Analyse Emploi public
FF athlétisme
Ci-dessous, le sprinteur-douanier Jimmy Vicaut. À droite, le douanier-skieur Jean-Frédéric Chapuis.
Christophe Pallot/agence Zoom
Les douanes, usine à champions
viennent deux fois par jour s’entraîner à l’Insep, le prestigieux établissement public du ministère des Sports basé au cœur du bois de Vincennes. « Ici, beaucoup nous envient notre statut de douaniers, sourient-ils. Alors on travaille dur pour le conserver. » Pas une semaine ou presque sans un communiqué du ministère de l’Économie – auquel est rattachée la direction générale des douanes et droits indirects – vantant les exploits de l’un ou l’autre des judokas et de leurs collègues sportifs de l’équipe de France douane : Jimmy Vicaut, devenu champion d’Europe du 60 mètres, Jason Lamy-Chappuis, vainqueur de la Coupe du monde de combiné nordique, Marion Rolland, titrée en descente aux championnats du monde de ski, etc. « Nous sommes tous des athlètes de haut niveau, explique l’ancienne championne de France et d’Europe Pénélope Bonna (moins de 52 kg). Nous avons été recrutés sur des critères de performance. »
Comment l’équipe de France douane parvient-elle à glaner médailles olympiques et titres mondiaux ? Plusieurs sportifs de (très) haut niveau racontent à Acteurs publics leur statut d’athlètes-douaniers.
D
ans l’immense dojo de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), une cinquantaine de judokas ultraconcentrés enchaînent les prises et les rictus. « Plus vite, martèle leur entraîneur, on ne s’arrête
pas ! » Kimono blanc et ceinture noire, les douaniers Pénélope Bonna et Axel Clerget en terminent, bientôt rejoints par YvesMatthieu Dafreville, un grand costaud souriant. Lorsqu’ils ne sont pas en compétition aux quatre coins du monde, les trois judokas
Jason Lamy-Chappuis, champion olympique et multiple champion du monde de combiné nordique.
Christophe Pallot/agence Zoom
Tradition ancienne
Comment cette étonnante et très compétitive « équipe de France douane » est-elle née ? « Les douanes ont une tradition sportive ancienne, observe le directeur technique de l’équipe, François Simond, qui remonte à l’époque où les agents devaient surveiller à ski les frontières des Alpes et des Pyrénées. » Dans les années 1950, des conventions sont signées avec la Fédération française de ski, permettant aux douanes de recruter les plus grands, tel le triple médaillé d’or aux jeux Olympiques de Grenoble, Jean-Claude Killy. Plus tard, dans les années 1990, l’ad-
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ministration s’ouvre à d’autres disciplines. Aujourd’hui, 40 athlètes sous contrat composent l’équipe de France, recrutés dans six disciplines : le ski, l’athlétisme, l’escrime, le judo, le tir et la voile. « Ces disciplines correspondent à des missions que les agents sont susceptibles d’assumer », précise Yann Helouet, de la direction centrale des douanes.
À la Défense aussi… Le ministère de la Défense parraine
respectivement, le slalom géant
lui aussi des sportifs de haut
du dernier championnat du monde
niveau en ski, équitation, triathlon,
à schladming (autriche) et le
parachutisme, voile et tir. Les
20 kilomètres au championnat du
sergents Tessa Worley et martin
monde de biathlon de nove mesto
Fourcade ont ainsi remporté,
(République tchèque).
Payés entre 1 400 et 1 900 euros à l’entraînement. » Le soutien offre par ailleurs un statut permettant au sportif de bénéficier d’une protection sociale. « Le contrat avec les douanes couvre d’éventuelles blessures, prolonge le sprinteur Jimmy Vicaut. Cela lève certaines appréhensions. » Pas inutile pour des skieurs lancés à des vitesses folles ou pour des judokas habitués à martyriser leur corps. Au-delà de l’excellence sportive, le comportement des champions est scruté de très près.
