé, la terrasse est utilisée comme espace de stockage et de débarras, débouchant sur des situations de « terrasse-poubellle » visibles depuis les autres logements et les espaces publics. Cette association recherche un moyen d’entrer en contact avec les locataires afin de prévenir ces désordres. Sans réussir à entrer dans les logements, elle organise une bourse aux plantes une à deux fois par an. Elle milite également contre les solutions drastiques de l’OPH qui, pour prévenir les problèmes d’étanchéité, procède au bétonnage des terrasses - réponse qui par ailleurs n’empêche pas les infiltrations, mais qui est une solution appliquée par l’Office à toutes les terrasses, surtout dans le cas de la rénovation. Dans cette optique, l’association met en place la Charte éco-citoyenne pour la Maladrerie qui peine aujourd’hui à dépasser


ASSOCIATIONS, ÉQUIPEMENTS, ET SERVICES À LA MALADRERIE d

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le cercle des membres. Cherchant également à mettre en place des « terrasses témoin » afin de montrer les potentiels de ces espaces cultivables, elle tente de se mettre en réseau avec la Régie de Quartier. La Régie est créée en 2001 et mise en place après de longues discussions avec la municipalité. Active sur l’entretien du bâti et l’aide au ménage à domicile, elle donne accès à l’emploi local aux habitants du quartier. Nicole, qui préside l’association constate avec dépit la limite de l’accompagnement de la population, elle souligne l’importance d’éduquer les nouveaux arrivants à l’utilisation des logements, notamment les économies d’énergie. Elle fait aussi état de nombreuses complexités sociales et de relations exacerbées entre parents et enfants. La difficulté des situations personnelles empêche aujourd’hui, selon elle, toute communication entre les habitants. Il nous faut enfin parler de deux autres rencontres, déroulées de manière informelle avec un café ou autour un barbecue, mais qui ont pourtant été des moments décisifs de notre démarche de pensée. Jessica, Flavie, Antoine et Mariusz, ce sont les jeunes figures artistes de la Maladrerie, investis dans leurs travaux autant que dans la vie du quartier. Ils représentent pour nous une histoire, celle de ce que la rencontre entre les logement sociaux et les résidences d’artistes peut apporter. Un dynamisme, des relations entre des personnes qui ne sont pas amenées à se rencontrer d’ordinaire.

C’est grâce à eux que nous avons été le plus assimilés dans la Maladrerie, par la confiance qu’ils nous ont donné et l’envie de faire qu’ils transmettent. De ces rencontres, nous tirons un enseignement : la vie présente dans le lieu est un trésor qu’il faut préserver. Et le projet de réhabilitation de la Maladrerie doit pousser cet investissement humain dans le site. Les rencontres régulières avec les associations nous ont aidé à être


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intégrés à des dynamiques et évènements de quartier.

Prendre part à l'événement Les premières années de la Maladrerie, la journée portes ouvertes des ateliers d’artistes était un évènement « attirant des visiteurs de tout Paris » nous dit Katherine. La dynamique s’est essoufflée, les portes des ateliers restent désormais fermés. Cependant le mois de mai a vu s’organiser la première exposition réunissant associations et artistes de la Maladrerie dans les cheminements de l’îlot, une première tentative de redynamisation, initiée suite aux évènements de Charlie Hebdo de janvier 2015. Il n’y a malheureusement pas plus d’une dizaines de participants, mais grâce aux rencontres que nous faisons, nous sommes invités par les associations à participer à Malabyrinthe. Lors de cette présentation nous interpellons les habitants sur plusieurs éléments. D’une part, grâce aux maquettes de mise en valeur du quartier pour discuter autour de l’origine de la Mala ; nous préparons d’autre part des panneaux, retraçant notre travail d’analyse pour expliquer les différents processus de rénovation conduits par l’ANRU jusqu’à présent, et discuter l’idée que le quartier doit être conservé dans son intégralité ; et enfin, amorcer le dialogue sur les pistes d’actions que nous envisageons dans le processus de réhabilitation. Ça c’est l’idéal. Au fil des réunions de préparation, nous finissons par créer des liens avec les habitants et artistes « exposants », liens qui seront confirmés après le succès raisonnable de Malabyrinthe. Lors de l’événement, c’est presque uniquement des enfants qui se sont déplacés pour participer, avec parfois quelques adultes, déjà investis dans la vie du quartier ou dans les politiques de la ville. Mais la présentation des maquettes a porté ses fruits : les enfants ont


Venez vous promener au coeur de la Maladrerie pour son exposition de travaux d’artistes et des associations. Rendez-vous place du bassin!


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rapidement compris les échelles en jeu, et se retrouvaient la plupart dans cette représentation réduite de leur cadre de vie. Des discussion simples se sont mises en place à propos de leurs usages du quartier et de la dénomination qu’ils utilisent, propre à leur âge, pour décrire chaque recoin de la Mala. L’expérience s’est renouvelée lors d’un deuxième évènement : la fête de quartier pour ce début d’été, organisée par le service de démocratie locale d’Aubervilliers, avec des moyens largement plus confortables. Nous sommes invités à renouveler notre action de présence avec nos maquettes. Nous en profitons pour convier la fanfare des écoles de La Villette & Belleville, connaissant leur succès auprès des plus jeunes, dont la formation de marching-band est adaptée à un site labyrinthique. Nous réussissons tout de même à retenir les enfants grâce à au jeu : pour capter plus rapidement et simplement leur attention (qui plus est lors d’une fête), nous avons fabriqué une troisième maquette à échelle plus grande, démontable sous la forme d’un puzzle. Le Maladrerik’s cube devient réel durant une journée: les jeunes s’emparent des étages et le bâtiment en étoile de la Maladrerie s’est vu ce jour là déconstruit et reconstruit plus d’une vingtaine de fois. Puis le lien est fait avec la maquette de l’ensemble de la Maladrerie, avec une trop courte discussion sur le futur du quartier.





