Extrait "Savoir & faire : les textiles"

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SAVOIR & FAIRE

LES TEX­­TI­LES QUATRIÈME VOLUME DE LA COLLECTION “SAVOIR & FAIRE”, cette encyclopédie consacre quatre grands chapitres à l’extraordinaire diversité des textiles à travers le monde. Des premières traces préhistoriques jusqu’à leurs applications contemporaines, plus de trente-cinq contributions offrent au lecteur un panorama complet de l’usage historique et actuel des fibres naturelles, artificielles et synthétiques. Aux arts des textiles – histoire technique et esthétique de la transformation des fibres, dentelle, broderie, tapisserie, tapis, passementerie, textiles dans les vêtements et dans les arts plastiques, textiles et musique… – succède un chapitre entièrement dédié aux teintures et aux impressions, depuis l’Antiquité jusqu’aux avancées les plus récentes en ce domaine. Le troisième volet de cet ouvrage porte sur les textiles techniques, des applications souvent invisibles mais que l’on retrouve dans la majorité des objets qui nous entourent. Enfin, la partie consacrée à l’économie et à l’écologie donne un état des lieux des filières textiles, de leur poids économique et de leur évolution dans un monde que nous devons repenser en termes de production et de consommation. Reflet de la diversité des cultures, des pratiques et des champs d’application, la production textile se caractérise par son foisonnement rendu ici par une attention particulière apportée aux quelque 400 illustrations réunies à cette occasion. Chercheurs, universitaires, historiens de l’art ou des techniques, hommes et femmes de l’art contribuent chacun, par leur connaissance experte des sujets abordés, à construire une fresque à la fois sensible et érudite de ces matériaux qui n’ont cessé de nous accompagner depuis l’aube de l’humanité.

SOUS LA DIRECTION D’HUGUES JACQUET

Cet ouvrage fait suite à la quatrième Académie des savoir-faire organisée par la Fondation d’entreprise Hermès : “Les Textiles”.

ACTES SUD

9 782330 140564

S&F-TEXTILES-CVBAT-2020.indd 1

Dépôt légal : octobre 2020 49 ¤ TTC France www.actes-sud.fr isbn 978-2-330-14056-4

ACTES SUD FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS

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80 | ART DES TEXTILES

coton, moins onéreuse que la bourre de soie, mais qui apporte tout autant l’épaisseur au rembourrage et la chaleur au porteur. C’est toutefois à la fin du xvie siècle que l’Occident découvre les toiles de coton peintes venant des Indes, appelées indiennes, et que Furetière, dans son dictionnaire publié en 1690, décrit comme des “estoffes venuës des Indes, peintes ou diversifiées de couleurs ou figures, [ou] que l’on contrefait en France 11”. Au xviie siècle, les toiles peintes et imprimées à la planche servent à la confection des vêtements, des robes de chambre en particulier, chargées de délicats motifs exotiques (fig. 3). La clientèle bien née apprécie ces vêtements nouveaux, souples, légers et moins onéreux que les habits taillés dans les pesantes soieries façonnées 12. Dans les années 1670, les indiennes sont au sommet de la mode que l’on mesure à la lecture d’œuvres littéraires ou de lettres. En 1670, dans Le Bourgeois gentilhomme, Monsieur Jourdain révèle à son maître à danser : “je me suis fait faire cette indienne-ci”, et poursuit : “Mon tailleur m’a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin 13.” Dans une lettre écrite en janvier 1674, la marquise de Sévigné demande à sa fille : “Ma bonne, apportez-moi votre vieux éventail 11. Antoine Furetière, Dictionnaire universel, chez Arnoult et Reinier Leers, La Haye-Rotterdam, 1690, article “Indienne”. 12. “Tissu décoré pendant le tissage par des croisements divers de une ou plusieurs chaînes et de une ou plusieurs trames.” Marie-Hélène Guelton, in MariaAnne Privat-Savigny (dir.), Guide des collections. Musée des Tissus de Lyon, emcc, Lyon, 2010, p. 278-280.

13. Molière, Le Bourgeois gentilhomme, acte I, scène 1.

FIG 3 – Robe de chambre pour homme, Inde, côte de Coromandel pour le marché hollandais (?), vers 1750. Toile de coton, peinte et teinte par mordançage et réserve. Mulhouse, musée de l’Impression sur étoffes, inv. 993.7.17.


UNE BRÈVE HISTOIRE DES MODES ET DU VÊTEMENT PAR LES TISSUS | 81

FIG 4 – Robe en deux parties, France, 1775-1790. Percale de coton, glacée, peinte à la main de motifs floraux colorés. Paris, musée des Arts décoratifs, don Mme Osmont, 1953, inv. UF 53-49-1 AB .

FIG 5 – Robe, France, 1795-1800. Mousseline de coton brodée. Paris, musée des Arts décoratifs, don Mme Henri Lavedan, 1951, inv. UF 51-9-1.


