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#102 Janvier 2014 / 9,80€
3 UNIVERSITÉS FACE AU DÉFI DES COURS GRATUITS EN LIGNE
GENDARMES ET POLICIERS
À LA reconquête DES USAGERS XAVIER BERTRAND
« IL NE FAUT PLUS QUE TOUT SE DÉCIDE EN ADMINISTRATION CENTRALE À PARIS »
LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS
LE 4 DÉCEMBRE 2013
INTERNATIONAL PUBLIC ADMINISTRATION AWARDS
remis à Takahisa Tsugawa, ministre conseiller à l’ambassade du Japon
remis à Alain Gaschen, ministre de l’ambassade de Suisse
remis à Anne Dorte Riggelsen, ambassadrice du Danemark
JAPON
SUISSE
DANEMARK
Dépendance et maîtrise des dépenses
Le « big data » au service de l’intérêt général
Décentralisation des politiques sociales
Remis à l’hôtel de Lassay, sous le haut patronnage de Claude Bartolonne, président de l’Assemblée nationale
ÉDITO
« La suppression du jour de carence de la fonction publique est un
test clinique risqué. » Par Pierre-Marie Vidal, directeur de la rédaction pmvidal@acteurspublics.com
En 2012, pour la première fois depuis six ans, le nombre d’arrêts maladie d’une journée des agents publics aurait baissé,
La fonction publique ne serait plus aussi protectrice qu’autrefois, selon Dominique Baudis, le défenseur des droits.
L’affaire des 6 000 médecins « mercenaires » surpayés, travaillant par intérim à l’hôpital, au prix d’un
reculant de 41 % dans les hôpitaux et de 43,2 % dans la territoriale. Évidemment, devant l’ampleur d’un tel phénomène, on ne peut que s’interroger sur les raisons d’un aussi soudain recul de la maladie. La médecine aurait-elle enfin découvert le remède qui a permis de pratiquement éradiquer une maladie jusqu’ici incurable : l’absentéisme de courte durée dans la fonction publique ? Certains prétendent que le remède, découvert et appliqué en 2012, s’appelle le jour de carence. Le gouvernement n’en croit rien. Et pour en faire la démonstration, il a donc décidé de priver le malade de ce traitement qui avait pourtant permis d’économiser 164 millions d’euros dans les trois fonctions publiques. Un test clinique risqué, car en cas de rechute, le lien entre absentéisme et jour de carence sera alors parfaitement établi.
Déclaration faite lors de la signature avec la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, de la nouvelle charte pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations dans la fonction publique : 20 % des réclamations auprès du défenseur portent, en effet, sur l’emploi public, dont 80 % sur des questions de déroulement de carrière. L’état de santé, le handicap et l’origine constituent près de la moitié de ces motifs de discriminations. L’exemplarité des employeurs publics n’étant plus en soi évidente pour ses 5 millions d’agents, la ministre de la Fonction publique a dû reconnaître le retard pris tout à la fois en matière de qualité de vie au travail, d’équilibre entre vie professionnelle et familiale, d’égalité hommes-femmes, d’accès des jeunes à l’emploi public, de développement de l’apprentissage et de prise en compte du handicap…
surcoût de 500 millions d’euros par an pour l’assistance publique, est parfaitement révélatrice de l’absence de gestion prévisionnelle des ressources humaines de la fonction publique hospitalière. Que l’État, qui dispose des données démographiques et épidémiologiques de la population, ne soit pas en mesure de les rapprocher de sa prévision d’effectifs est révélateur de son incapacité à gouverner. Car gouverner, c’est prévoir et en la matière, la prévision était aisée. Résultat : l’hôpital, au nom de la garantie des soins, cherche « coûte que coûte » des médecins. De son côté, la ministre de la Santé s’étonne d’une situation entretenue par un numerus clausus pourtant maintenu par son propre ministère sous la pression des syndicats de médecins, dont on peut se demander si cette situation ne sert pas leurs intérêts avant ceux des malades et de la collectivité.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 3
102 Janvier
SOMM
2014
3 8
L’ÉDITO DE PIERRE-MARIE VIDAL ENTREVUE
Xavier Bertrand : « Il ne faut plus que tout se décide en administration centrale à Paris » 14 CHIFFRES DU MOIS
66
22 SONDAGE
62 % des Français ne croient pas au retour de la croissance avant 2017 Gendarmes et policiers à la reconquête des usagers 32 Débat : le conservatisme de l’Intérieur, avec l’ancien ministre Daniel Vaillant et le sociologue Christian Mouhanna 36 Zones de sécurité prioritaires : exemples dans l’Eure et le Gard
VINCENT BAILLAIS
VINCENT BAILLAIS
26 DOSSIER
8
ENTREVUE
RENCONTRE AVEC…
XAVIER BERTRAND
> JEAN-PIERRE WEISS
38 IDÉES 38
40
42
26
42 45
Des transfonctionnaires de science-fiction, débat entre Guy Barbier et Christian Grolier Le statut général des fonctionnaires : faux semblants et vraies réponses, par Arnaud Freyder Faut-il encore aménager le territoire ? par Jean-Jack Queyranne La réforme de trop, par François Demazières Repenser l’inclusion numérique, par Benoît Thieulin et Valérie Peugeot
46 EUROPE
PASCAL GUYOT/AFP
Le financement de la recherche simplifié
GENDARMES ET POLICIERS À LA
reconquête DES USAGERS 4 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
50 SUR LE TERRAIN
Les Archives montent au front Trois universités face au défi des cours gratuits en ligne 58 Anne Dorte Riggelsen, ambassadrice du Danemark : « Décentraliser pour faire reculer le chômage » 50 54
76
AIRE
Les « X » ne veulent pas déserter la haute administration
61 LES CLUBS 61
LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
62
LE CLUB DES TERRITOIRES DURABLES
65 LA FRANCE DES POUVOIRS 66
88 LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS
Rencontre avec… Jean-Pierre Weiss, le démineur de la réforme de l’État territorial
Mireille Ballestrazzi à la tête de la PJ 70 Pierre N’Gahane, secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance 72 Denis Morin est le nouveau directeur du budget 74 L’état-major du secrétariat général des ministères sociaux
LES LAURÉATS
68
76 EMPLOI PUBLIC
Les « X » ne veulent pas déserter la haute administration 83 Les agents publics français trop centralisés 84 La guerre d’indépendance des inspecteurs du travail 76
88 RETOUR SUR LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS 2013 94 RESSOURCES 96 LIRE, ÉCOUTER, VOIR
VINCENT BAILLAIS
2013 SONT…. Acteurs publics www.acteurspublics.com 7 rue Auguste Gervais 92445 Issy-les-Moulineaux cedex Tél. : 01 46 29 29 29 Directeur de la rédaction Pierre-Marie Vidal pmvidal@acteurspublics.com 01 46 29 29 01 Chargée de mission Catherine Pennec cpennec@acteurspublics.com 01 46 29 29 12 Rédacteur en chef Bruno Botella bbotella@acteurspublics.com 01 46 29 29 20
98 MÉMOIRE
Un statut, trois versants ABONNEZ-VOUS SUR ACTEURSPUBLICS.COM
Rédacteur en chef adjoint Sylvain Henry shenry@acteurspublics.com 01 46 29 29 27 Rédaction Raphaël Moreaux rmoreaux@acteurspublics.com 01 46 29 29 32 Xavier Sidaner xsidaner@acteurspublics.com 01 46 29 29 21 Pierre Laberrondo (Nominations) plaberrondo@acteurspublics.com 01 46 29 29 26
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ENTREVUE XAVIER BERTRAND
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ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
ENTREVUE I XAVIER BERTRAND
XAVIER BERTRAND
« IL NE FAUT PLUS QUE TOUT SE DÉCIDE EN ADMINISTRATION CENTRALE À PARIS » Propos recueillis par Bruno Botella et Sylvain Henry Photos : Vincent Baillais
Dans un entretien exclusif à Acteurs publics, l’ancien ministre du Travail Xavier Bertrand esquisse sa réforme du secteur public. ,SSL WYt]VP[ SH ÄU K\ Z[H[\[ des fonctionnaires sur les missions non régaliennes, le renforcement de l’État en régions et l’instauration d’un « spoil system » sur les postes de hauts fonctionnaires.
Le gouvernement s’est engagé à privilégier la baisse des dépenses pour réduire les déficits publics et la dette. Approuvez-vous cette orientation ? Je ne tombe pas dans le piège du gouvernement ! Renoncer à une augmentation des dépenses de 15 milliards d’euros en 2014, ce n’est pas baisser les dépenses ! Ce gouvernement prend les Français pour des imbéciles. Faire attention à la dérive des dépenses est un premier pas bien timide ; c’est une véritable politique de baisse des dépenses qu’il faut engager au plus vite. Sur quels postes de dépenses les efforts devraient-ils porter ? Les économies doivent être faites à trois niveaux : les dépenses de l’État, celles des collectivités locales et celles de la sphère sociale. Concernant l’État, il faut se poser la question de l’efficacité des crédits d’intervention. Aujourd’hui, l’État verse plus de 20 milliards d’euros aux entreprises. Est-ce que ces dépenses sont toutes efficaces ?
Je crois que non. Comme pour la politique du logement – entre 23 et 25 milliards d’euros versés par an –, la rentabilité de la dépense de l’État n’est pas prouvée, loin de là. Nous vivons d’ailleurs la crise du logement la plus aiguë en Europe. De même, il faut passer au peigne fin toutes les niches fiscales et ne conserver que celles qui ont un impact bénéfique sur l’emploi. Faut-il réduire le nombre de fonctionnaires comme l’a fait le précédent gouvernement ? Nous ne pourrons pas garder le même nombre de fonctionnaires si nous voulons réduire la dépense publique. Bien sûr, l’utilisation accrue du numérique peut permettre de gagner des postes et accroître l’efficacité, mais il faut aller au-delà et clairement poser la question des missions qui doivent appartenir au périmètre de l’État. L’État s’est trop dispersé au lieu de se concentrer sur ses fonctions régaliennes. Il faudra adapter la fonction publique à ces priorités d’action.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS
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ENTREVUE I XAVIER BERTRAND
Cela veut-il dire une remise à plat de la fonction publique ? Oui. Pour les recrutements à venir, il y a des fonctions pour lesquelles le statut de la fonction publique doit être préservé. Ce n’est pas seulement une question d’attractivité. Je pense que le statut a un sens quand il s’agit des missions régaliennes de l’État : police, justice, éducation. Mais est-ce qu’un agent administratif doit nécessairement bénéficier d’un emploi à vie et du statut ? Que les règles de droit privé s’appliquent à la fonction publique en dehors du cœur régalien ne me pose aucun problème. Je veux aussi laisser le libre choix aux agents publics. Pour certains métiers, je propose non pas l’emploi à vie mais, pour ceux qui le souhaitent, un contrat de droit privé en échange d’un meilleur salaire. C’est possible notamment pour les futures infirmières.
PARCOURS 1965
Naissance à Châlons-enChampagne (Marne)
1998
Conseiller général de l’Aisne
2004
Secrétaire d’État à l’Assurance maladie
2005
Ministre de la Santé et des Solidarités
2007
Ministre du Travail
2009
Secrétaire général de l’UMP
2010
Maire de SaintQuentin (Aisne).
10 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Vous proposez d’agir sur le « flux » de fonctionnaires et non sur le « stock »… Je fais la différence entre les nouveaux agents publics et les fonctionnaires qui sont déjà en activité. Mais dans mon projet de réforme, les fonctionnaires en activité ne verraient plus leur retraite calculée sur les six derniers mois. Leur régime serait aligné sur le privé avec les 25 meilleures années mais en intégrant la totalité des primes dans le calcul des pensions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pour les grands directeurs de la fonction publique, l’idée d’un contrat séduit à l’UMP. Êtes-vous d’accord ? Pour certains postes de hauts fonctionnaires, je suis pour l’instauration d’un vrai « spoil system » plutôt que de pratiquer l’hypocrisie comme aujourd’hui. Le gouvernement aurait la possibilité de demander à un fonctionnaire de laisser la place à un autre, exactement comme dans les collectivités locales. Par exemple, un directeur général des services suit, en général, son maire. Quel est l’intérêt budgétaire du système que vous prônez, avec des fonctionnaires statutaires et de nouveaux agents publics non statutaires ?
Je pense qu’on ne peut pas appliquer la règle du « un sur deux » indéfiniment. Je préfère sortir de cette logique qui à l’avenir ne serait que comptable et raisonner en termes de missions. La solution que je préconise procure une économie immédiate car si vous ne recrutez plus avec le statut de la fonction publique, vous n’avez plus à provisionner les engagements de l’État pour les traitements et les retraites. Cela se chiffre chaque année en millions d’euros. Faut-il créer des cadres professionnels transfonctions publiques, comme le préconise le rapport Pêcheur* ? Le rapport Pêcheur est un rapport de plus qui n’apporte rien. En réalité, le gouvernement est piégé par son conservatisme et son clientélisme. La gauche est persuadée que si elle perd la confiance des rares fonctionnaires qui l’écoutent encore, elle perdra les élections à venir. En matière de réforme des administrations, n’y a-t-il pas encore des gisements d’économies ? Je le redis : l’État doit se recentrer sur ses missions essentielles. S’occuper de moins de choses mais mieux. C’est pourquoi, par exemple, je pense, contrairement au gouvernement actuel, qu’il ne faut pas tuer les partenariats public-privé, mais au contraire les redessiner dans certains secteurs. La réforme des services déconcentrés de l’État a provoqué un traumatisme sur le terrain. Des erreurs ont-elles été commises ? Concernant les directions qui dépendaient de mon ministère à l’époque, j’avais veillé à un accompagnement humain et pragmatique. Mais plus largement aujourd’hui, l’État a besoin d’un vaste mouvement de déconcentration. Il ne faut plus que tout se décide à Paris, en administration centrale, comme c’est le cas par exemple pour le logement ou l’équipement. L’État ne s’est assez pas investi dans les territoires. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique le cumul des mandats. Face à un État centralisé, les élus locaux, qui n’ont aucun interlocuteur de poids réellement décideur sur place, ont été presque obligés d’ajouter un mandat de parlementaire à leur mandat local.
ENTREVUE I XAVIER BERTRAND
« QUE LES RÈGLES DE DROIT PRIVÉ S’APPLIQUENT À LA FONCTION PUBLIQUE NE ME POSE AUCUN PROBLÈME. » #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 11
ENTREVUE I XAVIER BERTRAND
Pour être enfin entendus ! La réforme du cumul des mandats rend donc plus urgente encore une déconcentration. Déconcentration mais pas décentralisation ? Sur la décentralisation, le gouvernement a une seule idée en tête : favoriser les régions, parce qu’elles sont socialistes. Ce qui importe à certains notables de gauche, c’est d’être confortés au niveau local alors que le pouvoir socialiste au niveau national est impopulaire. De même que la réforme Valls sur le mode de scrutin a consisté à conforter les notables socialistes des départements. La décentralisation peut-elle être porteuse d’économies ? Pour l’instant, c’est tout le contraire. La décentralisation a généré des dépenses sans pareilles et sans contrôle. D’où une part importante de la pression fiscale ressentie par nos concitoyens. La déconcentration de l’État que vous prônez, c’est le retour du préfet tout-puissant ? Les élus locaux savent bien que la décentralisation ne marche pas bien sans un État fort au niveau local. Ils ont besoin d’un préfet fort, doté de plus de pouvoirs, qui s’engage au nom de l’État. Le gouvernement a fait le choix des régions, quitte à piétiner les communes. Face à ce mouvement, l’État a le devoir de se renforcer en régions. Il faut aussi qu’il imagine une nouvelle présence départementale. Faut-il supprimer un échelon ? Le département, comme certains le suggèrent ? Présenté comme cela, on se dit que c’est l’identité départementale qui va disparaître. Moi, je suis favorable à une révolution du mode de gestion politico-administratif. C’est-à-dire à une fusion entre le conseil régional et le conseil général, avec moins d’élus et un interlocuteur unique, notamment pour les chefs d’entreprise, sans dispari-
12 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
tion de l’identité des départements. En plus du couple commune-intercommunalité, nous aurions le couple département-région. Idéalement, cette réforme serait soumise à référendum national quatre mois après l’élection présidentielle.
clairement assumé et programmé. À la clé, ce sont des milliards d’euros d’économies chaque année. Et un alignement du public sur le privé constitue également des milliards d’économies. Ce serait aussi une réforme de justice.
Vous accusez le gouvernement de favoriser les exécutifs locaux de gauche, pourtant, il n’hésite pas à couper dans les dotations de l’État… Il s’agit d’une baisse uniforme des dotations qui sanctionne les communes et privilégie les régions. Attention à ce que ce système ne favorise par les mauvais élèves ! Pour bien faire, il faudrait ne pas pénaliser les petites communes qui ne sont pas les plus dépensières, et différencier les dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Et sur l’assurance maladie ? C’est la branche la plus difficile à réformer car on touche à la santé et à des habitudes de santé. Je pense que la question qui se pose est celle de l’efficience de la dépense. Car cette dépense va continuer structurellement d’augmenter. L’arrivée de la médecine prédictive va poser des questions éthiques et économiques. Le progrès vaudra pour tous, mais pour cela, il faudra engager une réforme d’envergure.
Le malaise des maires s’est focalisé récemment sur la généralisation du plan local d’urbanisme intercommunal, inscrit dans la loi Duflot. Êtes-vous opposé à ce « PLUI » ? Oui, car les maires doivent garder un vrai pouvoir. Ils sont exaspérés parce que la gauche comme la droite ne se sont pas rendu compte qu’à force de faire reculer les services publics en milieu rural, à force d’augmenter les normes, toute nouvelle mesure, comme le PLU intercommunal ou la réforme des rythmes scolaires, devient insupportable : toujours de nouvelles responsabilités à la charge des communes, mais sans les financements qui permettraient de les mettre en œuvre dans de bonnes conditions.
Quel regard portez-vous sur Pôle emploi ? Cet opérateur remplit-il efficacement sa mission ? Aujourd’hui, Pôle emploi joue son rôle d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Mais pour leur permettre de retrouver un emploi, il n’est pas assez efficace. Je pense que Pôle emploi doit se concentrer sur l’indemnisation et l’accompagnement. Déléguer une partie de la mission de placement aux opérateurs privés ne serait ni moins efficace ni plus cher, bien au contraire. À l’avenir, l’argent public manquera et tous les acteurs publics devront se concentrer sur ce qu’ils savent faire le mieux.
Les finances de la Sécurité sociale inquiètent la Cour des comptes. Que préconisez-vous pour revenir à l’équilibre ? Pour sauvegarder l’esprit du pacte social issu du Conseil national de la Résistance, il faut dépenser moins et mieux. À l’époque de ce pacte, la démographie était galopante, l’espérance de vie plus courte, le chômage inexistant. Aujourd’hui, il faut accepter de réformer ce système. Par exemple, sur les retraites, le passage à 65 ans doit être
* Rapport du conseiller d’État Bernard Pêcheur sur la fonction publique remis au Premier ministre en novembre dernier.
ENTREVUE I XAVIER BERTRAND
« L’ÉTAT A LE DEVOIR DE SE RENFORCER EN RÉGIONS. »
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS13
CHIFFRES DU MOIS
200
200 nouveaux jeunes médecins signeront en 2014 un engagement avec le ministère de la Santé pour exercer en tant que praticiens territoriaux, selon l’annonce faite par la ministre, Marisol Touraine, à Contres (Indre), le 13 décembre. Ce dispositif instauré
9 500
contrats de praticiens territoriaux de médecine générale devraient être signés en 2014.
début 2013, qui leur permet de s’installer dans des zones médicalement sous-dotées en échange de revenus garantis pendant deux ans, a pour l’instant attiré près de 200 médecins. Un chiffre conforme aux prévisions de Marisol Touraine, qui s’est félicitée d’un bilan de la lutte
Plus de 9 500 Français en situation de fraude fiscale avaient envoyé à Bercy, début décembre, une demande de régularisation, après que le ministère eut signé en juin une circulaire prévoyant une baisse des pénalités.
2
MILLIONS D’EUROS D’AIDE
EXCEPTIONNELLE 14 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
La mesure est si symbolique qu’Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation, a fait le déplacement à l’hôtel de ville d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) le 10 décembre pour l’annoncer aux côtés du maire socialiste Sébastien Pietrasanta. Deux millions d’euros ont été accordés par l’État à la commune pour le remboursement d’un emprunt toxique contracté auprès de Dexia, faisant d’Asnières la seule ville en France à bénéficier du fonds de soutien créé fin 2012 en loi de finances rectificative. Très engagé sur le dossier des emprunts dits structurés, notamment dans la création d’un nouveau fonds de 100 millions d’euros par an pendant quinze ans à compter de 2014, Sébastien Pietrasanta s’est réjoui de ce soutien de l’État, indiquant que la part de dette toxique dans la dette globale de la ville devenait « inférieure à 67 % contre plus de 98 % en 2008 ».
contre les déserts médicaux « très positif », dans un entretien au Quotidien du médecin paru en décembre. Elle ajoutait avoir doublé « en dixhuit mois » le nombre de maisons de santé – structures qui regroupent plusieurs professionnels de soins – « pour atteindre le nombre de 370 ».
41 % DE BAISSE DES ARRÊTS MALADIE
C’est la baisse moyenne du nombre d’arrêts maladie d’une journée des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers en 2012, selon une étude du groupe d’assurance Sofaxis. Il s’agit de la première réduction de l’absentéisme observée depuis six ans, indique l’assureur, qui y voit un effet de l’instauration du jour de carence par le gouvernement Fillon. Publiés à quelques jours de l’abrogation du dispositif, à compter de janvier 2014, ces chiffres ont été nuancés par la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, qui a pointé la position biaisée de Sofaxis. « Qui avait le plus intérêt à ce qu’on ne supprimât point le jour de carence ou à ce qu’on l’augmente ? » s’est-elle interrogée, ajoutant qu ’« un certain nombre de négociations [avaient] commencé avec les employeurs publics pour mettre en place un système de prévoyance ».
200 Le coût des dysfonctionnements de Louvois, le logiciel de paiement des soldes des militaires, se chiffre entre 150 et 200 millions d’euros par an. C’est le montant établi par le ministre de la Défense, JeanYves Le Drian, qui a annoncé la suppression du logiciel et son remplacement dans un délai d’un an. C’était le 3 décembre, à l’occasion d’un déplacement auprès du 93e régiment de chasseurs alpins de Varces (Isère).
PHILIPPE DESMAZES/AFP
millions d’euros ?
Multigaranties professionnelles des agents publics
POUR SEULEMENT 24 â‚Ź PAR AN (1)
Une sÊcuritÊ essentielle face aux risques du mÊtier 6MMYL [HYPMHPYL ZV\TPZL n JVUKP[PVUZ KPZWVUPISLZ LU (NLUJLZ +VJ\TLU[ UVU JVU[YHJ[\LS ;HYPM ]HSHISL Q\ZX\H\ AMF Assurances :VJPt[t HUVU`TL n KPYLJ[VPYL L[ JVUZLPS KL Z\Y]LPSSHUJL H\ JHWP[HS KL ₏ LU[PuYLTLU[ SPItYt U‡ 9*: 9V\LU ,U[YLWYPZL YtNPL WHY SL *VKL KLZ (ZZ\YHUJLZ :PuNL ZVJPHS ! Y\L KL :V[[L]PSSL 9V\LU *YtKP[ WOV[V ! � )YLUKHU )`YUL +PNP[HS]PZPVU � 0[Z[VJRMYLL � 7OV]VPY � +H\M -V[VSPH JVT
COMMUNIQUÉ
Multigaranties professionnelles des agents publics Les agents publics sont exposĂŠs dans leur fonction. EmployĂŠs administratifs, techniciens territoriaux, agents hospitaliers... tous les mĂŠtiers sont concernĂŠs ! Victime d’accident, d’agression verbale ou physique, mise en cause professionnelle... votre mission de service public comporte des risques. Votre administration ou votre collectivitĂŠ est tenue de vous accorder sa protection statutaire. Ces mesures seront-elles sufďŹ santes ?
Victime ou mis en cause, cette protection statutaire n’est pas automatique et peut s’avĂŠrer difďŹ cile Ă mettre en Ĺ“uvre... Qui vous accompagnera dans les dĂŠmarches ? Vous ĂŞtes dans l’attente de cette protection... Qui vous soutiendra psychologiquement suite Ă l’Êvènement traumatisant : acte de violence, menace, harcèlement... ? Vous ĂŞtes malade ou accidentĂŠ lors d’un dĂŠplacement professionnel... Qui vous prendra immĂŠdiatement en charge ? La protection statutaire ne vous est pas accordĂŠe suite Ă une faute dĂŠtachable du service... Qui vous dĂŠfendra et assumera les consĂŠquences ďŹ nancières de procĂŠdures civiles ou pĂŠnales ?
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CHIFFRES I DU MOIS
7
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a présidé, le 18 décembre, un quatrième comité interministériel de modernisation de l’action publique (Cimap) avec pour objectif de dégager entre 5 et 7 milliards d’euros annuels d’économies à horizon 2017. Douze nouvelles évaluations
45%
milliards d’euros d’économies espérés
ont été lancées, visant notamment à renforcer la mutualisation entre communes et intercommunalités, à développer la chirurgie ambulatoire ou à mieux gérer les déchets ménagers. Elles devraient permettre de produire entre 3 et 4 milliards d’euros à elles seules. Matignon entend « renforcer
La dernière promotion 2014-2015 de l’ENA comprend 45 % de femmes parmi les 80 élèves qui ont réussi les concours. Un record. Par ailleurs, 30 élèves étrangers ont fait l’objet d’une procédure de sélection spécifique.
6 GROUPES
AMÉRICAINS
EN COLÈRE
18 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Six grands groupes américains de technologie – Google, Apple, Microsoft, Facebook, Yahoo et AOL – ont demandé en novembre au Congrès de mieux encadrer la NSA. Ils réclament davantage de transparence sur les dispositifs de surveillance, particulièrement en matière de protection de la vie privée. Une suite de la polémique autour de la collecte de données par Washington révélée par l’ancien agent de la CIA et de la NSA Edward Snowden, qui avait rendu publics les programmes de surveillance. L’affaire a entraîné l’interdiction imposée aux fonctionnaires par les services russes de sécurité d’utiliser des messageries étrangères. Dans une lettre adressée aux responsables des administrations, le Service fédéral de sécurité (FSB) recommande fortement aux agents « de ne pas utiliser les services étrangers comme GMail ».
l’efficacité des services publics » et « contribuer à l’effort de redressement des finances publiques ». Le gouvernement souhaite par ailleurs développer le dialogue social en associant les agents publics à la mise en œuvre des décisions.
