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HRM : chronique d’une débâcle annoncée

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CLMM… ?

CLMM… ?

Dès 2016, nous étions informés de graves problèmes concernant HRM@Defence. En août 2017 nous avions publié un article pour dénoncer le processus peu transparent de l’attribution du marché et surtout la maigreur des prestations livrées par la fi rme au regard des sommes investies. Aujourd’hui, c’est le personnel qui paie littéralement les pots cassés.

En 2017, le syndicat militaire a tiré la sonnette d’alarme concernant HRM dans un article sur l’Outsourcing (voir l’édition d’août de La Sentinelle). Malgré des indicateurs d’alerte au rouge, le projet a continué, avec de plus en plus de promesses, à défaut de fonctionnalités utiles. Vu les retours de plus en plus négatifs transmis par nos membres, nous avons à nouveau fait le point en septembre 2020, avec cette fois en plus un appel à témoins. Les témoignages se succèdent depuis, provenant de personnel en formation en vue de la ‘Wave 3’ et de collègues travaillant directement pour le projet. Tous préviennent que HRM n’est pas mûr : trop complexe, bardé de ‘bugs’ et pas adapté aux besoins de la Défense.

‘Core business’

HRM@Defence devait permettre une économie de personnel, par la suppression des ‘Sec Pers’ et la réaffectation de leurs employés à des fonctions militaires. Pour que cela soit possible, il fallait que le travail effectué par nos experts soit en grande partie repris par le nouveau système informatique. Désormais, chaque militaire introduirait lui-même ses demandes de prestations, ses modèles B, ses changements de situation personnelle, etc. et le système ferait le reste… Dans la pratique, on constate cependant que pour beaucoup de collègues, HRM@Defence est une ‘mission impossible’. D’une part il y a la complexité des concepts. Ce n’est pas pour rien que les employés des Sec Pers avaient besoin de solides formations pour faire leur boulot. Imaginez le soldat BDL qui vient d’arriver en unité et qui passe le plus clair de son temps sur le terrain. En plus d’apprendre son boulot il devrait aussi savoir à quelles allocations ou indemnités il a droit et en introduire lui-même la demande dans HRM... Quant aux plus anciens, certains ont beaucoup de mal à maîtriser les outils informatiques. D’autant que le programme n’est absolument pas intuitif : interface d’un autre siècle, jargon d’initiés, traductions hasardeuses,… Ce n’est pas seulement un problème de connaissances ou de formation, il faut encore avoir le temps de le faire. Cette tâche impactera inévitablement le temps de travail, ce qui conduira à une moins bonne disponibilité de l’ensemble des militaires, alors que le but était justement de renforcer le ‘core business’ des unités de combat.

‘Et le système fait le reste’…

D'autre part, quant à l'idée que ‘le système fait le reste’, il est évident que ce n’est pas le cas. Les contrôles et la gestion retombent sur les épaules des 'DAES' (Detachment Administration and Employee Support) et des commandants d'unités. Mais ces collègues ont déjà un boulot important et trop peu d’heures dans la journée ! Il manque des rouages dans la mécanique du HRM et en plus elle déborde de grains de sable. La ‘mise en production’ du domaine fi nancier fi n janvier a révélé bon nombre de ‘bugs’. Un petit relevé

Photo : Pixabay

des soucis rapportés permet de dresser une liste non exhaustive : Fréquent (des dizaines/centaines de cas) : - Salaire payé sur le mauvais compte (compte ‘prestations’ ou compte ‘épargne’ au lieu du compte courant) - Enfants à charge non ou mal pris en compte, en particulier s’ils ne portent pas le même nom que le militaire - Temps partiel 4/5e ou mi-temps pas pris en compte (salaire plein versé) - Ancienneté barémique incorrecte (le plus souvent -2 ans mais aussi parfois totalement incorrecte, avec ou sans effet sur le montant payé) - Numéro mécanographique modifi é - Pas de mention de l’ancienneté barémique sur la fi che de paie (contrôle impossible) - Fiche de paie invisible dans HRM ou eBulletin - Primes (gardes, indemnités, …) non payées - Paiement par chèque postal (réservistes)

Parfois (une poignée de cas) : - Indemnité de communication digitale non payée - Allocation Para, plongeur, Pers

Nav, .… non payée - Adresse incorrecte - Impossible d’accéder à HRM (accès refusé) - Enfant handicapé pas pris en compte

Rarement (quelques cas) : - Pas reçu le salaire (Mil résidant à l’étranger, compte en banque étranger) - Précompte professionnel décompté deux fois - État-civil incorrect (‘séparé de fait’ au lieu de ‘marié’ par exemple) - Indemnité vélo diminuée - Montant correct versé mais montant sur la fi che de paie différent - Problèmes variés dans les IOrg (salaires incorrects, primes, etc.) - Salaire bien reçu mais numéro de compte incorrect dans HRM

Ceux qui ont touché trop, devront rembourser dans les prochains mois. Mais ceux qui ont reçu trop peu suite à une mauvaise application du précompte professionnel, devraient attendre jusqu’à deux ans pour voir la situation régularisée via les impôts ! À côté des ‘maladies de jeunesse’ de HRM@Defence, la charge de

Photo : Mil.be

travail que cet outil génère dans les unités et le manque de transparence qui entoure le projet (dont personne ne semble savoir combien il a déjà coûté à la Défense), le syndicat militaire ACMP-CGPM craint que le personnel perde beaucoup d’argent auquel il a droit. De nombreux collègues ne réclament déjà pas le remboursement des frais médicaux : par méconnaissance, par manque de temps ou pour échapper à une paperasserie sans nom. Le même phénomène risque maintenant de se produire pour les indemnités et prestations. Or, on parle de montants récurrents importants. Par ailleurs, la complexité du système et de son contrôle fait que certaines personnes risquent de recevoir des prestations indues, par erreur ou par malhonnêteté. Les individus concernés auront beaucoup de mal à prouver leur bonne foi, et inversement, le commandement aura beaucoup de mal à prouver une fraude. Espérons donc que les militaires de l’équipe HRM qui travaillent d’arrache-pied, parviendront rapidement à dompter le système pour le rendre utilisable. 

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