Extrait "Du bon sens dans notre assiette"

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DU BON SENS DANS NOTRE ASSIETTE CE QUE NOUS AVONS OUBLIÉ DE NOS ANCÊTRES CHASSEURS-CUEILLEURS Préface de Thierry Marx ANTHONY BERTHOU

PRÉFACE PAR THIERRY MARX

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INTRODUCTION 14

1. UN TRISTE CONSTAT SUR LA SANTÉ MONDIALE 22

2. LES ALIMENTS SONT BIEN PLUS QU’UNE ADDITION DE NUTRIMENTS 26

Le règne de la calorie 27

L’avènement de la micronutrition 29

3. LA LIMITE DES ÉTUDES NUTRITIONNELLES 32

Attention aux raccourcis 33

Méfions nous de la médiatisation des études 37

Attention aux conflits d’intérêts 39

PARTIE 1 — CE QUE NOUS AVONS OUBLIÉ DE NOS ANCÊTRES 42

1. NOTRE SANTÉ DÉPEND DE NOTRE CAPACITÉ

D’ADAPTATION

47

Que mangeaient nos ancêtres chasseurs cueilleurs ? 48

Les mitochondries, ces organites ancestraux qui s’adaptent à tout… ou presque 53

Microbiote : il évolue selon votre alimentation, même en vingt quatre heures 57

Vos mitochondries et votre microbiote communiquent en permanence 60

2.

COMMENT LES CYCLES NATURELS INFLUENT SUR NOTRE CORPS

62

Le temps : nous sommes programmés pour vivre selon des cycles 63

Les variations alimentaires : notre corps s’adapte aux aliments à disposition 67

L’alimentation en temps restreint ou jeûne intermittent : faut il manger régulièrement au cours de la journée ? 71

La lumière : notre corps se cale sur le rythme du jour et de la nuit 73

Le sommeil : la mélatonine vous aide à vous endormir, et bien plus encore 75

Le froid titille vos mitochondries 82

Le mouvement : nous sommes tous programmés pour bouger (et nous l’oublions trop souvent) 84

Même notre ADN s’adapte ! Et si vous deveniez le héros de votre santé grâce à l’épigénétique ? 88

3. DES ALIMENTS BRUTS À L’ARBRE À CÉRÉALES SOUFFLÉES :

L’ÉPOPÉE NUTRITIONNELLE D’HOMO MODERNUS 95

Le Néolithique, la première révolution nutritionnelle 96

La seconde révolution nutritionnelle : l’ère de la calorie vide 100

Les arbres à cornflakes n’existent pas (ou comment l’industrie s’est emparée de notre assiette) 101

PARTIE 2 — DE L’ADAPTATION AUX MALADIES DE CIVILISATION : COMMENT NOUS NOUS SOMMES PROGRESSIVEMENT DÉSADAPTÉS 105

1. LE TSUNAMI NUTRITIONNEL DU XXIe SIÈCLE :

L’ATTEINTE DES TROIS SYSTÈMES DE RÉGULATION 111

Le stress oxydatif non régulé, Dr Jekyll et M. Hyde 112

L’insulino résistance, fléau du mode de vie moderne 132

Le système immunitaire : un équilibre… vital mais fragile 164

2. LE FOIE ET L’ÉCOSYSTÈME INTESTINAL : DEUX ORGANES CLÉS

AUX FONCTIONS COMPLÉMENTAIRES 203

L’intestin est, bien plus qu’un tuyau digestif, le cœur de l’holobionte 204

Le foie, le grand filtre de l’organisme, mais pas que… 231

3. LES MITOCHONDRIES, NOTRE “HUB BIOLOGIQUE” 243

Le jeûne long : l’effet hormèse poussé à son paroxysme 244 L’alimentation cétogène, un simple phénomène de mode ? 250

Les micronutriments dont ont besoin vos mitochondries 251 Profitez du principe d’hormèse pour prendre soin de votre santé 255

PARTIE 3 — ÉCOLOGIE ET NUTRITION, UNE SEULE ET MÊME SOLUTION 258

1.