1,5 MILLIARD D’EUROS D’INVESTISSEMENTS HOSPITALIERS La Banque européenne d’investissement (BEI) sera un soutien de poids pour les établissements de santé français. Son vice-président, Philippe de Fontaine Vive, s’est engagé début décembre à soutenir le programme gouvernemental « Hôpital Avenir » à hauteur de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, lors de la signature d’un accord avec les ministres de l’Économie, Pierre Moscovici, de la Santé, Marisol Touraine, et des Affaires européennes, Thierry Repentin. « C’est sur le secteur de la santé que la BEI a approuvé le programme de prêt le plus important, en France, de son histoire », a déclaré Philippe de Fontaine Vive, « 1,5 milliard d’euros sur trois ans pour soutenir les 469 établissements de soins » choisis par le ministère de la Santé. L’accord s’inscrit dans le cadre de la stratégie de soutien à l’investissement hospitalier lancée en février à hauteur de 45 milliards d’euros sur dix ans.
milliards
d’euros
DENIS ALLARD/RÉA
20
C’est le montant que la France a décidé de consacrer « en dons et en prêts, au cours des cinq prochaines années, au développement de l’Afrique », a annoncé François Hollande à l’occasion du premier Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, organisé à l’Élysée les 6 et 7 décembre.
CHIFFRES I DU MOIS
200 €
VERSÉS AUX PROFESSEURS DES ÉCOLES AVANT NOËL Les enseignants des écoles élémentaires et maternelles ont touché, fin novembre, la première tranche de leur nouvelle indemnité de suivi et
1,6 %
d’accompagnement des élèves (ISAE). Une seconde tranche, de 200 euros également, leur sera versée en juin 2014. Le ministère de l’Éducation nationale souligne « une avancée majeure » pour la reconnais-
sance des enseignants qui s’ajoute « aux nombreux efforts entrepris depuis plus d’un an en faveur du premier degré ». De leur côté, les syndicats Unsa et SNUipp saluent « un premier pas important » et « un ballon d’oxygène très attendu en cette période de disette salariale ». Mais qui reste toutefois insuffisant. Les syndicats réclament ainsi l’alignement de l’ISAE sur l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) des enseignants du second degré, qui s’élève, elle, à quelque 1 200 euros.
C’est la baisse programmée en 2014 du budget de fonctionnement du ministère de l’Éducation nationale. Elle s’appuiera notamment sur une rationalisation des commandes et du parc immobilier.
25
L’étude Pisa (Programme for International Student Assessment) publiée début décembre par l’OCDE classe la France à la 25e place sur 65 pays et à la 18e place sur les 34 membres des pays de l’OCDE. La France a notamment reculé en mathématiques en étant rétrogradée du groupe « dont la performance est supérieure à la moyenne de l’OCDE » au groupe « dont la performance est dans la moyenne ». Pour le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, ces résultats sont « préoccupants » parce qu’ils marquent un accroissement des écarts de niveaux entre les élèves. Ces résultats, insiste-t-il, confirment une aggravation des déterminismes sociaux : « L’école française est celle des pays de l’OCDE où l’origine sociale des enfants pèse le plus lourd dans les résultats scolaires. » Il serait donc urgent
e
C’est le niveau de recrutement des enseignants selon Luc Chatel.
À en croire l’ancien ministre UMP de l’Éducation nationale Luc Chatel, le gouvernement aurait baissé à 8/20 le niveau de recrutement des étudiants pour honorer sa promesse de créer 60 000 postes de professeurs supplémentaires avant la fin du quinquennat. Et l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, interrogé sur France 2, d’attaquer : « Quand on sélectionne les professeurs à un niveau d’exigence plus élevé, on a de meilleurs résultats. » Le niveau des étudiants n’avait-il pas reculé avec la suppression des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sous la précédente majorité ? « Nous n’avions pas supprimé la formation, nous l’avions transférée à l’université », répond Luc Chatel.
de poursuivre la réforme des rythmes scolaires, celle de la formation des enseignants et de créer de nouveaux postes de professeurs. Ces résultats sont « un électrochoc », a de son côté déclaré le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en appelant à soutenir les réformes engagées qui, dit-il, « vont porter leurs fruits ». Beaucoup plus critique, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Laurent Wauquiez évoque « une alerte rouge » pour Vincent Peillon. « Plutôt que de s’occuper de la semaine de quatre jours et demi, il ferait mieux de s’occuper de l’illettrisme et du calcul », dénonce-t-il. La FSU juge, elle, indispensable de poursuivre « la reconquête » du système éducatif en associant les personnels. « Des moyens sont nécessaires partout », estime ainsi le premier syndicat d’enseignants.
PLACE AU CLASSEMENT PISA
20 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
8/20
LE CLUB DES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE Un Club de la rédaction d’Acteurspublics pour associer experts et observateurs à la réflexion sur la rénovation du secteur de la santé et des affaires sociales Pour toute information sur le Club Santé publique et ses activités, contactez Bastien Brunis au 01 46 29 29 24 ou par e-mail : bbrunis@acteurspublics.com
62 % des Français ne croient pas au retour de la croissance avant 2017 Plus de 6 personnes sur 10 interrogées par l’Ifop ne pensent pas que la France retrouvera la croissance sous la Présidence de François Hollande. Et pour 73 % d’entre elles, les entreprises ne disposent pas en France d’un environnement leur permettant d’être compétitives.
22 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
A
lors que les perspectives de croissance pour 2014 et 2015 restent faibles, l’Ifop a réalisé une étude pour le compte d’Acteurs publics et Ernst & Young sur la perception qu’ont les Français de la compétitivité des entreprises et de la croissance. Leur analyse est sans appel : près de trois personnes interrogées sur quatre (73 %) estiment que les entreprises ne disposent pas en France d’un environnement leur permettant d’être les plus compétitives. Majoritaire dans toutes les catégories de la population, cette vision négative de l’environnement socioéconomique offert aux entreprises françaises n’en reste pas moins étroitement corrélée aux affinités politiques des Français, à leur situation professionnelle et à leur lieu de résidence. Cette appréciation s’avère politiquement très marquée si l’on en juge par la proportion de sympathisants de droite et d’extrême droite estimant que leur pays ne permet pas à ses entreprises d’être compétitives : 87 % contre 73 % des sympathisants du MoDem et « à peine » 55 % des sympathisants de gauche. Dans le détail, les sympathisants socialistes (52 %) et écologistes (53 %) sont les moins nombreux à partager ce point de vue, qui est néanmoins aujourd’hui majoritaire à gauche. L’opinion des Français sur ce sujet dépend donc pour beaucoup de leur positionnement sur l’échiquier politique. Mais en étant partagé par une très large majorité de la population, ce constat d’un manque de compétitivité va bien au-delà du clivage gauche-droite. En effet, les Français qui sont les plus enclins à critiquer cet
SONDAGE ÉCONOMIE Total oui : 27 % Profession de l’interviewé
Diriez-vous que la France offre à ses entreprises un environnement qui leur permet d’être compétitives ?
Total non : 73 % Total oui : 27 %
Non, pas du tout
30
19 %
25
28% 24% 21%
20
Oui, tout à fait
Profession Profession libérale, intermédiaire cadre sup.
2%
CSP
Proximité politique 48% 50
39 % 40
Non, plutôt pas
54 %
27%
30
Oui plutôt
14 % 14 %
20
25%
10
FDG
PS MoDem UMP
FN
En partenariat avec
environnement socioéconomique sont aussi surreprésentés parmi les personnes en activité – 77 % chez les actifs contre 69 % chez les inactifs – et dans les catégories confrontées le plus aux contraintes juridiques et fiscales de l’administration française, à savoir les travailleurs indépendants (86 %) et plus largement, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise de plus de 10 salariés (80 %).
Réduire les charges Parmi les différentes pistes à suivre pour soutenir l’activité des entreprises, les Français privilégient avant tout la réduction des charges (59 %), loin devant la baisse des taxes pesant sur les entreprises (39 %) et l’aide au développement des PME (32 %). Les autres pistes ayant les faveurs d’au moins un Français sur dix sont l’assouplissement du droit du travail (18 %), le soutien à l’innovation (17 %) et l’encouragement à la création d’entreprise (16 %). Dans le détail des résultats, on remarque que le positionnement politique des personnes interrogées influe beaucoup sur les pistes qu’elles suggèrent pour soutenir l’activité des entreprises. Les sympathisants UMP se distinguent ainsi en mettant l’accent sur la réduction des charges (72 % la mettent en avant, contre 59 % en moyenne chez l’ensemble des Français), la baisse de la fiscalité des entreprises (50 % de citations, contre 39 % en moyenne) ou la flexibilité du marché du travail (31 %, contre 18 % chez l’ensemble des Français).
Les sympathisants du Front national partagent leur point de vue sur la réduction des charges (70 %) et des taxes sur les entreprises (51 %), mais ils s’en distinguent fortement sur la question de l’assouplissement du droit du travail, cité par deux fois moins de sympathisants FN (17 %) que de sympathisants UMP (31 %). De leur côté, les sympathisants socialistes sont plus enclins à proposer des alternatives aux leviers d’ordre fiscal. Ainsi, ils citent en premier l’aide au développement de PME (44 %, contre 40 % pour la réduction des charges et 27 % pour des taxes) tout en mettant plus en avant certaines pistes comme le soutien à l’innovation (24 %, contre 17 % en moyenne chez l’ensemble des Français), à la création d’entreprise (21 %, contre 16 % en moyenne chez l’ensemble des Français) ou à certaines filières industrielles (11 %, contre 7 % en moyenne).
Dans dix ans… ou jamais
« Cette vision négative est corrélée aux affinités politiques des Français. » François Kraus (Ifop)
Plus de 6 Français sur 10 (62 %) ne croient pas que leur pays retrouvera la croissance sous la Présidence de François Hollande. De manière générale, les Français se montrent plutôt sceptiques sur la capacité de leur pays à retrouver la croissance avant la fin de la mandature : ils sont à peine 7 % à croire que son économie y arrivera d’ici 2014 et un peu moins d’un tiers (31 %) à penser que cela se produira avant 2017. La très grande majorité des Français pense que le pays ne retrouvera la croissance que dans dix ans (43 %), voire qu’il n’y arrivera jamais (19 %).
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 23
SONDAGE I CROISSANCE
… Jamais
19 %
72 %
… En 2014
Selon vous, la France retrouvera la croissance… ?
7%
… D’ici dix ans
des sympathisants UMP privilégient une réduction des charges des entreprises.
… Avant 2017
43 %
31% Profession de l’interviewé 50
40
43%
50
39 %
38% 40
27%
30
44 %
Proximité politique 42%
des sympathisants PS estiment qu’il faut favoriser l’aide au développement des PME.
46% 30 %
30
14 %
20 20
CSP
10
FDG
En analysant plus finement les résultats, on remarque que la croyance dans la capacité de leur pays à retrouver la croissance d’ici 2017 (38 % en moyenne) est minoritaire dans presque toutes les catégories de la population. Parmi les rares exceptions, il faut souligner les sympathisants du MoDem (55 %) et surtout les électeurs des partis de la majorité, à savoir les personnes se disant proches du PS (65 %) ou d’EELV (58 %). Plus largement, on note que cet espoir est d’autant plus fort que le niveau social du répondant est élevé : de 33 % chez les ouvriers et les employés, il monte à 44 % chez les professions intermédiaires et à 51 % chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. Il est en revanche plus faible que la moyenne dans les rangs des sympathisants d’extrême droite (16 %), des travailleurs indépendants (34 %) et des personnes résidant en milieu rural (35 %) ou dans l’Est de la France (32 % dans le NordEst, 37 % dans le Sud-Est). Il faut dire que ces catégories de la population sont souvent celles qui s’avèrent les plus pessimistes quant à la capacité du pays à retrouver un jour la croissance. En effet, la proportion de Français estimant que leur pays n’y arrivera jamais (19 % en moyenne) est particulièrement forte dans les catégories populaires (26 %, dont 29 % chez les ouvriers), en milieu rural (22 %, contre 13 % des habitants de l’agglomération parisienne) et dans le Nord-Est de la France (26 %). De même, elle s’avère particulièrement élevée dans les rangs des électeurs situés aux deux extrémités de l’échiquier politique, c’est-à-dire les sympathisants du Front de gauche (26 %) et ceux du Front national (38 %). François Kraus, directeur d’études au département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop
24 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
PS MoDem UMP
FN
L’expertise d’ Malgré un diagnostic sévère sur la situation de notre pays et ses perspectives de croissance, le sondage donne des raisons de croire en la France : innovation, entrepreneuriat, international et filières s’affirment comme les voies du rebond.
PHOTOTLS
Prof. lib., Profession cadre sup. intermédiaire
Marc Lhermitte, associé Ernst & Young
Le diagnostic est malheureusement sévère sur la situation de notre pays et ses perspectives de croissance. Près des trois quarts de l’échantillon jugent que la France n’offre pas à ses entreprises un environnement compétitif. En cela, on note une grande coïncidence entre l’opinion de la population et celle des entreprises, régulièrement interrogées sur cette question. Pour nos concitoyens et les acteurs économiques, la France est victime d’un écosystème coûteux, peu flexible et endetté. La principale sanction de ce sondage est sans doute le
Selon vous, parmi les actions suivantes, quelles sont celles que la France devrait mener en priorité pour soutenir l’activité de ses entreprises ?
18 % 15 %
Réduire la fiscalité des entreprises Aider les petites et moyennes entreprises (PME) à grandir et à exporter
7%
Rendre le droit du travail plus flexible
7%
Encourager l’innovation Encourager la création d’entreprises Améliorer son image à l’international Aider les filières industrielles Accueillir davantage de talents et chercheurs étrangers Aucune
délai de « retour à meilleure fortune » : 7 % de l’échantillon l’attendent en 2014, 31 % le situent à 2017, alors que 43 % de l’échantillon ne l’envisagent qu’à long terme – d’ici dix ans – et que 19 % pensent que la France ne retrouvera jamais la croissance ! Force est de constater que le diagnostic est posé et partagé, même si subsistent quelques lignes de partage entre origines politiques ou sociales. La prise de conscience des fragilités structurelles du tissu économique français peut être considérée comme un point de départ, à l’instar de l’Allemagne de 2002
40 %
Baisser les charges et donc les coûts des entreprises
dont on disait à l’époque, saisissant retour en arrière, qu’elle était le « malade de l’Europe ». Espérons que le choc d’opinion annonce un choc de compétitivité. Au premier rang des facteurs explicatifs, les charges sociales (59 % pensent que les baisser est une priorité) et la fiscalité des entreprises (39 %). Sans surprise, entreprises et citoyens n’ont pas la même appréciation de notre droit du travail avec sa flexibilité, jugé comme une entrave importante à l’attractivité pour les unes, alors que les autres hésitent à le voir s’assouplir encore plus en temps de crise… Il est désormais acquis qu’il faut agir, de multiples manières, sur les deux maux de la France – le poids de sa
39 % 32 %
18 %
17 %
7% 16 % 3% 8% 2% 7% 1% 3% 2%
fiscalité et le coût du travail. La prudente mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et la promesse d’une remise à plat du système dans son ensemble préfigurent peutêtre un retournement de notre compétitivité. Même si on ne pourra agir uniquement sur les prélèvements obligatoires, déjà lourds, mais aussi sur la dépense publique qui pèse 57 % de notre PIB. Le sondage donne pourtant les raisons de croire en la France : innovation, entrepreneuriat, international et filières s’affirment comme les voies du rebond français. Malgré la photographie
59 %
d’ensemble, assez sombre, observons que certains territoires – nos grandes agglomérations régionales notamment – réussissent à s’isoler en partie du contexte national en concentrant certaines clés du succès : un environnement où PME et groupes entretiennent des liens plus serrés, des campus rénovés et plus ouverts sur leur tissu économique, un dynamisme culturel et des liens sociaux qui maintiennent un certain optimisme. C’est sans doute dans cette France des régions, plus souple et plus imaginative, forte de métropoles qui agiraient en moteurs de leurs bassins économiques, que nous trouvons les perspectives d’une confiance et d’une croissance retrouvées.
En premier Total des citations
Sondage Acteurs publics/Ernst & Young réalisé par l’Ifop pour l’Observatoire des politiques publiques auprès d’un échantillon de 961 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI Computer Assisted Web Interviewing) du 11 au 13 décembre 2013.
En partenariat avec
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 25
DOSSIER SÉCURITÉ
GENDARMES ET POLICIERS À LA
reconquête
LUDOVIC/RÉA
DES USAGERS
26 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Rétablir le lien entre les forces de l’ordre et la population. C’est l’objectif affiché par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, soucieux de rompre avec une politique qui a cantonné la sécurité au tout-répressif. La préplainte en ligne, la saisine citoyenne de la police des polices ou les zones de sécurité prioritaires contribuent à ce rapprochement. Mais il reste encore du chemin pour rétablir une confiance durable.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 27
DOSSIER I SÉCURITÉ
GENDARMES ET POLICIERS
à la reconquête DES USAGERS
utorité, probité, honnêteté. Telles sont quelques-unes des obligations fixées aux policiers et aux gendarmes dans leur nouveau code de déontologie publié début décembre et applicable depuis le 1er janvier. Le principal changement de ce document largement repensé – la précédente version datait de 1986 – est à lire dans son titre II. Comme l’avait promis le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, un chapitre tout entier est désormais consacré aux relations avec la population. Il fait savoir : « Le policier ou le gendarme est au service de la population. Sa relation avec celle-ci est empreinte de courtoisie et requiert l’usage du vouvoiement. Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération. » Ces quatre lignes pourraient paraître un brin désuètes, voire décalées, n’était le fossé qui s’est creusé ces dernières années entre les citoyens et le policier, souvent stigmatisé dans le rôle du « méchant flic ». Une conséquence, à en croire les syndicats, de la politique du chiffre et de la culture du résultat. Alors, qu’on se le dise : les policiers et les gendarmes sont aujourd’hui en mode « séduction ». Les voilà partis à la reconquête des usagers. Une évolution nécessaire. Dans son programme « Changer de politique de sécurité », publié à quelques mois de la présidentielle de 2012, l’influent think tank proche du PS Terra Nova dressait un constat implacable : « Le résultat le plus tangible de la culture du chiffre se trouve dans la transformation des pratiques policières. Les indicateurs d’activité de la police sont devenus les objectifs et se concentrent sur le nombre de personnes déférées et le nombre d’affaires clôturées, au détriment des missions de sécurité publique, de prévention et de tranquil-
A
lité publique ». Et de lâcher : « L’obsession des chiffres a éloigné la police de la population. » Le divorce semblait consommé. Revenue aux affaires, la gauche disposait là d’une feuille de route toute tracée pour repenser le service public de sécurité. À la tête de la forteresse Beauvau, Manuel Valls semble s’y employer. La preuve avec cette note que s’est procurée Acteurs publics, rédigée par la direction générale de la police nationale en juin 2013. Le ton est donné dès l’introduction : « Outre l’interpellation des auteurs d’infractions pénales, la population attend de la police nationale de l’écoute et de la protection. » Le document est signé du directeur général de la police nationale (DGPN), Claude Baland, et est adressé aux directeurs départementaux de la sécurité.
Réunions de quartier Claude Baland est très clair : « Il faut que la police nationale multiplie les contacts avec la population. » Et d’inciter les cadres de terrain à se déplacer dans les réunions de quartier et autres rencontres locales. Certes, de nombreux chefs de service participent déjà à de telles réunions organisées par les municipalités. Mais les réfractaires sont priés de se mouiller. Le DGPN insiste : « Il convient d’inviter les chefs de service à mettre en place ou participer systématiquement à des réunions de quartier afin d’informer les habitants sur les missions et les modes de travail. » Informer, échanger, c’est bien le nouveau B.A.BA de la relation police-population. Au-delà des rencontres de terrain et du tutoiement laissé au vestiaire, le ministère se penche aussi sur la qualité de l’accueil dans les commissariats. Une mission à part entière qui n’a rien de secondaire. « La professionnalisation de l’accueil est une étape importante pour répondre aux besoins du public », écrit Claude Baland, visiblement désireux de voir rétablir le contact « physique », au bon sens du terme, entre les citoyens et leur police. Pour incarner ce virage, les délégués « cohésion sociale » sont en première ligne auprès des forces en tenue. Instaurés par la droite en 2009 dans le cadre des unités territoriales de quartiers (Uteq), ces policiers réservistes ont pris une importance nouvelle depuis la création par Manuel Valls des zones de sécurité prioritaires
LYDIE LECARPENTIER/RÉA
Une police en mode « 3.0 » Des policiers connectés grâce à des tissus intelligents dotés de capteurs, patrouillant dans des véhicules géolocalisés pour intercepter plus rapidement des délinquants dans tel ou tel quartier. Le policier de demain n’aura sans doute pas grand-chose à voir avec le policier
28 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
en tenue d’aujourd’hui. C’est ce que laisse entrevoir un document de réflexion prospectif publié par la Place Beauvau à l’été 2013. Le ministère de l’Intérieur faisait là un pari audacieux : celui de forces de l’ordre 3.0 efficaces, proches de la population et à la pointe
des avancées technologiques. Il faut intégrer l’innovation aux stratégies de sécurité, indiquait la note. Et d’insister : « La police et la gendarmerie doivent réaliser le saut technologique qui s’impose à elles et se doter des outils et des compétences humaines pour faire face
ÉLODIE GRÉGOIRE/RÉA
DOSSIER I SÉCURITÉ
aux nouvelles menaces, comme la cybercriminalité. » Ces évolutions n’appuieront pas seulement les activités d’enquête, mais aussi le lien de proximité avec la population. Les réseaux sociaux pourraient ainsi être mieux exploités. Il faut dire que la
Multipliant les visites de terrain (ici dans une ZSP du Gard en septembre 2012) Manuel Valls pousse ses troupes à aller au contact de la population.
France accuse beaucoup de retard en la matière. La police nationale balbutie sur ces réseaux et n’a encore que peu d’« amis » sur Facebook. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, soulignait récemment : « Nous sommes loin d’avoir tiré tout le parti possible
des réseaux sociaux pour toucher la diversité des publics : jeunes, commerçants, riverains de tel ou tel quartier, élus, travailleurs sociaux. » Les réseaux sociaux pourraient donc à l’avenir servir à davantage recueillir les remarques des usagers, les mains courantes ou
les signalements en ligne. Des pistes de réflexion pour les groupes de travail prospectifs chargés d’imaginer la police française de demain. Les premières contributions devraient être rendues publiques à la fin du premier trimestre 2014. X. S.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 29
DOSSIER I SÉCURITÉ
LA FEUILLE DE ROUTE PRÉVOIT QUE DES POLICIERS SERONT REMIS SUR LA VOIE PUBLIQUE, PRINCIPALEMENT AFFECTÉS DANS LES ZONES DE SÉCURITÉ PRIORITAIRES.
GENDARMES ET POLICIERS
à la reconquête DES USAGERS
(ZSP). Chargés de déminer les conflits entre habitants, ils font aussi le lien entre la population et les administrations. Le ministère de l’Intérieur prévoit d’en augmenter le nombre dans les prochains mois pour retisser du lien de proximité avec les citoyens. Un thème cher à Manuel Valls. Mais lui qui fut maire d’une ville de banlieue parisienne sait mieux que personne que le lien entre la police et la population ne peut pas seulement relever de ces délégués « cohésion » ni se limiter à quelques bons mots sur les valeurs. La question des moyens reste prioritaire. Des policiers et gendarmes en tenue, équipés et formés, sont le socle de la lutte contre le sentiment d’insécurité. C’est la première réponse aux attentes des citoyens. Le gouvernement l’a bien compris en ne supprimant pas quelque 3 000 postes en 2013 comme cela était prévu par le gouvernement Fillon.
« LA PROFESSIONNALISATION DE L’ACCUEIL EST UNE ÉTAPE IMPORTANTE. » Claude Baland, directeur général de la police nationale GILLES ROLLE/RÉA
30 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
L’an dernier, de nouveaux élèves policiers et gendarmes sont entrés en formation et à partir de cette année, quelque 400 à 500 nouveaux recrutements seront opérés chaque année. La feuille de route prévoit que des policiers seront remis sur la voie publique, principalement affectés dans les zones de sécurité prioritaires, véritable « marqueur » de cette politique de proximité de la sécurité défendue par Manuel Valls. Mais les syndicats doutent que cela soit suffisant. Patron de l’Unsa Police, Philippe Capon regrette que « le peu de moyens accordés se concentrent sur les ZSP au détriment du reste du territoire ».
Plate-forme Web Le syndicat Alliance, lui, ne s’est pas contenté de déclarations, faisant défiler ses troupes sous les fenêtres de l’Assemblée nationale en fin d’année pour réclamer davantage de moyens. Quelques centaines de policiers, estime ce syndicat classé à droite, ne pourront combler le vide occasionné par le départ de plus de 12 000 policiers et gendarmes en cinq ans. Pas plus que les quelques millions d’euros débloqués ne parviendront à restaurer des commissariats vétustes pas toujours adaptés à l’accueil des victimes. Dans un contexte budgétaire contraint, Manuel Valls mise beaucoup sur les nouvelles technologies. Concrètement, cela s’est traduit par la généralisation de la préplainte en ligne au premier trimestre de cette année, outil testé, faut-il le rappeler, par la droite… dès 2008. Aux petits soins pour les victimes, le ministère de l’Intérieur leur a aussi ouvert récemment une plate-forme Web, pour leur permettre de signaler auprès de la police des polices d’éventuels comportements inappropriés des policiers. Ceux qui auront été tutoyés pourront cliquer pour s’en plaindre. Le service public de la police « virtuelle » s’incarne aussi au travers une multitude de démarches accessibles en ligne. Et demain, cette police 3.0 devrait aller encore
GILLES ROLLE/RÉA
LUDOVIC/RÉA
Quand la police enquête sur la « satisfaction des usagers »
plus loin, pour satisfaire à cet objectif de rapprochement avec la population (lire pages précédentes). Autant de signes qui, avec les moyens même minimes dégagés, montrent que le début du changement dans la police, c’est peut-être pour maintenant. C’est du moins ce que martèle Manuel Valls, au risque de tomber dans l’autosatisfaction. « Je peux dire que nous n’avons pas perdu de temps », lançait-il à ses troupes à l’automne 2013, pas peu fier de détailler les « initiatives pour renforcer le rapport de confiance qui doit unir les forces de l’ordre et la population ». Et d’insister : « Vous tous accomplissez une mission de service public ! » Les forces de l’ordre ont-elles reçu le message cinq sur cinq ? « Il y a en effet un axe clair en faveur du lien policepopulation », confie un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Qui s’empresse de nuancer : « Sur le terrain, les chefs de service n’attendent pas forcément les instructions d’en haut pour prendre des initiatives. » Comme toujours, il y aurait un décalage entre discours et réalité et bientôt deux ans après l’alternance, beaucoup reste encore à faire. « On constate un empilement de réformettes plus qu’un tournant profond », déplore ainsi le sociologue Laurent Mucchieli, qui s’attendait à « une réforme plus globale ». Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie Officiers, est encore plus catégorique : les fondamentaux sont les mêmes et « l’équation n’a pas changé ». Un rang au-dessus, le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) est presque sur la même longueur d’ondes. Leur porteparole, Emmanuel Roux, trouve néanoins une excuse au ministre. « La police est une très lourde administration, qu’il est difficile de faire évoluer », constate-t-il, regrettant toutefois « l’absence d’une véritable vision stratégique de la sécurité ». La Place Beauvau n’est peut-être pas encore le laboratoire du service public de la sécurité que Terra Nova appelait de ses vœux. Xavier Sidaner
Les policiers ne sont pas insensibles à l’image que la population peut avoir d’eux. Dans une note datée de juin 2013, le directeur général de la police nationale, Claude Baland, explique que la satisfaction des usagers doit être mesurée par les policiers. Leur outil : les sondages. Une dizaine de directions départementales de la sécurité ont déjà élaboré un questionnaire de satisfaction remis directement aux usagers, précise Claude Baland. Ou à un panel d’habitants représentatifs comme c’est le cas à Nîmes, Nice ou Toulouse.