134 | ART DES TEXTILES

FIG 13 – Capucine Bonneterre, Rubedo, 2018. Tapisserie en laine et soie, 480 x 157 cm, réalisée à l’atelier A2 à Aubusson (mise au point du tissage France-Odile Perrin-Crinière, licière Aïko Komoni). Rubedo est une tapisserie qui se plie, se lie sans coutures et prend forme en trois dimensions, devenant sculpture textile et vêtement. Retournée, elle révèle ce qui se dérobe normalement au regard, l’envers dense et vivant du tissage.



272 | TEINDRE ET IMPRIMER

Quelques couleurs obtenues par fermentation bactérienne selon des procédés PILI , 2016.

aliments pour en extraire l’énergie et fabriquer d’autres ressources). Les enzymes opèrent à température ambiante, ne nécessitent aucun produit chimique dangereux, aucune ressource fossile et ne produisent pas de déchets toxiques ou de pollution. Dans les laboratoires de pili, les enzymes catalysent des réactions biologiques afin de déconstruire les nutriments pour générer des colorants. Plusieurs enzymes travaillent de concert, comme sur une chaîne de montage où chacune procède à une action bien définie (ajouter ou retirer un groupement d’atomes) et de leurs actions coordonnées surgit une nouvelle molécule qui possède les qualités de

couleur et les propriétés physicochimiques désirées pour teindre diverses fibres textiles. Et toutes ces transformations moléculaires ultrarapides et ultraperformantes se produisent à température ambiante et sans aucun produit toxique. Dans ce contexte, les enzymes peuvent être vues, pour prendre une image, comme des ouvrières tandis que les microorganismes seraient des usines cellulaires microscopiques. Ces cellules-usines sont biodégradables, elles se répliquent seules (puisqu’elles sont vivantes) et produisent ainsi de nombreuses nouvelles usines cellulaires dans un temps très court (une vingtaine de minutes seulement), chacune

de ces usines possédant le savoir-faire, le mode d’emploi, pour fabriquer à son tour les molécules colorantes. ENTRE UN SAVOIR-FAIRE ANCESTRAL ET UNE TECHNOLOGIE DE POINTE

Ces cellules-usines ont elles-mêmes besoin d’être choyées, nourries, oxygénées et bercées à température idéale. Cela se passe dans de grands chaudrons, des cuves appelées “bioréacteurs”, où l’on peut contrôler tous les paramètres de la croissance des microorganismes afin d’orchestrer finement la production de colorants. Cette


TEINDRE AVEC LES MICROORGANISMES ? LA FABRIQUE CELLULAIRE DE LA COULEUR | 273

étape s’appelle “fermentation” et peut se faire aussi bien de manière artisanale que de manière industrielle. Il s’agit en fait d’un procédé très similaire à la production de la bière, dans laquelle les levures fermentent l’orge ou le houblon. Dans notre cas, les microorganismes transforment le sucre ou d’autres sources de carbone (comme les déchets agricoles) pour les métamorphoser en colorants. Il s’agit là d’un procédé très ancien puisque la fermentation est un savoir-faire qui remonte à plusieurs millénaires. Mais il a fallu attendre le xviie siècle et l’invention du microscope pour comprendre que les aliments fermentés sont en fait obtenus par l’entremise d’êtres vivants inconnus jusqu’alors, les microorganismes. Désormais, nous savons ce qui se joue à chaque transformation moléculaire et nous avons même affûté des outils pour façonner ces cascades moléculaires, afin d’orienter les transformations pour obtenir de nouvelles molécules, jamais produites, plus adaptées aux usages que l’on souhaite en faire et bien plus écologiques dans leur production. Plus écologique que la nature ? Cela semble impossible, et pourtant la nature n’optimise que ce qui est essentiel pour elle dans un contexte donné et aucune situation n’a contraint les bactéries à produire toutes les couleurs du spectre, à adopter des propriétés idéales pour se fixer au textile ou encore à être produites à partir de déchets organiques. Tout cela, c’est le cahier des charges des humains, des êtres qui aimeraient se vêtir avec un large choix de teintes, montrant une bonne tenue dans le temps, le tout avec un bilan écologique

Teinture en cours avec un colorant PILI , observée à travers un dispositif transparent, 2018.

irréprochable. C’est à l’aide d’une technologie de pointe, la biologie synthétique, que les biologistes “apprennent” aux bactéries de nouvelles chorégraphies moléculaires, de nouveaux savoir-faire. Une analyse de cycle de vie a permis de montrer qu’une fois optimisé, ce pro­ cédé avait la capacité de diviser par dix les émissions de CO2 et par cinq les quantités d’eau. Sans compter que cela permettra de se passer du pétrole et d’éviter l’utilisation de 20 millions de tonnes de produits dangereux et toxiques 2 pour l’environnement 2. Il faut en effet environ 10 kilos de produits chimi­ ques pour fabriquer 1 kilo de colorant issu de la pétrochimie.

chaque année. Dans les années à venir, pili va à la fois travailler sur l’optimisation de la production des microorganismes et mettre à l’échelle industrielle cette production, afin de proposer une technologie qui soit le plus propre et le plus performante possible, dans des quantités très importantes, afin de remplacer progressivement les colorants pétrochimiques.