SIX DES NEUF LIMITES PLANÉTAIRES SONT DÉJÀ DÉPASSÉES

262

En quoi l’alimentation est elle un levier majeur face aux enjeux écologiques ? 266

La dimension éthique et sociale de l’alimentation 278

2. LES CONTAMINANTS

ALIMENTAIRES

283

Les pesticides 285

Les plastiques 288

Les métaux lourds 292

Les additifs alimentaires 296

Les composés issus de la cuisson 298 Quelle composition choisir pour vos ustensiles de cuisine ? 300

3. QUELLES SONT LES SOLUTIONS ? 304

Réajuster les apports protéiques aux besoins nutritionnels 305

Mieux choisir les sources protéiques 305 Devenir flexitarien 308

Revoir en profondeur le mode d’élevage 310 Devons nous tous devenir véganes ? 312

Privilégier les achats locaux et de saison 315

Réduire le gaspillage alimentaire 320

Choisir des aliments avec le moins possible d’intrants chimiques 323 Que penser du label bio ? 327

Développer la permaculture et l’agroécologie, des solutions résilientes et durables 330 Homo conscientius est né 333

PARTIE 4 — LES VINGT CLÉS DE L’ALIMENTATION D’HOMO CONSCIENTIUS EN PRATIQUE 336

1. Choisissez votre alimentation, en conscience 337

2. Accordez vous du temps pour prendre soin de vous et pour… mastiquer 338

3. Cuisinez des aliments bruts 339

4. Adoptez une alimentation constituée d’au moins 80 % de végétaux 339

5. Réduisez votre consommation de produits animaux et veillez à leur origine 341

6. Privilégiez les filières courtes 342

7. Intégrez les choix éthiques et sociaux en fonction de votre sensibilité 344

8. Privilégiez une alimentation à faible charge insulinique 345

9. Adaptez vos menus en fonction de la chronobiologie nutritionnelle 348

10. Réalisez une alimentation en temps restreint ou jeûne intermittent 349

11. Mangez au maximum selon les saisons 350

12. Personnalisez votre alimentation selon vos origines 351

13. Privilégiez des aliments riches en graisses de qualité 356

14. Surveillez votre consommation de sel ajouté 358

15. Hydratez vous avec… de l’eau ! 359 16. Limitez au maximum les contaminants 360 17. Choisissez bien vos ustensiles de cuisine 361 18. Privilégiez la cuisson à la vapeur douce 362 19. Permaculture : lancez vous ! 362 20. Et pour sortir du cadre de l’alimentation… 363

PARTIE 5 — LES OUTILS PRATIQUES DE LA NUTRITION DU BON SENS 365

1. La pyramide alimentaire de la nutrition du bon sens 366 2. Organisez vos menus au cours de la journée 366 3. Principales charges glycémiques et insuliniques 369 4. Comment optimiser votre confort digestif ? 374 5. Le régime pauvre en FODMAP 379 6. L’empreinte nutritionnelle de l’assiette de la nutrition du bon sens 382

CONCLUSION 383

PRÉFACE

Ce que j’aime dans le livre d’Anthony Berthou, c’est son bon sens. Pour manger mieux et vivre mieux, la clef est de reconnecter notre alimentation aux cycles élémentaires de la nature, du sol, et du corps. Son texte se rapproche en cela d’une notion qui m’est chère : celle du « One Health » ou « une seule santé ». C’est à dire une prise de conscience des liens étroits qui unissent la santé humaine et l’état écologique global. Pour moi, cela signifie que nous devons apprendre à être à la fois solitaires et solidaires. Solidaires d’abord. Rappelons avec force qu’il y a une dimension éminemment intime dans l’acte de manger. Manger, c’est faire entrer en soi un aliment, et le faire sien. Il y a dans ce que l’on mange « quelque chose » qui nous construit. Et c’est pour cette raison que » manger » signifie tout autre chose que « consommer », selon moi. Je ne veux pas faire de cette préface une tribune mais cet excellent livre me donne l’occasion de rappeler que si nous sommes des man‑ geurs, et pas seulement des consommateurs, nous avons l’obliga‑ tion de lutter contre la mascarade cynique du low cost. Pour faire baisser les prix, ces produits sont bourrés de pesticides, de sucres et autres. Et cela, ouvrons les yeux, nous le payons trois fois : une fois à la caisse, une fois à la Sécurité sociale car ça ne peut pas faire de bien à notre corps, et une fois aux impôts pour réparer les sols pollués par les intrants chimiques et aider le monde agricole en crise. Il est pour moi très important que nous ne nous laissions pas ensuquer par les spots de publicités qui promettent du Bon à des prix dérisoires. Ce combat est collectif. Nous devons militer pour une alimentation qui prenne en compte l’impact social et l’impact environnemental, comme Anthony l’écrit avec clarté dans ces pages. Et puis pour être solidairement fort, je suis intimement convaincu qu’il faut aussi être un solitaire épanoui. Pour vivre, nous avons besoin d’abord d’un projet et d’une discipline pour l’appliquer. Une alimentation équilibrée et du sport. Le sport fait partie de ma discipline quotidienne, je dirais même qu’il m’a permis de sortir de ma condition, qu’il m’a sauvé la vie.