GRILLE D’ÉVALUATION Les victimes ou simples usagers sont questionnés sur la qualité de l’accueil, les délais d’attente, les conseils prodigués par les fonctionnaires de police et leur degré de courtoisie… La note indique encore qu’il faut généraliser ce dispositif à l’ensemble des commissariats. Les directeurs départementaux sont mis à contribution pour imaginer le contenu des sondages, ce qui leur permettra de « réaliser une étude nationale sur l’évolution du sentiment de la population », conclut la note.
Un cadre générique sur le bon accueil des usagers avait déjà été introduit il y a près de dix ans, à travers une charte apposée sur les murs des commissariats. Dépassée, cette charte se mue en une véritable démarche qualité qui, audelà de la mesure du degré de satisfaction des usagers, porte en elle les prémisses d’une nouvelle grille d’évaluation des policiers. Le think tank Terra Nova n’en faisait pas mystère dans un rapport publié pendant la dernière campagne présidentielle en précisant : « [La démarche] pourrait permettre de rejeter une approche strictement comptable de l’activité policière. » Ou encore : « On passerait de la culture du chiffre à une autre fondée sur la recherche de la satisfaction des usagers, bref d’une approche quantitative à une approche qualitative. » Deux ans plus tard, le changement se fait attendre. « La politique du chiffre est moins oppressante, mais les résultats continuent à être scrutés par la hiérarchie », estime Laurent Mucchieli, sociologue de la sécurité. Philippe Capon, pour l’Unsa, la juge « plus subtile ». « Les chefs de service peuvent en jouer pour l’avancement ou les primes », s’agace-t-il. X. S.
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PHOTOS : XAVIER SIDANER
DOSSIER I SÉCURITÉ
LE CONSERVATISME DE L’INTÉRIEUR Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, aujourd’hui maire du 18e arrondissement de Paris, constate, avec le sociologue Christian Mouhanna, à quel point il est difficile de faire évoluer les missions de la police. Le manque de moyens n’explique pas tout. Le projet de loi de finances 2014 prévoit une hausse du budget et des effectifs de la sécurité. Est-ce la marque d’une rupture avec les cinq années « RGPP » ? Daniel Vaillant : Les 500 policiers et gendarmes par an en plus annoncés par Manuel Valls ne suffiront pas à faire oublier les quelque 12 000 postes supprimés dans les forces de sécurité ces cinq dernières années sous Nicolas Sarkozy. C’est une erreur d’avoir raboté sans discernement les effectifs dans l’éducation nationale ou au ministère de l’Intérieur, lequel bénéficiait, lorsque le même Nicolas Sarkozy était à la tête de la Place Beauvau, d’un budget largement favorable, grâce aux décisions prises par la gauche ! Christian Mouhanna : Nicolas Sarkozy a eu la chance de trouver un très bon budget à son arrivée place Beauvau en 2002… Une situation que l’on devait aussi à la mobilisation des policiers et 32 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Christian Mouhanna
gendarmes, qui n’avaient pas hésité à descendre dans la rue pour réclamer plus de moyens à la fin de l’année 2011. Le ministère de l’Intérieur avait alors laissé en héritage un plan stratégique pour une politique de sécurité de plus long terme… D. V. : C’est vrai que cette mobilisation a conduit le gouvernement à accorder des moyens supplémentaires pour la police, avec en plus une véritable vision stratégique inscrite dans un plan pluriannuel que j’avais élaboré. M’ayant succédé place Beauvau, Nicolas Sarkozy pouvait le décliner en loi de programmation, mais il n’en a rien fait. Il s’est lancé dans une politique du chiffre, avec toutes ses dérives, misant tout sur les actions répressives des policiers et gendarmes. C. M. : Cette politique répressive était déjà à l’œuvre sous
DÉBAT la gauche qui, je le rappelle, a fait voter la loi sur la sécurité quotidienne. 2001 marque ainsi le tournant de l’hyperpénalisation avec des dispositions visant à réprimer l’occupation des cages d’escalier ! La droite revenue au pouvoir a fait voter un dispositif similaire visant à poursuivre les jeunes dans les halls d’immeuble. La gauche a souvent craint d’être perçue comme sécuritaire et donne plus de moyens à la police. N’est-ce pas paradoxal ? C. M. : Oui. La gauche cultive une forme de complexe d’infériorité et craint de se faire traiter de laxiste si elle ne met pas en place une politique répressive sur le modèle de la droite. D. V. : Vous n’avez pas tort ! La gauche n’avait pas fait sa révolution culturelle quand elle est arrivée aux affaires en 1997. Ministre de Lionel Jospin en 2000, je me suis fait traiter de « sécuritaire ». Pourtant je ne m’étais jamais affiché comme « premier flic de France » ! À l’inverse de Nicolas Sarkozy… et de Manuel Valls. D. V. : Il y a pourtant une réelle différence d’approche. La gauche avait mis en place une vraie police de proximité que la droite s’est empressée de mettre en pièces, toujours au nom du tout-répressif. Nicolas Sarkozy avait déclaré qu’un policier n’avait pas vocation à jouer au football ! Je reste persuadé du contraire. Faire du renseignement, dissuader avant de réprimer sont des missions essentielles. La gauche pense qu’avant l’interpellation, il y a une place pour la police. La droite non, là est la différence. C. M. : Oui, mais le complexe entretenu par la gauche l’empêche toutefois de mener des actions innovantes sur le terrain, de crainte d’être taxée d’angélisme.
LAURENCE MAUDUIT
La police de proximité n’a d’ailleurs pas été remise en place… D. V. : Le gouvernement n’a aujourd’hui pas les moyens de remettre sur la voie publique une police plus nombreuse, mieux formée et répartie de manière à répondre à la polyvalence des fonctions qui selon moi sont les siennes. La police doit être une police « attrape-tout » ! Avec des policiers bien identifiés, qui échangent avec les habitants et qui agissent comme des pacificateurs. C. M. : Les habitants sont plus enclins à échanger avec des policiers qu’ils connaissent depuis plusieurs années. C’est plus efficace pour faire du renseignement et prévenir les incidents. #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 33
Daniel Vaillant
PHOTOS : XAVIER SIDANER
Christian Mouhanna : sociologue, directeur adjoint du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip-CNRS), enseignant à la faculté de Saint-Quentin-enYvelines, auteur de plusieurs ouvrages, dont Police : des chiffres et des doutes (Michalon, 2007).
LE CONSERVATISME DE L’INTÉRIEUR
Daniel Vaillant : député-maire PS du 18e arrondissement de Paris, ministre de l’Intérieur (20002002), ministre des Relations avec le Parlement (19972000), auteur de La sécurité, priorité à gauche (Plon, 2003).
Les zones de sécurité prioritaires (ZSP) sont là pour ça, avec un accent mis sur la prévention et des policiers réservistes chargés de faire le lien avec la population… C. M. : Il est trop tôt pour faire un bilan. Je note simplement qu’il est regrettable d’attendre que des policiers soient en retraite pour faire de la prévention un axe de leurs missions. Mais je le répète, avec la police de proximité, un homme connaissait bien mieux le terrain et était plus efficace que plusieurs policiers qui interviennent dans des secteurs peu connus. D. V. : Lorsque j’étais ministre, j’avais aussi conçu la police de proximité comme un outil au service de la coproduction en matière de sécurité, matérialisée à travers les contrats locaux de sécurité. Je reste persuadé que la sécurité ne doit pas être que l’apanage du ministère de l’Intérieur, mais qu’il faut déconcentrer les moyens de la police – ce qui ne signifie nullement de démanteler la police nationale pour la mettre entre les mains des maires. Aujourd’hui, la police est trop centralisée. C. M. : La police française est sans doute la plus centralisée qui existe, ce qui explique la difficulté à imprimer une véritable rupture. La police est une lourde machine, difficile à manœuvrer, d’où une forte inertie. Pourtant, la police comme la gendarmerie sont sous la coupe de la Place Beauvau depuis 2009 et les ZSP font travailler toutes les forces de sécurité. D. V. : Oui, mais le système est encore trop centralisé et le problème, c’est que la police se croit immuable. On s’en rend compte dès que l’on veut fermer un commissariat. C’est très difficile. Le conservatisme est très fort dans la police, alimenté par des syndicats qui se sont laissé aller à une forme de cogestion avec le ministère. Et sur le terrain, malgré quelques progrès, gendarmes et policiers interviennent encore de manière trop cloisonnée.
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C. M. : Le décloisonnement est pourtant à l’œuvre avec les ZSP, d’autant que certaines de ces zones sont mixtes et font intervenir policiers et gendarmes. Mais il est vrai que le système est encore marqué par un fort conservatisme, qui empêche de mettre en place de nouveaux indicateurs pour mesurer l’activité des forces de sécurité et faire émerger un nouveau mode de management. Le ministre, attentif au comportement des policiers, a initié des mesures pour mieux accueillir les usagers et les victimes. Tout dérapage peut désormais être signalé sur Internet auprès de l’inspection des Services. Est-ce un progrès ? D. V. : Ces mesures, comme celle visant à améliorer l’outil statistique pour éviter les manipulations des chiffres sur la délinquance, vont dans le bon sens. La police a besoin d’une véritable éthique. C. M. : Le recours à ce type de plate-forme confirme la place que prend Internet dans la politique de sécurité. D’autres pays ont déjà développé une forme d’îlotage sur réseaux sociaux, mais en France, c’est encore marginal. Manuel Valls veut pourtant développer ce qu’il appelle la « police 3.0 »… C. M. : Oui, dans la période de réduction des effectifs, le recours aux nouvelles technologies est tentant. Mais attention à ne pas substituer la technologie au contact physique avec la population sur le terrain, qui permet de faire remonter des renseignements. Il y a des choses, par exemple, que les caméras de vidéosurveillance ne verront jamais ! D. V. : C’est vrai. Je suis favorable à la vidéosurveillance, qui peut être une aide à l’élucidation d’affaires criminelles. Mais rien ne serait pire que de constater des délits sur son écran d’ordinateur et de ne pouvoir intervenir sur le terrain, faute de patrouilles. Propos recueillis par Xavier Sidaner
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DOSSIER I SÉCURITÉ
Vernon, à Gaillon et aux Andelys, trois communes du département de l’Eure, les chiffres de la délinquance accusent aujourd’hui une baisse comprise entre 6 et 20 %, selon la nature des infractions constatées. Faut-il voir là l’effet direct du classement en zone de sécurité prioritaire (ZSP) opéré il y a plus d’un an ? Pour la préfecture, cela ne fait aucun doute, « le bilan de l’activité permet de constater une baisse de la délinquance depuis l’instauration de ce dispositif », peut-on lire dans sa lettre d’information de juin 2013, entièrement consacrée au bilan de la ZSP. Et pour cause : « La lutte contre la délinquance faisait l’objet de priorité », admet le préfet Dominique Sorain, qui a tenu à prendre lui-même la plume pour vanter ce bon bilan. Pour autant, interrogé par Acteurs publics, le préfet tient à se démarquer de l’étiquette « 100 % répressive » qui colle aux interventions des forces de sécurité dans les ZSP. Si les renforts de policiers et gendarmes, arrivés en ordre dispersé ces derniers mois pour prêter main forte à leurs collègues, ont été affectés sur la voie publique pour réprimer les incivilités, les troubles de voisinage et les trafics de stupéfiants qui plombent le quotidien des habitants, « le lien police-population est également au cœur du dispositif de la zone de sécurité », martèle le préfet, qui se plaît à jouer « collectif ». La petite trentaine de policiers et gendarmes ne sont pas seuls pour faire de la prévention auprès des populations, à travers des patrouilles de voisinage ou des interventions dans les écoles. Un délégué « cohésion sociale », policier à la retraite, comme il en existe ailleurs sur le territoire, est en première ligne pour, dit-il, « recueillir des informations » et « désamorcer certains conflits ». À ses côtés, interviennent associations, mais aussi bailleurs sociaux, également mis dans la boucle pour partager leurs informations et tenter d’apporter des réponses aux diverses formes de délinquance. Bref, la prévention est une affaire de réseau, point sur lequel insiste le préfet : « Au-delà de la proximité, nous abordons l’ensemble des questions de prévention de la délinquance dans une démarche partenariale ». Du côté de l’opposition municipale, on est plus dubitatif : « La ZSP oblige les interlocuteurs à se causer. C’est un cadre de jeu derrière lequel les forces évoluent pour faire des opérations, mais le volet proximité peut être amélioré », affirme Sébastien Le Cornu, candidat UMP en lice pour les municipales à Vernon. X. S.
À
La zone de sécurité prioritaire (ZSP) instaurée en novembre 2012 dans l’Eure mobilise de nombreux acteurs pour faire le lien entre police et population.
LES ZONES DE SÉCURITÉ PRIORITAIRES DIX-HUIT MOIS APRÈS
80 ZONES DE SÉCURITÉ PRIORITAIRES SUR LE TERRITOIRE
4 EN ZONES MIXTES GENDARMERIEPOLICE
4 - 11 % DE RECUL DES NUISANCES ET DES INCIVILITÉS
36 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
DR
EN OUTRE-MER
Les classiques patrouilles de voisinage des policiers et gendarmes ne sont pas le seul outil de prévention de la délinquance.
DR
UN RÉSEAU DE PRÉVENTION
Se rapprocher de la population fait partie des missions prioritaires des gendarmes. Ici, une patrouille à Nîmes.
DOSSIER I SÉCURITÉ
i l’objectif de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) de Nîmes était de lutter contre les cambriolages et les incivilités, aux dires de la directrice de cabinet du préfet, Julie Bouaziz, le volet proximité n’a pas pour autant été minimisé. « Se rapprocher de la population » est aussi la priorité du département, affirme la jeune directrice de cabinet. Les policiers et gendarmes arrivés en renfort pour sécuriser les quartiers Saint-Gilles et Vauvert peuvent compter depuis quelques semaines sur l’action d’une brigade de contact, plus spécifiquement chargée de faire ce « lien » avec la population. Trois policiers nîmois, tous volontaires, composent cette équipe dont l’arme principale est le dialogue. Ils arpentent les trottoirs de la ville à la rencontre des commerçants et des habitants, auxquels ils glissent leur numéro de téléphone en cas de problème. Leurs visages commencent à être connus dans la ville. Et c’est vers eux que l’on se tourne pour signaler tout problème de voisinage et pour intervenir avant que cela ne dégénère. En place depuis 2009, le délégué à la cohésion police-population, Bruno Fuster, commandant de police à la retraite, sait aussi pouvoir compter sur ces trois agents pour, dit-il, mettre de l’huile dans les rouages. « Les habitants, qui ont parfois du mal à trouver une écoute, sont plutôt contents qu’on leur ouvre des portes pour les aider », témoigne-t-il. Dix jours par mois, ce réserviste de la police, ex-commandant de police nîmois, est sur le terrain, distillant la bonne parole dans les associations de jeunes et dans les écoles. X. S.
S
UNE BRIGADE AU CONTACT DE LA POPULATION NÎMOISE Trois policiers sont chargés d’aller à la rencontre de la population dans la ZSP Saint-Gilles-Vauvert.
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IDÉES MOBILITÉ
DES TRANSFONCTIONNAIRES DE SCIENCE-FICTION
F
aut-il préserver le statut général des fonctionnaires comme le recommande le conseiller d’État Bernard Pêcheur dans son rapport sur l’avenir de la fonction publique, remis en novembre à JeanMarc Ayrault ? Guy Barbier : Bernard Pêcheur juge « pertinent » le statut de la fonction publique qui, en trente ans, a fait preuve de sa plasticité puisque 212 mesures législatives l’ont transformé
sans le remettre en cause. À l’Unsa, nous estimons que ce statut doit être préservé mais qu’il peut encore évoluer pour tenir compte des nouvelles missions de service public. Christian Grolier : La première priorité, c’est de maintenir le statut de la fonction publique. À Force ouvrière, nous sommes très attachés à l’indépendance et à la spécificité des trois versants de la fonction publique – l’État, l’hospitalière et la territoriale – que permet le statut.
VINCENT BAILLAIS
Le rapport Pêcheur préconise de créer des cadres statutaires communs à deux ou trois versants de la fonction publique. Ces cadres sont-ils souhaitables alors que certaines fonctions sont similaires d’un versant à l’autre ?
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Propos recueillis par Sylvain Henry
Guy Barbier : Ces cadres « transfonctions publiques » nous apparaissent comme de la pure science-fiction. À la différence de Force ouvrière, l’Unsa a accompagné la création de corps interministériels, des corps qui dépassent les frontières des ministères. Quatre ont été instaurés. Nous sommes obligés de constater aujourd’hui que des dysfonctionnements perdurent. Les systèmes indemnitaires, la protection sociale et l’action sociale diffèrent ainsi très sensiblement dans les directions départementales interministérielles (DDI) selon que vous êtes un agent issu de tel ou tel
ministère et alors même que vous travaillez dans le même bureau ! C’est un obstacle au développement et même à l’assise des corps interministériels. Dans ces conditions, évoquer un dispositif interfonctions publiques nous semble hors de portée. Un recrutement unique sur les trois versants pose d’autant plus de questions que perdurent, notamment dans la territoriale, les « reçus-collés ». C’est-à-dire des collègues qui sont lauréats d’un concours mais qui n’en ont pas le bénéfice parce que dans les trois ans qui suivent, aucune collectivité ne leur a offert un emploi. Christian Grolier : Certaines missions peuvent être identiques : responsables des marchés financiers, comptables, informaticiens… Mais le préalable serait de s’assurer que
Christian Grolier est secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires Force ouvrière
IDÉES I MOBILITÉ
Bernard Pêcheur suggère de remplacer les catégories A,
B et C des agents publics par des niveaux de fonctions basés sur le diplôme de l’agent, ses missions et ses responsabilités. Est-ce envisageable ? Christian Grolier : Une phrase synthétise la position de Force ouvrière sur ce sujet : à diplôme égal salaire égal. En dehors de certaines missions très particulières, nous estimons que le diplôme doit être l’élément qui coordonne tout à la fois le recrutement par concours, la catégorie de l’agent et la grille indiciaire qui va avec. C’est la raison pour laquelle nous étions opposés à la grille indiciaire proposée aux infirmières lorsqu’elles ont basculé en catégorie A, parce qu’il n’y avait pas de raison que leur grille soit inférieure à celle des attachés [à niveau bac + 3 équivalent, ndlr]. Le diplôme doit être la référence qui conditionne la fonction publique de carrière. Nous sommes donc contre les niveaux de fonctions privilégiés par le rapport Pêcheur pour déterminer la carrière et la rémunération des agents.
Guy Barbier : Les catégories A, B et C avaient du sens en 1946 lorsqu’elles ont été créées dans un référentiel de certifications qui était alors le brevet, le baccalauréat et la licence. Ce cadre a évolué puisque l’on parle aujourd’hui de système LMD [pour licence, master, doctorat, ndlr] alors que, par ailleurs, des responsabilités intermédiaires ou supérieures sont apparues telles que « petit A » ou « A + ». S’il faut bien sûr tenir compte de ces évolutions, nous ne sommes pas pour autant désireux de tout révolutionner. Le diplôme n’est pas l’alpha et l’oméga, mais c’est un repère important. Le rapport Pêcheur l’affirme : il faut garder des grilles de référence. En ce sens, les catégories A, B et C sont ces références. En décembre, le gouvernement a lancé la concertation sur la base des recommandations du rapport Pêcheur. Quelles sont vos demandes ?
Guy Barbier est secrétaire général de l’Unsa Fonction publique
Christian Grolier : Nous avons bien compris que ce rapport n’engage pas le gouvernement. En fonction des orientations qui seront retenues, il nous est annoncé un calendrier sur plusieurs années. Cela signifie que les préconisations mises en œuvre ne pourront aucunement être un palliatif au maintien du gel de la valeur du point d’indice. Il est donc impératif qu’une véritable politique salariale soit mise en place. Cela passe par la revalorisation du point d’indice. Guy Barbier : Bernard Pêcheur observe dans son rapport que le gel du point d’indice ne peut pas fonder une politique salariale. Nous partageons ce point de vue. Les agents publics attendent des évolutions en matière de rémunérations et de conditions de travail. Nous regarderons à la loupe ce qui sera mis sur la table par le gouvernement.
PASCAL LEBRUN
les recrutements sont organisés de la même manière et que les déroulements de carrières et le montant des rémunérations, en particulier l’indemnitaire, sont identiques entre les trois versants. Cela n’a jamais été le cas, très loin de là, dans les directions départementales interministérielles. À Force ouvrière, nous défendons les statuts particuliers de corps dans la fonction publique de l’État et les cadres d’emploi dans la territoriale. Ils seraient mis en cause par les cadres statutaires « transfonctions publiques » évoqués dans le rapport Pêcheur. Et puis tant que l’on continuera à supprimer des postes, y compris dans les hôpitaux, on pourra se demander l’utilité de ces nouveaux cadres statutaires…
L’intégralité du débat sur acteurspublics.com/videos
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 39
IDÉES
FONCTIONNAIRES
LE STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES : FAUX SEMBLANTS ET VRAIES RÉPONSES CONSEIL D’ÉTAT/ J.-B. EYGUESIER
Par Arnaud Freyder
Arnaud Freyder est l’ancien conseiller « fonction publique » du cabinet de François Fillon à Matignon
E
n ce trentième anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à la lumière de mes années d’expériences sur la réforme de la fonction publique en France, notamment au cabinet du Premier ministre (2009-2012),
je l’écris comme je le pense : le statut général des fonctionnaires ne doit en aucun cas être supprimé. Et l’important est de bien comprendre pourquoi sa suppression serait une erreur. Car il y a des apôtres du maintien du statut. Mais ils n’arrivent pas toujours à cette conclusion en empruntant les mêmes chemins. Oui, il faut conserver le statut, mais en aucune manière pour maintenir des situations
acquises. Au contraire, s’il faut faire le pari du statut, c’est parce qu’il est, à mon sens, la tentative la plus réussie de conciliation entre deux impératifs en apparence contradictoires. D’un côté, en vertu d’un principe hiérarchique qui irrigue le fonctionnement de toute notre
SANTÉ PUBLIQUE ET RARETÉ
L
es finances publiques sont liées à une règle immuable évidente en temps de crise : nos gouvernants affectent des ressources financières qui ne sont pas extensibles à l’infini. Face à la limitation des deniers publics,
le système français de santé publique se trouve aujourd’hui à un vrai tournant. La crise financière doit conduire les pouvoirs publics à adapter les politiques de santé aux besoins
40 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Par Jean-François Calmette sanitaires et à faire des choix. Même si la France doit fatalement réaliser des coupes dans ses dépenses, la situation de notre pays est bien entendu beaucoup moins dramatique que celle de son voisin grec. Pourtant, il y a quelques
années, l’OCDE trouvait le système de santé grec assez efficace… Il faut dire que l’État renflouait inexorablement – tout comme la France – le déficit de l’assurance maladie. Signe de cette abondance sous
administration, le fonctionnaire a un devoir d’obéissance. Étant donné qu’il sert un intérêt qui le dépasse, ses conditions d’emploi doivent pouvoir être fixées unilatéralement par l’autorité publique, qui est garante de l’adaptabilité et de la continuité du service public, sans que le fonctionnaire puisse invoquer un droit au maintien de sa situation. On comprend au passage pourquoi les
perfusion étatique, la Grèce avait la plus forte densité médicale en Europe : 6,1 médecins pour 1 000 habitants. Aujourd’hui, la situation est devenue un vrai cauchemar : sur 11 millions de Grecs, 4,5 millions n’ont plus de couverture santé ! À cela, il faut ajouter que l’État doit près d’1 milliard d’euros aux laboratoires et aux pharmaciens. Malheureusement, en France, on a pu constater la faible présence, dans la campagne présidentielle de 2012, de la thématique liée au financement de notre système de soins alors qu’elle représente une question essentielle pour l’avenir de la vie en société.
syndicats, en 1946, se sont initialement opposés à la création du premier vrai statut général des fonctionnaires, lui préférant alors des relations contractuelles qu’ils jugeaient plus protectrices des agents publics. D’un autre côté, et c’est en cela qu’il est une construction subtile, le statut général des fonctionnaires offre des garanties qui sont tout aussi fondamentales : l’appartenance des fonctionnaires à un corps, dont ils sont membres indépendamment des aléas politiques, les préserve des décisions arbitraires quant à leur carrière, qui furent si longtemps la règle pour les serviteurs de l’État.