310 | LES TEXTILES TECHNIQUES


BRODERIES ARCHITECTURALES | 311

Circéo (2018). Nous utilisons ici une matière première de la mode qui est le ruban, tout un univers – ruban technique pour les passepoils, rubans d’apparat, ruban velours, gros grain… C’est un champ exceptionnel et très large, que la mode explore beaucoup. Nous nous en servons, telle une sangle, pour venir enserrer un cylindre de laiton, celui-ci est comme encapsulé car la sangle est cousue au-dessous et au-dessus, la gravité fait le reste. L’ensemble crée une forme de claire-voie. De face n’apparaît quasiment pas de matière car le ruban tout comme le fil du cylindre ne font que 1 millimètre d’épaisseur, puis, en se déplaçant, la surface s’opacifie peu à peu. Ces effets cinétiques sont assez beaux. La réalisation paraît simple mais c’est bien plus compliqué que cela. Les cylindres sont utilisés comme en dispersion même s’ils ne sont pas placés au hasard, il y a une trame rigoureuse et subtile pour que l’ensemble présente cette légèreté et ce niveau de finition. En usant du même procédé, des commanditaires nous demandent de faire apparaître une image dans la composition en jouant du cylindre comme on le ferait d’un pixel. En utilisant différents diamètres de cylindre, on est capable de reproduire assez fidèlement une image.


376 | ÉCONOMIE ET ÉCOLOGIE DES TEXTILES

Rouissage.

Teillage.

Peignage.


LE LIN | 377

sujet aux modes : plus d’une quarantaine de types de pagnes différents ont été recensés : fermés, ouverts par-devant, plissés, empesés (le lin est souvent traité avec un apprêt par trempage dans une solution d’amidon de blé)… Un tissu naturellement thermorégulateur qui soulignait par sa transparence l’esthétique des corps. Vêtement de l’éternité, les étoffes rituelles et bandelettes de lin des momies sont remarquables pour leurs qualités, notamment leur imputrescibilité  7. Bien des siècles plus tard, le Saint-Suaire de Turin et son empreinte “divine” inscriront à jamais le lin dans l’inventaire des reliques. LE LIN, AU FIL DU TEMPS

Lors de la conquête des Gaules, Jules César fut impressionné par la qualité des textiles produits dans les plaines des Flandres (région historiquement répartie entre la Belgique et la France) par une population qu’il désigne sous le nom de Belgae. Le lin le plus recherché provenait de la tribu des Atrébates, ancêtres des populations de la région d’Arras. En langue celte, le nom de cette région était tout simplement Bel’ch : le lin. Les druides gaulois étaient d’ailleurs appelés belhec. Dans l’Occident médiéval, le lin et le chanvre vont constituer, avec la laine, la base des ressources en fibres textiles. Un lin déjà réputé antibactérien et dont on se drape, sur les conseils de Hildegarde de Bingen, pour repousser 7. 300 mètres de bandelettes en moyenne pour une Peignage.

momie, mais plus de 1 000 mètres pour un pharaon.


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LES TEX­­TI­LES QUATRIÈME VOLUME DE LA COLLECTION “SAVOIR & FAIRE”, cette encyclopédie consacre quatre grands chapitres à l’extraordinaire diversité des textiles à travers le monde. Des premières traces préhistoriques jusqu’à leurs applications contemporaines, plus de trente-cinq contributions offrent au lecteur un panorama complet de l’usage historique et actuel des fibres naturelles, artificielles et synthétiques. Aux arts des textiles – histoire technique et esthétique de la transformation des fibres, dentelle, broderie, tapisserie, tapis, passementerie, textiles dans les vêtements et dans les arts plastiques, textiles et musique… – succède un chapitre entièrement dédié aux teintures et aux impressions, depuis l’Antiquité jusqu’aux avancées les plus récentes en ce domaine. Le troisième volet de cet ouvrage porte sur les textiles techniques, des applications souvent invisibles mais que l’on retrouve dans la majorité des objets qui nous entourent. Enfin, la partie consacrée à l’économie et à l’écologie donne un état des lieux des filières textiles, de leur poids économique et de leur évolution dans un monde que nous devons repenser en termes de production et de consommation. Reflet de la diversité des cultures, des pratiques et des champs d’application, la production textile se caractérise par son foisonnement rendu ici par une attention particulière apportée aux quelque 400 illustrations réunies à cette occasion. Chercheurs, universitaires, historiens de l’art ou des techniques, hommes et femmes de l’art contribuent chacun, par leur connaissance experte des sujets abordés, à construire une fresque à la fois sensible et érudite de ces matériaux qui n’ont cessé de nous accompagner depuis l’aube de l’humanité.

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