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Je suis sensible au développement du livre d’Anthony car pour moi aussi tout est lié. De nos bonnes pratiques quotidiennes au sort de la planète. Et son livre nous aide à réaliser ce programme qui à mes yeux a toujours été fondamental : être à la fois solitaire et plus que jamais solidaire.

Pour faciliter la lecture du texte et par souci écologique, les nombreuses références bibliographiques signalées par des appels de note tout au long de ce livre seront consultables uniquement en ligne, sur le site de l’auteur, à cette adresse : https:// www.sante et nutrition.com/livre ecologie nutrition.

Laissez‑moi vous présenter Homo modernus, l’homme de notre siècle. Homo modernus vit en ville. Il se rend à son bureau au volant de son SUV pour y passer toute la journée, assis bien au chaud sur sa chaise face à un ordinateur, éclairé par les LED de son plafond. Ses repas se limitent à des aliments ultratransformés emballés dans du plastique et réchauffés au micro‑ondes, provenant de l’autre bout du monde, mais bio, car c’est bon pour la santé. Grâce à son smartphone, il n’a même pas eu besoin de se déplacer pour récupérer son plat. Ajoutez‑y des sodas light et autres gour‑ mandises industrialisées, issus d’un système agroalimentaire ayant priorisé les rendements économiques sur la santé de ses clients et, plus inquiétant, sur celle de la planète à grand renfort de pesti‑ cides et autres intrants. Avec le temps, Homo modernus, comme ses congénères, s’épuise, physiquement et moralement. Il voit même une nouvelle maladie, dont il ne cesse d’entendre parler, frapper à sa propre porte : une maladie de civilisation. Fort heureusement, les médicaments sont là pour sauver sa santé, au même titre que les nouvelles technologies vont lui permettre de dépasser le réchauf‑ fement climatique, les inondations, les pandémies, l’effondrement de la biodiversité, la pollution et autres crises sanitaires. Grâce au greenwashing soutenu par les politiques économiques, il va pou‑ voir conserver ses habitudes de vie, empreintes d’un principe fon‑ damental ayant conditionné l’accès à son bonheur : la croissance infinie. Vous l’aurez compris, Homo modernus est une représenta‑ tion ; une image volontairement provocatrice de notre déconnexion collective aux fondamentaux du monde vivant et de la biologie. Néanmoins, sommes‑nous aussi éloignés de son mode de vie que nous le pensons ?

En l’espace de deux ans, l’humanité fait face à deux alertes d’en‑ vergure. La première est d’ordre sanitaire : la crise du Covid‑19. En quelques semaines, le monde s’est trouvé confronté à une épidémie sans précédent, non pas dans sa gravité, mais par ses dimensions politique, sociale et économique. Elle met surtout en évidence, à

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mon sens, une problématique majeure : celle de l’état immunitaire des populations. Quelle est la part de responsabilité attribuable au mode de vie actuel dans la réponse de l’organisme face à ce type d’infection ? Vous avez probablement entendu parler du fameux orage cytokinique, à l’origine des complications du Sars‑CoV‑2 tou‑ chant en particulier les personnes diabétiques, obèses ou souffrant de maladies métaboliques. En revanche, avez‑vous découvert une politique de santé visant à considérer non pas la solution vacci‑ nale, mais les solutions permettant à notre système immunitaire de disposer de son plein potentiel ? Cette pandémie risque malheu‑ reusement d’en appeler d’autres. Leur ampleur dépendra en par‑ tie du mode de vie que nous choisissons d’adopter et des leçons que nous décidons de retenir de cette expérience. Il est donc plus qu’urgent de réagir.