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LES HABITANTS, ENTRER DANS LES LOGEMENTS À la fin de ces quatre mois de travail et de présence dans l’espace public, notre intégration au sein du réseau associatif nous permet de tenter une approche d’entrée dans les espaces privés, à la recherche des personnes les plus en difficulté, qui si elles représentent la majorité de la population de la Mala, sont absentes des processus démocratiques mais aussi des événements festifs. Ce sont des moments que nous ne prolongeons pas trop car à chaque fois nous nous imposons dans l’intimité de leur habitat. Dans notre démarche, nous cherchons à recueillir l’avis de tous afin d’extraire un diagnostic qualitatif depuis l’intérieur des logements et de chercher la réponse chez les usagers. Sans toucher l’ensemble des 746 appartements dans la durée de ce projet de fin d’étude, nous tentons l’expérience sur une dizaine d’entre eux afin d’affirmer ou d’infirmer la viabilité de notre démarche. De retour à la Maladrerie, chaque fois plus en amont dans la compréhension, nous nous rendons cette fois chez Flavie & Mariusz, Olavo, Hawa, Alexia, Khady & Gora, Aurélie & Anaïs et Danielle & Serge. Nous pénétrons finalement dans les différentes trames. Mais c’est au travers des savoirs d’usage contés par l’habitant que nous découvrons réellement les appartements. En une forme d’échange informel, les informations que nous recevons sur leur manière d’habiter, nous recréons avec eux la maquette au 1/50ème de leur logement, montée rapidement à partir de pièces au préalable calibrées pour la trame. Nous décrivons notre méthode : se baser sur la trame de 5 mètres, au préalable préparée sur un patron schématique (qui permet de retracer les différentes trames) puis dessiner le plan, pour ensuite monter les murs. Les réactions sont diverses, jamais inintéressées. Aurélie et Anaïs, 18 ans, montent l’ensemble des murs et font le relevé des fenêtres. Alexia rit de notre réaction devant son pavillon


Atelier maquette chez Flavie et Mariusz


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composé de 5 demi-niveaux. Alors que son fils Gora perçoit clairement les pièces, Khady s’essaie à comprendre notre plan dessiné sans succès, mais avec les derniers murs collés de la maquette, d’un coup son logement lui apparaît : « Eh ! Mais tu pars avec ma maison ! ». Les terrasses sont toujours un point crucial de l’échange. L’utopie des terrasses, d’un coin de verdure pour chacun n’est pas perçue, et le geste architectural est oublié en rapport aux difficultés éprouvées lors de la prise en main des logements. Pourtant dès que le sujet vient sur la table ils réalisent qu’ils l’utilisent avec plaisir et que chacun en fait un usage spécifique. Cette tentative nous montre deux choses : la première est qu’en étant introduit par une connaissance, un ami ou voisin, il est possible de pousser la porte des logements pour voir ce que l’architecture produit réellement dans le quotidien de ses habitants. Le processus pour réussir à être introduit est long, mais jamais ennuyeux : il permet de recevoir un réel enseignement de la vie locale, là où le porte-àporte ordinaire n’aurait qu’effleuré la surface. La seconde est que notre méthode d’imaginer la rénovation depuis l’intérieur des logements à partir d’un plan d’un architecte est possible. À chaque fois expliquer le rôle des compagnons pour clarifier celui de l’architecte permet de rassurer. Les habitants rencontrés posent des questions sur le fonctionnement des compagnons bâtisseurs, et se montrent enclins à un projet passant par l’auto-rénovation. Ces premières visites nous permettent d’écrire un protocole : - Une première visite, maquette in-situ ; - Une solution technique pensée par l’architecte, ex-situ ; - Une seconde visite avec la première maquette in-situ ainsi qu’une seconde qui expose clairement les possibilités de rénovation et d’appropriation dans le logement. La discussion débouche sur un travail de plan de l’architecte avec les compagnons. Les quelques visites que nous effectuons élargissent notre liste de contacts de manière quasi exponentielle. Cet engouement nous


AurĂŠlie et son logement


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pousse à continuer au delà du semestre. En sortant des chemins tous tracés de l’architecte nous arrivons, avec une méthode itérative*, a proposer un scénario pacificateur apportant des pistes de réponse tangibles pour les habitants.