N’en déduisons pas pour autant que la gestion publique ne souffre d’aucun travers et d’aucune pesanteur, ce serait une autre caricature ! Mais le problème des critiques qui sont régulièrement portées est qu’elles confondent abusivement deux choses : les principes forts qui ont fondé le statut général des fonctionnaires dès 1946 (obéissance hiérarchique, obligations de service, mobilité, liberté d’opinion, droit de participation, protection dans l’exercice de ses fonctions…), qui restent incontestables, et l’architecture, de plus en plus
sophistiquée, qui en a procédé, assortie de pratiques trop soucieuses d’égalitarisme et de cogestion, qui ont dévoyé les ambitions originelles. Tout l’enjeu est désormais de retrouver les valeurs fondatrices du statut général de 1946 et de simplifier, pour cela, ce qui a été inutilement complexifié dans la gestion publique : les efforts entrepris au cours des dernières années pour fusionner les corps, lever les freins aux mobilités, créer des passerelles entre les fonctions publiques, introduire des parts de rémunération à la performance, refonder les règles du dialogue social ou encore repenser le partage entre statut et contrat… participent
de cet objectif. Tous ces chantiers dessinent une forme de « révolution silencieuse » que je me suis attaché à décrire dans mon dernier ouvrage (La fonction publique : chronique d’une révolution silencieuse, LGDJ – Lextensoéditions, juin 2013). Car ils tendent vers un horizon commun, celui d’une gestion plus individualisée et davantage tournée vers les compétences que vers les corps et les statuts. Reste à savoir comment les autorités publiques successives sauront inscrire dans la durée cette démarche refondatrice, qui sera nécessairement de longue haleine !
Certes, dans ce domaine, on assiste à quelques progrès dans la prise en compte de la contrainte budgétaire. Du fait du caractère très particulier, car indispensable, du système d’accès aux soins, il est logique que la représentation nationale, à travers le Parlement, ait le rôle principal en matière de contrôle des dépenses de santé. Cela se réalise, via la détermination de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) qui fixe des seuils d’alerte financiers de plus en plus contraignants lors du vote de la loi annuelle de financement de la Sécurité sociale et
qui concerne les trois quarts des dépenses de santé. Notons que s’agissant du choix délicat des procédures et des priorités en termes de financement ou de remboursement, l’Institut Montaigne, think tank pourtant libéral, propose que les citoyens s’impliquent directement et soient consultés sur la priorité des réformes à effectuer dans le futur. Bien des questions restent à débattre (gaspillage des médicaments, détermination des « paniers de soins » à rembourser, concurrence des hôpitaux, bouclier sanitaire, etc.). Or si la France veut garder certains avantages de son système public de santé, elle ne pourra plus
faire… l’économie de tels questionnements ! Elle pourrait aussi s’inspirer des systèmes de santé étrangers même s’il faut absolument éviter les effets pernicieux du système américain. Les États-Unis sont le pays où l’on dépense le plus pour la santé par rapport au PIB (la part des dépenses de santé y était de 17,6 % en 2010 contre 11,6 % pour la France) et où l’on est le plus mal soigné, pour ceux qui ont la chance d’être soignés. Il faut se méfier d’une démarche purement utilitariste dans l’analyse des besoins. On note cependant l’émergence
de nouveaux outils d’évaluation des politiques publiques conditionnée par la recherche d’une forme d’équité, comme des indicateurs tels les « qalys »* utilisés au RoyaumeUni et qui sont fondés sur le coût des soins rapporté au nombre d’années d’espérance de vie. En termes d’évaluation budgétaire, « la vie n’a pas de prix », mais elle a un coût. Si l’on ne s’y prend pas à temps, le prix à payer pour réformer notre système de santé risque d’être lourd !
DR
IDÉES I SANTÉ
Jean-François Calmette est maître de conférences en droit public et a dirigé l’ouvrage collectif La santé publique à l’épreuve de la rareté, (Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2013).
* Quality-adjusted life-year
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 41
IDÉES ÉLUS
FAUT-IL ENCORE AMÉNAGER LE TERRITOIRE ? Par Jean-Jack Queyranne
STÉPHANE AUDRAS/RÉA
L Jean-Jack Queyranne est président de la région Rhône-Alpes et ancien ministre
e 13 novembre dernier, j’ai souhaité que se tienne à l’hôtel de région une journée de débats et de réflexion autour de cette question volontairement provocatrice : « Faut-il encore aménager le territoire ? » D’abord parce que la région a la compétence d’aménagement du territoire et cela
devrait être confirmé par la loi de modernisation de l’action publique. Ensuite parce que l’aménagement du territoire est aujourd’hui oublié. Ce constat est largement partagé et les récentes contributions de nombreux géographes dans les grands quotidiens l’attestent.
LA RÉFORME Q DE TROP Par François de Mazières
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u’est-on en droit d’attendre d’une vraie réforme des collectivités sinon une simplification de leur organisation territoriale et une clarification de leurs compétences ? Avec le projet de loi actuellement en débat devant le Parlement, c’est tout l’inverse : le gouvernement a manqué une occasion historique et au final, complexifie davantage encore les choses. D’abord en créant un échelon supplémentaire, la « métropole du Grand Paris », qui ne répond en rien aux impératifs de diminution de la dépense publique. Parce que son rôle d’aménageur, d’autre
Le salut pour notre pays est-il dans la création des métropoles ? Je ne le crois pas. Que penser d’une métropole qui concentrerait à la fois les centres de décisions, l’activité économique, l’innovation ou encore les services publics de proximité ? Que penser d’une métropole qui maintiendrait les territoires périurbains sous
part, se retrouvera très rapidement limité, du simple fait que le gouvernement n’a pas voulu lui confier les transports qui, pour des raisons politiques, demeurent une compétence de la région. Au fond, cette réforme est vectrice d’instabilité juridique. Car il faut bien avoir conscience qu’elle balaie des années de négociation et de contractualisation entre les communes de la petite couronne. Les contrats de développement territorial mais surtout les intercommu-
perfusion, ne laissant à leurs habitants que la seule perspective de déplacements pendulaires pour le travail comme pour les loisirs ? Que penser d’une métropole qui confinerait les territoires ruraux en marge de la croissance, rendant encore plus inéluctable leur désertification ? C’est le modèle républicain qui est questionné. L’hégémonie métropolitaine ne doit pas accélérer les inégalités. Je ne remettrai pas en cause cette création. Elle est actée et il était temps d’innover pour faire évoluer la carte institutionnelle. Je n’entends pas non plus remettre en question le fait urbain venu reconnaître une réalité territoriale.
nalités sont complètement remis à plat alors qu’ils résultaient d’une longue concertation. D’ici la mise en place opérationnelle de la métropole, les communes comme les acteurs économiques demeureront dans le plus grand flou. En vérité, on risque la paralysie. Quels projets d’aménagement faut-il programmer ? Suivant quelle maîtrise d’ouvrage ? D’ores et déjà, la chute des mises en chantier augure d’une atonie de la construction pour les années à venir. Paradoxalement, la métropole délaisse complètement la grande couronne parisienne,
Néanmoins, je suis convaincu que rien de viable ne pourra être fait sans l’association étroite des régions et des métropoles. Oui à des agglomérations fortes, mais elles seront vouées à l’échec sans des régions tout aussi fortes. Se contenter de penser le développement comme concentrique à partir de grands pôles urbains reviendrait à reproduire les erreurs du passé. Cela vaut pour les questions des pouvoirs, de l’activité, des services comme pour celle de la consommation de l’espace et du foncier. Ce qu’il faut, c’est un développement en réseau, multipolaire, qui corresponde à l’économie et à la société du XXIe siècle.
Je veux prendre l’exemple des universités. C’est aujourd’hui une compétence de la région qui a investi près d’1 milliard d’euros depuis dix ans. Nous avons créé l’Alliance université Rhône-Alpes (Aura) pour renforcer le partenariat entre les universités et grandes écoles de Grenoble et Lyon. Il s’agissait ainsi de renforcer leur dimension internationale et leur attractivité. Dans le même temps, nous avons soutenu la création de sites universitaires dits « de proximité » dans des villes moyennes comme Bourg-en-Bresse, Roanne ou
Valence. Cela a permis un développement universitaire harmonieux tout en donnant accès aux études supérieures aux couches populaires. Vo i l à p o u r q u o i j e s u i s convaincu que la région doit rester le véritable pilote en matière d’aménagement du territoire. Elle seule est en capacité d’assurer la complète
continuité de la présence publique, de faire jouer les solidarités et les complémentarités entre les territoires ruraux, les villes moyennes, les espaces périurbains et les grandes agglomérations. Elle seule est en capacité de permettre à l’innovation de prendre corps dans tous ces territoires et de promouvoir un aménagement du territoire porteur de croissance, au service des citoyens.
Notre pays souffre d’un déficit de compétitivité de plus en plus manifeste. Le jacobinisme de son organisation politicoadministrative ne correspond plus à notre époque. Pire, il est un frein à sa modernisation. Il faut libérer les contraintes plutôt que de perpétuer ce modèle suranné. Des régions solidaires et innovantes seraient en mesure de contribuer au redressement de notre pays.
reléguée en seconde zone du Grand Paris. Car pour les départements de l’Essonne, de la Seine-et-Marne, du Val-d’Oise et des Yvelines, cette réforme n’a pour eux l’ambition que de « rationaliser » la carte intercommunale en imposant un seuil de 200 000 habitants par EPCI. À l’exception de Versailles Grand Parc, ce sera un jeu de chaises musicales pour toutes les intercommunalités des Yvelines. Il faut l’admettre : les maires ont mieux à faire que cela. Car cette réforme va à nouveau conduire à l’instabilité, alors que la priorité numéro un de toute politique publique
devrait être le développement économique et l’emploi. Pour remplir cet objectif, des solutions existent, elles reposent sur les transports. Je me suis employé à le démontrer lorsque je présidais la Cité de l’architecture et du patrimoine, en proposant à l’Élysée une ambitieuse consultation sur l’avenir du Grand Paris auprès de dix équipes internationales d’architectes. Le président de la République Nicolas Sarkozy a accordé une attention toute particulière à leurs conclusions,
qui ont notamment alimenté la réflexion autour du projet de rocade automatique, véritable clé de voûte du Grand Paris. Après que les négociations entre l’État et la région Îlede-France ont abouti en 2011 à un accord, il est regrettable que ce consensus ait volé en éclats avec le changement de majorité. Car le réseau de double boucle reposait sur une analyse fine des potentiels et des besoins. Aujourd’hui, un projet comme celui porté par le plateau de Saclay, alliant excellence scientifique et développement économique, risque d’être enrayé du fait du séquençage de la ligne 18, devant relier Orly
à la Défense, et de la redéfinition de son tracé. Pourtant, l’origine du financement du Grand Paris provient de manière substantielle de la fiscalité sur les bureaux acquittée par les entreprises des Yvelines. Alors que leur desserte a été sacrifiée, que leur dit le gouvernement ? Payez ! Là où il aurait suffi de confirmer le projet de « Grand Paris Express », l’actuelle majorité a souhaité laisser sa marque. Le « Nouveau Grand Paris » est aujourd’hui celui de la défiance envers les élus locaux et de l’inégalité territoriale. C’est la réforme de trop.
DR
IDÉES I MÉTROPOLE
François de Mazières est député-maire de Versailles, président de l’agglomération de Versailles Grand Parc, qui réunit 18 communes et compte 247 000 habitants.
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IDÉES ENVIRONNEMENT
UNE NOUVELLE DIPLOMATIE CLIMATIQUE POUR LA FRANCE !
Par Gilles Berhault, Jean-Christophe Carteron, Ronan Dantec, Michel Delebarre, Bettina Laville, Patricia Savin et Hélène Valade
transformeront les objectifs du millénaire pour le développement en objectifs partagés pour le développement durable. Cette confiance des membres de l’ONU et de son secrétaire général, Ban Ki-moon, dans les capacités de la France à relever ce défi est également la reconnaissance d’une légitimité fondée par la diplomatie française depuis la conférence de Rio de 1992, en particulier dans l’espace de la Convention sur les changements climatiques dont le négociateur, Jean Ripert, était français. C’est aussi une reconnaissance de l’expérience très opérationnelle de territoires engagés, de chercheurs talentueux et d’entreprises innovantes. Remercions en
VINCENT BAILLAIS
L
e 22 novembre 2013, la France a « gagné » l’organisation de la Conférence mondiale pour le climat 2015, la « COP21 ». Il s’agit d’une responsabilité importante sur un sujet particulièrement complexe. C’est également et surtout la reconnaissance par les 193 autres pays qui constituent l’ONU de la capacité de la France à parrainer une négociation du multilatéralisme environnemental et c’est la première fois. Le pari est évidemment risqué mais quelle opportunité historique pour la France ! Les prochains rendez-vous de Lima, en 2014, et surtout de Paris, en décembre 2015, devront définir la suite du Protocole de Kyoto et placer au cœur des politiques publiques la question des changements climatiques comme une priorité. Il s’agit d’un objectif de préservation d’un bien commun. Nos équilibres sont très largement menacés. Il nous faut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, préserver notre capital ressources et déjà adapter nos modes de vie et de travail. Ce sera l’année aussi où les pays, suite au Sommet de la terre Rio + 20,
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cela tous ceux qui ont été les promoteurs et les acteurs d’outils opérationnels de mise en œuvre de solutions : lois, agendas 21, plans climat énergie territoriaux, « fonds démonstrateur » de l’Ademe, innovations des entreprises, actions citoyennes. Évidemment, tout ceci n’est pas encore satisfaisant. La qualité d’organisateur de cette conférence de 2015 nous engage à mettre en œuvre un réel plan Marshall du climat, y compris en adaptant réellement infrastructures ou agriculture, en faisant jouer un rôle important à chaque étape de la préparation aux villes et aux régions, en s’appuyant sur les
associations qui les fédèrent, comme le propose le rapport confié aux sénateurs Michel Delebarre et Ronan Dantec, mais aussi dans nos écoles en renforçant la pédagogie. « Paris Climat 2015 » doit devenir un véritable projet collectif, une opportunité pour repenser ce que certains appellent un nouveau projet de civilisation plus durable. Ce n’est pas un regard sur le passé, mais bien une approche plus équitable de la gestion publique, une opportunité pour les chercheurs comme pour les entreprises de faire connaître leurs talents et compétences au service de la société du XXIe siècle. Il s’agit de poser les fondements de la première entreprise humaine d’adaptation globale aux conditions nouvelles de vie sur la Terre. C’est tout le travail mené par le Comité 21 en France,
en regroupant plus de 500 réseaux, entreprises, collectivités territoriales, associations et ONG, organisations académiques depuis vingt ans. C’est l’ambition du Club France développement durable, qui démontre chaque jour que 70 réseaux très différents peuvent coopérer et agir utilement. Ne boudons pas ce moment de joie, l’heure est à l’enthousiasme de la mobilisation et à la conscience de la responsabilité. Pour relever et gagner le défi de cette COP21, la diplomatie française aura besoin de tous les acteurs : scientifiques, associatifs, journalistes, juristes, citoyens… Nous avons besoin de tous les acteurs, d’une équipe multiacteurs qui ne renonce jamais, match après match. Nous avons deux ans !
Gilles Berhault (photo) est président du Comité 21, Jean-Christophe Carteron est coordinateur « Rio + 20 » de la Conférence des grandes écoles et de la Conférence des présidents d’université, Ronan Dantec est sénateur EELV, Michel Delebarre est sénateur PS, Bettina Laville est conseillère d’État, Patricia Savin est présidente d’Orée et Hélène Valade est présidente du Collège des directeurs développement durable.
L’INCLUSION NUMÉRIQUE Par Benoît Thieulin et Valérie Peugeot
A
près plus de quinze ans de politiques variables menées pour réduire l’écart entre ceux qui ont accès au potentiel du numérique et ceux qui en sont empêchés, nous devons repenser nos politiques d’inclusion à l’aune de la société qui se dessine, où le numérique est omniprésent. Nous sommes tous « à risque ». Chaque jour, le numérique pénètre nos usages dans nos vies privées, professionnelles ou citoyennes et contribue à remodeler la vie en société. Cela suppose chez chacun un effort d’apprentissage permanent, digital natives y compris, pour profiter pleinement des potentiels et ne pas subir les vagues technologiques successives. Les médiations humaines pour accompagner cet apprentissage de tous ne peuvent donc plus
se concevoir de façon transitoire mais doivent être reconnues et développées, notamment en formant et en valorisant ceux qui doivent ajouter cette compétence à leur métier d’origine (médiation culturelle, action sociale, personnels administratifs en contact avec le public, etc.). Elles peuvent également s’appuyer sur les « tiers lieux » (fabLabs, livinglabs…) qui offrent une autre porte d’entrée dans le numérique pour des personnes mal à l’aise avec les approches abstraites. On y pratique d’autres formes d’apprentissages, ancrées dans le monde physique de la fabrication, basées sur l’essai-erreur… Les bonnes pratiques ne manquent pas, mais elles restent trop souvent limitées dans le temps, affaiblies par les contraintes propres aux appels à projets, et isolées. Pour permettre leur passage à l’échelle,
la puissance publique – État comme collectivités territoriales – doit se positionner en plate-forme : mettre à disposition des ressources partagées, coordonner les partenariats, mettre en réseau, organiser la capitalisation des retours d’expérience. Ainsi la plateforme Sitra, qui vient de recevoir le label d’or des territoires innovants au Forum des interconnectés 2013, est une base d’informations libres en ligne, coalimentée par 500 acteurs du tourisme et des loisirs de la région Rhône-Alpes. Autre exemple, la nouvelle version du site Web d’Etalab est ouverte aux données des tiers. Outre les données ouvertes des administrations, on pourra
Benoît Thieulin est le président du Conseil national du numérique (CNN).
PICASA
REPENSER
y trouver demain des données partagées par des entreprises, des associations… Cette posture peut se décliner dans toutes sortes de domaines, à commencer par des référentiels ouverts en matière de ce que nous appelons « littératie » numérique, c’est-à-dire d’un bouquet de compétences nécessaires pour être acteur d’une société numérique (code, manipulation des interfaces, analyse et croisement d’informations…). Cette approche par mutualisation a aussi le mérite de desserrer la contrainte budgétaire. Enfin, la numérisation de la relation aux administrés ne doit pas se penser uniquement comme une voie de simplification d’usage et de baisse des coûts, mais bien comme un vecteur de redistribution du pouvoir d’agir aux citoyens. Impliquer les riverains dans la boucle de conception d’un projet d’urbanisme local, alimenter les débats publics locaux par des espaces d’échanges et de documentations ouverts, repenser le design d’un service public avec ses usagers. Ce ne sont quelques-uns des exemples possibles de coconstruction de l’action publique. En cette période de crise de confiance envers la politique, il est indispensable d’opérer un saut dans notre vision de ce que peut apporter le numérique à nos politiques publiques. Nous portons la conviction que c’est davantage à ce type de signes que nous reconnaîtrons une stratégie moderne de l’action publique.
MANUEL BRAUN
IDÉES I SOCIÉTÉ
Valérie Peugeot, vice-présidente du CNN, a coordonné un rapport sur l’inclusion numérique remis fin novembre à la ministre déléguée à l’Économie numérique, Fleur Pellerin.
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EUROPE INNOVATION
LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE SIMPLIFIÉ
Le programme européen Horizon 2020, qui a débuté le 1er janvier, ambitionne de rapprocher la recherche et l’innovation et d’attirer davantage de PME. La réduction de l’administratif est le mot d’ordre. Trop complexe, le système actuel décourageait les chercheurs français.
e septième plan de financement est mort, vive « Horizon 2020 », le nouveau plan de financement de la recherche en Europe pour la période 2014-2020. Deux ans après le lancement du projet par la Commission, il est enfin sur les rails. L’Irlandaise Máire Geoghegan-Quinn, commissaire européenne à la Recherche, à l’Innovation et à la Science, était tout sourire le 21 novembre dernier, en annonçant l’adoption par le Parlement de ce programme de financement de la recherche de 2014 à 2020. Son soulagement était perceptible, tant les discussions ont été ardues, en particulier autour du montant de l’enveloppe globale. En pleine crise économique et avec un budget européen raboté par les chefs d’État en février 2013, qu’allait-il advenir de la recherche ? Certes, avec une enveloppe de 80 milliards d’euros, Horizon 2020 se maintient au niveau des plans précédents. Il est vrai que plusieurs pays, au premier rang desquels l’Espagne, l’Italie, la Grèce et le Portugal, avaient amputé ces dernières années leurs budgets recherche, et comptent donc davantage sur les fonds européens. S’il y a continuité dans les moyens, la rupture est évidente sur la stratégie du programme. Tout d’abord, Horizon 2020 dote l’excellence scientifique européenne d’un budget de plus de 27 mil-
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liards d’euros sur sept ans. Il intègre aussi les politiques d’innovation dans le programme cadre sur la primauté industrielle en lui attribuant 20 milliards d’euros sur la même période. Troisième priorité, une approche radicalement nouvelle est proposée pour l’orientation des subventions. Elle n’oriente plus les financements vers des secteurs de recherche déterminés, mais cible les grands défis sociétaux auxquels l’Europe est confrontée.
Un MIT à l’européenne Pour cela, d’importants efforts sont effectués pour simplifier les structures. « Pour la première fois, tous les instruments de financement de l’UE pour la recherche et l’innovation sont regroupés dans un même cadre et accompagnés d’un ensemble unique de règles avec, à la clé, une réduction drastique de la charge administrative », indique le cabinet de la commissaire européenne. L’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) sera l’un des grands bénéficiaires d’Horizon 2020. La Commission souhaitait en faire son « MIT à l’européenne » quand elle l’a créé en 2008. L’idée initiale : aider les innovateurs à passer de l’idée au produit et à faire la transition entre le laboratoire et le marché. Son rôle va se développer et il devrait recevoir 2,7 milliards d’euros sur les sept prochaines années, une somme beaucoup
EUROPE I INNOVATION
GINA SANDERS/FOTOLIA
Avec la mise en place de règles uniques et une volonté affichée de simplifier l’administratif, les institutions européennes veulent encourager les PME à s’investir davantage dans les programmes de recherche.
plus élevée que les 300 millions alloués de 2008 à 2013. Ses bras armés sont les communautés de la connaissance et de l’innovation, les CCI, qui multiplient les partenariats public-privé transfrontaliers. Aux 3 CCI existantes (Changements climatiques, Technologies de l’information et de la communication et Énergie durable), l’EIT va en ajouter 5 nouvelles d’ici 2018 : Une vie saine et le vieillissement actif, Les matières premières, Une nourriture pour l’avenir, La fabrication à valeur ajoutée et La mobilité urbaine. Quant au Centre européen de la recherche, le pôle de recherche d’excellence de la Communauté européenne, il verra son budget augmenter de 75 % pour atteindre les 12 milliards d’euros dans les sept ans à venir. Mais cette réorganisation n’aurait aucun sens si elle ne s’accompagnait d’une simplification administrative. Objet des plaintes de nombreuses universités ces dernières années, l’épreuve de la constitution de dossiers constituait le point noir de toute entreprise. Elle dissuadait bon nombre d’organismes de recherche et de PME de postuler aux fonds européens. Le désamour français, en particulier, était frappant. Entre 2007 et 2012, la France a versé l’équivalent de 6 milliards d’euros pour financer la politique européenne de la recherche mais n’a bénéficié que de 3,4 milliards d’euros, s’est émue la Cour des comptes
dans un rapport publié en juin 2013. Ce n’est pas tant la pertinence des projets qui était en cause (puisqu’un projet sur quatre était retenu) que le nombre de demandes, en chute libre. Comme d’autres, les chercheurs hexagonaux ont préféré se tourner vers les financements nationaux, d’autant que les mécanismes de remboursement européens étaient pour le moins complexes.
Taux de remboursement harmonisés « On avait atteint un tel niveau de paperasserie que nos membres se demandaient si cela valait la peine de postuler », lance Kurt Deketelaere, secrétaire général de la Ligue des universités européennes de recherche (Leru). Forte de plus de 230 prix Nobel et médailles Fields qui ont travaillé ou étudié dans une université Leru, l’association a haussé le ton durant les débats et a été entendue par la Commission. Parmi ses principaux sujets de satisfaction, figure le remboursement des frais. Selon que l’université collabore avec une PME, une autre université ou bien un autre pays, les taux de remboursements étaient différents. « Désormais, les coûts directs des participants aux programmes de recherche seront remboursés à 100 % pour les activités de recherche et à 70 % pour les #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 47
EUROPE I INNOVATION
DENIS ALLARD/RÉA
LES NOUVEAUTÉS D’HORIZON 2020
Máire Geoghegan-Quinn, la commissaire européenne à la Recherche, à l’Innovation et à la Science, dispose de quelques mois pour mettre Horizon 2020 sur les rails, avant le renouvellement de la Commission européenne à l’automne 2014.
Ce programme unique regroupe les financements en matière de recherche et d’innovation. Les trois piliers clés d’Horizon 2020 sont : – l’excellence de la science, qui comprend le financement d’un Centre européen de la recherche (doté d’1,7 milliard d’euros), d’infrastructures et de technologies futures et émergentes ; – l’hégémonie industrielle, qui contient des soutiens spécifiques pour les petites et moyennes entreprises (PME) ; – les défis sociétaux, qui permettront d’orienter la recherche vers les problèmes liés au vieillissement de la société et à la dégradation de l’environnement. Le rôle des PME est reconnu et le programme leur accordera directement de 15 à 20 % du budget du programme Horizon 2020. Un nouveau modèle de financement simplifié rationalisera les demandes de financements dans l’ensemble du programme. Il a prévu de réduire les charges administratives et soutiendra les projets tout au long du processus afin d’augmenter le nombre de demandes.
mesures innovantes, se réjouit Kurt Deketaelere. Les institutions européennes se sont aussi mises d’accord sur un taux unique de remboursement de 25 % des coûts indirects, une mesure essentielle pour les entreprises ». Avec la mise en place de règles uniques et une volonté affichée de simplifier l’administratif, les institutions européennes veulent encourager les PME à s’investir davantage dans les programmes. Une part non négligeable du budget total leur sera consacrée, de 15 à 20 %, un niveau sur lequel les députés sont demeurés intransigeants face à la Commission durant de longues discussions. Les députés ont réussi à réduire le délai dont dispose la Commission pour répondre aux demandes de neuf à huit mois. Ils ont aussi introduit un programme-pilote pour tester de nouvelles manières de rendre le processus de demande plus rapide et moins bureaucratique : « la voie express vers l’excellence ».