La deuxième alerte est encore plus récente. Le 24 février 2022, la Russie envahit L’Ukraine. En plus d’avoir des conséquences humaines dramatiques, ce conflit révèle non seulement la fragilité du système énergétique mondial, mais également un autre enjeu tout aussi essentiel : celui de l’autonomie alimentaire. Qualifiés de “greniers de l’Europe”, l’Ukraine et la Russie sont les principaux producteurs de blé dans le monde. En guerre, la menace d’une pénurie alimentaire est grandissante. Or la grande majorité des pays occidentaux ne sont pas organisés actuellement pour répondre à leur besoin d’autonomie. Alors que la résilience alimentaire a été au cœur des préoccupations dès les premières civilisations, elle est désormais devenue secondaire, pour ne pas dire optionnelle, à l’ère de la mondialisation. La question des solutions à apporter pour que ces pays (re)deviennent autonomes est donc, elle aussi, majeure.

Enfin, alors que je mets la dernière main à ce livre, nous vivons un troisième événement significatif de la situation générale : la cani‑ cule. Il fait aujourd’hui 42 °C à mon thermomètre. Nous en avons déjà connu d’autres, me direz‑vous. Certes. Loin de moi la volonté de vous démoraliser avec un tel tableau, mais les événements récents

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ne nous laissent d’autre choix que de repenser le modèle d’Homo modernus, en particulier sur le plan alimentaire.

Ce que l’on nomme aujourd’hui les maladies de civilisation sont pour partie une conséquence logique de notre mode de vie. Dia‑ bète, obésité, cancer, dépression, maladies cardiovasculaires, maladies auto‑immunes, maladies neurodégénératives et, plus globalement, maladies inflammatoires chroniques. Toutes ces pathologies ont un point commun : elles sont le fruit d’une tentative d’adaptation de l’organisme devenue vaine au regard des niveaux de stress qu’il subit. Il en va de même pour les signes avant‑coureurs que sont l’épuisement, les troubles digestifs, les infections à répétition, les troubles de l’humeur, la difficulté de récupération ou les bobos en ‑ite lorsqu’ils s’expriment de manière chronique, en dehors d’une cause ou d’une maladie bien identifiée. Nous allons le découvrir tout au long de ce livre, ces signes sont le reflet d’une inadaptation de l’organisme face au bouleversement de son environnement en l’es‑ pace de quelques décennies à peine. Pire, les adaptations mises en place au cours de l’évolution humaine, ayant permis à nos ancêtres chasseurs‑cueilleurs de survivre, se retourneraient aujourd’hui en quelque sorte contre nous. Cette théorie porte le nom de mismatch hypothesis (“théorie des maladies de l’inadéquation évolutive”). Autre‑ ment formulé, les maladies de civilisation seraient logiques. Pour mieux le comprendre, il est particulièrement utile de s’inté‑ resser aux mitochondries. Logés au cours de nos cellules, ces petits organites historiquement d’origine bactérienne, disposant de leur propre code génétique, sont chargés de réguler les stimuli extérieurs. Les mitochondries nous permettent de nous adapter en permanence, qu’il s’agisse des aliments que nous ingérons, de l’air que nous respirons, de la température extérieure, de la façon dont nous bou‑ geons et même de la lumière. Elles ont joué un rôle déterminant dans la capacité d’adaptation de nos ancêtres chasseurs‑cueilleurs lorsqu’ils étaient exposés à des changements importants d’alimen‑ tation, de climat et de luminosité. De telles capacités nécessitent

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du temps ; un temps à l’échelle de l’évolution des espèces et non d’une vie humaine. Or, force est de constater que l’homme moderne va très vite, beaucoup trop vite, dans ses changements de mode de vie pour en espérer une adaptation positive. Par ailleurs, une telle adaptabilité a induit des spécificités selon les régions du monde. Parce que nous en avons hérité, notre alimentation mérite d’être personnalisée selon nos origines. Un individu dont les ancêtres ont connu le froid et une alimentation majoritairement grasse ne dis‑ pose en effet pas des mêmes capacités d’adaptation nutritionnelle qu’une personne dont les ancêtres mangeaient des aliments essen‑ tiellement glucidiques sous un climat chaud.