Chez Olavo


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Vers un scénario de réhabilitation La Maladrerie est un patrimoine* dans le sens où elle est une utopie construite représentative. Aujourd’hui son état de délabrement met en danger les édifices. L’arrivée de l’ANRU, si elle apporte une solution pour rénover les bâtiments, risque de transformer irrémédiablement l’idée sociale portée à l’initiation du projet. Qui plus est, sans une transformation de la gestion et un accompagnement de l’appropriation du bâti par les habitants, le bâti retombera rapidement dans l’insalubrité et les infiltrations dangereuses. Le bilan de la participation n’est positif qu’à l’échelle micro-locale. Au-delà, « les effets sont limités lorsque la participation ne s’articule pas avec un processus de modernisation interne de l’administration »12 notamment pour les stratégies plus larges. C’est pourquoi déjà à l’échelle d’un quartier comme celui de la Maladrerie, la nécessité d’une refonte de la gestion administrative de l’OPH est indispensable : un bâti aussi atypique appelle une gérance adaptée et en dehors des critères administratifs existants et inadaptés. La question, ici posée pour la Mala, concerne et travaille de nombreux acteurs publics : « Pour les logements collectifs, regardons ce qui ne marche pas et agissons. D’abord, on ne les as pas entretenus, ensuite, on n’a pas permis à la ville de s’installer [...]. Il faut laisser s’installer les nouvelles formes de rencontre et de vie, laisser s’exprimer la diversité, ne jamais la détruire, transformer par la libre expression démocratique locale sans peur et cesser de vouloir tout contrôler »13. Patrick Bouchain « Le cadre juridique du logement public, ses modes de financement et de gestion méritent d’être interrogés. Aujourd’hui les HLM ne fonctionnent plus comme une offre de service public ouvrant à chaque

12/ BACQUÉ Marie-Hélène, REY Henri, SINTOMER Yves, Gestion de proximité et démocratie participative. La Découverte, Recherches. 2005. 13/ BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Actes sud, 2006.


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foyer le choix d’un habitat adapté à ses moyens ou à ses besoins. Comment faire entrer dans un second siècle cette aventure toujours prometteuse? [...] Il y a urgence à relancer le débat démocratique autour de cette question des HLM »14. Stéphane Peu, Président de Plaine Commune Habitat

Patrick Bouchain et Stéphane Peu, bien qu’issus de parcours différents et de branches différentes, se rejoignent sur le fait qu’il faut interroger et réformer le logement social. Comment faut-il s’interroger dans le domaine de l’architecture? L’architecte doit aller au delà de la simple question de l’ ”habitat adapté”, évoqué par Stéphane Peu, qui désigne un habitat dont la taille correspond aux besoins de l’habitant, mais aussi un habitat évolutif en fonction des étapes d’une vie. En questionnant sa profession et ses compétences, l’architecte peut arriver à porter plusieurs casquettes, dont la gestion de chantier fait partie, mais également un travail avec d’un côté les habitants et de l’autre les administratifs. Ainsi il élargit considérablement le champ d’action quant à la construction de logements ou, question plus actuelle dans cette société en crise financière et écologique, de la réhabilitation. « On ne remettra pas d’aplomb ces banlieues, telles qu’elles ont été construites, par un acte technique d’architecture, mais par un acte de culture et de démocratie »15. Patrick Bouchain

La spécificité de la Maladrerie, donne sens à cette phrase : ni la table rase, ni la rénovation technique ne suffiront à réhabiliter en profondeur la Maladrerie et sa dynamique sociale initiale. Entre la complexité du bâti portée par les valeurs d’origine, ses nouvelles problématiques sociales, techniques et patrimoniales, comment (re)assembler les différentes pièces du puzzle ? Par où aborder ce site pour que notre projet ait du sens ? 14/ PEU Stéphane in Les HLM, une aventure collective, Éditions PSD - Saint-Denis, 2015. 15/ BOUCHAIN Patrick, dans un entretien avec ‘A’A’, n°387, janvier - février 2012.


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La réhabilitation de la Maladrerie doit être résolue à la manière d’un rubik’s cube: faire glisser les faces, mettre en relation les couleurs, retourner le problème. Maladrerik’s cube est une forme de casse-tête géométrique à trois dimensions, qui ne se résout pas quand il est figé mais qui continue à se renouveler dans toutes les possibilités offertes de combinaisons. Parvenir à une rénovation doit inclure et faire pivoter les problématiques et temporalités de l’ANRU, garder dans les axes les habitants tout le temps du jeu, et articuler les associations et autres acteurs du quartier. Quelle méthode et quel architecte proposent une telle démarche architecturale ? Quel scénario pour le futur de la « Mala » ?

Un premier livret, Théorie des casquettes, est l’écrit théorique issu d’une réflexion portée à la fin de nos études sur le rôle de l’architecte. Enfin, un troisième livret, Maladrerik’s cube décrit notre proposition concrète d’un scénario pour la réhabilitation du quartier.



annexes



Annexes

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Quelques chiffres...

Aubervilliers - maladrerie 77 o32 2 268 5,76 km 4è 2è 1ere habitants en 2012

habitants en 2010

de superficie

ville pauvre de France métropolitaine

ville pauvre de France

2

ville pauvre de la Région Parisienne

o,o75 45 %

km2 de

superficie

de taux de pauvreté *

logements

3o 749 total 23 % m -de2o

746 74 %

16 % 1o %

de logements OPH

en 2011 de propriétaires

de locataires du parc privé de co-propriétaires

de locataires OPH

2

/ habitants

chomage

populations

21,8 % 45 % 24,3 % 28 % 1o % en 2009

des jeunes en 2010

en 2011

global en 2010

de moyenne nationale en mars 2015

foyers non imposables

63,2 % 6o,65 % % +de16

en 2011

en 2011 d’allocataires au RSA social en 2010

* En France, le taux de pauvreté est relatif, il est fixé à

39 % 33 %

de familles monoparentales de familles nombreuses (3enfants ou plus de -25ans)

jeunesse

45 % 3o % 6o % 13 % 56 %

de -25ans de -17ans

taux de scolarisation des jeunes (18-24ans) de diplômés du supérieur sans diplômes