« C’est clairement un contrat de communication. » François Simond, directeur technique de l’équipe de France douane
« L’attitude du sportif doit être exemplaire », prévient Yann Helouet. Alors les athlètes jouent le jeu. Ils suivent d’abord une formation de quelques jours, lors de l’entrée dans l’équipe de France, détaillant l’organisation et les missions de l’administration. Puis ils donnent un peu de leur temps quelques jours dans l’année. « Nous sommes des ambassadeurs des douanes, relève Jean-Frédéric Chapuis, qui se souvient d’une récente journée de la défense organisée à Grenoble. Les gens présents étaient contents de me voir, de me poser des questions. » Et de prendre la pose le temps d’une photo. L’opération séduction semble fonctionner auprès du grand public. Et en interne ? Le regard des syndicats de fonctionnaires, qui représentent les quelque 17 000 agents douaniers, est plus mitigé. Il y a ceux qui applaudissent. « Nous sommes toujours heureux d’apprendre qu’un douanier devient champion
Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes et droits indirects
« La douane façonne son image… »
Dr
L’aVIs de
Les contrats sont renouvelables, portent sur une période d’une année pour une fourchette de rémunérations comprise entre 1 400 et 1 900 euros. En échange de ce salaire mensuel, les sportifs s’engagent à assumer certaines missions. « C’est clairement un contrat de communication, résume François Simond. Les athlètes donnent une image moderne et positive des douanes. » Le sport comme vecteur de communication pour porter la notoriété d’une administration que le grand public assimile souvent aux fastidieux contrôles aux frontières ou dans les aéroports. Le partenariat serait donc gagnant-gagnant. « Ce contrat me permet de me donner à fond en compétition, se félicite Jean-Frédéric Chapuis, récent champion du monde de ski cross. Ma discipline n’est pas très lucrative. Certains de mes collègues sont obligés de dispenser des cours de ski pour vivre. C’est moins de temps consacré
« la douane française a une tradition sportive ancienne liée à la vocation opérationnelle de ses missions. elle ne fait toutefois pas qu’encourager la pratique du sport pour ses agents. elle façonne son image
d’administration moderne et dynamique en soutenant des athlètes de haut niveau depuis de nombreuses années. aujourd’hui, l’équipe de France douane compte 40 sportifs, présents dans 6 fédérations olympiques : l’athlétisme, l’escrime, le judo, le tir, le ski et la voile. grâce à des contrats renouvelables, la douane souhaite leur permettre de bénéficier d’une rémunération et d’une couverture sociale
pendant leurs années de compétition et favoriser leur intégration à l’issue de leur carrière sportive. elle les soutient ainsi tout au long de leur parcours d’athlètes de haut niveau, que ce soit dans leurs réussites ou dans les moments plus difficiles de leur carrière. par voie de concours interne, la douane leur offre la possibilité de rentrer définitivement dans l’administration. plusieurs
champions ont déjà intégré la douane. la douane est particulièrement fière d’accompagner et de suivre ses sportifs. et si cet engagement est aussi important, c’est parce que les membres de l’équipe de France douane incarnent les valeurs universelles du sport, qui sont également celles de la douane : la motivation, l’exemplarité et la performance. »
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d’Europe ou du monde, confie Roger Marteau, secrétaire général de la CFDT Douanes. Leurs excellents résultats sont un très bon outil de communication. » « Les athlètes portent l’image de notre administration, prolonge Vincent Thomazo, secrétaire général d’Unsa Douanes. C’est un motif de fierté que de les voir briller. » Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. « Ces sportifs vivent dans un monde séparé, regrette la CGT Douanes. Ils n’ont aucun lien avec nos services opérationnels. » « Leurs résultats sont excellents et nous ne crachons pas dans la soupe, appuie Jean-Marc Dupin, trésorier général de Force Ouvrière Douanes. Mais la communication autour de nos athlètes ne doit pas masquer les difficultés croissantes que rencontre notre administration pour assumer ses missions. » À en croire FO, quelque 350 à 400 postes sont supprimés chaque année, « hier dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), aujourd’hui via la Modernisation de l’action publique (MAP) ». « En vingt ans, le nombre d’agent a reculé de 22 500 à 17 000, insiste JeanMarc Dupin, alors que nos actions se sont considérablement élargies, encore récemment avec l’instauration de la taxe poids lourds et de nouveaux dispositifs de contrôle des importations et des exportations ». Une situation qui interpelle Solidaires Douanes. « Il y a d’un côté l’image très positive sur laquelle communique la direction via notre équipe de France,
La judokate Pénélope Bonna.