Alors, comment faut‑il manger en 2023 ? Tandis que la plupart des habitants des pays occidentaux ont la chance de satisfaire l’un de leurs besoins fondamentaux – manger à leur faim – et que la science nutritionnelle n’a jamais été aussi prolifique qu’aujourd’hui, vous êtes très nombreux à ne plus savoir quoi mettre dans votre assiette pour être en bonne santé. Faut‑il arrêter le gluten ? Les pro‑ duits laitiers sont‑ils nos amis, ou plutôt nos ennemis pour la vie ? Le sucre fait‑il vraiment plus grossir que le gras ? Faut‑il devenir végane ? Est‑ce dangereux ? Quoi manger pour limiter le réchauffe‑ ment climatique ? Faut‑il éviter les féculents le soir ? Jeûner est‑il bon pour la santé ? Puis‑je sauter le petit‑déjeuner ? Est‑il dange‑ reux pour le cœur de manger trop d’œufs ? Telles sont les ques‑ tions, légitimes, que l’on me pose le plus souvent. Nous vivons une période de cacophonie, où ce qui est bon un jour devient mauvais le lendemain. Les informations nutritionnelles sont devenues tel‑ lement pléthoriques et contradictoires que certains professionnels de santé eux‑mêmes sont perdus !

J’ai personnellement vécu trois principales révolutions nutrition‑ nelles, de dix ans chacune. La première m’a permis de dépasser ce que j’avais appris de la vision conventionnelle de la diététique dans mon parcours universitaire. J’ai découvert que le statut nutritionnel d’un individu nécessite avant tout d’être corrélé avec les éventuels

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troubles fonctionnels qu’il exprime et à son mode de vie. Il est en effet impossible de prédire, à travers le seul contenu d’une assiette, le niveau de satisfaction des besoins individuels, y compris en adop‑ tant une alimentation idéale, mais théorique. Ce que l’on appelle la micronutrition m’a beaucoup apporté en ce sens. Puis est venu le temps d’une seconde révolution, celle‑ci bien plus systémique. La première m’a amené à explorer l’infiniment petit, la cellule, et la seconde à le confronter à l’infiniment grand, le vivant. Enseigner les “Enjeux mondiaux de l’alimentation 2050” au sein de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en a été le principal cataly‑ seur. Aussi passionnante fût‑elle, cette période aura exigé de moi que j’étudie en détail la littérature scientifique disponible sur l’éco‑ logie, de vivre ce que l’on appelle désormais l’éco‑anxiété, afin de mieux appréhender les solutions aux enjeux alimentaires actuels et futurs. Enfin, ma troisième révolution nutritionnelle, que je quali‑ fie d’évolutionniste, est issue du constat auquel m’ont amené les deux autres. En tant qu’humains, nous appartenons à un écosys‑ tème avec lequel nous interagissons en permanence, dont nous sommes dépendants et vis‑à‑vis duquel nous n’avons aucun inté‑ rêt à nous affranchir. La force de la biologie est de savoir s’adap‑ ter à son environnement pour survivre et évoluer. Cette capacité existe depuis que le monde vivant est apparu et concerne toutes les espèces, y compris l’humain.

Je vais vous inviter à découvrir à quel point le monde de la bio‑ logie est fascinant. Nos cellules sont dotées d’une considérable capa‑ cité d’adaptation face aux différents stress de l’environnement, elles ont même besoin de sortir de leur zone de confort pour évoluer. Notre évolution en tant qu’espèce est conditionnée par deux prin‑ cipes fondamentaux de biologie : la capacité des cellules à revenir à leur état d’équilibre – l’homéostasie – et le besoin de stimulus pour développer leur capacité d’adaptation – l’effet hormèse. Rete‑ nez bien ces termes. Aussi techniques soient‑ils, leur compréhen‑ sion est indispensable pour appréhender la suite. Les conséquences

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ne dépendent alors “que” d’un subtil équilibre entre ces deux prin‑ cipes. Sans stimulus, l’organisme ne peut s’adapter. À l’inverse, un stress qui dépasse la capacité individuelle du moment génère une désadaptation… point de départ d’altération de la santé, voire de maladies de civilisation.