60% du revenu médian, après impôts directs et prestations sociales. En 2011, ce seuil était de 977 euros par mois

Sources : - Publication de Janvier 2014 du bureau d’études Compas, spécialiste de l’analyse des besoins sociaux des territoires. - Statistiques de l’INSEE



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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages - BACQUÉ Marie-Hélène, REY Henri, SINTOMER Yves, Gestion de proximité et démocratie participative. La Découverte, Recherches. 2005. - BOUCHAIN Patrick, Construire en habitant, Actes Sud Beaux-Arts, collection L’Impensé, 2011 - BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, Actes Sud, 2006 - BOUCHAIN Patrick (sous la direction de), Construire Ensemble le Grand Ensemble, Actes Sud Beaux-Arts, collection L’Impensé, 2010 - LEFÈBVRE Jean-Pierre, Faut-il brûler les HLM ?, L’Harmattan, 2007 - PEU Stéphane (préface de), Les HLM, une aventure collective, Éditions PSD - Saint-Denis, 2015

Articles et publications - BACQUE Marie-Hélène et MECHMACHE Mohammed, Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera pas sans nous. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Rapport ministériel, 08/07/2013 - CHALJUB Bérénice, “Renée Gailhoustet en ses terrasses”, AMC n°180, juinjuillet 2008 - Diagnostic du patrimoine de la commune d’Aubervilliers, Département de la Seine-Saint-Denis, Pantin, novembre 2004 - E.T., L’ANRU1 a réparé, l’ANRU2 doit développer, Traits Urbains n°39, juin 2010 - LEFORT-PROST Anne-Cécile, Paysages industriels en proche banlieue parisienne (1860-2000) : de l’usine à la requalification des friches ?, Chargée de mission CDHT, CNAM


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Conférences - BOUCHAIN Patrick, Télérama dialogue, théâtre du Rond-Point, 29 septembre 2014 - BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, Gare au théâtre Vitry-sur-Seine, 11 octobre 2014 - GAILHOUSTET Renée, BOUCHAIN Patrick, RENAUDIE Serge, PEU Stéphane, Rencontre-débat autour de l’héritage des architectes Renaudie et Gailhoustet, Le Grand Bouillon, Aubervilliers, 13 juin 2015 - Activer l’espace public politique, cycle conférence D’ici à demain, dans le cadre du Master professionnel Projets culturels dans l’espace public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 20 mars 2015 - Proposer. Ou comment les préconisations des futurs usagers nourrissentelles le projet urbain. Petites leçons de ville 2015, Cycle de conférences du Pavillon de l’Arsenal, 7 mai 2015 - Repenser la ville, Cycle de conférences du Pavillon de l’Arsenal, 27 mars 2015

Vidéographie - BORIES Claudine, Femmes d’Aubervilliers, documentaire Théâtre de la commune d’Aubervilliers, 1975 - KNAPP Hubert, Les étoiles de Renaudie, 1979 documentaire, TF1 Euroscop - L’association « vive 91 », Aux urnes citoyennes !, documentaire CICA vidéo, 1994 - LEFÈBVRE Jean-Pierre et MERLHIOT Christian, Renée Gailhoustet, architecteurbaniste, 1996 documentaire, CG Seine-Saint-Denis, DVD1907 - LEPAGE Franck, Incultures - L’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu, Conférence gesticulée du 16 mars 2011 https://www.youtube.com/watch?v=96-8F7CZ_AU - LOTAR Éli, Aubervilliers, court métrage, 1945 - HOCINE Ben, La cité du poète, Périphérie podcast, France Inter, le 4 mai 2014 - RIZZO Anne, Renée Gailhoustet et le projet d’Ivry, 2008 documentaire, DVD1617


Annexes - Bibliographie

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Webographie - BOUCHAIN Patrick, interviewé dans le cadre de son opération de réhabilitation à Tourcoing par La voix du Nord, décembre 2008, consulté le 21/04/2015 http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Tourcoing/actualite/Secteur_Tourcoing/2008/12/08/ article_l-architecte-patrick-bouchain-l-onde-do.shtml

- Collectif ETC, dans un entretien avec ‘A’A’ par PETIT Lola, Posté sur le Blog ‘A’A’, 4 juin 2015 , consulté le 04/06/2015 http://larchitecturedaujourdhui.fr/blog/le-detour-de-france/?utm_source=twitterfeed&utm_ medium=twitter

- How to build a cargo-bike ? http://www.instructables.com/id/how-to-build-a-cargo-bike/?

- Municipalité d’Aubervilliers, Appel à candidatures pour les nouvelles équipes de quartier, février 2015


Toutes les définitions, sauf mention contraire indiquée par une note, sont issues des définitions croisées du dictionnaire Larousse et du CNRTL en ligne. Il sont suivis, si nécessaire, par la redéfinition appliquée des termes à notre projet.