Calendrier à définir Express… comme une critique de la lenteur du processus actuel. Entre les thèmes à identifier, puis à mettre dans des programmes annuels, les appels d’offres puis les réponses, les évaluations, la sélection et le montant des bourses offertes, il pouvait s’écouler deux ans. « Cette durée était parfaite pour la recherche scientifique mais pas pour l’innovation qui a besoin d’aller rapidement sur le marché pour gagner la course de 48 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
l’innovation qui est internationale », explique Christopher-John Hull, conseiller à l’Association européenne des entreprises de recherche et d’innovation (Aerto). Résultat, cet outil idéal pour les petites et moyennes entreprises verra le jour… en 2015. Son fonctionnement fait rêver les entreprises. Il travaillera sur la base d’appels d’offres permanents avec un délai pour la délivrance de subventions qui n’excédera pas six mois. Les PME pourront déposer leur dossier quand elles le souhaitent (de 3 à 5 participants maximum) et la Commission évaluera les projets à trois dates butoirs dans l’année. Mais il faudra attendre pour accéder à cette voie express, comme pour d’autres projets. Le calendrier de toutes les étapes d’Horizon 2020 n’est pas encore fixé et le cabinet de la commissaire européenne demeure très flou à ce sujet. Le financement du programme sera, en partie, entre les mains d’agences exécutives, dont la plupart ne sont pas connues pour l’instant. Comme tout projet pharaonique, reste à savoir comment s’articulera ce programme. Mais d’ores et déjà, des appels d’offres sont ouverts depuis le 11 décembre dernier. La commissaire européenne à la Recherche, à l’Innovation et la Science dispose de quelques mois pour poser les premières pierres d’Horizon 2020, en attendant les élections européennes de mai prochain et la nomination d’une nouvelle Commission européenne à l’automne. Jean-Bernard Gallois, à Bruxelles
[aktoer pyblik] n. m. Média qui décrypte, commente et analyse les politiques publiques.
SUR LE TERRAIN HISTOIRE
Les Archives montent au front es carnets de soldats cabossés par le temps, des photos jaunies qui racontent les souffrances du front, des lettres centenaires miraculeusement intactes. Autant de témoignages du passé qui transitent par le bureau de Virginie et Emeline, deux agentes des Archives nationales chargées de les inventorier. Les deux jeunes femmes font vivre sur le site parisien des Archives, avec une trentaine de personnels, le projet de la « Grande Collecte », un appel aux citoyens de 22 pays européens à faire numériser leurs documents personnels (correspondances, photographies, objets) datant de la Première Guerre mondiale sur la bibliothèque européenne en ligne Europeana. Une grande première pour le service interministériel des archives de France – rattaché au ministère de la Culture – qui accompagne en France cette opération sans précédent à l’échelle du continent européen. Depuis que François Hollande a officiellement lancé, en novembre, les commémorations du centenaire de la Grande Guerre, le réseau des Archives nationales est mobilisé. « Ce réseau de services publics nous a permis de ne pas être submergés et de répondre présent sur l’ensemble du territoire », explique Isabelle Aristide, la directrice du département des archives privées.
FRANÇOIS PERRI/RÉA
Dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale, les agents des Archives nationales pilotent une opération inédite de numérisation de documents liés au conflit. Un défi technologique.
Des agents au service du patrimoine Une trentaine d’agents est à la manœuvre à Paris, rue des Quatre-Fils, dans un bâtiment posé à deux pas de l’Hôtel de Ville. « Au départ, nous voulions tout numériser immédiatement. Comme nous avons vite été débordés, nous avons proposé de conserver les documents sous forme de dépôt temporaire, pour les numériser plus tard », indique Isabelle Aristide. Un très fastidieux travail qui va se poursuivre tout au long de l’année 2014. « Il faut parfois recontacter certaines personnes pour avoir des précisions, fixer des rendez-vous pour qu’elles récupèrent leurs documents. Nous allons aussi envoyer des cartes de remerciements », détaille-t-elle. Un agent a été spécialement recruté pour le suivi de l’opération. 50 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
S. ORTOLA /RÉA
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En haut, la cour des Archives nationales, dans le 3e arrondissement de Paris. En bas, la salle de lecture des Archives, où le public peut consulter les documents.
MÉDIA GLOBAL AU CŒUR DE L’ÉTAT ET DE SES SATELLITES, DANS LES COLLECTIVITÉS, À L’HÔPITAL…
ACTEURSPUBLICS.COM
SUR LE TERRAIN I HISTOIRE
PHOTOS : RAPHAËL MOREAUX
Ci-dessus, un exemplaire du Petit Voisognard, journal bihebdomadaire écrit par un soldat mobilisé sur le front près du bois de la Voisogne, en Lorraine.
Ci-contre, un album regroupant des dizaines de photos de la vie sur le front.
LA SYNTHÈSE La « Grande Collecte », c’est : 102 services de l’État mobilisés Plus de 10 000 contributeurs Plusieurs dizaines de milliers de documents numérisés
Comment ça marche ? Pour Virginie et Emeline, qui travaillent habituellement au département « Intérieur-Justice » pour la première et aux archives privées pour la seconde, il s’agit de sélectionner un maximum de 5 pièces parmi les documents apportés par chaque contributeur, de retracer leur histoire et de les soumettre par Internet à Europeana pour une mise en ligne gratuite et accessible à tous. Elles découvrent parfois de véritables trésors, comme ces dizaines de clichés du photographe officiel du traité de Versailles. « Les souvenirs familiaux sont tout aussi émouvants, confie Emeline, ils donnent à voir ce que l’on connaît moins. Tout ce qui se passait sur l’arrière-front. » Un peu plus loin, l’historien de la photographie Marc Durand – arrière-petit-neveu des frères Lumière, rattaché au service des archives notariales – est plongé dans l’étude de plaques stéréographiques, sortes de photos en relief du début du siècle. « Mon rôle est d’aider les gens à sauvegarder la mémoire de leurs grands et arrière-grands-parents », sourit-il. Les archivistes, observe-t-il, proposent « un rapport de force inversé » en comparaison à d’autres services publics, tels que la Sécurité sociale ou les guichets de La Poste : « Les gens viennent ici en toute humilité, comme s’ils avaient l’impression de déranger, alors que c’est à nous d’être humbles face à leur histoire. »
Promouvoir l’institution Le parcours est bien établi. D’abord un entretien pour compiler toutes les informations sur les objets collectés. Ensuite la numérisation au premier étage, tout au bout d’un espace de travail aux rayonnages silencieux. Karim, agent des Archives depuis sept ans, surveille de très près un imposant scanner de
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Des expositions organisées tout au long de l’année 2014
reproduction. « Un appareil qui nous permet de gagner en temps et en qualité, explique-t-il en numérisant une lettre d’Albert Londres adressée à la sœur d’un soldat mort sur le front. J’aime être au contact du public, montrer aux usagers comment nous travaillons et leur permettre de découvrir le fonctionnement de notre administration. Je me suis tout de suite porté volontaire. » Le voilà qui se replonge dans le vrombissement de l’énorme machine. Les documents mis de côté seront répartis sur 4 postes de numérisation dans des ateliers photo des Archives à Paris et à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis. « Nous sommes certes bien équipés, mais le public s’est précipité à Paris et nous ne pouvions pas tout traiter dans un même lieu », explique Isabelle Artistide. Vanessa, agente d’accueil en salle de lecture, a été appelée en renfort pour encadrer l’afflux de visiteurs, qu’elle accompagne jusqu’à la salle du scanner. « C’est une démarche citoyenne et bénévole pour promouvoir notre institution », confie-t-elle. Une institution qui reste méconnue, certains pensant que son accès est réservé aux historiens ou autres chercheurs. « Il faut faire valoir notre mission de service public et dire aux citoyens que nous possédons des documents qui concernent tous les Français », appuie Isabelle Aristide. Constatant un vrai engouement, autant du public que des agents, elle parle de la numérisation de documents personnels comme d’« un mouvement qui prend de l’ampleur » au sein des Archives et table sur le renouvellement de ce genre d’opération à l’avenir. La « Grande Collecte » n’est donc qu’un début. Raphaël Moreaux
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SUR LE TERRAIN E-SERVICES PUBLICS
es universités françaises s’ouvrent enfin aux « MOOCs ». Les Massive Open Online Courses – ou « cours en ligne gratuits et ouverts à tous » – font déjà fureur aux États-Unis ou en Suisse et Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, compte bien rattraper le retard pris par l’Hexagone. Pour ce projet qui lui tient à cœur et qui a été récompensé par le prix de la Performance publique (lire pages 88 à 93), elle a lancé en octobre la plate-forme France Université numérique (FUN) et a invité les établissements à y diffuser leurs cours à partir de janvier. L’objectif ? « Développer des méthodes pédagogiques adaptées à la génération numérique et remédier aux échecs des étudiants en premier cycle », explique la ministre, mais aussi « favoriser la formation tout au long de la vie » et « démocratiser l’enseignement supérieur », même si les MOOCs ne permettent pas encore l’obtention d’un diplôme. Zoom sur trois universités qui se sont lancées, au pas de charge, dans l’expérimentation.
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NICOLAS TAVERNIER/RÉA
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Raphaël Moreaux
Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a lancé France Université numérique le 2 octobre dernier.
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Cas pratique
Les universités de Paris-Ouest, Bordeaux et Montpellier se lancent dans la production de cours en ligne gratuits et ouverts à tous (MOOCs). Un challenge technique, mais surtout organisationnel.
3 UNIVERSITÉS FACE AU DÉFI DES COURS GRATUITS EN LIGNE
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Paris « au stade du bricolage » Avec plus de 2 000 étudiants qui suivent un enseignement à distance dans pas moins de 8 licences, l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense a l’habitude de diffuser des contenus pédagogiques en ligne et s’est naturellement investie dans la mise en place de deux MOOCs sur la plate-forme FUN. « Un moyen de donner plus de visibilité à notre institution, de diffuser largement la culture et la francophonie et d’attirer des étudiants vers les sciences humaines », explique Baptiste Bondu, directeur de cabinet du président de la faculté, Jean-François Balaudé. Les limites du projet ? « La reconnaissance du travail des enseignants » pour lesquels un geste du ministère de l’Enseignement supérieur serait plus que bienvenu, et « le manque d’interaction avec l’apprenant », ajoute Baptiste Bondu, précisant en être encore au « stade du bricolage » sur les MOOCs. « Nous avons décidé de faire les choses modestement, en privilégiant d’abord le fond », confirme Jean-François Lê Vàn, chef du service numérique. Car l’un des principaux obstacles a bien été le manque de temps. Les équipes ont découvert le projet en septembre pour boucler une première vidéo de teasing à l’occasion du lancement de la plate-forme FUN par Geneviève Fioraso en octobre. « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation », regrette Jean-François Lê Vàn, qui estime qu’il aurait été plus simple de « monter sur les épaules de nos confrères nord-américains, très avancés sur le sujet, pour en tirer les leçons ». D’autant que si les MOOCs ouvrent de nouvelles perspectives pédagogiques, ils relèvent aussi en partie d’un « effet de mode ».
Baptiste Bondu,
DR
directeur de cabinet du président de la faculté, Jean-François Balaudé
Université ParisOuest NanterreLa Défense MOOC : « La Première Guerre mondiale expliquée à travers ses archives » et « Philosophie et modes de vie ; de Socrate à Pierre Hadot et Michel Foucault » Période de cours : du 13 janvier au 18 avril Public : tous publics pour différents niveaux d’investissement possibles, notamment dans la perspective d’une formation continue
-SERVICES PUBLICS
SUR LE TERRAIN I E
123
Cas pratique
2 Université Montpellier-II MOOC : « Ville durable : être acteur du changement »
Montpellier espère voir évoluer le modèle Côté numérique, l’université Montpellier-II n’en est pas à sa première expérience. L’établissement, qui a lancé sa propre WebTV en 2011, a déjà produit plus de 1 000 vidéos pour compléter la formation de ses étudiants en amphithéâtre. « C’est ce qu’on appelle du présentiel enrichi, éclaire David Cassagne, vice-président de l’établissement, délégué au numérique. Nous avions donc déjà un studio d’enregistrement et une équipe technique pour mettre en place un MOOC. » Sur le principe de l’appel à projets, trois propositions des enseignants ont été retenues, dont le cours « Ville durable : être acteur du changement », qui démarrera sur la plate-forme FUN le 14 janvier. Avec l’appui de l’ingénierie technique, l’équipe pédagogique a produit 6 vidéos hebdomadaires de 7 minutes, complétées par des exercices. « Le travail réalisé est envoyé à trois autres apprenants avec une grille d’évaluation et une correction type », explique David Cassagne. Un système d’autoévaluation rendu nécessaire compte tenu de la gratuité des cours, même si un tiers du temps d’enseignement des professeurs a été dégagé pour reconnaître leur investissement dans le projet. « Nous sommes encore à l’état d’expérimentation et le modèle sera amené à évoluer », reconnaît le vice-président délégué, qui insiste sur la nécessité d’être « dans l’action pour suivre la marche du numérique ». Pour lui, l’un des grands enjeux des MOOCs est d’abord la mise en place d’« enseignements hybrides » pour éviter le « cloisonnement des outils et des savoirs ».
Période de cours : du 14 janvier au 25 février Public : étudiants, salariés, demandeurs d’emploi, citoyens en recherche d’informations
David Cassagne, vice-président de l’université Montpellier-III délégué au numérique
DR
56 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
3 UNIVERSITÉS FACE AU DÉFI DES COURS GRATUITS EN LIGNE
Université Michelde-Montaigne Bordeaux-III
MOOC : « Comprendre le transmédia storytelling » Période de cours : du 13 janvier au 21 février Public : étudiants, professionnels de l’audiovisuel, de la culture, ou des institutions, curieux et passionnés
L’université Michel-de-Montaigne Bordeaux-III travaille depuis plusieurs années en partenariat avec l’Université numérique d’Aquitaine pour développer des plates-formes d’enseignement et la formation à distance. Faire partie des pionniers du MOOC en France était donc logique pour Nicolas Labarre, vice-président chargé du e-learning, qui se dit « prêt à y passer quelques nuits blanches ». Car pour l’instant, ses équipes progressent au jour le jour. « Nous sommes au stade du prototype », explique-t-il à propos du cours gratuit en ligne « Comprendre le transmédia storytelling », diffusé à partir du 13 janvier sur la plate-forme FUN du ministère de l’Enseignement supérieur. Une expérimentation qui nécessite tout de même des forces vives. « Une personne a été recrutée à temps plein pour trois mois afin de mettre en ligne les ressources, faire un travail de veille et d’accompagnement », indique-t-il. Côté professeurs et intervenants, « on paye quelques heures à chacun mais ça reste symbolique compte tenu du travail effectif », qu’il estime à 40 heures pour 4 heures de vidéos. Pour Nicolas Labarre, la question du modèle économique reste le « principal obstacle ». Si le principe du MOOC peut servir la reconnaissance de l’institution sur le long terme et constitue un bon levier pour introduire les usages du numérique, « l’université n’a pas vocation à délivrer des formations de manière gratuite », juge-t-il. Le suivi du projet repose pour l’instant sur la motivation des équipes pédagogiques. « Une fois l’enthousiasme retombé, la question de la pérennité du modèle sera clairement posée », lance-t-il comme un avertissement. DR
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Nuits blanches en vue à Bordeaux
Nicolas Labarre, vice-président chargé du e-learning
SUR LE TERRAIN I INTERNATIONAL ANNE DORTE RIGGELSEN dans son bureau de l’ambassade du Danemark à Paris
« Décentraliser pour faire reculer le chômage » Anne Dorte Riggelsen, ambassadrice du Danemark à Paris, détaille les effets de la décentralisation des politiques sociales danoises, qui a provoqué un fort recul du chômage. Un exemple à suivre ?
Vous avez réinventé votre fonction publique dans les années 1990 et au début des années 2000 en supprimant le statut des fonctionnaires. Une réforme d’envergure mise en œuvre sereinement… Nous sommes peut-être un peuple serein dans notre ADN… Mais cela ne veut pas dire que tout a été facile. Nous avons assoupli le statut des fonctionnaires de manière radicale au point qu’il n’y a aujourd’hui pas beaucoup de différences entre un fonctionnaire local ou de l’État et un salarié du privé. Cela a permis de faire travailler les agents publics de manière plus dynamique. C’est cela notre révolution à la danoise.
Acteurs publics TV
Retrouver l’entretien en vidéo sur www.acteurspublics.com.
58 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Au Danemark, les négociations collectives sont organisées par secteurs professionnels. Comment parvenez-vous à faire travailler ensemble acteurs publics et privés ? Nous avons une tradition forte au Danemark : la représentation syndicale est très élevée. Plus de 70 % des salariés et des agents publics sont syndiqués, un taux qui n’est pas en train de baisser. C’est peu notre marque. Cela nous permet de faire évoluer notre modèle de société plus facilement. Le fait d’avoir des interlocuteurs suffisamment forts, dans le secteur privé comme dans le public, contribue à éviter les confrontations et les logiques antagonistes. Nous essayons de créer un vrai dialogue. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s’est déplacé au Danemark à l’automne dernier et avant lui notre ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, en mars 2013. Quels conseils votre gouvernement leur a-t-il donnés en matière de gestion publique ? Chez nous aussi, nous rencontrons des problèmes, nous ne sommes pas un modèle ! Et puis il est plus facile de changer les choses au Danemark, un petit pays relativement homogène. S’il y a peut-être un conseil que je peux donner, c’est d’avoir un peu plus confiance les uns en les autres. Travailler davantage ensemble, ne pas créer différents courants. C’est-à-dire ne pas être dans le rapport de force ? Exactement ! Propos recueillis par Sylvain Henry
VINCENT BAILLAIS
Pourquoi le Danemark a-t-il décidé, voilà quelques années, de décentraliser ses politiques sociales ? Notre modèle de « flex-sécurité » n’a pas été suffisamment fort pour contrer la montée du chômage des jeunes quand, dans les années 2007-2008, la crise a frappé le Danemark. Il nous fallait créer un nouveau modèle pour suivre les jeunes sans emploi. Nous avons alors décentralisé aux communes toutes les politiques publiques relatives à l’éducation et au suivi des demandeurs d’emploi. Ce sont elles et non plus l’État qui mènent aujourd’hui l’accompagnement social des jeunes au plus près de leurs démarches. Cela a produit un effet incroyable avec un fort recul du chômage.
INTER VIEW
La démarche de décentralisation « à la danoise » a été saluée par un International Public Administration Award, remis en décembre à Anne Dorte Riggelsen à l’occasion de la cérémonie des Victoires des Acteurs publics (lire pages 44-45).
DES DIRECTEURS EN CDD « La distinction entre fonctionnaires et salariés est une particularité française qui ne fait pas sens au Danemark ni dans les autres pays scandinaves », estime Jean-Claude Barbier, directeur de recherche au centre d’économie de la Sorbonne. Le statut est réservé aux postes les plus élevés et pour des durées souvent limitées. Un directeur d’administration est ainsi nommé pour trois ou quatre ans. Les agents publics peuvent par ailleurs être licenciés mais ils sont mieux « couverts » par des services de l’emploi très efficaces. Pour en savoir plus, lire la tribune de Jean-Claude Barbier sur le modèle danois sur www.acteurspublics.com
LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
RENCONTRE
ÉCHANGE D’EXPÉRIENCE
Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
En toute indépendance, acteurs et observateurs de premier niveau y débattent du contenu et des effets de l’action publique.
RETROUVEZ LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE sur club.acteurspublics.com
LES MEMBRES DU CLUB
ACTION Véritable laboratoire où s’analysent les initiatives d’aujourd’hui et les stratégies de demain, le Club est une base pour l’action.
VOTRE CONTACT : BASTIEN BRUNIS AU 01 46 29 29 24 BBRUNIS@ACTEURSPUBLICS.COM
RENCONTRE AVEC
VINCENT BAILLAIS
Vincent Mazauric
Vincent Mazauric secrétaire général du ministère de l’Écologie, a accueilli les membres du Club des acteurs de la performance publique le 15 novembre à la Défense.
Le secrétaire général du ministère de l’Écologie, Vincent Mazauric, a la main sur un grand nombre de politiques publiques qui impactent la vie quotidienne des Français, telles que l’eau, les transports ou l’énergie.
Le ministère de l’Écologie n’est pas épargné par la chasse aux économies. Son budget 2014 est en baisse de près de 7 %, soit le double des autres ministères, et ses effectifs vont décroître fortement pour concourir à la stabilisation de la masse salariale de l’État. Plus de 500 emplois seront ainsi supprimés, notamment au sein des opérateurs du ministère. Une situation que le secrétaire général du ministère, Vincent Mazauric, a détaillée le 15 novembre devant les membres du Club des acteurs de la performance publique. L’occasion de préciser cette « réduction de voilure » lors d’une rencontre conviviale
LE PROCHAIN RENDEZ-VOUS DU CLUB
organisée au 14e étage de la tour de la Défense dans laquelle est basée l’administration centrale du ministère. COPRODUCTION Près de 35 000 agents répartis sur tout le territoire, 7 milliards d’euros de budget, une centaine d’opérateurs : c’est ce que « pèse » le ministère, qui a la particularité d’avoir un secrétariat général commun avec le ministère de l’Égalité des territoires. Cela conduit le secrétaire général à jouer la carte de la « coproduction » sur de nombreuses politiques publiques : eau, énergie, transport, logement, etc.
Des champs d’action variés qui ont trait à « ce qui fait la vie quotidienne des Français », comme le relève cet administrateur civil très expérimenté. Un défi alors que la contrainte budgétaire n’a peut-être jamais été aussi forte. Les réorganisations internes au ministère, qui touchent au cœur des missions des ingénieurs et des techniciens « maison », interviennent dans un contexte où les problématiques d’écologie et de développement durable sont par ailleurs très prégnantes. L’écotaxe et le débat sur la transition énergétique, deux dossiers sur la table du secrétariat général, sont là pour le rappeler.
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget
PDN/SIPA
VINCENT BAILLAIS
LE « MINISTÈRE DU QUOTIDIEN »
Le Club des Acteurs de la performance publique reçoit, le 14 janvier, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, qui détaillera à cette occasion les grands défis budgétaires du gouvernement, notamment ceux touchant à la dépense publique et à la réforme de l’État.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 61
LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES Quelles actions pour un développement durable des territoires ? Quels modèles ? Quelles perspectives et quelles solutions pour l’avenir ? Pour l’imaginer et en débattre, Acteurs publics a créé le Club des acteurs des Territoires durables. Pour toute information sur le Club des territoires durables et ses activités, contactez Bastien Brunis au 01 46 29 29 24 ou par e-mail : bbrunis@acteurspublics.com
INÉGALITÉS TERRITORIALES : POUR UN RENOUVEAU DE LA POLITIQUE NATIONALE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Pour réduire les inégalités territoriales, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en appelle à une politique nationale d’aménagement du territoire revisitée. L’avis présenté le 13 novembre par Paul de Viguerie au nom de la section de l’aménagement durable des territoires propose pour ce faire les éléments d’une feuille de route. Un territoire peut être en difficulté dans un domaine mais en situation favorable sur d’autres. Les inégalités sectorielles varient selon la « maille » retenue, elles se réduisent à l’échelle régionale et départementale mais peuvent croître dans un même territoire, notamment entre les quartiers d’une même ville. Le caractère cumulatif des inégalités complique leur correction. C’est pourquoi le CESE appelle au renouveau d’une politique nationale d’aménagement du territoire. Un diagnostic territorial global régulier et concerté doit être établi aux divers niveaux de collectivités pour faire apparaître forces, difficultés et cumuls d’inégalités. Les politiques publiques de l’État doivent être infléchies pour promouvoir la déconcentration en redonnant une véritable capacité d’initiative aux préfets de région pour promouvoir la simplification des normes, l’expérimentation, la fongibilité des crédits d’État. FINANCEMENTS SANCTUARISÉS Très haut débit, optimisation des infrastructures existantes, développement des modes et projets les plus économes, intermodalité et complémentarité doivent constituer les principes directeurs de toutes les politiques publiques. Le financement des investissements publics comme celui des services publics locaux doivent être sanctuarisés sur le moyen terme. Le CESE propose d’ajuster les politiques publiques au choix stratégique d’une « France en réseau ». Cela repose sur une densification et le soutien à une économie de proximité diversifiée sur l’ensemble du territoire. De tels choix supposent d’amplifier les péréquations verticales et horizontales, de restaurer une certaine autonomie fiscale pour les collectivités et de flécher une part des concours de l’État vers les investissements territoriaux. Enfin, le CESE appelle à l’organisation d’un comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) pour préparer une loi-cadre et de programmation sur l’égalité des territoires sanctuarisant la politique nationale d’aménagement du territoire.
Paul de Viguerie, ALAIN JULIEN/AFP
rapporteur de l’avis du Conseil économique, social et environnemental « La réduction des inégalités territoriales : quelle politique nationale d’aménagement du territoire ? »
paul.deviguerie@lecese.fr 62 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
RENCONTRE AVEC
VINCENT BAILLAIS
Cécile Duflot
REPENSER LES SERVICES PUBLICS DANS LES TERRITOIRES Figure incontournable de la scène politique française, la médiatique ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, a détaillé, devant les membres du Club des territoires durables le 18 novembre dernier, quelquesuns des nombreux dossiers qu’elle pilote. Le temps d’un déjeuner organisé dans le salon Eiffel du palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Cécile Duflot, l’une des deux ministres écologistes du gouvernement, a esquissé l’avenir des services publics dans les territoires, l’enjeu de la décentralisation et l’impact de son projet de loi pour
l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), actuellement en discussion au Parlement. Ce texte phare prévoit notamment d’encadrer les loyers, de lutter contre l’habitat indigne, de refondre les règles d’urbanisme en transférant à l’échelon intercommunal la conception des plans locaux d’urbanisme et de mettre en place une garantie universelle des loyers. Pour faire avancer ces propositions nouvelles, Cécile Duflot a multiplié les rencontres avec tous les acteurs concernés : professionnels du secteur, élus locaux, associations… Une concertation qu’elle juge essentielle. Chaque semaine ou presque,
VINCENT BAILLAIS
Cécile Duflot a détaillé ses projets de ministre de l’Égalité des territoires et du Logement devant les membres du Club des territoires durables, réunis au palais d’Iéna.
la ministre se déplace dans une région française sur le thème de l’égalité des territoires. L’occasion de montrer toute l’importance qu’elle accorde au maintien des services publics locaux et à l’action des agents des services déconcentrés de l’État. Cécile Duflot est ainsi à la manœuvre pour promouvoir les maisons de services au public via un fonds dédié qui devrait être instauré dans le second projet de loi de décentralisation, présenté dans les prochains mois. Un dossier sensible pour la ministre, alors que la contrainte budgétaire amène aujourd’hui à redessiner l’action publique dans les territoires.
Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, a rencontré les membres du Club le 18 novembre.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 63
CHAQUE JOUR LA
FRANCE
DES POUVOIRS
SUR TOUS VOS ÉCRANS
ACTEURSPUBLICS.COM UB BLIC CS.COM M 64 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
VINCENT BAILLAIS
66
> JEAN-PIERRE WEISS
68
ALTERNANCE À LA DIRECTION DU BUDGET
L’INGÉNIEURE DE L’APRÈS-LOUVOIS
71
DR
72
69
DR
Une patronne à la PJ
UN AMBASSADEUR PART
DANS LE CONSEIL
CREATIVE COMMONS / C.KINOO
Rubrique réalisée par Pierre Laberrondo
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Nomination symbolique à l’AMF
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L’ÉTAT-MAJOR DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES MINISTÈRES SOCIAUX #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 65
LA FRANCE DES POUVOIRS RENCONTRE AVEC
VINCENT BAILLAIS
JEAN-PIERRE WEISS 66 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
iscret et affable, il reçoit dans son lumineux bureau tout en haut d’un immeuble de la rue du Château-des-Rentiers où est installé l’établissement public du palais de justice de Paris. À la tête depuis six ans de cet opérateur chargé de piloter le projet de construction du futur tribunal de grande instance, Jean-Pierre Weiss, 65 ans, espère bien mener à son terme ce projet d’envergure avant de prendre sa retraite. Livraison prévue dans trois ans. Depuis quelques mois, ce polytechnicien est également mobilisé par une toute autre mission que lui a confiée Matignon : imaginer l’après-Réate, du nom de la réforme de l’administration territoriale de l’État initiée en 2010 par le gouvernement Fillon et vilipendée dès l’origine par des syndicats.
D
LE DÉMINEUR DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT TERRITORIAL C’est sur l’expertise de Jean-Pierre Weiss que le gouvernement s’appuie pour poursuivre la très sensible réforme des services déconcentrés de l’État. Un polytechnicien rompu aux arcanes de l’administration.
Depuis son retour au pouvoir, la gauche tente de reprendre la main sur ce dossier politiquement et socialement explosif tant il a abouti à réorganiser au pas de charge les missions et le quotidien des agents. « Seuls les bébés mouillés aiment le changement ! » relativise le haut fonctionnaire. Mais il reconnaît que la réforme n’a pas vraiment pris le temps de la concertation alors même qu’elle a bouleversé l’identité professionnelle des agents en fusionnant leurs services et en repensant leurs interventions. « La Réate n’a pas suffisamment pris soin de faire évoluer ou de préserver les repères de cette identité », analyse Jean-Pierre Weiss. Sans compter les rivalités et autres guerres de territoire que la réforme pourrait, à l’écouter, permettre de dépasser. Alors, l’ancien directeur du personnel de l’équipement, auréolé du statut de missionnaire, a pris son
Directeur du patrimoine au ministère de la Culture
Directeur de Matra Transport
Directeur du cabinet du secrétaire d’État au Logement Louis Besson
1983
1986
1997
bâton de pèlerin pour partir à la rencontre de tous les interlocuteurs du dossier et proposer des scenarii d’évolution. D’abord en duo avec le préfet Jean-Marc Rebière, puis en solo, à l’automne, le temps d’une réflexion sur les engagements de service public. L’occasion pour Jean-Pierre Weiss de mobiliser tout l’éventail de ses compétences, acquises après plus de quarante ans de carrière, pour l’essentiel dans le public. Une seule fois, ce natif de Strasbourg a cédé à l’appel du privé. C’était en 1986, après avoir démissionné de son poste de directeur du patrimoine rue de Valois à la suite d’un désaccord avec le ministre de la Culture Jack Lang, qui avait laissé s’implanter la grande roue dans le jardin des Tuileries. Celui qui a inspiré les célèbres Journées du patrimoine rejoint alors l’empire Matra, au sein duquel il gravit durant six ans les marches jusqu’à devenir P.-D.G. de Matra Transport. Euroméditerranée La suite colle davantage aux standards de la haute fonction publique, soumise au pas cadencé des alternances politiques. Juste avant celle de 1993, Jack Lang le rappelle et lui confie un poste de directeur au ministère de l’Enseignement supérieur. Après le retour de la droite au pouvoir, Jean-Pierre Weiss est limogé et nommé à la tête de la mission de programmation Euroméditerranée, à Marseille. Une structure que le gouvernement Balladur met en place pour impulser le dynamisme économique de la ville… et contrecarrer l’influence grandissante de Bernard Tapie dans la cité phocéenne. La politique n’est jamais loin. En 1997, c’est le gouvernement Jospin qui fait appel à lui pour diriger le cabinet du secrétaire d’État au Logement Louis Besson. Trois ans plus tard, il devient directeur du personnel des services et de la modernisation au ministère de l’Équipement. « J’ai eu la chance d’être nommé directeur d’administration centrale dans trois ministères distincts. J’ai appris à diriger des administrations aux cultures différentes », analyse Jean-Pierre Weiss, qui n’a pas encore pensé précisément à sa retraite. Il faut dire qu’avant cela, ce pianiste amateur a du pain sur la planche. Pierre Laberrondo
Directeur du personnel, des services et de la modernisation au ministère de l’Équipement
Directeur général de l’établissement public du palais de justice de Paris
Missionné sur la réforme des services déconcentrés de l’État.
2000
2007
2013
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 67
LA FRANCE DES POUVOIRS BANQUES
Conseiller technique au cabinet de Jean-Marc Ayrault à Matignon, Stéphane Athanase prend la direction de l’Agence de mutualisation des universités et établissements.
Ex-directrice adjointe du cabinet de François Fillon à Matignon, MarieAnne Barbat-Layani part diriger la Fédération bancaire française.
Marie-Christine Dokhelar amorce un nouveau virage et se voit nommée préfète du Cher. Cette haute fonctionnaire a présidé la chambre régionale des comptes de Franche-Comté de 2009 à 2012. Cette normalienne, agrégée de physiologie-biochimie, a débuté dans la recherche comme attachée de recherche au CNRS en 1982. Post-doctoral fellow à la Harvard Medical School, à Boston, entre 1986 et 1988, elle est chargée de recherche au CNRS en 1988. Directrice de recherches en génétique moléculaire au CNRS, à l’Institut Cochin, en 1993, elle officie comme conseillère auprès du directeur de la recherche au ministère de la Recherche (1999-2000). Mise à la disposition de la Cour des comptes en qualité de rapporteure en 2001, Marie-Christine Dokhelar est nommée au tour extérieur conseillère référendaire. Rue Cambon, elle a eu la responsabilité du secteur « Dispositifs de cohésion sociale » de la 5e chambre en 2008. 68 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
AGRICULTURE Conseillère de Stéphane Le Foll au ministère de l’Agriculture, Hélène de Comarmond a été promue au tour extérieur inspectrice générale de l’agriculture.
UNE FEMME VA DIRIGER LA POLICE JUDICIAIRE Le gouvernement Ayrault a nommé
Commissaire depuis 1975, Mireille
Mireille Ballestrazzi au poste de directrice
Ballestrazzi est l’une des premières femmes
centrale de la police judiciaire (DCPJ).
ayant exercé de hautes responsabilités
C’est la seconde fois dans son histoire
dans la police en France. Spécialiste
que la DCPJ est dirigée par une femme.
de la police judiciaire, elle a dirigé des
Martine Monteil avait été nommée à ce
services prestigieux. Elle a notamment
poste en 2004 par le ministre de l’Intérieur
été à la tête d’un groupe de répression du
de l’époque, Dominique de Villepin. Le
banditisme à Bordeaux (1978), puis elle a
poste est très sensible : forte de plus de
dirigé la police judiciaire en Corse durant
5 000 hommes et femmes, la DCPJ regroupe
l’une des périodes les plus agitées de l’île
les 9 services centraux en charge du crime
(1993) et a commandé le service de la PJ
organisé, des affaires financières défrayant
française en charge de la répression de la
la chronique ou de la lutte contre le trafic
délinquance économique et financière.
international de stupéfiants. Âgée de 59 ans,
Mireille Ballestrazzi s’est rendue célèbre
Mireille Ballestrazzi,
jusqu’au Japon, en 1987,
déjà numéro 2 de la PJ
alors qu’elle était à la
depuis 2010, succède
tête de l’Office central
ainsi à son supérieur,
pour la répression des
Christian
vols d’œuvres et objets
Lothion,
61 ans, qui a fait valoir
d’art
ses droits à la retraite.
qui dépend aussi de la
Mireille
Ballestrazzi
DCPJ. Elle avait en effet
préside aussi Interpol
retrouvé dans ce pays
depuis son élection,
quatre tableaux de Jean-
le 8 novembre 2012 à Rome. Elle devenait
DR
Une préfète au parcours éclectique
X. REMONGIN/MIN.AGRI.FR
UNIVERSITÉS DR
ILS BOUGENT
MALENFER
NOMINATIONS
(OCRVOOA),
Baptiste Corot dérobés peu avant à Semur-en-
ainsi la première femme à présider cette
Auxois (Côte-d’Or). En 1990, elle avait
organisation internationale de coopération
aussi restitué 9 toiles impressionnistes, dont
policière. Auparavant, cette hiérarque de la
le fameux Monet Impression soleil levant,
police française était déjà vice-présidente
toutes volées au musée Marmottan, à Paris,
pour l’Europe du comité exécutif d’Interpol.
et retrouvées en Corse.
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
DIPLOMATIE
DÉFENSE
ENVIRONNEMENT
L’ex-procureur général près la Cour de cassation JeanLouis Nadal sera le premier président de la nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Ambassadeur de France au Niger, Christophe Bouchard prend la tête de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire au Quai d’Orsay.
La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense a été confiée à Philippe Navelot.
Directrice générale adjointe des services au conseil général de Seine-Saint-Denis, Marie-Christine Premartin rejoint l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) au poste de directrice exécutive des programmes.
L
DR
DÉONTOLOGIE
e ministre de la Défense, Jean-
de septembre 2004, Caroline Gervais
Yves Le Drian, a chargé la
dirige le bureau « Politique des
direction générale de l’armement
systèmes d’information » à la sous-
(DGA)
nouveau
direction « Système d’information » de
système qui succédera au logiciel
de
penser
le
la direction de la qualité et du progrès
de paie des militaires Louvois, aux
de la DGA. Cette haute fonctionnaire
innombrables dysfonctionnements.
devient, en janvier 2006, cheffe de la
Le DGA, Laurent Collet-Billon, a
mission des systèmes d’information
donc nommé une directrice de
d’administration et de gestion
programme, Caroline Gervais, une
(MSIAG)
ingénieure générale de l’armement,
général pour l’administration (SGA),
qui « officiera en tandem avec un officier
avant d’être promue, en 2010,
auprès
du
DR
de programme, expert fonctionnel de haut
sous-directrice de la maîtrise des
niveau de la DRH-MD, dont le rôle sera de
applications à la direction générale
faire le lien avec les futurs utilisateurs »,
des systèmes d’information et de
a annoncé le ministre. Caroline
communication (DGSIC).
Gervais, polytechnicienne, également
Directrice
formée sur les bancs de Sup’aéro
de management des opérations
Toulouse, est une hiérarque de la
aéronautiques à partir de septembre
DGA. Elle y officié en décembre 2003
2011, plus particulièrement en
comme adjointe au sous-directeur
charge des opérations relatives aux
des
systèmes
Le « VRP » du savoir-faire militaire
secrétaire
L’INGÉNIEURE DE L’APRÈSLOUVOIS adjointe
de
l’unité
d’information,
avions de ravitaillement, de transport
responsable de l’élaboration des
et d’entraînement, Caroline Gervais
schémas directeurs de l’informatique
est, depuis octobre 2012, directrice
scientifique et technique de la DGA et
de l’unité de management des
du ministère de la Défense. À partir
opérations hélicoptères.
ACTEURSPUBLICS.COM
L’État vient de placer un proche du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, à la tête de la société Défense Conseil International (DCI) : Jean-Michel Palagos. DCI, dont l’État détient 49,9 %, culturellement proche du ministère de la Défense, propose au profit des pays étrangers des prestations de services externalisés dans le conseil et l’assistance sur la totalité du cycle de vie des programmes d’armement. Contrôleur général des armées, Jean-Michel Palagos était le directeur adjoint du cabinet civil et militaire de Jean-Yves Le Drian depuis son arrivée au ministère, en mai 2012. Quinze ans plus tôt, JeanMichel Palagos servait déjà un autre ministre socialiste de la Défense, Alain Richard, avec le titre de conseiller pour la fonction militaire (19972000) et parallèlement de directeur adjoint du cabinet du secrétaire d’État à la Défense, chargé des Anciens Combattants, Jean-Pierre Masseret (1999-2000). Placé à la tête de la direction des ressources humaines
du ministère à sa sortie du cabinet, en 2005, il y reste cinq ans, avant de revenir au Contrôle général des armées. En 2007, il avait quitté le ministère de la Défense et créé Codeac, un cabinet de conseil en organisation, stratégie et conduite du changement. Cabinet qu’il a piloté jusqu’à l’alternance. Auparavant, Jean-Michel Palagos, diplômé de l’institut d’études politiques de Paris, a effectué une première carrière militaire comme officier dans l’infanterie. Avant de réussir le concours du Contrôle général des armées en 1992 et de prendre rapidement les fonctions de directeur adjoint et directeur des études du Centre des hautes études de l’armement (CHEAR).
DR
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 69
LA FRANCE DES POUVOIRS NOMINATIONS
DR
INSTITUTIONS
PRÉFECTURES
Ancienne dirigeante de la CFDT, Laurence Laigo quitte son poste de conseillère de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, et se voit chargée d’une mission relative à « l’innovation sociale, au bénéfice du renouvellement des pratiques et de la culture managériales » dans les services de Matignon.
Le conseiller d’État Yves Gounin a été nommé délégué aux relations internationales, au sein de la section du rapport et des études du Palais-Royal.
Jean-Pierre Sivignon, responsable de la mission interministérielle d’appui à la politique automobile de l’État, devient adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales de la Haute-Normandie.
D. HENRI-SIMON
ILS BOUGENT
MATIGNON
Vacant depuis le mois d’août, le poste de secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD) a été attribué à Pierre N’Gahane, qui était préfet des Ardennes depuis presque trois ans. Il succède à Raphaël Le Méhauté, nommé cet été secrétaire général du comité interministériel des villes, préfigurateur délégué DR
du Commissariat général à l’égalité des territoires. Présidé par le Premier ministre ou,
Le coordonnateur de la prévention de la délinquance
par délégation, par le ministre de l’Intérieur, le CIPD fixe les orientations de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance et veille à leur mise en œuvre. Il coordonne l’action des ministères et l’utilisation des moyens budgétaires dédiés à la politique de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes. Docteur en sciences de gestion, Pierre N’Gahane a réalisé une large partie de sa carrière dans l’enseignement avant d’intégrer le corps des préfets. Ce haut fonctionnaire a ainsi officié comme préfet délégué pour l’égalité des chances auprès du préfet de la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur, puis comme préfet des Alpes-de-Haute-Provence. Auparavant, cet ancien élève de l’université catholique de Lille a été le doyen (1995-2005) et aussi le vice-président (2003-2007) de la faculté libre des sciences économiques et de gestion.
JULIEN DUBERTRET EXFILTRÉ À L’INSPECTION DES FINANCES À la différence de Philippe Josse, auquel il
carrière dans la haute fonction publique et
Banque européenne pour la reconstruction
avait succédé en mai 2011, Julien Dubertret,
vient d’ailleurs d’être nommé, en septembre,
et le développement (Berd) comme chargé
le directeur du budget, écarté de son poste en
à seulement 40 ans, ambassadeur de France
de mission, en 1996. De retour à la direction
Conseil des ministres fin novembre, n’ira pas au
à Singapour. Julien Dubertret, qui appartient
du budget en 1999, il dirige successivement
Conseil d’État, mais restera à Bercy. Le ministre
au corps des administrateurs civils depuis sa
le bureau « Aménagement du territoire,
de l’Économie, Pierre Moscovici, lui a offert une
sortie de la promotion Condorcet de l’ENA,
équipement et logement, urbanisme », puis le
porte de sortie dans le grand corps de la maison :
en 1992, avait conseillé François Fillon à
bureau « Politiques budgétaires, synthèses et
l’inspection générale des Finances (IGF).
Matignon de 2007 à 2011 sur le budget, la
procédures ». Il est ensuite promu sous-directeur,
Un corps dont est déjà membre son frère
réforme de l’État et la fonction publique, avant
responsable de la politique budgétaire et de son
Benjamin, lequel mène aussi une brillante
d’être promu directeur du budget à Bercy.
exécution à cette direction (2003-2007).
Ce haut fonctionnaire de 47 ans a débuté en 1992 à cette direction avant de travailler à la
70 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
EXPERTISE
SOCIAL
Conseiller au cabinet de Bernard Cazeneuve à Bercy, Grégory Cazalet vient de rejoindre le ministère de l’Éducation nationale pour devenir sous-directeur en charge de l’expertise statutaire, de la masse salariale et du plafond d’emplois.
Isabelle Massin a été promue présidente de la 1re section (droit, logement et société) au Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Directrice du cabinet de la ministre de la Lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti, Christine Laconde prend la direction générale du Samu social de Paris.
Le « M. Risque » du SGDN
DR
Evence Richard se voit nommé directeur de la protection et de la sécurité de l’État au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Ce haut fonctionnaire était, depuis l’alternance de 2012, préfet en mission sur le nouveau traitement des données personnelles des passagers (Passenger Name Record, ou PNR). Evence Richard, âgé de 53 ans, avait dirigé le cabinet de Philippe Richert en 2011-2012. Il a notamment collaboré avec Jean-Louis Debré à la présidence de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007, d’abord comme conseiller chargé de la sécurité, des questions intérieures, de la décentralisation, de la défense et de la réforme de l’État (2002-2005), avant d’être promu directeur de cabinet (2005-2007). Il avait déjà brièvement conseillé ce proche de Jacques Chirac au ministère de l’Intérieur en 1995. Entre 2007 et 2011, Evence Richard a occupé des postes de préfet : de la Meuse (2007-2009), puis des Landes (2009-2011). Auparavant, il a débuté sa carrière dans la préfectorale.
A
Il devient ainsi, à sa sortie de l’ENA, en 1989, directeur de cabinet du préfet de l’Aisne, René Vial (1989-1990), puis directeur de cabinet du préfet de la région BasseNormandie, Joël Thoraval puis Michel Besse (1990-1992). Il est ensuite nommé secrétaire général de la préfecture de l’Aube (1992-1994). À partir de 1994, il conseille pendant trois ans le directeur général de la police nationale. Secrétaire général de la préfecture d’Eure-et-Loir en 1998, Evence Richard regagne en 2001 et pour un an l’administration centrale du ministère de l’Intérieur comme sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la direction générale des collectivités locales. Avant de diriger le cabinet de Jean-Louis Debré.
ACTEURSPUBLICS.COM
mbassadeur de France au
avant de rejoindre l’état-major des
Burkina Faso de 2010 à août
armées comme chef du centre de
dernier, le général de corps d’armée
planification et de conduite des
Emmanuel Beth, 61 ans, part dans le
opérations (CPCO) en 2004. Deux ans
privé et se voit recruté par le cabinet
plus tard, Emmanuel Beth part au
ESL & Network – présidé par l’élu PS
ministère des Affaires étrangères,
Alexandre Medvedowsky et fondé il
successivement comme directeur de
y a vingt-cinq ans par Patrice Allain-
la coopération militaire et de défense
Dupré et Henri Martre – comme
(2006-2009), puis comme directeur
associé senior pour développer ses
de la coopération de sécurité et de
activités en Afrique.
défense (2009-2010).
UN AMBASSADEUR PART DANS LE CONSEIL Emmanuel Beth connaît bien ce
Auparavant, ce saint-cyrien a
continent et y a mené durant sa
officié comme commandant de la
carrière des missions à Djibouti,
13e demi-brigade de Légion étrangère
au Tchad et en Côte-d’Ivoire. Ce
à Djibouti en 1994, avant de diriger
haut gradé a aussi officié comme
la section « Études » à l’inspection de
adjoint « terre » au chef du cabinet
l’infanterie en 1996. Il officie ensuite
militaire du Premier ministre, Lionel
comme chef du service « Session
Jospin puis Jean-Pierre Raffarin,
nationale » à la direction des études,
entre 2000 et 2002. Commandant
de la prospective et des formations
de la 11 brigade parachutiste à
centralisées à l’Institut des hautes
Toulouse en 2002, il est premier
études de la défense nationale (1999-
commandant des forces françaises
2000).
e
de l’opération Licorne en République de Côte-d’Ivoire en 2002-2003,
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 71
DR
ÉDUCATION
Ex directeur de la doctrine d’emploi des forces à l’étatmajor des armées, le général de division Olivier Tramond rejoint le contrôle général des armées.
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DÉFENSE
LA FRANCE DES POUVOIRS DÉFENSE
RECHERCHE
ÉNERGIE
Ancien ambassadeur au Sénégal, Nicolas Normand a pris le poste de directeur adjoint, directeur des activités internationales à l’Institut des hautes études de défense nationale.
Réintégrée au Conseil d’État en septembre dernier après avoir officié au sein du cabinet d’avocats Landwell, Bettina Laville devient par ailleurs directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques.
Le gouvernement a confié le poste de médiateur national de l’énergie à l’ancien député PS des Côtesd’Armor Jean Gaubert, par ailleurs candidat aux municipales à Dinan.
CREATIVE COMMONS / CHARLES KINOO
Un militant de la contre-finance nommé à l’AMF
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ILS BOUGENT
DR
NOMINATIONS
Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a désigné un dirigeant de l’organisation non gouvernementale Finance Watch, Thierry Philipponnat, pour siéger au collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le principal organe de décision et l’autorité de poursuite de l’AMF. Elle comprend 16 membres. Cet ancien trader était le secrétaire général de Finance Watch, ONG spécialisée dans la régulation de la finance. Il a auparavant successivement travaillé à la Banque française du commerce extérieur comme exploitant bancaire, en 1985, à O’Connor & Associates comme opérateur sur les marchés d’options et d’obligations convertibles (1986-1990), à Exane Paris comme associé fondateur et responsable de l’activité « produits structurés » (19901994), à UBS comme directeur exécutif en charge des dérivés d’actions et des produits liés aux actions (1994-1997), à BNP Paribas comme responsable adjoint de la structuration de l’activité « equity financing » (2001-2004) et à Euronext.liffe comme responsable groupe de l’activité « produits dérivés sur actions » (2004-2006). À partir de 2006, il a participé avec Amnesty International à différentes campagnes et à des actions de lobbying. De décembre 2010 à juin 2011, Thierry Philipponnat a géré le montage du projet Finance Watch dont il a été nommé secrétaire général le 30 juin 2011.
LA GAUCHE PLACE SON HOMME AU BUDGET Haut fonctionnaire habitué de Bercy et rompu
ministre délégué au Budget dans le gouvernement
avant de rejoindre Martine Aubry au ministère
aux cabinets ministériels depuis les années
de Michel Rocard puis dans celui d’Édith
de l’Emploi, comme directeur de cabinet.
1990, Denis Morin, 57 ans, obtient le poste de
Cresson, jusqu’à devenir son directeur adjoint
Denis Morin a ensuite été promu à la Cour des
directeur du budget. Cet énarque qui dirigeait
de cabinet en 1992. Alors que la gauche entre
comptes, qu’il a quittée pour y revenir jusqu’en
le cabinet de Marisol Touraine au ministère des
dans l’opposition en 1993, Denis Morin continue
2012. De 2009 à 2011, il a dirigé l’agence
Affaires sociales depuis janvier 2013 a commencé
de travailler à la direction du budget jusqu’en
régionale de santé de Rhône-Alpes. Au retour
sa carrière à Bercy, comme administrateur civil à
1997, année où il devient directeur adjoint du
de la gauche au pouvoir, en 2012, il a brièvement
la direction du budget, il y a trente ans.
cabinet de Dominique Strauss-Kahn, ministre de
officié au poste de secrétaire général des
Il entre pour la première fois en cabinet en 1989,
l’Économie de Lionel Jospin, puis directeur de
ministères chargés des Affaires sociales.
comme conseiller technique de Michel Charasse,
cabinet du secrétaire d’État au Budget Christian Sautter. À l’arrivée de Laurent Fabius à Bercy en 2000, il reste brièvement conseiller technique
72 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
DANSE
COMPTES
CULTURE
La conseillère d’État Odile Piérart, jusqu’alors présidente de la cour administrative d’appel de Nancy, est la nouvelle cheffe de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives.
Énarque extérieure au milieu de la danse, jugée autoritaire et manquant d’élan artistique, Monique Barbaroux a été remplacée par la chorégraphe Mathilde Monnier à la tête du Centre national de la danse.
Le secrétaire général de la Cour des comptes, Gérard Terrien, prend la présidence de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France.
La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a promu son conseiller social, Daniel Guérin, inspecteur général des affaires culturelles.
UNE STATISTICIENNE POUR LA BOÎTE À IDÉES DE MATIGNON
DR
INSPECTION
L
ACTEURSPUBLICS.COM
e poste de commissaire général adjoint
sociales » du cabinet. Elle a été la secrétaire
à la stratégie et à la prospective
générale adjointe du Conseil d’orientation
à Matignon échoit à une conseillère
des retraites de 2008 à 2012.
de Marisol Touraine, ministre des
Selma Mahfouz a débuté comme écono-
Affaires sociales et de la Santé, Selma
miste à l’Institut national de la statistique
Mahfouz. Cette X-Ensae de 45 ans
et des études économiques (Insee) en 1993.
obtient ainsi son premier poste de
Économiste au Fonds monétaire interna-
directrice d’administration et épaulera le
tional de 1997 à 2002, elle dirige ensuite le
commissaire général, l’économiste Jean
bureau « Prévisions France » à la direction
Pisani-Ferry, en place depuis avril dernier.
de la prévision à Bercy en 2002. Elle est
Selma Mahfouz avait rejoint l’équipe
ensuite promue sous-directrice « politiques
de Marisol Touraine en juin 2012 pour
sociales et emploi » à la direction générale
coordonner le pôle « Retraites et affaires
du Trésor, toujours à Bercy (2005-2008).