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champions
Le directeur technique, François Simond.
Athlétisme
Jimmy Vicaut
s’agace le secrétaire général Philippe Bock, et de l’autre la réalité que vivent les agents. Alors certains commencent à s’irriter… Les efforts doivent être fournis par tous. » Y compris par les sportifs ? « En cette période de restrictions budgétaires, il faut se poser la question du maintien de cette structure », glisse Philippe Bock. Un avis extrême que ne partagent toutefois pas les autres syndicats. « Ces athlètes ne sont pas surpayés, remarque ainsi Vincent Thomazo (Unsa). Ce n’est pas une ligne budgétaire très importante. »
« Penser à la suite »
Et puis, estime-t-il, l’équipe de France suscite des vocations : les sportifs sont nombreux, leur carrière terminée, à poursuivre leur parcours dans l’administration en passant le concours des douanes, tels les anciens médaillés olympiques Céline Lebrun (judo), Fabrice Guy, Ludovic Roux ou Sylvain Guillaume (combiné nordique), aujourd’hui fonctionnaires. Une perspective qui ne déplairait pas à la superstar du combiné nordique, Jason Lamy-Chappuis, lui qui confiait, à l’occasion d’un stage à la brigade de surveillance maritime de Hyères, son rêve de piloter un jour pour les douanes. Au dojo de l’Insep, l’entraîneur continue de motiver ses troupes. « On enchaîne ! » « Les douanes offrent une diversité très intéressante de métiers, souligne Pénélope Bonna. Je n’ai que 24 ans, mais la carrière au plus haut niveau est courte et il faut penser à la suite. » Peut-être passera-t-elle le concours de douanier dans quelques années. Pour l’heure, la judokate retourne sur le tatami. Motivée à l’idée de faire briller son équipe de champions. l Sylvain Henry
Escrime
Yannick Borel
Judo
Pénélope Bonna, Axel Clerget, Yves-Matthieu Dafreville, Benjamin Darbelet, Gévrise Emane
Tir sportif
Josselin Henry, Pierre-Edmond Piasecki
Voile
Nicolas Charbonnier, Emmanuel Dyen
Ski
Yannick Bertrand, Johan Clarey, Marie Marchand-Arvier, Marion Rolland, Taïna Barioz, Gauthier De Tessières, Thomas Fanara, Alexis Pinturault, Cyprien Richard, Sandrine Aubert, Julien Lizeroux, Thomas MermillodBlondin, Nastasia Noens, Jean-Guillaume Beatrix, Alexis Boeuf, Marie-Laure Brunet, Florent Claude, Marie Dorin-Habert, Pauline Macabies, Jean-Marc Gaillard, Aurore Jean, Maurice Manificat, Christophe Perrillat-Collomb, Sébastien Lacroix, Maxime Laheurte, Jason Lamy-Chappuis, Vincent Descombes-Sevoie, Jean-Frédéric Chapuis, Marion Josserand
FF judo
En chiffres
1 an
Durée du contrat signé avec l’administration
renouvelable : des douanes
90 podiums
pour les skieurs-
pour l’ensemble
1 400 à 1 900 euros
17 000
douaniers cet hiver
des skieurs français
de salaire mensuel
douanes
49 podiums
agents aux
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