Annexes

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GLOSSAIRE APPLIQUÉ

ACTIVER Rendre quelque chose plus rapide, plus vif. Activer un espace, c’est identifier son potentiel et le mettre en œuvre afin qu’il participe à une dynamique urbaine. ANRU L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) est un établissement public créé afin d’assurer la mise en œuvre et le financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU*). Elle est placée sous la tutelle du ministre chargé de la politique de la ville qui fixe les orientations générales de son action. APPROPRIATION Action de s’approprier quelque chose. Habiter, c’est s’approprier un peu. Pour nous, l’architecture prend vie au moment où elle commence à être utilisée, détournée par ses usagers. ARCHITECTURE ÉPHÉMÈRE On peut penser aux évènements comme les Exposition Universelles. Mais ici on entend les interventions et détournements d’usage sur un espace public, des installations ludiques qui requestionnent des espaces délaissés ou non qualifiés. Leur statut éphémère leur confère une adaptabilité aux usages de l’urbain, ne les figeant pas dans une ”fonction” immuable. BOTTOM-UP Pilotage participatif (ascendant) où le fil directeur de l’animation démarre des perceptions et initiatives de l’échelon le plus « bas » (au sens hiérarchique) ou le plus « terrain » (au sens opérationnel) pour être répercutées, déclinées et prises en compte par les échelons supérieurs.1 Réfère pour nous à une organisation horizontale où les habitants sont pris en compte dans leur savoir d’usage, et sont accompagnés (et non pas assistés) à l’appropriation. Opposé de Top-down*.

1 / Wikipédia, Approches ascendante et descendante, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Approches_ascendante_et_descendante


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CATALYSER Élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention. L’arrivée d’un acteur ou d’une action qui par son objectif peut réunir autour d’un projet et faire évoluer une situation ralentie voire figée sur un lieu donné. CDT Les Contrats de Développement Territoriaux (CDT) sont les piliers du développement du Grand Paris. Afin d’accompagner les transformations urbaines par une réflexion à l’échelle de la région Île-de-France. L’ampleur des chantiers de la métropole parisienne dépasse le potentiel de certaines communes, qui se regroupent dans des structures plus petites que les communautés d’agglomération grâce à ces contrats. Cela permet ainsi la mise en œuvre de nouveaux réseaux de transports et de la création de leurs gares. CO-CONSTRUCTION Construire en commun. Terme de plus en plus utilisé, il fait référence à la collaboration de plusieurs acteurs à la mise en œuvre d’un projet ou d’une action. Dans les politiques publiques, c’est une des échelles de la participation, qui n’aboutit pas forcément à l’implication opérationnelle de certains acteurs - les habitants. Idéalement, la co-construction est ce qui permet à l’habitant à la fois de contribuer au projet de lui même par un acte de concertation et de construction ; et d’être valorisé par la place sociale et économique qui lui est donnée à travers ce processus. COMPAGNONS BÂTISSEURS Le réseau Compagnons Bâtisseurs est un mouvement associatif d’éducation populaire qui intervient depuis plus de 50 ans pour : - l’amélioration de l’habitat au travers de chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée et d’auto-construction accompagnée destinés à aider des habitants en difficulté dans la résolution de leurs problèmes de logement, qu’ils soient locataires ou propriétaires. - l’insertion économique dans le secteur du bâtiment... par des chantiers d’insertion et des chantiers formation, supports à l’apprentissage technique, destinés à lever les freins à l’emploi de personnes en grandes difficultés. - l’accueil et l’accompagnement de bénévoles et de jeunes volontaires, à l’origine du mouvement des Compagnons Bâtisseurs2. CONCERTATION C’est un régime dans lequel les représentants de l’État (ou des collectivités secondaires) et ceux des entreprises (quel que soit le statut de celles-ci) se réunissent, de façon organisée, pour échanger leurs informations, pour confronter leurs prévisions et pour, ensemble, tantôt prendre des écuissons, tantôt formuler des avis à l’intention du gouvernement. C’est un régime dans lequel les options principales en matière d’investissement, de production et d’échanges ne dépendent entièrement dans leur sphères respectives ni des chefs d’entreprises, ni des administrations publiques mais procèdent d’une collaboration permanente3. 2 / Le réseau National Compagnons Bâtisseurs, http://www.compagnonsbatisseurs.org/index. php?lg=fr&id=2 3 / BLOCH-LAINÉ François, À la recherche d’une économie concertée, Éditions de l’Épargne, 1959.


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Dans les faits, c’est selon nous une pratique de la participation qui ne peut pas être reconnue en tant que telle. Se résumant souvent à de simples réunions d’information, elle ne pose pas encore les conditions d’une vraie discussion autour des projets d’aménagement. Avec la conscience tranquille d’avoir approché les habitants avec une problématique, les avis de chacun ne sont pas toujours pris en compte. Répondant à leur vision politique, les décideurs gardent le dernier mot avec quelques pirouettes supplémentaires pour asseoir la légitimité des projets d’aménagement. Pour les habitants, ce n’est pas une constituante suffisante d’un « pouvoir d’agir », mais renforce un sentiment de « participation-bidon ». COOPÉRATIVE Groupement économique pratiquant la coopération. Qui se joint à l’effort d’autrui en vue d’un résultat commun. Par son fonctionnement interne démocratique, l’action coopérative solidaire implique généralement une application locale. Pour nous, la mise en place d’une coopérative de quartier passe par l’identification des besoins du plus grand nombre dans ce périmètre et s’apparente à un accompagnement. DISPOSITIF Manière dont sont disposées les pièces d’un appareil, d’une machine, en vue d’un but précis. Le dispositif mis en place pour entreprendre l’écriture d’un scénario passe par la mise en place d’un certain nombre d’outils de communication et de récolte d’informations envers les acteurs du territoire. L’espace public sert de support aux actions, et les outils sont spécifiques à un temps et lieu précis. DRIHL C’est la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Habitat et du Logement (DRIHL). Opérationnelle depuis juillet 2010, cette structure étatique fédère plus d’une dizaine de services en charge de l’hébergement, de la résorption de l’habitat insalubre, de la production et de l’accès au logement. Elle clame deux objectifs clairs : construire et rénover des logements pour tous ; mettre à l’abri, héberger et loger les plus démunis. PLAINE COMMUNE Plaine commune, est une communauté d’agglomérations. Dans la mise en place du Grand Paris et ses dix pôles, Plaine Commune est le territoire de la culture et de la création. Cet EPCI* regroupe neuf villes de Seine-Saint-Denis : Aubervilliers, Épinay-surSeine, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains et Villetaneuse. Les objectifs de Plane Commune sont très variés et vont de la dynamisation économique du territoire à l’amélioration de la qualité du cadre de vie. ÉCOLOGIE Science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants. C’est la définition première de l’écologie qui représente une prise en compte tout à la fois sociale, économique et environnementale du milieu habité. On est ici loin du “bâtiment écologique”, nid à technologies coûteuse et à la dimension sociale oubliée.