Jérôme Filippini, magistrat de la Cour des comptes, fait son entrée dans l’état-major de cette institution pour y prendre le poste de secrétaire général. Il attendait une affectation depuis son départ du très sensible secrétariat général de la modernisation de l’action publique (SGMAP), qu’il a piloté onze mois durant. En septembre dernier, il avait été remercié par Matignon qui l’avait remplacé par le « trésorien » Julien Rencki, jusqu’alors conseiller de Jean-Marc Ayrault rue de Varenne. Avec cette nomination au poste de secrétaire général
de la Cour des comptes, Jérôme Filippini, 45 ans, effectue son retour rue Cambon, où il a débuté comme auditeur en 1996, à sa sortie de la promotion Victor Schoelcher de l’ENA. Il connaît bien le secrétariat général pour en avoir été le numéro deux de 1999 à 2001, sous la présidence de Pierre Joxe. De 2007 à 2009, ce magistrat a aussi officié comme avocat général à la Cour. Jérôme Filippini a également occupé de nombreux postes dans l’administration centrale. Après une mobilité dans la préfectorale comme secrétaire
général de la préfecture du Tarn-et-Garonne (2001-2003), il devient chargé de mission pour l’administration auprès du directeur de la logistique à la préfecture de police de Paris (PP) en 2003. Promu sous-directeur de l’administration et de la modernisation à la direction de la logistique, toujours à la PP, il devient sous-directeur de l’organisation et du fonctionnement des services déconcentrés à la direction de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice, en 2006. Promu directeur des systèmes d’information et de commu-
VINCENT BAILLAIS
Retour à la Cour des comptes
nication place Beauvau en 2009, Jérôme Filippini entre, en janvier 2011, dans l’équipe de Serge Lasvignes au secrétariat général du gouvernement (SGG) à Matignon comme directeur, adjoint au secrétaire général et simultané-
ment directeur interministériel des systèmes d’information et de communication de l’État (2011-2012). Après la réorganisation des services de la réforme de l’État par le gouvernement Ayrault, il est porté à la tête du SGMAP.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 73
LA FRANCE DES POUVOIRS ÉTAT-MAJOR
PIERRE-LOUIS BRAS, INSPECTEUR GÉNÉRAL DES AFFAIRES SOCIALES
PIERRE-LOUIS BRAS, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Il a été appelé en août 2013 pour occuper le poste stratégique de secrétaire général. Ancien directeur de la Sécurité sociale passé par de nombreux cabinets ministériels, il a pour bras droit Pierre Ricordeau, également inspecteur général des affaires sociales, qui a pris le poste nouvellement créé de secrétaire général adjoint en octobre dernier. Ensemble, ils ont la haute main sur l’ensemble des fonctions supports qu’ils pilotent en lien avec les quatre directeurs d’administration centrale : Joël Blondel, le directeur des ressources humaines, François Carayon, le directeur des finances, Nicolas Tisso, le directeur des systèmes d’information, et Catherine Guyot d’Asnières de Salins, la directrice des affaires juridiques.
PHANIE/AFP
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Le secrétariat général des ministères sociaux
PHOTOS : DR – VALÉRIE JACOB – DICOM/PRM/SIPA
Le ministère des Affaires sociales et de la Santé intervient sur des politiques publiques liées à la santé, la famille, la dépendance ou les sports. À la manœuvre, des hauts fonctionnaires regroupés autour du secrétaire général.
NICOLAS TISSO, DIRECTEUR DES SYSTÈMES D’INFORMATION
CATHERINE GUYOT D’ASNIÈRES DE SALINS, DIRECTRICE DES AFFAIRES JURIDIQUES
74 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
PIERRE RICORDEAU, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT
JOËL BLONDEL, DIRECTEUR DES RESSOURCES HUMAINES
FRANÇOIS CARAYON, DIRECTEUR DES FINANCES, DES ACHATS ET DES SERVICES
COMMUNIQUÉ
Les politiques publiques dÊcryptÊes en un seul volume Tous les candidats prÊparant des concours de la fonction publique sont dÊsormais interrogÊs, à l’Êcrit ou à l’oral, sur les politiques publiques. De nouvelles Êpreuves sont apparues dans les concours de recrutement des attachÊs, comme une composition sur la place des pouvoirs publics et leur rôle dans les grands domaines d’intervention publique. Les traditionnelles Êpreuves de culture gÊnÊrale ou de note de synthèse s’orientent de plus en plus en ce sens.
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ComposÊ de 33  dossiers , il balaie un champ large : institutions HW RXWLOV GH O¡DFWLRQ publique (rÊforme de O¡eWDW FKRL[ ÀVFDX[ politiques sectorielles (Êducation, dÊfense, retraites, protection de O¡HQYLURQQHPHQW HWF ou transversales (lutte contre la pauvretÊ, JHVWLRQ GHV ÀQDQFHV SXEOLTXHV ÀQDOLWpV HW YDOHXUV GH O¡DFWLRQ publique (dÊmocratie sociale, lutte contre OHV GLVFULPLQDWLRQV Il fait aussi une place aux relations DYHF O¡(XURSH et à la politique internationale de la )UDQFH
L’objectif est pÊdagogique : donner au lecteur les clÊs pour comprendre, de manière synthÊtique et simple mais en Êvitant tout VFKpPDWLVPH &KDTXH dossier contient une prÊsentation de la politique concernÊe – avec si nÊcessaire une perspective historique –, de ses acteurs, des mesures prises (dont les SOXV UpFHQWHV GHV FKLIIUHV VLJQLÀFDWLIV EUHI GH O¡HVVHQWLHO des connaissances à possÊder avec, souvent, des comparaisons LQWHUQDWLRQDOHV
L’ouvrage comporte de multiples encadrÊs, illustrations, tableaux et graphiques et, pour ceux qui veulent aller plus loin, de courtes bibliographies indiquent les rÊfÊrences des quelques ouvrages RX UDSSRUWV HVVHQWLHOV $X ÀQDO XQ RXYUDJH très riche, à la fois sÊrieux et critique, qui reste cependant accessible à un large SXEOLF
EMPLOI PUBLIC INFLUENCE
76 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
PHOTOS : JÉRÉMY BARANDE/EP – LCHAM/MEIGNEUX/SIPA
Les « X » ne veulent pas DÉSERTER
la haute administration Chaque année moins nombreux dans les grands corps de l’État, les polytechniciens maintiennent leur influence en cabinets ministériels et en administration centrale. ’influence des polytechniciens dans les sphères de la très haute fonction publique serait-elle en péril ? Hier incontournables dans les directions des administrations centrales et aux commandes de nombreux services opérationnels de l’État dans les territoires, ces ingénieurs brillants cèdent peu à peu du terrain. La preuve en chiffres : 68 places ont été ouvertes aux « X » de la promotion 2010 dans les grands corps de l’État – sur 400 élèves français par promo. Contre 98 places en 2006, 120 places en 1996, 155 places en 1982… Ces « corpsards » sortis dans la botte – le haut du classement – continuent de choisir le corps des ingénieurs des Mines, celui des ingénieurs des Ponts, des eaux et des forêts ou celui des ingénieurs de l’armement. Mais leurs troupes sont en recul constant. « Les places dans les grands corps sont en décroissance relativement rapide », reconnaît Jacques Biot, président de l’École polytechnique depuis l’été 2013, qui pointe la réorganisation de l’administration de territoriale de l’État, la Réate. En fusionnant au pas de charge les services et en supprimant des postes de direction, la Réate a mécaniquement fait reculer la place des ingénieurs et des polytechniciens dans les services déconcentrés. Mais l’État n’a pas attendu cette réforme
L Créée en 1794, l’École polytechnique forme les cadres supérieurs du secteur privé comme du public. Les X sont nombreux en cabinets ministériels et au sein des directions d’administrations centrales.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 77
EMPLOI PUBLIC I INFLUENCE
menée sous la Présidence de Nicolas Sarkozy pour abandonner peu à peu, dès les années 1980, certaines grandes missions d’ingénierie publique. « Les services déconcentrés traversent une mutation profonde, acquiesce Laurent Billès-Garabédian, président de l’association des anciens élèves de Polytechnique. Elle impacte particulièrement le corps des Ponts, des eaux et des forêts. Par ailleurs, les postes de direction départementale s’ouvrent aujourd’hui à des profils autres que celui des polytechniciens. »
7 polytechniciens au cabinet de Jean-Marc Ayrault
BARANDE JÉRÉMY /EP.
« POLYTECHNIQUE DOIT ACCOMPAGNER LA MUTATION ET LA MODERNISATION DE L’ÉTAT. » Jacques Biot, président de l’école
78 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
JÉRÉMY BARANDE/EP
Un phénomène qui devrait se poursuivre dans les années à venir. « L’alternance politique de 2012 n’a rien changé, estime Laurent Janvier, secrétaire général du Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l’État et des collectivités territoriales (Snitpect-FO). Le recul de l’État dans les territoires risque même de s’accélérer. » Ainsi, l’État abandonnera en 2014 et 2015 aux collectivités deux missions techniques : l’application du droit des sols (ADS) et l’assistance technique pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat). La reprise par les collectivités de cette expertise technique, souvent tant bien que mal, ne s’accompagne pas d’un départ des X vers le bloc communal, les départements ou les régions. « Si l’attractivité de la territoriale est réel pour les ingénieurs, les polytechniciens sont encore peu nombreux à basculer dans les collectivités », observe Thierry Dallard, président de l’Union des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (Ipef). Ils ne sont aujourd’hui que quelques dizaines, principalement du corps des Ipef, à exercer en collectivités où les projets d’aménagement sont de moindre envergure en comparaison de ceux qu’ils pilotaient en services déconcentrés. Boutés hors des territoires, les X se replient dans les ministères. Très peu nombreux en territoriale, quasi inexistants dans l’hospitalière, les quelque 2 500 polytechniciens exerçant dans la fonction publique sur les 11 000 aujourd’hui en activité – une estimation de l’association des anciens élèves – œuvrent principalement au sein des ministères de la Défense, de l’Écologie, du Logement, de l’Agriculture ou à Bercy, au Trésor notamment.
PRMOTION 2010
Ils sont nombreux aussi à travailler au sein des opérateurs de l’État et restent très présents, bien que moins nombreux que les énarques, dans les cabinets ministériels : 7 polytechniciens exerçaient fin 2013 dans la garde rapprochée de Jean-Marc Ayrault, 4 au cabinet du ministre de l’Écologie, Philippe Martin, 3 au cabinet du ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, 2 au cabinet du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, contre un seul X au cabinet de la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot. « Les polytechniciens sont nombreux à travailler en cabinet ministériel parce que leur expertise technique est indispensable », juge le président de l’école, Jacques Biot. « L’État est aujourd’hui davantage stratège qu’exécutant en matière d’ingénierie publique, analyse Éric Huber, polytechnicien et conseiller technique en cabinet ministériel. Ce qui impose une compétence technique et scientifique pour organiser le système. » « Les polytechniciens disposent d’une culture complémentaire de celle des administrateurs civils », prolonge l’X JeanPhilippe d’Issernio, directeur départemental des territoires du Bas-Rhin, ancien conseiller des ex-ministres du Budget François Baroin et Valérie Pécresse. Car les énarques, eux, ne savent pas forcément contrôler la bonne avancée d’un projet public confié au secteur privé. Et les partenariats public-privé, paraît-il, n’avancent pas toujours dans les clous techniques et budgétaires… Les X savent par ailleurs faire jouer leurs réseaux. « Les polytechniciens entretiennent leur influence, confie un conseiller
L’expertise scientifique et technique des polytechniciens est requise pour piloter les grands projets d’ingénierie publique.
LES X SORTIS DANS LES GRANDS CORPS DE L’ÉTAT
68 places PROMOTION 2010
98 places PROMOTION 2006
120 places en cabinet ministériel. Nous diffusons les postes bientôt disponibles et nous soutenons les élèves fraîchement diplômés. » Un réseautage propre aux diplômés de toutes les grandes écoles. Les polytechniciens serrent donc les rangs pour maintenir leurs positions. Mais beaucoup ont le blues, particulièrement les quinquagénaires. « Le recul de l’État sur les missions des ingénieurs est une donnée de base pour les jeunes polytechniciens, estime le président des anciens, Laurent Billès-Garabédian. Ils savent en sortant de l’école que les perspectives sont plus limitées qu’auparavant et se lancent en connaissance de cause dans le secteur public. C’est en revanche beaucoup plus compliqué pour ceux qui vivent ce recul depuis vingt ou trente ans. »
« Ne pas abandonner le terrain » Certains de ceux-là se sentent désœuvrés. « J’ai choisi de faire carrière dans l’administration parce que je voulais servir l’intérêt général, confie le président d’un opérateur de l’État à quelques mois de la retraite. Les choses ont changé : la haute fonction publique s’est politisée. Nos élus prennent leurs décisions en fonction de la prochaine élection alors que l’ingénierie suppose une vision sur le long terme. » À l’écouter, les experts scientifiques expérimentés du secteur public seraient marginalisés par des cabinets ministériels déconnectés de leur administration. « À chaque élection, l’exécutif promet de réduire les effectifs des cabinets, insiste-t-il. Mais l’alternance de 2012 n’a rien
modifié en la matière. » Sur la touche, certains X n’auraient d’autre choix que de se tourner vers le privé pour rebondir professionnellement. Sans doute y a-t-il beaucoup de vrai dans ce constat désabusé. « Certes, la situation est difficile pour les polytechniciens, mais il ne faut pas non plus se flageller, nuance Laurent BillèsGarabédian. Nous ne devons pas abandonner le terrain. L’école doit évoluer pour apporter de la science, de la technique et du rationnel dans le management public. Battons-nous pour développer le langage scientifique dans le secteur public ! » Cette opération reconquête devrait s’appuyer, dit-il, sur une mutualisation des pratiques entre public et privé en favorisant les passerelles aujourd’hui peu fréquentées. Car il est rare de voir les X partis vers le privé revenir dans le public, sauf pour occuper les postes les plus enviés. « Ces passerelles sont profitables au monde de l’entreprise comme à la sphère publique », confirme le président de l’école, Jacques Biot, qui relativise la désaffection supposée des X pour la haute administration : « Nos élèves sont très enthousiastes à l’idée d’entrer dans les grands corps de l’État. » Et d’ajouter : « L’État s’est énormément modernisé ces dernières années et l’école doit accompagner cette mutation. » Plutôt que de la subir, les jeunes polytechniciens entendent contribuer à la modernisation de l’État. À la manœuvre pendant les Trente glorieuses, fragilisés depuis vingt ans, les voilà donc sur le pied de guerre. Leur opération reconquête est lancée. Sylvain Henry
PROMOTION 1996
137 places PROMOTION 1987
155 places PROMOTION 1982
OÙ SONT LES POLYTECHNICIENS…
2 500 DANS LE SECTEUR PUBLIC
11 000 EN ACTIVITÉ Sources : École polytechnique et association des anciens élèves
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 79
EMPLOI PUBLIC I INFLUENCE
INTER VIEW JACQUES GOUNON
DR
« Il existe une suspicion à l’endroit des polytechniciens ayant exercé dans le privé »
Président d’Eurotunnel, polytechnicien, Jacques Gounon a auparavant dirigé le cabinet d’Anne-Marie Idrac au secrétariat d’État aux Transports. Pensez-vous que les polytechniciens ont aujourd’hui moins de perspectives professionnelles dans la haute fonction publique ? La gestion de la sphère publique est désormais clairement aux mains des énarques, mais les polytechniciens gardent toute leur place en admin i s t ra t i o n c e n t ra l e et dans les cabinets ministériels. Ils sont en capacité d’évaluer immédiatement une situation et de faire des synthèses rapides sur des sujets complexes. De par leurs compétences techniques et scientifiques, ils représentent une grande « valeur ajoutée » pour les ministres. Leur repli relatif dans la sphère publique s’explique en partie par le recul de l’État dans ses missions d’ingénierie publique. N’est-il pas plus intéressant pour un jeune diplômé de partir vers le privé ? Le profil des polytechniciens est très attractif pour les grandes entreprises tournées vers
l’international. Le privé peut leur apporter des conditions – salaire, parcours professionnel – plus intéressantes, mais cela ne devrait p a s e m p ê ch e r l e u r retour dans le public. Il n’y a pas assez de hauts fonctionnaires en poste qui soient passés par le privé. Les passerelles public- privé restent limitées… Et c’est regrettable ! Au-delà d’éventuelles questions statutaires qui peuvent compliquer ces mobilités, il existe une suspicion à l’endroit des polytechniciens et plus généralement des hauts fonctionnaires ayant exercé dans le privé, comme s’ils étaient sulfureux et qu’il fallait s’en méfier. C’est dans la culture française. Et c’est dommage, tant les allers et retours sont enrichissants pour tout le monde. Les polytechniciens veulent avant tout servir l’intérêt de leur pays et cela n’est pas le monopole du public. Propos recueillis par S. H.
VINCENT BAILLAIS
POLYTECHNIQUE au
cœur d’une enquête L’école d’ingénieurs fait l’objet d’une enquête parlementaire sur son fonctionnement et sa stratégie. Le président de « l’X », Jacques Biot, se dit « serein ». ’État ne sait pas ce qu’il veut faire de Polytechnique ! » C’est le constat sévère du député UMP François Cornut-Gentille. Pour « en savoir plus » sur la stratégie de l’école, il vient, en sa qualité de rapporteur spécial des programmes de la direction générale des armements (DGA) – tutelle de Polytechnique –, de demander au Parlement de diligenter une enquête de contrôle sur l’établissement. « Cet audit permettra d’évaluer la mise en place de la nouvelle gouvernance, détaille-t-il, et le suivi des recommandations de la Cour des comptes. » Un référé rendu public au printemps 2012 avait fait sensation, lorsque les sages de la Rue Cambon avaient pointé tout à la fois la gestion « pas satisfaisante » de l’école, l’accompagnement des personnels « trop laxiste » et des procédures de recrutement coûteuses. La Cour des comptes jugeait par ailleurs nécessaire de rétablir la « pantoufle » alors que les élèves de « l’X », sous statut militaire, sont rémunérés pendant leur scolarité. Ils perçoivent quelque 880 euros par mois et une aide mensuelle au
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logement de près de 300 euros, soit un coût total de 18 millions d’euros en 2009. En supprimant l’obligation de remboursement de la partie des frais de scolarité que les élèves intégrant le privé devaient à l’État, Polytechnique aurait créé, selon la Cour, une situation « indue » et « inéquitable ». Le sujet a rebondi à l’automne 2013, lorsque les députés ont réduit de 500 000 euros les crédits accordés à l’école lors de l’examen en première lecture du projet de budget de la défense pour 2014. « Les élèves sont de moins en moins nombreux à intégrer la fonction publique d’État en raison notamment de la facilité des conditions de rachats de la scolarité », soulignaient les auteurs de l’amendement, le socialiste Jean Launay et l’UMP François Cornut-Gentille. Les sénateurs ont fait machine arrière en relevant que l’école avait déjà décidé de généraliser l’obligation de remboursement des frais de scolarité pour les élèves ne respectant pas l’engagement décennal.
Développement à l’international « C’est un sujet qui avait été réglé par mes prédécesseurs, tranche Jacques Biot, président de Polytechnique depuis juillet 2013. Le conseil d’administration a approuvé en juin dernier les textes qui permettent la remise en place dès 2014 de la pantoufle. » La finalisation de la réforme a pris plusieurs mois, le temps de peaufiner un décret et deux arrêtés. « Cette polémique est intervenue à un mauvais moment puisque le rétablissement de la pantoufle était en préparation, observe Laurent Billès#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 81
EMPLOI PUBLIC I INFLUENCE
Les X
en cabinets ministériels ériels
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MATIGNON
3
ÉCOLOGIE BUDGET
2
ÉLYSÉE DÉFENSE
LE SALAIRE MOYEN D’UN X EN PREMIÈRE EMBAUCHE
ÉCONOMIE
1
PME/ ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
44 000 € BRUT
ÉGALITÉ DES TERRITOIRES
40 340 € BRUT
Garabédian, le président de l’association des anciens élèves. Elle est par ailleurs particulièrement injuste parce qu’elle laisse entendre que les jeunes diplômés partant vers le privé trahiraient la France. » Polytechnique, rappelle-t-il, forme les futures élites de la sphère publique comme du secteur privé.
François Cornut-Gentille, député UMP
82 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
DR
« IL FAUT QUE POLYTECHNIQUE ADOPTE UNE STRATÉGIE CLAIRE ET ASSUMÉE. »
« Je ne suis aucunement agressif ou discourtois à l’égard de cette grande école, se défend François Cornut-Gentille. L’audit parlementaire vise à mieux redéfinir le fonctionnement et les orientations de l’État. Faut-il maintenir la tutelle de la direction générale de l’armement alors que nombre d’élèves partent travailler dans le secteur bancaire ou financier ? Il faut que Polytechnique adopte une stratégie claire et assumée. » « Nous attendons avec beaucoup de sérénité tout contrôle qui pourrait être fait sur le fonctionnement de l’école », répond le président Jacques Biot. Ses projets, dit-il, sont nombreux : « L’un de nos grands défis, c’est de réussir la création de Paris-Saclay, dont nous sommes un membre fondateur [ce projet d’enseignement et de recherche mobilise une vingtaine d’établissements, ndlr]. Nous voulons par ailleurs multiplier les partenariats. » Notamment à l’international pour permettre à Polytechnique de gagner des places dans les classements mondiaux – elle figure actuellement en 298e position de celui de Shanghai. Telle est la stratégie claire et assumée du président de l’école… Sylvain Henry
EMPLOI PUBLIC INTERNATIONAL
Selon l’OCDE et son secrétaire général, Angel Gurría, le nombre de fonctionnaires a peu diminué dans les pays développés depuis dix ans.
LES CHIFFRES DE L’OCDE Source : étude « Government at a glance 2013 », OCDE
16 % DES ACTIFS DE L’OCDE SONT DES AGENTS PUBLICS
ERIC PIERMONT/AFP
26 % DES ACTIFS FRANÇAIS SONT DES AGENTS PUBLICS
DES AGENTS PUBLICS FRANÇAIS
trop centralisés Les pays développés déploient leurs fonctionnaires au plus près des besoins des territoires. Sauf la France… epuis le début des années 2000, la plupart des pays développés se sont engagés à réduire les effectifs de leurs agents publics, mais peu ont poursuivi cet effort dans la durée. Ce constat de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), formulé dans son récent rapport sur le fonctionnement des administrations publiques en 2013, s’explique en grande partie par une demande de services publics des citoyens qui, elle, ne diminue pas. « Il y a deux manières de réduire les effectifs sur le long terme, écrit l’Organisation. Dégager des gains de productivité, qui sont rarement quantifiables mais que l’on sait plutôt
D
modestes, et externaliser les services publics au privé. » Mais là encore, les gains possibles restent limités puisque l’État continue de financer un service mis en œuvre par le secteur privé. Entre 2001 et 2011, la proportion d’agents publics est restée stable dans les pays de l’OCDE, soit un peu moins de 16 % de l’ensemble des actifs. D’importants écarts entre les États se sont maintenus, avec le Danemark et la Norvège en haut du classement – 30 % d’employés exerçant dans la sphère publique – et la Corée du Sud, le Japon ou la Grèce fermant la marche – moins de 9 %.
Décentralisation accrue Si les attentes des usagers rendent difficile toute diminution durable du nombre des agents, elles n’empêchent pas les réorganisations. Tous les pays de l’OCDE, à l’exception de la Norvège, ont ainsi accentué à des degrés divers la décentralisation de leurs personnels. Aujourd’hui, la majorité des 34 États de l’OCDE dispose de davantage d’agents dans les collectivités ou les services déconcentrés (sub-central level) que dans les administrations centrales. Ce n’est pas le cas en France, où les personnels sont les plus nombreux en administrations centrales et où, par ailleurs, le taux d’agents couvrant le champ de la sécurité sociale est le plus important, très loin devant le Mexique et l’Allemagne. Lors de la présentation du rapport, le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, soulignait la nécessité d’un « solide leadership » en matière de politiques publiques, qui placerait les besoins des individus au centre du processus de leur fabrication. Cela suppose de répondre aux besoins au plus près des territoires. Un défi pour la France, le pays des agents centralisés. Sylvain Henry
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 83
EMPLOI PUBLIC RÉFORME
LA GUERRE D’INDÉPENDANCE,
des inspecteurs du travail
asse de l’inspection », « caporalisation du système », « le PS pactise avec les patrons »… L’intersyndicale CGT, FO, SNUTEFE-FSU, SUD et CNT sort l’artillerie lourde pour dénoncer la réforme du « ministère fort » que Michel Sapin espère voir validée par le Parlement avant la fin du premier trimestre 2014. La tension a monté de plusieurs crans en fin d’année après une manifestation des agents. C’est « une forme de corporatisme », a répondu le puissant ministre du Travail. Ambiance. Le texte, étudié en novembre en Conseil des ministres, prévoit une vaste réorganisation des sections de l’inspection du travail. La réforme apporte aux fonctionnaires davantage de pouvoirs en matière de sanctions administratives. À terme, les contrôleurs du travail – aujourd’hui 1 493 agents de catégorie B chargés du contrôle des entreprises de moins de 50 salariés – rejoindront progressivement les inspecteurs en catégorie A – 793 agents. « C’est une revendication que l’on n’osait même pas formuler », reconnaît Astrid Toussaint, représentante syndicale SUD et inspectrice du travail en Lorraine, qui y voit « une habile manœuvre ». « Seuls 15 % des contrôleurs sont concernés dans notre région. En parallèle, les ministères sociaux nous demandent de supprimer 13 postes en 2014. Derrière la communication du ministre, on passe l’inspection à la moulinette », estime-t-elle. Quant aux pouvoirs administratifs accrus, c’est-à-dire celui
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84 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
d’arrêter des travaux dangereux et d’appliquer des amendes aux entreprises sans passer par la voie judiciaire, ils sont qualifiés d’« escroquerie » par Gilles Gourc, représentant syndical de la Confédération nationale du travail (CNT) et contrôleur dans le Rhône. « Le pouvoir de sanction n’est pas donné aux inspecteurs, mais aux directions régionales [les Direccte, ndlr]. L’agent de contrôle sera encore plus assujetti aux décisions de sa hiérarchie », s’insurge-t-il.
Unités de contrôle Le corps unique et le renforcement des pouvoirs ? « Des carottes qu’on nous tend pour faire passer la pilule de la réorganisation qui signe la fin de notre indépendance », estime Gilles Gourc. Car le cœur de la réforme du ministère du Travail, c’est une petite révolution au niveau organisationnel, via le regroupement des sections de l’inspection en unités de contrôle départementales de 8 à 12 inspecteurs, placées sous l’autorité d’un responsable ou directeur d’unité de contrôle (RUC ou DUC). « Une volonté d’orienter et de formater nos actions, ce qui conduirait à éloigner l’inspection de la demande sociale, formulée par les salariés », grince François Stehly, représentant syndical SNUTEFE et inspecteur du travail dans le Bas-Rhin. Pour se défendre, les syndicats hostiles au projet brandissent la convention 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT),
XAVIER POPY/RÉA
La réforme de l’inspection lancée par Michel Sapin renforce les pouvoirs des agents en fusionnant les corps des contrôleurs et des inspecteurs. Au prix de leur indépendance, dénoncent certains syndicats.