J’ai commencé à écrire ce livre en 2014. Il est évident que son contenu aurait été pour partie différent s’il avait été publié à cette époque. Depuis, ma position intellectuelle et scientifique a évolué mais, surtout, les événements de vie m’ont amené à le vivre dans ma chair. Il m’aura en effet fallu passer par plus de dix hospita‑ lisations, une méningite, des péricardites, une paralysie latérale et de profonds questionnements pour intégrer à quel point cette santé est si précieuse, et soumise aux aléas de la vie. Donc si fra‑ gile. Ancien triathlète de haut niveau ayant réalisé des Ironman et autres épreuves d’ultra‑endurance, mon objectif était devenu tout autre et bien plus humble : réussir à marcher à nouveau. La vie m’a amené à expérimenter précisément ce que j’explorais à titre professionnel : une inflammation de bas grade installée de manière pernicieuse durant des années ayant créé un affaiblisse‑ ment immunitaire à la suite d’une infection bactérienne complexe à diagnostiquer, véhiculée par une tique. Cette même tique dont la population connaît depuis quelques années une croissance par‑ ticulièrement forte du fait du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité. Dysimmunité, enjeu écologique et résilience. Trois mots qui ne résonnent plus avec la même tonalité en moi et dont le sens m’aura guidé à travers l’écriture de ce livre, après m’avoir fait reconsidérer une certaine approche, plus convention‑ nelle, de la nutrition. Alors que la médecine intégrative occupe une place grandissante dans la prévention de la santé, je me plais à parler également de “nutrition intégrative”. J’espère de tout cœur que le fruit de ce cheminement contribuera à nourrir votre envie d’explorer ce monde merveilleux que sont l’alimentation et, plus globalement, le vivant.

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Loin de tout régime miracle, je vous propose de découvrir à quel point nous pouvons enclencher un cercle vertueux pour notre santé, celles de nos enfants et de la planète. Les explications dans ce livre se veulent pédagogiques et les solutions, pratiques. Je pense que comprendre les mécanismes aide grandement à amorcer puis à pérenniser des changements alimentaires et, plus largement, de mode de vie. Toujours dans la bienveillance et la tolérance. En effet, quelle que soit la vitesse à laquelle vous réalisez ces évolu‑ tions, en fonction de vos besoins mais aussi de vos possibilités du moment, la stratégie des petits pas est souvent la plus efficace à terme. Certaines parties vous paraîtront peut‑être techniques, voire complexes. J’ai souhaité trouver le meilleur compromis entre l’en‑ vie de vulgariser certaines informations pour les rendre accessibles au plus grand nombre et le besoin d’en préciser les mécanismes pour ne pas verser dans la caricature nutritionnelle, voire le dogme.

Je vous invite à plonger dans le monde merveilleux de la biolo‑ gie et de l’alimentation évolutionniste, que je nomme la nutrition du bon sens, celui de notre biologie ancestrale, afin de devenir, comme déjà des millions de personnes dans le monde entier, un Homo conscientius – mais si vous êtes en train de me lire, c’est que vous en faites déjà partie…

DU BON SENS DANS NOTRE

ASSIETTE

Que faut-il manger en 2023 ? Tandis que la plupart des habitants des pays occidentaux mangent à leur faim, ils n’ont jamais été aussi perdus quant à ce qu’il faudrait mettre dans leur assiette pour rester en bonne santé. On observe en effet une inquiétante perte de vitalité et une hausse des pathologies dites de civilisation. Fautil arrêter le gluten ? le lait ? Manger bio, cétogène ou cru ? Jeûner ou sauter le petit-déjeuner ? Devenir flexitarien, voire végane ?

Avec une approche à la croisée de l’évolutionnisme, de la biologie et de la nutrition, Anthony Berthou propose une explication lumineuse aux dérèglements que subissent nos corps et notre environnement à l’époque moderne. Son programme nutritionnel et écologique fait le pari de prendre à rebrousse-poil les “régimes faciles” : comprendre nos mécanismes biologiques essentiels pour apprendre à les resynchroniser.

La solution apparaît limpide à la lecture : nous réapproprier ces évidences héritées de nos ancêtres, que nous avons oubliées, et reconnecter notre assiette aux cycles de notre environnement.

Anthony Berthou est nutritionniste, il défend une approche intégrative de la nutrition auprès des professionnels de santé et dans différentes universités. Il a notamment enseigné les “Enjeux mondiaux de l’alimenta- tion 2050” au sein de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Il est également expert en nutrition sportive, ancien athlète de haut niveau en triathlon et a été le nutritionniste de plusieurs équipes olympiques.

ISBN : 978-2-330-17465-1

Illustration de couverture : © Getty Images, 2023

DÉP. LÉG. : FÉV. 2023 22,50 e TTC France www.actes-sud.fr

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