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ÉCOSYSTÈME Système formé par un environnement et par l’ensemble des espèces qui y vivent, s’y nourrissent et s’y reproduisent. La Maladrerie est un écosystème urbain, formé par l’ensemble des populations qui y habitent, y travaillent et y vivent, s’y promènent. Fonctionnant effectivement comme un système, les dysfonctionnements majeurs touchent l’ensemble des habitants et nécessitent un dénouement collectif. ENCAPACITATION Cette notion, traduction de “empowerment” importé depuis les États-Unis, désigne, « un processus d’affirmation de soi, individuelle et collective, permettant aux pauvres, […] aux minorités […] de s’auto-organiser pour faire valoir leur droits »4. Elle signifie la récupération de pouvoir face à une domination et vise à l’auto-gestion. Ce sont des mouvements participatifs forts visant à l’émancipation citoyenne. En revanche, ils sont souvent dans une remise en question brutale des administrations, ne leur permettant pas d’avoir un portage politique renforçant la durabilité de leurs actions. ÉMANCIPATION Changement de tutelle de la tyrannie d’autrui au despotisme de soi-même5. Acte qui affranchi un individu de la tutelle d’autrui, le rendant indépendant. Dans notre cas, c’est un procédé qui replace l’habitant dans un rôle d’acteur de la réhabilitation de son logement et des fonctions d’usage de l’espace public. EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale. Voir à Plaine Commune*, l’EPCI d’Aubervilliers. EXPÉRIENCE Lucidité qui nous permet de reconnaître comme une fâcheuse vieille connaissance la folie que nous venons de commettre6. Peut se dire pour une accumulation de connaissances, individuelle ou collective. C’est aussi une notion de recherche, d’affirmation ou d’infirmation d’hypothèses. Pour nous, elle rassemble ces deux notions dans une conception plus large et en même temps plus intime : dans la mise en place d’une expérience de vie. FÉDÉRER Rassembler, regrouper autour d’un projet commun. Notion essentielle dans le cadre d’un projet urbain. L’assentiment des acteurs autour d’objectifs communs confère une meilleure acceptation et durabilité aux projets d’aménagement. GESTION D’ATTENTE Correspondant à la gestion de proximité* dans le cadre spécifique d’une phase préchantier. 4 / BLANC Maurice, La rénovation des banlieues française à l’épreuve de l’empowerment et du « communautarisme civique ». Espace et Sociétés n°155. Avril 2013. 5 / BIERCE Ambrose, Le dictionnaire du Diable, 1881-1906 6 / BIERCE Ambrose, Le dictionnaire du Diable, 1881-1906


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GESTION DE PROXIMITÉ C’est l’ensemble des actes qui contribuent au bon fonctionnement d’un quartier7. GRANDS ENSEMBLES Bien qu’ils échappent à une définition unique, les grands ensembles sont typiquement des ensembles de logements collectifs, souvent en nombre important (plusieurs centaines à plusieurs milliers de logements), construits entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1970, marqués par un urbanisme de barres et de tours inspiré des préceptes de l’architecture moderne.8 Cette définition reprend les politiques de construction de logements de masse d’aprèsguerre. Elle est dissociée de la deuxième vague de construction de logements des années 1970 de “seconde génération”. En France, le renaudisme est l’incarnation la plus démonstrative de la contestation aux Grands Ensembles. HABITANT Personne qui habite ordinairement dans un lieu déterminé. L’acte d’habiter confère à l’individu une connaissance intime de son environnement. Par son utilisation quotidienne, il en connaît les qualités, les défauts. Il est détenteur d’un “savoir d’usage” qu’aucun bureaucrate planificateur ne peut appréhender. Aujourd’hui, l’habitant est réduit à l’acte d’habiter. La rationalité de l’aménagement des villes par les décideurs planificateurs ne lui permettent plus de se révéler par une position d’acteur. INCRÉMENTALISME Terme emprunté ici à Lucien Kroll. Cette notion désigne une approche graduelle des projets. C’est une méthode qui permet, par petites étapes, de vérifier que les objectifs de départ correspondent toujours aux attentes de chacun. Modèle développé en réaction aux théories sur la rationalité. INSALUBRE, INSALUBRITÉ Qui est malsain, nuisible à la santé : Logement insalubre. ITÉRATION Action de répéter, de faire de nouveau ; fait d’être répété. Processus qui permet, par la répétition et la modification progressive de la démarche en fonction des erreurs rencontrées, admettant que la solution adaptée finisse par se révéler. MAÎTRE D’ŒUVRE Responsable de l’organisation et de la réalisation d’un vaste ouvrage, d’une œuvre de longue haleine. L’architecte, dans le plus clair de son rôle, est maître d’œuvre. Cependant la profession de maître d’œuvre existe, elle correspond à l’accompagnement d’un chantier. 7 / Définition de la note de cadrage de l’Etat du 2 juin 1999 8 / Wikipédia, Grand Ensemble en France, consulté le 25/06/2015