Manifestation des inspecteurs du travail le 22 octobre 2013 Ă Paris.
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 85
« Le seul but de la réforme est de mieux organiser l’inspection pour qu’elle puisse répondre aux modifications des relations de travail en France. Cela passe par la réduction du nombre de priorités fixées, la mise en place de structures régionales et nationales en appui du niveau local qui restera le fondement du système, et des sanctions administratives renforcées. Il s’agit réellement de donner plus de pouvoirs à l’inspection, ce qui n’a jamais été fait à ce point. »
26 1 8 54 9
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86 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail
EN CHIFFRES
2 236 agents DE CONTRÔLE (contrôleurs en catégorie B et inspecteurs en catégorie A)
796 assistants AU CONTRÔLE (catégorie C)
1,8 million D’ÉTABLISSEMENTS soumis au contrôle
265 300 INTERVENTIONS en 2012
DR
EMPLOI PUBLIC I RÉFORME qui exige que les agents de l’inspection soient « indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ». « Une règle bafouée », selon Gérard Filoche, inspecteur du travail et militant CGT. « On va transformer les agents en petits exécutants, aux ordres de ducs et de duchesses qui finiront par davantage conseiller les patrons que faire respecter les lois républicaines dans l’entreprise », accuse-t-il. La très sensible question de l’indépendance fait d’ailleurs partie des trois points de vigilance relatifs à la réforme relevés par le Conseil national de l’inspection du travail (CNIT). « Il y a lieu de prévoir le cas où l’inspecteur aurait des objections sérieuses et légitimes à faire valoir à une intervention du RUC », indique-til dans un avis rendu en octobre dernier, ajoutant qu’il faudrait déterminer une « procédure d’arbitrage », notamment dans le cas où « des divergences d’appréciation se feraient jour ».
Querelles syndicales « Nous répondrons aux préoccupations du CNIT », promet JeanDenis Combrexelle, directeur général du travail. L’homme clé du ministère chargé de piloter la réforme assure à Acteurs publics qu’« il n’est pas question de remettre en cause d’une quelconque façon l’indépendance ». Au contraire, il s’agit plutôt d’un « acte de confiance fort du ministre vis-à-vis de l’inspection » qui répond au « principe d’adaptation du service public ». Face à un monde du travail en pleine mutation, organisé à l’échelle mondiale, « il faut mettre en place une organisation, des moyens et des pouvoirs à la hauteur de l’enjeu », martèle-t-il. Pour ce faire, la réforme prévoit aussi la création d’unités régionales et d’une cellule d’appui nationale. Une manière de répondre à « des sujets qui supposent un niveau plus élevé de coordination, comme le travail illégal ou la prestation de services internationale ». À ceux qui dénoncent la création d’échelons supplémentaires, Jean-Denis Combrexelle assure qu’« en aucun cas, ce que fera le niveau national ou régional n’enlèvera une compétence au local ». Si plusieurs organisations boycottent désormais les négociations, la CFDT et l’Unsa font figure d’exceptions. « Cette réforme est nécessaire. Nous arrivons au bout d’un système grippé qui n’atteint plus ses objectifs », analyse Niklas Vasseux, représentant CFDT et inspecteur du travail à Paris. Pour lui, « le seul objectif des opposants est de tacler le gouvernement en place avec des positions conservatrices et sclérosées ». S’appuyant sur l’obligation des fonctionnaires de rendre compte de leurs activités à l’administration, il ne craint pas le renforcement de la hiérarchie qu’il estime « brisée et apeurée à l’idée de froisser ses agents ». Loin des querelles syndicales, Arnauld Noury, maître de conférences en droit public, explique les craintes des opposants au projet par une « culture plutôt individualiste » heurtée par la réorganisation et le pouvoir de sanction conféré aux directions régionales, qui donne « l’impression d’une immixtion de la hiérarchie ». S’il reconnaît une « ambiguïté inhérente aux Direccte, du fait de leur position transversale », tiraillées qu’elles sont entre développement économique et monde du travail, l’universitaire assure que le renforcement des pouvoirs administratifs est un « mouvement fréquent dans le droit public », car potentiellement plus efficace que les longues procédures pénales exposées à des appels suspensifs. Reste à convaincre que le « ministère fort » voulu par Michel Sapin ne se réduira pas à une plus grande pression exercée sur les agents. Raphaël Moreaux
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VICTOIRES LES LAURÉATS
LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS
LES LAURÉATS
2013 SONT…. 88 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
Acteurs publics TV
La cérémonie des Victoires des acteurs publics 2013 s’est déroulée le 4 décembre à l’hôtel de Lassay, sous le haut patronage du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Un événement marqué par la remise des premiers International Public Administration Awards.
Vous pouvez revoir en intégralité la cérémonie des Victoires des acteurs publics sur le site.
outes celles et ceux qui font bouger l’action publique étaient réunis à l’hôtel de Lassay le 4 décembre, à l’occasion de la cérémonie des Victoires des acteurs publics. Lors de cette soirée retransmise en direct sur Acteurs publics TV, 9 Victoires dans les catégories État, Collectivités locales et Hôpitaux, un Grand Prix des lecteurs d’Acteurs publics, 2 prix spéciaux, 5 prix des communicants ont été remis. Le jury 2013, composé de la rédaction d’Acteurs publics, a également décerné, pour la première fois, 3 International Public Administration Awards récompensant des pays pour leurs bonnes pratiques dans la mise en œuvre de politiques publiques. Parmi les temps forts de la soirée : la remise du prix de la Performance publique à Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour la plate-forme France Université numérique, et celle du Grand Prix du communicant public 2013 au défenseur des droits, Dominique Baudis.
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#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 89
VICTOIRES I LES LAURÉATS
ÉTAT, COLLECTIVITÉS, HÔPITAUX, LE PALMARÈS 1 Sophie Dessus, députée-maire PS d’Uzerche (Corrèze), et Olivier Marleix, député UMP d’Eure-et-Loir 2 Romain Nadal (à gauche), directeur de la communication et porte-parole du ministère des Affaires étrangères, reçoit la Victoire du service des mains de Xavier Quérat-Hément, directeur de la qualité du groupe La Poste 3 Robert Vassoyan (à droite), directeur général de Cisco France, remet la Victoire de l’organisation à Fabienne Buccio, préfète de la Loire, et Bruno Feutrier, directeur départemental à la préfecture de la Loire. 4 Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, remet le Grand Prix des lecteurs à (de gauche à droite) Patrice
Camberou, procureur de la République près le TGI d’Angoulême, Céline Mugerli, directrice de greffe du TGI d’Angoulême, et Michaël Janas, président du TGI d’Angoulême. 5 De gauche à droite, autour de Bruno Janet, directeur des relations avec les collectivités locales groupe d’Orange, les lauréats des Victoires de l’innovation, Florence Barale, conseillère municipale de Nice, déléguée à l’innovation, Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, le professeur Philippe Robert, responsable du centre mémoire de ressources et de recherches du CHU de Nice, Jean-Michel Camu, directeur adjoint interrégional des services pénitentiaires Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes, et Sophie Dessus, députée-maire PS d’Uzerche.
90 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
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6 De gauche à droite, Thierry Varignon, directeur délégué du centre hospitalier de Paimpol, Brigitte Le Saulnier, adjointe à la santé à la ville de Paimpol, lauréats de la Victoire du service, et Xavier QuératHément, directeur de la qualité du groupe La Poste. 7 Erwane Monthubert, conseillère déléguée pour la mairie de Toulouse, et Philippe Mussi, conseiller régional de ProvenceAlpes-Côte d’Azur, tous deux représentants de l’association Open Data France, ont également reçu une Victoire du service. 8 Les lauréats des Victoires de l’organisation : de gauche à droite, Olivier de Brabois, directeur général des services du conseil général du Loir-et-Cher, Viviane Jehannet, vice-présidente du conseil général du
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Loiret, Bruno Feutrier, directeur départemental à la préfecture de la Loire, Fabienne Buccio, préfète de la Loire, Olivier Marleix, député UMP d’Eureet-Loir, Cristine Kiener, responsable du programme Gestion des lits de l’Anap, Christian Anastasy, directeur général de l’Anap, et Robert Vassoyan, directeur général de Cisco France.
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2
LE GRAND PRIX DES LECTEURS Tribunal de grande instance d’Angoulême
LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS
Promouvoir la justice
LES VICTOIRES DU SERVICE
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Fonction publique d’État Ministère des Affaires étrangères La diplomatie sur les réseaux sociaux
Fonction publique territoriale Association Open Data France L’ouverture des données publiques encouragée
Fonction publique hospitalière Centre hospitalier de Paimpol Un parcours de santé pour les patients
LES VICTOIRES DE L’INNOVATION 4
Fonction publique d’État Ministère de la Justice Un chantier d’insertion
Fonction publique territoriale Ville de Nice Le premier boulevard connecté 6
Fonction publique hospitalière CHU de Nice Un serious game pour les personnels
LES VICTOIRES DE L’ORGANISATION Fonction publique d’État Préfecture de la Loire Une plate-forme antipaperasse 8
Revoir l’émission sur
Fonction publique territoriale Conseils généraux d’Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher et du Loiret Des départements « en fusion » au Centre
Fonction publique hospitalière Agence nationale d’appui à la performance (Anap) Les nouveaux gestionnaires de lits #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 91
VICTOIRES I LES LAURÉATS
LES VICTOIRES DES ACTEURS PUBLICS
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LES LAURÉATS DES PRIX SPÉCIAUX 1 Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, remet à Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le prix de la Performance publique pour « France Université numérique ». 2 Le défenseur des droits, Dominique Baudis, Grand Prix du communicant public. 3 Marie-Danièle Boussières, directrice de la communication d’Arte, représentante de la présidente, Véronique Cayla, prix du communicant public État. 4 De gauche à droite, Takahisa Tsugawa, ministre conseiller à l’ambassade du Japon,
Alain Gaschen, ministre à l’ambassade de Suisse, et Anne Dorte Riggelsen, ambassadrice du Danemark, lauréats des premiers International Public Administration Awards. 5 Philippe Vasseur (à gauche), ancien ministre et président de la CCI de région Nord de France, s’est vu décerner le prix du communicant public territorial par Bernard Emsellem, président de l’association Communication publique. 6 Bernard Emsellem, président de Communication publique, remet le prix du communicant public santé-social au professeur Agnès
92 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
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Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer. 7 Jean-François Verger (à gauche), directeur « informatique télécoms » à la communauté d’agglomération Plaine centrale du Val-deMarne et à la ville de Créteil, reçoit le Prix spécial RH-Monster, remis par Gilles Cavallari, directeur général Europe du Sud et Belux de Monster. 8 Claire Lepage, cheffe de projet « relations publiques digitales » au ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, est la lauréate 2013 du prix du jeune communicant public.
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LE PRIX DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Des cours gratuits et ouverts à tous
LES PRIX DES COMMUNICANTS PUBLICS Le Grand Prix du communicant public Dominique Baudis, défenseur des droits Le prix du communicant public État Véronique Cayla, présidente d’Arte
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Le prix du communicant public territorial Philippe Vasseur, président de la CCI de région Nord de France
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Le prix du communicant public santé-social Pr Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer Prix du jeune communicant public Claire Lepage, cheffe de projet « relations publiques digitales », ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
LE PRIX SPÉCIAL RH-MONSTER La Plaine centrale, communauté d’agglomération du Val-de-Marne
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INTERNATIONAL PUBLIC ADMINISTRATION AWARDS Danemark Décentralisation des politiques sociales
Japon Dépendance et maîtrise des dépenses
Suisse 7
Le « big data » au service de l’intérêt général #102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 93
L’ACTUALITÉ EUROPÉENNE La nouvelle application mobile de la Fondation Robert-Schuman permet d’accéder en temps réel à toutes les décisions des instances européennes et tous les événements. Le think tank entend ainsi décrypter l’ensemble des enjeux européens alors que dans les prochains mois, seront renouvelées l’ensemble des institutions communes : Parlement, Conseil européen, Commission, service diplomatique… www.robert-schuman.eu
RESSOURCES Par Sylvain Henry
économiques, sociaux et environnementaux de demain.
29 et 30
Janvier 7
Santé
Organisateur : EHESP – Lieu : Rennes – Site : www.ehesp.fr
« Missions d’intérêt général et missions de service public des établissements de santé ». Tel est le thème de la conférence proposée par l’École des hautes études en santé publique, ouverte aux étudiants et à tous les acteurs du monde de la santé.
16 et 17 Entreprenariat
Organisateur : Commission européenne – Lieu : Strasbourg – Site : www.ec.europa.eu
La Commission européenne invite les entrepreneurs sociaux à « prendre la parole ». C’est le thème de cette rencontre à laquelle participeront décideurs politiques, entrepreneurs, investisseurs et citoyens. Ils tenteront d’esquisser les modèles
Gouvernance
Organisateur : Ideal – Lieu : Rennes – Site : www.carrefoureau.com
Faut-il une gouvernance régionalisée de l’eau ? Quelles coopérations entre les acteurs publics locaux ? Quels réseaux pour demain ? Comment gérer durablement la ressource ? Autant d’enjeux qui seront décryptés au Carrefour des gestions locales de l’eau, pendant lequel débattront professionnels, élus, militants associatifs…
Février 3 et 5 Europe
Organisateurs : ENA et Inet – Lieu : Strasbourg – Site : www. ena.fr
L’ENA organise les Rendez-vous européens de Strasbourg avec l’Institut national des études territoriales, la région Alsace, la communauté urbaine, l’IEP et l’université de Strasbourg.
+ d’événements sur acteurspublics.com 94 ACTEURS PUBLICS JANVIER 2014 #102
DÉFENSE Dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale, le ministère de la Défense a lancé un site qui présente les documents liés au conflit issus de ses archives. www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
CROISSANCE Pour mieux comprendre la croissance économique et appréhender le calcul du PIB, l’Insee a mis en ligne un quiz, une vidéo pédagogique et des données chiffrées. www.insee.fr
ÉDUCATION Pour lutter contre le harcèlement en milieu scolaire, le ministère de l’Éducation nationale a développé un plan de formation de ses personnels, accessible sur un nouveau site. www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr
LES « APPLIS » SANTÉ SE PORTENT BIEN À en croire une étude d’IMS Health, quelque 60 000 applications mobiles sont dédiées aux problématiques de santé en général. Parmi celles relevant plus précisément d’une démarche de bien-être, près de 69 % s’adressent aux patients – informations, conseils, interactions avec un médecin ou d’autres patients – et 31 % aux professionnels de la santé. Près de la moitié de ces applications sont payantes et téléchargeables pour moins de 4 euros.
Sénat La Haute Assemblée a mis en ligne, fin 2013, toutes ses données relatives aux travaux législatifs, aux amendements, aux comptes rendus et aux questions de sénateurs. La base « Dossiers législatifs » contient ainsi l’ensemble des questions posées par les sénateurs au gouvernement depuis 1978. Parmi elles, quelques interpellations savoureuses…
LE PANORAMA DES RÉGIONS DE L’OCDE Auteur : OCDE Nombre de pages : 198
Téléchargement : www.oecd.org, puis « OECD regions at a glance 2013 »
« Les autorités régionales, municipales et locales sont en première ligne pour construire une croissance économique plus équitable et plus durable. » Tel est le constat formulé par Angel Gurría, le secrétaire général de l’OCDE, lors de la présentation en décembre du cinquième rapport sur le développement économique des régions des pays développés – « OECD regions at a glance 2013 ». Dans ce très riche panorama, on constate que les écarts de PIB par habitant se creusent entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres dans les pays durement touchés par la crise. Et que les 10 % des territoires les plus dynamiques ont représenté 42 % de la progression du PIB entre 1995 et 2010. Pour lutter contre ces inégalités, l’Organisation juge essentielle une coordination renforcée de l’investissement public entre le niveau local et l’échelon national et le développement d’investissements mêlant secteurs public et privé. Aujourd’hui, pointe le rapport, l’endroit où l’on réside au sein d’un pays détermine son niveau de vie et ses perspectives professionnelles.
data.senat.fr
Financement Les ministères de l’Économie et de l’Écologie ouvrent jusqu’à mi-janvier une consultation publique en ligne sur le financement de la transition écologique. Il s’agit notamment de renouveler « le cadre intellectuel » des pratiques en matière de financement. www.consultationspubliques. developpementdurable.gouv.fr
Emplois
Titre : La fabrique politique des politiques publiques Auteur : Philippe Zittoun – Éditeur : Les Presses de Sciences-Po – Nombre de pages : 344 – Prix : 32 euros
LA « FABRIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES » SERAIT-ELLE UNE ACTIVITÉ POLITIQUE ?
Docteur en science politique, Philippe Zittoun décrypte l’activisme des gouvernements qui sans cesse dessinent des solutions nouvelles pour faire reculer le chômage, les inégalités sociales ou le réchauffement climatique. Et le chercheur de rentrer dans la tête des décideurs publics pour tenter de comprendre comment ils jugent, analysent, critiquent, suggèrent ou s’opposent sur les politiques publiques. Très instructif !
Le site de la Fédération nationale des centres de gestion et son application « Bourse de l’emploi » viennent d’être repensés. Ils offrent notamment un nouvel outil de recherche d’offres d’emploi et détaillent les conditions d’accès aux concours. www.fncdg.com
#102 JANVIER 2014 ACTEURS PUBLICS 95
Pages réalisées par la rédaction d’Acteurs publics
LIRE Auteurs : Philipppe Riutort et Pierre Leroux Éditeur : PUF Nombre de pages : 272 Prix : 19 €
Auteure : Christine Clerc Éditeur : NIL éditions Nombre de pages : 384 Prix : 21,50 €
Auteur : Alain Lambert Éditeur : Armand Colin Nombre de pages : 240 Prix : 19,90 €
DOUZE FEMMES À L’ASSAUT DU POUVOIR
LA POLITIQUE SUR UN PLATEAU
DÉFICITS PUBLICS, LA DÉMOCRATIE EN DANGER
Faisant elle-même partie des « pionnières » de la presse politique, Christine Clerc a mis tout son talent d’écrivain pour brosser le portrait de douze femmes à la conquête du pouvoir. Anne Hidalgo, Nathalie KosciuskoMorizet, Rachida Dati, Martine Aubry, Christiane Taubira, Cécile Duflot et les autres seront en première ligne dans les mois à venir. Et il ne leur a pas été facile de s’imposer… Ces conquérantes à la vie parfois chaotique n’ont pas d’autres choix que de se muer en combattantes. Le constat n’est pas original mais la démonstration est convaincante. L’heure des femmes politique a sonné.
Comme jadis les people, chanteurs, acteurs de cinéma, les politiques sont désormais devenus les « bons clients » des talk-shows. Le plateau du Grand Journal, le canapé de Michel Drucker ou le fauteuil d’On n’est pas couché, du trublion du PAF Laurent Ruquier, sont devenus en quelques années les lieux incontournables pour nombre de politiques qui ont bien compris que c’était le lieu où il faut être, pour apparaître branché et dans le coup. Quitte à brouiller les pistes entre la politique et le divertissement, comme le montre cette étude très fouillée.
L’état des comptes publics et l’addiction de la France à la dette imposent de trouver rapidement des solutions sous peine de voir s’effondrer les fondements de notre démocratie. La thèse est simple, et d’autant plus prégnante lorsqu’elle émane d’un ancien ministre du Budget, cofondateur de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Servi par une écriture claire, documentée et évitant l’écueil d’un langage trop technique, l’ouvrage d’Alain Lambert est un guide pratique sans concession, à mettre dans les mains des décideurs publics. Et dans celles de tous les citoyens responsables.
VOIR
« LUTTER… ICI ET MAINTENANT » Le 1er janvier à 9 heures
Devrons-nous cesser de consommer du poisson, sous peine de détruire les écosystèmes marins et d’encourager les pratiques esclavagistes de Le 7 janvier à 20 h 50 certaines entreprises ? Cette « Thema » d’Arte invite à se poser sérieusement la question. Soirée thématique Un premier documentaire se penche sur les Durée : 2 heures 10 conséquences désastreuses de la surpêche, un (2 documentaires suivis d’un débat) phénomène mondialisé face auquel les tentatives Présentateur : Thomas Kausch de régulation de l’Union européenne semblent bien insuffisantes. Le second film de la soirée laisse peu d’espoir : l’aquaculture, présentée comme une alternative, peut s’avérer tout aussi nocive pour l’environnement, voire pour la santé.
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SAGAMEDIA
« Adieu thon, bar, saumon ! »
Documentaire (2013) Durée : 1 heure Réalisateur : Philippe Roizès
Les actes politiques naissent parfois de rassemblements spontanés. Le MLF dans les années 1970, les mouvements de chômeurs dans les années 1980, les débordements étudiants, la mobilisation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes… Toutes ces actions ont en commun d’appartenir à ce que l’on appelle la mouvance autonome. Ce documentaire a pour ambition d’en tracer un portrait. Ou comment des citoyens « ordinaires » mus par un combat commun se dressent – parfois avec violence – contre une décision de l’État, rejettent une loi ou tentent d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur une cause.
ATELIERS LION ASSOCIÉS / PHOTO : ÉRIC LION
EXPO La Dorsale Est :
« faire ville » dans la métropole parisienne Territoire méconnu, la « dorsale est » s’étend de Marne-la-Vallée à Aulnay-sous-Bois, entre Seine-etMarne et Seine-Saint-Denis. Elle a pourtant son rôle à jouer dans la partition du Grand Paris. Une maquette de 90 m2 et des films invitent à la découvrir jusqu’au 13 janvier à la Cité de l’architecture et du patrimoine (palais de Chaillot, Paris 16e).
Auteur : Bruno Gaccio Éditeur : Les liens qui libèrent Nombre de pages : 128 Prix : 9,90 €
PETIT MANUEL DE SURVIE À L’INTENTION D’UN SOCIALISTE… L’humour noir « guignolesque » fonctionne à plein dans cet inventaire de vrais-faux conseils à destination de membres du Parti socialiste qui seraient amenés à se justifier auprès de toutes sortes de déçus du « hollandisme ». On peut l’apprécier plus ou moins. Mais que l’on ne s’y trompe pas, l’entreprise de Bruno Gaccio est sérieuse. L’ouvrage, paru quinze jours avant l’annonce par Pierre Larrouturou de la création de son parti Nouvelle Donne, ouvertement concurrent du PS, défend point par point le programme de l’économiste dissident, que l’ex-plume des Guignols de l’info a rallié.
COUP DE CŒUR LIRE
Auteur : Édouard Balladur Éditeur : Fayard Nombre de pages : 345 Prix : 22 €
ÉCOUTER « Le jour du poilu » REPORTAGE Durée : 13 minutes 29 Reporter : Olivier Morel À podcaster sur www.arteradio.com, rubrique « Reportages »
C’était le 11 novembre 2004. Comme tous les ans, à date fixe, Ferdinand Gilson était à l’honneur dans son village du Loiret, Les Choux. Fanfare, chorale d’enfants, préfet en uniforme… Présence médiatique oblige, l’ancien poilu était invité à égrener ses souvenirs de la Grande Guerre. D’une étonnante vivacité pour ses 106 ans, l’homme ne se fit pas prier. Entre chansons de soldats et culpabilité du survivant – « J’ai eu beaucoup de chance… » –, c’était comme si la longue vie de Ferdinand Gilson se résumait à ses 20 ans, célébrés peu avant l’armistice. Le tout dernier poilu français s’est éteint en 2008, deux ans après le héros des Choux.
La Tragédie du pouvoir Georges Pompidou a-t-il gouverné la France jusqu’au bout en 1974 malgré la maladie de Waldenström, ou ses proches l’ont-ils suppléé ? Quarante ans après, son secrétaire général de l’Élysée, Édouard Balladur, a éprouvé le besoin de revenir sur les trois derniers mois de cette présidence alors qu’on lui a prêté un rôle qu’il conteste. Son récit, précis, jette une lumière crue sur une époque troublée par une maladie aux implications difficilement prévisibles, doublée d’une succession qui s’orchestre en coulisse sans dire son nom. Jusqu’à la fin, le chef de l’État valide les décisions – téléphonant ou signant de chez lui quand sa santé l’y oblige – et préside le Conseil des ministres. Seul l’écoulement des jours et les douleurs de plus en plus insoutenables ressenties par Pompidou trahissent les stigmates d’un pouvoir chancelant. Protégé par un exécutif solide, le Président semble malgré tout avoir conservé le pouvoir jusqu’à sa mort.
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MÉMOIRE FONCTION PUBLIQUE
UN STATUT, TROIS VERSANTS
GEORGES BENDRIHEM/AFP
En janvier 1984, une loi crée la fonction publique territoriale.
A
nicet Le Pors, ministre du gouvernement Mauroy, est à la manœuvre en ce début d’année 1984. Le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des Réformes administratives (au centre sur la photo, entouré de son directeur de cabinet à gauche et du directeur général de la fonction publique à droite), pilote le lourd chantier de la réforme du statut des fonctionnaires. Dans le sillage de l’œuvre décentralisatrice engagée par Gaston Defferre en 1982, cette remise à plat de
la fonction publique française s’imposait. Clin d’œil de l’Histoire, Anicet Le Pors est amené à opérer une refonte complète du premier statut général des fonctionnaires, instauré en 1946 sous l’égide de Maurice Thorez, communiste comme lui… Le 13 juillet 1983, est donc promulguée la loi « portant droits et obligations des fonctionnaires », commune à tous les agents publics, qui fixe les grands principes régissant leur
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statut. Mais cette loi n’est que le titre I d’un ensemble qui doit en comporter à terme quatre.
Ménager les particularités Car toute la difficulté consiste pour le secrétaire d’État à « combin[er] rationnellement unité et diversité des fonctions publiques ». Autrement dit à ménager, à l’intérieur de ce statut unifié, les particularités des trois « versants » que sont l’État, les collectivités territoriales et les hôpitaux. Si le titre II, concernant les agents de l’État – jusqu’ici seuls à disposer
d’un statut –, pose peu de difficultés, le titre III, créant celui des agents territoriaux, donne bien plus de fil à retordre, notamment en raison de la disparité des règles existantes et des craintes des élus locaux. Mais fort du soutien du Premier ministre Pierre Mauroy et des membres de son cabinet, Anicet Le Pors parvient à imposer cette troisième loi, promulguée le 26 janvier 1984. Ce n’est que deux ans plus tard que le titre IV, relatif à la fonction publique hospitalière, complète le dispositif. Laure Berthier
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