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MAÎTRE D’OUVRAGE Personne physique ou morale (propriétaire, promoteur, collectivité, etc.) pour le compte de laquelle une construction est réalisée. Initiateur de la commande, client de l’architecte. MALADRERIE Léproserie, hôpital pour lépreux. Lieu d’isolement des malades. Pour nous, d’abord un lieu fantasque à Aubervilliers, puis un travail de plusieurs mois, amené à se prolonger... NPNRU Voir à PNRU*. OPH L’Office Public de l’habitat (OPH) est un établissement public compétent en matière de logement social. À l’échelle d’une ville, il est en charge de la construction, l’aménagement, l’attribution et la gestion des logements sociaux loués à des personnes défavorisées ou de condition modeste. PERMANENCE Service de garde, de renseignements, etc., assuré de façon continue pendant une durée déterminée. Une permanence peut aussi être celle d’un artiste ou d’un architecte : l’architecte de rue que nous tentons de définir s’appuie sur la pratique du territoire, les balades, la présence et la permanence en des lieux publics pour entrer en contact, aller à la rencontre d’interlocuteurs9. POTENTIEL Ensemble des ressources dont quelqu’un, une collectivité, un pays peut disposer. Désigne pour nous des espaces susceptibles d’accueillir des actions ou des personnes volontaires, atouts d’un quartier à mettre en contribution pour le bien-être commun. PROCESSUS Enchaînement ordonné de faits ou de phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à quelque chose. PROTECTION DES MONUMENTS HISTORIQUES La protection au titre des monuments historiques n’est pas un label mais un dispositif législatif d’utilité publique basé sur des principes d’analyse scientifique. L’intérêt patrimonial d’un bien s’évalue en examinant un ensemble de critères historiques, artistiques, scientifiques et techniques. Les notions de rareté, d’exemplarité et d’intégrité des biens sont prises en compte10. Cela revient à figer un édifice en son état d’origine. 9 / Éducateur de rue? ICI (Initiatives Construites Îlo-Dyonisiennes), Mettre en œuvre les petits rien du tout 10 / Ministère de la Culture et de la Communication


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RENAUDISME, RENAUDIEN (NE) Néologisme issu du nom de l’architecte tête de file du mouvement de construction d’habitat social post soixante-huitard Jean Renaudie. Désigne un édifice ou un architecte qui amène une remise en question des normes de la construction ou en tous cas de la normalité. Vient à l’encontre de la production de masse des Grands Ensembles* pour tendre à une liberté dans les formes urbaines et architecturales. Le but étant de se libérer de l’architecture toujours régulière et d’apporter une diversité de logement à chacun, chacun étant différent. « Il s’agissait de faire évoluer le rapport à soi et aux autres en favorisant l’appropriation des logements et l’espace public » - Serge Renaudie, fils de Jean Renaudie, à propos du Renaudisme. RÉNOVER La rénovation désigne les opérations par lesquelles un bâtiment ou l’un de ses éléments voit sa condition améliorée, par l’utilisation de matériaux neufs, modernes en remplacement des parties endommagées ou obsolètes. Le plus souvent il s’agit d’une construction neuve après démolition totale11. RÉHABILITER Rétablir dans son premier état, dans ses droits, dans ses prérogatives, etc., celui qui en a été déchu. Peut être définit comme une réutilisation de structures bâties en conservant les éléments constitutifs pour rendre ses capacités d’usage - ou changer sa destination. La Torre de David à Caracas est un exemple extrême de réhabilitation: la structure béton d’une tour inachevée est squattée en une résidence informelle. RÉSIDENTIALISER Elle est généralement vue comme une amélioration du cadre de vie des quartiers d’habitat social. [...] Cette perspective qui ambitionne de réduire des problèmes mal définis (les incivilités, la déqualification sociale) à des problèmes de forme urbaine, propose curieusement un programme d’intégration urbaine par la création d’entités spatiales repliées sur ellesmêmes12. Résidentialiser dans sa mise en action française actuelle, consiste à redéfinir clairement ce qui est de l’ordre du privé ou du public, par la mise en place de sas. L’îlot Daquin de la Maladrerie a vu terminer sa résidentialisation en 2014. Elle s’est caractérisée par une peinture extérieure et un clôturage des espace plantés publics en jardinets privés. PATRIMOINE Ce qui est considéré comme l’héritage commun d’un groupe. Le patrimoine fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures, ainsi qu’à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain. On dépasse donc largement la simple propriété personnelle (droit d’user « et d’abuser » selon le droit romain). Il relève du bien public et du bien commun.13 « L’héritage ne se transmet pas, il se conquiert. » André Malraux (1935) 11 / Wikipédia, Rénovation, consulté le 25/09/2015 12 / Wikipédia, Résidentialisation, consulté le 25/09/2015 13 / Wikipédia, Patrimoine Culturel, consulté le 25/06/2015


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PATRIMONIALISATION Rendre quelque chose patrimonial, lui donner une valeur économique. La patrimonialisation peut être définie comme un processus visant à protéger de manière juridique des bâtiments ou des espaces remarquables. Si d’aucuns parlent de mise en mémoire collective, la patrimonialisation implique un aspect de rente financière qui l’éloigne du bien collectif. PNRU Programme National de Rénovation Urbaine Datant de 2003, suivi par le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine de 2014 visent à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible. PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE Désigne l’état de précarité d’usagers n’ayant pas un accès normal et régulier dans leur logement aux sources d’énergie nécessaires, par exemple à cause de bâtiments mal isolés contre le froid ou la chaleur ou du prix des ressources énergétiques et du montant des charges. RÉVÉLER Faire connaître à quelqu’un ou rendre public ce qui était tenu secret. Manifester par des signes indubitables ce qui n’était pas immédiatement perceptible. Révéler ce qui était secret ou ce qui n’était simplement pas pensé, bien que sous nos yeux. La révélation des potentiels urbains passe par l’analyse de pratiques, d’objets, d’histoires. RHI La Résorption de l’Habitat Insalubre C’est une mesure lancée par l’État en 1970, elle est une série d’opérations urbanistiques d’aménagement du territoire dans l’intention de réduire l’insalubrité* de certains espaces urbanisés. Le territoire d’Aubervilliers sur lequel la Maladrerie s’est construite était avant 1975 un quartier de taudis sans accès au confort élémentaire. SUBSTRAT Ce qui existe dans un être, indépendamment de ses qualités, et en constitue la réalité profonde. Ce qui sert d’infrastructure à quelque chose, ce sur quoi s’exerce une action. C’est une base fertile sur laquelle développer un nouveau projet. À la Maladrerie, il est constitué par ce qui est déjà là : la base solide de l’utopie initiale, sa forme architecturale, ainsi que par les habitants et associations. TOP-DOWN Pilotage directif (descendant) où au contraire, le fil directeur de l’animation est actionné par la hiérarchie. Les échelons « subordonnés » ayant pour fonction de mettre en forme, d’exécuter, de déduire, d’améliorer les consignes prescrites14. Réfère pour nous à une structure dont le pouvoir émane par le haut. Système récurent, il est illustré dans notre projet par la chaîne ANRU* - EPCI* Plaine Commune - ville 14 / Wikipédia, Approches ascendante et descendante, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Approches_ascendante_et_descendante


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d’Aubervilliers & OPH* - Habitant. Où l’habitant n’exécute ni ne déduit rien - il est mis dans une position d’assisté, de consommateur d’habitat. Opposé de Bottom-up*. URBANITÉ Ensemble des procédés de gestion de la relation, du respect, d’un code d’interaction à intention permettant de faire face à l’imprévu. Ces procédés sont destinés à maîtriser les tensions qui pourraient naître de l’hétérogénéité des relations mettant en jeu la diversité des rôles et la multiplicité des groupes sociaux15. UTOPIE CONSTRUITE Ce qui appartient au domaine du rêve, de l’irréalisable. Invention d’une société, la vision utopique de la société s’applique à construire des systèmes sociaux, politiques et urbains qui (re)posent la question du pouvoir. Tenter de construire l’utopie construite, malgré l’antinomie des termes, invite à mettre en œuvre un idéal social. ZAC Zone d’Aménagement Concertée C’est une opération publique d’aménagement urbain fonctionnant dans l’application du code de l’urbanisme. Elle vient se substituer aux Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) des années 60. ZUS Zone Urbaine Sensible C’est un territoire infra-urbain défini par les pouvoirs publics français pour être la cible prioritaire de la politique de la ville entre 1996 et 201416.

15 / BOURDIN Alain, « Urbanité et spécificité de la ville », in Espaces et Sociétés, Privat, Toulouse, 1987. 16 / Wikipédia, Zone urbaine sensible, Consulté le 25/06/2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_urbaine_sensible


Remerciements À nos parents, À Flavie & Mariusz, Jessica & Antoine, Raph, Alexia, Olavo, Danielle & Serge, Katherine & Gilles et Ronan, Aux habitants de la Maladrerie, Hawa & ses enfants, Bintou, Aurélie & Anaïs, Nicole, Khady & son fils Gora, À la ville d’Aubervilliers & Plaine Commune, Marion Alexandre, Mathilde Behhar - Service de démocratie locale, Florence Wallaert - Chef de projet rénovation urbaine, Caroline Métais - Adjointe chef de projet rénovation urbaine, À L’OPH, Barbara Bourgeois - Chef de Projets Renouvellement Urbain, Silvère Rosenberg - Directeur Aux compagnons bâtisseurs, Coline Bertaud, À Ingrid Amaro Au personnel de l’école, à Hélène, Boris, Sarah, Jérôme, Céline, Aladin, Léa, Geoffrey, À Olivier Lutz, Fabrice Saint-Lopez et Patrice pour l’aide à la confection du triporteur, À nos enseignants Patrick Leitner et David Fagart

Et à Renée Gailhoustet, qui nous a accueillis avec gentillesse dans son appartement renaudien...



« La Mala imaginaire - nous ne sommes pas au théâtre mais il y a tout de même des acteurs. Des acteurs du territoire : des habitants, d’abord, puis des associations et des institutions administratives, locales, communales et départementales. Nous avons essayé d’en rencontrer le plus grand nombre. »


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